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Lecture linéaire n°1 – Molière, Le Malade imaginaire, Acte II,5 (vers 364 à 417)

Problématique : En quoi le stratagème permet-il l’expression d’un langage authentique ?


Comment la fiction théâtrale permet-elle aussi bien de montrer la vérité des sentiments des jeunes
amants que le ridicule d’Argan ?

Mouvement 1 – vers 364 à 391 : le duo amoureux

Relevés Procédés Interprétation


Il chante / Didascalie Spectacle = mise en abyme. Les deux amants, sous
répond en l’impulsion de Cléante vont se mettre en scène.
chantant  Travestissement de la parole des amants /
divertissement (détournement de l’attention) pour
révéler une parole amoureuse authentique.

Philis / Tircis Noms propres Annonce l’entrée dans le genre de la pastorale (églogue) =
langage codifié et artificiel qui participe au travestissement
et au divertissement.
= double énonciation
Vers 365 à 372 Quatrains / Equilibre et harmonie entre les deux strophes qui souligne
Schémas de rimes l’harmonie entre les deux jeunes amants.
/ tonalité
Souffrir, Registre tragique, Cléante et Angélique dans une posture de martyres de
destinée, triste tonalité élégiaque l’amour.
et (la plainte) Cléante/Tircis est l’incarnation de l’amant de tragédie,
mélancolique, dont la destinée est entièrement liée à la réciprocité des
mourir, je sentiments de sa maitresse.
soupire

Je lève au ciel Didascalies Langage contraint par la scrutation paternelle et la


les yeux / Je internes présence des Diafoirus qui oblige encore Angélique à
soupire masquer ses sentiments derrière l’artificialité du chant
pastoral.
Faut-il vivre ?
Faut-il Litote
mourir ? / C’est
vous en dire
assez
Réplique Réplique qui rompt l’harmonie du chant > contraste dans
d’Argan (vers les registres
373-374) Aperçu du mouvement 3 = Argan passe complètement à
côté des enjeux de cet échange
- Comique de situation : qui pro quo sur
l’improvisation d’Angélique qui chante « à cœur
ouvert »
- Comique de caractère : aveuglement d’Argan sur
les compétences de sa fille.
Vers 375 à 389 Modalités ? et ! Dialogue amoureux qui va crescendo jusqu’à l’exultation
finale de Cléante et Angélique
CL de l’amour - Changement de modalités qui passe de l’ ? à l’ ! =
certitude Cléante qui nourrit son plaisir et
Formes encourage celui d’A.
injonctives - Dernière litote du vers 379 qui marque le passage
définitif de l’implicite à l’explicite = aveu assumé
Litote (vers 379) - Cléante profite de son costume de maitre à
chanter pour donner des directives à son « élève »
et lui faire répéter encore et encore son amour.
Je vous aime Répétition Aspect comique du passage qui souligne qu’Angélique est
(vers 380 à 389) arrivée à bout de ses compétences d’improvisation
= elle se laisse aller au plaisir de son aveu et oublie un peu
le travestissement du chant
 D’ailleurs, le forme codifiée du chant pastoral a
complétement disparu
Vers 390-391 Apostrophe Apogée du bonheur de Cléante qui est empli d’un
lyrique sentiment de puissance tel qu’il se compare aux dieux =
Hyperbole exagération des effets de l’amour.
BILAN : Dans ce mouvement, on voit bien l’harmonie, mais aussi l’intensité des sentiments qui
animent les deux jeunes amants. Ce chant, tantôt tragique tantôt lyrique, permet aux personnages
d’exprimer de plus en plus librement des sentiments forts et véritables. C’est le rappel à la réalité et
la danger d’un mariage forcé qui viendra rompre le bonheur de cet aveu volé.

Mouvement 2 – vers 392 à 401 : la désillusion des amants

Relevés Procédés Interprétation


« Mais, Philis … » Adversatif Marque la rupture dans l’euphorie des amants >>
apparition d’un double obstacle : les Diafoirus, père et fils.
Un rival, un rival Aposiopèse Rupture brutale du discours qui traduit une émotion forte
… = angoisse et désespoir de Cléante lorsqu’il se souvient de
la situation réelle >> mariage arrangé entre Angélique et
Thomas D.
Je le hais, cruel Registre Angélique se positionne en héroïne tragique, inébranlable
supplice, tragique / dans son amour face à son destin.
assujettir, mourir tonalité >> Parodie de tragédie, et Angélique surjoue son désespoir
x3 élégiaque pour se donner l’air de la rébellion
 Spectaculaire de l’échange amoureux, Ang
Je le hais plus que Tournure continue d’alimenter les espoirs de Cléante
la mort comparative
hyperbolique Décalage avec son attitude à l’acte précédent = Angélique
bien plus soumise aux exigences de son père quand elle
Mourir x3 Répétition n’est pas galvanisée par la présence de Cléante, par la
supercherie du chant …
BILAN : Cette partie de l’extrait met en évidence le mouvement descendant de l’échange amoureux,
déclenché par le retour à la réalité des deux jeunes amants. Après l’euphorie de l’aveu, vient la
désillusion. Galvanisée par l’échange précédent et la force de son aveu, Angélique prend la posture
d’une héroïne tragique, soumise à un destin cruel. Son chant rebelle va provoquer la réaction de son
père et mettre fin au chant pastoral.
Mouvement 3 – vers 402 à la fin de l’extrait : l’intervention ridicule d’Argan

Relevés Procédés Interprétation


1ère réplique Réaction d’Argan qui interrompt le duo amoureux et l’aveu
de Cléante et Angélique
« le père », Comique de La question de l’autorité paternelle montre qu’Argan a
« voilà un sot de caractère compris la dimension subversive du duo.
père que ce père- Pourtant, il ne comprend quand même pas à quel point il
là » résonne dans la réalité
= aveuglement ridicule du père
Ah ! Mon amour Reprise du Tentative de Cléante de relancer le duo amoureux.
… chant pastoral Tentative avortée par Argan soucieux de faire respecter
son autorité de père et maître de maison.
Vers 407 à 411 Comique de Ton péremptoire du père bafoué dans son autorité qui met
caractère / définitivement fin à l’échange amoureux.
paradoxe du  Paradoxe D’argan qui est capable de formuler un
personnage jugement de valeur morale sur le spectacle qu’il
d’Argan vient de voir = il critique l’absence de l’impératif
moral selon lequel une fille doit obéissance à son
père
 Vision limitée de la portée morale du théâtre qui
doit mettre en garde contre les vices = Argan
préfère retenir l’impudence de Philis que l’excès
d’autorité de son père.

Vers 410 à 414 Ridicule d’Argan qui ne se rend pas compte que Cléante se
joue de lui et profite de sa naïveté = Argan est facilement
impressionnable et se laisse berner par toutes les figures
d’autorité et de savoir jargonneuses  le faux médecin/le
faux maître à chanter
Les sottises ne Présent de Effet nul du théâtre sur Argan, les vertus du théâtre
divertissent point vérité générale classique (placere et docere) ne semblent pas opérer sur
lui, et tout spectacle qui ne va pas dans le sens de ses
obsessions est jugé « impertinent »
 Argan incarne tous les détracteurs de Molière qui
ne retirent aucune des vertus de son théâtre et
dont les vices et les excès ne sont jamais réformés
= Argan est incapable de remise en question
BILAN : Au final, même si Argan le juge impertinent, l’opéra improvisé de Cléante et Angélique aura
permis l’expression d’un amour vrai et sincère. Cependant, l’aveuglement d’Argan face à ses propres
obsessions et à ce qui vient de se jouer sous ses yeux, le rendent ridicule aux yeux du
lecteur/spectateur. Par ailleurs, l’obstination d’Argan permet une critique subtile des détracteurs de
l’auteur, également imperméables aux vertus du théâtre et à la réformation des mœurs.

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