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DIAGNOSTIC
Les tests de dépistage des anticorps anti-VIH sont souvent négatifs au moment
des symptômes de la primo-infection et le médecin devrait donc demander un
test de quatrième génération dosant simultanément un antigène viral circulant
(Ag p24) et les anticorps. Ces tests ont une excellente sensibilité et spécificité.
charge virale VIH devraient être effectués, par un deuxième prélèvement, dans
le laboratoire de confirmation. Ceci accroît considérablement la sûreté du dia-
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gnostic et permet en plus d’établir un bilan virologique du infection de la cohorte «genevoise» et la résistance pri-
patient positif pour le VIH. maire aux inhibiteurs de protéases a été retrouvée chez
En résumé, il existe trois types de marqueurs virologiques 4% de ces patients.6 En Suisse, ce taux de transmission de
plasmatiques pouvant être utilisés pour le diagnostic de primo- résistance est resté stable au cours du temps.
infection, qui sont, par ordre chronologique d’apparition:
1) L’ARN VIH (ou charge virale) : c’est le marqueur le plus
précocement détectable, dès dix jours après la contamina- MANIFESTATIONS CLINIQUES
tion. Les charges virales atteignent rapidement des titres Les symptômes cliniques sont présents dans au moins
élevés (supérieurs à 10 6 copies/ml), pour atteindre un pla- 75% des cas et surviennent entre la deuxième et la quatriè-
teau quatre à six mois après la contamination. En raison de me semaine post-exposition, mais ont été décrits dès le
son coût, du fait que la réalisation en urgence ne peut être septième jour. La présentation clinique la plus classique est
faite de routine dans tous les laboratoires, la mesure de celle d’un syndrome mononucléosique. La fièvre est pré-
l’ARN-VIH n’est donc pas recommandée en première in- sente dans 90% des cas, mais les autres symptômes les plus
tention, sauf en cas de très forte probabilité clinique et à fréquents sont la dysphagie, les céphalées, les myalgies,
condition d’être associée à la détection de l’Ag p24. l’asthénie et l’amaigrissement.7 Si de nombreuses manifes-
2) L’antigène p24 : il est détectable environ quinze jours tations cliniques peuvent accompagner ce syndrome, les
après la contamination et persiste une à deux semaines signes cliniques relevés le plus fréquemment sont cutanéo-
avant de se «négativer». muqueux, ganglionnaires, digestifs et neurologiques
3) Les anticorps anti-VIH : ils deviennent détectables par (tableau 1).
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élévation modérée des transaminases (deux à dix fois la
norme), qui disparaît en quelques semaines.
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lement un facteur limitant la prescription systématique d’un une période limitée à douze à dix-huit mois, suivie d’un
traitement précoce. Il s’agit surtout des effets indésirables arrêt de tous les antirétroviraux.22 Les stratégies d’immu-
survenant à moyen et long terme, en particulier morpho- nothérapie préalable à l’arrêt ont été abordées dans diffé-
logiques, métaboliques et cardio-vasculaires.17 De fait, plus rents essais cliniques avec des résultats intermédiaires ou
de la moitié des patients traités dans la cohorte PRIMO négatifs. Ces stratégies ne peuvent donc être recomman-
française a dû modifier ou stopper le traitement antirétro- dées dans la prise en charge des patients.
viral, principalement en raison de la tolérance.10 Les questions concernant la nécessité ou non d’un trai-
De plus, les arguments immunologiques ne sont pas tement en primo-infection restent actuellement sans ré-
tous en faveur du traitement précoce et certaines réserves ponse.23 Seul un essai international randomisé, comparant
peuvent être émises quant au bénéfice attendu d’initier un traitement initié d’emblée à un traitement différé, pour-
d’emblée une trithérapie par rapport à l’abstention théra- rait permettre de préciser les bénéfices cliniques et immu-
peutique. Les corrélations entre réponse immune spéci- no-virologiques à long terme.
fique anti-VIH et contrôle de la réplication virale restent
incertaines et l’existence d’une réponse spécifique n’est pas
constamment associée à un meilleur contrôle virologique CONCLUSION
après arrêt de traitement chez les patients traités en primo- La primo-infection VIH est très fréquemment symptoma-
infection.18 Par ailleurs, même les patients non traités déve- tique, mais les manifestations cliniques qui surviennent à ce
loppent et conservent à moyen terme une réponse spéci- stade de la maladie sont très peu spécifiques, ce qui rend
fique anti-VIH. Ceci explique que les arguments immunolo- son diagnostic difficile. Elle est associée, en cas de symp-
giques justifiant un traitement précoce afin de préserver les tômes importants, à une morbidité à court terme non négli-
réponses immunes soit remis en cause par certains auteurs. geable et une évolution à moyen terme plus rapide vers le
En dehors de rares cas rapportés de patients n’ayant pas SIDA. On préconise un traitement antirétroviral dans les
de rebond viral ou un rebond minime à court terme après meilleurs délais pour les patients ayant des symptômes
un arrêt de traitement en primo-infection, les études ré- sévères et durables et/ou en cas de déficit immunitaire
centes ne montrent pas de différence importante du niveau confirmé. L’absence d’études randomisées contrôlées éva-
stabilisé de charge virale entre des patients traités ayant luant les bénéfices cliniques et immuno-virologiques ne
interrompu leur traitement et des patients non traités, avec permet pas de répondre aux questions: faut-il traiter la
les limites de comparabilité des patients traités ou non.19-21 primo-infection VIH et comment? Il est donc recommandé
aux cliniciens de privilégier l’inclusion des patients dans les
Recommandations 22 cohortes pour poursuivre les études épidémiologiques.
Au cours de la primo-infection, le traitement est recom-
mandé dans les trois situations suivantes :
1. Si les symptômes sont sévères, en particulier en cas de
symptômes neurologiques et/ou durables. Le sujet de cet article a été proposé par le groupe de praticiens du
2. En cas de survenue d’infection opportuniste. Chablais.
3. S’il existe d’emblée un déficit immunitaire avec des lym-
phocytes T CD4 inférieurs à 200-350/mm3. Implications pratiques
En l’absence de décision de traitement, un suivi régu-
lier des paramètres cliniques, immunitaires et virologiques > Un dépistage VIH devrait être effectué devant toute infection
sexuellement transmissible et devant toute prise de risque
doit être assuré tous les mois pendant les trois premiers
mois, puis tous les trois mois la première année. Ultérieu- > Il convient de demander un test génotypique de résistance
rement, le suivi et les indications de la mise au traitement en cas de diagnostic de primo-infection
seront identiques à ceux préconisés pour les patients en
phase chronique de l’infection. > Un test de dépistage VIH doit être proposé au(x) partenai-
Le traitement recommandé est une association de trois re(s) du patient en primo-infection
antirétroviraux, pour obtenir une inhibition rapide de la > Il n’existe pas aujourd’hui d’essai thérapeutique randomisé
réplication virale, très active à cette phase de l’infection. pouvant permettre de répondre aux questions : faut-il traiter
Les modalités sont les mêmes que pour un patient naïf en et comment ? Il est donc primordial d’inclure les patients en
phase d’infection chronique.22 primo-infection dans des cohortes pour améliorer les con-
Il n’existe pas de consensus sur la durée optimale d’un naissances épidémiologiques
traitement antirétroviral débuté lors de la primo-infection,
> Il faudrait prescrire un traitement antirétroviral dans les meil-
ni sur les modalités d’arrêt éventuel de ce traitement. En leurs délais pour les patients ayant des symptômes sévères et
l’absence de données permettant de fixer une durée de durables et/ou en cas de déficit immunitaire confirmé
traitement, certains experts proposent de traiter pendant
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