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Lola Barigand IHECS

1200121 Bloc 2 – Groupe G

SYNTHÈSE :
SOCIOLOGIE

Un cours donné par Messieurs Raskin et Moens.


Au rythme de 4 heures par semaine.

*Table des matières :

1) Introduction
2) Le Suicide, Émile Durkheim
3) Les paradigmes sociologiques
4) La sociologie américaine
5) La sociologie française
6) Les recherches
7) Les thèmes de recherche : Exemples

1. INTRODUCTION

1.1) Les origines de la sociologie

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La sociologie est une science qui date de la fin du XIXème siècle par Auguste Comte
(1838), qui en a inventé le terme. Cette discipline a commencé à être enseignée à
l’université à ces temps-là mais elle existait déjà du temps de Platon. Weber a repris
la méthode de Platon de l’idéal type. C’est la construction d’une vision parfaite de
la réalité pour voir si on y est proche ou non.

Le social concerne les conditions de vie et le mode de vie en société.

La sociologie est tout ce qui touche à l’activité humaine, ensemble des


comportements humains. C’est une science molle.

Définition parfaite : Étude des comportements humains considérés d’un point de vue
social (avec un impact sur la société), renfermant beaucoup de sous-disciplines
différentes.

Il y a eu trois révolutions amenée par la sociologie, des nouvelles conceptions de la société


dans l’Histoire :

a. La Révolution des Idées (politique et démocratique)


Cette révolution se base sur un concept de la société hérité des Lumières. La
Révolution française en est une conséquence. C’est donc une aspiration à plus de
liberté, d’égalité et de fraternité, au respect du citoyen.
Les premiers sociologues sont obsédés par l’ordre social. Ils détestent le désordre
amené par ces différentes révolutions. Il y a différents points de vue de la
sociologie pour mettre fin à ce désordre : Les interventionnistes veulent régler les
maux de la société, les positivistes veulent conformer la société à la pensée positive
rationnelle, qu’ils répondent à une certaine organisation rationnelle (à l’esprit
industriel), et les neutralistes analysent les conséquences d’une action collective (il
est impossible pour la science de justifier les valeurs d’une action mais seulement
leur signification ou leurs conséquences).
L’individu prend désormais une place dans le système politique (participation du
peuple au pouvoir par exemple, dont en 1789 en France où l’on admet que les
puissances qui dirigent n’ont pas tout à dire).

b. La Révolution Industrielle
La Révolution Industrielle des années 1800 fut marquée par les plusieurs inventions
qui apparaissent, comme la machine à vapeur. On se rend compte de la diversité de
ce que l’on peut créer et de l’espace que l’on dispose.
Ainsi, on va chercher la main d’œuvre dans le domaine agricole, il faut faire venir
des travailleurs en ville pour les usines, ce qui engendre de nouvelles constructions

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pour de nouvelles maisons. Cela modifiera donc le rapport au travail et les rapports
sociaux entre les individus, ainsi que l’espace dans lequel les gens habitent.
Les techniques de production, la gestion des mains d’œuvre, les nouvelles lois de
l’économie politique, etc, vont profondément influencer le développement
sociologique. Mais cette industrialisation a des effets dévastateurs. Elle va apporter
de grands problèmes sociaux (comme les salaires de misère, l’alcoolisme, le travail
acharné, le travail des enfants…). Le prolétariat urbain est déraciné.
Cela a énormément de conséquences sur la vie sociale (maladie, alcoolisme). La
Révolution donne donc un champ d’études à tous ceux qui s’intéressent aux sujets
sociaux. Cette révolution a nécessité une démarche rationnelle dans la production.

c. La Révolution Silencieuse ou Scientifique

La Révolution Silencieuse est rationnelle, ce sont les progrès faits par les sciences :
La science, ce sont des lois. Domaines de la biologie, de la médecine… Tout d’un
coup, il y a des évolutions incroyables des techniques présentes dans tous ces
domaines, mais aussi une nouvelle modification de la structure de production.

Toutes les personnes qui pensaient la médecine ou la physique, par exemple,


apportèrent alors une vision différente à celle auparavant. Petit à petit, une nouvelle
conception de l’organisme et du rapport organe/fonction va fournir un autre modèle
organisateur de la société.

L’espérance de vie qui croît, les gens soignés de mieux en mieux…

Ces trois révolutions créent des conditions d’un grand bouleversement dans les habitudes
et aptitudes de chacun, mais également dans notre manière de disposer les territoires, de
disposer des lieux. L’espace est réduit. Nous passons donc de la culture rurale (système
économique basé sur la proximité, sur la petite industrie, et sur la production agricole) à la
culture urbaine (grande villes en construction, tout le monde les uns sur les autres, travail à
la chaîne, plus dur et moins payé)... Il y a aliénation, une perte de sens par rapport au
geste que l’on fait. Cela va aussi changer d’un point de vue culturel. Cela amène ainsi
bien sûr des bouleversements sociaux, qui doivent donc être étudiés et compris, nous
allons donc créer une nouvelle science pour contrôler ces perturbations et
contenir/prévenir de nouveaux changements qui pourraient arriver : La sociologie.

1.2) Sociologie et sciences sociales

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La sociologie est une science humaine/sociale, mais c’est donc bien une science.
L’objet de recherche de cette science se regroupe dans tout ce qui se trouve dans la société
(sociologie de la religion, sociologie urbaine et rurale, sociologie politique…). Cela touche
donc tous les phénomènes sociaux. La sociologie des émotions se développe en ce moment.

Le discours sociologique, comme tout discours scientifique, doit satisfaire trois conditions :
Il doit avoir une cohérence interne dans la démonstration, doit être pertinent (capacité
explicative qui est compréhensible) et mesurable (doit être rationnel).

Étymologiquement, le mot « science » désigne le savoir, le savant. Cependant, selon les


philosophes du Moyen-Âge, la science concerne seulement « l’éternel » : Seul Dieu a accès
à la science, ou la connaissance parfaite des choses…

L’homme ne pouvait accéder à la science uniquement par Dieu, le divin était au-dessus de
la science des hommes. Il faudra attendre le 17/18ème siècle pour voir un changement à ce
niveau-là. Depuis le développement de la science, on a dû se rendre à l’évidence que Dieu
n’était pas tout. C’est une réalité nouvelle que nous devons accepter.
Mais la science, ce n’est pas que des vérités scientifiques : C’est également une démarche.

La démarche scientifique consiste à vouloir comprendre le réel par des expériences.


Pythagore, Hippocrate, Platon, Aristote, tous étaient les premiers grands scientifiques et leurs
démarches variaient déjà beaucoup.
Aristote et Platon, à l’époque, avaient deux approches différentes de la science. Ils
donnèrent naissance à deux démarches scientifiques bien distinctes :

a. Platon
Il va rationaliser toute chose. Platon part d’un modèle pur et scientifique qu’il a
construit. À partir de ça, il va essayer de voir quelle est la réalité. Mais parfois, ce
modèle peut devenir une sorte d’idéal qu’on veut promouvoir et qui peut donc porter
préjudice. Platon part donc d’un modèle théorique avec lequel il va se servir pour
essayer de s’approcher de la réalité, il avait une démarche empiriste, il voulait
mathématiser les choses.

b. Aristote
Aristote, lui, veut partir de la réalité qu’il voit, pour en faire une sorte de théorie.
Aristote part des faits, il regarde comment les gens vivent et quelles sont leurs envies

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ou leurs pulsions pour les théoriser, et savoir comment pouvoir les améliorer ou
comment les changer, par exemple. Il se basait sur une réflexion abstraite de la
nature.

NB : Il y a eu trois blessures de l’Univers notables…

a. Galilée
La Terre n’est pas au centre de l’Univers, la Terre tourne autour du Soleil.
b. Darwin
Nous venons d’une évolution et de la sélection naturelle.
c. Freud
La force la plus importante dans notre tête, c’est notre inconscient, et ce qui nous
guide dans la vie, sont les impulsions.

Observations de la chose scientifique, qui permet de dégager 6 évidences :

a. Il n’existe pas de loi universelle au nom de la science elle-même, car elle accepte
d’être remise en cause, on ne peut pas prévenir l’avenir et les (probables) futures
avancées.
b. Les mots véhiculent toujours une idée qui doit être expliquée, et non pas seulement
chiffrée ou mise sous la forme d’une formule. En effet, les mots peuvent trahir, ils ne
veulent pas tous dire la même chose. Il y a difficulté de traduire une expérience
scientifique dans plusieurs langues alors que chaque scientifique va se baser sur ce
qu’il se fait ailleurs.
c. Faire le découpage des faits, c’est les dénaturer, on ne peut envisager qu’une partie
du problème. On découpe la vérité donc on ne sait pas voir la totalité du fait, on
porte atteinte à la vérité, c’est alors de la fiction.
d. On s’attache toujours psychologiquement à une formule, aux choses qu’on nous a
appris à l’école, à nos premières opinions. Cela devient donc une évidence et on ne
se demande alors même plus si elle est vraie ou fausse.
e. Dans la recherche, seulement une partie des hypothèses est vérifiée dû à des
préjugés.
f. Une hypothèse fausse peut se vérifier (donner lieu à une vérification) et aboutir à
une vérité.

Il faut systématiquement remettre en cause les affirmations des scientifiques, parce qu’en
science, il n’existe pas de formule stable. Il y a un va et vient constant. Chaque formule est
provisoire. C’est dans la confrontation permanente qu’on avance vers la vérité.

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1.3) Les premiers sociologues

1) AUGUSTE COMTE : PREMIER PÈRE FONDATEUR FRANÇAIS DE LA SOCIOLOGIE

Né à Montpellier (1798-1857), ce français est à la base polytechnicien et enseigne les


mathématiques et la philosophie, deux branches qui vont de pair. Il est obsédé par la
Révolution des Sciences, l’organisation des entreprises… Il aimait le fait que la société doit
être réfléchie de manière positive (donc de manière rationnelle, scientifique). Pour lui, la
réflexion qu’on a eu sur le monde de l’entreprise doit être appliquée à l’organisation
sociale.

Auguste Comte essayera aussi d’expliquer la manière dont l’Ancien Régime s’est dissous. Il
prend en compte les bénéfices de cette révolution, pour les expliquer et rationnaliser ses
explications et ainsi éviter tous les excès qui ont eu lieu avant et après la révolution.

Il est le fondateur de la sociologie (créateur du mot et du concept dans son livre « La


Philosophie positive ») et du positivisme : Il va ainsi proposer le positivisme, la loi des « trois
états », et la nécessité d’une science nouvelle. Il dit que c’est celui qui maîtrise l’espace
social dans lequel il vit (le sociologue) qui est alors le plus apte à comprendre l’ensemble
des sciences. La sociologie est comme le chef d’orchestre du savoir humain.

Auguste Comte est devenu fou, complétement dépassé par une science (qui a pris une autre
forme que ce qu’il espérait) pour laquelle il s’est battu, la sociologie.
Ainsi, il aura proposé tout au long de sa vie :

- Le positivisme (ou la doctrine du positivisme)


Prépondérance de l’esprit scientifique qui va, par une loi inexorable du progrès de
l’esprit humain (appelée la loi des trois états), remplacer les croyances théologiques
ou les explications métaphysiques. La mentalité positive reprend pour lui une sorte
d’idéal.

- La loi des trois états


Il a essayé de donner un caractère scientifique à la sociologie, expliquer l’évolution
des sociétés par 3 états. En effet, pour Comte, l’esprit humain et la société passe par
trois états successifs dans son évolution.

À ces trois formes de pensée, il fait également correspondre trois types d’institutions
économiques et politiques, qu’il inventa :

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a. L’état théologique, dans lequel les phénomènes sont expliqués par des forces
surnaturelles. C’est une société primitive. Il est caractéristique des sociétés
hiérarchisées et militaires au Moyen-Âge.
Exemple : « Les éclairs sont des signes de Dieux » ! (Moyen-Âge)

b. L’état métaphysique, où les évènements et phénomènes sont expliqués par des


idées abstraites (une sorte d’explication) qualifiées de causes. Il domine l’Europe
de la Renaissance aux Lumières (on rêve d’un monde meilleur) et est associé à
des institutions transitoires, entre l’ordre ancien et l’ordre nouveau.
Exemple : « Il y a des orages et il y a des éclairs » (Renaissance)

c. L’état positif/scientifique/rationnel, qui se réalise lorsque les faits sont expliqués


par les raisonnement scientifique. Tout doit pouvoir s’expliquer. Il correspond à
un organisation calquée sur le modèle industriel (et moderne) et autour de
l’activité de production. L’évolution arrive à son état de maturité.
Exemple : Explications de pourquoi il existe des orages et des éclairs.

À partir de son idée de donner la priorité à l’esprit scientifique, il crée donc le positivisme.
Il a une nécessité d’une science nouvelle.

- La nécessité d’une science nouvelle


La sociologie comme science positive de l’organisation et de l’histoire sociale.

2) KARL HEINROCH MARX : PREMIER PÈRE FONDATEUR ALLEMAND

Philosophe, économiste et théoricien socialiste et communiste allemand.

Conception générale de la société :

a. Par le travail, l'homme se produit lui-même et produit la société


b. Structure économie : Fondement de la société
c. Mode de production (= Forces productives et rapports de production esclavage,
métayage, artisanat, salariat,…)
d. Superstructure dépend de la structure et des rapports de production
e. Révolution : Conflits entre forces de production et mode de production

Matérialisme marxiste : Vision historique de la révolution :

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Idéologie

Superstructure

Base matérielle = Économie

Philosophe, économiste et théoricien socialiste et communiste allemand, c’est le premier père


fondateur allemand de la sociologie (1818-1883). Il a fait des études de droit, d’histoire et
de philosophie, en plus d’avoir été journaliste. Il a bouleversé les idées sociales.

Il a des idées très différentes de celles de de Tocqueville. Marx et Weber partagent, eux,
une vision plus identique sur une vision économique de la société́, mais orientent leurs
travaux très différemment. Chez Marx, cette importance dévolue à l’économie réside dans
l’affirmation que la société́ est déterminée par l’organisation des forces productives et des
moyens de production, ils constituent une infrastructure spécifique.

Ces infrastructures ou organisations se succèdent au cours de l’Histoire d’une manière


évolutionniste et servent de support à une superstructure regroupant toute idéologie et toute
culture, simples éléments déterminés strictement par les faits objectifs de l’économie.
Il n’y a donc pas une simple liaison entre société́ et économie, mais une totale détermination
de la première à la seconde.

Selon lui, la colonne vertébrale du social, c’est l’économie. Le social est le produit de
l’économie. La société́ est la conséquence de l’économie. L’économie, pour Marx, est un
ensemble de relations de productions.

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Marx constate (constat historique) qu’il y a 2 classes sociales (les deux seules qui comptent
selon lui*): La bourgeoisie et le prolétariat (composé des artisans et des paysans). La
bourgeoise détient les moyens et forces de production, elle est individualiste (cherche à
croître sa richesse, entre en concurrence avec d’autres, a l’appât du gain). Pour générer
des revenus supplémentaires, la bourgeoisie fait pression sur le prolétariat.

Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bourgeoisie
(cadences forcenées, exploitation des enfants, paupérisation, alcoolisme, dégradation
morale). La création de partis (pour une vision plus globale) et de syndicats (qui protègent
et défendent les travailleurs) est donc organisée : Organisation du prolétariat, prise de
conscience de la situation d’exploitation et des objectifs historiques.

*Selon Marx, la classe moyenne n’existe pas. C’est une incertitude qui, pour lui, doit
prendre une décision et se positionner sur la bourgeoisie ou le prolétariat. Il n’y a pas de
place à l’entre-deux.

Marx ne veut pas directement donner le pouvoir au prolétariat, il dit qu’il faut instaurer une
dictature du prolétariat, pour mener une lutte (dans le but de changer la société) et pour
préparer les individus et les consciences à changer de monde dans lequel ils vivent. Le terme
de dictature du prolétariat incite à un passage vers autre chose : Ceux qui avaient le pouvoir
ne l’ont finalement jamais passé aux autres… Pas d’équilibre au final. Pour Marx, la société
n’est pas prête à prendre le pouvoir. Il fait donc appel aux gens « éclairés » pour régner et
prendre le pouvoir.

Il développe donc une théorie industrielle du travail. Il voit une modification fondamentale
de la manière dont on travaille, c’est la fin de l’artisanat. Il estime que c’est par le travail
que l’homme se produit et produit la société́. L’homme et la femme n’existent que par le
travail et leur utilité́ est présente par le travail qu’ils produisent.

Dans la vision marxiste, les humains n’ont pas réellement prise sur le social. L’avant-dernier
stade de la société́ est la société́ capitaliste en Angleterre, en Belgique, aux USA et en
Allemagne. Ce sont les pays les plus capitalistes de l’époque. L’idèle du capitalisme c’est la
mobilisation des forces productives par une partie de la population. Les capitalistes veulent
faire fructifier leurs capitaux via les bénéfices. Les prolétaires et sous-prolétaires (à la
recherche d’un travail) permettent de faire de gros bénéfices.

Selon Marx, le capitalisme va éliminer le travail et remplacer les prolétaires par des
machines pour des coûts encore moindres. Mais sans aucun revenus, le prolétariat ne sait
plus acheter les produits générés par les usines. Si le capitalisme élimine le travail, il éliminé
le capital en même temps, ce qui est assez contradictoire. Pour contrer cela, Marx propose
l’idéal communiste, qui serait une distribution égalitaire des biens.

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Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bourgeoisie
Selon Marx, personne n’est responsable de cette situation, les capitalistes ont juste eu plus
de chance à la naissance qu’en ont eu les prolétaires. La société́ est une structure, les gens
en sont des simples jouets mais ne l’ont pas construite.

Concernant son approche sociologique, au moins 4 grands thèmes de son œuvre sont à
considérer, qui ont totalement conditionné le 20ème siècle :

a. La théorie des classes sociales

Avec la Révolution Industrielle, cette théorie consiste en la création de deux classes sociales
(la bourgeoisie et le prolétariat), qui se définissent par leur place dans les rapports de
production. La théorie des classes sociales se définit selon trois critères :

- Par leur place dans le mode de production (esclavagiste, féodal, capitaliste).


- Par les rapports des classes qui se déterminent, dans la société industrielle, autour
de la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie. En fait, les classes se forment
indépendamment des hommes et de l’État. Selon le niveau de développement, une
division du travail apparait et détermine des rapports de commandement et
d’exécution ainsi qu’une répartition inégale des produits du travail. Ce phénomène
se présente lorsqu’il y a surproduction. C’est la lutte pour l’appropriation de cette
surproduction qui est à l’origine de la division des classes et de tous les rapports de
travail, de propriété, de pouvoir, de prestige qui stratifient les sociétés. Attention,
nous ne parlons pas de petite bourgeoisie (classe moyenne), qui n’existerait pas.
- Par la conscience des classes, c’est-à-dire le sentiment d’appartenance. Il y a les
classes « en soi » (définies objectivement, elles regroupent l’ensemble des individus
qui ont en commun les mêmes conditions de travail, le même statut et les mêmes
problèmes, mais qui ne sont pas organisés, ils n’ont pas conscience de vivre la même
situation de vie que leur voisin) et les classes « pour soi » (conscience des classes,
de ce qu’elles sont, elles peuvent se transformer et permettent l’organisation d’un
mouvement social). Il existe une grande distinctions entre ces deux classes.

b. Une analyse critique de l’État (théorie de l’État)

Instrument aux mains de la classe dominante pour dominer le prolétariat. Pour Marx, les
institutions étatiques et le pouvoir d’État (dans la société capitaliste) constituent une forme
de domination sur la société civile et un instrument au service de la classe dominante, il fait
partie de la superstructure. En effet, dans chaque phase de l’histoire, à un mode
d’organisation économique (infrastructure) correspond un mode d’organisation étatique et
idéologique (superstructure). L’État est donc une superstructure. Comme toute
superstructure, l’État basculera au moment de la révolution pour se mettre au service du
prolétariat. C’est un instrument aux mains de la classe dominante pour le dominer.

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Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bo
c. L’étude (ou théorie) des idéologies

Idéologie : Ensemble des idées dominantes véhiculées par une société, un groupe
social, dans le cadre des superstructures.

C’est un ensemble des idées dominantes véhiculées par une société, un groupe social, dans
le cadre des superstructures. Ce sont des représentations tronquées de la réalité. Avec Marx,
il y a une absence de théorie systématique des idéologies, une aliénation par l’idéologie.
La religion, la philosophie, les morales seraient illusoires et reposeraient sur des bases
erronées, ce ne sont que des projections d’idées qui rendent la condition humaine plus
supportable.

La bourgeoisie aurait valorisé des idées (égalité, liberté, fraternité…) qui ont été utilisées
contre l’ordre ancien pour l’abattre. Ces idées ne sont que l’expression de ses intérêts de
classe.

Marx estime que l’idéologie disparaît avec la prise de conscience claire des rapports
sociaux, qui ne peut se faire que dans une praxis (activité sociale totale) révolutionnaire du
prolétariat (opposition à la vision hégélienne qui pense que ce sont les idées qui mènent le
monde et que, pour changer le monde, il faut imposer de nouvelles idées).

d. Une conception générale de la société

Le fondement de la société réside dans la vie matérielle. Par le travail l’homme se produit
lui-même et produit la société. La structure économique de la société est la fondation réelle
sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique et à quoi répondent des formes
déterminées de la conscience sociale. C’est donc l’existence sociale qui détermine la
conscience des individus et non pas l’inverse. Le mode de production d’une société est
composée de « forces productives » (hommes, machines, techniques) et de « rapports de
production » (esclavage, métayage, artisanat, salariat). Ce mode de production constitue
un socle sur lequel s’élèvent les superstructures juridiques, politiques et idéologiques d’une
société. À un moment historique, les forces de production vont entrer en conflit avec les
rapports de production. C’est alors que commence une ère de révolution sociale. Le « Grand
Soir », c’est une rupture révolutionnaire, le pouvoir est anéanti et une nouvelle société est
instaurée. Historiquement on constate deux classes : La bourgeoisie et le prolétariat (artisans
et paysans). Les conditions de travail se sont détériorées à cause de l’avidité et la cupidité
de la bourgeoisie (exploitation des enfants, alcoolisme, dégradation morale,...). Cette vision
des choses s’oppose à la vision hégélienne qui pense que ce sont les idées qui mènent le
monde et que pour changer le monde, il faut imposer de nouvelles idées. Marx, au contraire,
défend un matérialisme de principe. De plus, les crises résultant du conflit entre forces de
production et rapports de production ne suffiront pas à renverser le système économique et

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par conséquent l’ordre du monde. Il faut que le prolétariat s’organise en parti, qu’il crée
des syndicats et que ce dernier soit conscient des objectifs historiques qu’il s’assigne. Avant
cette prise de conscience, c’est la dictature du prolétariat (phase de transition
révoutionnaire).

3) ALEXIS DE TOQUEVILLE : DEUXIÈME PÈRE FONDATEUR FRANÇAIS

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Alexis Henri Charles Clérel, Vicomte de Tocqueville, penseur politique, historien et écrivain
français. Tocqueville s'interroge sur les fondements de la démocratie. Il pense que la
tendance générale et inévitable des peuples est la démocratie. Selon lui, celle-ci ne doit
pas seulement être entendue dans son sens étymologique et politique (pouvoir du peuple)
mais aussi et surtout dans un sens social.
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Alexis de Tocqueville (1805-1859) est le deuxième père fondateur français de la sociologie.


C’est un penseur politique historien, aristocrate et écrivain français. Il est le petit-fils de
Malesherbes (ancien ministre de la justice de Louis XVI), magistrat politique qui a aidé à la
diffusion de l’Encyclopédie.

Sa démarche est empirique. Il se refuse toute conjecture : Il décrit la situation et se limite


ainsi à l’empirie à laquelle il est confronté́. Avec lui, il n’y a pas de théorie. De Tocqueville
était un fonctionnaire français chargé, au début des années 1840, d’aller observer le
système pénitentiaire des USA. Il va regarder comment le pays gère ses délinquants, ce qui
va l’amener à observer l’ensemble du pays. Il va publier « La démocratie en Amérique » et
« L’Ancien Régime et la révolution ».

Lui, à l’inverse de Comte, il va sur le terrain, il va regarder et décrire. Sur base de ses
observations, il va essayer de généraliser les éléments qu’il observe.

Il pose la question des conditions d’existence et de maintien d’un système démocratique. Il


pense que la tendance générale et inévitable des peuples est la démocratie. Selon lui, celle-
ci ne peut être seulement entendue dans un sens étymologique et politique (pouvoir du
peuple), mais aussi et surtout dans un sens social. Il est fasciné par les États-Unis, et se
demande qu’est-ce qui a manqué à la France pour qu’elle puisse avoir une monarchie
démocratique ? Pourquoi la France a du mal avec cette idée démocratique et pourquoi l’AR
n’a pas été maintenu ? Il s’interrogera donc tout sa vie sur les fondements de la démocratie.
Selon De Tocqueville, si on est responsable (de fumer, par exemple), l’État n’a pas à payer
(nos frais d’hôpitaux si on attrape un cancer). Cela rejoint la culture américaine très
individualiste, mais toutefois charitable. En Europe, l’approche est différente. On met en
place des choses pour tout le monde, mais tout le monde paye…

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Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bourgeoisie
De Tocqueville est en quelque sorte le père de la sociologie politique, il pense qu’il est
possible d’agir sur les événements. Il ne peut y avoir de lois naturelles qui gouvernent les
choses et les êtres. Alexis de Tocqueville s’interroge sur les fondements de la démocratie.

Selon lui, la tendance générale et inévitable du peuple est la démocratie. Cette démocratie
doit être entendue dans son sens étymologique, politique et surtout social. Il recherche les
régularités ainsi que les singularités des systèmes démocratiques américain et français.

À partir de ses observations, il va tenter de définir une société de type démocratique. Il


dégage deux idées fortes :

a. À partir des observations qu’il fait là-bas, il remarque que dans toute démocratie,
deux notions sont fondamentales mais contradictoires : La liberté et l’égalité. C’est
antagoniste. Ma liberté est de ne pas être égal à l’autre. Ma liberté est absolue, or
si je garantis la liberté à tout le monde, on arrive tout de suite à une situation
totalement inégalitaire. Pour garantir une harmonie dans la société, on a érigé le
dogme de l’égalité. Aux USA, la liberté est une valeur centrale alors qu’en France
c’était l’égalité. Aux USA, les hommes sont censés être responsables de leurs actes,
puisqu’ils sont libres. Les parjures (mensonges) sont plus graves que les actes en eux-
mêmes. Il y a cette conviction que la parole est vraiment importante aux USA. Ce
n’est pas le cas en France où la société a une responsabilité dans nos comportements.
Aux USA, les peines pénitentiaires sont beaucoup plus importantes. La démocratie
veut que tout le monde soit pareil. Cependant, le système aux États- Unis n’est pas
totalement égalitaire. L’enseignement se fait par exemple par semestre et les
universités les plus prestigieuses ne sont pas accessibles à tous. C’est donc un système
avec une très grande liberté, mais où l’égalité est moins poussée que chez nous.
Quand on a un système qui privilégie l’égalité à la liberté, on arrive dans un système
totalitaire ou despotique démocratique, on pousse la logique de l’égalité jusqu’au
bout. Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la
bourgeoisie
b. Une autre observation qu’il fait est le fait que l’individualisme soit « la rouille des
sociétés ». Le repli sur la vie matérielle favorise soit le pouvoir d’État, soit
l’atomisation et l’anarchie. Il faut donc se battre contre l’individualisme par
l’éducation, la fierté d’appartenir à un collectif, le sentiment d’avoir besoin d’être et
que les autres aient besoin de nous. La solidarité est donc nécessaire pour contre
l’individualisme. Trop de liberté mène à l’anarchie.

Selon lui, la liberté et l’égalité sont les piliers de toute démocratie et il faut sans cesse veiller
à maintenir un équilibre.

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Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bourgeoisie
Caractéristiques de la société démocratique selon Alexis de Tocqueville :

a. Égalité des conditions (absence de castes et de classes mais pas de suppression de


la hiérarchie sociale)
b. Répartition équilibrée des pouvoirs (judiciaire, législatif et exécutif, dont la distinction
n’existe plus aujourd’hui)
c. Participation active des citoyens à la vie politique et sociale

Nécessités pour une société démocratique :

a. Restaurer des corps institutionnels intermédiaires*, qui occupaient une place centrale
dans l’Ancien Régime (associations politiques et civiles, corporations…)
b. Renforcer les liens sociaux pour permettre à l’individu isolé face au pouvoir d’État
d’exprimer sa liberté et donc de résister à « l’Empire moral des majorités », comme
dirait De Tocqueville.

Risques de la société démocratique :

a. Tyrannie de la majorité (égalité au détriment de la liberté, ce risque s’exerce au nom


du principe démocratique, un pouvoir peut s’avérer oppressif à l’égard de la minorité
qui est nécessairement en tort puisque minoritaire… Poursuite de l’égalité au
détriment exclusif d’une partie de la population).
b. Despotisme démocratique (les hommes démocratiques seraient dominés par deux
passions, l’égalité et le bien-être. Ils sont prêts à s’abandonner à un pouvoir qui leur
garantirait de satisfaire l’un et l’autre, au même prix de l’abandon de la liberté. Ils
sont alors conduits à renoncer d’exercer leur liberté pour profiter de l’égalité et du
bien-être… Les individus pourraient ainsi remettre de plus en plus de prérogatives à
l’État).

*Nécessité de restaurer des corps institutionnels intermédiaires qui occupaient une place
centrale dans l'Ancien Régime (associations politiques et civiles, corporations, etc.) et de
renforcer les liens sociaux, peuvent permettre à l'individu isolé face au pouvoir d'État
d'exprimer sa liberté et ainsi de résister à ce que Tocqueville nomme « l'empire moral des
majorités »).

De Tocqueville va condamner l’égoïsme de ceux qui se désintéressent de la chose publique.

Les études de De Tocqueville restent une référence pour les sociologues. Sa recherche pour
comprendre les États-Unis reste valable, de même que son étude de l’Ancien Régime français
et de la Révolution.

4) GEORGE SIMMEL : DEUXIÈME PÈRE FONDATEUR ALLEMAND

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Les conditions de travail sont donc détériorées par l’avidité et la cupidité de la bourgeoisie
Contemporain de Durkheim et deuxième père fondateur allemand, son influence fut
beaucoup plus tardive, à sa mort il n’était pas très connu. Il va initier une démarche
sociologique singulière. Il va creuser des choses que d’autres considèrent comme anodines :
Le couple. Ce n’est pas vraiment anodin, mais il a cette volonté de s’occuper du quotidien,
des relations entre les gens.

Il s’intéresse à l’échange et l’interactions entre les individus, ce sont les actions réciproques.
On s’intéresse à comment nous fonctionnons dans un système où nous sommes en relation
les uns avec les autres.

5) MAX WEBER : TROISIÈME PÈRE FONDATEUR

Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Fondateur de la sociologie compréhensive, c'est-à-dire d'une approche sociologique qui
fait du sens subjectif des conduites des acteurs le fondement de l'action sociale. Il définit la
sociologie comme « une science qui se propose de comprendre par interprétation l'activité
sociale et par-là d'expliquer causalement son développement et ses effets ». Le concept
d'idéal-type = Travail de grossissement et d'idéalisation des traits qui semblent
fondamentaux au chercheur.

Ceux-ci forment des « tableaux de pensée homogène », où l'on a rassemblé, en une


définition cohérente, l'ensemble des traits, pas nécessairement les plus courants, mais les
plus spécifiques et les plus distinctifs pour caractériser l'objet. En ce sens, l'idéal-type est
toujours une « utopie ». Permet de lire le réel, d'y repérer l'objet sous ses différentes
formes empiriques, et de l'analyser en considérant son écart par rapport à son type-idéal.
Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.

Contemporain à Durkheim également, il naît et meurt au 19ème siècle. C’est le troisième père
allemand de la sociologie. Lui et Karl Marx sont autant économistes que sociologues. Ils
vont développer, sur base d’une affirmation, une théorie sur les liens étroits entre la société
et le monde économique. L’économie est première pour eux, comme nous l’avons vu avec
Marx. C’est à travers cette dimension économique que les sociétés se construisent.

Max Weber publie « Économie et Société ». Comme Marx, il met également l’économie au
centre, mais la seule chose motrice pour lui reste l’individu. Il cherche à comprendre
comment les actions individuelles forment par leur composition la société elle-même. Il va
analyser les différentes sociétés en essayant de comprendre en quoi les dimensions les
composant sont convergentes. Pour lui, l’infrastructure et la superstructure vont ensemble.
En fonction de ce que les humains mettent en action, on va avoir des expressions
économiques différentes.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
À l’inverse de Marx, pour qui l’économie est déterminante de l’ensemble de la société.
L’infrastructure est économie et la superstructure (état, culture,…) n’est que l’expression des
contraintes économiques.

Son étique est de respecter les valeurs du protestantisme. Weber a essayé de comprendre
la relation qu’il pourrait y avoir entre le protestantisme et le capitalisme (pluralité des
causes).

Il caractérise le capitalisme comme :

a. L’appât du gain (disposition banale), qui est une disposition banale mais comme
l’organisation méthodique des facteurs de production, dans le but de réaliser un
profit au sein d'une entreprise destinée à durer. Ce qui montre bien que le capitaliste
mène des actions rationnelles en finalité.
b. L'activité de type capitaliste, qui est favorisée par un état d'esprit (l'esprit du
capitaliste) qui consiste à utiliser des ressources (le temps, le capital, le travail) de la
façon la plus efficace possible dans un but de rentabilité et d'accumulation
(réinvestissement des gains).

L’activité de type capitaliste est favorisée par :

a. Un état d’esprit (l’esprit du capitaliste).


b. Qui consiste à utiliser des ressources (temps, capital, travail) de la façon la plus
efficace possible.
c. Dans un but de rentabilité et d’accumulation (réinvestissement des gains).

Il remarque que ce dernier s’est développé dans des pays à domination protestante
(Allemagne, Angleterre). Il se demande donc s’il y a un rapport entre les deux. Dans ces
pays, il y avait, au fond, un état d’esprit capitaliste (utiliser ses ressources de la façon la
plus productive, être rentable,...).

Pour trouver les points de corrélation, il résume l’éthique protestante en 5 points :

a. Il existe un Dieu transcendant qui gouverne le monde.


b. Ce Dieu a prédestiné chacun au salut ou à la damnation.
c. Dieu a créé le monde pour sa propre gloire.
d. L’homme doit travailler à Sa gloire en développant les activités humaines dans la
société.
e. Les choses terrestres, en particulier le plaisir, appartiennent à l’ordre du pêché.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Cette éthique aurait, selon Weber, incité les protestants à adopter un comportement
rationnel (ne pas perdre son temps à des activités futiles), à travailler (dans une entreprise...
mais pour la gloire de Dieu) et à préférer l'épargne à la consommation (car le plaisir est
répréhensible).

Il y aurait donc une relation étroite entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme.
Weber pense ainsi avoir démontré non pas que le protestantisme est la cause du capitalisme
mais que l'éthique protestante a favorisé l'esprit du capitalisme qui est un des facteurs
explicatifs de l'apparition du capitalisme.

Weber n'ignore pas le rôle joué par des facteurs économiques et matériels dans le
développement et l'expansion du capitalisme mais insiste surtout sur l'influence des facteurs
religieux notamment des valeurs développées par les protestants dans la diffusion de ce
qu'il nomme « l'esprit du capitalisme».

Ces préceptes ont conduit le protestant à être rationnel puisque la religion est très stricte.
Vu qu’il n’y a pas de plaisir, naturellement on accumule du capital. Puisqu’on n’est pas
fainéant, on travaille pour quelque chose qu’on ne dépense pas. On ne sait pas si on a été
élu ou pas, mais on fait tout comme si c’était le cas. Il y a donc un lien, l’éthique protestante
a bel et bien favorisé l’essor du capitalisme.

Pour aller un peu plus loin et dire les choses autrement...


Weber a trouvé une affinité entre « l'esprit du capitalisme » qui se caractérise par la «
recherche rationnelle et systématique du profit par l'exercice d'une professions » ainsi que
le réinvestissement de l'épargne, et l'éthique calviniste qui a engendré une morale
individuelle favorable aux conduites rationnelles que doit tenir l'entrepreneur capitaliste.
En effet, la Réforme fait de tout fidèle « un moine dans le monde ».

Face à cette solitude plusieurs solutions s'offrent à tout croyant : Le fatalisme, la recherche
éperdue de la jouissance ou celle des signes de l'élection divine. Cette dernière voie est
choisie par les sectes puritaines qui interprètent la réussite professionnelle comme un signe
de l'élection divine. C'est ainsi, en effet, que les protestants plongés dans l'inquiétude et
l'incertitude du salut n'ont d'autre échappatoire que de travailler sans relâche à
l'accroissement de la gloire de Dieu sur terre.

La neutralité axiologique : C’est la séparation nette entre les jugements moraux


propres au chercheur et son analyse scientifique. Mais le sociologue n’est pas plus
neutre qu’un autre.

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L’ouvrage le plus célèbre est « Éthique protestante et l’esprit du capitalisme », il met en


relation le capitalisme (décrit par Marx, tel qu’on le connait) et le protestantisme :

a. Cette éthique aurait incité les protestants à adopter un comportement rationnel (pas
perdre son temps à des activités futiles), travailler, préférer l’épargne à la
consommation.
b. Les protestants n’ont pas inventé le capitalisme mais ce dernier s’est développé
d’avantage dans des pays protestants. Il dit que les individus qui déploient toute une
série de croyance mettent en œuvre des éléments qui permettent le développement
du capitalisme. Il y a une cooccurrence entre les éléments.
c. Weber insiste surtout sur l’influence des facteurs religieux notamment des valeurs
développées par les protestants dans la diffusion de ce qu’il nomme l’esprit du
capitalisme.
d. L’économie ici ne génère pas le social et inversement. L’économie est la conséquence
des actes des individus.

Éthique : Actes, la morale est abstraite et l’éthique est la mise en œuvre concrète de
ces valeurs morales.

Esprit : Idéal type.

a. Esprit du protestantisme :

La base de la représentation de Weber est de se dire que Dieu a choisi les élus, c’est la
notion de prédestination. Contrairement aux catholiques pour qui il n’y a pas de
prédestination, tout le monde est élu (même si tu fais des erreurs, il suffit de dire qu’on est
désolé et c’est bon !).
Dans cette logique protestante, autant devenir un psychopathe ! : Quoi qu’on fasse, on aura
le même résultats. « Si Dieu m’a choisi, il faut que je sache si j’ai été choisi, s’il m’a choisi
c’est qu’il m’aime. Mon action sur terre doit me permettre de me développer et de
prospérer. » Le protestant va tout faire pour réussir sur cette terre, car cela sera la preuve
de son élection, cela assurera sur sa réussite et sa vie éternelle près de Dieu.

b. Esprit du capitalisme :

Le protestant s’investit, est rigoureux et réinvestit son travail qu’il a effectué dans son travail
de demain. Cette représentation morale est la présentation économique du capitalisme :
S’épanouir dans l’accumulation, son bonheur n’est pas de travailler pour dépenser mais
d’accumuler : Accroître son capital. Il y a donc une mise en avant de la logique économique
créée par les humains qui crée alors la réalité sociale.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Cette convergence existe, c’est le fait des individus, des acteurs mais il n’y a pas de causalité
entre la religion et le capitalisme, entre le social et l’économique. L’un ne crée par l’autre,
tous les deux sont créés de manière commune par les même acteurs.

Marx Weber

Le social est la conséquence de La personne humaine est un acteur qui


l’économique. L’individu est le jouet des construit le cadre social et économique
structures. dans lequel nous nous trouvons.
Cause = Structure Cause = Acteur
Fait/résultat = Société Fait/résultat = Société, économie

- Typologie de l'action chez Weber

L'action traditionnelle correspond aux types d'actions quasi «réflexes », « mécaniques ».


Produit des habitudes.

L'action affective ou émotionnelle est le type d'acte commis sous le coup d'une émotion,
comme une gifle donnée sous le coup de la colère.

L'action rationnelle en valeur correspond aux actions par lesquelles un acteur cherche à
accomplir une valeur. En finalité, elle correspond aux types d'action où l'acteur détermine
rationnellement à la fois les moyens et les buts de son action. Un chef d'entreprise efficace
agit en fonction de ce type de rationalité, par exemple : Il ne se soucie pas des conséquences
morales de ses actes (licenciements, par exemple), seul lui importe l'efficacité, déterminée
rationnellement, de ses actions.

6) VILFREDO PARETO : PREMIER PÈRE FONDATEUR ITALIEN

Milieu du 19ème, il est le père fondateur italien de la sociologie. Il a commencé comme


ingénieur, il a continué comme économiste, puis a fini sociologue. Il a également été
professeur de sociologie à l’Université de Lausanne. Il définit la sociologie comme une
discipline qui étudie les actions humaines. La sociologie, à cette époque-là (également aux
temps de Weber et Durkheim), est en train de s’institutionnaliser.
Il fait la distinction entre les actions logiques (le but subjectif et le but objectif de l’action sont
similaires, cohérents) et les actions non-logiques. Pareto avance également les notions de
système social, résidus et dérivations, élites et circulation des élites.

a. Action logique
Il y a un lien entre le but et les moyens de l’action.

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Le but objectif (pratique) poursuivi est identique au but subjectif (sensible). Je pose
une action qui se résume intégralement dans la finalité qu’elle poursuit.
Ces action logiques sont l’objet d’une science : L’économie. L’agent économique met
en œuvre une série de moyens pour atteindre un objectif précis.

b. Action non logique

Lien entre le but et les moyens n’existe pas, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient illogiques.

4 genres d’actions non logiques :

a. Actions dépourvues de finalité objectivement et subjectivement.


b. Actions dépourvues de finalité objective mais qui ont un sens subjectif (danse de la
pluie).
c. Actions pourvues d’une finalité objective mais qui n’en ont pas subjectivement.
Exemple : On a pris l’habitude de nous habiller, si c’était une action logique on devrait
simplement nous vêtir dans le but objectif de contrer les climats rigoureux, nous
ressembleront tous à des individus de Corée du nord : Habillés pareil (la vraie raison
de s’habiller). Pourtant, nous ne le sommes pas, il y a une très grande diversité. Ce but
objectif (lutter contre le froid) on va lui intégrer d’autres raisons subjectives.
d. Actions où il y a une correspondance entre le résultat, logiquement atteint, lié aux
moyens employés et le rapport conçu par l’acteur entre ces moyens et ces fins mais les
conséquences objectives ne correspondent pas aux conséquences subjectives (offre et
demande).

Les idées essentielles de Pareto sont les suivantes (de nombreux phénomènes obéissent à la
loi des 80-20)…

a. La notion de système social

La société peut être analysée comme étant composée d’éléments interdépendants formant
un système global.

b. Les résidus et les dérivations

Les dérivations sont les divers moyens verbaux, les discours, utilisés par les individus et les
groupes pour justifier leurs actions en leur donnant une logique, logique qu’elles n’ont pas
nécessairement, ou logique qui est différente. C’est du camouflage psychologique.
Les résidus, c’est ce qui reste lorsque l’on écarte le camouflage psychologique. Les résidus
sont les facteurs stables du comportement.

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On peut dire, très schématiquement, qu’ils correspondent à deux comportements sociaux


fondamentaux : Le comportement de conservation, l’esprit d’ordre et de stabilité, la
conformité, d’une part, et le comportement d’innovation, l’esprit de création, de
développement ou de renouvellement, d’autre part. Ce sont des manifestations (croyances
ou dispositions) des forces psychiques durables (instincts ou sentiments) qui dominent l’action
des hommes. Les dérivations constituent des manifestations dérivées des résidus, elles servent
de justification théorique aux actions non logiques. Dans son analyse, le sociologue tentera
de distinguer les éléments constants (résidus), c’est-à-dire ce qui renvoie plutôt à des instincts,
des «dérivations», c’est-à-dire des justifications qui masquent souvent les « résidus ».

c. Les élites et la circulation des élites

La circulation des élites est la mobilité sociale qui affecte dans toute société les membres du
groupe social dirigeant.
Toute société est caractérisée par la nature de son élite gouvernementale, qui s'impose
comme dirigeante à la couche inférieure, soit par la force soit par la ruse, car toute élite
politique est soit lionne soit renarde, et « Lutte pour sa vie » (a), la « Révolution Juste étant
une illusion » (b).
Les élites, minoritaires, dominent la masse. Pour rester au pouvoir, l’élite doit avant tout
exercer sa force. Elles maintiennent le pouvoir même en démocratie. Lutte pour la vie et
illusion révolutionnaire (chaque révolution se dit différente des autres mais amènent des
contre-révolutions, révolution de cette contre-révolution, contre-révolution de cette
révolution, etc.).

d. La lutte pour la vie

La lutte des classes est bien une donnée fondamentale de l’histoire, mais ce n'est qu'une
forme de la lutte pour la vie, de même que le conflit entre le travail et le capital n'est qu'une
forme de la lutte des classes.
Supposons, dit Pareto, que le capitalisme soit remplacé par le collectivisme, le capital ne
peut plus être en conflit avec le travail, donc une forme de la lutte des classes disparaît, mais
d'autres formes apparaissent alors : des conflits surgissent entre les diverses catégories de
travailleurs de l'Etat socialiste, entre intellectuels et non-intellectuels, entre citadins et
paysans, au sein de l’élite gouvernementale entre les innovateurs et les conservateurs, entre
les membres de l'élite gouvernementale et les membres de la couche inférieure, etc.

e. L'illusion révolutionnaire

Depuis toujours, les révolutionnaires affirment que leur révolution sera différente des autres
(celles du passé qui n'ont abouti qu'à duper le peuple).

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Leur révolution sera, elle, enfin, la vraie révolution, celle qui, définitivement, apportera la
Justice, et le peuple peut y croire.

Malheureusement, nous dit-il, cette « vraie » révolution, qui doit apporter aux hommes un
bonheur sans mélange, n'est qu'un décevant mirage, qui jamais ne devient réalité, et les
révolutions conduisent, elles-aussi, leurs aristocraties au cimetière.

7) ROBERT PARK : PREMIER PÈRE FONDATEUR AMÉRICAIN

Il est le père fondateur américain de la sociologie. Park balaie un champ relativement large
de l’action humaine. Il commence sa carrière comme reporter.

Durkheim a la première chaire de sociologie en France (Sorbonne), fondateur d’une


sociologie universitaire en France. Park, parallèlement, a pareil : Il a la première chaire de
sociologie aux États-Unis à Chicago, l’école de l’écologie urbaine.
Park est un sociologue différent des autres (presque exclut) : Les autres ont inventé le travail
qu’ils allaient faire alors que Park a quelque chose avant lui. Le travail qu’il développe est
sur le développement de la ville dans laquelle il vit. Chicago va être une terre de migration
importante (venus de toutes les régions des USA et du monde entier). Les capitaines
d’industrie qui règnent sur la prospérité de la ville, voient des conflits entre différentes
origines. Cela amène à des tension sociales qu’on va devoir gérer.

Robert Park va donc devoir faire de l’ingénierie sociale. À travers les enquêtes, il doit rendre
le fonctionnement de la ville plus fluide, moins conflictuel et plus ouvert. L’écologie urbaine
développée par Park est finalisée. Les études qu’il réalise ont pour objectif que Chicago
fonctionne mieux, à l’inverse des autres pères fondateurs.
Il apporte beaucoup d’attention aux petites choses. Proximité avec son sujet, observation
constante à partir de la base. Il suit les gens, observe, comprendre les gens et leurs actions.

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Il s’est inspiré du travail d’Anderson sur les Hobo pour améliorer le fonctionnement de la
ville de Chicago. Anderson suivait réellement les Hobo et en devenait un lui-même (pour les
observer de l’intérieur). C’est cela que Park voulait faire de la sociologie sur le terrain,
analysant et observant le plus possible. Il veut comprendre de l’intérieur, ne pas rendre
surplombant, au contraire des autres fondateurs encore une fois (sauf +/- Simmel : Ce que
nous devons comprendre ce sont les interactions à la base mais si moins empirique et relatif
au réel).

8) ÉMILE DURKHEIM : TROISIÈME PÈRE FONDATEUR FRANÇAIS

Un autre père fondateur français est Émile Durkheim (1858-1917). À la fin du XIXème siècle,
il a écrit un travail « Le Suicide », qui porte sur le sujet éponyme. C’est le tout début de la
sociologie. Il est le tout premier en Europe à être, de manière organique, un sociologue. Il
est reconnu sociologue par l’Université de la Sorbonne (Paris), il y donne le premier cours
de sociologie, dont il invente la fonction. C’est le premier endroit où la sociologie est
enseignée. De son vivant, il a publié 4 ouvrages. D’autres ont été publiés après sa mort
(recueils de ses notes de cours). Il va également être à la base d’une école de sociologie.
Durkheim va disposer d’une série d’assistants qui vont perpétuer la tradition au-delà de sa
mort. Cette école va incarner une revue, « L’année sociologique », publiée une fois par an
depuis 120 ans.

La démarche du Durkheim allie positivisme et évolutionnisme, approche théorique et


pratique (selon lui il n’y a pas de sciences qui ne joigne pas les deux dimensions) et c’est
pour ça qu’il est l’un des seul vrai sociologue. Pour lui, le social ne s’explique que par le
social. Les faits sociaux seraient extérieurs à l’individu, et doivent être expliqués « par les
modifications du milieu social interne, et non pas à partir des états de la conscience
individuelle ».

Il organise un plan de la sociologie à trois étages :

a. Morphologie sociale (bases géographiques de la population, densité de population,


étude de la population, volume de la population…)
b. Physiologie sociale (manifestations de la vie sociale ; sociologie économique,
familiale, religieuse…)
c. Sociologie générale (synthèse de l’histoire de la société)

Durkheim va également aborder le thème du suicide. Il va chercher les causes sociologiques


de phénomènes qui ont l’apparence de faits individuels. Ville ou campagne ? Marié ou
célibataire ? Il en déduit donc que le suicide varie en raison inverse du degré d’intégration
des groupes sociaux dont fait partie l’individu.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Durkheim était donc un holiste. Il dit que la société doit tenir ensemble et se demande
comment c’est possible. Dans les frontières de l’Etat-Nation (l’état français), c’est un moment
assez difficile à la fin 19ème siècle. La société était fragile, suite à 3 éléments :

a. Premièrement, lors de la guerre de 1870, la Prusse attaque la France et lui enlève


une partie, l’Alsace-Lorraine. Dès lors, la structure sociale est remise en question.
Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
b. Ensuite, en 1871, il y a la première vraie révolution qui amène un véritable
changement social (la Commune de 1871). La notion même de pouvoir est remise
en question. On veut éradiquer le pouvoir et créer une communauté où tous les
français seraient égaux. Cette révolution a été sauvagement réprimée, des gens ont
été exécutés, etc. Durkheim n’était pas trop pour cette révolution, il était plutôt
conservateur. Il voulait que la société garde une structure.
vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
c. Le troisième élément qui a fragilisé la société française est l’affaire Dreyfus. La société
se divise entre les pro et les contre Dreyfus. Pour Durkheim, la société est la solution,
elle nous tient ensemble. Mais c’est également un problème, vu qu’à l’époque ça ne
fonctionne pas très bien.

Durkheim a publié 4 ouvrages :

A) « DE LA DIVISION DU TRAVAIL SOCIAL » (1893)

C’est le premier gros ouvrage de Durkheim. Il analyse l’évolution de la répartition sociale


du travail. Pour ce faire, son concept central est celui de la solidarité. La société tient
ensemble à travers le mécanisme de solidarité. Cette dernière est organisée par la société.
Il y a deux solidarités distinctes.

a. La solidarité mécanique

Les individus qui la composent se caractérisent par la substituabilité (un individu peut
aisément prendre la place d’un autre). Cette répartition du travail est relativement sommaire.

Exemple : Dans un village d’amérindiens au milieu de l’Amazonie, la division du travail est


très faible (les chasseurs et les cueilleurs). C’est une division globalement genrée. Mais un
individu peut aisément passer de l’un à l’autre et ils peuvent se remplacer les uns les autres.

Exemple : Dans la société́ Amish, il y également une grande substituabilité, ils sont tous
agriculteurs. Ils sont solidaires et s’aident les uns les autres.

Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Tous les individus qui vivent dans une solidarité mécanique, ont les mêmes représentations.
Ils voient tous la société, le social, la nature, etc. de la même façon. Ils sont substituables
pour ces raisons. Chacun est à sa place. Lorsque nous avons une solidarité mécanique, la
justice est toujours très violente parce qu’elle doit être exemplaire et doit rappeler à tous les
membres de la société quelle est leur place. Il doit y avoir des déviants, pour rappeler aux
autres ce qu’ils ne peuvent pas faire. En Amazonie ou chez les Amish, on se limite au
bannissement ou à l’ignorance absolue.

b. La solidarité organique :

C’est la métaphore de la non-substituabilité. Les éléments qui nous composent ne sont pas
totalement substituables aux autres. Chaque élément de la société, comme chaque élément
de notre organisme, a une fonction bien précise et n’est pas forcément substituable.

Durkheim dit que les sociétés modernes correspondent bien à ce genre de représentation.
Chaque individu se spécialise, a des compétences particulières, une fonction bien précise
dans la société et n’est plus substituable.

Exemple : Les médecins se spécialisent de plus en plus (médecins généraux, chirurgiens,


chirurgien spécialisé du visage, du corps, etc.).

Comme nous sommes spécialisés, nous avons de plus en plus besoin les uns des autres. Nous
ne sommes pas autonomes et dépendons les uns des autres. La problématique est le fait que
les valeurs que la société partageait autrefois, ne le sont plus. Mais par intérêt, nous devons
être ensemble, même si l’on ne partage pas les mêmes valeurs. Mais selon Durkheim,
l’intérêt n’est pas un aussi bon ciment que les valeurs partagées. La justice est moins dure
dans les sociétés à solidarité organique. Ici on ne veut pas donner l’exemple mais on veut
réparer les torts causés et rééquilibrer les choses.

Le glissement de l’une à l’autre (solidarirté) n’est pas volontaire. C’est le fait d’une structure
qui évolue et non pas d’individus qui changent. La solidarité mécanique existe surtout dans
les sociétés de taille réduite. Ce passage se fait simplement avec l’accroissement de la taille
de la société, ce qui est arrivé aux 17ème et 18ème siècles en France. D’une part, il y a peu
de famine et peu de guerre. Sans famine, on ne doit pas gérer les morts dans la population.
Donc la population grandit, puisqu’on se reproduit énormément. Comme la population croît,
on doit se spécialiser dans certaines fonctions (notamment dans la construction de maisons).
Les gens vont également devenir mobiles, on va voir ailleurs, on se rend compte que ce n’est
pas pareil et on va vouloir du changement aussi. Sans guerre, ou avec des guerres
uniquement entre militaires, la population continue de grandir. C’est donc comme cela que
l’on passe d’une société à solidarité mécanique vers une société à solidarité organique.
Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
B) « LES RÈGLES DE LA MÉTHODE SOCIOLOGIQUE » (1895)

C’est le premier ouvrage qui propose une méthode de travail aux sociologues. Ce travail
est moins conséquent. Les règles qu’il propose sont inspirées de son époque. Aux yeux de
Durkheim, le fait social doit être considéré comme une chose à part entière. Ça signifie avant
tout qu’il est extérieur aux individus, en dehors de nous. Cette chose s’impose à eux. Les
éléments qui nous sont extérieurs constituent forcément une contrainte dans le mode de vie.
Tout fait social doit être abordé de la même manière que nous abordons une chose. Ce fait
social va être marqué d’une certaine régularité et d’une certaine coercition (= Contrainte).

Exemple : À l’époque de Durkheim, ce ne sont pas nous qui nous marrions, c’est la société
qui nous parie et décide de nous marier. Aujourd’hui, la majorité des gens sont en couple
avec des gens comme eux (niveau social, financier, « race », etc.). Le fait social nous est
extérieur, il est observable et coercitif, déterminant dans le comportement des individus.

Durkheim va développer 5 ensembles de règles :

a. Le fait social nous est extérieur, il est régulier, global et coercitif.


b. Il va distinguer le normal du pathologique. On s’intéresse à ce qui est anormal
statistiquement, ce qui sort de la norme. La pathologie chez Durkheim c’est donc
l’étude de ce qui est hors des normes.
c. Durkheim va constituer des typologies, il va mettre ensemble des phénomènes qui
ont des caractéristiques similaires. Il va constituer des types de phénomènes différents
au sein d’un même fait générique.
d. Il veut expliquer les lois du social et expliquer complètement la société.
e. Il veut trouver des règles qui vont prouver son raisonnement. Un phénomène observé
plusieurs fois peut être expliqué et considéré comme valable. C’est une vision faible
des preuves.

C) LE SUICIDE (1897). Voir analyse plus loin.

D) « LES FORMES ÉLÉMENTAIRES DE LA VIE RELIGIEUSE » (1912)

La démarche de Durkheim est relativement cartésienne, il découpe un phénomène pour


essayer de le comprendre. Mais les religions sont bien trop complexes pour en comprendre
le mécanisme. On ne peut pas découper le phénomène religieux. La forme élémentaire de
la vie religieuse est le totémisme, c’est une version très simple dans laquelle chaque individu
a un totem, qui est secret et dans la nature. Les individus sont donc reliés à la nature. Si on
coupe un arbre, on tue le totem de l’un d’entre nous. On doit donc avoir un grand respect
de l’autre et de la nature. Le totémisme fait donc la distinction entre le sacré et le profane,
ce qui est repris dans toutes les religions. On ne peut pas discuter du sacré.

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Vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv.
Les débats peuvent porter sur le profane. Actuellement, en Occident, ce sacré est plutôt
présent dans nos Droits de l’Homme que dans nos religions, on ne peut pas discuter du
premier mais bien du deuxième.

2. L’EXEMPLE DU SUICIDE AVEC ÉMILE DURKHEIM

2.1) Analyse de son étude

L’étude du suicide, une étude programmatique de la sociologie. Durkheim s’intéresse à la


question du suicide dans son 3ème ouvrage, « Le suicide » (1898) :

a. Il a besoin de mettre son 2ème ouvrage « Les règles de la méthode sociologie » en


pratique.
b. Recherche avec côté provocateur.
c. Il parle de logique sociale et collective.
d. Le suicide est un acte éminemment individuel, non social, ni collectif mais d’une action
personnelle.
e. Situation de douleur dont la seule issue perçue par la personne est de mettre fin à
ses jours.

Rappelons avant tout qu’il existe deux visions principales de la société :

a. Soit elle est l’addition de comportements individuels.


b. Soit elle impose d’elle-même une série de comportements et d’attitude, que les agents
subissent sans forcément s’en rendre compte.

De même, on peut résumer les paradigmes sociologiques en deux grands courants :

a. Le paradigme holiste voit la société comme déterminant les individus la composant


et comme devant être la source de toute explication.
b. Le paradigme individualiste/atomiste, celui pour lequel la société ne peut se
comprendre que comme le résultat de l’action de ses membres.

Ils se distinguent par la question : Est-ce que la société préexiste à ses individus (holisme) ou
est-ce que les individus, ensembles, la forment (individualisme) ?
La théorie de Durkheim se situe dans la branche holiste (la société préexiste aux individus)
et s’inscrit dans le positivisme (la science ne peut se baser que sur des faits vérifiables).

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Il étudie le fait social et le caractérise de régulier et prévisible (Livre sur « Les règles de la
méthode sociologique » : Le fait social nous est extérieur, régulier, coercitif et global).
Le suicide étant un fait social, il possède les mêmes caractéristiques, dans les taux de suicide.

Durant la période romantique, le suicide est tout à fait normal. C’est au cours du 19ème que
le suicide est analysé et comptabilisé parce que la gestion démographique dépend ici de
l’État et non plus de l’Église. Avant la Révolution Française, c’était l’Église qui tenait les
registres de la population via les baptêmes et les funérailles. La révolution française
provoque la laïcisation, on va donc institutionnaliser les états civils (déclarer les naissances
et les morts), tenir une comptabilité de la population et des migrations pour pouvoir surveiller
les personnes existantes et leur demander des impôts. L’État va alors être intéressé par qui
sont les personnes qui meurent et quelles sont les causes : maladie, vieillesse, assassinat,
suicide...? Cette analyse et statistiques fascinent car le taux de suicide d’année en année est
régulier, stable. On peut alors s’imaginer à l’avance combien de personnes vont se suicider
durant l’année. Cette stabilité est présente dans tous les pays mais différente entre eux
depuis le 19ème siècle. C’est assez étonnant de voir cet accroissement partout, tout en sachant
que le suicide est quelque chose de totalement individuel.

Plus de suicide :

a. Chez les hommes que chez les femmes


b. Chez les vieux que chez les jeunes
c. Chez les protestants que chez les juifs et catholiques
d. Chez les célibataires que chez les mariés
e. Chez les mariés avec enfant
f. En début de semaine : Le lundi
g. En été
h. En croissance et crise économique (pas durant la stabilité)
i. Quand il y a une stabilité politique, sans conflit
j. Chez les avocats et les magistrats que chez la population

Pour Durkheim, le suicide correspond trait pour trait à la description de fait social. C’est une
chose extérieure aux individus, qui s’impose à eux et qui s’observe à travers le temps. Le
suicide répond à des régularités génériques ou spécifiques en fonction des catégories. Il n’y
a pas de coordination extérieure pour le suicide. C’est bien la contrainte sociale qui amène
les gens à se suicider.

Durkheim parle du suicide parce qu’il veut prouver son point de vue holiste. Il a
connaissance de l’ensemble des régularités du suicide, qui sous-entendent que c’est un fait
social.

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C’est donc pour ces raisons que Durkheim l’analyse sous 4 étapes : Définition – Observation
d’un point de vue extérieur avec des statistiques – Typologie – Théorie.

A) DÉFINIR LE SUICIDE

Suicide : Tout acte positif ou négatif causant directement ou indirectement la mort


de l’individu, du sujet et dont celui-ci savait que son acte produirait cet effet.

Acte positif : On a fait quelque chose (se pendre, se couper les veines,…).
Acte négatif : On a décidé de s’abstenir de faire quelque chose (se laisser couler avec son
navire).
Acte direct/immédiat (se tuer directement, par exemple).
Acte indirect/non-immédiat (arrêter de prendre ses médicaments, par exemple).

Il dit que c’est un suicide seulement si la personne a posé un acte, tout en sachant que cela
allait le tuer. Cette définition de Durkheim assez précise élimine un certain nombre de cas
que l’on pourrait croire pour des suicides (se prendre pour un oiseau et sauter de la fenêtre
en étant sous LSD). Mais cette définition n’était pas prise en compte par l’État dans les
registres des suicides, donc les taux qu’analysaient Durkheim ne correspondaient pas
forcément à sa définition.

Il ne s’intéresse donc pas aux personnes qui se suicident, mais plutôt aux taux de suicide.
C’est une perspective sociologique, Durkheim est assez indifférent par rapport aux humains
lambda, il cherche vraiment à comprendre le groupe, non pas les individus. Il veut sauver
la société, pas les individus les uns après les autres.

B) RÉFUTER LES EXPLICATIONS PRÉCÉDENTES (OBSERVATIONS)

Durkheim se demande ce que d’autres personnes ont pu apporter comme explication à cette
régulation des taux de suicide. Il va s’intéresser à 3 cas, 3 explications.

a. La première explication est celle de Gabriel Tarde

Il va parler des foules qui réagissent au comportement d’un leader. Selon sa pensée, le
suicide proviendrait simplement de la reproduction par d’autres de l’acte posé par une
première personne : L’imitation.

Selon Durkheim, l’imitation ne répond pas aux règles du positivisme, on ne peut pas
l’observer. Il faut d’abord redéfinir l’imitation, mais de façon observable. Pour Durkheim,
ça se rapproche de la contagion qui, elle, est réellement et même spatialement observable.

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Il a répertorié les suicides sur une carte. On voit que les suicides sont plus fréquents en ville,
mais il n’y a pas de « schéma » de contagion. Il invalide donc l’hypothèse de départ. Toute
théorie doit être approuvée dans la réalité.

b. D’autres intellectuels du 19ème siècle expliquent que le suicide serait une tare
héréditaire, ce serait génétique.

Durkheim va constater que plus on est vieux, plus on se suicide. Comment se fait-il donc qu’il
faille attendre de vieillir pour se suicider ? En darwinien, Durkheim se dit que ce que l’on
sait c’est que l’hérédité se fait en fonction des races et que donc le suicide devrait décroître.
Si le suicide était héréditaire, on se suiciderait au plus vite, avant même de faire des enfants.
Les gènes du suicide disparaitraient donc très rapidement. La génétique ne joue donc pas
sur le taux de suicide.

c. Enfin, Durkheim va aborder une autre théorie amenée par l’école de Charcot.

Celui-ci travaillait en psychiatrie et tentant de sauver des gens. Il eut comme disciple Sigmund
Freud. Charcot décrit la maladie mentale comme une hystérie. Celui qui se suicide serait un
malade, atteint d’hystérie ou de psychose. Durkheim s’étonne que la maladie mentale se
retrouve plus souvent chez les femmes que les hommes. Mais il n’y a pas d’éléments pour
confirmer ou infirmer cela.

Au final, Durkheim se pose plusieurs questions et arrive à la conclusion que c’est lui-même
qui doit expliquer la régularisation de ces taux car aucune théorie n’y répond.

C) TYPOLOGIE DES TAUX DE SUICIDE

Enfin, Durkheim va ranger les différents taux de suicides dans différentes catégories. 4 types
de taux :

a. Taux de suicide égoïste

L’égoïsme selon Durkheim, c’est le fait de se retrouver privé d’un groupe, c’est quelqu’un
qui n’est pas aimé des autres. Le taux de suicide égoïste, c’est le taux de suicide croissant
avec l’âge et avec la solitude. L’égoïste est solitaire. Pour Durkheim, ce n’est pas volontaire.
L’égoïsme est pour lui un concept et non un mot tel qu’il est écrit dans le dictionnaire.

b. Taux de suicide altruiste

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Le suicide serait dû au groupe. Cela correspond aux taux de suicide où les politiciens et les
magistrats se suicident plus. Un militaire se jetant sur une grenade prête à exploser met fin
à sa vie pour le groupe. Durkheim, lui, prend l’exemple de l’époux indou qui meurt et son
épouse l’accompagne sur le bûcher (c’est une tradition indou).
Il y a bien l’idée que ce n’est pas pour son mari, mais par fusion avec lui, elle n’est plus une
femme, elle est le deuxième membre de ce groupe.

c. Taux de suicide fataliste

Durkheim a moins parlé de ce type, car cela n’existait pas trop à son époque. C’est une
idée visionnaire qui est très présente actuellement au 21e siècle. Le type de taux fataliste
est le suicide qui proviendrait de la disparation de mes représentations, de mes valeurs au
profit des représentations du groupe. Le fatalisme provient du fait qu’on ne peut pas faire
autre chose que ce que le groupe nous permet de faire, on n’a pas d’autonomie, on est
soumis au groupe.
(Exemple : Les kamikazes, les sectes). Durkheim donne l’exemple du suicide des esclaves
par rébellion, ils se révoltent contre le maître et finissent pendus.

d. Taux de suicide anomique

Un suicide qui provient de l’absence de sens, de valeurs et de règles. C’est l’exact contraire
du suicide fataliste. Il n’y a pas de règles à cause de la solidarité organique. Nous avons,
certes, besoin des uns des autres, mais la société ne nous impose pas de valeurs
particulières. On peut choisir nous-mêmes nos valeurs. La société ne nous contraint en rien.
Il y a une absence de règles pour l’individu car la société en propose de trop. Exemple : La
laïcisation, quand on a une liberté de culte, leur pratique diminue.

Les 4 types de suicide vont 2 à 2 : Altruisme-égoïsme et fatalisme-anomique.

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a. Égoïsme-altruisme

- Adaptation de l’individu à la société


- Interaction sociale
- Pôle altruiste : Solidarité mécanique (peu d’individualisation, priorité à l’intérêt du
groupe, individus substituables)
- Pôle égoïste : Solidarité organique (individualisme trop grand, individu totalement
isolé)

b. Anomique-fataliste

- Adaptation aux normes sociales


- Interaction normative (des valeurs)
- Pôle fataliste : Solidarité mécanique (enfermement de l’individu dans la contrainte
des valeurs et des normes sociales, dans une situation sans issue). Ici aussi, nous
sommes dans une solidarité mécanique où les valeurs sont partagées et reconnues.
- Pôle anomique : Solidarité organique (absence de règles claires et contraignantes,
individu libre et privé de tout repères)

D) THÉORIE GÉNÉRALE

C’est une loi. Pour lui, lorsque on découvre une régularité et qu’on énonce la régularité,
cette dernière constitue bien une loi de la société. C’est la même logique des lois de la
physique (auxquelles on est confronté). Ce type d’explication affirmé prend compte de
l’ensemble des suicides. Le type de taux de suicide est inversement proportionnel à
l’intégration sociale et normative. Le taux de suicide sera +/- grand en fonction de
l’interaction qui sera +/- grande. 1 certain type d’interaction sociale correspond à un certain
type d’interaction normative :

a. Taux de suicide altruistes (faible) et fatalistes (nulle) : Intégration sociale très forte
b. Taux de suicide anomique (extrêmement important) et égoïste (fort) : Intégration
sociale très faible

Si le taux de suicide des hommes est plus grand que celui des femmes c’est parce que leur
intégration sociale est plus grande que celle des hommes. Si l’économie pose problème c’est
parce qu’elle lâche les valeurs de la société. On ne doit pas multiplier les explications
différentes, ici ne rencontre que la régularité des taux, on ne peut aucunement dire
exactement qui ou qui se suicide.
Durkheim souhaite résoudre ce problème de manque d’intégration et de haut taux de
suicide parce que :

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a. Il représente le 19ème siècle, il développe des solutions (aujourd’hui ce n’est plus les
scientifiques qui donnent des solutions).
b. Pour lui le type de suicide qui pose problème est l’anomique. Il se demande alors
quel est le problème social : C’est toute la conséquence de la consommation de
drogues, de l’illégalité, de la criminalité. Les addictions sont des problèmes sanitaires
individuels mais pas sociaux…alors je dois lutter contre les causes sociales qui
génèrent l’augmentation des taux de suicide.

Mais comment diminuer l’anomie dans cette société de la fin du 19ème ? Le problème est la
division du travail social. Le type de taux de suicide anomique est organique, il repose sur
la complémentarité des individus et génère une pluralité de valeurs (chacun des groupes qui
compose la société développe des valeurs qui leur sont propre).

Les différents groupes ne sont pas séparés les uns des autres, les valeurs qui sont-elles de
groupes adjacents sont toutes aussi valables. Les individus se retrouvent avec une pluralité
de valeurs auxquelles ils peuvent adhérer. Plus on avance, moins ces valeurs sont stables.
Jusqu’au milieu du 20ème les différentes catégories qui composent la société ont pour
beaucoup encore de la prégnance sur les individus.

On est dans une société où les gens appartiennent à un groupe singulier (ouvrier ou employé
ou directeur). Aujourd’hui les ouvriers se prennent pour des comptables, les comptables se
prennent pur des médecins,…
On est dans la disparition des impositions en terme de valeurs et les individus se retrouvent
privés de cette valeur car la société n’en impose plus. Le bonheur individuel transité par la
contrainte, si on a le choix on est malheureux car on ne peut pas l’assumer (C’est exotique,
nous sommes libres). On sera d’autant plus heureux si nous n’avons pas à choisir, si la
société nous impose un ordre on sera plus heureux, efficient, égalitaire que si on est contraint
de poser en permanence des choix pénibles.

Si le problème, c’est le choix, il faut introduire dans la société organique de la solidarité


mécanique, un partage des valeurs : Refonder, réinventer les corporations du haut Moyen-
Âge, la distinction entre les différentes tâches et une complémentarité de celles-ci. La solution
se base bien sur son analyse.

Durkheim essaie d’établir un lien entre le suicide égoïste et l’appartenance religieuse. Il


constate que le taux de suicide est faible dans les pays judaïsâtes, moyen chez les
catholiques et très élevé dans les pays protestants. Il va surtout étudier cela en Allemagne,
parce qu’il existe des länder catholiques et d’autres protestants. Il va s’intéresser à
l’influence de la religion sur la fréquence de suicide et ce sont les protestants qui se suicident
le plus.

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Sa première explication est le fait d’être majoritaire (il y avait beaucoup de protestants à
son époque), sauf que les protestants, en minorité dans des pays catholiques, comme l’Italie,
se suicident quand même toujours plus que les catholiques, majoritaires. L’explication se
trouverait alors dans la religion elle-même. Cependant, les trois prohibent le suicide.

Ce qui permet de mesurer une intégration sociale :

a. Temps concert (Exemple : Série de prières)


b. Quantité de rites effectués ensemble (Plus elle proposera des pratiques communes,
plus grande sera l’intégration sociale)
c. Structuration, organisation de la religion elle-même
d. Libre arbitre restreint

Dans le protestantisme, justement le libre arbitre n’est pas restreint, il est très grand. Tandis
que dans le catholicisme il est faible. Comme il y a le libre arbitre, on se sent moins intégré
au groupe, on est plus individuel, et c’est pour cela que le suicide serait plus élevé chez les
protestants.

Durkheim donne une explication analytique et empirique : Il explique ce phénomène social


par des éléments eux-mêmes sociaux. Il ne nous dit pas que les taux de suicide doivent être
recherchés dans des comportements, dans une pathologie,…ces taux de suicide sont le
résultat et s’expliquent par la présence ou non d’intégration dans un groupe et les partages
de valeur de celui-ci. La liberté individuelle semble contrainte par les logiques sociales qui
dépasse l’individu. On peut anticiper les caractéristiques sociales dans lesquelles sont
évaluées un taux élevé ou non de suicide. Cette vision du monde holiste présume que les
comportements personnels sont déterminés par le social.

Éléments de critique :

a. La définition précise du suicide est assez bancale : Il a l’intérêt de mettre en avant


un caractère positif (lui donne des caractéristiques empiriquement observables), mais
définition périodiquement pas utilisable.
b. Il essaye de trouver des solutions (scientifique ne peut pas en donner).
c. Il utilise un outil statique de co-variation : 2 variables varient ensemble mais
n’entretiennent pas forcément une relation de causalité (Exemple : Variation stable
entre vol oiseaux et probabilité de pluie, même s’ils volent pas ça veut pas forcément
dire qu’il va pleuvoir).

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Il fait une inférence statique, ce n’est pas parce que 2 variables varient de conserve
qu’elles sont la cause de l’une ou la cause de l’autre. Les taux de suicides demeurent
des taux relativement faibles, qui s’expriment en pour cent-millièmes. Chaque cas est
un drame mais plus faible que la relativité statistique.
Peut-on considérer que 3 pour-cent millième est une vraie différence ? Ces écarts si
petits sont significatifs (Durkheim les considère comme tels).

3. LES PARADIGMES SOCIOLOGIQUES

3.1) Visions du monde

La sociologie cherche à comprendre, dans le but d’informer et d’agir au plus efficace. Pour
y arriver, la sociologie se base sur la théorie et l’empirie (des faits). Elle sous-entend un point
de vue. Les points de vue peuvent diverger, mais ce n’est pas pour autant qu’ils soient
mauvais.

Kuhn va nous parler de paradigmes. C’est un point de vue qui est plus idéologique que
scientifique. À partir de ce point de vue, on va pouvoir amener toute une série de
raisonnements. Le paradigme n’est ni vrai, ni faux, c’est un point de vue.
Kuhn travaille dans les sciences de la nature.

Le sociologue Guy Bajoit part des différentes théories sociologiques et se demande comment
on peut les organiser, les structurer, les classer les unes par rapport aux autres. Ces théories
répondent toutes à deux questions. Pour chaque question, Bajoit va apporter une réponse
simple, dichotomique ou binaire.
C’est un élève de Touraine. Il va utiliser les même catégories mais pour comprendre le savoir
psychologique. Touraine et Bajoit observent ces théories, ils ne les développent pas.
Quelles sont les questions, les dimensions auxquelles toutes ces théories ont tenté de
répondre ? Il y a-t -il moyen de trouver des questions qui résument l’ensemble des démarches
des sociologues ?

Il y a 2 questions auxquelles toutes les théories ont dû et doivent répondre. Ces 2 questions
sont contradictoires, mais il faut les prendre toutes les 2 :

a. L’ordre social : La question du contrôle

Chaque théorie sociologique répond à cette interpellation sur le fait que les choses qui nous
entourent ont une certaine stabilité. Comment est-ce possible ?

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- Idée du consensus, il y a accord et intégration. Tout le monde est d’accord de


respecter l’ordre social auquel on est confronté. On ne l’a jamais signé mais on est
globalement d’accord pour le respecter et le conserver. On a intérêt à ne pas nous
opposer à cet ordre.
- Si il y a désaccord, il y a conflit entre les membres et groupes dans la société et il y
a alors domination d’une partie de la société sur le reste. Les dominants imposent à
tous leur ordre. On n’y adhère pas, on y est contraint, comme dans un rapport de
pouvoir. Le résultat est cependant le même, l’ordre est tout de même maintenu, que
ça soit spontané ou par contrainte. Si on s’oppose à cet ordre, on risque d’être
soumis à des sanctions particulières, on est alors dominés à finalement respecter cet
ordre. Il nous est imposé par d’autres.

b. Le progrès social : La question du changement

Idée de désaccord, domination, conflit. On parlait principalement progrès à l’époque de


Bajoit. Les sociétés se transforment en quelques années. Elles sont aussi changeantes. Quel
est le moteur de l’évolution sociale ?

- Changement radical. Passage d’un état à un autre à cause d’une rupture, nouvelle
structure. Exemple : On passe d’une société communiste à une société capitaliste.
Tout est différent.
- Il peut se faire progressivement, par de petites modifications. C’est plutôt une
mutation, parfois quasi-invisible, qui, sur un temps plus ou moins long, change
totalement la société. Il y a un ajustement de la société en permanence. Le progrès
est plus continu.

Les paradigmes sont une manière de voir mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les
comprendre avec le modèle réel.
Avec ces deux réponses aux deux questions, on peut associer les réponses entre elles pour
former un tableau. L’originalité de Bajoit c’est qu’il va nommer chaque paradigme par un
pronom qui le définit. On les classe de la façon suivante :

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3.2) Les 4 paradigmes sociologiques

A) PARADIGME DE L’INDIFINI, DU « ON » (RUPTURE CONSENSUS)

Si on est tous d’accord avec l’ordre dans lequel nous évoluons pourquoi changerions-nous ?

Eh bien, le changement va être le passage d’un accord collectif sur un ordre à un autre
accord collectif sur un autre ordre.
Le consensus repose sur des valeurs/normes partagées. Tous les individus partagent des
valeurs identiques et stabilisent la société. On partage les mêmes visions du social, donc
c’est difficile de changer. La vision de Durkheim ainsi que celle du courant, de la théorie
structuro-fonctionnaliste s’inscrit clairement dans ce paradigme. C’est le paradigme de
l’intégration.

Pour avoir du changement, il faut changer les valeurs et les représentations. Cela ne peut
arriver que lorsque l’on se heurte à un problème :

a. Interne (modification radicale dans la société qui contraint à changer de valeurs,


exemple : Une révolution)
b. Externe (L’ordre social fonctionne bien dans une société voisine : Mimétisme).

Dans ce type de représentation, la référence est indéfinie, une sorte de « on ». On croit telle
ou telle chose parce qu’on l’a toujours cru. Certains ont du pouvoir et d’autres pas, parce
qu’on a toujours fait cela comme ça. Il n’y a pas de personnes motrices, c’est l’esprit du
temps qui s’exprime à travers la société.

Les individus assument un rôle donné dans la société, en ayant le moins possible
d’autonomie. C’est une perspective très conservatrice, on voit négativement le changement.
Même quand il y a du changement, on l’intègre comme si on avait toujours vécu comme ça.

Deux problèmes :

a. Il y a des « déviants » dans ce genre de société, ils renforcent les normes déjà
établies, parce que les « normaux » protestent contre eux. Ils amènent donc tous les
agents à se remémorer les normes. D’un autre côté, ils proposent une
expérimentation sociale ininterrompue en mettant à la disposition de la population
des nouveaux modes d’être ensemble. Si ceux-ci sont plébiscité, le déviant devient
élite innovatrice.

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b. Le second problème est celui de la définition anthropologique de l’homme (comme


dans les autres paradigmes). On pose un postulat sur le mode de fonctionnement de
l’homme. Dans le contrôle social, ce postulat considère que l’homme est totalement
réceptif aux prescriptions social, que sa sensibilité au contrôle exercé par ses
semblables est maximale.

B) PARADIGME DU « MOI » (MUTATION CONSENSUS)

Le consensus porte sur l’intérêt que chacun d’entre nous porte à lui-même. Chacun d’entre
nous se considère comme ce qu’il y a de plus important, c’est une définition très claire de
l’égoïsme. Il y a un consensus parce que chacun se trouve le plus important, donc chacun
pense pareil. Comment faire du social dans un univers où chacun se considère plus important
que son voisin ?

La société est ici le résultat d’un calcul. Chacun se croit le plus important, donc nos avis sont
identiques mais se gênent les uns les autres. C’est le paradigme de la compétition.

Si on veut être le meilleur et entrer en conflit avec tous les autres, c’est impossible, parce
qu’on va se retrouver face à quelqu’un de plus fort que nous. Nous allons agir ensemble,
faire des compromis : Il y a donc mutation. On y gagne plus avec les autres que si on faisait
tout seul : Théorie utilitariste. C’est donc un calcul qui amène les gens à travailler ensemble.

L’individu est un acteur : C’est notre action qui va nous permettre de générer des bénéfices,
c’est notre participation qui va permettre des avantages plus grand que si j’étais seul. Mise
en avant d’un acteur qui est lui-même le moteur de la société. Sans lui, le social n’existe pas,
la société existe parce que tous les acteurs travaillent. Ce n’est pas pour autant que chacun
retirera les même bénéfice.
Il n’y a pas de normes sacralisées. Si l’acteur va trop loin dans l’irrespect des normes, c’est
l’État qui intervient.

Le pari anthropologique sur lequel repose ce paradigme postule l’homme mû par ses seuls
intérêts. C’est la vision de Crozier, Friedberg (son disciple) et Boudon ainsi que celle du
courant utilitariste. À tout moment un individu peut partir.

Ainsi, dans ces deux premiers paradigmes : L’ensemble des éléments composant la société
s’entendent sur les enjeux et sur la manière de les gérer, l’une en mettant la structure au
centre, l’autre en privilégiant l’individu. L’un est contraint par « on », l’autre est rationnel
par « moi ». Les deux autres approches privilégient la concurrence.

C) PARADIGME DU « EUX » (RUPTURE DOMINATION)

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La majorité de la société est soumise à l’ordre qui est donné par eux, il repose sur le conflit.
Ce sont eux qui décident. Il y a une déresponsabilisation des membres de la société qui sont
contraints, mais qui acceptent la contrainte. Ils sont objets. L’ordre, qui n’est pas le leur, a
été imposé. Ce groupe, eux, extérieur à la masse, domine l’économie, la politique et
l’idéologie.
Il y a des catégories sociales (Exemple : Marxisme avec son système de classes). C’est le P
paradigme de l’aliénation.

C’est le fait de s’échapper à soi-même, de ne plus s’appartenir. C’est l’idée de Marx mais
aussi de Bourdieu, Wacquant et du structuralisme. L’individu est un agent, il agit mais il ne
comprend pas son action, il est le jouet de la structure. La masse dominée ne s’en rend
même pas compte, le changement ne se fera que par des élites révolutionnaires. On
reproche souvent aux sociologues de ce paradigme de négliger les capacités d’action des
hommes. L’individu est aliéné (aliénation)et n’arrive pas spontanément à la conscience de
ce qu’il vit.

Théorie structuraliste : Force d’une structure indépendamment des individus.

Le changement est possible en changeant de structure, en changeant l’ensemble des


positions de pouvoir de manière radicale. Attention, si la structure se transforme elle
demeure structure.

D) PARADIGME DU « NOUS » (MUTATION DOMINATION)

Il correspond aux situations des démocraties occidentales actuelles. Il y a une domination


sociale qui vient d’un mouvement social/collectif et non pas d’une classe. L’ambition est
d’imposer un ordre particulier dans la société dans laquelle il se situe. La société est un
ensemble de collectivités qui sont en conflit les unes avec les autres dans lesquelles une
d’entre elles domine mais où le conflit est présent. C’est le paradigme du conflit.

Ces mouvements sociaux peuvent être représentés par des partis politiques. Chaque « nous
» se représente le bien collectif d’une certaine façon.
Exemple : Le mouvement ouvrier : « Je vais prendre, moi ouvrier, avec mes camarades
ouvriers l’entreprise ». Le mouvement ouvrier est opposé au mouvement libéral et patronal.
On passe alors d’une société faite pour les patrons à une société faite pour les ouvriers.

On rencontre là un mécanisme démocratique : « Je vais accéder au pouvoir à travers un


échange de vote qui va me donner l’accès à la maitrise de l’historicité, la capacité de diriger
la société et d’imposer mon ordre aux autres ». Il y a une certaine volonté de bien commun.

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Le fonctionnement est dynamique, le changement est constant (« Si je vois le problème


écologique, j’ajoute une volonté écologique,… »). La pureté des mouvements devient fade.
Les partis politiques définissent quel est le bien, l’objectif auquel ils veulent arriver. On
détermine le parti dominant par les élections. C’est la vision de Bajoit, mais également celle
de Touraine dont il s’inspire, de Boltanski, ainsi que du courant actionnaliste.

Ce paradigme n’est plus tout à fait pareil depuis que nous sommes dans des sociétés post-
industrielles, parce que désormais les grands partis ont accompli la majorité de leurs
objectifs et les nouveaux (écolos, femmes, étudiants) n’ont pas autant de succès.
Anthropologiquement, l’homme est une caricature de l’altruisme (>< « Moi »).

3.3) Conclusions

On avait au départ abordé 2 paradigmes : L’ordre social et le progrès social. Ensuite, nous
avons décrit 4 paradigmes de ceux-ci : On, Eux, Moi et Nous. On peut en conclure que :

a. On + Eux = Holisme
La structure y a une place essentielle. L’ordre par consensus. Ils ont en commun que
leur changement s’effectue à partir d’une rupture particulière. Ils ont une vision
déterministe (structuraliste et structuro-fonctionnaliste)
b. Moi + Nous = Atomisme
Ce qui compte ici ce sont nos actions. Dans le Moi, elle est individuelle. Dans le Nous
elle est collective. L’action génère le social.

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4. LA SOCIOLOGIE AMÉRICAINE

4.1) L’école de Chicago

Cette école a été créée en 1892. Le département de la sociologie de Chicago était le 1er de
son espèce aux États-Unis. Son fondateur est Abions Small, qui la dirigera jusqu’en 1924. Il
voit la sociologie comme une discipline spécifique, centrée sur l’étude des formes concrètes
de la vie sociale. Il crée une revue, « American journal of sociologie », rassemble des fonds,
organise des enseignements… Cet effort aboutira vers 1913, à faire du département de
Chicago le plus important centre d’enseignement et de recherche du pays sociologie-
anthropologie.

La sociologie américaine est donc bien une sociologie du quotidien née dans le cadre de
l’école de Chicago. C’est une sociologie dite « pratique », elle est une sociologie du
quotidien, basée sur une sociologie urbaine : La déviance, les organisations et le travail.

Elle se base sur des expériences sociologiques : Méthode monographique qui n’existait pas
et qui a été développée par la suite.

La sociologie doit se dégager d’une démarche spéculative pour s’ancrer dans la réalité :
Regarder la réalité telle qu’elle est, il faut une véritable observation empirique.

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L’école s’est réellement développée à partir des années 1890. En 30 ans, on a pu observer
une augmentation de 600% de la population de la ville de Chicago, ainsi qu’énormément
de constructions (dues aux migrations venues d’Europe).

La ville était ainsi en perpétuel chantier. Et pendant des années, se sont côtoyés des quartiers
très pauvres et des gratte-ciels/magasins de luxes. De grands problèmes sociaux
débarquent : Conflits raciaux, ghettos, misère, prostitution et délinquance juvénile. Les
quartiers sont, dans un premier temps, des quartiers à appartenance ethnique très forte. Les
premières vagues d’immigration arrivent (afflux massif de migrants ruraux et d’immigrants
étrangers).

Pour les sociologues de l’école de Chicago, c’est ce qui va permettre d’étudier l’homme. Ils
décident ainsi d’intervenir pour régler ces problèmes.

La sociologie devient un outil qui permet de se dégager d’une démarche spéculative pour
s’intégrer davantage dans une démarche sociale. L’école est souvent associée à « l’écologie
urbaine » : C’est-à-dire à l’analyse minutieuse des interdépendances existant entre les
hommes et leur milieu.

Idées essentielles de l’école de Chicago :

a. La recherche sur le terrain


b. L’analyse écologique des phénomène urbains
c. L’action collective (la situation sociale apparait comme le résultat de l’action des
individus et des groupes qui y participent)

Et la sociologie empirique va se développer notamment avec William Isaac Thomas, ou


encore avec Robert Park. La recherche sur le terrain est primordiale.

William Isaac Thomas enseigne la sociologie et va s’intéresser aux modes de vie des
communautés d’immigrés à Chicago. Il diffuse des annonces en disant qu’il souhaite que des
immigrés viennent lui raconter leur histoire : Il cherche avec ces récits de comprendre les
similitudes entre tous ces immigrés.

- L’ouvrage de William Isaac Thomas et Znaniecki : Le Paysan Polonais

Ouvrage important qui raconte l’histoire d’un paysan polonais. Il s’agit d’un ouvrage en 5
volumes très dense.

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Le 3ème tome est consacré à Vladeck, qui arrive dans l’école de Chicago et vient vendre son
histoire pour quelque cents. Il vient d’un village polonais. Il est issu d’une famille de 10
enfants, son père est aubergiste. La famille est dans une classe intermédiaire, ils ne sont pas
pauvres mais ne font pas partie d’une classe bourgeoise non plus. Il part faire un
apprentissage dans une boulangerie. Son premier patron est un ivrogne qui frappe ses
ouvriers. Il trouve du travail dans une boulangerie polonaise à Chicago. Il finit par épouser
une jeune fille polonaise vivant à Chicago comme lui. Il perd son travail et sa femme le
quitte. C’est dans cette errance qu’il tombe sur l’annonce de l’école de Chicago (William
Isaac Thomas).
L’histoire de Vladeck permet d’essayer de dégager des types d’immigrés qui sont liés à des
comportements ou des habitudes.

Il y a 3 types d’attitudes face à l’immigration. Certains cherchent à se raccrocher au mode


de vie traditionnel et d’autres à monter l’échelle sociale. Chaque individu a sa propre
trajectoire. Chaque individu est tiraillé entre ces 3 types d’attitudes et parfois le regard des
autres va faire qu’on se réfugie dans une des catégories plutôt qu’une autre.

a. Le philistin

- Conservateur avec des règles bien fixées


- Part de son pays et emporte avec lui tout son bagage culturel, ses traditions sont ses
racines
- Très difficile pour le philistin de s’intégrer
- Va rester avec des gens qui partagent les même valeurs que lui
- Vladeck est en quelque sorte philistin, parce qu’il souhaite être aimé par tout le
monde (son patron, ses parents…).

b. Le bohème

- Ouvert au changement et s’adapte aux coutumes et habitudes


- Le changement ne vient pas de lui
- Généralement influencé par les autres
- Vladeck est en quelque sorte bohème parce qu’il n’arrive pas à se fixer, il circule.

c. Le créatif

- S’intègre le mieux
- Propres valeurs et projets pas commandés de l’extérieur
- Innovateur
- Perçu comme ayant une forte valeur ajoutée dans le pays d’accueil

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- Les thèmes majeurs de l’école de Chicago

a. Le Paysan Polonais
b. Les minorités raciales et ethniques

On sort de la notion de « race » qui prévalait jusque-là. Les sociologues américains ont
plutôt mis en évidence des phénomènes de socialisation. Pour eux, le problème des noirs
n'était pas différent de celui des migrants : Il s’agissait à chaque fois de groupes marqués
par une différence et promis à l’acculturation, puis à l’assimilation à la société américaine.
Cette population-là s’assimilera et épousera les valeurs américaines. Mais l’acculturation
n’élimine pas les motifs des conflits.

c. L’homme marginal

Directement en rapport avec les migrations, l’objet d’étude devient celui de « l’homme en
marge » (correspondant aux migrants de la 2ème génération). En raison de leur double
appartenance religieuse, linguistique ou culturelle, les migrants sont rejetés.

d. La ville

L’un des ouvrages les plus importants de l’école de Chicago s’intitule « The cities », écrit par
Burgers, Mc Kenzie et Park. Chicago est vue comme un laboratoire social, étudiée sous
l’angle de la répartition dans l’espace des communautés et des classes sociales. Les vagues
successives de migrants transforment la ville, en même temps qu’ils s’y adaptent en
aménageant leur espace propre. Ce sont les pères de la sociologie urbaine.
Mais comment, au fond, les classes sociales ont-elles pu occuper l’espace ? Comment ont-ils
redessiné la ville de Chicago ?

e. La déviance

On étudie les déviances produites par l’urbanisation (SDF, suicide, maladies mentales).

f. Le crime et la délinquance

La criminalité à Chicago est à l’image de l’histoire de la ville. Pour répondre à un besoin


qui était l’alcoolisme, les gouvernements n’ont rien trouvé de mieux que d’arrêter la vente
d’alcool. On a vu de l’argent illégal se faire par la vente d’alcool illégal dans les rues. Ce
qui fonctionnait très bien. Les sociologues, répondant à une forte demande sociale, ne
cesseront de s’intéresser à la délinquance, organisée ou non.

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Après la guerre des gangs de 1924, Fréderic Thrasher réalisera une étude sur les « gangs
de quartier », où il décrit les bandes de jeunes comme une forme de réorganisation sociale.

4.2) Charles Wright Mills (1916 – 1962)

Il était professeur de sociologie à l’Université de Columbia à New-York, l’école de


journalisme la plus prestigieuse au monde. Il émet une critique de la société américaine et
de ses élites.

Il a publié 2 ouvrages importants :

a. « White Collar, The American Middle Classes » (1951)


b. « The Power Elite » (1956)

Mills pratique une méthodologie multiple : Il utilise les annuaires et les registres, regarde
des biographies sur des personnalités, etc. Il a surtout critiqué la société américaine et plus
généralement la société industrielle (c’est un sociologue critique). Il s’intéresse au
développement de la société américaine et notamment d’une nouvelle classe moyenne dans
cette société, composée de « cols blancs » (1966).

- Analyse de la structure du pouvoir aux USA

Les élites du pouvoir représentent l’ensemble des hommes qui prennent les décisions
importantes, aux conséquences capitales pour la vie des gens ordinaires. Elles sont
composées d’hommes qui occupent des postes clésdans les grandes institutions de
la société moderne. L’élite concentre des moyens efficaces afin d’exercer le pouvoir,
devenir riche et célèbre.

Le pouvoir serait exercé dans 3 champs principaux (XXème siècle : Centralisation et


coordination des trois domaines principaux du pouvoir) :

a. Politique
b. Économie
c. Domaine militaire

Pouvoir « par les puissants » : Nous entendons évidemment ceux qui peuvent réaliser leur
volonté, même si d’autres s’y opposent. La source du pouvoir est l’accès aux institutions,
parce que ce sont sur ces moyens institutionnels de pouvoir que les hommes vraiment
puissants exercent, en première instance, leur pouvoir. Le pouvoir individuel se base sur le

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pouvoir institutionnel. Le pouvoir est contrôler par les institutions dans les trois cercles
principaux de pouvoir (l’économie, la politique et le militaire).

- Homogénéité des élites : Pourquoi les élites fonctionnent-elles comme cela ?

a. Facteurs sociaux et psychologiques

Les élites ont la même origine sociale, le même milieu social, le même cursus scolaire dans
les collèges privés, des modes de comportement et personnalité similaires, les mêmes valeurs
et mêmes intérêts, le sentiment d’appartenance à la même classe sociale, conscience de
classe, échange mutuel dans les postes et positions dirigeantes entre les memnres des trois
élites (économique, politique et militaire).

b. Facteurs institutionnels

Il y a des échanges et une circulation entre les trois groupes d’élites, des réseaux de contacts
institutionnels et personnels, coïncidence des intérêts institutionnels et personnels.

Idées essentielles de Mills :

a. Nouvelle classe moyenne

Cette nouvelle classe moyenne est formée des employés salariés en «col blanc» dont
l’importance numérique et la place dans la structure sociale s’accroissent avec le
développement des organisations bureaucratiques et des activités de service.

b. Analyse de la structure du pouvoir aux USA

dans la société industrielle américaine il y a alliance objective entre intérêts des décideurs
des grandes firmes, chefs militaires, et dirigeants de la machine de l’État (Maison Blanche
– Congrès – Gouverneurs d’États). Cette alliance objective favorise la création d’une
véritable élite homogène qui détient le pouvoir réel aux États-Unis.

c. Sociologie critique

Le sociologue tente une approche critique de comment s’agencent les faits et forment la
réalité sociale. Son but : Favoriser une prise de conscience individuelle des enjeux
collectifs et des problèmes sociaux, afin de les résoudre.

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4.3) Erving Goffman (1922 – 1982)

C’est un professeur de sociologie aux universités de Berkeley, Chicago et Philadelphie.


C’était un sociologue de « l’infiniment petit » , de l’analyse interactionniste des
microphénomènes sociaux. Goffman se rattache au courant des interactionnistes. Il faisait
surtout de la sociologie d’observation au quotidien (rituels) dans des lieux très réglementés
et des univers clos (asiles, prisons,...) : Pratiquement coupés du monde extérieur…
Il voulait décortiquer comment les internés réagissaient :

a. Entre eux
b. Avec le personnel soignant
c. Avec la direction
d. Avec les visiteurs (ayant recours aux « adaptations secondaires », les stratégies
auxquelles les personnes condamnées à vivre dans ces univers ont recours).

Il est donc bien interactionniste. Pour lui, l’interaction est à la base de la structure sociale.

- Goffman ou la mise en scène de la vie quotidienne

Goffman soutient ainsi que la vie sociale est comme un théâtre : Chacun joue un rôle
particulier qu’il essaie de respecter, sur une scène et avec des coulisses.

a. Analogie avec le théâtre : Façade

Ce que je montre, ce que je suis. Le processus d’interaction est très fragile, il est composé
de « rituels » inconscients, comme, par exemple, les règles de politesse : On dit « bonjour »
quand on croise quelqu’un. Ce rituel permet de faire bonne figure, de montrer à l’autre ce
qu’il attend de nous. Souvent, quand on rencontre quelqu’un, on cherche à donner une
bonne image de nous, à plaire. C’est ce qu’on appelle la façade.

b. Analogie avec le théâtre : Scène (région antérieure)

Là où se déroule les représentations, les acteurs y sont confrontés (au public). Les acteurs
tiennent un rôle social qui leur est assigné, qu’ils sont censé réaliser au moment où ils le font.

c. Analogie avec le théâtre : Coulisses (région postérieure)

Les coulisses sont fermées au public. Les acteurs peuvent être eux-mêmes et se « relâcher ».
On se prépare mentalement (à la soirée), on dessine les contours de ce qu’il va se passer,
on va se projeter.

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d. Analogie avec le théâtre : Rôles

Les individus sont pour lui des acteurs, et chacun d’entre nous joue toute sa vie un rôle. Il
change toute notre vie en fonction des circonstances. On modifie nos manières d’être, on
adapte son comportement tout le temps. Les rôles peuvent dépendre d’une certaine mise en
scène (dans les soirées mondaines, par exemple). Et lorsqu’on est soi-même, on est dans les
coulisses.

Différents rôles : « Franc » (on se met en évidence, on est acteur ou public, se joue sur
scène ou dans la salle, rôle imposé par des contraintes), « Comparse » (on est mis à l’arrière
pour appuyer le rôle de l’autre, c’est un rôle de quelqu’un amoureux ou hypocrite),
« Public » (les personnes à qui on s’adresse, on aime ou on n’aime pas, on applaudit ou
pas, on regarde la personne qui est sur scène, on est en relation avec les autres), « Non-
personne ou non-être » (par exemple, quand un couple fait l’amour dans un cinéma, ils
considèrent les autres spectateurs comme faisant partie du décor, comme des non-êtres).

Comme expliqué plus haut, Goffman s’est très intéressé aux univers clos (prisons, asiles,
internats, etc.) et aux personnes y vivant (que ce soient les gens à soigner ou les soignants).

Quels que soient les univers clos, ils ont tous une coupure avec le monde extérieur. Tous les
besoins sont pris en charge par les institutions.

- Institutions totales ou totalitaires

Goffman définit la notion d'institution totale comme un lieu de résidence et de travail


où un grand nombre d'individus, placés dans la même situation, coupés du monde
extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse
dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées.

Exemples : Prisons, camps de concentration, asiles, couvents, mais aussi internats,


orphelinats, etc. peuvent être considérés comme institutions totales (qu'on peut d'ailleurs
rapprocher des institutions disciplinaires selon Michel Foucault).

Caractéristiques des institutions totalitaires : Coupure avec le monde extérieur, tous les
besoins pris en charge par l’institution, mode de fonctionnement hyper bureaucratique,
contacts limités et régulés entre les reclus et les surveillants, changement de temporalité.

Dans cette institution totalitaire, il y a un certain changement de la temporalité.

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Tout ne dépend pas des minutes ou des heures, mais bien d’un rythme de moments forts
(moment de la soupe, temps de prière,...). Dans les univers totalitaires, tout est pris en
charge par les institutions, les individus s’y effacent.

Dans ces institutions, 2 forces s’opposent :

a. Adaptation primaire

D'un côté, la dimension englobante (stratégie primaire), une capacité à assigner aux reclus
un rôle bien déterminé. Cela passe par diverses techniques de mortification, de
dépersonnalisation, d'aliénation (contamination physique, morale, cérémonies d'admission,
dépouillement des biens, perte de l'autonomie, embrigadement...) justifiées de diverses
manières (raisons d'hygiène, de sécurité.). Ces techniques vont plus ou moins structurer les
perceptions et comportements des reclus de manière uniforme et selon un rôle décidé par
l'institution : C'est ce que Goffman appelle l'adaptation primaire. On attribue aux reclus un
rôle bien déterminé, on a une absence complète d’autonomie individuelle. L’individu doit se
soumettre aux règles (adaptation primaire).

b. Adaptation secondaire (fait survivre les individus)

D'un autre côté, les acteurs que sont les reclus ont une capacité à s'écarter du rôle que
l'institution leur assigne par l'adaptation secondaire. Celle-ci peut être désintégrante (elle
consiste alors en des attaques contre l'institution) ou intégrée (passant par des stratégies
d'adaptations par lequel le détenu tente de se réapproprier sa vie).
Désintégrante : Rébellion contre l’institution, pour exister l’individu trouve des failles.
Intégrée : Stratégie d’adaptation (détenu essaye de se réapproprier sa vie).

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Idées essentielles de Goffman :

a. Institutions totales ou totalitaires

Institutions fermées sur elles-mêmes, qui fonctionnent à partir de règles propres imposées aux
personnes qu’elles contrôlent.

b. Interaction

Par le respect d’un ensemble de règles codifiées (politesse, tact,....) le but est de préserver
l’identité sociale de la personne avec laquelle on entre en relation.
- Rituels d’accès : Commandent la façon d’aborder autrui et marque le souci de
préservation de son territoire (« veuillez m’excuser », « puis-je me permettre », …)
- Rituels de confirmation : Garantissent l’identité des acteurs (faire preuve de référence
en installant un invité à la place d’honneur)
- Rituels de réparation : Lorsqu’un individu commet une erreur menaçant l’issue de
l’interaction (excuse, le rougissement,…)
L’organisation sociale ne s’impose donc pas aux individus « mécaniquement », au contraire,
ils contribuent à leur manière et le plus souvent sans y prêter attention à sa perpétuation à
travers l’ensemble des interactions qui les mettent en relation.

c. Analyse dramaturgique

La société peut être perçue comme un théâtre social où les personnes jouent des rôles devant
les autres. Quand quelqu’un change de position dans la société et doit jouer un nouveau
rôle, il a peu d’indications sur ce rôle.

5. LA SOCIOLOGIE FRANÇAISE

5.1) Raymond Aron (1905 – 1983)

Il était dans la même classe que Sartre (avec qui il ne s’entendait pas du tout), Nizan,
Canguilhem, Lagache,… Raymond Aron était un intellectuel engagé connu pour ses prises
de positions politiques. Il était professeur de sociologie à la Sorbonne et journaliste. Il a fait
une thèse en Allemagne lors de la montée du nazisme : Il a assisté au moment où les soldats
nazis brûlent tous les livres.

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Ce qui l’a choqué, c’est que les étudiants eux-mêmes brûlaient des livres, c’était l’œuvre de
gens instruits. Pour lui c’est une catastrophe : Ça annonçait déjà la guerre. Il a d’ailleurs dit
qu’il fallait agir dès ce moment-là (ce que personne ne fit). Il a écrit « l’Opium des
intellectuels ».

Aron était juif et suite à la Loi de Pétain interdisant les juifs à exercer un métier, il perdit son
travail de professeur. Il n’a jamais insulté le général Pétain, il a gardé son sens critique
toute sa vie. Raymond Aron était surtout un spectateur de tout ce qu’il s’est passé.
Il ne se reconnaît pas non plus en Charles de Gaulle, il voit en lui l’émergence d’une forte
autorité.

Il répétera sans cesse la fragilité des démocraties qui portent en elles les instruments de leur
propre destruction. Il avait des positions politiques très claires, totalement anti-communiste
et à droite.

- Sartre et Aron

Suffisamment différents pour devenir amis dans les années 1920, mais trop pour le rester
dans un monde bipolaire où chacun, après 1947, fut sommé de choisir entre l'Est et l'Ouest.

« J'aime mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Jusqu'en 1970, Sartre fut le
messie des temps modernes, parlant au nom des opprimés, et Aron le principal ennemi de
la classe ouvrière, complice stipendié du mensonge des exploiteurs. Ensuite, avec le goulag
et divers charniers, on découvrit que le nouveau prophète s'était peut-être toujours trompé
tandis que le contempteur de l'« opium » marxiste n'avait, quant à lui, jamais failli. Ce sont
eux qui ont lancé le mouvement étudiant.

- Aron et le totalitarisme

Raymond Aron est un libéraliste social-alternatif. Il a également réfléchi sur la connaissance


historique, en plus d’avoir réfléchi sur la société industrielle et sur les idéologies totalitaires.
Pour Aron, l’histoire échappe à une explication globale et unique. Elle ne peut donner lieu
qu’à une pluralité d’explications, chacune étant à la fois partielle et inachevée.

Aron a énormément écrit sur le totalitarisme - 5 éléments principaux :

a. Régime qui accorde à un parti le monopole de l’activité politique


b. Idéologie : Autorité absolue (vérité officielle de l’État)

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Le parti monopolistique est animé ou armé d’une idéologie à laquelle il confère une autorité
absolue et qui, par la suite, devient la vérité officielle de l’État.

c. Pour répandre cette vérité, l’État se réserve un double monopole

Moyens de force et moyens de persuasion. L’ensemble des moyens de communication,


radio, télévision, presse, est dirigé, commandé par l’État et ceux qui le représentent.

d. Activités économiques et professionnelles

Elles sont soumises à l’État et deviennent une partie de celui-ci. Comme l’État est inséparable
de son idéologie, la plupart des activités économiques et professionnelles sont colorées par
la vérité officielle. Par exemple, économie planifiée (prix de revient démesurés).

e. Activité d’État

Tout étant désormais activité d’État et toute activité étant soumise à l’idéologie, une faute
commise dans une activité économique ou professionnelle est simultanément une faute
idéologique : Erreur faite contre les idées. D’où, au point d’arrivée, une politisation des
fautes possibles des individus et, en conclusion, une terreur à la fois policière et idéologique.
Cela amène à une terreur policière et idéologique.

Raymond Aron établit également un modèle type de la société industrielle :

a. Séparation radicale entre l’entreprise et la famille

Ce qui veut dire que travail et loisir sont totalement distincts. Société moderne (l’entreprise
et la famille ne faisaient qu’un, on vivait en autarcie) VS Société industrielle (on les sépare).

b. Mode original de division du travail

Travail à la chaine : Chacun a une activité spécifique et la personne ne comprend pas la


tâche qu’elle effectue.

c. Accumulation massive de capital (toujours faire croître)

Il fallait pouvoir les augmenter pour investir et faire du chiffre.

d. Calcul rationnel économique

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Pour calculer le temps nécessaire pour produire tel type de produit, pour calculer le matériel
requis,… Tout calculer pour faire un maximum de profit. Ce type de calcul ne tient pas du
tout compte du côté humaniste.

e. Concentration ouvrière sur les lieux de travail

Pour éviter qu’ils ne mettent trop de temps à arriver sur place : On les met dans des
logements construits par l’entreprise, pour les placer pas trop loin du lieu de travail. Ce
n’était pas réellement des lieux de vie, c’était très étroit.

f. Application de la science à l’industrie

Division et organisation du travail commandée par les exigences technologiques.

g. Attitudes des sujets économiques

Nouveaux rapports entre les individus qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. Chacun
joue son rôle. On est dans un rapport de force où les syndicats représentent les intérêts
généraux des travailleurs.

Création et modification des classes sociales, urbanisation, revendication, naissance de


classes qui s’opposent et qui s’expriment, institutionnalisation des rapports économiques et
sociaux (syndicats).

On retrouve là la notion « d’idéaltype » comme Max Weber.

L'héritage d'Aron, c'est un état d'esprit, une éthique intellectuelle, un engagement de citoyen.
L'état d'esprit réside dans la volonté de comprendre avant de juger en pensant le monde tel
qu'il est et non tel qu'on le rêve. L'éthique intellectuelle passe par le respect des faits et
l'impartialité dans la discussion. La posture mêle indissociablement le savant et le combattant
de la liberté politique, qui « contribue à rendre les hommes dignes d'elle, à en faire des
citoyens, ni conformistes ni rebelles, critiques et responsables ».

5.2) Raymond Boudon (1943 – 2013)

Également professeur à la Sorbonne, son travail consistait en des méthodes sociologiques


et l’examen de la validité scientifique des concepts et des théories sociologiques.

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Il est très porté sur les chiffres. Il accorde beaucoup d’importance aux statistiques et aux
relations mathématiques. C’est un des pères de l’individualisme méthodologique.

Il n’existe pas de lois sociales générales gouvernant les comportements humains, ni de


déterminisme. C’est donc compliqué pour chaque individu de comprendre des choses qu’il
ne peut pas faire. L’individu agit en fonction du bien qu’il pourra retirer de son action. Son
postulat est utilitariste. Les actions peuvent être positives ou négatives.

- L’individualisme méthodologique

L'individualisme méthodologique pose comme principe que la société n'est que la production
collective d'individus plus ou moins autonomes et rationnels, ce qui n'interdit pas de
regrouper les acteurs sociaux en catégories mais interdit de dire qu'il existe dans les sciences
sociales des lois générales gouvernant les comportements humains, qu'il existe un
déterminisme social.

Les êtres humains, selon Raymond Boudon, peuvent avoir des comportements surprenants,
ces comportements répondent cependant à une rationalité : Les acteurs sociaux ont, sauf
exceptions qui peuvent relever de l'anormalité, toujours de bonnes raisons d'agir comme ils
le font.

Cette rationalité peut prendre plusieurs formes, elle peut être psychologique, économique,
et axiologique.
Les acteurs sociaux prennent leur décision dans un cadre social, une culture, à une époque
déterminée. Les valeurs morales de référence des acteurs sociaux ne sont pas pour autant
relatives (relativisme culturel). Les valeurs morales sont universelles et se développeraient
de façon irréversibles.

Si les acteurs sociaux se déterminent en fonction de valeurs ce n'est pas pour autant sans
intérêt au sens large, car s'ils se déterminent c'est qu'ils ont de bonnes raisons de croire à
ces valeurs. Toutefois on ne saurait confondre l'homo economicus des économistes libéraux
avec l'homo sociologicus selon Raymond Boudon.

Contrairement à l'homo oeconomicus qui agit toujours par intérêt, l'homo sociologicus peut
agir par habitude, en fonction de valeurs qui lui disent de faire ainsi. Le choix de l'homo
sociologicus n'est pas aussi clairement définissable que le choix de l'oeconomicus.

Il pose donc ces 3 tendances de l’individualisme méthodologique :

a. Rationalité économique

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Elle fait intervenir l’intérêt, l’utilité. Considèrent les actions des individus comme toujours
motivées par une rationalité sans faille, réduisent la réalité sociale par le seul calcul des
avantages et des coups : Être rationnel. Exemple : Marcus Olson.

b. Rationalité psychologique

Elle fait intervenir les émotions et les passions. Ils assouplissent l’hypothèse précédente :
Rationalité non plus absolue mais limitée et relative, calcul n’est pas à la base de la décision
mais aussi des émotions, sentiments, raisons moins rationnelles. Exemple : Michel Crozier.

c. Rationalité axiologique

Elle fait intervenir les valeurs sociales, donc morales. Il y a une rupture avec la rationalité
parfaite : Considèrent que la capacité limitée d’infos, de décisions, de simulations
d’individus est liée à la position qu’il occupe par rapport aux autres individus. Exemple :
Raymond Boudon.

Boudon essaie de comprendre comment on arrive à des phénomènes méthodologiques en


additionnant des actions individuelles (les parties expliquent le tout). Il part du principe que
la société n’est que la production collective d’individus plus ou moins autonomes et rationnels
(plus ou moins consciemment).

La sociologie, pour Bourdon repose sur 3 postulats fondamentaux :

a. L’individu (et non le groupe) est l’atome logique de l’analyse sociologique, ce qu’on
doit analyser c’est l’individu.
b. La rationalité de l’individu, de type complexe.
c. Les individus sont inclus dans des systèmes d’interaction dont la structure fixe
certaines des contraintes à leurs actions.

Le sociologue se donne le droit de recourir à une psychologie universaliste.

Les actions des individus, en s’agrégeant, produisent des résultats sociaux-collectifs (voulus
ou non). Ses résultats peuvent avoir été voulus par les acteurs mais ils peuvent également
ne pas avoir été voulu, au contraire.

Raymond Boudon qualifie les résultats d'effets de composition, d'effets émergents, d'effets
d'agrégation, d'effets de systèmes, qui se partagent en deux catégories, les effets simples et
les effets complexes.

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a. Effets simples : Résultent d’une addition des comportements individuels. C’est parce
que tous les entrepreneurs calvinistes se colportent de même manière que le
capitalisme naît et se développe.

b. Effets complexes : Résultent du fait que certaines des décisions des acteurs sociaux
peuvent être influencées, au lieu d’être agrégatives, elles soient désagrégatives.
L’addition des intérêts individuels ne conduit ainsi pas toujours à l’intérêt collectif
visé, il mène à un effet social pervers. Chaque individu a eu exactement la même
idée en même temps et l’a traduite en action. La liberté des acteurs ne conduit pas
nécessairement à leur collaboration. Leurs actions, au lieu de se combiner, peuvent
s’opposer, et ainsi produire des effets qui leur échappent, des effets pervers.
Exemple : Les embouteillages sur les route en juillet, faire ses courses le samedi soir…

Idées essentielles de Boudon :

a. Individualisme méthodologique

« Ce principe signifie que le sociologue doit se faire une règle de méthode de considérer
les individu ou acteurs individuels inclus dans un système d’interaction comme les atomes
logiques de son analyse. »

b. 2 axiomes fondamentaux

Expliquer les phénomènes sociaux qu’à la condition de partir des individus-motivations-


actions (de ces individus rationnels).
La rationalité équivaut à l’action rationnelle si orientée par un intérêt, une valeur ou même
une tradition. L’action d’un individu est rationnelle si celui-ci a de bonnes raisons d’agir. La
rationalité est également située, ce qui signifie que les individus adoptent des stratégies en
fonction de l’environnement économique, institutionnel, historique, etc.

c. Effet émergent, d’agrégation ou de composition

Cet effet apparaît comme le résultat social de l’agrégation des actions individuelles, mais il
ne peut pas être conforme à ce que souhaite chacun des individus engagés dans l’action.
Si un grand nombre de personnes décident de partir en vacances le même jour, il en
résultera des embouteillages. Cet effet émergent négatif, non intentionnel, constitue alors un
effet social pervers.

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5.3) Pierre Bourdieu (1930 – 2002)

Pierre Bourdieu est un sociologue français important dans l’histoire de la sociologie. Son
champ d’études a couvert l’ensemble des activités humaines. Il a surtout étudié les cas
sociaux, il est arrivé à nous parler de la photo, de l’art, du monde universitaire, etc. Il a
étendu son champ d’action à des domaines plus larges. Il était très dur dans ses combats
personnels, très acerbe. Ses conférences étaient très soporifiques. On dit qu’il n’aimait pas
la télé parce qu’il n’a jamais pu y passer.

Sa sociologie est structuralisme constructiviste. Les structuralistes considèrent la société en


bloc et la divise en classes sociales.

a. La société n’est pas réformable de l’intérieur.


b. Chaque classe souhaite préserver sa propre culture, c’est donc compliqué de
changer ou de monter dans cette société de classes. Elle est figée.

Pierre Bourdieu définit ainsi le constructivisme structuraliste : « Par structuralisme ou


structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même, [..] des structures
objectives indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables
d'orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je
veux dire qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de perception, de pensée et
d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre part des structures
sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs ».

- La théorie des champs, élément fondamental de la sociologie de Bourdieu

Les champs constituent la face extériorisation de l'intériorité du processus. Le champ est une
sphère de la vie sociale qui s'est progressivement autonomisée à travers l'histoire autour de
relations sociales. Les gens ne courent ainsi pas pour les mêmes raisons dans le champs
économique, dans le champs artistique, dans le champs journalistique, dans le champs
politique ou dans le champs sportif.
Chaque champs est alors à la fois un champs de forces (il est marqué par une distribution
inégale des ressources et donc un rapport de forces entre dominants et dominés) et un
champs de luttes (les agents sociaux s'y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport
de forces).

Pour Pierre Bourdieu, la définition même du champs et la délimitation de ses frontières (qui
a le droit d'y participer ?, etc.) peut être aussi en jeu dans ces luttes, ce qui distingue cette
notion de celle habituellement plus fermée de « système ».

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Champs : Le champ est une sphère de la vie sociale qui s'est progressivement
autonomisée à travers l'histoire autour de relations sociales. Intérieur d’espaces
sociaux + ou – autonomes, dans lequel les individus évoluent.

Bourdieu rajoute que dans la société, il y a des dominés et dominants, c’est un fait qui n’est
pas changeable. Dans toute société humaine, la hiérarchie humaine se fait à travers ce fait.

Les dominés et dominants ne sont pas forcément liés à leurs classes sociales. Il faut considérer
la société comme une succession de champs (artistique, médical,…) où chacun a sa place.
Cependant, l’individu possède une marge d’autonomie à l’intérieur de ces champs, sous-
ensembles de l’espace social à l’intérieur desquels s’exercent des processus de compétition.

Selon Pierre Bourdieu, « le principe de l'action historique, celle de l'artiste, du savant ou du


gouvernant comme celle de l'ouvrier ou du petit fonctionnaire, n'est pas un sujet qui
s'affronterait à la société comme à un objet constitué dans l'extériorité. Il ne réside ni dans
la conscience ni dans les choses mais dans la relation entre deux états du social, c'est-à-dire
l'histoire objectivée dans les choses, sous forme d'institutions, et l'histoire incarnée dans les
corps, sous la forme de ce système de dispositions durables que j'appelle habitus ».

- L’habitus, un autre élément fondamental pour Bourdieu

L’habitus : Structures sociales de notre subjectivité, qui se constituent d’abord au


travers de nos premières expériences (habitus primaire), puis de notre vie d’adulte
(habitus secondaire). C'est la façon dont les structures sociales s'impriment dans nos
têtes et nos corps par intériorisation de l'extériorité.

Système mental de dispositions durables à travers lesquelles les agents perçoivent et


apprécient le monde environnant, une sorte de grammaire ou de matrice des
comportements.

Grammaire des comportements : Principe non choisi des choix. C’est une façon dont les
structures sociales s’impriment dans nos têtes et nos corps par intériorisation de l’extériorité.
L’habitus consiste en des dispositions durables et transposables. C’est différent de l’éthos,
qui est le caractère de l’individu.

a. Dispositions

C’est-à-dire des inclinaisons à percevoir, sentir, faire et penser d’une certaine manière,
intériorisées et incorporées, le plus souvent de manière non consciente, par chaque individu,
du fait de ses conditions objectives d’existence et de sa trajectoire sociale.

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b. Durables

Si ces dispositions peuvent se modifier dans le cours de nos expériences, elles sont fortement
enracinées en nous et tendent de ce fait à résister au changement, marquant ainsi une
certaine continuité dans la vie d’une personne.

c. Transposables

Des dispositions acquises dans le cours de certaines expériences (familiales par exemple)
ont des effets sur d’autres sphères d’expériences (professionnelles par exemple), c’est un
premier élément d’unité de la personne.

- Les capitaux, dernier grand concept de Bourdieu

Il n'y a pas chez Pierre Bourdieu une seule sorte de capital comme chez Marx et les
« marxistes » (le capital économique), mais une pluralité de capitaux (capital culturel,
capital politique, etc.).
On n'a donc pas une représentation unidimensionnelle de l'espace social (comme chez les
« marxistes », où l'ensemble de la société est pensé d'abord autour d'une vision économique
du capitalisme) mais une représentation pluridimensionnelle : L'espace social est composé
d'une pluralité de champs autonomes, définissant chacun des modes spécifiques de
domination.

Ces modes de capitalisation sont tout à la fois autonomes, parfois en concurrence (par
exemple, le conflit classique entre les détenteurs du capital économique et du capital
culturel, hommes d'affaires et « intellectuels ») et reliés entre eux par des formes diverses
d'imbrication (certains agents cumulent capitaux économiques, culturels et politiques, alors
que d'autres sont « exclus » de la plupart des capitaux légitimes).

Ce qu’on appelle champs du pouvoir est un lieu de mise en rapport de champs et


de capitaux divers : C'est là où s'affrontent les dominants des différents champs, « un
champ de luttes pour le pouvoir entre détenteurs de pouvoirs différents ».

4 types fondamentaux de capitaux distingués par Pierre Bourdieu :

a. Le capital économique, qui mesure l’ensemble des ressources économique d’un


individu, à la fois ses revenus et son patrimoine.

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b. Le capital culturel, qui mesure l’ensemble des ressources culturelles dont dispose un
individu. Elles peuvent être de trois formes : Incorporées (savoir et savoir-faire,
compétences, forme d’élocution, etc.), objectivées (possession d’objets culturels) et
institutionnalisée (titres et diplômes scolaires).
d. Le capital social, qui mesure l’ensemble des ressources qui sont liées à la « possession
d’un réseau durable de relations d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ».
e. Le capital symbolique, qui désigne toute forme de capital (culturel, social ou
économique) ayant une reconnaissance particulière au sein de la société. L’Abbé
Pierre ou le Dalaï-Lama, par exemple, ont un capital symbolique très élevé.

Les grands concepts de Bourdieu sont donc : Les champs l’habitus et les capitaux.

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Idées essentielles de Pierre Bourdieu :

a. Théorie générale des pratiques sociales

- Habitus : Ensemble de dispositions intériorisées par les individus qui orientent les
pratiques sociales.
- Champs : Sous-ensembles de l’espace social à l’intérieur desquels s’exercent des
processus de compétition.
- Capitaux : Sous trois formes principales, ils sont à la fois des enjeux et des
ressources dans le jeu social

b. Une théorie générale de la domination

Cette théorie est indissociable de la précédente dans la mesure où le pouvoir s’inscrit dans
ces pratiques.

c. Une démarche méthodologique originale

Elle tente de dépasser l’opposition entre l’objectivisme et le subjectivisme.

d. Une approche particulière des classes sociales

La stratification sociale est un « superchamp » qui, par un effet de superposition, reproduit


la bipolarité des luttes propres aux champs particuliers. Autrement dit, les luttes de classes
au niveau sociétal reflètent les luttes de fractions aux niveaux des champs particuliers.

Le rapport conflictuel des fractions et des classes s’établit dans l’ambiance feutrée d’une
violence symbolique à la faveur de laquelle les fractions et les classes supérieures
s’efforcent d’asseoir leur domination et de maintenir un statu quo qui les privilégie. Cette
violence symbolique vise à empêcher toute révolution ou tout changement radical de
structure, sans que cela ne signifie que la société reste immobile. En effet, les acteurs
peuvent toujours ajuster leur stratégie, à l’intérieur d’un champs donné, par l’utilisation
des capitaux dont ils disposent et le faire évoluer.

5.4) Alain Touraine (1925 - …)

Il enseigne la sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. C’est un


sociologue actionnaliste, de l’action sociale : Les règles et l’organisation sociale ne sont pas
préexistantes aux individus.

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Sa sociologie se situe dans un contexte de sociétés qui ont une capacité élevée d’action sur
soi, elles peuvent produire une forme de connaissance en termes de rapports sociaux,
libérée de tout référence à des réalités méta-sociales. On a là une représentation extérieure
à la société, qui la surplomberait et lui donnerait à la fois caution et sens.

On peut diviser son travail en 3 grandes périodes :

a. Sociologie du travail et de la conscience ouvrière (analyse de la société post-


industrielle)

Détails dans son ouvrage « Sociologie de l’action » (1965), et quelques années plus tard
dans « Production de la société » (1973).
C’est à cette période qu’appartiennent les premiers travaux et premières recherches en
Amérique Latine sur les ouvriers chiliens des mines de charbon et de la sidérurgie.
Il a étudié la société postindustrielle, et a pris conscience qu’elle n’a pas son origine dans
quelque chose qui lui est extérieur (Dieu ou la nature), mais dans ce qu’elle produit elle-
même. Alain Touraine en parle dans son livre sur « l’Évolution du travail ouvrier aux usines
Renault » (1955), et également dans « La Société post-industrielle » (1969).

b. Étude des mouvements sociaux

Suite aux événements de Mai 68’ et les coups d’États militaires en Amérique Latine, il a
concentré son intérêt sur l’étude des mouvements sociaux.
Il a élaboré avec un groupe d’amis une méthode d’intervention sociologique et a réalisé
une série d’études, depuis « La voix et le regard » (1978) jusqu’à celle du « Mouvement
ouvrier » (1984).
Alain Touraine a continué à étudier l’Amérique Latine et, surtout, les problèmes de
développement. Il a passé l’année 1981 en Pologne à étudier Solidarnosc, et a écrit en
Amérique latine un livre, publié d’abord au Chili (puis remanié, réécrit et publié en France)
sous le titre de « La Parole et le Sans » (1988). Il a des interrogations quant à la capacité
des mouvement sociaux à devenir de nouveaux acteurs sociaux de la société post-
industrielle. Mais ils étaient trop ambigus, et ne le sont jamais devenus à ses yeux.

c. Sociologie de l’intervention (nombreux ouvrages)

Cette troisième période s’ouvre avec « Le retour de l’Acteur » (1984) et donne lieu à la
publication des ouvrages suivants : « Critique de la Modernité » (1992), « Qu’est-ce que la
démocratie ? » (1994), et « Pourrons-nous vivre ensemble ? ».

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« Égaux et différents » (1997) présente les thèmes qui lui tiennent à cœur et dont l’idée
dominante est le Sujet, considéré comme principe central d’action des mouvements sociaux.
C’est ici qu’il développe sa sociologie de l’action.
Il s’interroge sur le sens de la société, ce qu’elle devient. Il est un observateur militant. On
est plus dans le travail philosophique que d’analyse sociologique.

L’intervention repose sur trois principes :

a. Étudier un groupe de participants actif d’une action collective en les considérant


comme représentants d’un mouvement réel.
b. Stimuler l’auto-analyse du mouvement en considérant les membres du groupe
comme porteur d’un sens de leur action
c. Élaborer des hypothèses sur le niveau le plus élevé auquel peut parvenir l’action
considérée. Les chercheurs, qui se gardent à la fois d’une attitude d’observation
neutre et d’une identification au groupe, se font les représentants en ce sens le
plus élevé possible de l’action étudiée. Si ces hypothèses sont reprises par le
groupe lui-même, qui passe alors du côté de l’analyse, ce qui constitue sa
conversion, et si elles apportent dans la vie du groupe plus d’intelligibilité́, c’est
qu’elles sont pertinentes. Si elles ne le sont pas, elles n’apportent que confusion
ou sont simplement rejetées.

- Caractéristiques de sa sociologie

a. Conception anti-déterministe

Opposé au Marxisme : La société n’a pas de loi, pas de déterminisme par la force de
production. Refuse de considérer les conduites de l’acteur comme des réponses nécessaires
à des situations. Il n’agit jamais de manière mécanique.

Opposé à Bourdieu et à son habitus (disposition durables, transposables, encrée


profondément en soi par les expériences cumulées qui faisait un déterminisme à voir les
choses d’une certaine manière) : La conduite des acteurs n’est pas nécessairement une
réponse à des situations, il est beaucoup plus libre que ce que l’on croit généralement

b. Société n’est que rapports sociaux

Les hommes font l’histoire, la société s’autoproduit (les évolutions doivent être considérées
comme dépendantes de l’histoire des hommes).
La sociologie doit chercher à comprendre les oppositions de classes et mettre en évidence
les processus de production de la société à travers les luttes sociales.

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Sociologie de l’action : Étudier la dynamique des conflits sociaux (opposé à


Bourdieu : Reproduction sociale).

c. La société et l’État

La société semble dominée par l’ordre étatique.


Il y a de moins en moins d’autonomie pour les rapports sociaux, rend difficile de privilégier
la sociologie de l’action.

d. Les obstacles théoriques au développement de la sociologie de l’action

Croyance au déterminisme (Marxisme), idéologie des élites (Crozier), conceptions étatistes


(socialisme) et vision unidimensionnelle de la société (Foucault, Marcuse).

a. Théorie marxiste : La croyance au déterminisme des formes de production


b. Crozier : Il met l’acteur au centre de la sociologie, mais il met en évidence l’idéologie
des élites dirigeantes. Le peuple serait incapable de s’autodéterminer, il faut avoir
une élite pour mener le peuple. Pour Crozier, le pouvoir doit être une technocratie
moderniste. Pour Touraine, le pouvoir doit être dans les mains des classes.
c. Le socialisme et les conceptions étatistes : Toutes les théories selon lesquelles le
changement doit être organisé par l’État, il doit diriger, mener, s’occuper de tout
dans un pays, c’est une conception étatiste de la vie et c’est un des grands principes
du socialisme. L’État n’est jamais neutre, il représente le pouvoir et est orienté
idéologiquement.
d. Marcuse et Foucault : Ils accusent l’État comme un système d’ordre. Marcuse est un
anarchiste qui veut abolir l’État parce qu’il nous contraint et nous empêche d’être
autonome. L’historicité de Touraine permet de calculer le progrès d’une société.

La sociologie est différente de la médecine, on n’arrivera jamais à une réponse unique.

- L’action sociale

Action sociale : Travail de la société sur elle-même.

La société n’est pas seulement reproduction ou adaptation mais aussi création et production
d’elle-même. Une société évolue, se transforme et évolue. On peut analyser le
fonctionnement d’une société avec le concept d’historicité, que Touraine introduit.

Concept d’historicité : Capacité d’une société à orienter son destin à avoir une
emprise sur la pratique sociale à travers 3 paramètres :

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a. Mode de connaissance : Capacité à maitriser les connaissances et savoirs,


apprendre. C’est ce qu’on valorise pour accéder à la connaissance (école, etc.).
C’est se demander si seuls les riches peuvent avoir accès à l’éducation ou s’il faut
élargir cela à plus de monde.
b. Mode culturel : Plus d'approches différenciées, de goûts. Système d’action. C’est se
demander s’il faut partager ses valeurs et accepter d’autres cultures. Par

exemple, les nazis avaient un code d’art très particulier, ils voulaient
seulement du réalisme, rien d’autre et surtout pas l’impressionnisme, ils
brûlaient les autres tableaux, les revendaient, etc.

c. Processus d’accumulation : Société où l’on est capable de dispenser une


partie de cette accumulation pour financer le mode de connaissance =
Système d’action historique (SAH). C’est la façon dont une société enlève
une partie de ses ressources du circuit de l’activité économique et le
transforme en orientations.

Il y a des sociétés à historicité forte (augmentation des connaissances, capacité de


progresser, augmenter le sort des individus), historicité faible ou nulle.

a. Nulle : Exemple : Une société qui n’est que reproduction, comme celle des tribus en
Amazonie. Ils ne savent reproduire que ce qu’ils ont appris, la société n’évolue pas.
b. Forte : Exemple : Notre société industrielle, post-industrielle qui a la capacité à
investir dans de la recherche, brevet, confort. N’atteindrait-on pas un seuil ?

- Vers de nouveaux mouvements sociaux (fin du XXème siècle)

a. Déclin des anciens mouvements sociaux : On le voit aujourd’hui avec la volonté de


préserver la planète, stop la société sur consommatrice.
b. Crise de la culture industrielle
c. Grand Refus : Anarchisme, idéal libertaire, refus de l’ordre.
d. Critique du pouvoir d’État
e. Retrait communautaire : Attention à la dérive sectaire, totalitaire et d’intolérance.
f. Mouvements populistes : Catégorie sociale en crise qui se reconnait en une
personne, un courant providentiel : Réalisation d’une nouvelle société.
g. Nouveaux mouvements sociaux (devraient plutôt être des luttes anti-
technocratiques) : Mouvements sociaux s’affirmeront quand ils auront clairement
définit leur adversaire et quand ils sauront lutter contre les forces sociales dominantes
dans une société programmée. La lutte anti-nucléaire en France a été la première
lutte anti-technocratique.

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- Éléments de critique

Conteste un sens à l’histoire, une logique interne aux sociétés et que celles-ci ne sont
déterminées que par des luttes entre forces sociales mais annonce comment sera la lutte
fondamentale de demain. Il croit pouvoir identifier, à partir de la société actuelle, le
mouvement social central de la société de l’avenir. S’il n’y a pas de sens à l’histoire,
comment peut-il déterminer que les luttes sociales de l’avenir seront celles-là ?

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Idées essentielles d’Alain Touraine :

a. Analyse de la société postindustrielle

- La société post-industrielle accumule des connaissances qui sont la condition de la


production matérielle. L’innovation est de rigueur et la société toute entière est
tournée vers le changement.
- La société a pris conscience de son origine intérieure (ce qu’elle produit elle-même)
et non pas son origine dans quelque choses qui lui est extérieur (Dieu ou la nature).

b. Étude des mouvements sociaux

- Mouvement social = Groupe social engagé dans une action collective revendicatrice.
- L’organisation du mouvement social est déterminée par les objectifs que celui-ci
cherche à atteindre.
- En réalité, dans les sociétés post-industrielles, le conflit se déplace de la production
de richesses matérielles vers celles des connaissances, des savoirs et de
représentations : Conflit culturel.
- Interrogations sur la capacité des mouvements sociaux du début des années ‘70 à
devenir de nouveaux acteurs sociaux en lutte contre les appareils de domination.
Mais du fait de leurs ambiguïtés, ces mouvements ne sont jamais devenus, pour lui,
des acteurs centraux de la société post-industrielle.

c. Sociologie de l’intervention

- But : Ne pas séparer la connaissance sociologique de l’action sociale.


- Connaissance sociologique : Permet aux acteurs sociaux d’améliorer l’efficacité de
leurs actions.

d. L’intervention repose sur 3 principes

- Étudier un groupe de participants actifs d’une action collective, de manière prolongée,


et en considérant constamment le groupe comme le représentant d’un mouvement réel.
- Stimuler l’auto-analyse du mouvement, en considérant les membres du groupe non
comme objets d’une étude mais comme porteurs d’un sens de leur action : Rendre plus
conscient possible en le dégageant des pressions de l’idéologie et du jeu politique.
- Élaborer des hypothèses sur le niveau le plus élevé auquel peut parvenir l’action
considérée.

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5.5) Les paradigmes

Tout fait social ne s’explique que par des phénomènes qui lui sont antérieurs ou préexistants.
Ces phénomènes sont extérieurs à l’individu qui les intériorise et orientent son action.

A) LE PARADIGME DÉTERMINISTE

a. Déterminisme 1 : Le fonctionnalisme

Fonctionnalisme radical et universel : Unité fonctionnelle de la société. Nécessité


fonctionnelle.
Fonctionnalisme relatif : Primauté des conséquences sociales. Sens d’une fonction, soit à
partir des conséquences (positives ou négatives), soit à partir de l’objectif recherché et de
l’adéquation de cet objectif aux effets (fonctions manifestes ou latentes).

b. Déterminisme 2 : Le structuralisme

Recherche de la trame cachée derrière les phénomènes sociaux. Les structures ne sont pas
observables, elles sont permanentes. L’individu est un leurre. Paradoxe du structuralisme.

B) LE PARADIGME ACTIONNALISTE

L’explication des phénomènes sociaux réside dans l’individu. Les structures sont une
conséquence et non une cause.

a. Actionnalisme 1 : L’actionnalisme

Alain Touraine. La société est une reproduction et une adaptation. Mais elle est également
création et production !
Historicité (distance entre société et activité) : Mode de connaissance, processus
d’accumulation, modèle culturel. On parle là des SAH.

b. Actionnalisme 2 : L’internationalisme

La société se construit par l’interaction. Il y a là une analogie au théâtre (avec des rôles).
Les rôles ne sont pas imposés de l’extérieur, mais sont définis sur base d’une dynamique
comportementale fondée sur les attentes réciproques des individus.

c. Actionnalisme 3 : L’individualisme méthodologique

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Réalité sociale découle de l’explication stricte des comportements individuels : Individu


rationnel, l’intérêt est premier, l’individu est calculateur. On parle de l’Homo Oeconomicus.
Paradoxe de l’action collective (passager clandestin).

Critiques :
La rationalité est limitée (un certain nombre d’hypothèses sont envisagées par l’individu).
Il faut, de plus, éviter les gaffes. Recherche d’intégration plutôt qu’un but absolu.
Enfin, les êtres ne sont pas désincarnés…

d. Actionnalisme 4 : Analyse stratégique

Réponse à l’individualisme méthodologique. La notion de pouvoir est ici primordiale. Ainsi,


deux postulats : La rationalité est limitée (saisie d’opportunités plutôt que des objectifs
précis). L’organisation ne contraint jamais totalement un acteur.

5.6) Les classes sociales ???

Le concept de classes sociales existe depuis longtemps, mais avant on ne l’étudiait pas, les
individus étaient des sujets et c’est tout.

A) LE CONCEPT DE CLASSE

a. Naissance du concept
b. Décomposition de l’image
c. Une société stratifiée
d. Apparition d’un nouveau concept : Les milieux de vie
e. Le projet

B) LE CONCEPT DE CAPITAL

a. Ordre, classe et parti (Max Weber)


b. Le métier
c. Les capitaux
d. La dissonance

5.7) Michel Crozier (1922 – 2013)

Il partage avec Durkheim une influence importante à partir du moment où ses travaux sont
publiés. Tout un courant de sociologue va suivre cette perspective. Il est un sociologue de
l’organisation et du pouvoir, a créé le Centre de Sociologie des Organisations.

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Son laboratoire est encore aujourd’hui d’actualité et les recherches continuent. Il a fait de
nombreuses recherches sur les systèmes bureaucratiques.

Il est le père de l’analyse stratégique. Il étudie les méthodes d’analyse des organisations :
Phénomène bureaucratique. Il a une conception actionnaliste de la sociologie, son
hypothèse centrale est que l’acteur n’existe pas sans le système (social), mais le système
n’existe pas sans l’acteur.

- L’acteur et sa stratégie

Crozier développe l’idée d’une approche stratégique des faits qui s’inscrit au cœur d’une
conception actionnaliste de la sociologie. Il faut, en fait, refuser le principe d’une extériorité
des phénomènes sociaux. Il faut aussi noter que l’acteur n’est jamais totalement contraint
dans une organisation parce que toutes les situations ne peuvent être strictement
règlementées de manière à lui imposer, en toute circonstance, la marche à suivre.

Son hypothèse centrale est que l’acteur n’existe pas sans le système (social), mais le système
n’existe pas sans l’acteur. Tout ce que nous faisons se situe toujours dans un cadre un
minimum structuré. Mais il faut que tous les acteurs soient présents pour que le système
existe. Dans toutes les organisations structurées, il y a des règles pour assurer le pouvoir de
certains. Dès que le pouvoir voit que quelqu’un essaie de s’immiscer dans des interstices, il
émet de nouvelles règles pour refermer l’ouverture. C’est une espèce de jeu, dans lequel
chacun, à chaque échelon, essaie d’accroître son pouvoir et son autonomie. On pousse la
logique tellement loin qu’on arrive à la limite de la démocratie. Tout comportement (même
irrationnel) doit avoir un sens et entrer dans une certaine stratégie. L’acteur n’est donc jamais
totalement contraint dans une organisation.

a. L'organisation pose problème pour l'acteur car son fonctionnement repose sur une
logique d'écart entre la théorie et la réalité, c'est-à-dire d'une part entre une
rationalité surévaluée par l'admiration et la confiance des acteurs pour l'efficacité
des résultats collectifs, et d'autre part la complexité des comportements humains,
lesquels sont toujours contingents du besoin de liberté. Liberté de « battre le
système », d'agir, de calculer, de s'adapter, contre tout moyen déterministe.
b. Pour l'analyse des comportements humains, il faut écarter les raisonnements a priori,
qui considèrent seulement l'acteur et non la contingence des comportements dans un
groupe, et réduisent ainsi les contraintes de l'organisation à un fait mécanique…
c. Toute démarche stratégique devra relier la conduite de l'acteur au contexte, donc
aux réductions organisationnelles. La stratégie de l'acteur ne peut se concevoir
seulement en termes d'objectifs clairs et de projets cohérents mais comme un jeu dans
l'organisation, contingent au comportement et au vécu du participant.

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Ainsi, la stratégie de l'acteur revêt deux aspects : Offensif pour saisir les opportunités et
contraindre, et défensif pour agir et échapper aux contraintes.

Cette idée compromet l'utilité d'un organigramme et pose la question de savoir qui domine
en réalité.

Pour Crozier, dans son analyse du phénomène bureaucratique, le jeu stratégique est
d’autant plus important que le fonctionnement des organisations est bureaucratique. Plus
une organisation est bureaucratique, plus son fonctionnement est prévisible. Or, la
prévisibilité d’un comportement permet son contrôle. L’imprévisibilité est d’autant plus
grande si l’individu a des compétences particulières. Les spécialistes ont donc tendance à
faire un rempart sur leurs compétences pour assurer leur pouvoir et leur liberté de manouvre.

Crozier résume donc les principes de « l’analyse stratégique » :

a. Une situation organisationnelle donnée ne contraint jamais totalement un acteur.


Celui-ci garde toujours une liberté marge de liberté et de négociation.
b. Cette marge de liberté est source d’incertitude pour ses partenaires comme pour
l’organisation dans son ensemble puisqu’elle leur rend les comportements de
l’acteur en partie imprévisibles.
c. Grâce à cette marge de liberté, chaque acteur dispose ainsi d’un pouvoir sur les
autres, pouvoir qui est d’autant plus grand que la source d’incertitude est
pertinente pour ces derniers, c’est-à-dire affecte de façon substantielle leurs
propres capacités de jeu stratégique.
d. Il résulte de ces trois principes que chaque acteur s’efforce de contraindre les
autres et d’échapper à leurs propres contraintes.

- Le pouvoir comme fondement de l'action organisée

- Logique de l’organisation bureaucratique

Crozier va étudier la logique des organisations bureaucratiques, leurs caractéristiques,


leurs modalités de fonctionnement, les blocages et les perturbations de ce type
d’organisation. Les individus sont pris dans des relations de pouvoir et les luttes perpétuelles
pour accroître leurs pouvoirs finissent par rigidifier les organisations car elles sont obligées
de multiplier les règles afin de diminuer les zones d’incertitude. Les organisations
deviennent alors des bureaucraties incapables d’évoluer car une transformation
nécessiterait une renégociation longue et pénible des relations de pouvoir auxquelles tout
le monde, finalement et avec le temps, trouve un intérêt.

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- L’analyse des relations de pouvoir

Crozier analyse également les relations de pouvoir. Ces relations sont en réalité des stratégies
d’acteur qui manœuvrent, mobilisent des ressources, négocient, concluent des alliances pour
atteindre des objectifs dont la rationalité est limitée.

D’un point de vue de l’acteur, le pouvoir, en tant qu’action de groupes ou d’individus sur
d’autres groupes ou individus, s’entend en terme de relation : Instrumentale quand les
acteurs sont motivés par un but, non transitive car une hiérarchie reste indispensable pour
obtenir des actions, et enfin réciproque mais déséquilibrée afin d'obtenir des forces de
pouvoir.
Puisque ces sources de pouvoir correspondent ainsi à des possibilités d'action, les zones
d'incertitude, contrôlées, deviennent pertinentes en ce qu'elles élargissent la marge de
liberté des participants, leurs enjeux.
En effet, ils pourront à la fois jouer de plusieurs relations de pouvoirs, ainsi diversifier leurs
domaines d'investissement et se fixer un horizon dans le temps pour leurs stratégies.

Du point de vue de l'organisation, si les contraintes qui la conditionnent sont contrôlées par
les ensembles de pouvoir, ceux-ci sont également régularisés dans leur déroulement par la
structure de l'organisation et dépendent de la volonté des acteurs de se mobiliser.

Ainsi, l'organisation établit des canaux de communication entre les membres, et assoit son
autorité légitime par un système de sanctions et de récompenses afin de développer l'esprit
de compétition entre les acteurs.

Afin de découvrir la façon dont l'organisation motive ses membres, on pourra donc établir
une typologie des pouvoirs en fonction des différents types de sources d'incertitudes, à
savoir :

a. La maîtrise d'une compétence particulière : Le pouvoir lié à la maîtrise d’une


compétence particulière (également appelé pouvoir d’expertise). Un informaticien a
un pouvoir au-delà du rôle formel qui lui est assigné. Un informaticien à l’IHECS a
un pouvoir très important car tout dépend de lui à l’école. Il a un rôle d’employé
mais qui est totalement différent par rapport à sa place dans la hiérarchie sociale. Il
peut faire planter tout le système et mettre en péril toute l’école s’il le désire en faisant
peu de choses.

b. La relation de l'organisation à son environnement pour ses besoins en ressources ou


pour vendre : Le pouvoir de la maîtrise de l’organisation avec l’environnement.

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C’est le pouvoir du réseau, de médiateur. Le pouvoir du commercial dans les


entreprises est disproportionné par leur rôle dans l’entreprise. Un commercial a un
lien particulier par rapport aux clients et si le directeur décide de virer son
commercial, celui-ci peut emmener ses clients vers la concurrence.

c. La maîtrise de la communication et des informations : Le pouvoir lié à la maîtrise de


la communication et des informations. C’est ici le rôle d’un journaliste qui a un
pouvoir important, c’est lui qui décide ce dont on parle.

d. L'ensemble des règles de l'organisation pour supprimer ces incertitudes ou


paradoxalement créer d'autres incertitudes dans la négociation de ces règles : Le
pouvoir de maîtrise des règles générales. C’est la direction qui établit de nouvelles
règles pour exercer un pouvoir sur les autres. C’est le pouvoir d’arbitrer et
d’interpréter des règles. C’est également le pouvoir de tolérance (« je t’absous »),
l’autre en sera redevable. Celui qui a toléré détient un pouvoir sur son subordonné.

- Une réflexion sur la modernité des sociétés contemporaines

Enfin, Crozier a analysé la modernité des sociétés contemporaines : Il dit qu’elles sont
bloquées car les États et leurs bureaucraties empêchent l’innovation. Cette modernisation
passe par une transformation des relations de travail, et plus précisément par une remise
en cause des hiérarchies traditionnelles au profit de modes de gestion accordant une place
centrale à la communication et aux processus de coopération. Pour Crozier, les sociétés
modernes sont bloquées car les États et leurs bureaucraties empêchent l’innovation.

Même l’avènement des nouvelles technologies a renforcé les tendances traditionnelles à la


centralisation et à la hiérarchisation. La solution réside dans u désengagement massif de
l’État et dans une concurrence entre les organisations afin de permettre au citoyen/usager
d’effectuer des choix et de faire entendre sa voix.

6. LES RECHERCHES

6.1) Michel Crozier et la bureaucratie

Au début des années 60’, Crozier va étudier les organisations. Crozier va utiliser une
méthode sociologique pour analyser le fonctionnement des grandes entreprises françaises.
Il est en rupture avec l’esprit de son temps, qui était surtout structuraliste après les années
de guerre.

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Crozier fait reposer son travail sociologique sur le postulat d’un individu social qui est actif
dans le monde et non déterminé par ce-dernier. Crozier est un sociologue qui s’intéresse
aux organisations. L’entreprise met en lumière le fonctionnement social dans une partie de
la sphère économique mais aussi dans nos sociétés industrielles dans leur ensemble. Crozier
va se contenter de décrire l’organisation telle qu’elle est.

A) UNE SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS

Les organisations sont des objets de notre quotidien et des domaines devenus classiques en
sociologie. Au début des années 60, Crozier étudie ces organisations (CSO = centre de
recherche des organisations). Une organisation est généralement une entreprise mais elle
peut être toute autre association : Les institutions, administrations, organisations non
gouvernementales,…

Une organisation est un lieu de structuration de l’action. On peut agir ensemble de


diverses manières. Une organisation doit avoir comme caractéristiques la durée
dans le temps et doit aussi avoir des normes/règles formelles, écrites.

- Formalisation et pérennité

Les caractéristiques d’une organisation sont doubles :

a. Pérennité : C’est une action structurelle sur un temps donné, elle a un début et une
fin (pérennité). Les choses sont toujours explicitées (contribution…) sur une durée
donnée.
b. Formalisation (règles) : Une organisation est régie par des règles formalisées
écrites dont la frontière est formellement posée. La fondation (reproduction
d’organisations) est elle aussi régie par une formalisation. On se réfère à ces
règles.

Cela démontre que toutes les organisations ne le sont pas forcément aux yeux de Crozier.
Par exemple, l’IHECS est une organisation parce qu’elle s’inscrit dans le temps et a toute
une série de règles. Les ONG et les ASBL sont également des organisations. Crozier fait
donc de la sociologie des organisations, alors qu’avant on parlait de sociologie du travail.
Il décrit les organisations telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être.
Crozier va s’intéresser au contexte qui fait qu’un homme travaille. Lorsqu’on s’investit dans
une organisation, on sait ce qu’on y apporte et ce qu’on en retire.

Williamson explique qu’il y a deux manières d’organiser une action :

- Organisation et marché

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a. Le marché (rencontre d’une offre et d’une demande) et l’organisation. Le marché


a pour problème de devoir se rééquilibrer toujours. Sur le marché du travail, la
demande est dominante par rapport à l’offre que l’on subit, à laquelle nous
sommes contraints. La solution à ce problème est l’organisation qui formalisera un
accord sur une certaine pérennité.

b. L’organisation est le fait de négocier un temps donné sur une durée déterminée.

L’organisation est la manière dont le marché se décharge de la négociation permanente qui


est au centre du mécanisme économique néoclassique : Les organisations existent car elles
soulagent l’entrepreneur dans une série de dimensions de la négociation sur un marché (le
rapport au travail, aux procédures, etc.). Cela suppose donc bien une certaine formalisation
et une certaine pérennité de la/des relation(s) entre les deux acteurs que sont le patron et
le travailleur. L’organisation est, en face du marché, une autre structuration de l’espace
social.

Les organisations sont régulièrement présentées comme opposées au marché dans la mesure
ou sur le marché on retrouve les mêmes caractéristiques. On se mobilise pour atteindre un
certain marché mais il y a une négociation à chaque achat entre le vendeur et l’acheteur.
L’avantage de l’organisation est qu’elle fige la négociation pour un temps donné.

Dès que les organisations sont formées, on les analyse. Cette analyse va optimaliser
l’organisation, trouver la meilleure organisation possible.

a. C’est défini et formalisé, on précise ce que l’on va faire.


b. Dans ces précisions, se trouve la durée de vie indéterminé mais il y a des modalités.

- L’OST (l’Organisation Scientifique du Travail)

Avant la guerre, la théorie des organisations avait pour but de définir la meilleure
organisation possible. On ne cherchait pas à comprendre l’organisation mais on cherchait
à définir son fonctionnement optimal. La théorie des organisations cherchait à analyser les
moyens de la production pour accroitre la rentabilité du facteur humain et social, traité
comme tout facteur de production. Dans un premier temps, on le faisait par la rationalisation
des gestes et des façons de produire plus, ensuite, par le meilleur usage possible de
l’humain.
Il était question de diminuer les contraintes qui constituait l’humain, transformer l’homme en
machine en somme. On supprime ce qui n’est pas formalisable (humain). Les limites du
travailleur ne sont pas déterminées par lui mais par des ingénieurs. On rend les
organisations meilleures pour elles-mêmes.

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Crozier n’était pas le seul à s’intéresser aux organisations. Taylor voulait rendre les
organisations plus performantes. Elles ne peuvent s’optimiser que si l’humain n’est réduit
qu’à sa fonction purement mécanique. L’idée marxiste de l’aliénation du travail est
typiquement ce que Taylor met en avant. Le film Les Temps modernes de Chaplin critique le
taylorisme. Les ouvriers ne seraient que des machines. Le fordisme est semblable au
taylorisme mais plus poussé. Ford, contrairement à Taylor, payait bien ses ouvriers pour
qu’ils travaillent chez lui plutôt qu’ailleurs et pour qu’ils puissent s’acheter une de ses
voitures. ( Il voulait les meilleurs travailleurs dans son entreprise, il a alors changé les salaires
et les a augmentés pour qu’ils puissent acheter ce qu’ils produisent). Le mouvement de
relation développe le fait qu’il ne faut même pas les payer plus mais il suffit de leur donner
de l’attention.

- Karl Marx

Son concept est l’aliénation du travail : La condition de l'individu qui ne possède ni son outil
de travail, ni sa production. Le travail n'est alors plus qu'une simple marchandise vendue,
qui détruit l'homme en détruisant son temps de vie. Ce concept d’aliénation est typiquement
ce que Taylor met en avant.

- MRH (le Mouvement des Relations Humaines)

Le « Mouvement des Relations Humaines » prend racine au 20ème siècle. Le principe est
qu’on est emmerdé par des humains qui ne respectent pas des règles auxquelles on les
soumet et qui handicapent la mission que l’on voudrait atteindre.

Dans chacune des analyses le but reste toujours le même : Être au service de l’organisation.
Et c’est cela qui va être remis en cause par Crozier : Il faut s’intéresser aux travailleurs et se
rendre compte que l’organisation existe pour sa mission (une école sert à enseigner).
Sa démarche par de sa formation. Il va passer ses formations dans l’organisation scientifique
du travail et réfléchir à la place du travail au sein des entreprises (les travailleurs, ce qu’on
doit faire, l’attention portée, le directeur...). Cet angle lui permet d’aborder les organisations
d’une autre manière en se disant que c’est un exemple de petite société (microcosme).
Pour Crozier, nous sommes libres d’intégrer ou non une entreprise ainsi que la société dans
lequel on est.

Maio cherche le facteur de motivation des ouvriers. Selon lui, le facteur d’attention des
employeurs est très important pour la motivation. Cela pose un problème. L’humain doit être
effacé physiquement ou moralement pour l’efficacité de l’entreprise alors que la motivation
de celui-ci se trouve dans l’impression de compter pour l’employeur.

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Mais tout ça est en opposition avec la pensée de Crozier : Selon lui, ce n’est pas l’humain
le problème mais l’organisation.

Mais pourquoi un individu libre accepterait de se mettre au service d’un tiers, perdre perdant
sa liberté et se soumettre à des contraintes externes ? Parce que tout le monde cherche à
avoir un certain profit. L’adhésion doit être temporaire, parce que si l’individu pense qu’il
n’a plus de profit à tirer, il quittera l’organisation. Cette façon de réfléchir s’inscrit dans le
paradigme du moi, le paradigme utilitariste. C’est la vision individualiste.

Il y a des points communs entre l’organisation (mécanisme de manière limpide) et le social


(on n’est pas obligé d’en faire partie mais sans le vouloir nous en faisons partie).

Comment Crozier s’oppose à la perspective habituelle, classique de l’analyse ? Il a une


sorte de réalisme, tandis que les autres analyses sont normatives. L’individu est soumis à la
mission de sorte à faire triompher l’organisation. En somme tout par de l’organisation, qui
donne sa mission et qui a besoin d’opérateur pour réaliser sa mission. On réduit l’homme
en entreprise parce qu’il peut également avoir l’envie de s’amuser, de donner du sens à son
travail et cela risque de l’éloigner de sa mission. L’opérateur qui se déploie dans
l’organisation a une fonction bien précise pour réaliser la mission. Pensée de l’organisation
de manière classique >< Pensée de Crozier (acteur-usages-organisation, vision libérale).

Organisation copernicienne (opérateur au service de l’organisation) :

Organisation de Crozier (organisation au service de l’acteur) :

C’est nous qui voulons bien participer aux organisations et elles rencontrent nos intérêts (et
pas l’inverse). On met l’organisation à notre service, parfois même avec des buts contraires
à l’organisation (mission). On est perméables à sa mission.

B) L’ANALYSE STRATÉGIQUE

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Sorte de principe transversal : L’intérêt (phénomène transversal) et la liberté. « Si je suis


libre, ce qui va guider mon action est mon intérêt ». L’un est lié à l’autre. Ce principe va
structurer chaque concept de l’analyse Crozierienne.

Quelle est la différence entre ces organisations et la société en général ? La taille et la


complexité. On pourrait considérer un pays comme étant une grande organisation. Mais les
organisations sont plus faciles que la société en général car elles sont plus petites. Par contre,
les mécanismes fondamentaux sont les mêmes. Une organisation est donc là pour donner
l’exemple d’une société en miniature. C’est l’analyse stratégique de Crozier, il part des
organisations pour expliquer la société. Il va voir les organisations à travers les yeux des
travailleurs.

Cette analyse stratégique consiste en 4 éléments principaux, régis par la notion d’intérêt qui
sera le fil rouge de toute sa réflexion :

a. L’acteur et son action


b. Sa rationalité
c. Le pouvoir
d. Le concept de stratégie

Attention, ils ne se rencontrent pas comme tels dans la réalité quotidienne, mais permettent
de la décrire !

- L’acteur et son action : Le système d’action concret (SAC)

Acteur : Individu ou groupe d’individus qui poursuit un intérêt commun par l’action ou
l’organisation.

Action : Moyen par lequel l’acteur atteint son intérêt

L’action, au cœur de la réflexion de Crozier, oblige les individus à s’y fédérer. L’acteur n’est
pas seulement une personne. Il est en fait l’élément minimal et cohérent de la réflexion
stratégique. Un acteur est celui qui agit, que ce soit une personne ou un collectif et qui,
par une action précise, défend un intérêt particulier. L’acteur se définit donc comme une
communauté d’intérêts partagés dans l’action spécifiquement étudiée. L’acteur n’est pas
seulement un moyen, il a des buts et des projets qu’il poursuit au travers des contraintes de
l’organisation. Dans l’organisation il existe diverses actions collectives (production, relations
amicales, initiation des apprentis, etc.). L’organisation n’est pas un but pour l’individu mais
un moyen pour atteindre un intérêt.

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Elle n’est pas que rationalité pure ou prévisibilité, elle est aussi un espace de vie et d’actions
complexes et contradictoires. Les acteurs se définissent par la fonction des intérêts qu’ils
défendent dans une action collective précise. L’angle de l’analyse que nous ferons des
individus nous en donnera un aspect lié au contexte.

- Sa rationalité (limitée)

La rationalité est un concept central dans la sociologie de Crozier. Elle est uniformément
répartie. L’idée de la rationalité est très importante en sociologie, parce que les
sociologues estiment que les individus posent des actes rationnels, conscients. Les
comportements des individus sont rationnels en fonction des intérêts que les acteurs
défendent dans leur action collective et non en fonction des intérêts abstraits de
l’organisation. On voit donc que la rationalité n’est pas formelle mais contextuelle. La
rationalité est donc rationalité de l’action et rationalité de l’organisation.

La rationalité paramétrique est la mise en relation de nos moyens avec nos fins
recherchées. Il s’agit de mettre nos moyens en relation avec ce que l’on cherche à
obtenir de telle sorte que l’on puisse le réaliser à moindre coût tout en effectuant
le meilleur choix possible, c’est-à-dire choix sans contrainte.

L’économie fonctionne sur des hypothèses, sur une connaissance parfaite de notre utilité,
de ce qui nous motive et sur une information parfaite. Si nous nous connaissons
parfaitement et que nous connaissons ce que nous voulons, et la manière d’y arriver, alors
on peut effectuer le choix maximal, c’est-à-dire avoir un comportement rationnel.

Premier exemple : Si nous savons parfaitement quelle voiture nous voulons et que nous
connaissons tous les modèles existants dans le monde, nous pourrons alors choisir le modèle
parfait pour nous. Mais ce n’est pas vrai, l’information parfaite est indisponible. La
rationalité est donc limitée et n’est pas parfaite. En vérité on a que quelques critères dans le
choix d’une voiture (pas plus que 5). Et on va choisir la première voiture que l’on trouve qui
correspond à nos critères (sécurité, émission de CO2, spacieuse, etc.). Notre rationalité
n’est donc pas absolue, elle est limitée. C’est la théorie d’Herbert Simon. Crozier se
rapproche de la rationalité limitée. Pour lui, les acteurs ont des comportements rationnels
mais dans cette perspective de rationalité limitée.

Deuxième exemple : Dans une entreprise, le cadre et l’employé ont une rationalité différente
(l’intérêt est transversal à ce concept).

Par quoi la rationalité est-elle paramétrée ? Elle est structurée sur base de leurs intérêts.

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Ce qui va faire les paramètres de choix, c’est l’intérêt de chacun des acteurs. Un acteur va
agir en fonction de ses intérêts et va les défendre. Pour Crozier, dans une même action, tous
les acteurs vont bénéficier d’une rationalité distincte. Chacun va vouloir défendre son intérêt.
Chaque acteur est rationnel mais tous agissent de façons différentes. À chaque fois, les
acteurs ont une bonne raison d’agir comme ils le font, ils ont tous un comportement rationnel.
Mais le comportement rationnel n’est pas forcément fonctionnel (voter pour Trump n’est pas
forcément une bonne idée mais les gens qui l’ont fait ont sûrement eu une bonne raison de
le faire). Donc on a toujours des intérêts, et on agit en fonction de ceux-ci.

- Le pouvoir

Crozier voit le pouvoir comme étant une relation.

Robert Dahl (politiste) définit le pouvoir comme étant la faculté que A peut obtenir
de B ce que B ne voulait pas donner à A dans un premier temps (A et B étant deux
individus distincts).

Le pouvoir est nécessairement lié à une relation, il ne peut pas être théorisé. Sans la relation
il n’y a pas de pouvoir. C’est une relation réciproque : les 2 parties prenantes ont toutes 2
intérêts à conserver la relation. Si l’une des 2 parties prenante met fin à la relation, l’autre
partie ne peut plus exercer de pouvoir sur elle. Pour avoir une relation de pouvoir il faut
que les 2 parties prenantes soient présentes.
L’un des partenaires doit avoir une capacité d’obtenir plus que les autres mais ne peut pas
obtenir tout ce qu’il y a dans la relation sinon ça la stopperait (relation réciproque
déséquilibrée).

C’est donc une vision relationnelle du pouvoir. Pour comprendre le pouvoir, il faut
également parler d’autorité, qui n’est pas tout à fait pareil. Max Weber définit les 3 types
d’autorités :

a. L’autorité charismatique

Cette autorité est liée à la personnalité « positive » d’un homme. Nous allons accepter,
nous allons nous plier aux exigences de quelqu’un à cause de son charisme et de sa
personnalité. Il dit quelque chose, on le croit et on fait ce qu’il dit. Les fondateurs des grandes
religions sont des autorités charismatiques. Jésus était connu pour avoir un certain charisme.
On va adhérer à ses paroles, on va le suivre parce qu’il sort du lot. Nous allons accepter,
nous plier aux exigences de quelqu’un à cause de son charisme et de sa personnalité. Il dit
quelque chose, on le croit et on fait ce qu’il dit.

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Exemple : Les fondateurs des grandes religions sont des autorités charismatiques, Jésus était
connu pour avoir un certain charisme. On va adhérer à ses paroles, on va le suivre parce
qu’il sort du lot. Autre exemple, Hitler.

b. L’autorité traditionnelle

Cette autorité est liée à un mode de transmission. On va accepter d’obéir pour des raisons
d’héritage. La royauté est une autorité traditionnelle. Notre Roi actuel n’a pas forcément de
charisme, mais ça ne change rien à son autorité. L’obéissance que nous lui devons ne vient
pas de son charisme, mais parce qu’il est le Roi, il est le fils de l’ancien Roi, etc. C’est une
tradition. Dans les familles, en général, les parents ont de l’autorité sur les enfants, parce
que c’est également une tradition. En fait, c’est le plus vieux qui décide, sans forcément
avoir du charisme.

c. L’autorité rationnelle légale

C’est l’autorité la plus présente actuellement, elle est liée à la législation. Elle vient de la loi
à laquelle nous avons adhéré. Le Premier Ministre belge a une autorité, qui n’est ni
traditionnelle ni charismatique. L’obéissance (la confiance) que nous lui donnons vient du
fait qu’il a été élu Premier Ministre. C’est pareil pour un prof, ce n’est pas par charisme ni
tradition, mais on le respecte pour sa position. En rue, un prof n’a plus d’autorité, elle
s’exerce seulement dans le cadre de l’école.

Ces autorités peuvent se combiner ! Par exemple, le Pape actuel a de base une autorité
rationnelle légale qui est devenue aussi charismatique, comparé au Pape précédent. Sa
première autorité fonctionne sur les chrétiens, mais la deuxième fonctionne aussi sur les
bouddhistes ou les athées par exemple.

Le pouvoir commence lorsque l’autorité s’arrête : Si quelqu’un a de l’autorité, on va obéir


à ses ordres sans se rendre compte que c’est un ordre. Si on ne le fait pas et que l’autorité
utilise une menace, on est typiquement dans l’exercice du pouvoir, « obtenir de quelqu’un
ce qu’il ne voulait pas nous donner ». Si l’autre fait ce qu’on dit sans contrainte, c’est de
l’autorité. Le pouvoir est une relation réciproque déséquilibrée. Deux personnes ont besoin
de cette relation, mais en tireront un bénéfice différent.

Le pouvoir n’est jamais acquis par un acteur ou un individu, celui-ci est propre au système.
Personne ne possède le pouvoir, mais nous nous inscrivons tous dans des relations de
pouvoir. Ces relations sont constantes et chacune des parties prenantes y trouve un intérêt,
même si le bénéfice est inégal.

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Cette idée de relations réciproque inégalitaires/déséquilibrées constitue un élément central


dans la réflexion théorique de Crozier. Le pouvoir exercé sur un acteur par un autre ne peut
exister que dans la mesure où le second trouve un intérêt à la relation, à tout le moins plus
d’intérêt à cette relation inégalitaire qu’à son absence. Sans relation, il n’y a pas de pouvoir.

Le pouvoir n’est cependant pas réductible à une relation hiérarchique. Tout le monde dans
l’organisation peut disposer d’une relation de pouvoir à son avantage. Le pouvoir devient
propre à toute relation d’échange. Pour disposer d’une relation de pouvoir, il faut maîtriser
une zone d’incertitude, avoir un atout. Cette maitrise est un élément essentiel à la réalisation
de l’action. La zone d’incertitude est aussi un concept. Celui-ci constitue une ressource
essentielle de toute négociation. Le pouvoir n’est pas immoral, il peut être légitime mais n’est
pas toujours sympathique.

Premier exemple : Homme qui bat sa femme. Nous sommes dans une rlation réciproque
déséquilibrée. Si elle reste, c’est qu’elle y a un intérêt (enfant ? argent ?).

Deuxième exemple : Dictature. Les acteurs sont des militaires, le gouvernement, les
opposants, les citoyens passifs etc. Ils ont une relation de pouvoir déséquilibrée. Les citoyens
passifs trouvent un intérêt dans le pouvoir, les opposants voient plus d’avantages à se battre.
Tous ont du pouvoir mais à différents degrés.

Dernier exemple : Père qui dit « va te laver les dents », si l’enfant y va, c’est de l’autorité.
Si père dit « va te laver les dents ou plus de GSM », si l’enfant y va, c’est du pouvoir car il
y a contrainte.

Savoir mettre fin à cette relation de pouvoir signifie que la personne dispose d’un certain
pouvoir, elle a un outil de négociation.

- Le concept de stratégie

Il n’y a pas de système social entièrement déterminé par des règles. Il n’y a pas de système
social qui soit totalement contrôlé. Tout système social est pour Crozier fondamentalement
politique, composé d’individus concrets faits de chair et de sang.

C’est le concept le plus ambigu parce qu’il ne correspond pas trop à la définition habituelle
que l’on a de la stratégie. Normalement, c’est la capacité d’organiser nos actions dans le
temps pour obtenir un résultat donné. On a un objectif et on a des éléments pour y arriver.
Ces éléments, c’est ce qu’on appelle la tactique, c’est savoir s’ajuster à ce que font les
autres. Stratégie et tactique sont semblables, sauf que la stratégie c’est sur le long terme et
la tactique c’est sur l’instant même.

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Chez Crozier, sa stratégie ressemble plus à une tactique. Ce que font chacun des acteurs,
c’est agir dans le but de faire triompher son intérêt qui est stable dans le temps. À chaque
« coup », on poursuit le même objectif. Mais chaque coup n’est pas forcément prévu par
l’acteur. On dirait que l’acteur est stratégique. Même si l’acteur n’est pas forcément
stratégique, les observateurs (les sociologues) qui regardent les actions de l’acteur,
constatent que l’acteur semble stratégique, parce qu’il fait toujours tout pour atteindre son
objectif (même si ce n’est pas sur le long terme, mais on dirait).

Nous avons donc, avec ce phénomène transversal qu’est l’intérêt (avec les quatre concepts
que nous avons vu), mis en lumière un point de vue : Le paradigme du « moi ».

C) UN CAS : LE MONOPOLE INDUSTRIEL

Monopole industriel = Observation de terrain, travail sociologique, Crozier essaye de


comprendre comment fonctionne l’organisation et non comment elle devrait être.

Le travail de Crozier, avec tous ces concepts, va porter sur la bureaucratie. Il va observer
de l’intérieur une grande entreprise française. La bureaucratie fait référence à un type de
structuration de l’action. Ce n’est pas quelque chose de négatif, pas comme l’administration
qui est souvent absurde.
La bureaucratie fonctionne de manière assez simple : un patron avec un petit staff autour
composé de cadres intermédiaires qui dépendent du patron et sont tous en concurrence,
chaque cadre a un service de percepteurs qui dépendent des cadres.

a. Le chef, le sommet stratégique, trouve que les gens sous ses ordres sont incapables.
b. Les percepteurs trouvent que leur patron est débile et ne comprend pas la réalité.

Le problème se situe dans les cadres intermédiaires parce qu’ils ne relatent pas les
problèmes auxquels ils sont confrontés. Ils ne disent pas leurs problèmes parce qu’ils sont
en concurrence, mais n’hésitent pas à renvoyer la faute sur les autres cadres. Ce qui pose
problème c’est le caractère rigide de la structure.
Le propre de la bureaucratie c’est de structurer l’action. Le problème d’une organisation
c’est l’incertitude : Ce qui est incertain c’est ce qui est totalement imprévisible (on ne sait pas
ce qui va arriver, ni si ça va vraiment se produire et encore moins quand). On ne sait rien
planifier puisque rien n’est anticipable.

En économie, on transforme l’incertitude en risque, c’est le principe des actions boursières.

La société connait le risque d’une centrale nucléaire, elle est incertaine, risquée, il y a des
risques (très faibles) que ça pète. Mais comme le risque est faible, on va quand même jouer.

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Si on était dans l’incertitude, on n’aurait aucune idée des risques. Transformer l’incertitude
en risque, c’est le propre de l’économie. On peut calculer le risque et s’assurer contre celui-
ci.

La bureaucratie va mettre en place une solution pour éliminer cette incertitude :

a. Centralisation des décisions


b. Règles impersonnelles : Elles s’appliquent à tous de la même manière, si j’ai des
règles qui ne sont pas liées au personnel, cela devient anticiapble (ex : directeur des
études n’est pas décideur, il ne choisit pas qui a droit aux dispenses en fonction de
leur tête).

Le problème de la bureaucratie, c’est sa trop grande rationalité et non son manque.

D’où vient l’incertitude pour une organisation ? Elle vient de l’environnement, le monde réel
dans lequel il se passe des choses inattendues mais aussi de l’intérieur de l’organisation. Il
faut se prémunir de ce qui peut arriver. Pour cela, il y a tout un ensemble de règles
formalisées. C’est tout ce qui concerne l’organisation : L’environnement, l’évolution des
acteurs dans l’organisation, la mission à effectuer, etc. On va essayer de prévoir toutes les
situations internes et externes et de les codifier. Si on a une règle pour toutes les situations,
elles ne sont alors plus incertaines. Le but de ces règles est d’éviter l’arbitraire parce que
c’est incertain. Il n’y a pas de règles spécifiques à une personne, elles sont impersonnelles.
Et même quand une règle se crée à cause d’une personne spécifique (qui aurait commis une
faute), on va faire une règle générale sur sa faute précise et tous les autres la faisant
payeront aussi. Ces règles sont édictées par un centre de décisions stratégiques. Les
décisions prises doivent être prises de façon abstraite, c’est quelqu’un d’extérieur au
problème qui doit le résoudre et il faut aussi avoir une vue d’ensemble. C’est celui qui est
au sommet qui crée les règles impersonnelles et formelles. Le temps d’analyser le problème
est parfois très long, donc quand une résolution est faite, le problème a peut-être déjà été
résolu depuis longtemps. La centralisation des décisions et la promulgation des règles
formelles et impersonnelles sont donc des moyens pour éliminer l’incertitude dans la
bureaucratie. Cela crée une rigidité dans l’organisation.

La rigidité apporte 3 conséquences dans l’organisation :

a. Zones d’incertitudes

On n’a pas su éliminer tout l’incertain. Malgré les règles, il y a toujours quelques zones
d’incertitudes. La personne qui maîtrise les derniers éléments d’incertitude a un moyen de
pression, une possibilité de pouvoir sur les autres.

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Le pouvoir de l’expert : On maîtrise une zone d’incertitude parce qu’on a une compétence
technique particulière. Si on sait bidouiller avec l’informatique (résoudre les bugs de
l’ordinateur de son voisin), on a un pouvoir d’expert. Ça nous met dans un certain pouvoir,
grâce à notre compétence que les autres n’ont pas.

Le pouvoir du marginal séquent : C’est le pouvoir de celui qui, dans une entreprise, va
maîtriser les flux communicationnels dans l’organisation. Il décide d’informer les autres
(patrons, cadres, etc.) ou non. Il s’occupe de la communication interne. C’est, par exemple,
le cas du délégué d’une classe.

Le pouvoir du portier : On est à la porte de l’organisation où l’on peut (ou non) l’informer
de son environnement. Ce sont les yeux et les oreilles de l’entreprise dans le monde.
Exemple : Amnesty qui lutte contre la torture mais si elle s’arrête, plus d’intérêt.

Le pouvoir de l’usage de la règle formelle : Celui qui connaît les nombreuses règles et sait
lesquelles utiliser a plus de pouvoir que les autres. Certaines d’entre elles se contredisent ou
ne vont tout simplement pas ensemble. On ne peut pas toutes les appliquer en même temps.
C’est ainsi qu’on utilise la grève du zèle.
Exemple : Les douaniers qui doivent gérer les frontières (souvent sur présomptions) tout en
les laissant fluides

b. Groupes de pairs et normes de groupe

Dans une organisation bureaucratique, les opérateurs sont tous dans une situation similaire.
Les cadres sont tous dans la même situation, ils sont coincés entre le chef et les opérateurs.
Ils sont dans une position subjectivement identique, ils se reconnaissent comme identiques
(sans pour autant avoir conscience d’appartenir au même groupe). Ils vont s’imaginer tout
un système de règles entre eux. Ce sont des normes de groupe, qui sont informelles, écrites
nulle part, mais développées par des individus qui se retrouvent dans une situation similaire.

Exemple : Quand on arrive vers la fin d’un cours, on replie nos affaires pour partir, mais
jamais on ne s’est concertés le 14 septembre en disant « 5min avant la fin, on replie nos
affaires pour faire comprendre au prof que le cours est fini ». C’est quelque chose que l’on
fait sans avoir établi de règles.

c. Déviation des buts (dysfonction), effets pervers

Les règles sont rapidement respectées pour elles-mêmes, sans qu’on prenne en compte
pourquoi ces règles ont été édictées. On en crée toujours plus, pour influencer le
comportement des opérateurs.

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Dans une bureaucratie, on ne vérifie pas le résultat mais le processus, on regarde si on a


respecté toutes les règles. L’objectif n’est pas important. L’opérateur sera jugé sur le respect
des règles alors : Respecter les règles amène assez logiquement à ne pas atteindre l’objectif.
Le respect rigoureux des règles ne nous permet pas d’atteindre l’objectif. On n’arrivera
jamais à destination si on suit à la lettre un GPS, parce qu’il va nous dire de faire demi-tour
sur l’autoroute.
Les règles sont parfaitement légitimes, mais parfois totalement stupides !

Exemple : Aux USA, fouiller la voiture d’un meurtrier est illégal, donc le meurtrier est dit
innocent si la police a fouillé sa voiture.

En général, en justice on regarde aussi les règles et non pas toujours l’objectif. Le plus
important est de suivre les règles, et peu importe le résultat. C’est l’héritage de la vision
fonctionnaliste, pour laquelle tout fonctionnement répond à une série de fonctions. On va
avoir différents types de fonctions :

a. Manifeste : Conséquence attendue et positive de notre action


b. Latente : Conséquence inattendue et positive
c. Dysfonction : Conséquences inattendues et négative

La bureaucratie transforme l’incertain en autre chose, grâce aux règles impersonnelles et


grâce à la centralisation des décisions. Ces deux mécanismes induisent une importante
rigidité. Les organisations sont rigides et ont du mal à s’adapter, se modifier.

Une organisation qui repose sur ces deux mécanismes n’est pas forcément dynamique ou
réactive, parce que ça serait amener de l’incertitude. Cette rigidité entraine les trois
conséquences vues plus haut (effet pervers, norme de groupe et zones d’incertitudes).

Ces conséquences amènent de la résistance au changement. Les acteurs n’aiment pas le


changement. Tout changement dans le système remettrait les équilibres en question. Les gens
n’aiment pas beaucoup être mis en déséquilibre, n’aiment pas changer leur zone de confort.
Tout changement amènerait un bouleversement dans le confort que l’on a.

Dans la perspective de Crozier, résister au changement exprime la rationalité des acteurs.


S’ils ne changent pas, c’est parce qu’ils savent ce qu’ils peuvent perdre et ne savent pas ce
qu’ils peuvent gagner, donc c’est une situation d’incertitude. Les acteurs n’ont aucune raison
de prendre ce risque. C’est donc bien rationnel de ne pas changer.

L’organisation bureaucratique est ponctuellement confrontée à des crises, lorsqu’elle est


tellement éloignée de sa mission de base, elle en perd donc sa pertinence.

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Cette crise est d’autant plus importante si les acteurs refusent le changement. La crise arrive
lorsqu’il y a une résistance au changement et lorsque l’organisation n’atteint plus son but.
Dans ce cas, l’organisation va tout casser, elle va remettre toutes les règles en question, elle
va toutes les changer et ça va bousculer les acteurs, pour revenir à la mission principale.
Mais ça se fait toujours de façon bureaucratique, avec des règles impersonnelles et une
centralisation des décisions (ce qui va encore amener une rigidité).

C’est donc un enchaînement de périodes de stabilité et de périodes de crises, une succession


constante de crise, de résolution, de crise, de résolution,…Ces décisions sont
systématiquement rationnelles (mais limitées) venant de tous les acteurs. Si les acteurs
n’étaient pas rationnels, la bureaucratie fonctionnerait très bien. Mais ils sont rationnels, et
limités (font prévaloir leurs propres intérêts). L’acteur en lui-même peut être également
source d’incertitude. À aucun moment on arrive à éliminer totalement l’incertitude.

D) LES APPORTS DE CET EXEMPLE À NOTRE DÉMARCHE

Les théories de Crozier représentent relativement notre monde : Tout le monde cherche à
atteindre ses propres intérêts et tant pis pour les autres. Mais si tout est intérêt, alors rien
n’est intérêt. Tout ce qu’on fait, c’est par intérêt. On n’explique plus rien. Tout ramener au
même motif vide ce motif. Comme l’intérêt explique tout, à force il n’explique plus rien. C’est
la critique majeure que l’on fait sur ses théories.
L’homme est libre, ce qui pose problème. Si on est libre et qu’on accepte de venir en cours,
c’est parce qu’on en retrouve un certain intérêt. Ça signifie bien que le social, pour Crozier,
est la conséquence exclusive de l’intérêt des acteurs. Si on n’avait pas d’intérêt, la société
ne fonctionnerait pas.

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Crozier s’inscrit dans le paradigme du « moi » : L’acteur est le moteur de la société. Les
changements viennent d’une mutation. Le changement proviendrait d’une crise, d’une
rupture. Cette crise est le résultat de la confrontation de 2 rationalisé limitées et fortes
(organisation qui se heurte à la rationalité des acteurs) et non d’un élément extérieur.

Il y a une certaine logique de l’analyse de organisations et de la logique de la société : Les


éléments observables dans l’organisations se retrouvent hypertrophiés dans la société. La
société est une organisation en grand.

C’est une perspective où la construction de l’organisation et de la société sont politique,


elles répondent à des objectifs partagés par les différents acteurs : Une coopération
conflictuelle (acteurs agissent de conserve sous des buts objectifs).

L’acteur et le système se retrouvent dans le pouvoir et dans les règles.

a. L’acteur va exercer un pouvoir sur les autres.


b. Une perspective active, dynamique donnée à une liberté d’agir des uns et des autres.
c. L’acteur constitue un système qui contraint partiellement sa liberté, il limite sa liberté
à la liberté des actions des autres.
d. Si il y a une liberté, il y a alors une série de contraintes (créées par les relations des
uns avec les autres, les coups de notre actions commune), il y a une sédimentation
(contraintes générées par les actions passée de la société et de l’organisation).

Erhard Friedberg, le disciple de Crozier, va pousser les réflexions de son maître. Il va parler
de l’action organisée. Le formalisme est très présent dans les sociétés, contrairement aux
organisations. Ce qui était bon dans le microcosme fonctionne aussi dans le macrocosme,
donc on peut laisser tomber les cas particuliers, comme étudiait Crozier. On parle désormais
de sociologie des entreprises ou industrielle.

6.2) Loïc Wacquant et l’incorporation du social

On analyse ici un ordre qui repose sur le conflit et non plus sur le consensus (l’accord entre
les personnes). Wacquant a étudié le ghetto afro-américain de Chicago. Il s’inscrit dans le
paradigme du « eux », celui de l’aliénation et de l’holisme (parallèle avec Karl Marx).
L’ordre repose sur le conflit et le changement est présent. Il est le sociologue le plus jeune,
et il est encore en vie. Il est né au début des années 60’, on est donc loin des pères
fondateurs et de Crozier. L’écart entre les deux est très important. Le seul point commun est
qu’ils étaient tous les deux au point de départ des ingénieurs commerciaux, des spécialistes
de la gestion.

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Wacquant n’est pas le fondateur d’une école, mais il en a fréquenté une. Il s’inscrit dans
une sociologie institutionnalisée et reprend le travail de Bourdieu, son « maître », qui a été
la première influence importante de son travail. Il s’inscrit en fait dans la vision de la
sociologie française de Bourdieu, qui était aussi sociologue de l’aliénation. Wacquant est
son dernier disciple important.

Il n’est en concurrence avec personne en France, parce que son travail va se faire aux États-
Unis. Son intérêt c’est une perspective et un sujet « à la Bourdieu ». Il s’intéresse à l’exclusion
sociale aux États-Unis, et surtout à l’exclusion raciale. La situation très particulière intéresse
et interpelle Wacquant. Il décrit l’exclusion sociale avec une certaine structure. Les afro-
américains se retrouvent forcément marginalisés. Il y a une forte proportion d’afro-
américains en prison, à cause de la pauvreté, ils ne savent pas se payer un bon avocat.
Wacquant s’intéresse surtout donc à la structure sociale, qui est injuste (ne rend pas compte
de principe de justice) et arbitraire. La structure situe les gens d’une manière qui les
empêchent d’agir en dehors de la structure sans que celle-ci ne les contraigne forcément à
le faire.

Wacquant s’intéresse à l’exclusion des afro-américain (fracture raciale) aux États-Unis, en


partie grâce au travail de Bourdieu, « La domination symbolique ». Ce travail parle de
comment une structure sociale enferme les individus dans des positions particulières.
Bourdieu veut comprendre les mécanismes qui nous y enferment. Il le fait à travers deux
grands champs d’analyse :

A) LE SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT

Bourdieu va publier toute une série d’études sur l’enseignement français en commençant par
les grandes écoles françaises d’où l’élite en sort. Le système est très hiérarchisé et élitiste. À
travers une série de concours, les mérites des individus vont se mettre en lumière. Pour entrer
dans ces grandes écoles, il faut passer un concours d’entrée, assez difficile. Il y est très
difficile d’y entrer, mais la réussite scolaire et sociale y sont assurées. Bourdieu fait donc son
premier ouvrage (« Les héritiers ») sur ces grandes écoles.

Il y explique que dans les grandes écoles privées on y retrouve les enfants de ceux qui s’y
trouvaient, comme dans les école publique. C’est donc l’école qui forme, on y hérite de
notre position. De plus, les élites se reproduisent entre-elles : Héritage.

Il va ensuite s’intéresser à l’ensemble de l’enseignement (La reproduction) et puis sur les


universités.

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On devrait rentrer dans ces écoles pour rentrer dans l’élite mais c’est l’élite qui entre dans
ces école. C’est là que se produit le concept de reproduction. Quel que soit votre situation
sociale, l’école va la reproduire. La réussite n’est donc pas liée à l’intelligence ou à la
motivation mais à la situation familiale. Par exemple, dans une classe de médecine, on
trouve beaucoup d’enfants de médecins et des autres. Il y a une certaine sélection de l’école
d’une catégorie particulière : En valorisant un certain type de savoir et de savoir-être
(discipline et peu d’abstraction).
Ce sont des compétences principalement développées dans les classes dominantes. Dans la
culture bourgeoise, l’apprentissage d’une discipline personnelle est importante.

Dans les classes populaires c’est plus pratique et non théorique (ce qui n’est que peu valorisé
par l’école). L’école met en avant l’abstraction et discipliné.
L’école reproduit l’ensemble de la structure en état : Le dominant devient dominant et
dominé le reste. Les écarts observés sont les conséquences de montrer que cette
reproduction est le résultat du travail de chacun. Et ce n’est pas notre affute si les classes
dominées travaillent mieux que les classes moyennes.

Si l’un des « autres » réussit bien, cela fera un contre-exemple à la théorie de Bourdieu et
permettra de dire que la règle qui dit qu’avoir un diplôme dépend de l’implication et du
mérite est vraie. Celui qui sort du rang à travers le système scolaire gravit les échelons et
devient le meilleur de l’ensemble. Cependant, ce n’est pas parce que j’évolue dans la
société qu’il y a réellement un changement, cette classe qui me précède évolue, celle au-
dessus évolue aussi (quelle que soit la position que j’occupe, les premiers se distingueront
toujours en étant les premiers).

Dans son deuxième ouvrage, il parle du concept d’illusio. C’est l’écart qui sépare la manière
dont on devrait vivre (règles objectives que les sociologues perçoivent) et la manière dont
on vit réellement (règles subjectives qui ne sont pas les bonnes). L’individu ne comprend
donc pas les règles qui s’appliquent à lui. Donc, pour Bourdieu, même si on change les
règles on ne fera que renforcer le système, on ne le changera pas. Le seul changement
possible est un changement de structure (paradigme du « eux »). Ce concept explique
l’aphorisme (bref énoncé) : « Subjectiver l’objectif et objectiver le subjectif » :

a. Subjectiver l’objectif : Toujours tout remettre en doute, même les évidences.


b. Objectiver le subjectif : Comme la neutralité est impossible à atteindre, le chercheur
doit présenter son cadre d’analyse et sa conception de la discipline.

B) TOUT CE QUI A TRAIT À LA CULTURE (la photographie, la musicologie, etc.)

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Il démontre que l’usage de ces arts diffèrent en fonction de la catégorie sociale dans laquelle
s’inscrivent les individus. Son ouvrage majeur dans ce champ d’analyse est la distinction.
Chaque catégorie sociale se distingue des autres par les comportements qui lui sont propres.

Une autre influence qui a touché Wacquant, après celle de Bourdieu, est celle de l’école de
Chicago. Cette école est fondée au début de XXe siècle par Robert Park et sa caractéristique
principale est de s’occuper d’objets du quotidien, de s’intéresser aux choses les plus triviales
à travers une observation participante. Wacquant va reprendre cela, et faire une
observation de l’intérieur en se fondant parmi les gens qui agissent, c’est ce qu’on appelle
de l’observation participante, c’est comme une infiltration, on est « dedans ». Cependant,
l’observateur participant aborde l’observation en expliquant aux gens qu’il va les observer,
contrairement à l’infiltré. Le fait que Wacquant fasse « corps » avec son objet d’étude est
une influence directe de l’école de Chicago.

- Le point de vue de Bourdieu : Aliénation, habitus et domination symbolique

Avec Bourdieu, on est clairement dans le paradigme du « eux », celui de l’aliénation.

L’artisan (dans un monde non capitaliste) est dépositaire de son travail (quand il en a envie
et besoin), il le fait sous ses propres procédures, outils et en bénéficie de son propre fruit de
travail. Dans la logique capitaliste, l’artisan disparait, c’est une organisation externe qui
décide des modes de production. L’ouvrier ne décide pas le fonctionnement, il n’est non plus
propriétaire des outils ni du bâtiment, cela appartient au capitalise. L’ouvrier est aliéné de
son travail : Logique de l’échappatoire.

L’aliénation, chez Marx, dit que les agents sociaux n’ont plus aucune responsabilité, c’est
la structure qui détermine notre comportement et notre position sociale. Notre position
sociale est déterminée par notre position dans le monde du travail. Notre position ne dépend
pas de nous, ce n’est pas le fruit de notre volonté si l’on se retrouve au sommet. Les agents
sont manipulés par la structure, à leur avantage ou non, mais sans qu’il n’y ait de
responsabilité individuelle. L’aliénation est politique, économique mais aussi idéologique (la
classe populaire est dominée mais ne veut pas se rebeller parce qu’elle est endoctrinée).
L’ouvrier n’est pas responsable de sa condition et le capitaliste n’est pas responsable mais
sont tout simplement les sujets des structures.

Chez Bourdieu, l’aliénation ne dépend pas seulement de notre position dans le monde du
travail, d’autres dimensions seront tout aussi importantes. Pour lui, seuls les intellectuels
(sociologues) peuvent faire se rebeller la classe populaire. Bourdieu va développer les
concepts de capitaux, qui définissent les différentes classes sociales :

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a. Capital économique. C’est l’ensemble des ressources financières (salaire, biens,


patrimoine) dont nous disposons, quelle que soit notre position dans la société. (peut
se transformer en capital culturel)
b. Capital social : Le carnet d’adresses dont on dispose, le nombre de contacts ou de
relations que l’on a dans la société. Il peut être plus ou moins important (en quantité
ou en qualité). Ces deux premiers capitaux peuvent s’influencer, le fait d’être riche
peut aider à rencontrer des gens importants. (peut se transformer en capital
économique, l’inverse est moins vrai)
c. Capital culturel : L’ensemble des codes sociaux que l’on devrait connaître, comme
les savoirs et les connaissances que nous avons acquis. Chacun d’entre nous maitrise
les codes sociaux qui nous sont propres et ceux que l’on a acquis durant notre
parcours. On valorise souvent les savoirs abstraits au détriment des savoirs concrets
(l’ouvrier aurait un capital culturel moins important que l’ingénieur). Ce capital est
lié aux deux précédents. Les trois capitaux peuvent avoir différents niveaux et varier
l’un envers l’autre (être riche et mal éduqué, être riche et bien entouré, être pauvre
et cultivé, etc).
d. Capital symbolique : À part, parce qu’il n’existe pas en lui-même. Il renforce les
autres capitaux. C’est le capital qui va donner de la légitimité aux autres formes de
capitaux.

Attention, les capitaux n’ont pas le même poids ou la même valeur : Capital légitime ou
illégitime. Quelqu’un qui parle espagnol et français aura un capital culturel plus faible en
Belgique que quelqu’un qui parle français et flamand.

L’habitus c’est la structure spécifique de nos capitaux telle que cette structure a été intégrée
par chacun d’entre nous. L’habitus se confond avec nous-mêmes, avec notre corps. C’est la
société telle que nous la voyons incorporée en nous. Nous faisons corps avec le social à
travers cette idée d’habitus. Nous reconnaissons ceux comme nous avec leurs
comportements, leurs vêtements, etc. L’habitus peut évoluer. Il caractérise un agent et le
différencie des autres (en termes de classe, mais aussi en terme individuel).

a. Une grammaire des comportements : Principe non choisi des choix


b. Une incorporation de la structure et de sa propre position
c. Une naturalisation qui permet une reconnaissance interpersonnelle

Pour Bourdieu, les dominés (les exclus, les chômeurs, les petites gens, etc.) sont victimes de
la société, mais ces victimes se sentent responsables de leur position. C’est ce qu’on appelle
la violence symbolique. Cette domination symbolique est centrale et structurante, elle est
liée à la notion d’aliénation.

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Si une jeune femme se sent responsable d’avoir été violée, c’est également de la violence
symbolique, elle se considère coupable de ce qui lui arrive.
C’est vraiment le sommet de la domination, les dominés croient que la domination qu’ils
subissent est de leur faute, est naturelle et leur est légitime. Cette violence est donc
symbolique, parce qu’elle est imposée au-delà des agents et est assumée par les victimes de
la domination. La détermination de la société se fait à l’insu des agents mais en les utilisant,
en les dirigeant. Cette domination tire son efficacité de son caractère implicite.

- Wacquant au travail : Du ghetto à la boxe

Wacquant a une vision orthodoxe de la perspective de Bourdieu. Celui-ci a donné les outils
théoriques à Wacquant. Ce dernier va chercher à comprendre la domination symbolique
dans les ghettos via une observation participante.

Il tire de l’école de Chicago que lorsqu’il observe, il perturbe et transforme (par exemple,
quand je veux mesurer la température d’un verre avec un thermomètre, je perturbe la
température du verre ne y plongeant le thermomètre). Wacquant passe donc d’une
observation participante à la participation observante : L’observateur doit participer, être
le moins intrusif possible.

Mais Loïc Wacquant est un blanc qui veut s’infiltrer dans des ghettos afro-américains.
Comment entrer dans ce ghetto ? En discutant avec Bourdieu, ils se disent que les clubs
sportifs sont ouverts à tout le monde et c’est de cette façon que Wacquant se trouve au
centre du ghetto de Chicago, pour devenir un boxeur parmi les autres. Ça sera le seul blanc,
mais avant d’être blanc il sera surtout boxeur.

Son idée c’est donc de disparaître dans son objet d’étude en en adoptant les
caractéristiques. Il va donc intégrer un club de boxe. Il nous décrit la boxe à travers ce qu’il
a vu et ce qu’il a vécu. Il n’a pas fait que regarder les gens se donner des coups de poing,
mais il en a aussi reçu et donné. On peut donc voir qu’il y a un certain danger dans
l’observation participante. De base, Wacquant ne veut pas du tout être boxeur, c’est
seulement pour son sujet d’étude. Mais il va finir par y aller de plus en plus, ce qui fait qu’on
peut finir par en perdre l’observation. Wacquant avait pensé à quitter son métier de
sociologue pour devenir boxeur professionnel.

Avec cette méthode, on peut oublier le statut d’observateur et devenir un agent soi-même.
Mais cette méthode a des points positifs, les informations recueillies sont de très bonne
qualité. Quand on interroge quelqu’un, (observation indirecte), la personne va seulement
répondre à nos questions et on interprètera les réponses de notre façon. L’observateur
participant ne pose pas de questions.

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Il en a déduit que les jeunes intègrent ce club pour apprendre à survivre dans la rue, qui est
un espace de violence absolue où il faut s’imposer pour survivre. Pour ceux qui y prennent
goût, le gymnase de boxe devient alors un objectif pour survivre dans le ghetto mais aussi
pour le quitter. On veut réussir socialement et économiquement et quitter cet endroit. Les
boxeurs ont la conviction que le club de boxe est un sanctuaire, un espace où ils se disent
qu’ils vont pouvoir quitter le ghetto. Ils se disent que s’ils n’étaient pas boxeurs, ils seraient
déjà morts (overdose, tués dans la guerre des gangs, tués par la police) ou en prison.

Ce sont des espaces, des lieux où les jeunes afro-américains peuvent se développer. La
violence de la boxe les préserve d’une violence sociale, voire même les extrait en devenant
un boxeur reconnu, célèbre. C’est une stratégie subjective. L’un réussit de temps à autres,
donc tous les autres afro-américains adoptent cette stratégie et pensent pouvoir eux aussi
fuir le ghetto.

Ça reste illusoire, parce que c’est un domaine très sélectif et pas forcément efficace. La
stratégie la plus réfléchie serait de faire les bonnes études, d’avoir de bons résultats et partir
de cette sorte. S’enfuir par le sport n’est pas la solution la plus efficace, et les jeunes se
tiennent responsables s’ils échouent, ils se disent qu’ils n’ont pas travaillé assez dur, etc.

Son travail est proche de la démarche d’un ethnographe, il participe à l’activité de l’objet
qu’il étudie et rapporte ce qu’il a vu avec le contexte qui l’éclaire. C’est une méthode
sociographique, on décrit une société telle qu’elle est vue et vécue de l’intérieur.

Wacquant nous montre l’acquisition par le corps mais aussi dans le corps d’un habitus
particulier. Il décrit alors comment est la boxe. Il y a très peu de règles. C’est très simple
par rapport à d’autres sports qui sont plus complexes. L’habitus c’est pareil, il n’y a pas
beaucoup de règles. Mais la pratique et les règles ne sont acquises que par la pratique du
sport en lui-même. On devient boxeur en boxant, pas en connaissant les règles. En
pratiquant cette boxe, on va en intégrer la discipline qui est très rigoureuse (comment tenir
face à un adversaire, comment entretenir notre condition physique, etc.). La boxe ne
s’apprend pas de façon abstraite, mais uniquement de façon pratique. C’est donc comme
l’habitus, qui ne s’apprend pas mais se pratique.

L’univers de la boxe devient ainsi le modèle de l’intériorisation corporelle de la société et


de ses règles, le modèle de l’habitus. La vie sociale ne s’explique pas, ne se décrit pas, ne
s’apprend pas par procuration mais se vit, au sens strict s’incorpore.

Ici, on voit bien comment la domination s’exprime et comment les agents vont agir, en
voulant s’extraire de leur situation de domination.

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- Les apports du travail de Wacquant

Le travail de Wacquant s’inscrit dans le paradigme de l’aliénation. Mais il nous montre que
la structure n’est pas juste une forme abstraite et surplombante, elle devient proche et produit
d’elle-même des agents qui agiront, avec une certaine autonomie permise par la structure.
La structure est incorporée par les agents.

Son travail nous apporte une nouvelle façon d’étudier les choses. En allant sur le terrain, il
peut décrire les choses de l’intérieur. Il a voulu retenter l’expérience, en milieu carcéral et
a demandé à se faire emprisonner, mais les autorités américaines ont refusé.

On parle aussi de stratégie, comme chez Crozier. Mais ce n’est pas pareil chez les deux.
La stratégie de Crozier est le contraire de celle de Wacquant, le seul point commun étant
qu’elles sont vouées à l’échec.

Chez Crozier, elle est définie par le sociologue, les acteurs ne sont pas stratégiques. Ils vont,
à tout moment, défendre leurs intérêts. Si les acteurs défendent toujours leurs intérêts, le
sociologue constate qu’ils ont un comportement stratégique parce que les acteurs
poursuivent toujours les mêmes intérêts. C’est une stratégie objective des comportements
subjectifs.

Chez Wacquant, il désigne la perspective subjective qui est celle des acteurs. Les acteurs
(les boxeurs) agissent par stratégie (pour quitter le ghetto). Mais ça ne correspond pas
réellement à la défense de leurs intérêts, parce qu’ils n’atteindront pas leur objectif de quitter
le ghetto. C’est une stratégie subjective qui objectivement ne mènera à rien.

6.3) Boltanski et la dénonciation (travail conventionnaliste)

Boltanski est un sociologue plus âgé, il a commencé son travail dans les années 70’. Il va
nous parler du paradigme du « nous ». C’était un collaborateur et un assistant proche de
Bourdieu. Mais contrairement à Wacquant, il va s’éloigner du travail de Bourdieu.

À la fin des années 70’, il va mener une grande recherche sur les cadres. Il va finalement
publier « Les cadres, la formation d’un groupe social » en 1982. Il va rencontrer un nombre
très important de cadres et il va en interviewer plusieurs. Ils ont constitué une catégorie
sociale.

Boltanski dit que si des individus sont plongés dans un même travail, ils vont finir par se créer
un statut social qui leur est propre, un groupe d’appartenance (les individus se reconnaissent
les uns les autres, et comprennent qu’ils appartiennent à la même classe, celle des cadres).

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Ils ne sont plus de la classe moyenne ou dominante, mais dans une nouvelle classe qu’ils ont
créée et qu’ils assument. Bourdieu, lui, ne pensait pas que des groupes pouvaient se créer
une classe sociale d’eux-mêmes.

Boltanski nous montre donc que les cadres ont réussi à s’épanouir dans le contexte social
du 20ème siècle, au-delà d’une aliénation (idée de Bourdieu). Son travail va s’orienter sur la
possibilité que l’aliénation, à ses yeux, n’existe pas. Nous sommes aptes à comprendre les
enjeux et nous pouvons, collectivement, nous mobiliser pour ces enjeux.

À partir de ce travail sur les cadres, Boltanski va se séparer de plus en plus de la vision de
Bourdieu. Il va donner une place beaucoup plus importante aux personnes, qui seront des
sujets. Chez Bourdieu, nous n’étions que des agents subissant les actions.

- Une recherche au départ d’un paradigme : La dénonciation

Comment, à partir d’actions individuelles, on génère du collectif ? Chez les cadres, on va se


rendre compte que d’autres personnes autour de nous font les mêmes choses que nous et
nous allons créer un groupe, une organisation de ces mêmes personnes. Boltanski se
demande comment peut-on généraliser une situation ? Comment passer de l’individuel au
collectif ? Toutes ces questions vont constituer sa réflexion. Il va adopter une méthode
pragmatique (donner priorité aux pratiques concrètes des acteurs dans la constitution des
solutions) pour répondre à tout cela.

En rencontrant d’autres spécialistes à l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études


Économiques), Boltanski se demande comment créer des groupes statistiques. Lui et les
spécialistes vont faire des tests, des expériences sociologiques (chose rare), avec des
groupes et demander de « ranger » des personnes selon leurs métiers, inscrits sur des fiches.
Tous les rangements ne sont pas forcément identiques, ils dépendent des choix des gens qui
rangent. Selon Bourdieu, les gens seraient incapables de faire ces rangements. Mais les
gens qui ont fait l’expérience savent partir de cas particuliers pour en faire des généralités.
On sait générer des groupes. Donc on passe du cas individuel à la généralité. Mais Boltanski
ne comprend pas comment ni pourquoi on fait cela.

Pour cela, il en a discuté avec un journaliste du journal Le Monde. Il lui explique qu’il reçoit
beaucoup de courrier des lecteurs et qu’il ne sait pas toujours choisir lesquels mettre dans
le journal, parce qu’il y en a beaucoup et que c’est parfois n’importe quoi. Boltanski va
analyser ces lettres, surtout celles de « dénonciation », c’est-à-dire quand quelqu’un écrit au
journal pour dénoncer une injustice. Il va analyser toutes les lettres reçues sur ce sujet durant
une année. Il va faire une nouvelle expérience en donnant ces lettres à des gens normaux
et leur demande de les classer (il y en a un peu moins de 400).

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Tous les groupes vont classer les lettres en deux catégories :

a. Les dénonciations légitimes


b. Les dénonciations complétement farfelues, les dénonciations pathologiques

Il y a donc des bonnes et des mauvaises dénonciations (qui sont plus nombreuses). Le Monde
n’a publié que celles qui sont considérées comme légitimes. Boltanski veut comprendre ce
qui distingue les lettres normales des lettres jugées bizarres.

Il utilise une méthode statistique pour comprendre, une analyse factorielle.

Exemples de lettres reçues :

a. Une des lettres vient d’un colonel en retraite qui écrit au Monde pour se plaindre
qu’un auteur connu a plagié un de ses textes publié plus tôt. Il écrit qu’il est soutenu
par un groupe de comité de soutien, constitué de ses proches et dont il est le
président. Ce courrier a été considéré comme illégitime.

b. Une jeune femme du Sud de la France écrit au Monde pour dire qu’elle est une
grande lectrice et se rend souvent à la bibliothèque de la Mairie. Un vendredi, elle
a voulu se rendre à la bibliothèque mais une file d’étrangers était devant la Mairie
pour renouveler leurs cartes de séjour. L’heure de fermeture arrive et ils ont vraiment
besoin de ce renouvèlement de carte, mais la police nationale les évacue parce que
c’est l’heure de fermeture. Elle écrit au Monde, très fâchée qu’on ait traité ces
étrangers de la sorte et trouve inacceptable pour le pays, elle dit même qu’elle a
honte d’être Française.

Boltanski se demande pourquoi l’une est légitime ou non. L’histoire du colonel paraît
inventée, elle semble ridicule qu’il soit soutenu par un comité composé de lui-même. Alors
que la deuxième lettre ne concerne pas la personne qui écrit elle-même.

a. Dénonciation légitime si on parle de quelque chose à laquelle les autres peuvent


s’associer, on va estimer qu’il y a un problème.
b. Dénonciation illégitime si on écrit quelque chose qui ne nous concerne que nous, ça
ne parlera pas aux autres personnes. Il faut transformer une situation en une affaire
(forme sociale : Transformation de l’action individuelle en action collective), il va y
avoir une question et du mouvement collectifs.

Dénoncer constitue donc une affaire…

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a. Dénoncer une injustice est une prétention à la justice


b. Une dénonciation réussie voit le public adhérer à l’argumentation du plaider
c. Il s’agit d’une forme de construction du collectif

Quels sont les différents actants dans une dénonciation ? Que faut-il pour qu’il y ait
dénonciation ? 4 actants :

a. Donner priorité aux pratiques concrètes des acteurs dans la constitution des solutions
b. Un dénonciateur, quelqu’un qui dénonce une injustice qui a eu lieu au préalable
c. Une victime qui subit l’injustice
d. Un bourreau, un persécuteur qui fait subir l’injustice
e. Un juge, auprès de qui le dénonciateur va dénoncer l’injustice

On retrouve ces quatre actants dans les deux exemples de lettre vus précédemment. Mais
les quatre actants ne sont pas toujours séparés, on peut être le dénonciateur et la victime.
Le dénonciateur peut être également confondu avec le juge.

Boltanski va essayer de nous expliquer que ce jeu entre les différents actants va nous
permettre de comprendre que la légitimité d’une dénonciation suppose un mécanisme de
grandissement et un mécanisme de désingularisation. Ils sont directement liés aux 4 actants
évoqués.

La désingularisation c’est le rapport entre la victime et dénonciateur. Désingulariser c’est


quitter son identité, sa singularité. La dénonciation sera d’autant plus légitime si le
dénonciateur et la victime ne sont pas la même personne. Lorsque l’on dénonce quelque
chose, on le fait en essayant de nous dégager de la relation qu’on a avec la victime, ça
aura plus d’impact et sera plus pris au sérieux.

C’est le cas de la deuxième lettre, la jeune femme ne dénonce pas quelque chose qui lui est
personnellement arrivé. Elle prend sa plume pour dénoncer ce sujet, elle devient la voix des
sans-voix.

Alors que dans la première lettre, le colonel retraité dénonce quelque chose qui le touche
directement (même s’il essaie de se désingulariser, il n’y arrive pas ou le fait de façon
caricaturale).

Le grandissement unit le dénonciateur et juge. Pour qu’une dénonciation soit efficace, il faut
que la victime ou que le dénonciateur convainque le juge. Pour convaincre efficacement, il
faut montrer que d’autres ont déjà été convaincus.

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Les lettres sont envoyées au Monde pour se présenter comme étant soi-même une opinion
publique qui dénonce au nom d’une généralité.

Le colonel en se disant président de son propre comité de soutien, tente de montrer que
d’autres que lui ont été convaincus (sa femme et ses enfants, ce qui n’est pas forcément très
pertinent). La jeune femme ne se grandit pas beaucoup, mais elle dit qu’elle a honte d’être
française. Elle se rattache aux citoyens, elle essaie de se « grandir ».

Ce qui distingue les deux exemples de lettres, c’est la crédibilité de ce qui est dit :

a. Le colonel se désingularise et se grandit, mais maladroitement.


b. La jeune femme ne le fait presque pas, mais ça convainc quand même plus.

Tous les gens qui ont analysé les lettres et ceux qui les ont écrites, on conscience des deux
mécanismes. Quand on dénonce, on désingularise et on grandit sans en être forcément
conscient. On ne donne pas forcément le même nom à ces mécanismes. On est conscient
des enjeux et des règles à suivre.

Boltanski nous montre que le colonel et la jeune femme appliquent les règles, sans forcément
le faire correctement (pour le colonel du moins). De façon spontanée, ils veulent tous les
deux faire de leur expérience individuelle quelque chose de collectif.

- Une généralisation : La sociologie des conventions

Le mécanisme de grandissement c’était l’idée de devenir le plus proche du juge. Mais


d’autres injustices peuvent être dénoncées auprès d’autres juges que l’opinion publique. Il
n’y a pas que cette dernière qui peut être juge. Boltanski veut généraliser cette idée de
dénonciation et se demande quels seraient les différents juges. Il y a l’opinion publique,
mais ce n’est évidemment pas tout. Ces autres principes de justice existants, il va les appeler
les « grandeurs ».

Lewis, philosophe américain du courant pragmatique, est l’inventeur du concept de


convention. Les grandeurs de Boltanski sont des conventions. Ce terme doit être compris de
deux façons :

a. Pour qu’il y ait convention, il faut qu’il y ait régimes d’action.


b. Il doit y avoir un ajustement qui vient d’un équilibre global. Cet équilibre n’est pas
anticipable et est arbitraire.

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Par exemple, quand on rame à plusieurs dans une barque, il y a une coordination
externe ou il n’y en a pas. Il faut, pour avancer, ramer à la même vitesse et à la
même force. On arrive à un équilibre en comprenant ses erreurs. On anticipe l’action
de l’autre pour s’ajuster et on va compenser celle de l’autre. Il n’y a pas d’échange
sur la manière de faire, ça se fait automatiquement. Les grandeurs de Boltanski sont
des conventions, elles sont arbitraires et n’existent que dans l’action.

Réfléchir à la manière dont le collectif peut se constituer… mais résoudre des désaccords
hors violence peut s'effectuer avec d'autres juges, c'est-à-dire avec d'autres grandeurs, que
l'opinion publique au centre de la dénonciation :

« Les économies de la grandeur » (1987, 1991) constituent une généralisation de ces


principes d'ordonnancement politique :

a. Les accords légitimes


b. Mobilisent un principe de justice ou d’équivalence
c. Ces principes sont multiples (il y a plusieurs grandeurs)
d. Qui se déploient dans des cités, espaces constitués autour d'une grandeur commune
(les cités deviennent des mondes lorsque personnes et objets y sont en situation)

Cité et monde : Lieux abstraits dans laquelle une grandeurs prend toute son
importance.

À la fin des années 80’, avec les mêmes spécialistes, Boltanski va publier un livre, « La
Justification », qui dit qu’on peut se justifier de différentes manières, à différentes personnes.
Ces justifications supposent chacune une grandeur spécifique.
Ce livre permet de comprendre les différentes « grandeurs » qui existent dans notre monde.
Sa démarche semble philosophique.

Chaque grandeur structure une cité, qui est avant tout un principe, une idée. À la cité, il
ajoute l’idée de monde. Chaque cité, qui est un principe abstrait, lorsqu’elle est investie par
des personnes, devient un monde particulier. Chaque cité et chaque monde est présent
dans nos quotidiens, nous pouvons nous trouver dans plusieurs mondes et/ou cités en même
temps.

« La Justification » est liée à des principes de justice. On cherche à résoudre des désaccords
de manière civile.
On se présente devant un juge, une grandeur, qui va trancher dans un désaccord entre
deux personnes qui ont refusé de se battre pour résoudre le problème. On résout un conflit
sans violence. Ce jugement ne peut se faire que dans une cité, dans un univers abstrait.

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La définition d’une cité de Boltanski repose sur 6 axiomes (quelque chose d’indémontré qui
constitue la base d’un raisonnement). Chaque cité correspond systématiquement aux 6
axiomes. Ils vont permettre de définir 7 cités distinctes. Ces 7 cités sont présentes
simultanément dans notre réalité. Ces 6 axiomes sont contraignants.

Ce sont les suivants :

a. L’axiome de la commune humanité

Au sein d’une cité, tous les membres la composant sont considérés comme étant des humains.
Ce premier axiome élimine la situation de la violence, parce que faire usage de la violence
sur quelqu’un, c’est nier l’humanité de cette personne.
Hitler gazait les juifs mais ne les considérait pas comme des humains, par exemple. Nous
devons tous nous considérer comme des humains les uns les autres, on doit être similaires.

b. L’axiome de dissemblance

Nous sommes tous humains, mais nous sommes aussi tous différents les uns des autres, on a
notre identité et nos caractéristiques. Les différences peuvent être de genre, d’ethnie,
d’intelligence, de beauté, etc. Si on est différents, on a des choses à partager, à s’apporter
les uns les autres.
On est tous uniques, dissemblables par notre phénotype. Mais aussi que l’on est pas tous
équipé de la même manière, soit de la faute à pas de chances, soit par des compétences.

c. L’axiome de la commune dignité

Quelles que soient nos différences, nous sommes tous dignes, dignes d’être respectés et
respectables chacun pour tous. Il n’y a pas parmi ces humains différents, des humains qui
seraient moins dignes, moins humains. Ce Troisième axiome renforce le premier.

Ces trois premiers axiomes sont bien liés, ils portent sur les individus, sur les personnes. Dès
ces 3 axiomes on se rend compte que tout le monde ne se plie pas à tous les axiomes.

d. L’axiome de l’ordre de grandeur

Au sein d’une même cité, il est toujours possible de ranger les individus en fonction de la
grandeur qu’ils y ont acquise. Cet axiome est l’aspect principal qui distingue les 7 cités. Ces
hommes, qui sont dissemblable et respectable, se structure autour d’une grandeur donné
dans une cité donnée.

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e. L’axiome de la formule d’investissement

Les humains de la cité vont pourvoir grandir dans l’échelle de la grandeur de cette cité,
grâce à leur travail. la « grandeur », l’importance que chacun a dans la cité est acquise en
fonction du travail et de l’investissement que l’on a accompli dans la cité. Nous avons tous
la possibilité d’être grand ou petit en fonction de l’investissement que nous réalisons dans
celle-ci. Nous sommes tous dans les 7 cités que définit Boltanski. Mais on ne sait pas être
aussi grand dans toutes. On sera grand dans certaines et petit dans d’autres. Notre
grandeur est la conséquence de notre investissement. Rien ne nous oblige à grandir, aucune
contrainte et si nous grandissons, c’est bien le résultat de notre investissement.

f. L’axiome du bien commun

Celui qui se grandit ne peut se faire au détriment des autres mais au profit de tous. signifie
que dans une cité, le grandissement de l’un ne se fera jamais au détriment des autres.
Grandir dans une cité accroît le bien commun. Si on est grand dans une cité, ce n’est jamais
au détriment des autres. L’investissement que l’on réalise et qui va nous profiter, profitera
aussi aux autres, même s’ils restent petits. Lorsque le riche s’enrichit, d’après l’économie, il
le fait en permettant aux pauvre d’en profiter. Le principe de l’économie dit que les riches
font travailler les pauvres et que donc il faut laisser les riches tranquilles. Mais évidemment
dans la réalité c’est autre chose.

Les 7 cités distinctes sont relativement abstraites. Boltanski les définit à travers de la
littérature et utilise un ouvrage de gestion et un ouvrage de philosophie politique pour définir
chaque cité. Ces 7 cités coexistent, mais en les étudiant aujourd’hui, on se rend compte
qu’elles ont un caractère relativement historique.

Voici les 7 cités :

a. La cité inspirée : Créativité, singularité, passion

Elle a comme grandeur l’originalité. On sera d’autant plus grand si l’on est exceptionnel ou
original, si l’on sort de la norme. Cette cité correspond à deux mondes particuliers : Le
monde du religieux et le monde artistique. Les individus qui y sont grands sont
particulièrement originaux. Dans ces mondes, ceux qui sortent du rang sont des personnes
considérées comme grandes.

Dans le monde religieux : Un type qui marche sur l’eau et transforme l’eau en vin est assez
original. Dans le monde artistique : Un type qui peint en pointillisme plutôt qu’en aplats de

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couleur, c’est original. Beaucoup de grands artistes sont plutôt maudits, pauvres et crèvent
de faim. Mais ils sont originaux.

b. La cité domestique : Tradition, honneur, responsabilité

Comme son nom l’indique, c’est la cité de la maison, la grandeur étant la tradition et
l’interconnaissance (connaître et être connu). On est grand si on respecte les traditions. Le
monde de la cité domestique est le monde de la tradition et être pistonné, connaître les gens
qu’il faut quand il le faut. Fonctionner dans ce monde, c’est fonctionner aux côtés d’un
responsable qui nous aidera à progresser petit à petit.

c. La cité du renom ou cité de l’opinion : Estime, renom, crédit

C’est la cité de la dénonciation. Sa grandeur est l’opinion publique, la connaissance ou


reconnaissance par les autres. Ici ce qui compte c’est d’être connu par les autres. On sera
d’autant plus grand si on est connu par beaucoup de gens.
Les stars sont grandes dans ce monde, parce qu’elles sont connues et reconnues. Trump
essaye d’être ici, d’ailleurs.

d. La cité civique : Volonté générale, renoncement à soi

La grandeur principale, c’est l’intérêt collectif. Je serais d’autant plus grand si je me sacrifie
au profit des autres. L’intérêt individuel est nécessairement subordonné à l’intérêt collectif,
ce qui compte ce sont les autres et l’intérêt commun/général. Si je veux être grand, je dois
faire place aux autres avant de faire place à moi-même. Le monde qui correspond à la cité

civique est le monde politique. Dans la représentation de Boltanski, être grand en politique
c’est avant tout défendre l’intérêt collectif, éventuellement contre son intérêt personnel. On
voit ici que la représentation de la politique a évolué depuis l’époque de Boltanski.
Par exemple, Trump est plus petit que Clinton dans la cité civique.

e. La cité marchande : Concurrence, intérêt, marché

C’est la cité de l’échange, de la circulation des objets et la concurrence. On sera grand si


on sait négocier, si on sait faire circuler les choses et vendre des choses inutiles aux gens.
Le monde qui y correspond est le monde du commerce, sous toutes ses formes.

f. La cité industrielle : Travail, efficacité, performance

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C’est la cité qui se développe au moment où Boltanski écrit, c’est à la fin du 20e siècle.
Notre grandeur dépend de notre efficacité, performance au travail. C’est la cité de la
science, du progrès, en utilisant le moins de ressources possibles. Ici, on réalise.
Ex : en examen on nous demande de répondre efficacement à la question du prof.

g. La cité par projets : Activité, réseaux, flexibilité assumée

La grandeur repose sur la capacité à être au centre d’un réseau. Pour être grand, on doit
être actif, flexible, mobile, connecté. Elle caractérise le capitalisme contemporain. Cette cité
est beaucoup moins importante que les 6 premières et sa théorisation par Boltanski est plus
tardive.

Nous sommes tous dans l’ensemble de ces cités. On occupe une position différente dans
chacune d’elles, on sera plus ou moins grand dans une et plus ou moins petit dans une autre.
Nous avons tous des différences de rationalités, la pensée de l’un et de l’autre n’est pas la
même.

Par exemple, il y a une différence entre une vedette (qui est connue) et un artiste (qui a du
talent). Les deux choses ne sont pas forcément convergentes. La vedette est connue et n’a
pas forcément de talent et l’artiste ne l’est pas mais à beaucoup de talent. La vedette est
grande dans la cité du renom et l’artiste est grand dans la cité inspirée. Mais on peut être
grand dans les deux cités en même temps.

Ces différentes cités vont nous décrire des cas particuliers. Cela nous permet de comprendre
et d’expliquer les déséquilibres auxquels on est confronté au quotidien.

Mais nous n’avons pas évoqué les désaccords. Le désaccord implique une épreuve, c’est-à-
dire la mesure de l’état de grandeur.

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Imaginons que deux vedettes se disputent pour savoir qui est la plus connue des deux. Pour
calculer cela, il faut compter qui a le plus de fans. On a éliminé la violence, ça ne se règle
plus en duel. Dans ce cas-ci, Boltanski va parler de litige.
C’est un désaccord dans le même monde, dans la même cité, dans le même étât de grandeur
(ici, dans celle du renom), l’épreuve réside dans le recours au principe d’équivalence.
Réduire un litige se fait par la réalisation d’une épreuve avec recours au principe
d’équivalence (ici, comptabiliser le nombre de fans). Ce sont les désaccords les plus simples.

Dans la majorité des cas, les désaccords existeront entre différentes cités. Dans ce cas-là,
les personnes en désaccord le sont à partir de cités distinctes. Ces désaccords s’appellent
des différends. Un différend, ou le désaccord entre plusieurs cités : L’épreuve doit permettre
par l’appel à l’axiome 6* de choisir une cité pour y résoudre le litige.
*La cité choisie est celle où le perdant devient plus grand en y étant jugé.

Quand il y a un différend, l’épreuve pour les résoudre se fait en deux temps :


Le réduire à un litige : Le plus difficile c’est d’amener les deux personnes en désaccord à la
même cité. Pour cela, il faut mobiliser le sixième axiome : L’idée du bien commun consiste à
dire que dans une cité l’accroissement d’une grandeur d’une personne bénéficie aux autres.
Il faut se demander dans laquelle des deux cités, celui qui va perdre (celui qui sera considéré
comme plus petit) y gagnera quand même quelque chose.

Premier exemple : La vedette très connue et l’artiste très talentueux : Dans quelle cité, celui
qui sera perdant, gagnera malgré tout quelque chose ? Qu’est-ce que l’artiste va gagner à
ne pas être grand dans le monde du renom ? Qu’est-ce que la vedette va gagner à ne pas
être grand dans le monde inspiré ?
Si l’artiste est jugé dans le monde du renom, on verra qu’il est peu connu. Si la vedette est
jugée dans le monde de l’inspiration, on verra qu’elle n’a pas forcément de talent mais sera
quand même un artiste. On va juger le différend du côté de l’inspiration parce que celle-ci
va grandir les deux.

Deuxième exemple : Opposition entre les humanitaires (veulent sauver les migrants au milieu
de la méditerranée, faisant partie de la cité civique : Ne gagnent rien, mettent le bien
commun en avant) et les gouvernements qui appliquent une pratique de non-mobilité (cité
industrielle : applique strictement une loi, votée et appliquée). Les humanitaires violent alors
la loi parce qu’ils vont contre le gouvernement, ils amènent des personnes qui n’ont pas de
papiers chez nous.
Si je juge tout le monde dans la société industrielle : Les humanitaires sont plus petits que le
gouvernement.
Si je juge tout le monde dans la société civique : Les humanitaires vont devoir être félicités
par le gouvernement. Il est plus intéressant de résoudre le problème dans cette cité.

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À la violence, Boltanski associe l’idée d’équivalence. Cette idée d’équivalence c’est l’idée
que des personnes en relation ont des points de références, des grandeurs auxquelles on
peut se référer. Elles sont ici assez proches de l’idée de valeur de Durkheim. Partager des
valeurs, chez Durkheim, c’était la condition sine qua non pour vivre ensemble, en
communauté.

On retrouve le même principe dans les grandeurs de Boltanski. Pour lui, ce sont les éléments
de référence auxquelles on va se raccrocher. Chez Boltanski, ça provient de l’action des
personnes, alors que chez Durkheim, ça venant d’en haut, les valeurs étaient ascendantes.
Cette vision de la grandeur permet de disposer de point de référence et d’équivalence.
Au final, on a un tableau à quatre entrées :

Situation de dispute Situation de paix


Situation de justice Situation de routine

a. Désaccords, calculs, a. Toute la place est laissée aux


priorité au passé objets
b. On réduit le désaccord en b. On fait confiance aux
Équivalence se référant à une grandeur équivalences sans réfléchir,
c. Exemple : Lorsqu’on a un on suit les grandeurs de
accident, on va chercher à manière automatique.
savoir qui est en tort et on c. On a intégré les équivalences
mobilise la justice pour voir et on ne se pose plus aucune
qui a suivi les règles et qui question.
ne les a pas suivies. Une d. Exemple : Constamment en
fois ce problème résolu, on train d’en appliquer quand on
revient à la situation de conduit, on suit le code de la
routine. route.

Situation de la violence Situation de l’agapè

Pas a. Plus d’équivalence dans la a. Désintéressement, instabilité,


d’équivalence résolution des conflits (tout espoir dans l’avenir
est permis, tout est b. Mot en grec qui désigne
possible) l’amour fraternel, le plus
b. On résout un désaccord simple, sans équivalence. Il
sans aucune règle, il n’y a est supposé infini et pas
aucune limite à la violence forcément réciproque.
c. Aucune limite non plus

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Nous évoluons dans notre société dans ces quatre registres d’action. Mais on peut passer
de l’un à l’autre. C’est plus simple de passer de la routine à la justice, et de l’agapè à la
violence.

- La dénonciation, un quatrième exemple de démarche sociologique

Qu’est-ce qu’on peut garder chez Boltanski ? Sa réflexion nous montre le paradigme du «
nous » qui repose sur l’idée que le changement est une mutation permanente et que l’ordre
repose sur un conflit résolu. Il est également atomiste. Son travail s’inscrit dans
constructivisme et le pragmatisme.

Ce qui est à retenir :

a. Apport de nouvelles méthodes


b. Il y a une importance du temps

Cette idée de durée était absente chez Durkheim, chez Crozier et chez Wacquant. L’action
ici se déroule dans le temps, dans une durée qui amène à une épreuve et à une résolution
particulière.

c. Il n’est pas le seul à parler d’action

Crozier aussi mais l’action était la décision de l’acteur.


Chez Boltanski, s’il n’y a pas d’action, il n’y a pas de social. L’action est primordiale et
généralisée, elle génère les personnes et le collectif. Sans action, le monde social se dissout
puisque les grandeurs, qui sont des conventions, disparaitraient.

d. Les personnes sont équipées de compétences particulières

L’idée de compétence s’oppose à Bourdieu : Si les personnes sont compétentes, c’est


qu’elles comprennent un minimum le social dans lequel elles évoluent. Elles font une analyse
sociologique spontanée qui leur permet d’évoluer dans le monde.

e. Les objets ont une importance particulière

La différence entre la cité et le monde : La cité est conceptuelle, tandis que le monde est
concret. Un monde est une cité dans laquelle on trouve des personnes et des objets, qui sont
aussi importants que les personnes. Éliminer les objets, c’est éliminer la compréhension que
l’on a du monde.

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Pour Latour (sociologie de la traduction), analyser un objet c’est analyser quelque chose
qui porte un sens social. Son étude porte sur un hygiaphone (mur de verre avec des trous).
Les objets eux-mêmes sont porteurs d’une charge institutionnelle qui traduisent la société
elle-même.
Chez Boltanski, les objets sont importants parce que c’est à travers eux que vont se faire les
épreuves lors de litiges ou de différends.

Une critique que l’on peut donner à Boltanski c’est la limitation du nombre de ses grandeurs.
Selon lui, il n’y en aurait que 7, relatives à chaque cité. Nous n’aurions que 7 espaces
d’action distincts.

Eymard-Duvernay va garder l’idée de convention et dit que ce sont des repères dans les
actions que l’on va mener. Il va agrandir cette notion de repère. Toutes les actions que nous
menons, sont menées à travers des repères communs que nous avons dans l’action. On peut
agir de la même façon sans pour autant avoir les mêmes repères.

7. LES THÈMES DE RECHERCHE : EXEMPLES

7.1) La communication

La communication regroupe tout processus de transmission et de perception des messages


entre individus ou groupes. C’est un champ d’analyses et d’expérimentations très vaste. Sa
place est de plus en plus importante depuis la moitié du 20ème siècle.

À l’IHECS, on parle de communication de masse : Il y a plusieurs récepteurs et un seul


émetteur (typique de nos sociétés modernes). On est loin des sociétés traditionnelles (qui
s’accompagnaient de systèmes de croyance et de systèmes de reproduction).
La société traditionnelle se caractérisent par différents éléments :

a. Seuls existent les rapports d’homme à homme.


b. Les comportements sont coutumiers, emplis de croyances, de normes et de valeurs :
Ce système a été accepté de tous.
c. L’apprentissage entre dès le plus jeune âge et aborde la représentation du monde
et de la société (comme la cosmologie, par exemple). Cette vision naturelle et sociale
était commune à tous : Les remises en question n’existaient pas.
d. La communication portait sur des détails mais n’influençait pas les comportements
fondamentaux, les normes et les règles (ont été établis une fois pour toute et
personne ne peut les remettre en question).

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Lola Barigand IHECS
1200121 Bloc 2 – Groupe G

- Communication et sociétés modernes

Les images fournies par les médias serviront à donner une vision de la société et permettront
aux individus de se conduire « comme il faut » (presse, cinéma,…sont remplis de conseils,
de modèles, de conduites).

Relations interpersonnelles caractéristique de la société industrielle : se décrire en face


d’autrui et comprendre autrui pour pouvoir se mettre à sa place.

Les médias de masse touchent des influents qui, à leur tour, influenceront les masses. On
retrouve deux type d’influent :

a. L’influent cosmopolite. Il contrôle l’information, en divulgue certaines (et pas


d’autres), manipule le(s) groupe(s) qu’il influence, et est toujours sélectif
(gatekeeper).
b. L’influent local. Il connaît parfaitement bien le groupe qu’il influence, il l’aide à
comprendre les informations et modifie leur perception (professeur, parents, curé,…)

Effets de la communication de masse :

a. Uniformisation culturelle (toucher tout le monde, tous voient la même chose). On


parle là d’aliénation.
b. Diversification de choix des acteurs sociaux (grandes possibilités de choix).
c. Médiatisation groupale (importance des groupes sociaux et des leaders d’opinion
comme agents médiateurs).

À l’intérieur des groupes, se forment les opinions, étant donné que les médias et les groupes
sociaux interagissent entre eux.
La communication est assez liée en marketing. Notons également une forte américanisation
des médias.

Nouveaux systèmes de communication (il est important pour les chercheurs en sciences
humaines de réfléchir à ces points suivants) :

a. Décalage entre invention des usages quotidiens et appropriation sociale

En effet, il y a un grand décalage entre les usages proposés par les équipes de
programmation et les pratiques des utilisateurs. O > D. L’invention doit être pertinente sur
un plan social.

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Lola Barigand IHECS
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b. Conception des innovations (toujours une orientation des innovations)

Dès la conception, il y a des orientations prises par les chercheurs et innovateurs qui sont
eux-mêmes dépendant d’une certaine culture, de leur apprentissage, de leur milieu social.

c. Société de l’information

Ce nouveau système a des conséquences sur la société : On s’imaginait que les nouvelles
technologies allaient supprimer les inégalités mais les grands réseaux et la diversité des
cultures amènent une nouvelle forme de sociabilité et de regroupement social. On parle là
d’uniformisation culturelle, et d’une américanisation des médias.

De plus, la vie humaine et les machines « intelligentes » nous font nous poser la question :
Quelle intelligence humaine ? Peut-on vraiment transférer toute une série de tâches de la vie
quotidienne vers des machines ? Que restera-t-il à l’homme ? Mise en garde : L’évolution
déshumanisante de la société… Il faut stopper le développement pour élaborer une éthique
de la technique.

7.2) Le pouvoir politique

C’est de la sociologie politique (différentes sortes de pouvoirs : Des parents, des profs, des
patrons,…)

2 types de pouvoirs (entre deux individus dans laquelle un des deux fait quelque chose qu’il
n’aurait pas fait auparavant) :

a. Relation
b. Domination

Le pouvoir s’obtient grâce à une de nos qualités, comme le charisme (le Régime d’Hitler,
par exemple, a disparu avec lui), et aux structures de la société nous en ont donné (comme
les gardiens de prison qui exercent du pouvoir sur les prisonniers parce que la structure leur
en a donné).

Dans notre système politique, l’autorité est rationnelle :

a. Pouvoir exécutif
b. Pouvoir législatif
c. Pouvoir judiciaire

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Les sociétés occidentales sont dominées par un modèle, qui est celui du pouvoir légal. L’État
détient le monopole de la violence physique.

Problème aujourd’hui du poids des experts sur nos modes de vie, nos libertés
fondamentales :

Sur le traitement de l’épidémie, il y a toute une question sur le pouvoir des experts : Est-il
normal que des experts menacent la population alors qu’ils n’ont pas le pouvoir légal de
décider ce genre de choses ? Le traitement de cette épidémie, de cette crise sanitaire par
les autorités publiques (qui détiennent réellement le pouvoir) pose un vrai problème. Le
gouvernement a fait une appel à une série d’experts pour prendre des décisions. Ils se
répandent dans la presse (« Si vous ne faites pas ça, alors… ») : Question de la légitimité
de la parole de l’expert choisi par le gouvernement.

Ce n’est pas à des gens non-élus à dire ce que l’on doit faire et notre manière de nous
comporter.

- Crozier : 4 sources de pouvoir par rapport aux zones d’incertitudes

On peut détenir le pouvoir en fonction de notre compétence, de la maîtrise d’information,


de la maîtrise de règles générales et des relations avec des organisations extérieures. En
fonction de notre autorité (charismatique, traditionnelle, rationnelle légale) :

Qui détient réellement le pouvoir ?

a. Élites – Polyarchie
Pareto penche pour une élite qui se partage le pouvoir, une polyarchie.
Aron, lui, opte pour de nombreuses élites qui ont chacune une forme de pouvoir
attribué.

b. Oligarchie – Démocratie
Selon Weberles, les sociétés occidentales sont caractérisées par le pouvoir légal.

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Pour Bourdieu, on parle d’oligarchie (pouvoir appartient à un petit nombre d'individus ou


de familles, à une classe sociale restreinte et privilégiée). Classe dirigeante.

Marx, lui, parle d’une oligarchie économiste.

La plupart des sociologues disent que nous sommes dans une polyarchie plutôt qu’une
démocratie : Rôle du peuple est d’élire des élites qui dirigeront à sa place.

Polyarchie : Pluralité des forces politiques et des centres de décisions et les


détenteurs du pouvoir savent que leur « règne » reste précaire.

Syndicats, patronats, politiques, experts : Regroupements institutionnalisés qui font


partie des élites et qui discutent des intérêts des uns et des autres

Au 16ème siècle naît le pouvoir politique (naissance de l’État moderne). Avant, on parlait de
pouvoir absolu, pouvoir autoritaire, divin, héréditaire, violence. Le quotidien des
règlements.
Il y avait donc une nécessité du refoulement de la violence physique au profit de la justice
d’État (la violence physique s’éteint donc petit à petit). Les groupes sociaux revendiquent
leur participation. Une série de décisions politiques a donc été nécessaire. L’État commence
à la contrôler, voir même à la punir

Qui possède le pouvoir formel et qui possède le pouvoir informel ? Problèmes de collision
entre « valeur » et « système politique » : Valeurs (égalité, fraternité) ≠ Système
d’organisation politique (démocratie) ! On pense qu’en instaurant une démocratie on va
instaurer une société égalitaire et fraternelle, car souvent on érige la démocratie en valeur
suprême : On dit « telle ou telle chose est une atteinte à la démocratie », alors il ne faut pas
oublier que ce n’est qu’un système politique et qu’il a ses qualités et défauts comme les
autre. La démocratie directe est rare : Élection, technicité croissante, primauté du pouvoir
exécutif…

2 possibilités de démocratie :

a. Pouvoir direct : Consultation des citoyens sur chaque problème


b. Pouvoir indirect (démocratie représentative) : Gouvernement prend des décisions à
notre place (les légitimes et les élus parlent en notre nom)

Le problème, c’est que la personne qu’on élit représente une majorité, mais pas l’unanimité.
Dans notre système, on donne le pouvoir à des hommes qu’on élit pour un mandat de
quelques années…

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Mais.. Pas de système parfait !

a. Notre système indirect fait croire qu’on perd de notre pouvoir de citoyen.
b. Système direct : Très lent pour prendre des décisions et bouge peu sur des questions
essentielles.
c. Système de « votations » (Suisse) : Extrêmes vont voter, les gens modérés ou qui s’en
fichent ne bougeront pas, ce qui amène un fort conservatisme.

Les problèmes deviennent de plus en plus complexes. Les citoyens ont de plus en plus de
mal à comprendre le système politique. Soit on le simplifie (et on tombe rapidement dans le
populisme), soit on essaie d’expliquer aux citoyens : Mais ceux-ci ne sont pas assez informés
pour comprendre. Généralement on simplifie les choses, plutôt que d’avoir une longue
phrase explicative, on cherche à avoir un slogan qui marque. La technicité éloigne le citoyen
du politique (individualisme est de plus en plus important).

La primauté du pouvoir législatif est une déviance du système démocratique. La démocratie


ne garantit pas quelque chose de bien pour tout le monde, elle ne garantit pas de sécurité
sociale, de croissance, etc. pour tout le monde !
Pourquoi il y a encore des SDF alors qu’on paie des impôts et que ça devrait les aider ? On
retrouve ces avantages dans des pays non-démocratiques…

Il y a donc un fossé qui se creuse entre les politiques et les citoyens. Les politiques, au lieu
de se remettre en question, critiquent les médias qui seraient les responsables de ce fossé
qui se creuse.

Pourquoi pas l’individualisme comme aux USA ?

Individualisme : « Je suis contre toute forme de contrainte à ma liberté, à mes


aspirations personnelles alors cela mène à des comportements sociaux et politiques
en collision avec les valeurs démocratiques ».

L’activité est aujourd’hui une occupation à temps plein, un vrai métier. On a des structures
avec des personnes payées à temps plein pour gérer le parti, les groupes parlementaires et
celui qui n’est pas réélu perd son travail. Femmes et hommes politiques constamment en
luttes pour leur place. Le métier de politique est un sujet en soi de l’étude sociologique.
Les électeurs sont aujourd’hui beaucoup moins attachés à un courant politique, à un électeur,
à un parti. L’électorat est de plus en plus volatile.

Contradiction du système démocratique : Vécu démocratique souvent valorisé mais l’égalité


des conditions n’existe pas, l’individualisme conduit à un appauvrissement social.

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a. La politique est un métier


b. Les électeurs et l’opinion publique
c. 10% des électeurs participent à la vie politique
d. Peu d’intervention dans le débat public
e. Illusion des sondages

- Les sondages

Durant les élections, il y a consultation par sondage, un mode très pratique d’intervention
des citoyens dans les affaires publiques.

Les sondages se font de plus en plus importants, familiers et courants dans notre façon de
voir le monde. Et ce pour 5 raisons :

a. Faits dans l’histoire qui ont accrédités la fiabilité des sondages.


b. Sondages pré-électoraux sont de + en + précis à l’approche de la date de l’élection.
c. Multiplication des offres des sondages (+ les instituts les obligent à être fiables).
d. Nouveaux débouchés en sciences sociales (sondeurs, politologues,…).
e. Utilisés par les journalistes pour parler au nom des citoyens aux politiques.

Mais il existe 3 limites des sondages (par Bourdieu) :

a. Tout le monde n’est pas intéressé par les sujets, n’a pas d’avis sur tous les sujets.
b. Tous les sujets ne se valent pas.
c. Toutes les réponses ne signifient pas la même chose.

Les sondages apprennent davantage sur les sondeurs que les sondés !

7.3) Les classes sociales

Le concept de classes sociales existe depuis longtemps, mais avant on ne l’étudiait pas, les
individus étaient des sujets et c’est tout.

A) 19ème : RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

a. Siècle de la propriété
b. Classe sociale de quelqu’un en fonction de sa place dans l’industrie (possesseur
d’une entreprise ou travailleur)
c. Tensions sociales faiblement institutionnalisées

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d. Quelques leaders mais en général les travailleurs ne comprenaient pas vraiment leurs
revendications

B) 20ème : NAISSANCE DES SYNDICATS

On détermine une classe selon 3 composantes :

a. Le milieu de vie (composante sociale)


b. Les pratiques culturelles (composante culturelle)
c. L’industrialisation (composante du travail)

- Marx, Weber et Touraine donnent leur avis

Karl Marx est le 1er sociologue à théoriser les classes sociales et la lutte des classes. Selon
lui, les classes se basaient sur la domination et le conflit (dominants-dominés). La position
dans la domination dépendait, à l’époque, du travail que l’on avait (un patron vivait
largement mieux qu’un travailleur).
Avant, la société était dualiste, on avait affaire à des dominés et des dominants.
Le courant de Marx existe encore, même s’il n’a plus beaucoup d’adhérents.

Max Weber, lui, a déconstruit l’idée de Marx ! Pour lui, en plus de la domination, il y a une
dimension économique-politique-statutaire.
« Statutaire » : Des gens occupent une position statutaire importante sans pour autant avoir
de gros revenus (le curé, l’instituteur, toutes les personnes clés d’un village), ils ne sont pas
importants grâce à leurs revenus, mais grâce à ce qu’ils représentent !

Selon Max Weber, il peut y avoir des solidarités et des oppositions à l’intérieur d’une même
classe ou entre différentes classes. Il distingue « ordre » de « classe ».

Ordre : Distinction sociale liée à une manière de vivre, de réagir. Il peut naître d’un
mode de vie ou du genre de profession, d’un acharisme héréditaire, revendication
de prestige, origines (naissance), d’une appropriation monopolistique des pouvoirs
politiques ou hiérocratiques.

Classe : Individus se trouvant dans une même situation de classe.

Parti : Groupement s’opérant autour d’un intérêt. Le parti est le porte-parole d’une
classe, il a la chance de voir durer la classe.

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L’ordre de passage est donc : Ordre > Classe > Parti. Il y a un plus grand volontarisme, une
prise de conscience plus importante des conditions d’existence !

Alain Touraine, lui, a déconstruit les idées de Marx. À l’avènement d’une société post-
industrielle (nouvelles technologies), les classes ne peuvent plus seulement dépendre d’un
rapport dominés-dominants, et on ne dépend plus non plus seulement des 3 composantes
vues précédemment.

a. Les genres de vie sont remplacés par des niveaux de vie


On est aujourd’hui dans une société qui comporte des niveaux de vie différents. Les
gens s’en rendent compte car ils fréquentent les même milieux. Et en effet, le même
niveau de vie génère des milieux de vie.

b. La réduction des écarts entre la ville et la campagne


C’est la mobilité a permis ça ! L’exil rural et urbain se font de façon égale : Il y a un
va-et-vient entre les deux.

c. La paupérisation ne frappe plus 1 classe sociale particulière mais des catégories


sociales particulières
Aujourd’hui, par exemple, c’est la misère chez les indépendants( avec le COVID).
Avant, il y avait une apparence de gens qui joignaient facilement les 2 bouts.
La dimension économique n’a plus vraiment d’importance : Une personne avec peu
de revenus peut décider de manger bio, d’avoir une vie très saine,…

d. La notion de « classe sociale » devient un « rapport de classe »


C’est la capacité à mobiliser des biens ou des services pour se procurer des rentes
et revenus. Par exemple, les syndicats, les groupes de pression qui travaillent avec
des gouvernements,…

e. Il n’y a plus qu’une seule élite au pouvoir unifiée mais différentes organisations au
pouvoir qui se croisent

f. Les revendications et luttes salariales acquièrent une autonomie croissante ><


politique d’ensemble du mouvement ouvrier
Il y a de moins en moins de mouvements qui prônent un changement radical de la
société. Nous sommes maintenant dans une société qui vise à ménager les choses.

Les médias mettent en avant, montrent la tendance de certaines philosophies de vie et de


genres. On peut ainsi avoir ce genre de vie, indépendamment de notre niveau de vie. La
notion de classe sociale a donc perdu de son importance.

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Aujourd’hui, les choses sont bien plus compliquées : La société ne peut plus être aussi
simplement divisées en deux classes. Les choses ont évidemment changé depuis Marx.

Mais la société reste stratifiée (composée de plusieurs couches). Elle pourrait être comparée
à un jeu de cartes : Transactions possibles entre les joueurs.

Chacun a des cartes inégalement réparties (familles pauvres, riches,..). Le joueur n’a pas de
prise direct sur les possibilités et son habilité n’existe que dans les cartes distribuées, il ne
peut agir qu’avec ses cartes !

Les positions fortes et faibles dépendent de 3 éléments :

a. Distribution inégale des atouts : Possibilités de bases inégales (on ne naît pas avec
les même atouts et cartes en main). Cette distribution inégale des atouts correspond
à la hiérarchie.
b. Règles : Même si elles sont suivies, elles peuvent mener à la perte « du jeu ».

L’idée de classe figée disparaît donc au profit du concept de « milieu de vie, milieu social ».
C’est un système de repérage social (vêtements, valeurs, loisirs,…). On peut avoir les
moyens de fréquenter un certaine milieu sociale, mais si on ne possède pas tous les codes,
les manières de comment fonctionner dans ce milieu, on peut très vite devenir un forme
d’usurpateur.

Bourdieu clame que les pratiques culturelles et sociales sont liées à des phénomènes de
groupe mais les groupes n’ont pas d’importance avec le niveau social (dominants-
dominés)… Il a essayé de comprendre ces pratiques.

7 critères qui caractérisent le milieu de vie :

a. Les études déterminent la profession, le revenu et les relations. « Si je fais des études
de droit pour faire un métier de magistrat, je rencontre alors des gens qui vivent des
situations similaires à la mienne.

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b. La profession détermine les relations, le revenu et l’insertion écologique. « Comment


j’envisage ma vie à l’intérieur même de la société : Quel type de logement, en ville
ou à la campagne,… ». « Si je suis ingénieur dans le milieu du n’éclaire, je vais
m’insérer près d’une centrale nucléaire et je vais rencontrer des gens qui vivent des
situations similaires à la mienne ».

c. L’insertion écologique va déterminer mon niveau de consommation. « Si j’habite à


la campagne je vais peut-être consommer plus local que si j’havite en ville ».

Le niveau de consommation dépend donc de mes revenus, de mes relations et de mon


insertion écologique. Le mode de vie dépend aussi de ma consommation et de mon insertion
écologique.

- Séparation des classes

a. Classe supérieure : Les profs d’université, les ingénieurs (haut niveau d’étude, hauts
revenus).
b. Classe moyenne : Les artisans, les petits commerçants, les cadres administratifs, les
instituteurs (niveau moyen à faible de responsabilités, niveau d’étude et de vie
moyens).
c. Classe inférieure : Les ouvriers, les agriculteurs (faible niveau d’étude, revenus
moyens à faibles).

Mais… C’est au fond bien plus complexe que cela : Les classes ne se limitent pas toujours à
ça ! Un agriculteur peut être très riche et un patron endetté.
Au sein d’une même classe sociale, les pratiques culturelles peuvent énormément varier :
Raskin joue au golf et chasse, ce qu’aucun autre prof de l’IHECS ne fait, alors qu’ils font
tous partie de la même sphère et vivent plus ou moins les mêmes choses…
C’était très différent, voire l’opposé à l’époque de Marx : Tous les gens d’une même classe
avaient les mêmes pratiques culturelles.

Le projet de vie, lui, ne dépend pas des classes. Il y a une volonté d’améliorer sa propre
situation : Il faut mobiliser les ressources pour atteindre cet idéal, en choisissant de fonder
une famille ou non, de se marier ou de rester célibataire, de vivre à tel ou tel endroit, etc.
Le projet de vie renvoie à l’habitus et aux différents capitaux de Bourdieu !

Si les niveaux sont très différents dans la possession de capitaux, on remarque alors une
certaine dissonance. Par exemple, le capital économique est fort, pour un capital symbolique
faible.

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Chaque individu espère recevoir plus qu’il ne donne : Tout le monde a un investissement
(éducation, ethnie), auquel il espère recevoir une récompense (profession ou revenu). On
remarquera que nous crions facilement l’injustice si on n’a pas de récompense
proportionnelle à nos investissements…

Cet effet de dissonance est provoqué par :

a. Statut incongru (investissement > récompense). Par exemple : Le haut niveau


d’éducation et le bas niveau de revenu.
b. La dimension d’investissement est plus forte qu’une autre. Par exemple, il est
« normal » qu’un blanc qui a fait des études atteigne un poste haut-placé et ait un
revenu élevé, mais moins normal qu’un noir qui ait fait les même études atteigne un
haut poste et un haut revenu…
c. La dimension de récompense est plus importante que l’autre. Par exemple, une
profession de haut statut avec un faible revenu.

Cela amène les individus à réagir. 5 réponses contre la dissonance :

a. Essai de mobilité sociale : Réajustement de la position (volontaires).


b. Isolation sociale (la forme extrême étant le suicide).
c. Développement de symptômes psychosomatiques (comme le burn out, par exemple)
d. Défense d’une politique libérale (souvent due à une sous-récompense à
l’investissement). Par exemple, les patrons des petites PME qui ne se sentent pas pris
en compte.
e. Préférence pour un changement social radical (si malgré tous les investissements
produits je ne découvre pas de récompense, alors je change de système : C’est lui
le problème). Il y a là révolution.

Un projet individuel se lit dans un contexte général où le désir et modèle sont essentiels. Il
y a toujours un médiateur qui lui désigne son désir.

- Les champs

Nous évoluons dans des champs. Voici les 3 champs qui ont toujours existé :

a. Le champ politique
b. Le champ économique
c. Le champ religieux

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Ces champs ont servi à structurer les sociétés humaines et sont les géniteurs d’autres.
Mais les acteurs participent à d’autres champs divers. En effet, il y a une multitude de
champs (qui sont liés) !

Habitus : L’ensemble des dispositions durables intériorisées durant la socialisation.Il


est générateur de pratiques objectivement classables, er générateur du système de
classement de ces pratiques.

L’habitus est lié à un groupe social particulier (habitus de la classe ouvrière, de la classe
commerçante,…).

On parle d’éthos de position : Ensemble des principes moraux implicites propres à


une catégorie sociale (concept utilisé d’abord par Weber et repris par Bourdieu).

Par exemple, « je souhaite sauver les pauvres enfants sans éducation dans les pays pauvres
parce que j’ai été élevé comme cela mais je n’ai pas les moyens pour y arriver… ».

Quelles sont les possibilités d’éthos ou d’habitus que nous pouvons rencontrer globalement,
schématiquement ? Pour répondre à la question, abordons la théorie des jeux, qui
représentent les différents éthos de position :

a. Le jeu de hasard : La vie est perçue comme une loterie. Dans cette situation, il est
impossible de faire un calcul sur l’avenir.
b. Le jeu avec des règles et l’individualisation : Ici les règles sont connues, la tactique
est individuelle et vise à améliorer ou renverse la position. Je ne fais pas confiance
au groupe, je ne veux pas dépendre de quelqu’un. C’est l’habitus des indépendants.
c. Le jeu avec règles et la force collective : On s’insère dans un groupement, une
association, un syndicat. Grâce à ce collectif, on peut améliorer la position de tous.
d. Le jeu avec des règles et les univers imaginés : C’est l’habitus des artistes, on est un
peu reculé par rapport à tout le monde.

Ce sont, en fait, des manières de vivre sa vie qui se répercutent sur la perception que l’on
a de soi-même.

La pluralité d’éthos de position est associée à la pluralité registres de lecture :

a. Registre pratique. Ce registre fait surtout appel à la chose matérielle. Une œuvre
d’art sera surtout appréciée sur la quantité de travail qu’elle a demandé, sur la
matière travaillée. Ce registre est surtout présent au sein du monde ouvrier.

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b. Registre du rêve. Il est opposé au registre pratique. Il est refusé généralement par le
milieu ouvrier. Les autres milieux jouent, quant à eux, avec ces deux registres tout en
les dissociant. Par exemple : L’émotion qu’une œuvre d’art peut provoquer.
c. Registre théorique. Ce registre n’est qu’une autre dimension des univers imaginés.
Les théories, axiomes, proverbes, etc. ne sont positifs que dans la mesure où ils
coexistent avec le registre de la vie pratique, où la correspondance entre théories et
pratiques est constamment présente.
d. Registre moralisateur. Le monde rural se sent moralement supérieur aux autres,
même s’il a l’impression de n’être pas reconnu à sa juste valeur. L’apport du monde
rural est perçu par celui-ci comme une contribution à la stabilité de la société.

- Langage, espace, temps

Selon la position de classe, le rapport à ces 3 éléments est différent (abstrait ou concret) :

a. Le langage : Permet d’autonomiser l’expérience vécue. Il est transposable dans des


situations multiples.
b. L’espace : Groupes qui trouvent leur identité et leur sécurité à partir d’un territoire
(rapport concret à l’espace) ou dans un univers familier, malgré les substitutions de
personnes (rapport abstrait à l’espace).
c. Le temps : On parle de discontinuité (ne permet pas de faire des projets pour
l’avenir, c’est concret). Ce sont les gens qui vivent au jour le jour, comme les SDF
par exemple. Mais on peut également parler de continuité, qui permet de faire des
projets pour l’avenir (abstrait). Ce sont ceux qui ont hérité d’un château se disent
que, vu qu’ils ne sont que de passage, leur devoir est de laisser ce qu’ils ont reçu
aux générations qui suivent.

- Les trajectoires

a. Les trajectoires sociales : Les trajectoires sociales à un volume déterminé de capital


hérité correspond un faisceau de trajectoires. Par exemple, la naissance dans une
famille ouvrière, « je peux espérer de devenir fonctionnaire pour progresser dans
l’échelle sociale ». Les parents espèrent toujours que leur enfants seront mieux
qu’eux !
b. Les trajectoires modales : Il s’agit de l’espoir que l’on peut mettre (toujours
modéré)… Cette trajectoire dépend de la classe sociale dans laquelle l’individu est
inséré et de la volonté que les parents et le milieu ont pour lui. C’est le cheminement
normal d’un individu, il ne détonne pas par rapport à l’espérance collective projetée
sur lui. Il s’agit de la trajectoire que l’individu est censé prendre, il va adhérer à la
référence (Père ouvrier > Fils ouvrier > Petits-enfants ouvriers).

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c. Les trajectoires déviantes : Il s’agit de la trajectoire probable pour une autre classe
que la sienne (ascendante ou descendante). Elle est en rupture avec les espérances
de départ des parents et du milieu projetées sur l’enfant. Par exemple, « je nais dans
une famille d’intellectuels, je ne fais pas d’études, je finis vendeur chez Décathlon ».

Chaque famille et classe sociale développent des stratégies de reproduction pour le maintien
de l’individu dans la classe sociale : Il s’agit de la stratégie de reproduction (de Bourdieu) :

a. Stratégie de fécondité : Limiter le nombre d’enfants ou augmenter comme les familles


ouvrières.
b. Stratégie successorales : Codifier et coutume de perdre le moins de patrimoine d’une
génération à l’autre.
c. Stratégie éducative : Investir dans l’éducation de mes enfants, leur diplôme leur
permettant d’obtenir à des métiers rémunérateurs.
d. Stratégie prophylactique : Patrimoine biologique maintenu en état potable grâce au
soin.
e. Stratégie économique : Reproduction du capital économique, en faisant des
opérations de crédits et d’épargne, et en mettant de l’argent de côté pour les enfants.
f. Stratégie d’investissement social : Entretient des relations sociales. Le réseau social
permet à l’enfant d’être privilégié.
g. Stratégie matrimoniale : Maintien du patrimoine biologique et du patrimoine
financier grâce à des dallianceses, rallyes.
h. Stratégie idéologique : Légitimation des privilèges. « Il est normal que je sois comme
cela vu que je viens de ce milieu ».

Les stratégies existent pour reproduire la situation telle qu’elle était.

- La classe moyenne

C’est la classe intermédiaire, celle qui se trouve entre les autres classes.

a. Elle n’existait pas chez Marx


b. Vue comme une classe intermédiaire entre la bourgeoisie et les classes populaires
c. C’est un concept qui revient souvent dans la politique ou les médias
d. Elle est très mouvante sur le plan politique
e. Le savoir particulier est favorisé
f. Elle exerce également un pouvoir
g. Elle occupe des positions très diverses dans la société et non une
h. Sa caractéristique principale est l’ambiguïté
i. Elle est neutre

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Lola Barigand IHECS
1200121 Bloc 2 – Groupe G

j. Elle fait basculer des élections

Il y a 2 types de classes moyennes.

a. L’ancienne, qui est composée de la (petite bourgeoisie avec peu de moyens (mais
assez pour vivre). Elle regroupe les commerçants, les artisans,…
b. Et la nouvelle, qui est composée de salariés, qui ont des compétences et des savoirs
particuliers.

On a affaire à une double négation :


Le désir de distinction (on refuse de faire partie de certaines classes, et on ne veut pas de
ressemblance à la classe « d’au-dessus »). Authenticité, bonne conscience.
Et le désir d’ascension sociale, de mobilité sociale : La classe moyenne veut aller vers la
classe d’au-dessus, parce qu’elle a du mal à être elle-même !

a. Consommation culturelle élevée : Elle tend à se rapprocher de la culture dominante,


sans jamais l’atteindre tout à fait.
b. Perméabilité : Adoption de codes qu’elle ne maîtrise pas forcément, et sera donc
plus perméable.
c. Positionnement de suiveur.

Bourdieu appelle cette classe la petite bourgeoisie. Elle se distingue par une consommation
culturelle élevée qui tend à se rapprocher de la culture dominante sans jamais l’atteindre
tout à fait.

3 groupes de la petite bourgeoisie :

a. La petite bourgeoisie en déclin (travailleurs indépendants : artisans, commerçants).


b. La petite bourgeoisie d’exécution (professions intermédiaires : Cadres moyens,
techniciens, employés).
c. La petite bourgeoisie nouvelle (agents sociaux détenteurs d’un capital culturel élevé).

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