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INTRODUCTION A LA PHARMACOCINETIQUE

1-Devenir du médicament dans l’organisme

La pharmacocinétique : a pour but d’étudier le devenir du médicament dans l’organisme. On


peut schématiser la pharmacocinétique d’un médicament en 4 grandes étapes :
− La résorption ou absorption : Le médicament après absorption se trouve dans les liquides
extracellulaires dont le compartiment plasmatique qui est facilement accessible, permettant
ainsi la mesure de la concentration plasmatique du médicament
− La distribution dans l’organisme : une fois le compartiment plasmatique atteint, le
médicament se distribue dans différents compartiments soit pour accéder à son récepteur et
entraîner une réponse tissulaire, soit pour être métabolisé et ensuite éliminé, soit pour se fixer
de manière non spécifique ou être stocké de manière prolongée dans des secteurs constituant
un compartiment profond tel que la masse adipeuse.
− Le métabolisme : le métabolisme est la transformation par une réaction enzymatique d’un
médicament en un ou plusieurs métabolites actifs ou inactifs. De nombreux organes peuvent
réaliser ces transformations (rein, poumon, foie..). Le foie est le principal organe impliqué
dans le métabolisme des médicaments. Le métabolisme est souvent la première étape de
l’élimination d’un médicament de l’organisme.
− L’élimination de l’organisme : un médicament et/ou ses métabolites peuvent être éliminés
par la sueur, la salive, la bile ou l’urine. Les principales voies d’élimination sont l’élimination
rénale (urine) et l’élimination biliaire.

Pour simplifier la description du devenir d’un médicament dans l’organisme, il est possible
d’assimiler l’organisme à plusieurs compartiments aqueux séparés entre eux par des
membranes cellulaires lipidiques.
Le passage du médicament d’un compartiment à l’autre dépend de ses caractéristiques

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physicochimiques (liposolubilité, pKA…). Ainsi, le médicament doit être hydrosoluble pour
séjourner en phase aqueuse alors que pour diffuser d’un compartiment à l’autre, il doit être
liposoluble.
2-La résorption ou l’absorption
2-Mécanismes de passage transmembranaire des médicaments
Les membranes cellulaires jouent un rôle important dans la distribution des médicaments. La
présence de deux couches lipidiques dans ces membranes leur confère une structure semi-
fluide. La membrane est constituée de molécules lipidiques : cholestérol, phospholipides dont
certains ont un rôle de second messager, sphingolipides (moins nombreux) et de protéines
(glycoprotéines, protéines réceptrices, protéines « transporteur » …) qui s’insèrent dans la
membrane.
Plusieurs mécanismes permettent au médicament de passer ces membranes :
• La diffusion passive
• La filtration
• Le transport actif

2.1. Diffusion passive


C’est le mécanisme le plus fréquemment en cause.
La diffusion passive est gouvernée par la loi de Fick :
M/t = Pk x A (C1 – C2)
M/t = flux de médicament qui diffuse (unité de masse/temps)
Pk = coefficient de perméabilité (temps / cm2)
A = section de la surface de diffusion (cm2)
C1 et C2 = concentrations de médicament de part et d’autre de la membrane (unité de masse /
par unité de volume)
Cette loi indique simplement que la diffusion passive se fait en suivant le gradient de
concentration et jamais contre un gradient de concentration. C’est à dire que le médicament
va du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré.
Ce mécanisme n’est pas saturable et est non spécifique : il n’y a pas de compétition entre les
molécules.

Les facteurs qui influencent la diffusion passive sont :


a-le gradient de concentration ;

b-la taille de la molécule : une molécule de grande taille ou fixée aux protéines plasmatiques
diffusera plus difficilement qu’une molécule de petite taille

c-la lipophilie : cette caractéristique peut être déterminée in vitro en calculant le coefficient de
partage d’une molécule dans un mélange solvant aqueux + solvant organique (octanol), c’est-
à-dire le rapport des concentrations respectives dans la phase organique et dans la phase
aqueuse.
Coefficient de partage P = [octanol]
----------
[eau]
Exemple : la noradrénaline a un coefficient de partage de 0,01, c’est-à-dire qu’elle est 100 fois
plus soluble dans l’eau que dans un solvant organique.
En pratique, on utilise le logarithme du coefficient de partage = log P. Le log P caractérise la
lipophilie de la molécule. Plus le log P est élevé, plus la molécule est lipophile.
La noradrénaline a un log P = -2 ; elle est très hydrophile et passera mal la membrane
cellulaire. Par contre, la chlorpromazine, (un psychotrope qui doit passer la barrière hémato-

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encéphalique riche en graisses) a un log P = 5 : ceci veut dire que la chlorpromazine est très
liposoluble.

d-L’état d’ionisation
L’eau est un solvant polaire, et les molécules dissoutes dans l’eau sont ionisées. Seule la
forme non ionisée d’un médicament (si elle est suffisamment liposoluble) est capable de
passer la membrane cellulaire.
L’état d’ionisation dépend du pKA de la molécule et du pH du milieu. Le pKA est défini
comme le pHpour lequel un acide se présente à 50% sous forme non ionisée et 50% sous
forme ionisée. Le rapport forme ionisée/non ionisée est défini par les équations d’Henderson-
Hasselbach.
Base faible : pH = pKa + log [B]/[BH+]
Acide faible : pH = pKa + log [A-]/[AH]
Par conséquent, selon le pH du milieu où se trouve le médicament, (plasma : pH 7,4 ; estomac
: pH 2,0 ; jéjunum : pH 8,0) son rapport fraction ionisée / fraction non ionisée varie.
Pour un acide faible :
- à pH alcalin : l’ionisation est importante, d’où une fraction ionisée plus grande, ce qui
limitera le passage transmembranaire de cette substance,
- à pH acide : l’ionisation est faible, la fraction non ionisée plus importante, le médicament
passera mieux les membranes cellulaires.
Pour une base faible on observera l’inverse :
- à pH alcalin : l’ionisation est faible, le médicament passera bien les membranes cellulaires,
- à pH acide : l’ionisation sera plus importante, d’où une fraction ionisée plus grande, le
médicament passera mal les membranes cellulaires.
En pratique :
- les acides faibles mais pas les bases faibles sont absorbés dans l’estomac,
- l’acidification des urines entraîne une accélération de l’excrétion des bases faibles
- l’alcalinisation des urines entraîne une accélération de l’élimination urinaire des acides
faibles.
Exemple de l’aspirine:
L’aspirine est un acide faible de pKA = 3,5. Le tableau ci-dessous confirme que l’équilibre
entre les fractions ionisée et non-ionisée est différent selon le pH du milieu.

Si l’on accepte que seule la forme non-ionisée passe les membranes, un équilibre s’instaurera
entre les concentrations de cette forme dans les différents compartiments. Néanmoins dans
chaque compartiment la fraction représentée par cette forme non-ionisée diffère. Par
conséquent, les concentrations totales varient dans chaque compartiment. Dans cet exemple il
est facile de comprendre :

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• que l’aspirine est facilement et bien résorbée au niveau de l’estomac ;
• que l’alcalinisation des urines favorise l’élimination de l’aspirine. La figure ci-dessous
illustre bien la relation qui existe entre le débit d’élimination urinaire (ou clairance rénale) et
le pH urinaire pour l’aspirine. Dans le cas d’un surdosage, il est possible d’augmenter
l’élimination urinaire de l’aspirine en alcalinisant les urines.

2.2. Diffusion facilitée


La diffusion facilitée se distingue de la diffusion passive par une vitesse supérieure, non
proportionnelle au gradient de concentration. Les mouvements du médicament à travers la
membrane par diffusion facilitée se font dans le sens du gradient et sont facilités par un
transporteur soumis au phénomène de saturation, compétition (interactions médicamenteuses
possibles).
2. 3. La filtration
Exemple : la filtration glomérulaire

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Le passage au niveau du filtre glomérulaire est déterminé par deux facteurs importants :
• la pression de filtration glomérulaire ;
• le poids moléculaire du médicament.
La pression de filtration résulte des pressions qui s’exercent de part et d’autre de la membrane
filtrante : d’un côté la pression artérielle (environ 55 mm Hg), de l’autre la pression oncotique
due aux protéines (30 mm Hg) et la pression hydrostatique de l’urine (12,5 mm Hg). Il en
découle une pression de filtration égale à 55 - (30 + 12,5) = 12,5 mm Hg.
Le poids moléculaire (PM) constitue le deuxième facteur important limitant la filtration
glomérulaire.
La membrane basale qui sépare le capillaire sanguin et l’espace urinaire limite la vitesse de
passage des molécules dont le PM est supérieur à environ 20 000 daltons. Ainsi, l’albumine
ayant un PM d’environ 68 000 daltons ne sera normalement pas ou très peu filtrée. De même,
un médicament de petit poids moléculaire mais lié aux protéines plasmatiques ne sera pas
filtré.
La filtration glomérulaire est une des voies d’élimination rénale des médicaments

2.4. Le transport actif


On appelle transport actif le passage d’une substance à travers une membrane contre un
gradient de concentration.
Ce système de transport est capable de former un complexe avec la molécule à transporter, la
formation de ce complexe se fait sur l’une des faces de la membrane et sa dissociation sur
l’autre, libérant ainsi la molécule transportée.

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Transport actif

Concentration de médicament dans milieu 2 > concentration de médicament dans milieu


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Les principales caractéristiques de ce mécanisme sont :


- Il nécessite de l’énergie (par ex. de l’ATP).
- Il est spécifique d’une substance ou d’un type de substance, (par ex. le transport des acides
aminés).
- Il permet l’entrée ou la sortie d’une molécule dans une cellule. Il est souvent bidirectionnel.
- C’est un mécanisme saturable.
- Il peut être inhibé et soumis à une compétition entre les molécules transportées
(médicaments et
substances endogènes, médicaments entre eux) ce qui entraînent une possibilité d’interactions
médicamenteuses.

Exemples :
La pénicilline est un acide faible qui peut être transporté vers la lumière du tubule rénal par le
transport actif des acides organiques situé dans les cellules du tube proximal rénal, la
pénicilline se retrouve alors dans l’urine primitive. Ce transport est inhibé par le probénécide.
Ceci a pour conséquence d’augmenter la durée de vie de la pénicilline dans le plasma en
diminuant sa vitesse d’élimination rénale.

La P-glycoprotéine (P-gp) qui est un transporteur ATP-dépendant et que l’on trouve dans les
tissus comme le foie, le rein et l’intestin ou la barrière hémo-encéphalique où elle contribue
aussi bien à limiter la résorption que la diffusion de certains médicaments ou à augmenter leur
élimination.

Résumé : les caractéristiques physicochimiques d’une molécule influençant son passage


transmembranaire sont :
- son poids moléculaire, et sa taille
- sa lipophilie / hydrosolubilité
- son état d’ionisation

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3- Distribution des médicaments dans le sang

3.1-Équilibre entre compartiments

A l'état d'équilibre, à une concentration plasmatique donnée d'un médicament correspond une
concentration tissulaire déterminée, c'est-à-dire que le sang est le reflet de ce qui se passe dans
l'ensemble de l'organisme, bien que les concentrations atteintes dans les différents tissus
soient généralement différentes.

La mesure de la concentration plasmatique permet une surveillance des traitements en évitant


les concentrations toxiques ou inefficaces, à condition que la prise de sang pour le dosage soit
effectuée à un moment bien déterminé après l'administration du médicament pour obtenir des
résultats comparables.

En toute rigueur, dans l'équilibre plasma/tissus, il ne faudrait tenir compte que de la fraction
libre du médicament, c'est-à-dire la fraction diffusible. Cependant, le rapport forme liée sur
forme libre est généralement constant et la mesure de la concentration totale du médicament
est suffisante pour la surveillance thérapeutique.

On a ainsi déterminé pour un certain nombre de médicaments des concentrations plasmatiques


souhaitables, inférieures aux concentrations toxiques et suffisantes pour être efficaces. Entre
ces deux limites, on a la zone thérapeutique.

3.2-Fixation aux protéines

Dans le sang les médicaments peuvent se fixer réversiblement aux protéines. La concentration
des protéines dans le plasma est normalement de 60 à 70 g/L. Certaines protéines
plasmatiques jouent un rôle dans la fixation des médicaments :

• L'albumine dont le poids moléculaire est de 68 000. Elle est formée d'une chaîne
polypeptidique avec de nombreux ponts disulfures. Sa demi-vie est de l'ordre de trois
semaines. Elle fixe surtout les médicaments acides tels que les anti-inflammatoires
non stéroïdiens, certains hypolipémiants et les molécules endogènes comme les acides
gras, la thyroxine et l'estradiol. Outre son rôle dans le transport de substances
endogènes et de médicaments, elle assure pour l'essentiel la pression oncotique
intravasculaire et s'oppose à la fuite hydrique extravasculaire . En cas
d'hypoalbuminurie sévère, inférieure à 20 g/L, il est nécessaire de corriger le déficit en
administrant de l'albumine qui, pour le moment, est obtenue à partir du sang humain.
• L'a1-glycoprotéine acide ou orosomucoïde, très riche en glucides et en acide sialique
qui lui donnent un caractère acide. Elle fixe surtout les molécules basiques comme la
lidocaïne, la prazosine.
• Les lipoprotéines qui fixent certains médicaments comme la chlorpromazine et
l'imipramine.
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• Les immunoglobulines comme les IgG dont la concentration plasmatique se situe
autour de 15 g par litre.

Les éléments figurés du sang, notamment les érythrocytes lorsqu'ils fixent ou captent certains
médicaments, jouent un rôle analogue aux protéines.

La liaison médicament/protéine dépend de plusieurs facteurs :

1. L'affinité du médicament pour les sites de liaison sur les protéines. La fixation peut
aller de 0 à près de 100%. La fixation des anti-inflammatoires comme l'indométhacine,
de certains antidépresseurs comme l'imipramine, est supérieure à 95%. La fixation du
phénobarbital, de la théophylline est de l'ordre de 50%. La fixation de l'isoniazide, du
paracétamol est négligeable.

2. La quantité de protéines qui peut varier en fonction de l'état physiologique ou


pathologique. Par exemple, l'immobilisation, le repos au lit, les traumatismes, les
brûlures, la grossesse, les cirrhoses la diminuent alors que les syndromes néphrotiques,
l'anxiété l'augmentent.

3. La concentration du médicament : si un médicament est présent en concentration


suffisante pour saturer ses sites de fixation, tout nouvel apport se passe comme si la
fixation n'existait pas.

4. La compétition entre le médicament et une autre molécule :


a. compétition entre deux médicaments pour un même site, l'un peut déplacer
l'autre : l'acide salicylique déplace l'indométhacine, le clofibrate déplace les
antivitamines K. Le médicament déplacé peut agir et donner des effets mais il
est aussi rapidement métabolisé et éliminé.
b. compétition entre un médicament et un produit endogène : les acides gras et la
bilirubine qui sont aussi fixés par l'albumine entrent en compétition avec les
médicaments acides.

La caractéristique essentielle de la liaison des médicaments aux protéines est d'être réversible
selon la réaction suivante où M désigne le médicament, P, la protéine et MP le médicament lié
à la protéine.

• Il y a équilibre entre la forme libre et la forme liée : lorsque la concentration de M


augmente, la réaction s'effectue dans le sens 1 et lorsqu'elle diminue, dans le sens 2.
• Seule la forme libre [M] est active. Elle diffuse à travers les membranes et l'équilibre
entre les compartiments s'établit en fonction de sa concentration. Elle est également
celle qui s'élimine et est métabolisée.
• La forme liée [MP] peut être considérée comme un tampon, une forme de réserve qui
ne traverse pas les membranes.
• La fixation d'un médicament aux protéines réduit sa dialysance et par conséquent
l'efficacité de la dialyse utilisée comme moyen d'épuration au cours d'une intoxication.

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3.3-Distribution tissulaire

Le médicament diffuse dans l'ensemble de l'organisme à partir du plasma. La distribution


dépend du médicament et des tissus.

• Médicament : de sa concentration plasmatique sous forme libre et de ses


caractéristiques physico-chimiques, en particulier de sa liposolubilité.
• Tissu ou organe : de l'existence de membranes spécifiques à franchir, de l'importance
de l'irrigation (débit sanguin) et de la composition qui est à l'origine de l'affinité plus
ou moins grande pour tel produit. Ainsi le tissu cérébral riche en lipides a une grande
affinité pour les molécules liposolubles.

Ces caractéristiques expliquent que le médicament se distribue en général d'une manière non
homogène dans les divers organes. Par exemple, la chloroquine se trouve à une concentration
700 fois plus élevée dans le foie que dans le plasma.

3.4-Passage dans le système nerveux central et le liquide céphalorachidien

Le système nerveux central pèse 2% du poids du corps, reçoit 16% du débit cardiaque
(cerveau : 0,5 ml sang/g/minute, muscle au repos : 0,05 ml sang/g/minute). La substance
blanche est moins bien irriguée que la grise.

En dépit de cette excellente irrigation, un certain nombre de substances ne pénètrent pas dans
le cerveau. La membrane des capillaires cérébraux est doublée par un tissu de soutien glial,
les astrocytes, créant ainsi une double barrière - endothélium capillaire et membrane gliale -
peu perméable aux molécules non liposolubles. Les lésions possibles de la barrière, en cas
d'anoxie notamment, sont susceptibles d'altérer sa perméabilité.

Les molécules liposolubles (non ionisées) et les gaz, par exemple les anesthésiques volatils,
pénètrent facilement dans le cerveau par diffusion passive.

Les molécules polaires (ionisées) ne pénètrent pas ou peu par diffusion passive. L'atropine,
par exemple, passe, mais sa forme quaternaire chargée positivement ne pénètre pas. La
pénicilline ne pénètre pas.

Diverses substances à caractère polaire, ions, sucres, acides aminés et même certains peptides
comme l'insuline, franchissent la barrière hémato-encéphalique en utilisant des transporteurs
endogènes. Il s'agit d'un transport actif secondaire. On peut citer quelques uns de
ces transporteurs :

• Glut-1, transporteur de glucose non dépendant de l'insuline, qui peut aussi faire
pénétrer certaines glycopeptides
• le système LNA (large neutral aminoacids) qui permet l'entrée de certains acides
aminés et de médicaments ayant une structure similaire comme la L-Dopa, le
melphalan, la gabapentine, le baclofène
• des transporteurs de peptides comme la leucine enképhaline
• des récepteurs, comme celui de la transferrine qui est internalisé par endocytose.

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Par ailleurs, certaines substances comme la bradykinine distendent les jonctions serrées (tight
junction) intercellulaires et facilitent le passage de diverses substances à travers la barrière
hémato-encéphalique.

Le passage d'un médicament du cerveau vers les organes périphériques est appelé
redistribution. Un médicament comme le thiopental qui est très liposoluble, après
administration intraveineuse pénètre très vite dans le cerveau, riche en lipides et bien irrigué,
où sa concentration est rapidement maximum. Dans un deuxième temps, les autres tissus
graisseux moins bien irrigués que le cerveau fixent le thiopental, entraînant un déplacement
du produit du cerveau vers le sang et les tissus graisseux périphériques. Cette redistribution
explique que le thiopental agit très rapidement et que sa durée d'action est courte.

Le liquide céphalorachidien sécrété par les plexus choroïdes a un volume d'environ 150 à
200 ml. Sa vitesse de renouvellement est d'environ 0,5 ml/minute. A l'état normal il ne
contient pas de protéines. La concentration d'un médicament qui diffuse passivement dans le
liquide céphalorachidien est, au mieux, égale à la concentration de sa forme libre dans le
plasma.

3.5-Modifications de la distribution tissulaire

La distribution d'un médicament dans certaines parties de l'organisme ou d'un tissu peut être
modifiée dans des conditions pathologiques, notamment en cas de troubles circulatoires.

La distribution peut également être modifiée volontairement par électroporation.


L'électroporation est une technique qui consiste à soumettre les tissus à des impulsions de
champ électrique qui augmentent la perméabilité de la membrane plasmique par ouverture de
pores. On l'appelle électrochimiothérapie lorsqu'elle est utilisée en cancérologie. La faible
pénétration des médicaments, notamment des antitumoraux, dans les cellules limite leur
activité. Pour favoriser la pénétration de certains antinéoplasiques dans les tissus, on peut les
administrer par voie générale et soumettre la zone à traiter à des impulsions de champ
électrique suffisantes pour altérer les membranes plasmiques et les rendre perméables aux
médicaments. L'électrochimiothérapie a été appliquée au traitement du mélanome où la
bléomycine était administrée par voie intraveineuse et les impulsions électriques appliquées
au niveau des tissus atteints.

4-Biotransformations

Le terme biotransformations désigne les diverses modifications chimiques que subissent les
médicaments dans l'organisme pour donner naissance à des métabolites. Les
biotransformations des médicaments sont essentiellement effectuées grâce aux enzymes, mais
certaines d'entre elles se font sans intervention d'enzymes, par exemple une hydrolyse en
milieu acide ou alcalin.

Certains médicaments ne subissent pas de biotransformation dans l'organisme et sont éliminés


tels quels, mais la plupart en subissent et ont un ou plusieurs métabolites, parfois plus de dix.

Chaque métabolite M1, M2, M3, formé à partir du médicament M peut être plus ou moins
actif, plus ou moins toxique que le médicament M, il peut même avoir des propriétés
différentes, voire antagonistes de celles du médicament M. Cependant, d'une manière
générale, les biotransformations sont des réactions de défense de l'organisme qui conduisent à

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des molécules moins toxiques et moins actives que la molécule initiale, mais il existe
plusieurs exceptions à cette règle.

Lorsque le médicament administré est inactif et que son métabolite est actif, il est considéré
comme une «prodrogue».

La thérapie génique peut s'apparenter à l'administration d'une prodrogue : en effet, le DNA


administré utilise la machinerie métabolique de l'organisme pour synthétiser les protéines
souhaitées, soit endogènes (manquantes ou défectueuses), soit exogènes (par exemple des
vaccins).

Chaque métabolite d'un médicament M doit être considéré comme une nouvelle molécule qui
a ses propres caractéristiques pharmacocinétiques (demi-vie, volume de distribution,
élimination etc.) généralement indépendantes de celles de M mais susceptibles de les
modifier.

D'une manière schématique, on distingue deux types de biotransformations classés en phase I


et phase II.

4.1- Phase I, oxydations

La phase I comporte les biotransformations dont le mécanisme réactionnel implique une


oxydation sans que celle-ci soit toujours apparente dans le produit final obtenu.

Elle comporte des réactions d'hydroxylation (RCH ® RCOH, R pouvant être aliphatique ou
aromatique et C un carbone), de N-oxydation (R1-NH-R2 ® R1-NOH-R2), de S-oxydation (R1-
S-R2 ® R1-SO-R2) où l'oxydation est évidente car il y a eu addition d'un atome d'oxygène, et
des réactions de N- et O-déalkylation, où la fixation d'un atome d'oxygène n'a été qu'une étape
intermédiaire et n'apparaît pas dans le produit final.

Un très grand nombre de réactions d'oxydation sont catalysées par le cytochrome P-450

Le cytochrome P-450 constitue, en fait, non pas une enzyme unique mais une famille d'iso-
enzymes à fer, métabolisant préférentiellement tel ou tel type de médicaments. Les
changements du degré d'oxydoréduction du fer sont à l'origine des biotransformations
catalysées par l'enzyme.

Le fonctionnement du cytochrome P-450 nécessite la présence d'une enzyme associée,


appelée cytochrome P-450 réductase, qui prélève deux électrons à une flavoprotéine réduite
pour les transférer au substrat qui sera oxydé. La flavoprotéine elle-même reçoit ses électrons
du NADPH + H+.

Il existe un grand nombre d'iso-enzymes du cytochrome P450 ou CYP, classées en familles


désignées par les chiffres 1, 2, 3, chaque famille pouvant se subdiviser en sous-groupes
désignés par les lettres A, B etc. Chaque famille métabolise préférentiellement des substrats
déterminés, certains d'entre eux étant inducteurs de l'iso-enzyme correspondante. Certaines
substances sont des inhibiteurs.

• CYP 1A2 qui métabolise, par exemple, la caféine, la théophylline, la clozapine,


l'imipramine, la tacrine. Il est induit par le tabac.

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• CYP 2C9 qui métabolise la phénytoïne, le tolbutamide, l'ibuprofène, la warfarine.
• CYP 2I9 qui métabolise, l'oméprazole, le moclobémide, le diazépam, l'imipramine.
• CYP 2D6 qui métabolise divers antidépresseurs, divers neuroleptiques, divers b-
bloquants.
• CYP 3A, notamment le 3A4 qui métabolise la clozapine, la terfénadine, le cisapride,
l'érythromycine, la ciclosporine, la nifédipine. ainsi que le cortisol, la progestérone, la
testostérone. Le kétoconazole, l'érythromycine sont des inhibiteurs des CYP 3A.
• CYP 2E1 qui métabolise les petites molécules dont les anesthésiques volatils.

On constate que le même médicament peut être métabolisé par deux ou plusieurs iso-enzymes
différentes.

On trouve dans la littérature des tableaux indiquant la liste de médicaments préférentiellement


métabolisés par les divers iso-enzymes de cytochromes P-450. Par ailleurs les monographies
Résumé des Caractéristiques du Produit) doivent indiquer pour chaque nouveau médicament
son type de métabolisme.

Les cytochromes P-450 sont également responsables de la transformation de certains


procarcinogènes en carcinogènes, en particulier par formation d'époxydes.

Il peut exister de grandes différences d'activité entre les divers types de cytochromes,
différences d'origine génétique ou acquises par induction ou inhibition.

Schéma simplifié de l'oxydation d'un médicament par le cytochrome P-450

4.2- Phase II, conjugaisons

La phase II comporte les réactions de conjugaison, soit par l'acide glucuronique


(glucuronoconjugaison), la glycine (glycoconjugaison), soit par le sulfate (sulfoconjugaison
catalysée par des sulfotransférases) ou encore l'acétate (acétylation catalysée par des N-acétyl

transférases) et le glutathion.

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La glucuronoconjugaison constitue le mécanisme principal. Elle est catalysée par des UDP-
glucuronyl-transférases qui favorisent la fixation de l'acide glucuronique sur un atome
d'oxygène, d'azote ou de soufre d'une molécule. La morphine et le paracétamol sont deux
exemples de médicaments glucuronoconjugués

Glucuronoconjugaison d'un substrat

Les glutathion transférases sont les enzymes qui favorisent la fixation de la molécule de
glutathion qui est un tripeptide sur un atome électrophile d'une autre molécule.

L'acétylation, sous l'influence de la N-acétyl transférase, concerne un certain nombre de


médicaments tels que l'isoniazide qui est ainsi inactivé et d'autres comme l'hydralazine, la
sulfapyridine, le sulfaméthoxazole, la dapsone, un métabolite aminé du nitrazépam, la
procaïnamide et un métabolite de la caféine.

D'une manière générale, la conjugaison conduit à des produits moins actifs que le médicament
initial, mais il existe des exceptions illustrées par l'exemple de la morphine. La morphine
comporte deux groupes OH. Le métabolite obtenu par glycuronoconjugaison du groupe OH
en position 6 est un agoniste actif, alors que le métabolite résultant de la conjugaison du
groupe OH en 3 est un antagoniste.

4.3- Différences d'activités enzymatiques

L'activité de certaines enzymes impliquées dans les biotransformations peut être différente
selon les individus, et chez les mêmes individus selon qu'ils prennent ou non certains
médicaments.

4.4- Différences liées au malade

• D'origine génétique : tous les individus n'ont pas le même équipement enzymatique et
la vitesse de métabolisation des médicaments peut s'en ressentir. L'exemple le plus cité
est celui de l'acétylation de l'isoniazide : chez les acétyleurs rapides sa demi-vie est
d'une heure et chez les acétyleurs lents de trois heures. Un certain nombre de tests
comportant en général l'administration d'un médicament comme la débrisoquine, la
caféine ou l'isoniazide et le suivi de leur métabolisme permettent d'apprécier les
particularités métaboliques des malades. Cependant, désormais, à ces méthodes
fondées sur la mesure de la concentration du médicament et de ses métabolites, vont
venir s'ajouter des techniques de détermination directe du génotype.

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• D'origine physiologique : l'activité des enzymes peut varier au cours du
développement. Chez le nouveau-né et plus encore le prématuré, la métabolisation des
médicaments peut être plus lente que chez l'adulte.
• D'origine pathologique : une atteinte hépatique sévère peut ralentir l'élimination de
certains médicaments en raison d'une diminution de l'activité de certains enzymes qui
les métabolisent. Par ailleurs, des troubles de la circulation hépatique ainsi qu'une
diminution de la synthèse hépatique des protéines plasmatiques de transport s'ajoutent
à la réduction de l'activité enzymatique pour ralentir l'élimination.

4.5- Différences liées à la prise de médicaments

L'activité des enzymes peut être modifiée par la prise de certains médicaments. On observe
soit une inhibition soit une induction.

a-Inhibition enzymatique

L'inhibition peut être recherchée ou fortuite et, dans ce cas, elle est souvent indésirable.

Lorsqu'elle est recherchée, on l'obtient par la prise d'un inhibiteur enzymatique : par exemple
un inhibiteur de la mono-amine-oxydase ou des inhibiteurs des cholinestérases.

Lorsqu'elle est fortuite, elle survient lors de la prise de médicaments non utilisés comme
inhibiteurs enzymatiques mais qui peuvent cependant avoir une action inhibitrice, notamment
de cytochromes P450 conduisant à un ralentissement des biotransformations de certains
médicaments pris par le malade. Il en existe de nombreux exemples :

• le valproate de sodium inhibe l'hydroxylation du phénobarbital.


• la cimétidine inhibe l'hydroxylation de plusieurs autres médicaments tels que la
warfarine.
• les macrolides, comme l'érythromycine et la troléandomycine qui n'est plus
commercialisée, inhibent le catabolisme d'autres médicaments comme la théophylline,
la carbamazépine et les dérivés de l'ergot de seigle. La prescription simultanée de
troléandomycine et d'ergotamine qui est un puissant vasoconstricteur a entraîné des
accidents très graves d'ischémies, consécutifs à l'accumulation d'ergotamine.
• les antiprotéases, en particulier le ritonavir, inhibent les cytochromes P450 et
ralentissent les biotransformations de divers médicaments qui s'accumulent dans
l'organisme. Ces interactions médicamenteuses sont trop nombreuses pour être
décrites ici et il faut consulter le «Résumé des Caractéristiques du Produit» avant toute
prescription.
• une substance présente dans le jus de pamplemousse, la naringénine et peut-être une
autre substance, inhibent le cytochrome P-450 de type 3A4, ce qui ralentit le
catabolisme de certains médicaments comme la ciclosporine, la terfénadine qui a été
retirée du commerce, certains antagonistes du calcium, de sorte que leur concentration
plasmatique s'élève d'une façon parfois excessive. Une inhibition de la P-
glycoprotéine intestinale participerait à l'effet de la naringénine. Ceci constitue un
exemple de modification du métabolisme d'un médicament par un aliment.

L'inhibition du catabolisme d'un médicament par un autre peut, dans des conditions
particulières, être utilisée en thérapeutique, par exemple pour réduire la posologie d'un
médicament coûteux.

14
b-Induction enzymatique

L'induction enzymatique a été mise en évidence initialement chez l'animal. On a constaté que
des souris ou des rats qui avaient reçu quelques jours auparavant du phénobarbital devenaient
insensibles à son effet hypnotique lors d'une administration ultérieure. On a montré que cette
perte d'activité provenait essentiellement d'une métabolisation plus rapide du phénobarbital.

La première administration avait déclenché une synthèse accrue des enzymes d'oxydation,
cytochromes P-450, responsables de l'hydroxylation accélérée du phénobarbital lors d'une
administration ultérieure.

Il s'agit d'un phénomène non immédiat, qui de plus est réversible, c'est-à-dire s'atténue et
disparaît avec le temps en l'absence de prise du médicament inducteur.

L'induction est généralement assez spécifique, mais ses conséquences peuvent concerner
plusieurs molécules, c'est-à-dire que les enzymes dont la synthèse est accrue peuvent
métaboliser d'autres molécules que l'inducteur lui-même. L'inducteur peut ainsi être à l'origine
d'interactions médicamenteuses de type pharmacocinétique.

Les principaux médicaments inducteurs sont les barbituriques (phénobarbital), l'équanil ou


procalmadiol, la carbamazépine, la rifampicine. Un médicament d'origine végétale, le
millepertuis ou Hypericum perforatum possédant une activité antidépressive, est aussi un
inducteur enzymatique susceptible d'abaisser la concentration plasmatique de médicaments
comme la ciclosporine.

L'induction enzymatique peut avoir deux sortes de conséquences :

a. En pharmacologie : la perte ou la diminution d'efficacité du médicament inducteur lui-


même et des autres médicaments qui sont inactivés par les mêmes réactions
enzymatiques. Ainsi la prise d'un médicament inducteur enzymatique comme la
rifampicine peut rendre inefficace le cortisol, par exemple, et entraîner la réapparition
des crises chez un asthmatique, ou rendre inefficace un contraceptif oral et entraîner
une grossesse non souhaitée.

Le tabac modifie aussi le métabolisme de nombreux médicaments; il accélère


l'inactivation de la théophylline, du propanolol.

b. En pathologie : chez certains malades présentant des déficiences latentes ou connues


de certaines étapes de la synthèse de l'hème, l'augmentation de l'activité de l'acide
amino-lévulinique synthétase (enzyme qui catalyse une étape initiale de la synthèse de
l'hème), consécutive à la prise d'un médicament inducteur enzymatique, entraîne une
accumulation de porphyrines et le déclenchement de crises de porphyries.

L'induction de cytochromes P-450 impliqués dans les biotransformations de certains


médicaments met en jeu une augmentation de la transcription d'un gène (DNA) en mRNA
codant la synthèse de ces cytochromes. Une stabilisation du mRNA peut également y
participer. Le médicament ou le xénobiotique qui augmente la transcription agit à la manière
des hormones à effet nucléaire (voir transduction) en faisant intervenir des facteurs
transcriptionnels qui interagissent avec le DNA. Un de ces facteurs est le PPAR (peroxisome
proliferator-activated receptor).
15
5-Elimination

Les médicaments et leurs métabolites s'éliminent essentiellement dans l'urine et la bile.


L'élimination pulmonaire concerne les produits volatils.

L'insuffisance de l'élimination d'un médicament se traduit par un allongement de sa demi-vie


et un risque d'accumulation pouvant entraîner des effets toxiques. Ceci est particulièrement
vrai en cas d'insuffisance rénale.

5.1-Élimination rénale

Le rein qui reçoit à pression élevée environ 1400 ml/mn de sang, soit le quart du débit
cardiaque, élimine les médicaments comme diverses autres substances de l'organisme. Du
point de vue physiologique, le néphron, unité élémentaire du rein, agit par trois mécanismes
différents : filtration glomérulaire, sécrétion tubulaire et réabsorption tubulaire. Il y a environ
1 million de néphrons par rein.

a-Filtration glomérulaire

Le glomérule se comporte comme un filtre non sélectif qui laisse passer toutes les substances
dont le poids moléculaire est inférieur à environ 65 000. L'albumine dont le poids moléculaire
est de 65 000 ne passe qu'en quantité infime, qualifiée de microalbuminurie.

Pour que la filtration se fasse, il faut que la pression sanguine soit suffisante pour permettre
l'écoulement du filtrat et contrebalancer la pression oncotique exercée par les protéines
plasmatiques, en particulier l'albumine.

Le volume filtré par minute est d'environ 140 ml, soit le dixième du débit sanguin rénal.

La composition du filtrat glomérulaire est, pour la plupart des constituants, identique à celle
du plasma. Comme le poids moléculaire des médicaments est bien inférieur à 65 000, on
devrait toujours trouver une concentration identique du médicament dans le filtrat et le
plasma. Mais ceci n'est vrai que pour les médicaments dont le pourcentage de liaisons aux
protéines plasmatiques est négligeable.

La concentration du médicament dans le filtrat qui est normalement dépourvu de protéines,


est en réalité identique à la concentration de sa forme libre dans le plasma.

Le poids moléculaire des médicaments n'étant généralement pas le facteur limitant, leur
filtration glomérulaire est essentiellement liée à leur degré de fixation aux protéines
plasmatiques : plus ils sont liés, moins ils sont filtrés.

b-Sécrétion tubulaire

La sécrétion tubulaire consiste en un transport de substances du liquide péritubulaire vers la


lumière tubulaire. Il faut rappeler que le liquide péritubulaire est constitué par du sang qui a
déjà été filtré au niveau du glomérule où il s'est appauvri en diverses substances de faible
poids moléculaire.

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La sécrétion tubulaire qui s'effectue au niveau du tube proximal est un processus actif qui
nécessite le fonctionnement cellulaire normal pour apporter l'énergie nécessaire.

Une caractéristique générale de cette sécrétion, bien mise en évidence avec les acides
organiques comme l'acide para-aminohippurique, est d'être limitée par un transport maximum
(Tm) : quand la concentration augmente, la sécrétion tubulaire augmente jusqu'à un seuil puis
reste constante, contrairement à ce qui se passe pour la filtration qui est proportionnelle à la
concentration plasmatique des substances non liées aux protéines.

Les molécules dont l'affinité pour le transporteur est grande, comme l'acide para-
aminohippurique, sont éliminées du liquide péritubulaire en un seul passage. La sécrétion
tubulaire des médicaments est, pour l'essentiel, indépendante de leur fixation aux protéines,
lorsque celle-ci est réversible. Cette différence importante avec la filtration glomérulaire peut
s'expliquer de la manière suivante : au niveau du glomérule, lorsque les concentrations des
formes libres de part et d'autre de la membrane se sont égalisées, s'agissant d'un processus
passif, la filtration s'arrête. Au niveau du tubule, au fur et à mesure que la forme libre du
liquide péritubulaire est sécrétée, il y a dissociation du complexe médicament-protéine
(réaction dans le sens 2) et élimination du médicament.

Ainsi la sécrétion tubulaire est globalement indépendante de la liaison du médicament aux


protéines.

Lorsque deux ou plusieurs médicaments éliminés par le même processus sont présents
simultanément dans l'organisme, ils entrent en compétition pour leur sécrétion tubulaire. C'est
ainsi qu'on a pu retarder l'élimination de la pénicilline par l'administration de probénécide.

On peut distinguer deux types de sécrétion répondant aux caractéristiques que nous venons de
voir :

a. La sécrétion des acides organiques

En plus de divers acides organiques endogènes et de l'acide para-aminohippurique qui


est utilisé pour explorer le débit sanguin rénal, divers médicaments possédant une
fonction acide sont sécrétés par le tube rénal sous forme anionique : la pénicilline,
les b-lactamines, l'acide salicylique, l'indométhacine, le probénécide, les diurétiques
thiazidiques, la plupart des inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les diverses
molécules conjuguées. Le phénomène de compétition entre deux molécules explique
que la plupart des diurétiques thiazidiques tendent à élever le taux d'acide urique
sanguin en freinant sa sécrétion tubulaire.

b. La sécrétion des bases organiques

Outre les bases organiques physiologiques comme la thiamine, la choline et


l'histamine, un certain nombre de médicaments basiques sont sécrétés par le tubule :
on peut citer par exemple la quinine, la morphine, la procaïne, la néostigmine,
l'amiloride et le triamtérène.

17
c-Réabsorption tubulaire

La réabsorption tubulaire consiste dans le passage d'une molécule de la lumière du néphron


vers le sang. Elle peut se faire selon deux mécanismes : l'un actif et l'autre passif. Mais
certaines molécules ne sont pas réabsorbées, comme l'acide para-aminohippurique, le
mannitol, l'insuline.

La réabsorption active concerne essentiellement les substances endogènes telles que le


sodium, le potassium, l'acide urique, le glucose et les acides aminés, et quelques médicaments
dont la structure est très proche de celle des acides aminés, par exemple l'a-méthyl-dopa.
Cette réabsorption active qui nécessite un apport d'énergie s'effectue essentiellement au
niveau du tubule proximal. Elle entraîne, pour conserver une iso-osmolarité entre le filtrat
tubulaire et le liquide péritubulaire, une réabsorption passive de l'eau.

Du fait de cette réabsorption passive d'eau, un certain nombre de substances vont se trouver
dans le liquide tubulaire à une concentration plus élevée que dans le liquide péritubulaire. Dès
lors, la seule condition pour que ces substances soient réabsorbées passivement est qu'elles
puissent traverser la membrane, c'est-à-dire qu'elles soient neutres et liposolubles.

Le caractère neutre, c'est-à-dire non ionisé, des acides et des bases dépend de leur pKa et du
pH du milieu, d'où l'importance pour l'élimination de certains médicaments des modifications
de pH de l'urine. Pour accélérer l'élimination urinaire des acides, il faut alcaliniser l'urine et
l'acidifier pour les bases.

Ainsi, l'élimination urinaire du phénobarbital, acide de pKa = 7,2, est favorisée par
l'alcalinisation de l'urine, par administration de bicarbonate par exemple. L'alcalini-sation du
liquide tubulaire augmente le pourcentage de molécules ionisées non réabsorbables.

Au contraire, l'élimination urinaire de l'amphétamine, base de pKa = 5, est augmentée par


l'acidification des urines, par administration de chlorure d'ammonium par exemple, ce qui
augmente son pourcentage d'ionisation.

Comme le pH de l'urine est compris entre 4,5 et 8, on comprend que les molécules les plus
sensibles aux modifications de pH seront celles dont le pKa est compris entre 5 et 7,5.

Les modifications du pH urinaire peuvent être utilisées au cours du traitement des


intoxications dès lors que l'on connaît le toxique responsable et ses caractéristiques physico-
chimiques.

d-Altération pathologique

L'élimination rénale d'un médicament, c'est-à-dire sa clairance rénale, est réduite au cours de
l'insuffisance rénale et s'altère avec l'âge. La connaissance de la clairance plasmatique de la
créatinine permet d'évaluer le degré d'insuffisance rénale et de réduire la posologie des
médicaments à élimination rénale prédominante, comme les antibiotiques du groupe des
aminosides.

2-Élimination digestive

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Le tube digestif apparaît comme un lieu d'échanges où, bien entendu, les phénomènes
d'absorption sont prédominants après administration orale, mais où les phénomènes de
sécrétion sont loin d'être négligeables. En réalité, bien souvent l'absorption est suivie d'une
sécrétion, elle-même suivie d'une réabsorption. Le cycle entéro-hépatique des sels biliaires et
d'un certain nombre de médicaments n'est qu'un cas particulier du processus général.

La sécrétion des médicaments peut se faire tout au long du tube digestif : par la salive, le
liquide gastrique, la bile, les sécrétions intestinales. Il ne s'agit pas nécessairement
d'élimination, car les médicaments sécrétés peuvent être réabsorbés tout au long du tube
digestif. L'élimination définitive dans les selles provient donc de la différence entre la
sécrétion dans la lumière intestinale et la réabsorption. De plus, lors de son passage dans le
tube digestif, le médicament peut subir des biotransformations sous l'effet des enzymes
digestifs ou microbiens ou du fait de son instabilité en fonction du pH.

Pour étudier l'élimination digestive d'un médicament, il est nécessaire de l'administrer par
voie parentérale car, après administration par voie orale, il est difficile de différencier ce qui a
été excrété de ce qui n'a pas été absorbé.

3-Élimination salivaire

La sécrétion salivaire est loin d'être négligeable car elle peut atteindre un à deux litres par
jour. Cette sécrétion, variable dans la journée, en fonction des repas notamment, est quasi
inexistante pendant le sommeil.

L'élimination salivaire de diverses substances, telles que les dérivés mercuriels, est connue
depuis longtemps et l'on admet d'une manière générale que la concentration salivaire des
médicaments liposolubles est le reflet de leur concentration plasmatique sous forme libre.
Mais certaines substances telles que l'iodure et la spiramycine, atteignent des concentrations
salivaires supérieures à celles du plasma.

Le dosage des médicaments dans la salive, dont le principal intérêt est d'éviter les prises de
sang, pourrait être utilisé en contrôle thérapeutique. Il existe une assez bonne corrélation
statistique entre les taux sanguins et salivaires, mais avec des écarts individuels importants et
variables. En pratique, le dosage des médicaments dans la salive n'est pas utilisé en contrôle
thérapeutique.

Il faut rappeler que les médicaments à propriétés atropiniques inhibent la sécrétion salivaire et
perturbent l'élimination des substances par cette voie.

4-Sécrétion gastrique

L'étude de la sécrétion gastrique de médicaments administrés par voie parentérale a été faite
surtout chez l'animal. Ce sont les médicaments basiques tels que la quinine qui sont sécrétés
dans le liquide gastrique. Par contre, les médicaments acides ne passent pratiquement pas, ce
qui se comprend assez bien si l'on regarde les phénomènes de dissociations en fonction du pH.

5-Sécrétion biliaire

Les médicaments atteignent le foie par deux voies différentes :

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• le système veineux et le réseau lymphatique après absorption digestive et, dans ce cas,
la totalité du médicament absorbé passe par le foie avant d'être distribué dans
l'ensemble de l'organisme.
• l'artère hépatique après administration parentérale. Dans ce cas, le médicament
véhiculé par le sang est distribué à l'ensemble de l'organisme et seule une fraction de
la quantité administrée passe d'emblée par le foie.

Le foie fixe les médicaments avec plus ou moins d'affinité et, après d'éventuelles
biotransformations, peut les excréter dans la bile.

La capture des molécules par l'hépatocyte se fait avec une vitesse variable. Certaines
molécules sont très rapidement fixées par le foie. C'est le cas de la brome-sulfone-phtaléine et
la mesure de sa décroissance sanguine est un test d'évaluation du fonctionnement hépatique. Il
en est de même des produits iodés de contraste utilisés dans l'exploration radiologique des
voies biliaires.

Le foie est l'organe principal des biotransformations des médicaments dans l'organisme : les
réactions de la phase I d'oxydation et les réactions de la phase II, c'est-à-dire les conjugaisons,
jouent un rôle extrêmement important. Ces biotransformations produisent des molécules plus
polaires et de poids moléculaire plus élevé, deux caractéristiques qui favorisent l'élimination
biliaire.

La concentration des médicaments ou des métabolites dans la bile peut être supérieure, égale
ou inférieure à celle du plasma.

Les médicaments dont la concentration est beaucoup plus élevée dans la bile que dans le
plasma (choléphiles) sont sécrétés par des processus actifs avec une vitesse maximum de
transport (Tm) et possibilité de compétition entre substances transportées. Il s'agit de
substances dont le poids moléculaire est supérieur ou égal à 300 et qui possèdent, en outre,
des groupes polaires. Parmi les médicaments sécrétés à une concentration élevée dans la bile,
on peut citer certains antibiotiques : érythromycine, spiramycine, novobiocine, ampicilline,
rifampicine, et d'autres substances telles que le chlorothiazide, le dipyridamole conjugué, les
dérivés de l'ergot de seigle.

Un certain nombre de conséquences pratiques découlent de ces faits :

a. Dans le traitement des infections biliaires, il faut recourir de préférence aux


antibiotiques qui passent bien et sous forme intacte dans la bile, en tenant compte, en
outre, de leur spectre d'activité.
b. Les médicaments sécrétés activement peuvent entrer en compétition avec le transport
actif de la bilirubine, ce qui explique l'apparition d'ictères «à bilirubine libre». Ils
peuvent également entrer en compétition avec la brome-sulfone-phtaléine et perturber
sa clairance.
c. En cas d'insuffisance hépatique ou d'obstruction des voies biliaires, le risque
d'accumulation de ces médica-ments est majoré.

Les médicaments dont le taux biliaire est voisin ou inférieur au taux plasmatique diffusent
passivement dans la bile. Parmi les médicaments de cette catégorie, on peut citer les
antibiotiques du groupe des aminosides: streptomycine et gentamycine.

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6-Sécrétion intestinale

L'importance de la sécrétion intestinale elle-même, en dehors de la sécrétion biliaire ou


pancréatique, a été bien mise en évidence pour les métaux, en particulier le zinc.

L'importance de la sécrétion intestinale dans l'élimination des médicaments est généralement


faible mais mal connue.

7-Élimination pulmonaire

L'élimination pulmonaire (air expiré) ne concerne qu'un faible nombre de médicaments, mais
pour lesquels elle peut représenter la principale voie d'élimination.

Il s'agit de produits volatils comme certains anesthésiques généraux, l'halothane, par exemple,
dont 60% sont éliminés dans l'air expiré, et d'antiseptiques pulmonaires comme l'eucalyptol.

L'élimination de l'alcool par voie pulmonaire est mise à profit pour en déduire la
concentration plasmatique correspondante (alcootest). L'air expiré constitue aussi une voie
d'élimination des solvants volatils (éther, hexane, benzène, trichloréthylène, etc.) qui peuvent
être à l'origine d'intoxications par absorption pulmonaire. L'absorption ou l'élimination
dépendant des concentrations relatives de ces produits dans l'air expiré et le sang.

8-Autres voies d'élimination

a-Élimination lactée

L'excrétion des médicaments dans le lait ne constitue qu'une voie accessoire d'élimination
pour la femme, mais peut constituer un danger pour le nouveau-né. Lorsqu'il est nécessaire de
prescrire des médicaments à la mère, le problème est de savoir s'il convient ou non
d'interrompre l'allaitement, soit d'une manière transitoire, soit d'une manière définitive.

En général, le pourcentage de la dose ingérée passant dans le lait en 24 heures est inférieur à
1%, sauf pour quelques produits comme l'iode 131 et le thiouracile où il peut atteindre 5%.

Les mécanismes de passage des médicaments dans le lait sont complexes : il existe des
phénomènes de transport actifs et passifs subissant l'influence des variations de la
composition du lait : teneur en lipides, différence de pH.

En dépit du faible passage des médicaments dans le lait, en partie d'ailleurs sous forme de
métabolites inactifs, des accidents ont été observés chez le nouveau-né. Ces accidents
dépendent, pour un médicament donné, des modalités d'administration du médicament à la
mère (dose et durée), de l'âge du nourrisson (maturation des systèmes enzymatiques), de
l'allaitement maternel exclusif ou mixte, etc. Lorsqu'on envisage un traitement de la mère
avec un médicament qui pourrait être nocif pour l'enfant, mais pendant une courte durée, il est
possible d'interrompre transitoirement l'allaitement maternel.

L'excrétion dans le lait de vache de divers médicaments utilisés en médecine vétérinaire ou de


diverses substances comme les insecticides et les herbicides pose un problème important
d'hygiène et de contrôle, mais sort quelque peu du cadre de la pharmacologie.

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b-Élimination sudorale

On sait depuis bien longtemps que la sueur peut contenir des traces de substances telles que
l'iode, le brome, l'éthanol, l'acide salicylique, des sulfamides et divers oligo-éléments. On ne
dispose pas de données quantitatives précises mais l'élimination sudorale paraît accessoire par
rapport à l'élimination rénale, hépatique et pulmonaire.

c-Élimination par diverses sécrétions

On peut trouver des médicaments, au moins à l'état de traces, dans pratiquement toutes les
sécrétions, qu'elles soient lacrymales, nasales, bronchiques ou génitales. Ces voies sont sans
nul doute très accessoires pour l'élimination des médicaments mais peuvent présenter une
importance thérapeutique, notamment dans le traitement des infections d'origine microbienne
ou parasitaire. Mais peu d'études rigoureuses ont été effectuées dans ce domaine.

d-Méthodes artificielles d'élimination

Le recours aux méthodes artificielles d'élimination est utilisé en cas d'intoxication par des
médicaments ou des substances qui mettent en danger la vie du malade. On cherche alors à les
éliminer au plus vite.

e-Élimination digestive provoquée

L'élimination digestive peut être augmentée par différents procédés :

a. Le lavage gastrique utilisé d'une manière extrêmement fréquente car on peut retirer par
lavage gastrique une quantité non négligeable de toxique, même plusieurs heures après
la prise.
b. La diarrhée provoquée, ou lavement, qui est à mettre en uvre lorsque le toxique est
présent en grande quantité dans l'intestin, comme au cours des intoxications par le
bismuth.
c. L'administration de charbon activé connu depuis longtemps pour sa capacité à
adsorber un grand nombre de molécules, notamment de médicaments. Il est utilisé, en
administration orale ou par sonde gastrique, pour réduire l'absorption digestive et la
biodisponibilité de produits toxiques ou de médicaments pris en excès par voie
buccale. La préparation de charbon activé CARBOMIX* atteint une surface
d'adsorption de 2000 m2 par gramme. Le charbon activé doit être administré le plus tôt
possible après ingestion du toxique présumé.

Cette élimination digestive porte essentiellement sur le médicament non encore absorbé, mais
une partie du médicament éliminé peut provenir d'une sécrétion.

f-Élimination rénale accélérée

Pour accélérer l'élimination rénale de substances indésirables, on dispose essentiellement de


deux possibilités : la modification du pH de l'urine (alcalinisation pour favoriser l'élimination
des acides et acidification pour les bases) et la diurèse osmotique par la perfusion de solutions
hyperosmolaires (mannitol par exemple). Ces deux procédés peuvent être associés pour
obtenir une diurèse osmotique alcalinisante (bicarbonate de sodium par exemple) ou
acidifiante (chlorure d'ammonium par exemple).

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Le maintien d'une diurèse élevée au cours des traitements par des médicaments qui s'éliminent
essentiellement par le rein et peuvent le léser, tels que le méthotrexate et le cisplatine, prévient
leur accumulation et leur toxicité rénales.

g-Élimination artificielle

La dialyse péritonéale, l'hémodialyse et parfois l'exsanguino-transfusion sont utilisées pour


compenser l'insuffisance rénale.

Pharmacocinétique et posologie

La pharmacocinétique est un moyen de mieux adapter la posologie d'un médicament et non un


but en soi. Le but à atteindre est la prescription de chaque médicament à la posologie qui
assure la meilleure efficacité et le minimum d'effets indésirables.

La mesure de la concentration plasmatique d'un médicament, lorsqu'elle est possible, permet


de rechercher une relation entre concentration plasmatique et effets et facilite l'adaptation de
la posologie, en évitant les concentrations inefficaces ou toxiques. L'adaptation de la
posologie en fonction de la concentration cible est relativement facile : lorsque la
concentration est insuffisante, on augmente la dose administrée ou la fréquence
d'administration, et inversement.

Il demeure de nombreuses incertitudes concernant l'évolution souhaitable de la concentration


plasmatique des médicaments au cours du nycthémère : pour certains médicaments, une
concentration stable 24 heures sur 24 peut être recherchée, pour d'autres (cf trinitrine), elle est
à éviter et pour d'autres encore comme certains antibiotiques, on cherche à obtenir un ou deux
pics et vallées.

Pour les médicaments anciens, c'est l'usage, sans qu'il y ait eu, bien souvent, d'expériences
faites dans cette intention, qui a conduit à préconiser la quantité de médicament à administrer
par prise et par jour.

Pour les médicaments récents, les quantités préconisées résultent le plus souvent des études de
phase II. La posologie qui paraît la plus appropriée est retenue et ensuite, elle seule est utilisée
lors des essais de phase III et IV. On trouve dans la littérature peu de données comparant les

23
effets d'un médicament en fonction de la dose, car le laboratoire pharmaceutique doit
démontrer l'efficacité de son produit à une posologie déterminée et que de telles comparaisons
sont difficiles à faire et coûteuses.

Modalités de détermination de la posologie

Chez l'adulte, on peut distinguer trois modalités de prescription : posologie standard, c'est-à-
dire identique quelles que soient les différences morphologiques, posologie en fonction du
poids et posologie en fonction de la surface corporelle.

Chez la personne âgée, sans trouble métabolique ni insuffisance rénale, on adopte les mêmes
modalités que chez l'adulte.

Chez l'enfant, le nourrisson, le prématuré, la posologie est établie en fonction du poids


corporel et parfois en fonction de l'âge, par exemple posologie pour les enfants de 2 à 5 ans,
de 6 à 12 ans.

Posologie standard chez l'adulte

Prescrire la même quantité d'un médicament à un adulte de 50 ou 100 kg peut paraître


surprenant. Cependant, si le médicament a une affinité particulière pour un tissu déterminé,
par exemple le cerveau qui est bien irrigué, une posologie standard peut être mieux adaptée
que la posologie en fonction du poids corporel.

Par ailleurs, lorsque le médicament a une grande marge de tolérance, c'est-à-dire lorsque sa
concentration minimum efficace est très éloignée des concentrations toxiques, l'ajustement de
sa posologie demande moins d'attention que dans le cas contraire et une posologie standard
est suffisante.

Posologie en fonction du poids corporel

Lorsque le médicament a une distribution assez homogène dans l'organisme et que les
concentrations efficaces sont proches des concentrations toxiques, la posologie en fonction du
poids corporel paraît souhaitable.

Posologie en fonction de la surface corpoelle

L'établissement de la posologie d'un médicament en fonction de la surface corporelle du


malade, fréquemment utilisée en cancérologie, est une pratique sans justification
expérimentale ou théorique. En effet le médicament ne s'administre pas et ne s'élimine pas par
l'ensemble de la surface corporelle et tous les concepts de pharmacocinétique reposent sur des
volumes, volume de distribution, clairance etc, et ne font jamais intervenir la surface.

Posologie en fonction du volume corporel

L'établissement de la posologie d'un médicament en fonction du volume corporel de


préférence à la surface serait la solution la plus logique, car elle fait apparaître un lien direct
entre la posologie et le volume de distribution. Cependant, comme la densité moyenne du
corps humain est voisine de 1, le volume exprimé en litres et le poids exprimé en
kilogrammes sont sensiblement identiques.

24
Pour les médicaments ayant une affinité particulière soit pour les lipides soit pour l'eau, il
serait souhaitable d'avoir, en plus du volume corporel, une approximation de la répartition du
volume graisseux et du volume maigre. Il y a chez les personnes âgées une diminution
relative du volume maigre par rapport au volume graisseux.

Dosage de médicament : contrôle thérapeutique

La demande de dosages de médicaments est limitée par le fait que seul un certain nombre
d'entre eux sont dosés en routine et que la zone souhaitable de concentration thérapeutique de
beaucoup d'autres n'est pas bien déterminée.

Pour les médicaments dosés en routine et qui ont une zone thérapeutique connue, le dosage
peut être demandé :

1. lors de la mise en route du traitement, en général en attendant l'obtention du plateau de


concentration, c'est-à-dire cinq demi-vies, pour faire le premier prélèvement.

2. en contrôle systématique plus ou moins fréquent lors de l'utilisation de médicaments


tels que la ciclosporine, le lithium, etc.

3. lorsque les résultats thérapeutiques attendus ne sont pas atteints.

4. lorsque des effets indésirables susceptibles d'être liés au médicament apparaissent.

5. lorsque chez un malade traité survient un trouble tel qu'une insuffisance rénale.

6. lors de l'adjonction de certains autres médicaments susceptibles d'entraîner des


modifications du métabolisme.

Si la concentration mesurée paraît inattendue en fonction de la posologie, il faut s'assurer que


le prélèvement sanguin a été fait au moment qui convient et que l'administration du
médicament a été faite à la posologie indiquée.

Modèles de compartimentation en pharmacocinétique

Introduction
Définition :

La pharmacocinétique a pour but d’étudier le devenir du médicament dans l’organisme. Elle


décrit le devenir du médicament dans l’organisme par des représentations mathématiques
basées sur des modèles.
Les données pharmacocinétiques d’un médicament permettent de mieux répondre aux
questions posées dans le cadre d’une prescription :

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• quelle posologie ? : quelle dose et à quelle fréquence ?
• pendant combien de temps ?
Ce chapitre présente quelques données simples sur la notion de demi-vie et son application
pratique, après administration i.v. ou après administration orale.
1. Pharmacocinétique d’un médicament après une prise unique
1.1. Modèle à un compartiment
L’analyse de la cinétique plasmatique d’un médicament après une prise unique présentée ci-
dessous est simplifiée : elle postule que le médicament n’a qu’un seul compartiment de
distribution.
1.1.1. Administration i.v.
Après une administration intraveineuse, la courbe des concentrations plasmatiques d’un
médicament peut être décrite par une expression mathématique simple de type exponentielle
(s’il n’y a qu’un compartiment de distribution).
Concentration plasmatique

L’expression mathématique qui décrit cette courbe est :


C(t) = C0.e-Ke t (1)
où C0 = la concentration mesurée à l’instant zéro

C(t) = la concentration au temps t


Ke = la constante apparente d’élimination
La constante d’élimination dépend de la clairance et du volume de distribution :
Ke = clairance Vd
L’équation (1) peut être facilement transformée sous une forme logarithmique :
ln C(t) = ln Co – Ket
Ce modèle se définit par sa constante apparente d’élimination et par sa demi-vie d’élimination
qui correspond au temps nécessaire pour qu’une concentration passe de C à une valeur C/2.
On peut écrire une équation qui définit la demi-vie d’élimination :
Pour C = C0/2: ln (C0 /2) = ln Co – Ket1/2
ln C0 – ln (Co/2) = Ket soit ln C0 – ln C0 + ln 2 = Ket1/2 soit ln 2 = Ket1/2
t ½ = ln2/ Ke = 0.693/Ke
D’où t ½ = 0,693 Vd/ clairance

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La demi-vie plasmatique correspond au temps qu’il faut pour que la concentration
plasmatique d’unmédicament décroisse de moitié. Elle peut également se détermine
graphiquement.

La demi-vie plasmatique est égale à la demi-vie d’élimination si le modèle de distribution ne


comprend qu’un compartiment ; dans ce cas, la cinétique d’élimination est de type
monoexponentielle.
A noter que demi-vie plasmatique et demi-vie pharmacologique sont deux paramètres
différents : la
demi-vie pharmacologique est l’intervalle de temps nécessaire pour que l’effet
pharmacologique diminue de moitié.
Une des conséquences pratiques de cette notion de demi-vie est l’évaluation du temps qu’il
faut pour qu’un médicament soit éliminé de l’organisme.
L’exemple ci-dessous illustre la courbe de décroissance des concentrations plasmatiques d’un
médicament ayant une demi-vie d’élimination de 6 heures. Ainsi après 7 demi-vies la
concentration résiduelle du médicament dans le sang est inférieure à 1% (considéré comme
négligeable) :

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1.1.2. Administration per os
Après une administration per os, la cinétique des concentrations plasmatiques d’un
médicament présente un pic de concentration maximale (Cmax) obtenu à un temps donné,
correspondant au temps de concentration plasmatique maximale (Tmax).

Le Tmax est le temps nécessaire pour obtenir la concentration maximale dans le plasma. Le
pic deconcentration reflète un point d’équilibre entre les phases de résorption et la phase de
clairance.

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Tmax est un reflet approximatif de la phase de résorption. La vitesse de résorption peut être
calculée, mais ceci nécessite une méthode mathématique adaptée car dès la phase de
résorption, une fraction du médicament est déjà éliminée. Ainsi dans un premier temps, il faut
extrapoler la concentration au temps 0 (C0) puis construire une droite théorique qui représente
la différence entre la courbe mesurée et la droite extrapolée en C0 : la pente de cette droite
théorique correspond à la vitesse de résorption.

il est important d’associer la notion de Cmax à celles de concentration minimale efficace et de


concentration toxique. Il est évident que le choix de la posologie d’un médicament doit
aboutir à une Cmax comprise entre la concentration minimale efficace et la concentration
toxique.
Le maniement d’un médicament doit intégrer à la fois la relation posologie - concentration
plasmatique (qui relève de la pharmacocinétique) et la relation dose- (ou concentration-) –
réponse.

29
L’intérêt de formes galéniques à libération contrôlée ou prolongée est de supprimer le pic
plasmatique pour le remplacer par un plateau maintenant le plus longtemps possible les
concentrations dans la fourchette thérapeutique :

1.2. Modèles à 2 ou n compartiments


Les cinétiques mono-exponentielles correspondant à une distribution mono-compartimentale
sont rares. En général, la distribution se fait dans plusieurs compartiments. Le modèle le plus
courant est le modèle à deux compartiments dans lesquels le médicament s’équilibre. En
représentation semilogarithmique et après administration i.v., la cinétique est bi-exponentielle,
correspondant à deux phases.

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La première phase (α) correspond à la phase de distribution, la deuxième (β) à la phase
d’élimination.
L’équation de ce modèle est : C = A e-αt + B e-βt
Pour chaque phase, il est possible de déterminer une t½ :
t½ α = la demi-vie de distribution
t½ β = la demi-vie d’élimination
En fait, dans l’organisme, le médicament peut se distribuer dans de nombreux compartiments,
en
particulier un compartiment profond de stockage d’où le médicament n’est relargué que très
lentement. Ces situations font l’objet de modélisations mathématiques complexes.

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2. Pharmacocinétique d’un médicament après prises répétées
L’administration répétée (réitérée) des médicaments est plus courante que la prise unique.
Après des prises répétées de la même quantité de médicaments, on atteint un état stationnaire
(steady state) avec des oscillations des concentrations plasmatiques entre un Cmax et un Cmin
dont il faut minimiser l’amplitude en ajustant la fréquence des prises en fonction du type de
préparation galénique.

La concentration moyenne (Css = concentration au steady state) obtenue correspond à


l’équilibre qui s’est installé entre la quantité de médicament administrée et son élimination.
Cette concentration moyenne doit se situer dans la fourchette thérapeutique.
En résumé, la posologie administrée et la fréquence des prises vont déterminer le niveau où
s’établit la concentration moyenne et les oscillations entre Cmin et Cmax.
Idéalement ces oscillations doivent rester dans la fourchette thérapeutique. Les courbes ci-
dessous comparent les oscillations des concentrations plasmatiques après administration d’une
quantité X d’un médicament à la fréquence d’une prise par demi-vie et après administration
d’une quantité X/2 à la fréquence de deux prises par demi-vie. Le contrôle des concentrations
plasmatiques à l’équilibre est mieux maîtrisé dans le deuxième cas.

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On accepte que l’état stationnaire (ou steady state) est atteint après 4 à 5 demi-vies du
médicament ;en fait, selon la “ loi de plateau ”, il faut 4 à 5 demi-vies du médicament pour
atteindre 95 à 97% dela concentration moyenne du plateau.
En d’autres termes le temps nécessaire pour atteindre le niveau d’équilibre est indépendant
de ladose, il ne dépend que de la demi-vie plasmatique.
N.B. : il est possible d’obtenir le niveau d’équilibre plus rapidement en administrant lors de la
première prise une quantité plus importante du médicament, c’est la dose de charge. Elle est
suivie de doses d’entretien.
Cette notion de plateau a des implications pratiques lors de l’installation d’un traitement et de
l’adaptation de la posologie. Ainsi un changement de posologie pour inefficacité
thérapeutique ne doit être envisagé qu’après avoir obtenu l’état d’équilibre.
Exemple : si la demi-vie d’un médicament est de 24 heures, il faut attendre 5 jours avant de
juger de l’effet d’une posologie donnée de ce médicament. En cas d’apparition d’effets
indésirables, il ne faut pas s’attendre à une correction immédiate en cas de diminution de la
dose, puisque le nouvel équilibre ne sera atteint qu’en 4 à 5 demi-vies.
Remarque :
Certains médicaments ne répondent pas aux modèles pharmacocinétiques classiques. Ainsi on
parle de pharmacocinétique non linéaire lorsque l’on observe que, dans l’intervalle de doses
thérapeutiques, un des paramètres pharmacocinétiques varie de façon non proportionnelle
avec la dose administrée. Les raisons les plus fréquentes de la non-linérarité d’une cinétique
sont :
- la saturation d’un effet de premier passage hépatique ;
- la saturation des sites de fixation aux protéines plasmatiques ;
- la saturation des systèmes enzymatiques de métabolisme ;
- la saturation des processus de réabsorption ou de sécrétion tubulaire.
Pour ces médicaments, il est difficile de prévoir la concentration atteinte à l’équilibre, c’est le
cas par exemple de la phénytoïne (voir figure ci-après) où l’on observe une saturation des
enzymes du métabolisme oxydatif.

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Dans ce cas il est nécessaire de suivre les concentrations plasmatiques du médicament :
l’adaptation posologique se fait alors au cas par cas.
3. Notion d’AUC
L’AUC, aire sous la courbe, se définit comme la surface délimitée par les axes et la courbe
des concentrations sanguines ou plasmatiques du médicament en fonction du temps ; elle peut
être limitée à un temps déterminé ( ex AUC0-12 h) ou extrapolée jusqu’à l’infini.
L’ AUCo-∞, c’est l’intégrale de la concentration sanguine ou plasmatique du médicament du
temps 0 à l’infini, elle mesure la quantité de substance circulante, pour une concentration
exprimée en mg/l et le temps exprimé en heure. L’AUC sera exprimée en mg.h/ml. C’est le
reflet de l’exposition totale au médicament.
L’AUC est utilisée pour déterminer la biodisponibilité .
L’AUC peut être déterminée par la méthode des trapèzes.

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4. Notion de suivi thérapeutique pharmacologique
Le suivi thérapeutique pharmacologique (STP) repose sur la mesure de la concentration
sanguine ouplasmatique d’un médicament administré à un patient donné dans le but
d’adapter individuellement la posologie.
Cette approche repose sur le principe que, pour certains médicaments, la relation
concentrationréponse est meilleure que la relation dose-réponse car la concentration obtenue
chez un sujet donné pour une dose donnée n’est pas prévisible en raison d’une variabilité
pharmacocinétique interindividuelle importante.
Pour un médicament donné, la mesure des concentrations sanguines ou plasmatiques est utile
si :
- il existe une corrélation entre la concentration plasmatique et les effets
pharmacodynamiques
- la fourchette thérapeutique est étroite (définition de ce terme chapitre 3) ;
- la variabilité pharmacocinétique interindividuelle est importante ;
- il n’y a pas d’autres marqueurs permettant d’évaluer l’effet (ex tension artérielle pour les
antihypertenseurs, glycémie pour les antidiabétiques…) ;
- il existe une méthode de dosage validée de la forme pharmacologiquement active.
Pour un patient donné, la mesure des concentrations sanguines ou plasmatiques est réalisé :
- quand le patient présente des risques ou signes de sous-dosage ou de sur-dosage : ex pour
des
populations particulières (insuffisants rénaux, hépatiques.. voir chapitre 10) ou en cas
d’interactions médicamenteuses ;
- pour contrôler l’observance (pour explorer les cas de non-réponse au traitement).
Dans le cadre du STP, les paramètres pharmacocinétiques qui sont évalués sont :
- pour la plupart des médicaments : la concentration résiduelle (C0 ou Cmin) juste avant la
nouvelle
administration du médicament ;
- plus rarement : une concentration à un autre temps, par ex au pic Cmax ; ou à un temps
particulier
par ex C2 (concentration 2 heures après la prise orale) pour le Neoral® (ciclosporine, un
immunosuppresseur) ;
- plus rarement : l’AUC quand la relation concentration-effet concerne ce paramètre.
L’objectif du STP est de contrôler que le paramètre pharmacocinétique mesuré (Cmin ; Cmax
ou

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AUC) se trouve dans la zone thérapeutique recommandée pour éviter le risque accru d’effets
indésirables (si concentration supérieure à la borne supérieure de la zone) ou pour éviter le
risque
d’inefficacité (si concentration inférieure à la borne inférieure de la zone). La zone
thérapeutique
recommandée définie pour chaque paramètre (Cmin, Cmax) est la zone où la majorité des
patients sont
bien équilibrés.
Il est indispensable pour une bonne interprétation du résultat du dosage d’un médicament que
:
- l’état d’équilibre (steady state) soit atteint ;
- que le temps du prélèvement par rapport à la dernière administration soit respecté ;
- que les conditions de prélèvement soient respectées (bons milieux biologiques, conditions de
conservation du prélèvement…).
Le non respect de ces conditions peut conduire à une adaptation de posologie à tort.

Remarque : L’horaire de prélèvement pour la détermination d’un paramètre


pharmacocinétique dépend de la forme galénique administrée (LP ou forme à libération
immédiate). Ex :La concentrationminimale de lithium plasmatique en cas de prise de
Téralithe® doit être déterminée : (le lithium est un normothymique utilisé dans le traitement
des psychoses maniacodépressives, états maniaques ou
hypomaniaques)
- le matin ; c’est à dire 12 h après la dernière prise de la veille au soir et juste avant la
première prise du jour pour la forme à libération immédiate.
- le soir c’est à dire 24 h après la prise unique de la veille au soir et juste avant la prise unique
du soir pour la forme à libération prolongée (Téralithe LP ®).
La zone thérapeutique de la concentration minimale de lithium plasmatique est 0,5 à 0,8
mmol/l.
Pour la forme Téralithe LP ®, la mesure de lithémie effectuée le matin (12 h après la prise)
détermine la concentration intermédiaire à mi-chemin entre 2 prises, elle est située entre 0,8 et
1,2 mmol/l.

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