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© Lavoisier | Téléchargé le 11/01/2024 sur www.cairn.info via FSEG Tunis - CNUDST (IP: 196.179.225.89)
L’article s’intéresse à l’usage des TIC au Musée National du Cameroun au
moment où se posent des questions sur la restitution de l’important patrimoine
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culturel africain domicilié en France. Dans un contexte africain d’insuffisances
de ressources, ce texte analyse les démarches de conservation et de valorisation
du patrimoine culturel muséal via les TIC. Une enquête quantitative et une
méthode qualitative, mobilisant des démarches interactionniste et
transactionnelle, ont mis en évidence : 1- des visiteurs au profil essentiellement
scolaire et universitaire ; 2- des médiations numériques et culturelles
exclusivement assurées par des guides muséaux ; 3- une faible autonomie du
public dans le parcours muséal ; 4- des caractéristiques ethniques et linguistiques
pour faciliter la compréhension et l’assimilation des connaissances culturelles
médiatisées ; 5- l’identification et l’enracinement culturels des publics par des
objets patrimoniaux médiatisés ; 6- des artefacts numériques actant comme
révélateurs de l’altérité et du sentiment d’appartenance culturelle et nationale.
La situation actuelle du Musée National du Cameroun, et par-delà d’un bon
nombre de musées africains, appelle des efforts de modernisation ;
d’appropriation des TIC et d’adaptation des offres de services dans une
perspective de développement durable.
1. Introduction
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aux représentants de l’autorité administrative française au Cameroun. Vers la fin
des années 1940, cet immeuble devient le palais des gouverneurs, jusqu’en
1950. À partir de 1960, les services de la Présidence du Cameroun y sont logés,
faisant de cette enceinte le théâtre central de la vie politique nationale jusqu’en
1980. Le bâtiment est transformé en Musée National du Cameroun en 1988.
Des travaux de rénovation y sont entrepris de 2009 à 2015, provoquant sa
fermeture durant six années. L’actuel Musée national s’étend sur une superficie
de 5000 mètres carrés, avec une trentaine de salles équipées en objets d’art,
divers outils d’exposition et de visite dont les TIC. Se positionnant comme le
symbole de la régénération et de la renaissance de la culture camerounaise, ce
musée donne à voir un riche patrimoine culturel constitué d’objets d’art divers
du Cameroun. Mais, cet important patrimoine semble contraster avec la
modicité des moyens affectés aux démarches de modernisation numérique des
activités du Musée national.
Tic au Musée : balbutiements, développements 147
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médiation numérique, muséale et sociale, comme précisé par De la Ville et
Badulescu (2018), cités par Badulescu (2018).
Le concept de médiatisation est considéré comme la mise en forme d’un
contenu à travers un média, un processus de création de dispositifs médiatiques
ou de communication dans lequel la scénarisation occupe une place
prépondérante tel qu’expliqué par Peraya et Meunier (2004), eux-mêmes
évoqués par Garsallah (2008).
Les usages « bricolés » sont entendus dans le sens de Comtet (2009), c’est-à-
dire comme captant la perspective exclusivement utilitariste de l’usage des TIC.
Cette approche dérive de celle de Lévi-Strauss (1962) qui étudie « l’intelligence
pratique des hommes », et de celle de Ciborra (2004b) qui se penche sur le fossé
entre la théorie de l’usage des TIC et la pratique du développement de ces
dernières ; pour mettre à jour des « pratiques d’improvisation et de
débrouillage ». Ceci permet de comprendre comment le personnel du Musée
national fait parfois preuve d’inventivité, à partir de l’équipement disponible
mais insuffisant/non adapté, pour atteindre des objectifs de médiation.
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ces interactions » (Morissette, 2010, § 07 du document en ligne). C’est ici que les
fondements de la sociologie compréhensive de Mead (2006), constitués par les
problématiques liées à l’univers des significations auxquelles les acteurs se
réfèrent, ainsi que par les logiques qui sous-tendent leurs actions ; croisent les
approches de la réception et des représentations propres aux SIC. Ce qui au
demeurant fait écho aux constats d’Eidelman et al. (2013, § 09 du document en
ligne), selon lesquels « Les travaux qui portent spécifiquement sur la réception des
expositions se trouvent au carrefour de plusieurs domaines de recherches, dont la psychologie et
les sciences de l’éducation, la sociologie de l’art et de la culture, les sciences de l’information et
de la communication ». Le présent travail s’inscrit ainsi dans le sillage des premières
études d’évaluation – au XXe siècle aux États-Unis avec Samson et al. (1989) –
des expositions muséales axées sur la réception. Dans le cadre de cette
réflexion, il s’agit de considérer de manière précise comment le visiteur-acteur
est en interaction constante avec la situation muséale et dans quelle mesure sa «
visite est une expérience sociale, culturelle, affective, voire politique, qui s’intègre dans des corps
de pratiques et dans des rapports aux territoires, aux institutions, aux médias ». (Eidelman
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notamment produire des connaissances et des savoirs.
L’approche transactionnelle est ici consignée du point de vue des Sciences
de l’Information et de la Communication, SIC, c’est-à-dire sous leur aspect
communicationnel au sens de Renault (2007) : en plus de la dimension
matérielle, les transactions comportent également une dimension communica-
tionnelle, ceci par la perspective commune aux acteurs en situation qui
mobilisent un langage qui leur est propre. Cette pensée fait écho à celle de
Dewey (1938, 106) qui expliquait que l’approche transactionnelle oblige
« l’individu à adopter le point de vue des autres individus, à voir et à enquêter d’un point de
vue qui n’est pas strictement personnel, mais leur est commun à titre d’“associés” ou de
“participants” dans une entreprise commune ». Y faisant suite, Zacklad montre que « le
concept de transaction, que nous empruntons à Dewey et Bentley (1949), correspond […] à
des interactions productives, le plus souvent associées à des rencontres (mais pouvant être
également largement asynchrones), permettant la transformation d’un artefact médiateur et des
personnes parties prenantes pour réaliser une performance». (Zacklad, 2013, 193).
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4. Considérations méthodologiques
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des focus group, tant au niveau du personnel du musée que du public visiteur,
notamment dans le but de verbaliser chez ces derniers, les représentations et
sens qu’ils conféraient à leur parcours de visite.
Sans nier l’importance des concepts théoriques, nous exposons des données
issues du terrain, nous situant dans le courant de pensée de Urbas (2014, 312)
selon lesquelles «… du point de vue des SIC, l’analyse de situations concrètes permet de
Tic au Musée : balbutiements, développements 151
dépasser le seul cadre d’une transmission d’informations, pour s’interroger sur l’importance des
formes du tiers dans le contexte de construction du sens ».
Après avoir décrit les missions assignées au Musée national ainsi que le
patrimoine culturel que donne à voir cette institution, nous abordons tour à
tour les équipements TIC en place au musée, le profil des personnes y
travaillant, ainsi que les perceptions qu’elles ont de l’usage des TIC au sein de
cet établissement.
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Les visiteurs peuvent découvrir dans ce musée des ressources
patrimoniales : des instruments de musique traditionnelle du Cameroun exposés
dans trois salles, des parures et tenues « locales » mises en vitrine dans une autre
pièce ; une galerie des styles « architecturaux du terroir » de diverses régions du
Cameroun meublant une salle au rez-de-chaussée. Ici sont magnifiés
l’esthétique, les savoir-faire et les matériaux locaux du Cameroun. Dans la partie
supérieure du musée, le visiteur peut contempler des archives photos qui
retracent l’histoire politique, sociale, économique et culturelle du Cameroun,
ainsi que l’exposition de quelques collections du Musée des Peuples de la Forêt,
exposition consacrée exclusivement à la maternité, et qui symbolise la naissance
douloureuse de la nation camerounaise. Le musée comporte aussi un espace
réservé à la cohabitation entre des symboles du pouvoir traditionnel et des
emblèmes et sceaux du pouvoir moderne. Une salle a été aménagée pour
recevoir des objets archéologiques issus de différentes fouilles effectuées par
des chercheurs camerounais et étrangers, et une section constituée de cinq
stands expose des collections en poterie et des calebasses ayant servi d’objets
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usuels à différents peuples du Cameroun. Nous présentons plus loin les objets
patrimoniaux médiatisés par les TIC (voir tableau 4).
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Globalement, on note au Musée national l’absence de stratégie numérique
clairement définie. Un tel cadre devrait pourtant inspirer les démarches
d’équipement du musée en TIC, ainsi que le développement de leurs usages.
Les contenus numériques existants restent à développer, afin d’assurer entre
autres l’interactivité et emmener le visiteur à gagner en autonomie.
5.1.4. Des compétences diverses et le défi de la formation aux usages des TIC
S’agissant du profil socio-professionnel du personnel du Musée,
l’établissement a à sa tête deux universitaires (le directeur et son adjoint sont
des enseignants-chercheurs d’Université d’État), alors que les médiateurs
culturels, au nombre de 42 – la majorité ayant un niveau de formation Bac +3
avec un statut d’agent contractuel–, sont de profil divers : historiens,
archéologues, anthropologues, sociologues, littéraires, juristes, économistes,
informaticiens et instituteurs. On dénombre ainsi 4 titulaires d’un Master de
Recherche, 5 employés qui sont en deuxième année du Cycle de Master, 28
titulaires d’une Licence, 2 instituteurs, 2 titulaires du diplôme de BTS, 1 titulaire
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5.2.1. Acteurs muséaux, numérisation et bricolage
Les dirigeants du musée affirment que les pratiques de numérisation portent
sur les fiches d’inventaires, la conception des cartels et des collections
spécifiques destinées aux expositions. Plus de 2500 fiches d’inventaires
conservées dans les réserves et destinées aux salles d’exposition ont ainsi été
numérisées. Ces opérations ont été effectuées par les gestionnaires du
patrimoine culturel et les guides du Musée national, lesquels il convient de le
relever, ne sont pas des spécialistes de la numérisation. Ces employés citent les
clés USB et le recours aux disques externes comme supports de la
numérisation. On observe également ici, les avantages recherchés lors de la
numérisation des biens culturels tels que les livres : capacité de stockage élevée
et visibilité pour les œuvres, comme le soulignait Benghozi (2011, 114) :
« …la numérisation évite la limitation physique du stockage que connaissent bien
tous les amateurs de livres : elle permet en effet une accumulation “mécanique” de
l’offre proposée aux consommateurs puisque chaque œuvre reste désormais toujours
accessible : dès lors, l’ensemble des œuvres disponibles ne fait que croître…».
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celui fréquentant les institutions culturelles. Elle démultiplie l’accès aux fonds,
favorisant ainsi la démocratisation culturelle et la transmission des savoirs. De plus,
des services numériques sont souvent associés à la publication sur le Web tels que les
outils d’interrogation pour accéder aux collections textuelles ou la demande de
reproduction des œuvres numérisées par exemple… Par ailleurs, le patrimoine peut
bénéficier d’une offre éditoriale associée à des services numériques culturels (expositions
virtuelles, dossiers pédagogiques, dossiers thématiques, archives à voix haute…) ».
Les modalités d’accès – au grand public – et d’usage des données muséales
numérisées demeurent inexistantes. On peut aussi penser que l’absence de
normes dans les opérations de numérisation apparaît comme un frein aux
opérations de mise en visibilité digitale, telles que celles déployées par Google Art
Project.
Les opérations de numérisation et de digitalisation du patrimoine muséal
sont effectuées presqu’au petit bonheur, grâce au volontarisme de certains
personnels : ces activités ne s’inscrivent dans aucun projet/programme
scientifique et culturel du Musée national, qui ne s’est au demeurant pas doté
Tic au Musée : balbutiements, développements 155
5.2.2. Usages des TIC au Musée National et valeur ajoutée du point de vue du personnel
Pour le Directeur adjoint de l’institution, les TIC progressivement
introduites au Musée national, modifient/reconfigurent les activités de cet
établissement, en ce sens qu’elles :
– participent à l’inventaire et à la valorisation des collections muséales à
travers la numérisation des œuvres ;
– contribuent à la production des prospectus et des catalogues, assurant
ainsi la visibilité et la promotion des collections ;
– permettent d’assurer la communication sur les pages Facebook, Blog, ainsi
que sur les groupes WhatsApp. Ceci donne lieu à des échanges fructueux sur
des thématiques concernant le musée, tout en créant du trafic sur son compte
Facebook.
Pour le reste du personnel en service au Musée national, la valeur ajoutée
issue de l’usage des TIC se décline en termes :
– de communication de proximité entre employés du musée ;
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– d’expositions des collections hors du musée par les médiateurs culturels –
dans les écoles et au cours des festivals ;
– d’amélioration du discours des guides et d’autonomisation de certains
visiteurs ;
– de visibilité résultant des visites officielles de dirigeants étrangers au musée
et de celles du public en général.
Les dirigeants du Musée national ne manquent pas de souligner qu’une
meilleure appropriation de l’objet patrimonial muséal, une meilleure valorisation
et vulgarisation de sa richesse, ceci par les TIC, passent par plusieurs mesures :
– le recyclage des deux informaticiens affectés au Musée : actualisation des
compétences en infographie, gestion des collections, photographie…
– la création d’un site internet dédié au Musée national ;
– la création d’un musée virtuel ;
– l’actualisation des compétences des médiateurs culturels, notamment pour
ce qui concerne l’appropriation des outils TIC mobilisés dans les musées ;
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5.3.1. Étude quantitative auprès des publics visiteurs : le discours de l’institution, les usages
des TIC et les représentations
Les lignes qui suivent font ressortir les caractéristiques de la pratique de
communication menée par le Musée National du Cameroun, l’évolution de ses
taux de fréquentation, le profil des publics visiteurs couplé à leurs usages des
TIC en musée et les perceptions qui en résultent.
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thématiques principales : la diversité culturelle du pays qui compte 250 ethnies -
« Cameroun : Afrique en miniature » – réparties en 4 grandes aires culturelles, la
marche vers l’Unité nationale, le développement économique et socioculturel
du pays. Ceci se traduit par la nature et le style des objets patrimoniaux exposés.
Une des spécificités de cette communication muséale réside sans doute dans
l’expression en langues locales des cartels ; ceci dans le but de mieux exprimer
l’authenticité des œuvres visibles, et de valoriser le patrimoine linguistique local.
Le recours à l’argot local – en fonction du profil des publics visiteurs – par les
médiateurs culturels (cf section 5.3.2.1.), constitue aussi une originalité de cette
institution.
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Ces usages n’apparaissent donc plus forcément comme des usages
« détournés/voulus » (Peraya et Bonfils, 2014), mais plutôt comme des usages
« instruits ». Cet état de fait peut être une inhibition à des démarches de
« détournement » dans les usages, voire à la créativité.
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Sociologue 1
Vétérinaire 1
On peut aussi observer que seule une faible proportion du public hors
scolaire et hors universitaire fréquente le Musée National. Il semble que le
musée n’est pas un produit dans la liste des consommations culturelles
régulières du public en général. Le nombre élevé d’élèves et d’étudiants peut
signifier qu’ils s’y rendent essentiellement pour réaliser des recherches prescrites
dans le cadre de leurs activités ; ce qui peut les étiqueter comme des « visiteurs
contraints ». Le reste du public vient au musée par curiosité et pour affiner ses
savoirs et pratiques culturels. Ces résultats montrent que des efforts restent à
faire pour diversifier et « équilibrer » en nombre ses types de « clientèle » au
Musée National du Cameroun.
Plus de la moitié des effectifs interrogés se considère d’un niveau d’usage
TIC bon (29 sur les 84), voire très bon (23 sur les 84) tel que le montre le
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tableau 2 ci-après. Ceci semble s’expliquer par le profil jeune des publics dont la
majorité a un âge compris entre 11 et 28 ans comme vu supra. Compétent d’une
manière générale en matière de TIC, ce public ne semble cependant pas
s’approprier les outils numériques disponibles au Musée National. Ces visiteurs
perdent tout savoir-faire devant le couple « musée-TIC ». On retrouve là une
situation identique à celle que décrivaient Schmitt et Meyer-Chemenska (2015,
55-56) concernant l’usage des TIC en musée :
« …le visiteur doit à chaque fois réapprendre l’ergonomie et la navigation qui mettent
à l’épreuve ses capacités d’utilisateur. Au mieux, le dispositif constitue une intrigue à
laquelle le visiteur trouve une réponse qui lui convient. Au pire il reste une énigme et le
visiteur entre dans un labyrinthe séquentiel contraignant qui peut absorber toute son
énergie, avant même qu’il n’arrive à entrevoir le début de ce qu’il espérait trouver », et
« À travers la monstration de la technologie, les dispositifs numériques imposent sans
cesse aux visiteurs de revoir leurs habitudes ergonomiques et leurs compétences
techniques. Ce faisant, ils font parfois subir aux visiteurs une certaine forme de
violence ».
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Réponses validées Moyen 20 23,8
Réponses validées Bon 29 34,5
Réponses validées Très bon 23 27,4
Réponses validées Total 75 89,3
Réponses manquantes System 9 10,7
Total 84 100,0
Statistiques descriptives
N Effectif Fréquence Écart type
Borne interactive 84 15,00 ,1786 ,38529
Tablette numérique Ipad 84 31,00 ,3690 ,48545
Tablette numérique Ipod 84 7,00 ,0833 ,27805
Cédérom 84 1,00 ,0119 ,10911
DVD 84 9,00 ,1071 ,31115
Audioguide 84 15,00 ,1786 ,38529
Téléphone portable personnel 84 27,00 ,3214 ,46983
Valid N (listwise)
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Il importe cependant de relever que les 84 visiteurs interrogés déclarent tous
utiliser de manière assistée les TIC présentes au musée. Ils se font accompagner
notamment par les médiateurs culturels en service (62 répondants) ou d’autres
personnes leur tenant compagnie (15 répondants). Le même résultat montre
que peu de répondants (3) disent avoir recours aux autres visiteurs se trouvant
au même moment qu’eux dans le musée. On relève donc une forte confiance
accordée aux médiateurs culturels par les visiteurs, pour ce qui concerne l’usage
des TIC dans ce musée. On peut penser qu’ici aussi se développent : « …des
aspirations à une nouvelle proximité entre l’usager et l’institution qui met des informations à
sa disposition », au sens de Vidal (2003, 62).
Les réponses montrent que 55 des 84 répondants souhaitent être
accompagnés de bout en bout par le médiateur culturel lors d’une visite au
musée mobilisant des TIC. On relève, comme mentionné plus haut, une faible
autonomie chez ces visiteurs dans l’usage des TIC lors du parcours muséal. Ils
sont loin de construire par eux-mêmes leur visite. Cette « assistance » au visiteur
dans l’usage des TIC en musée peut se lire comme la manifestation d’une
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les objets qui leur sont présentés, alors que 31 individus disent par ce biais
mieux découvrir les auteurs des œuvres. Les échanges sont approfondis avec les
médiateurs culturels selon 24 des répondants, alors que 15 visiteurs sur les 84
interviewés disent que le recours aux TIC lors de leur parcours muséal leur
permet de développer une inspiration artistique. On peut d’après ces résultats
penser que la médiatisation des œuvres couplée à la médiation – assurée par le
personnel du musée – facilite et améliore la connaissance culturelle des
visiteurs, en même temps qu’elle inspire leur créativité.
Les réponses montrent que 56 des 84 répondants trouvent « enrichissants »
les contenus TIC du Musée national, alors que 58 les qualifient d’« édifiants ».
On peut penser que le recours aux TIC rend plus profondes les connaissances
liées aux objets exposés, en apportant plus de détails – visuels et audio – dans
les informations. Le caractère « édifiant » et « enrichissant » des contenus TIC
du musée semble cependant contraster avec le faible niveau d’interactivité – 33
des 84 répondants – que leur accordent les visiteurs. Cela est probablement dû
à l’un ou à la combinaison des facteurs suivants : le faible niveau de
compétences des visiteurs dans l’usage des TIC en musée – comme vu supra –,
Tic au Musée : balbutiements, développements 163
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fournit aux besoins de ses nombreux utilisateurs que sont les élèves et les
étudiants. Le musée leur procure sans doute des informations recherchées dans
le cadre des devoirs scolaires/académiques, par la médiation assurée par son
personnel. Cependant, l’acquisition d’un matériel mieux adapté, ainsi que
l’élaboration des contenus interactifs demeurent des défis.
Les visiteurs interrogés (55 sur les 84) précisent ne pas effectuer de manière
générale, la visite du site internet d’un musée avant leur visite sur place. Cela
peut s’expliquer par une volonté d’entretenir le goût de la surprise et de la
découverte, ainsi que celle de vivre physiquement, voire « charnellement »
l’objet patrimonial muséal. Ceci semble conforté par le fait que 42 des 84
répondants préfèrent visiter un musée « réel » plutôt qu’un musée virtuel. On
relève cependant que 36 de ces répondants disent vouloir expérimenter les deux
visites de musée. Plus de la moitié des interviewés (43 sur les 84) pense au
demeurant qu’une visite du musée physique devrait toujours être couplée à une
visite du musée virtuel. De manière globale, les personnes interrogées sont pour
une visite préalable du site physique du musée, complétée par une visite du site
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apparaît au demeurant faible : seulement 1 répondant sur les 84 affirme être
venu suite aux interactions développées via le compte Facebook du musée.
Les données révèlent également que les contenus médiatisés par les TIC
génèrent des échanges entre des visiteurs à priori inconnus les uns des autres
(54 des 84 répondants). Des formes de communication ayant pour objet
l’expérience vécue via les outils TIC mobilisés viennent briser la glace du silence
d’usage que l’on observe entre inconnus dans un lieu public. Les TIC utilisées
au musée apparaissent comme des artefacts potentiellement générateurs de lien
social entre publics inconnus.
On peut observer que le bouche-à-oreille reste le moyen privilégié par les
visiteurs du musée (59 des répondants), pour ce qui concerne le partage de leur
expérience muséale. Ce canal de dissémination des bonnes pratiques est préféré
au buzz (Internet), en dépit d’un usage généralisé des TIC chez ces publics
essentiellement jeunes. Le contexte socioculturel peut être explicatif du choix
de ce canal par ces visiteurs : en Afrique, le bouche-à-oreille apparaît comme
l’un des moyens préférés pour la diffusion des nouvelles/conseils, même si l’on
Tic au Musée : balbutiements, développements 165
5.3.2 L’enquête qualitative menée auprès des publics visiteurs : résultats empiriques et
théoriques sous les approches interactionniste et transactionnelle
Pour l’enquête qualitative, nous avons pu verbaliser 30 des 84 visiteurs de
l’enquête quantitative. Les entretiens se sont déroulés avec 20 visiteurs
camerounais et 10 étrangers, dont 3 formant un groupe. Nous effectuons une
analyse des données obtenues d’abord sous le prisme de l’approche
interactionniste, ensuite à l’aune des principes du courant transactionnel.
– Le contexte
La Cameroun, pays d’Afrique Centrale dans lequel se déroule l’enquête,
compte plus de 250 ethnies. Le français et l’anglais y sont les deux langues
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officielles, alors que plus de 200 langues vernaculaires y sont parlées, et l’argot
franglais, mis au point par une population urbaine jeune est courant dans les
principales villes du pays.
L’environnement physique du musée est constitué de bâtiments aux allures
de palais mêlant style colonial et modernité. Cette infrastructure a été rénovée
de 2009 à 2015. Le musée est doté d’équipements TIC décrits dans les sections
précédentes.
– Consommation des contenus culturels au Musée : biens patrimoniaux médiatisés par les TIC
Dans un parcours encadré par l’accompagnateur pédagogique et les
médiateurs culturels, il est donné à voir aux élèves des objets de l’exposition liés
à l’Histoire – politique, sociale, culturelle et sportive – du Cameroun, avec un
accent mis sur les caractéristiques et spécificités propres à chacune des aires
culturelles du pays, mais également sur leurs points communs. Les œuvres
exprimant la conquête de l’indépendance et illustrant la mise en place de l’État-
Nation, la construction de l’Unité nationale, les victoires sportives, sont
privilégiées. Le public universitaire, plus libre dans la déambulation, semble
davantage s’intéresser à l’authenticité et au caractère esthétique des œuvres
d’art, porter un regard critique sur celles relatant l’Histoire socio-politique et
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économique du pays.
Le tableau 4 synthétise les contenus patrimoniaux « médiatisés » par les
outils TIC présents au Musée National du Cameroun, lesquels sont offerts en
« consommation » aux visiteurs.
– L’influence des interactions muséales dans les processus de construction des savoirs
La présence du professeur d’histoire, accompagnatrice des 8 élèves, donne
lieu à des échanges divers : entre l’enseignant et les médiateurs culturels, entre
l’enseignant et les élèves – le pédagogue intervenant de temps à autre pour
montrer des illustrations de son cours à travers des objets culturels « médiés» du
musée –, entre les élèves et les médiateurs culturels, et entre les élèves. On
perçoit une forte influence du parcours muséal par les interventions de
l’enseignant. Les médiations pédagogiques issues des milieux scolaires et
universitaires orientent ainsi celles déployées en musée en faveur des élèves
notamment, « encadrant » ainsi la visite muséale des élèves en groupe.
Tic au Musée : balbutiements, développements 167
Tableau 4. Contenus culturels médiatisés par les outils TIC et offerts à la « consommation »
au Musée National du Cameroun
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Ndziba, Efumbidi, Esani, rite de veuvage…), les Mbog Bassa (festival
DVD
Mbog Liaa, Ngandi li soble, Ngand likwé, Ngand libii, Ngand
mathob…), les Bamiléké (culte des crânes aux ancêtres, rite de la
circoncision, cérémonie des jumeaux…)
Fournit des informations sur l’histoire de la fabrication des objets
patrimoniaux et sur les fabricants eux‐mêmes; livre une description
historique des techniques employées par les artisans à travers les âges
Cédérom
et les temps, fait parler les artistes/artisans aux côtés de leurs
créations. Les cédéroms sont sous plusieurs formes : textes,
photographies et séquences vidéo.
Contenus essentiellement audio, portant sur les cartels et les textes se
Audioguide
rapportant aux objets mis en exposition.
du Cameroun notamment dans sa flore et sa faune, son habitat qui varie suivant
les aires culturelles et géographiques ; ses 200 langues locales ; ses symboles
culturels qui varient d’une ethnie à une autre » ; comme le déclare Simon, l’un
des 2 étudiants. Ainsi, « tout ce qui est enseigné dans les livres est ici vécu en
vrai, ce qui permet de mieux assimiler de façon rapide et durable, l’histoire
culturelle, artistique, politique ; bref l’Histoire du Cameroun ; ceci par la vue, le
toucher et l’ouïe, et même parfois l’odorat », affirme Léopold, étudiant à
l’Université de Yaoundé 1. Il semble donc que la médiation et la médiatisation –
notamment par les TIC – du patrimoine culturel muséal donne lieu à une
réification et une meilleure assimilation des concepts enseignés en éducation
formelle. Les façons d’enseigner et d’apprendre sont aussi renouvelées par des
méthodes de médiation et de médiatisation relevant de « l’éducation
informelle », en l’occurrence de la visite en musée. L’action de l’enseignant en
éducation formelle se trouve prolongée/complétée par celle du médiateur
culturel dans « la perspective selon laquelle l’enseignement se réalise dans une suite infinie
d’interactions indéterminées, à travers lesquelles se négocient et se construisent des
représentations et des réifications des savoirs reconnus comme légitimes dans une société
donnée… », comme le montrait Thomas (1923), lui-même évoqué par
Morrissette (2010, § 12 du document en ligne). Ces nouvelles façons
d’enseigner et d’apprendre vont dans le sens conféré aux notions de musée et
de TIC, en tant que dispositifs de médiation des savoirs induisant de nouvelles
démarches d’acquisition des connaissances. Il s’agit là d’un ensemble constitué
de supports techniques variés – relevant de l’audiovisuel, de l’informatique, du
multimédia, de la médiathèque…– et de différents lieux de constitution et de
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transmission des savoirs. Vol (1998, 67) montre que ces artefacts mettent :
« à disposition des utilisateurs apprenants non plus seulement des contenus relevant de
la logique formelle, mais aussi des environnements aménagés, dont l’expérimentation
permet l’appropriation d’agencements d’informations et la familiarisation avec des
démarches d’acquisition de connaissances privilégiant la manipulation, l’essai, les
comportements affectifs, expérientiels, créatifs, ludiques, etc. ».
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moteur principal de la fréquentation des œuvres et de la culture) » (Bordeaux,
2014, 77). Cette réflexion partage l’analyse des « actes sémiques de réception »
des visiteurs du Musée Granet d’Aix-en-Provence de Passeron et Pedler (1991).
L’exposition est ainsi comprise comme un média de communication par lequel
s’élabore un processus de significations (Schiele et Boucher, 1987 ; Veron et
Levasseur, 1989). C’est que « L’ambition est autre : il s’agit d’articuler l’analyse
sémiotique de l’exposition avec l’analyse de la construction de sens effectuée
par les visiteurs » (Eidelman et al., 2013, § 17 du document en ligne).
temps qu’ils s’interrogent sur le fil d’Ariane des œuvres exposées, comme le
constatait déjà Bonniol (2009). Des éléments relevant du vécu expérientiel
antérieur du musée paraissent déterminants de la perception du visiteur, mais
aussi de l’efficacité de la médiation et de la médiatisation technologique d’un
parcours muséal.
Les étudiants qui affirment parler leur langue maternelle, tout comme ceux
qui disent parler au moins une langue locale apprise à l’école, semblent montrer
une meilleure compréhension des thématiques expliquées par l’exposition
muséographique. Ainsi, Stéphane, élève en classe de terminale qui affirme
parler couramment l’Eton et le fufludé – deux langues nationales –, dit saisir
rapidement la signification des cartels rédigés en ces langues, ainsi que la portée
symbolique des œuvres qu’ils illustrent. On peut penser que les facteurs
culturels – notamment linguistiques – propres aux publics visiteurs influencent
– dans ce cas facilitent – la compréhension des expositions en musée. Ceci va
dans le sens des travaux de Kassarjian (1980) qui montrent que l’analyse de la
consommation des biens culturels doit prendre davantage en compte l’existence
d’une culture liée à la spécificité des biens culturels eux-mêmes, plutôt que
l’appartenance sociale des individus.
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pourtant nous permettre de mieux apprécier la matière avec laquelle ces objets d’art sont
fabriqués, de même que les techniques mobilisées par les artistes, se plaint Léopold,
étudiant en arts plastiques à l’Université de Yaoundé 2. Lue sous l’approche
transactionnelle, cette plainte semble refléter un blocage à un apprentissage
complet dont la combinaison de facteurs psychologiques, temporels et
environnementaux en situation de visite devrait pourtant aboutir.
Les visiteurs camerounais parlant au moins une langue nationale semblent
retrouver plus rapidement le sens et l’authenticité des œuvres culturelles
exposées, en même temps qu’ils parviennent à mettre à jour les similitudes
culturelles entre quelques ethnies du Cameroun, au cours de leurs échanges
avec les médiateurs culturels. C’est ainsi que Henri, 14 ans an classe de 3e et
s’exprimant en langue Manguissa répandue dans le département de la Lékié,
retrouve l’ancêtre commun et le lien culturel avec les Babouté du département du
Mbam, lors de la projection des contenus audiovisuels décrivant les rites de ces
deux ethnies, et des échanges subséquents avec les médiateurs culturels. Une
meilleure compréhension/connaissance des autres cultures locales, la
Tic au Musée : balbutiements, développements 171
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entre en concurrence avec les objets exposés, phagocytant ainsi toute l’attention
pourtant recherchée par la médiation et la médiatisation – via les TIC
notamment – des objets culturels, pour aboutir à une construction de sens
périphérique ou éloignée de l’évènement exposition.
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de bien préciser les objectifs liés à une stratégie numérique.
Les gouvernements africains doivent également jouer pleinement leur rôle,
en prenant conscience des enjeux dont est porteur le numérique pour le
patrimoine culturel, et en investissant par conséquent dans des projets et
programmes bien pensés. Cela passe par des efforts d’équipements, la
formation des personnels et l’accessibilité des outils aux publics.
L’acquisition des équipements allant dans le sens des besoins identifiés aussi
bien au niveau du public que du musée, doit en même temps sortir des logiques
de fascination. Autrement dit, comme pour Schmitt et Meyer-Chemenska
(2015, 9), il s’agit de
…rendre la technologie davantage bienveillante pour les visiteurs, la rendre moins
visible, plus ordinaire, moins fascinante, de façon à pouvoir penser et travailler une
écologie de la médiation instrumentée. En ce sens, c’est bien le post-numérique dans les
musées qu’il faut envisager aujourd’hui. Car c’est de l’effacement des interfaces par les
usages dans le quotidien que viendra l’opportunité de penser ces dispositifs au service
des visiteurs.
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que : « …les collections d’objets sont la composante la plus importante d’un musée et ce qui le
distingue des autres institutions, comme les bibliothèques » et que : «… l’intérêt des objets
est diminué lorsqu’ils sont présentés sans aucune information sur leur provenance et
l’interprétation des objets par le musée fait partie de sa raison d’être » comme le
soulignaient Bowen et al. (1998, 121) ?
L’observation in situ nous a permis de constater que les fichiers numérisés
donnent lieu à peu d’interactivité avec les visiteurs. Il importe de sortir d’une
démarche automatique de la numérisation pour mieux intégrer les utilisations
des bases de données qui en résultent. Il s’agit de faire du patrimoine culturel
des musées un « …écosystème social où les femmes et les hommes interagissent avec des
savoirs, des objets et des paysages, en référence à la création autant qu’au souvenir » (Vidal,
2003,66).
C’est que : L’idée d’une interactivité informatique joue un rôle crucial dans le cadre des
relations usagers/musées médiatisées par ordinateur », en plus du fait « que les contenus
muséaux numérisés soient accessibles, voire manipulables via des réseaux
174 Les cahiers du numérique – n° 1-2/2019
Une veille sur Internet peut permettre aux musées africains de capter les
opportunités offertes par certaines plateformes numériques telles Google Art ou
Virtual Library muséums pages ; l’annuaire virtuel (http://www.icom. org/vlmp/)
conçu et mis en ligne par Bowen et al. (1994), et sélectionné en 1996 par le
Conseil International des Musées (ICOM). Cet annuaire permet selon leurs
auteurs, la jonction des professionnels et bénévoles des musées à travers le
monde, assure un accès aux visiteurs virtuels en ligne et offre des échanges
d’informations propres aux musées.
Il s’agit en effet de saisir dans une démarche de gagnant-gagnant – en
s’assurant du respect du droit des auteurs –, les nouvelles opportunités de
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visibilité de la Toile. Dans l’univers effervescent des plateformes numériques,
les managers de musée et les auteurs des œuvres d’art doivent notamment être
attentifs au fait que « …des évolutions montrent que si, à court terme, les producteurs et les
créateurs de contenus ont pu espérer tirer profit des nouvelles technologies, à long terme ce sont
plutôt de nouvelles plateformes, situées au niveau de la diffusion, qui s’approprient ces
technologies pour redéfinir les stratégies commerciales et capter, in fine, l’essentiel de la
valeur », comme le relevait Benghozi (2011).
L’Afrique, qui apparaît vulnérable à la cybercriminalité – du fait notamment
de la faiblesse, voire de l’inexistence du droit numérique dans ses États –, doit
aussi penser aux mesures de sécurité en ligne, en veillant notamment à la nature
des informations – noms des mécènes, titres des œuvres d’art en restauration,
auteurs, etc.– diffusées sur les plateformes numériques des musées.
Tic au Musée : balbutiements, développements 175
Il importe de faire migrer vers des standards internationaux, les 2500 fichiers
du Musée national déjà numérisés, et d’en faire un usage optimisé par une offre
de services adaptée aux « clients du musée ». Des exemples peuvent inspirer
cette démarche, à l’instar des bonnes pratiques partagées par Bowen et al. (1998,
113) dans leurs études de cas sur l’évolution des sites internet des musées en
France :
« Au début, il ne s’agissait que de pages Web qui offraient un lien avec les bases de
données de la librairie du musée, mais on a vite perçu ses potentialités en matière de
promotion des activités du musée et d’information sur les nouvelles expositions ».
Il importe pour le site web en construction, d’intégrer rapidement les
innovations à sa portée. Il s’agit donc, au-delà d’être une simple vitrine des
activités du musée, d’apparaître comme une plateforme de services proposant
des expositions, parcours et visites virtuelles, des fora, « dossiers scientifiques en
images et textes, jeux et expériences en ligne, magazines, présentations de colloques, recueils de
conférences, rubriques…» à l’instar des musées français décrits par Vidal (2003, 65).
Le musée, par un recours aux dispositifs numériques, doit permettre de
transformer la visite – physique/et virtuelle – du touriste en véritable vécu
expérientiel, au sens de Schmitt et Meyer-Chemenska (2015).
7. Conclusion
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De cette étude sur les usages des TIC au Musée National du Cameroun, se
dégagent plusieurs constats et leçons, dont une forte restriction dans les usages
imposée au public, du fait notamment des contraintes économiques qui grèvent
la maintenance de l’existant et inhibent l’acquisition d’un plus grand nombre
d’équipements. Ceci a notamment pour conséquences une faible autonomie du
parcours muséal des visiteurs, une forte médiation « numérico-culturelle »
assurée par les médiateurs culturels, qui font preuve de débrouillardise et
d’inventivité. Ces médiations donnent à voir :
– une autonomie naissante et exprimée par certains visiteurs dans la
construction de leur parcours ;
– des TIC facilitant la découverte et l’apprentissage des savoirs liés au
patrimoine culturel ;
– des caractéristiques ethniques et linguistiques comme catalyseurs dans le
processus de compréhension et d’assimilation des connaissances culturelles
médiatisées ;
176 Les cahiers du numérique – n° 1-2/2019
Bibliographie
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