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R. CIAVOLELLA, Un nouveau prince au-delà des antinomies : lectures de Gramsci dans les mouvements sociaux contemporains
UN NOUVEAU PRINCE
AU-DELÀ DES ANTINOMIES :
LECTURES DE GRAMSCI
DANS LES MOUVEMENTS
SOCIAUX CONTEMPORAINS
Par Riccardo CIAVOLELLA
1. Caruso Loris, « Gramsci e la politica contemporanea. Azione collettiva, fasi di transizione e crisi della modernità nei ‘Quaderni del
carcere’ », Filosofia politica, n° 26, 2012/2, pp. 247-266 ; Durand Cédric et Keucheyan Razmig, « Un césarisme bureaucratique », in
Durand Cédric (dir.), En finir avec l’Europe, Paris, la Fabrique, 2013, pp. 89-114.
2. Badiou Alain, Le Réveil de l’histoire. Circonstances 6, Paris, Éditions Lignes, 2011.
3. Wilson Japhy et Swyngedouw Erik, The Post-Political and its Discontents, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2014.
4. Cox Laurence et Nilsen Alf G., We Make Our Own History. Marxism and Social Movements in the Twilight of Neoliberalism, Pluto
Press, Londres, 2014.
5. Dean Jodi, « Occupy Wall Street : after the anarchist moment », Socialist Register, vol. 49, n° 49, 2012, pp. 52-62.
6. Hardt Micheal et Negri Antonio, Declaration, New York, M. Jackson, 2012.
ANTONIO GRAMSCI
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7. Bey Hakim, The Temporary Autonomous Zone. Ontological Anarchy, Poetic Terrorism, New York, Autonomedia, 1985 ; Graeber
David, The Democracy Project : A History, a Crisis, a Movement, New York, Random House, 2013.
8. Rehmann Jan, « Occupy Wall Street and the Question of Hegemony : A Gramscian Analysis », Socialism and Democracy, vol. 27,
n° 1, 2013, pp. 1-18, ici p. 1.
9. Graeber David, Fragments of an Anarchist Anthropology, Chicago, Prickly Paradigm, 2004, p. 4.
10. Scott James C., Weapons of the Weak : Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985 ;
Domination and the Arts of Resistance : Hidden Transcripts, New Haven, Yale University Press, 1990.
PRÉSENTATION DOSSIER INTERVENTIONS EN DÉBAT LIVRES
qui l’on conduit à tirer des conclusions générales quant à la capacité des
sujets sociaux dominés à contourner l’hégémonie idéologique et cultu-
relle du pouvoir. En dépit de ses origines « exotiques », ses travaux sont
rentrés, selon le New York Times11, dans la liste des ouvrages les plus lus
au sein des mouvements « occidentaux » d’OWS et des Indignés12. Dans
une perspective qui s’est progressivement affirmée comme « anarchiste13 »,
Scott a formulé l’idée que la liberté des sujets ne peut s’exprimer que dans
les tactiques « infrapolitiques » que les subalternes mettent en œuvre pour
contourner le pouvoir, ainsi que dans leur expression d’une conscience
irréductible au pouvoir manifestée dans leurs « discours cachés ». Pour
formuler cette idée, qui se résume à la notion de « résistance », Scott utilise
à maintes reprises Gramsci et sa théorie pour s’en démarquer. Il reproche
notamment à la théorie de l’hégémonie de nier toute autonomie de
conscience politique à des subalternes qui seraient donc toujours victimes
de l’idéologie dominante14.
Une position similaire à celle de Scott, quoique nuancée dans son rap-
port critique à Gramsci, peut-être retrouvée dans les Subaltern Studies et
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11. Schuessler Jennifer, « Professor Who Learns From Peasants », The New York Times, 5 décembre 2012, p. c1.
12. Pour une critique, voir Ciavolella Riccardo, « L’espace (et le temps) de l’alternative sauvage. À propos de Zomia, ou l’art de ne
pas être gouvernés, de James C. Scott », Contretemps, 2013, http://www.contretemps.eu/lectures/propos-zomia-lart-ne-pas-être-
gouverné-james-c-scott.
13. Scott James C., Two Cheers for Anarchism : Six Easy Pieces on Autonomy, Dignity, and Meaningful Work and Play, Princeton,
Princeton University Press, 2012.
14. Pour une critique de la lecture de Gramsci par Scott à l’intérieur du débat anthropologique sur la « résistance », voir Gledhill John
et Schell Patience, New Approaches to Resistance in Brazil and Mexico, Durham, Duke University Press, 2012 et Roseberry Wil-
liam, « Hegemony and the Language of Contention », in Joseph Gilbert et Nugent Daniel (eds.), Everyday forms of State formation :
Revolution and the negotiation of rule in modern Mexico, Durham, Duke University Press, 1994, pp. 355-366.
15. Guha Ranajit, Elementary Aspects of Peasant Insurgency in Colonial India, Delhi, Oxford University Press, 1983. La Préface de
l’édition de 1999 (Durham, Duke University Press) est signée par Scott et montre bien la convergence entre la position de cet auteur
et celle de Guha.
16. Gramsci Antonio, Q 3, § 48, pp. 323-324.
17. Guha Ranajit, Dominance without Hegemony : History and Power in Colonial India, Cambridge, Harvard University Press, 1997.
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23. Voir à ce propos Critchley Simon, Infinitely Demanding : Ethics Of Commitment, Politics Of Resistance, Londres, Verso, 2007.
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sur le plan des valeurs et des idées, mais aussi dans son articulation avec
la transformation actuelle du capitalisme et les révolutions passives de ce
bloc social au pouvoir représenté par le capitalisme financier et par des
institutions déconnectées de toute représentation des masses. En même
temps, Gramsci permet d’insister sur le caractère historique et instable
de l’hégémonie comme champ de bataille culturelle et sur l’idée que le
sens commun est un ensemble de valeurs et de conceptions du monde
qui peut être contesté par l’émergence d’un bon sens qu’il revient aux
révolutionnaires de transformer en un nouveau sens commun alterna-
tif. Dans son article intitulé « Occupy Wall Street and the Question of
Hegemony : A Gramscian Analysis »24, Jan Rehmann s’inscrit dans cette
perspective en interprétant le mouvement d’OWS comme la tentative
de susciter un bon sens anticapitaliste à l’intérieur de l’hégémonie discur-
sive du néolibéralisme qui, à travers ses autojustifications, s’est fait sens
commun. Le discours du mouvement aurait ainsi ouvert une brèche dans
la saturation du champ d’imagination des possibles par le discours domi-
nant. Le philosophe allemand a le mérite de dépasser l’interprétation
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24. Rehmann Jan, « Occupy Wall Street and the Question of Hegemony », art. cité, p. 7.
25. Rehmann Jan, Theories of Ideology : The Powers of Alienation and Subjection, Leiden, Brill, 2013.
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26. Cox Robert, « Il pensiero di Gramsci e la questione della società civile alla fine del XX secolo », in Vacca Giuseppe (a cura di),
Gramsci e il Novecento, Roma, Carocci, 1997, pp. 233-263.
27. Ferguson James, « The transnational topographies of power : Beyond the ‘state’ and civil society », Global Shadows. Africa in the
Neoliberal World Order, Durham, Duke University Press, 2006, pp. 89-112.
28. Il s’agit de la célèbre distinction que Gramsci opère pour comprendre les possibilités de la lutte révolutionnaire en Occident en les
comparant aux conditions historiques de la révolution d’Octobre en Orient. Ici, l’état « primordial et gélatineux » de la société civile
aurait rendu possible une révolution léniniste, par la prise du pouvoir dans la société politique, puisque « l’État était tout ». En Occi-
dent, au contraire, Gramsci était confronté à une situation où l’hégémonie soudait société politique et société civile dans un rapport
hégémonique, une configuration dans laquelle « l’État n’était qu’une tranchée avancée » d’une « chaîne robuste de forteresses et
casemates » dans la société civile, ce qui rendait impensable la révolution comme prise du pouvoir immédiate, demandant plutôt une
guerre de position culturelle à jouer d’abord sur le terrain de la société civile (Q 7, § 6, p. 866).
29. Vanden Harry, « Social Movements, Hegemony, and New Forms Of Resistance », Latin American Perspectives, vol. 34, n° 2,
2007, pp. 17-30.
30. Bruhn Kathleen, « Antonio Gramsci and the Palabra Verdadera : The political discourse of Mexico’s guerrilla forces », Journal
of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 41, n° 2, 1999, pp. 29-55 ; Henck Nick, « ‘Subcommander Marcos’ Discourse on
Mexico’s Intellectual Class », Asian Journal of Latin American Studies, vol. 25, n° 1, 2012, pp. 35-73. Ces deux auteurs donnent une
lecture similaire de la rébellion zapatiste en termes gramsciens, mais se distinguent au sujet de l’influence directe de Gramsci sur
Marcos. Voir à ce propos Henck Nick, « The Subcommander and the Sardinian : Marcos and Gramsci », Mexican Studies/Estudios
Mexicanos, vol. 29, n° 2, 2013, pp. 428-458.
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31. Holloway John, Change the World Without Taking Power, Londres, Pluto, 2002.
32. Laclau Ernesto et Mouffe Chantal, Hegemony and Socialist Strategy. Towards a Radical Democratic Politics, Londres, Verso, 1985.
33. Green Marcus, « Rethinking the Subaltern and the Question of Censorship in Gramsci's Prison Notebooks », Postcolonial Studies,
vol. 14, n° 4, 2011, pp. 397-404. Pour une vision critique des lectures post-marxistes, voir Liguori Guido, « Tre accezioni di ‘subalterno’
in Gramsci », Critica marxista, n° 6, 2011, pp. 34-41.
34. Frosini Fabio, « Politica e verità. Gramsci dopo Laclau », Seminario « Ideologia, verità e politica », Urbino, 2009, http://www.
uniurb.it/Filosofia/SEMveritaideopolit/Frosini%20laclau%202008.htm.
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35. Gramsci Antonio, Q 6, § 198, p. 838. Nous citons en indiquant le numéro du Cahier (Q = quaderno) suivi du numéro du paragraphe
de l’édition de Gerratana : Gramsci Antonio, Quaderni del carcere, a cura di V. Gerratana, Torino, Einaudi, 4 vol., 1975.
36. À ce propos, voir l’article de Gianfranco Rebucini dans ce numéro.
37. Frosini Fabio et Liguori Guido, Le parole di Gramsci : per un lessico dei Quaderni del carcere, Roma, Carocci, 2004 ; Kipfer Stefan
et Hart Gillian, « Translating Gramsci in the Current Conjuncture », in Kipfer Stefan et al. (eds.), Gramsci : Space, Nature, Politics,
New York, John Wiley & Sons, 2012, pp. 323-343 ; Burgio Alberto, Gramsci. Il sistema in movimento, Rome, DeriveApprodi, 2014.
38. Voir également à ce propos l’article de Gianfranco Rebucini dans ce dossier.
39. Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie politique. Une lecture avec Bourdieu en contrepoint », in « La Gramsci
renaissance », Actes du colloque de mars 2013, Paris, Fondation Gabriel Péri, sous presse. Voir également Briziarelli Marco, « (Re-)
Occupy Critique! », GJSS, vol. 10, n° 3, 2014, pp. 54-79.
40. Gutmann Matthew, « Rituals of Resistance, or, Diminished Expectations after Socialism », in Gutmann Matthew (ed.), The Ro-
mance of Democracy, Durham, Duke University Press, 2002, pp. 109-142.
41. Jablonka Franck, « War Gramsci ein Poststrukturalist ‘avant la lettre’? Zum linguistic turn bei Gramsci », in Hirschfeld Uwe (ed.),
Gramsci-Perspektiven, Berlin, Verlag, 1998, pp. 23-36.
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