Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
en réanimation
Collection
RÉANIMATION
Sous l’égide de la Société de réanimation de langue française
Directeur de la collection : R. Robert (Poitiers)
L’éditeur ne pourra être tenu pour responsable de tout incident ou accident, tant aux per-
sonnes qu’aux biens, qui pourrait résulter soit de sa négligence, soit de l’utilisation de tous
produits, méthodes, instructions ou idées décrits dans la publication. En raison de l’évo-
lution rapide de la science médicale, l’éditeur recommande qu’une vérification extérieure
intervienne pour les diagnostics et la posologie.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour
tous pays. En application de la loi du 1er juillet 1992, il est interdit de reproduire, même
partiellement, la présente publication sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre français
d’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).
All rights reserved. No part of this publication may be translated, reproduced, stored in a
retrieval system or transmitted in any form or by any other electronic means, mechanical,
photocopying, recording or otherwise, without prior permission of the publisher.
All rights reserved. No part of this publication may be translated, reproduced, stored in a
retrieval system or transmitted in any form or by any other electronic means, mechanical,
photocopying, recording or otherwise, without prior permission of the publisher.
L’EER répond à des objectifs multiples dont l’importance varie dans le temps :
● épurer des « substances endogènes toxiques pour l’organisme » ;
autres) ;
● contrôler la volémie ;
● permettre la nutrition ;
● traiter le sepsis ;
d’EER).
Dans un premier temps, les objectifs principaux sont :
● le contrôle des désordres métaboliques (hyperkaliémie, acidose, hyponatré-
mie) ;
● le traitement de l’hypervolémie si elle existe ;
1
Figure 1. Relation entre créatininémie plasmatique et filtration glomé-
rulaire.
Les critères d’initiation de l’EER relevés dans les études sont très variables et
souvent assez peu précis.
3
Références
1 Lameire N, Van Biesen W, Vanholder R. Acute renal failure. Lancet 2005 ; 365 : 417-
30.
2 Guérin C. Quand débuter une épuration extrarénale ? In : Robert R, Honoré P, Bastien O,
eds. Les circulations extracorporelles en réanimation. Paris : Elsevier ; 2006. p. 91-8.
3 Kleinknecht D, Jungers P, Chanard J, et al. Factors influencing immediate prognosis
in acute renal failure with special reference to prophylactic hemodilaysis. Adv Nephrol
Necker Hosp 1971 ; 1 : 207-30.
4 Van Bommel EFH, Bouvy ND, So KL, Vincent HH, Zieste R, Bruining HA, et al. High-
risk surgical acute renal failure treated by continuous arteriovenous hemodiafiltration :
metabolic control and outcome in sixty patients. Nephron 1995 ; 70 : 183-90.
5 Kresse S, Schlee H, Deuber HJ, Koall W, Osten B. Influence of renal replacement therapy
on outcome of patients with acute renal failure. Kidney International 1999 ; 56 : 75S-
78S.
6 Gettings LG, Reynolds HN, Scalea T. Outcome in post-traumatic acute renal failure when
continuous renal replacement therapy is applied early vs. late. Intensive Care Med 1999 ;
25 : 805-13.
7 Bouman CSC, Oudemans-van straaten HM, Tijssen JGP, et al. Effects of early high vo-
lume continuous venovenous hemofiltration on survival and recovery of renal function
in intensive care patients with acute renal failure : a prospective, randomized, trial. Crit
Care Med 2002 ; 30 : 2205-11.
8 Demirkilic U, Kuralay E, Yenicesu M, et al. Timing of replacement therapy for acute renal
failure after cardiac surgery. J Card Surg 2004 ; 19 : 17-20.
4
Cathéters d’épuration
extrarénale
Choix du cathéter
Types de cathéter
On peut utiliser en EER :
• un cathéter monolumière avec un flux sanguin alternatif. Ce type de cathéter,
encore assez utilisé chez les dialysés chroniques, est de moins en moins
utilisé en milieu de réanimation. En effet, ce type de débit est incompatible
avec la majorité des machines d’épuration continue. De plus, les débits san-
guins restent assez limités (150 à 200 ml/min) ;
• deux cathéters monolumières insérés sur deux veines différentes ou sur
la même veine avec des orifices d’aspiration et de restitution de sang éloi-
gnés d’au moins 2 cm. L’avantage de ce type d’abord est de permettre un
flux sanguin continu assez élevé. De plus, on peut tunneliser les cathéters.
5
L’inconvénient de cette solution est la nécessité d’un double abord veineux,
augmentant les temps d’insertion et les risques liés à la cathétérisation ;
• un cathéter bilumière. Ces cathéters ont longtemps eu des performances
assez limitées (débits sanguins < 250 ml/min) du fait de leur faible diamètre
(11 à 12 F). On assiste cependant à l’apparition depuis quelques années de
nouveaux cathéters bilumières ayant un diamètre plus large (13,5 à 14 F), per-
mettant donc des débits sanguins nettement plus importants. Cette solution
reste la plus simple et la plus utilisée.
Tableau 1
Incompatibilités chimiques des polymères utilisés [2]
Matériel Incompatibilité chimique
Polyuréthane Alcools, polyéthylène glycol
(pommades, gels)
Silicone Iode et à un moindre degré polyvidone
iodée (Bétadine®)
Copolymères polyuréthane- Aucune
polycarbonate
Polymère
Le polymère utilisé conditionne largement la rigidité des cathéters d’EER. Une
trop grande rigidité augmente les risques de perforation des veines ou de
l’oreillette droite, alors qu’une rigidité insuffisante rend l’insertion plus difficile.
Les cathéters d’EER utilisés en milieu de réanimation sont généralement en
polyuréthane ou en silicone. Le polyuréthane est un polymère dont la rigidité
est très variable selon la procédure de fabrication. De plus, le polyuréthane a
des propriétés thermoplastiques, devenant plus souple à la température cor-
porelle par rapport à la température ambiante. Les cathéters en silicone sont
généralement plus souples que les cathéters en polyuréthane. Leur insertion
nécessite souvent l’emploi d’un dilatateur rigide.
Il existe une incompatibilité chimique entre certains polymères et les solutés
utilisés comme antiseptiques lors des pansements [2] : les polyuréthanes sont
dégradés par les alcools et le polyéthylène glycol (pommades, gels), les sili-
cones sont incompatibles avec les solutés iodés et à un moindre degré avec la
polyvidone iodée (Bétadine®, voir tableau 1). Cette incompatibilité se manifeste
essentiellement par des possibilités de perforation du cathéter en cas d’applica-
tions répétées et prolongées d’antiseptiques incompatibles (surtout sous forme
de solution visqueuse ou de pommades) sur leur point d’insertion.
6
Ces incompatibilités chimiques ont motivé le développement de copolymères
de polyuréthanes-polycarbonates (exemple : carbothane) qui ne présentent plus
d’incompatibilité avec les solutés iodés ou alcooliques et permettent, du fait de
leur plus grande résistance, une réduction de l’épaisseur de la paroi du cathéter.
On peut voir d’après cette équation que le diamètre du cathéter joue un rôle
majeur. En effet, une augmentation de 19 % du diamètre permet de doubler le
débit sanguin. Inversement, une thrombose interne même limitée (dépôts de
fibrine), réduisant de 19 % le diamètre de la lumière interne du cathéter, divise
le flux sanguin par deux.
Par ailleurs, si l’on désire utiliser un cathéter deux fois plus long, il suffit
d’augmenter le diamètre de 19 % pour obtenir le même débit sanguin.
Il est donc fondamental de choisir un cathéter de diamètre suffisant selon l’in-
dication et le type d’EER qui sera réalisé.
7
ces d’aspiration des cathéters veineux, rendant possible un collapsus de la
paroi veineuse autour du cathéter. Plus le débit sanguin est important autour
des orifices d’aspiration, plus la probabilité de collapsus est faible. Ainsi,
la position idéale de l’extrémité d’un cathéter d’EER est l’oreillette droite.
Classiquement, cette position était considérée comme dangereuse du fait
des risques de perforation de l’oreillette droite. Cependant, l’utilisation de
cathéters récents, très souples (généralement en silicone), permet de mini-
miser ces risques de perforation.
La position recommandée est donc la veine cave inférieure pour les
cathéters fémoraux et la jonction entre la veine cave supérieure et
l’oreillette droite pour les cathéters non fémoraux [3].
Il faut que le débit sanguin autour de l’extrémité distale du cathéter soit net-
tement plus important que le débit sanguin extracorporel. On voit ainsi que
l’oreillette droite est la situation idéale pour l’extrémité interne du cathéter.
Ainsi, les taux de recirculation mesurés ont été de 4 à 5 % avec des cathéters
jugulaires internes ou sous-claviers, contre 10 % pour des cathéters fémoraux
de 24 cm et 18 % avec des cathéters fémoraux de 15 cm [4].
On peut par ailleurs souligner que l’inversion des lignes (aspiration sur la voie
bleue et retour sur la voie rouge du cathéter) augmente nettement le taux de
recirculation (+ 20 % pour un cathéter jugulaire interne droit). Cette inversion
des lignes peut être utilisée ponctuellement pour terminer une EER, mais elle
doit donner lieu à une analyse de la cause de dysfonction du cathéter afin
d’éviter son usage trop répété.
Chez les patients en bas débit cardiaque, la faible vitesse de circulation san-
guine autour du cathéter induit une augmentation du taux de recirculation.
8
Sélection du site d’insertion
Chez les patients présentant un risque d’insuffisance rénale définitive, par
exemple les patients ayant une néphropathie préalable, les recommandations
actuelles sont d’éviter l’utilisation des veines sous-clavières [3]. En effet, le
taux de sténose veineuse observée après insertion d’un cathéter d’EER sur
une veine sous-clavière est de 42 à 50 %, contre 0 à 10 % pour une veine
jugulaire [3]. Ces sténoses sous-clavières limitent considérablement les pos-
sibilités de réalisation de fistule artérioveineuse en cas d’évolution vers une
insuffisance rénale chronique.
Le choix du site est donc souvent limité aux veines jugulaires internes ou
fémorales. La veine jugulaire interne gauche a longtemps été considérée
comme peu appropriée pour l’insertion d’un cathéter d’EER, du fait de la dou-
ble courbure imposée au trajet de ce dernier. Cependant, l’utilisation de cathé-
ters récents plus souples et d’une longueur suffisante (4 à 5 cm de plus qu’en
jugulaire interne droite) permet d’utiliser la veine jugulaire interne gauche de
manière satisfaisante.
Pour les cathéters d’EER utilisés en réanimation, il existe peu de données sur
le risque infectieux selon le site utilisé. Une étude sur 218 patients consécutifs
(318 cathéters, 6235 jours au total) constate un risque relatif de bactériémie
de 3,1 pour les cathéters fémoraux (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,8 à
5,2) par rapport aux cathéters jugulaires internes [5]. Ces données ont motivé
les recommandations actuelles de la National Kidney Foundation de réserver
les cathéters fémoraux aux patients confinés au lit et de ne pas les maintenir
plus de 5 jours [3].
Insertion du cathéter
9
Tableau 2
Complications liées à l’insertion d’un cathéter d’épuration extrarénale
Malposition du cathéter
Hémorragies du site de ponction
Pneumothorax ; pneumomédiastin
Hémothorax ; hémomédiastin
Hématomes
Embolie gazeuse
Paralysie du nerf récurrent
Arythmies
Arrêt cardiaque
Dysfonction du cathéter
10
pour les cathéters jugulaires et sous-claviers). Ces positions incorrectes
sont le plus souvent dues à une longueur insuffisante des cathéters utili-
sés ;
• une hypovolémie avec collapsus veineux autour du cathéter. Il est alors pos-
sible d’obtenir un débit sanguin extracorporel adéquat après un remplissage
vasculaire.
Les dysfonctions tardives sont généralement dues à une thrombose. Ces
thromboses peuvent être internes au cathéter ou, plus rarement, externes.
Il est généralement reconnu que l’extrémité d’un cathéter (surtout si elle est
rigide) peut provoquer des lésions sur l’endothélium vasculaire et engendrer
une thrombose extrinsèque. La prévention de ces thromboses repose sur une
insertion soigneuse, l’utilisation d’un cathéter souple et les mesures généra-
les de prophylaxie des thrombophlébites (les héparines de bas poids molé-
culaire ont un risque d’accumulation chez l’insuffisant rénal). Le traitement
des thromboses veineuses constituées est fondé sur l’ablation du cathéter et
une anticoagulation d’au moins 1 mois, avec vérification échographique de la
résolution de la thrombose [8]. Ces thromboses veineuses sont clairement à
différencier des minces gaines de fibrines pouvant se constituer autour des
cathéters, généralement après plusieurs jours. Ces gaines peuvent gêner le
fonctionnement du cathéter, mais ne nécessitent pas d’anticoagulation prolon-
gée après ablation du cathéter.
Les thromboses internes au cathéter sont les causes les plus fréquentes de
dysfonction tardive. Ces thromboses peuvent toucher la lumière interne du
cathéter ou les orifices d’aspiration.
La prévention de ces thromboses repose sur une injection vigoureuse de
10 ml de NaCl 9/1000 sur chaque voie après chaque utilisation, suivie de la
mise en place d’un « verrou » d’anticoagulant dans chaque lumière du cathé-
ter. Le volume de l’anticoagulant doit être ajusté sur le volume de la lumière
interne du cathéter (inscrit sur la brochure, généralement de 1 à 2 ml pour
les cathéters non tunnelisés). Cependant, même avec un volume bien ajusté,
les études récentes suggèrent qu’environ 75 % du verrou mis en place sont
relargués dans la circulation systémique du patient en 30 min [9].
Les verrous d’anticoagulant utilisés actuellement sont essentiellement de deux
types : les solutions d’héparine (1000 à 10 000 unités/ml) ou les solutions à
base de citrate (citrate trisodique, solution de 30 à 45 %). Le choix du verrou
doit tenir compte du relargage systémique de la plus grande partie du verrou
utilisé. Ainsi, par rapport aux solutions ayant une faible concentration d’hépa-
rine (≤ 1000 UI/ml), les solutions d’héparine concentrée (5000 à 10 000 UI/
ml) semblent associées à un risque plus faible de thrombose interne au cathé-
ter, mais aussi à un risque d’hémorragie plus élevé chez le patient [10].
11
Le citrate est un chélateur du calcium, empêchant ainsi toute possibilité de
coagulation ou d’activation plaquettaire. Par rapport à l’héparine, le citrate
présente plusieurs avantages : il n’engendre pas de thrombopénie induite et
son passage dans la circulation n’engendre pas d’anomalie de l’hémostase
compte tenu des volumes utilisés (< 5 ml). De plus, le citrate trisodique à
30 ou 45 % est bactéricide. Une étude multicentrique hollandaise, publiée
en 2005, a comparé l’emploi d’un verrou de citrate à 30 % à une solution
d’héparine à 5000 UI/ml [11]. Dans cette étude, 291 patients dialysés (aigus
ou chroniques) sur des cathéters en position jugulaire ont été randomisés
pour le verrou anticoagulant appliqué sur le cathéter après chaque dialyse. La
fréquence des bactériémies liées aux cathéters a été de 1,1 pour 1000 journées
de cathétérisme avec le citrate versus 4,4 avec l’héparine (p < 0,001). La mor-
talité liée à ces bactériémies a également été plus faible avec le citrate (0 ver-
sus 5 décès, p = 0,028). Les épisodes hémorragiques ont en revanche été plus
fréquents avec l’héparine (2,0 pour 1000 journées versus 0,60, p = 0,01). Ces
observations expliquent l’utilisation de plus en plus large du citrate comme
verrou antithrombotique.
Il faut souligner le fait que l’on n’observe pas les mêmes effets avec du citrate
aux concentrations inférieures à 30 % car, compte tenu de la fraction de verrou
relarguée dans la circulation systémique, seules les concentrations ≥ 30 %
sont bactéricides et peuvent inhiber le développement du biofilm bactérien.
Avant chaque utilisation, le contenu du cathéter (verrou) doit être aspiré, puis
une injection vigoureuse de 10 ml de NaCl 9/1000 doit être effectuée sur cha-
que lumière afin de détacher les éventuelles gaines de fibrine obstruant les
extrémités du cathéter (limite de contact entre l’anticoagulant et le sang).
En cas de thrombose interne au cathéter, chez les dialysés chroniques dont le
capital veineux est précieux et les cathéters souvent tunnelisés, des verrous à
base d’urokinase ou d’alteplase ont été proposés afin de rendre le cathéter à
nouveau fonctionnel. Cependant, en milieu de réanimation, en l’absence d’in-
fection du point de ponction, le moyen le plus efficace reste un changement
de cathéter sur guide.
Infection du cathéter
Conclusion
Références
1 Baldwin I, Bellomo R, Koch B. Blood flow reductions during continuous renal replace-
ment therapy and circuit life. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 2074-9.
2 Ash SR. The evolution and function of central venous catheters for dialysis. Semin Dial
2001 ; 14 : 416-24.
3 NKF-K/DOQI Clinical Practice Guidelines for Vascular Access : update 2000. Am J Kidney
Dis 200 ; 37 : S137-81. Disponible sur www.kidney.org/professionals/dogi/guidelines
4 Kelber J, Delmez JA, Windus DW. Factors affecting delivery of high-efficiency dialysis
using temporary vascular access. Am J Kidney Dis 1993 ; 22 : 24-9.
5 Oliver MJ, Callery SM, Thorpe KE, Schwab SJ, Churchill DN. Risk of bacteremia from
temporary hemodialysis catheters by site of insertion and duration of use : a prospective
study. Kidney Int. 2000 ; 58 : 2543-5.
6 Randolph AG, Cook DJ, Gonzales CA, Pribble CG. Ultrasound guidance for placement
of central venous catheters : a meta-analysis of the literature. Crit Care Med 1996 ; 24 :
2053-8.
7 Lin BS, Kong CW, Tarng DC, Huang TP, Tang GJ. Anatomical variation of the internal ju-
gular vein and its impact on temporary haemodialysis vascular access : an ultrasonographic
survey in uraemic patients. Nephrol Dial Transplant. 1998 ; 13 : 134-8.
8 Beathard GA. Catheter thrombosis. Semin Dial 2001 ; 14 : 441-5.
9 Agharazii M, Plamondon I, Lebel M, Douville P, Desmeules S. Estimation of heparin
leak into the systemic circulation after central venous catheter heparin lock. Nephrol Dial
Transplant 2005 ; 20 : 1238-40.
13
10 Thomas CM, Zhang J, Lim TH, Scott-Douglas N, Hons RB, Hemmelgarn BR ; Alberta
Kidney Disease Network. Concentration of heparin-locking solution and risk of central ve-
nous hemodialysis catheter malfunction. ASAIO J 2007 ; 53 : 485-8.
11 Weijmer MC, van den Dorpel MA, Van de Ven PJ, ter Wee PM, van Geelen JA, Groeneveld
JO, et al. ; CITRATE Study Group. Randomized, clinical trial comparison of trisodium citrate
30 % and heparin as catheter-locking solution in hemodialysis patients. J Am Soc Nephrol
2005 ; 16 : 2769-77.
14
Anticoagulation en épuration
extrarénale
Méthodes d’anticoagulation en
épuration extrarénale
16
Tableau 1
Études comparant l’héparine et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) en épuration extrarénale (EER)
Référence Nb de patients Type et durée des HBPM Dose HBPM Dose héparine
EER
Schrader, 1988 [3] 70 HDI : 4,5 à 5 h Dalteparine Bolus 34 UI/kg, puis Bolus de 62 UI/kg puis
12 UI/kg/h 17 UI/kg/h
Reeves, 1999 [4] 47 CVVHD Dalteparine Bolus de 20 UI/kg puis Bolus de 2000 à
10 UI/kg/h 5000 UI, puis 500 à
2000 UI/h
Lord, 2002 [5] 32 HDI : 4 h Tinzaparine Bolus 4318 UI Bolus de 50 à 75 UI/kg,
puis dose ajustée au
temps de coagulation
(100-200 s)
Saltissi, 1999 [6] 36 HDI : 3 à 5 h Énoxaparine Bolus de 0,69 à Bolus de 50 UI/kg, puis
1 mg/kg 1000 UI/h
Nurmohamed, 1991 [7] 70 HDI : 4 à 6 h Nadroparine Bolus de 80 UI/kg Bolus de 2500 UI, puis
ou 100 UI/kg (si Ht 600 à 2200 UI/h
≥ 30 % ou durée > 4 h)
CVVH : continuous venovenous hemofiltration ; CVVHD : continuous venovenous hemodiafiltration ; EER : épuration extrarénale ; HDI : hémodialyse intermittente.
17
À l’extrême, la dose d’héparine injectée au patient peut être réduite à zéro.
L’EER sans anticoagulant a été décrite il y a plus de 20 ans [8]. Cette méthode
est fondée sur l’utilisation d’un débit sanguin extracorporel le plus élevé pos-
sible (classiquement 300 ml/min), une prédilution d’au moins 1 à 2 l/h [9]
et parfois un rinçage du circuit d’EER par 100 ml de cristalloïdes toutes les
20 min. Cette méthode induit donc une charge en soins assez importante,
et s’accompagne d’un risque non négligeable de coagulation prématurée du
circuit d’EER (risque ≥ 5 % pour des EER de moins de 4 h, en l’absence de
déficit de la coagulation).
19
Tableau 2
Principales études comparant le citrate à une anticoagulation systémique
Référence Patients et Comparaison Résultats
type d’EER
Flanigan, 1987 HDI, patients Faibles doses 18 % de saignement
[17] à haut risque d’héparine en cours de dialyse
hémorragique avec le citrate versus
50 % sous héparine
Hofbauer, 1999 HDI, Héparine et Score de coagulation
[18] hémodialysés dalteparine sur la membrane
chroniques diminué d’environ
85 % avec le citrate
Monchi, 2004 CVVH, patients Héparine Augmentation de
[19] à faible risque la durée de vie des
hémorragique circuits (70 h versus
40 h) avec le citrate
et réduction de 80 %
des transfusions
érythrocytaires
Kutsogiannis, CVVHD, patients Héparine Augmentation de
2005 [20] à faible risque la durée de vie des
hémorragique circuits avec le
citrate (124 h versus
38 h) et réduction du
risque de saignement
(risque relatif ajusté
= 0,14)
Balik, 2005 [21] CVVHD, patients Faibles doses Réduction de la
à haut risque d’héparine fréquence des
hémorragique + prostacycline thrombopénies
et des instabilités
hémodynamiques
avec le citrate
Coût plus faible avec
le citrate
Evenepoel 2007 HDI, patients AN69ST rincé Réduction des
[22] à haut risque avec héparine coagulations
hémorragique prématurées du
Pas d’héparine
circuit avec le citrate,
en cours de
plus grande dose de
dialyse
dialyse avec le citrate
20
de saignement, même chez des patients sans risque hémorragique évident.
La plupart des études publiées ont eu pour objectif une réduction des taux
sériques de calcium ionisé à < 0,3 mmol/l au contact de la membrane d’EER.
En cas de risque d’accumulation du citrate (réduction de la fonction hépati-
que), les deux approches proposées sont de tolérer des taux de calcium ionisé
proches de 0,5 mmol/l au contact de la membrane et/ou de rechercher une
épuration quasi complète du citrate au niveau de la membrane (utilisation de
débits de dialysat très élevés par rapport au débit sanguin).
Le tableau 3 résume les principaux risques potentiels de l’anticoagulation au
citrate.
Une surveillance adaptée est indispensable à l’utilisation d’une anticoagulation
régionale au citrate, surtout en cas d’EER prolongée. La surveillance la plus
communément admise en épuration continue est résumée dans le tableau 4. Il
est cependant préférable de renforcer ces éléments de surveillance si l’équipe
médicale et paramédicale est peu habituée à l’emploi du citrate.
Logiquement, l’utilisation d’une anticoagulation par citrate impose l’emploi
d’un liquide de dialyse ou d’hémofiltration sans calcium, sauf si le liquide
d’hémofiltration est injecté après la membrane, en postdilution. En effet, tout
apport de calcium au contact de la membrane peut réactiver la coagulation.
L’emploi de liquides contenant du magnésium ne semble pas poser de pro-
blème et il existe des publications décrivant l’utilisation de liquides de subs-
titution contenant du calcium, moyennant une augmentation des doses de
citrate [23].
Le tableau 5 résume les doses initiales de citrate (à injecter avant la mem-
brane) et de calcium (à injecter après le piège à bulle ou chez le patient) en
EER continue lorsque le liquide de substitution est dépourvu de calcium. Ces
doses nécessitent bien entendu des ajustements secondaires selon la sur-
veillance biologique (adaptation par des modifications d’environ 10 % de la
dose). Dans ces études, le liquide de substitution était dépourvu de bicarbo-
nate, afin d’éviter le risque d’alcalose métabolique. En cas d’emploi de citrate
trisodique molaire, le liquide de dialyse (ou d’hémofiltration) doit également
être plus pauvre en sodium (115 à 120 mmol/l en CVVH [continuous venove-
nous hemofiltration], 125 à 135 en hémodialyse intermittente [HDI]).
Le protocole pratique de la plus grande série publiée à ce jour en hémodia-
lyse intermittente (1009 hémodialyses au citrate) est résumé dans le tableau 6
[24].
L’ensemble des publications semble démontrer la supériorité de l’anticoagu-
lation au citrate non seulement chez des patients à haut risque hémorragique,
mais également chez les patients ayant un faible risque de saignement.
21
Tableau 3
Effets secondaires possibles en cas d’utilisation du citrate
Risque Comment éviter le risque
Hypernatrémie en cas d’utilisation de •Diminution de la concentration
solutés concentrés (hyperosmolaires) de en sodium du liquide de dialyse
citrate trisodique (d’hémofiltration)
ou
Utilisation de solutés iso-osmolaires de
citrate (dont le volume représente 200 à
1000 ml/h)
Alcalose métabolique •Diminution (parfois jusqu’à zéro) de la
concentration en bicarbonate du liquide
(la métabolisation du citrate engendre
de dialyse (d’hémofiltration) + maintien
la production de 3 molécules de
d’une dose d’épuration suffisante
bicarbonate par molécule de citrate)
pour éliminer l’excès de bicarbonate
(> 30 ml/kg/h)
ou
Apports de citrate sous forme de
mélange citrate-acide citrique pour ne
pas générer un excès de bicarbonate
Hypomagnésémie (le citrate est Augmenter les apports de magnésium IV
également un chélateur du magnésium) ou son taux dans le liquide de dialyse
(de 0,5 à 1 mmol/l)
Hypocalcémie ou hypercalcémie (en cas •Surveillance du taux de calcium ionisé
d’apports inappropriés de calcium) chez le patient pour ajuster les apports
de calcium
Accumulation de citrate en cas •En cas de dysfonction hépatique,
d’insuffisance hépatique (ou cirrhose commencer par de faibles débits
même compensée) sanguins et de faibles doses de citrate
et augmenter lentement (objectifs : Ca
ionisé ≤ 0,5 mmol/l au contact de la
membrane)
•Augmenter la clairance extracorporelle
du citrate (débit dialysat ≥ 5 fois le débit
sanguin)
•Bien ajuster (augmenter) les apports
de bicarbonate
•Surveillance très rapprochée du
pH, du Ca ionisé du patient et du
rapport calcium sanguin total/calcium
ionisé (par exemple : toutes les 2 h
initialement). L’augmentation du rapport
Ca total/Ca ionisé reflète l’accumulation
du citrate non métabolisé
22
Tableau 4
Surveillance de l’utilisation du citrate en EER continue [19, 20]
Tableau 5
Doses initiales de citrate et de calcium en EER continue, pour un soluté de
substitution sans calcium (ajustements secondaires à faire selon les dosages
biologiques)
Débit de la pompe à 125 150 175 200 250 300
sang (ml/min)A
Dose de citrate (en 31 38 45 52 65 77
mmol/h)B
Dose de CaCl2 en 8,3 10 12 13 17 20
ml/h d’une ampoule à
1 g/10 ml
A : Le débit d’hémofiltration en postdilution est de 35 ml/kg/h et égal à 25 % du débit
sanguin extracorporel.
B : Le poids molaire du citrate trisodique est de 287,2 g (soluté molaire = 28,7 %).
23
Tableau 6
Protocole d’anticoagulation au citrate utilisé lors de 1009 hémodialyses
intermittentes
Liquide de dialyse
Na 136 mmol/l (dose habituelle réduite de 2 à
5 mmol/l)
Ca 0
Mg 0,5 mmol/l
Bicarbonate Dose habituelle réduite de 4 mmol/l, médiane
= 29 mmol/l
Débit sanguin Médiane à 320 ml/min, extrêmes : 150 à
400 ml/min
Débit de dialysat 500 ml/min
Dose de citrate 50 mmol/h (solution de citrate trisodique à
0,5 mmol/ml)
Dose de calcium initial 17,5 mmol/h, ajustement par modifications de
1,25 à 2,5 mmol/h pour maintenir le calcium
ionisé à ±10 % de la valeur de départ
Surveillance Calcium ionisé au début (H0), H + 15 min,
puis toutes les 2 h.
Contrôle du calcium ionisé 30 min après
chaque modification de la dose de calcium
Autres molécules
• Le danaparoïde (Orgaran®) et la lépirudine (Refludan®) sont les molécules
utilisables en Europe en cas de thrombopénie immune à l’héparine. Leurs
caractéristiques sont résumées dans le tableau 7 [25].
L’utilisation de ces molécules en présence d’une insuffisance rénale s’accom-
pagne d’un risque de surdosage (d’accumulation). Une utilisation prolongée
de la lépirudine induit un risque de développement d’anticorps antilépirudine
(44 % des patients dans une série de 196 patients).
24
Tableau 7
Molécules utilisables en Europe en cas de thrombopénie induite par l’héparine
Molécule Danaparoïde Lépirudine
Poids moléculaire 5500 Da 6979 Da
Réactivité croisée avec 10 à 50 % in vitro Non
les anticorps anti-PF4- (moins fréquent in vivo)
héparine
Mode d’action Inhibiteur indirect du Inhibiteur direct du
facteur Xa facteur IIa
Voie d’élimination Rénale (glomérulaire) Rénale (glomérulaire)
normale
Demi-vie en l’absence 18 à 28 h 40 à 120 min
d’insuffisance rénale
Surveillance Activité anti-Xa TCA (objectifs 1,5 à 2,0)
(objectifs 0,5 à 0,8) ou temps de coagulation
à l’écarine
Posologie pour Bolus de 30 à 35 UI/kg, Bolus initial
hémodialyse ajusté sur activité anti-Xa de 0,05 mg/kg (parfois
intermittente de 4 h jusqu’à 0,1 mg/kg)
Posologie pour épuration Bolus de 750 UI, puis 50 Bolus de 0,007 à
continue à 200 UI/h 0,025 mg/kg, puis
0,006 – 0,009 mg/kg/h
25
• Chez les patients déjà traités par protéine C activée, en cas d’EER, l’addition
d’un autre anticoagulant systémique semble inutile [27].
La voie d’abord vasculaire (le cathéter) joue un rôle fondamental (voir chapitre
« Cathéters d’épuration extrarénale »). Quelle que soit l’intensité de l’anticoa-
gulation, un abord vasculaire de mauvaise qualité induit des irrégularités de
débit sanguin aboutissant à une coagulation prématurée du circuit [28].
Il existe également des interactions entre la membrane d’épuration et l’anticoa-
gulation, permettant parfois une réduction des doses d’héparine avec certaines
membranes ayant une capacité d’adsorption d’héparine lors de la purge du
circuit.
Nous ne disposons pas encore d’étude permettant d’évaluer objectivement la
relation entre la largeur de la surface de la membrane et les probabilités de
coagulation du circuit.
La durée de la technique d’épuration joue également un rôle important. Les
techniques d’épuration intermittente permettent l’emploi de plus faibles doses
d’anticoagulant [29].
Le rôle contesté de la prédilution et des rinçages a déjà été abordé plus haut.
26
hémorragique. L’étude multicentrique hollandaise en cours permettra pro-
bablement de mieux documenter l’intérêt du citrate dans ce contexte (étude
NCT00209378, ClinicalTrials.gov).
Références
27
5 Lord H, Jean N, Dumont M, Kassis J, Leblanc M. Comparison between tinzaparin and
standard heparin for chronic hemodialysis in a Canadian center. Am J Nephrol 2002 ; 22 :
58-66.
6 Saltissi D, Morgan C, Westhuyzen J, Healy H. Comparison of low-molecular-weight
heparin (enoxaparin sodium) and standard unfractionated heparin for haemodialysis anti-
coagulation. Nephrol Dial Transplant 1999 ; 14 : 2698-703.
7 Nurmohamed MT, ten Cate J, Stevens P, Hoek JA, Lins RL, ten Cate JW. Long-term
efficacy and safety of a low molecular weight heparin in chronic hemodialysis patients. A
comparison with standard heparin. ASAIO 1991 ; 37 : M459-61.
8 Glaser P, Guesde R, Rouby JJ, Eurin B. Haemodialysis without heparin is possible.
Lancet 1980 ; ii : 579-80.
9 Tan HK, Baldwin I, Bellomo R. Continuous veno-venous hemofiltration without anticoa-
gulation in high risk patients. Intensive Care Med 2000 ; 26 : 1652-7.
10 Klingel R, Schaefer M, Schwarting A, Himmelsbach F, Altes U, Uhlenbusch-Körwer I,
et al. Comparative analysis of procoagulatory activity of haemodialysis, haemofiltration and
haemodiafiltration with a polysulfone membrane (APS) and with different modes of enoxapa-
rin anticoagulation. Nephrol Dial Transplant 2004 ; 19 : 164-70.
11 Sagedal S, Hartmann A, Osnes K, Bjornsen S, Torremocha J, Fauchald P, et al. Intermittent
saline flushes during haemodialysis do not alleviate coagulation and clot formation in stable
patients receiving reduced doses of dalteparin. Nephrol Dial Transplant 2006 ; 21 : 444-9.
12 Uchino S, Fealy N, Baldwin I, Morimatsu H, Bellomo R. Pre-dilution vs. post-dilution
during continuous veno-venous hemofiltration : impact on filter life and azotemic control.
Nephron Clin Pract 2003 ; 94 : c94-8.
13 de Pont AC, Bouman CS, Bakhtiari K, Schaap MC, Nieuwland R, Sturk A, et al. Predilution
versus postdilution during continuous venovenous hemofiltration : a comparison of circuit
thrombogenesis. ASAIO J 2006 ; 52 : 416-22.
14 Morita Y, Johnson RW, Dorn RE, Hill DS. Regional anticoagulation during hemodialysis
using citrate. Am J Med Sci 1961 ; 42 : 32-43.
15 Faber LM, De Vries PMJM, Oe PL, Van der Meulen J, Donker AJM. Citrate hemodialysis.
Neth J Med 1990 ; 37 : 219-24.
16 Kramer L, Bauer E, Joukhadar C, Strobl W, Gendo A, Madl C, et al. Citrate pharmaco-
kinetics and metabolism in cirrhotic and noncirrhotic critically ill patients. Crit Care Med
2003 ; 31 : 2450-5.
17 Flanigan MJ, Von Brecht J, Freeman RM, Lira VS. Reducing the hemorrhagic complica-
tions of dialysis : a controlled comparison of low-dose heparin and citrate anticoagulation.
Am J Kidney Dis 1987 ; 9 : 147-53.
18 Hofbauer R, Moser D, Frass M, Oberbauer R, Kaye AD, Wagner O, et al. Effect of an-
ticoagulation on blood membrane interactions during hemodialysis. Kidney Int 1999 ; 56 :
1578-83.
19 Monchi M, Berghmans D, Ledoux D, Canivet JL, Dubois B, Damas P. Citrate vs. hepa-
rin for anticoagulation in continuous venovenous hemofiltration : a prospective randomized
study. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 260-5.
20 Kutsogiannis DJ, Gibney N, Stollery D, Gao J. Regional citrate versus systemic heparin
anticoagulation for continuous renal replacement in critically ill patients. Kidney Int 2005 ;
67 : 2361-7.
21 Balik M, Waldauf P, Plasil P, Pachl J. Prostacyclin versus citrate in continuous haemo-
diafiltration : An observational study in patients with high risk of bleeding. Blood Purif 2005 ;
23 : 325-9.
22 Evenepoel P, Dejagere T, Verhamme P, Claes K, Kuypers D, Bammens B, et al. Heparin-
coated polyacrylonitrile membrane versus regional citrate anticoagulation : a prospective
28
randomized study of 2 anticoagulation strategies in patients at risk of bleeding. Am J Kidney
Dis 2007 ; 49 : 642-9.
23 Evenepoel P, Maes B, Vanwalleghem J, Kuypers D, Messiaen T, Vanrenterghem Y.
Regional citrate anticoagulation for hemodialysis using a conventional calcium-containing
dialysate. Am J Kidney Dis 2002 ; 39 : 315-23.
24 Apsner R, Buchmayer H, Gruber D, Sunder-Plassmann G. Citrate for long-term hemo-
dialysis : prospective study of 1,009 consecutive high-flux treatments in 59 patients. Am J
Kidney Dis 2005 ; 45 : 557-64.
25 Jang IK, Hursting M. When heparins promote thrombosis. Review of heparin-induced
thrombocytopenia. Circulation 2005 ; 111 : 2671-83.
26 Haase M, Bellomo R, Rocktaeschel J, Ziemer S, Kiesewetter H, Morgera S, et al. Use of
fondaparinux (ARIXTRA) in a dialysis patient with symptomatic heparin-induced thrombocy-
topaenia type II. Nephrol Dial Transplant 2005 ; 20 : 444-6.
27 de Pont AC, Bouman CS, de Jonge E, Vroom MB, Buller HR, Levi M. Treatment with re-
combinant human activated protein C obviates additional anticoagulation during continuous
venovenous hemofiltration in patients with severe sepsis. Intensive Care Med 2003 ; 29 :
1205.
28 Baldwin I, Bellomo R, Koch B. Blood flow reductions during continuous renal replace-
ment therapy and circuit life. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 2074-9.
29 Kumar VA, Yeun JY, Depner TA, Don BR. Extended daily dialysis vs continuous hemo-
dialysis for ICU patients with acute renal failure : a two-year single center report. Int J Artif
Organs 2004 ; 27 : 371-9.
29
Membranes de dialyse
31
Figure 2. Phénomènes de filtration et de rétrofiltration. La diminution du
diamètre interne des capillaires augmente la résistance à l’écoulement
sanguin, induisant des mouvements de filtration et de rétrofiltration et
une augmentation des échanges par convection.
Sang
Pression Pression
d'ultrafltration de rétrofiltration
100 mmHg 100 mmHg
Pression selon ultrafiltration (~
~ 200 mmHg)
Dialysat
Dialysat
Propriétés caractéristiques :
biocompatibilité, perméabilité
hydraulique, cut-off
32
nécessitent une forte perméabilité hydraulique (≥ 20 ml/mmHg par m2 et par
heure), afin de permettre un débit horaire d’ultrafiltration suffisant sans pres-
sions excessives (les capillaires constituant la membrane ont généralement
un risque de rupture si les pressions de filtration excèdent 500 mmHg). Les
méthodes diffusives (hémodialyse) sont en revanche parfaitement compatibles
avec un coefficient d’ultrafiltration faible (< 5 ml/mmHg par m2 et par heure).
Donc en pratique :
• en hémofiltration, les membranes utilisées sont des membra-
nes avec de hauts coefficients de perméabilité ;
• en hémodialyse intermittente (HDI), les membranes à haut
coefficient de perméabilité ont deux inconvénients :
– le risque de rétrofiltration, non souhaitable si la pureté du
soluté de dialyse n’est pas optimale ;
– les forts transferts convectifs, plus difficiles à gérer quand
des ultrafiltrations nulles ou modérées sont indiquées.
Une des caractéristiques d’une membrane d’EER est sa limite de perméabilité ou
cut-off (voir figure 1). En dessous du cut-off, en hémofiltration, on peut définir
pour chaque molécule un coefficient de tamisage (sieving coefficient), défini
par le rapport [concentration de la molécule dans l’ultrafiltrat]/[concentration
de la molécule dans le plasma]. Ce rapport est de 1 pour les petites molécules
et généralement < 0,1 au-delà de 15 kDa de poids moléculaire.
Il faut noter que la limite de perméabilité (cut-off) indiquée par le constructeur
pour une membrane donnée est généralement déterminée in vitro, par filtration
d’un soluté contenant des polysaccharides de différents poids moléculaires
(dextranes). In vivo, du fait des charges électriques des molécules filtrées et
des interactions entre les protides plasmatiques, les limites de perméabilité
sont souvent nettement plus basses ; par exemple, les membranes ayant un
cut-off in vitro de 30 à 35 kDa sont généralement quasi imperméables in vivo
à la myoglobine qui a un poids moléculaire de 17 kDa.
On note depuis environ 10 ans l’apparition de membranes dites superperméables
ou à très haut cut-off, ayant des cut-off in vitro de 60 à 100 kDa (≤ 60 kDa in
vivo). Ces membranes ont été créées afin de mieux épurer les molécules de taille
moyenne et les cytokines, au prix cependant de pertes en albumine plus ou moins
importantes. Certaines études préliminaires suggèrent un intérêt pour ces mem-
branes dans le traitement des insuffisances rénales aiguës d’origine septique [2].
33
Caractéristiques chimiques
(polymères constitutifs)
34
[PMMA]), et chaque dénomination de polymère peut prendre une structure et
des caractéristiques spécifiques selon le procédé de fabrication de la mem-
brane. Le cut-off et la perméabilité capillaire des membranes synthétiques
sont donc très variables (il existe des membranes synthétiques à faible per-
méabilité hydraulique et à cut-off bas). La biocompatibilité des membranes
synthétiques est généralement bonne.
Stérilisation
35
Tableau 1
Influence de la biocompatibilité de la membrane de dialyse sur la mortalité de
l’insuffisance rénale aiguë : principales études randomisées.
Premier Schiffl Hakim Gastaldello Jörres
auteur
Publication Lancet, 1994 NEJM, 1994 NDT 2000 Lancet, 1999
[7] [8] [11] [12]
Membranes Cuprophane Cuprophane Diacétate Cuprophane
testées versus AN69 versus de cellulose versus
PMMA versus PMMA
polysulfone
Nombre de 26/26 35/37 53/53 76/84
patients
Nombre de 1 1 1 5
centres
Type de Chirurgie Médical Médical Médical ou
patient cardiaque chirurgical
Nombre 12 versus 9 17 versus 5 7 versus 6 5 versus 5
de dialyse (p < 0,05) (p < 0,05)
(moyenne
par patients)
Durée de 22 versus 15 33 versus 11 9 versus 10 9 versus 8
défaillance (p < 0,05) (p < 0,05)
rénale (jour)
Mortalité 65 versus 38 64 versus 55 versus 64 42 versus 40
(%) (p < 0,05) 43
PMMA : polyméthylméthacrylate.
Conclusion
36
Références
1 Gritters M, Grooteman MP, Schoorl M, Schoorl M, Bartels PC, Scheffer PG, et al. Citrate
anticoagulation abolishes degranulation of polymorphonuclear cells and platelets and redu-
ces oxidative stress during haemodialysis. Nephrol Dial Transplant 2006 ; 21 : 153-9.
2 Morgera S, Haase M, Kuss T, Vargas-Hein O, Zuckermann-Becker H, Melzer C, et al.
Pilot study on the effects of high cutoff hemofiltration on the need for norepinephrine in septic
patients with acute renal failure. Crit Care Med 2006 ; 34 : 2099-104.
3 Craddock PR, Fehr J, Brigham KL, Kronenberg RS, Jacob HS. Complement and leuko-
cyte-mediated pulmonary dysfunction in hemodialysis. N Engl J Med 1977 ; 296 : 769-74.
4 Galli F, Rovidati S, Chiarantini L, Campus G, Canestrari F, Buoncristiani U. Bioreactivity
and biocompatibility of a vitamin E-modified multi-layer hemodialysis filter. Kidney Int 1998 ;
54 : 580-9.
5 Grooteman MP, Nube MJ, van Limbeek J, van Houte AJ, Daha MR, van Geelen JA.
Biocompatibility and performance of a modified cellulosic and a synthetic high flux dialyzer.
A randomized crossover comparison between cellulose triacetate and polysulphon. ASAIO
J 1995 ; 41 : 215-20.
6 Bommer J, Wilhelms OH, Barth HP, Schindele H, Ritz E. Anaphylactoid reactions in
dialysis patients : role of ethylene-oxide. Lancet 1985 ; 2 : 1382-5.
7 Schiffl H, Lang SM, Konig A, Strasser T, Haider MC, Held E. Biocompatible membranes
in acute renal failure : prospective case-controlled study. Lancet 1994 ; 344 : 570-2.
8 Hakim RM, Wingard RL, Parker RA. Effect of the dialysis membrane in the treatment of
patients with acute renal failure. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1338-42.
9 Jaber BL, Lau J, Schmid CH, Karsou SA, Levey AS, Pereira BJ. Effect of biocompati-
bility of hemodialysis membranes on mortality in acute renal failure : a meta-analysis. Clin
Nephrol 2002 ; 57 : 274-82.
10 Subramanian S, Venkataraman R, Kellum JA. Influence of dialysis membranes on outco-
mes in acute renal failure : a meta-analysis. Kidney Int 2002 ; 62 : 1819-23.
11 Gastaldello K, Melot C, Kahn RJ, Vanherweghem JL, Vincent JL, Tielemans C.
Comparison of cellulose diacetate and polysulfone membranes in the outcome of acute renal
failure. A prospective randomized study. Nephrol Dial Transplant 2000 ; 15 : 224-30.
12 Jörres A, Gahl GM, Dobis C, Polenakovic MH, Cakalaroski K, Rutkowski B, et al.
Haemodialysis-membrane biocompatibility and mortality of patients with dialysis-dependent
acute renal failure : a prospective randomised multicentre trial. International Multicentre
Study Group. Lancet 1999 ; 354 : 1337-41.
37
Principes des échanges en
épuration extrarénale
Tableau 1
Principes des transferts par convection et diffusion au travers d’une membrane
semi-perméable
Convection Diffusion
Transfert Actif Passif
Force motrice Gradient de pression Gradient de concentration
hydrostatique (limité par la
pression oncotique)
Conséquences cliniques
– Transfert liquidien Oui Non
– Modification de la Pas de modification Diminution (risque
pression osmotique d’hypotension artérielle
sanguine au cours et/ou d’œdème cérébral)
du traitement
– Transfert des Oui Non
molécules de taille
moyenne
38
Figure 1. Les trois mécanismes d’épuration d’une substance au travers
d’une membrane semi-perméable.
A. Convection. B. Diffusion. C. Adsorption.
39
Convection
40
Tableau 2
Paramètres qui permettent d’augmenter le débit convectif d’une substance
↑ Pression transmembranaire
↑ Débit sanguin
↓ Pression hydrostatique de l’ultrafiltrat
↓ Pression oncotique (prédilution)
Paramètres membranaires
↑ Perméabilité hydraulique
↑ Surface
↑ Coefficient de tamisage
Paramètres liés à la substance
↑ Concentration plasmatique
Faible fixation protéique
Faible poids moléculaire
Lorsque le transfert convectif est associé au transfert diffusif (voir infra), une
convection peut se produire du compartiment du dialysat vers le compartiment
sanguin. On parle alors de rétrofiltration. Cette situation est fréquente avec
les membranes de haute perméabilité lorsque la PTM est élevée à l’entrée du
sang dans l’hémofiltre. Le débit net d’ultrafiltration est égal à la différence entre
le débit d’ultrafiltration et le débit de rétrofiltration. Pour un même débit net
d’ultrafiltration, l’existence d’une rétrofiltration permet d’augmenter la convec-
tion et ainsi l’épuration des molécules de taille moyenne [3]. En revanche, le
transfert liquidien du bain de dialyse vers la circulation sanguine impose une
grande maîtrise de la qualité biologique du liquide de dialyse [3].
Diffusion
fert se fait du liquide où x est le plus concentré vers celui où il est le moins
concentré. On parle de rétrodiffusion pour le transfert de solutés du liquide de
dialyse vers le sang ; c’est notamment le cas pour le bicarbonate. La diffusion
de x dépend également de la surface d’échange de la membrane (A) et est
inversement proportionnelle à la résistance que x doit vaincre pour traverser
cette membrane (Rx).
Δ[x] × A
Qdx =
Rx
La résistance dépend en grande partie de la nature de la membrane (propriétés
électrochimiques, épaisseur, distribution et diamètres des pores). Les pro-
priétés diffusives d’une membrane sont principalement déterminées par sa
porosité (nombre de pores par unité de surface) et, dans une moindre mesure,
par le rayon r de chaque pore (la diffusion est proportionnelle à r2 alors que la
convection est proportionnelle à r4) [4].
La taille et la charge électrique des solutés sont également des paramètres impor-
tants qui conditionnent la diffusion. La perméabilité diffusive de la membrane
décroît rapidement lorsque le poids moléculaire du soluté augmente (figure 2).
Ainsi, les molécules de taille moyenne qui sont épurées par convection ne le
43
sont pas par diffusion. La diffusion de ces molécules est également limitée par
leur concentration plasmatique qui est trop faible pour générer un gradient de
concentration transmembranaire conséquent. La diffusion est ainsi le principe
d’épuration le plus adapté pour les solutés de faible poids moléculaire qui ont
une concentration plasmatique élevée. Lorsque les solutés sont chargés électri-
quement, la présence de protéines non diffusibles chargées négativement (albu-
mine) tend à retenir les cations dans le compartiment sanguin.
Adsorption
Conclusion
45
Dose de dialyse
Introduction
46
deux techniques. En comparant les survivants aux décédés, ils montrent que la
dose de dialyse reçue, évaluée par le Kt/V de l’urée, est statistiquement signi-
ficativement différente. De plus, lorsqu’ils évaluent la mortalité des patients
fortement dialysés (Kt/V > 1,0) par rapport à ceux plus faiblement traités, ils
montrent qu’à niveau de gravité équivalente, la mortalité est statistiquement
significativement plus faible. Cet effet disparaît cependant pour les patients
les moins graves où la mortalité est très faible et pour les patients les plus
graves où elle devient très élevée. Cette étude laissait supposer de manière
assez forte le rôle probable joué par l’intensité de dialyse sur la survie des
patients en IRA. Récemment, une étude en HDI [5] et deux en hémofiltration
[6, 7] ont permis de confirmer ces données à l’aide d’une méthodologie pros-
pective randomisée. L’étude de Shiffl et al. [5] publiée en 2002 a comparé deux
groupes de patients (160 inclus), l’un traité par HDI quotidienne et l’autre par
un schéma plus classique (dialyse alternée, un jour sur deux). Les modalités
des séances étaient similaires (durée, débit sang, dose évaluée par la mesure
du Kt/V, perte de poids net) et donc le groupe dialyse quotidienne recevait
une dose de dialyse hebdomadaire deux fois plus élevée que l’autre groupe
(Kt/V hebdomadaire 5,8 ± 0,4 contre 3,0 ± 0,6). Les résultats montrent que
le groupe dialyse quotidienne bénéficie d’une meilleure survie (78 % contre
54 %, p = 0,01) et une durée d’IRA plus courte (9 ± 2 jours contre 16 ± 6 jours,
p = 0,001). Ces résultats méritent cependant d’être interprétés avec précaution
et ne s’appliquent qu’à la population étudiée, à savoir des patients de gravité
intermédiaire. En effet, le groupe dialysé un jour sur deux semble avoir pu être
aggravé par le schéma thérapeutique utilisé. La dose hebdomadaire reçue était
inférieure au minimum recommandé chez les patients en dialyse chronique
(Kt/V de 3,6) et la perte de poids réalisée à chaque séance était importante
(3,5 l), expliquant la plus grande fréquence des événements hypotensifs (25
± 5 % contre 5 ± 2 %) et l’aggravation des défaillances d’organes.
En hémofiltration, Ronco et al. [6] ont évalué l’impact de la dose de dialyse
au cours de séances réalisées chez des patients de réanimation traités par
hémofiltration veinoveineuse continue réalisée en postdilution. Ce mode
de réinjection permet d’avoir accès directement à la dose délivrée par la
mesure de la clairance de l’urée. L’étude a comparé trois groupes de patients
(425 inclusions) traités par hémofiltration à la dose de 20, 35 ou 45 ml/kg/h,
chaque patient recevant au minimum 85 % de la dose prescrite. Les patients
inclus étaient principalement des patients chirurgicaux. L’étude retrouve une
amélioration significative de la survie pour les deux groupes 35 et 45 ml/kg/
h comparativement au groupe 20 ml/kg/h (survie 57 % contre 58 % contre
41 % respectivement). Il n’y avait pas de différence concernant la récupération
47
de la fonction rénale ou les complications liées au traitement. Plus récem-
ment, une autre étude a confirmé ces données au cours des thérapies conti-
nues. Saudan et al. [7] ont en effet inclus 206 patients traités pour IRA en les
randomisant soit dans un groupe traité par hémofiltration veinoveineuse à la
dose moyenne de 25 ± 5 ml/kg/h, soit dans un groupe traité par hémodiafil-
tration veinoveineuse continue à la dose de 42 ± 11 ml/kg/h. En fait, les deux
groupes recevaient la même dose de convection (environ 25 ml/kg/h) et, dans
le second groupe, les auteurs ajoutaient une dose de diffusion de l’ordre de
18 ml/kg/h, afin d’augmenter la dose délivrée exclusivement sur les petites
molécules (urée, créatinine). Leurs résultats montrent une amélioration de la
survie significative dans le groupe recevant la plus forte dose de dialyse (59 %
contre 39 % à J28, p = 0,03). La tolérance et le taux de récupération de la
fonction rénale à 90 jours n’étaient pas significativement différents entre les
deux groupes.
Il n’existe à ce jour qu’une seule étude prospective randomisée négative. Il
s’agit de celle de Bouman et al. [8] ayant inclus 106 patients porteurs d’une
IRA et randomisés en trois groupes : hémofiltration précoce à haut volume
(48 ml/kg/h), hémofiltration précoce à bas volume (20 ml/kg/h), hémofil-
tration tardive à bas volume (20 ml/kg/h). Il n’existait aucune différence de
mortalité entre les trois groupes ; cependant, les patients inclus étaient essen-
tiellement des patients en période postopératoire de chirurgie cardiaque avec
une mortalité très faible (autour de 30 %). De plus, le faible effectif par groupe
rend la pertinence des résultats discutable.
Ces données apparaissent concordantes pour montrer le rôle pronostique de
l’intensité des méthodes de suppléance rénale au cours de l’IRA des patients
de réanimation. Deux études en cours (ATN Study [Acute Renal Failure Trial
Network], RENAL Study [Randomised Evaluation of Normal vs Augmented
Level of renal replacement therapy in ICU]) devraient permettre dans un avenir
proche de confirmer ces données à la fois pour l’HDI et les méthodes conti-
nues (www.clinicaltrial.gov). De nombreuses questions restent cependant
en suspens : quelle méthode de mesure, quelle dose cible, quels types de
patients ?
48
les caractéristiques sont parfaitement adaptées à la mesure de l’efficacité des
méthodes d’EER. Elle est de petit poids, diffuse rapidement et librement au
travers des membranes de dialyse ou d’hémofiltration et son dosage plasma-
tique est aisé. De plus, elle reflète l’accumulation des déchets azotés à la fois
dans le secteur vasculaire et dans les secteurs interstitiels et cellulaires. Enfin,
malgré la faible toxicité de l’urée, la quantité épurée au cours d’une séance de
dialyse (quelle que soit la méthode de mesure utilisée) est corrélée chez les
dialysés chroniques à la fois à la diminution des complications cliniques et à
l’amélioration de la survie [1, 2]. Il s’agit donc d’un marqueur d’efficacité très
pertinent.
La clairance plasmatique d’une molécule correspond au volume de plasma
totalement épuré de la molécule considérée par unité de temps (exprimée en
ml/min). Cette mesure isolée ne permet cependant de connaître que l’efficacité
instantanée du traitement et non l’efficacité globale de la séance.
Méthodes de mesure
La détermination de l’efficacité de la dialyse s’effectue à l’aide de la mesure de
la masse d’urée éliminée au cours d’une séance, rapportée à la quantité totale
d’urée présente dans l’organisme en début de séance. La méthode de référence
consiste à récupérer la totalité du dialysat et à mesurer cette quantité éliminée.
Compte tenu des difficultés de réalisation, des méthodes alternatives ont été
développées en HDI utilisant la clairance de l’urée du dialyseur in vitro ou in
vivo (K), le volume de distribution de l’urée (V) dans l’organisme et la durée
de la séance (t). On l’appelle communément le Kt/V de l’urée, où Kt représente
la quantité d’urée éliminée et V le volume de distribution de l’urée. À partir
de populations de patients dialysés chroniques, des modèles mathématiques
ont été créés permettant de modéliser l’évolution des concentrations d’urée au
cours d’une séance de dialyse. Ces formules permettent de mesurer le Kt/V à
l’aide de paramètres simples (rapport des concentrations d’urée en fin et début
de séance, durée de la séance, poids de fin de séance et volume d’ultrafiltra-
tion). Ces modèles ont en commun d’utiliser une évaluation approximative
du volume de distribution de l’urée. Afin de s’affranchir de cette mesure, une
autre méthode fréquemment utilisée est le taux de réduction de l’urée (TRU =
100 × (×1 – Ct/Co ; Ct et Co : urée postdialytique et prédialytique respective-
ment). Ces différentes méthodes sont validées et d’usage courant pour appré-
cier la dose de dialyse chez les patients dialysés chroniques. Les seuils retenus
ont été récemment réévalués à la hausse par la National Kidney Foundation,
faisant référence dans le domaine de l’IRC aux États-Unis. Actuellement, ils
49
recommandent pour chaque séance de dialyse un Kt/V de 1,4 ou un TRU de
70 % (www.kidney.org). Au cours du traitement de l’IRA, ces méthodes ne sont
pas validées et il n’existe donc aucune recommandation officielle.
Concernant les méthodes continues (hémofiltration, hémodiafiltration), l’ap-
proche de la dose de dialyse délivrée est plus simple. En effet, quelle que
soit la méthode continue utilisée (convection pure en hémofiltration, diffusion
pure en hémodialyse ou association des deux en hémodiafiltration), la dose
délivrée correspond à la clairance de l’urée obtenue au cours des 24 h, elle-
même équivalente à la quantité de liquide utilisée. Par convention, et pour
tenir compte d’une approximation du volume de distribution de l’urée, on rap-
porte cette quantité au poids du patient et à la durée de la séance. La dose
délivrée s’exprime donc en ml/kg/h.
50
En marge de ces limites d’ordre physiologique, il existe des limites techniques.
En effet, plusieurs études ont montré qu’il existait un écart souvent important
entre la dose de dialyse prescrite et celle délivrée mesurée à l’aide du Kt/V de
l’urée [11]. Cela s’explique par les conditions spécifiques de réalisation de
la dialyse au cours de l’IRA (recirculation avec l’abord vasculaire, colmatage
voire coagulation de la membrane de dialyse, irrégularité du traitement reçu
lié aux altérations hémodynamiques). Ces différentes limites expliquent le peu
d’intérêt de la mesure du Kt/V chez les patients de réanimation porteurs d’une
IRA.
La mesure du TRU apparaît moins critiquable, si l’on s’assure cependant que la
volémie du patient n’a pas trop varié au cours de la séance. Il s’agit néanmoins
d’un paramètre qui n’est pas prédictif et dont l’intérêt réside essentiellement
dans l’évaluation a posteriori de l’efficacité obtenue.
Concernant les méthodes continues, la mesure de la clairance délivrée sur
24 h rapportée au poids du patient apparaît satisfaisante et correspond au
standard actuellement accepté.
51
de mesurer la dose hebdomadaire délivrée en additionnant les Kt délivrés à
chaque séance. Elle permet ainsi facilement la comparaison entre différentes
méthodes, qu’elles soient continues, intermittentes, diffusives ou convectives.
Chez les patients chroniques, il existe une excellente corrélation entre la clai-
rance de l’urée évaluée par cette méthode et la méthode de référence (fondée
sur le recueil du dialysat) [12, 13]. Une étude récente a évalué cette modalité
de mesure de la dose délivrée chez des patients de réanimation porteurs d’une
IRA (31 patients) en comparant le Kt mesuré par la dialysance ionique et celui
mesuré par la collecte du dialysat (méthode de référence). Il existe une très
bonne corrélation entre les deux méthodes (r = 0,96) et des limites d’agrément
tout à fait satisfaisantes [14]. Ainsi, cette méthode semble fiable et pertinente,
et permet un monitorage en temps réel quasi continu. Son principal inconvé-
nient réside dans l’absence de normalisation de la dose délivrée. Par analogie
avec la mesure de la dose délivrée à l’aide des méthodes continues, on peut
cependant proposer de normaliser cette mesure par le poids du patient, expri-
mant ainsi la dose délivrée en l/kg.
Quelles recommandations
pour la pratique
52
que la dose cible au cours de l’HDI en utilisant la mesure de la dialysance
ionique doit être proche de 0,85 l/kg.
Conclusion
Références
1 Lowrie EG, Laird NM, Parker TF, Sargent JA. Effect of hemodialysis prescription on
patient morbidity. Report from the National Cooperative Dialysis Study. N Engl J Med 1981 ;
305 : 1176-81.
2 Owen WF, Lew NL, Liu Y, Lowrie EG, Lazarus JM. The urea reduction ratio and serum
albumin concentration as predictors of mortality in patients undergoing hemodialysis. N Engl
J Med 1993 ; 329 : 1001-6.
3 Paganini EP, Tapolyai M, Goormastic M, Halstenberg W, Kozlowski L, Leblanc M, et al.
Establishing a dialysis therapy/patient outcome link in intensive care unit dialysis for patients
with acute renal failure. Am J Kidney Dis 1996 ; 28 : S81-S89.
4 Tapolyai M, Fedak S, Chaff C, Paganini PE. Delivered dialysis dose may influence acute
renal failure outcome in ICU patients. J Am Soc Nephrol 1994 ; 5 : 530 (abstr.).
5 Shiffl H, Lang SM, Fischer R. Daily hemodialysis and the outcome of acute renal failure.
New Engl J Med 2002 ; 346 : 305-10.
6 Ronco C, Bellomo R, Homal P, Brendolan A, Dan M, Piccinni P, et al. Effects of different
dose in continuous veno-venous haemofiltration on outcomes of acute renal failure : a pros-
pective randomised trial. Lancet 2000 ; 356 : 26-30.
7 Saudan P, Niederberger M, De Seigneux S, Romand J, Pugin J, Perneger T, et al. Adding
a dialysis dose to continuous hemofiltration increases survival in patients with acute renal
failure. Kidney Int 2006 ; 70 : 1312-7.
8 Bouman CS, Oudemans-Van Straaten HM, Tijssen JG, Zandstra DF, Kesecioglu J. Effects
of early high-volume continuous venovenous hemofiltration on survival and recovery of renal
function in intensive care patients with acute renal failure : a prospective, randomized trial.
Crit Care Med 2002 ; 30 : 2205-11.
53
9 Ikizler TA, Sezer MT, Flakoll PJ, Hariachar S, Kanagasundaram NS, Gritter N, et al. Urea
space and total body water measurements by stable isotopes in patients with acute renal
failure. Kidney Int 2004 ; 65 : 725-32.
10 Leblanc M, Charbonneau R, Lalumiere G, Cartier P, Deziel C. Postdialysis urea rebound :
determinants and influence on dialysis delivery in chronic hemodialysis patients. Am J
Kidney Disease 1996 ; 27 : 253-61.
11 Evansson JA, Ikizler TA, Wingard R, Knights S, Shyr Y, Schulman G, et al. Measurement
of the delivery of dialysis in acute renal failure. Kidney Int 1999 ; 55 : 1501-8.
12 Mercadal L, Petitclerc T, Jaudon MC, Béné B, Goux N, Jacobs C. Is ionic dialysance a
valid parameter for quantification of dialysis efficiency ? Artif Organs 1998 ; 22 : 1005-9.
13 Mercadal L, Du Montcel ST, Jaudon MC, Hamani A, Izzedine H, Deray G, et al. Ionic
dialysance vs urea clearance in the absence of cardiopulmonary recirculation. Nephrol Dial
Transplant 2002 ; 17 : 106-11.
14 Ridel C, Osman D, Mercadal L, Anguel N, Petitclerc T, Richard C, et al. Ionic dialysance :
a new valid parameter for quantification of dialysis efficiency in acute renal failure ? Intensive
Care Med 2007 ; 33 : 460-5.
54
Prescription d’une séance
d’hémodialyse intermittente
Composition du dialysat
Solution tampon
55
Tableau 1
56
Principaux réglages d’une séance d’HDI en fonction du contexte clinique
Qs Qd UF Durée Na+ Bicarbonate Td-Tc
(ml/min) (ml/min) (ml/h) (mmol/l) (mmol/l) (°C)
Choc septique 200–250 500 Nulle 6h 150 31 – 2,5
Vasopresseur en cours 250–500 max.
Dose de vasopresseur en baisse 500–1000 max.
Sevrage de la ventilation
Insuffisance cardiaque congestive 200–250 500 500–1000 4h 145 31 – 2,5
Hyperkaliémie menaçante Maximal Maximal Selon besoins 4–6 h 145 35 avec – 2,5
re
1 heure augmentation
200–250 500 Selon besoins
de la ventilation
Heures suivantes minute
Hyponatrémie chronique 200–250 500 Selon besoin 3–4 h Maximum 10 31 – 2,5
au-dessus de la
natrémie du patient
1re séance avec IRC terminale 200 500 500–1000 1–2 h 150 31 – 2,5
Si déplétion nécessaire, poursuivre 200 0 (UF Selon
avec seule) besoins
IRC : insuffisance rénale chronique ; Qd : débit du dialysat ; Qs : débit sanguin ; Tc : température corporelle avant branchement ; Td : température dialysat ; UF : ultrafiltration.
d’environ 30 mmol/l est le plus souvent suffisante. De plus, l’apport de bicar-
bonate pendant la dialyse est responsable d’une production de CO2 qui devra
être éliminé par une augmentation de la ventilation alvéolaire, ce qui n’est pas
toujours possible en cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)
ou chez les patients avec une insuffisance respiratoire chronique en ventilation
spontanée. L’absence d’augmentation de la ventilation–minute peut parfois
aboutir à une acidose hypercapnique.
Concentration en sodium
Concentration en potassium
57
la concentration en potassium du dialysat à utiliser en fonction de la kaliémie
prédialyse. On peut proposer l’utilisation des concentrations suivantes dans le
dialysat : 3 mmol/l si la kaliémie est inférieure à 4 mmol/l, et 4 mmol/l si la
kaliémie est inférieure à 3,5 mmol/l.
Concentration en calcium
Contrôle glycémique
Température du dialysat
Le réglage de la température du dialysat doit être effectué avec pour objectif
la prévention de l’augmentation de la température corporelle du patient en
cours de séance, ce qui peut provoquer une vasodilatation. Chez les patients
en hémodialyse chronique, il a été montré que, pour atteindre cet objectif,
l’obtention d’une balance thermique négative (perte de chaleur du sang du
patient vers le dialysat) était nécessaire. Pour cela, la température du dia-
lysat était réglée à environ 1 °C en dessous de la température du patient
avant branchement [4, 5]. Chez les patients de réanimation, la production de
chaleur au cours de la dialyse est probablement plus élevée du fait de leur
plus grande instabilité, et il est vraisemblablement nécessaire d’abaisser
encore plus la température du dialysat (2,5 °C en dessous de la température
du patient avant branchement) afin de maintenir constante la température
corporelle. Cependant, l’évolution de la température corporelle est relative-
ment imprévisible et ce gradient de température de 2,5 °C peut ne pas être
suffisant chez certains patients, ou excessif avec baisse de la température
corporelle chez d’autres.
58
Pertes hydriques
Au même titre qu’un traitement diurétique, l’indication d’une perte hydrique en
cours de séance dépend de l’évaluation de l’état hémodynamique du patient.
À la phase aiguë d’une insuffisance circulatoire, la déplétion hydrique ne doit
pas dépendre du « poids sec » mais de la volémie et de la précharge-dépen-
dance du patient. On peut séparer quatre phases dans l’évolution d’un patient
en défaillance multiviscérale nécessitant un traitement vasopresseur ; celles-ci
vont déterminer la gestion de la déplétion au cours de l’épuration extrarénale
(EER) :
• La phase aiguë : les doses de vasopresseurs sont en augmentation et/ou
élevées.
Absence de déplétion, particulièrement lors de la première séance d’EER.
• La phase de stabilisation : une diminution des doses de vasopresseurs
devient possible.
Déplétion : 250 ml/h au maximum.
• Une phase de récupération : les doses de vasopresseurs sont en forte baisse
et/ou modestes.
Déplétion : 500 ml/h au maximum.
• Une phase de guérison : le patient est sevré en vasopresseurs.
Déplétion : 1000 ml/h au maximum.
Au cours de la phase de guérison, la correction des anomalies de perméabilité
endothéliale permet aux fluides accumulés dans l’interstitium et les cellules
de retourner dans le secteur plasmatique. Cette phase s’accompagne donc
fréquemment d’un état d’hypervolémie qui impose une déplétion hydrique
intense. Une perte hydrique horaire de 1 l/h durant 4 à 6 h est le plus souvent
bien tolérée par le patient et permet de ne pas retarder le sevrage de la venti-
lation artificielle.
Paramètres influençant
la dose de dialyse
59
brane, et plus le temps de dialyse est long, plus la quantité d’urée éliminée
sera importante. Par ailleurs, plus l’eau corporelle totale est élevée (présence
d’œdèmes, surface corporelle élevée), plus le volume dans lequel il faudra
épurer l’urée est élevé et donc nécessitera un Kt élevé. Chez les patients dia-
lysés chroniques, le Kt/V à obtenir est de 1,2 par séance ou 3,6 par semaine.
Aucun seuil n’est défini pour le traitement des patients avec insuffisance
rénale aiguë (IRA). Le volume de distribution de l’urée étant très large chez
les patients en défaillance multiviscérale, des séances de 6 h en moyenne sont
nécessaires pour un objectif de Kt/V de 1,2.
Clairance de l’urée
La clairance instantanée de l’urée dépend du débit sanguin, du débit de dialysat
et des caractéristiques diffusives de la membrane. Au cours de l’hémodialyse
intermittente (HDI) réalisée sur un cathéter veineux double lumière de courte
durée, les clairances de l’urée que l’on peut obtenir sont comprises entre 150
et 200 ml/min. En pratique, la clairance de l’urée en cours de séance peut être
estimée par une mesure de la dialysance ionique disponible sur certains géné-
rateurs. Cette mesure du transfert d’ion à travers la membrane est parfaitement
corrélée à la clairance de l’urée et permet un suivi en temps réel [7].
Le facteur influençant le plus la dose de dialyse délivrée chez un patient de
réanimation est le temps de la séance ; c’est aussi le facteur le plus facilement
mesurable. Du fait de leur hétérogénéité de perfusion, la concentration en urée
peut être très variable d’un tissu à l’autre et surtout beaucoup plus élevée que
dans le secteur plasmatique. L’urée doit donc d’abord diffuser vers le secteur
plasmatique avant d’être épurée du sang. Cette diffusion nécessite un temps
d’équilibration et explique l’augmentation de l’urée plasmatique après débran-
chement (effet rebond).
En pratique, le temps de dialyse devra être prolongé chez les patients ayant
un volume de distribution élevé : accumulation d’œdèmes, surface corporelle
élevée et/ou une production d’urée importante – sepsis, polytraumatisme,
syndrome de lyse, etc. La seule certitude sur la dose de dialyse à délivrer
aux patients de réanimation est qu’elle doit être supérieure à celle délivrée
aux patients de dialyse chronique [8]. Un temps de dialyse supérieur à 4 h
× 3/semaine est donc nécessaire [9]. Un temps de dialyse prolongé permet
également une perte hydrique horaire modérée.
Là encore, on peut schématiser l’évolution d’un patient de réanimation en
plusieurs phases qui vont déterminer le temps et la fréquence des séances.
Lorsqu’à la phase aiguë de la maladie il existe un hypercatabolisme, des séan-
ces quotidiennes de 4 à 6 h sont nécessaires afin d’obtenir une dose de dialyse
60
suffisante. Lors de la phase de récupération, l’hypercatabolisme étant moindre
et la déplétion hydrique encore modérée, on peut espacer les séances toutes
les 48 h avec la même durée. Enfin, lors de la guérison du patient, la déplétion
doit être intensifiée et quotidienne afin de ne pas retarder le sevrage de la
ventilation artificielle.
Gestion de l’anticoagulation
Références
62
Nouveautés
dans la surveillance
d’une séance de dialyse
63
pas sur le volume sanguin réellement traité. Enfin, d’autres facteurs ne sont
pas pris en compte, comme la recirculation de l’abord vasculaire, susceptible
de diminuer la dose délivrée. Une nouvelle modalité, disponible sur la plupart
des générateurs modernes, permet d’approcher cette dose délivrée en temps
réel à l’aide du concept de dialysance ionique.
Tolérance hémodynamique
Conclusion
Les nouveaux outils proposés pour le monitorage des séances d’HDI font suite
à une demande spécifique des réanimateurs en termes de mesure d’efficacité
d’épuration et de contrôle de la tolérance hémodynamique. Certains d’entre
eux semblent très utiles en pratique courante, comme la mesure de la dose
de dialyse suivant le principe de la dialysance ionique, afin d’améliorer les
performances de l’épuration et ainsi de réduire la mortalité. D’autres n’ont à
ce jour pas encore trouvé une validation suffisamment pertinente pour être
appliqués en réanimation.
Références
66
Hémofiltration continue :
utilisation pratique
Description du circuit
POMPE À SANG
POMPE
EFFLUENT ACCÈS
PRESSION FILTRE PRESSION D'ENTRÉE
HEMOFILTRE
LIQUIDE DE
REINJECTION
PRE DILUTION
SAC RECUEIL
EFFLUENT
DILUTION
POMPE DE RÉINJECTION
POST
RETOUR
PRESSION DE RETOUR
Postdilution ou prédilution ?
Cette restitution peut s’effectuer après le filtre (postdilution) ou avant le filtre
(prédilution). Le plus logique est d’administrer la restitution en postdilution.
Cependant, la restitution peut être répartie entre pré- et postdilution. La restitution
en prédilution a l’avantage théorique de diminuer l’hyperviscosité en fin de filtre et
peut-être d’améliorer la durée de vie des hémofiltres. Cependant, cela n’a jamais
été démontré en clinique. De plus, cela réduit l’efficacité de la méthode. Il est
conseillé de ne pas administrer la totalité de la substitution en prédilution. La
plupart des machines permettent une administration mixte en pré- et postdilution.
Le plus souvent, 30 % sont administrés en prédilution et 70 % en postdilution.
69
Tableau 1
Résumé des différents points de la prescription d’une hémofiltration continue
POMPE À SANG
ACCÈS
POMPE
EFFLUENT PRESSION FILTRE PRESSION D'ENTRÉE
HEMOFILTRE
LIQUIDE DE
REINJECTION
POMPE
SAC RECUEIL DIALYSAT
EFFLUENT
POMPE DE RÉINJECTION
RETOUR
DIALYSAT
PRESSION DE RETOUR
70
dialysat doit être de 500 à 2000 ml/h. La restitution de l’hémofiltration ne doit
pas se faire en prédilution.
Composition du soluté
de substitution
Il s’agit d’un soluté salé isotonique (Na = 140 mmol/l), pauvre en potassium
(K = 0 à 1,5 mmol/l) et qui contient une solution tampon. Après la période
initiale de correction des troubles hydroélectrolytiques, des apports potassi-
ques supplémentaires sont souvent nécessaires. L’administration de potas-
sium dans les poches de substitution est recommandée. Le tampon est le plus
souvent un tampon bicarbonate. En effet, l’acétate a une mauvaise tolérance
hémodynamique et ne doit plus être utilisé. Le tampon lactate pourrait être
employé, mais il n’est pas recommandé chez les patients en défaillance multi-
viscérale en raison de leur production de lactate endogène. Pour éviter la pré-
cipitation du mélange bicarbonate–calcium, l’addition du soluté bicarbonaté
se fait le plus souvent de façon extemporanée. Des apports supplémentaires
de phosphore sont souvent nécessaires.
L’hémofiltration doit
être réalisée sur un temps suffisant
Surveillance du malade
en hémofiltration
Surveillance du circuit
La surveillance du circuit comporte la surveillance non spécifique liée au
risque infectieux sur les cathéters et le monitorage des alarmes de pression.
Trois types d’alarmes de pression sont placés sur le circuit. Sur le circuit
d’accès, une pression trop négative traduit un dysfonctionnement de la ligne
« artérielle » : si le cathéter n’est pas coudé, cela traduit le plus souvent
une thrombose de la voie d’accès du cathéter. Une pression élevée sur le
circuit de retour traduit, en l’absence de plicature du cathéter, un dysfonc-
tionnement de la voie de retour du cathéter ou une thrombose veineuse
sur cathéter. Les machines actuelles permettent de monitorer la pression à
l’entrée de l’hémofiltre. En cas de dysfonctionnement de la voie de retour,
l’élévation de pression est parallèle à l’élévation de la pression sur le circuit
de retour. Si la pression à l’entrée du filtre est supérieure à la pression de
retour, cela traduit une thrombose dans l’hémofiltre, imposant la restitution
et le changement de filtre. Les changements systématiques d’hémofiltre sont
recommandés toutes les 24 h pour éviter les phénomènes d’accumulation
de certaines substances, en particulier médicamenteuses, à la surface des
hémofiltres et le relargage de celles-ci.
Surveillance biologique
Étant donné les grandes quantités de volumes manipulées lors de l’hémofil-
tration continue (50 à 100 l par jour), la surveillance quotidienne du poids des
malades est recommandée. L’évaluation du bilan des entrées et des sorties
est particulièrement importante. Elle comporte en particulier le monitorage
72
Tableau 2
Indications de l’hémofiltration continue
Indications
Insuffisance cardiaque Oui
congestive sévère
Postopératoire de chirurgie Oui
cardiaque
Toxicologie Le plus souvent non
Insuffisance rénale aiguë Non
isolée
Insuffisance rénale Oui
aiguë avec défaillance
multiviscérale
Sepsis sévère sans ?
insuffisance rénale
Indications (tableau 2)
Hyperhydratation de l’insuffisance
cardiaque
L’hémofiltration peut être indiquée chez certains malades ayant une insuffi-
sance cardiaque réfractaire au traitement diurétique. Elle permet parfois la
soustraction de volumes liquidiens importants, l’amélioration de la fonction
ventriculaire gauche et la reprise de la diurèse. Une étude contrôlée compa-
rant une séance d’hémofiltration de 8 h au traitement médicamenteux standard
montre des résultats intéressants à court terme en termes de perte de poids et
d’utilisation d’inotropes [10].
Indications en toxicologie
L’hémofiltration est une mauvaise méthode pour l’épuration de toxiques. En
effet, en toxicologie, l’objectif est l’épuration rapide du toxique en cause. Or
dans les conditions habituelles, nous l’avons vu, les clairances en hémofiltra-
74
tion sont de l’ordre de 15 à 35 ml/min, ce qui est très inférieur aux 150 ml/min
obtenus en HDI. Il existe toutefois dans la littérature quelques observations
ponctuelles d’intoxications aiguës traitées par hémofiltration ou hémodiafiltra-
tion continue (méthotrexate, lithium, etc.). Au cours d’intoxications au lithium,
il est nécessaire d’obtenir des débits d’ultrafiltration élevés (4 l/h) pour obtenir
une clairance suffisante. Dans certains cas, l’hémofiltration a pour intérêt d’évi-
ter les rebonds postdialyse. L’hémofiltration continue a également été propo-
sée dans le traitement du syndrome de lyse tumorale à condition d’utiliser, là
encore, des débits d’ultrafiltration élevés.
Références
75
Dialyse lente quotidienne
Définition
Études cliniques
Tableau 1
Comparaisons de l’hémodialyse classique avec l’épuration extrarénale continue
77
Tableau 2
Hémodialyse dite « classique » versus hémodialyse quotidienne en cas
d’insuffisance rénale aiguë [1]
Hémodialyse Hémodialyse p
intermittente quotidienne
« classique »
Durée de 3,4 ± 0,5 h 3,3 ± 0,4 h
l’hémodialyse (h) 3 fois par Tous les jours
semaine
Volume 3486 ± 262 ml 1214 ± 464 ml < 0,001
d’ultrafiltration
par séance (ml)
Épisode 25 ± 5 % 5±2% < 0,001
d’hypotension
lors de
l’hémodialyse
Mortalité 46 % 28 % 0,01
ont été évaluées à 3 h par jour en moyenne [6], rendant la frontière entre les
EER continues et la dialyse lente quotidienne assez floue.
Les principales études cliniques décrivant l’expérience des différentes équipes
avec la dialyse lente quotidienne sont résumées dans le tableau 3. La majo-
rité des équipes utilise une machine de dialyse classique ou une machine de
dialyse à domicile, parfois légèrement modifiée pour permettre un faible débit
de dialysat (100 ml/min). Certaines équipes utilisent pendant la nuit les machi-
nes d’hémodialyse utilisées le jour pour l’épuration des dialysés chroniques.
L’épuration lente justifie souvent l’emploi de membranes de faible surface (1,0 à
1,3 m2 étant donné l’absence de nécessité de clairances instantanées élevées).
Bien qu’il s’agisse d’études avec de faibles effectifs, l’ensemble de ces études
retrouve une bonne tolérance hémodynamique, sans différence significative
par rapport aux méthodes continues.
Clark et al. [12] ont réalisé un travail de modélisation des clairances selon le
poids moléculaire et le type de traitement appliqué, avec une conversion en
un équivalent de clairance rénale (le principe de base étant que le rein humain
fonctionne 24 h sur 24). Le tableau 4 résume les différentes clairances selon le
type de dialyse, avec une membrane en triacétate de cellulose de 1,9 m2.
78
Tableau 3
Principales études cliniques sur la dialyse lente quotidienne
79
slow low efficiency dialysis ; UF : ultrafiltration.
Tableau 4 Clairances en équivalent de clairance rénale (ml/min sur 7 jours) selon le type d’hémodialyse (membrane en triacétate de cellulose de 1,9 m2)
Substance (poids Da)
80
Caractéristiques
de la dialyse Urée Créatinine Vancomycine Inuline ß2-microglobuline
(60 Da) (113 Da) (1448 Da) (5200 Da) (11,8 kDa)
T=4h
F = 3/sem
13,4 10,8 6,6 3,7 4,8
DS = 350
DD = 600
T = 100 min
F = 7/sem
13,9 11,1 7,0 3,9 4,8
DS = 250
DD = 600
T=8h
F = 3/sem
12,8 11,7 8,7 5,7 6,1
DS = 300
DD = 100
T=8h
F = 5/sem
21,2 19,4 14,6 9,5 8,3
DS = 300
DD = 100
T=8h
F = 7/sem
29,7 27,5 20,6 13,4 10,5
DS = 300
DD = 100
DD : débit de dialysat en ml/min ; DS : débit sanguin en ml/min ; F : fréquence des dialyses par semaine ; T : durée de dialyse.
Ce tableau permet d’observer des clairances tout à fait significatives en dialyse
lente quotidienne, pour la majorité des molécules pouvant diffuser à travers
les membranes de dialyse (la majorité des antibiotiques par exemple). Cette
technique s’accompagne de pertes importantes en phosphore en l’absence de
supplémentation adéquate. L’épuration des oligoéléments et des vitamines
hydrosolubles, bien que très probable, est peu étudiée.
L’emploi d’une technique essentiellement diffusive (dialyse) explique une plus
faible clairance des molécules plus larges comme la ß2-microglobuline, par
comparaison avec l’hémofiltration continue [11]. Les objectifs de clairance
pour ces molécules ne sont cependant pas documentés en insuffisance rénale
aiguë.
Conclusion
La dialyse lente quotidienne est de plus en plus utilisée dans les services de
réanimation, tout en ayant des frontières assez floues avec la dialyse inter-
mittente classique et l’EER continue. Ses modalités d’utilisation varient donc
considérablement selon les services et les impératifs logistiques locaux. Cette
souplesse (variabilité) d’utilisation est probablement à l’origine de la popula-
rité de la technique.
Références
1 Schiffl H, Lang SM, Fischer R. Daily hemodialysis and the outcome of acute renal failure.
N Engl J Med 2002 ; 346 : 305-10.
2 Culleton BF, Walsh M, Klarenbach SW, Mortis G, Scott-Douglas N, Quinn RR, et al.
Effect of frequent nocturnal hemodialysis vs conventional hemodialysis on left ventricular
mass and quality of life : a randomized controlled trial. JAMA 2007 ; 298 : 1291-9.
3 Vinsonneau C, Camus C, Combes A, Costa de Beauregard MA, Klouche K, Boulain T, et
al. Hemodiafe Study Group. Continuous venovenous haemodiafiltration versus intermittent
haemodialysis for acute renal failure in patients with multiple-organ dysfunction syndrome :
a multicentre randomised trial. Lancet 2006 ; 368 : 379-85.
4 Uehlinger DE, Jakob SM, Ferrari P, Eichelberger M, Huynh-Do U, Marti HP, et al.
Comparison of continuous and intermittent renal replacement therapy for acute renal failure.
Nephrol Dial Transplant 2005 ; 20 : 1630-7.
5 Mehta RL, McDonald B, Gabbai FB, Pahl M, Pascual MT, Farkas A, et al. Collaborative
Group for Treatment of ARF in the ICU. A randomized clinical trial of continuous versus
intermittent dialysis for acute renal failure. Kidney Int 2001 ; 60 : 1154-63.
6 Uchino S, Fealy N, Baldwin I, Morimatsu H, Bellomo R. Continuous is not continuous :
the incidence and impact of circuit “down-time” on uraemic control during continuous veno-
venous haemofiltration. Intensive Care Med 2003 ; 29 : 575-8.
81
7 Naka T, Baldwin I, Bellomo R, Fealy N, Wan L. Prolonged daily intermittent renal repla-
cement therapy in ICU patients by ICU nurses and ICU physicians. Int J Artif Organs 2004 ;
27 : 380-7.
8 Lonnemann G, Floege J, Kliem V, Brunkhorst R, Koch KM. Extended daily veno-venous
high-flux haemodialysis in patients with acute renal failure and multiple organ dysfunction
syndrome using a single path batch dialysis system. Nephrol Dial Transplant 200 ; 15 : 1189-
93.
9 Marshall MR, Golper TA, Shaver MJ, Alam MG, Chatoth DK. Sustained low-efficiency
dialysis for critically ill patients requiring renal replacement therapy. Kidney Int 2001 ; 60(2) :
777-85. Erratum in : Kidney Int 2001 ; 60 (4) : 1629.
10 Kumar VA, Craig M, Depner TA, Yeun JY. Extended daily dialysis : A new approach to
renal replacement for acute renal failure in the intensive care unit. Am J Kidney Dis 2000 ;
36 : 294-300.
11 Kielstein JT, Kretschmer U, Ernst T, Hafer C, Bahr MJ, Haller H, et al. Efficacy and car-
diovascular tolerability of extended dialysis in critically ill patients : a randomized controlled
study. Am J Kidney Dis 2004 ; 43 : 342-9.
12 Clark WR, Leypoldt JK, Henderson LW, Mueller BA, Scott MK, Vonesh EF. Quantifying
the effect of changes in the hemodialysis prescription on effective solute removal with a
mathematical model. J Am Soc Nephrol 1999 ; 10 : 601-9.
82
Hémofiltration à haut volume
83
peut parler de haut débit. Cependant, la plupart des études expérimentales et
cliniques rapportant des effets « bénéfiques » dans les chocs inflammatoires
ont été réalisées avec des débits de filtration très élevés (souvent supérieurs
à 100 ml.kg–1.h–1).
Intérêts potentiels
Choc infectieux
Avec des débits de filtration faibles (≤ 35 ml.kg–1.h–1), les études cliniques
n’ont pas mis en évidence d’effet bénéfique [2], en dehors du contexte de sup-
pléance rénale.
À partir de 1992, les travaux expérimentaux ont permis de démontrer une
amélioration hémodynamique proportionnelle au débit de filtration, avec des
débits de filtration > 100 ml.kg–1.h–1 [3]. Ces effets ont été observés même
avec des membranes en polysulfones ayant peu de capacité d’adsorption.
Dans une première étude pilote humaine, 20 patients en choc septique, ayant
un débit cardiaque bas malgré une optimisation hémodynamique, ont été trai-
tés par HFHV (8,7 l/h pendant 4 h, sans ajustement sur le poids) [4]. Cette
étude descriptive a mis en évidence un groupe de répondeurs (11 patients)
et un groupe de non-répondeurs (9 patients). Chez les répondeurs, en 4 h, la
pression artérielle augmentait de 47 ± 5 à 71 ± 6 mmHg, avec une augmen-
tation parallèle de l’index cardiaque (de 1,9 ± 0,5 à 4,7 ± 0,2 l.min–1.m–2) et
une réduction des doses de catécholamines (dose d’adrénaline divisée par
2,5 en moyenne). Les répondeurs se différenciaient des non-répondeurs par
une dose de filtration plus importante (dose médiane : 133 ml/kg/h versus
108 ml/kg/h, p < 0,03) et un délai plus court entre le début du choc et le trai-
tement par hémofiltration (6,5 versus 13,8 h).
Chez 10 patients traités pour choc septique, une étude prospective randomisée
avec cross-over (hémofiltration à 6 l/h versus 1 l/h pendant 8 h) a confirmé les
effets de l’HFHV sur l’amélioration hémodynamique (réduction médiane des
doses d’adrénaline de 68 % versus 7 %, p = 0,02) [5].
L’ensemble des études cliniques et expérimentales semble donc démontrer un
bénéfice hémodynamique de l’hémofiltration, possiblement lié à l’épuration
d’un ou, plus probablement, de plusieurs « médiateurs », avec un effet dose-
dépendant (pas d’effet des faibles débits).
Cependant, de nombreuses questions restent encore non résolues. Il existe
effectivement des patients « répondeurs » et des patients « non répondeurs »,
et nous ne disposons pas encore d’éléments cliniques précis pour détecter
84
précisément les répondeurs avant d’entreprendre ce traitement. La dose et la
durée du traitement ne sont pas encore bien définies. On ne connaît pas la
meilleure membrane à utiliser : le seuil de tamisage (cut-off) optimal n’est pas
connu, les capacités d’adsorption sont difficiles à mesurer et ne semblent pas
indispensables. De plus, nous ne disposons pas encore d’étude démontrant
un effet sur la survie, la durée de séjour en réanimation ou l’évolution des
défaillances d’organe.
Arrêt cardiaque
Les données expérimentales ainsi que l’observation de perturbations équi-
valentes à un choc septique chez les patients admis après un arrêt cardiaque
extrahospitalier ont conduit à la réalisation d’une étude randomisée explo-
rant l’intérêt d’une hémofiltration à haut débit dans cette pathologie [6]. Les
patients admis après un arrêt cardiaque extrahospitalier (61 patients) ont ainsi
été traités soit par une seule séance d’HFHV (200 ml.kg–1.h–1 pendant 8 h), soit
par des soins standards. On note alors une réduction significative des décès
par choc réfractaire dans le groupe traité par hémofiltration (risque relatif de
décès par choc réfractaire : 0,21 avec intervalle de confiance à 95 % : 0,05
à 0,85), avec un bénéfice significatif sur la courbe de survie sans séquelles
neurologiques à 6 mois. Dans cette étude, pour minimiser la charge en soins
infirmiers et le coût de la procédure, le liquide de substitution utilisé pour
l’hémofiltration était produit « on-line ».
Le bénéfice hémodynamique de l’hémofiltration dans les états de choc sévère
est clairement illustré par cette étude. Cependant, il faut souligner que cette
étude a été réalisée avant la publication des études démontrant l’intérêt d’une
hypothermie thérapeutique après un arrêt cardiaque. La réalisation d’une nou-
velle étude randomisée utilisant l’hypothermie thérapeutique dans le groupe
témoin et le groupe traité par hémofiltration est donc indispensable avant qu’on
ne puisse définitivement conclure sur l’intérêt de l’hémofiltration dans ce type
de pathologie. On peut néanmoins souligner que l’hémofiltration à haut débit
avec un liquide de substitution froid a permis de combiner l’induction rapide
de l’hypothermie thérapeutique et la stabilité hémodynamique.
Chirurgie cardiaque
En chirurgie cardiaque, l’emploi d’une circulation extracorporelle induit une
réponse inflammatoire généralisée avec activation des leucocytes, des pla-
quettes et de la coagulation. Cette réaction induit des dysfonctions tissulaires
(myocardiques, rénales, digestives, pulmonaires, neurologiques) qui sont
85
généralement infracliniques. Cependant, cette réaction peut aboutir à des
complications cliniques sévères chez les patients développant une réponse
inflammatoire excessive (≤ 2 % des cas chez l’adulte), ou chez ceux qui ont
une réserve fonctionnelle limitée en préopératoire (âge très élevé, insuffisance
rénale, insuffisance cardiaque, etc.).
Les enfants, du fait de leur plus faible poids par rapport à la surface du cir-
cuit extracorporel, sont beaucoup plus exposés à une réaction inflammatoire
excessive en postopératoire. Avec une hémofiltration peropératoire à haut
volume (équivalent à 11,3 l/h pour une surface corporelle de 1,73 m2), isovo-
lémique (à balance hydrosodée nulle), Journois et al. [7] ont mis en évidence
une réduction de 45 % des saignements périopératoires, une réduction de
43 % du gradient alvéoloartériel en oxygène et une diminution de la durée de
ventilation mécanique postopératoire (médiane de 10,8 h versus 28,2 h).
Chez l’adulte, on ne dispose d’aucune étude randomisée sur les effets d’une
HFHV en périopératoire. L’hémofiltration peropératoire à faible débit, ayant
pour but une négativation de la balance hydrosodée, a fait l’objet de nom-
breuses publications non contrôlées de qualité médiocre, avec des objectifs
cliniques discutables. Dans une étude randomisée récente [8], une hémofil-
tration de 27 ml/kg en peropératoire a été associée à une faible réduction de
la durée de ventilation mécanique postopératoire (médianes : 352 min versus
518 min), sans autre bénéfice clinique notable (durée de séjour, morbidité,
mortalité). Les données cliniques sont donc clairement insuffisantes pour
recommander cette thérapeutique.
L’intérêt potentiel de l’HFHV ne doit pas occulter ses éventuels effets secondai-
res, qui restent encore peu étudiés.
Sur le plan nutritionnel, l’hémofiltration est associée à une perte de glucose,
d’oligoéléments, de vitamines hydrosolubles et d’acides aminés, de manière
proportionnelle au débit d’ultrafiltration [9–11]. Or, les solutés de substitution ne
contiennent pas de quantités significatives de ces éléments (sauf parfois du glu-
cose). Avec les techniques actuelles, une HFHV prolongée pourrait donc aboutir
à d’importantes pertes nutritionnelles et être une source de carences, avec des
effets secondaires sur l’état général et l’état hémodynamique (baisse des perfor-
mances myocardiques par carence en sélénium ou hypophosphorémie profonde
par exemple). Jusqu’à présent, dans les études disponibles, la durée de l’HFHV
de seulement quelques heures a probablement limité l’intensité de ces pertes
86
ainsi que les effets secondaires. Cependant, pour une utilisation prolongée, ces
carences devraient être étudiées avec une plus grande attention.
L’activation et la consommation de facteurs de coagulation au niveau de la
membrane d’hémofiltration peuvent également constituer un effet indésirable,
étant donné les liens entre l’activation de la coagulation et l’inflammation.
Jusqu’à présent, la pensée communément admise était que l’injection avant la
membrane du soluté de substitution, par un effet de dilution du plasma (prédi-
lution), diminuait les phénomènes de coagulation au niveau de la membrane.
Une étude récente remet cependant totalement en cause cette vision simpliste
et démontre une activation plus importante de la coagulation au niveau de la
membrane en hémofiltration à haut débit (en prédilution) par rapport à l’hémo-
dialyse [12] (voir chapitre « Anticoagulation en épuration extrarénale » pour
plus de détail). Une anticoagulation est donc nécessaire et les modalités d’une
anticoagulation optimale en HFHV restent à définir.
Cette technique nécessite des débits sanguins extracorporels très élevés pour
permettre une épuration significative des molécules de taille moyenne. Cela
implique d’utiliser un cathéter à double lumière de très gros calibre (14,5 F)
ou deux cathéters monolumières de 8 F, placés judicieusement dans des vei-
nes à gros débit. Les deux solutions s’accompagnent de risques infectieux
et traumatiques inhérents à l’utilisation de gros cathéters. L’HFHV nécessite
idéalement une production en ligne (« on-line ») des solutés de substitutions
injectés, afin d’éviter la manipulation de très grandes quantités de liquide.
Cependant, la production en ligne nécessite un entretien rigoureux pour éviter
toute contamination endotoxinique ou bactérienne, encadré par des contrô-
les de qualité stricts. En l’absence d’une production en ligne, les volumes de
soluté de substitution nécessaires imposent une logistique lourde.
Enfin, l’équilibre final après une épuration non sélective des médiateurs pro-
mais également anti-inflammatoires est difficile à prédire.
Conclusion
87
assez irréaliste compte tenu de l’absence de perméabilité (in vivo) de la majo-
rité des membranes d’EER aux molécules de plus de 15 kDa (en dehors des
membranes dites superperméables ; voir chapitre « Choix d’une membranes
de dialyse »). Il faut donc se garder de tout enthousiasme prématuré dans
l’emploi de cette technique.
Références
88
Utilisation des médicaments
en hémodialyse intermittente
et en hémo(dia)filtration
continue
Un médicament est une molécule naturelle ou synthétique active qui agit avec
une cible par l’intermédiaire d’un récepteur. La fixation de la forme libre du
médicament au récepteur est à l’origine de l’effet thérapeutique. La pharmaco-
dynamie est l’étude des mécanismes permettant d’expliquer l’action, l’intensité
d’action et la dynamique de l’action de la substance.
En amont de cette pharmacodynamie, c’est surtout la pharmacocinétique
des médicaments qui est perturbée par la présence d’une insuffisance
rénale : modification des mécanismes d’absorption, de sa répartition dans
l’organisme (distribution, liaison aux protéines), de son métabolisme et de
son excrétion (clairance). C’est cette dernière étape pharmacocinétique qui
est influencée par la technique d’EER éventuellement appliquée au patient
[3].
Absorption et biodisponibilité
Absorption et biodisponibilité ne sont pas modifiées en cas d’administration
par voie intraveineuse. L’insuffisance rénale peut être à l’origine d’une diminu-
89
tion de la vitesse d’absorption pour certains médicaments. L’EER n’a pas d’effet
spécifique sur ces étapes.
Distribution
La distribution d’un médicament dans l’organisme conditionne son accès aux
sites d’action, aux organes excréteurs (demi-vie) et aux autres tissus. Elle est
influencée par plusieurs paramètres :
• le poids du corps et sa composition : une diminution de la masse mai-
gre avec augmentation de la masse grasse engendre une augmentation du
volume de distribution des molécules lipophiles (âge, sexe féminin, etc.) ;
• la liaison aux protéines : seule la forme libre d’une molécule est active,
et seule la forme libre est accessible à une élimination par filtration. Les
médicaments très liés aux protéines sont donc peu éliminés par EER. De
nombreux facteurs influencent le pourcentage de liaison aux protéines : pH
plasmatique, hyperbilirubinémie, hypoalbuminémie, etc. Une diminution du
taux de protéines de liaison (hypoalbuminémie par exemple) augmente le
taux de forme libre active, et donc la toxicité et l’effet de la molécule (sepsis,
âge, syndrome néphrotique, etc.). La liaison aux protéines elle-même peut
être modifiée par des modifications structurales à l’origine d’une variation
de l’affinité, ou par compétition liée à l’accumulation de substances endogè-
nes (toxines urémiques, ou autres médicaments) ;
• le caractère lipophile ou hydrophile de la molécule ;
• le volume de distribution (Vd), qui correspond au volume virtuel qu’occupe-
rait la totalité du médicament s’il y était à concentration égale à la concentra-
tion plasmatique. C’est l’espace de diffusion d’une molécule (Vd = [A]/[C] ;
rapport entre la quantité totale de médicament présente dans l’organisme
[A] et la concentration plasmatique au même instant [C]). Ce volume de
distribution est un paramètre fortement modifié, le plus souvent à la hausse,
par la présence d’une insuffisance rénale, mais aussi par le contexte de la
réanimation (perméabilité capillaire, surcharge hydrosodée, présence d’un
troisième secteur, etc.).
On considère qu’une molécule a un « grand » volume de distribution lorsque
celui-ci est supérieur à 2 l/kg ; un petit volume de distribution étant inférieur
à 1 l/kg.
• En règle générale, les molécules avec grand Vd sont des molécules à forte
pénétration tissulaire, liposolubles. Une faible quantité de médicament reste
dans le secteur vasculaire, et donc une faible quantité est accessible à l’EER.
90
• A contrario, les molécules de petit Vd sont le plus souvent limitées au
volume extracellulaire, hydrosolubles et fortement liées aux protéines, plus
facilement éliminées par EER.
Métabolisme
La biotransformation des médicaments aboutit à la formation de métabolites
qui peuvent être actifs. Elle est essentiellement hépatique. Cependant, une
altération de la fonction rénale peut être à l’origine d’une diminution des réac-
tions d’hydrolyse et d’une réduction par altération du métabolisme rénal lié au
cytochrome P450.
Élimination
La clairance totale d’un médicament est la somme des clairances de chaque
site, hépatique, rénal, métabolique, ou autre. La contribution de la fonction
rénale à l’élimination d’un médicament est un facteur déterminant pour savoir
si la dose doit être ajustée ou non en cas d’insuffisance rénale.
Si la clairance rénale normale du médicament représente moins de 25 à 30 %
de sa clairance totale, une altération de la fonction rénale n’aura pas d’effet
clinique significatif sur son élimination [4]. De la même façon, l’élimination
de ce médicament par EER sera négligeable dans la clairance totale, et aucun
ajustement de dose ne sera nécessaire.
Les modifications engendrées par la présence d’une insuffisance rénale con-
cernent donc avant tout les médicaments à excrétion rénale prédominante
(aminosides, ceftazidime, céfépime, vancomycine, etc.). Cette excrétion rénale
se fait par deux mécanismes possibles : par filtration glomérulaire (influencée
par la liaison aux protéines et le poids moléculaire du médicament) et/ou par
sécrétion tubulaire (qui concerne surtout les molécules fortement liées aux
protéines et qui augmente en cas d’hyperurémie).
Mécanismes d’élimination
des médicaments
au cours de l’épuration extrarénale
L’élimination des médicaments est variable selon la technique d’EER utilisée.
Les trois mécanismes d’élimination mis en jeu au cours de l’EER sont la diffu-
sion, la convection et l’adsorption.
91
Diffusion
L’épuration réalisée par la force de diffusion liée au gradient de concentration
entre le sang et le dialysat, séparés par une membrane semi-perméable, et
circulant à contre-courant s’appelle la diffusion.
C’est le mécanisme principal d’épuration mis en jeu en hémodialyse. Les
membranes utilisées sont le plus souvent peu perméables à l’eau, et avec de
petits pores. La vitesse de diffusion d’une substance est inversement propor-
tionnelle à son poids moléculaire (PM), et donc élimine préférentiellement les
substances de petit poids moléculaire (PM < 500 Da).
Convection
La convection est l’épuration de molécules avec leur solvant. Le taux d’ultrafil-
tration conditionne la quantité épurée de molécule. C’est le mécanisme prédo-
minant d’épuration en hémofiltration continue. Selon la membrane utilisée, les
solutés de petit et moyen PM (jusque 20 à 30 000 Da) peuvent être épurés.
Adsorption
L’adsorption correspond à l’élimination de substances par fixation directe à
la membrane. C’est un phénomène variable selon les membranes utilisées,
saturable, et dépendant de la fréquence à laquelle les filtres sont renouvelés.
Pour la plupart des membranes, les propriétés adsorptives vis-à-vis des médi-
caments sont mal connues.
Médicaments et hémodialyse :
clairance, ajustement posologique
92
La sous-estimation du volume de distribution et de l’élimination par la dialyse
est à l’origine de sous-dosages. A contrario, c’est la sous-estimation d’une
dysfonction d’organe qui peut être à l’origine d’un surdosage.
Pour éviter ces écueils, il faut répondre à trois questions :
• Ce médicament est-il dialysable ?
• Quelle quantité va être éliminée par la dialyse ?
• Comment prescrire ?
93
donc pas « calculable » simplement ; elle ne peut être estimée que par des
analyses pharmacocinétiques spécifiques. Le clinicien doit donc se référer à
la bibliographie disponible et aux données du Vidal.
En pratique
Pour que la quantité de médicament éliminée par hémodialyse soit significa-
tive (et donc justifie la préoccupation du clinicien), il faut que la clairance par
hémodiafiltration représente plus de 25 % de la clairance totale du médica-
ment [7].
FHD= ClHD/(ClHD + Clnr)
• FHD > 25 % : administration du médicament après la séance de dialyse.
• FHD < 25 % : administration indifféremment avant ou après dialyse.
L’adaptation posologique d’un médicament en hémodialyse vise à compenser
sa clairance liée à la technique (ClEER).
En hémodiafiltration :
QE × CE
ClEER =
CP
QE : débit effluent ; CE : concentration dans l’effluent ; CP : concentration plas-
matique.
Les concentrations plasmatiques et dans l’effluent ne sont pas connues pour
la plupart des médicaments.
On ne peut qu’estimer la clairance diffusive des médicaments dialysables (cri-
tères ci-dessus) par la formule suivante :
ClHD= Cl urée × (60/PM)
où PM est le poids moléculaire du médicament. Parfois, la clairance en hémo-
dialyse est fournie par le laboratoire, ou la bibliographie, mais ces données
sont délicates à transposer en clinique puisque les paramètres de dialyse
(membrane, débits, etc.) sont souvent non fournis.
Comment prescrire ?
Dose charge
Dose d’entretien
Dosages
95
Lorsque le risque de surdosage est réel (aminosides, vancomycine), les dosa-
ges répétés sont justifiés jusqu’à équilibre.
Médicaments et hémo(dia)filtration
continue : clairance, ajustement
posologique
96
Quelques exemples en pratique
Tableau 2
Aminosides
Amikacine Gentamicine
Posologie normale 15 mg/kg/j 3 mg/kg/j
Volume de distribution 0,3 l/kg 0,3 l/kg
Taux de liaison aux < 10 % <3%
protéines
Poids moléculaire < 500 Da < 500 Da
Clairance rénale 80–120 ml/min 75–85 ml/min
Clairance corporelle totale 100–140 ml/min 90 120 ml/min
Demi-vie 2 h–2 h 30 2 h–2 h 30
Clairance en hémodialyse 37 ml/min 35 ml/min
97
Enfin, les dosages plasmatiques d’aminosides sont de pratique courante et
l’impact thérapeutique de ces antibiotiques en réanimation permet de justifier
leur réalisation au quotidien.
98
Tableau 3
Quelques céphalosporines
Céfotaxime Ceftriaxone Ceftazidime
Posologie 3–12 g/j 1–2 g/j 3–6 g/j
normale
Volume de 0,3 l/kg 0,13–0,16 l/kg 0,2–0,24 l/kg
distribution
Taux de liaison 25–40 % 80–96 % 5–15 %
aux protéines
Clairance 130–170 ml/min 5–13 ml/min 74–98 ml/min
rénale
Clairance 240 ml/min 10–22 ml/min 110–138 ml/min
corporelle
totale
Demi-vie 0,7–1 h 8h 1,7 h
Dialysable Oui + Non Oui +++
Adaptation 30 % dose en Dose unitaire
proposée plus après dialyse après dialyse
Tableau 4
Pénicillines
Oxacilline Pipéracilline/tazobactam
Posologie normale 3–12 g/j 12–16 g/j
Volume de 0,10 l/kg 0,2 l/kg
distribution
Taux de liaison aux > 90 % 20 %
protéines
Clairance rénale 110–160 ml/min Pipéracilline : 150–300 ml/min
Tazobactam : 100 ml/min
Clairance 220–320 ml/min Pipéracilline : 210–400 ml/min
corporelle totale Tazobactam : 200 ml/min
Demi-vie 0,5–1 h 1h
Dialysable Non Oui
Adaptation Aucune 2 g supplémentaires après dialyse
proposée
99
Conclusion
Références
1 Uchino S, Kellum JA, Bellomo R, Doig GS, Morimatsu H, Morgera S. Acute renal failure
in critically ill patients. JAMA 2005 ; 294 : 813-8.
2 Vincent JL, Sakr Y, Sprung CL, Ranieri VM, Reinhart K, Gerlach H, et al. Sepsis in
European intensive care units : results of the SOAP study. Crit Care Med 2006 ; 34 : 344-53.
3 Perazella MA, Parikh C. Code curriculum in nephrology : Pharmacology. Am J Kidney
Dis 2005 ; 46 : 1129-39.
4 Levy G. Pharmacokinetics in renal disease. Am J Med 1977 ; 62 : 461-3.
5 Lau AH, Kronfol NO. Determinants of drug removal by continuous hemofiltration. Int J
Artif Organs 1994 ; 17 : 373-8.
6 Gwilt PR, Perrier D. Plasma protein binding and distribution characteristics of drugs as
indices of their hemodialyzability. Clin Pharmacol Ther 1978 ; 24 : 154-61.
7 Reetze-Bonorden P, Bohler J, Keller E. Drug dosage in patients during continuous renal
replacement therapy. Pharmacokinetic and therapeutic considerations. Clin Pharmacokinet
1993 ; 24 : 362-79.
8 Vincent HH, Vos MC, Akçahuseyin E, Goessens WH, Van Duyl WA, Schalekamp MA.
Drug clearance by continuous haemodiafiltration. Analysis of sieving coefficients and mass
transfer coefficients of diffusion. Blood Purification 1993 ; 11 : 99-107.
9 Bugge JF. Influence of renal replacement therapy on pharmacokinetics in critically ill
patients. Best Practice & Research Clinical Anaesthesiology 2004 ; 18 : 175-87.
10 Pinder M, Bellomo R, Lipman J. Pharmacological principles of antibiotic prescription in
the critically ill. Anaesthesia and Intensive Care 2002 ; 30 : 134-44.
11 Levraut J, Orban JC. Pharmacocinétique des antibiotiques et épuration extrarénale
continue. Réanimation 2005 ; 14 : 519-27.
100
Aspects pratiques de la
nutrition artificielle au cours
de l’épuration extrarénale
La dénutrition est fréquente chez les malades ayant une insuffisance rénale
aiguë (IRA) et constitue un facteur de mauvais pronostic. Cependant, les
besoins énergétiques sont peu modifiés par l’IRA elle-même. Ils sont surtout
déterminés par la pathologie sous-jacente, en particulier un sepsis. Les acides
aminés normalement synthétisés ou transformés par le rein (cystéine, tyro-
sine, arginine, sérine) deviennent « essentiels ».
101
Quelles sont les interactions entre les
apports nutritionnels artificiels et les
techniques d’épuration extrarénale ?
Lipides
Ni le métabolisme des lipides ni l’élimination des lipides ne sont modifiés par
les techniques d’EER.
Glucides
Le glucose passe librement à travers les membranes de dialyse ou d’hémofil-
tration. Il existe donc, au cours de la dialyse ou de l’hémofiltration, des pertes
glucidiques importantes (50 à 100 g/24 h). À l’opposé, l’insuline ne franchit
pas les membranes de dialyse. En l’absence de supplémentation, il existe donc
un risque d’hypoglycémie.
En conséquence :
• la glycémie capillaire doit être surveillée fréquemment au cours des séances
de dialyse ;
• les bains de dialyse doivent être enrichis en glucose ;
• au cours de l’hémofiltration continue, les apports glucidiques doivent être
augmentés.
Apports azotés
Au cours de l’hémofiltration, il existe une perte d’environ 10 % des apports
d’azote, soit 1 à 2 g par jour. Les pertes en acides aminés varient selon l’acide
aminé considéré. Les pertes en glutamine peuvent atteindre 30 % de la perte
en acide aminé, mais aucune étude n’a montré l’intérêt d’une supplémentation
spécifique.
102
Les points essentiels
• Une IRA ne doit pas être un argument pour réduire les apports nutritionnels.
• Il existe des pertes en glucides liés à l’EER.
• Les apports azotés doivent être augmentés à 2,5 g/kg/j au cours de l’EER.
• Si les techniques sont continues, attention au down-time.
• En cas d’hémodialyse intermittente, administrer la nutrition après la séance.
Une augmentation des apports azotés de 0,5 à 2,5 g/kg/j améliore la balance
azotée de façon pratiquement linéaire. L’impact sur la survie est possible, mais
non démontré.
Au cours de l’hémodialyse intermittente, les acides aminés doivent être admi-
nistrés après la séance.
Bibliographie
103
Gestion des problèmes
au cours d’une séance
d’hémodialyse intermittente
Problèmes de tolérance
hémodynamique
104
Dose de dialyse délivrée insuffisante
Causes possibles
Prévention
La baisse de l’urée
après dialyse est inférieure à 50 %
Causes possibles
Dysfonctionnement de la voie
d’abord vasculaire
Causes possibles
Causes possibles
• Obstacle entre le capteur de pression veineuse du circuit extracorporel
(pression de retour vers le patient) et la lumière distale (veineuse) de la voie
d’abord vasculaire :
– plicature de la ligne veineuse ;
– coagulation de la lumière veineuse de la voie d’abord vasculaire ;
– orifices(s) de la voie d’abord vasculaire veineuse collé(s) contre la paroi
de la veine : mauvaise position du cathéter dans la lumière vasculaire,
inadéquation entre le calibre de la veine et le cathéter, hypovolémie.
• Hyperpression intraveineuse : syndrome cave, insuffisance cardiaque droite,
hypertension artérielle pulmonaire.
Causes possibles
Causes possibles
108
• Impossibilité de restitution du circuit sang : la coagulation en masse de la
membrane interdit la restitution du sang au patient. La perte de sang dépend
du volume du circuit extracorporel, qui est habituellement compris entre
250 et 350 ml.
Prévention : optimisation de l’anticoagulation, restitution précoce dès les
premiers signes de coagulation dans le circuit extracorporel.
Causes possibles
Références
109
3 Schortgen F. Hypotension during intermittent hemodialysis : new insights into an old
problem. Intensive Care Med 2003 ; 29 : 1645-9.
4 Schortgen F. Tolérance et efficacité des séances d’épuration extrarénale. Réanimation
2003 ; 12 : 318.
5 Schortgen F, Soubrier N, Delclaux C, Thuong M, Girou E, Brun-Buisson C, et al.
Hemodynamic tolerance of intermittent hemodialysis in critically ill patients : usefulness of
practice guidelines. Am J Respir Crit Care Med 2000 ; 162 : 197-202.
6 Monchi M, Thebert D. Anticoagulation pour l’épuration extrarénale. Réanimation 2005 ;
14 : 551-8.
7 Monchi M. Cathéters d’épuration extra-rénale aiguë. Réanimation 2003 ; 12 : 313-7.
8 Lasocki S, Ajzenberg N, Quintard H, Plantefève G, Desmonts JM, Montravers P. Heparin-
induced thrombocytopenia suspected because of repeated hemofiltration filter clotting.
Intensive Care Med 2007 ; 33 : 1305-7. Epub 2007 May 5.
9 Karaaslan H, Peyronnet P, Benevent D, Lagarde C, Rince M, Leroux-Robert C. Risk
of heparin lock-related bleeding when using indwelling venous catheter in haemodialysis.
Nephrol Dial Transplant 2001 ; 16 : 2072-4.
10 Circulaire DGS/DH/AFSSAPS n° 2000-337 du 20 juin 2000 relative à la diffusion d’un
guide pour la production d’eau pour l’hémodialyse des patients insuffisants rénaux.
110
Problèmes pratiques
en hémofiltration
Coagulation du circuit
L’objectif de base est d’obtenir un circuit dont la durée de vie minimale est de
24 h. La coagulation précoce (et/ou récidivante) du circuit est le problème le
plus fréquemment rencontré au cours de l’hémofiltration continue.
• La première chose à vérifier est la bonne fonctionnalité du cathéter. Nombre
des problèmes de coagulation sont en fait liés à des dysfonctionnements du
cathéter : plicature, thrombose d’une des voies, cathéter trop court ou de calibre
insuffisant. Rappelons que, posé par voie fémorale, le cathéter doit être placé
dans la veine cave inférieure ; posé par voie jugulaire, le cathéter doit être placé
dans la partie basse de la veine cave supérieure, voire dans l’oreillette droite.
Dans cette situation, la coagulation du circuit est précédée d’une élévation des
pressions sur le capteur veineux. L’inversion des voies n’est le plus souvent
pas recommandée. Elle ne modifie pas les objectifs de perte de poids, mais elle
réduit l’efficacité de l’épuration en augmentant la recirculation.
• Le débit sanguin doit être suffisant pour permettre l’ultrafiltration (UF) choi-
sie en respectant le rapport : débit d’UF/débit sanguin (1-Ht) < 30 %.
• En cas de problème lié au protocole d’anticoagulation, il faut revoir le pro-
tocole d’anticoagulation et les paramètres de surveillance biologique qui s’y
rattachent. Si le risque hémorragique ne permet pas d’augmenter la dose
d’anticoagulant, l’utilisation de la prédilution (un tiers de la restitution) peut
être proposée. Les rinçages au soluté salé isotonique n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité. L’utilisation de prostacycline est délicate chez les malades
de réanimation. L’utilisation de l’anticoagulation au citrate est une méthode
prometteuse. L’administration d’antithrombine III chez les malades septi-
111
ques augmente la durée de vie du filtre, mais son utilisation est coûteuse et
son bénéfice clinique n’est pas démontré.
• En cas de coagulations répétées et rapides de l’hémofiltre, il faut rechercher
un trouble de la coagulation. La survenue d’une thrombopénie à l’héparine
peut être responsable de coagulation des hémofiltres.
Trois capteurs de pressions sont au minimum présents sur les circuits d’hé-
mofiltration : pression d’accès, pression postfiltre, pression de retour veineux
(tableau 1).
• Une élévation de la pression de retour traduit un dysfonctionnement du
cathéter (voie de retour). Cette élévation s’accompagne d’une élévation
parallèle de la pression du filtre.
• Une élévation de la pression du filtre traduit une thrombose du filtre ou des
problèmes rhéologiques dans le filtre. Dans ce cas, il faut vérifier le rapport
UF/débit sanguin (voir supra).
• L’alarme sur la pression d’accès est le plus souvent une pression trop néga-
tive. Cela traduit un problème sur l’accès veineux : thrombose de la voie
veineuse d’accès, plicature du cathéter ou cathéter plaqué contre une paroi
veineuse, notamment en cas d’hypovolémie.
Cela se traduit par des chiffres d’urée et de créatinine plasmatique qui restent
élevés (urée > 25 mmol/l).
Il peut alors s’agir d’une prescription d’un débit d’UF trop faible (la dose d’épu-
ration extrarénale n’est pas suffisante). Il faut vérifier qu’il soit au moins de
35 ml/kg/h. En cas de réglage en prédilution, l’UF doit être augmentée pour
compenser la réduction du transfert de masse induit.
Les périodes trop prolongées d’interruption de la méthode (down-time) s’ac-
compagnent d’une réduction de l’efficacité de la méthode.
L’utilisation prolongée d’un hémofiltre, 72 h ou plus, peut s’accompagner d’un
encrassement de celui-ci qui peut réduire la qualité des échanges. Étant donné
la petite taille des molécules comme l’urée et la créatinine, leur passage est
peu altéré tant que le filtre reste perméable à l’eau.
Enfin, chez le malade très hypercatabolique, on peut soit augmenter le débit
d’UF, soit prescrire une diafiltration additionnelle (hémodiafiltration).
112
Tableau 1
Variation de pression au cours de hémofiltration
Pression de retour Dysfonction du cathéter
augmente
Pression de filtre augmente Mauvais ratio UF/Qs
Coagulation du filtre
Pression d’accès diminue Dysfonction du cathéter
114
Qualité de l’eau et entretien
des générateurs de la
dialyse dans les services de
réanimation
Circuit de l’eau
115
Prétraitement
Filtration
Adoucissement de l’eau
Le filtre à charbon actif élimine les matières organiques dissoutes ainsi que le
chlore et les chloramines. L’élimination du chlore est extrêmement importante,
car il est toxique pour l’homme.
116
et en continu par la mesure du débit de l’eau et de la résistivité différentielle à
l’entrée et à la sortie de l’osmoseur.
Pour la filtration terminale, des filtres de 0,2 voire 0,1 µm sont installés entre
l’osmoseur et le générateur pour optimiser cette eau pure.
La membrane semi-perméable du dialyseur constitue une protection ultime
antibactérienne.
Autres mesures
Pour ce qui est des circuits d’eau, le branchement au réseau d’eau peut se faire
de différentes manières selon l’existence ou non d’installations spécifiques :
• le raccordement est fait directement sur le circuit d’eau général et, dans
ce cas, l’utilisation d’osmoseur mobile est indispensable. L’interposition
d’adoucisseur également mobile permet de diminuer la dureté de l’eau ;
• le service bénéficie d’une boucle spécifique destinée à la dialyse. Dans ce
cas, un système de prétraitement de l’eau en début de boucle est mis en
place, comportant un adoucisseur, une préfiltration, une filtration au char-
bon, un osmoseur et une filtration terminale. Les boucles en PVC sont peu
coûteuses, mais comportent un risque de constitution de biofilm en cas de
contamination du réseau. L’utilisation de boucles en inox ou en PEX (un peu
moins coûteux) dans les centres d’hémodialyse chronique évite la consti-
tution de ce biofilm et permet l’adjonction de procédures supplémentaires
de stérilisation du réseau (en particulier à la chaleur). Le coût de ce type de
boucle en limite la mise en place pour les services de réanimation. Dans
tous les cas, lors de la conception des boucles, il faut limiter la longueur de
celles-ci, éviter les bras morts et éviter que l’eau ne stagne à l’intérieur ;
• certains systèmes permettent de produire une eau « ultra-pure ».
Les canalisations d’évacuation de tous les circuits (traitement de l’eau, généra-
teur de dialyse) doivent avoir une section et une pente d’écoulement suffisantes
(au moins 1 %) ainsi qu’une rupture de charge pour éviter tout engorgement et
pour prévenir toute possibilité de flux rétrograde.
Exigences microbiologiques
Ces exigences reposent sur la Pharmacopée européenne, monographie
n° 1167, intitulée « Eau pour dilution des solutions concentrées pour hémo-
117
dialyse ». Elle recommande une contamination microbienne inférieure à
100 UFC/ml et une concentration en endotoxines inférieure à 0,25 UI/ml. En
pratique, les techniques actuelles de production d’eau pour hémodialyse per-
mettent d’atteindre une qualité microbiologique supérieure à celle préconisée
par la Pharmacopée européenne.
118
Figure 1. Circuit de l’eau en dialyse.
119
Tableau 1
Sources de contamination des générateurs et facteurs favorisants
de deux fois par an semble indispensable pour mettre en évidence des fluctua-
tions de la qualité de l’eau produite.
Une surveillance spécifique du chlore et du calcium est réalisée.
• Le contrôle du calcium permet de tester la dureté de l’eau. Celui-ci est réa-
lisé une fois par semaine par kit spécifique avec un dosage du calcium une
fois par mois.
• Le chlore est l’un des produits utilisés pour la désinfection de l’eau potable
(sous forme de chlore gazeux ou d’hypochlorite de sodium). Il permet en outre
d’éliminer l’ammoniaque et les matières organiques en excès dans l’eau des-
120
Tableau 2
Caractéristiques physicochimiques de l’eau selon la Pharmacopée européenne
Eau Limite Effets secondaires
recommandée
Caractères Limpide, incolore,
insipide
Chlore total disponible < 0,1 mg/l Dérivés du chlore
(hypochlorite) ou
Chlorures < 50 mg/l
(chloramines) :
anémie hémolytique ;
méthémoglobinémie
Fluorure < 0,2 mg/l
Nitrates < 10 mg/l Méthémoglobinémie
Aluminium < 0,01 mg/l Anémie hémolytique,
nausées, vomissements
fièvre
Calcium < 2 mg/l Syndrome de « l’eau
dure »
Magnésium < 2 mg/l
Nausées, vomissements,
flush, myalgie
Mercure < 0,001 mg/l
Métaux lourds < 0,1 mg/l
Potassium < 2 mg/l Troubles neuromusculaires
(51,2 mmol/l) et cardiaques
Sodium < 50 mg/l Soif, hypertension
artérielle, œdème aigu du
poumon
Zinc 0,1 ml/l
Conclusion
La qualité de l’eau pour la dialyse doit être une préoccupation de chaque ins-
tant pour les services de réanimation. Il est cependant bien difficile d’élaborer
des recommandations car peu d’études ou de référentiels ont été publiés à
ce sujet. Il faut donc se reporter aux recommandations faites pour les cen-
tres d’hémodialyse chronique et les adapter à nos services après un travail
multidisciplinaire (réanimateurs, pharmaciens, néphrologues, médecins des
services d’hygiène et services techniques).
122
Bibliographie
123