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Manuel d’épuration extrarénale

en réanimation
Collection
RÉANIMATION
Sous l’égide de la Société de réanimation de langue française
Directeur de la collection : R. Robert (Poitiers)

Manuels parus dans la même collection :

Le milieu intérieur en pratique clinique : désordres


hydroélectriques, acidobasiques et insuffisance rénale aiguë
Coordonné par Georges Offenstadt
Philippe Amstuz, Christophe Vinsonneau, Vincent Das,
Hafid Ait-Oufella
ISBN : 2-84299-668-2

Manuel de nutrition clinique de l’adulte en réanimation


G. Nitenberg, J.F. Zazzo, B. Raynard
ISBN : 2-84299-667-4

Manuel d’épuration extrarénale en réanimation


R. Robert, M. Monchi, F. Schortgen, C. Vinsonneau,
K. Clabault, J. Bohé, C. Ridel
ISBN : 978-2-84299-932-2
Manuel d’épuration
extrarénale
en réanimation
René Robert
Mehran Monchi
Frédérique Schortgen
Christophe Vinsonneau
Karine Clabault
Julien Bohé
Christophe Ridel
Manuel d’épuration extrarénale en réanimation
Responsable éditoriale : Marie-José Rouquette
Éditrice : Muriel Chabert
Chef de projet : Françoise Méthiviez
Conception graphique et maquette de couverture : Véronique Lentaigne
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
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Photocomposition : Muriel Peirani ISBN : 978-2-84299-932-2


Imprimé aux Pays-Bas par Krips, 7940 KC Meppel ISSN : 1242-8132
Dépôt légal : Janvier 2008
Manuel d’épuration extrarénale

■ Société de réanimation de langue française


Conseil d’administration 2007
Président : François Fourrier (Lille)
Vice-président : Daniel de Backer (Bruxelles)
Secrétaire général : Antoine Vieillard-Baron (Boulogne-Billancourt)
Secrétaire général adjoint : Khaldoun Kuteifan (Mulhouse)
Trésorier : Jean-Philippe Fosse (Bobigny)
Président désigné : Bertrand Guidet (Paris)
Membres : Frédéric Baud (Paris), Marie-Claude Jars-Guincestre
(Garches), Nadia Kerkeni (Lille), Laurent Papazian (Marseille),
Jean-Louis Ricome (Saint-Germain-en-Laye), René Robert
(Poitiers), Jean-Christophe Roze (Représentant du GFRUP, Nantes)
Les auteurs
Julien Bohé
INSERM U870/INRA U1235/INSA/Université Claude Bernard Lyon-1/Hospices
civils de Lyon,
Réanimation médicale, centre hospitalier Lyon Sud,
165, chemin Grand Revoyet, 69310 Pierre-Bénite
Karine Clabault
Service de réanimation médicale, hôpital Charles-Nicolle, CHU de Rouen,
1, rue de Germont, 76031 Rouen
Mehran Monchi
Réanimation médicale, Institut Jacques-Cartier,
6, avenue Noyer Lambert, 91300 Massy
Christophe Ridel
Urgences néphrologiques et transplantation rénale, hôpital Tenon,
4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20
René Robert
Service de réanimation médicale, hôpital Jean-Bernard, CHU Poitiers,
86021 Poitiers cedex
Frédérique Schortgen
Service de réanimation médicale, CHU Albert Chenevier-Henri Mondor,
51, avenue de Tassigny, 94000 Créteil
Christophe Vinsonneau
Service des brûlés, groupe hospitalier Cochin–Saint-Vincent-de-Paul,
27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14
Glossaire des abréviations utilisées
en cours d’ouvrage

CMI concentration minimale inhibitrice


CVVH continuous venovenous hemofiltration (hémofiltration
veinoveineuse continue)
CVVHD continuous venovenous hemodiafiltration (hémodiafiltration
veinoveineuse continue)
EDD extended daily dialysis
EER épuration extrarénale
ETO oxyde d’éthylène
EVAL éthynyl-vinyl-alcool
HBPM héparine de bas poids moléculaire
HDI hémodialyse intermittente
HFAV hémofiltration artérioveineuse
HFC hémofiltration continue
HFVV hémofiltration veinoveineuse continue
Ht hématocrite
HVVC hémofiltration veinoveineuse continue
IC intervalle de confiance
IRA insuffisance rénale aiguë
IRC insuffisance rénale chronique
Kuf coefficient d’ultrafiltration
OAP Œdème aigu du poumon
PAN poly-acrylo-nitrile
PM poids moléculaire
PMMA polyméthylméthacrylate
PTM pression transmembranaire
Qd débit du dialysat
Qs débit sanguin
SCD slow continuous dialysis
SDRA syndrome de détresse respiratoire aiguë
SLED slow low efficiency dialysis
SLEDD slow extended daily dialysis
SMC synthetically modified cellulose
TCA temps de céphaline activé
TRU taux de réduction de l’urée
UF ultrafiltration
Vd volume de distribution
VP volume plasmatique
Quand débuter une épuration
extrarénale ?

Il n’existe pas de recommandation précise sur les indications de l’épuration


extrarénale (EER) en réanimation pour deux raisons :
1) la définition de l’insuffisance rénale aiguë (IRA) n’est pas univoque et, à ce jour,
les conclusions de la conférence de consensus de 2007 sont en attente ;
2) il n’existe pas de valeur seuil de créatinine ou d’urée plasmatique pour
indiquer l’EER au cours de l’IRA.

Notions préalables importantes

● La créatinine plasmatique et la filtration glomérulaire sont liées de façon


exponentielle (figure 1). Ainsi, au début de l’IRA, de faibles augmentations
des chiffres de créatinine plasmatique correspondent à une altération nota-
ble de la fonction rénale.
● De plus, au cours de l’IRA, il existe une sécrétion tubulaire de créatinine qui
peut atteindre 50 %. Ainsi, au cours de l’IRA, les chiffres de créatininémie
sous-estiment l’importance de l’altération de la fonction rénale.

Objectifs de l’épuration extrarénale

L’EER répond à des objectifs multiples dont l’importance varie dans le temps :
● épurer des « substances endogènes toxiques pour l’organisme » ;

● assurer l’homéostasie du milieu intérieur (potassium, sodium, acide-base et

autres) ;
● contrôler la volémie ;

● permettre la nutrition ;

● traiter le sepsis ;

● épurer des « substances toxiques exogènes » (indications non rénales

d’EER).
Dans un premier temps, les objectifs principaux sont :
● le contrôle des désordres métaboliques (hyperkaliémie, acidose, hyponatré-

mie) ;
● le traitement de l’hypervolémie si elle existe ;

● le maintien de l’équilibre volémique ;

● l’épuration des déchets azotés.

1
Figure 1. Relation entre créatininémie plasmatique et filtration glomé-
rulaire.

Dans un deuxième temps, la poursuite de l’EER permet de maintenir l’homéos-


tasie du milieu intérieur, d’aider à la maîtrise des variations volémiques et de
permettre la nutrition artificielle.

Critères d’épuration extrarénale

Les critères d’initiation de l’EER relevés dans les études sont très variables et
souvent assez peu précis.

Critères classiques de recours à


l’épuration extrarénale [1, 2]
● Hyperkaliémie symptomatique ou > 6,5 mmol/l.
● Œdème aigu du poumon (OAP) de surcharge, surtout en cas d’anurie.
● Acidose métabolique intense (pH < 7,1).
2
● Oligoanurie sur 12 h.
● Dysnatrémies associées à une IRA (Na < 115 ou > 160 mmol/l).
● Complications urémiques :
– péricardite ; neuropathie/myopathie ;
– coma ou crises convulsives (encéphalopathie) ;
– hémorragie digestive.

Autres critères [2]

● Urée > 30 mmol/l.


● Application des critères du groupe ADQI (classification F de RIFLE) : élé-
vation de plus de 3 fois la valeur de la créatinémie ; diminution du débit de
filtration glomérulaire de 75 % ou créatininémie > 352 µmol/l ou diurèse
< 0,3 ml/kg/h pendant 24 h ou anurie > 12 h.
Depuis plus de 30 ans, il est conseillé de débuter l’EER avant que les chiffres
d’urée n’atteignent 35 mmol/l [3]. Cela permet de réduire la fréquence des
complications en particulier hémorragiques et peut-être la mortalité [4, 5].
Deux facteurs sont impliqués dans ces études : l’intensité du syndrome uré-
mique biologique et la précocité de mise en place de l’EER. La précocité de
mise en œuvre de l’EER en réanimation semble être un élément important à
prendre en compte [6-8].
En résumé, il est recommandé de débuter l’EER dans les situations
suivantes :
● l’IRA est compliquée d’OAP ;

● il existe une hyperkaliémie menaçante ;

● les chiffres de créatinine s’élèvent rapidement ;

● l’oligoanurie est persistante (12 h) ;

● il existe des troubles métaboliques multiples associés à l’IRA ;

● les chiffres d’urée sont > 35 mmol/l.

De plus, la tendance actuelle est de recommander de débuter l’EER précoce-


ment chez les malades de réanimation.

3
Références

1 Lameire N, Van Biesen W, Vanholder R. Acute renal failure. Lancet 2005 ; 365 : 417-
30.
2 Guérin C. Quand débuter une épuration extrarénale ? In : Robert R, Honoré P, Bastien O,
eds. Les circulations extracorporelles en réanimation. Paris : Elsevier ; 2006. p. 91-8.
3 Kleinknecht D, Jungers P, Chanard J, et al. Factors influencing immediate prognosis
in acute renal failure with special reference to prophylactic hemodilaysis. Adv Nephrol
Necker Hosp 1971 ; 1 : 207-30.
4 Van Bommel EFH, Bouvy ND, So KL, Vincent HH, Zieste R, Bruining HA, et al. High-
risk surgical acute renal failure treated by continuous arteriovenous hemodiafiltration :
metabolic control and outcome in sixty patients. Nephron 1995 ; 70 : 183-90.
5 Kresse S, Schlee H, Deuber HJ, Koall W, Osten B. Influence of renal replacement therapy
on outcome of patients with acute renal failure. Kidney International 1999 ; 56 : 75S-
78S.
6 Gettings LG, Reynolds HN, Scalea T. Outcome in post-traumatic acute renal failure when
continuous renal replacement therapy is applied early vs. late. Intensive Care Med 1999 ;
25 : 805-13.
7 Bouman CSC, Oudemans-van straaten HM, Tijssen JGP, et al. Effects of early high vo-
lume continuous venovenous hemofiltration on survival and recovery of renal function
in intensive care patients with acute renal failure : a prospective, randomized, trial. Crit
Care Med 2002 ; 30 : 2205-11.
8 Demirkilic U, Kuralay E, Yenicesu M, et al. Timing of replacement therapy for acute renal
failure after cardiac surgery. J Card Surg 2004 ; 19 : 17-20.

4
Cathéters d’épuration
extrarénale

L’épuration extrarénale (EER) impose le recours à un accès vasculaire permet-


tant un haut débit sanguin (> 150 ml/min en général). Dans le contexte de la
réanimation, les cathéters veineux centraux constituent généralement le seul
accès vasculaire rapidement utilisable pour l’EER. Il existe deux types de cathé-
ter adaptés à l’EER : les cathéters temporaires plutôt destinés aux pathologies
aiguës et les cathéters implantés pour un usage prolongé (pathologie chroni-
que). Nous n’aborderons dans ce chapitre que les aspects correspondant aux
cathéters temporaires qui sont les plus utilisés en milieu de réanimation.
Le choix du cathéter et de la voie d’abord influe beaucoup sur l’efficacité de
l’EER. De plus, l’utilisation d’un cathéter d’EER inadapté aboutit à de fréquentes
alarmes sur le circuit d’aspiration du sang (alarmes de pressions trop négati-
ves avant la pompe). Ces alarmes exaspèrent l’équipe soignante et engendrent
des arrêts répétés ou des irrégularités du flux sanguin extracorporel, accélérant
les phénomènes de coagulation sur la membrane d’épuration [1]. Le choix de
l’abord vasculaire peut donc fortement influencer le vécu des EER par l’équipe
soignante.
Nous allons aborder successivement dans ce chapitre les principaux éléments à
connaître pour mieux choisir le cathéter d’EER (polymère, diamètre, longueur), le
site d’insertion et les soins pour une meilleure prévention des dysfonctions.

Choix du cathéter

Types de cathéter
On peut utiliser en EER :
• un cathéter monolumière avec un flux sanguin alternatif. Ce type de cathéter,
encore assez utilisé chez les dialysés chroniques, est de moins en moins
utilisé en milieu de réanimation. En effet, ce type de débit est incompatible
avec la majorité des machines d’épuration continue. De plus, les débits san-
guins restent assez limités (150 à 200 ml/min) ;
• deux cathéters monolumières insérés sur deux veines différentes ou sur
la même veine avec des orifices d’aspiration et de restitution de sang éloi-
gnés d’au moins 2 cm. L’avantage de ce type d’abord est de permettre un
flux sanguin continu assez élevé. De plus, on peut tunneliser les cathéters.
5
L’inconvénient de cette solution est la nécessité d’un double abord veineux,
augmentant les temps d’insertion et les risques liés à la cathétérisation ;
• un cathéter bilumière. Ces cathéters ont longtemps eu des performances
assez limitées (débits sanguins < 250 ml/min) du fait de leur faible diamètre
(11 à 12 F). On assiste cependant à l’apparition depuis quelques années de
nouveaux cathéters bilumières ayant un diamètre plus large (13,5 à 14 F), per-
mettant donc des débits sanguins nettement plus importants. Cette solution
reste la plus simple et la plus utilisée.
Tableau 1
Incompatibilités chimiques des polymères utilisés [2]
Matériel Incompatibilité chimique
Polyuréthane Alcools, polyéthylène glycol
(pommades, gels)
Silicone Iode et à un moindre degré polyvidone
iodée (Bétadine®)
Copolymères polyuréthane- Aucune
polycarbonate

Polymère
Le polymère utilisé conditionne largement la rigidité des cathéters d’EER. Une
trop grande rigidité augmente les risques de perforation des veines ou de
l’oreillette droite, alors qu’une rigidité insuffisante rend l’insertion plus difficile.
Les cathéters d’EER utilisés en milieu de réanimation sont généralement en
polyuréthane ou en silicone. Le polyuréthane est un polymère dont la rigidité
est très variable selon la procédure de fabrication. De plus, le polyuréthane a
des propriétés thermoplastiques, devenant plus souple à la température cor-
porelle par rapport à la température ambiante. Les cathéters en silicone sont
généralement plus souples que les cathéters en polyuréthane. Leur insertion
nécessite souvent l’emploi d’un dilatateur rigide.
Il existe une incompatibilité chimique entre certains polymères et les solutés
utilisés comme antiseptiques lors des pansements [2] : les polyuréthanes sont
dégradés par les alcools et le polyéthylène glycol (pommades, gels), les sili-
cones sont incompatibles avec les solutés iodés et à un moindre degré avec la
polyvidone iodée (Bétadine®, voir tableau 1). Cette incompatibilité se manifeste
essentiellement par des possibilités de perforation du cathéter en cas d’applica-
tions répétées et prolongées d’antiseptiques incompatibles (surtout sous forme
de solution visqueuse ou de pommades) sur leur point d’insertion.

6
Ces incompatibilités chimiques ont motivé le développement de copolymères
de polyuréthanes-polycarbonates (exemple : carbothane) qui ne présentent plus
d’incompatibilité avec les solutés iodés ou alcooliques et permettent, du fait de
leur plus grande résistance, une réduction de l’épaisseur de la paroi du cathéter.

Déterminants du flux sanguin :


longueur et diamètre du cathéter,
position
La loi de Poiseuille permet de déterminer le débit sanguin passant à travers
un cathéter.

Flux sanguin laminaire = k (P × D4)/(L × V)


K = constante de proportionnalité
P = différence de pression entre les deux extrémités du cathéter
D = diamètre du cathéter
L = longueur du cathéter
V = viscosité du sang

On peut voir d’après cette équation que le diamètre du cathéter joue un rôle
majeur. En effet, une augmentation de 19 % du diamètre permet de doubler le
débit sanguin. Inversement, une thrombose interne même limitée (dépôts de
fibrine), réduisant de 19 % le diamètre de la lumière interne du cathéter, divise
le flux sanguin par deux.
Par ailleurs, si l’on désire utiliser un cathéter deux fois plus long, il suffit
d’augmenter le diamètre de 19 % pour obtenir le même débit sanguin.
Il est donc fondamental de choisir un cathéter de diamètre suffisant selon l’in-
dication et le type d’EER qui sera réalisé.

Pour une EER intermittente, les débits sanguins souhaités


(idéalement ≥ 200 ml/min) nécessitent généralement
l’emploi de cathéters 13,5 à 14 F.
Pour une EER continue, les débits sanguins nécessaires sont
généralement plus faibles, rendant possible l’emploi
de cathéters de plus faible diamètre (11 à 12 F pour
des débits de ≤ 200 à 250 ml/min).

Les deux déterminants principaux du débit sanguin obtenu sur un cathé-


ter sont le diamètre interne de la lumière et la position de l’extrémité du
cathéter. En effet, l’aspiration du sang crée une dépression autour des orifi-

7
ces d’aspiration des cathéters veineux, rendant possible un collapsus de la
paroi veineuse autour du cathéter. Plus le débit sanguin est important autour
des orifices d’aspiration, plus la probabilité de collapsus est faible. Ainsi,
la position idéale de l’extrémité d’un cathéter d’EER est l’oreillette droite.
Classiquement, cette position était considérée comme dangereuse du fait
des risques de perforation de l’oreillette droite. Cependant, l’utilisation de
cathéters récents, très souples (généralement en silicone), permet de mini-
miser ces risques de perforation.
La position recommandée est donc la veine cave inférieure pour les
cathéters fémoraux et la jonction entre la veine cave supérieure et
l’oreillette droite pour les cathéters non fémoraux [3].

Ainsi, un cathéter jugulaire interne gauche nécessite une longueur de 4 à


5 cm de plus qu’un cathéter jugulaire interne droit pour atteindre l’entrée de
l’oreillette droite. L’accès à la veine cave inférieure par une ponction fémorale
nécessite l’utilisation de cathéters d’une longueur supérieure à 20 cm. Le plus
souvent, il faut donc privilégier une longueur de 24 à 28 cm pour s’assurer
d’un débit vasculaire suffisant autour d’un cathéter fémoral.
La recirculation remet au contact de la membrane un plasma déjà épuré. Plus
le taux de recirculation est élevé, plus le débit sanguin efficace est faible.
Le taux de recirculation est influencé par :
● la distance entre les orifices d’aspiration et de réinjection du sang sur le

cathéter. Plus cette distance est élevée, moins il y a de recirculation ;


● le débit sanguin dans le vaisseau où se situe l’extrémité distale du cathéter.

Il faut que le débit sanguin autour de l’extrémité distale du cathéter soit net-
tement plus important que le débit sanguin extracorporel. On voit ainsi que
l’oreillette droite est la situation idéale pour l’extrémité interne du cathéter.
Ainsi, les taux de recirculation mesurés ont été de 4 à 5 % avec des cathéters
jugulaires internes ou sous-claviers, contre 10 % pour des cathéters fémoraux
de 24 cm et 18 % avec des cathéters fémoraux de 15 cm [4].
On peut par ailleurs souligner que l’inversion des lignes (aspiration sur la voie
bleue et retour sur la voie rouge du cathéter) augmente nettement le taux de
recirculation (+ 20 % pour un cathéter jugulaire interne droit). Cette inversion
des lignes peut être utilisée ponctuellement pour terminer une EER, mais elle
doit donner lieu à une analyse de la cause de dysfonction du cathéter afin
d’éviter son usage trop répété.
Chez les patients en bas débit cardiaque, la faible vitesse de circulation san-
guine autour du cathéter induit une augmentation du taux de recirculation.

8
Sélection du site d’insertion
Chez les patients présentant un risque d’insuffisance rénale définitive, par
exemple les patients ayant une néphropathie préalable, les recommandations
actuelles sont d’éviter l’utilisation des veines sous-clavières [3]. En effet, le
taux de sténose veineuse observée après insertion d’un cathéter d’EER sur
une veine sous-clavière est de 42 à 50 %, contre 0 à 10 % pour une veine
jugulaire [3]. Ces sténoses sous-clavières limitent considérablement les pos-
sibilités de réalisation de fistule artérioveineuse en cas d’évolution vers une
insuffisance rénale chronique.
Le choix du site est donc souvent limité aux veines jugulaires internes ou
fémorales. La veine jugulaire interne gauche a longtemps été considérée
comme peu appropriée pour l’insertion d’un cathéter d’EER, du fait de la dou-
ble courbure imposée au trajet de ce dernier. Cependant, l’utilisation de cathé-
ters récents plus souples et d’une longueur suffisante (4 à 5 cm de plus qu’en
jugulaire interne droite) permet d’utiliser la veine jugulaire interne gauche de
manière satisfaisante.
Pour les cathéters d’EER utilisés en réanimation, il existe peu de données sur
le risque infectieux selon le site utilisé. Une étude sur 218 patients consécutifs
(318 cathéters, 6235 jours au total) constate un risque relatif de bactériémie
de 3,1 pour les cathéters fémoraux (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,8 à
5,2) par rapport aux cathéters jugulaires internes [5]. Ces données ont motivé
les recommandations actuelles de la National Kidney Foundation de réserver
les cathéters fémoraux aux patients confinés au lit et de ne pas les maintenir
plus de 5 jours [3].

Insertion du cathéter

Le tableau 2 résume les principales complications pouvant être liées à l’inser-


tion du cathéter.
L’expérience de l’opérateur semble être le principal facteur lié au risque de
complication. Le guidage échographique de l’insertion semble diminuer net-
tement la fréquence de ces complications. Une revue des études randomisées
concernant l’insertion échoguidée constate un risque relatif de complication
de 0,22 (IC à 95 %, 0,10 à 0,45) par rapport à l’insertion non guidée par
l’échographie [6]. Il semble donc prudent, lorsque cela est possible (disponi-
bilité du matériel adéquat), d’utiliser un repérage échographique lors de l’in-
sertion des cathéters d’EER [3].

9
Tableau 2
Complications liées à l’insertion d’un cathéter d’épuration extrarénale

Malposition du cathéter
Hémorragies du site de ponction
Pneumothorax ; pneumomédiastin
Hémothorax ; hémomédiastin
Hématomes
Embolie gazeuse
Paralysie du nerf récurrent
Arythmies
Arrêt cardiaque

Les variations anatomiques peuvent expliquer une partie des complications


observées lors d’une insertion non échoguidée. En effet, dans une étude écho-
graphique réalisée chez 104 patients, la fréquence des variations anatomiques
de la jugulaire interne pouvant gêner l’insertion d’un cathéter a été de 26 %
[7]. De plus, en cas de cathétérisation préalable de la veine, la fréquence des
thromboses veineuses gênant la ponction peut atteindre 18 %.

Dysfonction du cathéter

On parle de dysfonction lorsqu’il est impossible d’obtenir un débit sanguin


adéquat avec un cathéter d’EER (débit insuffisant avec de fréquentes alarmes).
Les dysfonctions peuvent être précoces, c’est-à-dire dès la première utilisa-
tion du cathéter ; ou tardives, après une première utilisation satisfaisante.
Les causes de dysfonction précoce peuvent être :
• une coudure du cathéter sur son trajet. Cette éventualité est rare en position
fémorale ou jugulaire interne droite. Il faut alors vérifier soigneusement le
trajet du cathéter pour déceler les coudures à l’examen clinique ou à l’aide
d’une radiographie. On peut parfois corriger ces coudures en retirant de
1 ou 2 cm le cathéter. Le caractère thermoplastique de certains cathéters les
rend plus souples après leur insertion et facilite la correction des coudures.
Cependant, ces anomalies sont parfois impossibles à corriger de manière
satisfaisante et imposent l’insertion d’un autre cathéter ;
• une mauvaise position de l’extrémité du cathéter (idéalement dans la veine
cave inférieure pour les cathéters fémoraux ou à l’entrée de l’oreillette droite

10
pour les cathéters jugulaires et sous-claviers). Ces positions incorrectes
sont le plus souvent dues à une longueur insuffisante des cathéters utili-
sés ;
• une hypovolémie avec collapsus veineux autour du cathéter. Il est alors pos-
sible d’obtenir un débit sanguin extracorporel adéquat après un remplissage
vasculaire.
Les dysfonctions tardives sont généralement dues à une thrombose. Ces
thromboses peuvent être internes au cathéter ou, plus rarement, externes.
Il est généralement reconnu que l’extrémité d’un cathéter (surtout si elle est
rigide) peut provoquer des lésions sur l’endothélium vasculaire et engendrer
une thrombose extrinsèque. La prévention de ces thromboses repose sur une
insertion soigneuse, l’utilisation d’un cathéter souple et les mesures généra-
les de prophylaxie des thrombophlébites (les héparines de bas poids molé-
culaire ont un risque d’accumulation chez l’insuffisant rénal). Le traitement
des thromboses veineuses constituées est fondé sur l’ablation du cathéter et
une anticoagulation d’au moins 1 mois, avec vérification échographique de la
résolution de la thrombose [8]. Ces thromboses veineuses sont clairement à
différencier des minces gaines de fibrines pouvant se constituer autour des
cathéters, généralement après plusieurs jours. Ces gaines peuvent gêner le
fonctionnement du cathéter, mais ne nécessitent pas d’anticoagulation prolon-
gée après ablation du cathéter.
Les thromboses internes au cathéter sont les causes les plus fréquentes de
dysfonction tardive. Ces thromboses peuvent toucher la lumière interne du
cathéter ou les orifices d’aspiration.
La prévention de ces thromboses repose sur une injection vigoureuse de
10 ml de NaCl 9/1000 sur chaque voie après chaque utilisation, suivie de la
mise en place d’un « verrou » d’anticoagulant dans chaque lumière du cathé-
ter. Le volume de l’anticoagulant doit être ajusté sur le volume de la lumière
interne du cathéter (inscrit sur la brochure, généralement de 1 à 2 ml pour
les cathéters non tunnelisés). Cependant, même avec un volume bien ajusté,
les études récentes suggèrent qu’environ 75 % du verrou mis en place sont
relargués dans la circulation systémique du patient en 30 min [9].
Les verrous d’anticoagulant utilisés actuellement sont essentiellement de deux
types : les solutions d’héparine (1000 à 10 000 unités/ml) ou les solutions à
base de citrate (citrate trisodique, solution de 30 à 45 %). Le choix du verrou
doit tenir compte du relargage systémique de la plus grande partie du verrou
utilisé. Ainsi, par rapport aux solutions ayant une faible concentration d’hépa-
rine (≤ 1000 UI/ml), les solutions d’héparine concentrée (5000 à 10 000 UI/
ml) semblent associées à un risque plus faible de thrombose interne au cathé-
ter, mais aussi à un risque d’hémorragie plus élevé chez le patient [10].

11
Le citrate est un chélateur du calcium, empêchant ainsi toute possibilité de
coagulation ou d’activation plaquettaire. Par rapport à l’héparine, le citrate
présente plusieurs avantages : il n’engendre pas de thrombopénie induite et
son passage dans la circulation n’engendre pas d’anomalie de l’hémostase
compte tenu des volumes utilisés (< 5 ml). De plus, le citrate trisodique à
30 ou 45 % est bactéricide. Une étude multicentrique hollandaise, publiée
en 2005, a comparé l’emploi d’un verrou de citrate à 30 % à une solution
d’héparine à 5000 UI/ml [11]. Dans cette étude, 291 patients dialysés (aigus
ou chroniques) sur des cathéters en position jugulaire ont été randomisés
pour le verrou anticoagulant appliqué sur le cathéter après chaque dialyse. La
fréquence des bactériémies liées aux cathéters a été de 1,1 pour 1000 journées
de cathétérisme avec le citrate versus 4,4 avec l’héparine (p < 0,001). La mor-
talité liée à ces bactériémies a également été plus faible avec le citrate (0 ver-
sus 5 décès, p = 0,028). Les épisodes hémorragiques ont en revanche été plus
fréquents avec l’héparine (2,0 pour 1000 journées versus 0,60, p = 0,01). Ces
observations expliquent l’utilisation de plus en plus large du citrate comme
verrou antithrombotique.
Il faut souligner le fait que l’on n’observe pas les mêmes effets avec du citrate
aux concentrations inférieures à 30 % car, compte tenu de la fraction de verrou
relarguée dans la circulation systémique, seules les concentrations ≥ 30 %
sont bactéricides et peuvent inhiber le développement du biofilm bactérien.
Avant chaque utilisation, le contenu du cathéter (verrou) doit être aspiré, puis
une injection vigoureuse de 10 ml de NaCl 9/1000 doit être effectuée sur cha-
que lumière afin de détacher les éventuelles gaines de fibrine obstruant les
extrémités du cathéter (limite de contact entre l’anticoagulant et le sang).
En cas de thrombose interne au cathéter, chez les dialysés chroniques dont le
capital veineux est précieux et les cathéters souvent tunnelisés, des verrous à
base d’urokinase ou d’alteplase ont été proposés afin de rendre le cathéter à
nouveau fonctionnel. Cependant, en milieu de réanimation, en l’absence d’in-
fection du point de ponction, le moyen le plus efficace reste un changement
de cathéter sur guide.

Infection du cathéter

En milieu de réanimation, le traitement des infections liées aux cathéters d’EER


ne présente pas de particularité par rapport aux autres cathéters veineux cen-
traux.
Certains auteurs ont proposé d’additionner au verrou anticoagulant de la gen-
tamicine (10 à 40 mg/ml de verrou) et ont constaté un risque relatif d’infection
sur cathéter de 0,10 par rapport au verrou à l’héparine sans gentamicine (IC à
12
95 % : 0,01 à 0,92). Cependant, les dosages sanguins de gentamicine (avant
chaque dialyse) chez les patients exposés à ce verrou ont mis en évidence
des taux médians de 2,8 mg/l, ce qui souligne le passage systémique de cet
antibiotique, sans que les conséquences en termes de toxicité ou de sélection
de germes chez le patient soient évaluées. De plus, compte tenu des propriétés
bactéricides des solutions de citrate (à concentration ≥ 30 %), l’emploi de la
gentamicine reste assez limité.

Conclusion

L’accès vasculaire conditionne énormément les performances et le vécu des


EER. L’utilisation d’un cathéter inadapté peut engendrer de fréquentes interrup-
tions de flux sanguin et des surcoûts considérables par coagulation prématu-
rée du circuit d’EER. Il est donc important, à la fois sur le plan médical et sur
le plan économique, d’effectuer une réflexion sur le choix des cathéters et la
stratégie d’utilisation des sites de ponction dans chaque service.

Références

1 Baldwin I, Bellomo R, Koch B. Blood flow reductions during continuous renal replace-
ment therapy and circuit life. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 2074-9.
2 Ash SR. The evolution and function of central venous catheters for dialysis. Semin Dial
2001 ; 14 : 416-24.
3 NKF-K/DOQI Clinical Practice Guidelines for Vascular Access : update 2000. Am J Kidney
Dis 200 ; 37 : S137-81. Disponible sur www.kidney.org/professionals/dogi/guidelines
4 Kelber J, Delmez JA, Windus DW. Factors affecting delivery of high-efficiency dialysis
using temporary vascular access. Am J Kidney Dis 1993 ; 22 : 24-9.
5 Oliver MJ, Callery SM, Thorpe KE, Schwab SJ, Churchill DN. Risk of bacteremia from
temporary hemodialysis catheters by site of insertion and duration of use : a prospective
study. Kidney Int. 2000 ; 58 : 2543-5.
6 Randolph AG, Cook DJ, Gonzales CA, Pribble CG. Ultrasound guidance for placement
of central venous catheters : a meta-analysis of the literature. Crit Care Med 1996 ; 24 :
2053-8.
7 Lin BS, Kong CW, Tarng DC, Huang TP, Tang GJ. Anatomical variation of the internal ju-
gular vein and its impact on temporary haemodialysis vascular access : an ultrasonographic
survey in uraemic patients. Nephrol Dial Transplant. 1998 ; 13 : 134-8.
8 Beathard GA. Catheter thrombosis. Semin Dial 2001 ; 14 : 441-5.
9 Agharazii M, Plamondon I, Lebel M, Douville P, Desmeules S. Estimation of heparin
leak into the systemic circulation after central venous catheter heparin lock. Nephrol Dial
Transplant 2005 ; 20 : 1238-40.

13
10 Thomas CM, Zhang J, Lim TH, Scott-Douglas N, Hons RB, Hemmelgarn BR ; Alberta
Kidney Disease Network. Concentration of heparin-locking solution and risk of central ve-
nous hemodialysis catheter malfunction. ASAIO J 2007 ; 53 : 485-8.
11 Weijmer MC, van den Dorpel MA, Van de Ven PJ, ter Wee PM, van Geelen JA, Groeneveld
JO, et al. ; CITRATE Study Group. Randomized, clinical trial comparison of trisodium citrate
30 % and heparin as catheter-locking solution in hemodialysis patients. J Am Soc Nephrol
2005 ; 16 : 2769-77.

14
Anticoagulation en épuration
extrarénale

Le but de ce chapitre est de présenter les possibilités d’anticoagulation pour


l’épuration extrarénale (EER) des patients de réanimation. Cependant, le faible
nombre d’études dans ce domaine nous oblige à prendre en compte certaines
études réalisées en hémodialyse.
La coagulation inopinée du circuit d’EER est un événement indésirable ayant
des conséquences délétères importantes :
• une réduction de la « dose d’épuration » par diminution de la durée du
traitement, alors que cette dose influe sur la mortalité ;
• une perte de sang et de facteurs de coagulation menant à une augmentation
des besoins transfusionnels ;
• une augmentation de la charge en soins et des coûts d’EER.
À l’inverse, une anticoagulation systémique excessive expose le patient à un
risque hémorragique. La maîtrise des différentes techniques d’anticoagulation
est essentielle pour une bonne application de l’EER.

Méthodes d’anticoagulation en
épuration extrarénale

Héparine et héparines de bas poids


moléculaire
L’héparine non fractionnée a été la première méthode d’anticoagulation utilisée
en EER. Sa courte demi-vie, son faible coût, sa bonne maîtrise par l’ensemble
des soignants et la possibilité de l’antagoniser par la protamine constituent les
principaux arguments pour son utilisation chez les patients de réanimation.

Le protocole classique chez le malade à faible risque hémorragique


est le suivant :
• utilisation de 1000 à 5000 UI d’héparine par litre dans le liquide de
rinçage ou priming ;
• bolus intraveineux de 5 à 10 UI/kg d’héparine, fait en début d’EER ;
• perfusion continue de 5 à 10 UI/kg/h avec un objectif de TCA (temps
de céphaline activé) à 1,5 fois le témoin.
15
Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), d’apparition plus récente,
ont pour principal avantage une plus grande simplicité d’utilisation (possibi-
lité d’utilisation de bolus intraveineux sans perfusion continue) et un risque
plus faible de développement de thrombopénie immune induite par l’héparine
[1], contrebalancé par une demi-vie plus longue, des possibilités plus rédui-
tes d’antagonisation et une surveillance plus complexe.
Il n’existe pas d’étude comparative établissant clairement la supériorité
d’une HBPM sur l’héparine ou sur une autre HBPM, quel que soit le para-
mètre choisi (coagulation du circuit ou complications hémorragiques). Le
tableau 1 résume les études les plus représentatives comparant les HBPM
à l’héparine en EER.
Contrairement à l’héparine, les HBPM ont une élimination exclusivement
rénale. Chez l’insuffisant rénal, leur élimination est donc nettement ralentie.
En EER, leur élimination est influencée par le type de membrane utilisé [2]. En
effet, leur poids moléculaire (2000 à 10 000 Da) est compatible avec une épu-
ration par des membranes d’épuration à haute perméabilité, surtout avec une
méthode convective (hémofiltration). Il semble donc logique de tenir compte
des caractéristiques techniques de l’EER (type de membrane, mouvements
convectifs) pour déterminer leur posologie. Cependant, on ne dispose pas
d’étude pharmacologique claire sur ce sujet, et la surveillance de l’activité anti-
Xa constitue la seule méthode d’ajustement des doses.

En pratique, on peut proposer :


• bolus de 30 à 40 UI/kg ;
• administration continue de 4 à 5 UI/kg/h ;
• objectif d’activité antiXa de 0,25 à 0,5 UI/ml.

Faibles doses d’héparine et épuration


sans anticoagulant
La réduction des doses d’héparine a pour objectif de minimiser les risques
hémorragiques en baissant d’au moins 50 % la posologie d’héparine (ou
d’HBPM) injectée au patient.
L’efficacité de ces méthodes dépend beaucoup des capacités d’adsorption d’hé-
parine sur la membrane d’EER. En effet, les molécules d’héparine étant très
électronégatives, leur adsorption est plus élevée sur les surfaces chargées posi-
tivement par rapport aux surfaces neutres. Ainsi, les membranes cellulosiques
(cuprophane ou celluloses modifiées), en polysulfone ou en AN69, ont une
adsorption d’héparine 4 à 5 fois inférieure à l’AN69ST, du fait de la présence de
polymères cationiques polyéthylène-imine sur les surfaces en AN69ST.

16
Tableau 1
Études comparant l’héparine et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) en épuration extrarénale (EER)
Référence Nb de patients Type et durée des HBPM Dose HBPM Dose héparine
EER
Schrader, 1988 [3] 70 HDI : 4,5 à 5 h Dalteparine Bolus 34 UI/kg, puis Bolus de 62 UI/kg puis
12 UI/kg/h 17 UI/kg/h
Reeves, 1999 [4] 47 CVVHD Dalteparine Bolus de 20 UI/kg puis Bolus de 2000 à
10 UI/kg/h 5000 UI, puis 500 à
2000 UI/h
Lord, 2002 [5] 32 HDI : 4 h Tinzaparine Bolus 4318 UI Bolus de 50 à 75 UI/kg,
puis dose ajustée au
temps de coagulation
(100-200 s)
Saltissi, 1999 [6] 36 HDI : 3 à 5 h Énoxaparine Bolus de 0,69 à Bolus de 50 UI/kg, puis
1 mg/kg 1000 UI/h
Nurmohamed, 1991 [7] 70 HDI : 4 à 6 h Nadroparine Bolus de 80 UI/kg Bolus de 2500 UI, puis
ou 100 UI/kg (si Ht 600 à 2200 UI/h
≥ 30 % ou durée > 4 h)

CVVH : continuous venovenous hemofiltration ; CVVHD : continuous venovenous hemodiafiltration ; EER : épuration extrarénale ; HDI : hémodialyse intermittente.

17
À l’extrême, la dose d’héparine injectée au patient peut être réduite à zéro.
L’EER sans anticoagulant a été décrite il y a plus de 20 ans [8]. Cette méthode
est fondée sur l’utilisation d’un débit sanguin extracorporel le plus élevé pos-
sible (classiquement 300 ml/min), une prédilution d’au moins 1 à 2 l/h [9]
et parfois un rinçage du circuit d’EER par 100 ml de cristalloïdes toutes les
20 min. Cette méthode induit donc une charge en soins assez importante,
et s’accompagne d’un risque non négligeable de coagulation prématurée du
circuit d’EER (risque ≥ 5 % pour des EER de moins de 4 h, en l’absence de
déficit de la coagulation).

Influence de la prédilution et des


rinçages intermittents
Le rôle spécifique de la prédilution pour réduire les phénomènes de coagu-
lation sur la membrane d’EER, comparativement à une dialyse sans prédi-
lution, a été fortement remis en cause par une publication récente [10]. En
effet, dans cette étude, par comparaison avec une hémodialyse sans prédilu-
tion, une forte prédilution (injection de 200 ml/min de solutés avant la mem-
brane avec un débit sanguin de 300 ml/min) s’accompagne d’une activation
plus importante de la coagulation au niveau de la membrane (génération
plus importante de D-dimères et de complexes thrombine-antithrombine).
L’hypothèse soulevée par les auteurs de cet article est que l’écoulement du
sang dans les capillaires de la membrane d’EER reste laminaire en hémodia-
lyse, alors que la prédilution implique une filtration qui crée des turbulen-
ces dans l’écoulement du sang, augmentant le contact entre les facteurs de
coagulation et la surface de la membrane d’EER. Une hypothèse alternative
a été également suggérée : les taux de prédilution utilisés jusqu’à présent
diminuent insuffisamment le taux plasmatique des facteurs de coagulation
(il est nécessaire de diminuer les facteurs de coagulation à < 30 % de leur
valeur normale pour obtenir une anticoagulation efficace, mais les prédilu-
tions utilisées ne représentent que 10 à 50 % du débit plasmatique) ; alors
que ces mêmes taux de prédilution sont suffisants pour diminuer l’action
des inhibiteurs physiologiques de la coagulation (antithrombine III, protéi-
ne C, protéine S, etc.).
De même, dans la seule étude comparative publiée, l’utilisation des rinçages
intermittents de sérum salé (flushes) pendant la dialyse ne réduit nullement
l’activation de la coagulation dans le circuit d’EER [11].
Cependant, comparée à la postdilution, la prédilution semble associée à une
durée de vie plus élevée des circuits en hémofiltration continue, dans la majo-
rité des études publiées [12, 13].
18
Anticoagulation régionale par citrate
L’anticoagulation par citrate, décrite pour la première fois en 1961 par Morita
[14], a été peu utilisée pendant plus de 20 ans du fait des difficultés de mesure
des paramètres indispensables à sa surveillance. Une plus grande disponi-
bilité des mesures de calcium ionisé plasmatique a été à l’origine d’un grand
regain d’intérêt pour cette méthode depuis quelques années.
Le citrate exerce une activité anticoagulante par sa capacité à chélater le cal-
cium (création de complexes citrate-calcium). Le calcium ionisé (forme active
du calcium) est indispensable à la cascade de la coagulation, mais également
à l’activation des plaquettes, des granulocytes et de la voie alterne du complé-
ment. Ainsi, l’absence de calcium ionisé au niveau du circuit d’EER empêche
l’ensemble des interactions entre la membrane d’épuration et les éléments
sanguins. Il faut environ 4,3 mmol de citrate pour neutraliser le calcium con-
tenu dans 1 l de sang. L’emploi du citrate doit s’accompagner du maintien d’un
taux de calcium ionisé normal chez le patient (environ 1,1 mmol/l), grâce à un
apport adéquat de calcium (injection de citrate avant la membrane, injection de
calcium au patient ou sur le circuit de retour après le piège à bulles).
Le citrate injecté au niveau du circuit d’EER est en partie éliminé au niveau de
la membrane d’EER (environ 60 % des complexes citrate-calcium en hémo-
dialyse conventionnelle, 20 à 40 % en épuration continue) [15]. L’utilisation
d’un débit de dialysat très élevé par rapport au débit sanguin (≥ 5 fois le débit
plasmatique) peut même permettre l’épuration extracorporelle de la quasi-
totalité du citrate injecté (sous forme de complexes citrate-calcium). Une
partie du citrate est donc généralement injectée au patient (sous forme de
complexes citrate-calcium). Chez le patient, le citrate est rapidement méta-
bolisé par le cycle des acides tricarboxyliques au niveau du foie, des muscles
et du cortex rénal. La métabolisation des complexes citrate-calcium s’accom-
pagne d’un relargage du calcium chélaté et de bicarbonate (3 molécules pour
chaque molécule de citrate métabolisée). Les apports de calcium nécessaires
au maintien d’une normocalcémie chez le patient dépendent donc de l’inten-
sité d’épuration extracorporelle des complexes citrate-calcium. Il en est de
même pour les apports de bicarbonate (l’apport de bicarbonate doit être réduit
proportionnellement à la quantité de citrate métabolisée par le foie). Il existe
une réduction d’environ 50 % de la clairance plasmatique du citrate en cas de
cirrhose compensée [16].
Le tableau 2 résume les principales études comparant l’anticoagulation au
citrate à une anticoagulation systémique.
L’anticoagulation régionale au citrate permet de diminuer les phénomènes
de coagulation au contact de la membrane, tout en minimisant les risques

19
Tableau 2
Principales études comparant le citrate à une anticoagulation systémique
Référence Patients et Comparaison Résultats
type d’EER
Flanigan, 1987 HDI, patients Faibles doses 18 % de saignement
[17] à haut risque d’héparine en cours de dialyse
hémorragique avec le citrate versus
50 % sous héparine
Hofbauer, 1999 HDI, Héparine et Score de coagulation
[18] hémodialysés dalteparine sur la membrane
chroniques diminué d’environ
85 % avec le citrate
Monchi, 2004 CVVH, patients Héparine Augmentation de
[19] à faible risque la durée de vie des
hémorragique circuits (70 h versus
40 h) avec le citrate
et réduction de 80 %
des transfusions
érythrocytaires
Kutsogiannis, CVVHD, patients Héparine Augmentation de
2005 [20] à faible risque la durée de vie des
hémorragique circuits avec le
citrate (124 h versus
38 h) et réduction du
risque de saignement
(risque relatif ajusté
= 0,14)
Balik, 2005 [21] CVVHD, patients Faibles doses Réduction de la
à haut risque d’héparine fréquence des
hémorragique + prostacycline thrombopénies
et des instabilités
hémodynamiques
avec le citrate
Coût plus faible avec
le citrate
Evenepoel 2007 HDI, patients AN69ST rincé Réduction des
[22] à haut risque avec héparine coagulations
hémorragique prématurées du
Pas d’héparine
circuit avec le citrate,
en cours de
plus grande dose de
dialyse
dialyse avec le citrate

20
de saignement, même chez des patients sans risque hémorragique évident.
La plupart des études publiées ont eu pour objectif une réduction des taux
sériques de calcium ionisé à < 0,3 mmol/l au contact de la membrane d’EER.
En cas de risque d’accumulation du citrate (réduction de la fonction hépati-
que), les deux approches proposées sont de tolérer des taux de calcium ionisé
proches de 0,5 mmol/l au contact de la membrane et/ou de rechercher une
épuration quasi complète du citrate au niveau de la membrane (utilisation de
débits de dialysat très élevés par rapport au débit sanguin).
Le tableau 3 résume les principaux risques potentiels de l’anticoagulation au
citrate.
Une surveillance adaptée est indispensable à l’utilisation d’une anticoagulation
régionale au citrate, surtout en cas d’EER prolongée. La surveillance la plus
communément admise en épuration continue est résumée dans le tableau 4. Il
est cependant préférable de renforcer ces éléments de surveillance si l’équipe
médicale et paramédicale est peu habituée à l’emploi du citrate.
Logiquement, l’utilisation d’une anticoagulation par citrate impose l’emploi
d’un liquide de dialyse ou d’hémofiltration sans calcium, sauf si le liquide
d’hémofiltration est injecté après la membrane, en postdilution. En effet, tout
apport de calcium au contact de la membrane peut réactiver la coagulation.
L’emploi de liquides contenant du magnésium ne semble pas poser de pro-
blème et il existe des publications décrivant l’utilisation de liquides de subs-
titution contenant du calcium, moyennant une augmentation des doses de
citrate [23].
Le tableau 5 résume les doses initiales de citrate (à injecter avant la mem-
brane) et de calcium (à injecter après le piège à bulle ou chez le patient) en
EER continue lorsque le liquide de substitution est dépourvu de calcium. Ces
doses nécessitent bien entendu des ajustements secondaires selon la sur-
veillance biologique (adaptation par des modifications d’environ 10 % de la
dose). Dans ces études, le liquide de substitution était dépourvu de bicarbo-
nate, afin d’éviter le risque d’alcalose métabolique. En cas d’emploi de citrate
trisodique molaire, le liquide de dialyse (ou d’hémofiltration) doit également
être plus pauvre en sodium (115 à 120 mmol/l en CVVH [continuous venove-
nous hemofiltration], 125 à 135 en hémodialyse intermittente [HDI]).
Le protocole pratique de la plus grande série publiée à ce jour en hémodia-
lyse intermittente (1009 hémodialyses au citrate) est résumé dans le tableau 6
[24].
L’ensemble des publications semble démontrer la supériorité de l’anticoagu-
lation au citrate non seulement chez des patients à haut risque hémorragique,
mais également chez les patients ayant un faible risque de saignement.

21
Tableau 3
Effets secondaires possibles en cas d’utilisation du citrate
Risque Comment éviter le risque
Hypernatrémie en cas d’utilisation de •Diminution de la concentration
solutés concentrés (hyperosmolaires) de en sodium du liquide de dialyse
citrate trisodique (d’hémofiltration)
ou
Utilisation de solutés iso-osmolaires de
citrate (dont le volume représente 200 à
1000 ml/h)
Alcalose métabolique •Diminution (parfois jusqu’à zéro) de la
concentration en bicarbonate du liquide
(la métabolisation du citrate engendre
de dialyse (d’hémofiltration) + maintien
la production de 3 molécules de
d’une dose d’épuration suffisante
bicarbonate par molécule de citrate)
pour éliminer l’excès de bicarbonate
(> 30 ml/kg/h)
ou
Apports de citrate sous forme de
mélange citrate-acide citrique pour ne
pas générer un excès de bicarbonate
Hypomagnésémie (le citrate est Augmenter les apports de magnésium IV
également un chélateur du magnésium) ou son taux dans le liquide de dialyse
(de 0,5 à 1 mmol/l)
Hypocalcémie ou hypercalcémie (en cas •Surveillance du taux de calcium ionisé
d’apports inappropriés de calcium) chez le patient pour ajuster les apports
de calcium
Accumulation de citrate en cas •En cas de dysfonction hépatique,
d’insuffisance hépatique (ou cirrhose commencer par de faibles débits
même compensée) sanguins et de faibles doses de citrate
et augmenter lentement (objectifs : Ca
ionisé ≤ 0,5 mmol/l au contact de la
membrane)
•Augmenter la clairance extracorporelle
du citrate (débit dialysat ≥ 5 fois le débit
sanguin)
•Bien ajuster (augmenter) les apports
de bicarbonate
•Surveillance très rapprochée du
pH, du Ca ionisé du patient et du
rapport calcium sanguin total/calcium
ionisé (par exemple : toutes les 2 h
initialement). L’augmentation du rapport
Ca total/Ca ionisé reflète l’accumulation
du citrate non métabolisé
22
Tableau 4
Surveillance de l’utilisation du citrate en EER continue [19, 20]

Paramètre Intervalle de surveillance


•Calcium ionisé •Toutes les 4 à 6 h les
premières 24 h
•pH sanguin
•Toutes les 6 à 8 h après les
•Bicarbonate
premières 24h
•Toutes les 1 h à 2 h si
hypocalcémie < 0,90 mmol/l
ou acidose sévère

Chez le patient Magnésémie, natrémie •Une fois par 24 h


Calcium plasmatique total et •Toutes les 24 h en absence
rapport Ca total/Ca ionisé de cirrhose (valeur normale
proche de 2, accumulation de
citrate si ≥ 3)
•Toutes les 2 à 6 h
initialement en cas de
dysfonction hépatique ou
cirrhose
Calcium ionisé sanguin au •Une fois par 24 h si valeur
contact de la membrane ≤ 0,3 mmol/l (< 0,5 si
Au contact de la (circuit EER) dysfonction hépatique)
membrane •Nécessité d’augmenter
la dose de citrate et de
recontrôler si valeur élevée

Tableau 5
Doses initiales de citrate et de calcium en EER continue, pour un soluté de
substitution sans calcium (ajustements secondaires à faire selon les dosages
biologiques)
Débit de la pompe à 125 150 175 200 250 300
sang (ml/min)A
Dose de citrate (en 31 38 45 52 65 77
mmol/h)B
Dose de CaCl2 en 8,3 10 12 13 17 20
ml/h d’une ampoule à
1 g/10 ml
A : Le débit d’hémofiltration en postdilution est de 35 ml/kg/h et égal à 25 % du débit
sanguin extracorporel.
B : Le poids molaire du citrate trisodique est de 287,2 g (soluté molaire = 28,7 %).
23
Tableau 6
Protocole d’anticoagulation au citrate utilisé lors de 1009 hémodialyses
intermittentes
Liquide de dialyse
Na 136 mmol/l (dose habituelle réduite de 2 à
5 mmol/l)
Ca 0
Mg 0,5 mmol/l
Bicarbonate Dose habituelle réduite de 4 mmol/l, médiane
= 29 mmol/l
Débit sanguin Médiane à 320 ml/min, extrêmes : 150 à
400 ml/min
Débit de dialysat 500 ml/min
Dose de citrate 50 mmol/h (solution de citrate trisodique à
0,5 mmol/ml)
Dose de calcium initial 17,5 mmol/h, ajustement par modifications de
1,25 à 2,5 mmol/h pour maintenir le calcium
ionisé à ±10 % de la valeur de départ
Surveillance Calcium ionisé au début (H0), H + 15 min,
puis toutes les 2 h.
Contrôle du calcium ionisé 30 min après
chaque modification de la dose de calcium

Cependant, l’emploi de cette méthode suppose une surveillance rigoureuse et


une plus grande disponibilité des solutions nécessaires (le coût des solutions
de citrate reste faible jusqu’à présent : ≤ 25 € par 24 h). Une étude multicen-
trique hollandaise est actuellement en cours afin de mieux documenter l’intérêt
du citrate en EER continue (étude NCT00209378, ClinicalTrials.gov).

Autres molécules
• Le danaparoïde (Orgaran®) et la lépirudine (Refludan®) sont les molécules
utilisables en Europe en cas de thrombopénie immune à l’héparine. Leurs
caractéristiques sont résumées dans le tableau 7 [25].
L’utilisation de ces molécules en présence d’une insuffisance rénale s’accom-
pagne d’un risque de surdosage (d’accumulation). Une utilisation prolongée
de la lépirudine induit un risque de développement d’anticorps antilépirudine
(44 % des patients dans une série de 196 patients).

24
Tableau 7
Molécules utilisables en Europe en cas de thrombopénie induite par l’héparine
Molécule Danaparoïde Lépirudine
Poids moléculaire 5500 Da 6979 Da
Réactivité croisée avec 10 à 50 % in vitro Non
les anticorps anti-PF4- (moins fréquent in vivo)
héparine
Mode d’action Inhibiteur indirect du Inhibiteur direct du
facteur Xa facteur IIa
Voie d’élimination Rénale (glomérulaire) Rénale (glomérulaire)
normale
Demi-vie en l’absence 18 à 28 h 40 à 120 min
d’insuffisance rénale
Surveillance Activité anti-Xa TCA (objectifs 1,5 à 2,0)
(objectifs 0,5 à 0,8) ou temps de coagulation
à l’écarine
Posologie pour Bolus de 30 à 35 UI/kg, Bolus initial
hémodialyse ajusté sur activité anti-Xa de 0,05 mg/kg (parfois
intermittente de 4 h jusqu’à 0,1 mg/kg)
Posologie pour épuration Bolus de 750 UI, puis 50 Bolus de 0,007 à
continue à 200 UI/h 0,025 mg/kg, puis
0,006 – 0,009 mg/kg/h

TCA : temps de céphaline activé.

• Le fondaparinux a été utilisé avec succès chez un patient hémodialysé ayant


une thrombopénie immune à l’héparine [26], mais peu d’études sur l’utilisa-
tion de cette molécule en EER sont disponibles à ce jour.
En cas de surdosage avec insuffisance rénale, étant donné l’absence d’antidote
pour ces molécules, l’hémofiltration avec une membrane à haute perméabilité
et des débits de filtration très élevés reste la seule thérapeutique possible.
• La prostacycline et ses dérivés (4 à 20 ng/kg/min) ont également été pro-
posés en EER continue, parfois en association avec de faibles doses d’hé-
parine [21]. Cependant, ce type d’anticoagulation est associé à des effets
secondaires non négligeables (10 à 35 % d’hypotension artérielle), un coût
important (environ 200 € par jour) et une faible durée de vie des circuits
d’EER (souvent ≤ 24 h).
• L’apport d’antithrombine III concentrée a été proposé pour augmenter la
durée de vie des circuits d’EER ; cependant, son rapport coût/efficacité et
ses effets secondaires n’ont pas encore été bien évalués.

25
• Chez les patients déjà traités par protéine C activée, en cas d’EER, l’addition
d’un autre anticoagulant systémique semble inutile [27].

Rôle de la technique d’épuration

La voie d’abord vasculaire (le cathéter) joue un rôle fondamental (voir chapitre
« Cathéters d’épuration extrarénale »). Quelle que soit l’intensité de l’anticoa-
gulation, un abord vasculaire de mauvaise qualité induit des irrégularités de
débit sanguin aboutissant à une coagulation prématurée du circuit [28].
Il existe également des interactions entre la membrane d’épuration et l’anticoa-
gulation, permettant parfois une réduction des doses d’héparine avec certaines
membranes ayant une capacité d’adsorption d’héparine lors de la purge du
circuit.
Nous ne disposons pas encore d’étude permettant d’évaluer objectivement la
relation entre la largeur de la surface de la membrane et les probabilités de
coagulation du circuit.
La durée de la technique d’épuration joue également un rôle important. Les
techniques d’épuration intermittente permettent l’emploi de plus faibles doses
d’anticoagulant [29].
Le rôle contesté de la prédilution et des rinçages a déjà été abordé plus haut.

Choix thérapeutique selon le patient

Patients à faible risque hémorragique


• Toutes les techniques décrites restent possibles. L’héparine et les HBPM
restent les techniques les plus utilisées.
• En EER intermittente, la supériorité du citrate a été démontrée sur un plan
biologique (coagulation sur la membrane) et clinique (dose d’épuration),
mais ces avantages restent modestes et les HBPM sont nettement plus sim-
ples d’emploi.
• En présence d’un état d’hypercoagulabilité menant à des thromboses répé-
tées du circuit d’EER, l’utilisation du citrate est une alternative intéressante.
• En EER continue, même chez les patients à faible risque hémorragique, les
deux études prospectives randomisées dont on dispose actuellement [19,
20] retrouvent une supériorité du citrate en termes de durée de vie des cir-
cuits et de besoins transfusionnels. Ces deux études prouvent que l’emploi
du citrate ne doit pas être réservé uniquement aux patients à haut risque

26
hémorragique. L’étude multicentrique hollandaise en cours permettra pro-
bablement de mieux documenter l’intérêt du citrate dans ce contexte (étude
NCT00209378, ClinicalTrials.gov).

Patients à haut risque hémorragique


• Chez les patients à haut risque hémorragique sans insuffisance hépato-
cellulaire, le citrate constitue indiscutablement l’anticoagulant de choix,
en épuration intermittente et en épuration continue. En cas de réduction
de la fonction hépatique, l’emploi du citrate reste possible, moyennant une
surveillance beaucoup plus stricte et des protocoles adaptés (tolérance d’un
calcium ionisé plus élevée au contact de la membrane, clairance du citrate
proche de 100 % au niveau du circuit d’EER).
• En l’absence de possibilité d’utilisation du citrate, les stratégies de réduction
des doses d’héparine sont recommandées.
• Chez les patients ayant un diagnostic récent de thrombopénie induite par
l’héparine, une anticoagulation systémique par lépirudine ou danaparoïde
est indispensable.
• Chez les patients ayant un antécédent de thrombopénie induite par l’hé-
parine, les anticorps anti-PF4-héparine disparaissent en environ 4 mois et
l’emploi de l’héparine est à nouveau possible. Il est cependant recommandé
de réserver l’emploi de l’héparine aux thérapeutiques lourdes comme la
chirurgie cardiaque et d’éviter autant que possible de réexposer ces patients
à l’héparine. L’emploi du citrate est dans ce cas une solution intéressante.

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29
Membranes de dialyse

La membrane d’épuration extrarénale (EER) est un élément essentiel de l’EER,


tout en restant relativement mal connu par la plupart des cliniciens des ser-
vices de réanimation. Le rôle de ce chapitre est de fournir des éléments de
compréhension pour le choix des membranes d’EER dans les services de
réanimation.
L’amélioration des membranes d’EER, depuis leur apparition dans les années
1940 jusqu’à ce jour, a suivi deux axes principaux :
1) les membranes de type capillaire ont progressivement remplacé les plaques
(moins performantes et plus difficiles à produire en grand nombre) ;
2) les membranes en cellulose modifiée et en polymères synthétiques ont sup-
planté les membranes en cellulose non modifiée (cuprophane).
La figure 1 permet d’illustrer les principes des échanges à travers la mem-
brane selon le mode d’EER. En hémodialyse, l’intensité des échanges par dif-
fusion est inversement proportionnelle à la taille de la molécule. Avec la même
membrane, si les débits de sang et de solutés sont identiques, l’hémofiltration
(échanges par convection) permet une meilleure épuration des molécules de
taille plus élevée, jusqu’à la limite de perméabilité de la membrane (cut-off).
Il faut cependant souligner le fait que les débits de solutés sont souvent plus
faibles en hémofiltration qu’en hémodialyse.
On distingue ainsi les molécules de petite taille (< 200 Daltons [Da]) qui sont
bien épurées en dialyse conventionnelle, les molécules de taille intermédiaires
Figure 1. Clairances des molécules plasmatiques selon leur poids
moléculaire, en hémodialyse (échanges par diffusion) et en hémofiltra-
tion (échanges par convection).

Poids moléculaire (Da)


30
(200 à 2000 Da) ayant une diffusion variable selon la membrane utilisée et les
molécules de taille moyenne (2000 à 55 000 Da) dont la clairance ne devient
généralement significative qu’en hémofiltration. On peut souligner que, phy-
siologiquement, le rein assure une épuration par filtration, avec une limite de
perméabilité proche du poids moléculaire de l’albumine (67 000 Da).
De même, il est important de rappeler que certaines molécules de petite taille
ont une fixation protéique limitant leur diffusion.

Caractéristiques physiques des


membranes capillaires

Une membrane d’EER est généralement constituée de 15 000 à 25 000 capil-


laires. Ces capillaires se caractérisent par leur longueur (généralement de 14
à 28 cm), leur diamètre interne (de 150 à 250 µm en général), et l’épaisseur
de leur paroi (5 à 50 µm).
L’épaisseur de la paroi des capillaires est déterminée par le polymère qui les
constitue. Une paroi plus épaisse diminue les clairances par diffusion, sans
influer sur les clairances convectives (par filtration). Une paroi plus fine per-
met donc d’obtenir de bonnes clairances diffusives avec une surface moins
importante. Généralement, les parois les plus fines sont celles des membranes
en cellulose (cuprophane : 5 à 10 µm), ou celles des membranes en cellulose
modifiée (10 à 20 µm). Les membranes synthétiques ont généralement des
parois plus épaisses (40 à 50 µm).
Le diamètre interne des capillaires est déterminé de manière à minimiser le
volume sanguin interne à la membrane (< 100 ml en général) et la résistance à
l’écoulement de sang (perte de charge ou de pression entre l’entrée et la sortie
de la membrane). Le plus souvent, ce diamètre est de 200 à 250 µm.
Cependant, plus récemment, afin d’augmenter les résistances à l’écoulement,
des membranes ayant des capillaires de 150 µm ont été réalisées. Cette élé-
vation des résistances a pour but d’augmenter les différences de pression
entre l’extrémité artérielle et l’extrémité veineuse de la membrane, induisant
des phénomènes de filtration et de rétrofiltration du dialysat à l’intérieur de
la membrane (voir figure 2). Ces phénomènes de filtration et de rétrofiltration
permettent d’augmenter les échanges par convection afin d’augmenter l’épu-
ration des molécules de taille moyenne (la ß2-microglobuline par exemple)
au cours d’une séance d’hémodialyse. En revanche, cette augmentation des
résistances des capillaires n’a aucune utilité en hémofiltration (sans dialyse
associée).

31
Figure 2. Phénomènes de filtration et de rétrofiltration. La diminution du
diamètre interne des capillaires augmente la résistance à l’écoulement
sanguin, induisant des mouvements de filtration et de rétrofiltration et
une augmentation des échanges par convection.

Sang

Pr – 300 mmHg Pr – 100 mmHg

Pression Pression
d'ultrafltration de rétrofiltration
100 mmHg 100 mmHg
Pression selon ultrafiltration (~
~ 200 mmHg)

Dialysat
Dialysat

Propriétés caractéristiques :
biocompatibilité, perméabilité
hydraulique, cut-off

La biocompatibilité des membranes de dialyse est généralement définie par


leur capacité à activer les médiateurs de l’inflammation (essentiellement la
voie alterne du complément) et les granulocytes. Les implications cliniques de
ces phénomènes restent encore débattues. L’importance de la biocompatibilité
dans le traitement des patients atteints d’insuffisance rénale aiguë sera discutée
secondairement. Cependant, il faut rappeler que l’activation de l’inflammation
au niveau de la membrane ne dépend pas uniquement des caractéristiques de
la membrane, mais aussi de l’anticoagulation et du liquide de dialyse (ou de
substitution). En effet, la cascade de la coagulation interagit avec la cascade
inflammatoire [1], et la présence d’endotoxines ou d’autres dérivés bactériens
dans le liquide de dialyse peut induire une inflammation. La biocompatibilité
dépend donc de l’ensemble du système d’EER (type de membrane, anticoagu-
lation, liquide de substitution).
La perméabilité hydraulique d’une membrane est définie par un coefficient
d’ultrafiltration (Kuf en ml.h–1.mmHg–1 exprimée de préférence par m2 de sur-
face membranaire). Cette perméabilité est proportionnelle au nombre de pores
par unité de surface et au rayon moyen des pores à la puissance 4. Ainsi, de
faibles modifications de la taille des pores influent fortement sur la perméa-
bilité hydraulique, et la perméabilité hydraulique est souvent corrélée au cut-
off de la membrane. Les méthodes convectives d’épuration (hémofiltration)

32
nécessitent une forte perméabilité hydraulique (≥ 20 ml/mmHg par m2 et par
heure), afin de permettre un débit horaire d’ultrafiltration suffisant sans pres-
sions excessives (les capillaires constituant la membrane ont généralement
un risque de rupture si les pressions de filtration excèdent 500 mmHg). Les
méthodes diffusives (hémodialyse) sont en revanche parfaitement compatibles
avec un coefficient d’ultrafiltration faible (< 5 ml/mmHg par m2 et par heure).
Donc en pratique :
• en hémofiltration, les membranes utilisées sont des membra-
nes avec de hauts coefficients de perméabilité ;
• en hémodialyse intermittente (HDI), les membranes à haut
coefficient de perméabilité ont deux inconvénients :
– le risque de rétrofiltration, non souhaitable si la pureté du
soluté de dialyse n’est pas optimale ;
– les forts transferts convectifs, plus difficiles à gérer quand
des ultrafiltrations nulles ou modérées sont indiquées.
Une des caractéristiques d’une membrane d’EER est sa limite de perméabilité ou
cut-off (voir figure 1). En dessous du cut-off, en hémofiltration, on peut définir
pour chaque molécule un coefficient de tamisage (sieving coefficient), défini
par le rapport [concentration de la molécule dans l’ultrafiltrat]/[concentration
de la molécule dans le plasma]. Ce rapport est de 1 pour les petites molécules
et généralement < 0,1 au-delà de 15 kDa de poids moléculaire.
Il faut noter que la limite de perméabilité (cut-off) indiquée par le constructeur
pour une membrane donnée est généralement déterminée in vitro, par filtration
d’un soluté contenant des polysaccharides de différents poids moléculaires
(dextranes). In vivo, du fait des charges électriques des molécules filtrées et
des interactions entre les protides plasmatiques, les limites de perméabilité
sont souvent nettement plus basses ; par exemple, les membranes ayant un
cut-off in vitro de 30 à 35 kDa sont généralement quasi imperméables in vivo
à la myoglobine qui a un poids moléculaire de 17 kDa.
On note depuis environ 10 ans l’apparition de membranes dites superperméables
ou à très haut cut-off, ayant des cut-off in vitro de 60 à 100 kDa (≤ 60 kDa in
vivo). Ces membranes ont été créées afin de mieux épurer les molécules de taille
moyenne et les cytokines, au prix cependant de pertes en albumine plus ou moins
importantes. Certaines études préliminaires suggèrent un intérêt pour ces mem-
branes dans le traitement des insuffisances rénales aiguës d’origine septique [2].

33
Caractéristiques chimiques
(polymères constitutifs)

On distingue classiquement les membranes selon le polymère constitutif en


membranes cellulosiques et membranes synthétiques.
Les membranes cellulosiques comprennent les celluloses non modifiées (sur-
tout représentées par le cuprophane) et les celluloses modifiées.
Le cuprophane représente la membrane « historique », constituée par des
polymères de cellulose purifiée d’origine végétale, dissoute dans une solution
d’ammoniac et d’hydroxyde de cuivre (origine du nom « cuprophane »). Les
membranes en cuprophane se caractérisent par une paroi capillaire très fine
(5 à 10 µm) et une faible perméabilité hydraulique (< 5 ml/mmHg par m2 et
par heure). La présence de nombreux radicaux hydroxyl (-OH) à la surface des
membranes en cuprophane provoque in vivo une interaction avec le groupe-
ment sulfhydroxyl de la protéine C3 (par analogie avec la paroi bactérienne),
activant la voie alterne du complément et les leucocytes [3].
La fabrication des membranes en cellulose modifiée a donc eu pour but de
neutraliser les radiaux hydroxyl de la cellulose et de réduire ainsi l’activation
du complément et des leucocytes (biocompatibilité). Cette substitution peut se
faire par des molécules d’acétate (70 à 80 % de substitution pour la dénomina-
tion diacétate de cellulose, 80 à 100 % pour la dénomination triacétate de cel-
lulose). La substitution par l’acétate provoque également une augmentation de
la taille des pores des membranes, augmentant ainsi la perméabilité hydrauli-
que et les clairances des molécules plus larges. Il existe ainsi des membranes
en triacétate de cellulose ayant une très haute perméabilité hydraulique et un
cut-off plus élevé que la majorité des membranes synthétiques. La substitu-
tion peut aussi se faire sur un pourcentage plus réduit des radicaux hydroxyl
(≤ 5 %) avec des molécules plus larges telles que les amines tertiaires (dié-
thyl-amino-éthyl dans Hemophan®) ou le radical benzyl (SMC : synthetically
modified cellulose). Il existe également une possibilité de substitution par la
vitamine E [4]. On peut dire que les membranes en cellulose modifiée offrent
une meilleure biocompatibilité que le cuprophane et que la biocompatibilité
des triacétates de cellulose est comparable à celle des meilleures membranes
synthétiques [5].
Les membranes synthétiques sont apparues à partir des années 1970, dans le
but d’améliorer la biocompatibilité, la perméabilité hydraulique et l’épuration
des molécules de taille moyenne. Il existe de nombreux polymères (poly-
acrylo-nitrile [PAN], AN69, AN69ST, polyamides, polycarbonates, éthynyl-
vinyl-alcool [EVAL], polysulfones, polyéthersulfones, polyméthylméthacrylate

34
[PMMA]), et chaque dénomination de polymère peut prendre une structure et
des caractéristiques spécifiques selon le procédé de fabrication de la mem-
brane. Le cut-off et la perméabilité capillaire des membranes synthétiques
sont donc très variables (il existe des membranes synthétiques à faible per-
méabilité hydraulique et à cut-off bas). La biocompatibilité des membranes
synthétiques est généralement bonne.

Stérilisation

Il existe trois méthodes de stérilisation des membranes de dialyse : chimi-


que (par oxyde d’éthylène [ETO]), par rayonnement gamma ou par vapeur
d’eau. L’ETO peut s’adsorber sur certains polymères internes de la membrane
et provoquer des effets secondaires lors de l’utilisation de la membrane [6].
Le rayonnement gamma, aux doses actuellement recommandées (2,5 kGy),
peut également dénaturer certains polymères, induisant des pertes de per-
formance ou des effets cytotoxiques. De même, la stérilisation par la vapeur
n’est compatible généralement qu’avec les membranes en cuprophane et en
polysulfone. Le mode de stérilisation de chaque membrane dépend donc de la
compatibilité de ses polymères avec les méthodes de stérilisation.

Biocompatibilité et mortalité dans


l’insuffisance rénale aiguë

La question de l’influence de la biocompatibilité de la membrane utilisée


sur la survie des patients atteints d’insuffisance rénale aiguë a été soulevée
par une étude monocentrique publiée en 1994, décrivant une amélioration
de la survie chez des patients dialysés pour insuffisance rénale aiguë après
chirurgie cardiaque [7]. Ce débat a été alimenté par d’autres études [8–10],
avec des données contradictoires (voir tableau 1). Ces quelques rares étu-
des ont également donné lieu à des méta-analyses contradictoires [9, 10].
On peut souligner que le cuprophane est le seul polymère associé dans cer-
taines études à une surmortalité. Le débat sur le rôle de la biocompatibilité
était justifié par le coût nettement plus élevé des membranes biocompatibles
par rapport aux membranes en cuprophane. La baisse notable du coût des
membranes biocompatibles depuis 15 ans a mis un terme à ce débat au
niveau des services de réanimation. Il semble actuellement prudent d’éviter
d’utiliser les membranes en cuprophane pour les patients en insuffisance
rénale aiguë.

35
Tableau 1
Influence de la biocompatibilité de la membrane de dialyse sur la mortalité de
l’insuffisance rénale aiguë : principales études randomisées.
Premier Schiffl Hakim Gastaldello Jörres
auteur
Publication Lancet, 1994 NEJM, 1994 NDT 2000 Lancet, 1999
[7] [8] [11] [12]
Membranes Cuprophane Cuprophane Diacétate Cuprophane
testées versus AN69 versus de cellulose versus
PMMA versus PMMA
polysulfone
Nombre de 26/26 35/37 53/53 76/84
patients
Nombre de 1 1 1 5
centres
Type de Chirurgie Médical Médical Médical ou
patient cardiaque chirurgical
Nombre 12 versus 9 17 versus 5 7 versus 6 5 versus 5
de dialyse (p < 0,05) (p < 0,05)
(moyenne
par patients)
Durée de 22 versus 15 33 versus 11 9 versus 10 9 versus 8
défaillance (p < 0,05) (p < 0,05)
rénale (jour)
Mortalité 65 versus 38 64 versus 55 versus 64 42 versus 40
(%) (p < 0,05) 43

PMMA : polyméthylméthacrylate.

Conclusion

Même s’il semble préférable d’éviter l’emploi de membranes en cuprophane


pour les EER des patients en insuffisance rénale aiguë, il est quasi impossible
de recommander une membrane spécifique dans ce contexte.
Jusqu’à l’apparition des membranes dites superperméables (à très haut cut-
off), il n’existait pas de membrane d’EER spécifiquement fabriquée pour les
patients de réanimation. Les recherches en cours permettront de mieux préci-
ser l’intérêt éventuel de ces membranes.

36
Références

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37
Principes des échanges en
épuration extrarénale

Au stade terminal de l’insuffisance rénale chronique, l’épuration extrarénale


(EER) maintient l’homéostasie hydroélectrolytique du patient en suppléant
la fonction rénale d’épuration qui est défaillante. En réanimation, les indica-
tions de l’EER sont plus larges que la seule suppléance de la fonction rénale
défaillante au cours de l’insuffisance rénale aiguë (IRA). L’EER soustrait de l’or-
ganisme des médicaments accumulés à des doses toxiques, et pour certains
auteurs, des cytokines pro-inflammatoires produites au cours du sepsis. Les
techniques d’EER utilisées en réanimation, dont les chefs de file sont l’hémo-
dialyse intermittente (HDI) et l’hémofiltration veinoveineuse continue (HVVC),
reposent sur la combinaison en proportion variable de trois mécanismes de
transfert des solutés et éventuellement d’eau : la convection, la diffusion et
l’adsorption (figure 1 et tableau 1).

Tableau 1
Principes des transferts par convection et diffusion au travers d’une membrane
semi-perméable

Convection Diffusion
Transfert Actif Passif
Force motrice Gradient de pression Gradient de concentration
hydrostatique (limité par la
pression oncotique)
Conséquences cliniques
– Transfert liquidien Oui Non
– Modification de la Pas de modification Diminution (risque
pression osmotique d’hypotension artérielle
sanguine au cours et/ou d’œdème cérébral)
du traitement
– Transfert des Oui Non
molécules de taille
moyenne

38
Figure 1. Les trois mécanismes d’épuration d’une substance au travers
d’une membrane semi-perméable.
A. Convection. B. Diffusion. C. Adsorption.

39
Convection

La convection (ou ultrafiltration) est le mécanisme principal de transfert des


EER continues comme l’HVVC. La convection est le transfert à partir du sang
d’une solution au travers d’une membrane semi-perméable. Cette solution est
appelée ultrafiltrat. Elle se compose d’eau plasmatique et de solutés. Il s’agit
d’un transfert actif généré par un gradient de pressions hydrostatiques existant
de part et d’autre de la membrane (figure 1A).
Le débit d’ultrafiltration (QH O) est le débit d’eau plasmatique qui traverse la
2
membrane par unité de temps. Il dépend de trois paramètres : la perméabilité
hydraulique de la membrane (Lp), la surface efficace de la membrane (A) et la
pression transmembranaire (PTM).
QH O = Lp × A × PTM
2
La perméabilité hydraulique de la membrane est une propriété intrinsèque
de la membrane qui caractérise son débit de transfert du solvant par unité
de temps, de surface et de pression. Le produit (Lp × A), appelé coefficient
d’ultrafiltration (Kuf), donne la capacité totale d’ultrafiltration. Lorsque Kuf
est élevé (> 20 ml.h–1.mmHg–1), on parle de membrane à « haut flux » ou
de « haute perméabilité ». Les membranes de faible perméabilité ont un
Kuf < 10 ml.h–1.mmHg–1. La PTM est la force qui génère le transfert convectif.
Elle résulte de deux forces opposées : le gradient de pressions hydrostatiques
entre le compartiment sanguin et le compartiment de l’ultrafiltrat (ΔP) et la
pression oncotique plasmatique (π).
PTM = ΔP – π
Le débit sanguin exerce une pression hydrostatique positive dans le com-
partiment sanguin. Du côté de l’ultrafiltrat, une pompe volumétrique exerce
une pression hydrostatique plus faible qui permet de générer le gradient ΔP
et ainsi le transfert liquidien à travers la membrane. La pression oncotique
plasmatique (π) est produite par les protéines plasmatiques qui ne peuvent
pas traverser la membrane et retiennent l’eau dans le compartiment sanguin.
La pression oncotique s’oppose aux mouvements convectifs.
Le débit convectif d’un soluté plasmatique x (Quf x) dépend de trois paramè-
tres : la concentration plasmatique du soluté ([x]), le coefficient de tamisage
de la membrane pour ce soluté (Kx) et QH O (tableau 2).
2
Quf x = [x] × Kx × QH O
2
Le coefficient de tamisage de la membrane pour le soluté x (Kx) traduit la
perméabilité de la membrane pour ce soluté. Il est défini comme le rapport des
concentrations de x dans l’ultrafiltrat et dans le plasma. Il varie de 0 à 1. Ce
coefficient dépend principalement de la taille du soluté et de celle des pores

40
Tableau 2
Paramètres qui permettent d’augmenter le débit convectif d’une substance
↑ Pression transmembranaire
↑ Débit sanguin
↓ Pression hydrostatique de l’ultrafiltrat
↓ Pression oncotique (prédilution)
Paramètres membranaires
↑ Perméabilité hydraulique
↑ Surface
↑ Coefficient de tamisage
Paramètres liés à la substance
↑ Concentration plasmatique
Faible fixation protéique
Faible poids moléculaire

de la membrane. Pour les ions et les molécules de faible poids moléculaire


comme l’urée (60 Da) et la créatinine (113 Da), Kx est proche de 1 et la clai-
rance du soluté (Quf x/[x]) est égale au débit d’ultrafiltration de la membrane.
Plus le poids moléculaire du soluté est élevé, plus ce coefficient est faible. Pour
chaque membrane, on définit une zone de coupure qui correspond au poids
moléculaire au-dessus duquel un soluté ne peut plus traverser la membrane.
Elle varie entre 10 et 60 kDa. L’utilisation de membranes dont le coefficient
de tamisage est élevé (60 kDa) expose à des pertes protéiques importantes et
notamment d’albumine au cours du traitement [1].
Pour une même membrane, la convection présente l’intérêt, par rapport à la
diffusion, d’épurer des molécules dont le poids moléculaire est plus élevé.
Parmi ces molécules se trouvent la plupart des cytokines produites au cours
du sepsis [2] (figure 2).
Le transfert simultané de l’eau et des solutés au cours de la convection ne s’ac-
compagne pas de modification de l’osmolarité plasmatique. Cette propriété
participe à la bonne tolérance hémodynamique de ce type de transfert. En
revanche, la soustraction liquidienne qu’impose le transfert convectif néces-
site une compensation liquidienne (ou réinjection). Cette réinjection peut se
faire avant (prédilution) ou après (postdilution) l’hémofiltre. La différence entre
les débits horaires d’ultrafiltration et de réinjection détermine la perte de poids
horaire du patient.
41
Figure 2. Représentation schématique des clairances des solutés en
fonction de leur poids moléculaire au cours d’échanges convectifs (ligne
en pointillé) et d’échanges diffusifs (ligne pleine).

Lorsque le transfert convectif est associé au transfert diffusif (voir infra), une
convection peut se produire du compartiment du dialysat vers le compartiment
sanguin. On parle alors de rétrofiltration. Cette situation est fréquente avec
les membranes de haute perméabilité lorsque la PTM est élevée à l’entrée du
sang dans l’hémofiltre. Le débit net d’ultrafiltration est égal à la différence entre
le débit d’ultrafiltration et le débit de rétrofiltration. Pour un même débit net
d’ultrafiltration, l’existence d’une rétrofiltration permet d’augmenter la convec-
tion et ainsi l’épuration des molécules de taille moyenne [3]. En revanche, le
transfert liquidien du bain de dialyse vers la circulation sanguine impose une
grande maîtrise de la qualité biologique du liquide de dialyse [3].

Diffusion

La diffusion est le principal mode d’épuration utilisé en HDI. Elle correspond


au transfert passif de solutés entre le sang et le liquide de dialyse qui circulent
à contre-courant de part et d’autre de la membrane (figure 1B et tableau 3). Il
n’y a pas de transfert d’eau. La force motrice qui génère le transfert diffusif d’un
soluté x (Qd x) est le gradient de concentration de ce soluté entre le plasma
et le liquide de dialyse (Δ[x]). Ce gradient de concentration est entretenu au
cours du traitement par le renouvellement continu du bain de dialyse. Le trans-
42
Tableau 3
Paramètres qui permettent d’augmenter le débit diffusif d’une substance
Paramètres membranaires
↑ Surface
↓ Résistance membranaire
(géométrie, Ø épaisseur,
↑ nombre de pores par unité de
surface)
Paramètres sanguins
↑ Débit
Liquide de dialysat
↑ Débit
Absence ou faible concentration de la
substance
Paramètres liés à la substance
↑ Concentration plasmatique
Faible poids moléculaire
Faible fixation protéique

fert se fait du liquide où x est le plus concentré vers celui où il est le moins
concentré. On parle de rétrodiffusion pour le transfert de solutés du liquide de
dialyse vers le sang ; c’est notamment le cas pour le bicarbonate. La diffusion
de x dépend également de la surface d’échange de la membrane (A) et est
inversement proportionnelle à la résistance que x doit vaincre pour traverser
cette membrane (Rx).
Δ[x] × A
Qdx =
Rx
La résistance dépend en grande partie de la nature de la membrane (propriétés
électrochimiques, épaisseur, distribution et diamètres des pores). Les pro-
priétés diffusives d’une membrane sont principalement déterminées par sa
porosité (nombre de pores par unité de surface) et, dans une moindre mesure,
par le rayon r de chaque pore (la diffusion est proportionnelle à r2 alors que la
convection est proportionnelle à r4) [4].
La taille et la charge électrique des solutés sont également des paramètres impor-
tants qui conditionnent la diffusion. La perméabilité diffusive de la membrane
décroît rapidement lorsque le poids moléculaire du soluté augmente (figure 2).
Ainsi, les molécules de taille moyenne qui sont épurées par convection ne le
43
sont pas par diffusion. La diffusion de ces molécules est également limitée par
leur concentration plasmatique qui est trop faible pour générer un gradient de
concentration transmembranaire conséquent. La diffusion est ainsi le principe
d’épuration le plus adapté pour les solutés de faible poids moléculaire qui ont
une concentration plasmatique élevée. Lorsque les solutés sont chargés électri-
quement, la présence de protéines non diffusibles chargées négativement (albu-
mine) tend à retenir les cations dans le compartiment sanguin.

Adsorption

Au passage du sang contre la membrane d’EER, certaines molécules le plus


souvent hydrophobes, en particulier des protéines comme la β2-microglobu-
line, certaines cytokines et des fractions du complément peuvent être retenues
(ou adsorbées) par la membrane (figure 1C) [5]. Ces molécules ne sont pas
retrouvées dans le liquide de dialyse ou l’ultrafiltrat. L’adsorption est difficile
à quantifier au lit du patient et dépend de plusieurs paramètres, dont le prin-
cipal est lié à la nature de la membrane [6]. L’adsorption concerne principale-
ment les membranes de haute perméabilité. Parmi ces membranes, celles en
polyacrylonitrile, hydrophobes et chargées négativement en surface, ont des
propriétés d’adsorption plus importantes que celles en triacétate de cellulose,
hydrophiles et non chargées [7]. La convection amplifie les phénomènes d’ad-
sorption en augmentant la surface de contact entre le sang et la structure de la
membrane [5]. Le phénomène d’adsorption évolue au cours du traitement avec
souvent une diminution rapide de l’efficacité qui correspond à la saturation de
la membrane par les molécules adsorbées [5].

Conclusion

Si les techniques d’EER utilisées en réanimation ont beaucoup évolué et se


sont diversifiées pour pouvoir s’adapter au mieux aux spécificités des patients,
les principes des transferts (c’est-à-dire la convection, la diffusion et l’adsorp-
tion) sont restés les mêmes. Leur connaissance est indispensable au clinicien
pour le guider dans le choix d’une technique et lui permettre une prescription
adaptée pour chaque patient. Des techniques fondées essentiellement sur le
transfert par convection ont ouvert en réanimation des perspectives thérapeu-
tiques plus larges que la simple suppléance de la fonction rénale. L’épuration
de cytokines pro-inflammatoires au cours du sepsis sévère en est un exem-
ple. Malgré les nombreuses recherches menées, le bénéfice clinique pour le
patient reste à démontrer.
44
Références

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7 Clark WR, Macias WL, Molitoris BA, Wang NH. Plasma protein adsorption to highly
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45
Dose de dialyse

Introduction

L’efficacité de l’épuration obtenue au cours d’une séance d’hémodialyse inter-


mittente (HDI) est un paramètre dont le rôle pronostique est connu de longue
date par les néphrologues. En effet, de nombreux travaux ont montré que, chez
les patients dialysés chroniques, la survie était corrélée à la qualité du contrôle
métabolique exprimé par la dose de dialyse [1, 2]. Concernant l’insuffisance
rénale aiguë (IRA), ce n’est que très récemment que l’on a pu apprécier l’effet
de ce paramètre. En effet, si l’IRA et l’insuffisance rénale chronique (IRC) sont
secondaires à une défaillance rénale, les deux pathologies ne sont pas compa-
rables et les effets clinico-biologiques attendus sont très différents. Quelques
études rétrospectives avaient déjà tenté d’apporter des éléments en faveur du
rôle pronostique favorable de la dose de dialyse chez les patients en IRA [3, 4],
et récemment trois études prospectives randomisées ont apporté des éléments
convaincants [5–7]. On peut raisonnablement considérer d’ores et déjà que la
dose de dialyse doit faire partie des objectifs de toute épuration extrarénale.
Cela implique de déterminer des paramètres de séance propres à délivrer la
dose souhaitée et de surveiller la dose réellement délivrée. La difficulté reste
actuellement la détermination du ou des paramètres pertinents pour évaluer la
dose de dialyse et le seuil au-dessous duquel il faut éviter de descendre. Ce
chapitre va tenter d’apporter quelques éléments de réponse à ces différents
problèmes.

Rôle pronostique de la dose de dialyse


en réanimation

Au cours de l’IRA, le nombre relativement faible de patients, les caractéristiques


de ces patients et les limites de la quantification de la dose de dialyse dans
ce contexte expliquent probablement le retard pris dans ce domaine concer-
nant le rôle de l’intensité de la dialyse sur le pronostic vital. La principale
étude rétrospective est celle de Paganini et al. [3] réalisée sur un registre de
1038 patients dialysés entre 1988 et 1994 pour IRA. La moitié d’entre eux n’ont
bénéficié que d’HDI, 22 % d’hémodiafiltration et 28 % d’une combinaison des

46
deux techniques. En comparant les survivants aux décédés, ils montrent que la
dose de dialyse reçue, évaluée par le Kt/V de l’urée, est statistiquement signi-
ficativement différente. De plus, lorsqu’ils évaluent la mortalité des patients
fortement dialysés (Kt/V > 1,0) par rapport à ceux plus faiblement traités, ils
montrent qu’à niveau de gravité équivalente, la mortalité est statistiquement
significativement plus faible. Cet effet disparaît cependant pour les patients
les moins graves où la mortalité est très faible et pour les patients les plus
graves où elle devient très élevée. Cette étude laissait supposer de manière
assez forte le rôle probable joué par l’intensité de dialyse sur la survie des
patients en IRA. Récemment, une étude en HDI [5] et deux en hémofiltration
[6, 7] ont permis de confirmer ces données à l’aide d’une méthodologie pros-
pective randomisée. L’étude de Shiffl et al. [5] publiée en 2002 a comparé deux
groupes de patients (160 inclus), l’un traité par HDI quotidienne et l’autre par
un schéma plus classique (dialyse alternée, un jour sur deux). Les modalités
des séances étaient similaires (durée, débit sang, dose évaluée par la mesure
du Kt/V, perte de poids net) et donc le groupe dialyse quotidienne recevait
une dose de dialyse hebdomadaire deux fois plus élevée que l’autre groupe
(Kt/V hebdomadaire 5,8 ± 0,4 contre 3,0 ± 0,6). Les résultats montrent que
le groupe dialyse quotidienne bénéficie d’une meilleure survie (78 % contre
54 %, p = 0,01) et une durée d’IRA plus courte (9 ± 2 jours contre 16 ± 6 jours,
p = 0,001). Ces résultats méritent cependant d’être interprétés avec précaution
et ne s’appliquent qu’à la population étudiée, à savoir des patients de gravité
intermédiaire. En effet, le groupe dialysé un jour sur deux semble avoir pu être
aggravé par le schéma thérapeutique utilisé. La dose hebdomadaire reçue était
inférieure au minimum recommandé chez les patients en dialyse chronique
(Kt/V de 3,6) et la perte de poids réalisée à chaque séance était importante
(3,5 l), expliquant la plus grande fréquence des événements hypotensifs (25
± 5 % contre 5 ± 2 %) et l’aggravation des défaillances d’organes.
En hémofiltration, Ronco et al. [6] ont évalué l’impact de la dose de dialyse
au cours de séances réalisées chez des patients de réanimation traités par
hémofiltration veinoveineuse continue réalisée en postdilution. Ce mode
de réinjection permet d’avoir accès directement à la dose délivrée par la
mesure de la clairance de l’urée. L’étude a comparé trois groupes de patients
(425 inclusions) traités par hémofiltration à la dose de 20, 35 ou 45 ml/kg/h,
chaque patient recevant au minimum 85 % de la dose prescrite. Les patients
inclus étaient principalement des patients chirurgicaux. L’étude retrouve une
amélioration significative de la survie pour les deux groupes 35 et 45 ml/kg/
h comparativement au groupe 20 ml/kg/h (survie 57 % contre 58 % contre
41 % respectivement). Il n’y avait pas de différence concernant la récupération

47
de la fonction rénale ou les complications liées au traitement. Plus récem-
ment, une autre étude a confirmé ces données au cours des thérapies conti-
nues. Saudan et al. [7] ont en effet inclus 206 patients traités pour IRA en les
randomisant soit dans un groupe traité par hémofiltration veinoveineuse à la
dose moyenne de 25 ± 5 ml/kg/h, soit dans un groupe traité par hémodiafil-
tration veinoveineuse continue à la dose de 42 ± 11 ml/kg/h. En fait, les deux
groupes recevaient la même dose de convection (environ 25 ml/kg/h) et, dans
le second groupe, les auteurs ajoutaient une dose de diffusion de l’ordre de
18 ml/kg/h, afin d’augmenter la dose délivrée exclusivement sur les petites
molécules (urée, créatinine). Leurs résultats montrent une amélioration de la
survie significative dans le groupe recevant la plus forte dose de dialyse (59 %
contre 39 % à J28, p = 0,03). La tolérance et le taux de récupération de la
fonction rénale à 90 jours n’étaient pas significativement différents entre les
deux groupes.
Il n’existe à ce jour qu’une seule étude prospective randomisée négative. Il
s’agit de celle de Bouman et al. [8] ayant inclus 106 patients porteurs d’une
IRA et randomisés en trois groupes : hémofiltration précoce à haut volume
(48 ml/kg/h), hémofiltration précoce à bas volume (20 ml/kg/h), hémofil-
tration tardive à bas volume (20 ml/kg/h). Il n’existait aucune différence de
mortalité entre les trois groupes ; cependant, les patients inclus étaient essen-
tiellement des patients en période postopératoire de chirurgie cardiaque avec
une mortalité très faible (autour de 30 %). De plus, le faible effectif par groupe
rend la pertinence des résultats discutable.
Ces données apparaissent concordantes pour montrer le rôle pronostique de
l’intensité des méthodes de suppléance rénale au cours de l’IRA des patients
de réanimation. Deux études en cours (ATN Study [Acute Renal Failure Trial
Network], RENAL Study [Randomised Evaluation of Normal vs Augmented
Level of renal replacement therapy in ICU]) devraient permettre dans un avenir
proche de confirmer ces données à la fois pour l’HDI et les méthodes conti-
nues (www.clinicaltrial.gov). De nombreuses questions restent cependant
en suspens : quelle méthode de mesure, quelle dose cible, quels types de
patients ?

Concept de dose de dialyse

L’efficacité des méthodes d’épuration extrarénale (EER) est exprimée à l’aide


de la clairance des petites molécules, dont la plus utilisée est l’urée. Il s’agit
d’une molécule représentant le principal métabolite du catabolisme azoté dont

48
les caractéristiques sont parfaitement adaptées à la mesure de l’efficacité des
méthodes d’EER. Elle est de petit poids, diffuse rapidement et librement au
travers des membranes de dialyse ou d’hémofiltration et son dosage plasma-
tique est aisé. De plus, elle reflète l’accumulation des déchets azotés à la fois
dans le secteur vasculaire et dans les secteurs interstitiels et cellulaires. Enfin,
malgré la faible toxicité de l’urée, la quantité épurée au cours d’une séance de
dialyse (quelle que soit la méthode de mesure utilisée) est corrélée chez les
dialysés chroniques à la fois à la diminution des complications cliniques et à
l’amélioration de la survie [1, 2]. Il s’agit donc d’un marqueur d’efficacité très
pertinent.
La clairance plasmatique d’une molécule correspond au volume de plasma
totalement épuré de la molécule considérée par unité de temps (exprimée en
ml/min). Cette mesure isolée ne permet cependant de connaître que l’efficacité
instantanée du traitement et non l’efficacité globale de la séance.

Méthodes de mesure
La détermination de l’efficacité de la dialyse s’effectue à l’aide de la mesure de
la masse d’urée éliminée au cours d’une séance, rapportée à la quantité totale
d’urée présente dans l’organisme en début de séance. La méthode de référence
consiste à récupérer la totalité du dialysat et à mesurer cette quantité éliminée.
Compte tenu des difficultés de réalisation, des méthodes alternatives ont été
développées en HDI utilisant la clairance de l’urée du dialyseur in vitro ou in
vivo (K), le volume de distribution de l’urée (V) dans l’organisme et la durée
de la séance (t). On l’appelle communément le Kt/V de l’urée, où Kt représente
la quantité d’urée éliminée et V le volume de distribution de l’urée. À partir
de populations de patients dialysés chroniques, des modèles mathématiques
ont été créés permettant de modéliser l’évolution des concentrations d’urée au
cours d’une séance de dialyse. Ces formules permettent de mesurer le Kt/V à
l’aide de paramètres simples (rapport des concentrations d’urée en fin et début
de séance, durée de la séance, poids de fin de séance et volume d’ultrafiltra-
tion). Ces modèles ont en commun d’utiliser une évaluation approximative
du volume de distribution de l’urée. Afin de s’affranchir de cette mesure, une
autre méthode fréquemment utilisée est le taux de réduction de l’urée (TRU =
100 × (×1 – Ct/Co ; Ct et Co : urée postdialytique et prédialytique respective-
ment). Ces différentes méthodes sont validées et d’usage courant pour appré-
cier la dose de dialyse chez les patients dialysés chroniques. Les seuils retenus
ont été récemment réévalués à la hausse par la National Kidney Foundation,
faisant référence dans le domaine de l’IRC aux États-Unis. Actuellement, ils

49
recommandent pour chaque séance de dialyse un Kt/V de 1,4 ou un TRU de
70 % (www.kidney.org). Au cours du traitement de l’IRA, ces méthodes ne sont
pas validées et il n’existe donc aucune recommandation officielle.
Concernant les méthodes continues (hémofiltration, hémodiafiltration), l’ap-
proche de la dose de dialyse délivrée est plus simple. En effet, quelle que
soit la méthode continue utilisée (convection pure en hémofiltration, diffusion
pure en hémodialyse ou association des deux en hémodiafiltration), la dose
délivrée correspond à la clairance de l’urée obtenue au cours des 24 h, elle-
même équivalente à la quantité de liquide utilisée. Par convention, et pour
tenir compte d’une approximation du volume de distribution de l’urée, on rap-
porte cette quantité au poids du patient et à la durée de la séance. La dose
délivrée s’exprime donc en ml/kg/h.

Principales limites des méthodes


usuelles
Les méthodes fondées sur les modélisations mathématiques (Kt/V) supposent
que les patients sont en état stable avec une absence de fonction rénale rési-
duelle, une production azotée constante et un volume de distribution de l’urée
stable proche du volume de l’eau totale. On comprend alors aisément qu’elles
ne peuvent pas s’appliquer aux patients aigus. En effet, en situation aiguë, les
patients ne sont plus en situation d’équilibre, en particulier sur le plan volé-
mique et sur le plan métabolique. Le catabolisme et les apports azotés sont
très variables d’un patient à l’autre et d’un jour à l’autre chez un même patient.
Il existe très fréquemment une surcharge hydrosodée et des perturbations de
répartition de l’eau totale sous l’effet de l’hyperperméabilité capillaire habituel-
lement présente. En comparant le volume de distribution de l’urée (Vd urée)
par injection d’urée marquée au Carbone 13 et le volume de l’eau totale par
mesure du volume de distribution du deutérium, Ikizler et al. [9] ont récem-
ment montré que le Vd urée était significativement plus élevé que le volume
de l’eau totale chez des patients aigus. Ainsi, toutes les méthodes approchant
le volume de l’eau totale pour apprécier le Vd urée n’apparaissent pas perti-
nentes. Enfin, des anomalies de répartition des débits sanguins régionaux ont
été décrites comme pouvant perturber la répartition de l’urée et sa cinétique
de redistribution en fin d’épuration. Ces phénomènes pourraient expliquer la
remontée habituelle de l’urée dans les minutes qui suivent la fin de l’EER,
phénomène appelé effet rebond de l’urée. Ce phénomène atteint en moyenne
17 % d’élévation du taux plasmatique d’urée [10], mais peut atteindre jusqu’à
45 %.

50
En marge de ces limites d’ordre physiologique, il existe des limites techniques.
En effet, plusieurs études ont montré qu’il existait un écart souvent important
entre la dose de dialyse prescrite et celle délivrée mesurée à l’aide du Kt/V de
l’urée [11]. Cela s’explique par les conditions spécifiques de réalisation de
la dialyse au cours de l’IRA (recirculation avec l’abord vasculaire, colmatage
voire coagulation de la membrane de dialyse, irrégularité du traitement reçu
lié aux altérations hémodynamiques). Ces différentes limites expliquent le peu
d’intérêt de la mesure du Kt/V chez les patients de réanimation porteurs d’une
IRA.
La mesure du TRU apparaît moins critiquable, si l’on s’assure cependant que la
volémie du patient n’a pas trop varié au cours de la séance. Il s’agit néanmoins
d’un paramètre qui n’est pas prédictif et dont l’intérêt réside essentiellement
dans l’évaluation a posteriori de l’efficacité obtenue.
Concernant les méthodes continues, la mesure de la clairance délivrée sur
24 h rapportée au poids du patient apparaît satisfaisante et correspond au
standard actuellement accepté.

Nouvelles modalités de surveillance


Afin de pallier les principales difficultés rencontrées au cours de l’IRA, il
faut pouvoir s’affranchir de la mesure du volume de distribution de l’urée et
disposer d’une méthode d’évaluation tenant compte des caractéristiques du
patient durant la séance et des paramètres mêmes de la séance. C’est désor-
mais possible grâce à la mesure en temps réel de la dialysance ionique. Cette
nouvelle modalité est disponible sur la plupart des générateurs modernes.
Il s’agit d’évaluer à intervalles réguliers la clairance réelle de l’urée durant la
séance (toutes les 15 min par exemple) grâce à la mesure de la dialysance
(équivalent de la clairance) du sodium, dont le comportement est très proche
de celui de l’urée. Pour ce faire, la machine fait varier automatiquement la
conductivité du sodium dans le dialysat à l’entrée de la membrane de dialyse
et enregistre les variations de conductivité à la sortie de la membrane. Cela
permet de mesurer la diffusion du sodium en tenant compte des caractéristi-
ques du patient et de la séance (recirculation du cathéter, performance de la
membrane, etc.). On obtient ainsi un équivalent de la mesure de la clairance
de l’urée (K) toutes les 15 min, ce qui, additionné tout au long de la séance,
permet la mesure de la clairance effective (Kt) qui correspond au volume de
sang (exprimé en litres) totalement épuré d’urée. Cette mesure est donc indé-
pendante de la mesure du volume de distribution de l’urée et permet une éva-
luation en temps réel de la qualité de la dialyse. De plus, cette méthode permet

51
de mesurer la dose hebdomadaire délivrée en additionnant les Kt délivrés à
chaque séance. Elle permet ainsi facilement la comparaison entre différentes
méthodes, qu’elles soient continues, intermittentes, diffusives ou convectives.
Chez les patients chroniques, il existe une excellente corrélation entre la clai-
rance de l’urée évaluée par cette méthode et la méthode de référence (fondée
sur le recueil du dialysat) [12, 13]. Une étude récente a évalué cette modalité
de mesure de la dose délivrée chez des patients de réanimation porteurs d’une
IRA (31 patients) en comparant le Kt mesuré par la dialysance ionique et celui
mesuré par la collecte du dialysat (méthode de référence). Il existe une très
bonne corrélation entre les deux méthodes (r = 0,96) et des limites d’agrément
tout à fait satisfaisantes [14]. Ainsi, cette méthode semble fiable et pertinente,
et permet un monitorage en temps réel quasi continu. Son principal inconvé-
nient réside dans l’absence de normalisation de la dose délivrée. Par analogie
avec la mesure de la dose délivrée à l’aide des méthodes continues, on peut
cependant proposer de normaliser cette mesure par le poids du patient, expri-
mant ainsi la dose délivrée en l/kg.

Quelles recommandations
pour la pratique

Concernant l’hémofiltration, les études disponibles permettent de recomman-


der une dose minimale réellement délivrée de 35 ml/kg/h. Cela nécessite donc
de tenir compte de la durée réelle de la séance en augmentant si nécessaire
la dose pour rattraper le retard en cas d’interruption prématurée. Cela néces-
site aussi de tenir compte de la dilution induite en amont du filtre en cas de
méthode prédilutionnelle (dose délivrée en prédilution = débit de réinjection
en prédilution × [débit sang/débit sang + débit réinjection en prédilution]).
Concernant l’HDI, les recommandations sont plus difficiles à établir. Il apparaît
souhaitable de réaliser au minimum une mesure du TRU à chaque séance
grâce à la réalisation d’un ionogramme sanguin au début et à la fin de la
séance. La cible à atteindre pourrait être au minimum celle recommandée chez
les patients chroniques, à savoir 65 %. Cela permet de dépister d’éventuel-
les anomalies durant la séance (interruptions fréquentes de la pompe à sang,
branchement à co-courant, etc.). L’utilisation de la mesure du Kt par la dialy-
sance ionique semble utile. Il n’existe aucune donnée validée chez les patients
porteurs d’une IRA. En se fondant sur les données validées chez les patients
chroniques, un Kt/V de 1,2 correspondrait à un Kt de 0,7 à 0,84 l/kg. En se
fondant sur la dose validée par Ronco et al. [6] au cours des traitements conti-
nus, la dose cible serait de 0,85 l/kg. Ainsi, on peut raisonnablement admettre

52
que la dose cible au cours de l’HDI en utilisant la mesure de la dialysance
ionique doit être proche de 0,85 l/kg.

Conclusion

La dose de dialyse délivrée au cours du traitement de l’IRA semble un objec-


tif thérapeutique maintenant incontournable au vu des données disponibles
dans la littérature. Compte tenu de la mortalité encore très élevée de cette
population, ce paramètre laisse espérer une voie d’amélioration importante. La
mesure du Kt, facilement accessible en hémofiltration et maintenant aussi en
HDI grâce à l’utilisation de la dialysance ionique, devrait permettre un moni-
torage efficace. De plus, cette méthode permettra de comparer les différents
schémas thérapeutiques, ce qui est indispensable à l’heure ou les méthodes
évoluent vers des dialyses quotidiennes prolongées (SLED [slow low effi-
ciency dialysis]) ou des hémofiltrations intermittentes à haut volume (pulse
high volume hemofiltration).

Références

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patient morbidity. Report from the National Cooperative Dialysis Study. N Engl J Med 1981 ;
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14 Ridel C, Osman D, Mercadal L, Anguel N, Petitclerc T, Richard C, et al. Ionic dialysance :
a new valid parameter for quantification of dialysis efficiency in acute renal failure ? Intensive
Care Med 2007 ; 33 : 460-5.

54
Prescription d’une séance
d’hémodialyse intermittente

Les paramètres de la prescription d’une séance d’hémodialyse sont détermi-


nants pour le contrôle des désordres métaboliques liés à l’insuffisance rénale,
la quantité d’urée épurée (dose de dialyse), la tolérance hémodynamique et le
risque hémorragique. Chaque séance doit donc donner lieu à une prescription
adaptée aux besoins du patient et à son statut hémodynamique, particuliè-
rement sa volémie [1]. La prescription d’une séance d’hémodialyse devrait
comporter au minimum :
• le volume de la perte hydrique, la composition du dialysat (sodium, potas-
sium, calcium, soluté tampon, glucose) et la température du dialysat, qui
seront décisifs pour la tolérance de la séance ;
• le type de membrane, la durée de la séance, le débit de la pompe à sang
et le débit du dialysat, qui seront les déterminants de la dose de dialyse
délivrée ;
• le type et la posologie de l’anticoagulation du circuit extracorporel.
Les réglages peuvent varier en fonction du contexte clinique (tableau 1).

Paramètres influençant la tolérance

Composition du dialysat

Solution tampon

L’utilisation d’un dialysat à base de bicarbonate est indispensable afin de


prévenir la dépression myocardique et la vasodilatation provoquée par l’acé-
tate. La concentration en bicarbonate du dialysat délivré par le générateur est
modulable. La correction d’une acidose par la dialyse est possible grâce à la
diffusion transmembranaire du bicarbonate de sodium vers le sang du patient.
Pour cela, la concentration en bicarbonate du dialysat doit être supérieure
à celle du plasma. La dialyse correspond donc simplement à une « perfu-
sion transmembranaire » de bicarbonate de sodium. L’intérêt de la correction
d’une acidose métabolique par perfusion de bicarbonate chez les patients en
défaillance multiviscérale n’est pas démontré. La normalisation du pH par la
dialyse ne doit pas être un objectif en soit et une concentration en bicarbonate

55
Tableau 1

56
Principaux réglages d’une séance d’HDI en fonction du contexte clinique
Qs Qd UF Durée Na+ Bicarbonate Td-Tc
(ml/min) (ml/min) (ml/h) (mmol/l) (mmol/l) (°C)
Choc septique 200–250 500 Nulle 6h 150 31 – 2,5
Vasopresseur en cours 250–500 max.
Dose de vasopresseur en baisse 500–1000 max.
Sevrage de la ventilation
Insuffisance cardiaque congestive 200–250 500 500–1000 4h 145 31 – 2,5
Hyperkaliémie menaçante Maximal Maximal Selon besoins 4–6 h 145 35 avec – 2,5
re
1 heure augmentation
200–250 500 Selon besoins
de la ventilation
Heures suivantes minute
Hyponatrémie chronique 200–250 500 Selon besoin 3–4 h Maximum 10 31 – 2,5
au-dessus de la
natrémie du patient
1re séance avec IRC terminale 200 500 500–1000 1–2 h 150 31 – 2,5
Si déplétion nécessaire, poursuivre 200 0 (UF Selon
avec seule) besoins

IRC : insuffisance rénale chronique ; Qd : débit du dialysat ; Qs : débit sanguin ; Tc : température corporelle avant branchement ; Td : température dialysat ; UF : ultrafiltration.
d’environ 30 mmol/l est le plus souvent suffisante. De plus, l’apport de bicar-
bonate pendant la dialyse est responsable d’une production de CO2 qui devra
être éliminé par une augmentation de la ventilation alvéolaire, ce qui n’est pas
toujours possible en cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)
ou chez les patients avec une insuffisance respiratoire chronique en ventilation
spontanée. L’absence d’augmentation de la ventilation–minute peut parfois
aboutir à une acidose hypercapnique.

Concentration en sodium

L’utilisation d’une concentration en sodium élevée dans le dialysat permet la


diffusion de NaCl pur (sans eau) vers le plasma. Cela facilite le maintien du
volume plasmatique et permet une mobilisation des fluides vers le secteur
vasculaire (refilling). Pour cela, la concentration en sodium doit être réglée
au-dessus de celle du patient. On peut proposer un réglage du sodium par
le générateur à 150 mmol/l pour les patients à risque d’hypovolémie et à
145 mmol/l dans les autres situations [2, 3].

Concentration en potassium

La prévention de l’hypokaliémie doit être effectuée par un ajustement de la


concentration en potassium dans le dialysat. Pour cela, des poches de con-
centré acide avec des concentrations en potassium de 1 à 3 sont disponibles.
Les patients de réanimation étant plus exposés au risque d’une hypokaliémie
qu’à celui d’une hyperkaliémie, l’utilisation de poches avec une concentration
de 2 mmol/l de KCl est souhaitable. Cette concentration permet également
un contrôle des hyperkaliémies menaçantes traitées par dialyse. En effet, le
gradient de concentration entre la kaliémie du patient et le dialysat (2 mmol/l)
est suffisamment large pour permettre un contrôle rapide de la kaliémie. En
cas d’hypokaliémie avant branchement, il est nécessaire d’augmenter la con-
centration de potassium dans le dialysat à 4 mmol/l. Pour cela, une solution
concentrée de potassium peut être ajoutée dans une poche d’acide contenant
3 mmol/l de KCl. La dose de potassium à ajouter pour l’obtention d’un dialysat
concentré à 4 mmol/l doit être rigoureusement calculée en tenant compte du
volume de la poche et du facteur de dilution de cette poche pour la fabrication
du dialysat.
Le nombre de grammes de KCl à ajouter par litre dans la poche d’acide =
[(4 mmol/l × facteur de dilution) – nombre de mmol de KCl concentré
contenu dans 1 l de la poche d’acide]/13
Du fait des variations de pH au cours de la dialyse, il est souvent difficile de
prévoir la kaliémie en fin de séance. Aucune donnée ne permet de déterminer

57
la concentration en potassium du dialysat à utiliser en fonction de la kaliémie
prédialyse. On peut proposer l’utilisation des concentrations suivantes dans le
dialysat : 3 mmol/l si la kaliémie est inférieure à 4 mmol/l, et 4 mmol/l si la
kaliémie est inférieure à 3,5 mmol/l.

Concentration en calcium

L’évolution de la concentration en calcium ionisé pendant la séance peut être


un paramètre influençant la contractilité myocardique, particulièrement chez
les insuffisants cardiaques. Une baisse de la calcémie doit être évitée en utili-
sant un dialysat enrichi en calcium, soit à 3 mmol/l.

Contrôle glycémique

Un enrichissement du dialysat en glucose (1 g/l) est indispensable afin de


limiter le gradient de diffusion du glucose et donc le risque d’hypoglycémie.
L’utilisation d’un bain de dialyse glucosé ne nécessite pas un arrêt de l’insuline
pendant la dialyse. Si la glycémie du patient est inférieure à 1 g/l, il se produit
alors un apport de glucose par diffusion à partir du dialysat. Le risque d’hypo-
glycémie surviendra donc après débranchement de la séance ; une mesure de
la glycémie capillaire postdialyse est alors souhaitable.

Température du dialysat
Le réglage de la température du dialysat doit être effectué avec pour objectif
la prévention de l’augmentation de la température corporelle du patient en
cours de séance, ce qui peut provoquer une vasodilatation. Chez les patients
en hémodialyse chronique, il a été montré que, pour atteindre cet objectif,
l’obtention d’une balance thermique négative (perte de chaleur du sang du
patient vers le dialysat) était nécessaire. Pour cela, la température du dia-
lysat était réglée à environ 1 °C en dessous de la température du patient
avant branchement [4, 5]. Chez les patients de réanimation, la production de
chaleur au cours de la dialyse est probablement plus élevée du fait de leur
plus grande instabilité, et il est vraisemblablement nécessaire d’abaisser
encore plus la température du dialysat (2,5 °C en dessous de la température
du patient avant branchement) afin de maintenir constante la température
corporelle. Cependant, l’évolution de la température corporelle est relative-
ment imprévisible et ce gradient de température de 2,5 °C peut ne pas être
suffisant chez certains patients, ou excessif avec baisse de la température
corporelle chez d’autres.

58
Pertes hydriques
Au même titre qu’un traitement diurétique, l’indication d’une perte hydrique en
cours de séance dépend de l’évaluation de l’état hémodynamique du patient.
À la phase aiguë d’une insuffisance circulatoire, la déplétion hydrique ne doit
pas dépendre du « poids sec » mais de la volémie et de la précharge-dépen-
dance du patient. On peut séparer quatre phases dans l’évolution d’un patient
en défaillance multiviscérale nécessitant un traitement vasopresseur ; celles-ci
vont déterminer la gestion de la déplétion au cours de l’épuration extrarénale
(EER) :
• La phase aiguë : les doses de vasopresseurs sont en augmentation et/ou
élevées.
Absence de déplétion, particulièrement lors de la première séance d’EER.
• La phase de stabilisation : une diminution des doses de vasopresseurs
devient possible.
Déplétion : 250 ml/h au maximum.
• Une phase de récupération : les doses de vasopresseurs sont en forte baisse
et/ou modestes.
Déplétion : 500 ml/h au maximum.
• Une phase de guérison : le patient est sevré en vasopresseurs.
Déplétion : 1000 ml/h au maximum.
Au cours de la phase de guérison, la correction des anomalies de perméabilité
endothéliale permet aux fluides accumulés dans l’interstitium et les cellules
de retourner dans le secteur plasmatique. Cette phase s’accompagne donc
fréquemment d’un état d’hypervolémie qui impose une déplétion hydrique
intense. Une perte hydrique horaire de 1 l/h durant 4 à 6 h est le plus souvent
bien tolérée par le patient et permet de ne pas retarder le sevrage de la venti-
lation artificielle.

Paramètres influençant
la dose de dialyse

La dose de dialyse est actuellement considérée comme étant la quantité d’urée


épurée ; elle peut être exprimée par le rapport entre le volume à partir duquel
l’urée a été retirée pendant la séance (clairance de l’urée × temps, Kt) et le
volume dans lequel l’urée est dissoute et qu’il faudrait arriver à épurer entiè-
rement au cours de la séance (volume de distribution de l’urée correspondant
à l’eau corporelle totale du patient, V) [6]. Ce rapport, qui est aussi appelé le
Kt/V, illustre bien que plus la clairance de l’urée est élevée à travers la mem-

59
brane, et plus le temps de dialyse est long, plus la quantité d’urée éliminée
sera importante. Par ailleurs, plus l’eau corporelle totale est élevée (présence
d’œdèmes, surface corporelle élevée), plus le volume dans lequel il faudra
épurer l’urée est élevé et donc nécessitera un Kt élevé. Chez les patients dia-
lysés chroniques, le Kt/V à obtenir est de 1,2 par séance ou 3,6 par semaine.
Aucun seuil n’est défini pour le traitement des patients avec insuffisance
rénale aiguë (IRA). Le volume de distribution de l’urée étant très large chez
les patients en défaillance multiviscérale, des séances de 6 h en moyenne sont
nécessaires pour un objectif de Kt/V de 1,2.

Clairance de l’urée
La clairance instantanée de l’urée dépend du débit sanguin, du débit de dialysat
et des caractéristiques diffusives de la membrane. Au cours de l’hémodialyse
intermittente (HDI) réalisée sur un cathéter veineux double lumière de courte
durée, les clairances de l’urée que l’on peut obtenir sont comprises entre 150
et 200 ml/min. En pratique, la clairance de l’urée en cours de séance peut être
estimée par une mesure de la dialysance ionique disponible sur certains géné-
rateurs. Cette mesure du transfert d’ion à travers la membrane est parfaitement
corrélée à la clairance de l’urée et permet un suivi en temps réel [7].
Le facteur influençant le plus la dose de dialyse délivrée chez un patient de
réanimation est le temps de la séance ; c’est aussi le facteur le plus facilement
mesurable. Du fait de leur hétérogénéité de perfusion, la concentration en urée
peut être très variable d’un tissu à l’autre et surtout beaucoup plus élevée que
dans le secteur plasmatique. L’urée doit donc d’abord diffuser vers le secteur
plasmatique avant d’être épurée du sang. Cette diffusion nécessite un temps
d’équilibration et explique l’augmentation de l’urée plasmatique après débran-
chement (effet rebond).
En pratique, le temps de dialyse devra être prolongé chez les patients ayant
un volume de distribution élevé : accumulation d’œdèmes, surface corporelle
élevée et/ou une production d’urée importante – sepsis, polytraumatisme,
syndrome de lyse, etc. La seule certitude sur la dose de dialyse à délivrer
aux patients de réanimation est qu’elle doit être supérieure à celle délivrée
aux patients de dialyse chronique [8]. Un temps de dialyse supérieur à 4 h
× 3/semaine est donc nécessaire [9]. Un temps de dialyse prolongé permet
également une perte hydrique horaire modérée.
Là encore, on peut schématiser l’évolution d’un patient de réanimation en
plusieurs phases qui vont déterminer le temps et la fréquence des séances.
Lorsqu’à la phase aiguë de la maladie il existe un hypercatabolisme, des séan-
ces quotidiennes de 4 à 6 h sont nécessaires afin d’obtenir une dose de dialyse
60
suffisante. Lors de la phase de récupération, l’hypercatabolisme étant moindre
et la déplétion hydrique encore modérée, on peut espacer les séances toutes
les 48 h avec la même durée. Enfin, lors de la guérison du patient, la déplétion
doit être intensifiée et quotidienne afin de ne pas retarder le sevrage de la
ventilation artificielle.

Gestion de l’anticoagulation

Aucune donnée ne permet de définir un schéma type pour l’anticoagulation


au cours de l’HDI réalisée chez un patient de réanimation. Le moindre risque
hémorragique avec les HBPM découle des données de la dialyse chronique
avec des critères de jugement non adaptés à un patient de réanimation. Le
caractère intermittent de la technique permet d’effectuer des séances sans
anticoagulation du circuit extracorporel. L’utilisation de bolus de sérum phy-
siologique pour rincer le circuit est de pratique courante, mais son intérêt n’a
jamais été évalué.
Le schéma suivant peut être proposé :
• patient « standard » : Lovénox® 20 mg au branchement + 20 mg à mi-
séance ;
• patient avec risque hémorragique modéré : Lovénox® 20 mg au branche-
ment ;
• patient avec risque hémorragique élevé : rinçages 100 ml/30 min ;
• patient déjà anticoagulé par héparine en continu : héparine en perfusion à
l’entrée du circuit à la même dose.

Quand débuter et arrêter


l’hémodialyse intermittente ?

En l’absence d’étude comparative de qualité méthodologique acceptable, il est


impossible d’établir des recommandations formelles sur le début et l’arrêt d’un
traitement par EER pour IRA. Avant de porter l’indication d’un traitement par
EER, il est indispensable d’évaluer la qualité de la restauration de la perfu-
sion rénale, c’est-à-dire de s’assurer du caractère organique de l’insuffisance
rénale. Bien évidemment, l’indication de l’EER est formelle en cas de désor-
dres hydroélectrolytiques avérés, mais celle-ci doit être également débutée
avant leur apparition. Avant la première séance d’HDI chez un patient traité
pour une hypovolémie vraie ou relative, il est essentiel de s’assurer que cette
hypovolémie a été corrigée et que le patient n’a pas de critère suggérant une
précharge-dépendance. En effet, le branchement à un circuit extracorporel,
61
même réalisé de façon isovolumique, est à haut risque d’aggraver une hypo-
volémie insuffisamment corrigée. La présence d’une insuffisance circulatoire
aiguë n’est bien évidemment pas un argument pour retarder le traitement par
HDI si toutes les précautions énumérées ci-dessus ont été prises en termes de
réglages [1, 10]. Lorsque le patient est anurique depuis 24 h malgré un traite-
ment symptomatique de la défaillance circulatoire bien conduit, l’indication de
l’EER peut être raisonnablement posée.
L’arrêt de l’EER n’est pas codifié. Lorsque l’on observe une reprise de diurèse
et une baisse spontanée (en dehors des séances d’HDI) de la créatininémie,
l’amélioration du débit de filtration glomérulaire est le plus souvent suffisante
pour permettre un arrêt de la suppléance rénale. La gestion d’une surcharge
hydrosodée persistante peut alors être assurée par un traitement diurétique.

Références

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renal failure in patients with multiple-organ dysfunction syndrome : a multicentre rando-
mised trial. Lancet 2006 ; 368 : 379-85.

62
Nouveautés
dans la surveillance
d’une séance de dialyse

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) est une complication rencontrée de plus en


plus fréquemment en réanimation, s’inscrivant le plus souvent dans le cadre
d’un tableau de défaillance multiviscérale. Sa prise en charge nécessite l’uti-
lisation des techniques d’épuration extrarénale (EER), dont l’indication est
posée chez 10 à 30 % des patients en réanimation. La mortalité reste toujours
très élevée (aux alentours de 70 %), malgré les différentes améliorations tech-
niques et de prise en charge.
L’hémodialyse intermittente (HDI) occupe une place essentielle comme mode
d’EER en réanimation du fait d’une grande efficacité d’épuration avec un coût
faible. La surveillance de la séance est un paramètre important à prendre
en considération, car elle va influencer son efficacité et sa tolérance. Celle-
ci repose sur le contrôle régulier des variations de pression artérielle et de
fréquence cardiaque, ainsi que sur les paramètres du générateur (débit de
pompe, pression artérielle et veineuse du circuit extracorporel). À côté de ces
paramètres classiques, de nouveaux outils ont été développés pour optimiser
les séances d’HDI. Ils ont pour but de mesurer la quantité épurée (appelée
dose de dialyse) ou bien d’améliorer la tolérance hémodynamique en per-
mettant une meilleure adaptation de la perte de poids. Certains de ces outils
ont été inclus dans le générateur, comme la mesure de la dialysance ionique,
des variations de l’hématocrite et de la recirculation. D’autres outils peuvent
venir compléter les précédents, à l’aide de systèmes extérieurs au générateur,
comme la mesure de l’impédancemétrie.

Mesure de l’efficacité d’épuration

La dose de dialyse est une donnée essentielle à prendre en considération car


elle va modifier le pronostic des patients atteints d’une IRA en réanimation.
Faute de paramètre disponible, le temps de séance de dialyse constitue encore
le principal élément restant à notre disposition pour déterminer l’efficacité sup-
posée de celle-ci. Cependant, ce critère trop simpliste ne permet pas d’appro-
cher correctement la quantité épurée. Ce paramètre brut ne tient souvent pas
compte des arrêts de pompe en cours de séance, de même qu’il ne renseigne

63
pas sur le volume sanguin réellement traité. Enfin, d’autres facteurs ne sont
pas pris en compte, comme la recirculation de l’abord vasculaire, susceptible
de diminuer la dose délivrée. Une nouvelle modalité, disponible sur la plupart
des générateurs modernes, permet d’approcher cette dose délivrée en temps
réel à l’aide du concept de dialysance ionique.

Détermination de la dose de dialyse


par la mesure de la dialysance ionique
Le concept de dialysance ionique repose sur la mesure de la conductivité du
sodium dans le dialysat, reflet de la concentration de sodium dans le bain de
dialyse. Le sodium ayant les mêmes propriétés que l’urée en terme d’échange
au travers de la membrane, il est admis que la dialysance du sodium évalue
la clairance du sodium et donc la clairance de l’urée. La dialysance ionique a
été validée au cours de l’hémodialyse chronique et est actuellement largement
utilisée pour quantifier la dose de dialyse lors de ces traitements [1].
La mesure de la dialysance ionique est effectuée par un module équipant en
série les générateurs d’hémodialyse. Cette valeur, obtenue de manière simple
(aucun prélèvement plasmatique ou du dialysat n’est nécessaire), automatique
et sans surcoût de consommable, permet de calculer la dose de dialyse obte-
nue. Cette mesure est donc effectuée de manière itérative en cours de séance,
permettant d’évaluer l’efficacité de la séance à tout instant et de tenir compte
de toute modification de l’efficience de la membrane. Par ailleurs, cette mesure
est réalisée en cours de traitement et tient compte de la recirculation liée à
l’utilisation d’un cathéter veineux double lumière. Une étude récente a montré
que la dialysance ionique était applicable en cas d’IRA en réanimation pour
quantifier la dose de dialyse [2]. La dialysance ionique est un outil simple à
utiliser en routine, qui permet de quantifier la dose de dialyse délivrée, et d’at-
teindre un objectif d’épuration en modifiant le temps de séance. Il apportera
certainement une aide précieuse pour quantifier la dose d’épuration adéquate
pour les patients de réanimation.

Calcul de la recirculation par la


mesure thermique
La dose de dialyse est influencée par le pourcentage de recirculation se pro-
duisant au niveau de l’accès vasculaire. L’importance de ce taux de recircula-
tion peut être déterminée par la mesure d’une différence thermique au niveau
du circuit extracorporel par le système BTMTM (Blood Temperature Monitoring)
équipant les générateurs de dialyse Fresenius [3]. Cette mesure est complè-
64
tement automatisée et ne nécessite pas de consommable supplémentaire. La
connaissance de ce taux de recirculation permet de rechercher les anomalies
au niveau de l’abord vasculaire chez un patient pour qui le taux excède 15 %.

Tolérance hémodynamique

Les hypotensions artérielles perdialytiques persistent durant les séances d’HDI


en réanimation malgré l’optimisation de la prescription. Une approche permet-
tant de les prévenir consiste à déterminer les variations du volume plasmati-
que (VP) et à évaluer la tolérance de la déplétion chez les patients instables.

Mesure des variations du volume


plasmatique
Différentes techniques de mesure existent pour déterminer les variations du VP
au cours de l’HDI. La détermination optique du volume sanguin fondée sur les
propriétés d’adsorption et de dispersion d’une onde lumineuse est la technique
la plus utilisée. Les différentes mesures continues d’hématocrite ainsi obtenues
permettent d’évaluer les variations du VP. Cet outil offre la possibilité de contrô-
ler l’impact d’une ultrafiltration sur le volume plasmatique et de prévenir ainsi
l’hypotension artérielle perdialytique. Il est utilisé en hémodialyse chronique
avec un logiciel appelé Hémocontrol® et conduit à la prescription quasi auto-
matisée de la perte de poids idéale pour le patient sans chute de tension.
Le rôle de la mesure optique des variations de l’hématocrite reste encore à défi-
nir en réanimation. Il pourrait apporter une aide précieuse pour prévenir l’hy-
potension artérielle perdialytique encore trop fréquente. Au vu des variations
de l’hématocrite, le monitorage du volume plasmatique permettrait de réduire
l’ultrafiltration ou bien de procéder à une expansion volémique en fonction des
besoins du patient. Il n’existe actuellement aucune étude en réanimation ayant
évalué l’impact de ce système sur la prévention des événements hypotensifs.
Une étude récente chez des patients atteints d’IRA n’a cependant pas retrouvé
de corrélation entre la réduction du volume plasmatique et les épisodes d’hy-
potension artérielle [4]. Cette étude souffre de nombreux biais ne permettant
pas de conclure à l’intérêt de ce monitorage. On peut penser que son inté-
rêt en réanimation pourrait être limité devant les causes multifactorielles des
événements hypotensifs où l’hypovolémie ne représente qu’un élément parmi
d’autres (vasoplégie, défaillance cardiaque, etc.). Seule une étude prospec-
tive bien menée permettrait de définir la place des mesures de la variation du
volume plasmatique en réanimation.
65
Impédancemétrie
Cette technique est fondée sur la mesure d’une tension créée par le passage
d’un très faible courant dans les tissus permettant d’estimer le volume d’eau
cellulaire et total. Son utilisation est simple, ne nécessitant que quelques élec-
trodes branchées sur le patient. De nombreuses études ont tenté de démontrer
l’intérêt de l’impédancemétrie, notamment multifréquentielle dans l’évaluation
du poids sec chez les patients hémodialysés chroniques [5]. Même si la tech-
nique est théoriquement validée, les nombreux facteurs pouvant influencer les
mesures limitent son utilisation en pratique courante. Son application reste
encore du domaine de la recherche.

Conclusion

Les nouveaux outils proposés pour le monitorage des séances d’HDI font suite
à une demande spécifique des réanimateurs en termes de mesure d’efficacité
d’épuration et de contrôle de la tolérance hémodynamique. Certains d’entre
eux semblent très utiles en pratique courante, comme la mesure de la dose
de dialyse suivant le principe de la dialysance ionique, afin d’améliorer les
performances de l’épuration et ainsi de réduire la mortalité. D’autres n’ont à
ce jour pas encore trouvé une validation suffisamment pertinente pour être
appliqués en réanimation.

Références

1 Mercadal L, Petitclerc T, Jaudon MC, Bene B, Goux N, Jacobs C. Is ionic dialysance a


valid parameter for quantification of dialysis efficiency ? Artif Organs 1998 ; 22 : 1005-9.
2 Ridel C, Osman D, Mercadal L, Anguel N, Petitclerc T, Richard C, Vinsonneau C. Ionic
dialysance : a new valid parameter for quantification of dialysis efficiency in acute renal
failure ? Intensive Care Med 2007 ; 33 : 460-5.
3 Schneditz D, Ronco C, Levin N. Temperature control by the blood temperature monitor.
Semin Dial 2003 ; 16 : 477-82.
4 Tonelli M, Astephen P, Andreou P, Beed S, Lundrigan P, Jindal K. Blood volume monito-
ring in intermittent hemodialysis for acute renal failure. Kidney Int 2002 ; 62 : 1075-80.
5 Koziolek MJ, Gauczinski S, Kahler E, Bramlage CP, Scheel AK, Mueller GA, Strutz F.
Bioimpedance analysis and intradialytic hypotension in intermittent hemodialysis. Clin
Nephrol 2006 ; 66 : 39-50.

66
Hémofiltration continue :
utilisation pratique

L’hémofiltration continue est une technique d’épuration extrarénale (EER)


continue à faible débit qui utilise une membrane de haute perméabilité hydrau-
lique. Son principe est fondé sur celui des échanges convectifs (voir chapitre
« Principes des échanges en épuration extrarénale »). La technique initiale uti-
lisait un accès artérioveineux réalisant l’hémofiltration continue artérioveineuse
(HFAV). Elle a été remplacée par l’hémofiltration continue veinoveineuse (HFVV)
qui ne nécessite pas d’abord vasculaire artériel et dont le débit est contrôlé par
une pompe extracorporelle. Elle est de plus en plus utilisée comme technique
d’EER chez les malades de réanimation [1, 2]. Cependant, aucun avantage en
termes de meilleure tolérance hémodynamique n’a pu être démontré [3]. Cette
technique ne nécessite pas d’installation particulière de circuit de distribution
d’eau osmosée et de vidange. Elle peut donc être utilisée en dehors des structu-
res pratiquant habituellement l’hémodialyse intermittente (HDI).

Description du circuit

Un circuit d’hémofiltration (figure 1) est composé d’un cathéter le plus sou-


vent double lumière permettant l’accès (circuit « artériel ») et le retour (circuit
veineux) d’un générateur constitué d’au moins deux pompes (sur les circuits
artériel et veineux) et de systèmes de pesées automatiques, d’un hémofiltre et
d’un accès pour l’anticoagulation.

Réglages pratiques [4]

La mise en œuvre d’une hémofiltration revient à se poser neuf questions


(figure 2). Parmi ces questions, la plus importante est de déterminer la quan-
tité d’ultrafiltration (UF) par heure à obtenir qui correspond à la dose d’EER
souhaitée. Le choix du cathéter, l’anticoagulation et la nature des membranes
utilisées sont envisagés dans d’autres chapitres de ce manuel.

Quelle ultrafiltration horaire ?


La première chose à régler est la quantité d’UF souhaitée par heure. Elle cor-
respond à la prescription de la dose de traitement. L’étude de Ronco et al.
67
a comparé trois groupes de patients traités par hémofiltration continue en
postdilution en comparant des UF réglées à 20, 35 et 45 ml/kg/h. Il existe une
réduction significative de la mortalité des patients dans le groupe à 35 ml/kg/h
sans bénéfice additionnel sur la mortalité pour le groupe à 45 ml/kg/h [5].
Une étude récente confirme l’impact d’une dose d’épuration suffisante sur la
mortalité des malades traités par hémofiltration continue [6].
Figure 1. Circuit d’hémofiltration continue.

POMPE À SANG

POMPE
EFFLUENT ACCÈS
PRESSION FILTRE PRESSION D'ENTRÉE
HEMOFILTRE

LIQUIDE DE
REINJECTION
PRE DILUTION

SAC RECUEIL
EFFLUENT
DILUTION

POMPE DE RÉINJECTION
POST

RETOUR
PRESSION DE RETOUR

Figure 2. Prescription de l’hémofiltration continue.

CVVH : hémofiltration continue veinoveineuse (Continuous venovenous hemofiltration) ; CVVHD :


hémodiafiltration continue veinoveineuse (Continuous venovenous hemodiafiltration) ; HFC :
hémofiltration continue ; UF : utrafiltration.

Quel débit sanguin ?


Pour obtenir l’UF souhaitée, il est nécessaire de régler le débit sanguin à un
niveau suffisant. Ce réglage doit tenir compte d’une part de la perte de charge
68
le long de l’hémofiltre, réduisant la pression transmembranaire en fin de filtre ;
d’autre part de l’hémoconcentration survenant en fin de filtre liée au passage le
long de l’hémofiltre de l’eau et des petites molécules. Cette hémoconcentration
peut s’accompagner d’élévation de la viscosité sanguine dans les fibres en fin
de filtre. La conjonction de ces deux phénomènes peut favoriser la thrombose
des filtres. En pratique, une formule permet de respecter le ratio entre UF et
débit sanguin (Qs), ou plus exactement le débit plasmatique Qs × (1 - Ht ) où
Ht représente l’hématocrite :
UF/Qs (1 - Ht) < 30 %

Quel volume pour la restitution ?


L’UF est compensée par l’administration continue d’un liquide de substitution
physiologique. La différence entre le volume horaire d’UF et le volume restitué
horaire correspond à la perte de poids horaire envisagée. Le réglage de la
quantité de liquide de substitution dépend du calcul du bilan des entrées et
des sorties et doit anticiper la perte de poids souhaitée sur 24 h. Celle-ci peut
être réévaluée et modifiée en permanence.

Postdilution ou prédilution ?
Cette restitution peut s’effectuer après le filtre (postdilution) ou avant le filtre
(prédilution). Le plus logique est d’administrer la restitution en postdilution.
Cependant, la restitution peut être répartie entre pré- et postdilution. La restitution
en prédilution a l’avantage théorique de diminuer l’hyperviscosité en fin de filtre et
peut-être d’améliorer la durée de vie des hémofiltres. Cependant, cela n’a jamais
été démontré en clinique. De plus, cela réduit l’efficacité de la méthode. Il est
conseillé de ne pas administrer la totalité de la substitution en prédilution. La
plupart des machines permettent une administration mixte en pré- et postdilution.
Le plus souvent, 30 % sont administrés en prédilution et 70 % en postdilution.

Faut-il utiliser l’hémodiafiltration ?


L’hémodiafiltration consiste, sur un circuit d’hémofiltration continue, à faire
passer un dialysat dans l’hémofiltre à contre-courant du sang circulant, ajou-
tant ainsi aux échanges convectifs des échanges diffusifs (figure 3). Les clai-
rances totales sont augmentées, mais le système est plus complexe. Aucune
étude ne démontre la nécessité d’ajouter un processus diffusif à l’hémofiltra-
tion continue, à condition que le réglage de l’hémofiltration permette d’obte-
nir une dose d’EER suffisante. Si l’hémodiafiltration est utilisée, le débit de

69
Tableau 1
Résumé des différents points de la prescription d’une hémofiltration continue

Quel cathéter ? Double lumière > 12 F


Voie fémorale ou jugulaire interne
Quelle anticoagulation ? Voir chapitre « Anticoagulation en
épuration extrarénale »
Quel débit d’UF ? > 35 ml/kg/h
Quel débit sanguin ? 150 à 250 ml/min
CVVHF ou CVVHDF ? CVVHF le plus souvent suffit
Pré- ou postdilution ? Soit postdilution, soit 1/3 pré- et 2/3
postdilution
Quelle perte de poids ? Selon le bilan des entrées et des sorties
Quel tampon ? Bicarbonate
Quelle température ? Ne pas trop réchauffer

CVVHF : hémofiltration continue veinoveineuse (continuous venovenous hemofiltration) ;


CVVHDF : hémodiafiltration continue veinoveineuse (continuous venovenous hemodia-
filtration) ; UF : ultrafiltration.

Figure 3. Circuit d’hémodiafiltration continue.

POMPE À SANG

ACCÈS
POMPE
EFFLUENT PRESSION FILTRE PRESSION D'ENTRÉE
HEMOFILTRE

LIQUIDE DE
REINJECTION
POMPE
SAC RECUEIL DIALYSAT
EFFLUENT

POMPE DE RÉINJECTION

RETOUR
DIALYSAT
PRESSION DE RETOUR

70
dialysat doit être de 500 à 2000 ml/h. La restitution de l’hémofiltration ne doit
pas se faire en prédilution.

Quelle température pour le circuit ?


Les effets bénéfiques de la température sur la tolérance hémodynamique de
l’EER ont surtout été étudiés lors des séances d’HDI. Au cours de l’hémo-
filtration, les mécanismes de déperdition thermiques sont différents de ceux
rencontrés au cours de l’HDI. La perte de chaleur est essentiellement liée à la
déperdition en rapport avec le circuit extracorporel, à l’importance du volume
de soluté réinjecté et à l’absence éventuelle de réchauffeur sur le circuit de
retour veineux. Elle dépend donc essentiellement du volume de liquide de
substitution utilisé. En hémofiltration continue, l’utilisation classiquement
recommandée d’un réchauffeur pour les solutés de substitution administrés
en postdilution pourrait altérer la réactivité vasculaire et favoriser les chutes
tensionnelles [7].
Le tableau 1 résume les principaux réglages en hémofiltration.

Composition du soluté
de substitution

Il s’agit d’un soluté salé isotonique (Na = 140 mmol/l), pauvre en potassium
(K = 0 à 1,5 mmol/l) et qui contient une solution tampon. Après la période
initiale de correction des troubles hydroélectrolytiques, des apports potassi-
ques supplémentaires sont souvent nécessaires. L’administration de potas-
sium dans les poches de substitution est recommandée. Le tampon est le plus
souvent un tampon bicarbonate. En effet, l’acétate a une mauvaise tolérance
hémodynamique et ne doit plus être utilisé. Le tampon lactate pourrait être
employé, mais il n’est pas recommandé chez les patients en défaillance multi-
viscérale en raison de leur production de lactate endogène. Pour éviter la pré-
cipitation du mélange bicarbonate–calcium, l’addition du soluté bicarbonaté
se fait le plus souvent de façon extemporanée. Des apports supplémentaires
de phosphore sont souvent nécessaires.

L’hémofiltration doit
être réalisée sur un temps suffisant

L’efficacité de la technique d’hémofiltration dépend également de son carac-


tère continu effectif sur 24 h. Les périodes d’interruption de la technique ou
71
« down-time » peuvent être liées à une coagulation du circuit ou à sa sus-
pension pour la réalisation d’examens complémentaires ou d’une intervention
chirurgicale éventuelle. Ces périodes peuvent représenter 3 à 8 h par 24 h [8].
L’hémofiltre doit être changé toutes les 24 à 48 h.

Surveillance du malade
en hémofiltration

La surveillance porte sur : le circuit, en particulier le fonctionnement des


cathéters, la machine (pressions et débits), le bilan des entrées et des sorties,
l’équilibre électrolytique et acidobasique, le bilan de coagulation et la numé-
ration formule sanguine.

Surveillance du circuit
La surveillance du circuit comporte la surveillance non spécifique liée au
risque infectieux sur les cathéters et le monitorage des alarmes de pression.
Trois types d’alarmes de pression sont placés sur le circuit. Sur le circuit
d’accès, une pression trop négative traduit un dysfonctionnement de la ligne
« artérielle » : si le cathéter n’est pas coudé, cela traduit le plus souvent
une thrombose de la voie d’accès du cathéter. Une pression élevée sur le
circuit de retour traduit, en l’absence de plicature du cathéter, un dysfonc-
tionnement de la voie de retour du cathéter ou une thrombose veineuse
sur cathéter. Les machines actuelles permettent de monitorer la pression à
l’entrée de l’hémofiltre. En cas de dysfonctionnement de la voie de retour,
l’élévation de pression est parallèle à l’élévation de la pression sur le circuit
de retour. Si la pression à l’entrée du filtre est supérieure à la pression de
retour, cela traduit une thrombose dans l’hémofiltre, imposant la restitution
et le changement de filtre. Les changements systématiques d’hémofiltre sont
recommandés toutes les 24 h pour éviter les phénomènes d’accumulation
de certaines substances, en particulier médicamenteuses, à la surface des
hémofiltres et le relargage de celles-ci.

Surveillance biologique
Étant donné les grandes quantités de volumes manipulées lors de l’hémofil-
tration continue (50 à 100 l par jour), la surveillance quotidienne du poids des
malades est recommandée. L’évaluation du bilan des entrées et des sorties
est particulièrement importante. Elle comporte en particulier le monitorage

72
Tableau 2
Indications de l’hémofiltration continue
Indications
Insuffisance cardiaque Oui
congestive sévère
Postopératoire de chirurgie Oui
cardiaque
Toxicologie Le plus souvent non
Insuffisance rénale aiguë Non
isolée
Insuffisance rénale Oui
aiguë avec défaillance
multiviscérale
Sepsis sévère sans ?
insuffisance rénale

de la quantité ultrafiltrée nette par jour. Les autres moyens d’évaluation de


la volémie peuvent être utiles. La mesure de l’ionogramme sanguin doit être
faite de façon bi- ou triquotidienne. La détermination des valeurs de l’urée, la
créatinine, la calcémie, la magnésémie et la phosphorémie est réalisée une
à deux fois par jour. La numération sanguine doit être réalisée quotidienne-
ment, permettant la surveillance du taux de plaquettes et de l’hématocrite. Pour
un traitement héparinique standard, l’objectif est d’obtenir un TCA (temps de
céphaline activé) entre 1,5 et 2 fois le témoin. En cas de thrombose du circuit,
si la restitution n’est pas possible, la perte en globules rouges est estimée
selon les circuits à 100 à 300 ml.
Enfin, il faut rappeler que la courbe thermique est ininterprétable chez les
malades en hémofiltration continue.

Indications (tableau 2)

Insuffisance rénale aiguë et


défaillance multiviscérale
L’hémofiltration est le plus souvent indiquée chez les malades ayant une insuf-
fisance rénale aiguë au cours d’une défaillance multiviscérale et en particu-
lier hémodynamique. Malgré tous les avantages potentiels apportés par les
techniques d’hémofiltration continue, il n’existe pas d’études suggérant une
réduction de la mortalité des malades en défaillance multiviscérale. Dans une
73
méta-analyse, regroupant les études portant sur la mortalité des malades en
insuffisance rénale aiguë traités par EER entre 1986 et 1993, aucune différence
de mortalité entre patients hémofiltrés et dialysés n’était mise en évidence [9] ;
cela a été confirmé par une étude contrôlée prospective récente [3]. Des études
récentes suggèrent que l’hémofiltration à haut volume pendant 4 à 6 h pourrait
réduire la mortalité chez des patients en sepsis particulièrement graves. Il faut
donc attendre les résultats des études contrôlées en cours pour mieux cerner
l’indication de cette technique au cours du sepsis.

Hyperhydratation de l’insuffisance
cardiaque
L’hémofiltration peut être indiquée chez certains malades ayant une insuffi-
sance cardiaque réfractaire au traitement diurétique. Elle permet parfois la
soustraction de volumes liquidiens importants, l’amélioration de la fonction
ventriculaire gauche et la reprise de la diurèse. Une étude contrôlée compa-
rant une séance d’hémofiltration de 8 h au traitement médicamenteux standard
montre des résultats intéressants à court terme en termes de perte de poids et
d’utilisation d’inotropes [10].

Hémofiltration pendant la chirurgie


cardiaque
L’utilisation d’une circulation corporelle à haut débit au cours de la chirur-
gie cardiaque génère au moins deux effets délétères : la production d’une
réaction inflammatoire parfois intense et la nécessité de réaliser une hémo-
dilution, elle-même responsable d’une augmentation de l’eau extravasculaire.
L’hémofiltration peropératoire peut contribuer au maintien de l’état hémodyna-
mique, d’une part en évitant l’accumulation d’eau extravasculaire et donc en
améliorant les conditions de charge ventriculaire, et d’autre part en éliminant
certains médiateurs potentiellement néfastes. Une étude contrôlée rapporte
une réduction de la durée de ventilation artificielle dans le groupe traité par
hémofiltration continue en postopératoire [11].

Indications en toxicologie
L’hémofiltration est une mauvaise méthode pour l’épuration de toxiques. En
effet, en toxicologie, l’objectif est l’épuration rapide du toxique en cause. Or
dans les conditions habituelles, nous l’avons vu, les clairances en hémofiltra-

74
tion sont de l’ordre de 15 à 35 ml/min, ce qui est très inférieur aux 150 ml/min
obtenus en HDI. Il existe toutefois dans la littérature quelques observations
ponctuelles d’intoxications aiguës traitées par hémofiltration ou hémodiafiltra-
tion continue (méthotrexate, lithium, etc.). Au cours d’intoxications au lithium,
il est nécessaire d’obtenir des débits d’ultrafiltration élevés (4 l/h) pour obtenir
une clairance suffisante. Dans certains cas, l’hémofiltration a pour intérêt d’évi-
ter les rebonds postdialyse. L’hémofiltration continue a également été propo-
sée dans le traitement du syndrome de lyse tumorale à condition d’utiliser, là
encore, des débits d’ultrafiltration élevés.

Références

1 Ronco C, Barbacini S, Digito A, Zoccali G. Achievements and new directions in conti-


nuous renal replacement therapies. New Horizon 1995 ; 3 : 708-16.
2 Manns M, Sigler MH, Teehan BP. Continuous renal replacement therapies : an update.
Am J Kidney Dis 1998 ; 32 : 185-207.
3 Vinsonneau C, Camus C, Combes A, Costa de Beauregard MA, Klouche K, Boulain T,
et al. Continuous venovenous hemofiltration versus intermittent hemodialysis for acute renal
failure in patients with multiorgan dysfunction syndrome : a multicentre randomised trial.
Lancet 2006 ; 368 : 379-85.
4 Deroche D, Gindre S, Orban JC, Rami L, Chatti O, Ichai C. Conduite pratique de l’hé-
mofiltration. In : Robert R, Honoré P, Bastien O, eds. Les circulations extracorporelles en
réanimation. Paris : Elsevier ; 2006. p. 149-68.
5 Ronco C, Bellomo R, Homel P, Brendolan A, Dan M, Piccini P, et al. Effects of different
doses in continuous veno-venous haemofiltration on outcoms of acute renal failure : a pros-
pective randomised trial. Lancet 2000 ; 356 : 26-30.
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Adding a dialysis dose to continuous hemofiltration increases survival in patients with acute
renal failure. Kidney Int 2006 ; 70 : 1312-7.
7 Van Kuijk WH, Hillion D, Savoiu C, Leunissen KM. Critical role of the extracorporeal
blood temperature in the hemodynamic response during hemofiltration. J Am Soc Nephrol
1997 ; 8 : 949-55.
8 Uschino S, Fealy N, Baldwin I, Morimatsu H, Bellomo R. Continuous is not continuous :
the incidence on circuit “down-time” on uremic control during continuous veno-venous he-
mofiltration. Intensive Care Med 2003 ; 29 : 575-8.
9 Jakob SM, Frey FJ, Uehlinger DE. Does continuous renal replacement therapy favorably
influence the outcome of the patients ? Nephrol Dial Transplant 1996 ; 11 : 1250-5.
10 Bart BA, Boyle A, Bank AJ, Anand I, Olivari MT, Kraemer M, et al. Ultrafiltration versur
usual care for hospitalized patients with heart failure : the relief for acutely fluid-overload
patients with decompensated congestive heart failure (RAPID-CHF trial). J Am Coll Cardiol
2005 ; 46 : 2043-6.
11 Olivier WC, Nuttal GA, Orszulak TA, Bamlet WR, Abel MD, Ereth MH, et al. Hemofiltration
but not steroids results in earlier tracheal extubation following cardiopulmonary bypass : a
prospective, randomized double-blind trial. Anesthesiology 2004 ; 101 : 327-39.

75
Dialyse lente quotidienne

Définition

La dialyse lente quotidienne porte différentes dénominations dans la littérature


médicale : SLED (slow low efficiency dialysis), SLEDD (slow extended daily
dialysis), EDD (extended daily dialysis), ou plus rarement SCD (slow conti-
nuous dialysis). Le terme SLED reste le plus employé et le plus représentatif
du concept technique de cette méthode.
Il s’agit d’une technique intermédiaire entre l’hémodialyse dite classique
(dialyse de 4 h tous les 2 jours) et les méthodes d’épuration continue. C’est
pourquoi elle est également appelée technique hybride, destinée à combiner
les avantages de ces deux modes distincts (voir tableau 1). Typiquement, il
s’agit d’une hémodialyse quotidienne, avec un débit sanguin faible (100 à
200 ml/min), un débit de dialysat faible (100 à 300 ml/min), sur une durée
de 6 à 18 h.
Les avantages et les inconvénients de l’hémodialyse intermittente (HDI)
classique et de l’épuration extrarénale (EER) continue sont résumés dans le
tableau 1.
La volonté d’obtenir une plus grande stabilité hémodynamique en cas d’ultra-
filtration, tout en maintenant un faible coût, une faible exposition aux anticoa-
gulants et une capacité de mobilisation du patient est à l’origine de l’utilisation
de plus en plus fréquente de la dialyse lente quotidienne.

Études cliniques

En cas d’insuffisance rénale aiguë, le caractère néfaste d’une hémodialyse


intermittente dite classique (≤ 4 h, 3 fois par semaine, avec des objectifs éle-
vés d’ultrafiltration) a été bien documenté par l’étude de Schiffl et al. [1] (voir
détails dans le tableau 2).
On peut remarquer que, même chez l’insuffisant rénal chronique, l’hémodia-
lyse intermittente dite classique (≤ 4 h, 3 fois par semaine) reste la techni-
que la plus utilisée du fait des impératifs de logistique et d’acceptabilité (par
les patients et la collectivité). Elle reste cependant moins efficace qu’une
hémodialyse lente quotidienne, en termes de complications cardiovascu-
laires [2].
76
L’intérêt des cliniciens pour la dialyse lente quotidienne a également été ali-
menté par l’absence de supériorité de l’EER continue par rapport aux techni-
ques non continues dans les études randomisées [3–5].
De plus, dans les traitements par EER continue, il existe aussi des périodes
d’interruptions de traitement, du fait de la nécessité de déplacer le patient ou
par l’absence de reprise immédiate du traitement en cas de coagulation du cir-
cuit (surtout la nuit). Ainsi, les périodes d’interruption (appelées « down-time »)

Tableau 1
Comparaisons de l’hémodialyse classique avec l’épuration extrarénale continue

Hémodialyse Épuration continue


intermittente classique
Avantages •Durée courte permettant une •Équipement souvent facile
mobilisation du patient (pour d’emploi et d’entretien
des procédures de diagnostic •Pas de nécessité
ou de thérapeutique) d’infrastructure spécifique
•Possibilité d’emploi d’une (production et distribution
seule machine pour traiter d’eau osmosée)
plusieurs patients •Clairances globales plus
•Exposition courte aux élevées pour les molécules
anticoagulants dont la diffusion et la
mobilisation sont lentes
Clairance instantanée
élevée pour les molécules •Ultrafiltration lente et
de faible poids moléculaire prolongée
(potassium, lithium)
•Faible coût des solutés et
des consommables
Inconvénients •Équipement technique • Nécessité d’une
assez sophistiqué (machines anticoagulation prolongée
de dialyse, production d’eau •Patient non mobilisable
osmosée)
•Solutés et consommables
•Entretien et contrôles plus coûteux
périodiques indispensables
•Nécessité d’une machine
•Dose d’épuration globale par patient à traiter
limitée du fait d’un temps
d’application limité (surtout •Clairances instantanées
pour les molécules plus plus faibles pour les petites
larges) molécules (potassium,
lithium)
•Hypotension fréquente en
cas d’objectifs d’ultrafiltration
élevés

77
Tableau 2
Hémodialyse dite « classique » versus hémodialyse quotidienne en cas
d’insuffisance rénale aiguë [1]

Hémodialyse Hémodialyse p
intermittente quotidienne
« classique »
Durée de 3,4 ± 0,5 h 3,3 ± 0,4 h
l’hémodialyse (h) 3 fois par Tous les jours
semaine
Volume 3486 ± 262 ml 1214 ± 464 ml < 0,001
d’ultrafiltration
par séance (ml)
Épisode 25 ± 5 % 5±2% < 0,001
d’hypotension
lors de
l’hémodialyse
Mortalité 46 % 28 % 0,01

ont été évaluées à 3 h par jour en moyenne [6], rendant la frontière entre les
EER continues et la dialyse lente quotidienne assez floue.
Les principales études cliniques décrivant l’expérience des différentes équipes
avec la dialyse lente quotidienne sont résumées dans le tableau 3. La majo-
rité des équipes utilise une machine de dialyse classique ou une machine de
dialyse à domicile, parfois légèrement modifiée pour permettre un faible débit
de dialysat (100 ml/min). Certaines équipes utilisent pendant la nuit les machi-
nes d’hémodialyse utilisées le jour pour l’épuration des dialysés chroniques.
L’épuration lente justifie souvent l’emploi de membranes de faible surface (1,0 à
1,3 m2 étant donné l’absence de nécessité de clairances instantanées élevées).
Bien qu’il s’agisse d’études avec de faibles effectifs, l’ensemble de ces études
retrouve une bonne tolérance hémodynamique, sans différence significative
par rapport aux méthodes continues.

Comparaison des clairances

Clark et al. [12] ont réalisé un travail de modélisation des clairances selon le
poids moléculaire et le type de traitement appliqué, avec une conversion en
un équivalent de clairance rénale (le principe de base étant que le rein humain
fonctionne 24 h sur 24). Le tableau 4 résume les différentes clairances selon le
type de dialyse, avec une membrane en triacétate de cellulose de 1,9 m2.

78
Tableau 3
Principales études cliniques sur la dialyse lente quotidienne

Étude Débit Débit Durée Constatations


sanguin dialysat dialyse
(ml/min) (ml/min) (h)
Naka [7] 100 200 6–8 Étude descriptive. Stabilité hémodynamique en SLED
Faible mortalité en réanimation (4/14 patients)
Lonnemann [8] 70 70 18 Étude descriptive
Stabilité hémodynamique avec UF de 120 ml/h
Marshall [9] 200 100 12 Étude descriptive
Bonne tolérance hémodynamique de la SLED chez des patients instables en HDI classique
Kumar [10] 200 300 6–8 Étude comparative non randomisée (25 patients en SLED versus 17 en CVVH)
Stabilité hémodynamique comparable. Moins d’héparine en SLED (4000 versus 21 000 UI/j)
Kielstein [11] 200 100 12 Étude randomisée (39 patients) : CVVH versus SLED
Même tolérance hémodynamique
Clairance de ß2-microglobuline plus basse en SLED
Moins d’héparine en SLED (8700 versus 17 000 UI/j)

CVVH : continuous venovenous hemofiltration ; HDI : hémodialyse intermittente ; SLED :

79
slow low efficiency dialysis ; UF : ultrafiltration.
Tableau 4 Clairances en équivalent de clairance rénale (ml/min sur 7 jours) selon le type d’hémodialyse (membrane en triacétate de cellulose de 1,9 m2)
Substance (poids Da)

80
Caractéristiques
de la dialyse Urée Créatinine Vancomycine Inuline ß2-microglobuline
(60 Da) (113 Da) (1448 Da) (5200 Da) (11,8 kDa)

T=4h
F = 3/sem
13,4 10,8 6,6 3,7 4,8
DS = 350
DD = 600
T = 100 min
F = 7/sem
13,9 11,1 7,0 3,9 4,8
DS = 250
DD = 600
T=8h
F = 3/sem
12,8 11,7 8,7 5,7 6,1
DS = 300
DD = 100
T=8h
F = 5/sem
21,2 19,4 14,6 9,5 8,3
DS = 300
DD = 100
T=8h
F = 7/sem
29,7 27,5 20,6 13,4 10,5
DS = 300
DD = 100
DD : débit de dialysat en ml/min ; DS : débit sanguin en ml/min ; F : fréquence des dialyses par semaine ; T : durée de dialyse.
Ce tableau permet d’observer des clairances tout à fait significatives en dialyse
lente quotidienne, pour la majorité des molécules pouvant diffuser à travers
les membranes de dialyse (la majorité des antibiotiques par exemple). Cette
technique s’accompagne de pertes importantes en phosphore en l’absence de
supplémentation adéquate. L’épuration des oligoéléments et des vitamines
hydrosolubles, bien que très probable, est peu étudiée.
L’emploi d’une technique essentiellement diffusive (dialyse) explique une plus
faible clairance des molécules plus larges comme la ß2-microglobuline, par
comparaison avec l’hémofiltration continue [11]. Les objectifs de clairance
pour ces molécules ne sont cependant pas documentés en insuffisance rénale
aiguë.

Conclusion

La dialyse lente quotidienne est de plus en plus utilisée dans les services de
réanimation, tout en ayant des frontières assez floues avec la dialyse inter-
mittente classique et l’EER continue. Ses modalités d’utilisation varient donc
considérablement selon les services et les impératifs logistiques locaux. Cette
souplesse (variabilité) d’utilisation est probablement à l’origine de la popula-
rité de la technique.

Références

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81
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11 Kielstein JT, Kretschmer U, Ernst T, Hafer C, Bahr MJ, Haller H, et al. Efficacy and car-
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study. Am J Kidney Dis 2004 ; 43 : 342-9.
12 Clark WR, Leypoldt JK, Henderson LW, Mueller BA, Scott MK, Vonesh EF. Quantifying
the effect of changes in the hemodialysis prescription on effective solute removal with a
mathematical model. J Am Soc Nephrol 1999 ; 10 : 601-9.

82
Hémofiltration à haut volume

Les chocs inflammatoires s’accompagnent d’une libération massive de


médiateurs pro- et anti-inflammatoires, aboutissant à des lésions endothé-
liales diffuses, une défaillance multiviscérale et une altération des capacités
de réponse immunitaire à l’échelon cellulaire. Ces anomalies ont été exten-
sivement étudiées dans le cadre du choc septique, mais également après des
chocs inflammatoires déclenchés par d’autres événements : arrêt cardiaque,
chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle, choc hémorragique,
polytraumatisme, et pancréatite aiguë. Cette réaction inflammatoire excessive
a motivé de nombreuses tentatives de modulation des médiateurs impliqués.
L’hémofiltration à haut volume (HFHV) fait partie des thérapeutiques proposées
dans ce contexte. Il faut souligner qu’en 2007 l’HFHV est encore en cours d’ex-
ploration et ne fait pas partie des thérapeutiques de routine en réanimation.
Classiquement, dans les techniques d’épuration extrarénale (EER), on dis-
tingue les petites molécules plasmatiques (poids moléculaire < 200 Da), les
molécules de taille intermédiaire (200 à 2000 Da) et les molécules de taille
moyenne (de 2000 Da à 55 000 Da). La majorité des médiateurs de l’inflam-
mation fait partie des molécules de taille moyenne (le poids moléculaire
de l’interleukine 6 est de 26 kDa par exemple). L’hémofiltration (technique
convective) se distingue de l’hémodialyse (technique diffusive) par sa plus
grande capacité d’épuration des molécules de taille moyenne (voir chapitre
« Choix d’une membrane de dialyse »).
En hémofiltration, les molécules dont la taille est inférieure à la taille des pores
de la membrane (seuil de tamisage ou limite de passage ou cut-off) sont tou-
tes épurées de manière proportionnelle au débit de filtration. En revanche, en
hémodialyse, la diffusion des molécules à travers les pores de la membrane
est inversement proportionnelle à leur poids moléculaire.
L’intensité d’épuration (clairance) est proportionnelle au débit de filtration de
liquide à travers la membrane, si la filtration est compensée par un même
volume de liquide de substitution (liquide dépourvu des substances épurées).
Actuellement, en hémofiltration continue, un débit de 35 ml.kg–1.h–1 est consi-
déré comme un débit standard de suppléance (remplacement) rénale pour un
patient en insuffisance rénale aiguë oligoanurique [1]. Les techniques d’hémo-
filtration à « haut volume » étudiées dans le cadre des chocs inflammatoires
utilisent des débits de filtration nettement supérieurs à cette dose de sup-
pléance rénale. Cette hémofiltration est aussi appelée à « haut débit », sans
qu’il y ait actuellement de définition précise de la limite à partir de laquelle on

83
peut parler de haut débit. Cependant, la plupart des études expérimentales et
cliniques rapportant des effets « bénéfiques » dans les chocs inflammatoires
ont été réalisées avec des débits de filtration très élevés (souvent supérieurs
à 100 ml.kg–1.h–1).

Intérêts potentiels

Choc infectieux
Avec des débits de filtration faibles (≤ 35 ml.kg–1.h–1), les études cliniques
n’ont pas mis en évidence d’effet bénéfique [2], en dehors du contexte de sup-
pléance rénale.
À partir de 1992, les travaux expérimentaux ont permis de démontrer une
amélioration hémodynamique proportionnelle au débit de filtration, avec des
débits de filtration > 100 ml.kg–1.h–1 [3]. Ces effets ont été observés même
avec des membranes en polysulfones ayant peu de capacité d’adsorption.
Dans une première étude pilote humaine, 20 patients en choc septique, ayant
un débit cardiaque bas malgré une optimisation hémodynamique, ont été trai-
tés par HFHV (8,7 l/h pendant 4 h, sans ajustement sur le poids) [4]. Cette
étude descriptive a mis en évidence un groupe de répondeurs (11 patients)
et un groupe de non-répondeurs (9 patients). Chez les répondeurs, en 4 h, la
pression artérielle augmentait de 47 ± 5 à 71 ± 6 mmHg, avec une augmen-
tation parallèle de l’index cardiaque (de 1,9 ± 0,5 à 4,7 ± 0,2 l.min–1.m–2) et
une réduction des doses de catécholamines (dose d’adrénaline divisée par
2,5 en moyenne). Les répondeurs se différenciaient des non-répondeurs par
une dose de filtration plus importante (dose médiane : 133 ml/kg/h versus
108 ml/kg/h, p < 0,03) et un délai plus court entre le début du choc et le trai-
tement par hémofiltration (6,5 versus 13,8 h).
Chez 10 patients traités pour choc septique, une étude prospective randomisée
avec cross-over (hémofiltration à 6 l/h versus 1 l/h pendant 8 h) a confirmé les
effets de l’HFHV sur l’amélioration hémodynamique (réduction médiane des
doses d’adrénaline de 68 % versus 7 %, p = 0,02) [5].
L’ensemble des études cliniques et expérimentales semble donc démontrer un
bénéfice hémodynamique de l’hémofiltration, possiblement lié à l’épuration
d’un ou, plus probablement, de plusieurs « médiateurs », avec un effet dose-
dépendant (pas d’effet des faibles débits).
Cependant, de nombreuses questions restent encore non résolues. Il existe
effectivement des patients « répondeurs » et des patients « non répondeurs »,
et nous ne disposons pas encore d’éléments cliniques précis pour détecter

84
précisément les répondeurs avant d’entreprendre ce traitement. La dose et la
durée du traitement ne sont pas encore bien définies. On ne connaît pas la
meilleure membrane à utiliser : le seuil de tamisage (cut-off) optimal n’est pas
connu, les capacités d’adsorption sont difficiles à mesurer et ne semblent pas
indispensables. De plus, nous ne disposons pas encore d’étude démontrant
un effet sur la survie, la durée de séjour en réanimation ou l’évolution des
défaillances d’organe.

Arrêt cardiaque
Les données expérimentales ainsi que l’observation de perturbations équi-
valentes à un choc septique chez les patients admis après un arrêt cardiaque
extrahospitalier ont conduit à la réalisation d’une étude randomisée explo-
rant l’intérêt d’une hémofiltration à haut débit dans cette pathologie [6]. Les
patients admis après un arrêt cardiaque extrahospitalier (61 patients) ont ainsi
été traités soit par une seule séance d’HFHV (200 ml.kg–1.h–1 pendant 8 h), soit
par des soins standards. On note alors une réduction significative des décès
par choc réfractaire dans le groupe traité par hémofiltration (risque relatif de
décès par choc réfractaire : 0,21 avec intervalle de confiance à 95 % : 0,05
à 0,85), avec un bénéfice significatif sur la courbe de survie sans séquelles
neurologiques à 6 mois. Dans cette étude, pour minimiser la charge en soins
infirmiers et le coût de la procédure, le liquide de substitution utilisé pour
l’hémofiltration était produit « on-line ».
Le bénéfice hémodynamique de l’hémofiltration dans les états de choc sévère
est clairement illustré par cette étude. Cependant, il faut souligner que cette
étude a été réalisée avant la publication des études démontrant l’intérêt d’une
hypothermie thérapeutique après un arrêt cardiaque. La réalisation d’une nou-
velle étude randomisée utilisant l’hypothermie thérapeutique dans le groupe
témoin et le groupe traité par hémofiltration est donc indispensable avant qu’on
ne puisse définitivement conclure sur l’intérêt de l’hémofiltration dans ce type
de pathologie. On peut néanmoins souligner que l’hémofiltration à haut débit
avec un liquide de substitution froid a permis de combiner l’induction rapide
de l’hypothermie thérapeutique et la stabilité hémodynamique.

Chirurgie cardiaque
En chirurgie cardiaque, l’emploi d’une circulation extracorporelle induit une
réponse inflammatoire généralisée avec activation des leucocytes, des pla-
quettes et de la coagulation. Cette réaction induit des dysfonctions tissulaires
(myocardiques, rénales, digestives, pulmonaires, neurologiques) qui sont
85
généralement infracliniques. Cependant, cette réaction peut aboutir à des
complications cliniques sévères chez les patients développant une réponse
inflammatoire excessive (≤ 2 % des cas chez l’adulte), ou chez ceux qui ont
une réserve fonctionnelle limitée en préopératoire (âge très élevé, insuffisance
rénale, insuffisance cardiaque, etc.).
Les enfants, du fait de leur plus faible poids par rapport à la surface du cir-
cuit extracorporel, sont beaucoup plus exposés à une réaction inflammatoire
excessive en postopératoire. Avec une hémofiltration peropératoire à haut
volume (équivalent à 11,3 l/h pour une surface corporelle de 1,73 m2), isovo-
lémique (à balance hydrosodée nulle), Journois et al. [7] ont mis en évidence
une réduction de 45 % des saignements périopératoires, une réduction de
43 % du gradient alvéoloartériel en oxygène et une diminution de la durée de
ventilation mécanique postopératoire (médiane de 10,8 h versus 28,2 h).
Chez l’adulte, on ne dispose d’aucune étude randomisée sur les effets d’une
HFHV en périopératoire. L’hémofiltration peropératoire à faible débit, ayant
pour but une négativation de la balance hydrosodée, a fait l’objet de nom-
breuses publications non contrôlées de qualité médiocre, avec des objectifs
cliniques discutables. Dans une étude randomisée récente [8], une hémofil-
tration de 27 ml/kg en peropératoire a été associée à une faible réduction de
la durée de ventilation mécanique postopératoire (médianes : 352 min versus
518 min), sans autre bénéfice clinique notable (durée de séjour, morbidité,
mortalité). Les données cliniques sont donc clairement insuffisantes pour
recommander cette thérapeutique.

Effets secondaires et inconvénients


potentiels

L’intérêt potentiel de l’HFHV ne doit pas occulter ses éventuels effets secondai-
res, qui restent encore peu étudiés.
Sur le plan nutritionnel, l’hémofiltration est associée à une perte de glucose,
d’oligoéléments, de vitamines hydrosolubles et d’acides aminés, de manière
proportionnelle au débit d’ultrafiltration [9–11]. Or, les solutés de substitution ne
contiennent pas de quantités significatives de ces éléments (sauf parfois du glu-
cose). Avec les techniques actuelles, une HFHV prolongée pourrait donc aboutir
à d’importantes pertes nutritionnelles et être une source de carences, avec des
effets secondaires sur l’état général et l’état hémodynamique (baisse des perfor-
mances myocardiques par carence en sélénium ou hypophosphorémie profonde
par exemple). Jusqu’à présent, dans les études disponibles, la durée de l’HFHV
de seulement quelques heures a probablement limité l’intensité de ces pertes

86
ainsi que les effets secondaires. Cependant, pour une utilisation prolongée, ces
carences devraient être étudiées avec une plus grande attention.
L’activation et la consommation de facteurs de coagulation au niveau de la
membrane d’hémofiltration peuvent également constituer un effet indésirable,
étant donné les liens entre l’activation de la coagulation et l’inflammation.
Jusqu’à présent, la pensée communément admise était que l’injection avant la
membrane du soluté de substitution, par un effet de dilution du plasma (prédi-
lution), diminuait les phénomènes de coagulation au niveau de la membrane.
Une étude récente remet cependant totalement en cause cette vision simpliste
et démontre une activation plus importante de la coagulation au niveau de la
membrane en hémofiltration à haut débit (en prédilution) par rapport à l’hémo-
dialyse [12] (voir chapitre « Anticoagulation en épuration extrarénale » pour
plus de détail). Une anticoagulation est donc nécessaire et les modalités d’une
anticoagulation optimale en HFHV restent à définir.
Cette technique nécessite des débits sanguins extracorporels très élevés pour
permettre une épuration significative des molécules de taille moyenne. Cela
implique d’utiliser un cathéter à double lumière de très gros calibre (14,5 F)
ou deux cathéters monolumières de 8 F, placés judicieusement dans des vei-
nes à gros débit. Les deux solutions s’accompagnent de risques infectieux
et traumatiques inhérents à l’utilisation de gros cathéters. L’HFHV nécessite
idéalement une production en ligne (« on-line ») des solutés de substitutions
injectés, afin d’éviter la manipulation de très grandes quantités de liquide.
Cependant, la production en ligne nécessite un entretien rigoureux pour éviter
toute contamination endotoxinique ou bactérienne, encadré par des contrô-
les de qualité stricts. En l’absence d’une production en ligne, les volumes de
soluté de substitution nécessaires imposent une logistique lourde.
Enfin, l’équilibre final après une épuration non sélective des médiateurs pro-
mais également anti-inflammatoires est difficile à prédire.

Conclusion

Les indications d’HFHV dans le contexte de chocs inflammatoires restent diffi-


ciles à définir actuellement. Aucun effet cliniquement significatif n’a été décrit
avec une hémofiltration à faible débit (≤ 35 ml.kg-1.min-1). Des effets hémo-
dynamiques favorables ont été rapportés avec une hémofiltration à haut débit.
Cependant, nous manquons d’études permettant de définir la place précise de
cette technique et ses modalités optimales de réalisation (quel débit, quelle
durée, quelle membrane, quelle anticoagulation, prévention des effets secon-
daires). L’objectif simpliste d’épuration des cytokines pro-inflammatoires est

87
assez irréaliste compte tenu de l’absence de perméabilité (in vivo) de la majo-
rité des membranes d’EER aux molécules de plus de 15 kDa (en dehors des
membranes dites superperméables ; voir chapitre « Choix d’une membranes
de dialyse »). Il faut donc se garder de tout enthousiasme prématuré dans
l’emploi de cette technique.

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haemodiafiltration with a polysulfone membrane (APS) and with different modes of enoxa-
parin anticoagulation. Nephrol Dial Transplant 2004 ; 19 : 164-70.

88
Utilisation des médicaments
en hémodialyse intermittente
et en hémo(dia)filtration
continue

En réanimation, 5 à 6 % des patients sont traités par une technique d’épura-


tion extrarénale (EER), qui rend toute prescription médicamenteuse potentiel-
lement compliquée [1]. L’antibiothérapie est au premier plan de ces difficultés
puisqu’elle concerne 64 % des patients de réanimation, et que son effet est lié
à une utilisation à bonne posologie [2].
Ce texte a pour but de détailler l’impact de l’insuffisance rénale et des techni-
ques d’épuration sur la pharmacocinétique des médicaments, et de proposer
une aide à la prise en charge de ces prescriptions.

Influence de l’insuffisance rénale sur


la pharmacocinétique

Un médicament est une molécule naturelle ou synthétique active qui agit avec
une cible par l’intermédiaire d’un récepteur. La fixation de la forme libre du
médicament au récepteur est à l’origine de l’effet thérapeutique. La pharmaco-
dynamie est l’étude des mécanismes permettant d’expliquer l’action, l’intensité
d’action et la dynamique de l’action de la substance.
En amont de cette pharmacodynamie, c’est surtout la pharmacocinétique
des médicaments qui est perturbée par la présence d’une insuffisance
rénale : modification des mécanismes d’absorption, de sa répartition dans
l’organisme (distribution, liaison aux protéines), de son métabolisme et de
son excrétion (clairance). C’est cette dernière étape pharmacocinétique qui
est influencée par la technique d’EER éventuellement appliquée au patient
[3].

Absorption et biodisponibilité
Absorption et biodisponibilité ne sont pas modifiées en cas d’administration
par voie intraveineuse. L’insuffisance rénale peut être à l’origine d’une diminu-

89
tion de la vitesse d’absorption pour certains médicaments. L’EER n’a pas d’effet
spécifique sur ces étapes.

Distribution
La distribution d’un médicament dans l’organisme conditionne son accès aux
sites d’action, aux organes excréteurs (demi-vie) et aux autres tissus. Elle est
influencée par plusieurs paramètres :
• le poids du corps et sa composition : une diminution de la masse mai-
gre avec augmentation de la masse grasse engendre une augmentation du
volume de distribution des molécules lipophiles (âge, sexe féminin, etc.) ;
• la liaison aux protéines : seule la forme libre d’une molécule est active,
et seule la forme libre est accessible à une élimination par filtration. Les
médicaments très liés aux protéines sont donc peu éliminés par EER. De
nombreux facteurs influencent le pourcentage de liaison aux protéines : pH
plasmatique, hyperbilirubinémie, hypoalbuminémie, etc. Une diminution du
taux de protéines de liaison (hypoalbuminémie par exemple) augmente le
taux de forme libre active, et donc la toxicité et l’effet de la molécule (sepsis,
âge, syndrome néphrotique, etc.). La liaison aux protéines elle-même peut
être modifiée par des modifications structurales à l’origine d’une variation
de l’affinité, ou par compétition liée à l’accumulation de substances endogè-
nes (toxines urémiques, ou autres médicaments) ;
• le caractère lipophile ou hydrophile de la molécule ;
• le volume de distribution (Vd), qui correspond au volume virtuel qu’occupe-
rait la totalité du médicament s’il y était à concentration égale à la concentra-
tion plasmatique. C’est l’espace de diffusion d’une molécule (Vd = [A]/[C] ;
rapport entre la quantité totale de médicament présente dans l’organisme
[A] et la concentration plasmatique au même instant [C]). Ce volume de
distribution est un paramètre fortement modifié, le plus souvent à la hausse,
par la présence d’une insuffisance rénale, mais aussi par le contexte de la
réanimation (perméabilité capillaire, surcharge hydrosodée, présence d’un
troisième secteur, etc.).
On considère qu’une molécule a un « grand » volume de distribution lorsque
celui-ci est supérieur à 2 l/kg ; un petit volume de distribution étant inférieur
à 1 l/kg.
• En règle générale, les molécules avec grand Vd sont des molécules à forte
pénétration tissulaire, liposolubles. Une faible quantité de médicament reste
dans le secteur vasculaire, et donc une faible quantité est accessible à l’EER.

90
• A contrario, les molécules de petit Vd sont le plus souvent limitées au
volume extracellulaire, hydrosolubles et fortement liées aux protéines, plus
facilement éliminées par EER.

Métabolisme
La biotransformation des médicaments aboutit à la formation de métabolites
qui peuvent être actifs. Elle est essentiellement hépatique. Cependant, une
altération de la fonction rénale peut être à l’origine d’une diminution des réac-
tions d’hydrolyse et d’une réduction par altération du métabolisme rénal lié au
cytochrome P450.

Élimination
La clairance totale d’un médicament est la somme des clairances de chaque
site, hépatique, rénal, métabolique, ou autre. La contribution de la fonction
rénale à l’élimination d’un médicament est un facteur déterminant pour savoir
si la dose doit être ajustée ou non en cas d’insuffisance rénale.
Si la clairance rénale normale du médicament représente moins de 25 à 30 %
de sa clairance totale, une altération de la fonction rénale n’aura pas d’effet
clinique significatif sur son élimination [4]. De la même façon, l’élimination
de ce médicament par EER sera négligeable dans la clairance totale, et aucun
ajustement de dose ne sera nécessaire.
Les modifications engendrées par la présence d’une insuffisance rénale con-
cernent donc avant tout les médicaments à excrétion rénale prédominante
(aminosides, ceftazidime, céfépime, vancomycine, etc.). Cette excrétion rénale
se fait par deux mécanismes possibles : par filtration glomérulaire (influencée
par la liaison aux protéines et le poids moléculaire du médicament) et/ou par
sécrétion tubulaire (qui concerne surtout les molécules fortement liées aux
protéines et qui augmente en cas d’hyperurémie).

Mécanismes d’élimination
des médicaments
au cours de l’épuration extrarénale
L’élimination des médicaments est variable selon la technique d’EER utilisée.
Les trois mécanismes d’élimination mis en jeu au cours de l’EER sont la diffu-
sion, la convection et l’adsorption.

91
Diffusion
L’épuration réalisée par la force de diffusion liée au gradient de concentration
entre le sang et le dialysat, séparés par une membrane semi-perméable, et
circulant à contre-courant s’appelle la diffusion.
C’est le mécanisme principal d’épuration mis en jeu en hémodialyse. Les
membranes utilisées sont le plus souvent peu perméables à l’eau, et avec de
petits pores. La vitesse de diffusion d’une substance est inversement propor-
tionnelle à son poids moléculaire (PM), et donc élimine préférentiellement les
substances de petit poids moléculaire (PM < 500 Da).

Convection
La convection est l’épuration de molécules avec leur solvant. Le taux d’ultrafil-
tration conditionne la quantité épurée de molécule. C’est le mécanisme prédo-
minant d’épuration en hémofiltration continue. Selon la membrane utilisée, les
solutés de petit et moyen PM (jusque 20 à 30 000 Da) peuvent être épurés.

Adsorption
L’adsorption correspond à l’élimination de substances par fixation directe à
la membrane. C’est un phénomène variable selon les membranes utilisées,
saturable, et dépendant de la fréquence à laquelle les filtres sont renouvelés.
Pour la plupart des membranes, les propriétés adsorptives vis-à-vis des médi-
caments sont mal connues.

Médicaments et hémodialyse :
clairance, ajustement posologique

L’insuffisance rénale expose au risque de surdosage, de toxicité et d’accumu-


lation des médicaments, mais aussi au risque de sous-dosage qui peut être
dramatique dans certaines situations (antibiothérapie en réanimation).
Idéalement, des dosages sériques répétés pourraient permettre un ajustement
posologique précis, mais ces dosages ne sont pas tous accessibles en prati-
que clinique de routine.
En hémodialyse intermittente, les échanges sont surtout diffusifs, et dépen-
dent du débit sanguin, du débit du dialysat, de la durée de la séance et de la
dialysabilité du médicament.

92
La sous-estimation du volume de distribution et de l’élimination par la dialyse
est à l’origine de sous-dosages. A contrario, c’est la sous-estimation d’une
dysfonction d’organe qui peut être à l’origine d’un surdosage.
Pour éviter ces écueils, il faut répondre à trois questions :
• Ce médicament est-il dialysable ?
• Quelle quantité va être éliminée par la dialyse ?
• Comment prescrire ?

Ce médicament est-il dialysable ?


En hémodialyse, un médicament est potentiellement dialysable si :
• son poids moléculaire est petit (PM < 500 Da), ce qui est le plus souvent le
cas (sauf les glycopeptides : la vancomycine, de PM ≈ 1500 Da, n’est pas
dialysable en diffusion) ;
• sa fraction liée aux protéines est faible [5] ;
• son Vd est petit (< 1 l/kg) ;
• sa demi-vie n’est ni trop courte (par exemple : paracétamol, T1/2 = 1 h) ni trop
longue (par exemple : vancomycine, T1/2 > 200 h chez le patient anurique).
Certains auteurs ont proposé un indice de dialysabilité évaluant les consé-
quences pharmacocinétiques des médicaments en fonction de leur fraction
non liée (fu) et de leur volume de distribution [6] (tableau 1).

Quelle quantité de médicament est


éliminée par l’hémodialyse ?
En hémodialyse, la clairance des médicaments (ou dialysance) est difficile à
évaluer. En effet, le débit important du dialysat (en moyenne 30 l/h) fait que ce
dernier n’est jamais saturé à 100 %, c’est-à-dire que la concentration en médi-
cament du dialysat à la sortie de la membrane est inférieure à la concentration
de la forme libre (fu) du même médicament dans le plasma. Cette quantité n’est
Tableau 1
Indice de dialysabilité évaluant les conséquences pharmacocinétiques des
médicaments en fonction de leur fraction non liée (fu) et de leur volume de
distribution (Vd)

Indice de dialysabilité Conséquences


fu/Vd < 20 Médicament non dialysable
20 < fu/Vd < 80 ?
fu/Vd > 80 Médicament dialysable

93
donc pas « calculable » simplement ; elle ne peut être estimée que par des
analyses pharmacocinétiques spécifiques. Le clinicien doit donc se référer à
la bibliographie disponible et aux données du Vidal.

En pratique
Pour que la quantité de médicament éliminée par hémodialyse soit significa-
tive (et donc justifie la préoccupation du clinicien), il faut que la clairance par
hémodiafiltration représente plus de 25 % de la clairance totale du médica-
ment [7].
FHD= ClHD/(ClHD + Clnr)
• FHD > 25 % : administration du médicament après la séance de dialyse.
• FHD < 25 % : administration indifféremment avant ou après dialyse.
L’adaptation posologique d’un médicament en hémodialyse vise à compenser
sa clairance liée à la technique (ClEER).
En hémodiafiltration :
QE × CE
ClEER =
CP
QE : débit effluent ; CE : concentration dans l’effluent ; CP : concentration plas-
matique.
Les concentrations plasmatiques et dans l’effluent ne sont pas connues pour
la plupart des médicaments.
On ne peut qu’estimer la clairance diffusive des médicaments dialysables (cri-
tères ci-dessus) par la formule suivante :
ClHD= Cl urée × (60/PM)
où PM est le poids moléculaire du médicament. Parfois, la clairance en hémo-
dialyse est fournie par le laboratoire, ou la bibliographie, mais ces données
sont délicates à transposer en clinique puisque les paramètres de dialyse
(membrane, débits, etc.) sont souvent non fournis.

Comment prescrire ?

Comment adapter la posologie ?

Deux méthodes sont disponibles.


• La méthode de la dose. L’intervalle d’administration du médicament est
inchangé, mais la dose est modifiée. Cette méthode s’applique aux médica-
94
ments dont l’effet thérapeutique est « temps-dépendant », c’est-à-dire que
l’effet est observé si la concentration plasmatique de ce traitement reste au-
dessus d’un certain taux (par exemple : pénicilline).
• La méthode de l’intervalle. Elle concerne les médicaments dont l’effet théra-
peutique est « dose-dépendant », c’est-à-dire qu’il est conditionné par le pic
de concentration obtenu après injection (par exemple : aminosides). Dans ce
cas, la dose est inchangée, mais l’intervalle d’administration est adapté à la
fonction rénale et à l’épuration éventuelle du traitement par la dialyse.

Dose charge

La dose charge ou première dose ne varie pas avec la clairance du médica-


ment. Elle est dépendante du taux plasmatique souhaité et du Vd.
Dans tous les cas :
Dose charge = concentration souhaitée × Vd

Dose d’entretien

C’est la dose à administrer pour maintenir la concentration cible, c’est-à-dire


pour compenser l’élimination du médicament (rénale, non rénale, dialyse,
etc.).
Cette dose d’entretien dépend de la clairance effective assurée par les organes
et la dialyse :
Dose d’entretien =
dose normale × (clairance totale effective/clairance totale normale)
La clairance totale normale est fournie par l’industrie (Cltot = 0,693 × Vd/T1/2).
La clairance totale effective est estimée par la dialysance du médicament.
Selon le mécanisme d’action du médicament, cette dose d’entretien à admi-
nistrer par 24 h peut être adaptée soit par la méthode de la dose (maintien de
l’intervalle d’administration), soit par la méthode de l’intervalle (même dose
unitaire mais intervalle modifié).

Dosages

Les médicaments à index thérapeutique faible, ou ceux dont le risque de sur-


dosage ou de sous-dosage a des implications cliniques majeures peuvent
justifier la réalisation de dosages. Dans le cas de médicaments à index thé-
rapeutique élevé (ß-lactamines), le risque faible de surdosage doit rendre ces
dosages coûteux exceptionnels.

95
Lorsque le risque de surdosage est réel (aminosides, vancomycine), les dosa-
ges répétés sont justifiés jusqu’à équilibre.

Médicaments et hémo(dia)filtration
continue : clairance, ajustement
posologique

En hémofiltration continue, l’épuration se fait essentiellement par convection :


l’élimination d’un médicament va dépendre du débit de filtration, de ses carac-
téristiques pharmacocinétiques (Vd, PM, fixation aux protéines, etc.).
Les caractéristiques d’un médicament déterminant sa filtration sont les sui-
vantes.
• Le coefficient de partage (S ou sievingg) est le rapport entre les concentra-
tions dans l’effluent et dans le plasma (S= Cuf / Cp). Celui-ci dépend de la
fraction libre du médicament (fu), de sa fixation éventuelle à la membrane,
des paramètres de l’hémofiltration.
• En hémofiltration continue (avec compensation des pertes en post-dilution) :
Cl HF= Quf × S
où Quf est le débit de filtration et S le coefficient de partage.
Pour la plupart des médicaments, la fraction libre (fu) de ce médicament est
une approximation raisonnable du coefficient de partage.
Cl HF ≈ fu × Quf
• En cas d’hémodiafiltration continue, aux échanges convectifs s’ajoutent les
échanges diffusifs qui sont dans ce cas directement dépendants du débit
dialysat (le débit dialysat étant bien plus faible qu’en hémodialyse, le dialy-
sat est saturé par le médicament diffusible si son PM est < 500 Da) :
ClHF ≈ fu × (Quf + Qd)
• En cas d’hémofiltration avec compensation des pertes en prédilution, la
fraction libre (fu) doit être corrigée par un facteur de prédilution du sang :
(Qs/Qs + Qréinjection)
L’estimation des échanges diffusifs par le produit (fu × Qd) surestime toujours
l’épuration des molécules, davantage encore pour celles de plus haut PM.
Ainsi certains auteurs ont proposé un modèle mathématique permettant d’éva-
luer la quantité de médicament éliminée par diffusion au cours d’une hémo-
diafiltration continue [8].
Kdrel = (PM/113)-0,42
Au final :
ClHF ≈ fu × (Quf + Qd × Kdrel) × (Qs/Qs + Qréinjection)

96
Quelques exemples en pratique

Prescription des aminosides


Les aminosides ont un effet bactéricide concentration-dépendant, et un effet
postantibiotique notoire (persistance de l’inhibition de la croissance bacté-
rienne malgré l’absence de taux détectable d’antibiotique) dépendant lui aussi
du pic de concentration obtenu après administration. Leur toxicité est liée
davantage à l’aire sous la courbe qu’au pic. Le Vd des aminosides est de 0,2
à 0,3 l/kg (mais augmente chez les patients de réanimation). L’élimination des
aminosides est rénale (filtration glomérulaire), et leur demi-vie augmente en
cas d’altération de la fonction rénale [9].
En cas d’insuffisance rénale, les travaux cliniques tendent à proposer une aug-
mentation de l’intervalle d’administration sans réduction de la dose.
• En cas d’hémodialyse, les aminosides sont largement éliminés par diffusion
(Vd petit, faible liaison protéique, petit PM). On peut recommander d’admi-
nistrer une dose normale (adaptée au Vd du patient de réanimation donc
supérieure aux doses habituelles) pour obtenir l’effet pic maximal, puis
réaliser la séance d’hémodialyse dans les heures qui suivent afin d’éliminer
l’antibiotique et de minimiser l’effet toxique.
• En cas hémofiltration continue, la quantité d’aminosides éliminée est pro-
portionnelle au débit de filtration (tableau 2).

Tableau 2
Aminosides
Amikacine Gentamicine
Posologie normale 15 mg/kg/j 3 mg/kg/j
Volume de distribution 0,3 l/kg 0,3 l/kg
Taux de liaison aux < 10 % <3%
protéines
Poids moléculaire < 500 Da < 500 Da
Clairance rénale 80–120 ml/min 75–85 ml/min
Clairance corporelle totale 100–140 ml/min 90 120 ml/min
Demi-vie 2 h–2 h 30 2 h–2 h 30
Clairance en hémodialyse 37 ml/min 35 ml/min

Clairance en hémofiltration Cl ≈ 0,9 × QE

97
Enfin, les dosages plasmatiques d’aminosides sont de pratique courante et
l’impact thérapeutique de ces antibiotiques en réanimation permet de justifier
leur réalisation au quotidien.

Prescription des ß-lactamines


L’effet bactéricide des ß-lactamines est « temps-dépendant », c’est-à-dire qu’il
est fonction du temps durant lequel le taux tissulaire ou plasmatique est au-
dessus de la CMI (concentration minimale inhibitrice). Les ß-lactamines n’ont
pas d’effet postantibiotique notoire (sauf les carbapénèmes).
L’élimination des ß-lactamines est rénale (filtration glomérulaire). À la phase
initiale d’un sepsis, il existe fréquemment une augmentation de la filtration
glomérulaire, qui peut justifier l’administration à cette phase thérapeutique
importante de doses plus fortes que la dose standard [10].
En cas d’insuffisance rénale, il est recommandé de réduire la dose adminis-
trée sans modifier l’intervalle. Cependant, la faible toxicité des ß-lactamines et
l’impact majeur potentiel en cas de sous-dosage doivent rendre la diminution
des doses prudente.
• En cas d’hémodialyse, l’élimination des ß-lactamines varie essentiellement
selon leur taux de liaison protéique qui varie d’un antibiotique à l’autre
(tableaux 3 et 4). Pour l’oxacilline, la clairance extrarénale compense la
diminution de la clairance rénale en cas d’insuffisance rénale.
• En cas d’hémofiltration, l’élimination des ß-lactamines est corrélée à nou-
veau au taux de fixation protéique, et au débit de filtration [11].
La clairance totale normale du céfotaxime est de 240 ml/min, soit 14,4 l/h.
Chez le patient anurique, la clairance extrarénale est estimable à 50 % de la
clairance totale, soit 7,2 l/h.
En hémofiltration continue (postdilution) à 3000 ml/h, la clairance du céfo-
taxime est :
Cl HF = Qe × fu= 3000 × (0,6) = 1800 ml/h = 1,8 l/h
Chez un patient anurique (pour une clairance non rénale de 7,2 l/h), la dose
recommandée est de 3 g/j (dose normale 6 g/j). Sous ce régime d’hémofiltra-
tion, la clairance est augmentée de 1,8 l/h, soit de 25 % ; la dose « anurique »
doit être augmentée de 25 %.

98
Tableau 3
Quelques céphalosporines
Céfotaxime Ceftriaxone Ceftazidime
Posologie 3–12 g/j 1–2 g/j 3–6 g/j
normale
Volume de 0,3 l/kg 0,13–0,16 l/kg 0,2–0,24 l/kg
distribution
Taux de liaison 25–40 % 80–96 % 5–15 %
aux protéines
Clairance 130–170 ml/min 5–13 ml/min 74–98 ml/min
rénale
Clairance 240 ml/min 10–22 ml/min 110–138 ml/min
corporelle
totale
Demi-vie 0,7–1 h 8h 1,7 h
Dialysable Oui + Non Oui +++
Adaptation 30 % dose en Dose unitaire
proposée plus après dialyse après dialyse

Tableau 4
Pénicillines
Oxacilline Pipéracilline/tazobactam
Posologie normale 3–12 g/j 12–16 g/j
Volume de 0,10 l/kg 0,2 l/kg
distribution
Taux de liaison aux > 90 % 20 %
protéines
Clairance rénale 110–160 ml/min Pipéracilline : 150–300 ml/min
Tazobactam : 100 ml/min
Clairance 220–320 ml/min Pipéracilline : 210–400 ml/min
corporelle totale Tazobactam : 200 ml/min
Demi-vie 0,5–1 h 1h
Dialysable Non Oui
Adaptation Aucune 2 g supplémentaires après dialyse
proposée

99
Conclusion

Toute prescription médicamenteuse chez un patient de réanimation en insuf-


fisance rénale bénéficiant d’une technique d’EER nécessite une connaissance
minimale d’éléments pharmacocinétiques corrélés à l’insuffisance rénale elle-
même, et à la technique appliquée.
L’approche de l’adaptation posologique par des méthodes de calcul de clai-
rance n’est pas toujours simple, et il est nécessaire de répondre à certaines
questions lorsque l’on instaure une EER : la pharmacocinétique des médica-
ments va-t-elle être modifiée de manière significative ? Si oui, dois-je modifier
la dose quotidienne ?
Pour les médicaments à index thérapeutique large, le risque est le plus sou-
vent celui lié à un sous-dosage. Enfin, pour les médicaments à index théra-
peutiques étroits, les dosages pharmacologiques peuvent être utilisés.

Références

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in critically ill patients. JAMA 2005 ; 294 : 813-8.
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European intensive care units : results of the SOAP study. Crit Care Med 2006 ; 34 : 344-53.
3 Perazella MA, Parikh C. Code curriculum in nephrology : Pharmacology. Am J Kidney
Dis 2005 ; 46 : 1129-39.
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5 Lau AH, Kronfol NO. Determinants of drug removal by continuous hemofiltration. Int J
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7 Reetze-Bonorden P, Bohler J, Keller E. Drug dosage in patients during continuous renal
replacement therapy. Pharmacokinetic and therapeutic considerations. Clin Pharmacokinet
1993 ; 24 : 362-79.
8 Vincent HH, Vos MC, Akçahuseyin E, Goessens WH, Van Duyl WA, Schalekamp MA.
Drug clearance by continuous haemodiafiltration. Analysis of sieving coefficients and mass
transfer coefficients of diffusion. Blood Purification 1993 ; 11 : 99-107.
9 Bugge JF. Influence of renal replacement therapy on pharmacokinetics in critically ill
patients. Best Practice & Research Clinical Anaesthesiology 2004 ; 18 : 175-87.
10 Pinder M, Bellomo R, Lipman J. Pharmacological principles of antibiotic prescription in
the critically ill. Anaesthesia and Intensive Care 2002 ; 30 : 134-44.
11 Levraut J, Orban JC. Pharmacocinétique des antibiotiques et épuration extrarénale
continue. Réanimation 2005 ; 14 : 519-27.

100
Aspects pratiques de la
nutrition artificielle au cours
de l’épuration extrarénale

Limiter les conséquences de l’hypercatabolisme du patient agressé est un


objectif majeur de la nutrition artificielle en réanimation. La gestion de la
nutrition doit tenir compte de l’épuration extrarénale (EER).

L’insuffisance rénale aiguë induit-


elle des besoins nutritionnels
particuliers ?

La dénutrition est fréquente chez les malades ayant une insuffisance rénale
aiguë (IRA) et constitue un facteur de mauvais pronostic. Cependant, les
besoins énergétiques sont peu modifiés par l’IRA elle-même. Ils sont surtout
déterminés par la pathologie sous-jacente, en particulier un sepsis. Les acides
aminés normalement synthétisés ou transformés par le rein (cystéine, tyro-
sine, arginine, sérine) deviennent « essentiels ».

Quelles sont les conséquences des


apports nutritionnels chez le patient
en insuffisance rénale aiguë ?

L’utilisation de la nutrition artificielle au cours de l’IRA risque d’accentuer la


rétention hydrosodée chez le malade oligoanurique et est responsable de l’ag-
gravation de l’urémie. Cela ne doit pas être considéré comme une limitation
de la nutrition chez le malade de réanimation, mais comme la traduction d’une
indication à l’EER.

101
Quelles sont les interactions entre les
apports nutritionnels artificiels et les
techniques d’épuration extrarénale ?

Lipides
Ni le métabolisme des lipides ni l’élimination des lipides ne sont modifiés par
les techniques d’EER.

Glucides
Le glucose passe librement à travers les membranes de dialyse ou d’hémofil-
tration. Il existe donc, au cours de la dialyse ou de l’hémofiltration, des pertes
glucidiques importantes (50 à 100 g/24 h). À l’opposé, l’insuline ne franchit
pas les membranes de dialyse. En l’absence de supplémentation, il existe donc
un risque d’hypoglycémie.
En conséquence :
• la glycémie capillaire doit être surveillée fréquemment au cours des séances
de dialyse ;
• les bains de dialyse doivent être enrichis en glucose ;
• au cours de l’hémofiltration continue, les apports glucidiques doivent être
augmentés.

Apports azotés
Au cours de l’hémofiltration, il existe une perte d’environ 10 % des apports
d’azote, soit 1 à 2 g par jour. Les pertes en acides aminés varient selon l’acide
aminé considéré. Les pertes en glutamine peuvent atteindre 30 % de la perte
en acide aminé, mais aucune étude n’a montré l’intérêt d’une supplémentation
spécifique.

102
Les points essentiels
• Une IRA ne doit pas être un argument pour réduire les apports nutritionnels.
• Il existe des pertes en glucides liés à l’EER.
• Les apports azotés doivent être augmentés à 2,5 g/kg/j au cours de l’EER.
• Si les techniques sont continues, attention au down-time.
• En cas d’hémodialyse intermittente, administrer la nutrition après la séance.

Une augmentation des apports azotés de 0,5 à 2,5 g/kg/j améliore la balance
azotée de façon pratiquement linéaire. L’impact sur la survie est possible, mais
non démontré.
Au cours de l’hémodialyse intermittente, les acides aminés doivent être admi-
nistrés après la séance.

Apports vitaminiques et oligoéléments


Les quantités d’oligoéléments et de vitamines à apporter aux patients en état
d’agression aiguë sont mal connues. Quand il existe une élimination accrue
liée à la technique d’EER, il est logique d’augmenter les apports au-delà de
l’apport quotidien recommandé.
Ainsi doivent sans doute être augmentés les apports de vitamines C, B1, B6,
E, sélénium, zinc, folates.

Bibliographie

– Bellomo R, Ronco C. Nutrition au cours de l’insuffisance rénale aiguë. In : Robert R, Lameire


N, eds. Insuffisance rénale aiguë en réanimation. Paris : Elsevier ; 2003. p. 351-63.
– Canivet JL, Preiser JC. Nutrition au cours de l’insuffisance rénale aiguë : l’épuration extra-
rénale comme instrument de support métabolique. In : Robert R, Honoré P, Bastien O, eds.
Les circulations extracorporelles en réanimation. Paris : Elsevier ; 2006. p. 265-80.
– Story DA, Ronco C, Bellomo R. Trace element and vitamin concentrations and losses in
critically ill patients treated with continuous venovenous hemofiltration. Crit Care Med
1999 ; 27 : 220-3.

103
Gestion des problèmes
au cours d’une séance
d’hémodialyse intermittente

L’utilisation des techniques invasives d’épuration extrarénale (EER) nécessite


une formation du personnel médical et paramédical. L’aggravation ou l’appa-
rition d’une instabilité hémodynamique est la principale complication de l’EER
qu’elle que soit la technique utilisée [1]. Les risques liés à l’utilisation d’une
circulation extracorporelle et aux réglages inadéquats de la séance doivent être
connus, dépistés et prévenus [2–5]. Ce chapitre décrit de façon non exhaus-
tive les problèmes techniques et cliniques les plus fréquemment rencontrés
au cours des séances d’hémodialyse intermittente (HDI). La majorité d’entre
eux sont évitables.

Problèmes de tolérance
hémodynamique

L’utilisation de l’HDI pour le traitement de la défaillance rénale des patients


de réanimation impose l’emploi de réglages spécifiques décrits dans un autre
chapitre de cet ouvrage (« Prescription d’une séance d’hémodialyse intermit-
tente »). La première cause d’instabilité hémodynamique est l’inadéquation
entre la perte hydrique (ultrafiltration [UF]) et le renouvellement plasmatique à
partir de l’eau extravasculaire (œdèmes). Un arrêt de l’UF est donc la première
mesure à prendre en cas d’instabilité, au mieux avant l’apparition d’une hypo-
tension. La survenue d’un trouble du rythme supraventriculaire est également
une cause fréquente d’instabilité.
Une mauvaise tolérance hémodynamique de l’HDI doit faire vérifier les points
suivants :
• ajustement du taux d’UF ;
• vérification de l’absence d’augmentation de la température corporelle, baisse
de la température du dialysat si besoin ;
• vérification de la kaliémie en cas de trouble du rythme, augmentation de la
concentration en potassium dans le dialysat si besoin ;
• vérification de la concentration en sodium > 145 mmol/l, augmentation jus-
qu’à 155 mmol/l si besoin.

104
Dose de dialyse délivrée insuffisante

L’urée après hémodialyse n’a pas, ou a


très peu baissé

Causes possibles

• Le mode dialyse n’a pas été activé sur le générateur.


• La connexion du dialysat sur la membrane n’a pas été effectuée en sens
inverse de la circulation du sang.

Prévention

• Certains générateurs restent en alarme si le mode dialyse n’est pas enclenché.


• La surveillance du débit d’UF horaire (si > 0) permet de détecter que la
séance n’a pas débuté.
• Formation et sensibilisation du personnel.

La baisse de l’urée
après dialyse est inférieure à 50 %

Causes possibles

• Le temps de dialyse est insuffisant par rapport à la production d’urée et/ou


au poids « mouillé » du patient.
Diagnostic : un patient de 73 kg à l’entrée en réanimation ayant un bilan hydri-
que positif de +10 kg a un volume de distribution de l’urée que l’on peut esti-
mer comme étant au minimum de : [(73 × 0,6) + 10 l] = 54 l. La clairance de
l’urée in vivo obtenue pour un débit sanguin de 200 ml/min est habituellement
de 0,175 l/min. Si l’objectif est d’obtenir un kt/V supérieur à 1,2, le temps
minimal de la séance doit être de : [(54 × 1,2)/0,175] = 370 min.
• Anticoagulation insuffisante avec capillaires de la membrane coagulés.
Diagnostic : élévation de la pression transmembranaire en cours de
séance.
• Le cathéter dysfonctionne avec présence de recirculation.
Diagnostic :
– élévation des pressions de retour veineux (> 200 mmHg) et/ou pression
artérielle excessivement négative (< 150 mmHg). Certains générateurs
105
proposent une mesure on-line du taux de recirculation de la voie d’abord
vasculaire ;
– inversion des lignes artérielle et veineuse sur le cathéter double lumière.
• Alarmes itératives sur le générateur avec arrêt de la pompe à sang et/ou de
la circulation du dialysat.

Dysfonctionnement de la voie
d’abord vasculaire

La qualité de l’abord vasculaire est déterminante afin d’obtenir une dose de


dialyse adéquate. Les alarmes itératives engendrées par un dysfonctionne-
ment sont responsables d’arrêts répétés de la pompe à sang et éventuellement
d’une démotivation du personnel en charge de la séance. La prolongation des
séances ne sera possible qu’avec une voie d’abord parfaitement fonctionnelle.
L’utilisation d’un cathéter positionné en jugulaire interne permet l’emploi de
débits sanguins en général plus élevés que par la voie fémorale. Les cathéters
fémoraux doivent avoir une longueur > 20 cm afin d’être positionnés dans la
veine cave inférieure et de permettre ainsi un meilleur débit.
La perméabilité du cathéter de dialyse doit être testée avant chaque branche-
ment (aspiration et installation à la seringue sur les deux voies). En cas de
résistance persistante malgré un rinçage au sérum physiologique de la lumière,
le circuit extracorporel ne doit pas être connecté et la voie d’abord changée.

Alarme de pression artérielle


excessivement négative

Causes possibles

• Obstacle situé entre la lumière proximale (artérielle) de la voie d’abord vas-


culaire et le capteur de pression artérielle du circuit extracorporel (pression
d’entrée dans le circuit) :
– plicature de la ligne artérielle ;
– coagulation de la lumière artérielle de la voie d’abord vasculaire ;
– orifice(s) de la voie d’abord vasculaire artérielle collé(s) contre la paroi
veineuse : mauvaise position du cathéter dans la lumière vasculaire, ina-
déquation entre le calibre de la veine et le cathéter, hypovolémie.
• Débit insuffisant dans la veine dans laquelle le cathéter a été inséré (hypo-
volémie, bas débit cardiaque, thrombose).
106
Alarme de pression veineuse
excessivement positive

Causes possibles
• Obstacle entre le capteur de pression veineuse du circuit extracorporel
(pression de retour vers le patient) et la lumière distale (veineuse) de la voie
d’abord vasculaire :
– plicature de la ligne veineuse ;
– coagulation de la lumière veineuse de la voie d’abord vasculaire ;
– orifices(s) de la voie d’abord vasculaire veineuse collé(s) contre la paroi
de la veine : mauvaise position du cathéter dans la lumière vasculaire,
inadéquation entre le calibre de la veine et le cathéter, hypovolémie.
• Hyperpression intraveineuse : syndrome cave, insuffisance cardiaque droite,
hypertension artérielle pulmonaire.

Coagulation itérative de la membrane


malgré un traitement anticoagulant
bien conduit
Causes possibles

• Dysfonctionnement du cathéter : malgré une anticoagulation systémique


efficace, les arrêts itératifs de la pompe à sang et/ou un débit sanguin insuf-
fisant sont des facteurs favorisant la coagulation du circuit [6, 7].
Solution : changement du cathéter, positionnement dans le système cave
supérieur (jugulaire).
• Thrombopénie induite par l’héparine : ce diagnostic doit être évoqué, même
en l’absence de thrombopénie, devant des coagulations du circuit, malgré
un cathéter permettant un bon débit sanguin et l’augmentation des doses
d’anticoagulant [8].
Solution : anticoagulation par Orgaran® 3750 UI (2000 UI si < 55 kg) en
bolus au branchement. En cas de dialyse quotidienne, vérifier avant bran-
chement que le taux plasmatique d’anti-Xa est inférieur à 0,4 UI/ml.
• État inflammatoire systémique intense :
Solutions :
– purge du circuit extracorporel avec 4 l d’une solution contenant 2500 UI
d’héparine par litre ;
– héparine en continu, 300 UI/kg/h si possible ;
– séances quotidiennes de courte durée.
107
Détresse respiratoire
en cours de séance

Causes possibles

• Utilisation d’une membrane en cellulose non modifiée (cuprophane) res-


ponsable d’une activation de l’inflammation avec leucostase pulmonaire.
Prévention : utilisation de membrane cellulosique modifiée ou synthétique.
• Concentration en bicarbonate élevée dans le dialysat avec nécessité d’une
augmentation de la ventilation minute pour élimination du CO2.
Prévention : réglage de la concentration en bicarbonate à 31 mmol/l au
maximum, particulièrement chez les patients en ventilation spontanée.
• Embolie pulmonaire par migration d’un thrombus situé dans la veine du
cathéter de dialyse lors du branchement ou embolie gazeuse.

Déglobulisation au décours d’une


séance d’hémodialyse intermittente

Causes possibles

• Hémorragie : l’utilisation de bolus d’héparine non fractionnée ou d’héparine


de bas poids moléculaire (HBPM) induit une anticoagulation systémique
persistant jusqu’à 4 h après la fin de la séance. Cela expose le patient à
un risque hémorragique. L’utilisation d’un verrou à l’héparine pure dans le
cathéter en fin de séance expose le patient à un bolus d’anticoagulant si le
volume administré ne correspond pas exactement au volume de la lumière :
500 UI pour une erreur de 0,1 ml [9].
Prévention :
– réduction des doses d’héparine ou HDI sans anticoagulation chez les
patients présentant un risque hémorragique ;
– mesure précise des volumes du verrou d’anticoagulant, utilisation d’hépa-
rine diluée.
• Hémolyse : un mauvais positionnement des lignes à sang, notamment dans
la pompe à galets, ou la présence d’une plicature peut provoquer une lyse
mécanique des globules rouges. Une non-conformité de l’eau pour hémo-
dialyse avec excès de chlore est une autre cause possible.
Prévention :
– formation des personnels au montage des lignes ;
– contrôles réguliers de la qualité chimique de l’eau.

108
• Impossibilité de restitution du circuit sang : la coagulation en masse de la
membrane interdit la restitution du sang au patient. La perte de sang dépend
du volume du circuit extracorporel, qui est habituellement compris entre
250 et 350 ml.
Prévention : optimisation de l’anticoagulation, restitution précoce dès les
premiers signes de coagulation dans le circuit extracorporel.

Apparition d’une fièvre au cours ou au


décours d’une séance d’hémodialyse

Causes possibles

• Réglage inadéquat de la température du dialysat : gradient insuffisant entre


la température corporelle et celle du dialysat (voir chapitre « Prescription
d’une séance d’hémodialyse intermittente »).
Solution : abaisser la température du dialysat au minimum possible, en
général 34 °C.
• Contamination microbiologique de l’eau pour hémodialyse
Prévention : les utilisateurs d’eau pour hémodialyse doivent être informés
des risques d’une contamination de l’eau par des bactéries et/ou des endo-
toxines. Une procédure d’entretien des générateurs et du système de trai-
tement de l’eau, qu’il soit mobile ou centralisé, doit être établie, respectée
et contrôlée en collaboration avec les services techniques, le service de
pharmacie, le service de microbiologie et l’unité d’hygiène [10].
• Infection de la voie d’abord vasculaire : fièvre et/ou frissons précoces après
branchement.
• Pathologie infectieuse ou inflammatoire préexistante avec fièvre démasquée
par la baisse de l’urée.
• Réaction allergique à la membrane (rare).

Références

1 Vinsonneau C, Camus C, Combes A, Costa de Beauregard MA, Klouche K, Boulain T,


et al. Continuous venovenous haemodiafiltration versus intermittent haemodialysis for acute
renal failure in patients with multiple-organ dysfunction syndrome : a multicentre rando-
mised trial. Lancet 2006 ; 368 : 379-85.
2 Lautrette A, Schortgen F. La dose de dialyse en réanimation. Réanimation 2005 ; 14 :
499-507.

109
3 Schortgen F. Hypotension during intermittent hemodialysis : new insights into an old
problem. Intensive Care Med 2003 ; 29 : 1645-9.
4 Schortgen F. Tolérance et efficacité des séances d’épuration extrarénale. Réanimation
2003 ; 12 : 318.
5 Schortgen F, Soubrier N, Delclaux C, Thuong M, Girou E, Brun-Buisson C, et al.
Hemodynamic tolerance of intermittent hemodialysis in critically ill patients : usefulness of
practice guidelines. Am J Respir Crit Care Med 2000 ; 162 : 197-202.
6 Monchi M, Thebert D. Anticoagulation pour l’épuration extrarénale. Réanimation 2005 ;
14 : 551-8.
7 Monchi M. Cathéters d’épuration extra-rénale aiguë. Réanimation 2003 ; 12 : 313-7.
8 Lasocki S, Ajzenberg N, Quintard H, Plantefève G, Desmonts JM, Montravers P. Heparin-
induced thrombocytopenia suspected because of repeated hemofiltration filter clotting.
Intensive Care Med 2007 ; 33 : 1305-7. Epub 2007 May 5.
9 Karaaslan H, Peyronnet P, Benevent D, Lagarde C, Rince M, Leroux-Robert C. Risk
of heparin lock-related bleeding when using indwelling venous catheter in haemodialysis.
Nephrol Dial Transplant 2001 ; 16 : 2072-4.
10 Circulaire DGS/DH/AFSSAPS n° 2000-337 du 20 juin 2000 relative à la diffusion d’un
guide pour la production d’eau pour l’hémodialyse des patients insuffisants rénaux.

110
Problèmes pratiques
en hémofiltration

La conduite de l’hémofiltration continue nécessite une surveillance rigoureuse.


Le développement sur le marché de machines automatisées munies de dispo-
sitifs de surveillance a simplifié la prise en charge des patients. La conduite à
tenir face aux principaux problèmes qui peuvent survenir est envisagée dans
ce chapitre de façon schématique. Pour les détails, il faut se reporter aux cha-
pitres suivants : « Cathéters d’épuration extrarénale » ; « Anticoagulation en
épuration extrarénale » ; « Hémofiltration continue : utilisation pratique ».

Coagulation du circuit

L’objectif de base est d’obtenir un circuit dont la durée de vie minimale est de
24 h. La coagulation précoce (et/ou récidivante) du circuit est le problème le
plus fréquemment rencontré au cours de l’hémofiltration continue.
• La première chose à vérifier est la bonne fonctionnalité du cathéter. Nombre
des problèmes de coagulation sont en fait liés à des dysfonctionnements du
cathéter : plicature, thrombose d’une des voies, cathéter trop court ou de calibre
insuffisant. Rappelons que, posé par voie fémorale, le cathéter doit être placé
dans la veine cave inférieure ; posé par voie jugulaire, le cathéter doit être placé
dans la partie basse de la veine cave supérieure, voire dans l’oreillette droite.
Dans cette situation, la coagulation du circuit est précédée d’une élévation des
pressions sur le capteur veineux. L’inversion des voies n’est le plus souvent
pas recommandée. Elle ne modifie pas les objectifs de perte de poids, mais elle
réduit l’efficacité de l’épuration en augmentant la recirculation.
• Le débit sanguin doit être suffisant pour permettre l’ultrafiltration (UF) choi-
sie en respectant le rapport : débit d’UF/débit sanguin (1-Ht) < 30 %.
• En cas de problème lié au protocole d’anticoagulation, il faut revoir le pro-
tocole d’anticoagulation et les paramètres de surveillance biologique qui s’y
rattachent. Si le risque hémorragique ne permet pas d’augmenter la dose
d’anticoagulant, l’utilisation de la prédilution (un tiers de la restitution) peut
être proposée. Les rinçages au soluté salé isotonique n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité. L’utilisation de prostacycline est délicate chez les malades
de réanimation. L’utilisation de l’anticoagulation au citrate est une méthode
prometteuse. L’administration d’antithrombine III chez les malades septi-

111
ques augmente la durée de vie du filtre, mais son utilisation est coûteuse et
son bénéfice clinique n’est pas démontré.
• En cas de coagulations répétées et rapides de l’hémofiltre, il faut rechercher
un trouble de la coagulation. La survenue d’une thrombopénie à l’héparine
peut être responsable de coagulation des hémofiltres.

Modification des pressions


sur la machine

Trois capteurs de pressions sont au minimum présents sur les circuits d’hé-
mofiltration : pression d’accès, pression postfiltre, pression de retour veineux
(tableau 1).
• Une élévation de la pression de retour traduit un dysfonctionnement du
cathéter (voie de retour). Cette élévation s’accompagne d’une élévation
parallèle de la pression du filtre.
• Une élévation de la pression du filtre traduit une thrombose du filtre ou des
problèmes rhéologiques dans le filtre. Dans ce cas, il faut vérifier le rapport
UF/débit sanguin (voir supra).
• L’alarme sur la pression d’accès est le plus souvent une pression trop néga-
tive. Cela traduit un problème sur l’accès veineux : thrombose de la voie
veineuse d’accès, plicature du cathéter ou cathéter plaqué contre une paroi
veineuse, notamment en cas d’hypovolémie.

Le malade n’est pas bien « épuré »

Cela se traduit par des chiffres d’urée et de créatinine plasmatique qui restent
élevés (urée > 25 mmol/l).
Il peut alors s’agir d’une prescription d’un débit d’UF trop faible (la dose d’épu-
ration extrarénale n’est pas suffisante). Il faut vérifier qu’il soit au moins de
35 ml/kg/h. En cas de réglage en prédilution, l’UF doit être augmentée pour
compenser la réduction du transfert de masse induit.
Les périodes trop prolongées d’interruption de la méthode (down-time) s’ac-
compagnent d’une réduction de l’efficacité de la méthode.
L’utilisation prolongée d’un hémofiltre, 72 h ou plus, peut s’accompagner d’un
encrassement de celui-ci qui peut réduire la qualité des échanges. Étant donné
la petite taille des molécules comme l’urée et la créatinine, leur passage est
peu altéré tant que le filtre reste perméable à l’eau.
Enfin, chez le malade très hypercatabolique, on peut soit augmenter le débit
d’UF, soit prescrire une diafiltration additionnelle (hémodiafiltration).
112
Tableau 1
Variation de pression au cours de hémofiltration
Pression de retour Dysfonction du cathéter
augmente
Pression de filtre augmente Mauvais ratio UF/Qs
Coagulation du filtre
Pression d’accès diminue Dysfonction du cathéter

Qs : débit sanguin ; UF : ultrafiltrat.

Le malade reste hyponatrémique

L’équilibre métabolique est rapidement atteint en hémofiltration continue. Les


variations hydroélectrolytiques obtenues sont progressives et n’entraînent pas
les complications parfois observées en hémodialyse intermittente (HDI), qui
sont en rapport avec des variations trop rapides de kaliémie ou de l’osmolarité.
Toutefois, il faut comprendre que les volumes et les quantités d’électrolytes
utilisés au cours des techniques d’hémofiltration continue sont considéra-
bles : 30 à 50 l de solutés et 300 à 500 g de NaCl sont perfusés par 24 h. Cela
nécessite donc une surveillance régulière de l’équilibre hydroélectrolytique et
de la volémie.
Les échanges ioniques en hémofiltration sont déterminés par le principe des
transferts de masse. Ainsi, le flux de sodium (FlNa) en hémofiltration continue
s’écrit de la façon suivante :
FlNa = (NaR × QR) – NaUF × (QS + QUF)
où NaR = concentration de sodium dans le liquide de substitution, QR = débit
d’administration du liquide de substitution, NaUF = concentration de sodium
dans l’ultrafiltrat, QS = quantité ultrafiltrée, QUF = débit d’ultrafiltration.
En cas d’hyponatrémie, si la quantité de liquide substituée est inférieure à la
quantité ultrafiltrée (afin de permettre une déplétion liquidienne), la correction
sodée peut nécessiter des apports supplémentaires en NaCl. À l’inverse, en
cas d’hypernatrémie, le liquide de substitution doit être appauvri en sodium
(en utilisant des solutés glucosés par exemple).

Problèmes en rapport avec les autres


électrolytes

En phase aiguë de l’insuffisance rénale, il existe le plus souvent une hyperka-


liémie. En dehors des hyperkaliémies intenses observées au cours de rhabdo-
113
myolyses ou de syndromes de lyse tumorale, l’hémofiltration continue permet
le plus souvent de contrôler facilement l’hyperkaliémie. Une augmentation
du débit d’ultrafiltration ou une diafiltration peuvent être nécessaires lors de
la période initiale. En l’absence d’hyperkaliémie, des apports de 1 à 3 g par
poche de 5 litres doivent être ajoutés au liquide de restitution afin de prévenir
la survenue d’une hypokaliémie.
En ce qui concerne les autres électrolytes, il faut également veiller à leur
équilibration. Si le soluté de substitution ne contient pas de magnésium, des
apports sont indispensables. En effet, 70 % du magnésium circulant sont
ultrafiltrables. Les apports en calcium sont fonction de la calcémie. Ils doivent
être limités quand il existe une hyperphosphorémie afin d’éviter les précipi-
tations phosphocalciques. Il est important de surveiller régulièrement l’iono-
gramme afin d’adapter les apports en électrolytes.

La pression artérielle baisse

Ce problème n’est en général pas lié à la technique d’hémofiltration elle-même.


En effet, le branchement « isovolume » évite la déplétion initiale et son reten-
tissement hémodynamique éventuel en cas d’hypovolémie. Une perte de poids
prescrite trop importante, malgré sa répartition sur 24 h, peut contribuer à la
baisse de pression artérielle chez le malade hypovolémique ou vasoplégique.
Il n’y a pas d’effet dilution des catécholamines administrées au patient. La
baisse de la pression artérielle est donc plus liée à l’état du patient lui-même
qu’à la technique.

114
Qualité de l’eau et entretien
des générateurs de la
dialyse dans les services de
réanimation

La qualité de l’eau utilisée pour diluer les solutions concentrées de dialyse


constitue un élément essentiel de l’efficacité et de la sécurité de cette thé-
rapeutique. La qualité de l’eau peut moduler les interactions du sang avec
les membranes artificielles et contribue largement à la biocompatibilité. Les
recommandations concernant le traitement de l’eau et l’évaluation de sa qualité
sont issues des unités de dialyse chronique, car il n’existe pas de recomman-
dations spécifiques pour la réanimation.
Malgré le traitement de l’eau, le couple générateur-osmoseur peut être le siège
de contamination bactérienne. Des procédures de désinfections standardisées
doivent être mises en œuvre pour maîtriser les risques de défaillances pouvant
générer un risque infectieux.

Circuit de l’eau

L’eau utilisée pour la dialyse provient du réseau de distribution générale de


l’eau « potable » de la ville. Cette eau destinée à la consommation humaine
respecte les limites de qualités fixées par décret (n° 89-3 du 3/01/1989) et
contient, après traitement, différents contaminants :
• matières minérales : calcium (correspondant à la dureté de l’eau), magné-
sium, zinc, fer, autres sels et minéraux lourds, sulfate d’aluminium ;
• matières organiques qui proviennent de la pluie, du ruissellement dans les
sols, en particulier les insecticides et les herbicides ainsi que les résidus du
traitement ou de décontamination de l’eau (chlore, chloramine) ;
• particules en suspension (colloïdes, matières organiques) ;
• bactéries et endotoxines (Pseudomonas non aeruginosa, bactéries potentielle-
ment pathologiques, endotoxines, peptidoglycanes, substances pyrogènes).
Pendant la dialyse, l’importance du contact eau – sang au travers d’une mem-
brane semi-perméable impose de se débarrasser au mieux de ces différents
contaminants.

115
Prétraitement

Filtration

Plusieurs filtres placés en série (préfiltration [5 à 450 µm], microfiltration


[1 à 5 µm éliminant les contaminants] et nanofiltration [0,1 à 0,45 µm pour
les bactéries et les virus]) effectuent une filtration progressive de particules
présentes dans l’eau. Il est important de changer régulièrement ces filtres afin
d’éviter tout risque de relargage.

Adoucissement de l’eau

L’adoucissement de l’eau permet de limiter l’entartrage des canalisations et des


équipements de distribution de l’eau (dépôts de carbonate de calcium et de
magnésium). Cette méthode permet de réduire la dureté de l’eau et de protéger
les membranes d’osmose. Les adoucisseurs constituent un support favorable
à la prolifération bactérienne, surtout si celui-ci fonctionne par intermittence.
Ils doivent être entretenus soigneusement et régulièrement en fonction du
volume et de la dureté de l’eau traitée par cet appareil.

Absorption sur charbon actif

Le filtre à charbon actif élimine les matières organiques dissoutes ainsi que le
chlore et les chloramines. L’élimination du chlore est extrêmement importante,
car il est toxique pour l’homme.

Traitement : osmose inverse


Ce procédé consiste à créer une forte pression à l’entrée de l’osmoseur dont
les membranes séparent le liquide en perméat (l’eau pure est passée de l’autre
côté de la membrane) et en concentrat (les résidus contenus dans l’eau sont
évacués par un autre circuit). Cette technique rejette 90 à 99 % des contami-
nants de l’eau, et est d’autant plus efficace que l’eau est prétraitée et peu conta-
minée. Cependant, ce traitement de l’eau ne doit pas être considéré comme
un traitement stérilisant car, malgré sa grande efficacité de filtration, il peut se
produire des fuites minimes de micro-organismes, en particulier des virus, et
des biofilms peuvent coloniser les canalisations et les réservoirs en aval du
traitement. Le fonctionnement de l’osmoseur sera surveillé et contrôlé en ligne

116
et en continu par la mesure du débit de l’eau et de la résistivité différentielle à
l’entrée et à la sortie de l’osmoseur.
Pour la filtration terminale, des filtres de 0,2 voire 0,1 µm sont installés entre
l’osmoseur et le générateur pour optimiser cette eau pure.
La membrane semi-perméable du dialyseur constitue une protection ultime
antibactérienne.

Autres mesures
Pour ce qui est des circuits d’eau, le branchement au réseau d’eau peut se faire
de différentes manières selon l’existence ou non d’installations spécifiques :
• le raccordement est fait directement sur le circuit d’eau général et, dans
ce cas, l’utilisation d’osmoseur mobile est indispensable. L’interposition
d’adoucisseur également mobile permet de diminuer la dureté de l’eau ;
• le service bénéficie d’une boucle spécifique destinée à la dialyse. Dans ce
cas, un système de prétraitement de l’eau en début de boucle est mis en
place, comportant un adoucisseur, une préfiltration, une filtration au char-
bon, un osmoseur et une filtration terminale. Les boucles en PVC sont peu
coûteuses, mais comportent un risque de constitution de biofilm en cas de
contamination du réseau. L’utilisation de boucles en inox ou en PEX (un peu
moins coûteux) dans les centres d’hémodialyse chronique évite la consti-
tution de ce biofilm et permet l’adjonction de procédures supplémentaires
de stérilisation du réseau (en particulier à la chaleur). Le coût de ce type de
boucle en limite la mise en place pour les services de réanimation. Dans
tous les cas, lors de la conception des boucles, il faut limiter la longueur de
celles-ci, éviter les bras morts et éviter que l’eau ne stagne à l’intérieur ;
• certains systèmes permettent de produire une eau « ultra-pure ».
Les canalisations d’évacuation de tous les circuits (traitement de l’eau, généra-
teur de dialyse) doivent avoir une section et une pente d’écoulement suffisantes
(au moins 1 %) ainsi qu’une rupture de charge pour éviter tout engorgement et
pour prévenir toute possibilité de flux rétrograde.

Contrôle microbiologique de l’eau

Exigences microbiologiques
Ces exigences reposent sur la Pharmacopée européenne, monographie
n° 1167, intitulée « Eau pour dilution des solutions concentrées pour hémo-

117
dialyse ». Elle recommande une contamination microbienne inférieure à
100 UFC/ml et une concentration en endotoxines inférieure à 0,25 UI/ml. En
pratique, les techniques actuelles de production d’eau pour hémodialyse per-
mettent d’atteindre une qualité microbiologique supérieure à celle préconisée
par la Pharmacopée européenne.

Contrôle microbiologique de l’eau lors


des prélèvements
Différents sites de prélèvements doivent être définis (figure 1), faciles d’accès.
Seuls les prélèvements à la sortie de l’osmoseur après et éventuellement avant
le filtre ultime sont utiles. Le nombre de sites pourra être augmenté en cas de
contamination de l’eau. La méthodologie de prélèvement doit être bien définie
afin d’éviter des erreurs de manipulation. Dans un premier temps, il faut laisser
couler de l’eau avant de prélever (> 1 l), puis prélever au moins 1 l d’eau pour
l’étude bactériologique et 1 tube pour l’étude des endotoxines. La culture des
échantillons d’eau doit être réalisée sur milieux pauvres, type TGEA ou R2A.
Le laboratoire étudie ces différents prélèvements à 48 h à 37 °C et à 72 h à
22 °C. Il n’existe pas de recommandations officielles en ce qui concerne les
sites et la périodicité. Le plus souvent, ces contrôles sont réalisés tous les 15
ou 30 jours selon les unités. Les protocoles de contrôle microbiologiques de
l’eau de dialyse (sites de prélèvements, périodicité, procédure) doivent être
définis avec les services d’hygiène et biomédical et écrits. Ils peuvent varier
en fonction des problèmes rencontrés par chaque unité. Si on reprend les
normes de la Pharmacopée européenne, la concentration de bactéries doit être
inférieure à 100 UFC/ml.
La recherche d’endotoxine doit également être réalisée tous les 3 mois. Les
taux doivent être inférieurs à 0,25 UI/ml.

Désinfection et maintenance des


générateurs d’hémodialyse et
osmoseurs mobiles
Il est essentiel de mettre en œuvre et d’évaluer des procédures rigoureuses
d’entretien et de maintenance des générateurs-osmoseurs, permettant de
maîtriser les risques de défaillances pouvant générer un risque infectieux.
La désinfection générateur-osmoseur doit être réalisée de façon simultanée
(désinfection « centralisée »). Les sources de contamination des générateurs
et les facteurs favorisants sont résumés dans le tableau 1.

118
Figure 1. Circuit de l’eau en dialyse.

L’entretien des circuits hydrauliques des générateurs nécessite la réalisation


de trois étapes principales : nettoyage, détartrage, désinfection chimique et/ou
thermique ou thermochimique (suivies d’une phase de rinçage dans le cas
d’un traitement chimique). La combinaison de ces trois étapes permet de pré-
venir la formation du biofilm. En fonction des procédures préconisées par les
fabricants, certaines de ces étapes peuvent être réalisées au cours d’un même
cycle. Les protocoles de désinfection et de maintenance doivent être écrits et
connus de tous les acteurs.

Qualité chimique de l’eau

Les caractéristiques physicochimiques de l’eau selon la Pharmacopée euro-


péenne sont résumées dans le tableau 2.

Contrôle chimique de l’eau


Pour les unités d’hémodialyse, il est préconisé un contrôle chimique mensuel
de l’eau du réseau urbain et de l’eau traitée suivant les 6 premiers mois de
l’installation d’une unité, puis deux fois par an après cette période d’observa-
tion. Il n’existe pas de recommandations pour les réanimations. Un minimum

119
Tableau 1
Sources de contamination des générateurs et facteurs favorisants

Sources de contamination Facteurs favorisant la


d’origine bactérienne contamination du dialysat
Bicarbonate Bicarbonate en solution
Concentré d’acide Canne d’aspiration non désinfectée
Eau pour hémodialyse : chaîne de Dysfonctionnement de la chaîne
production d’eau de traitement de l’eau : rupture de
membrane d’osmose, renouvellements
insuffisants des filtres, surcharge
bactérienne et endotoxiniques du réseau
général d’eau
Circuit hydraulique du générateur Zones du circuit inaccessibles à la
désinfection
Complexité de structures des circuits
des générateurs
Température du dialysat
Paramètres de désinfection inefficaces
Absence de dispositif de contrôle et
d’alarme en cas de non-aspiration de
désinfectant
Fréquence de traitement insuffisante
Stagnation prolongée sans désinfectant
liée à un rythme d’utilisation irrégulier
Système de drainage à l’égout Rétrocontamination du tuyau
d’écoulement du dialysat usagé, mal
désinfecté
Contact entre tuyau d’écoulement et
système de raccordement à l’égout

de deux fois par an semble indispensable pour mettre en évidence des fluctua-
tions de la qualité de l’eau produite.
Une surveillance spécifique du chlore et du calcium est réalisée.
• Le contrôle du calcium permet de tester la dureté de l’eau. Celui-ci est réa-
lisé une fois par semaine par kit spécifique avec un dosage du calcium une
fois par mois.
• Le chlore est l’un des produits utilisés pour la désinfection de l’eau potable
(sous forme de chlore gazeux ou d’hypochlorite de sodium). Il permet en outre
d’éliminer l’ammoniaque et les matières organiques en excès dans l’eau des-

120
Tableau 2
Caractéristiques physicochimiques de l’eau selon la Pharmacopée européenne
Eau Limite Effets secondaires
recommandée
Caractères Limpide, incolore,
insipide
Chlore total disponible < 0,1 mg/l Dérivés du chlore
(hypochlorite) ou
Chlorures < 50 mg/l
(chloramines) :
anémie hémolytique ;
méthémoglobinémie
Fluorure < 0,2 mg/l
Nitrates < 10 mg/l Méthémoglobinémie
Aluminium < 0,01 mg/l Anémie hémolytique,
nausées, vomissements
fièvre
Calcium < 2 mg/l Syndrome de « l’eau
dure »
Magnésium < 2 mg/l
Nausées, vomissements,
flush, myalgie
Mercure < 0,001 mg/l
Métaux lourds < 0,1 mg/l
Potassium < 2 mg/l Troubles neuromusculaires
(51,2 mmol/l) et cardiaques
Sodium < 50 mg/l Soif, hypertension
artérielle, œdème aigu du
poumon
Zinc 0,1 ml/l

tinée à la production d’eau potable. Lors de la chloration, l’ammoniaque se


lie au chlore pour former des chloramines, éliminées ensuite par un ajout de
chlore (chloration au break point). La présence trop importante de chlorami-
nes dans l’eau de dialyse peut entraîner une anémie par hémolyse aiguë. Il
convient donc de réaliser systématiquement avant chaque dialyse un dosage
du chlore total à l’aide de dosages simples colorimétriques.
On peut définir comme principes :
• stérilisation à la chaleur après chaque dialyse ;
• réalisation tous les jours d’une stérilisation chaleur, même si le générateur
n’est pas utilisé ;
121
• certains associent une désinfection chimique systématique deux fois par
semaine ;
• détartrage à l’acide peracétique, en général une fois par semaine ;
• shampoing de la membrane d’osmose au moins une fois par semestre et
changement tous les 3 ans (recommandation constructeur) ;
• maintenance préventive du générateur-osmoseur deux fois par an assurée
par les services techniques ;
• désinfection systématique après maintenance curative ou préventive du
générateur.
Le contrôle de la désinfection et du rinçage ainsi que sa traçabilité doivent
être rigoureux.

Que faire quand la qualité de l’eau


préconisée n’est pas obtenue ?

Les résultats enregistrés pour une analyse de surveillance et de contrôle


peuvent faire apparaître une évolution importante par rapport à la situa-
tion habituelle : ils peuvent soit dépasser les limites recommandées par la
Pharmacopée européenne, soit être en hausse sans dépasser ces limites de
qualité. La question se pose alors de savoir si l’eau en cause peut continuer
à être utilisée pour la dilution des solutions concentrées pour hémodialyse.
Une analyse des risques doit être faite par les responsables concernés. Dans
le cas où le nombre de micro-organismes ou le taux d’endotoxines dans l’eau
dépasse le niveau admissible, les procédures de désinfections doivent être
renforcées. Au minimum, une stérilisation chaleur et une stérilisation chimi-
que doivent être réalisées. Les prélèvements microbiologiques doivent être
effectués de manière répétée, à différents sites du générateur, pour déterminer
la source de la contamination et y remédier.

Conclusion

La qualité de l’eau pour la dialyse doit être une préoccupation de chaque ins-
tant pour les services de réanimation. Il est cependant bien difficile d’élaborer
des recommandations car peu d’études ou de référentiels ont été publiés à
ce sujet. Il faut donc se reporter aux recommandations faites pour les cen-
tres d’hémodialyse chronique et les adapter à nos services après un travail
multidisciplinaire (réanimateurs, pharmaciens, néphrologues, médecins des
services d’hygiène et services techniques).

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Bibliographie

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