Vous êtes sur la page 1sur 4

Cyrano de Bergerac

AUTEUR ET CONTEXTE
Edmond Rostand est un dramaturge de la fin du 19ème siècle rattachée au romantisme,
mouvement littéraire et artistique en rupture avec les règles et le goût du classicisme.
OEUVRE
Il écrit Cyrano de Bergerac, une comédie tragique en 5 actes et en vers, parue en 1897. L'auteur de
la pièce s'est largement inspiré d'un personnage de la vie réelle Cyrano de Bergerac, écrivain,
poète, soldat libertin du XVIIème siècle. La pièce est empreinte du drame romantique et marque
un décalage avec les pièces de la fin du 19ème siècle, davantage tourné vers le théâtre de
boulevard et vers le théâtre naturaliste. Sous la plume de Rostand, le personnage devient un héros
plein de panache, follement amoureux de sa cousine Roxane mais affublé d’un nez démesuré qui
l’enlaidit.
Cet extrait commence par des didascalies du début de la scène 1 de l’acte 1 puis continue avec un
extrait tiré de la scène 3 de l’acte 1. Nous sommes dans un théâtre. Et Cyrano va interrompre la
représentation d’une tragédie La Clorise car il déteste le jeu d’acteur de Montfleury.
Pour guider l’explication de cet extrait, nous répondrons à la problématique suivante : en quoi
cette scène comique révèle-t-elle certains aspects saillants de la représentation théâtrale du
XVIIème siècle ?
Pour répondre à cette problématique, nous avons repéré 2 mouvements :
- dans le premier mouvement, de la ligne 1 à 27, nous décrirons la large place laissée aux
didascalies de présentations
- et dans le deuxième mouvement, de la ligne 27 à 89, nous analyserons l’interruption de la
représentation.
1) didascalies
Le début du texte commence avec des longues didascalies introductives.
Les phrases nominales des lignes 1 et 2 apportent des informations sur la situation initiale, le lieu
et la date. Nous sommes dans la salle de l’Hôtel de Bourgogne en 1640 ; c’est une pièce baroque
qui sera représentée.
La salle de l'Hôtel de Bourgogne était un célèbre théâtre parisien du XVIIe siècle. Cette salle était
un lieu emblématique et a vu la représentation de nombreuses pièces classiques de la littérature
française.

Les didascalies suivantes vont décrire d’une manière détaillée la salle de théâtre à l’intérieur de la
pièce elle-même, créant ainsi une mise en abyme.
Rostand cherche une reconstruction fidèle de la disposition typique d’un théâtre de l’époque :
- La salle est décrite comme un carré long avec une scène en pan coupé. Cela permet une vue
panoramique de la salle et de la scène.
- Les côtés de la scène sont encombrés de banquettes, ce qui donne un aperçu de l'atmosphère
intime et de la proximité entre les acteurs et le public.
- Edmond Rostand décrit le rideau, mentionne les armes royales au-dessus du manteau d'Arlequin
(encadrement d'une scène de théâtre sur lequel sont peintes des draperies) ;
- Il fera même référence à l’éclairage avec une autre phrase nominale « rampe de chandelles ; puis
plus loin il mentionne la demi-obscurité et les lustres baissés.

Edmond Rostand utilise un vocabulaire spécifique qui évoque directement les espaces et les
éléments d'une salle de théâtre réelle : les galeries, les loges, le parterre, les gradins. Cette
utilisation du vocabulaire participe ainsi à la mise en abyme en insérant des éléments réels et
reconnaissables d'une représentation théâtrale à l'intérieur de la pièce elle-même .

Toutes ces didascalies fonctionnent comme un zoom arrière, on parle de la scène à la salle jusqu’à
la ligne 20.

Rostand rappelle également le souci de la nourriture aux lignes 13 et 14 : il fait une énumération
pour décrire le buffet, « il est orné de petits lustres, de vases fleuris, de verres de cristal,
d’assiettes de gâteaux, de flacons, etc. »

L'ekphrasis est ainsi la description d'un objet, méticuleuse au point de le rendre présent sous la
forme choisie par l'auteur. ????
C’est une pièce ekphrosis (sousis du détaille).

A la ligne 21 jusqu’à 27, on observe un changement de mouvement, l’auteur utilise un zoom avant,
pour se focaliser sur Montfleury avec encore la présence de phrases nominales « attente »,
« tableau ». Le rideau s’ouvre et on découvre la position des aristocrates (ils sont assis sur les
côtés, dans une pose insolente) ; On précise le décor, le genre de la pièce (c’est une pastorale),
une métonymie (« violons qui jouent ») et puis l’arrivée du personnage qualifié de « énorme » et
dans un costume exagéré « costume de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur
l’oreille,et soufflant dans une cornemuse enrubannée ». C’est un personnage grotesque dans le
sens ridicule.
A noter que Montfleury a bien existé, lui aussi, au temps de Molière puisque ce dernier l’a
caricaturé dans l’« impromptu de Versailles ».

Les didascalies décrivant la salle de l'Hôtel de Bourgogne dans "Cyrano de Bergerac" révèlent bien
certains aspects saillants de la représentation théâtrale du XVIIème siècle notamment la
disposition de la scène, l'importance de l'éclairage, du décor. Mais elles insèrent également une
représentation théâtrale à l'intérieur de la pièce elle-même, une mise en abyme propre au
baroque.

Le deuxième mouvement, de la ligne 28 à la ligne 89, est l’interruption de la représentation par


Cyrano et présente d’autres aspects saillants de la représentation théâtrale du XVIIème siècle.
Montfleury qui joue le rôle de Phédon commence son monologue (le lire) avec des vers poétiques
évoquant l'exil volontaire loin de la cour et la beauté de la nature. Il s'agit d'un thème pastoral
typique de la littérature de l'époque. Les vers sont classiques, avec des alexandrins et des rimes, le
registre est soutenu. Il utilise une antonomase dans « Zéfire a soufflé sur les bois », c’est un nom
commun qui est transformé en nom propre., renforçant l'atmosphère pastorale et poétique de la
scène en évoquant une image du vent à travers le personnage mythologique de zéphyr.
Le décalage entre l'apparence pastorale de Montfleury et le sérieux du rôle De Phédon peut être
perçu comme comique.

Le langage poétique et élégant utilisé par Montfleury est interrompu par l’apostrophe familière
« coquin », qui est une antithèse par rapport aux vers précédents. Le contraste entre le ton
pastoral et l'interruption soudaine, crée un effet comique.

La paronymie « lois » et « mois » est un rapport lexical entre deux mots dont le sens diffère mais
dont la graphie ou la prononciation sont très proches, de sorte qu'ils peuvent être confondus à la
lecture ou à l'audition. ????

Les interjections dans le vers 38 "Hein ? - Quoi ? - Qu’est-ce ?" prononcées par des voix diverses
marquent l’étonnement ; la confusion et la surprise générale s'emparent ainsi du public. Puis les
spectateurs se lèvent dans les loges pour voir ce qui se passe. Cyrano est reconnu par Cuigy« c’est
lui ! » , par Le Bret « cyrano » qui réagit en étant terrifié. Les réactions diverses et exagérées du
public telles que la confusion initiale, suivie de la curiosité, de la reconnaissance et finalement de
l'inquiétude et de la terreur, contribuent à l'humour de la scène et crée une atmosphère
dynamique et captivante.

Le comique de mots se poursuit avec l’insulte « roi des pitres » à la ligne 47 et avec le verbe
récalcitré au vers 57 qui veut dire résister mais est normalement utilisé pour parler des chevaux.

L'indignation collective de "TOUTE LA SALLE" lignes 50 et 51 amplifie le côté comique de la


situation car elle est exagérée. Le contraste entre la réaction du public et l'intervention de la voix
ajoute une couche d'absurdité et d'humour à la scène.

Les exclamations au vers 60 telles que "Chut ! - Assez ! - Montfleury, jouez ! - Ne craignez rien !"
montrent une variété de réactions et d'émotions au sein du public. Cette diversité de réactions
ajoute une dimension comique car elle illustre l'incertitude et la cacophonie qui règnent dans la
salle après l'interruption.

La brève tentative de Montfleury de répondre au vers 63 avant d'être rapidement interrompu


crée une dynamique comique. Cela illustre l'impuissance de Montfleury face à la voix et accentue
le côté absurde de la scène.

Se dessine un comique de caractère de Montfleury avec les didascalies qui le désignent : « d’une
voix mal assurée » à la ligne 62, « d’une voix de plus en plus faible » ligne 72, « s’étranglant » à la
ligne 82. Les didascalies montrent un personnage peureux, pleutre, couard (synonyme), incapable
de jouer son rôle.

On relève un comique d’interruption car Montfleury ne peut pas terminer le vers « inaugural ».
L’insulte au vers 67 « ô monarque des drôles » est une périphrase antithétique de « roi des
pitres » accentué par la particule « ô ».
Au vers 68 "plantation de bois sur vos épaules" est une métaphore , la voix menace de le frapper.
Et L'apparition soudaine d'une canne qui s'agite au-dessus des têtes renforce le comique de la
situation. Cela donne une dimension visuelle à l'humour.

La fin de l’extrait met en lumière le comique de caractère de Cyrano à travers son entrée
spectaculaire "surgissant du parterre, debout sur une chaise" et à travers son apparence
distinctive son "feutre en bataille", sa "moustache hérissée", et son "nez terrible" , cela montre son
penchant pour le théâtral et l'exagéré.
La déclaration de Cyrano au vers 88 , "Ah ! je vais me fâcher !", souligne son caractère impulsif et
théâtral. Il est prêt à intervenir ce qui ajoute une touche d'humour à la scène. Le contraste entre
la réaction hésitante et mal assurée de Montfleury et l'entrée audacieuse et théâtrale de Cyrano
renforce le comique de la scène.
Cet extrait de "Cyrano de Bergerac" utilise divers éléments comiques, tels que l'intrusion
soudaine, les réactions exagérées du public, le comiques de caractère, le comique de mots, pour
créer une scène humoristique et divertissante qui capture l'esprit et l'énergie du théâtre du 17ème
siècle.

Pour conclure, cet extrait de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand révèle certains aspects
saillants de la représentation théâtrale du XVIIème siècle , notamment la mise en abyme à travers
la représentation d'une scène théâtrale à l'intérieur d'une pièce de théâtre et le comique à travers
le contraste des personnages, et les réactions du public, les différents comiques
Le travail d’Edmond Rostand s'inscrit dans une tradition théâtrale française qui avait été
profondément influencée par des dramaturges comme Molière. Dans le malade imaginaire, on
retrouve la mise en abyme et la comédie.

Vous aimerez peut-être aussi