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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 46-041- 43-141-B

46-041
43-141-B

Abord chirurgical de l’artère carotide


interne intrapétreuse
JM Thomassin R é s u m é. – L’artère carotide interne cervicale haute, profondément enfouie sous
A Branchereau la base du crâne, est d’un abord chirurgical difficile.
F Braccini Le contrôle de cet axe vasculaire se justifie pour des lésions dysplasiques,
anévrismales ou traumatiques.
Les auteurs exposent une technique chirurgicale avec un abord infratemporal
antérieur sans déroutation du nerf facial ni sacrifice de l’audition.
Les temps opératoires clés sont la luxation en avant du condyle mandibulaire, après
dissection sous-périostée et qui donne un accès direct sur l’espace interjugulo-
carotidien, et le fraisage de l’apophyse vaginale de l’os tympanal, qui ouvre l’accès à
la face postéroexterne de la partie verticale du canal carotidien.
Cette intervention nécessite une étroite collaboration entre oto-rhino-laryngologue et
chirurgien vasculaire.
Le contrôle de l’artère carotide interne ainsi obtenu permet de traiter par chirurgie
vasculaire reconstructrice des lésions jugées inopérables jusqu’à ces dernières
années.
Cette technique qui permet d’éviter le sacrifice auditif s’avère particulièrement
intéressante lorsqu’on sait que les lésions dysplasiques de la carotide interne sont
bilatérales dans 60 à 70 % des cas.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction – le second est un coude au contact de la paroi antérieure de la caisse du


tympan ;
L’abord chirurgical de l’artère carotide interne au niveau de la base du – le troisième segment est plus long, il côtoie médialement le tube
crâne pour des lésions dysplasiques, anévrismales ou traumatiques auditif de telle sorte que son abord chirurgical nécessite le sacrifice de
impose le contrôle de cet axe vasculaire dans la portion verticale de son ce dernier ; son orifice supérieur de sortie appelé foramen lacerum se
segment intrapétreux. La technique la mieux adaptée nous paraît être un situe dans l’endocrâne, tout près de l’apex pétreux.
abord infratemporal antérieur, sans dérouter le nerf facial et en L’orifice du canal carotidien est situé à 1 cm médialement par rapport à
respectant l’oreille externe et moyenne. Elle impose la collaboration l’apophyse styloïde, au contact de la veine jugulaire interne qui est située
d’une équipe associant oto-rhino-laryngologues et chirurgiens en arrière, alors que la portion rétrécie du foramen jugulaire et donc
vasculaires. l’émergence des nerfs mixtes, sont immédiatement en dedans et en
profondeur.
Rappel anatomique La portion verticale du canal est séparée de la caisse du tympan par le
tympanal (fig 2). Le fraisage de l’apophyse vaginale du tympanal ouvre
la berge postéroexterne de cette portion verticale. La berge externe de la
L’entrée du canal carotidien se situe à la face inférieure de l’os temporal portion horizontale est en rapport direct avec la scissure de Glaser et
(fig 1). Le canal osseux qui lui fait suite est composé de trois segments : donc en rapport avec le tube auditif. Immédiatement en avant de
– le premier est vertical et court, ne dépassant pas 5 mm de hauteur ; l’apophyse vaginale se trouve l’épine du sphénoïde, qui constitue un
contrefort en dehors de l’artère méningée moyenne qui pénètre par le
foramen spinosum. Le dégagement de l’apophyse vaginale doit être
prudent vers l’avant et il faut repérer l’artère méningée moyenne avant
Jean-Marc Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de sa pénétration dans son canal osseux. Plus en avant se trouve le foramen
service, fédération d’oto-rhino-laringologie. rotondum laissant passage au nerf maxillaire inférieur.
Frédéric Braccini : Assistant des Hôpitaux, chef de service.
Alain Branchereau : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service,
groupe hospitalier de la Timone, 26, rue St-Pierre, 13385 Marseille.
Techniques chirurgicales
© Elsevier, Paris

Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Branchereau A
et Braccini F. Abord chirurgical de l’artère carotide interne intrapétreuse. Encycl Abord du segment vertical intrapétreux
Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales — Tête et cou, 46-041,
Techniques chirurgicales — Chirurgie vasculaire, 43-141-B, 1999, 7 p.
Elle réalise une pétrectomie antérieure.

150 464 EMC [282]


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2 Vue inférieure de la base du crâne représentant les rapports osseux de l’artère


carotide interne et du nerf facial.

3 Tracé des incisions.


1. Cervicomastoïdienne à
double courbure ; 2. verti-
cale préauriculaire.

sacs d’eau ou de gel de silicone. Un matelas chauffant peut être utile. La


tête est tournée vers le côté opposé. La région mastoïdienne est
directement placée sour le regard du chirurgien qui est assis à la tête du
B
patient, du côté à opérer. Le champ opératoire est temporal et
1 A. Rapports de l’artère carotide interne sous la base du crâne. Tracé de la ligne cervicomastoïdien comme l’indique la figure 3.
de Blaisdell. 1. Ganglion de Gasser ; 2. sinus pétreux inférieur ; 3. clivus ;
4. tronc basilaire ; 5. moteur oculaire externe (abducens) ; 6. carotide interne
intrapétreuse ; 7. condyle du maxillaire inférieur ; 8. artère cérébelleuse postéro- Incision cutanée [1, 5]
inférieure ; 9. glossopharyngien ; 10. pneumogastrique ; 11. hypoglosse ;
12. sinus sigmoïde ; 13. facial intrapétreux ; 14. branche externe du spinal ; Elle suit un tracé à double courbure de la région temporale jusqu’au cou
15. facial intracrânien ; 16. pointe de la mastoïde ; 17. ligne de Blaisdell ;
18. racine du trijumeau ; 19. artère cérébelleuse artéro-inférieure ; 20. sinus (fig 3 tracé 1). La partie essentielle de l’incision est sus- et
pétreux supérieur ; 21. facial intracrânien ; TC : tronc cérébral ; FO : fenêtre rétroauriculaire ; elle descend en bas dans le cou pour atteindre le bord
ovale ; FR : fenêtre ronde ; MA : moelle allongée. antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) jusqu’en regard de
B. La mandibule est montrée en position de subluxation. la grande corne de l’os hyoïde ; vers le haut, elle suit à 3 cm au-dessus et
en arrière le sillon sus- et rétroauriculaire. Au niveau temporal, le
Installation décollement se fait d’emblée jusqu’à l’os pour récliner en bloc les parties
molles en direction du méat auditif externe (MAE). Ce dernier est
Le patient doit subir un shampooing avec de la bétadine avant de sectionné et le décollement est poursuivi vers l’avant jusqu’à l’aplomb
procéder à un rasage soigneux, périauriculaire, large de 4 cm au-dessus du condyle mandibulaire. Ainsi, l’opérateur dispose d’une large voie
et en arrière de l’oreille. En salle d’opération, un nouveau shampoing à d’abord. Les parties molles libérées sont maintenues vers l’avant par des
la bétadine est nécessaire. Les mèches de cheveux sont rabattues en fils de traction et sont couvertes d’une compresse humidifiée.
dehors du champ opératoire et gominées. Le malade est couché en
décubitus dorsal, la tête dans une têtière ou plus simplement sur le plan Il existe une variante à ce type d’abord cutané qui consiste à réaliser une
de la table d’opération. Compte tenu de la durée moyenne de voie préauriculaire qui rejoint ensuite le bord antérieur du SCM (fig 3
l’intervention, il est capital de protéger tous les points d’appui avec des tracé 2) [3].

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4 Exposition en position
opératoire des gros vais-
seaux du cou (côté
gauche).

7 Subluxation de la mandibule maintenue par un écarteur asymétrique


(MicroFranceT).

8 Exposition de l’apo-
physe vaginale du tympa-
nal jusqu’à l’épine du
5 Une fois le muscle digastrique sectionné, la dissection distale de l’artère carotide sphénoïde.
interne expose le nerf glossopharyngien qui croise par l’avant l’artère carotide interne
puis passe en arrière de l’artère carotide externe. Noter l’apophyse styloïde et les
muscles stylohyoïdiens.

9 Dégagement et repé-
rage de l’artère méningée
6 Exposition du tronc du moyenne qui limite la dis-
nerf facial et ablation de la section vers l’avant.
partie profonde de la
glande parotide.
temporomandibulaire (ATM). Cette manœuvre commence par le
dégagement de la face antérieure du MAE et de l’arcade zygomatique.
Exposition des vaisseaux (fig 4) À l’aide d’une rugine de Tessier, on effectue une dissection sous-
Le dégagement du bord antérieur du SCM ouvre la gouttière périostée de la cavité glénoïde au-dessus et en arrière du ménisque de
carotidienne. Au préalable, on aura pratiqué sa désinsertion de l’ATM. Ce temps chirurgical est parfois hémorragique, il est essentiel si
l’extrémité de l’apophyse mastoïde, après avoir réalisé un lambeau on veut obtenir une luxation maximale qui ouvre au mieux l’accès à
musculopériosté mastoïdien à pédicule postérosupérieur permettant, en l’espace interjugulocarotidien. Pour maintenir cet écart, on met en place
fin d’intervention, son réamarrage. L’identification des gros vaisseaux un écarteur spécial à crémaillère (MicroFrance) (fig 7). Au cours de cette
se fait en amont de la zone pathologique en même temps que les nerfs manœuvre, il faut faire très attention à ne pas étirer le tronc du nerf facial.
crâniens X, XI et XII sont repérés (fig 5). On peut ensuite commencer l’exposition de la fosse intratemporale. Le
Le tronc rétroparotidien du nerf facial est repéré dans l’angle dièdre qui tronc du nerf facial est dégagé jusqu’à sa sortie du trou stylomastoïdien.
se dessine entre la face antérieure de la mastoïde et la face inférieure du La partie sous-faciale de la glande parotide est enlevée. La dissection
MAE. Il est disséqué dans la parotide jusqu’à sa bifurcation, on poursuit dégage la partie inférieure du MAE puis se porte au niveau de
cette dissection au niveau de sa branche inférieure cervicofaciale. La l’apophyse vaginale en avant qui est progressivement exposée jusqu’à
veine intraparotidienne est sectionnée. On aborde ensuite l’espace sous- l’épine du sphénoïde (fig 8) ; à ce niveau est repérée l’artère méningée
parotidien postérieur. Le muscle digastrique est désinséré dans sa moyenne qui pénètre dans l’endocrâne par le foramen spinosum (fig 9).
rainure et refoulé vers l’avant. La glande parotide au niveau de son pôle La partie haute de l’artère carotide interne est recherchée au-dessus et
inférieur est libérée tout en contrôlant le rameau mentonnier du nerf en avant du nerf glossopharyngien. Elle est profonde et oblique en haut
facial qui est mobilisé vers le haut. L’apophyse styloïde est sectionnée et en arrière. À ce niveau, sa dissection est souvent rendue difficile par
après avoir été ruginée à la pince gouge (fig 6). Le rideau des muscles les modifications induites par la pathologie carotidienne. Il faut donc se
styliens est dégagé en faisant attention de ne pas traumatiser le nerf porter sur le canal carotidien, ce qui conduit à l’exposition de l’artère
glossopharyngien. On réalise ensuite la luxation de l’articulation carotide interne dans son segment vertical intrapétreux jusqu’à son

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coude. On réalise, sous microscope opératoire, une pétrectomie de
l’apophyse vaginale du tympanal après squelettisation du MAE aux
niveaux antérieur, inférieur et postérieur (fig 10A, B, C). Celle-ci est
effectuée à l’aide d’une fraise coupante puis diamantée, en passant au-
dessus du tronc du nerf facial qui barre la région. Le fraisage de
l’apophyse vaginale ouvre la face externe de la portion verticale, il
remonte en haut jusqu’à l’ouverture du tube auditif (fig 11). Il est
poursuivi en avant au niveau de l’épine du sphénoïde afin de dégager
l’artère carotide interne sur la berge antérieure. Le fraisage n’atteint
cependant pas le foramen spinosum, mais peut dégager le coude et se
poursuivre sur le début de la portion horizontale (fig 12). 11 Dégagement osseux
Durant tout ce temps osseux de fraisage, il faut faire très attention à ne et dissection de la carotide
pas traumatiser le tronc du nerf facial. Certains recommandent une fraise interne dans son segment
vertical.
longue gainée [8] ; on peut également, comme nous le faisons, protéger
le nerf au moyen d’une petite lame malléable. Le fraisage de la paroi
antérieure du tympanal doit absolument respecter la cavité tympanique
mais être suffisamment large (demi-circonférence) pour permettre la
mobilisation de l’artère carotide intrapétreuse.

Variantes techniques
L’exposition de l’artère carotide interne, dans son segment intrapétreux,
peut se faire par d’autres approches qui vont s’accompagner
obligatoirement d’une exclusion de l’oreille moyenne et d’une
déroutation antérieure du nerf facial. Elle donne un abord excellent à la 12 Exposition de la pre-
portion verticale et au coude de la carotide interne intrapétreuse. mière portion du coude et
du début de la portion ho-
Il existe deux variantes aux voies infratemporales de Fisch [1] : rizontale de la carotide in-
– la voie de type A permet l’abord de la portion verticale et du coude de terne intrapétreuse.
l’artère carotide interne intrapétreuse ; elle comporte le déroutement de
la deuxième et de la troisième portion du nerf facial, du trou et un otodrain imprégné d’antibiotiques au niveau du MAE est
stylomastoïdien au ganglion géniculé, et le sacrifice de l’oreille nécessaire pendant 15 jours, temps de cicatrisation dû à sa section
moyenne ; malgré cela, elle ne donne qu’un jour limité en avant au (fig 15).
niveau de l’artère carotide interne (fig 13) ; À 1 mois, tous les patients présentent une fonction faciale de grade I
– la voie de type B permet d’exposer la portion horizontale de l’artère selon la classification de House et Brackmann (fig 16).
carotide interne intrapétreuse ; elle comporte l’abaissement du condyle Il n’y a aucune séquelle secondaire à l’ouverture du tube auditif de même
mandibulaire après désinsertion du muscle temporal, le fraisage de qu’après la luxation de l’articulation temporomandibulaire. À partir du
l’oreille moyenne, le déplacement du nerf facial. Le fraisage par rapport dixième jour, nous recommandons une mécanothérapie mandibulaire au
à la voie A est poursuivi au niveau de la fosse mandibulaire et de la patient opéré.
grande aile du sphénoïde. La section de l’artère méningée moyenne et
du nerf mandibulaire permet d’abaisser davantage le condyle à l’aide •
d’un écarteur pour gagner de l’espace ; il faut veiller à ne pas trop tendre • •
le tronc rétroparotidien du nerf facial. Le fraisage ainsi terminé permet
d’exposer la portion horizontale de l’artère carotide interne jusqu’au L’artère carotide interne cervicale haute, profondément enfouie
niveau du foramen lacerum (fig 14). sous la base du crâne, est d’un abord difficile. Contrairement aux
procédés décrits (cf supra) [3, 5], l’exposition du segment vertical et
du coude du canal carotidien est possible sans avoir à sacrifier
Suites opératoires et complications l’oreille moyenne, qui engendre une surdité de transmission, et
sans devoir dérouter le nerf facial dans ses deuxième et troisième
La sortie du patient a lieu 6 à 8 jours après l’intervention, l’ablation d’un portions, ce qui est responsable de séquelles définitives de
drainage se faisant 3 jours après l’intervention. grade II, voire III, de la classification de House et Brackmann [2].
Une parésie de la branche mentonnière du facial est souvent retrouvée La qualité de l’exposition repose sur deux éléments essentiels. Le
mais celle-ci est transitoire. Sur plus de 25 cas opérés, dont huit premier est la luxation de l’articulation temporomandibulaire qui
concernant des anévrismes post-traumatiques [6] , nous n’avons à donne un accès direct sur l’espace interjugulocarotidien et qui
déplorer aucune atteinte auditive, seul un calibrage par lame de Silastict permet d’exposer l’apophyse vaginale du tympanal. Sa reposition

A B C
10 A. Pétrectomie du tympanal sur son versant antérieur, inférieur, postérieur et B. Protection du tronc du facial par une lame malléable.
fraisage de l’apophyse vaginale du tympanal tout en respectant le méat auditif C. Nerf maxillaire inférieur V3 sortant du foramen rotondum.
externe cutané.

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15 Aspect postopératoire du patient au


huitième jour.

en fin d’intervention, grâce à une dissection sous-périostée de la


cavité glénoïde ne laisse aucune séquelle à la mastication, à
l’opposé des techniques sacrifiant le condyle mandibulaire. Le
deuxième élément est le fraisage et l’exposition de la région haute
13 Voie infratemporale type A de Fisch avec déroutation antérieure du nerf facial. et basicrânienne de l’artère carotide interne de part et d’autre du
tronc rétroparotidien du nerf facial [8] . Ce dernier doit être
parfaitement dégagé et libre du tissu glandulaire parotidien afin
d’éviter toute manœuvre d’étirement du nerf lors de la mise en
place de l’écarteur et lors des manœuvres effectuées pendant le
temps de restauration vasculaire.
Le contrôle de l’artère carotide interne dans le canal intrapétreux
permet d’aborder et de traiter, par chirurgie artérielle
reconstructrice, des lésions jugées inopérables jusqu’à ces
dernières années (fig 17A à D, 18).
En effet il est possible, grâce à ce type de voie d’abord, de traiter
des lésions traumatiques ou des anévrismes qui affleurent la base
du crâne, voire qui intéressent le premier segment vertical du
canal carotidien. Il a été clairement établi que pour ce type de
lésion, la chirurgie restauratrice (fig 19A, B) était préférable à la
simple ligature [4, 7]. Vers l’amont, l’artère carotide interne peut être
abordée soit dans l’espace sous-parotidien, soit au niveau de son
origine. Cette deuxième solution est préférable lorsqu’elle est
possible car elle évite une dissection trop poussée des nerfs
crâniens (IX, X, XII). Nous avons en effet observé que ce type de
dissection et la mobilisation de ces nerfs, même en préservant
l’intégrité de leurs troncs, déterminent régulièrement des troubles
dont la régression est très longue, voire incomplète. Il s’agit en
particulier de troubles de la mobilité du larynx et de troubles
secondaires à une parésie du IX.
La connaissance de ces voies qui ne peut se concevoir qu’en
collaboration avec une équipe oto-rhino-laryngologiste rodée à ce
type de chirurgie, élargit encore le champ de la chirurgie
restauratrice de l’artère carotide interne, en particulier dans le cas
de certaines lésions traumatiques, ce qui est d’autant plus
14 Voie infratemporale type B exposant la portion horizontale de la carotide interne. intéressant que ces lésions surviennent généralement chez des
sujets jeunes.

Figures 16 à 19 et Références ➤
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16 Aspect au troisième mois : ab-


sence de déficit facial.

A B C

17 Anévrisme post-traumatique sous la base du crâne chez un homme de 24 ans.


A. Angiographie numérisée mettant en évidence un anévrisme de l’artère carotide interne.
B. Tomodensitométrie (TDM) en reconstruction tridimensionnelle de l’anévrisme.
C. Reconstruction latérale objectivant le lieu de pénétration dans le canal artériel de la carotide interne.
D. TDM cervicale après injection précisant la situation à la base du crâne de l’anévrisme avant la pénétration
D de la carotide interne dans le canal osseux vertical.

18 Tomodensitométrie tridimensionnelle mettant en évidence un anévrisme dans le segment vertical intrapé-


treux de la carotide interne chez un homme de 35 ans.

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Techniques chirurgicales ABORD CHIRURGICAL DE L’ARTÈRE CAROTIDE INTERNE INTRAPÉTREUSE 46-041
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A B C
19 Angiographie.
A, B. Anévrisme de la carotide interne post-traumatique au niveau de la portion verticale du canal constitué.
C. Aspect angiographique après réparation de l’axe vasculaire par un greffon de saphène.

Références
[1] Fisch U. Infratemporal fossa approach to tumours of the
temporal bone and base of the skull. J Laryngol Otol 1978 ;
92 : 949-967
[2] House JW, Brackmann DE. Facial nerve gradins system.
Otolaryngol Head Neck Surg 1985 ; 93 : 146-150
[3] Magnan PE, Branchereau A, Cannoni M. Traumatic
anevrysms of the internal carotid artery at the base of skull.
J Cardiovasc Surg 1992 ; 33 : 372-379
[4] Moreau P, Albat B, Thevenet A. Traitement des anévri-
smes de l’artère carotide interne extra-crânienne. Ann Chir
Vasc 1994 ; 8 : 409-416
[5] Pech A, Mercier CL, Thomassin JM, Piligian F. L’abord chi-
rurgical de la partie haute de la carotide interne cervicale.
J Fr ORL 1983 ; 32 : 401-406
[6] Rosset E, Magnan PE, Thomassin JM, Branchereau A.
Surgical treatment of extracranial internal carotid
anevrysms. J Cardio vasc Surg 1999 ; 40 : 212-216
[7] Rosset E, Roche PH, Magnan PE, Branchereau A. Surgi-
cal management of intracranial internal carotid artery aneu-
rysms. Cardiovasc Surg 1994 ; 2 : 567-572
[8] Zanaret M, Giovanni A, Cannoni M et al. Approche chirur-
gicale du segment vertical pétreux et cervical haut de la
carotide interne. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1994 ;
111 : 211-216

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¶ 46-040

Chirurgie de la fosse infratemporale


S. Bailleul, P. Bordure, M. Gayet-Delacroix, C. Beauvillain de Montreuil

Située profondément sous la base du crâne, la fosse infratemporale est un carrefour entre la face en
avant, le pharynx en dedans et l’étage moyen de la base du crâne en haut. Difficilement explorable
cliniquement, l’abord de la fosse infratemporale est réservé à l’exérèse des tumeurs primitives, des
extensions tumorales de voisinage et d’éventuels corps étrangers. L’envahissement de cette région a un
intérêt pronostique et thérapeutique majeur dans le bilan d’extension de la pathologie de voisinage. La
tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique permettent actuellement une exploration
complète de cette région. De nombreuses voies d’abord chirurgicales ont été développées, selon la
topographie et la taille des lésions à traiter. Plus récemment, l’essor de l’endoscopie et de la chirurgie
assistée par ordinateur autorise un repérage très précis des structures nobles de la fosse infratemporale et
un contrôle de la qualité d’exérèse tumorale. Ces techniques doivent également permettre d’évoluer vers
des voies d’abord moins invasives.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fosse infratemporale ; Voie transmaxillaire ; Endoscopie ; Voie transzygomatique ;


Voie transmandibulaire

Plan • en dehors, le ramus mandibulaire depuis le condyle jusqu’à


l’angle mandibulaire ;
¶ Rappel anatomique 1 • en dedans, la lame verticale du palatin qui ferme la fosse
Anatomie descriptive 1 ptérygopalatine, et la lame latérale du processus ptérygoïde ;
Anatomie radiologique 2 • en haut et en dedans, la face exocrânienne de la grande aile
¶ Différentes voies d’abord 2 du sphénoïde où s’ouvrent les foramens ovale et rond ;
Voies d’abord limitées 2 • en haut et en dehors, l’os temporal ;
Voies d’abord élargies 7 • en bas, il n’y a pas de limite osseuse.
¶ Apport des techniques endoscopiques et de la chirurgie
assistée par ordinateur 11 Limites ligamentaires :
¶ Conclusion 11 • en arrière, le ligament sphénomandibulaire, renforcement de
l’aponévrose qui recouvre les faces postérieure et médiale du
muscle ptérygoïdien médial. Il s’étend de l’épine sphénoïdale
à l’entrée du canal mandibulaire et ferme la fosse infratem-
■ Rappel anatomique porale en dedans et en arrière ;
• en avant, le ligament ptérygomandibulaire, tendu de l’hamu-
Anatomie descriptive lus ptérygoïdien à la mandibule.
Une bonne connaissance de l’anatomie de la fosse infratem-
porale est un prérequis indispensable à la chirurgie de cette Contenu
région.
La fosse infratemporale correspond à la partie profonde de La région rétromaxillozygomatique, antérolatérale, contient le
l’espace masticateur. Elle reconnaît des limites osseuses et corps adipeux de la joue et l’insertion du muscle temporal sur
ligamentaires et peut être divisée en trois sous-régions. Elle le processus coronoïde.
contracte des rapports avec de nombreuses régions avoisinantes La fosse ptérygopalatine, antéromédiale, communique avec la
qui en font une zone « charnière ». région rétromaxillozygomatique par la fissure ptérygomaxillaire.
Région la plus étroite et la plus haut située de la fosse infratem-
Contenant porale, elle est traversée par des éléments nerveux (V2, ganglion
Limites osseuses : ptérygopalatin) et vasculaires (l’artère maxillaire devient artère
• en avant et en dedans, la face postérieure de la tubérosité sphénopalatine au niveau du foramen sphénopalatin).
maxillaire ; La région des muscles ptérygoïdiens, postérieure, est parcou-
• en avant et en dehors, l’os zygomatique et son processus rue par des éléments vasculaires (artère et veine maxillaires) et
temporal ; nerveux (le V3 et ses principales branches).

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

Figure 2. Tomodensitométrie en coupe coronale, fenêtre osseuse. 1.


Écaille du temporal ; 2. grande aile du sphénoïde ; 3. foramen sphénopa-
Figure 1. Tomodensitométrie en coupe axiale, fenêtre osseuse. 1. Sinus
latin ; 4. arcade zygomatique.
maxillaire ; 2. coroné ; 3. apophyse ptérygoïde ; 4. condyle ; 5. apophyse
styloïde.

Rapports
La fosse infratemporale entre en rapport avec huit régions
avoisinantes :
• en arrière et en dedans, avec l’espace préstylien contenant de
la graisse et le lobe profond de la parotide ;
• en arrière de l’espace préstylien, avec l’espace vasculaire ou
rétrostylien occupé par l’artère carotide interne, la veine
jugulaire interne, les neuvième, dixième, onzième et dou-
zième paires crâniennes ;
• en dehors, avec la région massétérine par l’incisure mandibu-
laire ;
• en haut et en dehors, avec la région temporale exocrânienne
par l’échancrure zygomatique ;
• en bas et en dedans, avec la région submandibulaire, prolon-
gement inférieur de l’espace rétrostylien ;
• en haut, avec l’endocrâne par les foramen rotundum, ovale et
spinosum ;
• en dedans, avec les fosses nasales par le foramen sphénopa-
latin ;
Figure 3. Tomodensitométrie en coupe coronale, fenêtre osseuse. Vi-
• en avant, avec l’orbite par la fissure orbitaire inférieure, avec
sualisation du nerf maxillaire V2 (1) entrant dans la fosse ptérygopalatine
la région jugale par le V2, avec l’espace buccal par le ligament
(2). 3. Sinus sphénoïdal ; 4. foramen sphénopalatin.
ptérygomandibulaire.

• la voie transzygomatique limitée ;


Anatomie radiologique • les voies transmandibulaires latérales ;
• les voies transmaxillaires.
Aspects tomodensitométriques Les abords larges autorisent l’exérèse de volumineuses
tumeurs primitives ou secondairement étendues à la fosse
Ils sont représentés par les Figures 1 à 5.
infratemporale. Ils permettent le contrôle de la base du crâne,
du sinus caverneux, de la carotide interne intrapétreuse, du
Aspects en imagerie par résonance magnétique
cavum, du V2 et du V3. Ces voies sont :
Ils sont représentés par les Figures 6 à 10. • la voie transpétreuse antérieure ;
• la voie transmandibulaire médiane ;
• les voies transmaxillaires à abord cutané large ;
■ Différentes voies d’abord • les voies combinées.
Toutes ces voies d’abord ont bénéficié de l’apport des techni-
La prise en charge des tumeurs de la fosse infratemporale est ques endoscopiques qui se sont développées ces dernières
guidée par leur volume, leur topographie et leurs extensions, au années.
mieux précisées par une tomodensitométrie (TDM) et une
imagerie par résonance magnétique (IRM) préopératoires. On
distingue deux grands types de voies d’abord chirurgical [1].
Voies d’abord limitées (Fig. 11)
Les abords limités sont utilisés pour l’exérèse de petites
tumeurs primitives, pour la réalisation de biopsies, pour Voies latérales
l’extraction de corps étrangers, pour un abord vasculaire ou
Voie transzygomatique limitée (Fig. 12)
nerveux précis. Ils laissent peu ou pas de séquelles fonctionnel-
les et/ou esthétiques. En contrepartie, ils n’offrent qu’un accès Elle permet l’exérèse des tumeurs situées à la partie haute de
restreint à la fosse infratemporale. Il s’agit essentiellement de : la fosse infratemporale, y compris les extensions postérieures

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de la fosse infratemporale ¶ 46-040

Figure 4. Tomodensitométrie en coupe coronale, fenêtre osseuse. Fo-


ramen ovale et nerf mandibulaire V3 (1), échancrure zygomatique (2)
faisant communiquer la fosse infratemporale avec la région temporale ; 3.
foramen déchiré.

Figure 6. Imagerie par résonance magnétique, séquence T1, coupe


axiale. 1. Muscle ptérygoïdien latéral ; 2. muscle temporal ; 3. corps
adipeux de la joue ; 4. artère maxillaire ; 5. sinus maxillaire.

Figure 5. Tomodensitométrie en coupe coronale, fenêtre osseuse. 1.


Foramen spinosum ; 2. foramen déchiré ; 3. ramus mandibulaire ; 4.
clivus.

des tumeurs orbitaires, maxillaires ou palatines. Elle contourne


l’obstacle représenté par la parotide et le VII par le haut. Elle
comporte [2-4] :
• une incision verticale préauriculaire étendue du bord inférieur
du tragus à la suture temporopariétale controlatérale, située
2 cm en arrière et parallèle à la ligne d’implantation du cuir
chevelu ; Figure 7. Imagerie par résonance magnétique, séquence T1, coupe
axiale. 1. Corps adipeux de la joue ; 2. muscle ptérygoïdien médial ; 3.
• un décollement des plans superficiels au ras de l’aponévrose
fissure ptérygomaxillaire ; 4. muscle masséter ; 5. parotide.
temporale superficielle afin de préserver le rameau frontal du
nerf facial ;
• une incision du périoste au bord supérieur du zygoma. Il est Cette voie d’abord autorise un accès latéral direct, une
ruginé, laissant en place les insertions du masséter ; préservation du nerf facial et de l’articulation temporomandi-
• une ostéotomie du zygoma à ses deux extrémités permettant bulaire, tout en évitant une cicatrice inesthétique. Elle peut
de récliner vers le bas le zygoma pédiculé sur le masséter ; également servir à l’exérèse de tumeurs latérales de l’orbite grâce
• un décollement du muscle temporal soit par incision de ses à une incision bicoronale et grâce à une ostéotomie plus
insertions supérieures et réclinaison vers le bas, soit par antérieure avec dépose du complexe zygomatomalaire [5-7]
dégagement et section du coroné avec réclinaison du muscle (Fig. 13).
vers le haut. Le choix est fonction de la localisation tumo- Les inconvénients de cette voie sont l’accès d’autant plus
rale : le muscle est déplacé vers le bas pour une tumeur restreint que la dissection progresse en profondeur, la mauvaise
intracrânienne à extension infratemporale et vers le haut exposition de la partie inférieure de la fosse infratemporale et le
pour une tumeur infratemporale étendue à la base du crâne ; mauvais contrôle de l’artère carotide interne. Si celle-ci doit être
• une fermeture par ostéosynthèse du zygoma ± du coroné, sur exposée, un abord rétro-auriculaire décrit par Fisch et Pillsbury
drain aspiratif. doit être employé [8].

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

Figure 8. Imagerie par résonance magnétique, séquence T1, coupe Figure 10. Imagerie par résonance magnétique, séquence T1, coupe
coronale. 1. Artère maxillaire ; 2. muscle temporal ; 3. muscle masséter ; coronale. Muscles ptérygoïdiens médial (1) et latéral (2). 3. Nerf mandi-
4. fissure orbitaire inférieure ; 5. nerf maxillaire V2. bulaire V3 ; 4. artère maxillaire ; 5. artère temporale profonde posté-
rieure ; 6. espace parapharyngé.

Figure 9. Imagerie par résonance magnétique, séquence T1, coupe


coronale. Muscles ptérygoïdiens médial (1) et latéral (2). 3. Muscle
masséter ; 4. muscle temporal ; 5. nerf maxillaire V2 ; 6. artère et nerf du
canal ptérygoïdien (vidiens). Figure 11. Les quatre principales voies d’abord limitées. 1. Voie
transzygomatique ; 2. voie transmandibulaire supérieure ; 3. voie trans-
mandibulaire inférieure ; 4. voie transmaxillaire.
Voies transmandibulaires latérales supérieures et inférieures
La voie transmandibulaire latérale supérieure [9, 10] (Fig. 14)
est destinée à l’exérèse des tumeurs situées latéralement entre les le plan du lifting pour faciliter la traction vers le haut de la
deux muscles ptérygoïdiens. Elle n’autorise pas le contrôle de la masse parotidienne. La parotide est dégagée du tragus et du
base du crâne. Elle comporte : bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien pour donner un
• une incision de parotidectomie prolongée en cervical à meilleur accès au ramus mandibulaire ;
hauteur de l’os hyoïde. Cette incision est intéressante car elle • une désinsertion du muscle masséter, récliné en monobloc
permet l’exérèse d’un prolongement infratemporal d’une avec la parotide et le nerf facial ;
tumeur du lobe profond de la parotide ; • une ostéotomie mandibulaire réalisée dans la continuité du
• un décollement sous l’aponévrose cervicale superficielle au plan occlusal, au-dessus de l’épine de Spix. Les deux berges
niveau du cou. Au niveau jugal, le décollement se fait dans osseuses sont écartées et laissent apparaître le nerf alvéolaire

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de la fosse infratemporale ¶ 46-040

Figure 14. Voie transmandibulaire supérieure : le masséter, la parotide


Figure 12. Voie transzygomatique limitée : tracé de l’incision cutanée
et le nerf facial sont refoulés vers le haut. Les nerfs alvéolaire inférieur (1) et
et des traits d’ostéotomie.
lingual (2) sont visibles au niveau de l’ostéotomie.

La voie transmandibulaire latérale inférieure est destinée aux


tumeurs occupant la partie inférieure de la fosse infratemporale.
Elle permet notamment l’exérèse des extensions postérieures des
tumeurs maxillaires. Elle comprend :
• une incision submandibulaire arciforme étendue de la pointe
mastoïdienne à la symphyse mentonnière. Cette voie peut
être élargie par section de la lèvre inférieure pour accéder aux
espaces rétro-maxillo-malaire et parapharyngé, au prix de
séquelles esthétiques plus importantes ;
• un décollement sous le platysma ;
• un repérage premier de la veine faciale, liée et relevée pour
protéger le rameau marginal de la mandibule (VII) ;
• un dépériostage de l’angle mandibulaire ;
• une ostéotomie pour laquelle plusieurs tracés sont possibles
(Fig. 15). La désinsertion du masséter accroît l’ascension du
ramus mandibulaire et donne ainsi une bonne exposition de
la région des muscles ptérygoïdiens et de l’espace parapha-
ryngé. La section du nerf alvéolaire inférieur est inévitable ;
• une fermeture par ostéosynthèse au fil d’acier ou par plaques
de titane ;
• une alimentation molle pendant 3 semaines avec mécano-
thérapie active des articulations temporomandibulaires.

Voies antérieures
Il s’agit des voies transmaxillaires limitées. À l’exception de la
voie transorale, elles comprennent toutes un abord osseux par
Figure 13. Voie transzygomatique élargie au cadre orbitaire : tracé de résection de la paroi postérieure du sinus maxillaire, donnant
l’incision cutanée et des différents traits d’ostéotomie. accès à la fosse infratemporale par l’étage moyen de la face. Les
voies transmaxillaires limitées sont :
• la voie transorale ;
inférieur en arrière et le nerf lingual en avant. On peut alors • la voie de Caldwell-Luc ;
explorer aisément la région des ptérygoïdiens. La section du • la voie de Rouge-Denker ;
processus coronoïde proposée par Shaheen en 1982 [9] n’offre • la voie de Lefort I.
pas un accès plus large ; La majorité de ces voies comporte une incision vestibulaire
• une fermeture par ostéosynthèse mandibulaire au fil d’acier ne laissant que peu ou pas de séquelle esthétique (Fig. 16).
ou par plaques de titane. Les muscles sont réinsérés en
Voie transorale
suturant le périoste mandibulaire au bord inférieur du muscle
ptérygoïdien médial ; La voie transorale n’est pas réellement transmaxillaire. Elle
• une alimentation molle pendant 3 semaines associée à une contourne le maxillaire par l’arrière. Elle comporte une incision
mécanothérapie active. dans le sillon vestibulaire en regard des trois dernières molaires.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

A B

Figure 17. Abord vestibulaire antronasal de type Rouge-Denker.

C D
L’abord de Caldwell-Luc peut être élargi en dehors mais la
Figure 15. Voie transmandibulaire inférieure : différents types
vision reste limitée en hauteur et dépend essentiellement du
d’ostéotomies.
développement du sinus.

Voie de Rouge-Denker
La voie de Rouge-Denker (Fig. 17) est une voie transantrona-
sale destinée essentiellement à l’exérèse des fibromes nasopha-
ryngiens stades I et II. Elle donne accès à la partie inféromédiale
de la fosse infratemporale, à la cavité nasale et au cavum. Elle
se réalise par :
• une incision vestibulaire supérieure dépassant le frein labial
supérieur de 2 cm en controlatéral ;
• un décollement sous-périosté dégageant l’orifice piriforme
jusqu’à l’épine nasale antérieure ;
• la trépanation de la paroi antérieure du sinus maxillaire. Le
processus frontal du maxillaire est partiellement réséqué, en
préservant une baguette antérieure pour atténuer les séquelles
esthétiques ;
• l’intervention de Denker résèque la cloison intersinusonasale,
les cornets moyen et inférieur ;
Figure 16. Incisions vestibulaires pour l’abord de la fosse infratempo-
• l’intervention de Rouge mobilise le septum nasal, donnant
rale par voie transmaxillaire et par voie de Rouge-Denker.
accès au vomer. Celui-ci peut alors être réséqué jusqu’au
sphénoïde, offrant ainsi un large jour sur le cavum.

Le corps adipeux de la joue est enlevé ou refoulé. Il peut être Voie dérivée du Lefort I
utilisé pour la fermeture d’une communication buccosinu-
sienne. Cette voie donne accès à l’espace rétromaxillozygoma- Alors que l’ostéotomie de type Lefort I [2] (Fig. 18) est un
tique pour extraire les corps étrangers ou pour réaliser des concept ancien, décrit il y a 140 ans par von Langenbeck, la
prélèvements biopsiques. La voie transorale est peu utilisée car voie dérivée du Lefort I pour l’abord de la fosse infratemporale
.1
il s’agit essentiellement d’une voie d’exploration, très limitée. est peu utilisée. Elle comporte :
• une incision vestibulaire supérieure bilatérale ;
Voie de Caldwell-Luc • un lambeau mucopériosté relevé jusqu’aux orifices piriformes,
aux nerfs infraorbitaires et, latéralement jusqu’aux contreforts
La voie de Caldwell-Luc est un abord transantral de la fosse
zygomatiques ;
infratemporale. Ses principaux temps opératoires sont :
• une incision vestibulaire muqueuse décalée par rapport à • un décollement de la muqueuse du plancher des fosses
l’ouverture osseuse ; nasales en remontant sur la cloison intersinusonasale latéra-
• un décollement sous-périosté ; lement et sur le septum en dedans ;
• une trépanation de la paroi antérieure du maxillaire, respec- • une ostéotomie réalisée après avoir adapté quatre miniplaques
.2 tant le nerf infraorbitaire ; en titane de 2 mm pour permettre la récupération d’une
• un fraisage de l’os de la paroi postérieure après avoir retiré la occlusion parfaite en fin d’intervention ;
muqueuse en regard. • un clivage des processus ptérygoïdes. Le plateau maxillaire
Cet abord a été proposé pour la ligature de l’artère maxillaire, peut alors être abaissé, dégageant la fosse ptérygopalatine et
découverte à la partie supéromédiale de la paroi postérieure, la région rétromaxillozygomatique. La largeur d’exposition est
dans la fosse ptérygopalatine où elle chemine au contact du approximativement de 8 cm en avant et 5 cm en arrière ;
périoste avant de devenir artère sphénopalatine dans le foramen • une fermeture par ostéosynthèse suivie d’un blocage inter-
du même nom. La voie de Caldwell-Luc permet également maxillaire de 3 semaines. Sous réserve d’une technique
l’abord du nerf du canal ptérygoïdien, l’extraction de certains irréprochable, cette voie ne laisse pas de séquelle esthétique.
.3 corps étrangers au contact de la paroi postérieure du sinus et Les complications décrites sont essentiellement des hémorra-
surtout l’exérèse des tumeurs bénignes et bien circonscrites au gies d’origine nasale et d’exceptionnelles nécroses ischémi-
contact de la paroi antrale. ques du maxillaire [11, 12].

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de la fosse infratemporale ¶ 46-040

Figure 18. Schéma montrant l’arc de rotation du maxillaire par la voie Figure 20. Voie transpétreuse antérieure : exposition du zygoma, repé-
dérivée de l’ostéotomie de Lefort I. rage du nerf facial et de sa branche frontale.

Figure 19. Voie préauri-


culaire sous-temporale : • un déplacement inférieur du condyle mandibulaire, voire une
tracé de l’incision. condylectomie ;
• un fraisage osseux extradural du toit de la fosse infratempo-
rale permettant d’exposer la méninge de la fosse cérébrale
moyenne ;
• un contrôle de l’artère méningée moyenne au niveau du
foramen spinosum et du V3 au niveau du foramen ovale ;
• un fraisage de la racine de la ptérygoïde pour contrôler le
V2 et le foramen rotundum ;
• un fraisage de l’aile ptérygoïdienne pour accéder au cavum ;
• une fermeture par comblement de la cavité opératoire avec de
la graisse autologue et ostéosynthèses du coroné et du
zygoma.
Les séquelles de la voie préauriculaire sous-temporale peuvent
être :
• un traumatisme du rameau frontal du nerf facial ;
• une surdité de transmission, en règle transitoire ;
• un trouble de l’articulé dentaire avec légère latéromandibulie
en cas de condylectomie. Des auteurs [15] ont proposé une
modification de la technique afin de préserver l’articulation
temporomandibulaire ;
• un trismus postopératoire à prévenir par une mécanothéra-
pie ;
• la rançon cicatricielle est quant à elle quasi inexistante.
Les principales indications de cette voie sont l’exérèse des
volumineuses tumeurs primitives ou secondaires de la fosse
infratemporale, nécessitant un contrôle premier des structures
nerveuses et vasculaires vitales ; l’ablation des fibromes naso-
Voies d’abord élargies pharyngiens types III et IV, des tumeurs nerveuses du V2 et du
V3 et l’éventuel abord du cavum pour exérèse de reliquats
Voies latérales tumoraux après radiochimiothérapie.
Voie préauriculaire sous-temporale Voie transpétreuse antérieure [1] (Fig. 20)
Dérivée de l’intervention de Sekhar, reprise par Samy [13, 14]
Il s’agit essentiellement de la voie infratemporale de Fisch
(Fig. 19), cette voie est une voie transzygomatique élargie type C. Cette voie est réservée à l’exérèse des tumeurs pétreuses
autorisant un abord latéral de la fosse infratemporale avec large étendues à la fosse infratemporale mais ne s’adresse pas aux
contrôle de la base du crâne. Elle se pratique par : autres tumeurs, d’autant qu’elle comporte des séquelles non
• une incision de parotidectomie prolongée en haut dans le négligeables. Elle comprend :
scalp et en bas dans le cou ; • une incision en C à concavité antérieure, circonscrivant le
• une découverte première et un respect du nerf facial en pavillon de l’oreille. L’extrémité supérieure rejoint la queue
particulier du rameau frontal ; du sourcil et l’extrémité inférieure le bord antérieur du
• une ostéotomie du zygoma, rabattu vers le bas avec le muscle sterno-cléido-mastoïdien ;
masséter ; • une exposition du zygoma avec repérage du tronc et du
• une section du coroné permettant de relever le bloc tempo- rameau frontal du nerf facial. Le zygoma est récliné vers le
rocoronoïdien ; bas avec le muscle temporal ;

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

Figure 21. Voie transmandibulaire médiane : incisions cutanées.

• une exposition de la mastoïde, du VII depuis le genou Figure 22. Voie transmandibulaire médiane : incision endobuccale.
jusqu’au foramen stylomastoïdien, du golfe jugulaire, de la
portion verticale de la carotide intrapétreuse et de l’articula-
tion temporomandibulaire ; liée à la naissance de l’artère faciale. L’accès à la fosse
• une ouverture de l’articulation avec abaissement du condyle, ptérygomandibulaire, à la fosse infratemporale et à la base du
voire condylectomie ; crâne est achevé en sectionnant le muscle ptérygoïdien
• un abord de la fosse infratemporale après section des muscles médial et le ligament sphénomandibulaire. Le nerf lingual,
ptérygoïdiens ; suivi vers le haut, permet de reconnaître le muscle ptérygoï-
• une fermeture par comblement de la cavité par le muscle dien médial sur lequel il chemine ;
temporal et ostéosynthèse du zygoma. Une plastie par de • une fermeture par ostéosynthèse mandibulaire à l’aide de
l’aponévrose fibrinocollée peut être nécessaire en cas de fuite plaques vissées en titane.
de liquide céphalorachidien. Cette voie évite le repérage du nerf facial nécessaire dans les
Les principales séquelles de la voie infratemporale de type C voies latérales directes. Elle permet de contrôler l’ensemble de
sont : la fosse infratemporale du bord médial de l’artère carotide
• une surdité de transmission de l’ordre de 60 dB par exclusion interne jusqu’au plancher de la fosse cérébrale moyenne. En
de l’oreille moyenne ; effet, la voie transmandibulaire médiane peut être élargie en
• un traumatisme éventuel du rameau frontal du nerf facial ; dehors à la mandibule, en avant à la tubérosité maxillaire, en
• un trouble de l’articulé dentaire ; dedans au cavum et au clivus, en haut à la trompe auditive et
• un trismus ; aux muscles tenseur et élévateur du voile.
• la rançon cicatricielle est limitée. Les séquelles fonctionnelles et esthétiques sont modérées sous
réserve d’une technique irréprochable.
Voies antérieures
Voies transmaxillaires larges
Voie transmandibulaire médiane (Fig. 21, 22)
Elles comprennent principalement les voies paralatéronasale
Il s’agit d’une voie cervico-trans-bucco-pharyngée permettant et nasolabiale, le degloving nasolabial, les lambeaux maxilloju-
un abord antéro-inférieur de la fosse infratemporale en longeant gal et maxillo-naso-jugal [2] et le degloving hémifacial [17].
le muscle ptérygoïdien médial après mandibulotomie Voie paralatéronasale. La voie paralatéronasale [18] (Fig. 23),
médiane [1, 16]. L’intervention comporte : utilisée pour l’exérèse des adénocarcinomes de l’ethmoïde et des
• une incision arciforme de type Sébileau-Carrega, de la pointe fibromes nasopharyngiens de stade III, permet un abord
mastoïdienne à l’os hyoïde, contournant la houppe menton- transantral de la fosse infratemporale. Cette voie laisse peu de
nière et sectionnant la lèvre inférieure ; séquelles esthétiques si l’on prend soin de positionner la
• une levée du lambeau cutanéopeaucier préservant le rameau cicatrice dans les plis naturels du visage. Elle comporte :
marginal de la mandibule (VII) ; • une incision cutanée verticale, débutant dans la région
• une section des insertions hyoïdiennes des muscles digastri- canthale interne, descendant obliquement vers l’aile du nez
que, stylohyoïdien et mylohyoïdien qui sont réclinés vers le qu’elle contourne jusqu’à la columelle. Cette incision peut
haut avec la glande submandibulaire ; être élargie par section de la lèvre supérieure ;
• une incision du périoste mandibulaire qui est ruginé sur 2 cm • une dissection sous-périostée exposant la face antérieure du
de part et d’autre de la ligne médiane ; maxillaire jusqu’au foramen infraorbitaire. Le nerf infraorbi-
• une ostéotomie mandibulaire rectiligne ou en marche d’esca- taire est alors repéré et doucement tracté vers le haut et le
lier après avoir foré quatre trous de repères. Ceux-ci autori- dehors ;
sent le bon positionnement des fragments mandibulaires en • une ostéotomie quadrangulaire comportant une section
fin d’intervention ; paramédiane des os propres du nez, une section à l’aplomb
• une distraction des deux fragments mandibulaires. Celle-ci de la suture fronto-naso-maxillaire, une section du rebord
tend la muqueuse du plancher buccal qui est sectionnée orbitaire inférieur et une section de la face antérieure du
jusqu’à la base du pilier vélaire antérieur. Le nerf lingual est maxillaire à hauteur de l’orifice piriforme. Cette fenêtre sur la
repéré et respecté. Au fur et à mesure, l’hémimandibule est région antrale mesure environ 6 cm de côté [18] ;
réclinée latéralement et donne accès à l’espace para- • une ouverture de la paroi postérieure du sinus maxillaire et
amygdalien. L’artère carotide externe est alors visible et sera l’accès à la fosse infratemporale.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de la fosse infratemporale ¶ 46-040

Figure 25. Abord obtenu par la technique du degloving.

Figure 23. Abord paralatéronasal.

Figure 26. Schéma du lambeau maxillojugal.

• un décollement sous-périosté dégageant les orifices pirifor-


mes, l’épine nasale antérieure et la face antérieure des deux
sinus maxillaires ;
Figure 24. Voie nasolabiale. 1. Volet osseux. • un repérage et respect des deux nerfs infraorbitaires ;
• deux incisions endonasales circulaires comprenant chacune
une incision interseptocollumellaire et une incision intercar-
tilagineuse. En bas, elles rejoignent le bord inférieur des
Voie nasolabiale. La voie nasolabiale [16] (Fig. 24) est dérivée orifices piriformes dégagés par la voie sous-labiale ;
de la voie paralatéronasale. Seule l’incision cutanée diffère ; elle • un relèvement sous-périosté complet des tissus mous de la
suit le sillon nasogénien au lieu de contourner la pyramide pyramide nasale jusqu’au bord inféro-interne de l’orbite et à
nasale et peut être étendue jusqu’à la commissure labiale la suture nasofrontale ;
homolatérale. • un abord osseux à volet perdu comme dans la paralatérona-
Degloving nasolabial. Le degloving (Fig. 25) est une voie sale ou par simple trépanation comme dans l’intervention de
bivestibulaire, introduite en France par Frèche, Bouche et Denker.
Serres [19], proposée en 1984 pour le traitement des papillomes Le principal avantage du degloving est l’absence totale de
inversés [20] et en 1989 pour l’exérèse des tumeurs de l’étage cicatrice. Néanmoins, l’accès est limité latéralement par le nerf
moyen de la face [21, 22]. Le degloving permet un abord transan- infraorbitaire et l’accès à la base du crâne est insuffisant pour les
tral transnasal de la fosse infratemporale après ouverture de la tumeurs de la fosse infratemporale étendues à cette structure.
paroi postérieure du sinus maxillaire. La technique opératoire Lambeaux maxillonasal et maxillo-naso-jugal (Fig. 26).
consiste en : Cette technique fut popularisée par Curioni [23] et permet
• une incision vestibulaire bilatérale étendue d’une molaire à d’accéder aux tumeurs envahissant la base du crâne, les espaces
l’autre, passant au-dessus du frein labial supérieur ; rétromaxillozygomatique et rétronasal. De nombreuses variantes

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

Figure 27. Incision cutanée du degloving hémifacial. Figure 28. Levée schématique du lambeau hémifacial au cours du
degloving hémifacial.

existent mais toutes sont basées sur le concept de déplacement


des structures faciales autour d’un pédicule. L’intervention
comprend : jusqu’à la columelle, descend à travers les lèvres supérieure et
• une incision de Weber-Ferguson pour le lambeau maxilloju- inférieure, est poursuivie en submandibulaire jusqu’à la
gal. Pour le lambeau maxillo-naso-jugal, l’incision paranasale pointe mastoïdienne. À ce niveau, elle tourne vers le bas pour
est effectuée en controlatéral pour inclure le nez dans le suivre le bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
lambeau. Elle traverse l’arête nasale pour se prolonger sous la Deux incisions sous-ciliaires supérieure et inférieure sont
paupière inférieure ipsilatérale ; connectées dans les canthi interne et externe ;
• un décollement sous-périosté minimal car la vascularisation • une dissection sous-périostée le long de l’incision médiofa-
des segments osseux provient essentiellement du lambeau ciale et d’une incision vestibulaire supérieure. Cette dissection
jugal ;
expose la face antérieure du maxillaire et le zygoma ;
• une ostéotomie horizontale sous le rebord orbitaire inférieur,
• une dissection sous le muscle orbiculaire de l’œil dans la
étendue latéralement à travers le zygoma jusqu’à la fissure
région palpébrale. Les nerfs supraorbitaire, supratrochléaire et
ptérygomaxillaire ;
• une ostéotomie médiale qui dépend du type de lambeau. infraorbitaire sont marqués au fil et sectionnés. Le système
Pour un lambeau maxillojugal, elle est verticale, latérale par lacrymal est laissé en place. Les paupières supérieure et
rapport à l’orifice piriforme et descend entre les incisives inférieure avec le muscle orbiculaire sont ainsi incluses dans
centrale et latérale homolatérales. Pour un lambeau maxillo- le lambeau hémifacial (Fig. 28) ;
naso-jugal, l’ostéotomie médiale est horizontale à travers • une ostéotomie mandibulaire médiane. Le plancher buccal est
l’arête nasale, en avant de la fosse lacrymale puis descend ensuite sectionné jusqu’au pilier antérieur. Les incisions
verticalement, en paranasal et en controlatéral ; endobuccales supérieure et inférieure sont connectées en « Z »
• une ostéotomie palatine pour permettre la mobilisation du dans la région rétromolaire afin d’éviter une bride postopéra-
lambeau. Elle est pratiquée d’avant en arrière entre les toire et une limitation d’ouverture buccale. Le ramus mandi-
incisives centrale et latérale ; bulaire est alors récliné en dehors avec le lambeau cutané.
• une petite incision vestibulaire pour séparer la ptérygoïde Pour une rotation maximale, il est recommandé de lier
grâce à un ostéotome courbe ; l’artère carotide externe à l’émergence de l’artère linguale [25] ;
• une « prélocalisation » des plaques d’ostéosynthèse ; • une dépose de l’arche zygomatique et du mur orbitaire
• un sacrifice du nerf infraorbitaire ; latéral ;
• une mobilisation du lambeau qui « ouvre la face comme un • une fermeture avec ostéosynthèse de la mandibule et du
livre ». complexe orbitozygomatique.
Cette voie d’abord est surtout requise pour la chirurgie Cette voie offre un champ opératoire large sur toute la fosse
oncologique des tumeurs malignes rétromaxillozygomatiques et infratemporale. Tous les muscles de la mimique et les branches
rétronasales. Elle offre un accès plus large que la voie de Lefort
du nerf facial sont inclus dans le lambeau. Les principales
I mais a également une morbidité plus importante : cicatrice
séquelles sont :
faciale et anesthésie infraorbitaire.
• une rançon cicatricielle inesthétique surtout dans la région
Degloving hémifacial. Tajima et al. en 1993 [24] ont déve-
loppé une technique de degloving palpébral associé à une labiale ;
incision coronale étendue. Hirano et al. en 1996 [17] ont repris • un certain degré d’hypoesthésie de la face dû au sacrifice des
et complété cet abord pour pouvoir « deglover » toute une nerfs infra- et supraorbitaires ;
hémiface, du front jusqu’à la nuque. Cette voie expose très • un épiphora non obstructif. Il serait dû à la dysfonction du
largement la fosse infratemporale. Elle requiert : canalicule lacrymal après dissection sous le muscle orbiculaire
• une incision médiofaciale (Fig. 27) étendue du scalp jusqu’au de l’œil ;
cou. Dans le scalp, elle est unicoronale, descend sur le front • un ectropion et une lagophtalmie. Ils peuvent être prévenus
en formant des « Z » puis dans la région canthale interne et par une suture minutieuse des structures canthales interne et
en paranasal. L’incision contourne ensuite l’aile du nez externe.

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de la fosse infratemporale ¶ 46-040

Voies combinées fonction du siège initial de la tumeur, de son histologie et de


son extension au mieux précisée par un bilan d’imagerie
Les différentes voies d’abord de la fosse infratemporale associant TDM et IRM. Actuellement, des abords de plus en plus
franchissent l’obstacle osseux qui en barre l’accès soit par .
larges autorisent une chirurgie carcinologique de cette région en
l’avant soit latéralement. Toutes ces techniques peuvent donc limitant les séquelles fonctionnelles et esthétiques. L’apport des
être combinées entre elles pour obtenir un abord toujours plus techniques endoscopiques devrait encore améliorer la chirurgie
large : voie transmandibulaire latérale et voie transmaxillaire, de cet espace profond et complexe.
voie transzygomatique et voie vestibulaire...
Il est à noter également la possibilité d’une voie combinée .

avec double ostéotomie mandibulaire : décrite par Attia en


1984 [26], elle comporte une ostéotomie du ramus mandibulaire ■ Références
et une ostéotomie parasymphysaire. Ceci offre un large accès à
[1] Legent F, Laccourreye H, Beauvillain de Montreuil C. La fosse
la région des ptérygoïdiens et à la région parapharyngée.
infratemporale. Rapport de la société française d’oto-rhino-
laryngologie et pathologie cervico-faciale. Paris: Arnette; 1991.
[2] Spencer KR, Nastri AL, Wiesenfeld D. Selected midfacial access
■ Apport des techniques [3]
procedures to the skull base. J Clin Neurosci 2003;10:340-5.
Honeybul S, Neil-Dwyer G, Evans BT, Lang DA. The transzygomatic
endoscopiques et de la chirurgie approach: an anatomical study. Br J Oral Maxillofac Surg 1997;35:
334-40.
assistée par ordinateur [4] Bordure P, Legent F, Robert R, de Kersaint Gilly A, Beauvillain C,
Launay ML. Approches transzygomatiques de la fosse infratemporale.
Le principal intérêt de l’endoscopie est d’éviter, dans certains Intérêts et limites. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1991;108:91-4.
cas, une voie d’abord large de la fosse infratemporale, cause [5] Obwegeser HL. Temporal approach to the TMJ, the orbit, and the
possible de séquelles esthétiques et/ou fonctionnelles. retromaxillary-infracranial region. Head Neck Surg 1985;7:185-99.
La résection de fibromes nasopharyngiens par voie endosco- [6] Pellerin P, Queval P, Donazzan M. Approche supéro-externe de la fosse
pique exclusive a été largement rapportée dans la littérature [27- ptérygomaxillaire et ses extensions. Rev Stomatol Chir Maxillofac
29]. Ceci a permis d’initier la chirurgie endoscopique de la fosse
1984;85:46-50.
infratemporale. En utilisant des endoscopes à 0°, 30°, 45° et 70°, [7] Honeybul S, Neil-Dwyer G, Lees PD, Evans BT, Lang DA. The
il est possible d’explorer les régions rétromaxillaire et ptérygoï- orbitozygomatic infratemporal fossa approach: a quantitative
dienne par voie endonasale et d’en extraire les digitations d’un anatomical study. Acta Neurochir (Wien) 1996;138:255-64.
angiofibrome. Néanmoins, la partie latérale de la fosse infra- [8] Fisch U, Pillsbury HC. Infratemporal fossa approach to lesions in the
temporale reste difficilement accessible à partir de cette voie temporal bone and base of the skull. Arch Otolaryngol 1979;105:
endonasale. Dans d’autres indications, l’apport de l’endoscopie 99-107.
n’a pas encore été évalué. [9] Shaheen OH. Swellings of the infratemporal fossa. J Laryngol Otol
Hartnick, Lacy et Myer [30, 31] ont proposé, à partir d’études 1982;96:817-36.
cadavériques, un abord endoscopique de la fosse infratemporale [10] Sharma PK, Massey BL. Avoiding pitfalls in surgery of the neck,
par deux incisions distantes de 2 cm : une incision de Gillies et parapharyngeal space, and infratemporal fossa. Otolaryngol Clin North
une incision frontale latérale. Après une dissection sous- Am 2005;38:795-808.
périostée jusqu’à l’arche zygomatique, ils pénètrent dans la fosse [11] Sasaki CT, Lowlicht RA, Astrachan DI, Friedman CD, Goodwin WJ,
infratemporale et visualisent aisément les muscles de cette Morales M. Le Fort I osteotomy approach to the skull base.
région. En suivant la base du crâne, le foramen ovale et le Laryngoscope 1990;100(10Pt1):1073-6.
V3 sont individualisés. Cet abord endoscopique semble intéres- [12] Lanigan DT, Hey JH, West RA. Aseptic necrosis following maxillary
sant pour visualiser et biopsier des tumeurs primitives ou osteotomies: report of 36 cases. J Oral Maxillofac Surg 1990;48:
récidivées avant une chirurgie à ciel ouvert. 142-56.
[13] Samy LL, Girgis IH. Transzygomatic approach to the petrous apex with
L’abord des tumeurs de la fosse infratemporale par voie
a record of three cases. J Laryngol Otol 1967;81:277-89.
endoscopique exclusive reste actuellement difficile car, si l’accès
[14] Sekhar LN, Schramm Jr. VL, Jones NF. Subtemporal-preauricular
à cette région est acquis, la manipulation des instruments y est
infratemporal fossa approach to large lateral and posterior cranial base
difficile au travers d’une voie d’abord étroite et profonde. Une neoplasms. J Neurosurg 1987;67:488-99.
alternative intéressante est donc de combiner l’endoscopie à [15] Vilela MD, Rostomily RC. Temporomandibular joint-preserving
une voie d’abord chirurgicale large pour bénéficier des avanta- preauricular subtemporal-infratemporal fossa approach: surgical tech-
ges de chaque technique : un champ opératoire large et une nique and clinical application. Neurosurgery 2004;55:143-54.
exploration précise en profondeur. L’endoscopie permet alors de [16] Moreira-Gonzalez A, Pieper DR, Cambra JB, Simman R, Jackson IT.
contrôler la qualité de l’exérèse et de repérer toutes les structu- Skull base tumors: a comprehensive review of transfacial swing
res nobles de la fosse infratemporale. osteotomy approaches. Plast Reconstr Surg 2005;115:711-20.
La chirurgie endoscopique assistée par ordinateur permettrait [17] Hirano A, Arakaki M, Nishida H, Hamada Y, Fujii T. Hemifacial
encore d’améliorer la prise en charge des tumeurs de la fosse degloving approach to tumours in the infratemporal and
infratemporale. Cette technique a surtout été développée pour pterygopalatine fossae: a preliminary report. J Craniomaxillofac Surg
la chirurgie des sinus et de la base du crâne [32-35]. Elle consiste 1996;24:285-8.
en une imagerie préopératoire permettant un repérage en temps [18] Roche PH, Fournier HD, Laccourreye L, Mercier P. Surgical anatomy
réel des instruments chirurgicaux dans le champ opératoire. of the infratemporal fossa using the transmaxillary approach. Surg
Actuellement, l’utilisation de la chirurgie assistée par ordinateur Radiol Anat 2001;23:209-13.
en dehors des sinus et de la base du crâne est en cours d’éva- [19] Freche C, Bouche J, Serres P, Jakobowicz M, Monteil JP. Indications
luation, en particulier pour la chirurgie hypophysaire et pour for the bi-vestibular approach in nasal surgery. Ann Otolaryngol Chir
l’abord de la fosse infratemporale [36]. Cervicofac 1977;94:130-3.
[20] Sachs ME, Conley J, Rabuzzi DD, Blaugrund S, Price J. Degloving
approach for total excision of inverted papilloma. Laryngoscope 1984;
94(12Pt1):1595-8.
■ Conclusion [21] Brasnu D, Laccourreye O, Menard M, Roux FX, Laccourreye H. The
versatile midface degloving approach. Re-updating the method,
Les voies d’abord de la fosse infratemporale sont nombreuses. apropos of a case. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1989;106:
Le choix de la voie d’abord de cette région doit être discuté en 268-70.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-040 ¶ Chirurgie de la fosse infratemporale

[22] Trotoux J, Riviere F, Pierard E, Bonfils P, Cymes M, Bail I, et al. An [28] Wormald PJ, Van Hasselt A. Endoscopic removal of juvenile
approach to tumors of the face by degloving. An elegant treatment of angiofibromas. Otolaryngol Head Neck Surg 2003;129:684-91.
inverted papillomas and various sinus cancers. Values. Limitations and [29] Nicolai P, Berlucchi M, Tomenzoli D, Cappiello J, Trimarchi M,
extension. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1989;106:346-50. Maroldi R, et al. Endoscopic surgery for juvenile angiofibroma: when
[23] Curioni C, Clauser L. Facial splitting: indications and techniques for and how. Laryngoscope 2003;113:775-82.
the transfacial approach to the anterior skull base. Skull Base Surg- [30] Hartnick CJ, Myseros JS, Myer 3rd CM. Endoscopic access to the
Update 1995;1:285-90. infratemporal fossa and skull base: a cadaveric study. Arch Otolaryngol
[24] Tajima S, Tanaka Y, Imai K, Ueda K, Maejima S, Yabu K. Extende Head Neck Surg 2001;127:1325-7.
coronal flap “Dismaking flap” for craniofacial and skull base surgery. [31] Hartnick CJ, Lacy PD, Myer 3rd CM. Endoscopic evaluation of the
infratemporal fossa. Laryngoscope 2001;111:353-5.
Bull Osaka Med Coll 1993;39:1-8.
[32] Lopatin AS, Kapitanov DN. Endonasal removal of a large ethmoidal
[25] Krespi YP, Har-el G. The transmandibular-transcervical approach to
cementoblastoma. Rhinology 2005;43:156-8.
the skull base. Surgery of cranial base tumours. New York: Raven
[33] Kurtsoy A, Menku A, Tucer B, Oktem IS, Akdemir H. Neuronavigation
Press; 1993. in skull base tumors. Minim Invasive Neurosurg 2005;48:7-12.
[26] Attia EL, Bentley KC, Head T, Mulder D. A new external approach to [34] Chiu AG, Palmer JN, Cohen N. Use of image-guided computed
the pterygomaxillary fossa and parapharyngeal space. Head Neck Surg tomography-magnetic resonance fusion for complex endoscopic sinus
1984;6:884-91. and skull base surgery. Laryngoscope 2005;115:753-5.
[27] Roger G, Tran Ba Huy P, Froehlich P, Van Den Abbeele T, Klossek JM, [35] Schlosser RJ, Bolger WE. Image-guided procedures of the skull base.
Serrano E, et al. Exclusively endoscopic removal of juvenile Otolaryngol Clin North Am 2005;38:483-90.
nasopharyngeal angiofibroma: trends and limits. Arch Otolaryngol [36] Wise SK, DelGaudio JM. Computer-aided surgery of the paranasal
Head Neck Surg 2002;128:928-35. sinuses and skull base. Expert Rev Med Devices 2005;2:395-408.

S. Bailleul (sabine.bailleul@free.fr).
P. Bordure.
Service ORL, Hôtel Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France.
M. Gayet-Delacroix.
Département de radiologie, Hôtel Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France.
C. Beauvillain de Montreuil.
Service ORL, Hôtel Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bailleul S., Bordure P., Gayet-Delacroix M., Beauvillain de Montreuil C. Chirurgie de la fosse
infratemporale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-040, 2007.

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12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l'apex pétreux et du clivus

Techniques chirurgicales - Tête et cou [46-030] (1993)

Robert Charachon : Chef du service de clinique universitaire, professeur des


Universités
Jean-Pierre Lavieille : Assistant des Hôpitaux, chef de clinique
Service d'oto-rhino-laryngologie, CHU de Grenoble, BP 217X, 38043
Grenoble cedex 09 France

© 1993 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

La profondeur de cette région rend son accès difficile et délabrant chaque fois
qu'est nécessaire un abord suffisant en hauteur (du corps du sphénoïde aux
vertèbres cervicales) et en largeur (entre les deux carotides intrapétreuses). Ce
carrefour pétrosphénoïdal est en effet barré latéralement par une succession de
plans contenant de nombreux organes nobles : en arrière, l'os temporal avec le
nerf facial, l'oreille moyenne et l'oreille interne mais aussi le golfe de la
jugulaire interne, les nerfs mixtes et l'artère carotide interne, la parotide au
centre avec le nerf facial, la mandibule en avant couvrant l'espace
ptérygomaxillaire ou fosse infratemporale. En arrière, dans la fosse cérébrale
postérieure, la face postérieure du rocher est longue et reçoit 3 pédicules
nerveux de haut en bas : le VI et le V, le paquet acousticofacial, enfin les nerfs
mixtes. En haut, la fosse cérébrale moyenne permet un abord correct vers l'apex
pétreux, mais très insuffisant vers le clivus. La rétraction du lobe temporal n'est
pas souhaitable pendant une trop longue durée. En avant enfin, les cavités de la
face permettent un abord direct, mais septique, avec des problèmes d'étanchéité
et surtout une voie d'abord forcément limitée de haut en bas et latéralement, à
moins de réaliser une maxillotomie ou une mandibulotomie étendue.

Il ne faut pas oublier en outre que la partie supérieure du clivus et l'apex pétreux
sont en rapport supérieur et antérieur avec les nerfs oculomoteurs à leur entrée
et dans leur traversée du sinus caverneux, lui-même barré par la carotide
interne.

Dans ce chapitre, nous insisterons tout spécialement sur les voies transpétreuses
bien maîtrisées par les otologistes, et nous détaillerons également quelques
voies particulièrement intéressantes tandis que nous ne ferons que citer les
autres possibilités dans l'énumération qui suit .

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DIFFÉ RENTES VOIES D'ABORD

 Les voies transpétreuses comportent :


o la voie sus-pétreuse éventuellement élargie ;
o la voie infratemporale B éventuellement élargie en C ; son
inconvénient est une surdité unilatérale de transmission et le
sacrifice du nerf mandibulaire ;
o la voie transcochléaire ; son inconvénient est une surdité totale
unilatérale et une parésie faciale séquellaire en raison du
déroutement total du facial ;
[53]
o la voie translabyrinthique élargie vers l'avant avec section de
la dure-mère le long du sinus pétreux supérieur peut avoir un
intérêt pour les méningiomes de la face postérieure du rocher
mordant de façon limitée sur l'apex et le clivus. Son inconvénient
est une surdité totale unilatérale.
 Les voies transcrâniennes nécessitent toutes une rétraction cérébrale,
plus ou moins marquée suivant l'importance de la résection osseuse
inférieure.
o La voie préauriculaire subtemporale semble particulièrement
intéressante pour les lésions hautes et antérieures.
o La voie sous-frontale transbasale (fig. 1) ou voie de Derome
nécessite une rétraction cérébrale importante et pose de gros
problèmes d'étanchéité. Elle n'est plus guère employée.
[25]
o La voie latérale transtemporale et sphénoïdale aborde le
clivus supérieur, de même que la voie frontotemporale
ptérionéale.
o Les voies sus-pétreuse et rétrosigmoïde combinées de Sakaki
[44]
, la voie présigmoïde de Samii [4] et la voie pétreuse de Al
Mefty [1] sont des interventions destinées aux méningiomes
pétroclivaux.
[7]
o La voie suboccipitale a l'inconvénient de travailler entre les
pédicules nerveux de la fosse cérébrale postérieure et de
nécessiter une rétraction du cervelet.
 Les voies transfaciales comportent deux grandes voies, apparemment
très délabrantes, mais susceptibles de donner un abord antérieur très
large :
o l'abord transmandibulaire médian donne une vue excellente du
clivus supérieur à C4 mais est responsable de surdité, de
dysphagie et représente une chirurgie particulièrement lourde ;
o l'abord transmaxillaire de maxillotomie étendue ou de
maxillectomie subtotale donne également un jour excellent du
clivus supérieur à C5 mais nécessite l'écartement ou la résection
temporaire du ou des maxillaires supérieurs.
 Les voies transsinusiennes sont également des voies septiques mais
limitées, et ne conviennent qu'à des biopsies ou une chirurgie palliative :
o voie transethmoïdale (clivus supérieur et sphénoïde) [9] ;
o voie transantrale (clivus supérieur et sphénoïde) [42] ;
o voie de maxillotomie (Le Fort I) : clivus moyen et supérieur et
sphénoïde [10] ;
[12]
o ptérygomaxillotomie par « degloving » facial .
 Les voies transnasales : ce sont également des voies septiques, donnant
un abord médiocre limité à la partie moyenne du clivus au voisinage de
la ligne médiane. Elles ne conviennent qu'à une biopsie ou à une
chirurgie palliative :
o voie transseptale ;
[35]
o voie transsphénoïdale ;
[8]
o voie para-latéro-nasale avec incision ou « degloving » facial .
 Les voies transorales : elles ont l'inconvénient de ne permettre qu'une
fermeture fragile et de n'offrir qu'une vue limitée qui convient donc
surtout, là encore, à une biopsie ou une chirurgie palliative (fig. 2) :
o oropharyngotomie directe pour le clivus inférieur ;
o abord transpalatin pour le clivus moyen et inférieur ;
o abord transvélaire pour la partie basse du clivus moyen et du
clivus inférieur.
 Les voies transpharyngées : ce sont également des voies septiques
donnant un abord médiocre avec un risque de fistule :
o voie transhyoïdienne pour le clivus inférieur, le foramen
magnum, la colonne cervicale ;
[38]
o voie extrapharyngée transcervicale , très profonde mais non
septique, avec un bon contrôle de la carotide interne dans le cou,
mais seulement pour le foramen magnum et la colonne cervicale.

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VOIES TRANSPÉ TREUSES

Voie sus-pétreuse

Voie sus-pétreuse pour cholestéatome supralabyrinthique

L'intérêt de cet abord est d'identifier la première portion du nerf facial à partir
du conduit auditif interne et d'avoir sous les yeux les première et deuxième
portions.

Ces objectifs ne sont pas facilement atteints car les différents éléments de la
face supérieure du rocher sont très modifiés par le cholestéatome et plus ou
moins déplacés dans un os très éburné ; le nerf facial est volontiers laminé ; le
cholestéatome adhère très fortement à la dure-mère.

La matrice du cholestéatome doit donc être disséquée pas à pas de la dure-mère


dès la voie d'abord. Les derniers fragments peuvent être enlevés à l'aide d'une
micro-pince agissant par tractions successives. Dans certains cas une résection
franche et une reconstruction par péricrâne est préférable.

 Pour faciliter le repérage, le tegmen tympani doit être ouvert. Il peut


l'être par la voie d'abord transmastoïdienne associée avant de tailler la
voie sus-pétreuse. A la fraise diamantée, une petite tranchée est faite
dans le tegmen immédiatement en avant et en dehors du canal supérieur
permettant son identification très rapide, dès le début de la voie sus-
pétreuse si cette zone n'est pas envahie par le cholestéatome.
 Si le canal supérieur ne peut pas être identifié correctement du fait de
l'extension de la lésion, c'est le conduit auditif interne qui va être repéré
près du porus en l'ouvrant dans l'axe du conduit auditif externe à 28 mm
de la corticale externe de l'écaille temporale avec une grosse fraise
diamantée de 5 mm.
 Le nerf facial sera suivi à partir du processus cochléariforme d'une part
et du fond du conduit auditif interne d'autre part. Les canaux semi-
circulaires et la cochlée seront disséqués avec une grande prudence en
cherchant à respecter leur endoste.
 La voie d'abord sus-pétreuse doit être souvent combinée à une voie
otologique : technique fermée, technique ouverte avec comblement,
exclusion de l'oreille moyenne.

Dans certains cas la reconstruction du nerf facial est indispensable avec un


segment de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel.

Voie sus-pétreuse élargie pour les lésions de la partie antérosupérieure de


l'angle pontocérébelleux (fig. 3)

House [28] a utilisé la voie sus-pétreuse en l'élargissant à toute la zone comprise


entre le conduit auditif interne en dehors, la carotide interne en avant, le sinus
pétreux supérieur en haut et le sinus pétreux inférieur en bas, enfin la racine du
nerf trijumeau en dedans. Un lambeau dure-mérien à pédicule inférieur peut être
ouvert en passant au ras du sinus pétreux supérieur pour aborder l'angle. Cette
voie peut s'adresser à un méningiome pétroclival.

 L'incision doit être antérieure, soit verticale, soit recourbée vers l'avant
comme celle de Fisch, d'abord verticale en avant de l'hélix et du tragus
sur 3 ou 4 mm, puis oblique en haut et en avant.
Une incision cruciforme du fascia et du muscle temporal donne un jour
suffisant.
 La craniotomie doit être antérieure et suffisante (3 à 4 cm de large, 4 à 5
de haut). La quasi-totalité doit être située en avant de la verticale passant
par le conduit auditif externe. Sa limite inférieure doit être descendue
jusqu'au plancher de la fosse cérébrale moyenne. La partie basse de la
craniotomie peut être élargie à la demande.
 Le premier repère est le sinus pétreux supérieur recherché à la partie
moyenne de la crête pétreuse au voisinage de l'eminentia arcuata, elle-
même repérée par sa distance de 24 mm par rapport au bord inférieur de
la craniotomie. Le repérage des nerfs pétreux pratiqué d'arrière en avant
est important. Pour gagner un jour antérieur suffisant, la coagulation et
la section de l'artère méningée moyenne sont nécessaires.
 L'os compact caractérisant le canal semi-circulaire supérieur est identifié
en fraisant les cellules du toit de l'antre dont la structure pneumatique ou
parfois simplement médullaire est distinguée de l'os compact
labyrinthique. Ce geste s'effectue à la fraise coupante de 5 mm, puis à la
fraise diamantée de 3 ou 4 mm. La ligne bleue du canal supérieur est
identifiée sur son versant supéroexterne. Le conduit auditif interne est
identifié dans l'angle de 60° ouvert en avant de la ligne bleue.
 Les lésions étant internes et antérieures, il est inutile de supprimer tout
l'os compris entre le canal et la ligne bleue. En revanche, tout l'os situé
en arrière de la cochlée est supprimé. Ce fraisage est poursuivi en
dedans jusqu'à la portion horizontale du canal carotidien qui est
identifiée. On supprime tout l'os compris entre le conduit auditif interne
en dehors, la carotide interne en avant, le sinus pétreux supérieur en haut
et le sinus pétreux inférieur en bas, enfin le cavum de Meckel et la
racine du trijumeau en dedans.

Voie infratemporale type B (fig. 4)

Cette voie mise au point par Fisch donne un jour excellent sur le clivus au prix
d'une surdité de transmission.

 Incision cutanée : l'incision passe à 3 cm au-dessus et en arrière du sillon


sus- et rétro-auriculaire. En haut et en avant, elle s'arrête à la ligne des
cheveux au-dessus et en dehors de l'angle externe de l'orbite. En bas, elle
peut descendre sur le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien si le
paquet jugulocarotidien doit être contrôlé.
 Le conduit auditif externe est fermé en deux plans. Le plan sous-cutané
est disséqué à partir d'une transsection au ras du conduit osseux, il est
retourné vers l'extérieur et suturé tandis qu'un lambeau fibromusculaire
pédiculisé vient doubler ce plan.
 Le nerf facial rétro- et intraparotidien est repéré, seule la branche
supérieure est dégagée pour repérer le rameau frontal suivi jusqu'à la
partie tout antérieure du zygoma.
 L'arche zygomatique est disséquée et basculée vers le bas. Le périoste de
l'arche zygomatique est incisé puis disséqué et refoulé vers le bas avec la
branche frontale du facial. L'arche est sectionnée au ras du processus
zygomatique du maxillaire en avant après avoir percé deux orifices pour
pouvoir la fixer en place en fin d'intervention. La section postérieure est
placée au ras de l'apophyse transverse, l'arche est basculée en restant
attachée au muscle masséter.
Le muscle temporal est basculé vers le bas après l'avoir séparé de
l'écaille temporale et de la grande aile du sphénoïde ; il reste attaché à
l'apophyse coronoïde.
 Une vaste cavité est taillée en supprimant le conduit auditif externe, le
tympan, le marteau et l'enclume, ainsi que la totalité des cellules de
l'oreille moyenne. Le facial est identifié au niveau de ses 2e et 3e
portions, de même que le golfe de la jugulaire et la carotide interne à la
partie inférieure de la cavité. Une pellicule osseuse transparente est
laissée sur ces différents éléments.
 L'articulation temporomandibulaire, la cavité glénoïde et l'apophyse
transverse du zygoma sont supprimées. L'écarteur infratemporal est mis
en place de haut en bas en veillant à ne pas tendre à l'excès le tronc
rétroparotidien du nerf facial. Le plancher de la fosse cérébrale moyenne
est aminci jusqu'à ne laisser qu'une fine pellicule osseuse qui peut être
supprimée si la dure-mère doit être soulevée.
 Après les avoir individualisés dans la fosse ptérygomaxillaire puis dans
les canaux osseux de la base du crâne, l'artère méningée moyenne puis le
nerf mandibulaire sont coagulés et sectionnés. Ce geste permet à la fois
de supprimer ces deux obstacles barrant l'accès des régions profondes et
d'abaisser davantage le condyle pour gagner de l'espace. Un écarteur,
placé en avant, permet de voir la base du processus ptérygoïde.
Immédiatement en dedans, la trompe d'Eustache osseuse puis
cartilagineuse forme un excellent repère. Elle est ouverte jusqu'à l'isthme
permettant de suivre la partie horizontale de la carotide interne jusqu'au
trou déchiré (antérieur), après avoir enlevé le muscle du marteau.
 L'exérèse tumorale est alors pratiquée. Les indications habituelles de la
voie infratemporale B sont les cholestéatomes de l'apex pétreux, les
chondrosarcomes et les chordomes. Ces tumeurs saignent peu, mais
peuvent adhérer très fermement à la dure-mère, aux vaisseaux, aux nerfs
et présenter des extensions intraosseuses à distance de la masse
principale.
Pour réaliser une exérèse totale, il est généralement nécessaire de
détruire la cochlée et la portion inférieure du labyrinthe postérieur. La
suppression de la cochlée améliore en effet le jour que l'on a en dedans
de la carotide interne. Il est ainsi possible de libérer totalement le canal
carotidien et de repousser la carotide interne vers l'avant ou légèrement
vers l'extérieur. L'artère caroticotympanique est coagulée à quelque
distance de la paroi carotidienne.
En poussant légèrement la carotide interne vers l'arrière, on peut
également identifier tout l'espace situé en avant d'elle en fraisant à la
demande, à la fraise diamantée, toute la partie du clivus qu'il est
nécessaire d'enlever pour maîtriser l'extension tumorale. La bascule de la
carotide interne, tantôt vers l'avant tantôt vers l'arrière, permet d'accéder
à sa face interne afin d'en détacher les débris tumoraux [21].
En descendant le fraisage du clivus, il faut veiller à identifier le canal
condylien antérieur contenant le nerf hypoglosse. Il faut aussi tarir, par
de la poudre d'os et de la cire de Horsley, le saignement venant du sinus
pétreux inférieur qui suit la fissure pétro-occipitale. Le Surgicel® peut
être nécessaire.
S'il s'agit d'un chordome, il est particulièrement nécessaire de fraiser au-
delà de la tumeur qui comporte de très nombreuses expansions
digitiformes. En haut et en arrière, sous la carotide, il peut être
nécessaire d'utiliser un miroir rhinopharyngien no 0 ou 00 afin
d'identifier les résidus tumoraux. On peut aussi utiliser une optique
endoscopique. Pour gagner du jour sur la totalité du clivus, il peut être
nécessaire de réséquer le condyle mandibulaire. Pour gagner du jour sur
le sinus sphénoïdal, il faut supprimer le processus ptérygoïde et faire
ainsi une voie de type C. Dans ce cas, on a intérêt à utiliser de la graisse
abdominale pour améliorer la fermeture.
De même, les cholestéatomes ont tendance à glisser entre l'os et la dure-
mère. Il faut donc fraiser à la fraise diamantée tous les rebords osseux.
La dure-mère elle-même doit être littéralement « épluchée » à l'aide
d'une micro-pince en tirant tangentiellement la matrice.
 Certaines extensions de cette voie peuvent être nécessaires. En principe,
la voie infratemporale B a été imaginée pour des lésions antérieures par
rapport au nerf facial et celui-ci n'a pas à être déplacé. En fait, certaines
propagations tumorales postérieures (cholestéatome intrapétreux...)
peuvent nécessiter des techniques particulières au niveau du nerf facial :
abord inter-sinuso-facial sous-labyrinthique ou translabyrinthique,
déroutement vers l'avant de la 2e et de la 3e portion comme dans une
voie infratemporale A, déroutement complet comme dans une voie
transcochléaire. Il faut savoir que si le déroulement partiel est
compatible avec une préservation subtotale de la fonction du nerf facial,
son déroutement total s'accompagne toujours d'une paralysie totale
postopératoire et donc de séquelles notables lors de la récupération.
Pour la chirurgie de certains chordomes particulièrement massifs,
comportant une extension inférieure pouvant atteindre la 2e vertèbre
cervicale, Fisch n'hésite pas à recommander la section du facial à la
partie moyenne de sa 3e portion. Le coude et la 2e portion du facial sont
placés en transposition antérieure et réunis à la partie sectionnée par une
greffe de nerf sural de 2 cm de long. L'ensemble est recouvert par un
lambeau de muscle temporal soigneusement suturé. On gagne ainsi un
jour considérable pour les tumeurs les plus volumineuses au prix d'une
paralysie faciale postopératoire suivie d'une récupération (grade III au
mieux) apparaissant cliniquement à partir du 4e ou 6e mois.
 La fermeture nécessite la fermeture de la trompe d'Eustache
cartilagineuse par une suture résorbable transfixiante. L'arche
zygomatique est fixée est fixée en place au fil d'acier grâce aux orifices
percés au début de l'intervention. La cavité est remplie de graisse
abdominale sur laquelle le muscle temporal est retourné ; le muscle est
suturé en arrière au sterno-cléido-mastoïdien. La peau est fermée en trois
plans sans drainage.

Voie infratemporale type C (fig. 5)

Elle permet l'abord de toute la portion horizontale de la carotide interne, la paroi


externe de l'orbite. Elle s'arrête au sinus caverneux. Elle nécessite la section du
nerf mandibulaire .

La technique est la même que pour la voie B mais l'incision doit être poussée en
avant et an haut jusqu'à la zone supéroexterne du sourcil. Nous décrirons la voie
à partir de l'abord de la portion horizontale de la carotide interne.

 L'artère méningée moyenne est coagulée et sectionnée. Le nerf


mandibulaire est sectionné après avoir coagulé les petites veines et
l'artère petite méningée qui l'entourent. Il peut être intéressant de
conserver une partie de son tronc proximal afin de tenter une éventuelle
anastomose avec le nerf facial si celui-ci ne peut être conservé. La
portion horizontale de l'aile sphénoïdale avec le canal du foramen ovale
est fraisée jusqu'à la base de l'apophyse ptérygoïde, en désinsérant le
muscle ptérygoïdien externe de ses attaches latérales. La trompe
osseuse, puis l'origine de la trompe cartilagineuse, balisent le trajet de la
portion horizontale de la carotide interne qui est trouvée le long de sa
paroi interne. Celle-ci est suivie jusqu'au trou déchiré (antérieur).
 Les ligaments de la fissure pétro-occipitale sont disséqués, ainsi que les
parties molles de la base de la grande aile du sphénoïde, de la lame
latérale du processus ptérygoïde et du clivus. Cette dissection doit
souvent être faite aux ciseaux car ce tissu est extrêmement solide. Si l'on
veut tailler dans la masse des muscles ptérygoïdiens, il faut coaguler à la
pince bipolaire les branches de l'artère maxillaire interne et les veines du
plexus ptérygoïdien.
La base de l'apophyse ptérygoïde est supprimée à la fraise. Son aile
interne forme la partie postérieure de la fosse nasale. Le nerf vidien est
inférieur et antérieur par rapport au nerf maxillaire (nerf maxillaire
supérieur). La paroi latérale du sinus sphénoïdal est encadrée par le nerf
maxillaire en haut et le nerf vidien en bas. Le sinus sphénoïdal peut ainsi
être ouvert. Le nerf vidien repère aussi la limite supérieure de la paroi
externe du cavum qu'il faut éviter d'ouvrir si l'exérèse des lésions du
clivus doit laisser une brèche dure-mérienne.
 Pour gagner du jour vers le haut, il faut supprimer la dernière pellicule
osseuse couvrant la dure-mère du plancher de la fosse cérébrale
moyenne et relever le lobe temporal par voie extradurale. On peut ainsi
accéder à la région parasellaire et à la partie basse du sinus caverneux
pour en détacher une tumeur non invasive en sacrifiant parfois le nerf
maxillaire et le nerf vidien. Rappelons que deux repères permettent
d'identifier la partie inférieure du sinus caverneux : en arrière, la carotide
interne au-dessus du foramen lacerum, et en avant l'origine du nerf
maxillaire vers le foramen rotondum. Il n'est pas possible d'aller plus
avant dans le sinus caverneux, en particulier à cause de la présence des
nerfs oculomoteurs. Cependant, certains décrivent un abord latéral par le
triangle postéro-inférieur de Parkinson situé entre le III et le IV en haut
et le VI en bas. Si une hémorragie se produit à partir du sinus caverneux,
elle est souvent impressionnante mais est également tarie par
compression à l'aide de Surgicel® ou de greffes musculaires libres. Il
faut se rappeler que l'on doit conserver le plancher du sinus sphénoïdal
pour soutenir cette compression.
Au niveau du plafond du sinus sphénoïdal, il faut chercher à repérer
l'hypophyse qui a pu être dénudée par la propagation tumorale.
 La fermeture est identique à celle de la voie B lorsque le pharynx n'a pas
été ouvert.

Voie transcochléaire (fig. 6)

Cette voie d'abord a été décrite par House en 1976 . En 1982, De La Cruz [13] en
rapporte 16 observations. L'inconvénient de cette technique est une paralysie
faciale temporaire dans les deux tiers des cas laissant obligatoirement des
séquelles. Dans un tiers des cas, la paralysie faciale est totale car le nerf a dû
être sacrifié en même temps que la tumeur.

 L'incision est la même que celle d'une voie translabyrinthique, c'est-à-


dire pour House 2 cm derrière le pli rétro-auriculaire. Cette voie peut
être effectuée comme une voie d'abord translabyrinthique sans toucher
au tympan et au conduit auditif externe. Beaucoup plus rarement dans
l'esprit de ses concepteurs, elle comporte une suppression du conduit
auditif externe et du tympan et une exclusion de l'oreille moyenne
comme dans une voie infratemporale.
 Cette intervention ressemble donc d'abord à une voie translabyrinthique
avec une très large mastoïdectomie, la suppression de la corticale 2 cm
en arrière du sinus latéral, l'exposition de la dure-mère de la fosse
cérébrale moyenne et postérieure. Les canaux semi-circulaires sont
enlevés et le conduit auditif interne est corticalisé en exposant en haut
tout le sinus pétreux supérieur et en bas le golfe de la jugulaire jusqu'à
l'aqueduc cochléaire.
 Le temps essentiel est le déroutement total du nerf facial en arrière. Le
nerf facial est d'abord préparé en ne laissant qu'une fine pellicule
osseuse sur toute la moitié externe de l'aqueduc de Fallope. Cette
pellicule osseuse est enlevée, puis le nerf facial est soigneusement
décollé du trou stylomastoïdien au conduit auditif interne après avoir
coupé le nerf pétreux superficiel pour pouvoir récliner en arrière le
ganglion géniculé.
 Le canal de Fallope, le muscle de l'étrier et la totalité de la cochlée sont
alors enlevés exposant l'artère carotide interne. Pendant le fraisage, de
nombreux vaisseaux provenant de la carotide interne peuvent être
détruits et bouchés par la fraise diamantée. Ceci réduit d'autant la
vascularisation de la tumeur et sa base d'implantation, ce qui est
particulièrement intéressant s'il s'agit d'un méningiome pétroclival,
indication fréquente de cette voie d'abord.
 Si cela est nécessaire, la dure-mère est ensuite ouverte dans tout l'espace
compris entre : en haut le sinus pétreux supérieur, en avant l'artère
carotide interne, en bas le golfe de la jugulaire, en arrière le sinus latéral.
L'ablation progressive de la tumeur permet d'identifier progressivement
les structures de la ligne médiane : artère basilaire, artères vertébrales,
Ve, VIe, IXe et XIe nerfs crâniens. On peut même voir le pédicule
acousticofacial et le conduit auditif interne du côté opposé.
 Après avoir fini l'ablation de la tumeur et assuré une hémostase parfaite,
des bandelettes de graisse abdominale sont utilisées pour combler la
voie d'abord et former un lit pour le nerf facial. Les tissus de couverture
sont fermés en 3 plans.

Actuellement, cette voie est généralement utilisée avec une exclusion de l'oreille
moyenne qui donne un meilleur jour vers l'avant (fig. 6). Elle peut donc
facilement être étendue vers l'avant par une voie infratemporale B ou même C.

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ABORDS TRANSCRÂ NIENS

Voie préauriculaire sous-temporale (fig. 7)

Décrite par Sekhar , elle ménage l'oreille moyenne mais peut amputer la trompe.

Technique

 Incision préauriculaire de parotidectomie prolongée en faucille dans la


région temporale et étendue éventuellement à la région cervicale.
Découverte du tronc du facial et repérage de sa branche frontale qui est
rabattue avec le périoste du zygoma.
Section antérieure et postérieure du zygoma qui est rabattu vers le bas
avec le masséter.
Décollement du temporal qui est rabattu vers le bas.
 Dissection cervicale et exposition du paquet jugulocarotidien.
 Ouverture de l'articulation temporomandibulaire permettant son
abaissement vers le bas en veillant à ne pas exercer de traction sur le
tronc rétroparotidien du nerf facial. La résection du condyle peut être
nécessaire.
Le jour est donné comme dans la voie infratemporale par le fraisage
osseux extradural du plancher de la fosse cérébrale moyenne [3]. L'artère
méningée moyenne est repérée à la sortie du foramen spinosum et le
nerf mandibulaire à la sortie du trou ovale. Ces deux éléments balisent la
trompe, l'un en arrière, l'autre en avant.
Le grand nerf pétreux superficiel est identifié et sectionné pour éviter
une traction du nerf facial.
La portion horizontale de l'artère carotide interne intrapétreuse parallèle
au grand nerf pétreux superficiel est trouvée en arrière du nerf
mandibulaire.
Le fraisage de la racine de la ptérygoïde permet de découvrir le canal
grand rond et le V2.
 S'il est nécessaire, la transposition antérieure de la portion cervicale
haute et intrapétreuse de la carotide interne [49] expose la totalité du
clivus et la totalité de la dure-mère, de l'apex pétreux au trou occipital,
ou même jusqu'à l'atlas et à l'odontoïde.
 Le sinus caverneux est repéré au niveau de ses deux extrémités,
antérieure et postérieure, grâce au nerf maxillaire en avant, à la carotide
interne en arrière.
 La fermeture comporte le comblement de la cavité par de la graisse
abdominale, avec éventuellement mise en place du muscle temporal si le
cavum ou les sinus ont été ouverts pour former une première barrière.
 Samii [45] utilise cette voie. Gates [23] décrit une voie très voisine.
Mickey [40] utilise une voie rétro-auriculaire très voisine de celle de la
voie C avec transsection du conduit qui est remis en place en fin
d'intervention. Cette dernière technique est à retenir car elle permettrait
d'étendre la voie préauriculaire sous-temporale vers l'arrière en voie
infratemporale type C.

Voie pétreuse ou voie sus-pétreuse, pré- et rétrosigmoïde combinée ou


voie présigmoïde (fig. 8)

Décrite par Al Mefty [1] pour les méningiomes pétroclivaux, elle est très voisine
de celles décrites par Sakaki [44] et Samii [4].

[1]
Technique

 Le malade est installé en position couchée, l'épaule légèrement soulevée,


la tête tournée de 40 à 60°, légèrement abaissée et inclinée. Elle est prise
dans une têtière de Mayfield.
 Une incision circulaire part du zygoma pour atteindre la partie
postérieure de la pointe de la mastoïde en passant à 5 ou 6 cm au-dessus
de l'oreille.
Le temporal est ruginé de part et d'autre de cette incision. Une
craniectomie temporale et suboccipitale expose le sinus transverse et le
sinus latéral.
La mastoïde est fraisée en dénudant totalement le sinus latéral jusqu'au
golfe. En avant, la voie d'abord est limitée par l'aqueduc de Fallope et le
canal semi-circulaire postérieur.
 La dure-mère est ouverte de part et d'autre du sinus latéral. L'incision
antérieure suit ensuite le plancher de la fosse temporale. L'incision
postérieure descend jusqu'au niveau du golfe.
La partie postérieure du lobe temporal est doucement rétractée après
avoir disséqué partiellement la veine de Labbé de la surface corticale
afin de ne pas la tendre et la déchirer.
L'hémisphère cérébelleux tombe vers l'arrière par simple gravité.
 Le sinus pétreux peut être clippé et sectionné permettant à l'incision
présinusale d'être poussée le long de la tente parallèlement au bord
supérieur du rocher.
Samii coagule et sectionne systématiquement le sinus pétreux supérieur
à sa partie externe et prolonge systématiquement l'incision
présigmoïdienne selon un Y dont une branche passe dans la tente du
cervelet en arrière du sinus pétreux, tandis que l'autre, toujours dans la
tente, est dirigée en arrière et en dedans formant ainsi un lambeau
triangulaire au niveau de la tente du cervelet. L'incision horizontale
tracée le long du plancher de la fosse temporale est prolongée en arrière
le long du sinus transverse.
Cette voie d'abord décrite par Samii passe donc entre le rocher et le
sinus sigmoïde rétracté vers l'arrière. Cet espace est agrandi vers le haut
par la section de la tente.

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VOIE TRANSFACIALES (FIG. 9)

Voie transmandibulaire médiane


[6]
Décrite par Biller , elle fait partie des voies cervico-transorales.

Technique

 Incision cutanée arciforme, type Sébileau-Carrega, de la pointe de la


mastoïde à l'os hyoïde, puis la symphyse mentonnière, enfin la lèvre
inférieure qui est sectionnée.
Le lambeau cutané est relevé en passant à la face profonde du peaucier.
Le rameau mentonnier du VII est repéré et respecté, la glande sous-
maxillaire, le muscle digastrique et stylohyoïdien sont réclinés vers le
haut.
Le muscle mylohyoïdien est également sectionné depuis son insertion
postérieure sur l'os hyoïde jusqu'à la face postérieure de la symphyse
mandibulaire.
Les gros vaisseaux et les nerfs du paquet jugulocarotidien sont repérés.
 Le périoste mandibulaire est incisé et ruginé de part et d'autre de la
symphyse qui est sectionnée en marche d'escalier, après que 4 trous
aient été faits en vue de l'ostéosynthèse finale.
L'écartement des fragments mandibulaires tend la muqueuse du plancher
buccal qui est incisée entre les orifices des canaux de Wharton.
L'incision longe le plancher buccal jusqu'à la base du pilier antérieur en
respectant le nerf lingual. Elle est prolongée jusqu'à la tubérosité du
maxillaire supérieur. Elle suit alors en dedans l'arcade dentaire
supérieure jusqu'au-delà de la ligne médiane en coupant le mucopérioste
du palais osseux à 1,5 cm du rebord gingival. L'hémimandibule est alors
écartée, exposant l'espace para-amygdalien. Cette manoeuvre tend
l'artère carotide externe qui est liée et sectionnée au niveau de la
naissance de l'artère faciale.
 Les muscles stylopharyngien et styloglosse, le muscle ptérygoïdien
médial sont identifiés. Sur ces muscles chemine le nerf lingual.
L'incision du muscle ptérygoïdien médial achève cet abord. Les
ligaments stylohyoïdiens, les muscles styloglosse et stylopharyngien
sont séparés de leur insertion stylienne. L'apophyse styloïde est
raccourcie. Le paquet jugulocarotidien est ainsi contrôlé jusqu'à la base
du crâne.
 Un lambeau palatin à pédicule postérieur est décollé avec la muqueuse
tapissant l'aile médiale de la ptérygoïde. Le bord postérieur du palais dur
est réséqué, de même que les ailes de la ptérygoïde. La trompe et les
muscles tenseurs et releveurs du voile sont sectionnés avant leur
pénétration dans le constricteur du pharynx. Ceci permet de mobiliser le
pharynx par rapport à la base du crâne en le refoulant vers le côté
opposé pour exposer clivus et rachis cervical. Le sinus sphénoïdal peut
être aussi atteint en arrière du vomer. Cette voie est donc extramuqueuse
à partir du pilier antérieur, garantissant en principe une bonne
étanchéité.
 La fermeture est effectuée plan par plan, la mandibule est
ostéosynthésée.
La section de la trompe provoque une otite séreuse et nécessite la mise
en place d'un aérateur.

Voies transmaxillaires
[43]
Plusieurs types de voie ont été décrites, notamment par Robertson et
Janecka .

 La division médiane de la face (Janecka), ou « facial swing », représente


la solution la plus radicale.
Elle consiste à mobiliser les deux maxillaires par des ostéotomies de
type Le Fort III combinées à une séparation intermaxillaire. Ces deux
éléments restent vascularisés et sont mobilisés vers le dehors et le bas,
découvrant la totalité de la base du crâne d'une carotide interne à l'autre
et du plancher de la fosse cérébrale antérieure à la 4e vertèbre cervicale.
 La maxillotomie subtotale élargie (Robertson) comporte soit une
incision verticale du philtrum divisant la lèvre supérieure et prolongée
en paralatéronasale, soit un « degloving ».
Le maxillaire est mobilisé en le sectionnant en dessous du foramen sous-
orbitaire, en conservant sa vascularisation grâce au mucopérioste du
palais et du pilier de l'amygdale controlatérale.

Les cornets moyen et supérieur sont enlevés, de même que les cellules
ethmoïdales, le sinus sphénoïdal, le septum nasal postérieur et l'apophyse
ptérygoïde.

Après mobilisation du maxillaire, l'incision rétromolaire est étendue à travers le


pilier antérieur de l'amygdale et la paroi latérale du pharynx pour exposer la
base du crâne sur la ligne médiane du toit du sinus sphénoïdal à la 5e vertèbre
cervicale et latéralement d'une carotide interne à l'autre.

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CONCLUSION

Les progrès de l'imagerie permettent de mieux prévoir le siège et, dans une
certaine mesure, le type des lésions. Il est donc possible de choisir la technique
chirurgicale qui permettra une exérèse totale avec le minimum de séquelles. La
collaboration de différentes disciplines complémentaires permet de réduire la
durée globale de l'intervention en assurant à chaque chirurgien une action plus
courte et plus efficace.

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© 1993 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 :

Les voies antérieures du clivus selon Derome.

A. Voie transcervicale : clivus inférieur.

B. Voie trans-bucco-pharyngée : clivus inférieur.

C. Voie rhinoseptale : clivus moyen.

D. Voie combinée sous-frontale et labioseptale : seul le dorsum sellae est


inaccessible.

E. Voie sous-frontale.
Fig 2 :

Fig 2 :

Voie transorale agrandie par un abord trans-vélo-palatin.

La voie d'abord est de toute façon limitée à une largeur de 1,5 cm environ.
L'agrandissement transvélaire ou transpalatin ne permet qu'un agrandissement
vers le haut du clivus inférieur au clivus moyen.

Fig 3 :
Fig 3 :

Voie sus-pétreuse élargie.

L'artère méningée moyenne est sectionnée. On supprime tout l'os situé entre la
cochlée puis la carotide interne en avant, le conduit auditif interne en dehors, le
sinus pétreux supérieur en haut, le sinus pétreux inférieur en bas, enfin le cavum
de Meckel en dedans.

Fig 4 :
Fig 4 :

Voie infratemporale type B.

A. L'incision sus- et rétro-auriculaire atteint en avant la limite du cuir chevelu


au-dessus et en dehors de l'angle externe de l'orbite (point B). Elle est poursuivie
jusqu'à la zone supéroexterne du sourcil pour la voie C (point C). Elle peut être
descendue davantage dans la région cervicale pour contrôler les gros vaisseaux.

B. Dissection et section de l'arche zygomatique.

C. Le zygoma avec le muscle masséter est basculé vers le bas puis le muscle
temporal est disséqué et basculé vers le bas.

D. Situation finale : le conduit auditif externe est fermé. L'oreille moyenne est
supprimée. La 2e et la 3e portion du nerf facial sont corticalisées de même que le
sinus latéral, le golfe de la jugulaire interne et la carotide interne. L'écarteur
refoule vers le bas le condyle mandibulaire. La cavité glénoïde et le maximum
d'os sont enlevés à la base de la fosse cérébrale moyenne. L'artère méningée
moyenne et le nerf mandibulaire sont sectionnés. On voit l'extrémité postérieure
de la trompe d'Eustache cartilagineuse.
Fig 5 :

Fig 5 :

Voie infratemporale type C.

A. La section antérieure du zygoma est déplacée en avant.

B. La trompe d'Eustache a été supprimée laissant un orifice dans la paroi latérale


du rhinopharynx. La préparation est la même que pour la voie B mais on a
dégagé et fraisé le processus ptérygoïdien et sa racine découvrant le nerf
maxillaire.

C. Le fraisage de la base du processus ptérygoïde est poursuivi jusqu'au nerf


vidien au-dessous et en dedans du nerf maxillaire. La paroi latérale du sinus
sphénoïdal est située entre les deux nerfs. Le rhinopharynx est situé au-dessous
du nerf vidien. Sa paroi externe est représentée ouverte pour montrer la situation
du cavum, ce qu'il faut éviter de faire si l'exérèse des lésions du clivus doit
ouvrir une brèche dure-mérienne.

Fig 6 :
Fig 6 :

Voie transcochléaire.

Elle donne son maximum de jour lorsque l'oreille moyenne est supprimée
comme dans une voie infratemporale.

A. Le nerf facial est encore en place mais totalement disséqué. En avant, la


carotide interne est identifiée. En arrière, le sinus latéral, le sinus pétreux
supérieur et le golfe de la jugulaire interne sont également corticalisés.

B. Le nerf facial est dérouté en arrière après section des nerfs pétreux. Le jour
est très large non seulement sur l'apex pétreux et la partie postérieure du clivus,
mais aussi sur la totalité de l'angle pontocérébelleux et les structures de la ligne
médiane (tronc basilaire et les différents nerfs crâniens). Cette voie convient
particulièrement aux méningiomes pétroclivaux.

Fig 7 :

Fig 7 :

Voie préauriculaire sous-temporale.

A. Incision préauriculaire.

B. Après abaissement du zygoma et du muscle temporal et préparation du tronc


du facial et du paquet jugulocarotidien comme dans une voie infratemporale, le
jour est donné par le fraisage du plancher de la fosse cérébrale moyenne, en
débordant davantage vers l'écaille du temporal, et par l'abaissement du condyle
mandibulaire qui peut être réséqué. La carotide interne est dégagée comme dans
les voies infratemporales types B et C.

Fig 8 :

Fig 8 :

Voie présigmoïde de Samii (oreille gauche, position opératoire).

A. Une craniectomie temporale et suboccipitale expose le sinus latéral et le


sinus transverse. Elle s'arrête en avant au canal semi-circulaire postérieur et au
nerf facial. Le sinus pétreux supérieur est clippé ou coagulé et sectionné. Une
incision présinusienne traverse le sinus pétreux supérieur et se divise en Y dans
la tente du cervelet ; sa branche antérieure suit en arrière le sinus pétreux
supérieur. Une incision horizontale tracée le long du plancher de la fosse
temporale est prolongée en arrière au-dessus du sinus transverse.

B. Cette voie passe ainsi entre le bloc labyrinthique en avant et le sinus


sigmoïde rétracté en arrière. Elle est agrandie vers le haut par l'incision
transtentorielle.

Fig 9 :
Fig 9 :

Voie transmandibulaire médiane de Biller.

A. Incision cutanée arciforme venant diviser la lèvre inférieure.

B. La section mandibulaire médiane en marche d'escalier permet d'écarter les


fragments mandibulaires et d'inciser la muqueuse du plancher buccal jusqu'à la
base du pilier antérieur en respectant le nerf lingual. L'incision est prolongée
jusqu'à la tubérosité du maxillaire supérieur, puis suit en dedans l'arcade
dentaire jusqu'au-delà de la ligne médiane.

C. Toute la paroi pharyngée est mobilisée vers le côté opposé pour exposer la
totalité du clivus et la partie haute du rachis cervical.
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 46-020

46-020

Chirurgie du foramen jugulaire


JM Thomassin R é s u m é. – La chirurgie du foramen jugulaire s’adresse à des tumeurs rares qui
D Korchia sont essentiellement représentées par les neurinomes des nerfs mixtes, les
F Braccini méningiomes basicrâniens et les paragangliomes jugulaires.
W Pellet Ces lésions d’accès difficile et dangereux ont bénéficié des progrès de l’imagerie
PH Roche diagnostique et interventionnelle (embolisation préopératoire) mais également de la
collaboration entre oto-rhino-laryngologistes et neurochirurgiens.
L’accès au foramen jugulaire suppose des connaissances anatomiques poussées et
une grande expérience chirurgicale.
Zone frontière par définition, cet orifice de la base du crâne donne passage à des
éléments vasculonerveux d’importance vitale, en avant la pars nervosa avec les nerfs
mixtes (IX, X, XI bulbaire) et le sinus pétreux inférieur, en arrière la pars venosa, zone
de naissance de la veine jugulaire interne.
Le choix des voies d’abord dépend de la nature tumorale mais surtout de son
extension.
Ainsi, la voie mastoïdienne et infralabyrinthique sans déroutation du nerf facial (House
et Glassok) permet un accès à la partie latérale et postérieure du foramen jugulaire.
En cas de lésions plus volumineuses, une déroutation du nerf facial est nécessaire et
on choisit selon les cas une voie infratemporale type A de Fisch ou une voie
transcochléaire élargie (House et Hitselberger).
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction Anatomie
La chirurgie du foramen jugulaire est essentiellement représentée par la Cet orifice appelé maintenant trou jugulaire est creusé dans la moitié
postérieure de la suture pétro-occipitale (fissura petra occipitalis).
chirurgie des paragangliomes jugulaires, des neurinomes des nerfs
mixtes, des méningiomes basicrâniens et plus rarement par d’autres Aubaniac [1] avait proposé le terme de canal déchiré postérieur pour bien
lésions. mettre en évidence la notion d’espace interosseux et non d’orifice.
Longtemps, ces tumeurs ont été abordées par une voie unique, oto-rhino- Actuellement, la nomenclature anatomique internationale (PNA) lui
laryngologique ou neurochirurgicale, chaque spécialité tentant donne le nom de foramen jugulaire ou trou jugulaire. Il fait
d’extraire ou de refouler aux limites de son territoire ces tumeurs. communiquer la fosse cérébrale postérieure avec l’espace sous-
parotidien postérieur, à travers les deux extrémités d’un canal coudé en
Actuellement, l’intérêt de la pluridisciplinarité entre oto-rhino- « chicane » reproduisant en plus court le trajet du canal carotidien. Sa
laryngologistes, neurochirurgiens et neuroradiologues, permet une forme est triangulaire (parfois ovalaire) à sommet aigu antéroexterne et
chirurgie le plus souvent réglée au niveau du « canal » jugulaire base arrondie postéroexterne. Son grand axe est comme celui de la
profondément enfoui sous la base du crâne. suture, oblique en haut en avant et en dedans. Il est situé dans un plan
presque vertical. Il possède deux orifices, exocrânien et endocrânien, de
situation, de morphologie, et de dimensions différentes, situés à ses deux
extrémités.
Jean-Marc Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de
service.
Daniel Korchia : Praticien hospitalier. Situation et configuration générale
Frédéric Braccini : Assistant des Hôpitaux.
Fédération oto-rhino-laryngologique, groupe hospitalier de la Timone, 13385 Marseille Orifice endocrânien
cedex 5, France.
Willy Pellet : Professeur hospitalier. Situé dans le plan de la face postérieure de la pyramide, il est presque
Pierre-Hugues Roche : Assistant des Hôpitaux. vertical, regardant en arrière, en dedans et un peu en haut. Sur son
Centre hospitalier universitaire, hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte- extrémité interne, plutôt effilée, se termine la gouttière du sinus pétreux
Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France. inférieur.
© Elsevier, Paris

Il présente à peu près en son milieu la saillie de l’épine jugulaire du


Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Korchia D, temporal ; c’est le bord externe de la masse latérale de l’occipital. Dans
Braccini F, Pellet W et Roche PH. Chirurgie du foramen jugulaire. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales – Tête et cou, 46-020, 1999, 14 p.
sa moitié antérieure, il présente une saillie assez mousse, le tubercule
occipital, rehaussé à ce niveau par une petite élevure, l’épine jugulaire
46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

1 Trou jugulaire et son


contenu.
1. Nerf glossopharyngien (IX) ;
2. golfe de la jugulaire ; 3. nerf
spinal (XI) accessoire ; 4. bran-
che de l’artère pharyngienne as-
cendante ; 5. nerf vague (X) ;
6. sinus pétreux inférieur.

2 Canal jugulaire d’après Guerrier [18].


1. Bulbe de la veine jugulaire ; 2. nerf spinal accessoire ; 3. nerf vague et ganglion
supérieur ; 4. nerf glossopharyngien et ganglion inférieur ; 5. sinus pétreux inférieur.

de l’occipital. Sa moitié postérieure, au contraire, dessine une


échancrure à sommet postérieur : l’échancrure jugulaire de l’occipital.
Le fond excavé constitue la fosse jugulaire de l’os occipital. Ainsi, le
pourtour de cet orifice endocrânien est constitué de deux épines
opposées mais décalées auxquelles répondent deux échancrures. B
3 A. Vue endoluminale de la jonction sinus sigmoïde-golfe de la jugulaire, opti-
Orifice exocrânien que 0°.
Un peu plus volumineux que le précédent, il appartient au plan de la face B. Vue endoluminale du golfe de la jugulaire. Abouchement du segment pétreux
inférieur et de la veine condylienne antérieure.
inférieure de la pyramide, est presque horizontal et regarde en bas. Il est
situé juste en dedans de la base de l’apophyse styloïde et en arrière de
l’orifice inférieur du canal carotidien. – l’autre passage postérolatéral livre au pneumogastrique et à la branche
Défilé osseux bulbaire de l’accessoire.
Dirigé obliquement en avant en bas et latéralement, la lumière de ce Dans le trou jugulaire, d’après Guerrier [18], le vague et le spinal bulbaire
canal est divisée par les épines jugulaires qui les compartimentent en ne sont pas accolés avec une gaine arachnoïdienne commune. Le rameau
deux portions : méningé de l’artère pharyngienne ascendante se trouve au contact du X,
au cours de sa traversée osseuse.
– la portion externe, large, globuleuse, située entre les deux fosses
jugulaires, temporale et occipitale ; Vers le haut dans leur bref trajet endocrânien, le IX, le X et le XI sont
croisés par l’artère cérébelleuse inférieure et antérieure au-dessus et par
– la portion interne, plus étroite, anfractueuse, entre le tubercule
l’artère cérébelleuse inférieure et postérieure au-dessous. Ces éléments
occipital et la fossette pyramidale.
artériels seront essentiels à repérer lorsque l’exploration de la fosse
Cette partition est encore accentuée par l’existence habituelle d’une postérieure sera programmée à partir du canal jugulaire lui-même ou de
cloison fibreuse, tendue entre l’épine jugulaire du temporal et le la face endocrânienne postérieure du rocher.
tubercule occipital, le ligament jugulaire, ligament qui est, selon Rhoton,
Buza [34] et Katsuka [22], remplacé par un véritable pont osseux dans 26 % Compartiment veineux ou pars venosa
des cas. Kennedy [23] souligne que celui-ci est unilatéral dans 13,2 % des
cas et bilatéral dans 4,7 % seulement. Ces mêmes auteurs ont insisté sur Il est occupé par la portion d’origine dilatée de la veine jugulaire interne
l’asymétrie de ces deux orifices, le droit étant le plus volumineux dans en continuité avec le sinus sigmoïde.
68 % des cas, le gauche dans 20 %, la parfaite symétrie n’étant observée Son afférence principale est représentée par le sinus pétreux inférieur
que chez 12 % des sujets. (fig 3). Le sinus pétro-occipital, le plexus veineux carotidien, la veine
de l’aqueduc cochléaire, la veine condylienne postérieure inconstante et
Contenu (fig 1, 2) les veines condyliennes antérieures constituent les autres afférences,
Hovelacque [21], en 1934, décrit deux compartiments. mais d’importance moindre, du golfe de la jugulaire. Cependant, elles
sont toutes à connaître car leur hémostase peropératoire peut causer de
Compartiment nerveux ou pars nervosa réels problèmes.
Partie effilée en forme de « fer de lance », il est subdivisé en deux La paroi du golfe de la jugulaire, dépourvue de contour dure-mérien,
segments : présente des fibres collagènes et élastiques qui viennent adhérer au
– l’un antérieur médial est traversé par le nerf glossopharyngien et le squelette osseux de la fosse jugulaire et rendent difficiles et
sinus pétreux inférieur. Cette cloison peut être ossifiée : 6 %. Le IX hémorragiques les tentatives de décollement. Seul le fraisage de l’os à
marque son passage au contact du bord postérieur du rocher par une l’aide d’une fraise diamantée jusqu’à l’obtention d’une fine lamelle
échancrure très nette ; permet son ablation sans créer de déchirure de la paroi veineuse [2].

page 2
Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

2
3
3
4

4 5

1 5

2
A B
4 Rapports des nerfs mixtes au niveau du foramen jugulaire. Les nerfs mixtes A. 1. Nerf accessoire ; 2. nerf vague ; 3. nerf facial ; 4. nerf glossopharyngien ;
apparaissent coudés comme sur un chevalet entre leur origine au niveau du tronc 5. nerf hypoglosse.
cérébral et leur trajet cervical. B. 1. Nerf glossopharyngien ; 2. nerf facial ; 3. nerf hypoglosse ; 4. nerf acces-
soire ; 5. nerf vague.

Rapports régionaux nerveuse évoque plutôt un neurinome des nerfs mixtes, tandis que
l’érosion des contours de la portion vasculaire évoque au premier chef
En haut, il est en rapport avec l’hypotympanum dont il est séparé par le paragangliome jugulaire. Il est évident que le caractère régulier ou
une couche osseuse plus ou moins fine, parfois déhiscente. Graham [16] marécageux de cette érosion est à prendre en considération au moment
signale qu’elle peut être constituée d’os compact ou pneumatisé. Son du diagnostic.
épaisseur est variable, dépendant surtout de la hauteur de la fosse
jugulaire. Il n’est pas exceptionnel (6,7 % des cas selon Korner [24])
qu’une déhiscence dans le plancher mette en continuité le golfe de la Voies d’abord
jugulaire et la caisse du tympan.
Le sommet du golfe dépasse le niveau le plus déclive de l’annulus, ce
qui le rend alors visible à l’otoscopie. La procidence du golfe est Instrumentation particulière
retrouvée de façon variable dans la littérature puisque Overton et Il est capital de souligner combien est importante l’acquisition de
Ritter [28] en retrouvent 6 %, tandis que Zorzetto et Tamega [41] en matériel adéquat pour ce type de chirurgie.
totalisent 27 %.
Réalisation du temps de fraisage
Parfois, le golfe est plus interne et se loge sous le labyrinthe et/ou le
conduit auditif interne [4]. L’extension au-delà du conduit auditif interne, Elle rend les moteurs habituels de l’otologie souvent inaptes à ce type
voire l’érosion de ce conduit, est beaucoup plus rare. Stern et al [37] ont d’intervention. Deux moteurs différents, chacun doté d’un temps
rapporté trois cas d’extension du golfe de la jugulaire en arrière du mur opératoire, sont recommandés :
postérieur du conduit auditif interne et un cas d’érosion de ce conduit. – le craniotome C100 de 3M qui est utilisé pour le temps
Malgré cette rareté, ce rapport mérite d’être souligné en raison de ces extralabyrinthique avec sa fraise « ananas » est tout à fait adapté pour
incidences chirurgicales. Il explique en effet qu’une tumeur puisse détruire rapidement une corticale mastoïdienne puis effondrer les
retentir directement sur l’oreille interne et que son extirpation nécessite cellules périlabyrinthiques ;
le sacrifice du labyrinthe. – un ototome complète le fraisage pour le temps labyrinthique et
En avant, le foramen jugulaire est en rapport avec la carotide interne et d’exposition du nerf facial ainsi que tous les gestes précis.
la traînée cellulaire intercochléocarotidienne, siège de très fréquentes
extensions tumorales, en direction surtout du tube auditif et de l’apex Micro-instruments
pétreux. Les instruments doivent comporter une micro-instrumentation adaptée,
En dedans, avec le canal condylien antérieur expliquant des atteintes à savoir la micro-instrumentation de Fisch et également la mise en place
précoces du XII dans certains paragangliomes jugulaires. d’un écarteur autostatique de Yasargil.
En arrière, enfin, avec les éléments de la région sous-faciale (fig 4A, B). Coagulation bipolaire
Les pinces sont à baïonnette et leurs extrémités sont, soit droites, soit
Étude anatomique du trou jugulaire (fig 5A, B, C) coudées vers le haut ou vers le bas. Il faut pouvoir disposer de tout un
jeu.
Au total, elle trouve son intérêt dans la connaissance des éléments qui le
compartimentent (ligaments et épines). C’est ainsi que sur l’examen Morcellement de la tumeur
tomodensitométrique en haute résolution [6], si l’érosion de l’ensemble Actuellement, certains emploient le laser KTP 532. D’autres utilisent
des contours ne permet d’évoquer que la localisation au canal jugulaire des appareils à ultrasons de type Cavitron qui permettent une dissection
du processus pathologique, l’érosion des seuls contours de la portion et une réduction de la masse tumorale.

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

A B

C D
5 A, B. Tomodensitométrie à haute résolution du foramen jugulaire avec procidence C, D. Tomodensitométrie tridimensionnelle en position opératoire des éléments
du golfe de la jugulaire. de la fosse infratemporale et du foramen jugulaire.

Monitorage peropératoire du nerf facial Le microscope opératoire est en face du chirurgien. L’instrumentiste, à
la tête de la table, est assise un peu tournée vers le chirurgien de façon à
Différents types d’appareillage sont commercialisés, mais nous ne
pouvoir le servir. La table d’instruments est placée à côté d’elle.
saurions trop recommander le NIMED 2 avec son instrumentation
adaptée qui permet une identification certaine du nerf facial en cas de Les anesthésistes se tiennent vers le pied du malade, du côté opposé à
tumeurs étendues au paquet acousticofacial. celui du chirurgien. Le moniteur d’anesthésie est tourné vers le
chirurgien.
Potentiels auditifs évoqués peropératoires
Un assistant bien soutenu par un pied unique est placé au-dessus de
L’enregistrement peropératoire fournit des renseignements très utiles l’abdomen du malade. On pose dessus les moteurs, la pièce à main du
pour guider le geste chirurgical dans l’intérêt de préserver l’audition du Cavitron (fig 6).
patient, malgré des contraintes techniques importantes.
Les champs opératoires sont les suivants :
– le champ opératoire temporal et cervicomastoïdien découvre
Installation du patient en salle d’opération largement la région temporo-cervico-mastoïdienne comme l’indique la
Préparation peropératoire figure 7 ;
La peau est lavée la veille. Le patient subit un shampooing avec de la – le champ abdominal sus-pubien est préparé de même avec les quatre
Bétadinet moussante puis un rinçage et on procède à un rasage soigneux champs et un champ autocollant, eux-mêmes recouverts par un grand
périauriculaire, large de 4 cm au-dessus et en arrière de l’oreille. On champ de table qui en haut ne dépasse pas les épaules.
prépare également, après shampooing et rasage des deux tiers supérieurs
de la pilosité pubienne, le champ pour la prise de graisse abdominale qui Techniques opératoires
est utilisée en fin d’intervention pour obstruer la cavité opératoire.
En salle d’opération Le foramen jugulaire est une région complexe de la base du crâne. Son
contenu, ses rapports et sa situation rendent son accès problématique.
Un nouveau shampooing à la Bétadinet moussante avec rinçage à l’eau
stérile est nécessaire. Les mèches de cheveux sont rabattues en dehors Selon la pathologie à traiter (neurinomes des mixtes, paragangliomes
du champ opératoire et gominées. jugulaires), la conduite de l’opération doit en effet être adaptée en tenant
Le malade est couché en décubitus dorsal, la tête dans une têtière ou plus compte de la taille et de sa situation tout en sachant que l’intervention
simplement sur le plan de la table d’opération. Compte tenu de la durée standard reste la voie infratemporale type A décrite par Fisch [8 à 10].
moyenne de l’intervention, il est capital de protéger tous les points Elle comporte le déroutement antérieur du nerf facial et s’accompagne
d’appui avec des sacs d’eau ou un gel de silicone. Un matelas chauffant obligatoirement d’une exclusion de l’oreille moyenne. Cependant, dans
de table d’opération peut être utile. un certain nombre de cas, on peut accéder au foramen jugulaire sans
La tête est tournée vers le côté opposé. La région mastoïdienne est avoir à transposer le nerf facial qui conduit inévitablement le plus
directement placée sous le regard du chirurgien qui est assis à la tête mais souvent à une atteinte du facial grade II ou III de la classification de
sur le côté de la table, face à l’occiput de l’opéré. House-Brackmann.

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Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

6 Installation de la salle d’opération.

7 Champ opératoire temporo-cervico-mastoïdien.

Voie mastoïdienne et infralabyrinthique conservatrice 8 Tracé de l’incision de la voie mastoïdienne infralabyrinthique.


du canal osseux postérieur
Elle dérive de la voie intersinusofaciale et rétrofaciale de House et son croisement avec la carotide externe juste au-dessus de la bifurcation.
Glasscock [20]. On sectionne le ventre postérieur du muscle digastrique à proximité de
Cet accès et ses variantes [11, 25, 33, 39] ont comme avantage de ne pas la pointe de la mastoïde. La carotide externe et ses branches faciale et
dérouter le nerf facial tout en réalisant une voie confortable et peu occipitale au-dessus de l’artère linguale sont liées.
traumatisante.
Fisch [10] conseille, s’il s’agit d’un paragangliome, de ligaturer les
Elle permet l’accès à la partie postérieure et latérale du foramen branches ascendantes de la carotide externe situées au-dessus de la
jugulaire. linguale.
Les temps opératoires sont les suivants.
La carotide externe, ensuite, est mobilisée et on expose ainsi l’artère
Incision cutanée pharyngienne ascendante qui est ligaturée à son tour.
Elle est sus- et rétroauriculaire, tracée à 2 cm au-dessus du pavillon de Quant à l’artère carotide interne, elle est suivie vers le haut jusqu’au
l’oreille et à 3 cm en arrière pour descendre dans le cou le long du bord foramen carotidien. Un lacs est passé autour de la veine jugulaire interne
antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien jusqu’au niveau de l’os non serrée, car à ce stade, une ligature augmenterait la congestion
hyoïde pour exposer nerfs et gros vaisseaux (fig 8). veineuse et le saignement à partir du golfe de la jugulaire.
Le relèvement des plans musculopériostés se fait en bloc avec la peau au
bistouri électrique jusqu’au bord postérieur du méat auditif externe Repérage du nerf facial rétro- et intraparotidien
(MAE) dans la région mastoïdienne. Dans la région cervicale, le
lambeau recliné comprend la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, le Le tronc rétroparotidien du nerf facial (VII) est repéré à son émergence
platysma. exocrânienne habituelle comme pour une parotidectomie après
libération de la face postérieure de la glande. Celui-ci se situe à environ
Exposition des éléments vasculonerveux du cou 25 mm de profondeur. Le nerf forme la bissectrice de l’angle formé par
La veine jugulaire interne, la carotide primitive et le pneumogastrique le bord antérieur de la mastoïde et le bord inférieur du tympanal [39].
(X) sont identifiés à proximité de la bifurcation carotidienne jusqu’au Le tronc est disséqué dans la glande parotide au-delà de sa bifurcation
muscle digastrique. Le grand hypoglosse (XII) est repéré au niveau de tout en le libérant du tissu glandulaire sous-jacent.

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

9 Voie intersinusofaciale sous-labyrinthique.


1. Troisième portion ; 2. coude du canal de Fallope ; 3. canal semi-circulaire externe ;
4. conduit auditif externe ; 5. nerf facial ; 6. artère carotide interne ; 7. veine jugulaire
interne. 10 Fenêtre de tympanotomie postérieure permettant de laisser le facial dans un
tube osseux.

Pétrectomie partielle ou voie sous-faciale • Septième temps


C’est le fraisage de l’os de la face inféroexterne du rocher. Cette
• Premier temps
résection se fait à la fraise coupante puis diamantée et commence par la
Le sterno-cléido-mastoïdien est sectionné de ses attaches de la pointe de section de la base de l’apophyse styloïde, zone difficile à réséquer du fait
la mastoïde au bistouri électrique et récliné vers l’arrière. de l’importance des attaches musculaires et de sa situation profonde. Le
fraisage se termine quand l’exérèse osseuse comprise entre la styloïde et
• Deuxième temps la jugulaire interne est complète. La jugulaire interne et le golfe sont
Une large mastoïdo-antro-épitympanotomie postérieure est effectuée à ainsi totalement exposés (fig 11).
la fraise coupante sous irrigation continue. Nous utilisons fréquemment La plupart des techniques opératoires conservant le mur osseux
un craniotome avec une grosse fraise « ananas » pour débuter l’ablation postérieur (technique fermée) dérivent de la voie transmastoïdienne et
de l’os cortical. sous-labyrinthique ou voie intersinusofaciale de House et Glasscock.
On peut y adjoindre si nécessaire, comme le préconise Farrior [7], un
• Troisième temps
déroutement partiel du nerf facial au cours d’une technique fermée
C’est l’exposition du sinus sigmoïde depuis l’angle sinusodural jusqu’à (fig 12). Cette technique est indiquée pour des paragangliomes
son inflexion vers le golfe jugulaire en passant 1 cm en arrière pour faiblement étendus au golfe de la jugulaire interne. On peut aussi réaliser
exposer la dure-mère de la fosse postérieure. une technique de dépose-repose du conduit osseux postérosupérieur [2].
Le sinus latéral va être corticalisé sur toute sa hauteur, le fraisage à la fin Cet artifice permet de contrôler beaucoup plus facilement la région
est fait à la fraise diamantée jusqu’à obtenir une coque osseuse hypotympanique par un accès direct de la caisse du tympan couplé à
transparente, la dure-mère présinusienne est dénudée. Suivant le degré l’abord rétrofacial ; on peut de plus parfaitement contrôler le versant
de procidence du sinus (15 % [38]), il peut être nécessaire de l’impacter médial de la trompe auditive comme le fait Fisch, ou même en
dans un premier temps pour avoir accès à la région de la troisième supprimant le conduit osseux et en comblant l’oreille moyenne, évitant
portion du nerf facial (fig 9). une déroutation du nerf facial (fig 13).
D’autres auteurs préconisent un abord postérieur et inférieur du foramen
• Quatrième temps jugulaire par une voie juxtacondylienne. Cette voie, décrite par
Cette voie va comporter : George [14], demande l’exposition de l’artère vertébrale au-dessus de C2,
– la squelettisation de la portion mastoïdienne du nerf facial (troisième la résection du processus transverse de C1 et une mastoïdectomie limitée
portion) jusqu’au trou stylomastoïdien ; en position chirurgicale, elle à la portion distale du sinus sigmoïde (fig 14).
court horizontalement se redressant dans sa partie distale de 2 à 3 mm Le temps suivant consiste à fraiser l’os recouvrant le golfe jugulaire des
par rapport à la région du coude. deux côtés. Cette exérèse osseuse est d’autant plus simple que souvent,
L’extrémité antérieure de la crête du digastrique situe le trou la pathologie tumorale l’a en partie détruite.
stylomastoïdien [39] ; L’exposition de l’artère vertébrale cervicale présente un double intérêt
– le repérage de l’ampoule du canal semi-circulaire postérieur ; celle-ci pour cet auteur :
est située 2 mm au-dessus d’une ligne tangente au sillon tympanique. – la repérer, ce qui permet de travailler en toute sécurité et d’élargir
l’exposition tumorale autant qu’il est nécessaire sans craindre de blesser
• Cinquième temps l’artère ;
C’est le fraisage des traînées sous-faciales. Il donne accès au golfe de la – la contrôler, ce qui permet d’interrompre les pédicules à destinée
jugulaire ; ce fraisage doit être extrêmement prudent du fait des tumorale. Cet intérêt est d’autant plus manifeste que ces pédicules ne
variations en profondeur du golfe jugulaire vers le haut (30 % de peuvent être embolisés.
procidence [38]), de la présence du nerf facial qui peut être dénudé par le Si cela est nécessaire, on peut combiner cette voie à une voie
processus tumoral à sa face profonde. infratemporale limitée. Ces voies autorisent l’ablation des neurinomes
Le golfe jugulaire est complètement, sur son versant postérieur, des nerfs mixtes et certains paragangliomes jugulaires et des tumeurs
corticalisé au moyen d’une fraise diamantée et abaissé si cela est comme certains méningiomes limités au foramen jugulaire.
nécessaire. Elles peuvent être étendues à l’angle pontocérébelleux en combinant une
voie présigmoïde rétrolabyrinthique ou une voie rétrosigmoïde ou
• Sixième temps transsigmoïde.
Une fenêtre de tympanotomie postérieure est fraisée ; elle est étendue Les avantages de ces techniques sont une diminution des complications
vers l’avant au niveau de l’hypotympanum. Le fraisage permet de laisser postopératoires (surdité, paralysie faciale, écoulement de liquide
le facial dans sa troisième portion dans un tube osseux (fig 10). céphalorachidien).

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Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

A B
11 Exposition de la totalité du golfe jugulaire et du sinus sigmoïde latéral avec 1. Canal semi-circulaire postérieur ; 2. canal semi-circulaire externe ; 3. troisième
conservation du mur osseux postérieur. portion.
A. Dégagement de la troisième portion du VII après identification du canal B. Déroutation partielle antérieure de la troisième portion du VII.
semi-circulaire postérieur. 1. Sinus sigmoïde ; 2. bulbe jugulaire.

Elle permet ainsi d’extirper toutes les lésions dévelopées autour des axes
carotidien et jugulaire dans leur portion intrapétreuse et infratemporale
(cholestéatome, chondrosarcome).
Elle autorise le traitement de certaines lésions anévrysmales ou
dysplasiques de la carotide interne intrapétreuse.
Elle donne un excellent abord au golfe de la jugulaire interne au foramen
jugulaire et à la portion verticale et au coude de la carotide interne
intrapétreuse. Elle implique malheureusement de sacrifier l’oreille
moyenne tout en respectant la cochlée et d’effectuer une déroutation
antérieure du nerf facial avec ses conséquences.

Temps d’exposition
• Premier temps

L’incision cutanée (fig 15) est identique à celle proposée dans


l’intervention précédente.
• Deuxième temps

C’est la fermeture du conduit auditif externe. Elle est précédée par la


réalisation d’un lambeau musculopériosté mastoïdien suivie de la
section du conduit auditif externe au niveau de sa jonction
12 Voie d’abord de Farrior avec déroutation partielle du nerf facial (troisième ostéocartilagineuse. La peau du conduit est ensuite décollée de son
portion). support cartilagineux, cette peau est éversée et suturée à l’extérieur de
1. Sinus sigmoïde ligaturé ; 2. nerf glossopharyngien ; 3. nerf hypoglosse ; 4. carotide façon hermétique. En dedans, le lambeau périosté mastoïdien vient se
interne ; 5. nerf vague ; 6. tumeur. rabattre sur l’orifice du conduit auditif externe, complétant ainsi son
oblitération.
Cependant, la difficulté de ces voies est de préciser très exactement les
indications d’une telle chirurgie conservatrice pour des tumeurs • Troisième temps
envahissant le golfe jugulaire :
Le repérage et la dissection du nerf facial et des vaisseaux du cou sont
– elle ne peut se concevoir que pour des tumeurs envahissant le golfe et
identiques à la technique précédente.
l’hypotympanum sans adhérer à la carotide interne de type C1 selon
Fisch [9] dans le cas de paragangliome ; • Quatrième temps
– en revanche, pour des cholestéatomes infralabyrinthiques limités, elle
permet une exérèse tout à fait satisfaisante combinée à une C’est l’obtention d’une technique ouverte avec suppression du conduit
tympanoplastie en technique fermée ou en technique ouverte ; auditif externe, du tympan et des osselets.
– elle autorise le drainage des kystes à cholestérine de l’apex pétreux, Une vaste cavité mastoïdo-antro-épitympanique est taillée ; au
excepté en cas de procidence du golfe de la jugulaire. préalable, on aura dégagé le sterno-cléido-mastoïdien de la pointe
mastoïdienne après incision et rugination de ces insertions. Vers le haut,
Voie infratemporale type A l’exposition osseuse nécessite le décollement et la rétraction du muscle
C’est la voie standard décrite par Fisch [8] pour traiter les paragangliomes temporal vers le haut. La mastoïde est ainsi exposée après constitution
étendus largement au golfe de la jugulaire interne et adhérents à la d’un lambeau musculopériosté.
carotide interne et/ou aux nerfs mixtes. Le temps suivant est l’exclusion du méat auditif externe (fig 16) : la peau

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

13 Voie rétrofaciale et transjugulaire (Glasscock)


avec ablation du conduit osseux postérieur.

A B
14 Région de l’apophyse transverse de l’atlas avec abord de l’artère vertébrale à la 10. nerf accessoire ; 11. muscle angulaire de l’omoplate ; 12. muscle grand oblique ;
partie haute du cou. 13. sterno-cléido-mastoïdien.
A. Le sterno-cléido-mastoïdien et le splénius sont réclinés par un écarteur. B. Les apophyses transverses de l’atlas et de l’axis ont été ruginées. Le
1. Apophyse mastoïde ; 2. muscle digastrique ; 3. muscle petit oblique ; 4. muscle sterno-cléido-mastoïdien est sectionné. Le splénius est récliné.
droit latéral ; 5. apophyse transverse de l’atlas ; 6. nerf hypoglosse ; 7. veine 1. Sterno-cléido-mastoïdien ; 2. apophyse transverse de l’atlas ; 3. apophyse
jugulaire interne ; 8. nerf vague ; 9. plan musculoaponévrotique prévertébral ; transverse de l’axis ; 4. artère vertébrale ; 5. muscle splénius.

est décollée du conduit auditif osseux puis sectionnée à 1 mm environ Une antro-attico-mastoïdectomie élargie est ensuite pratiquée avec
de la membrane tympanique. exposition du canal de Fallope au niveau des deuxième et troisième
La peau du conduit et la membrane tympanique sont extraites en portions. Le mur osseux postérieur du conduit auditif est fraisé comme
monobloc après section de la tête du marteau et du muscle tympani, et pour une technique ouverte. Le facial identifié est squelettisé du
désarticulation incudostapédienne. ganglion géniculé jusqu’au trou stylomastoïdien.

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Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

15 Incision cutanée des voies infratemporales a, b, c.

Déroutation du facial et sa transposition antérieure permanente 17 Néocanal osseux creusé dans la paroi antérieure de l’apophyse zygomatique.
1. Nerf facial ; 2. platine de l’étrier ; 3. canal de Fallope ; 4. manchon de tissu
La superstructure de l’étrier est enlevée pour permettre un meilleur accès parotidien qui amarre le nerf facial dans sa nouvelle position.
au nerf facial sans risque d’ouverture du canal semi-circulaire latéral et
de luxation de la platine de l’étrier.
La confection d’un néocanal osseux par le fraisage le long de La déroutation se termine par le détachement du nerf facial dans la
l’épitympanum antérieur, du ganglion géniculé jusqu’à la parotide est région du trou stylomastoïdien. Elle est difficile et il faut emporter le
effectuée à la fraise (fig 17). tissu fibreux avoisinant le nerf au niveau de l’orifice. La dissection du
La mobilisation du nerf commence par la troisième portion puis se tronc du facial se trouve facilitée par la mise en tension légère produite
continue par la région du coude. Le nerf est dégagé de façon prudente et par la traction sur la glande parotide.
atraumatique à ce niveau. Il existe de nombreuses attaches vasculaires
qui doivent être sectionnées progressivement et délicatement. L’emploi Le nerf facial complètement libre du trou stylomastoïdien jusqu’au
d’une faux est recommandé. ganglion géniculé est transposé antérieurement au niveau de la parotide ;

A C

16 Technique d’exclusion du méat auditif externe.


A. Section complète du méat auditif externe.
B. Exérèse-décollement du cartilage du méat auditif.
B C. Fermeture en deux plans (cartilagineux et cutané) avec lambeau musculopériosté de recouvrement.

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

Cette coque est ensuite décollée de la dure-mère de la fosse postérieure


en avant et en arrière du sinus sigmoïde pour permettre une double
ligature de celui-ci, au moyen d’aiguilles serties ou d’une aiguille (type
anévrysme) adaptée. La veine émissaire reste intacte à distance de la
ligature.
L’incision au bistouri de la dure-mère de la fosse postérieure nécessite
son soulèvement par un microcrochet pour éviter de blesser un vaisseau
sous-jacent. Cette ouverture de 1 cm de long pré- et rétrosinusienne
s’accompagne d’une issue de liquide céphalorachidien de l’espace
sous-arachnoïdien.
Les temps suivants réalisent une double ligature du sinus sigmoïde de
part et d’autre de la veine émissaire mastoïdienne (fig 19). Cette suture
peut se faire également au moyen de clips.
Exposition de l’artère carotide interne et oblitération
18 Déroutation antérieure du nerf facial.
de l’orifice du tube auditif
une gouttière a été préalablement confectionnée dans laquelle le VII Le tube auditif est suivi depuis son orifice au niveau du protympanum
vient se loger, gouttière qui sera refermée sur lui pour mieux le protéger jusqu’à l’isthme osseux. Sa paroi interne est abaissée pour identifier le
(fig 18). canal carotidien. Ceci est pratiqué prudemment puisque ce mur peut être
déhiscent et la carotide couverte uniquement par de la muqueuse.
Ligature du sinus sigmoïde L’isthme du tube auditif est situé en avant et en dessous de la carotide
L’exposition du sinus sigmoïde est faite à la fraise diamantée sous interne. Les cellules situées en avant de la carotide sont abaissées à la
irrigation constante jusqu’à obtenir une coque osseuse transparente. fraise diamantée sous irrigation permanente.

A B

C 19 Double ligature du sinus sigmoïde de part et d’autre de la veine émissaire.

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Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

21 Fermeture : oblitération de la cavité opératoire par de la graisse abdominale et


reconstitution du plan musculaire (sterno-cléido-mastoïdien et muscle temporal).

• Mobilisation du pôle inférieur et résection complète de la tumeur


La veine jugulaire interne est ligaturée puis sectionnée en dessous de
l’apophyse transverse de l’atlas. La veine est ensuite passée sous le XI
20 Exposition de l’artère carotide interne dans son segment vertical. et réclinée vers le haut. La tumeur est disséquée de la pars nervosa du
1. Canal semi-circulaire postérieur ; 2. orifice tubaire ; 3. tumeur (paragangliome) ;
4. périoste incisé ; 5. canal interne ; 6. canal de Fallope ouvert ; 7. sinus sigmoïde.
foramen jugulaire qui représente l’attache finale de cette tumeur ; en fin
d’intervention, la veine jugulaire, le golfe de la jugulaire et la tumeur
sont réséqués en bloc. Le IX, le X, le XI, et le XII peuvent rester intacts
L’oblitération de l’orifice du tube auditif fait appel à un fragment dans la pars nervosa du foramen jugulaire et dans le canal condylien
musculaire collé par de la colle biologique. antérieur. Cependant, la résection des nerfs mixtes et en particulier du X
est souvent nécessaire en raison de leur envahissement par la tumeur.
Exposition de la fosse infratemporale Les fragments tumoraux restant adhérents à la dure-mère sont
Le premier temps est la rugination sous-périostée de la glande parotide : soigneusement clipés ou coagulés sur place à la bipolaire. En principe,
cette manœuvre expose l’apophyse styloïde et le muscle stylohyoïdien. si la tumeur est plus volumineuse et présente un prolongement dans
On fracture l’apophyse styloïde à la gouge et on la sectionne au ciseau l’angle pontocérébelleux, Fisch préfère sectionner la portion étranglée
cranté avec le muscle stylohyoïdien. du bissac et prévoir un abord secondaire neurochirurgical par voie sous-
Ensuite, mise en place du rétracteur infratemporal : la longue lame est occipitale. Si ce bourgeon intracrânien était volumineux, le premier
placée sous la branche montante de la mandibule, la courte lame prenant temps serait neurochirurgical puis l’exérèse du fragment temporal serait
appui sur la corticale osseuse du rocher en arrière. entreprise secondairement.
La mandibule est luxée antérieurement pour donner accès à la portion • Reconstruction de la dure-mère
postérieure de la fosse infratemporale. L’exposition de tout le segment
vertical de la carotide interne est réalisée en poursuivant le fraisage vers Un large patch musculoaponévrotique est placé au-dessus du foramen
l’avant. Elle permet la mise en évidence et la libération du pôle antérieur jugulaire et fixé au Vicrylt 4-0 et à la colle biologique en cas de fuite de
de la tumeur. Lorsque cette tumeur possède une extension très liquide céphalorachidien. Un lambeau musculoaponévrotique plus petit
antérieure, il pourra être utile de réséquer le condyle mandibulaire et est utilisé pour améliorer l’oblitération du tube auditif et prévenir les
fraiser la cavité glénoïde du temporal. rhinorrhées.
• Fermeture (fig 21)
Exposition de l’artère carotide interne
Le périoste du canal carotidien de la portion verticale est d’abord La cavité opératoire est remplie avec de la graisse abdominale. Un plan
identifié au niveau du mur interne. Il est ensuite exposé dans sa totalité musculaire est confectionné en réunissant le muscle temporal et le
jusqu’à son coude avec une fraise diamantée sous irrigation. L’artère muscle sterno-cléido-mastoïdien. On peut, comme nous le faisons,
carotidotympanique est coagulée dès son émergence du canal carotidien. amarrer cette graisse au muscle et au périoste. La peau est suturée en
La pointe d’une pince mousse est ensuite introduite dans le foramen deux plans avec un Redon au niveau cervical qui sera retiré à la 24e
carotidien entre le périoste et la paroi vasculaire carotidienne. Les heure.
paragangliomes tympanojugulaires peuvent envahir le périoste du canal
carotidien mais rarement l’adventice. Le périoste est incisé le long du Période postopératoire
bord antérieur de la tumeur puis séparé de la paroi vasculaire. Il sera La surveillance est étroite, de préférence dans une unité de soins
emporté en bloc avec la tumeur à réséquer. La quantité de périoste postopératoires. Le risque des premières heures est essentiellement
dépend bien évidemment de l’extension de la tumeur glomique (fig 20). l’hématome intracrânien, relayé ensuite par l’infection méningée. Les
Temps tumoral patients sont fréquemment hypernauséeux pendant quelques jours, ce
qui peut poser des problèmes pour la réalimentation. Un traitement
• Mobilisation du pôle postérieur de la tumeur antiémétique lutte contre les vomissements susceptibles d’augmenter la
La paroi osseuse est abaissée au-dessus du sinus sigmoïde et du golfe de pression intracrânienne.
la jugulaire avec une fraise diamantée ; la paroi postérolatérale du
foramen est ouverte au microciseau.
Indications
Une aspiration de fort calibre est prête à aspirer le sang provenant du
sinus pétreux inférieur. Il ne doit pas y avoir de saignement provenant
du sinus sigmoïde, si celui-ci a été correctement ligaturé. L’hémorragie Paragangliomes jugulaires
du sinus pétreux inférieur est contrôlée par un tamponnement de
Surgicelt placé sous vision directe ; il est important, avant de combler Le traitement par embolisation précède très souvent le traitement
ce sinus, de s’assurer qu’il n’est pas envahi par la tumeur. chirurgical de ces affections.

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

22 Paragangliome stade D. Tomographie tridimensionnelle.

Embolisation du système carotidien externe


Elle est toujours recommandée. L’embolisation du système carotidien
interne ne paraît indiquée qu’en cas de participation importante ou
massive [26].
A
La technique et le nombre des vaisseaux embolisés doivent s’adapter à
chaque type de tumeur en faisant courir au patient le minimum de risque.
La période favorable pour la chirurgie après embolisation est comprise
entre le deuxième et le septième jour selon les travaux de Pauw [29].

Chirurgie

Stades C
On ne peut envisager qu’une voie d’abord élargie [15].
Lorsque la destruction osseuse reste limitée aux pourtours du canal
déchiré postérieur et de la portion verticale du canal carotidien (stade
C1), la voie infratemporale de Fisch [9] est parfaitement indiquée et
toujours avec la variante de Farrior si l’audition est encore utilisable.
Lorsque la destruction s’étend sur le massif labyrinthique (stade C2), la
voie infratemporale de Fisch est toujours indiquée mais elle commence
à devenir limite et à notre avis, une voie transcochléaire élargie paraît
plus adaptée.
Lorsque la portion horizontale du canal carotidien est envahie (stade C3
de Fisch), la voie transcochléaire élargie nous semble la plus sûre pour
parvenir à l’exérèse complète et ce d’autant plus que la destruction
labyrinthique aura dans ces cas toutes les chances d’avoir ouvert le
labyrinthe et donc réglé le problème de l’audition. B

Stades D (avec extension intracrânienne)


On peut bien sûr, comme le préconise Fisch [9, 10] , envisager une
intervention en deux temps infralabyrinthiques puis sous-occipitale,
mais il nous paraît plus logique de pratiquer d’emblée un abord
transcochléaire élargi qui a l’avantage d’exposer encore plus largement
la tumeur et donc de faciliter son exérèse et de permettre le traitement en
un seul temps (fig 22).

Neurinomes des nerfs mixtes

Généralités
C’est une localisation très rare. Le canal déchiré postérieur laisse aux
tumeurs qui se développent à ce niveau la possibilité de s’étendre en
bissac avec une portion intracrânienne et une portion infratemporale. C
Certains auteurs [12, 31] proposent des classifications en fonction de
l’étendue de ces tumeurs. 23 A. Abord infratemporal et rétrolabyrinthique.
B. Abord combiné, voie rétrofaciale et sous-occipitale.
C. Neurinome des mixtes.
Technique opératoire type
Le neurinome des nerfs mixtes, tumeur bien encapsulée, peu
hémorragique, ne pose pas de gros problèmes sinon celui de son postérieur [13]. Si celui-ci est agrandi, il pourra être abordé à partir d’une
exposition parfaite, seul moyen de l’extirper totalement [3, 5, 19]. de ces berges de façon suffisante. Enfin, il faut toujours tenir compte,
Les indications dépendent essentiellement, à condition que le diagnostic dans le choix de la technique opératoire, de l’état auditif préopératoire
soit fait, des extensions de la tumeur et surtout de l’état du canal déchiré du patient correctement évalué par une audiométrie tonale et vocale.

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Techniques chirurgicales CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE 46-020

24 Neurinome des nerfs mixtes en « bissac » (voie


transcochléaire élargie).

Voie infratemporale Si la tumeur n’est pas trop volumineuse dans l’angle pontocérébelleux,
il paraîtrait plus judicieux d’entreprendre une voie infratemporale puis
C’est la voie d’abord idéale en théorie pour les tumeurs de type C et une voie sous-occipitale comme le préconisent Fisch [10] et Graham [16]
probablement celles qui associent type B intracrâniennes et type C dans un deuxième temps.
infratemporales.
Nous avons vu son intérêt combiné à un abord sous-occipital pour les
formes en bissac ayant peu altéré l’audition [17]. Méningiomes
Cependant, pour certaines tumeurs débordant largement dans l’angle
pontocérébelleux mais sans retentissement auditif également, il est Les méningiomes se développent en général neuf fois sur dix dans la
possible de combiner l’abord du trou déchiré postérieur par une voie fosse postérieure [40].
basse à une voie rétrosigmoïdienne ou sous-occipitale [36] (fig 23). C’est
aussi la meilleure voie lorsqu’on a à traiter un neurinome intracrânien Nager [27], sur des coupes séries d’os temporal normal, a montré quatre
pur. La disposition particulière de cette tumeur développée dans la régions dont le foramen jugulaire où il existait des îlots de cellules
citerne cérébellomédullaire, à condition de travailler toujours dans cette arachnoïdiennes.
citerne, réduit au maximum les risques sur le paquet acousticofacial [35].
Plusieurs voies peuvent être utilisées : le choix est commandé surtout
Voie transcochléaire élargie par le volume et le siège de la tumeur.

Il faut l’envisager chaque fois que le bilan a démontré l’existence d’une – En cas de méningiome inséré sur le canal déchiré postérieur : il est
tumeur en « bissac » type D [30, 31] (fig 24). souvent utile d’effectuer une voie transcochléaire élargie, lorsque
celui-ci est volumineux, partant du principe que l’exérèse de ces
Toutefois, le sacrifice de l’audition par cet abord mérite d’être discuté tumeurs, qui sont en général d’un bon volume, menace directement
d’autant que la protection du paquet acousticofacial dans sa gaine l’audition et le nerf facial, surtout si on est décidé à pratiquer une
arachnoïdienne laisse espérer une dissection assez facile, en particulier résection totale, y compris celle de la base d’insertion [31, 32]. Seule cette
pour le nerf facial. Le sacrifice de l’audition au bénéfice du nerf facial voie permet de réaliser au mieux les principaux objectifs.
qui fait d’une part l’intérêt de la voie translabyrinthique élargie n’est pas
aussi évident ici, car la déroutation du nerf facial comporte beaucoup – En cas de tumeur pas trop importante : un abord transcochléaire
plus de risques pour ce nerf que la voie translabyrinthique élargie simple. simple devrait suffire.

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46-020 CHIRURGIE DU FORAMEN JUGULAIRE Techniques chirurgicales

– Formes particulières : toutes différentes dans les indications sont les •


formes particulières de méningiome envahissant l’os temporal, véritable • •
tumeur primitive intrapétreuse. Dans ces cas exceptionnels, et pour
l’avoir constaté une fois, l’indication est une voie infratemporale de La chirurgie du foramen jugulaire s’adresse à des tumeurs rares
Fisch plus ou moins élargie selon l’importance de la lésion. mais souvent volumineuses par l’absence de polymorphisme des
symptômes cliniques, malgré les progrès de l’imagerie moderne
Autres tumeurs (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique). La
localisation anatomique profonde du trou jugulaire et la nature des
Rares, elles constituent des curiosités découvertes à l’occasion de lésions à traiter, dominées par les paragangliomes jugulaires,
l’exploration par tomodensitométrie ou imagerie par résonance rendent cette chirurgie difficile, longue, d’autant plus que les
magnétique avec une expression clinique évocatrice de lésions de formes ont des extensions péripétreuses et intracrâniennes.
l’angle pontocérébelleux. Il peut s’agir de chondrosarcome, de tumeur Cette chirurgie nécessite le plus souvent une collaboration oto-
maligne de type carcinomateux, de rhabdomyosarcome ou de tumeur de radio-neurochirurgicale qui permet une meilleure approche
la région cervicale étendue au foramen jugulaire. diagnostique et un meilleur traitement de ces tumeurs dont le but
La voie d’abord doit être adaptée en fonction de l’extension de la lésion, principal est leur éradication complète, malgré le contenu
de son histologie, de sa curabilité, enfin de l’état auditif préopératoire du vasculonerveux du canal jugulaire et du nerf facial qui barre
patient. l’accès au foramen jugulaire.

Références
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page 14
¶ 46-010

Chirurgie du méat auditif interne


V. Darrouzet, V. Franco-Vidal, J.-P. Lavieille, D. Liguoro

La chirurgie du méat auditif interne appartient de plein droit à la spécialité oto-rhino-laryngologique


(ORL). Les pathologies qui s’y déploient sont dominées par le schwannome vestibulaire. Mais les
pathologies fonctionnelles ne sont pas en reste et la maladie de Menière est une des principales
indications des abords de ce site anatomique. Après avoir envisagé les prérequis nécessaires avant de
s’engager dans cette chirurgie, notamment en termes de plateau technique et d’environnement
« patient », nous décrirons les voies d’abord dédiées à son approche, en insistant sur la voie
rétrolabyrinthique élargie, encore peu décrite dans la littérature, et qui est venue enrichir l’arsenal
thérapeutique constitué jusqu’alors par la voie de la fosse moyenne, la voie translabyrinthique et la voie
rétrosigmoïde. Elle offre en effet les avantages d’une voie hautement modulable adaptée tout à la fois au
traitement des pathologies fonctionnelles et tumorales du méat auditif interne et de l’angle
pontocérébelleux. Après une description de chacune de ces voies seront envisagées les particularités
suscitées par la neurotomie vestibulaire ou la chirurgie des schwannomes vestibulaires. Nous
envisagerons à part la stratégie d’exérèse des schwannomes vestibulaires car elle diffère peu suivant la
voie d’abord choisie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Méat auditif interne ; Schwannome vestibulaire ; Neurotomie vestibulaire ; Nerf facial ;
Maladie de Menière

Plan ganglion géniculé [1]. Les éléments constitutifs du PAF peuvent


faire l’objet de pathologies fonctionnelles ou tumorales déve-
loppées dans l’APC ou le MAI et conduisant à les aborder en
¶ Introduction 1
son sein.
¶ Environnement humain et technique 1 Ce chapitre traitera, d’une part, des voies d’abord utilisées
L’indispensable 2 pour atteindre l’environnement du méat auditif interne (MAI)
L’utile 2 et, au-delà de lui, l’APC et, d’autre part, de la spécificité des
¶ Voies d’abord 2 interventions chirurgicales susceptibles d’y être conduites. Nous
Voie sus-pétreuse 2 insisterons particulièrement sur la chirurgie fonctionnelle du
Voie translabyrinthique 5 nerf vestibulaire (neurotomie vestibulaire) et sur la chirurgie des
Voie sous-occipitale et voie rétrosigmoïde 8 schwannomes vestibulaires.
Voie rétrolabyrinthique élargie 9 Afin d’éviter les redites dans chaque chapitre, nous avons
Voie transotique 12 volontairement isolé, au terme de cet exposé, la stratégie
chirurgicale générale vis-à-vis des schwannomes vestibulaires.
Elle est en effet peu dépendante de l’accès choisi. Nous dirons
pour chaque voie d’abord les particularités induites par l’accès
■ Introduction choisi.

Le méat auditif interne (MAI) (anciennement dénommé


conduit auditif interne) est un canal osseux creusé dans la face ■ Environnement humain
postérieure de l’os pétreux. Il livre passage au paquet acoustico-
facial (PAF) et aux vaisseaux qui l’accompagnent, de l’angle
et technique
pontocérébelleux (APC) jusqu’au voisinage de l’oreille interne, De façon générale, l’otoneurochirurgie ne peut s’envisager
dans et autour de laquelle se déploie son contenu. Il est sans disposer, d’une part, d’une compétence et d’une formation
intracrânien, tapissé d’une dure-mère de plus en plus fine à spécialisée à laquelle il convient d’intégrer un environnement
mesure qu’il s’approche de son fond et baigné du liquide anesthésique entraîné et, d’autre part, d’un plateau technique
cérébrospinal (LCS). Les nerfs du PAF sont accompagnés d’un spécifique relativement lourd en termes d’investissements et de
voile arachnoïdien qui les gaine et s’arrête au fond du méat, matériels consommables. Nous en dirons quelques mots en
sauf dans le cas du nerf facial qui est ainsi gainé jusqu’au séparant « l’indispensable » de « l’utile ».

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

L’indispensable L’usage d’un cadre neurochirurgical (Mayfield ou Gardner)


facilite le maintien de la tête dans la position opératoire et évite
Protocole anesthésique les escarres d’appui [4] . Il est cependant coûteux, n’est pas
La chirurgie intracrânienne doit répondre aux critères de adaptable à toutes les tables d’opération et nécessite une
qualité de la neuroanesthésie. Toute chirurgie dite « froide » à certaine habitude de mise en place.
dure-mère ouverte sous-entend la délivrance d’une antibio- Les techniques de neuronavigation informatique (ou chirurgie
prophylaxie peropératoire (Conférence de consensus d’anes- assistée par ordinateur) représentent une évolution importante,
thésiologie 1999, www.sfar.org/antibiofr.html). Les injections surtout dans le cadre des voies d’abord de la fosse moyenne.
antibiotiques sont débutées à l’induction et renouvelées toutes les Elles permettent un repérage plus sûr et plus précis du MAI.
trois heures. Il conviendra de s’abstenir d’une antibiothérapie Le dissecteur ultrasonique (Cavitron ® – Valleylab Tyco,
allant au-delà du geste chirurgical pour éviter toute sélection de Boulder CO, États-Unis) ou Dissectron® – Integra LifeSciences,
germe. Elle n’a pas d’utilité démontrée puisque les cavités Plainsboro NJ, États-Unis) est précieux dans la chirurgie des
mastoïdiennes sont stériles. L’hyperventilation et les diurétiques tumeurs volumineuses de l’angle pontocérébelleux. Il l’est
seront délivrés par le médecin anesthésiste aux moments moins sur les petites tumeurs. L’aspirateur-dissecteur est utile et
convenus avec l’otoneurochirurgien pour diminuer le volume moins coûteux. Les aspirateurs à perforation latérale sont
cérébral et cérébelleux et faciliter l’effacement cérébral. L’usage recommandés pour éviter de traumatiser les nerfs par un effet
d’anticomitiaux n’est pas nécessaire dans la chirurgie de la fosse de succion concentré sur l’extrémité. La technique de l’hydro-
postérieure. Le réveil anesthésique se fera en douceur, si possible dissection prônée par Sterkers permet, de son côté, de faciliter
dans un environnement entraîné au réveil neurologique et au la recherche des plans de clivage entre tumeur et nerf.
testing de Glasgow. Certains auteurs privilégient un milieu de Les lasers peuvent être d’une aide précieuse dans le traitement
réanimation neurochirurgicale dédiée pendant au moins des tumeurs hémorragiques et fermes ou pour cautériser la
24 heures. Le patient restera allongé à 30° pendant 24 à 48 heures, méninge. Ils sont particulièrement utiles dans la chirurgie des
temps nécessaire à la remise en pression de LCS de la cavité méningiomes, mais doivent être manipulés avec les précautions
crânienne. Cela limite les risques d’hématome sous-dural d’usage pour éviter toute surchauffe au voisinage des nerfs
postopératoires. Certaines équipes utilisent un drainage lombaire crâniens et du névraxe [5]. Les coagulations bipolaires spécifiques
du LCS pendant 24 à 48 heures pour limiter les risques de fuites et à la neurochirurgie, car elles sont irrigantes, sont précieuses car
faciliter la cicatrisation arachnoïdienne [2]. Nous ne leurs extrémités ne carbonisent pas et ne collent pas aux
recommandons pas cette pratique du fait du risque infectieux artérioles et aux veinules.
supplémentaire qu’elle entraîne et du danger de
pneumencéphalie secondaire [3]. Il faut en revanche insister sur
une prévention attentive des risques thrombo- ■ Voies d’abord
emboliques qui sont élevés dans le contexte neurochirurgical (bas
Le MAI peut s’aborder par le haut en passant par le toit du
de contention, héparine de bas poids moléculaire à doses
rocher : c’est le principe de la voie sus-pétreuse (VSP) ou voie de
préventives).
la fosse moyenne. Il peut aussi s’aborder par sa face arrière en
Information du patient traversant le massif pétreux par un fraisage extradural : c’est le
principe de la voie translabyrinthique (VTL) et de la voie
Avant toute approche du MAI s’impose une information rétrolabyrinthique élargie (VRLE). Ces deux voies repèrent le
précise et argumentée sur les risques opératoires, potentielle- MAI avant l’APC. Enfin l’accès peut être d’emblée intradural, le
ment graves dans cet environnement anatomique. Au-delà de MAI étant abordé par sa face postérieure à partir de l’APC : c’est
cette information due sur les risques vitaux et fonctionnels le principe de la voie rétrosigmoïde (VRS) et de la voie sous-
encourus, dont l’ORL est coutumier, le patient sera averti occipitale (VSO) dont elle est une évolution. La VSP est par
de l’environnement postopératoire. Il importe en particulier essence une voie d’accès au MAI, ce qui se retrouve bien dans
de le prévenir d’éviter tout mouchage intempestif ou tout ses indications. Ce n’est pas le cas des VTL, VRLE, VRS et VSO
éternuement contenu capables de déstabiliser l’étanchéité qui ont d’emblée été décrites pour pénétrer dans l’APC. Nous
dure-mérienne et arachnoïdienne et de provoquer une pneu- décrirons pour chacune d’entre elles les indications habituelles,
mencéphalie. La constipation et surtout le forçage secondaire la technique standard d’accès et de fermeture et les évolutions
seront également combattus. techniques et associations possibles. Nous dirons un mot de la
technique de neurotomie et d’exérèse tumorale applicable à
Environnement technique
chacune de ces voies.
Aucune intervention oto-neurochirurgicale ne peut
aujourd’hui s’envisager sans monitorage du nerf facial. Ce
dernier peut être électromyographique (type NIM 2 de Medtro-
Voie sus-pétreuse
nics, Neurosign, etc.) ou pneumatique. Il doit s’accompagner Nous décrirons la technique classique de la VSP dédiée à
d’un système de stimulation calibrable permettant de repérer le l’abord du MAI puis la technique d’élargissement permettant
nerf et de juger de son caractère stimulable au terme de l’accès à l’APC.
l’intervention. Certaines équipes comme la nôtre ont pris pour
habitude de les associer pour s’affranchir des défauts de chacun Technique classique
(parasitage électrique ou fausses alarmes).
La VSP est pour l’essentiel dédiée à l’abord du MAI et de son
contenu par son toit [6]. Elle est indiquée dans les neurotomies
L’utile vestibulaires ou pour enlever de petits schwannomes vestibulai-
La colle de fibrine a permis de transformer le pronostic res ne dépassant pas le pore acoustique. Les premières étapes de
postopératoire de ces interventions en participant très active- l’intervention sont applicables à la décompression du nerf facial,
ment à réduire le risque de fuite de LCS [4]. En France sont au traitement des brèches ostéoméningées du toit du rocher ou
disponibles la Tissucol® et la Biocol®. Nous plaidons pour son à la fermeture des fistules du canal semi-circulaire supérieur.
usage systématique dans les interventions à dure-mère ouverte, Nous décrirons l’exérèse d’un schwannome vestibulaire intra-
car le risque infime, purement théorique, lié à l’usage de méatique, la situation la plus complexe, et dirons un mot des
produits sanguins est plus que largement contrebalancé par la particularités de l’accès en cas de neurotomie vestibulaire.
diminution du taux de complications postopératoires.
Accès
Le monitorage du nerf auditif par potentiels évoqués auditifs
ou surtout par la mesure des potentiels directs du nerf Le patient est en décubitus dorsal, tête tournée du côté
cochléaire au moyen d’une électrode de surface du nerf est très opposé à la lésion. L’incision est verticale, préauriculaire et
utile à la connaissance des gestes traumatiques effectués sur la mesure environ 8 à 10 cm (Fig. 1). Elle démarre en regard du
voie auditive. processus zygomatique en suivant les plis naturels ou en

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

Figure 1. Voie sus-pétreuse.


A. Dessin du tracé de l’incision cutanée (1).
Le volet aperçu en transparence (2) est centré sur
la racine de la zygoma (3).
B. Photo de l’incision en position opératoire.

Figure 2. Voie sus-pétreuse. Incision verticale du muscle temporal. Figure 3. Voie sus-pétreuse. Taille du volet osseux après écartement
des berges du muscle temporal incisé verticalement.

empruntant une incision de lifting dans le tragus, puis s’incurve


pour être grossièrement centrée sur le méat auditif externe. Son mettre au niveau du toit du rocher et effacer le petit surplomb
extrémité inférieure est au bord inférieur du tragus. Sa limite restant.
supérieure varie selon les auteurs, soit verticale pure, soit en U La dure-mère du toit se laisse alors aisément décoller en
inversé, ou encore incurvée vers l’avant. Des clips hémostati- s’aidant d’un instrument mousse spatulé (Fig. 4). Il convient
ques peuvent faciliter l’hémostase du scalp au-dessus du d’être prudent au voisinage du ganglion géniculé car celui-ci
zygoma. peut être à nu sous la méninge. On est amené à exposer en
Le muscle temporal sous-jacent est exposé. Son franchisse- avant et médialement le foramen spinosum dont émerge l’artère
ment peut se faire par une incision en croix ou plus souvent par méningée moyenne qui est respectée. À son voisinage, on
une incision verticale au bistouri électrique. La part squameuse aperçoit les nerfs pétreux. Un saignement veineux se manifeste
du temporal est alors exposée jusqu’à la racine du zygoma qui souvent à ce niveau. Il est facilement contrôlé par de la gaze
est un repère essentiel et doit être visible au bas de l’incision et hémostatique (Surgicel®) qui est appliquée et maintenue par des
cela sans léser la branche frontale du nerf facial qui le surcroise cotonoïdes. En arrière et médialement, le décollement se
2 cm en avant. Il n’est pas nécessaire de ruginer l’apophyse poursuit et se complète jusqu’au sinus pétreux supérieur (SPS)
zygomatique en avant sous peine d’être traumatique. sur lequel il bloque. Un écarteur autostatique dédié est alors mis
Le positionnement d’un ou de deux écarteurs autostatiques en place sur les bords de la crâniotomie. Plusieurs modèles sont
permet de s’affranchir du muscle temporal (Fig. 2). disponibles, fondés sur le même principe : un écarteur cranté
La taille du volet, plutôt de forme carrée, doit être suffisante adapté aux bords de la crâniotomie sur lequel est articulée une
pour exposer complètement le toit du rocher. Un carré de 3 à lame spatulée venant soulever et écarter la dure-mère du lobe
4 cm de côté est habituellement suffisant. L’axe vertical du volet temporal afin de maintenir l’exposition du toit du rocher. Une
est centré sur le méat auditif externe. Sa limite inférieure est détente cérébrale est préalablement recherchée en demandant à
taillée la plus proche possible de la racine du zygoma pour l’équipe anesthésique une position proclive et la perfusion de
limiter le surplomb (Fig. 3). diurétiques.
Le volet est taillé au moteur sous irrigation en fraisant une À ce stade, les deux repères clés du toit du rocher sont bien
gouttière dans l’écaille temporale. Il est plus épais en bas et en visibles : il s’agit de l’eminentia arcuata et des nerfs pétreux. Ils
arrière. Il est enlevé et plongé dans une solution antiseptique sont malheureusement peu fiables en eux-mêmes, le relief de
iodée. La berge inférieure de la crâniotomie est fraisée pour se l’eminentia arcuata ne représentant pas véritablement celui du

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

méninge du MAI est ensuite découverte sur ses faces antéromé-


diales et postérolatérales, en prenant garde de respecter la
cochlée médialement et le CSCS latéralement. Entre le MAI et
la ligne bleue du CSCS existe une aire osseuse triangulaire
muette « Z » [7], ne contenant aucune structure noble nerveuse
ou vasculaire. Il est donc possible d’y creuser une cuvette
profonde sans risque, cuvette permettant d’exposer la face
postérieure du MAI jusqu’au porus. La limite latérale du MAI est
marquée par un repère osseux essentiel à la chirurgie de cette
région : la Bill’s bar. Il s’agit d’une arête horizontale osseuse,
émanation de la crête falciforme, séparant en arrière et latérale-
ment le nerf vestibulaire supérieur (NVS) et en avant et média-
lement le nerf facial. Elle se situe juste sous l’ampoule du CSCS.
Le cheminement habituel du nerf facial sur le toit du MAI
doit rendre le fraisage extrêmement prudent lors de ce temps
d’exposition, particulièrement en se rapprochant de la Bill’s bar,
lieu où le nerf est plus superficiel et moins protégé par une
dure-mère plus fine. Une attention toute particulière sera
accordée à l’alarme du monitorage.
La dure-mère est ensuite incisée avec une lame de Beaver® et
après avoir stimulé la région, loin de la position supposée des
nerfs, c’est-à-dire plutôt en arrière. Le lambeau dure-mérien ainsi
Figure 4. Voie sus-pétreuse. Décollement de la dure-mère du toit isolé est basculé en avant, au-dessus du nerf facial. La tumeur
du rocher au dissecteur mousse. est disséquée en la séparant du nerf facial et en l’attirant vers
soi dans la direction du CSCS. Il devient vite possible de repérer
et de suivre le plan arachnoïdien, joignant nerf facial et nerf
cochléaire, en respectant scrupuleusement la vascularisation à
destinée cochléaire. Le plus complexe est le désenclavement de
la tumeur du fond du MAI, et son clivage du nerf cochléaire,
surtout quand le MAI est dilaté et profondément situé sous une
importante traînée cellulaire. La portion distale de la crête
transverse gêne un peu à ce niveau l’accès à la partie la plus
profonde et la plus latérale de la tumeur. Cette zone est à risque
de lésion résiduelle.
Fermeture
Elle doit être très soigneuse pour limiter le risque de fuite de
LCS. Il faut occlure toutes les cellules pneumatiques ouvertes
autour du MAI par de la cire de Horsley. Une attention toute
particulière sera portée aux cellules situées plus près du fond du
MAI, car ce sont les plus difficiles à voir et donc à occlure. Un
fragment de muscle maintenu par de la colle sera mis en place
sur l’ouverture du MAI, en prenant garde qu’il ne comprime pas
le nerf facial. L’écarteur est enlevé et l’hémostase vérifiée,
Figure 5. Voie sus-pétreuse droite. Dessin des structures visualisées. notamment au voisinage de l’artère méningée moyenne et du
1. Enclume ; 2. portion tympanique du nerf facial ; 3. canal semi-circulaire SPS. La dure-mère est suspendue par deux points de soie ou de
supérieur ; 4. canal semi-circulaire latéral ; 5. tumeur ; 6. nerf facial Vicryl® non transfixiants aux berges de la crâniotomie puis le
intraméatique ; 7. nerf grand pétreux ; 8. artère méningée moyenne au volet est remis en place, sans qu’il soit nécessaire de réaliser une
niveau du foramen spinosum ; 9. Bill’s bar ; 10. ganglion géniculé. ostéosynthèse. Un drainage déclive, ou en très faible aspiration,
est maintenu en place pendant 24 à 48 heures après fermeture
canal semi-circulaire supérieur (CSCS) et l’émergence des nerfs musculaire et cutanée.
pétreux variant en distance par rapport à la position du
Neurotomie vestibulaire
ganglion géniculé, lui-même plus ou moins profond (Fig. 5).
La difficulté de cette voie d’abord tient à la fragilité de ces Le MAI n’est pas dilaté et son anatomie est préservée. Il n’est
repères. Ce sont pourtant les seuls disponibles au départ pour donc pas nécessaire de disséquer aussi profondément les parois
mettre à jour le MAI dont la position et la profondeur ne sont durales du méat sauf en arrière dans la zone Z. L’incision de la
régies par aucune règle stable. La localisation du MAI peut être dure-mère se fait à distance du nerf facial c’est-à-dire en arrière.
grandement facilitée par l’utilisation d’une navigation informa- Le LCS s’échappe alors de l’incision. Il vaut mieux attendre une
tique fondée sur les données préopératoires d’imagerie scano- vidange suffisante avant d’aller plus loin. Cette vidange obte-
graphique. Le scanner est, en toute hypothèse, extrêmement nue, l’incision de la méninge et poursuivie et le lambeau
utile pour anticiper l’épaisseur et la pneumatisation de l’os constitué basculé pour exposer le contenu neurovasculaire du
protégeant son toit. Si l’on ne dispose pas d’un outil de méat. NVS et nerf facial, séparés par la Bills’bar, sont unis par
navigation, la position du MAI sera déduite de la localisation quelques petites anastomoses nerveuses parfaitement identifia-
précise du CSCS. C’est un fraisage prudent à la fraise diamantée bles et qu’il convient de libérer. Le NVS est alors sectionné. On
de l’eminentia arcuata qui permet le repérage de la ligne bleue se porte ensuite sur le nerf vestibulaire inférieur (NVI) sous-
qui le désigne. Un angle de 60° par rapport à cette ligne, ouvert jacent, caché sous le prolongement de la crête transverse. Il faut
vers l’arrière, donne alors l’orientation du méat. D’autres auteurs l’identifier et le séparer du nerf cochléaire en évitant tout
préfèrent prendre pour guide les nerfs pétreux, les suivre traumatisme instrumental, notamment avec l’aspirateur. La
jusqu’au ganglion géniculé, puis découvrir la portion labyrin- section doit être complète pour être efficace. Certains proposent
thique du nerf facial avant d’ouvrir le MAI. de coaguler l’extrémité proximale des nerfs plutôt que de faire
La position du MAI étant enregistrée, le toit du rocher est des résections nerveuses mettant le nerf cochléaire en danger ou
fraisé jusqu’à sentir et visualiser la dure-mère protégeant sa face risquant de traumatiser le contingent vasculaire de l’artère
supérieure. Sa profondeur est extrêmement variable suivant cérébelleuse antéro-inférieure (AICA) ou l’artère elle-même
l’importance de la traînée cellulaire sus-labyrinthique. La pouvant pénétrer jusqu’au fond du MAI.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

tumeur est développée dans cette région. Le SPS doit ensuite


être coagulé puis sectionné en s’aidant de petites ouvertures
durales permettant de le ligaturer [7]. D’autres préfèrent l’obturer
avec du muscle ou du Surgicel ® . L’écarteur peut alors être
repositionné plus profondément pour pouvoir avoir accès à
l’APC. Le fraisage en arrière du MAI conduit à exposer la dure-
mère rétroméatique que l’on peut ensuite franchir. L’APC est
alors au mieux exposé pour offrir une ouverture de l’angle
suffisante à un contrôle de la tumeur et de sa vascularisation.
La résection tumorale peut alors commencer.
La fermeture doit tenir compte du plus grand nombre de
cellules ouvertes lors du fraisage, notamment en regard de
l’apex pétreux, certaines des cellules apicales débouchant à plein
canal dans la trompe auditive sans passer par l’oreille moyenne.
Le risque de fuite de LCS est particulièrement important. La
taille plus importante du volet peut conduire à une ostéosyn-
thèse par miniplaque ou par fil de Vicryl®.
Figure 6. Voie sus-pétreuse élargie. Dessin des structures visualisées. Avantages et inconvénients
1. Angle pontocérébelleux ; 2. tumeur ; 3. nerf facial ; 4. fraisage préméa-
tique de l’apex pétreux donnant accès à la partie médiale de l’angle La VSP est le seul des accès transpétreux qui permette, en
pontocérébelleux (APC) ; 5. nerf vestibulaire supérieur ; 6. artère ménin- théorie, d’exposer en vue directe la totalité du MAI sans léser le
gée moyenne sectionnée. labyrinthe et plus particulièrement le vestibule. Elle est donc
particulièrement indiquée en cas de tumeur intraméatique
profondément située. Il s’agit d’un accès de mise en œuvre
Voie sus-pétreuse élargie (Fig. 6) rapide, n’exposant pas les structures vitales de la fosse
postérieure.
Principes
Son principal désavantage est d’exposer le nerf facial en
La voie d’abord que nous venons de décrire est formatée pour même temps que la tumeur elle-même, ce qui contraste avec les
la neurotomie vestibulaire ou l’exérèse de petits schwannomes voies postérieures que nous verrons plus loin qui exposent la
intracanalaires. Elle ne permet pas de contrôler une tumeur tumeur avant le nerf.
débordant dans l’APC. Wigand et Garcia Ibanez ont, chacun de Beaucoup d’auteurs soulignent aujourd’hui cet inconvénient
leur côté, défendu la voie sus-pétreuse dite « élargie » (VSPE) et le risque de lésions du nerf facial dans le contexte d’une
permettant de dépasser les strictes limites du MAI et d’exposer tumeur de petit volume, pour laquelle la préservation de la
des tumeurs dont le diamètre pouvait atteindre 2 cm dans fonction faciale est attendue. Certains auteurs expérimentés y
l’APC [8, 9]. Une telle exposition n’est pas possible en restant restent cependant fidèles, au regard de ses possibilités de
dans les strictes limites de la voie précédente. Cet élargissement préservation auditive [8-10]. Les meilleurs résultats sont de ce
s’obtient grâce : point de vue obtenus quand la lésion n’infiltre pas trop
• à un plus large dégagement du toit du rocher rendu possible profondément le secteur vestibulaire inférieur, caché de l’opéra-
par le sacrifice de l’artère méningée moyenne. Il devient alors teur par la portion latérale de la crête transverse.
possible d’exposer l’apex pétreux, le foramen lacerum, le
foramen ovale et le cavum de Meckel, repères précieux pour Voie translabyrinthique
localiser la cochlée entre MAI et nerfs pétreux situés sur le
canal carotidien ; Elle a été à l’origine décrite par House et Hitselberger pour
• à l’ouverture de l’APC. Son toit est accessible après section du l’exérèse des petits schwannomes vestibulaires, ne sacrifiant en
SPS et incision de la tente. Le fraisage de l’apex pétreux vérité que le noyau labyrinthique au travers d’une mastoïdecto-
conduit à la partie préméatique de l’APC. Le fraisage de la mie élargie [11]. C’est la voie translabyrinthique « simple ». Elle
zone Z permet de franchir la dure-mère rétroméatique et de conduit essentiellement au MAI. Son élargissement progressif
finir le tour de la lésion. aux dépens des structures pétreuses et occipitales a donné
La difficulté de la VSPE tient à la connaissance des zones de naissance à la voie translabyrinthique élargie (VTLE), qui permet
fraisage non dangereuses pour les structures de l’oreille interne de traiter des tumeurs de tous volumes grâce à une pétrectomie
et particulièrement pour la cochlée, médiale au MAI. postérieure extradurale limitée par le sinus sigmoïde en arrière,
le bulbe jugulaire en bas et en avant et le sinus pétreux
Technique supérieur en haut. C’est celle que nous allons décrire. Le lecteur
L’incision cutanée et musculaire n’est pas différente. Le volet saura modifier l’approche et l’adapter par une réduction du
temporal est plus grand (5 cm sur 5 cm) afin d’offrir une vue fraisage à l’exérèse de lésions de petite taille.
plus large sur le toit du rocher. Le décollement de la dure-mère Le traitement des tumeurs de l’APC est resté aujourd’hui
est élargi par le sacrifice de l’artère méningée moyenne au l’indication essentielle de cette voie d’abord, même si elle peut
niveau du foramen spinosum. Les repères clés restent les parfois être utilisée dans de rares indications fonctionnelles :
mêmes : eminentia arcuata et nerfs pétreux. Le repérage du MAI chirurgie du nerf facial traumatique ou neurotomie vestibulaire
suit les mêmes règles que précédemment, mais le repérage de la sur oreille sourde.
cochlée est ici indispensable pour que le fraisage de l’apex
pétreux soit conduit sans dommage. L’ouverture du toit de Accès
l’attique permet le repérage des têtes ossiculaires. Selon Zanaret, Le patient est en décubitus dorsal, la tête tournée du côté
le bord antérieur du tour basal est situé en deçà de 9 mm de la opposé à la tumeur de 30° à 45° (Fig. 7). L’incision sus- et
tête du marteau, sur l’axe tracé de la tête de cet osselet, passant rétroauriculaire à une distance variable de l’oreille selon les
par le centre du ganglion géniculé, axe parallèle au MAI [7]. Le équipes (et pour certains selon la taille de la tumeur) permet
fraisage à ce niveau doit être très prudent car la cochlée peut d’exposer la corticale latérale du rocher jusqu’à l’apex mastoï-
être immédiatement sous-jacente. Le repérage informatique de dien, ainsi que la suture pétro-occipitale (Fig. 8).
la cochlée peut se révéler un outil très utile à ce stade. L’os situé Le fraisage de cette corticale permet de localiser et de sque-
en arrière et médialement par rapport à la cochlée peut être lettiser les repères clés que sont le sinus sigmoïde de son début
sacrifié pour atteindre la dure-mère préméatique de la face à sa terminaison (bulbe jugulaire), la dure-mère de la fosse
postérieure du rocher. La voie d’abord doit alors être formatée temporale (sur 1 cm de haut), la dure-mère pré- et rétro-
en fonction de l’ouverture de l’APC souhaitée. Le fraisage pourra sigmoïde. L’antre mastoïdien est repéré, la portion mastoïdienne
ainsi déborder en dedans de la cochlée, vers l’apex pétreux si la du nerf facial exposée au travers de l’os, ce qui permet de

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

Figure 9. Voie translabyrinthique droite. Exposition des structures re-


Figure 7. Voie translabyrinthique droite. Positionnement de la tête sur
pères après fraisage mastoïdien. 1. Canal semi-circulaire latéral ; 2. canal
cadre neurochirurgical de Gardner. Rotation céphalique de 60°.
semi-circulaire supérieur ; 3. canal semi-circulaire postérieur ; 4. nerf
facial ; 5. sinus sigmoïde ; 6. sac endolymphatique ; 7. sinus pétreux
supérieur.

Figure 8. Voie translabyrinthique droite. Dessin de l’incision sus- et


rétroauriculaire.
Figure 10. Voie translabyrinthique droite. Fraisage des canaux semi-
circulaires et exposition de la dure-mère de la fosse postérieure.
poursuivre le fraisage en arrière de lui, jusqu’à repérer le bulbe
supérieur de la veine jugulaire interne ou bulbe jugulaire (BJ)
(Fig. 9).
Ces repères étant acquis, le fraisage du massif labyrinthique
peut être conduit (Fig. 10).
Le canal semi-circulaire latéral (CSCL) et le canal semi-
circulaire postérieur (CSCP) sont sacrifiés, ce qui conduit à
ouvrir le vestibule.
Le CSCS est fraisé jusqu’à son ampoule qui est soigneusement
respectée, la portion labyrinthique du nerf facial étant très
proche médialement (Fig. 11). Le vestibule constitue le repère
essentiel du fond du MAI. Le fraisage enlève le massif osseux
rétrolabyrinthique, sacrifie le sac endolymphatique et l’aqueduc
vestibulaire et expose la dure-mère de la face latérale du MAI
dont le grand axe est grossièrement parallèle au méat auditif
externe.
À la fraise diamantée et sous irrigation constante, la dure-
mère de la face supérieure du MAI est découverte, en surveillant
l’activité électromyographique du nerf facial, habituellement
situé sur la zone la plus médiale de cette face supérieure. Le
repérage de la face inférieure du MAI peut se révéler plus ou
moins aisé en fonction de l’anatomie. Le BJ peut en effet venir Figure 11. Voie translabyrinthique droite. Fraisage translabyrinthique
masquer latéralement tout ou partie de ce dernier. Quand un exposant. 1. Ampoule du canal semi-circulaire postérieur ; 2. ampoule du
couloir osseux peut être creusé entre MAI et BJ, il conduit à canal semi-circulaire supérieur ; 3. artère subarcuata ; 4. boucle du canal
l’aqueduc cochléaire dont la présence se signale par un écoule- semi-circulaire supérieur ; 5. crus commune ; 6. aqueduc vestibulaire ;
ment de LCS. Il protège latéralement le nerf glossopharyngien 7. nerf facial ; 8. bulbe jugulaire ; 9. vestibule.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

Figure 12. Voie translabyrinthique droite. Exposition des parois supé- Figure 14. Voie translabyrinthique droite. L’ouverture de l’angle pon-
rieure, postérieure et inférieure du méat acoustique interne (MAI) et tocérébelleux (APC) s’est faite grâce à un lambeau dure-mérien à char-
du fond du vestibule (1), après fraisage d’un tunnel supérieur (2) et nière postérieure. On visualise : la tumeur (1), le nerf facial en transpa-
inférieur (3). rence (2), courant sur la face profonde de la lésion, le nerf cochléaire
associé au nerf vestibulaire inférieur (3), situés sur la face inférieure de
cette dernière et le cervelet (4).

dont le bord supérieur longe le SPS. La vidange de la grande


citerne au point bas de la tumeur permet un affaissement
cérébelleux et une exposition bien plus aisée de la tumeur et de
son environnement neurovasculaire (Fig. 14).
La VTLE est la voie d’abord permettant l’exérèse de tumeurs
de tous volumes avec un repérage en sécurité du nerf facial au
fond du MAI. La stratégie chirurgicale sera évoquée plus loin.

Fermeture
L’exérèse terminée, l’hémostase soigneuse de l’angle précède
la fermeture de la brèche pétreuse et durale par un greffon de
graisse abdominale. La graisse est prélevée en région sus-
pubienne en limitant si possible les séquelles cosmétiques. Il
faut chercher à prélever un fragment compact, et non pas des
fragments multiples, qui puisse tenir le rôle de bouchon
s’adaptant par sa souplesse aux parois tourmentées de la cavité
opératoire. La graisse est mise en place qu’après s’être assuré
d’un parfait blocage de toutes les cellules exposées par de la cire
Figure 13. Voie translabyrinthique droite. Image peropératoire mon- d’Horsley, notamment dans les couloirs osseux sus- et
trant le méat auditif interne (MAI) (1) disséqué et squelettisé dans son sous-méatiques.
environnement anatomique. Sont visualisés le nerf facial mastoïdien (2), le Un fragment de cire est également poussé dans le vestibule.
bulbe jugulaire (3), le sinus sigmoïde (4) et l’aqueduc cochléaire (5). La trompe auditive est bloquée en suivant la technique de
Glasscock : l’ablation de l’enclume et la section du tenseur
qui est le plus latéral des nerfs mixtes dans le foramen jugulaire. tympani permettent d’introduire par l’attique, sans tympanoto-
Dans certains cas de positions très hautes du BJ, il est nécessaire mie postérieure, des fragments d’aponévrose ou de muscle qui
de le repousser vers le bas. Il s’agit d’un geste difficile qui .1
ont été prélevés au début de l’intervention et qui sont poussés
nécessite un travail très précautionneux à la fraise diamantée, dans le protympanum puis successivement dans la caisse,
sans irrigation. Le dôme veineux est soit rétracté à la pince l’attique et l’antre.
bipolaire, soit repoussé par de la cire et du Surgicel®. Le fraisage L’utilisation de colle de fibrine (Tissucol®) facilite grandement
dans cette région peut être source de réactions vagales dont l’étanchéité du montage. Un second fragment de graisse, plus
l’anesthésiste doit être prévenu. compact, parfait l’occlusion de la voie d’abord. Ce fragment
La squelettisation du MAI est plus ou moins exhaustive, selon remet « à niveau » le rocher. Il doit rester à distance de la suture
l’habitude des équipes et la taille de la tumeur (Fig. 12, 13). cutanée. Des rinçages antiseptiques à la polyvidone-iodine sont
Beaucoup choisissent de repérer la Bill’s bar comme dans la très utiles et sont sans risque une fois l’APC fermé. Le plan
VSP afin de s’assurer de la position du nerf facial en zone non musculoaponévrotique unique est fermé en points séparés de fil
tumorale. L’utilité de ce repérage dépend largement de la résorbable, avant fermeture cutanée en deux plans sur un
pénétration de la tumeur dans la profondeur du méat. C’est en drainage déclive de 48 heures.
tout cas le seul point où le nerf facial peut être retrouvé à coup Un pansement légèrement compressif est maintenu en place
sûr, en position anatomique, la tumeur pouvant imposer par plusieurs jours.
ailleurs de nombreuses variations de position dont certaines Le drainage lombaire ou la prise de glycérol ne sont pas
piégeantes et dangereuses pour son intégrité. nécessaires.
L’incision de la dure-mère du MAI permet de mettre en
évidence la tumeur. Cette incision est horizontale dans l’axe du Avantages et inconvénients
méat, faite à distance de la position supposée des nerfs et après La dissection extradurale du rocher évite toute pénétration de
stimulation de sécurité. poudre d’os dans l’APC. Le sacrifice de la plus grande partie du
L’incision durale peut être poursuivie sur la dure-mère rocher permet de bien contrôler les voies d’expression des fuites
présigmoïde où l’on taille un lambeau à charnière postérieure de LCS.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

La VTLE est la voie la plus directe pour exposer une tumeur


de l’APC pédiculée sur le MAI car elle conduit à exposer la
tumeur avant le cervelet. Elle ne nécessite aucun écartement
direct du cervelet. L’écartement du sinus sigmoïde peut être
utile pendant le fraisage. Il est alors positionné sur la dure-
mère postérieure et le sinus sigmoïde, sans compression aucune
du cervelet. Cet avantage est tout à fait essentiel et pour
beaucoup décisif dans la chirurgie des tumeurs vestibulaires
encastrées dans le tronc cérébral et recouvertes par le lobe
cérébelleux.
Le positionnement opératoire en décubitus dorsal est simple
et n’entraîne aucun risque d’embolie gazeuse ou d’atélectasie
pulmonaire.
Mais la VTLE sacrifie de principe l’audition et son utilisation
n’est pas recommandée quand l’audition est excellente et la
tumeur de petite ou de moyenne dimension. Le temps de
fraisage et d’exposition de la tumeur est plus élevé que dans les
voies rétrosigmoïdes (1 heure 30 à 2 heures).

Voie sous-occipitale et voie rétrosigmoïde


Figure 15. Voie rétrosigmoïde droite. Incision arciforme rétroauricu-
Principes laire (1). Position de la crâniotomie (2) par rapport au plan de Frankfurt (3)
et à une ligne tangente au bord postérieur de la mastoïde (4).
La voie rétrosigmoïde (VRS) est une évolution technique de
la voie sous-occipitale (VSO) dite aussi dans la littérature
neurochirurgicale « voie sous-occipitale rétrosigmoïde », décrite
au début du siècle dernier par Dandy [12]. Il s’agit de voies très
proches dans leur philosophie car partageant l’idée d’un accès
intradural direct à l’APC. Cet accès est rendu possible par
l’effacement du cervelet. La simple vidange de la grande citerne
permet il est vrai, notamment chez les sujets de plus de 50 ans,
un effacement presque spontané de ce dernier. Chez des sujets
plus jeunes, le positionnement préalable d’un écarteur est
souvent nécessaire, surtout s’il est nécessaire d’atteindre
l’émergence des nerfs crâniens et le récessus latéral du qua-
trième ventricule.
Les différences entre ces deux voies sont cependant notables.
La VSO, privilégiée par les neurochirurgiens, offre un accès de
bas en haut dans l’APC et utilise une large crâniotomie occipi-
tale bas située. Pour réaliser cette crâniotomie de bas en haut, il
est nécessaire d’installer le patient en position semi-assise, ou en
décubitus latéral (position de Mount). Ces positions ont
l’inconvénient principal de favoriser les troubles de ventilation
Figure 16. Voie rétrosigmoïde droite. Fraisage de la paroi postérieure
pulmonaire lors d’intervention de longue durée et les embolies
du rocher exposant l’entrée du méat auditif interne (MAI) (1). Le paquet
gazeuses lors de plaies veineuses. La VRS dite « a minima »,
acousticofacial (PAF) est visible dans l’angle pontocérébelleux (APC). On
décrite par l’équipe marseillaise de Brémond et Magnan,
remarque l’artère de Brémond marquant la limite entre le contingent
s’appuie au contraire sur un positionnement en décubitus
vestibulaire du VIII (2) et le contingent cochléaire (3).
latéral très simple et sur une crâniotomie de taille plus réduite,
plus antérieure et latérale, centrée sur la pénétration de la veine
émissaire mastoïdienne dans l’écaille occipitale, couplée à au crochet mousse la trame arachnoïdienne protégeant les
l’endoscopie de l’angle [13] . C’est cette dernière que nous structures vasculonerveuses et contribuant à fermer l’angle. On
décrirons, car c’est celle utilisée par les otoneurochirurgiens. arrive rapidement sur le PAF que l’on voit s’engager dans le pore
Les indications de la VRS sont doubles : la chirurgie fonction- acoustique. Le VIII est visible au premier plan. La limite entre
nelle de l’APC (neurotomie vestibulaire, spasme de l’hémiface et le nerf vestibulaire et le nerf cochléaire est marquée par une
névralgie du trijumeau) et la chirurgie des tumeurs de l’APC. artériole décrite par Brémond (Fig. 16). Le nerf facial est au
second plan.
Accès
Le patient est en décubitus dorsal, la tête tournée vers le côté
Chirurgie fonctionnelle
opposé à la tumeur et légèrement fléchie vers l’épaule opposée. La neurotomie vestibulaire est aisément réalisée par cet accès.
Les repères cutanés comprennent le plan de Frankfurt et la ligne Un dissecteur mousse est engagé en regard de l’artère de
tangente au bord postérieur de la mastoïde, qui repèrent le bord Brémond pour cliver le nerf vestibulaire du nerf cochléaire. Le
postérieur du sinus sigmoïde. L’incision rétroauriculaire est nerf facial est facilement repéré avant d’être clivé du nerf
verticale ou arciforme. La crâniotomie, de 1,5 à 2,5 cm de vestibulaire. Ce dernier peut alors être parfaitement isolé par un
diamètre, est centrée sur la veine émissaire. Elle doit découvrir crochet mousse et attiré vers soi doucement pour bien le séparer
le bord postérieur du sinus sigmoïde pour être la plus antérieure du nerf facial et du nerf cochléaire. Il est alors possible de le
possible (Fig. 15). La dure-mère est incisée en Y ou en U en sectionner franchement en rabattant le bout proximal à
utilisant un lambeau à charnière antérieure. La déplétion l’opposé du bout distal pour éviter toute repousse.
cérébrale induite par l’hyperventilation permet l’ouverture de Le traitement chirurgical des conflits vasculonerveux du VII
l’APC et la vidange de la grande citerne. L’affaissement spon- trouve ici une indication parfaite de la VRS. Le travail au
tané du cervelet permet dans la grande majorité des cas de ne microscope doit être associé à l’endoscopie afin d’élargir le
pas utiliser d’écarteur pour le lobe cérébelleux, protégé par un champ de vision vers le sillon bulboprotubérantiel et la fossette
large cotonoïde. La stratégie opératoire diffère peu de celle latérale du bulbe. L’endoscopie permet de visualiser l’émergence
adoptée dans la VTLE. La dissection de l’APC se fait délicate- du VII et la root exit zone (REZ) où se situe l’essentiel des conflits
ment en effondrant de proche en proche aux microciseaux ou générateurs de spasme de l’hémiface. Il s’agit souvent d’une

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

artère vertébrale ou d’une artère cérébelleuse postéro-inférieure Avantages et inconvénients


(PICA), plus rarement d’une AICA venant marquer son
L’avantage essentiel de la VRS est de conduire très rapidement
empreinte sur le VII à ce niveau de grande fragilité histologique.
à l’APC sans fraisage intermédiaire du rocher et sans prélève-
La séparation de l’artère offensante et du nerf se fait de façon
ment abdominal.
très précautionneuse sous microscope pour éviter tout spasme
Les inconvénients communs de la VRS et de la VSO sont la
artériel et un fragment de mousse de téflon est interposé entre
fréquence des céphalées postopératoires [14], il est vrai plus
les deux. Une vérification endoscopique permet de s’assurer
fréquentes après chirurgie tumorale. Le risque d’œdème cérébel-
qu’il n’existe pas un second conflit masqué par le premier. Dans leux en cas d’intervention prolongée et d’écartement cérébel-
le cas des conflits du nerf trijumeau, la stratégie est superposa- leux lorsque la tumeur s’engage profondément dans le récessus
ble, l’artère offensante étant le plus souvent l’artère cérébelleuse latéral du quatrième ventricule et qu’un écartement prolongé du
supérieure. cervelet se révèle nécessaire est important à signaler. Mais cet
événement est exceptionnel dans notre expérience.
Chirurgie des tumeurs du méat auditif interne et Par ailleurs, le fraisage intradural du MAI peu être source de
de l’angle pontocérébelleux pollution des citernes par de la poudre d’os. Nous conseillons
de mettre du Pangen® dans les citernes pendant le temps de
L’ouverture du MAI est nécessaire au contrôle de l’extension fraisage afin de limiter ce risque. Il faut également signaler le
méatique de la lésion, le plus souvent un schwannome risque de plaie veineuse du BJ en cas de malposition. À cet
vestibulaire. égard, la VRLE semble moins agressive et conduit plus rapide-
Le fraisage de la paroi postérieure du MAI est conduit ment et à moindre risque au MAI et au PAF.
prudemment à la fraise diamantée en prenant garde à la En cas de discontinuité nerveuse du VII, la réalisation d’une
position du BJ, parfois très proche de la lèvre postérieure du greffe peut se révéler délicate par manque éventuel du bout
pore. Une malposition peut rendre difficiles le fraisage et distal du nerf et cela, à la différence des accès transpétreux où
l’exposition du contenu méatique. Le fraisage doit prendre le nerf est aisément repérable. La VSO apparaît plus dangereuse
garde à respecter les structures labyrinthiques si une stratégie de que la VRS du fait de la position opératoire qui est source
préservation de l’audition a été choisie. Il est de règle de ne pas d’atélectasies pulmonaires ou d’embolies gazeuses.
aller plus profondément que le trajet de l’aqueduc vestibulaire,
ce qui correspond dans l’anatomie moyenne à une ouverture
des deux tiers médiaux du MAI.
Voie rétrolabyrinthique élargie
La dissection du MAI obéit aux mêmes règles que dans les La voie rétrolabyrinthique stricto sensu est une voie d’abord
voies précédemment décrites. Un repérage de la dure-mère de la de l’APC. Son élargissement décrit par Darrouzet et al. [15]
paroi postérieure du MAI est d’abord recherché. Deux gouttières permet d’exposer le MAI dans ses deux tiers latéraux, comme
sont ensuite creusées au-dessus et au-dessous du MAI pour dans la VRS, grâce à trois artifices techniques essentiels :
contrôler les deux tiers ou les trois quarts de sa circonférence. • une rotation céphalique dans le sens opposé à la tumeur plus
La dure-mère est ensuite incisée horizontalement dans l’axe du importante que dans la VTLE, rotation facilitée par un
méat et les lambeaux ainsi créés basculés de part et d’autre sur soulèvement de l’épaule ;
les berges osseuses. La tumeur se trouve alors exposée en • un fraisage rétrosigmoïde plus important que dans la VTLE ;
continuité avec celle déjà visible dans l’APC. À la différence tout • une dissection veineuse exhaustive, autorisant un affaisse-
à fait notable de la VTLE ou de la VSP, le contrôle du fond du ment de la dure-mère et du sinus sigmoïde plus marqué.
MAI se révèle impossible en vue directe. Il n’est donc pas L’effacement de cette dure-mère et du cervelet sous-jacent et
possible de repérer le VII en zone anatomique (Bill’s bar). Il faut la plus grande rotation céphalique ouvrent en toutes circons-
donc diminuer le volume lésionnel intraméatique avant de tances un angle de travail confortable vers le massif osseux
pouvoir basculer légèrement la tumeur vers le bas pour trouver rétrolabyrinthique. Les indications de cette voie d’abord sont
le plan de clivage arachnoïdien conduisant au NVS (s’il est superposables à celle de la VRS : chirurgie fonctionnelle et
encore présent) et plus médialement au VII. Le pôle latéral de tumorale du MAI et de l’APC. Il faut y rajouter les possibilités
la tumeur, moulant parfois le fond du MAI, est alors recherché offertes dans le traitement des tumeurs du clivus et de l’apex
avec un instrument mousse contre-coudé à l’extrémité. On pétreux par la combinaison d’une voie sous-temporale
transtentorielle à la VRLE.
tente alors de le basculer très doucement vers soi tout en
poursuivant la dissection en suivant le plus possible le plan
arachnoïdien qui protège le VIII cochléaire et le VII. Les nerfs
Accès au méat auditif interne et à l’angle
sont vus et suivis de latéral vers médial sur 3 mm. Mais afin pontocérébelleux
d’éviter toute traction dangereuse sur le VII et le VIII, la Le patient est en décubitus dorsal. Un coussin en gel de
dissection s’achève de haut en bas, du VII vers le VIII dont la silicone est glissé sous l’épaule homolatérale à la tumeur. Ce
tumeur est finalement séparée. Le fond du MAI doit alors être soulèvement de l’épaule facilite la rotation céphalique de 70°
vérifié. L’usage de l’endoscopie est fondamental pour cette par rapport au plan horizontal donné par la table d’opération.
dissection du tiers latéral du MAI et le contrôle de sa vacuité en La tête est maintenue dans un cadre neurochirurgical pour
fin d’exérèse. faciliter le maintien de la position (Fig. 17). L’incision cutanée
est plus postérieure de 1 cm que dans la VTLE afin de permettre
Fermeture une dissection rétrosigmoïde plus large (Fig. 18). Le lambeau
cutanéomusculaire est levé en un plan (Fig. 19). On retrouve les
La fermeture doit être particulièrement soigneuse pour éviter premiers temps du fraisage de la VTLE : repérage et dénudation
les fuites de LCS et cela impose un colmatage des cellules soigneuse du sinus sigmoïde, puis de la dure-mère présigmoïde,
périméatiques par de la cire d’Horsley comme dans les voies du SPS, de la dure-mère temporale puis ouverture de l’aditus ad
transpétreuses. Le MAI est colmaté par un fragment de muscle antrum, repérage du CSCL et enfin dissection de la portion
et de colle, sans appui et sans compression du contenu nerveux. mastoïdienne du VII (Fig. 20, 21). Les temps opératoires qui
La dure-mère est fermée de façon étanche en points séparés ou suivent sont spécifiques à la voie d’abord :
en surjet, renforcée pour certains par deux plaques d’Ethisorb® • exposition du système veineux jusqu’au BJ et dénudation de
sur ses versants endo- et exoméningés. La perte de substance la dure-mère qui lui est sous-jacente ;
crânienne est fermée par un mélange de poudre d’os et de colle. • dissection du noyau labyrinthique afin d’exposer de façon
D’autres proposent une crânioplastie. Le lambeau musculaire très précise le relief du CSCP à partir de celui du CSCL ;
taillé au début est basculé et suturé de façon la plus étanche • repérage du sac endolymphatique qui est sectionné et clippé
possible en décalant la suture par rapport à celle du plan au ras du labyrinthe (Fig. 22-24) ;
cutané. Certains auteurs utilisent un drainage lombaire de 24 à • décollement de la dure-mère en arrière de l’os pétreux jusqu’à
48 heures. Nous ne le pensons pas utile. atteindre le pore acoustique ;

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

Figure 17. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Position opératoire


sur cadre de Gardner. On remarque le coussin calé sous l’épaule droite Figure 20. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Après fraisage
pour soulager la rotation céphalique. d’exposition, visualisation de la dure-mère de la fosse postérieure pré-
et rétrosinusienne, de la dure-mère temporale et de l’antre mastoïdien.

Figure 18. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Dessin de l’incision Figure 21. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Le fraisage a permis
sus- et rétroauriculaire, plus postérieure que dans la voie translabyrinthi- de repérer le noyau labyrinthique avec ses trois canaux, le nerf facial
que élargie (VTLE). mastoïdien, le sinus sigmoïde et le sinus pétreux supérieur, la dure-mère
présigmoïde au sein de laquelle on individualise le sac endolymphatique.

Figure 22. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. L’incision du sac


endolymphatique à la lame de Beaver (1) permet d’exposer le massif
osseux rétrolabyrinthique (2).

• réalisation d’une moucheture durale en dedans de la position


Figure 19. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Après levée du lam- du sac sur la dure-mère de la face postérieure du rocher
beau et fixation, exposition de la surface de fraisage et des muscles permettant une vidange de la citerne de l’angle et une
sterno-cléido-mastoïdien et splénius capitis. décompression de la fosse postérieure (Fig. 25). Un écarteur

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

Figure 23. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Un clip (1) est serré Figure 26. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. La taille d’un triple
sur la partie proximale du sac endolymphatique afin de le préserver dans lambeau dure-mérien dont les limites sont dessinées permet d’ouvrir
la mesure du possible. La partie distale (2) restera incluse dans le lambeau l’angle pontocérébelleux (APC) et le méat auditif interne (MAI) dans le
dural. même temps.

table opératoire dans le sens de la rotation céphalique. Ce


fraisage qui reste strictement médial par rapport à l’aqueduc
vestibulaire conduit à la dure-mère postérieure du MAI. Il est
disséqué comme dans la VRS sur ses faces postérieures, supé-
rieures et inférieures, avec les mêmes précautions.

Chirurgie fonctionnelle
L’exposition offerte sur le contenu du MAI et de l’APC
permet les mêmes indications opératoires que la VRS. La
neurotomie vestibulaire peut être réalisée soit dans l’APC
comme avec la VRS soit dans le MAI comme avec la VSP,
puisque les deux possibilités sont offertes par cet accès mixte. Si
le choix est fait de sectionner le nerf vestibulaire dans l’APC, la
dissection du MAI sera moins exhaustive que celle décrite
précédemment et le PAF pourra être repéré au porus ou même
dans l’APC. Si le choix est fait d’une neurotomie dans le MAI,
il ne sera pas nécessaire d’ouvrir l’APC. NVS et NVI pourront
être sectionnés à mi-méat, ce qui limite le risque chirurgical vis-
à-vis des structures nobles de l’APC qui ne sont pas exposées.
Le traitement des conflits vasculonerveux du VII et du V peut
bénéficier de cette approche peu invasive vis-à-vis du cervelet.
Figure 24. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Vue opératoire mon- L’angle de vision offert par la VRLE sur la REZ du VII est en
trant les différents repères en situation : le canal semi-circulaire latéral (1) théorie meilleur que celui de la VRS puisque l’APC est ouvert de
et postérieur (2), le sac endolymphatique sectionné au ras du laby- façon plus médiale.
rinthe (3), le canal semi-circulaire supérieur (4), le nerf facial mastoïdien
(5) et le bulbe jugulaire (6). Chirurgie des tumeurs du méat auditif interne et
de l’angle pontocérébelleux
L’incision de la dure-mère de la fosse postérieure est réalisée
en premier. Une première incision au Beaver® est faite horizon-
talement en bas, en partant de la moucheture précédemment
réalisée. Elle prend la direction de la partie inférieure du MAI.
Une seconde est faite en haut, parallèlement au SPS en prenant
garde à la veine de Dandy sous-jacente (Fig. 26). Les deux
incisions sont réunies en suivant la circonférence du pore
acoustique pour former un lambeau à charnière postérieure.
Pendant la taille de ce lambeau, le monitorage permet de
s’assurer de l’absence de malposition nerveuse du VII ou du
VIII.
La fosse postérieure est ouverte, la tumeur repérée, coagulée
et disséquée comme dans les autres techniques (Fig. 27). La
dissection de la tumeur dans le MAI est conduite en dernier, en
suivant le monitorage du VII. La dissection dans le MAI est
Figure 25. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Le fraisage rétrolaby-
superposable à celle décrite précédemment dans la VRS.
rinthique permet d’exposer la paroi postérieure du méat auditif interne
La tumeur est désenclavée prudemment du fond du MAI par
(MAI) (1). Le tunnel supérieur doit être creusé en surveillant les réponses
un crochet mousse pour permettre sa résection totale. Le fond
du nerf facial (2). Par ailleurs, on recherche une vidange de la fosse
du MAI est vérifié à l’optique pour écarter toute persistance de
postérieure par une petite incision dure-mérienne située dans la zone de
tissus tumoraux, le long du ou des nerfs vestibulaires (Fig. 28).
transfixion du sac endolymphatique (3).
L’exérèse peut être complétée sous vidéoendoscopie au crochet
peut alors être mis en place sur le sinus sigmoïde en position mousse (Fig. 29).
extradurale sans contact direct et sans effet compressif sur le
cervelet sous-jacent.
Fermeture
L’exposition est alors achevée et le fraisage rétrolabyrinthique, La fermeture de la voie d’abord exclut le blocage de la trompe
en arrière du CSCP, peut débuter, facilité par une rotation de la auditive comme dans la VTLE. L’isolement de l’oreille moyenne

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

Figure 27. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Après ouverture de


l’angle pontocérébelleux (APC) sont visibles : la tumeur (1), le nerf facial
en arrière puis médial à la tumeur (2), le nerf trijumeau (3) et le nerf
cochléovestibulaire (4).

Figure 30. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Vue opératoire de la


fermeture de l’aditus par un fragment d’aponévrose (1). L’angle ponto-
cérébelleux (APC) a été fermé au préalable par un premier fragment de
graisse (2).

Figure 28. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Endoscopie du fond


du méat auditif interne (MAI) montrant un important reliquat lésionnel
(T). On repère le nerf facial (7), le nerf vestibulaire supérieur, sectionné
(NVS) et le reste du nerf cochléovestibulaire (nerf vestibulaire inférieur
[NVI] et coch).
Figure 31. Voie rétrolabyrinthique élargie droite. Vue opératoire après
mise en place du packing graisseux faisant bloc et fermant la voie d’abord.

fraisage au-dessus et au-dessous du MAI. La fermeture étanche


de L’APC est obtenue par un premier fragment de graisse
enclavé entre le noyau labyrinthique, laissé en place, et la dure-
mère de la fosse postérieure. Le noyau labyrinthique assure son
maintien en bloquant sa latéralisation lors de la remontée du
cervelet. Un second bloc de graisse, maintenu par de la colle de
fibrine, assure le comblement superficiel de la voie d’abord. Le
reste de la fermeture est identique en tout point à celle de la
VTLE (Fig. 31).

Avantages et inconvénients
À l’image des autres voies transpétreuses, elle se caractérise
par une faible agressivité sur le tissu cérébelleux, un fraisage
extradural, un repérage du nerf facial en zone saine facilitant
une greffe éventuelle, une exposition satisfaisante de l’APC et
du MAI, et enfin par la qualité de l’étanchéité de la fermeture.
Figure 29. Voie rétrolabyrinthique élargie (VRLE) droite. Endoscopie de S’y rajoute la possibilité essentielle de préserver l’audition pour
l’angle pontocérébelleux (APC) après résection d’un kyste épidermoïde des tumeurs allant jusqu’à 2 cm de diamètre dans l’APC.
par VRLE. Sont entre autres structures visibles le nerf trijumeau (5), le nerf La voie d’abord est de réalisation plus longue que les voies
abducens (6), le paquet acousticofacial (PAF) et le nerf vague (10). transoccipitales. Le prélèvement de graisse nécessite un second
champ opératoire.
et de la trompe est ici obtenu par un blocage serré de l’aditus
ad antrum par un unique fragment d’aponévrose, en prenant
Voie transotique
garde de ne pas bloquer l’enclume (Fig. 30). La cire d’Horsley Décrite par Fisch, elle cherche à exposer de façon plus
permet de bloquer les cellules ouvertes dans les travées de médiale l’APC en sacrifiant le méat auditif externe osseux et

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

Figure 34. Voie transotique gauche. Cette peau est retournée en doigt
de gant et suturée sur elle-même.
Figure 32. Voie transotique gauche. Vue opératoire de la dissection du
nerf facial et du méat auditif interne (MAI) avant ouverture de la cochlée.
On visualise le nerf facial dans sa première (1), deuxième (2) et troisième
portion (3), la cochlée (Coch) et la trompe auditive (TA), le sinus sigmoïde
(SS) et le bulbe jugulaire (BJ).

Figure 35. Premier temps de la dissection d’un schwannome vestibu-


laire droit de stade 3 par une voie postérieure (rétrosigmoïde, translaby-
rinthique ou rétrolabyrinthique élargie). La voie d’abord a permis d’expo-
Figure 33. Voie transotique gauche. Isolement de la peau du méat ser la tumeur (T), le nerf facial (7), le nerf vestibulaire supérieur (NVS) et le
auditif externe qui est séparée du plan cartilagineux après hydrotomie. reste du nerf cochléovestibulaire (8). L’artère cérébelleuse antéro-
inférieure (AICA) forme une boucle entre 7 et 8, ce qui facilite le repérage
relatif de ces deux nerfs.
cutané, l’oreille moyenne et la cochlée [16] . Les portions
tympanique et mastoïdienne du nerf facial sont squelettisées et
n’apporte que rarement une vision complémentaire indispensa-
restent en « pont suspendu » entre ganglion géniculé et foramen
ble au contrôle de l’extension médiale quand tous les artifices
stylomastoïdien (Fig. 32). Ce pont divise le champ opératoire en
d’élargissement de la VTLE ont été mis en jeu. Finalement, la
deux zones : une première, « transcochléaire », antérieure et
meilleure et peut-être la seule indication de cette voie d’abord
médiale, limitée par le VII en haut et en arrière et par l’artère
est le traitement des tumeurs à développement intracochléaire.
carotide interne en avant, et une seconde, « translabyrinthique
postérieure » correspondant au fraisage de la VTLE. Fisch insiste Stratégie générale d’exérèse des schwannomes
sur l’importance de la première pour l’exérèse des extensions
médiales préméatiques de la tumeur. La cavité est remplie de
vestibulaires
graisse abdominale. Puis le méat acoustique externe est fermé Il est possible de débuter l’exérèse de la tumeur en commen-
en bourse, après dissection préalable du plan cutané par rapport çant par son prolongement méatique. Cette technique, long-
au plan cartilagineux sous-jacent, dissection grandement temps pratiquée dans le cadre d’équipes otoneurochirurgicales
facilitée par une infiltration préalable de sérum. La peau peut s’expliquait par le fait que l’otologiste poursuivait son travail sur
être alors éversée en doigt de gant et suturée sur elle-même la tumeur après avoir ouvert le MAI. Elle a pour inconvénient
(Fig. 33, 34). Le blocage de la trompe se fait ici de façon très de risquer une traction sur le nerf facial toujours très préjudi-
sûre en vue directe en utilisant de la cire de Horsley, du muscle ciable. De façon générale, et ce, quelle que soit la voie d’abord,
ou de l’aponévrose, à la différence de ce qui est possible dans nous recommandons de débuter par la dissection dans l’APC en
la VTLE. Cette sécurité dans la fermeture tubaire est recherchée repérant dès que possible le nerf facial avant de venir de façon
parfois pour limiter le risque de fuite de LCS propre à la VTLE, distale vers proximale vers le porus.
notamment dans les rochers très pneumatisés. Mais les procé- Le VIII est aisément repéré à moins que la tumeur ne soit très
dures de fermeture des VTLE sont aujourd’hui devenues très volumineuse (Fig. 35). Après coagulation des vaisseaux de la
sûres, ce qui rend cet artifice inutile. Cette procédure chirurgi- pseudocapsule, un évidement tumoral est conduit au dissecteur
cale est sensiblement plus longue que celle de la VTLE et ultrasonique ou aux micro-instruments afin de réduire la taille

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-010 ¶ Chirurgie du méat auditif interne

Figure 36. Deuxième temps de Figure 38. Quatrième temps de


la dissection d’un schwannome la dissection d’un schwannome
vestibulaire droit. Réduction du vestibulaire droit. On termine la
volume tumoral par cavitation au résection tumorale par le méat
dissecteur ultrasonique, ce qui auditif interne (MAI), après avoir
permet de contrôler les limites tu- repéré le nerf facial. On prend soin
morales et de coaguler la pseudo- chaque fois que cela est possible
capsule. Le nerf vestibulaire supé- de suivre le plan arachnoïdien et
rieur a été sectionné. de disséquer de haut en bas en
effectuant des mouvements dans
le plan horizontal, parallèles à
l’axe du nerf facial.

Figure 37. Troisième temps de méat, parfois annoncé ou « protégé » par le NVS, à la condition
la dissection d’un schwannome que ce dernier ne soit pas le nerf source du schwannome, à
vestibulaire droit. Poursuite de la moins que la dissection débutée dans l’angle puisse se poursui-
réduction tumorale et dissection vre jusqu’à ce niveau, situation relativement rare. Parfois, le nerf
du nerf facial de médial vers latéral facial est « mal positionné » et se retrouve exposé au niveau de
pour éviter toute traction délétère la face supérieure du MAI ou, plus grave, au niveau de sa face
(flèche). postérieure, la tumeur le repoussant vers l’arrière. Fort heureu-
sement, il s’agit de situations relativement rares dans la
chirurgie du schwannome vestibulaire, et le monitorage permet
en règle d’anticiper cette malposition par une alarme lors du
fraisage de la paroi postérieure durale du MAI.
Dans le traitement chirurgical des autres tumeurs de l’angle,
il convient d’être très méfiant. Les méningiomes, souvent
développés aux dépens de la tente du cervelet, croissent de haut
en bas et repoussent en masse le PAF vers le bas, ce dernier
restant groupé [17]. Le nerf facial reste cependant en règle le plus
médial. Dans le cas des méningiomes préméatiques ou des
kystes épidermoïdes, le PAF peut être au contraire repoussé vers
l’arrière, très exposé sous la dure-mère postérieure du MAI.
Dans la VRS et la VRLE, le contrôle du fond du MAI se révèle
impossible en vue directe. Il n’est donc pas possible de repérer
le VII en zone anatomique (Bill’s bar). Il faut donc diminuer le
volume lésionnel intraméatique avant de pouvoir basculer
tumorale et de mettre en évidence les nerfs courant sur la face légèrement la tumeur vers le bas pour trouver le plan de clivage
caudale de la tumeur (en règle le VIII cochléaire), sur la face arachnoïdien conduisant au NVS (s’il est encore présent) et plus
médiale (en règle le VII qui surcroise de médial vers latéral), sur médialement au VII. Le pôle latéral de la tumeur, moulant
la face supérieure et médiale (le V). Le nerf abducens est parfois le fond du MAI, est alors recherché avec un instrument
beaucoup plus médial encore, dans la citerne prépontique. Les mousse contre-coudé à l’extrémité. On tente alors de le basculer
nerfs mixtes sont plus à distance en bas, protégés dans la citerne très doucement vers soi tout en poursuivant la dissection en
bulbocérébelleuse, différente de la citerne de l’APC proprement suivant le plus possible le plan arachnoïdien qui protège le VIII
dite. Progressivement, en tentant de suivre le plan arachnoïdien, cochléaire et le VII. Les nerfs sont vus et suivis de latéral vers
la tumeur est décollée du cervelet puis du tronc cérébral, de médial sur 3 mm. Puis le nerf facial est suivi en restant dans le
latéral vers médial. Le dissecteur ultrasonique permet, après plan arachnoïdien et en évitant tout mouvement de traction ou
coagulation de la pseudocapsule arachnoïdienne, de continuer toute aspiration traumatique. Le travail aux microciseaux est à
d’évider la tumeur puis son pôle supérieur, qui est séparé du recommander chaque fois que le clivage se révèle difficile. Cet
nerf trijumeau et de la veine pétreuse supérieure, puis son pôle instrument permet, par des mouvements associés de dicision et
inférieur qui est séparé de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure de section, d’accompagner le nerf en attaquant l’arachnoïde ou
et des nerfs mixtes (Fig. 36). La dissection se poursuit de médial la capsule tumorale par le bord supérieur du nerf. Ce travail doit
vers latéral afin de suivre le VII et le VIII dans la direction du se faire à l’écoute attentive du monitorage. La dissection est
pore acoustique (Fig. 37). Une fois le VII isolé et respecté (tout conduite de haut en bas, du VII vers le VIII, dont la tumeur est
en restant stimulable) au voisinage immédiat du pore, la finalement séparée (Fig. 38). Le fond du MAI doit alors être
dissection est poursuivie dans le MAI en débutant par sa partie vérifié. L’usage de l’endoscopie est indispensable à ce stade,
latérale et profonde, zone où le nerf facial est intact et en notamment dans le cas de tumeurs pénétrantes.
finissant par le pore ou il est le plus fragilisé par le développe- La dissection se termine par la région du pore, zone d’étale-
ment tumoral. ment et de plus grande fragilité nerveuse. Le dernier fragment
Le VII est repéré à l’aide du monitorage au fond du méat en de tumeur est enlevé (Fig. 39).
se repérant au niveau de la Bill’s bar individualisée dans la VSP Au terme de la dissection, la stimulation du nerf facial avec
ou la VTLE. Quand la tumeur est peu pénétrante, la dissection les instruments dédiés permet d’anticiper partiellement le
de la Bill’s bar n’est pas vraiment nécessaire d’autant que le nerf résultat fonctionnel. Si une réponse franche d’une amplitude de
facial y est particulièrement fragile. Le nerf facial peut être 200 µV est observée après une stimulation de 0,05 mA du nerf
facilement visualisé et repéré dans la portion supéromédiale du à son émergence du sillon bulboprotubérantiel, il est probable

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie du méat auditif interne ¶ 46-010

Figure 39. Cinquième et der- [3] Mirza S, Saeed SR, Ramsden RT. Extensive tension pneumocephalus
nier temps de la dissection d’un complicating continuous lumbar CSF drainage for the management of
schwannome vestibulaire droit. La CSF rhinorrhoea. ORL J Otorhinolaryngol Relat Spec 2003;65:215-8.
tumeur est enlevée après l’avoir [4] Darrouzet V, Martel J, Enee V, Bebear JP, Guerin J. Vestibular
séparée du VIII. Le fond du méat schwannoma surgery outcomes: our multidisciplinary experience in
auditif interne (MAI) est vérifié à 400 cases over 17 years. Laryngoscope 2004;114:681-8.
l’optique en cas de préservation [5] Leyser S, Konig HJ, Foth HJ, Meyer D. Photoablation of meningiomas
du noyau labyrinthique. and neurinomas by Holmium Yag laser radiation. Neurol Res 1999;
21:96-8.
[6] House WF, Gardner G, Hughes RL. Middle cranial fossa approach to
acoustic tumor surgery. Arch Otolaryngol 1968;88:631-41.
[7] Cannoni M, Zanaret M, Abram D, Emram B, Pellet W. Chirurgie du
conduit auditif interne. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Technique
chirurgicales - Tête et Cou, 46-010, 1993.
[8] Garcia-Ibanez E, Garcia-Ibanez JL. Middle fossa vestibular
neurectomy : a report of 373 cases. Otolaryngol Head Neck Surg 1980;
88:486-90.
[9] Wigand ME. La voie de la fosse moyenne élargie d’accès à l’angle
ponto-cérébelleux. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord) 1998;119:159-62.
[10] Louis E, Lejeune JP, Vaneecloo FM, Vincent C, Angot A,
Christiaens JL. Results of hearing preservation in surgery of vestibular
schwannoma. Value of combined retrosigmoid and middle fossa
approaches. Neurochirurgie 1997;43:8-14.
[11] Hitselberger WE, House WF. Transtemporal bone microsurgical
que la fonction faciale au réveil soit normale. Dans le cas removal of acoustic neuromas and tumours of the cerebellopontine
contraire, il convient d’être pessimiste sur le résultat fonctionnel angle. Arch Otolaryngol 1964;80:720-31.
immédiat. [12] Bremond G, Garcin M, Magnan J. Preservation of hearing in the
L’hémostase de l’APC doit être soigneusement vérifiée, removal of acoustic neuroma. (‘minima’ posterior approach by
surtout en ce qui concerne les artérioles. Il ne faut pas hésiter à retrosigmoidal route). J Laryngol Otol 1980;94:1199-204.
coaguler à nouveau les pédicules qui ont pu se rétracter après [13] Magnan J, Barbieri M, Mora R, Murphy S, Meller R, Bruzzo M, et al.
la dissection tumorale. Les veines seront sécurisées par un Retrosigmoid approach for small and medium-sized acoustic
fragment de Surgicel® et de la colle. La fosse postérieure est neuromas. Otol Neurotol 2002;23:141-5.
soigneusement décaillotée et rincée en utilisant de préférence [14] Jackson CG, McGrew BM, Forest JA, Hampf CR, Glasscock 3rd ME,
du sérum physiologique le Ringer-Lactate® à 37 °C pour éviter Brandes JL, et al. Comparison of postoperative headache after
toute stimulation parasite du nerf facial audible au monitorage. retrosigmoid approach: vestibular nerve section versus vestibular
schwannoma resection. Am J Otol 2000;21:412-6.
[15] Darrouzet V, Guerin J, Aouad N, Dutkiewicz J, Blayney AW, Bebear JP.
■ Références The widened retrolabyrinthe approach: a new concept in acoustic
neuroma surgery. J Neurosurg 1997;86:812-21.
[1] Lescanne E, Velut S, Lefrancq T, Destrieux C. The internal acoustic [16] Jenkins HA, Fisch U. The transotic approach to resection of difficult
meatus and its meningeal layers: a microanatomical study. J Neurosurg acoustic tumors of the cerebellopontine angle. Am J Otol 1980;2:70-6.
2002;97:1191-7. [17] Le Garlantezec C, Vidal VF, Guerin J, Bebear JP, Liguoro D,
[2] Pirouzmand F, Tator CH, Rutka J. Management of hydrocephalus Darrouzet V. Prise en charge des méningiomes de l’angle ponto-
associated with vestibular schwannoma and other cerebellopontine cérébelleux et de la face postérieure du rocher : à propos de 44 cas. Rev
angle tumors. Neurosurgery 2001;48:1246-53. Laryngol Otol Rhinol (Bord) 2005;126:81-9.

V. Darrouzet, Professeur d’ORL (vincent.darrouzet@chu-bordeaux.fr).


V. Franco-Vidal, Chef de clinique-assistant.
Service d’ORL du CHU de Bordeaux, hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.
J.-P. Lavieille, Professeur d’ORL.
Service d’ORL du CHU de Marseille, hôpital Nord, 13000 Marseille, France.
D. Liguoro, Neurochirurgien, professeur d’anatomie.
Service de neurochirurgie, hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Darrouzet V., Franco-Vidal V., Lavieille J.-P., Liguoro D. Chirurgie du méat auditif interne. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-010, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 46-012

46-012

Décompression du méat auditif


interne par voie de la fosse cérébrale
moyenne
JM Thomassin R é s u m é. – La voie de la fosse cérébrale moyenne (ou voie sus-pétreuse) décrite
F Braccini par House en 1961 permet par une approche extradurale d’accéder à la face
PH Roche supérieure de l’os pétreux.
W Pellet Elle est le plus souvent indiquée pour effectuer une décompression du nerf facial, une
neurotomie vestibulaire et dans la chirurgie tumorale de l’apex pétreux
(cholestéatome primitif du rocher, hémangiomes...).
En cas de neurinome de l’acoustique sur oreille unique ou dans le cadre de
neurinomes bilatéraux (neurofibromatose type 2 [NF-2]), la décompression
chirurgicale du méat auditif interne est indiquée avec comme but de préserver le plus
longtemps possible une audition utile, voire d’entreprendre un traitement par le
Gamma-Unit.
Les auteurs décrivent les différents temps opératoires de la technique.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction Technique
Le patient est placé en décubitus dorsal, la tête tournée du côté sain.
Le traitement du neurinome de l’acoustique sur oreille unique pris en Idéalement, la rotation de la tête doit être complète de manière à ce que
charge ou/et le plus souvent dans le cadre des neurinomes bilatéraux l’axe biauriculaire soit perpendiculaire au plan de la table d’opération.
dans la maladie de Recklinghausen (neurofibromatose type 2 [NF-2]) Cependant, cela n’est généralement pas possible et il faut se contenter
pose un réel problème. de la rotation permise par la souplesse du rachis cervical, sans jamais
Dans l’hypothèse ou lors du traitement par Gamma-Unit ou bien dans la forcer pour éviter de générer certains problèmes pouvant survenir au
surveillance d’un schwannome sur oreille unique, il peut exister une niveau de la circulation vertébrobasilaire. Il est particulièrement
nécessité d’effectuer une décompression chirurgicale du méat auditif important de relever la tête en légère flexion latérale par rapport au tronc,
interne (MAI) [2] dans ses deux tiers au niveau du toit et de son versant à l’aide d’un ou deux champs opératoires placés sous la tête dans la
antérieur et postérieur jusqu’au porus acusticus pour tenter de préserver région temporale. On a ainsi la face supérieure du rocher en « face » et
une audition utile (fig 1). Cette intervention a pour but d’en retarder la non plus en « fuite ».
dégradation, enlevant la compression par la masse tumorale sur le L’incision cutanée mobilise un lambeau pariétotemporal pédiculé
paquet acousticofacial responsable pour certains de troubles vasculaires. d’environ 6 cm de hauteur (fig 2) à charnière postérosupérieure [5] suivie
d’une prise d’un vaste greffon d’aponévrose temporale. On sectionne
ensuite le muscle temporal verticalement et, après rugination et
écartement, la région de l’écaille temporale est largement exposée.
Craniotomie de 4 × 5 cm centrée sur la racine du zygoma. On découpe
Jean-Marie Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de un volet osseux à la fraise coupante qui est décollé de la dure-mère
service. (fig 3). On fraise ensuite la partie inférieure de la craniotomie pour la
Frédéric Braccini : Assistant des Hôpitaux. mettre au niveau de la face supérieure du rocher et on agrandit en avant
Fédération oto-rhino-laryngologique, groupe hospitalier de la Timone, 13385 Marseille de la partie antérieure et inférieure de la craniotomie, de manière à avoir
cedex 5, France.
Pierre-Hugues Roche : Assistant des Hôpitaux.
un bon accès vers le MAI et la pointe du rocher.
Willy Pellet : Professeur hospitalier. Il ne faut pas oublier de combler les cellules zygomatiques ouvertes par
Centre hospitalier universitaire, hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte- le fraisage avec de la cire de Horsley.
Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France. La dure-mère est décollée de toute la face supérieure du rocher. Le
© Elsevier, Paris

décollement s’effectue d’arrière en avant jusqu’à l’artère méningée


Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Braccini F, moyenne. Une hémostase soigneuse tout autour de la région de celle-ci
Roche PH et Pellet W. Décompression du méat auditif interne par voie de la fosse qui aura été au préalable coagulée, permet de bien exposer la pointe du
cérébrale moyenne. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales -
Tête et cou, 46-012, 1999, 5 p.
rocher avec le grand nerf pétreux superficiel. Le saignement est tari par
des tampons de Surgicelt imbibés de colle biologique.
46-012 DÉCOMPRESSION DU MÉAT AUDITIF INTERNE PAR VOIE DE LA FOSSE CÉRÉBRALE MOYENNE Techniques chirurgicales

1 Voie sus-pétreuse : aires osseuses à décomprimer.


a. Champ méatal antérieur ; b. champ du toit du méat auditif interne ; c. champ
méatal postérieur.

2 Lambeau pariétotemporal.

Repérage et exposition parfaite du bord postérieur du rocher. C’est un


des temps clés de l’opération (fig 4) car il permet la mise en place de
l’écarteur avec l’extrémité de la lame rigide placée au contact du bord
postérieur du rocher, en refoulant la dure-mère temporale. La
décompression du lobe temporal se fait par une ouverture de la dure- 3 Voie sus-pétreuse droite. Le volet osseux est centré sur la racine du zygoma. La
partie basse du volet est élargie en avant et en arrière pour avoir une bonne vision sur
mère sur 0,5 cm au moyen du microcrochet et d’un bistouri pointu de toute la face du rocher.
manière à ce que le liquide céphalorachidien (LCR) s’écoule.
La corticalisation du MAI en toute sécurité nécessite d’identifier le canal région de l’épitympanum postérieur jusqu’à bien exposer le carter du
semi-circulaire supérieur et de repérer la cochlée. canal semi-circulaire supérieur.
– Identification du canal semi-circulaire supérieur (fig 5). Il est inutile et dangereux pour l’audition d’aller rechercher la ligne
L’ouverture au moyen d’une fraise coupante de 4 mm des cellules du bleue du canal semi-circulaire supérieur : le fraisage va ensuite
toit de l’antre permet de visualiser rapidement le carter du canal semi- découvrir l’articulation incudomalléaire et exposer de façon
circulaire latéral [4]. Le fraisage est poursuivi vers l’avant au niveau de la atraumatique la tête du marteau.

page 2
Techniques chirurgicales DÉCOMPRESSION DU MÉAT AUDITIF INTERNE PAR VOIE DE LA FOSSE CÉRÉBRALE MOYENNE 46-012

4 Voie sus-pétreuse droite. Projection des structures intrapétreuses telles


qu’elles peuvent être localisées mentalement par référence aux structures
visibles (artère méningée moyenne, nerf pétreux, champ méatal, eminentia
arcuata, bord postérieur du rocher).
1. Enclume ; 2-1. première portion ; 2-2. deuxième portion ; 3. canal semi-
circulaire supérieur ; 4. cochlée ; 5. facial intracanalaire ; 6. nerf vestibulaire
supérieur ; 7. tête du marteau ; 8. canal semi-circulaire externe ; 9. artère
méningée moyenne ; 10. foramen ovale ; 11. foramen lacerum.
L’axe du méat auditif interne fait, avec celui du canal semi-circulaire supérieur,
un angle de 60°.

5 Identification du canal semi-circulaire supérieur.


Voie sus-pétreuse droite : ouverture du toit du conduit auditif interne.
1. Canal semi-circulaire supérieur ; 2. canal semi-circulaire externe ; 5. osselets ; 6. 6 Repérage de la cochlée ; elle est située en deçà de la distance de 9 mm par
Bill’s bar ; 7. facial dans l’entrée de la première portion du canal de Fallope ; 7-2. rapport à la tête du marteau.
deuxième portion.

– Repérage de la cochlée (fig 6). cochlée progressivement qui se trouve située sur la bissectrice de
Des travaux de dissection [4] nous ont montré qu’au-delà de 9 mm par l’angle formé par le MAI et le nerf pétreux vers le haut. Latéralement,
rapport à la tête du marteau dans l’angle formé par le MAI et le nerf on peut pratiquer une ouverture large d’environ 1,5 cm jusqu’à
pétreux, le fraisage n’avait aucune chance d’ouvrir le bord antéro- l’angle pontocérébelleux (fig 7).
interne du tour basal de la cochlée. Ce repère est facilement obtenu par – Ensuite, l’os est fraisé sur le bord supérieur et en arrière du MAI
un instrument dont l’extrémité recourbée est de cette même longueur. pour découvrir la dure-mère de la fosse cérébrale postérieure dans une
– Ouverture pétreuse donnant accès au MAI et à l’angle zone dépourvue d’élément dangereux. Cette zone longe le canal semi-
pontocérébelleux. circulaire supérieur et s’arrête en avant sur le bord postérieur du MAI.
Le MAI est situé dans l’angle de 60° ouvert en avant par rapport au canal Le fraisage est terminé à la fraise diamantée lorsqu’il n’existe qu’une
semi-circulaire supérieur [1]. fine pellicule osseuse, sur tout le fourreau du MAI qui est très oblique
L’attaque de l’os se fait à la fraise coupante sur toute la surface pétreuse en avant et en dedans, souvent très évasé par la tumeur ; de même que
à partir du bord postérieur du rocher, 1,5 mm en arrière pour ne pas l’on enlève la baguette osseuse surplombant le porus et donnant accès
enlever le point d’ancrage de la lame de l’écarteur autostatique sur la sur le sinus pétreux supérieur sur cette zone (fig 8). La difficulté peut
partie supérieure et antérieure du MAI. venir de certaines grosses tumeurs qui rendent difficile l’écartement
– En avant du MAI, on fraise la médullaire de la pointe du rocher qui dure-mérien du fait de leur volume.
s’effondre très facilement en rasant en dedans le nerf pétreux sous – Fermeture. Le greffon d’aponévrose temporale est disposé sur la face
lequel chemine la portion horizontale du canal carotidien [3] jusqu’à supérieure du rocher et collé afin de fermer l’ouverture antrale et de
exposer la dure-mère qui tapisse la face postérieure du rocher. On l’épitympanum. La dure-mère est suspendue aux berges de la
revient s’arrêter à 9 mm de la tête du marteau pour respecter la craniotomie. On ferme l’ouverture dure-mérienne sur la face externe du

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46-012 DÉCOMPRESSION DU MÉAT AUDITIF INTERNE PAR VOIE DE LA FOSSE CÉRÉBRALE MOYENNE Techniques chirurgicales

8 Exposition de la totalité du champ méatal.

7 Fraisage de la région antérieure du méat auditif interne (zone A). La pression exercée par la tumeur sur le paquet acousticofacial au niveau
du MAI peut être à l’origine de spasmes sur les vaisseaux destinés aux
lobe temporal, ouverture destinée à évacuer le LCR en début nerfs et à la cochlée.
d’intervention. Le volet osseux est fixé par des fils non résorbables. Le Par ailleurs, la prise en charge de ce type de neurinome en cas de NF-2
plan musculaire temporal est reconstitué. Une lame de Delbet est mise de croissance rapide par le Gamma-Unit peut altérer l’audition par le
en place puis la peau est suturée à l’aide d’agrafes. La lame de Delbet est phénomène d’œdème secondaire à la radiothérapie.
enlevée au troisième jour. À condition de maîtriser parfaitement la technique, cette décompression
peut, dans certains cas, constituer pour nous le premier temps de la prise
en charge des neurinomes de l’acoustique sur oreille unique ou
Indications bilatéraux.
Cette voie d’abord qui respecte le labyrinthe et la cochlée permet
d’exposer largement la région du MAI réalisant une véritable •
décompression chirurgicale de ce dernier [2]. • •
Elle s’adresse aux patients qui présentent une forme bilatérale de Les neurinomes bilatéraux (NF-2) et unilatéraux sur oreille unique
neurinome dans le cadre des NF-2, et aussi aux patients qui sont atteints sont un challenge au sujet de leur prise en charge thérapeutique
d’un neurinome sur oreille unique (fig 9A à E). quant à la conservation de l’audition.

A B C
9 Neurinomes bilatéraux : maladie de Recklin-
ghausen.
A. Avril 1995 : neurinomes bilatéraux NF-2
chez une jeune fille de 18 ans. Exérèse du
neurinome gauche par voie translabyrinthique
élargie.
B. Novembre 1995 : neurinome droit stade II.
Audition : tonalité, perte 30 dB en moyenne.
C. Avril 1997 : décompression du méat auditif
interne par voie sus-pétreuse.
D. Novembre 1997 : aspects du neurinome.
Audition inchangée.
E. Janvier 1999 : imagerie par résonance ma-
gnétique. Augmentation légère du volume de la
tumeur. Audition inchangée. Gamma-Unit en
D E mars 1999 : à 2 mois, audition inchangée.

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Techniques chirurgicales DÉCOMPRESSION DU MÉAT AUDITIF INTERNE PAR VOIE DE LA FOSSE CÉRÉBRALE MOYENNE 46-012

La décompression chirurgicale du MAI par voie de la fosse En évitant ainsi une dégradation trop rapide de l’audition, elle
cérébrale moyenne représente une alternative chirurgicale, soit confère un meilleur confort de vie au patient. Elle impose
dans la surveillance par imagerie, soit avant traitement par la cependant, de connaître parfaitement les difficultés de la voie
radiochirurgie (Gamma-Unit) de ces formes particulières. d’abord sus-pétreuse pour éviter toute iatrogénie auditive.

Références
[1] Fich U, Mattox D. Microsurgery of the skull base. Stuttgart :
G Thieme, 1988
[2] Gadre A, Kwartler J, Brackmann D, House WF, Hitselber-
ger WE. Middle fossa decompression of the internal audi-
tory canal in acoustic neuroma surgery: a therapeutic alter-
native. Laryngoscope 1990 ; 100 : 948-952
[3] House WF, Hitselberger WE, Horn KL. The middle fossa
transpetrous approach to the anterior-superior cerebel-
lopontine angle. Ann J Otol 1986 ; 7 : 1-4
[4] Pellet W, Cannoni M, Pech A. Otoneurosurgery. Berlin :
Springer-Verlag, 1988 : 207-217
[5] Wigant ME, Haid T, Berg M. The enlarged middle cranial
fossa approach for surgery of the temporal bone and of
cerebellopontine angle. Arch Otolaryngol 1989 ; 246 :
299-302

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Voies d'abord du rocher

Techniques chirurgicales - Tête et cou [46-035] (1996)

Robert Charachon : Professeur, chef de service d'oto-rhino-laryngologie


Jean-Pierre Lavieille : Praticien hospitalier, service d'oto-rhino-laryngologie
Jean-Paul Chirossel : Professeur, neurochirurgien, service de neurochirurgie
Centre hospitalier universitaire de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble , cedex
09 France

© 1996 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

Le développement des voies d'abord du rocher a été parallèle à celui des voies
d'abord passant par le rocher pour atteindre les régions voisines, si bien que
leur étude se confond avec celle des voies d'abord latérales de la base du crâne
.

Dans ce traité, sont déjà étudiées les voies d'abord du conduit auditif interne,
celles du foramen jugulaire et celles de l'apex pétreux. Ces différentes voies
sont surtout envisagées pour atteindre les régions voisines. Nous allons donc
centrer cette étude sur l'abord des lésions développées dans le rocher et
débordant peu sur les régions voisines. Ces lésions étant plus limitées, leur
chirurgie devrait donc être aussi conservatrice que possible. Cependant, les
lésions intrapétreuses, comme les cholestéatomes, sont souvent très agressives
pour l'oreille interne et leur évolution ou leur exérèse conduit trop souvent à
une cophose.

Nous étudierons successivement :

 la voie sus-pétreuse ;
 la voie translabyrinthique ;
 la voie transotique ;
 la voie rétrofaciale ;
 la voie rétrolabyrinthique ;
 la voie infracochléaire ;
 la voie rétrosigmoïde ;
 la voie infratemporale type A ;
 la voie infratemporale type B ;
 la voie transcochléaire ;
 les pétrectomies.

Pour chacune de ces voies, nous donnerons des exemples d'indications


chirurgicales.

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VOIE SUS-PÉ TREUSE

Cette voie a été l'une des premières à être développée en France, notamment
pour traiter les lésions du tegmen tympani, c'est-à-dire les
méningoencéphalocèles.

Elle est indispensable pour traiter :

 les tumeurs, et en particulier les cholestéatomes intrapétreux, situées


dans la moitié supérieure du rocher ;
 les paralysies faciales traumatiques atteignant la première portion et le
ganglion géniculé, ainsi que les neurinomes du facial ;
 les neurinomes de l'acoustique.

Dans les deux premières indications, elle est souvent combinée à une voie
d'abord otologique qui, dans la plupart des cas, est une technique fermée avec
conservation du conduit et tympanotomie postérieure.

La description de W House (1968) [8] a été précisée par Fisch [7] et reprise par
de nombreux auteurs. Elle a été adaptée par Wigand [22] en Allemagne et par
Velut [21] en France à l'exérèse de tumeurs volumineuses.

Technique générale : voie sus-pétreuse pour neurinome de l'acoustique


intracanalaire

L'exérèse d'un neurinome de l'acoustique intracanalaire par la voie sus-pétreuse


étant sans doute l'application la plus exigeante de cette voie d'abord, il nous
paraît important d'en détailler méthodiquement la technique qui résume tous les
points difficiles (fig 1).

L'incision doit être antérieure (fig 2). Pour descendre assez bas sans léser la
branche frontale du nerf facial, son extrémité inférieure doit être proche de
l'hélix. Son extrémité supérieure doit se recourber légèrement vers l'avant,
presque à la limite de la ligne des cheveux. Nous avons adopté l'incision utilisée
par Fisch. Elle est d'abord verticale, immédiatement en avant de l'hélix et du
tragus, sur 3 ou 4 cm jusqu'au bord inférieur de la racine du zygoma pour éviter
la branche frontale du nerf facial, elle s'incline alors vers l'avant pour fournir le
jour antérieur nécessaire. L'artère temporale superficielle ou ses branches sont
identifiées et liées là où elles traversent l'incision.
Il est indispensable de faire une incision cruciforme du fascia temporal et du
muscle temporal pour pouvoir descendre suffisamment la voie d'abord.

La craniotomie doit être antérieure (2,5 à 3 cm de large sur 3 cm de haut) : au


moins ses deux tiers antérieurs, sinon sa totalité, doivent être situés en avant de
la verticale passant par le conduit auditif externe. Sa limite inférieure est à 1 cm
de la racine du zygoma. Elle est délimitée à la fraise de grosse taille. Le volet
osseux est enlevé avec une petite rugine solide agissant comme un levier. Ses
berges doivent être décollées et régularisées, soit à la pince gouge, soit à la
fraise. Si l'incision et la craniotomie ne sont pas assez antérieures, l'abord du
conduit auditif interne est barré par l'eminentia arcuata et le canal semi-
circulaire supérieur ; de plus, la distance pour atteindre le conduit devient plus
longue puisque la direction du rocher est oblique en dedans et en avant. Au
niveau de la berge inférieure de cette première craniotomie, une craniotomie
plus basse et plus large doit être effectuée à la pince gouge et à la fraise
permettant d'atteindre le plancher de la fosse cérébrale moyenne.

La dure-mère est soigneusement décollée avec une hémostase soigneuse à la


coagulation bipolaire et à la fraise diamantée. L'écarteur autostatique adapté à
cette voie est placé et ajusté au fur et à mesure que le décollement progresse.

Le repère principal est le bord supérieur du rocher suivi par le sinus pétreux
supérieur solidement englobé dans une enveloppe dure-mérienne. Ce bord doit
être recherché à sa partie moyenne, au voisinage de l'eminentia arcuata, elle-
même repérée en cas de doute par sa distance par rapport à la corticale externe
du bord inférieur de la craniotomie (24 mm). Ainsi, l'aire méatale peut être
dégagée tandis que la dissection progresse vers l'avant en direction du ganglion
géniculé et des nerfs pétreux. Sterkers [19] insiste à juste titre sur la valeur de ce
mouvement tournant qui évite de blesser un ganglion géniculé dénudé ou de
faire saigner l'artère pétreuse accompagnant le grand nerf pétreux superficiel.

Pour mettre en place définitivement l'extrémité de la lame de l'écarteur au


niveau du bord supérieur du rocher, il faut soulever la dure-mère à l'aide d'un
décolleur mousse.

Il devient déjà possible d'avoir sous les yeux les principaux repères de la voie
sus-pétreuse : bord postérieur du rocher, eminentia arcuata, grand nerf pétreux
et enfin aire méatale légèrement déprimée en dedans de l'eminentia arcuata, à
28 mm en dedans de la corticale du bord inférieur de la craniotomie.

L'ouverture du conduit auditif interne doit être particulièrement large et


méthodique pour enlever une tumeur. Il faut donc disposer de repères précis
pour pouvoir abaisser au maximum les reliefs osseux qui gênent en dehors
l'exposition du fond du conduit auditif interne et pour pouvoir dégager la
tumeur du nerf facial en la refoulant vers l'arrière. Il faut également repérer le
nerf facial lui-même au point où il rejoint l'aqueduc de Fallope au fond du
conduit auditif interne.

Il est donc indispensable d'identifier le canal semi-circulaire supérieur et parfois


sa ligne bleue. Fisch insiste à bon droit sur une technique en deux temps :

 repérage de l'os compact caractérisant le canal semi-circulaire supérieur


en fraisant les cellules du toit de l'antre dont la structure est facilement
distinguée de celle du canal. Dans certains cas, le canal est caché par des
cellules pneumatiques importantes qui sont supprimées. Le canal lui-
même est franchement perpendiculaire au sinus pétreux supérieur et en
avant de l'eminentia arcuata. Une fraise coupante de 5 mm est le
matériel idéal pour ce temps ;
 si le canal est parfaitement identifiable au sein d'un rocher très
pneumatisé, il n'est pas nécessaire de chercher la ligne bleue. Sinon,
après avoir identifié l'os compact du canal semi-circulaire supérieur, la
ligne bleue est cherchée à l'aide de fraises diamantées de 3 ou 4 mm
sous irrigation continue. La surface traitée par la fraise doit être aussi
large que possible et située non sur le versant supérieur du canal mais
bien dans l'axe de vision supéroexterne.

Le conduit auditif interne est situé dans l'angle de 60° ouvert en avant de la
ligne bleue. Il est identifié puis progressivement ouvert en respectant son
périoste. Le fraisage suit d'aussi près que possible le canal semi-circulaire
supérieur supprimant largement l'os situé en arrière du conduit auditif interne.
En avant du conduit auditif interne, l'os n'est supprimé qu'en dedans, au-delà de
la cochlée. Finalement, le bord supérieur du rocher est supprimé au-dessus, en
avant et en arrière du conduit auditif interne, jusqu'au plancher du conduit en
arrière. La dure-mère de la fosse cérébrale postérieure est dénudée sur toute
cette surface et le sinus pétreux supérieur est totalement libéré dans cette zone.

L'identification du nerf facial au fond du conduit ne peut être obtenue, lorsque


le neurinome va au fond du conduit, que par le repérage de la portion
labyrinthique, ou première portion, du nerf facial selon la technique de House.
Le nerf est progressivement suivi à partir du grand nerf pétreux puis du
ganglion géniculé en laissant une fine pellicule osseuse à sa surface jusqu'au
fond du conduit auditif interne. Cette technique permet de repérer à coup sûr la
Bill's bar (coin osseux compris entre le nerf facial en avant et le nerf
vestibulaire supérieur en arrière) et d'ouvrir davantage la fossette vestibulaire
supérieure pour réaliser une exérèse complète.

Sinon, il est moins dangereux pour le nerf facial de le repérer sur le versant
antérieur ou au pôle postérieur de la tumeur à l'aide d'un moniteur et d'une
stimulation à peine supraliminaire après avoir ouvert la dure-mère au bord
postérieur du conduit.

L'exérèse de la tumeur doit être pratiquée d'avant en arrière pour n'exercer


aucune traction sur le nerf facial.

La séparation de la tumeur commence en la refoulant en arrière dans l'espace


osseux créé entre le conduit et le canal semi-circulaire supérieur. Si la tumeur
atteint le fond du conduit, il faut progressivement identifier et détacher le nerf
vestibulaire supérieur puis le nerf vestibulaire inférieur inférieur en diminuant
le volume tumoral et en réclinant la tumeur vers l'arrière au fur et à mesure
qu'elle est séparée du nerf facial.

Il est ainsi possible de repérer le plan entre le nerf cochléaire et le nerf facial.
Ce plan est suivi progressivement en veillant à ne pas léser une éventuelle
boucle de l'artère cérébelleuse antéro-inférieure, spécialement lorsqu'on se
rapproche de l'angle pontocérébelleux.

La fermeture est assurée après une hémostase soigneuse par un fragment de


tissu fibromusculaire pris sur le muscle temporal. La dure-mère est suspendue.
Le volet osseux est replacé. Les tissus mous sont fermés en trois plans sur un
drain de Redon placé en drainage déclive pendant 24 heures.

[22]
Voie sus-pétreuse élargie selon Wigand

Pour gagner davantage de jour, il est souvent nécessaire de sectionner l'artère


méningée moyenne après l'avoir coagulée. Le fraisage est poursuivi en arrière
de la portion horizontale du canal carotidien pour augmenter la voie d'abord en
arrière de la cochlée comme dans la voie suivante. On va donc en dedans
jusqu'au cavum de Meckel et même un peu au-dessous de lui. On expose ainsi
toute la dure-mère qui tapisse la face postérieure du rocher depuis le plancher
du conduit auditif interne jusqu'au sinus pétreux supérieur, et depuis le bord
interne du canal semi-circulaire supérieur jusqu'à l'aplomb du cavum de Meckel
(fig 3).

Le sinus pétreux supérieur est sectionné après coagulation et la dure-mère de la


fosse cérébrale postérieure ouverte. On obtient finalement une trouée d'environ
25 mm de large offrant une assez large perspective très antérieure sur l'angle
pontocérébelleux (fig 4).

Comme dans la voie sus-pétreuse classique, la difficulté est représentée par le


nerf facial. S'il est très antérieur, il peut être ménagé sans trop de difficulté. Si
au contraire il est en surface du paquet tumoral, la dissection doit chercher à
l'antérioriser mais reste très difficile.

Cette voie donne un excellent jour sur l'apex pétreux en arrière de la portion
horizontale de la carotide interne intrapétreuse. Elle est donc utile pour les
kystes, les cholestéatomes et les méningiomes de ce siège.

Cette voie est très voisine de celle que W House (1986) et Velut ont décrite
pour les méningiomes antérosupérieurs de l'angle pontocérébelleux.

Voie sus-pétreuse pour cholestéatome supralabyrinthique

L'intérêt de cet abord est d'identifier la première portion du nerf facial à partir
du conduit auditif interne et d'avoir sous les yeux la première et la deuxième
portions.

Ces objectifs ne sont pas facilement atteints car les différents éléments de la
face supérieure du rocher sont très modifiés par le cholestéatome et plus ou
moins déplacés dans un os très éburné ; le nerf facial est volontiers laminé ; le
cholestéatome adhère très fortement à la dure-mère. La matrice du
cholestéatome doit donc être disséquée pas à pas de la dure-mère dès la voie
d'abord. Les derniers fragments peuvent être enlevés à l'aide d'une micropince
agissant par tractions successives. Dans certains cas, une résection franche et
une reconstruction par péricrâne ou aponévrose temporale est possible.

Pour faciliter le repérage, le tegmen tympani doit être ouvert. Il peut l'être par la
voie d'abord transmastoïdienne associée avant de tailler la voie sus-pétreuse. A
la fraise diamantée, une petite tranchée est faite dans le tegmen immédiatement
en avant et en dehors du canal supérieur permettant son identification très
rapide, dès le début de la voie sus-pétreuse si cette zone n'est pas envahie par le
cholestéatome.
Si le canal supérieur ne peut pas être identifié correctement du fait de
l'extension de la lésion, c'est le conduit auditif interne qui va être repéré près du
porus en l'ouvrant dans l'axe du conduit auditif externe à 28 mm de la corticale
externe de l'écaille temporale avec une grosse fraise diamantée de 5 mm.

Le nerf facial est suivi à partir du processus cochléariforme d'une part et du


fond du conduit auditif interne d'autre part. Les canaux semi-circulaires et la
cochlée sont disséqués avec une grande prudence en cherchant à respecter leur
endoste.

La voie d'abord sus-pétreuse doit être souvent combinée à la voie otologique.

Celle-ci peut être soit une technique fermée si le conduit auditif externe est
intact et si l'audition est conservée, soit une technique ouverte avec comblement
si le conduit auditif externe a été supprimé par des interventions antécédentes.

Si le labyrinthe est envahi, ou si le cholestéatome intrapétreux ne peut être


enlevé sans sacrifier le labyrinthe, on est amené à détruire à la demande le
labyrinthe postérieur ou même antérieur. S'il s'agit d'un cholestéatome primitif à
tympan intact, on peut conserver tympan et conduit et agir comme dans une
voie translabyrinthique en fermant par un comblement graisseux. Si au
contraire le conduit auditif externe a été supprimé, l'intervention peut se
terminer comme une voie transotique avec une exclusion de l'oreille moyenne.

Dans certains cas, la reconstruction du nerf facial est indispensable avec un


segment de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel.

Voie sus-pétreuse pour atteinte traumatique du nerf facial

Une fracture longitudinale du rocher lèse fréquemment le genou du nerf facial


en respectant l'audition. Les fractures translabyrinthiques lèsent volontiers la
première et la deuxième portions, mais provoquent en même temps une
cophose : la voie translabyrinthique devient alors la voie d'élection.

Cette chirurgie peut être particulièrement difficile car les traits de fractures, les
hématomes, le tissu fibreux peuvent avoir considérablement remanié les
repères. De toute façon, une vue cavalière sur la partie antérieure de la
deuxième portion est nécessaire. Il est donc utile d'ouvrir la partie antérieure du
tegmen afin de repérer au moins la tête du marteau. Il faut bien entendu veiller à
ne pas toucher la tête du marteau avec la fraise. Le microcrochet et la curette
sont donc utiles pour enlever les derniers fragments osseux.

Les remaniements dus aux traits de fracture imposent le plus souvent de repérer
au moins le périoste du conduit auditif interne pour pouvoir suivre ensuite le
nerf facial sans léser la cochlée.

Si le nerf est sectionné, la section des nerfs pétreux et la suppression du coin


osseux situé dans l'angle rentrant du ganglion géniculé en avant de l'ampoule du
canal supérieur permettent assez souvent une anastomose terminoterminale
grâce à un déroutement de faible amplitude. Si la perte de substance nerveuse
est plus importante, une courte greffe de branche auriculaire de plexus cervical
superficiel, maintenue par de la colle placée à l'extérieur de la coaptation
nerveuse, permet une excellente réparation.
En fin d'intervention, une partie du volet osseux taillé pour la voie d'abord peut
être utilisée en l'amincissant pour reconstruire le tegmen et éviter la pression de
la dure-mère sur la zone nerveuse reconstruite.

Dans certains cas, malgré une bonne étude tomodensitométrique préopératoire,


ce n'est qu'au cours de l'intervention menée par voie otologique selon les
principes d'une technique fermée que l'on s'aperçoit que la lésion file au niveau
du ganglion géniculé. La voie sus-pétreuse devient alors nécessaire en
complément de la voie otologique. Rappelons l'artifice imaginé par Pulec
permettant de repérer le canal semi-circulaire supérieur très rapidement en
passant d'une voie otologique à une voie sus-pétreuse. Lors de la voie
otologique, un orifice de balisage en forme de fente est tracé à la fraise
diamantée dans le tegmen attical immédiatement en dehors du canal semi-
circulaire supérieur au contact de la dure-mère. Lors de la voie sus-pétreuse, cet
orifice est repéré permettant d'identifier immédiatement le canal supérieur.

Voie sus-pétreuse pour neurinome du nerf facial

L'exérèse d'un neurinome du nerf facial nécessite habituellement la


combinaison d'une voie otologique et d'une voie sus-pétreuse. Rappelons qu'un
examen extemporané est nécessaire sur une recoupe nerveuse, à chaque
extrémité ; c'est dire que la voie sus-pétreuse doit être ajoutée au moindre doute
à la voie otologique si la lésion se propage au ganglion géniculé. Une greffe de
branche auriculaire du nerf du plexus cervical superficiel est généralement la
meilleure solution.

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VOIE TRANSLABYRINTHIQUE  [1]

Imaginée très tôt, elle n'a été de nouveau développée que depuis Bill House.
D'abord appliquée à l'exérèse des petits neurinomes de l'acoustique et des
neurectomies vestibulaires sur oreille cophotique, elle s'est étendue sous le nom
de voie translabyrinthique élargie à l'ensemble des lésions de l'angle
pontocérébelleux, et d'une bonne partie de la fosse cérébrale postérieure.

Cette voie d'abord est aussi extrêmement intéressante pour traiter toutes les
lésions du rocher accompagnées de cophose : cholestéatomes, histiocytomes,
papillomes, ainsi que les paralysies faciales traumatiques accompagnées de
cophose.

Dès que le fond du conduit auditif interne est ouvert, cette voie d'abord doit
impérativement s'accompagner d'un comblement, la graisse abdominale étant le
matériau idéal comme pour les abords plus larges pour volumineux neurinome.

Voie translabyrinthique pour l'exérèse d'un neurinome de taille moyenne

L'incision sus- et rétroauriculaire est tracée à 3 cm en arrière du sillon sus- et


rétroauriculaire plutôt que plus loin. Bill House recommande cette incision
relativement proche du pavillon afin que la suture musculopériostée maintienne
directement le bouchon de graisse abdominale placé en fin d'intervention. Au
bistouri électrique, les plans musculopériostés sont relevés en bloc avec la peau
jusqu'au bord postérieur du méat auditif externe.

Une large mastoïdectomie est effectuée à la fraise coupante en forme de poire,


sous irrigation continue. Il faut aller en bas jusqu'à la pointe mastoïdienne, en
arrière au moins jusqu'à la limite postérieure du sinus latéral (2 cm plus loin en
arrière si on avait à opérer un gros neurinome) ; en haut il faut aller jusqu'à la
dure-mère tapissant la face supérieure de l'antre. Si elle est procidente, il faut
dénuder la dure-mère externe sur 1 cm (2 ou 3 cm en cas de gros neurinome).
En avant, il faut ouvrir l'attique jusqu'à voir la tête du marteau. L'enclume est
enlevée.

Le sinus latéral est corticalisé sur toute sa hauteur. La troisième portion du nerf
facial est identifiée. Le sinus latéral et la dure-mère présinusienne sont alors
dénudés à la fraise diamantée de grosse taille.

La voie translabyrinthique elle-même est alors ouverte en taillant à la fraise


coupante les canaux semi-circulaires externe, supérieur et postérieur (fig 5). En
avant, on laisse la paroi antérieure et interne de l'ampoule du canal semi-
circulaire supérieur qui va baliser le nerf vestibulaire supérieur. Au-dessous du
canal semi-circulaire externe, le coude du facial doit être corticalisé et non
dénudé, tout en ouvrant complètement le vestibule. Une fraise diamantée de 4
ou 5 mm est utilisée sous irrigation continue.

Au-dessous du canal semi-circulaire postérieur, le golfe de la jugulaire peut être


très proche. Il doit être aussi corticalisé, voire dénudé et refoulé s'il est gênant, à
l'aide d'une fraise diamantée. Un petit amas de Surgicel® peut servir à maintenir
le golfe refoulé si cela est nécessaire.

L'aqueduc du limaçon est situé au-dessus puis en avant du golfe. Sa partie haute
doit être supprimée, alors que sa partie basse est respectée car elle correspond à
la fossette du ganglion d'Andersch donc au nerf glossopharyngien.

En franchissant la paroi profonde de la crus commune, on note l'aqueduc du


vestibule. Le fraisage à la fraise coupante de 5 mm est poursuivi jusqu'à voir
par transparence la dure-mère bleutée du conduit auditif interne que l'on suit en
arrière jusqu'au porus.

Les contreforts supérieurs et inférieurs du conduit auditif interne sont


supprimés d'abord à la fraise coupante de taille réduite, de façon à ne fraiser ni
le conduit auditif interne, ni en haut le sinus pétreux supérieur, ni en bas le
golfe de la jugulaire. Une fraise diamantée termine la suppression de l'os. La
taille de ces deux versants supérieur et inférieur du conduit auditif interne est
poussée d'autant plus loin vers l'avant que le neurinome est plus gros et plus
développé vers l'avant, car c'est en gagnant du jour à ce niveau que l'on peut
suivre en dedans le trajet du nerf facial souvent refoulé vers l'avant.

En haut, le sinus pétreux supérieur est dénudé, en bas on supprime la partie


haute de l'aqueduc du limaçon.

Les deux tiers ou les trois quarts postérieurs du conduit auditif interne étant
parfaitement exposés, la dure-mère étant à nu, il est possible d'identifier le nerf
vestibulaire supérieur en fraisant la paroi interne de l'ampoule du canal
supérieur à l'aide d'une fraise diamantée de 3 mm de diamètre pour trouver et
suivre le nerf vestibulaire supérieur jusqu'au fond du conduit auditif interne tout
en supprimant la partie postérieure de la crête falciforme. En dedans du nerf
vestibulaire se trouvent la Bill's bar et le nerf facial.

La dure-mère du conduit auditif interne est ouverte sur sa face postérieure. Le


nerf facial est identifié en dedans du nerf vestibulaire supérieur et de la Bill's
bar dont la situation est variable, parfois très externe, parfois beaucoup plus
interne.

La dure-mère du conduit auditif interne est sectionnée au ras de l'os sur ses
versants supérieur et inférieur de dehors en dedans. La dure-mère de la fosse
cérébrale postérieure est ouverte en haut le long du sinus pétreux supérieur et en
bas le long du golfe de la jugulaire interne. Pour ce faire, elle est soulevée par
un crochet acéré et sectionnée à l'aide de microciseaux vigoureux. En veillant à
ne pas blesser le nerf facial, l'anneau postérieur dure-mérien du porus est
également ouvert à sa partie supérieure et sa partie inférieure. Il est sage de
coaguler la partie supérieure de l'anneau, à distance du conduit, avant de l'ouvrir
car à ce niveau existe volontiers un vaisseau.

La dissection du neurinome commence alors au fond du conduit auditif interne


pour juger la direction suivie par le nerf facial. Le neurinome est légèrement tiré
vers l'arrière, sans exercer aucune traction longitudinale sur le facial.

C'est alors que la masse tumorale située dans l'angle peut être incisée, biopsiée
puis partiellement vidée au bistouri ultrasonique.

Le pôle inférieur est alors décollé à l'aide d'un bistouri de Plester, permettant
l'issue de liquide céphalorachidien. Le décollement cherche à respecter
l'arachnoïde dans laquelle court le nerf glossopharyngien au contact de l'artère
cérébelleuse postéro-inférieure qui peut donner des branches à la tumeur.
Celles-ci doivent être coagulées et sectionnées puis coagulées de nouveau afin
d'éviter tout arrachement ou toute reprise du saignement.

Il est alors possible de décoller la face postérieure de la tumeur qui est


progressivement vidée au Cavitron®, tandis que décollement et
microcoagulation alternés permettent de supprimer la coque tumorale restante.

Il faut respecter en haut la veine de Dandy. Si elle est anormalement basse et


gênante, il vaut mieux la coaguler et la sectionner plutôt que de l'arracher.

En poursuivant le décollement vers l'avant, il faut absolument conserver l'artère


cérébelleuse antéro-inférieure qui décrit souvent une boucle au contact de la
face postéro-inférieure et postérieure de la tumeur, ou parfois en avant du nerf
facial. Il faut donc veiller à rester entre la tumeur et sa gaine arachnoïdienne,
coagulant pas à pas les vaisseaux qui pénètrent la tumeur puis en les sectionnant
aux microciseaux avant de coaguler de nouveau la tranche de section. Le nerf
facial est identifié au tronc, généralement après avoir sectionné le contingent
cochléovestibulaire. Il faut soigner les microvaisseaux qui entourent couvent
l'origine du nerf cochléovestibulaire. Dans les cas difficiles, le foramen de
Luschka avec son émanation de plexus choroïde est un bon repère. à sa partie
inférieure émerge le nerf glossopharyngien, tandis que le nerf facial émerge
immédiatement en avant du foramen. Bien entendu, la stimulation électrique
élective à très faible intensité est une aide précieuse. C'est pourquoi, dès la
moindre difficulté de dissection à partir du conduit auditif interne, il faut
préférer se porter sur le nerf facial au tronc afin de conserver une parfaite
excitabilité nerveuse. Les difficultés de dissection du facial sont très fréquentes,
soit au niveau du porus, soit au niveau où le nerf facial quitte le tronc [5]. Ces
difficultés sont dues aux vaisseaux qui traversent le nerf facial pour l'amarrer à
la tumeur, ainsi qu'aux vaisseaux qui parfois croisent le nerf entre lui et la
tumeur l'amenant à changer de direction selon un angle plus ou moins ouvert. Il
est moins dangereux de développer le plan entre le nerf facial et la tumeur en
agissant à partir du tronc, qu'à partir du conduit auditif interne. On sait que la
moindre traction sur le nerf facial est dangereuse, mais elle l'est moins quand
elle s'exerce à partir de tissu nerveux mou et mobile (le tronc) qu'à partir d'un os
fixe (le fond du conduit auditif interne).

Le principe est donc de disséquer le nerf facial à partir du fond du conduit tant
que la dissection est facile, puis de reprendre la dissection à partir du tronc en
réduisant progressivement la masse tumorale grâce au bistouri ultrasonique et à
la coagulation bipolaire, jusqu'à ne laisser qu'un reliquat sur un nerf facial bien
repéré de part et d'autre, et si possible laissé adhérent aux tissus sains voisins. Il
est alors possible de cliver la tumeur du nerf facial à l'aide de microcrochets et
de microciseaux. Lorsque la dissection est complète, le facial est de nouveau
stimulé au tronc pour noter si le seuil de stimulation et l'amplitude de la réponse
sont restés égaux ou si ces deux paramètres se sont aggravés.

Quand l'exérèse est terminée, on irrigue doucement l'angle pontocérébelleux à


l'aide de liquide de Ringer tiède qui est plusieurs fois doucement aspiré et
renouvelé de façon à chercher les petites pulsations sanguines qui pourraient
apparaître au sein du liquide. Il faut que l'anesthésiste permette à la tension de
remonter doucement de façon à vérifier l'hémostase. Si un saignement existe, il
faut le tarir par microcoagulation bipolaire.

L'attique et la partie haute de la caisse sont comblées à l'aide de tissu


musculaire soigneusement collé. Dans certains cas de pneumatisation très
importante en dedans du nerf facial, il peut être prudent d'agrandir un peu le
seuil de l'aditus pour pouvoir combler la caisse.

Deux ou trois bandelettes de graisse abdominale sont alors placées


immédiatement en dedans du sinus latéral et de la troisième portion du nerf
facial, sans aller plus en profondeur dans l'angle. Les bouchons mis en place
peuvent être collés, mais il ne faut pas que de la colle passe dans la fosse
cérébrale postérieure. Un ou plusieurs fragments complémentaires sont placés
en surface.

L'incision est fermée en quatre plans. Si on a fait une incision postérieure, il


faut amarrer très soigneusement le périoste antérieur et le périoste antérieur et le
périoste postérieur à l'aide de quatre fils résorbables. Trois autres plans sont
nécessaires.

Voie translabyrinthique pour des tumeurs extradurales (cholestéatomes


intrapétreux)

Les principes demeurent les mêmes. Dans certains cas, le cholestéatome a


ouvert le conduit et adhère à la dure-mère ; parfois, en cas de récidive, le
cholestéatome a même franchi la barrière dure-mérienne et adhère à
l'arachnoïde, entourant les éléments vasculonerveux. Le plus souvent le
cholestéatome adhère à la dure-mère temporale et cérébelleuse, ou au sinus
latéral. La seule technique permettant de disséquer la matrice est une traction
latérale parallèle à la surface à disséquer à l'aide d'une pince microcupule. Il ne
faut pas hésiter à emporter les fibres de la dure-mère. Au niveau du sinus
latéral, seule la matrice peut être enlevée.

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VOIE TRANSOTIQUE  [7]

Imaginée par Fisch [7], elle comporte une exérèse de l'oreille moyenne qui est
comblée, ainsi que l'exérèse des canaux semi-circulaires comme dans une voie
translabyrinthique et des trois quarts inférieurs de la cochlée. La deuxième et la
troisième portions de l'aqueduc de Fallope sont squelettisées mais restent en
place.

Cette voie donne donc un jour étendu jusqu'à la portion verticale de la carotide
interne intrapétreuse, le golfe jugulaire, le conduit auditif interne et l'angle
pontocérébelleux. Elle permet de maîtriser les tumeurs étendues à l'oreille
moyenne, au labyrinthe et au conduit auditif interne, comme certains
neurinomes ou des cholestéatomes (fig 6).

Elle est très utile dans certains méningiomes de grande taille, combinée à une
voie de la fosse cérébrale moyenne élargie.

L'objectif de cette voie est de donner un jour maximal à l'angle


pontocérébelleux sans déplacer le cervelet ni le nerf facial. Elle donne, selon
Fisch, une vue excellente sur le nerf facial mais ne constitue pas pour lui une
voie utilisable pour les tumeurs de plus de 2,5 cm alors qu'il la préconise pour
les cholestéatomes intra-arachnoïdiens de l'angle pontocérébelleux.

Cette voie comporte la suppression du conduit auditif externe, l'exclusion de


l'oreille moyenne et la destruction du labyrinthe cochléaire et vestibulaire de
part et d'autre de la deuxième et de la troisième portions de l'aqueduc de Fallope
laissé intact (fig 7).

Les premiers temps sont ceux d'une voie infratemporale.

L'incision est tracée dans la ligne des cheveux à 3 cm en arrière du sillon


rétroauriculaire. Le conduit auditif externe est sectionné au ras du conduit
osseux et sa peau est disséquée pour être extériorisée en manchon et fermée.
Cette fermeture est doublée par un lambeau musculaire retourné vers l'avant et
suturé au cartilage tragien.

Une vaste cavité d'évidement est réalisée en supprimant la peau du conduit, le


tympan, les osselets et la totalité des cellules mastoïdiennes. La paroi antérieure
et inférieure du conduit est refraisée pour être sûr de supprimer tous les restes
épidermiques.

L'aqueduc de Fallope est repéré et l'os qui le recouvre est aminci du trou
stylomastoïdien à l'origine du grand nerf pétreux.
Le sinus latéral, le golfe de la jugulaire interne et la carotide interne sont
repérés. Une fine pellicule osseuse est laissée sur ces structures. La pointe
mastoïdienne est enlevée. La dure-mère de la fosse cérébrale postérieure est
dénudée.

Les temps suivants ressemblent à la voie translabyrinthique complétée par le


fraisage de la cochlée en avant de la troisième portion du nerf facial et au-
dessous de la deuxième portion.

Les canaux semi-circulaires sont enlevés, le vestibule est ouvert comme dans
une voie translabyrinthique. Le conduit auditif interne est identifié et préparé
sur ses versants supérieur et inférieur jusqu'à l'aqueduc cochléaire en bas et
jusqu'à l'aplomb de sa paroi antérieure en haut.

La cochlée est supprimée et la dure-mère de la fosse cérébrale postérieure est


entièrement dénudée en travaillant en dedans de la troisième portion du nerf
facial. Le canal du muscle du marteau est supprimé.

Le nerf facial est repéré à la Bill's bar, elle-même identifiée grâce au nerf
vestibulaire supérieur suivi à partir de la face profonde de l'ampoule du canal
semi-circulaire supérieur qu'il faut conserver comme repère. La dure-mère du
conduit est ouverte sur ses bords supérieur et inférieur, la dure-mère du porus
est sectionnée en rejoignant les incisions de la dure-mère de la fosse cérébrale
postérieure, incision supérieure au ras du sinus pétreux supérieur et incision
inférieure au ras du golfe de la jugulaire interne.

La tumeur est disséquée. L'intérêt de la voie transotique est de donner un


meilleur jour dans l'angle pontocérébelleux sur le nerf facial lorsqu'il est plaqué
en avant et en haut par la tumeur. La fermeture comporte l'occlusion de la
trompe d'Eustache et la mise en place de bandelettes de graisse abdominale
prenant appui en dedans du nerf facial.

Cette voie d'abord est particulièrement intéressante pour les neurinomes de


l'acoustique envahissant l'oreille interne et l'oreille moyenne. Elle peut être
utilisée pour des méningiomes de même topographie.

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VOIE RÉ TROFACIALE

Définie anatomiquement comme une voie intersinusofaciale sous-labyrinthique,


elle est aussi appelée voie sous-faciale. Elle comporte la squelettisation de la
portion mastoïdienne du nerf facial, du canal semi-circulaire postérieur au golfe
de la jugulaire interne. Elle peut, lorsque la pneumatisation le permet, être
prolongée vers le haut, entre le canal semi-circulaire postérieur et le coude
jusqu'au canal externe. Elle peut être prolongée vers le bas, au-delà de
l'hypotympanum et du trou stylomastoïdien, permettant un déroutement partiel
du nerf facial vers l'avant. Elle peut accompagner une technique chirurgicale
conservant le conduit osseux avec tympanotomie postérieure étendue vers
l'avant au niveau de l'hypotympanum, ou une technique ouverte avec
obligatoirement soit une reconstruction d'un néoconduit par un comblement
musculaire par un lambeau de Palva par exemple, complété par du cartilage
pour fermer l'hypotympanum, soit une exclusion de l'oreille moyenne.

Elle permet de traiter :

 les tumeurs glomiques de l'oreille moyenne étendues profondément au


rétrotympanum interne ;
 les cholestéatomes de même extension.

Elle fait partie des voies d'abord décrites par Farrior et Glasscock pour accéder
au trou déchiré postérieur avec un déroutement partiel du nerf facial au cours
d'une technique fermée pour traiter des tumeurs glomiques faiblement étendues
au golfe de la jugulaire interne.

Technique de la voie rétrofaciale pour un cholestéatome

L'incision est tracée comme pour une tympanoplastie en technique fermée. Une
large mastoïdectomie est effectuée et une tympanotomie postérieure étendue est
taillée en identifiant le nerf facial dans toute sa troisième portion. Ce terme
d'étendue signifie que la tympanotomie est poussée vers le bas et l'avant en
tournant le plus loin possible sous la face inférieure du conduit auditif externe
pour ouvrir la paroi externe de l'hypotympanum.

Une voie intersinusofaciale sous-labyrinthique ou rétrofaciale est taillée entre le


sinus latéral et le golfe en arrière et en bas et le facial en avant laissé dans un
tube osseux aussi fin que possible. Le canal semi-circulaire postérieur est
respecté en haut et si possible le sac endolymphatique. Il est possible de
remonter la voie vers le haut entre l'ampoule du canal postérieur et le facial si
une traînée cellulaire évidente existe, et seulement dans ce cas. Il faut savoir
que la voie rétrofaciale ne peut être taillée dans une mastoïde très dense, sans
espace entre le VII et le sinus sigmoïde.

Le tube osseux contenant le nerf facial est réduit au maximum sous monitoring,
particulièrement utile pour abraser les restes de muscle de l'étrier qui adhèrent
en général à la face profonde de ce tube osseux, au voisinage du facial. Le
cholestéatome est disséqué et l'exérèse est contrôlée à l'optique ou au miroir de
Buckingham.

Tout est laissé ouvert au sein de la technique fermée qui est reconstruite comme
d'habitude (fig 8). Un deuxième temps est possible mais il faut savoir que la
croissance osseuse va réduire de beaucoup la voie que l'on avait taillée.

Technique de la voie rétrofaciale pour une tumeur glomique envahissant


le golfe de la jugulaire

L'incision est tracée en Y. Cette incision est actuellement abandonnée pour la


voie infratemporale mais reste indispensable pour cette voie qui va chercher à
conserver les structures de l'oreille moyenne avec le conduit osseux.

La branche antérieure est celle d'une parotidectomie tournant autour du tragus,


passant en avant puis au-dessous du lobule pour s'incurver en avant dans les plis
du cou. La branche postérieure passe en arrière le long du bord postérieur de la
mastoïde.

La tympanotomie postérieure et la voie rétrofaciale sont taillées comme


précédemment. La région cervicale supérieure est disséquée et la jugulaire
interne, la carotide interne, la carotide externe, les nerfs IX, X, XI et XII sont
repérés. L'artère pharyngienne ascendante est liée. Des lacs sont passés sous les
vaisseaux.

Le tronc du nerf facial rétroparotidien est repéré et disséqué jusqu'à sa


bifurcation intraparotidienne. Au bistouri électrique, le sterno-cléido-
mastoïdien est séparé de la mastoïde. La pointe mastoïdienne est amputée à la
pince gouge. Le digastrique est sectionné et refoulé en avant.

A la fraise diamantée, on supprime l'os de la face inféroexterne du rocher


compris entre la styloïde et la jugulaire interne jusqu'au golfe. La jugulaire
interne et le golfe sont ainsi totalement exposés.

L'apophyse externe de l'atlas est repérée et la veine jugulaire interne est


sectionnée au-dessous du nerf accessoire. Le sinus latéral est lié par deux
ligatures selon la technique utilisée dans la voie infratemporale ; il peut être
aussi bloqué par du Surgicel® placé entre l'os et l'angle sinusodural. Dans ce
cas, il doit être incisé et bloqué par du Surgicel® supplémentaire placé dans la
lumière du sinus.

Il est alors possible, selon Glasscock, de sectionner la veine jugulaire interne et


de s'en servir comme d'un tracteur pour enlever la tumeur qui envahit le golfe et
la région de l'hypotympanum.

Un déroutement partiel de la troisième portion du nerf facial est habituellement


nécessaire pour avoir un accès suffisant lors de ce geste.

La difficulté est de préciser très exactement les indications d'une telle chirurgie
conservatrice pour les tumeurs envahissant le golfe. Cette chirurgie ne peut se
concevoir que pour des tumeurs envahissant l'hypotympanum et le golfe sans
adhérer à la carotide interne. Encore faut-il que l'espace situé entre le trou
stylomastoïdien et le tubercule latéral de l'atlas soit suffisant pour que cette voie
d'abord ne soit pas finalement plus dangereuse pour le facial que le déroutement
antérieur réglé de la voie infratemporale.

La voie rétrofaciale ou transjugulaire permet dans sa version la plus complète


de contrôler des tumeurs glomiques tympanojugulaires envahissant le golfe
mais n'adhérant pas à la carotide interne (type C1 selon Fisch). Pour des lésions
plus volumineuses, elle n'offre pas la même sécurité, ni pour le nerf facial, ni
pour la carotide interne, ni pour une exérèse totale de la tumeur, que les voies
infratemporales classiques.

En revanche, pour l'exérèse de cholestéatomes infralabyrinthiques limités, elle


permet une exérèse tout à fait fiable, combinée avec une tympanoplastie en
technique fermée ou en technique ouverte avec comblement.

Cette voie permet aussi le drainage de kystes à cholestérol de l'apex pétreux ou


un abord à minima pour biopsie de cette région à condition que le golfe de la
jugulaire ne soit pas trop haut.
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VOIE RÉ TROLABYRINTHIQUE  [18]

Elle est employée pour les neurotomies vestibulaires. On peut aussi l'utiliser
pour le traitement des conflits artérioveineux et le drainage des kystes
arachnoïdiens. Rares sont ceux qui s'en servent pour l'exérèse des neurinomes
de l'acoustique avec tentative de conservation de l'audition. En revanche, elle
est souvent adoptée pour l'exérèse des méningiomes.

L'incision est curviligne, rétroauriculaire, après avoir fait commencer du


mannitol et du Lasilix® dès le début de l'intervention (fig 9).

On pratique une mastoïdectomie totale, identifiant très discrètement la face


supérieure du corps de l'enclume, et surtout les canaux semi-circulaires latéral
et postérieur et la portion mastoïdienne du nerf facial.

Le sinus latéral est totalement dénudé, de même que la dure-mère


rétrosinusienne sur 1,5 cm. La veine émissaire est coagulée et obturée avec de
la cire.

La dure-mère est incisée en avant du sinus sigmoïde et en arrière du sac


endolymphatique. On peut tout aussi bien sectionner le sac sans retentissement
auditif. L'incision se recourbe en haut le long du sinus pétreux supérieur.

La citerne latérale est ouverte, en déprimant très légèrement le cervelet grâce à


un petit écarteur de Dandy. On ouvre le cul-de-sac arachnoïdien.

Le facial est situé en avant du paquet cochléovestibulaire dont il est séparé par
les branches externes de l'artère cérébelleuse antéro-inférieure.

En fin d'intervention, une fermeture étanche de la dure-mère est pratiquée,


complétée par des greffons musculoaponévrotiques, ou mieux adipeux.

Si cette intervention est pratiquée comme le font certains pour l'exérèse des
neurinomes de l'acoustique, il faut dénuder la méninge en arrière du sinus
latéral sur une zone beaucoup plus importante afin de pouvoir rétracter assez le
sinus vers l'arrière pour avoir une vue suffisante vers l'avant afin de s'approcher
du fond du conduit auditif interne.

On peut également élargir de façon importante la dénudation de la dure-mère


temporale, afin de réaliser une voie pétreuse, ou voie sus-pétreuse pré- et
rétrosigmoïde combinée, ou voie présigmoïde, se on les dénominations des
différents auteurs. Cette voie est décrite dans le chapitre « Chirurgie de l'apex
pétreux et du clivus ».

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VOIE INFRACOCHLÉ AIRE  [11]


Cette voie a été décrite par Brackmann pour drainer les granulomes à
cholestérol de l'apex. Il la préfère actuellement à la voie d'abord rétrofaciale,
souvent obturée par un golfe très haut. Elle rappelle celle de Ramadier.

La voie d'abord est une incision sus- et rétroauriculaire à quelques millimètres


au-dessus et en arrière du sillon sus- et rétroauriculaire.

Le conduit auditif externe est sectionné et le pavillon de l'oreille rabattu en


avant.

Un lambeau tympanoméatal inférieur est disséqué. Ce lambeau est centré sur la


moitié inférieure du conduit de 2 heures à 10 heures sur une oreille droite, en
position opératoire, laissant la membrane tympanique insérée au niveau de
l'umbo et de la partie supérieure du conduit.

A la fraise, on élargit la partie antérieure et inférieure du conduit pour exposer


l'hypotympanum (fig 10). La corde du tympan peut être suivie vers l'arrière
pour estimer la position du nerf facial. Un monitoring du facial est nécessaire.

L'hypotympanum est alors fraisé au-dessous de l'horizontale passant par le bord


inférieur de la fenêtre ronde qui indique la limite supérieure de la dissection. Le
nerf de Jacobson conduit à la jonction de la carotide et du golfe, mais l'on se
borne à repérer la portion verticale de la carotide interne en avant et le versant
antérieur du golfe de la jugulaire en arrière.

La travée cellulaire infracochléaire est poursuivie en dedans à la fraise


diamantée, jusqu'au granulome à cholestérol qui est ouvert. Ce pertuis est élargi
jusqu'à la carotide interne en avant, au golfe en arrière. En haut on veille à
rester à distance du tour basal de la cochlée. Pour notre part, il nous paraît assez
facile de se repérer sur la carotide interne qui est un élément assez résistant,
tandis que le golfe est assez fragile et que le tour basal de la cochlée est bien
difficile à situer exactement, même en tenant compte de l'horizontale passant
par le bord inférieur de la fenêtre ronde.

Il semble souhaitable de laisser dans le canal ainsi creusé une lamelle de


Silastic® mince, roulée sur elle-même.

De la poudre d'os, ou mieux une lamelle de cartilage, sert à reconstruire la paroi


externe de l'hypotympanum et le lambeau tympanoméatal est remis en place de
même que le conduit auditif externe. Du Gelfoam® maintient ces différents
éléments. L'incision postérieure est suturée.

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VOIE RÉ TROSIGMOÏDE

Cette voie ouvre l'angle pontocérébelleux et permet aussi de traiter les lésions
de la face postérieure du rocher, et surtout d'ouvrir le conduit auditif interne.
C'est pour cela que nous la décrivons dans cet article.

Le malade est installé en décubitus dorsal, la tête tournée en avant et légèrement


inclinée vers le bas pour dégager la zone de craniotomie. Certains préfèrent la
position de Mount et l'usage d'une têtière de Mayfield.

L'incision peut être pratiquée en « crosse de hockey » (fig 11). Sa branche


verticale débute au niveau du croisement de la ligne horizontale tangente au
bord supérieur du conduit auditif externe et de la ligne verticale suivant le bord
postérieur de la mastoïde pour atteindre vers le bas la région rétromastoïdienne
à un ou deux travers de doigt en arrière de la pointe mastoïdienne. Sa portion
oblique est tracée sur 2 cm, vers l'avant et le haut, dans la bissectrice de cet
angle. D'autres utilisent une incision arciforme, postérieure, dont la branche
inférieure se termine à 1 ou 2 cm au-dessous et en arrière de la pointe
mastoïdienne.

Toute la surface mastoïdienne, puis tout l'espace situé entre les lignes nuquales
supérieure et inférieure, sont exposés par rugination au contact de l'os. La veine
émissaire mastoïdienne doit être coagulée au niveau des parties molles et
oblitérée par de la poudre d'os et de la cire au niveau de son extrémité
antérieure sinusienne.

Le fraisage doit ouvrir une craniotomie de 3 cm pour un neurinome, de 2,5 cm


pour une neurotomie. Il dénude la dure-mère située entre le versant postérieur
du sinus latéral en avant et le versant inférieur du sinus transverse en haut. La
berge osseuse mastoïdienne doit être élargie pour éviter un surplomb gênant
lorsque l'on veut agir vers l'arrière au contact du tronc. Les cellules
mastoïdiennes doivent être obturées par de la cire de Horsley.

Certains (Sterkers, Brackmann) font systématiquement une mastoïdectomie


pour pouvoir, en cas d'hématome, faire rapidement une voie translabyrinthique.
Cette mastoïdectomie permet aussi d'inciser la dure-mère en avant du sinus
latéral, au-dessus du sac endolymphatique, pour amorcer l'affaissement du
cervelet. On peut même dénuder la totalité du sinus latéral pour le refouler vers
l'avant en cas de besoin.

La dure-mère est ouverte à 1 cm en arrière du sinus par une incision en « X »


couché délimitant quatre lambeaux dont le lambeau antérieur pédiculé sur la
face postérieure du sinus latéral est maintenu par un fil de traction permettant
d'obtenir une vue maximale vers l'avant. Le lambeau supérieur pédiculé sur le
sinus transverse tombe de lui-même dans la cavité de même que le lambeau
inférieur tandis que le lambeau postérieur protège la surface du cervelet. Un
petit écarteur de Clovis-Vincent permet d'accéder à la citerne latérale qui est
ouverte au microcrochet. Le liquide céphalorachidien s'échappe et l'angle
pontocérébelleux apparaît au fur et à mesure que le cervelet s'affaisse.

Pour exécuter cette manoeuvre, il convient de modifier la position de la table :


elle est élevée à son maximum et tournée sur son axe longitudinal vers le côté
opposé à l'opérateur de telle sorte que celui-ci, à l'aide du microscope, puisse
suivre la progression de l'écarteur dans l'espace virtuel situé entre cervelet et
rocher.

On aperçoit en bas les nerfs mixtes, au milieu la tumeur, en haut la veine de


Dandy et la tente du cervelet.
Il est finalement inutile de protéger la surface du cervelet ou de placer un
écarteur.

Il est alors possible d'écarter les vaisseaux à conserver de la capsule tumorale et


de commencer une dissection sous-arachnoïdienne, après avoir repéré le nerf
facial par stimulation sous monitorage.

Selon sa dimension, la tumeur est évidée aux microciseaux et aux micropinces à


cupule ou au bistouri ultrasonique.

L'ouverture du conduit auditif interne est en principe faite une fois que la plus
grosse partie de la tumeur située dans l'angle a été enlevée. Dans certains cas, il
est nécessaire de supprimer les irrégularités de la face postérieure du rocher afin
de pouvoir gagner un jour suffisant, ne serait-ce que sur le porus. Avant de
fraiser le conduit auditif interne, on place des lames de Pangen® ou de
Gelfoam® au-dessus et au-dessous du pédicule acousticofacial de façon à éviter
la dispersion de poudre d'os dans les citernes postérieures.

On peut directement fraiser à la fraise diamantée de 4 mm de diamètre la dure-


mère et l'os en veillant à la proximité du golfe de la jugulaire interne qui doit
avoir été repéré au préalable sur le scanner osseux. Dans ce cas, il faut faire
porter le fraisage surtout vers le haut.

Il ne faut pas ouvrir le canal postérieur. Celui-ci, dans certains cas, peut être
repéré en suivant le sac et le canal endolymphatique. Sa position, de toute
façon, doit être jugée sur le scanner osseux. La palpation au crochet de Bill
House de la crête falciforme donne une bonne idée de la profondeur. Dans ces
interventions qui visent à conserver l'audition, il est bon d'agir de bas en haut et
de la profondeur vers la surface, en suivant le nerf cochléaire puis le facial pour
atteindre le fond du conduit auditif interne. Même s'il y a une zone d'adhérence
importante au niveau du porus, il vaut mieux travailler de dedans en dehors que
de dehors en dedans car les tractions sur des fibres nerveuses venant du tronc
sont bien moins dangereuses que celles que l'on pourrait exercer sur des fibres
fixées à leur canal osseux.

On peut se servir d'une optique 30° ou d'un miroir de Buckingham pour


contrôler le fond du conduit en l'aspirant à l'aide d'un microaspirateur coudé de
0,8 mm de diamètre.

Lorsque l'intervention est terminée, l'hémostase est vérifiée. Les cellules qui ont
été ouvertes en ouvrant le conduit auditif interne sont fermées avec du tissu
fibromusculaire ou de la graisse abdominale collée.

La dure-mère est fermée de façon aussi étanche que possible. On peut utiliser
de la poudre d'os et de la colle, ou remettre la lame osseuse. Pour notre part,
nous préférons utiliser un peu de graisse abdominale pour assurer une parfaite
étanchéité. Les sutures sont ensuite musculaires, sous-cutanées et cutanées sans
drainage.

Pour les neurectomies vestibulaires par voie rétrosigmoïde, après le repérage


des différents éléments vasculonerveux de l'angle pontocérébelleux (APC) au
microscope et à l'optique 30°, on repère le fin sillon séparant le contingent
vestibulaire rostral du contingent cochléaire caudal à la surface du nerf
cochléovestibulaire. Ce sillon est souvent balisé par une fine artériole. Au
crochet-mousse ou au dissecteur boule, on sépare ces deux contingents en
veillant à ne pas léser l'artère auditive interne ou l'artère cérébelleuse antéro-
inférieure (ACAI) entre les nerfs cochléaires vestibulaire et facial. La section
totale du contingent vestibulaire aux microciseaux est authentifiée par la
rétraction des deux extrémités nerveuses.

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VOIE INFRATEMPORALE TYPE A  [7]

Le déroutement antérieur ou transposition antérieure du nerf facial qui la


caractérise démasque toute la partie du rocher située au-dessous de la première
portion du nerf facial. Elle s'accompagne obligatoirement d'une exclusion de
l'oreille moyenne. Elle donne un excellent abord au golfe de la jugulaire
interne, au foramen jugulaire et à la portion verticale et au coude de la carotide
interne intrapétreuse. Elle peut être complétée vers le haut par la destruction des
deux tiers inférieurs de la cochlée et du labyrinthe postérieur.

Elle est indispensable pour traiter les tumeurs glomiques étendues largement au
golfe de la jugulaire interne et adhérentes à la carotide interne et/ou aux nerfs
mixtes.

Elle permet aussi de traiter toutes les lésions massives situées en dedans de la
portion mastoïdienne et au-dessous de la portion labyrinthique du nerf facial :
chondrosarcomes, papillomes du rocher ou même cholestéatomes.

Incision cutanée

L'incision est tracée en S, de la région temporale jusqu'au cou. La partie


essentielle de l'incision est sus- et rétroauriculaire à 3 cm au-dessus et en arrière
du sillon sus- et rétroauriculaire. Elle est prolongée vers le haut en S à la limite
antérieure des cheveux si un lambeau de muscle temporal est nécessaire. Elle
descend dans le cou pour atteindre le bord antérieur du sterno-cléido-
mastoïdien, ou même la grande corne de l'os hyoïde, à 6 cm au-dessous de
pointe de la mastoïde.

Fermeture du conduit auditif externe

Selon Fisch, le plan sous-cutané est disséqué jusqu'au voisinage du conduit


auditif externe et un lambeau fibromusculaire pédiculisé sur la conque est taillé
pour être rabattu vers l'avant et former un deuxième plan pour fermer le
conduit.

Pour préserver au maximum la vascularisation cutanée, on peut inciser d'emblée


jusqu'à l'os et décoller en bloc les parties molles jusqu'au conduit. Un lambeau
fibromusculaire de petite taille est ensuite disséqué dans l'épaisseur des parties
molles puis rabattu vers l'avant. La dissection entre l'os et le lambeau périosté
permet d'atteindre le conduit auditif externe qui est préparé sur ses versants
postérieur, inférieur et supérieur puis sectionné à la limite externe du conduit
osseux (fig 12).

La paroi antérieure du conduit est séparée du cartilage tragien à l'aide d'une


pince coudée ou d'une paire de ciseaux de Metzenbaum, puis sectionnée.

La peau de la partie externe du conduit sectionné est libérée sur 1 cm environ


jusqu'à la conque puis éversée vers l'extérieur à l'aide de deux points en U
supérieur et inférieur. Ce cul-de-sac cutané est alors suturé avec un fil non
résorbable (Ethicrin® par exemple).

Le lambeau périosté est alors rabattu vers l'avant et suturé au cartilage tragien et
à la conque. L'opérateur dispose alors d'une large voie d'abord. Les parties
molles libérées sont maintenues vers l'avant par des fils de traction et sont
couvertes d'une compresse régulièrement humidifiée.

Repérage et préparation du nerf facial rétro- et intraparotidien et des vaisseaux


du cou

Le tronc rétroparotidien du nerf facial est repéré dans l'angle dièdre entre la face
antérieure de la mastoïde et la face inférieure du conduit auditif externe. Il est
disséqué dans la parotide jusqu'à sa bifurcation et les branches principales sont
partiellement disséquées, notamment la branche supérieure. De petits vaisseaux
sont microcoagulés.

Dans le cou, la carotide interne, la carotide externe et la veine jugulaire interne


sont repérées ainsi que les nerfs vague, accessoire et hypoglosse, des lacs sont
passés autour de la carotide interne et de la jugulaire interne. Fisch conseille, s'il
s'agit d'une tumeur glomique, de ligaturer les branches ascendantes de la
carotide externe, situées au-dessus de la linguale. Le ventre postérieur du
digastrique est sectionné. Le sterno-cléido-mastoïdien est séparé de la pointe
mastoïdienne.

Taille de la cavité et suppression du conduit, du tympan et des osselets

La partie accessible de la peau du conduit osseux est disséquée et supprimée


pour éviter de disperser des squames épidermiques. Le muscle temporal est
relevé.

Une vaste cavité antro-attico-mastoïdienne est taillée en abaissant le mur du


facial et en rejoignant les corticales postérieure et supérieure. La partie
antérieure et inférieure du conduit auditif externe est également alésée de façon
concentrique.

Avant de parvenir à l'attique, et au contact du tympan, la caisse est ouverte en


haut et en arrière en désinsérant au grand crochet la moitié postérieure de
l'annulus. L'articulation incudostapédienne est séparée au microcrochet et le col
du marteau est sectionné. Il est alors possible de supprimer le tympan en
désinsérant l'annulus et le reliquat attenant de peau du conduit.

La cavité est alors complètement ouverte, attique, paroi antérieure et inférieure


du conduit. Le mur du facial est encore abaissé jusqu'à voir le nerf facial par
transparence, après avoir repéré la hauteur du trou stylomastoïdien par la crête
digastrique.

La pointe mastoïdienne est alors réséquée à l'aide d'une pince gouge.

Déroutement du nerf facial ou transposition antérieure du nerf facial

Fisch conseille d'enlever les branches de l'étrier à l'aide de microciseaux pour


éviter un arrachement lors de la libération du coude du nerf facial.

L'attique antérieur est largement ouvert et une gouttière est taillée sur sa face
antérieure jusqu'à la parotide. Le tympanal est complètement supprimé.

Il est plus facile de faire aussitôt le temps de repérage de la carotide interne. La


trompe d'Eustache est largement ouverte jusqu'à l'isthme et sa paroi interne est
affinée à la fraise diamantée pour identifier la carotide interne en profondeur.
Cette paroi osseuse peut être spontanément déhiscente. Après avoir repéré la
carotide interne, les cellules situées en avant d'elle sont enlevées à la grosse
fraise diamantée ; la muqueuse de la trompe est enlevée jusqu'à son isthme en la
disséquant puis en la fraisant à la fraise diamantée.

Le canal facial est affiné sur plus de la moitié de sa circonférence au niveau de


la troisième portion et sa moitié externe au niveau de la deuxième portion dont
la corticale osseuse est beaucoup plus fine. Au niveau du coude, il convient
d'éviter de pénétrer le canal semi-circulaire latéral et la taille, à la fraise
diamantée, doit être plutôt antérieure. La pellicule osseuse est enlevée à l'aide
d'un microcrochet puis de microrugines.

A l'aide de microrugines travaillant au contact du plan osseux, la troisième


portion du nerf facial, dans sa gaine, est progressivement séparée du plan
osseux en coupant aux microciseaux les filets nerveux et vasculaires reliant la
gaine à l'aqueduc osseux. Le trousseau fibreux du trou stylomastoïdien est
décollé en bloc avec le nerf et séparé aux microciseaux ou aux ciseaux droits
pointus fins du plan sous-jacent. Ce trousseau fibreux peut être saisi à l'aide
d'une pince à disséquer ultrafine et va servir à mobiliser le nerf facial puis à le
soulever. Le nerf destiné au ventre postérieur du digastrique est sectionné puis
l'artère stylomastoïdienne est microcoagulée puis sectionnée (fig 13). Le nerf
est refoulé à l'aide de microcotonoïdes poussés par l'aspirateur. Son
décollement nécessite la section de plusieurs vaisseaux au niveau du coude,
puis devient plus facile en avant. Il est nécessaire de repérer la crête osseuse
située entre la première et la deuxième portions du nerf facial, dans l'angle
rentrant formé par le ganglion géniculé, pour être sûr d'avoir libéré la totalité de
la deuxième portion.

Une tranchée est taillée dans la parotide à partir de la branche supérieure du


nerf facial jusqu'à la gouttière osseuse atticale antérieure.

Le nerf est placé dans cette tranchée qui est refermée sur lui à l'aide de colle
biologique. La deuxième portion, qui relie la première portion fixe du nerf et la
troisième portion transposée en avant dans la parotide, doit être laissée souple
car elle va être légèrement tendue sous l'effet d'un écarteur qui va prendre appui
en avant sur les parties molles du cou, immédiatement sous la parotide. Elle est
également collée.
Abord et ligature du sinus latéral

A partir de ce temps, la description concerne l'exérèse d'une tumeur glomique.


Le sinus latéral est corticalisé à la grosse fraise diamantée sous irrigation
continue et dénudé, de même que la méninge pré- et rétrosinusienne, si possible
au-dessous de la veine émissaire mastoïdienne. Le point de ligature dépend de
l'extension de la tumeur vers le haut dans la lumière du sinus latéral. Dans
certains cas, on peut préparer la ligature et ne la serrer qu'après avoir retiré le
prolongement tumoral faisant bouchon. La dure-mère est microcoagulée à
quelques millimètres en avant et en arrière du sinus, puis franchement incisée
parallèlement au sinus, tout en étant soulevée par un crochet pour éviter une
blessure des vaisseaux sous-jacents.

Un passe-fil mousse et coudé est passé en dedans du sinus en suivant


étroitement sa paroi profonde. Il ramène un double fil assez gros (Vicryl® no2
ou soie tressée), en veillant à écarter légèrement les deux fils l'un de l'autre. Une
double ligature du sinus latéral est ainsi placée. Noter que l'on doit faire un
noeud de chirurgien (passé deux fois) serré doucement à la main pour écraser
complètement la lumière veineuse. La fuite de liquide céphalorachidien
déclenchée par la ligature au niveau des deux incisions dure-mériennes sera
colmatée par le comblement final de l'oreille moyenne.

Abord et libération de la carotide interne

La taille de la tumeur est réduite par microcoagulation bipolaire.

La parotide est clivée du tympanal, découvrant l'apophyse styloïde qui est


sectionnée par une petite pince-gouge tandis qu'un clamp courbe glissé à sa face
profonde protège la carotide interne. Ces deux gestes permettent de déplacer la
mandibule vers l'avant à l'aide d'un écarteur de Beckmann, plus léger que
l'écarteur de voie infratemporale. Il faut prendre grand soin de ne pas tendre le
nerf facial, ni de le comprimer.

Le périoste du canal carotidien est repéré en fraisant à la grosse fraise


diamantée la paroi interne du protympanum. Ce périoste est suivi jusqu'au trou
carotidien. Si l'artère caroticotympanique est repérée, elle est coagulée à son
émergence du canal carotidien. Si elle est prise dans la tumeur (type C2 ou C3),
il est préférable de laisser temporairement un fragment tumoral qui la contient.

Un temps essentiel est alors l'introduction d'un petit clamp courbe, de bas en
haut, dans l'anneau fibropériosté du trou carotidien entre le périoste et la paroi
carotidienne. Ce périoste est alors incisé sur le clamp permettant de libérer la
carotide interne dont l'adventice est rarement intéressée. La tumeur vient ainsi
avec le périoste qui est enlevé.

Exérèse de la tumeur

A la grosse fraise diamantée, on supprime tout l'os couvrant le golfe de la


jugulaire interne.

Dans les grosses tumeurs, une branche de l'artère vertébrale parvient souvent à
la tumeur au bord inférieur de la mastoïde au-dessus de l'apophyse transverse
de l'atlas. Elle doit être microcoagulée lors de l'exécution du temps qui suit.
La jugulaire interne est liée au-dessous du prolongement en battant de cloche de
la tumeur et sectionnée entre deux ligatures (fig 14). Elle est décroisée du nerf
accessoire et refoulée vers le haut tout en finissant de repérer de bas en haut la
partie haute des nerfs mixtes glossopharyngien, vague et accessoire. Cependant
le glossopharyngien devient de moins en moins distinct de la gaine fibreuse de
la carotide interne dont il s'écarte au niveau de la crête carotidienne pour
devenir le nerf le plus antérieur et le plus externe de la pars nervosa du foramen
jugulaire.

La partie basse du sinus latéral est alors ouverte, puis le golfe en arrière et en
dehors. Si la paroi interne du sinus sigmoïde et du golfe est saine, elle constitue
un plan de clivage parfait.

On parvient ainsi aux différents orifices des veines condyliennes puis du sinus
pétreux inférieur dans lesquels il faut vérifier l'absence de toute propagation
tumorale avant de les bloquer avec du Surgicel®. On facilite cette recherche en
saisissant la tumeur avec un clamp à griffes et en la tirant en haut et en dehors.
On peut ainsi voir en arrière la veine émissaire condylienne, au milieu le sinus
pétreux inférieur et enfin en avant le deuxième orifice du sinus pétreux inférieur
en avant du vagospinal.

La dissection se termine ainsi au niveau de la pars nervosa du trou déchiré


postérieur. Il est souvent nécessaire de sectionner le nerf glossopharyngien
infiltré par la tumeur dès le stade C1. Même pour les tumeurs plus
volumineuses, il faut chercher à conserver le vagospinal.

Du liquide céphalorachidien peut fuir à travers l'arachnoïde de la paroi interne


du trou déchiré postérieur, d'autant plus que celui-ci a été élargi par une tumeur
plus volumineuse.

A la grosse fraise diamantée, la tumeur est poursuivie sous la capsule


labyrinthique. Si le labyrinthe est envahi, il doit être supprimé toujours avec
une fraise diamantée en veillant à la proximité du conduit auditif interne où il
peut être nécessaire d'identifier le nerf facial dans le prolongement de sa portion
labyrinthique, ou première portion. Il est indispensable d'enlever par fraisage
tous les prolongements tumoraux intraosseux.

Si l'on a dû laisser un résidu tumoral au niveau du coude de la carotide interne


et de l'artère caroticotympanique, la dissection de ce résidu est reprise et l'artère
caroticotympanique est microcoagulée et sectionnée dès qu'elle apparaît. Le
Cavitron® peut être utilisé pour nettoyer une infiltration de l'adventice de la
carotide interne.

Si la tumeur dépasse le coude de la carotide interne, il faut compléter l'abord en


voie B. Le nerf facial est replacé en bas. Le muscle temporal est refoulé en
avant. La partie postérieure de l'arche zygomatique et du plancher de la fosse
cérébrale moyenne est fraisée. Les tissus mous de l'articulation
temporomaxillaire sont supprimés et l'écarteur infratemporal est placé
verticalement pour abaisser le condyle. Le reste de la voie d'abord se déroule
comme dans les voies B et C avec section de l'artère méningée moyenne et du
nerf mandibulaire.

Toute la difficulté tient à l'adhérence de la tumeur à la carotide interne et donc à


un risque important de rupture artérielle. Rappelons que l'occlusion
préopératoire de la carotide interne est préférable à la mise en place d'un ballon
pendant l'intervention dans des conditions hémodynamiques prédisposant à la
thrombose extensive.

Si la tumeur file dans l'angle pontocérébelleux, il ne peut être question de


l'extirper que si le prolongement a moins de 2 cm de diamètre (fig 15). Sa
dissection doit commencer à sa partie supérieure, à l'aplomb du conduit auditif
interne, de façon à en séparer le nerf facial. Les vaisseaux sont coagulés sur la
tumeur puis sectionnés. Très souvent des veines importantes relient la partie
inférieure de la tumeur à la limite inférieure du trou déchiré postérieur. Dans ce
cas, la brèche dure-mérienne doit être reconstruite par une greffe de fascia ou de
muscle et de muscle et de fascia temporal. Elle est suturée et collée.

Lorsque le prolongement tumoral dans l'angle pontocérébelleux est plus


important, on ne peut que microcoaguler sa tranche de section ainsi que le
centre de la tumeur dans l'espoir d'obtenir une dévascularisation et un arrêt de
croissance tumoral.

Ce reliquat est ensuite surveillé au scanner. S'il s'accroît, une exérèse par voie
neurochirurgicale devient nécessaire.

Certains (Jackson, Al Mefti et Smith) estiment que le prolongement


endocrânien peut être enlevé dans le même temps, même s'il est plus
volumineux. Ils utilisent une incision de la dure-mère en arrière du sinus
sigmoïde.

Fermeture

La muqueuse de la trompe d'Eustache est fraisée au niveau de l'isthme et


refoulée par la fraise diamantée. Elle est alors microcoagulée. On peut
introduire de la cire de Horsley ou mieux un fragment de périoste puis de la
poudre d'os mêlée de colle et enfin un nouveau fragment de périoste.

Des fragments de graisse abdominale comblent la cavité, collée et maintenue


par le premier plan de suture. L'avantage théorique d'un comblement par du
muscle temporal sur la graisse serait de minimiser la rétraction ultérieure de
l'oreille. La fermeture est faite en trois plans sans drainage.

Lorsqu'il s'agit d'une tumeur plus limitée, comme un cholestéatome, un


méningiome ou un chondrosarcome, le golfe est généralement refoulé et non
envahi, de même que les nerfs mixtes. Des lacs de sécurité sont nécessaires sur
la veine dans le cou, mais la ligature du sinus latéral et l'ouverture du golfe ne
sont pas nécessaires.

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VOIE INFRATEMPORALE TYPE B  [7]

Elle permet d'atteindre des lésions du rocher développées en avant de la


carotide interne intrapétreuse et pouvant mordre le clivus.
Dans certaines tumeurs peu importantes, il suffit de luxer vers l'avant la
mandibule sans abaisser le condyle. Néanmoins l'originalité de cette voie
d'abord est de chercher un abord antérieur par l'abaissement du condyle.

Incision

La partie basse cervicale de l'incision n'est pratiquée que si l'on doit placer des
lacs de sécurité sur la carotide interne.

Exclusion de l'oreille moyenne

Elle est pratiquée comme pour la voie infratemporale type A.

Repérage et préparation du nerf facial rétro- et intraparotidien

La seule différence avec la voie A est que la branche inférieure n'est pas
préparée alors que la branche supérieure est dégagée pour repérer le rameau
frontal suivi jusqu'à la partie toute antérieure du zygoma (fig 16).

Dissection et bascule vers le bas de l'arche zygomatique

Après avoir repéré la branche frontale du facial, le périoste de l'arche


zygomatique est incisé puis disséqué et refoulé vers le bas avec la branche
frontale du facial.

Le muscle temporal est séparé de la surface interne de l'arche zygomatique.


L'arche est ensuite sectionnée au ras du processus zygomatique du maxillaire en
avant, après avoir percé deux orifices pour pouvoir la fixer en place en fin
d'intervention. La section postérieure est placée au ras de l'apophyse transverse.
L'arche est alors basculée vers le bas en restant attachée au muscle masséter.

Bascule inférieure du muscle temporal

Le muscle temporal est séparé de l'écaille temporale et de la grande aile du


sphénoïde et basculé vers le bas en restant attaché à l'apophyse coronée.

Taille de la cavité et suppression du conduit, du tympan et des osselets

Ce temps se déroule comme pour la voie A en supprimant le conduit auditif


externe, le tympan, le marteau et l'enclume, la totalité des cellules de l'oreille
moyenne. Le facial est identifié sur ses deuxième et troisième portions, de
même que le golfe de la jugulaire et la carotide interne à la partie inférieure de
la cavité. Une pellicule osseuse transparente est laissée sur ces différents
éléments.

Dégagement de la fosse infratemporale


espace entre celui-ci et le plancher de la fosse cérébrale moyenne. Pendant la
mise en traction de l'écarteur, il faut veiller à ne pas tendre à l'excès le tronc du
nerf facial rétroparotidien.

La mise en place de l'écarteur doit être précédée par la suppression de


l'articulation temporomandibulaire, tandis que la cavité glénoïde et le maximum
d'os sont enlevés à la base de la fosse cérébrale moyenne ne laissant qu'une fine
pellicule pour protéger la dure-mère. On doit se rappeler que l'espace opératoire
nécessaire est obtenu en grande partie en supprimant cet os. On doit, dans
certains cas, supprimer la dernière pellicule osseuse pour pouvoir soulever la
dure-mère.

Après les avoir individualisés dans la fosse ptérygomaxillaire puis dans les
canaux osseux de la base du crâne, l'artère méningée moyenne puis le nerf
mandibulaire sont coagulés et sectionnés. Ce geste permet à la fois de
supprimer ces deux obstacles barrant l'accès des régions profondes et d'abaisser
davantage le condyle pour gagner de l'espace. Un écarteur, placé en avant,
permet de voir la base du processus ptérygoïde.

Immédiatement en dedans, la trompe d'Eustache osseuse puis cartilagineuse


forme un excellent repère. Elle est ouverte jusqu'à l'isthme permettant de suivre
la partie horizontale de la carotide interne jusqu'au trou déchiré (antérieur),
après avoir enlevé le muscle du marteau.

Exérèse tumorale

Les indications habituelles de la voie infratemporale B sont les cholestéatomes


de l'apex pétreux, les chondrosarcomes et les chordomes.

Ces tumeurs saignent peu, mais peuvent adhérer très fermement à la dure-mère,
aux vaisseaux, aux nerfs et présenter des extensions intraosseuses à distance de
la masse principale.

Pour réaliser une exérèse totale, il est généralement nécessaire de détruire la


cochlée et la portion inférieure du labyrinthe postérieur. La suppression de la
cochlée améliore en effet le jour que l'on a en dedans de la carotide interne. Il
est ainsi possible de libérer totalement le canal carotidien et de repousser la
carotide interne vers l'avant ou légèrement vers l'extérieur. L'artère
caroticotympanique est coagulée à quelque distance de la paroi carotidienne.

En poussant légèrement la carotide interne vers l'arrière, on peut également


identifier tout l'espace situé en avant d'elle en fraisant à la demande, à la fraise
diamantée, toute la partie du clivus qu'il est nécessaire d'enlever pour maîtriser
l'extension tumorale.

La bascule délicate de la carotide interne, tantôt vers l'avant tantôt vers l'arrière,
permet d'accéder à sa face interne afin d'en détacher les débris tumoraux.

En descendant le fraisage du clivus, il faut veiller à identifier le canal condylien


antérieur contenant le nerf hypoglosse. Il faut aussi tarir, par de la poudre d'os
et de la cire de Horsley, le saignement venant du sinus pétreux inférieur qui suit
la fissure pétro-occipitale. Le Surgicel® peut être nécessaire.

S'il s'agit d'un chordome, il est particulièrement nécessaire de fraiser au-delà de


la tumeur qui comporte de très nombreuses expansions digitiformes. En haut et
en arrière, sous la carotide, il peut être nécessaire d'utiliser un miroir
rhinopharyngien no0 ou 00 afin d'identifier les résidus tumoraux. On peut aussi
utiliser une optique endoscopique. Pour gagner du jour sur la totalité du clivus,
il peut être nécessaire de réséquer le condyle mandibulaire. Pour gagner du jour
sur le sinus sphénoïdal, il faut supprimer le processus ptérygoïde et faire ainsi
une voie de type C. Dans ce cas, on a intérêt à utiliser de la graisse abdominale
pour améliorer la fermeture ; les caractères de densité de la graisse en imagerie
par résonance magnétique permettent de la différencier d'une récidive
éventuelle du chordome.

Une des difficultés habituelles de l'exérèse de ces tumeurs, en particulier le


cholestéatome, est de détacher complètement les fragments tumoraux de la
dure-mère. Un plan de clivage est recherché à l'aide de cotonoïdes tandis qu'un
dissecteur mousse assez fin (type bistouri de Plester) agit en surface de la dure-
mère. Lorsque le plan de clivage devient impossible à suivre, il faut saisir la
matrice tumorale à l'aide d'une micropince cupule et la tirer dans le plan de
clivage pour la détacher. Si l'amincissement de la dure-mère est considérable,
jusqu'à provoquer quelques fuites de liquide céphalorachidien, ceci n'a aucune
importance étant donné la technique de fermeture. En revanche, il faut
préserver naturellement les vaisseaux et le tissu nerveux sous-jacent.

Le cholestéatome a tendance à glisser entre l'os et la dure-mère. Il faut donc


fraiser à la fraise diamantée tous les rebords osseux entourant une dure-mère
dénudée par le cholestéatome. Dans les cas les plus étendus, il faut veiller à la
carotide interne opposée qui a pu être dénudée par la tumeur au niveau de la
paroi du sinus sphénoïdal.

Conduite à tenir vis-à-vis du nerf facial

En principe, la voie infratemporale B a été imaginée pour des lésions


antérieures par rapport au nerf facial et celui-ci n'a pas à être déplacé. En fait,
certaines propagations tumorales postérieures (cholestéatome intrapétreux...)
peuvent nécessiter des techniques particulières au niveau du nerf facial.

La plus modeste est un abord intersinusofacial sous-labyrinthique, ou


translabyrinthique si la fonction labyrinthique a été détruite. Le nerf facial reste
en place dans un tubule osseux extrêmement fin, ce qui préserve totalement sa
fonction.

Dans d'autres cas, un déroutement partiel est nécessaire comme dans une voie
infratemporale A lorsque l'extension tumorale file en dedans du nerf facial
jusqu'au contact du golfe et du sinus sigmoïde. La deuxième et la troisième
portions du nerf facial sont transposées en avant.

Si les lésions dépassent vers le haut le plan du conduit auditif interne et de la


première portion labyrinthique du nerf facial, un déroutement complet doit être
envisagé tel que W House l'avait décrit dans les voies transcochléaires (fig 17).
Il faut savoir que si le déroutement partiel est compatible avec une préservation
subtotale de la fonction du nerf facial, son déroutement total s'accompagne
toujours d'une paralysie totale postopératoire et donc de séquelles notables lors
de la récupération.

Pour la chirurgie de certains chordomes particulièrement massifs, comportant


une extension inférieure pouvant atteindre la deuxième vertèbre cervicale, Fisch
n'hésite pas à recommander la section du facial à la partie moyenne de sa
troisième portion. Le coude et la deuxième portion du facial sont placés en
transposition antérieure et réunis à la partie sectionnée par une greffe de nerf
sural de 2 cm de long. L'ensemble est recouvert par un lambeau de muscle
temporal soigneusement suturé. On gagne ainsi un jour considérable pour les
tumeurs les plus volumineuses au prix d'une paralysie faciale postopératoire
suivie d'une récupération (grade III au mieux) apparaissant cliniquement à
partir du quatrième ou sixième mois.

Particularités de la fermeture

La trompe d'Eustache cartilagineuse est fermée par une suture résorbable


transfixiante. L'arche zygomatique est fixée en place au fil d'acier grâce aux
orifices percés au début de l'intervention. La cavité est remplie de graisse
abdominale. Nous replaçons le muscle temporal dans sa situation anatomique.
La peau est fermée en trois plans sans drainage.

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VOIE TRANSCOCHLÉ AIRE

Cette voie d'abord a été décrite par W House en 1976. Elle était conçue comme
une voie translabyrinthique élargie par un déroutement total du nerf facial pour
aborder les lésions prépontiques. Actuellement, cette voie est combinée à une
exclusion de l'oreille moyenne pour donner plus de jour. Elle permet l'abord du
clivus et peut être étendue dans toutes les directions.

Elle permet aussi l'exérèse de vastes lésions intrapétreuses au prix du


déroutement total postérieur du nerf facial (fig 18).

Les canaux semi-circulaires sont enlevés et le conduit auditif interne est


corticalisé en exposant en haut tout le sinus pétreux supérieur et en bas le golfe
de la jugulaire jusqu'à l'aqueduc cochléaire.

Le temps essentiel est le déroutement total du nerf facial en arrière. Le nerf


facial est d'abord préparé en ne laissant qu'une fine pellicule osseuse sur toute la
moitié externe de l'aqueduc de Fallope. Cette pellicule osseuse est enlevée puis
le nerf facial est soigneusement décollé du trou stylomastoïdien au conduit
auditif interne après avoir coupé le nerf pétreux superficiel pour pouvoir
récliner en arrière le ganglion géniculé.

Le canal de Fallope, le muscle de l'étrier et la totalité de la cochlée sont alors


enlevés exposant l'artère carotide interne (fig 19).

L'exérèse peut ainsi atteindre la pointe du rocher et déborder sur le clivus. Si la


dure-mère doit être amputée, elle peut l'être entre en haut le sinus pétreux
supérieur, en avant l'artère carotide interne, en bas le golfe de la jugulaire, en
arrière le sinus latéral : on a une excellente vue sur la région prépontique et
l'angle pontocérébelleux.
Après avoir fini l'ablation de la tumeur et assuré une hémostase parfaite, des
bandelettes de graisse abdominale sont utilisées pour combler la voie d'abord et
former un lit pour le nerf facial.

Les tissus de couverture sont fermés en trois plans.

Si le nerf facial est pris dans la tumeur, il peut être sectionné. Une anastomose
terminoterminale ou une greffe du grand nerf auriculaire permet de reconstituer
son trajet.

L'inconvénient de cette technique est une paralysie faciale temporaire laissant


obligatoirement des séquelles, au mieux un grade III.

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PÉ TRECTOMIES

Les pétrectomies cherchent à réaliser l'exérèse de lésions malignes. Elles


peuvent s'adresser à des lésions de la parotide envahissant la région
rétromandibulaire étendues au tympanal ou même à la fosse mandibulaire. Ces
interventions s'adressent surtout aux cancers du conduit auditif externe et de
l'oreille moyenne.

Trois types d'interventions méritent d'être étudiés :

 les pétrectomies externes, destinées à l'exérèse des cancers du conduit


auditif externe, ont déjà été définies par Fowler et Conley ; on les
appelle aussi assez improprement pétrectomies subtotales ;
 les pétrectomies subtotales, enlevant tout l'os temporal sauf la carotide
et l'apex pétreux, ont été mises au point et utilisées par Campbell
(1951), Parsons (1954) et Lewis (1966) ; elles sont volontiers appelées
improprement pétrectomies totales ;
 enfin les pétrectomies totales, emportant la carotide interne
intrapétreuse, après occlusion de la carotide interne intracaverneuse
grâce à la mise en place de ballonnets, ont été introduites par Graham
(1984) et appliquées par Panje (1987) aux cancers du nasopharynx ; ces
interventions très massives sont volontiers appelées pétrectomies
élargies.

Toutes ces interventions nécessitent des examens extemporanés pour


différencier le tissu inflammatoire du tissu tumoral et identifier les propagations
inattendues nécessitant le sacrifice du nerf facial et de l'oreille interne, et le
passage d'une pétrectomie externe à une pétrectomie subtotale par exemple. En
effet, les interventions incomplètes aboutissent constamment à des catastrophes.
L'association radiochirurgicale est incapable de détruire un reliquat tumoral
macroscopique. L'étendue de l'exérèse doit être prévue avant l'intervention et
corrigée pendant l'intervention grâce aux examens histologiques extemporanés.

Pétrectomies externes
Ces interventions s'adressent aux cancers du conduit auditif externe et
emportent en bloc le conduit, l'articulation temporomandibulaire, le lobe
externe de la parotide. Elles s'accompagnent d'un curage cervical en monobloc.

 La classique incision en Y est prolongée vers le bas par une incision de


curage en L par exemple. Le conduit auditif externe est circonscrit au
niveau de la conque et du tragus (fig 20).
o Par la branche antérieure de l'Y, on prépare le tronc parotidien
du nerf facial et on enlève le lobe externe de la parotide.
o Par la branche postérieure, les plans cutanés sont disséqués, le
conduit est sectionné à distance de la tumeur (dans certains cas
la peau doit être sacrifiée en partie ou en totalité et un lambeau
myocutané peut être nécessaire).
 Une large mastoïdectomie est réalisée. Le sterno-cléido-mastoïdien est
séparé de la pointe mastoïdienne qui est supprimée. Après avoir séparé
l'articulation incudostapédienne, une large tympanotomie postérieure est
effectuée. Elle est poursuivie au niveau de l'hypotympanum en passant
en dehors du golfe de la jugulaire interne puis de la carotide interne (fig
21).
 L'atticotomie est poursuivie vers l'avant en tournant autour de
l'articulation temporomandibulaire et en sectionnant l'apophyse
transverse du zygoma. Les deux sections supérieure et inférieure se
rejoignent au niveau du protympanum en enlevant le tympanal
recouvrant la trompe d'Eustache osseuse.
 Le col du condyle mandibulaire est réséqué et la pièce est enlevée en
bloc. Il est souvent nécessaire de fracturer en avant la paroi antérieure
du tympanal.
 Les régularisations osseuses nécessaires sont effectuées et le curage
cervical est pratiqué.
 En fin d'intervention, une exclusion de l'oreille moyenne est pratiquée
comme dans une voie infratemporale (obstruction de la trompe
d'Eustache, comblement par le muscle temporal ou mieux par de la
graisse abdominale).

Pétrectomies subtotales

La pétrectomie subtotale est volontiers improprement appelée pétrectomie


totale alors qu'elle laisse en place l'apex pétreux. Elle doit comporter l'exérèse
en bloc du lobe superficiel de la parotide, de l'articulation
temporomandibulaire, et surtout de la subtotalité de l'os temporal emportant le
facial, le sinus latéral et bien souvent une partie de la dure-mère. La grande
difficulté de cette intervention est de prévoir jusqu'où peut mener l'extension
tumorale, en particulier au niveau de la carotide interne, au niveau de la dure-
mère, au niveau du sinus latéral (en comprenant le sinus transverse, l'angle
sinusodural et le golfe de la jugulaire interne) et enfin les nerfs mixtes et le nerf
hypoglosse. Il s'agit donc d'une intervention difficile, même si la microchirurgie
et l'usage des fraises et des ballonnets en a facilité la réalisation.

- La technique adoptée par Lewis constitue la référence habituelle.

L'incision cutanée est là encore une incision en Y dont la branche verticale peut
être prolongée le long du sterno-cléido-mastoïdien pour former une incision en
L et permettre un curage. Le conduit auditif externe est circonscrit plus ou
moins largement.

Une incision traverse la parotide ou, mieux, sectionne les branches du nerf
facial au-delà de la parotide. Le muscle temporal est incisé de façon
circonférentielle à distance de la tumeur. Le zygoma est sectionné ainsi que le
condyle. Le muscle sterno-cléido-mastoïdien et le ventre postérieur du
digastrique sont sectionnés. L'apophyse styloïde est sectionnée.

Une craniotomie temporale circonférentielle est pratiquée autour du bloc


pétreux exposant la dure-mère et le sinus latéral.

Après avoir évacué du liquide céphalorachidien, la dure-mère et le sinus latéral


sont théoriquement détachés de la pyramide pétreuse. Cet aspect de la technique
est totalement théorique car dans l'immense majorité des cas la dure-mère et
une partie notable du sinus latéral sont adhérentes à la tumeur. Aussi Lewis
indique que, si la dure-mère est intéressée, elle est libérée de la pyramide
pétreuse à l'aide du bistouri électrique, puis réséquée en fin d'intervention et
remplacée par du fascia. Si le sinus est intéressé il peut être nécessaire de le lier
comme dans la voie infratemporale A, puis de le réséquer.

A l'aide de la fraise, ou d'une scie Stryker, le plancher de la fosse cérébrale


moyenne est sectionné jusqu'à la région située en dedans de l'articulation
temporomandibulaire. Pour ce faire il est sage d'identifier le segment horizontal
de la carotide interne en fraisant dans le plan du grand nerf pétreux.

Selon Lewis, la pyramide pétreuse est détachée à la scie puis aux ciseaux
frappés au ras de la portion verticale de la carotide interne. En fait c'est à la
fraise que ce geste est le plus facilement conduit, en repérant la face externe de
la carotide interne et en allant en arrière en direction du conduit auditif interne
puis du golfe de la jugulaire interne. Malgré la ligature du sinus latéral et celle
de la jugulaire interne, le saignement est en général massif à partir du sinus
pétreux inférieur qui doit être fermé avec du Surgicel® dès que le bloc osseux a
été enlevé.

La fermeture est assurée en principe par une greffe dermoépidermique.

- Actuellement les modifications suivantes peuvent être apportées à cette


intervention.

L'incision peut être rétroauriculaire et poursuivie vers le haut et le bas pour


éviter les nécroses produites par l'incision en Y. Si une résection cutanée est
nécessaire, un lambeau myocutané de grand dorsal est utilisé pédiculé ou
microanastomosé.

Une résection parotidienne totale est effectuée en repérant la branche supérieure


et la branche inférieure du nerf facial (fig 22).

Une mastoïdectomie postérieure est effectuée pour disséquer la dure-mère


postérieure du rocher et le sinus latéral. Si le sinus est envahi, il est ligaturé au-
dessus de la zone envahie. Si l'angle entre le sinus latéral et le sinus transverse
est envahi, l'obstruction du sinus transverse peut être assurée par une sonde de
Fogarty. On peut également, après avoir lié la jugulaire interne pour éviter une
embolie, ouvrir le sinus et introduire un gros fragment de tissu musculaire libre
pour boucher le sinus transverse. Ce fragment est suturé. La dure-mère est
ensuite décollée jusqu'au conduit auditif interne.
Après avoir fait une craniotomie supérieure péripétreuse comme le
recommande Lewis, la section supérieure est faite à la fraise en dehors du plan
carotidien jusqu'au conduit auditif interne en arrière et à travers la trompe
d'Eustache osseuse en avant, en passant en avant de la carotide interne. L'arche
zygomatique est sectionnée en avant de l'articulation temporomandibulaire et la
résection rejoint le flanc externe de la carotide interne précédemment identifié.

Le golfe de la jugulaire interne est ouvert par derrière, le sinus pétreux inférieur
et les veines condyliennes sont bouchés et l'os résiduel, entre le canal carotidien
et le golfe, est sectionné. Le bloc pétreux est enlevé.

Si la lésion file en avant dans la fosse infratemporale, il peut être nécessaire de


réséquer l'artère méningée moyenne, la branche mandibulaire du trijumeau et le
processus ptérygoïde. Des biopsies extemporanées et l'ablation du tissu mou
situé à ce niveau sont de toute façon nécessaires.

Il n'est pas très long de greffer au moins le facial supérieur à l'aide d'une
branche du plexus auriculaire superficiel, suturée et collée au bout proximal de
la première portion du nerf facial.

La fermeture est assurée par exclusion de la trompe d'Eustache cartilagineuse


qui est suturée. Les résections dure-mériennes et sinusiennes, habituellement
nécessaires, sont compensées par un apport de fascia lata. La cavité est comblée
par de la graisse abdominale. Si une résection cutanée importante a été faite, il
est nécessaire d'apporter un lambeau myocutané après avoir fait le curage
cervical. Si l'on redoute une fuite de liquide céphalorachidien du fait de
résections dure-mériennes assez étendues et/ou de résections cutanées notables,
il vaut mieux placer un drainage lombaire.

Pétrectomie totale (ou pétrectomie étendue) avec sacrifice de la carotide


interne [20]

Il s'agit d'une intervention majeure qui malheureusement risque là encore d'être


insuffisante si l'exérèse est incomplète. Néanmoins l'exérèse de la carotide
interne accroît la marge de sécurité car la présence du coude de la carotide
interne dans l'angle antéro-inférieur de la caisse rend cette artère très vulnérable
à toute extension tumorale de l'hypo- et du protympanum. Toute extension
épithéliomateuse au niveau de la trompe d'Eustache osseuse nécessite donc le
sacrifice de la carotide interne si l'état du malade le permet.

L'extension locale doit donc être très soigneusement évaluée par l'imagerie
actuelle. L'état général et psychologique du patient doit être analysé avec
prudence. La dernière étape est une évaluation de la perméabilité de la
communicante antérieure à l'aide du doppler transcrânien, et la vérification de
la présence de deux sinus sigmoïdes.

Une fois la décision prise, certains (Panje) conseillent une exploration


neurochirurgicale de la fosse cérébrale postérieure pour juger si l'extension à
travers la dure-mère ne contre-indique pas l'intervention. Des biopsies peuvent
être faites. Les nerfs vague, facial et acoustique peuvent être sectionnés. Dans la
même intervention, le sinus transverse est bouché par une sonde de Fogarty (fig
23).

La deuxième étape est l'occlusion de la carotide interne 7 jours plus tard,


préparée par une augmentation de la masse sanguine par des macromolécules.
Une angiographie est alors pratiquée sous sédation, d'abord au niveau de l'artère
carotide interne controlatérale avec compression manuelle de l'artère carotide
interne ipsilatérale. Une sonde à double canal permet alors d'introduire un
ballonnet temporaire, tandis que du sérum hépariné est introduit dans le
segment distal et proximal de la carotide interne. Le patient est surveillé par une
conversation continue et un enregistrement électroencéphalographique. Si le
ballonnet est bien toléré, un ballonnet largable est placé dans l'artère carotide
interne intracaverneuse au-dessous de l'origine de l'artère ophtalmique. Un
deuxième ballon de sécurité est introduit au niveau du trou carotidien. L'exérèse
chirurgicale est pratiquée au moins 4 jours après l'occlusion de la carotide
interne. Elle comprend les mêmes temps que l'intervention précédente avec
résection de la parotide, du condyle mandibulaire, ligature de la carotide interne
et de la jugulaire interne dans le cou, repérage des nerfs mixtes et hypoglosse.

Le fraisage de la mastoïde et de l'occipital en arrière du sinus latéral (Graham)


permet d'exposer la dure-mère rétrosinusienne. Le fraisage de l'écaille
temporale expose la dure-mère temporale. La jonction du sinus latéral avec le
sinus transverse et le sinus pétreux supérieur est libérée et le sinus pétreux
supérieur est clipé. Le fraisage se poursuit en avant pour atteindre l'apex
pétreux.

Après avoir obtenu un affaissement du cerveau par une injection de mannitol, la


dure-mère temporale et occipitale est incisée. Le sinus pétreux supérieur et le
sinus pétreux inférieur sont coagulés. La tente du cervelet est détachée du bord
supérieur du rocher. Les sinus pétreux supérieur et inférieur sont coagulés
lorsqu'ils sortent du sinus caverneux. La suture pétro-occipitale est sectionnée
au ciseau frappé ou fraisée. La section de la carotide interne est pratiquée au
niveau du trou déchiré antérieur.

La fermeture est assurée par du fascia lata pour reconstruire l'amputation dure-
mérienne, puis de la graisse abdominale associée le plus souvent à un lambeau
de voisinage ou myocutané. Un drainage lombaire et une trachéotomie sont
généralement indispensables.

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© 1996 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés


Fig 1 :

Fig 1 :

Repères anatomiques de la voie sus-pétreuse. De gauche à droite : 1. nerf facial


; 2. nerfs pétreux superficiels ; 3. cochlée ; 4. canal semi-circulaire latéral ; 5.
canal semi-circulaire supérieur ; 6. éminence arquée.

Fig 2 :
Fig 2 :

A. Voie sus-pétreuse, incision (racine du zygoma et craniotomie en pointillés).

B. Voie sus-pétreuse classique pour enlever un neurinome intracanalaire, avec


de droite à gauche le repérage de l'os compact du canal semi-circulaire supérieur
en fraisant les cellules du toit de l'antre, la ligne bleue du canal semi-circulaire
supérieur au niveau du versant supéroexterne du canal. La direction du canal
semi-circulaire supérieur est perpendiculaire à la crête pétreuse. L'os a été
enlevé d'une part entre le canal et le conduit, d'autre part en dedans de la
cochlée. La dure-mère postérieure a été dénudée et le bord supérieur du rocher
supprimé dans l'aire méatale. Le ganglion géniculé et la première portion du
facial ont été identifiés.

Fig 3 :
Fig 3 :

Voie sus-pétreuse élargie selon Wigand.

L'artère méningée moyenne a été sectionnée après avoir été coagulée.

Le fraisage est poursuivi en arrière et en dedans de la portion horizontale du


canal carotidien et débute immédiatement en dedans de la cochlée.

La dure-mère de la face postérieure du rocher est largement exposée et le sinus


pétreux est sectionné après avoir été coagulé. En arrière du conduit auditif
interne, l'os est supprimé jusqu'à l'aplomb du canal semi-circulaire supérieur.

1. Nerf pétreux superficiel ; 2. artère méningée moyenne ; 3. artère carotide


interne dégagée par fraisage ; 4. os fraisé ; 5. sinus pétreux supérieur ; 6. artère
cérébelleuse antéro-inférieure ; 7. nerf facial ; 8. tumeur.

Fig 4 :
Fig 4 :

Méningiome né de la face postérieure de l'apex pétreux : abord sus-pétreux


élargi.

Atteinte du rameau frontal du facial, aggravation auditive de 50 à 80 dB, parésie


de l'oculomoteur et de l'abducens nécessitant une intervention correctrice.

Fig 5 :
Fig 5 :

Voie translabyrinthique.

A. Incision sus- et rétroauriculaire à 3 cm en arrière du sillon.

B. Large mastoïdectomie, dénudation du sinus latéral et de la dure-mère,


repérage des canaux semi-circulaires et du nerf facial, repérage de l'enclume qui
est enlevée.

C. Ouverture des trois canaux semi-circulaires laissant en avant la paroi


antérieure et interne de l'ampoule du canal semi-circulaire supérieur pour baliser
le nerf vestibulaire supérieur. Corticalisation du coude du nerf facial. Ouverture
complète du vestibule. Corticalisation du golfe de la jugulaire interne.

D. Les contreforts supérieur et inférieur du conduit auditif interne sont


supprimés en poussant d'autant plus loin la suppression du contrefort supérieur
vers l'avant que le neurinome est plus volumineux. En supprimant le contrefort
inférieur, on tombe sur l'aqueduc cochléaire dont on respecte la partie basse
(glossopharyngien).

La dure-mère est ouverte au milieu de la face postérieure du conduit auditif


interne puis le long du sinus pétreux supérieur pour passer en arrière du porus et
suivre le golfe en bas.

E. Le neurinome est visible avec, en haut le trijumeau, en bas le


glossopharyngien et la PICA (artère cérébelleuse postéro-inférieure).

F. Fermeture de la voie d'abord par du muscle dans l'attique et la caisse et des


bandelettes de graisse abdominale dans la voie translabyrinthique. Les
bandelettes débordent entre facial et sinus latéral sans remplir l'angle. Elles sont
maintenues par quatre plans : le premier plan doit amarrer soigneusement le
périoste antérieur au périoste postérieur pour éviter la sortie du bouchon
graisseux poussé par la pression du liquide céphalorachidien.
Fig 6 :

Fig 6 :

Voie transotique. L'oreille moyenne est exclue. Les portions tympaniques et


mastoïdiennes du facial sont squelettisées. L'oreille interne est ensuite
supprimée.

Fig 7 :
Fig 7 :

Neurinome de l'acoustique envahissant le conduit auditif interne, le labyrinthe et


l'oreille moyenne. Indication de voie transotique.

Fig 8 :
Fig 8 :

A. Voie intersinusofaciale sous-labyrinthique ou voie rétrofaciale. Entre le sinus


latéral et le golfe en arrière et en bas, le facial en avant (laissé dans un tube
osseux) et le canal semi-circulaire postérieur en haut. En avant du nerf facial,
tympanotomie postérieure étendue. Cette technique convient à l'exérèse d'un
cholestéatome.

B. Voie rétrofaciale et transjugulaire selon Glasscock.

Le nerf facial reste en place mais est totalement disséqué au niveau de la région
rétroparotidienne. Sa troisième portion reste dans l'aqueduc de Fallope réduit à
un tube osseux. La paroi externe du golfe de la jugulaire interne est supprimée à
la partie haute de la jugulaire interne incisée. On voit tous les éléments de la
partie haute du cou. La troisième portion du facial peut être déroutée. Le
conduit auditif externe et l'oreille moyenne sont conservés.

C. Même voie en supprimant le conduit osseux et en comblant l'oreille


moyenne. Son seul intérêt est d'éviter le déroulement du nerf facial.

Fig 9 :

Fig 9 :

Voie rétrolabyrinthique.

A. Mastoïdectomie totale isolant les canaux, surtout latéral et postérieur, et la


troisième portion du nerf facial. Dénudation du sinus latéral et de la dure-mère
rétrosinusienne sur 1 cm. Dénudation de la dure-mère présinusienne. Incision de
la dure-mère en avant du sinus latéral, sectionnant en avant le sac
endolymphatique.

B. Après ouverture de la citerne latérale, on voit le paquet acousticofacial.

Fig 10 :

Fig 10 :
Voie infracochléaire.

A. Par voie rétroauriculaire, transsection du conduit auditif externe permettant


de rabattre le pavillon de l'oreille en avant. Décollement d'un lambeau
tympanoméatal inférieur.

B. Le lambeau tympanoméatal inférieur est drapé sur le manche du marteau.


élargissement de la partie antérieure et inférieure du conduit auditif externe pour
exposer l'hypotympanum. La corde est suivie vers l'arrière pour estimer la
position du nerf facial dont le monitoring est indispensable.

C. Fraisage de l'hypotympanum en repérant la carotide interne en avant et le


golfe en arrière et en se tenant à distance suffisante du tour de spire basal de la
cochlée, en principe repéré par le bord inférieur de la fenêtre ronde. Ouverture
de l'orifice de drainage.

Fig 11 :

Fig 11 :

Voie rétrosigmoïde.

A. Incision en crosse de hockey.

Sa branche verticale débute au niveau du croisement de la ligne horizontale


tangente au bord supérieur du conduit auditif externe et de la ligne verticale
suivant le bord postérieur de la mastoïde. Elle s'arrête en bas à un ou deux
travers de doigt en arrière de la pointe mastoïdienne. Sa portion oblique est
tracée sur 2 cm, vers l'avant et le haut, dans la bissectrice de cet angle.
B. Rugination au contact de l'os de la surface mastoïdienne et de la zone
comprise entre les lignes nuquales supérieure et inférieure. Coagulation et
oblitération de la veine émissaire mastoïdienne. Fraisage d'une craniotomie de
2,5 cm à 3 cm de diamètre atteignant en avant le sinus latéral et en haut le sinus
transverse. La berge antérieure mastoïdienne est aplanie et les cellules que l'on
ouvre sont comblées à la cire de Horsley.

Incision de la dure-mère en « X » couché délimitant quatre lambeaux dont le


lambeau antérieur pédiculé sur la face postérieure du sinus latéral est maintenu
par un fil de traction permettant d'obtenir une vue maximale vers l'avant. Le
lambeau supérieur pédiculé sur le sinus transverse tombe de lui-même dans la
cavité, de même que le lambeau inférieur tandis que le lambeau postérieur
protège la surface du cervelet.

C. Un petit écarteur de Clovis-Vincent permet d'accéder à la citerne latérale qui


est ouverte au microcrochet. Le liquide céphalorachidien s'échappe et l'angle
pontocérébelleux apparaît.

Fig 12 :

Fig 12 :

Voies infratemporales - procédures communes.

A. Incision cutanée. La partie supérieure de l'incision ne sert qu'à préparer un


lambeau de muscle temporal. Sa partie inférieure permet de contrôler les
vaisseaux du cou.

B. Section du conduit auditif externe et fermeture du conduit auditif externe


doublé à sa face profonde par un lambeau fibromusculaire. Préparation du tronc
rétroparotidien du nerf facial et de sa bifurcation intraparotidienne.

C. Voie A. Repérage et préparation du nerf facial rétro- et intraparotidien et des


vaisseaux du cou.

Taille de la cavité et suppression du conduit du tympan et des osselets.

Fig 13 :

Fig 13 :

Voie A.

A. Transposition antérieure du nerf facial.

B. Abord et ligature du sinus latéral. Abord et libération de la carotide interne.

C. Lit d'exérèse de la tumeur. Le glossopharyngien a été sectionné. La paroi


externe du golfe et de la jugulaire interne ont été supprimés laissant la paroi
interne. Le vague, l'accessoire et l'hypoglosse ont été conservés.

Fig 14 :

Fig 14 :

Tumeur du glomus jugulaire classe C3 De2 (A, B) enlevée en 1987 par une voie
infratemporale type A : facial grade II, surdité totale, pas de troubles de la
déglutition. Contrôle 1990 © : absence de récidive.

Fig 15 :

Fig 15 :

Rapports des nerfs mixtes au niveau du trou déchiré postérieur. Les nerfs mixtes
apparaissent coudés comme sur un chevalet entre leur origine au niveau du
tronc cérébral et leur trajet cervical.

A. 1. nerf accessoire ; 2. nerf vague ; 3. nerf facial ; 4. nerf glossopharyngien ;


5. nerf hypoglosse.

B. 1 nerf glossopharyngien ; 2. nerf facial ; 3. nerf hypoglosse ; 4. nerf


accessoire ; 5. nerf vague.

Fig 16 :
Fig 16 :

Voie B.

A. Caractères particuliers de l'incision.

B. Dissection de l'arche zygomatique. Le périoste de l'arche zygomatique est


incisé puis disséqué et refoulé vers le bas avec la branche frontale du nerf facial.
Deux orifices de fixation sont percés en avant, avant de sectionner le zygoma.

C. Section de l'arche zygomatique et bascule inférieure du muscle temporal.

D. Aspect final. L'oreille moyenne a été supprimée, le facial identifié sur ses
deuxième et troisième portions, de même que le golfe de la jugulaire interne et
la carotide interne.

L'écarteur refoule vers le bas le condyle mandibulaire. La cavité glénoïde et le


maximum d'os ont été enlevés à la base de la fosse cérébrale moyenne. L'artère
méningée moyenne et le nerf mandibulaire ont été sectionnés.

Fig 17 :
Fig 17 :

Cholestéatome de l'apex pétreux et du clivus ; récidive après voie sus-pétreuse :


abord infratemporal type B. Absence de récidive, fonction faciale normale,
conduction osseuse conservée.

Fig 18 :

Fig 18 :

Voie transcochléaire.

A. Dans sa description initiale, cette voie passait en arrière du conduit comme


une voie translabyrinthique. Dans la conception actuelle, la voie transcochléaire
comporte le sacrifice de l'oreille moyenne et son exclusion comme une voie
infratemporale.

B. Le nerf facial est dérouté en arrière après section des nerfs pétreux, le jour est
très large sur la totalité de l'angle pontocérébelleux et les structures de la ligne
médiane (tronc basilaire et différents nerfs crâniens).

Fig 19 :

Fig 19 :

Chondrosarcome de l'apex pétreux, du clivus et de la fosse postérieure (A).


Abord transcochléaire et cobaltothérapie. Facial grade III. Guérison maintenue
après 5 ans. Contrôle (B).

Fig 20 :

Fig 20 :

Pétrectomie. Classique incision en Y prolongée par une incision de curage en L.


Fig 21 :

Fig 21 :

Pétrectomie externe.

Elle emporte en bloc le conduit auditif externe, l'articulation


temporomandibulaire, le tympan avec le marteau et l'enclume, enfin le lobe
superficiel de la parotide.

Fig 22 :
Fig 22 :

Pétrectomie subtotale selon Lewis modifiée. La résection emporte tout le rocher


sauf la pointe et la carotide ; le facial est bien entendu sacrifié. Le sinus latéral a
été lié.

Fig 23 :
Fig 23 :

Pétrectomie totale selon Graham. La totalité du temporal a été réséquée.


Chirurgie de l'agénésie de l'oreille externe et moyenne

Techniques chirurgicales - Tête et cou [46-090] (1996)

Y Manach : Professeur des Universités, praticien hospitalier


Service ORL, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015
Paris France

© 1996 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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RECONSTRUCTION DE LA MICROTIE

La technique de Brent utilisant une armature de cartilage costal autogène et


permettant la reconstruction d'une microtie en quatre temps chirurgicaux
(précédemment décrite dans l'Encyclopédie médico-chirurgicale, Techniques
chirurgicales - Tête et Cou, 46-090, 1993), vient d'être substantiellement
améliorée par Nagata [1] qui utilise le même type de matériel cartilagineux
pour la charpente du néopavillon mais ne demande que deux temps
chirurgicaux avec un résultat plastique légèrement supérieur. Nous présentons
ces progrès.

Premier temps chirurgical : confection et mise en place de la charpente

Le prélèvement de cartilage costal est au mieux réalisé en ipsilatéral à l'oreille


à reconstruire pour bénéficier de l'extrémité médiale de la côte flottante bien
adaptée à la confection de la racine de l'hélix.

Le prélèvement cartilagineux intéresse un fragment important de synchondrose


costale puisqu'elle fournit non seulement le plateau de l'armature mais
également le tragus, les reliefs antéhélicéens et le fragment de cartilage, qui
laissé en nourrice sous la peau de la thoracotomie lors de ce premier temps
chirurgical, servira lors du deuxième temps à l'élévation du pavillon (fig 1).

La taille des fragments cartilagineux et leur suture métallique doit permettre


d'obtenir une charpente offrant l'ensemble des reliefs d'un pavillon normal (fig
2).

L'incision de la région auriculaire, dite en « W » (fig 3) permet la transposition


lobulaire et l'exérèse des reliquats cartilagineux gênants. Son extrémité
antérieure comprend une exérèse cutanée en pastille de 2 mm de diamètre qui
correspond au bord périphérique de l'échancrure intertragienne.

La création de la logette sous-cutanée dans laquelle sera mise en place la


charpente (fig 4) doit préserver un pédicule nourricier profond à l'extrémité
inférieure du lambeau cutané supérieur. Ce pédicule correspond au cavum de
la conque.

La suture bord à bord des berges de l'angle ouvert vers le bas de l'incision en
W, au niveau du lambeau supérieur, assure l'échancrure intertragienne.

- Remarques

 Les souffrances du plan de recouvrement cutané sont prévenues par le


respect du pédicule nourricier sus-décrit. Malgré ce pédicule, il faut
veiller à ce que l'extrémité antéro-inférieure du lambeau supérieur ne
dépasse pas vers l'avant le bord libre du tragus ; la face latérale de ce
dernier doit donc être recouverte par la peau du plan jugal.
 Un éventuel excédent cutané, correspondant au recouvrement cutané
des reliquats cartilagineux embryonnaires et se situant habituellement à
proximité de la fosse triangulaire du nouveau pavillon, peut nécessiter
un geste chirurgical complémentaire d'exérèse, parfois réalisable sous
simple anesthésie locale.

Deuxième temps chirurgical : élévation du néopavillon

Il est réalisé à partir de 3 mois après le premier temps chirurgical.

Par rapport à la technique de Brent, il utilise une cale cartilagineuse


rétroauriculaire pour élever le pavillon, ce greffon cartilagineux étant recouvert
d'un lambeau galéal (fig 5).

L'incision cutanée comprend donc une incision circonscrivant à 3-4 mm de


distance le relief du néopavillon, de la racine de l'hélix à la région sous-
lobulaire, ainsi qu'une incision du scalp en Z à la verticale du néopavillon pour
l'autonomisation du lambeau galéal.

La cale cartilagineuse laissée en nourrice sous la peau du thorax est prélevée,


taillée en forme semi-lunaire dans son axe longitudinal et en forme
trapézoïdale dans son axe transversal. Elle doit avoir 10 à 12 mm d'épaisseur
au niveau de son bord périphérique. Elle est fixée au plan mastoïdien en regard
de la face postérieure de l'anthélix.

Le lambeau galéal vient recouvrir la face postérieure du néopavillon et la cale


cartilagineuse.

Le scalp est avancé jusque dans le fond du sillon rétroauriculaire.

Une greffe de peau totale, habituellement prélevée dans la région inguinale


vient recouvrir le plan cruanté du lambeau galéal. Le pansement est effectué
par des bourdonnets.

- Remarque
L'utilisation du lambeau galéal pour recouvrir la cale cartilagineuse
rétroauriculaire, comme le décrit Nagata, n'est pas indispensable. Il est possible
de garder à la face postérieure du néopavillon une couche de tissu conjonctif
sans exposition cartilagineuse, comme le faisait Brent, et de glisser la cale
cartilagineuse sous le plan périosté et musculoconjonctif qui recouvre la base
pétreuse. Cette logette, où sera placée la cale, est élevée d'avant en arrière à
partir d'une incision de ces tissus mous en regard de ce qui correspond au fond
de la région conquale. Une fois la cale cartilagineuse placée et solidarisée dans
cette logette, le bord libre de ce plan périosté et musculoconjonctif est suturé à
la face postérieure du néopavillon, constituant ainsi un sous-sol bien
vascularisé permettant la mise en place directe, sans utilisation du lambeau
galéal, de la greffe de peau totale rétroauriculaire (fig 6) (Manach). Ceci
permet de préserver le lambeau galéal et le lambeau sous-galéal qui peuvent
être utiles en cas d'indication ultérieure d'une chirurgie à but fonctionnel
auditif.

Référence

[1] Nagata S Total auricular reconstruction with a three dimensional


costal cartilage framework. Ann Chir Plast Esthet 1995 ; 40 :
371-399

© 1996 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 :
Prélèvement cartilagineux.

1. Cale cartilagineuse qui sera laissée en nourrice sous la peau thoracique


jusqu'au deuxième temps chirurgical d'élévation du néopavillon ; 2. reliefs
antéhélicéens ; 3. fragment qui comblera l'éventuel manque cartilagineux du
plateau ; 4. relief hélicéen ; 5. plateau de la charpente ; 6. tragus.

Fig 2 :

Fig 2 :

Charpente cartilagineuse.

1, 5. Les fosses scaphoïde et triangulaire sont creusées à la gouge ; 2.


l'échancrure intertragienne doit être large pour accepter son recouvrement
cutané ; 3. le tragus est constitué par Nagata par un bibloc (plateau + pièce
cartilagineuse sagittale) ; il peut être monobloc ; 4. racine de l'hélix ; elle n'est
pas à construire dans les rares cas où une chirurgie fonctionnelle est
ultérieurement prévue car elle vient barrer la zone de l'éventuel futur méat
auditif.

Fig 3 :
Fig 3 :

Voie d'abord.

1. Incision cutanée en W ; 2. pédicule nourricier ; 3. exérèse de la pastille


cutanée à l'extrémité antérieure de l'incision ; 4. création de la logette et exérèse
des reliquats cartilagineux ; 5. création de l'échancrure intertragienne après
suture des berges A et B ; 6. l'éventuel excédent cutané peut, pour son exérèse,
justifier un geste chirurgical supplémentaire.

Fig 4 :

Fig 4 :

Mise en place de la charpente et suture cutanée.

1. Echancrure intertragienne ; 2. la suture cutanée antérieure se trouve au


niveau du bord libre du tragus.

Fig 5 :
Fig 5 :

Deuxième temps opératoire ; élévation du néopavillon.

1. Incision circonscrivant l'armature du néopavillon ; 2. incision du scalp pour


le prélèvement du lambeau galéal ; 3. cale cartilagineuse taillée sous forme
semi-lunaire dans son axe longitudinal et sous forme trapézoïdale dans son axe
transversal ; 4. fixation de la cale ; 5. lambeau galéal avec son axe vasculaire
temporal superficiel qui va venir recouvrir la cale et la face postérieure du
néopavillon ; 6. avancée du scalp avec ses deux exérèses triangulaires à 9 h et
12 h (pour une oreille droite).

Fig 6 :

Fig 6 :

Elévation du néopavillon sans utiliser de lambeau galéal.

1. Lame de tissus périosté et musculoconjonctif qui vient recouvrir la cale


cartilagineuse ; 2. suture de cette lame au tissu conjonctif recouvrant la face
postérieure du néopavillon ; 3. greffe de peau totale.
Chirurgie de l'agénésie de l'oreille externe et moyenne

Techniques chirurgicales - Tête et cou [46-090] (1993)

Yves Manac'h : Professeur universitaire, praticien hospitalier


Service ORL, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 750 15
Paris France

Résumé

L'agénésie d'oreille pose un double problème, plastique et fonctionnel. Sur le


plan plastique, les armatures de pavillon en matériaux inertes, bio-
compatibles, d'allo- ou d'hétérogreffes... ont été abandonnées du fait de leurs
risques d'exposition ou de résorption. C'est essentiellement à Tanzer puis à
Brent que nous devons le développement actuel de l'utilisation de l'autogreffe
de cartilage costal suivant une technique qui, enfin, peut donner satisfaction
au patient. C'est elle que nous décrirons.

Sur le plan fonctionnel, la cophochirurgie de l'agénésie d'oreille a fait peu de


progrès depuis ses débuts avec Ombrédanne dans les années 1950. Ses
indications restent en règle limitées aux formes bilatérales et favorables sur le
plan anatomique.

© 1993 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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RECONSTRUCTION DE LA MICROTIE

La microtie, encore appelée aplasie majeure du pavillon, se résume en règle à


des vestiges embryonnaires de pavillon constitués d'un lobule verticalisé
surmonté d'une petite masse fibrocartilagineuse sans conduit auditif externe.
Ce sera notre point de départ en sachant qu'au niveau de chaque temps
opératoire, nous tiendrons compte - au niveau des chapitres « Variantes » et «
Autres gestes » - des variations individuelles concernant le volume et la
situation de ces vestiges embryonnaires et l'éventuelle présence d'un conduit
auditif externe. Les principes de cette reconstruction sont ceux définis par
Brent [1].
Préalables

Prise en charge globale du patient

Le dossier médical du patient doit comprendre :

 la description des vestiges embryonnaires du pavillon : volume et


situation des vestiges, état de la peau, implantation des cheveux,
recherche de tout trajet fistuleux (à éradiquer en premier) ou ébauche
de conduit auditif externe ;
 l'étude du massif facial essentiellement à la recherche d'un syndrome
otomandibulaire ou d'un syndrome de Franceschetti ;
 l'étude de la dynamique du nerf facial et du voile ;
 la description de l'oreille controlatérale dans sa morphologie et sa
fonction ;
 un examen audiométrique et tomodensitométrique des rochers ;
 la recherche de malformations associées essentiellement
ophtalmologique, vertébrale, rénale, cardiaque et des membres ;
 une étude génétique.

Quand reconstruire le pavillon ?

Le patient doit être en âge de choisir entre les différentes possibilités de prise
en charge de son pavillon : abstention, reconstruction en utilisant une
autogreffe de cartilage costal, ou mise en place d'une épithèse synthétique
amovible. En règle, les individus jeunes préfèrent avoir une oreille bien à eux,
même au prix de plusieurs temps chirurgicaux, alors que les individus plus
âgés peuvent préférer une épithèse et ce d'autant plus que leur microtie a été
l'objet d'antécédents chirurgicaux décevants. La reconstruction d'une microtie
ainsi multiopérée avec une peau cicatricielle et dyschromique peut alors
nécessiter, en plus de l'apport d'une charpente cartilagineuse, d'un
recouvrement cutané de novo nécessitant l'utilisation d'un lambeau de fascia
temporalis (voir article Chirurgie des oreilles décollées, fascicule 46-100 de
l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale).

La croissance costale doit offrir un volume cartilagineux permettant la


construction de la charpente de pavillon. Ce volume costal est suffisant quand
le patient atteint un poids de 25 kg. Ainsi c'est à partir de 7-9 ans, seulement 2
à 3 ans après que l'enfant a commencé réellement à souffrir de sa disgrâce,
que les critères psychologiques, comportementaux et anatomiques permettent
la reconstruction de la microtie dans les meilleures conditions.

Premier temps chirurgical : mise en place de la charpente

Calque du futur pavillon et son positionnement

Le calque du futur pavillon servira de patron pour le prélèvement du cartilage


elle est réduite de 1 à 2 mm pour tenir compte de l'épaisseur du plan cutané de
recouvrement.

Le futur pavillon doit être symétrique au pavillon sain controlatéral, ce qui, en


pratique, n'est pas toujours réalisable, du fait de la fréquente hypoplasie de
l'hémivisage homolatéral. Quelques critères peuvent aider à un bon
positionnement : le pôle supérieur du pavillon doit se trouver sur l'horizontale
passant par le tiers moyen de la paupière supérieure, son pôle inférieur sur
l'horizontale passant par le tiers moyen de la lèvre supérieure, la ligne passant
par les extrémités antérieures de l'hélix et du lobule doit être verticale et le
grand axe du néopavillon doit être sensiblement parallèle à l'arête du dos du
nez. C'est le positionnement antéropostérieur qui est le plus difficile à définir :
uniquement appréciable de profil, il doit être « harmonieux » sans se laisser
influencer par des reliquats de microtie et une implantation des cheveux qui
sont d'autant plus anormalement bas et antérieurs que le syndrome
otomandibulaire est plus marqué.

Installation du patient

L'intubation peut nécessiter l'utilisation d'un fibroscope (hypoplasie


mandibulaire). Deux champs opératoires doivent être simultanément
accessibles : celui de la région auriculaire et celui de la base de l'hémithorax
controlatéral. L'utilisation d'un champ transparent recouvrant l'ensemble de
l'hémivisage permet de contrôler en peropératoire le bon positionnement de la
charpente. Le prélèvement cartilagineux costal controlatéral à la microtie
permet le prélèvement d'une côte « flottante » dont la forme est au mieux
adaptée à la forme de l'hélix à reconstruire.

Préparation de la région auriculaire

L'incision cutanée sensiblement verticale d'environ 15 mm doit répondre à


plusieurs critères : franche et épaisse (pour permettre une fermeture étanche
en un plan), à distance de toute zone de tension cutanée, n'induisant pas de
cicatrice visible et permettant l'exérèse facile des vestiges cartilagineux. Elle
peut être ainsi placée le long de ce qui sera le futur bord libre du tragus.

Les vestiges cartilagineux sont enlevés, du moins dans ses éléments


superficiels, en laissant en place ses prolongements profonds non gênants. Les
fossettes cutanées, les excédents de tissu graisseux ne seront corrigés que dans
la limite où ces exérèses ne mettent pas en péril la trophicité cutanée.

La logette de mise en place de la charpente est créée par une dissection sous-
cutanée dépassant légèrement les limites du futur pavillon. Il n'existe pas de
plan de dissection bien défini en dehors du plan du fascia temporalis en haut
que l'on laisse en profondeur. Le geste chirurgical est proche de celui utilisé
pour le décollement d'un lifting avec un plan cutané superficiel suffisamment
fin pour se mouler sur les reliefs de la future charpente mais également
suffisamment épais pour avoir une bonne trophicité. Pour bien apprécier cette
trophicité, aucune infiltration locale n'est utilisée. L'expansion peropératoire
de cette logette à l'aide de deux sondes de Foley se révèle hautement
bénéfique pendant toute la durée des temps thoraciques et de confection de la
charpente, en alternant des périodes de 10 minutes d'expansion et de repos.
Prélèvement de cartilage costal

La palpation du rebord costal permet de repérer la 1re côte « flottante » (la


plus longue) et le plateau de synchondrose reliant en dedans les deux côtes
sus-jacentes (de la 6e à la 9e côte). Par une voie d'abord légèrement arciforme,
l'incision des muscles grand droit et grand oblique permet la découverte du
gril costal. Après repérage de la plus grande des côtes « flottantes », un ou
deux plateaux de synchondrose sus-jacents sont individualisés par une
rugination superficielle. L'application du calque permet de repérer le plateau
de synchondrose le mieux adapté (fig. 1) en sachant que :

 les zones qui constitueront les points d'ancrage de la racine de l'hélix


(fig. 1 : 1) et du tiers moyen du segment vertical de l'hélix (fig. 1 : 2),
doivent impérativement faire partie du plateau ;
 alors que les zones qui constitueront le point d'ancrage du segment
horizontal de l'hélix (fig. 1 : 3) et la région lobulaire (fig. 1 : 4)
peuvent être manquantes et secondairement rapportées par des
fragments cartilagineux suturés au plateau prélevé.

La côte « flottante » et le plateau de synchondrose ainsi choisis sont prélevés à


la rugine d'Obwegeser en extrapérichondral en veillant à ne pas ouvrir la
plèvre pariétale. L'ouverture de cette dernière conduirait en fin d'intervention
à fermer le thorax sur un parenchyme pulmonaire expandu par une
hyperventilation. Après hémostase, en particulier des pédicules intercostaux,
la paroi est refermée plan par plan sur un drainage aspiratif.

Confection de la charpente

La confection de la charpente (fig. 2) est centrée sur l'obtention d'un relief


maximal compatible avec la plasticité et la trophicité du plan de
recouvrement. Le plateau de synchondrose est découpé suivant les limites du
calque. Pour favoriser le relief hélicéen et donc la dépression des fosses
triangulaire et scaphoïde, le plateau peut être aminci en périphérie (fig. 2 : 1)
alors qu'il est conservé de pleine épaisseur voire surélevé (fig. 2 : 2) par
l'apport d'un fragment cartilagineux dans sa concavité antérieure qui
constituera le segment frontal de la future conque. Les defects éventuels du
plateau de synchondrose (bord supérieur, lobule, antitragus) sont corrigés par
l'apport de greffons cartilagineux (fig. 2 : 3).

La côte « flottante » permettra de constituer l'hélix, et en règle son bord


supérieur (fig. 2 : 4) viendra s'appliquer sur le plateau, alors que son extrémité
postérieure (fig. 2 : 7) constituera la racine de l'hélix. Sa taille et son
amincissement progressifs lui confèrent une plasticité lui permettant de suivre
harmonieusement le bord périphérique du plateau. Ce travail est effectué au
bistouri mécanique, exceptionnellement à la fraise en cas de noyaux de
calcification chez l'adulte. La conservation du plan périchondral externe est le
meilleur garant d'une courbure hélicéenne harmonieuse et stable alors que la
conservation du périchondre le long de son bord libre participe à la prévention
de la souffrance du plan de recouvrement en cette zone de tension cutanée.

L'hélix est alors amarré au plateau pour 4 à 7 points (fig. 2 : 9) de nylon


monobrin 4/0 ou de fil métallique 3/0 en débutant par la racine de l'hélix (fig.
2 : 7). Les fosses triangulaire et scaphoïde sont alors creusées (fig. 2 : 8) sous
forme de dépressions non transfixiantes.

Mise en place de la charpente et pansement

Une première mise en place de la charpente permet de vérifier l'absence de


tension cutanée excessive qui imposerait une reprise de la charpente ainsi que
son bon positionnement par rapport à l'ensemble de l'hémivisage. Deux drains
aspiratifs sont placés, l'un à la face profonde de la charpente, l'autre le long de
son bord postérieur et reliés à un système aspiratif assurant une dépression de
l'ordre de 100 cm d'eau. Le pansement non compressif à l'aide d'une mèche
grasse ne fait que protéger le foyer opératoire alors que la coaptation du plan
de recouvrement cutané sur la charpente est assurée par le seul drainage
aspiratif.

Suites opératoires

Une radiographie thoracique de face en position demi-assise est impérative en


salle de réveil pour vérifier l'absence de pneumothorax. Un épanchement
gazeux important imposerait son évacuation à l'aiguille. L'antibiothérapie
débutée en peropératoire est poursuivie une huitaine de jours. Le foyer de
prélèvement costal est douloureux pendant 2 à 3 jours. Le traitement
antalgique par voie générale est systématique. Il est associé à une
kinésithérapie respiratoire pour prévenir un encombrement bronchique
favorisé par l'hypoventilation d'origine algique. Les drains aspiratifs doivent
comporter un système de contrôle d'efficacité. Toute perte d'étanchéité doit
être corrigée. Le premier pansement avec ablation des drains est effectué vers
le 4e jour postopératoire.

Accidents

C'est essentiellement la souffrance du plan cutané de recouvrement de la


charpente. Cette souffrance peut siéger le long du bord libre de l'hélix en zone
de tension cutanée ou plus rarement au niveau d'une concavité par défaut
d'application cutanée. Elle peut être sèche et localisée ou plus rarement
humide et extensive avec surinfection alors le plus souvent à pyocyanique. La
nécrose cutanée peut conduire à l'exposition du cartilage.

 Les nécroses sèches par tension cutanée excessive peuvent être


laissées à elles-mêmes avec une pommade grasse. Elles évoluent après
une résorption du cartilage exposé vers une cicatrisation spontanée
avec une peau atrophique. Elles peuvent être partiellement corrigées
lors du temps d'élévation du pavillon. Elles peuvent également être
traitées par un lambeau de recouvrement local. L'évolution
satisfaisante de ce type d'accident montre l'intérêt du matériel autogène
utilisé.
 Les nécroses humides imposent un traitement antibiotique
systématique orienté par le prélèvement bactériologique et un
recouvrement par l'utilisation d'un lambeau de fascia temporalis et
d'une greffe cutanée (voir fascicule 46-100).
Les exceptionnelles nécroses par défaut d'application cutanée sont à traiter
par ponction-évacuation de la collection sous-jacente et pansement
compressif.

L'expérience est la meilleure prévention à ces accidents de souffrance cutanée.

Variantes
Au niveau de l'incision cutanée

La présence d'un conduit auditif externe ou d'un reliquat de conque utilisable


gêne la classique incision auriculaire antérieure. Il est alors possible d'utiliser
une incision périphérique arciforme dans le scalp à près de 2 cm du futur
contour hélicéen, de 9 h à 11 h pour une reconstruction droite, de 1 h à 3 h
pour une reconstruction gauche.

Au niveau de la charpente

La charpente peut varier en fonction des reliquats auriculaires.

 Le plateau peut être partiel s'il existe par exemple une moitié
supérieure de pavillon utilisable. L'hélix devra largement dépasser le
plateau pour assurer une continuité harmonieuse avec le reliquat de
pavillon.
 Au contraire, la charpente peut comprendre l'armature du tragus
(comme la charpente d'un pavillon normal) lorsque par exemple il ne
sera pas possible de prélever une greffe composée controlatérale pour
cette armature [4].
 En l'absence de lobule à transposer, ce sera la charpente, recouverte
ultérieurement à sa face profonde d'une greffe de peau, qui constituera
la région lobulaire. La région basse de la charpente devra alors être
plus étendue en surface et de faible épaisseur.

Après transposition du lobule

Un lobule précédemment transposé en bonne place permet tout à fait la


réalisation ainsi secondaire du premier temps chirurgical, la charpente étant
alors glissée dans le tissu lobulaire dédoublé dans son épaisseur.

Deuxième temps chirurgical : transposition lobulaire

Plastie en Z

Il est effectué 2 à 3 mois après le 1er temps. Globalement, il s'agit d'une plastie
en Z avec quelques détails (fig. 3).

 Le point A est défini suivant la forme du reliquat.


 La ligne D, A, B, C est tracée en veillant à avoir un segment 1 (fig. 3 :
1) supérieur au segment 2 (fig. 3 : 2) pour permettre une bonne
sagittalisation du lobule, le point C étant d'autant plus antérieur que le
reliquat a besoin d'être descendu.
 La ligne D, E suit sensiblement le bord périphérique externe de la
charpente ; sa longueur dépend de la situation du point A.
 Le point F sera suturé en C avec bien souvent l'exérèse du triangle
excédentaire (fig. 3 : 3).
 Une désépithélialisation peut être nécessaire sur le triangle 4 (fig. 3 :
4) pour faciliter la bascule du pédicule lobulaire.
 Les tissus sous-cutanés (fig. 3 : 5) sont évidés pour accentuer le sillon
sous-lobulaire.
 Un pansement par bourdonnet entre la région sous-lobulaire et la
région conchale termine ce temps opératoire.

Variantes

 Le lobule transposé vient classiquement prolonger en bas le relief de la


charpente. Il est en fait préférable de dédoubler le lobule dans son
épaisseur pour y introduire l'extrémité inférieure de la charpente alors
initialement prévue plus haute de quelques millimètres, sauf si le
patient désire porter des boucles d'oreilles !
 Absence de lobule à transposer : l'extrémité inférieure de la charpente
viendra alors armer le néolobule. Deux solutions sont alors possibles :
o soit le lobule est créé dans ce deuxième temps par un lambeau
bifolié de Converse par exemple ;
o soit, mieux, la création du lobule est reportée au temps
d'élévation du pavillon, le recouvrement cutané de la face
profonde du sillon rétrolobulaire étant assuré par l'avancée
centripète du scalp et de la peau périauriculaire alors que le
recouvrement cutané de la face profonde du lobule est assuré
par la greffe de peau totale qui vient tapisser la face postérieure
du pavillon.

Associations

 Il est hautement souhaitable de profiter de ce temps opératoire ne


comportant que des incisions basses pour améliorer des insuffisances
du tiers supérieur du pavillon (fig. 4). Ce sont :
o l'exérèse d'un excédent cutanéograisseux (fig. 4 : 1) ;
o l'accentuation de la concavité hélicéenne (scapha) par l'exérèse
du tissu fibreux (fig. 4 : 2) qui a pu combler cette dépression,
voire une exérèse de quelques follicules pileux à la face
profonde du plan cutané (fig. 4 : 3), par une incision arciforme
(fig. 4 : 4). Le pansement est assuré par des bourdonnets.
 Ce deuxième temps peut être associé au temps d'élévation du pavillon
:
o s'il n'y a pas de lobule à transposer (voir supra « Variantes ») ;
o si la transposition du lobule n'a pas conduit à une incision
verticale antérieure trop importante ;
o et si aucun geste n'a été nécessaire au niveau du tiers supérieur
du pavillon.

Troisième temps chirurgical : la conque et le tragus


Confection de la cavité conchale et du tragus

Ce 3e temps et le 4e temps d'élévation peuvent être permutés. Il est effectué de


2 à 3 mois après le temps chirurgical précédent. Là encore, la technique
proposée par Brent est la plus satisfaisante (fig. 5).

 Incision en J (fig. 5 : 1) (pour une oreille droite) à branche verticale


légèrement concave en avant reprenant si possible l'incision de la voie
d'abord du 1er temps.
 Exérèse des tissus mous en avant à la face profonde du futur tragus
pour créer une ébauche méatale, en arrière et en profondeur jusqu'au
plan périosté mastoïdien et au bord antérieur de la charpente.
 Application du plan cutané postérieur (fig. 5 : 2) sur l'armature
(segment frontal de la conque) avec bien souvent une exérèse de peau
excédentaire (fig. 5 : 3). Cette application est facilitée par 2-3 incisions
radiaires de décharge (fig. 5 : 4).
 Prélèvement d'une greffe de peau totale (fig. 5 : 5) au mieux en
rétroauriculaire controlatéral.
 Prélèvement d'une greffe composée cutanéocartilagineuse conchale
controlatérale (fig. 5 : 6) : soit aux dépens du segment frontal de la
conque si le pavillon controlatéral est proéminent (permettant du
même coup une symétrisation de l'élévation des deux pavillons), soit
en fond de conque, la zone donneuse étant alors fermée par une greffe
cutanée préalablement prélevée.
 Armature de la face profonde du néotragus par la greffe composée
(fig. 5 : 6).
 Recouvrement du fond de conque par la greffe cutanée (fig. 5 : 7).
 Le pansement est au mieux effectué par des bourdonnets sur fils
transfixiants.

Variantes
Concernant le tragus

 Il est possible d'utiliser des reliquats embryonnaires pour créer le


néotragus. Ces reliquats sont donc à laisser en place lors du 1er temps.
Ce peut être un reliquat de lobule ou de ce qui pourrait être interprété
comme une ébauche de racine d'hélix.
 En l'absence d'oreille controlatérale (microtie bilatérale) il est possible
:
er
o de prévoir l'armature cartilagineuse du tragus dès le 1 temps
opératoire par un prolongement antérieur de la charpente (voir
supra « Variantes au niveau de la charpente ») ;
o ou d'utiliser une simple plicature sur lui-même d'un lambeau
tragien à pédicule antérieur suivant la technique de Kirkham.

Concernant la conque

Il est possible d'utiliser un reliquat de conque pour le pavillon définitif. C'est


essentiellement le cas des formes sévères de pavillon en cornet. Le 1er temps
consiste alors à circonscrire le pavillon en cornet par la charpente et le 3e
temps à pratiquer l'exérèse des tissus excédentaires.
Quatrième temps chirurgical : élévation du pavillon

Il est effectué 2 à 3 mois après le temps chirurgical précédent. Plus qu'une


réelle élévation du pavillon, il permet de créer un sillon auriculaire cependant
insuffisant pour le port d'une prothèse auditive en contour d'oreille. Il consiste
en (fig. 6) :

 une incision en périphérie de tout ou partie du pavillon à 2-3 mm en


dehors du sommet du relief hélicéen ; en bas, il passe dans le fond du
sillon sous-lobulaire (fig. 6 : 1) ;
 vers l'avant, le pavillon est décollé en conservant sur son armature
cartilagineuse une couche de tissu conjonctif qui permettra la prise de
la greffe de peau (fig. 6 : 2) ; vers l'arrière, le scalp et la peau sus- et
rétroauriculaire sont décollés sur 2 à 3 cm ;
 une ou deux exérèses cutanées triangulaires à base antérieure (fig. 6 :
3) permettront, après leur fermeture, l'avancée du scalp qui est alors
solidarisé au plan profond ;
 le bord périphérique du pavillon et sa face postérieure sont tapissés
d'une greffe de peau (fig. 6 : 4) au mieux totale prélevée à la face
interne du bras par exemple ;
 le pansement est assuré par un bourdonnet compressif.

Autres gestes

Problème des cheveux

Une implantation basse des cheveux peut conduire à un recouvrement plus ou


moins important du pôle supérieur du pavillon par les cheveux, d'autant que
cette implantation capillaire ne doit pas intervenir dans la détermination du
positionnement de la charpente. Ce recouvrement capillaire peut être traité de
différentes façons suivant son importance.

 Electrolyse de quelques follicules sous anesthésie de contact en un ou


plusieurs temps pour ne pas risquer une nécrose cutanée.
 Exérèse de quelques follicules à la face profonde du décollement
cutané lors de la reprise de la concavité du scapha dans le 2e temps
chirurgical (voir supra « Associations »).
 Après la mise en place de la charpente : exérèse de la zone pileuse en
veillant à conserver sur la charpente une couche de tissu conjonctif qui
permette le recouvrement de la zone d'exérèse par une greffe de peau
semi-épaisse ou totale, que ce geste soit fait lors du temps d'élévation
ou à distance.
 Lors de la mise en place de la charpente et dans les formes sévères :
exérèse de pleine épaisseur du scalp pileux et inextensible ; la
charpente devra alors être recouverte d'un lambeau de fascia
temporalis et ce dernier d'une greffe de peau.
 Les techniques proposées avant la mise en place de la charpente, «
scalp roll » et ballonnet d'expansion, dans le but d'augmenter la
surface de la peau glabre sont peu utilisées du fait du tissu cicatriciel
ou fibreux qu'elles induisent ou des contraintes matérielles imposées
pour le contrôle d'une expansion progressive.
Syndromes otomandibulaires avec hypoplasie mandibulaire marquée

Ils se caractérisent bien souvent par une situation basse et antérieure des
reliquats de pavillon, particulièrement disgracieuse. Le mieux est de tout
enlever et de construire un pavillon en bonne place. Dans certains cas, il est
possible de transposer un beau lobule en bonne place par un « island flap » en
veillant à ne pas traumatiser le nerf facial. Ces reliquats embryonnaires
ectopiques peuvent cacher une ébauche de conduit auditif externe dirigée en
bas et en dehors avec ainsi un orifice méatal jugal. Ces conduits - même si on
ne cherche pas un but fonctionnel auditif - devront être transposés en bonne
place et calibrés, préalablement à toute reconstruction plastique.

Transposition précoce d'un lobule

Il est des reliquats de pavillon particulièrement proéminents et disgracieux


que l'enfant et sa famille supportent mal. Il est tout à fait possible dès 4 à 5 ans
d'en pratiquer l'exérèse associée à la transposition du lobule. Avec des
cheveux un peu longs, le lobule, correctement placé, est seul visible. Ce geste
de confort permet d'attendre l'âge optimal de la reconstruction du pavillon.

Formes bilatérales

Les différents temps opératoires peuvent être faits simultanément à droite et à


gauche à l'exception du 1er temps, du fait de la gêne ventilatoire
qu'occasionnerait une thoracotomie bilatérale.

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CHIRURGIE FONCTIONNELLE DE L'APLASIE MAJEURE DE


L'OREILLE

Sur le plan fonctionnel, l'aplasie majeure se définit comme une oreille


présentant une absence de conduit auditif externe avec une surdité de
transmission maximale et habituellement une oreille interne normale.

Fonction auditive

But de la prise en charge

C'est d'obtenir au moins une oreille avec une audition socialement


satisfaisante, si possible sans appareillage auditif.

Moyens
Chirurgie fonctionnelle

Elle doit viser un résultat satisfaisant sur le long terme ; elle doit
impérativement éviter toute complication portant sur le nerf facial, limiter les
risques de labyrinthisation et d'otorrhée post-opératoire et avoir le minimum
de retentissement sur le plan esthétique (cicatrices et néoconduit disgracieux).

Appareillage auditif

En l'absence de conduit il ne peut être que par conduction osseuse, qu'elle soit
indirecte par voie de scalp sur serre-tête ou sur lunettes, ou directe sur «
fixture » ostéo-intégrée. L'appareillage par voie aérienne impose la création
d'un néoconduit sec ; le contour d'oreille est exceptionnellement utilisable du
fait de l'insuffisance de sillon rétroauriculaire sur un pavillon reconstruit.

Aides à la décision

Clinique

Elle permet, face à un pavillon peu malformé, d'espérer une oreille moyenne
également peu malformée ou d'envisager un appareillage par voie aérienne sur
un néoconduit. Toute chirurgie du pavillon doit donc respecter un éventuel
sillon rétroauriculaire ou une conque rétentive.

Bilan audiométrique

Il élimine toute atteinte de perception dont la présence signerait une « fragilité


cochléaire » interdisant, en l'état actuel de nos connaissances, une ouverture
d'oreille interne.

Bilan tomodensitométrique à haute définition en coupes coronale et axiale

 Il vérifie l'absence d'image faisant suspecter une inclusion


cholestéatomateuse méconnue et rare qui imposerait un geste
chirurgical.
 Il étudie la pneumatisation mastoïdienne. De mauvais pronostic sont
l'hypopneumatisation (déficit tubaire) et l'hyperpneumatisation
(ouverture de cellules mastoïdiennes lors de la canaloplastie [cf.
infra]).
 Il vérifie que les situations du plan méningé et du condyle
mandibulaire permettent un accès à l'oreille moyenne.
 Il étudie la caisse, contenant et contenu, et en particulier l'existence ou
non d'un ensemble marteau-enclume, d'un étrier, des fenêtres et de la
situation du coude du nerf facial par rapport à la fosse ovale.
 Il vérifie la normalité de l'oreille interne et du conduit auditif interne.

Age
La nécessité d'un bilan audiométrique complet et d'une bonne coopération de
l'enfant fait que la chirurgie fonctionnelle n'est pratiquée qu'au-delà de 6-8
ans. C'est également l'âge minimal pour la prise en charge plastique du
pavillon. Pour le simple confort de l'opérateur, il est préférable en cas
d'indication de chirurgie de commencer par le geste de chirurgie
fonctionnelle.

Techniques chirurgicales

Incision cutanée

En cas de chirurgie fonctionnelle première, l'incision a minima centrée sur la


région méatale est la moins pénalisante pour les temps plastiques ultérieurs et
est la plus pratique pour le temps méatal. En cas de chirurgie plastique
première, la voie d'abord peut être rétroauriculaire.

Abord de l'oreille moyenne


Nerf facial

S'il existe radiologiquement un ensemble marteau-enclume, même malformé,


et en se basant sur l'expérience de l'auteur, le deuxième segment du nerf facial
(VII2) se trouve constamment en dedans de ces osselets que ce soit de haut en
bas dans l'attique, à sa place normale, au travers de la fosse ovale ou sur le
promontoire. La situation de son coude qui conditionne l'accès à la fosse
ovale, déjà approchée par l'examen TDM, ne peut être confirmée que par
exploration chirurgicale. Son troisième segment (VII3) est constamment dirigé
en bas et en avant, apparemment superficialisé par l'hypoplasie de la base
pétreuse et du tympanal (voire son absence). En conséquence, l'abord direct et
premier de l'ensemble marteau-enclume (voie directe) est une attitude de
sécurité et l'absence de cet ensemble ossiculaire (rare) est une situation à
risque, le VII2 pouvant alors être accolé à la paroi latérale de la caisse.
L'utilisation de principe d'un stimulateur facial de type Hilger, d'un champ
transparent recouvrant l'ensemble du visage et l'absence de curarisation
peropératoire, permet un fraisage offrant un maximum de sécurité en sachant
qu'une réponse faciale à 0,5 mA correspond à un nerf facial à plus de 2 mm, à
0,2 mA à un nerf facial encore protégé par une mince coque osseuse alors
qu'une réponse à 0,1 mA est spécifique d'une stimulation au contact du nerf
facial ou de la corde du tympan.

Voie directe

Elle vise à atteindre directement l'ensemble marteau-enclume en ouvrant le


minimum de cellules mastoïdiennes. La zone d'attaque (fig. 7) se trouve à la
jonction d'une verticale passant par le bord antérieur de la mastoïde et d'une
horizontale passant par l'arcade zygomatique, en une zone osseuse bien
souvent déprimée et cribriforme. Afin d'offrir au recouvrement épithélial du
futur conduit un sous-sol de bonne qualité, le fraisage osseux se fera sous
abondante irrigation (prévention de toute brûlure de l'os) en limitant toute
ouverture de cellules aériennes. L'idéal est d'obtenir un néoconduit régulier,
continu et osseux de taille maximale.
Voie antrale

La zone d'attaque est légèrement plus postérieure. Apparemment plus facile,


elle est en fait plus dangereuse vis-à-vis du nerf facial et hypothèque
l'épithélialisation du néoconduit. Elle est par contre concevable si on vise la
réalisation d'une tympanoplastie en technique ouverte ou une fenestration bien
que, même dans ces cas, la cavité de technique ouverte puisse être réalisée
d'avant en arrière à partir d'une voie directe. La voie antrale, si elle conduit à
ouvrir de trop nombreuses cellules aériennes et si le chirurgien vise la
réalisation d'une tympanoplastie en technique fermée, doit conduire à un
comblement de ces cavités postérieures ou à une reconstruction du mur du
facial.

Enfin, la voie antrale peut être associée à la voie directe avec le respect du
mur du facial essentiellement dans le cadre de l'utilisation d'une homogreffe
tympano-ossiculaire pour vérifier (par un équivalent de tympanotomie
postérieure) la qualité du montage ossiculaire comme l'a proposé Marquet [6].
Du fait de la difficulté pratique de l'utilisation de tels blocs d'homogreffe dans
ce cadre malformatif, l'indication de cette double voie d'abord reste rare.

Exploration de l'oreille moyenne (fig. 8)

Elle vise l'examen des éléments déterminants sur le plan fonctionnel que sont
la chaîne ossiculaire et les fenêtres tout en respectant au maximum le
recouvrement muqueux, voire conjonctif, de la face interne du plateau
d'atrésie (ou paroi externe de caisse) car ces tissus serviront de support à la
myringoplastie. L'impasse de l'examen de la fenêtre ronde est quasi constante
du fait de son recouvrement par le VII3.

Temps ossiculaire

Le principe de base est le respect maximal des structures fonctionnelles


existantes.

 Toute synostose doit non seulement être libérée mais doit également
conduire à un geste préventif de sa récidive : large résection d'un pont
osseux, interposition d'un lambeau muqueux ou de feuille de
Silastic®...
 Un bloc incudomalléaire malformé et isolé d'une structure stapédienne
est bien souvent enlevé, ne serait-ce que pour permettre l'accès à la
fosse ovale.
 Une fosse ovale accessible avec une platine mobile conduit à une
tympanoplastie de type II ou III suivant la nature de l'étrier.
 Une platine bloquée ou une fosse ovale inaccessible réalise la limite
habituelle aux possibilités tympanoplastiques en dehors de la situation
exceptionnelle où deux prérequis sont réunis : l'acceptation d'une
ouverture vestibulaire (qu'elle soit platinaire ou ectopique) et la
présence d'un bloc incudomalléaire mobile permettant l'amarrage d'une
prothèse ossiculaire de type piston. En fait, cette situation
malformative explique la place de la fenestration du canal semi-
circulaire externe dans le cadre de la chirurgie fonctionnelle des
aplasies majeures.

Myringoplastie

Un néocadre est foré dans les parois du néoconduit, aussi grand que possible
mais sans ouvrir de nouvelles cavités aériennes. Pour prévenir sa
latéralisation, il doit être médial par rapport à l'élément le plus latéral du
montage ossiculaire qui viendra ainsi former une saillie au milieu de la
membrane. La myringoplastie est réalisée par une greffe de fascia limitée au
cadre pour ne pas gêner la prise de la greffe cutanée qui viendra recouvrir le
néo-conduit, ou bien elle est réalisée par un simple prolongement myringien
de ce recouvrement cutané.

Fenestration du canal semi-circulaire externe

Elle comporte (fig. 9) [3] l'ouverture elliptique de la coque osseuse


labyrinthique du canal, l'incision de l'endoste qui vient recouvrir ses berges
osseuses et son recouvrement par du tissu conjonctif ou épithélial. Si la
fenestration permet un gain substantiel au niveau du Rinne de 30 à 40
décibels, elle hypothèque l'avenir par son risque de dégradation auditive
qu'elle soit de nature transmissionnelle (difficile à reprendre) ou par
labyrinthisation.

Recouvrement du conduit

Il est effectué par une greffe cutanée semi-épaisse ou fine. Son application
rigoureuse est difficile : il peut s'agir d'une greffe cutanée préalablement
suturée en doigt de gant ou de lés de greffe cutanée déposés sur les parois du
conduit, ces lés pouvant être préalablement armés sur leur face superficielle
par un papier autocollant (Steri-Strip®...) ou collés (Biocolle®...) au fur et à
mesure de leur mise en place. L'utilisation de lambeaux cutanés voire
périostés offre une meilleure sécurité quant à la trophicité de ce recouvrement.
Ces prélèvements tissulaires locaux ne doivent cependant pas nuire à la prise
en charge plastique du pavillon qui peut être prévue par ailleurs. En fin
d'intervention le conduit est calibré par une matière expansive.

Méat

Son calibre est assuré par une résection cutanée économe, une résection des
tissus mous et cartilagineux sous-cutanés au contraire large, et par la
continuité épithéliale entre le recouvrement du conduit et les berges de
l'incision. Son calibre doit être spontanément satisfaisant à l'ablation de
l'écarteur.

Résultats
résiduelle supérieure ou égale à 30 décibels. Si la chirurgie fonctionnelle peut
offrir à certains patients une indépendance relative vis-à-vis de l'appareillage
dans certaines circonstances de leur activité, la majorité d'entre eux
conservent la nécessité d'un appareillage pour leur scolarité par exemple.

Echecs et complications

Les malformations de l'oreille moyenne peuvent rendre le patient inopérable,


que ces constatations soient radiologiques ou per-opératoires. C'est bien
souvent le cas des patients présentant un syndrome de Franceschetti.
L'appareillage par conduction osseuse directe est alors actuellement
l'alternative la plus satisfaisante.

Labyrinthisation

Elle est essentiellement secondaire à l'ouverture de l'oreille interne et conduit


à formuler des réserves vis-à-vis d'un tel geste surtout s'il doit être bitéral.

Otorrhée

Elle résulte d'un défaut de prise du recouvrement cutané de la canaloplastie ou


de la myringoplastie avec issue de muqueuse type respiratoire, surinfection et
granulome. Elle empêche l'appareillage par voie aérienne qui constituait déjà
une situation de repli par rapport à la finalité de la chirurgie fonctionnelle, et
induit un réel inconfort social. Nous avons vu les gestes qui tentent de
prévenir cette complication. En cas d'otorrhée gênante avec une surdité de
transmission maximale et une oreille controlatérale fonctionnellement saine et
stable, il est possible d'envisager une obturation des cavités de l'oreille
moyenne.

Amputation fibreuse du conduit

Elle correspond à un stade évolutif ultérieur des lésions otorrhéiques avec une
amputation fibreuse sur plusieurs millimètres d'épaisseur du conduit séparant
en dehors le reliquat de recouvrement épithélial kératinisé du néoconduit et en
dedans la muqueuse des cavités de l'oreille moyenne, habituellement sans
inclusion d'épithélium kératinisé. Le déficit transmissionnel est important. La
reprise chirurgicale est aléatoire mais le conduit est sec.

Latéralisation de la membrane tympanique

Elle doit être différenciée de l'amputation fibreuse du conduit ; il s'agit d'un


incident non spécifique à la chirurgie fonctionnelle sur aplasie majeure. Elle
peut être corrigée par les procédés tympanoplastiques habituels.

Conclusion
l'indication opératoire ne puisse être portée qu'après un bilan radiologique
préopératoire satisfaisant.

Références

[1] BRENT B Auricular repair with autogenous rib cartilage grafts :


two decades of experience with 600 cases. Plast Reconstr Surg
1992 ; 90 : 355-374
[2] COTIN G, MOATTI L, BODARD M, GARABEDIAN N,
CONTENCIN P Le premier temps opératoire dans les aplasies
majeures de l'oreille. Intérêt d'une intervention conjointe plastique et
fonctionnelle. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac (Paris) 1983 ;
100 : 293-297
[3] FARRIOR J, ROPHIE SS Fenestration of the horizontal
semicircular canal in congenital conductive deafness. Laryngoscope
1985 ; 95 : 1029-1036
[4] FIRMIN F Microtie, reconstruction par la technique de Brent. Ann
Chir Plast Esthet 1992 ; 37 : 119-131
[5] KAGA K, SUSUKI JI Bilateral congenital atresia. Auditory and
vestibular testing and surgical approach. Acta Otorhinolaryngol Belg
1991 ; 45 : 51-57
[6] MARQUET J. Congenital conductive deafness. In : Marn GD, Stell
PM eds. Clinical Otolaryngology. Blackwell Scientific Publications
Ltd. Oxford. 1979 ; pp 501-503

© 1993 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Prélèvement de cartilage costal par application du calque.

A. Ligne d'ossification ; 1 et 2 : zones devant appartenir au plateau ; 3 et 4 :


zones pouvant être manquantes et secondairement rapportées au plateau.

Fig 2 :
Fig 2 :

Confection de la charpente.

A, A'. Le plateau :

1. Amincissement périphérique du plateau

2. Futur segment frontal de conque plus ou moins surélevé

3. Correction éventuelle de manque cartilagineux du plateau

B, B'. La côte « flottante » :

4. Horizontalisation du bord supérieur

5. Bord inférieur
6. Face latérale

6'. Périchondre

7. Extrémité postérieure

C, C'. Le montage :

8. Fosses triangulaire et scaphoïde

9. Sutures

Fig 3 :

Fig 3 :

Transposition lobulaire. A, B, C, D, E, F : tracés de l'incision cutanée.

1 doit être supérieur à 2


3. Exérèse cutanée

4. Désépithélialisation

5. Exérèse de tissu sous-cutané

Fig 4 :

Fig 4 :

Gestes pouvant être associés au temps de transposition lobulaire.

1, 2. Exérèse de tissu excédentaire

3. Follicules pileux

4. Accentuation de concavité du sillon hélicéen

Fig 5 :
Fig 5 :

Conque et tragus.

1. Incision en J

2. Application du plan cutané sur l'armature

3. Peau excédentaire

4. Incisions radiaires de décharge pour l'application de 2

4'. Crantage correspondant aux incisions radiaires

5. Prélèvement de peau rétroauriculaire controlatérale

6. Greffe composée conchale controlatérale armant le néotragus

7. Fragment de 5 servant à tapisser le fond de néoconque

Fig 6 :
Fig 6 :

Elévation du pavillon.

1. Incision périphérique au néopavillon

2. Tissu conjonctif conservé sur l'armature cartilagineuse

3. Exérèses cutanées

4. Greffe de peau

Fig 7 :
Fig 7 :

Zones d'attaque de la voie directe (1) et de la voie antrale (2).

Fig 8 :
Fig 8 :

Exploration de l'oreille moyenne par voie directe dans un cas


radiologiquement favorable.

Découverte première d'un bloc incudomalléaire malformé sous la forme d'une


petite masse osseuse arrondie souvent mobile en « touche de piano » (1).
Agrandissement vers l'avant en suivant le plan muqueux tapissant la face
médiale de la lame d'atrésie (2). Confirmation de la réalité incudomalléaire.
On se porte alors dans sa concavité postérieure (3). Découverte dans le plan
muqueux (2) d'un filet nerveux qui est probablement une corde du tympan (4)
mais qui répond comme un nerf facial aux stimuli électriques. Dissection
prudente d'un passage entre ce tronc nerveux et ce qui ressemble à une
branche postérieure d'enclume. Découverte d'un passage qui conduit en
profondeur sur le segment tympanique du nerf facial (5). Vérification
anatomique électrique qu'il s'agit bien du nerf facial, souvent dénudé et
procident. On peut dès lors agrandir pour l'examen de la fosse ovale (FO).
L'examen platinaire et de l'éventuelle suprastructure de l'étrier peut imposer le
sacrifice du bloc incudomalléaire. Evaluation des possibilités d'effet
columellaire. Création d'un néocadre en suivant le plan muqueux (2) : en avant
(6) en ne gardant qu'une fine pellicule osseuse antérieure ; en bas (7) sans
atteindre le niveau de l'hypotympanum car on sait que le segment mastoïdien
du nerf facial peut se trouver dans sa partie basse dans la lame d'atrésie ; en
arrière (8), en dehors du segment mastoïdien du nerf facial dont on contrôle la
profondeur grâce à la visualisation directe de son segment tympanique ; cet
agrandissement en arrière permet rarement l'examen de la fenêtre ronde (9)
cachée par le nerf facial ; vers le haut au mieux, création d'un cadre sur un
équivalent de mur de logette (10) ; en fait l'ouverture de l'attique est quasi
constante lors de l'individualisation du bloc incudomalléolaire et la recherche
d'un plan osseux conduit sur le toit de l'attique (11) ; la paroi supérieure du
conduit sera, dans ce cas, constituée d'une pellicule osseuse recouvrant le plan
méningé (12). Dans cette situation, la myringoplastie reposera en haut sur la
paroi interne de l'attique qui sera dénudée de sa muqueuse et passera en pont
au niveau de l'aditus (13), ce qui constitue, ici, la main forcée à l'ouverture
d'une cellule aérienne.

Fig 9 :

Fig 9 :
[3]
Fenestration du canal semi-circulaire externe (d'après Farrior ).

A. Création d'une cupule osseuse elliptique sans ouvrir le labyrinthe.

B. Ouverture de l'endoste replié sur les berges de la fenestration. Couverture


par une greffe de peau semi-épaisse.
46-080
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-080

Chirurgie des cavités postérieures


de l’oreille moyenne et antroatticotomies
P Bordure
O Malard

Résumé. – La chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne a deux objectifs principaux. Le premier
est d’aborder directement et de traiter des lésions pathologiques localisées au niveau de ces cavités. Le
deuxième est d’aborder d’autres régions de l’oreille comme l’attique, la caisse du tympan, ou même l’oreille
interne. Les indications de cette chirurgie sont représentées principalement par le traitement de l’otite
chronique le plus souvent cholestéatomateuse. Deux types principaux d’interventions peuvent être proposés
dans ce cas : antroatticotomie ou mastoatticotomie dans lesquelles le conduit auditif est préservé, et la cavité
d’évidement où une partie du conduit auditif externe osseux est sacrifiée. Sa réalisation correcte nécessite un
abord adapté des tissus mous, en particulier la maîtrise du conduit osseux, en insistant particulièrement sur
l’alésage souvent nécessaire de ce dernier. Une méatoplastie est nécessaire lors de la réalisation des cavités
d’évidement pour assurer une bonne cicatrisation et une surveillance postopératoire dans de bonnes
conditions.
La chirurgie des cavités postérieures présente actuellement un regain d’intérêt depuis le développement des
implants cochléaires et d’oreille moyenne. Cette chirurgie implantatoire requiert une très bonne maîtrise de la
chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : mastoïdectomie, évidement d’oreille, tympanotomie postérieure, cholestéatome, implants,


méatoplastie.

Introduction CAISSE DU TYMPAN


Elle comprend le mésotympanum ou atrium, l’hypotympanum, le
La chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne a deux protympanum qui est l’orifice tubaire, le rétrotympanum avec le
objectifs. Le premier est d’aborder directement et de traiter des sinus tympani, et l’épitympanum ou attique.
lésions pathologiques localisées au niveau de ces cavités.
Le mésotympanum se situe médialement par rapport à la membrane
Le deuxième objectif est d’aborder par ces cavités d’autres régions
tympanique, au-dessous du canal du muscle tenseur du marteau et
de l’oreille moyenne, comme l’attique, grâce à une antroatticotomie,
de la deuxième portion du nerf facial, et en avant de la troisième
ou la caisse du tympan par une tympanotomie postérieure. Les
portion du nerf facial. C’est la zone fonctionnelle de l’oreille. Elle
indications de cette chirurgie sont dominées par l’otite chronique,
doit être préalablement explorée avant la chirurgie des cavités
qu’elle soit cholestéatomateuse ou non cholestéatomateuse. Deux
postérieures pour otite chronique.
principales interventions existent : l’antroatticotomie ou la
mastoatticotomie au cours desquelles le conduit osseux est conservé,
et la cavité d’évidement où le conduit osseux est sacrifié. ATTIQUE
La chirurgie des cavités postérieures présente actuellement un regain
Il est situé juste au-dessus de l’atrium, c’est-à-dire au-dessus du
d’intérêt avec le développement des implants cochléaires et des
canal du muscle tenseur du marteau et de la deuxième portion du
prothèses implantables d’oreille moyenne. La réalisation correcte de
nerf facial. C’est aussi une zone fonctionnelle qui comprend la tête
cette chirurgie nécessite un abord adapté des tissus mous.
du marteau et le corps de l’enclume. L’enclume est un excellent
Enfin, une méatoplastie peut être nécessaire pour assurer une bonne repère chirurgical qui permet de se situer par rapport au nerf facial
cicatrisation et permettre une surveillance clinique dans les grâce à sa courte apophyse, et par rapport à l’étrier qui peut être
meilleures conditions. noyé dans des fongosités, grâce à sa longue apophyse. La partie
antérieure de cette région, l’attique antérieure, pose des difficultés
Rappel anatomique [1, 8]
dans la chirurgie de l’oreille moyenne car elle est camouflée par une
cloison osseuse descendant du tegmen tympani ; à ce niveau, le nerf
L’oreille moyenne est divisée chirurgicalement en six régions. facial est très proche de la paroi médiale de l’attique [2].

Philippe Bordure : Professeur des Universités, praticien hospitalier.


ANTRE
Olivier Malard : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.
Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, place Alexis-Ricordeau, 44039 Nantes cedex 1,
C’est une des principales cavités postérieures constamment
France. présentes, même chez le nourrisson. Elle communique avec l’attique

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bordure P et Malard O. Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-080, 2002, 12 p.
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

par l’aditus ad antrum. L’antre est limité en haut par le tegmen antri, Évidement
en arrière par le sinus latéral et médialement par le labyrinthe
Le terme d’évidement pétromastoïdien, ou plus simplement
osseux. L’aire triangulaire qui se situe en arrière de l’antre entre le
évidement, est propre à la littérature médicale française. Sa
sinus latéral, le sinus pétreux supérieur et le labyrinthe osseux est
signification a été précisée depuis plus d’un siècle par Malherbe
appelé triangle de Trautmann. Latéralement, l’antre est limité par
dans sa thèse en 1895 : « une cavité d’évidement est définie par la
l’intermédiaire de la lame pétrosquameuse, par des cellules
création d’une cavité unique, plus ou moins vaste, réunissant
superficielles qu’il ne faut pas confondre avec les cellules antrales
l’ensemble des cavités atticales et mastoïdiennes avec le conduit
(cf fig 4D).
auditif externe, après suppression de la paroi postérieure et du mur
de la logette » [9]. L’évidement a été trop souvent assimilé à la radical
POINTE DE LA MASTOÏDE mastoidectomy décrite dans la littérature anglo-saxonne. Au contraire
de la radical mastoidectomy, la cavité d’évidement ne préjuge pas de
Elle est occupée par deux groupes cellulaires d’importance variable,
l’état du système tympano-ossiculaire qui peut être laissé en place,
séparés par la crête digastrique qui représente l’insertion
ou reconstruit. Il s’agit dans ce dernier cas d’un évidement avec
mastoïdienne du muscle digastrique. La crête digastrique marque
tympanoplastie. Lorsque tous les reliquats tympano-ossiculaires sont
plus ou moins profondément le relief de la pointe mastoïdienne.
réséqués, il s’agit alors d’un évidement total.
L’émergence du nerf facial au niveau du trou stylomastoïdien se
Le terme de tympanoplastie en technique ouverte est parfois utilisé
situe au niveau de l’extrémité antérieure de la crête digastrique. Le
pour désigner une cavité d’évidement avec tympanoplastie.
groupe cellulaire profond de la pointe est en relation directe avec le
groupe cellulaire sous-facial. Une autre source de confusion est le terme d’évidement partiel, jadis
utilisé, car on ne sait pas si le caractère partiel porte sur la cavité ou
bien sur le contenu tympano-ossiculaire.
TRAÎNÉE INTERSINUSOFACIALE
C’est le groupe cellulaire situé entre la troisième portion du nerf
facial et le sinus latéral. Principes généraux [7, 11, 12]

Le succès d’une intervention chirurgicale sur l’oreille moyenne


RÉGION SOUS-FACIALE dépend non seulement de la bonne indication opératoire, de la voie
Elle est située médialement par rapport à la troisième portion du d’abord chirurgicale et de la qualité de la technique opératoire, mais
canal facial. Il s’agit du prolongement de la traînée aussi de la préparation du patient au moment de l’intervention, ainsi
intersinusofaciale. Elle est d’un volume très variable. que du respect de certaines précautions pré- et peropératoires.

PRÉPARATION DU MALADE
Définitions [5, 7, 9, 15]
L’installation en salle d’opération a un intérêt majeur, car une
La chirurgie des cavités postérieures correspond à plusieurs mauvaise installation peut exposer à des gestes malencontreux du
interventions selon l’importance de l’ouverture. fait d’un mauvais repérage anatomique.
Le plan mastoïdien doit être horizontal lorsque la tête est tournée en
Antrotomie superficielle position extrême à l’opposé de l’opérateur. Cela implique souvent
de mettre en place un coussin sous la tête du patient si celui-ci est
C’est l’ouverture des cellules périantrales superficielles, sans ouvrir
obèse, ou sous les épaules d’un sujet maigre ou d’un enfant.
nécessairement l’antre.
Il vaut mieux ne pas attacher la tête, sauf en cas de difficultés de
Antrotomie (ou puit antral) rotation cervicale, afin de pouvoir tourner très facilement celle-ci et
obtenir un angle de vision adapté en fonction des besoins.
C’est l’ouverture mastoïdienne limitée à l’antre.
En cas de perforation tympanique, il faut veiller à ne pas mettre
directement de produits antiseptiques dans le conduit auditif, et
Mastoïdectomie
protéger la caisse par un fragment d’éponge avant de badigeonner
Elle consiste à mettre à plat toutes les cellules mastoïdiennes, y le champ opératoire. La plupart des antiseptiques utilisés en
compris l’antre, et la traînée intersinusofaciale, la pointe, les cellules chirurgie ont une ototoxicité potentielle (polyvidone, hexamidine).
sous-faciales. En fait, la mastoïdectomie simple est rarement La mise en place d’un système de monitorage du nerf facial est
indiquée. Il s’agit le plus souvent d’une mastoatticotomie car s’il recommandée, en particulier pour les opérateurs les moins
existe des lésions inflammatoires, l’attique doit souvent être exploré. expérimentés, car un des risques majeurs de la chirurgie des cavités
postérieures est la lésion du nerf facial [13]. Comme tout système de
Mastoatticotomie monitorage, son installation doit être particulièrement rigoureuse,
C’est la mise à plat des cellules mastoïdiennes complétée par garante de sa fiabilité, et l’opérateur doit s’assurer tout au long de
l’ouverture de l’attique. l’intervention de son bon fonctionnement. Il n’a pas pour but de
remplacer la vigilance et l’expérience de l’opérateur, mais il constitue
Antroatticotomie un système d’alerte supplémentaire.
C’est l’ouverture de l’attique par voie mastoïdienne. L’atticotomie
par voie mastoïdienne doit être distinguée de l’atticotomie PRÉCAUTIONS PEROPÉRATOIRES
transcanalaire qui comporte le sacrifice d’une partie ou de la totalité
du mur de la logette. L’atticotomie transcanalaire ne se conçoit que – L’opérateur doit veiller en permanence au respect des organes
pour traiter un cholestéatome attical antérieur ou externe dont les nobles de l’oreille, c’est-à-dire l’oreille interne, le nerf facial, les
limites ont été précisées par le scanner, ou bien encore pour aborder méninges et le sinus latéral.
une ankylose de la tête du marteau. Dans tous les cas, le mur de la – Pour parer le traumatisme cochléaire, il faut éviter tout contact
logette doit être reconstruit. entre la fraise et la chaîne ossiculaire, en particulier avec l’enclume
lors d’une antroatticotomie ou d’une mastoatticotomie. Les fraises
Tympanotomie postérieure coupantes sont plus nocives que les fraises diamantées.
C’est l’ouverture de la caisse par voie mastoïdienne aux dépens du – La durée du fraisage est aussi un élément important, et on a
récessus facial. intérêt à utiliser des fraises coupant très bien, avec un moteur

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies 46-080

puissant, pour diminuer la durée du fraisage. Il faut utiliser des


aspirateurs de diamètre le plus petit possible, car le bruit généré par 1 Voie rétroauriculaire
chez le nourrisson : la partie
l’aspiration est proportionnel au calibre de celle-ci. inférieure de l’incision est
– Protection du lambeau tympanoméatal en cas d’alésage : elle se nettement à distance du
fait, soit en plaçant une petite éponge dans le conduit lors du sillon rétroauriculaire et ne
doit pas dépasser l’horizon-
fraisage de la partie latérale, soit en intercalant une languette de
tale passant par le plancher
papier d’emballage de fil de suture entre la fraise et le lambeau lors du méat auditif externe.
du fraisage de la partie médiale du conduit.
– Respect de la muqueuse de la caisse.
– Maîtrise du fraisage : il faut utiliser un matériel en parfait état,
des fraises coupant parfaitement. La pièce à main doit être tenue
comme un stylo en ayant de manière permanente des appuis sous
les avant-bras ou les mains. Le fraisage s’effectue avec le côté de la
fraise par des mouvements d’effleurement et dans un plan parallèle
à celui de l’organe sensible (fraisage parallèle au tegmen lors de sa
squelettisation). Il faut éviter de travailler en profondeur dans un
trou, et au contraire tenter toujours d’abaisser au maximum les
berges d’une cavité. Si on est obligé de travailler dans un trou, il est
plus prudent d’utiliser une curette.
– Nettoyage des cavités en fin d’intervention : il est important de ne
pas laisser dans les cavités postérieures, et surtout dans la caisse du
tympan, des fragments d’os ou de poudre d’os, car ils risquent
d’entraver le bon fonctionnement du système tympano-ossiculaire.

ABORD DES TISSUS MOUS ET FERMETURE


avec un plan sous-cutané au fil résorbable ou non résorbable et un
On a le choix entre deux voies d’abord : la voie rétroauriculaire et la plan cutané avec un fil monobrin non résorbable.
voie endaurale prolongée. Chez le nouveau-né et le nourrisson, la pointe mastoïdienne n’est
pas développée, et une incision rétroauriculaire classique risque de
¶ Voie rétroauriculaire [7, 12]
léser le nerf facial. Chez le nourrisson jusqu’à 2 ans, l’incision doit
Pour donner le meilleur champ opératoire sur la mastoïde et surtout donc être la plus horizontale possible. Elle doit éviter la région du
sur l’attique, cette incision doit être non seulement postérieure mais sillon rétroauriculaire et la pointe mastoïdienne où le nerf facial est
aussi supérieure. L’incision peut être située dans le sillon très superficiel. En pratique, cette incision ne doit pas descendre
rétroauriculaire, ce qui entraîne une cicatrice habituellement sous une ligne horizontale passant par le bord inférieur du méat
invisible mais qui limite parfois l’accès à la partie postérieure d’une acoustique (fig 1).
cavité mastoïdienne très pneumatisée. D’autre part, certains patients
sont gênés lors du port de lunettes au niveau de l’extrémité des ¶ Voie endaurale prolongée [5, 7]
(fig 2)
branches en contact avec la cicatrice. L’incision peut être au mieux Pour donner un meilleur champ sur la mastoïde, l’incision doit être
réalisée à distance du sillon rétroauriculaire dans le cuir chevelu, ce prolongée au-dessus du pavillon très en arrière, puis descendre
qui donne un accès beaucoup plus large. éventuellement dans le cuir chevelu. En fin d’intervention, il est
Il est très important de réamarrer le lambeau fibropériosté sous- important d’assurer la reconstruction du ligament antérieur du
cutané pour éviter une sténose du conduit fibrocartilagineux par pavillon, en réamarrant le ligament antérieur du pavillon à l’épine
collapsus de la conque. La suture cutanée est réalisée en deux plans de l’hélix.

*
A
*
B

*
C

2 Voie endaurale prolongée. B. 1. Résection du triangle graisseux supraméatique.


A. Incision cutanée. Pour avoir un bon accès à la pointe mastoïdienne, l’incision C. Vue de la paroi latérale de la mastoïde après la mise en place des écarteurs auto-
peut être prolongée selon 1. statiques.

3
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

Avantages de cette voie d’abord


3 Antrotomie. Ce schéma
Ils sont nombreux : montre l’alésage de la paroi
– un large accès à toute la région temporale et à l’aponévrose postérosupérieure du con-
duit.
temporale superficielle ;
A. Vue opératoire.
– très bonne visibilité des différents éléments anatomiques du méat, B. Coupe axiale oblique
qui autorise une méatoplastie dans les meilleures conditions ; passant par le conduit
auditif externe et le
– et enfin, c’est une voie qui peut être prolongée à la demande en
puits antral.
fonction des besoins d’accès aux cavités postérieures. En d’autres
termes, une intervention pour chirurgie d’otite chronique peut
débuter par une voie du conduit ou du spéculum ou bien une voie
endaurale a minima, et être élargie à une voie endaurale prolongée
s’il est nécessaire de réaliser un temps chirurgical sur les cavités
postérieures.
¶ Fermeture et méchage du conduit auditif
Le méchage du conduit auditif externe s’impose dès qu’il existe une
incision au niveau du méat. La membrane tympanique est couverte
par des fragments d’éponge résorbable. Un tampon expansible est
mis en place dans le conduit auditif externe. Une mèche imbibée de
pommade antibiotique est placée un niveau du méat, l’oreille *
A
protégée par un pansement. Le déméchage a lieu entre le cinquième
et le huitième jour postopératoire.

Antrotomie ou puits antral [1, 5, 7]

PRINCIPE
Toutes les interventions chirurgicales sur les cavités postérieures ont
en commun la réalisation d’une antrotomie qui consiste à ouvrir la
principale cellule mastoïdienne. On peut distinguer l’antrotomie
superficielle où les cellules périantrales superficielles sont ouvertes
sans aller jusqu’à l’antre, de l’antrotomie complète.
*
B
RÉALISATION PRATIQUE
La zone d’attaque initiale de l’antrotomie est la région sus- et
neutralisant l’hyperpression induite par la diffusion du protoxyde
rétroméatique, située juste en arrière de l’épine de Henle (fig 3A).
d’azote dans l’oreille moyenne au cours de l’anesthésie générale.
L’antrotomie ne doit être réalisée qu’après avoir alésé la paroi
Cette hyperpression est parfois très gênante lors de la réalisation
postérosupérieure du conduit (fig 3B). Cette notion est fondamentale
d’une myringoplastie, car elle provoque souvent un bombement
car si l’alésage est entrepris après l’antrotomie, sa réalisation peut
majeur de la greffe.
nécessiter d’entamer la partie latérale du conduit osseux. Il vaut
donc mieux réaliser l’alésage postérosupérieur en premier, pour ¶ Antrotomie ou puits antral
pouvoir amincir et rendre parfaitement rectiligne le conduit osseux.
Ceci facilitera le repérage du nerf facial et de l’enclume, ainsi que la Elle permet de vérifier la perméabilité antroatriale lorsque
réalisation d’une éventuelle tympanotomie postérieure. l’ouverture des cellules superficielles est insuffisante. C’est un temps
Lors de la réalisation d’une antrotomie, il faut penser à : préalable à l’exploration des cavités postérieures à la recherche
d’éventuelles lésions inflammatoires mastoïdiennes, et en précisant
– respecter le sinus sigmoïde qui est parfois très procident et très l’état de la muqueuse de la région antrale.
superficiel, et qui peut être lésé dès les premiers tours de fraise ;
– éviter de léser la dure-mère temporale, en la squelettisant avec
une fraise non agressive, et des mouvements parallèles au tegmen ; Mastoïdectomie
– respecter le coude du nerf facial et le labyrinthe postérieur. Pour
cela, il faut au moindre doute se repérer en profondeur par rapport PRINCIPE
au sillon tympanique. Ce plan du sillon tympanique ne doit jamais
être dépassé sans prendre d’autres repères tels que la courte C’est la mise à plat de toutes les cellules mastoïdiennes. Le plus
apophyse de l’enclume. Le fraisage doit être réalisé avec des fraises souvent, le chirurgien est amené à réaliser une mastoatticotomie car
mordantes mais non agressives vis-à-vis de la dure-mère ou du sinus les lésions inflammatoires n’épargnent que rarement l’attique. Le
latéral. Pour cela, l’utilisation de fraise conique paraît parfaitement temps initial de la mastoïdectomie est l’antrotomie.
adaptée. Il faut éviter de réaliser un forage à l’aveugle par un orifice La mastoïdectomie impose la squelettisation du tegmen et du sinus
étroit, mais au contraire élargir d’emblée les cavités, en dessinant un latéral situés respectivement en haut et en arrière ; puis en avant,
triangle dont les côtés sont représentés par : l’amincissement du conduit osseux aux dépens de sa paroi
postérieure. Il est important de rester toujours latéral par rapport à
– la paroi antérieure parallèle au conduit osseux ;
la courte apophyse de l’enclume et au relief du canal semi-circulaire
– la paroi postérieure parallèle au trajet du sinus latéral ; latéral.
– la paroi supérieure parallèle au tegmen.
RÉALISATION PRATIQUE
INDICATIONS
– L’incision doit être prudente en cas d’abcès sous-périosté pour
¶ Antrotomie superficielle éviter de léser la méninge ou le sinus sigmoïde qui pourraient être
Elle permet de vérifier la perméabilité antroatriale lorsque la dénudés. La même prudence est de mise lors d’une reprise
mastoïde est très pneumatisée. De plus, elle constitue une prise d’air chirurgicale.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies 46-080

*
A
*
B

*
C *
D

4 Mastoïdectomie. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semi-circulaire pos- évidement de la pointe de la mastoïde ; repérage de la troisième portion du nerf fa-
térieur ; SL : sinus latéral ; VII : canal facial. cial.
A. Antrotomie et mise à plat des cellules superficielles : le tegmen antri est sque- C. Ouverture de la traînée cellulaire sous-faciale en maîtrisant le danger du canal
lettisé dans sa partie latérale. semi-circulaire postérieur et après avoir repéré impérativement la troisième por-
B. L’antre a été largement ouvert et la squelettisation a été menée au niveau du teg- tion du nerf facial dans la partie inférieure.
men, du sinus latéral, de l’angle sinusodural postérieur ainsi qu’au niveau de la D. Coupe axiale du rocher droit montrant la lame pétrosquameuse (flèche) sépa-
paroi postérosupérieure du conduit osseux : les traînées intersinusofaciales et ré- rant médialement l’antre des cellules superficielles latérales.
trosinusiennes ont été mises à plat, et le sinus latéral a été squelettisé ;

– Une antrotomie est réalisée (fig 4A). fausse crête digastrique. Pour éviter cela, on a intérêt à dénuder le
muscle digastrique dans sa partie postérieure, et à poursuivre la
– L’intervention se poursuit par la mise à plat des cellules
squelettisation vers l’avant.
intersinusofaciales (fig 4B).
– Évidement de la région de la pointe : l’évidement complet de la – Évidement de la région sous-faciale (fig 4C) : cette région apparaît
pointe nécessite d’effondrer entièrement la corticale externe. La crête comme le prolongement de la traînée intersinusofaciale. Elle est
digastrique doit être rapidement repérée pour contrôler le danger située médialement par rapport à la troisième portion du nerf facial,
principal représenté par le nerf facial qui émerge de la mastoïde au et sous le canal semi-circulaire postérieur. La mise à plat de cette
trou stylomastoïdien. Pour maîtriser ce danger, il faut d’abord région nécessite d’avoir squelettisé parfaitement le sinus latéral, et
parachever la squelettisation du sinus latéral dans sa partie surtout d’avoir identifié la moitié inférieure de la troisième portion
inférieure, en sachant que le point le plus déclive du bord antérieur du canal facial.
du sinus se trouve à une distance de 4 à 9 mm en arrière du nerf Le canal semi-circulaire postérieur doit être respecté en évitant de
facial. La crête digastrique est ensuite squelettisée d’arrière en avant. dépasser vers le haut une ligne passant par l’axe de la courte
Son identification est parfois difficile, et on peut créer facilement une apophyse de l’enclume. D’autre part, le golfe de la jugulaire peut

5
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

être lésé accidentellement dans la partie profonde de la région sous- Le risque cochléaire est pratiquement nul en cas d’interruption de la
faciale, et il convient donc d’être prudent à ce niveau. chaîne ossiculaire. Mais en cas de chaîne continue, le moindre
La mastoïdectomie est complétée par la mise à plat des cellules contact ossiculaire avec une fraise doit être évité en permanence.
rétrosinusales, du récessus zygomatique, et des cellules temporales Les différents temps de l’intervention sont les suivants.
superficielles qui sont souvent siège d’ostéite chez l’enfant qui
présente une mastoïdite. – Premier temps : mastoïdectomie ou antrotomie.
– Deuxième temps : repérage de la région de la fossa incudis qui est
proche de la partie postérieure du relief du canal semi-circulaire
INDICATIONS
latéral et de la partie la plus postérieure du conduit osseux (fig 5A).
– Mastoïdite est ostéite mastoïdienne. Parfois, le repérage de cette zone est difficile car le relief du canal
latéral est peu visible.
– Abord de la troisième portion du nerf facial.
– Abord du sac endolymphatique. – Troisième temps : réalisation d’une tranchée osseuse dans le
massif attical en squelettisant le tegmen qui est un repère
– Abord translabyrinthique. fondamental. En effet, on diminue nettement le risque de fraisage
– Préalable à la mise en place d’un implant cochléaire ou de accidentel de l’enclume ou du canal facial en restant au ras du
certaines prothèses implantables d’oreille moyenne. tegmen temporal. Lors de la réalisation de cette tranchée atticale, il
faut conserver une lamelle osseuse de protection ossiculaire (fig 5A).
– Quatrième temps : découverte de la courte apophyse de
Antroatticotomie l’enclume, et abord de la logette des osselets. La découverte de la
et mastoatticotomie [3, 5, 7, 12] courte apophyse de l’enclume s’effectue à la curette, en exerçant des
mouvements de bas en haut, et en tournant la tête de l’opéré en
position opposée à celle de l’opérateur. Une fois l’enclume repérée,
PRINCIPE l’atticotomie peut être poursuivie à la fraise diamantée. Lorsque le
contact ossiculaire est proche, mieux vaut utiliser une curette.
Le but de ces interventions est d’accéder à l’attique par voie
mastoïdienne. La principale difficulté tient au risque cochléaire lors
du fraisage accidentel des osselets dès lors que la chaîne ossiculaire INDICATIONS
est continue. Une deuxième difficulté est la conservation du conduit
auditif, et en particulier du mur de la logette en cas de procidence Ces interventions sont principalement indiquées pour le traitement
du tegmen. des lésions inflammatoires de l’otite chronique cholestéatomateuse
ou non cholestéatomateuse. Elles sont aussi indiquées pour le
traitement des séquelles de l’otite chronique, et en particulier pour
RÉALISATION PRATIQUE (fig 5) la cure d’ankylose de la tête du marteau.
Il est indispensable de vérifier préalablement la continuité de la Elle représente aussi le premier temps chirurgical pour aborder les
chaîne ossiculaire en explorant la région incudostapédienne. trois portions du nerf facial.

*
B

*
A
5 Mastoatticotomie. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semi-circulaire laire (1) ; la tête de l’opéré est tournée vers le côté opposé à celui de l’opérateur pour
postérieur ; SL : sinus latéral ; VII : nerf facial ; E : enclume. mieux voir la courte apophyse de l’enclume.
A. Repérage de la zone des osselets au niveau de la verticale passant par la paroi B. Ouverture de l’attique d’arrière en avant ; la curette doit être utilisée dès qu’on
postérieure du conduit osseux et lorsque apparaît la partie postérieure du canal se trouve près de l’enclume.
semi-circulaire latéral : encoche atticale en laissant un mur de protection ossicu-

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies 46-080

*
A

*
B

6 Tympanotomie postérieure. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semi-


circulaire postérieur ; VII : nerf facial.
A. Zone de résection qui correspond au récessus facial (en rouge).
B. Importance de l’alésage de la paroi postérosupérieure du conduit qui doit donner une
double vision à la fois sur le sulcus et sur la zone de tympanotomie.
C. Tympanotomie postérieure avec conservation d’un pont osseux de protection de l’en-
clume.

*
C

Tympanotomie postérieure [3, 5, 7, 12] – la tympanotomie postérieure et inférieure où persiste un pont


osseux de protection de l’enclume (fig 6C).

PRINCIPE RÉALISATION PRATIQUE


C’est l’ouverture de la caisse du tympan par voie mastoïdienne aux Préalablement à la tympanotomie postérieure, il est nécessaire de
dépens du récessus facial (fig 6A). Le récessus facial correspond à réaliser une antroatticotomie ou une mastoatticotomie. Les berges
un triangle osseux délimité médialement par le nerf facial, supérieures et postérieures de la cavité doivent être abaissées au
latéralement par la corde du tympan, et en haut par la fossa incudis. maximum pour ne pas limiter les mouvements de la fraise au niveau
La réalisation correcte d’une tympanotomie postérieure impose, de la région du récessus facial. Le conduit auditif externe dans sa
d’une part un alésage du conduit auditif externe qui doit être partie postérieure et supérieure doit être parfaitement rectiligne, et
parfaitement rectiligne, d’autre part d’abaisser le plus possible les surtout aminci, aussi bien dans sa partie latérale que dans sa partie
berges postérieures et supérieures de la cavité mastoïdienne. Les médiane. Cet alésage du conduit doit permettre de voir, d’un seul
risques de cette intervention sont d’abord la labyrinthisation par coup d’œil du côté tympanique, la région incudostapédienne et le
contact de la fraise avec l’enclume, l’atteinte du nerf facial, et enfin sulcus, et de l’autre côté du conduit, l’enclume ainsi que la zone
l’encoche accidentelle du sulcus par une tympanotomie postérieure d’attaque de la tympanotomie postérieure (fig 6B). Cette zone
trop latérale. d’attaque est située dans un plan passant par la courte apophyse de
On peut distinguer trois types de tympanotomie postérieure : l’enclume, juste au-dessous de l’extrémité de la courte apophyse.
Un pont osseux de protection doit être laissé si la chaîne est continue
– la tympanotomie postérieure et supérieure qui correspond à
et mobile. Il n’y a pas de risque de lésion du nerf facial si on prend
l’amincissement de la portion postérieure du mur de la logette ;
garde à ne pas dépasser médialement cette frontière. D’autre part,
– la tympanotomie postérieure complète qui comporte l’ouverture l’intégrité du sulcus peut être assurée par la double vision de part et
de tout le récessus facial ; d’autre du conduit. La tympanotomie postérieure est ensuite

7
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

*
A *
B

7 Tympanotomie postérieure.
A. Implant cochléaire. Tympanotomie postérieure et inférieure pour la mise en B. Prothèse implantable d’oreille moyenne. Tympanotomie postérieure très large,
place d’un implant cochléaire. La région de la fenêtre ronde doit être bien dégagée. qui doit laisser passer la masse flottante de la prothèse Vibrant Soundbridget. 1.
La cochléostomie a été réalisée. Tendon du muscle de l’étrier ; 2. masse flottante ; 3. clip sur la branche descen-
dante de l’enclume.

prolongée vers le bas. Le fraisage doit être beaucoup plus prudent récessus pouvant entretenir un foyer d’infection : fossette sus-
vers le bas, du fait de la latéralisation progressive du nerf facial qui tubaire, saillie du bec du nerf facial, mur du nerf facial et pointe
rejoint la corde du tympan à la partie inférieure de la tympanotomie. mastoïdienne.
Ainsi, les qualités fondamentales d’une cavité d’évidement sont le
CAS PARTICULIERS caractère régulier et harmonieux ainsi qu’une taille de méat adaptée
au volume de la cavité.
¶ Implant cochléaire [6]

Une tympanotomie postérieure et inférieure est réalisée afin de RÉALISATION PRATIQUE (fig 8A)
visualiser la région de la fenêtre ronde (fig 7A). C’est par cette L’intervention peut être décomposée en huit temps opératoires.
tympanotomie postérieure qu’est glissé le porte-électrodes jusque
dans la rampe tympanique de la cochlée. Il est important de ne pas – Premier temps : exploration de la caisse et mastoatticotomie.
dénuder le nerf facial afin d’éviter des stimulations faciales – Deuxième temps : suppression du mur de la logette et de la paroi
indésirables lors du fonctionnement de l’implant. postérieure du conduit osseux. La région du bec du facial est
régularisée à la fraise diamantée afin de mettre à plat complètement
¶ Prothèse implantable d’oreille moyenne du type le récessus facial (fig 8B).
Vibrant Soundbridget [14]
– Troisième temps : abaissement de la berge mastoïdienne
La mise en place de ce type de prothèse impose la réalisation d’une postérieure, parfois aux dépens des cellules rétrosinusiennes.
tympanotomie postérieure très large, d’une hauteur de 3 mm, pour L’abaissement de la hauteur des berges de la cavité est un élément
laisser passer la masse flottante qui sera amarrée à l’enclume (fig 7B). essentiel pour réduire son volume final, par diminution de sa
Pour cela, il est souvent nécessaire de parfaitement visualiser la hauteur.
corde du tympan et le canal facial au niveau de son coude. Il est
– Quatrième temps : régularisation de la pointe. Dans le cas où la
important de laisser un auvent osseux de protection en regard de la
mastoïde est très éburnée, une simple régularisation de la région de
courte apophyse de l’enclume, mais celui-ci ne doit pas être trop
la pointe suffit. Dans les autres cas, lorsque la mastoïde est très
marqué pour ne pas gêner la visualisation de la branche
pneumatisée, la corticale mastoïdienne de la pointe est
descendante de l’enclume sur laquelle sera amarrée la masse
complètement effondrée jusqu’au niveau de la crête digastrique,
flottante.
c’est-à-dire l’insertion du ventre postérieur du muscle digastrique.
La pointe est alors complètement mise à plat.
INDICATIONS
– Cinquième temps : abaissement du mur du nerf facial. Ce temps
– Otites chroniques : la tympanotomie postérieure peut avoir deux ne doit être amorcé que si tous les autres temps précédents ont été
intérêts dans l’otite chronique. La tympanotomie postérieure a pour correctement réalisés, en particulier la régularisation de la région du
objectif principal de réséquer des lésions inflammatoires ou bec du nerf facial. En effet, si le nerf facial est bien repéré au niveau
épidermiques au niveau du récessus facial. Il s’agit dans ces cas du coude d’une part, d’autre part en bas au niveau de l’extrémité
d’une tympanotomie postérieure complète. Elle peut avoir aussi un antérieure de la crête digastrique, le mur du facial peut être abaissé
rôle d’aération, en assurant une communication large entre la caisse sans risque. Une grosse fraise diamantée doit être utilisée dès qu’on
du tympan et les cavités postérieures. Dans ce cas, une se trouve à proximité du nerf, et sous bonne irrigation.
tympanotomie postérieure et supérieure suffit.
– Sixième temps : régularisation de l’attique. La fossette sus-tubaire
– Chirurgie du nerf facial : l’exposition du coude du nerf facial qui correspond au récessus épitympanique antérieur, située en avant
nécessite la réalisation d’une tympanotomie postérieure complète. du tendon du muscle tenseur du marteau, doit être généralement
– Implant cochléaire. largement ouverte pour être explorée. Son ouverture nécessite
d’effondrer une cloison osseuse dont l’insertion médiale est en
– Prothèse implantable d’oreille moyenne.
rapport très intime avec la première portion du nerf facial et le
ganglion géniculé.
Cavité d’évidement [3, 5, 7, 12]
– Septième temps : régularisation de la berge supérieure et de
l’angle intersinusodural.
PRINCIPE – Huitième temps : régularisation des parois antérieures et
La mise à plat de l’ensemble des cavités mastoatticales doit inférieures du conduit osseux.
permettre un accès à toutes les zones de l’oreille moyenne, d’une En fin d’intervention, la cavité ne doit présenter aucun relief aigu,
part pour la surveillance otoscopique, d’autre part pour éviter tout aucun récessus. L’impression est, en fait, autant tactile que visuelle.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies 46-080

2 5
4 VII
1

3
*
A
CSCL

"
B1 "
B2

8 Évidement pétromastoïdien.
A. Les huit temps opératoires de l’évidement.
1. Mastoatticotomie. 2. Suppression du mur de la logette et de la paroi postérieure du
conduit osseux, et régularisation de la région du bec du facial. 3. Abaissement de la
berge mastoïdienne postérieure. 4. Régularisation de la pointe. 5. Abaissement du mur
du facial. 6. Régularisation de l’attique. 7. Régularisation de la berge supérieure de la
cavité. 8. Mise à plat et régularisation des parois inférieures et antérieures.
B. Abaissement du mur du facial. CSCL : canal semi-circulaire latéral ; VII : nerf fa-
cial.
C. Aspect terminal d’une cavité d’évidement. 1. Processus cochléariforme ; 2. étrier ; 3.
protympanum ; 4. pyramide ; 5. fenêtre ronde ; 6. canal facial ; 7. tegmen ; 8. canal
semi-circulaire postérieur ; 9. canal latéral ; 10. sinus latéral ; 11. crête digastrique.

*
C

INDICATIONS l’extrême où les repères classiques sont pris dans un bloc osseux.
Elles sont dominées par la chirurgie de l’otite chronique Dans ce cas, la cavité d’évidement est l’option la moins périlleuse.
cholestéatomateuse. On peut être aussi amené à réaliser une cavité En pratique, la solution qui s’impose souvent est de commencer par
d’évidement pour réséquer des tumeurs primitives de l’oreille une antroatticotomie ou une mastoatticotomie, et de ne faire un
moyenne ou étendues à l’oreille moyenne : c’est le cas par exemple évidement qu’après avoir rassemblé toutes les données de
des paragangliomes tympaniques. La décision d’évidement dans le l’exploration chirurgicale.
cas des otites cholestéatomateuses peut être prise avant
l’intervention en fonction de l’étendue des lésions à l’examen CAVITÉ INCOMPLÈTE
tomodensitométrique, des possibilités de surveillance du patient, du Aucun compromis ne doit être fait sur l’ouverture de la paroi
nombre d’interventions déjà effectuées, mais aussi pendant le temps postérieure du conduit, car les abaissements incomplets du massif
d’exploration chirurgicale, en fonction des données anatomiques. du nerf facial et les antrotomies transcanalaires sans reconstruction
Une importante pneumatisation oblige à abaisser au maximum les du mur de la logette sont source de rétention, de surinfection et de
berges d’une cavité, et fait discuter un comblement pour diminuer récidive de cholestéatome. En revanche, la conservation du mur de
le volume de la cavité. Mieux vaut dans ces cas tenter de conserver la logette peut parfois se justifier lorsque les lésions respectent
le conduit osseux et réaliser une technique fermée. Une procidence l’attique antérieur. Il est alors possible de conserver le mur de la
importante des méninges et du sinus latéral peut gêner la réalisation logette et de fermer l’attique en arrière par un fragment de cartilage,
d’une atticotomie antérieure ou d’une tympanotomie postérieure, et évitant ainsi les rétractions atticales et sus-tubaires, parfois source
fera discuter un évidement. L’otite ostéomateuse représente de rétention.

9
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

1 2 3 *
A
*
B

9 Tympanoplastie et évidement.
A. Myringostapédopexie. 1. Fenêtre ronde ; 2. étrier ; 3. nerf facial.
B. Prothèse partielle en titane avec conservation de la superstructure de l’étrier.
C. Schéma d’une tympanoplastie type 4 de Wullstein lorsque la superstructure de l’étrier est détruite, avec
création d’une petite caisse. 1. Fenêtre ronde ; 2. étrier ; 3. nerf facial.

1 2 3 *
C

ÉVIDEMENT ET TYMPANOPLASTIE principal inconvénient de cette technique est de couvrir et d’enclore


Une tympanoplastie n’est pas contradictoire avec une cavité un éventuel reliquat de cholestéatome qui peut évoluer en
d’évidement. Une myringoplastie réalisée en glissant un fragment profondeur et se révéler, à un stade tardif, par des complications.
d’aponévrose temporale sous les reliquats de la membrane Différentes techniques ont été proposées pour réaliser ce
tympanique permet d’éviter une otorrhée tubaire. comblement. Tout d’abord, le comblement par lambeau
Une ossiculoplastie peut être aussi réalisée comme dans une conjonctivomusculaire dont le plus connu est le lambeau
technique fermée, soit d’emblée, soit dans un deuxième temps fibropériosté mastoïdien pédiculé sur le pavillon ou lambeau de
opératoire. Palva [10]. D’autres types de lambeaux peuvent être utilisés : lambeau
fibropériosté à pédicule périmastoïdien, lambeau musculo-
Lorsque la superstructure de l’étrier est préservée, celle-ci peut être
aponévrotique temporal à pédicule temporal antérieur ou postérieur,
rehaussée simplement par un petit fragment de cartilage. Dans
et enfin le lambeau de fascia temporal superficiel avec un pédicule
certains cas, même en l’absence de reconstruction ossiculaire, une
axé sur l’artère temporale.
myringostapédopexie peut donner un excellent résultat fonctionnel
(fig 9A). La poudre d’os mélangée à de la colle biologique (« bone paté »)
constitue un matériau de comblement intéressant. Il importe de
L’utilisation d’une autogreffe ossiculaire ou d’une prothèse en
tapisser toute la surface libre de ce comblement par un large
biomatériaux (fig 9B) est souvent possible.
fragment aponévrotique, en sachant qu’une partie de ce comblement
En l’absence de superstructure de l’étrier, l’amélioration de va se résorber avec le temps.
l’audition peut être réalisée grâce à une petite caisse (tympanoplastie
Enfin, les biomatériaux représentent une alternative intéressante, en
de type IV de Wullstein), qui rétablit le déphasage physiologique
particulier les granulés de céramique phosphocalcique tels que le
entre fenêtre ovale et fenêtre ronde (fig 9C) [16].
macroporous biphasic calcium phosphate (MBCP) [ 4 ] . Après
humidification préalable de ces granulés dans du sérum
REVÊTEMENT MASTOÏDIEN physiologique, ils sont mélangés à de la colle biologique et de la
L’épidermisation directe à partir de l’os est souvent lente et de poudre d’os. Dans ce cas aussi, il est important de recouvrir
mauvaise qualité. Il est donc avantageux de tapisser les parois de la totalement le biomatériau par un fragment de tissu conjonctif, pour
cavité par un très large fragment d’aponévrose temporale ou de éviter sa migration.
périoste temporal pour apporter un sous-sol conjonctif favorable à
une épidermisation. Cette épidermisation peut être accélérée par MÉATOPLASTIE (fig 10) [7, 12]
l’utilisation de fragment de greffe de peau comme les greffes de
Davis. Elle constitue la dernière étape de l’intervention, mais détermine en
grande partie la réussite et la bonne tolérance de la cavité
d’évidement. Sa taille doit être adaptée au volume de la cavité ; c’est-
COMBLEMENT DE LA CAVITÉ à-dire qu’une grande cavité doit bénéficier d’une vaste méatoplastie
La présence de cavités postérieures très pneumatisées incite à alors qu’une petite cavité peut se contenter d’un méat acoustique
réaliser un comblement partiel de cette cavité pour en limiter sa externe de taille normale. La voie endaurale élargie donne un accès
taille et assurer une meilleure tolérance. À côté de ses avantages, le très confortable au méat. On peut réaliser ainsi une méatoplastie

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies 46-080

"
B1

"
B2

*
A

10 Méatoplasties dans les cavités d’évidement.


A. Méatoplasties : 1. Extracartilagineuse ; 2. Transcartilagineuse.
B. Méatoplastie extracartilagineuse.
C. Méatoplastie transcartilagineuse.

*
C

extracartilagineuse, respectant le cartilage conchal, ou bien une chondrite. Le déméchage est effectué entre le cinquième et le
méatoplastie transcartilagineuse emportant un fragment de cartilage huitième jour. Une intervention sur oreille infectée incite à démécher
conchal et donnant un méat beaucoup plus large. plus précocement vers le cinquième jour.
La rigueur des soins opératoires est indispensable pour obtenir une
FERMETURE bonne cicatrisation. Les tissus bourgeonnants sont réséqués à la
pince ou cautérisés avec un Coton-Tiget imbibé d’acide
La cavité est couverte de fragments d’éponges résorbables, et une
trichloracétique dilué au tiers. Un traitement par gouttes
mèche iodoformée est insérée dans la cavité.
antibiocorticoïdes limite le bourgeonnement et favorise la
cicatrisation. Il faut toutefois être sûr que la caisse du tympan est
étanche pour utiliser ce type de goutte. En l’absence de membrane
Soins postopératoires et surveillance tympanique étanche, il est impératif d’utiliser des gouttes non
ototoxiques (fluoroquinolone, rifamycine). Le patient est revu
15 jours après, puis toutes les 3 ou 4 semaines jusqu’à cicatrisation
ANTIBIOTHÉRAPIE
complète. Cette cicatrisation s’effectue en moyenne en 2 mois pour
L’attitude adoptée est différente selon que l’oreille opérée est sèche les cavités d’évidement et 3 semaines pour les techniques fermées.
ou qu’elle est infectée au moment de l’intervention.
Pendant la période de cicatrisation, les bains sont à proscrire. En
Si l’oreille est sèche, une antibiothérapie prophylactique peut être revanche, une cavité d’évidement bien cicatrisée ne contre-indique
proposée. C’est une antibiothérapie peropératoire et éventuellement pas systématiquement les activités nautiques, excepté la plongée
postopératoire de courte durée, inférieure à 48 heures. Si l’oreille est sous-marine.
infectée, une antibiothérapie s’impose jusqu’au déméchage. Elle doit
être ciblée, en particulier vis-à-vis de Pseudomonas aeruginosa et du
staphylocoque doré, et au mieux être adaptée aux données d’un COMPLICATIONS
examen bactériologique préopératoire.
¶ Complications peropératoires
SOINS LOCAUX ET SURVEILLANCE
Blessure du sinus latéral
Après toute chirurgie des cavités postérieures, en particulier après
un évidement, il est indispensable de surveiller l’état du pavillon Elle est contrôlée le plus souvent par un tamponnement de
pendant les jours qui suivent l’opération afin de dépister une Surgicelt.

11
46-080 Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies Techniques chirurgicales

Blessure de la dure-mère nerf facial avec interposition d’un greffon aux dépens du plexus
cervical superficiel.
Elle peut survenir très précocement dès le début de l’antrotomie si
la dure-mère est très procidente, ou si l’antrotomie est amorcée trop
haut par rapport aux repères habituels. La dénudation de la dure- ¶ Complications postopératoires
mère est un incident mineur si sa surface est réduite. Au-delà de
1 cm, le defect doit être comblé par du cartilage ou un fragment Paralysie faciale
d’os, car il peut être source d’une hernie méningée ou En cas de paralysie faciale postopératoire, il est important de savoir
méningoencéphalique. si celle-ci est survenue dès le réveil ou si elle est apparue après un
Une hémorragie d’un vaisseau dure-mérien est stoppée par un temps de latence le lendemain ou le surlendemain. En cas de
tamponnement de Surgicelt ou une coagulation bipolaire. En cas de paralysie faciale secondaire, le traitement consiste en un déméchage
fuite de liquide céphalorachidien, on peut agrandir légèrement le et une corticothérapie générale. Si la paralysie faciale est survenue a
defect osseux avec une fraise diamantée et glisser un fragment priori d’emblée, et si l’opérateur est sûr de ne pas avoir lésé le nerf
d’aponévrose temporale entre l’endocrâne et la dure-mère. facial, on réalise le même traitement. Si l’opérateur a des doutes, il
faut alors proposer une intervention exploratrice le plus rapidement
Fistule du canal semi-circulaire latéral possible.
Lorsqu’on suspecte une fistule du canal semi-circulaire latéral, soit L’apparition d’une paralysie faciale postopératoire secondaire et
devant l’imagerie tomodensitométrique, soit par l’importance de tardive à partir de la troisième semaine doit faire évoquer en priorité
l’étendue du cholestéatome lors de l’intervention, il convient de le diagnostic de tuberculose de l’oreille moyenne.
terminer la dissection par la région du canal latéral. Deux options
doivent être discutées : soit laisser en place la matrice de Chondrite
cholestéatome sur la fistule bouchée, soit tenter une dissection
C’est une complication redoutée, en particulier dès qu’il y a mise à
minutieuse de la matrice épidermique qui peut adhérer au
nu de cartilage. Elle survient le plus souvent après un évidement
labyrinthe membraneux. Dans ce cas, la fistule doit être recouverte
associé à une méatoplastie transcartilagineuse. Les premiers signes
rapidement d’un greffon d’aponévrose temporale.
apparaissent souvent précocement dès la 48e heure, avec douleurs,
inflammation et rougeur des téguments du pavillon de l’oreille. La
Lésion du nerf facial
constatation d’une chondrite débutante nécessite une antibiothérapie
Une lésion peropératoire du nerf facial implique sa réparation par voie générale orientée contre Pseudomonas aeruginosa et le
immédiate qui est le plus souvent une résection de la partie lésée du staphylocoque doré.

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12
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 45-527-46-100

45-527
46-100

Chirurgie des oreilles décollées


JM Thomassin
G Magalon
Résumé. – Les déformations inesthétiques du pavillon de l’oreille associent, à des degrés variables, un
J Bardot
valgus, un défaut de plicature de l’anthélix, une hypertrophie de conque.
F Braccini
Leurs corrections chirurgicales, encore appelées otoplasties, combinent différentes techniques qui doivent être
simples, rapides et qui ont fait leurs preuves pour aboutir à un résultat d’ensemble harmonieux, élégant et
durable.
Outre les déformations, le chirurgien doit toujours tenir compte, avant de proposer une technique
chirurgicale, de l’épaisseur du cartilage qui conditionne la rigidité, l’élasticité du pavillon et le résultat dans le
temps.
Le choix des techniques impose un bilan préopératoire précis complété par des documents photographiques
afin d’éviter toute insuffisance, irrégularité, cassure en regard de l’anthélix à l’origine de reprise chirurgicale
souvent délicate.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : oreille décollée, techniques chirurgicales.

Introduction 1 Configuration externe


du pavillon de l’oreille.
Les oreilles décollées représentent une situation inesthétique 1. Hélix ; 2. tubercule
courante. La légitimité de sa correction ne se discute pas dans la de Darwin ; 3. gouttière
civilisation occidentale, où elle représente un des critères évidents scaphoïde ; 4. cavum ; 5.
conque ; 6. anthélix ; 7. ra-
des canons de beauté. cine de l’anthélix ; 8. scis-
Leur écartement exagéré par rapport à la paroi latérale du crâne sure antitragohélicéenne ;
peut être mal vécu, et être aussi à l’origine d’un certain complexe 9. lobule ; 10. branches an-
par les nombreuses moqueries chez les enfants qui les reçoivent, ou térieure et postérieure de
encore source de troubles caractériels dus aux difficultés d’insertion. l’anthélix ; 11. fossette na-
viculaire ; 12 cymba de la
C’est pourquoi la chirurgie modelante du pavillon de l’oreille est conque ; 13. racine de l’hé-
d’autant plus justifiée : lix ; 14. sillon préauricu-
laire ; 15. tragus ; 16. anti-
– qu’elle s’adresse le plus souvent à des sujets jeunes ; tragus ; 17. échancrure
– que la sécurité sociale l’a déjà prévue dans la nomenclature. intertragienne ; 18. méat
acoustique externe.
C’est l’opération type de chirurgie esthétique acquise rapidement et
stable à condition d’utiliser une technique fiable et reconductible.
En effet, elle a suscité chez les chirurgiens un intérêt très important
puisqu’il n’existe pas moins de 100 techniques pour repositionner
les pavillons d’oreille. Cependant, il ressort une technique de base,
et il est possible de modifier l’intervention en fonction de chaque
cas. Anatomie appliquée à la déformation
Il n’y a pas un stéréotype d’oreilles décollées mais une grande du pavillon de l’oreille
variété de déformations avec quatre grands groupes d’altérations
esthétiques. CONFIGURATION EXTERNE
Le pavillon de l’oreille est une lame de fibrocartilage élastique qui
lui donne sa rigidité, sa direction et son aspect tourmenté.
Jean-Marc Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier. On lui décrit :
Frédérique Braccini : Chef de clinique, assistant des Hôpitaux.
Fédération oto-rhino-laryngologique, centre hospitalier de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille – une face latérale (fig 1) orientée en dehors et en avant, et
cedex 05, France.
Guy Magalon : Professeur des Universités, praticien hospitalier. schématiquement formée de trois segments :
Jacques Bardot : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de chirurgie plastique et réparatrice, hôpital de la Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille
– la conque constituant une dépression centrale profonde située à
cedex 05, France. la partie moyenne prolongeant le méat auditif externe ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Magalon G, Bardot J et Braccini F. Chirurgie des oreilles décollées. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-527, Techniques chirurgicales – Tête et cou, 46-100, 2000, 16 p.

150 512 EMC [272]


45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100

2 Armature fibrocartilagineuse de l’oreille externe.


1. Épine de l’hélix (spina helicis) ; 2. tragus ; 3. méat acous-
tique externe ; 4. incisure intertragienne ; 5. antitragus ;
6. queue de l’hélix (cauda helicis) ; 7. incisure intertragohé-
licéenne ; 8. cavum de la conque ; 9. racine de l’hélix ;
10. anthélix ; 11. gouttière scaphoïde ; 12. hélix ; 13. fossette
naviculaire ; 14. branche supérieure de l’anthélix ; 15. bifur-
cation antihélicéenne ; 16. racine de l’hélix ; 17. cymba ;
18. isthme méatocanalaire ; 19. conduit auditif externe.

– le scapha entourant la précédente sur les deux tiers helicis) oblique en haut et en avant séparée par une large incisure
postérosupérieurs, la zone de plicature se faisant au niveau de du tragus, il se termine par une extrémité effilée ou « queue » (cauda
l’anthélix ; helicis). Il joue un rôle important dans le soutien et l’aspect du tiers
– le lobule, qui constitue le tiers inférieur du pavillon appendu à inférieur du pavillon. Au cours de son trajet, il présente en avant à
la conque ; hauteur du tragus une saillie, l’épine de l’hélix (spina helicis), et très
souvent, au niveau de la partie postérosupérieure, une éminence
– une face médiale orientée en dedans et en arrière vers la paroi
arrondie ou triangulaire plus ou moins accentuée, le tubercule de
crânienne, qui constitue la voie d’abord chirurgicale la plus
Darwin.
employée ; elle adhère à la paroi crânienne par son tiers antérieur
sur une zone de 4 cm de haut et sur 2 cm de large, répondant en ¶ Gouttière de l’hélix
avant à l’orifice du conduit. On y retrouve les trois portions
Celle-ci sépare la crête précédente de la suivante, dessinant ainsi à
précédentes avec des reliefs inversés et atténués. Le plus visible est
la coupe un demi-anneau. Elle apparaît comme un léger renflement
la convexité de la conque entourée d’une dépression correspondant
sur la face médiale.
à l’anthélix ;
– un bord périphérique formé en dehors du lobule par l’hélix dont la ¶ Anthélix
racine étroite naît au-dessus du conduit et reste séparée par une Surplombant la conque, il joue un rôle particulièrement important
incisure ; dans la morphologie du pavillon par la complexité de son dessin, et
– la peau qui recouvre la face antérieure est très mince. Elle adhère parce qu’il constitue la zone de plicature à partir de laquelle le
intimement au périchondre épousant les moindres reliefs, excepté pavillon se dispose dans un plan parasagittal. Il naît en bas et en
sur le tragus et la partie antérieure de la racine de l’hélix. En arrière, arrière de la conque au niveau de la queue de l’hélix dont il reste
la peau est au contraire plus épaisse, immobile, glissant sur le séparé par une échancrure (fissura antitrago-helicina). Le corps de
cartilage par l’intermédiaire d’une couche de tissu cellulaire l’anthélix, d’abord étroit et saillant dans une courte portion verticale
relativement lâche. ou légèrement orientée en arrière, s’élargit et devient mou en se
En bas, le lobule dont l’extrémité inférieure se termine par un bord dirigeant en haut et en avant. Le bord antérieur se divise en deux
libre semi-circulaire est formé de deux lames cutanées épaisses branches (crura anthelicis) limitant entre elles la fossette naviculaire
séparées par un matelas celluloadipeux abondant. (fossa triangularis).
Son absence d’armature cartilagineuse explique que ces La branche inférieure horizontale se termine au niveau de l’hélix.
déformations sont surtout la conséquence d’anomalie Elle fait saillie au niveau de la conque qui semble creusée en un
morphologique du tragus et plus encore de l’antitragus. sillon étroit et profond. La branche supérieure, oblique en haut et en
avant, se perd dans la gouttière de l’hélix.
STRUCTURE INTERNE DU PAVILLON Sur la face médiale, l’anthélix dessine une dépression, la fossa
Le pavillon est composé d’une armature fibrocartilagineuse, de anthelicis. Les deux branches apparaissent en creux isolant une
ligaments et de muscles. saillie, l’eminentia triangularis, image inversée de la fossette
naviculaire. La gouttière correspond à la branche inférieure de
¶ Armature fibrocartilagineuse (fig 2) l’anthélix qui se présente sous la forme d’un sillon étroit et marqué
Elle est d’une importance capitale car c’est elle qui constitue la décrit sous le nom de sillon transverse (sulcus anthelicis transversis).
plupart des reliefs anatomiques précédemment évoqués, mais aussi
parce qu’elle présente des propriétés élastiques particulières dont la ¶ Conque
maîtrise est à la base de la chirurgie otoplastique. Elle forme une dépression en « entonnoir » de 20 à 25 mm de haut
Ce fibrocartilage, hétérogène dans son épaisseur (0,5 à 1,5 mm) sur 15 à 18 mm de large. Elle est divisée en deux portions inégales
autant que dans ses propriétés mécaniques, forme la quasi-totalité par la racine de l’hélix : une supérieure étroite (cymba), et l’autre
du pavillon, à l’exception du lobule. Il est fait de nombreuses fibres inférieure (cavum) large qui continue directement avec la paroi
élastiques et recouvert de périchondre sur toutes ses faces. Il est inférieure du méat auditif externe.
particulièrement épais et résistant sur la face postérieure du Sur la vue médiale, la conque apparaît en relief (eminentia conchae)
pavillon, ce qui autorise une bonne traction chirurgicale par des circonscrite par la fossa anthelicis.
ligatures.
¶ Antitragus
¶ Hélix Il prolonge l’anthélix en bas et en avant. De forme ovoïde, situé en
Il dessine un bourrelet excentrique à concavité antérieure. Né au arrière du tragus, il se continue par l’anthélix dont il est séparé par
niveau de la partie postérieure de la conque par une racine (crus une dépression plus ou moins profonde.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100
¶ Tragus – une branche antéromoyenne pour la conque et la racine de
l’hélix ;
Il s’avance au-devant du méat auditif externe séparé en haut de
l’hélix par le large sillon antérieur de l’oreille (incisura anterior – une branche antéro-inférieure pour le tragus et le lobule ;
auris), et en bas de la saillie suivante par une dépression arrondie : – un pédicule postérieur provenant de l’artère auriculaire postérieure
l’échancrure de la conque (incisura intertragica). Le tragus a la forme et qui vaut en importance sur le système précédent. Il se distribue
d’un triangle à la base antérieure dont le sommet libre regardant en en plusieurs rameaux. Il irrigue la totalité de la face postérieure du
arrière et en dehors présente deux saillies dont la supérieure est le pavillon et une partie de sa face antérieure par le truchement de
tubercule de His. rameaux perforants contournant l’hélix.
L’abondance de la vascularisation explique le caractère relativement
APPAREIL LIGAMENTOMUSCULAIRE hémorragique des interventions, mais la richesse des anastomoses
autorise tous les types d’incisions.
¶ Ligaments
¶ Système veineux
Ligaments extrinsèques Les veines se répartissent aussi en deux territoires :
Ils unissent le pavillon à l’os temporal. On distingue : – le territoire antérieur : les superficielles se jettent dans le plexus
– un ligament antérieur allant de l’épine de l’hélix et du tragus à sous-cutané de la joue, les profondes dans la veine temporale en
l’apophyse zygomatique. Certains auteurs le considèrent comme un haut, les veines profondes de la parotide postérieure en bas ;
simple épaississement de la galea, mais son rôle d’amarrage est – le territoire postérieur : les superficielles communiquent avec les
indiscutable et sa section lors d’une incision intertragohélicéenne, veines occipitales superficielles, les postérosupérieures qui se jettent
pour un abord endaural élargi par exemple, impose sa réparation dans la veine temporale profonde, les moyennes et inférieures se
sous peine de voir le pavillon déjeté en arrière et en dehors ; collectent dans un arc postérieur constant qui se termine dans les
– un ligament postérieur, d’importance fonctionnelle probablement veines profondes de la glande parotide. Quelques branches
moindre, relie la face interne de la conque à la mastoïde. communiquent avec les veines de la région mastoïdienne.

Ligaments intrinsèques ¶ Nerfs

Parfois décrits avec minutie dans certains traités anatomiques, ils ne Cette innervation sensitive du pavillon est assurée par trois branches
nous paraissent pas présenter de réalité individualisable. Ce sont en nerveuses :
fait des expansions conjonctives émanant plus ou moins du – le nerf auriculotemporal, branche du trijumeau innervant la
périchondre et tantôt comblant des incisions cartilagineuses ou bien portion ascendante de l’hélix et le tragus ;
exerçant une traction sur certaines parties du cartilage pour lui
donner sa forme. – le rameau postérieur de la branche auriculaire du plexus cervical
superficiel qui innerve la face interne du pavillon, la totalité du
lobule, l’antitragus, la partie postérosupérieure de l’hélix et la région
¶ Muscles
préhélicéenne ;
Ils se superposent presque aux ligaments. – le rameau sensitif du nerf facial innerve cette zone de Ramsay-
– Ce sont essentiellement les muscles extrinsèques. Ils sont destinés à Hunt formée de la conque et du méat acoustique externe.
orienter le pavillon, mais sont très minces et sans action chez la L’existence de différents pédicules nerveux sensitifs doit être prise
plupart des individus. On distingue : en compte, notamment lors de l’anesthésie locale. Ce type
d’anesthésie utilisant un mélange adrénaliné ne doit jamais
– le muscle auriculaire supérieur qui est tendu de l’aponévrose
comporter d’injection sur la face antérieure du pavillon, sa
temporale en haut à la face interne du pavillon où il s’insère dans
vascularisation s’exposant à un risque majeur de nécrose.
la fossette de l’anthélix ;
– le muscle auriculaire antérieur qui va de l’aponévrose
épicrânienne à l’épine de l’hélix et au bord antérieur de la Angulométrie normale et déformation
conque ;
inesthétique
– le muscle auriculaire postérieur, formé de deux à trois faisceaux,
qui unit la base de l’apophyse mastoïde à la partie moyenne de la
convexité de la conque. C’est ce dernier qui est retiré afin de CRITÈRES ANTHROPOMÉTRIQUES DU PAVILLON
creuser le lit conchal dans les techniques de reposition de l’angle DE L’OREILLE (fig 3)
céphaloconchal [18]. Le pavillon normal dans un plan frontal est compris entre deux
– Quant aux muscles intrinsèques, ils ne présentent pas d’intérêt lignes sensiblement horizontales : la supérieure passe par le sourcil
chirurgical, ils sont tout à fait virtuels sur le vivant. Ce sont le grand et l’inférieure par le bord libre de l’aile du nez. Son grand axe est
et le petit muscle de l’hélix, les muscles du tragus et de l’antitragus, parallèle à la ligne de profil du nez. Le plan du pavillon forme un
les muscles transverse et oblique sur la face interne. angle d’environ 10° ouvert vers le haut avec le plan temporal. Le
lobule est situé dans un plan voisin de celui formé par le contour de
l’hélix.
VASCULARISATION ET INNERVATION Dans un plan sagittal, la ligne joignant le point culminant du contour
de l’oreille au bord antérieur du lobule est normalement parallèle à
¶ Système artériel l’arête dorsale de la pyramide nasale.
La vascularisation artérielle provient de la carotide externe à partir La ligne presque verticale, joignant la racine de l’hélix et la zone de
de deux systèmes : jonction entre lobule et face, prolonge normalement le rebord
postérieur de la branche montante mandibulaire [30, 39].
– un pédicule antérieur provenant de branches de l’artère temporale Dans un plan horizontal, l’angle de la modification est à l’origine de
superficielle (artères auriculaires antérieures) au nombre de trois : la plupart des disgrâces esthétiques du pavillon.
– une branche antérosupérieure pour le quadrant antérosupérieur L’anthropométrie est une discipline quasiment sans limite, mais
du pavillon ; nous retenons en pratique quatre angles importants (fig 4A) :

3
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100
Certains auteurs comme Krappen [23] complètent ces données
angulaires par des mensurations de distance entre les différents
points du pavillon et le plan crânien. L’intérêt de ces méthodes est
1
une évaluation postopératoire concernant les résultats de la chirurgie
des oreilles décollées ou dans la chirurgie de reconstruction du
2 pavillon de l’oreille.

DÉFORMATIONS INESTHÉTIQUES DU PAVILLON


DE L’OREILLE
3
Dans la très grande majorité des cas, ces déformations inesthétiques
4 combinent, à des degrés variables, ouverture céphaloconchale,
défaut de plicature de l’anthélix ouvrant l’angle scaphoconchal,
5
hypertrophie de conque (fig 4B).

¶ Ouverture de l’angle céphaloconchal (fig 4B)


*
A
Le pavillon a une forme et un relief normaux mais semble avoir
pivoté autour de son attache antérieure.
Une augmentation de 10° de cet angle donne déjà une déformation
notable sur le plan esthétique. Plusieurs anomalies anatomiques
peuvent en être la cause :
– un défaut de plicature à la jonction entre le méat auditif externe et
1 la conque ;
– une hypertrophie mastoïdienne considérable refoulant en dehors
le pavillon. Cette anomalie est exceptionnelle ;
2 – un « ressort » cartilagineux au niveau de l’extrémité de la branche
3 inférieure de bifurcation de l’anthélix.
4 Lorsqu’il existe un doute sur la juste appréciation de cette
5
déformation, on la vérifie cliniquement en appuyant sur le bord
externe de la conque : la déformation se corrige alors tandis que la
6
pression du doigt sur l’hélix n’améliore pas l’aspect du pavillon.

¶ Hypertrophie conchale
Cette anomalie est surtout évidente en vue postérieure. Elle se
vérifie par un développement excessif de la conque qui accroît la
distance entre le rebord hélicéen et le plan crânien.
On la met en évidence par l’examen de la face postérieure du
pavillon. La pression du doigt est incapable de corriger la
déformation.

¶ Défauts de plicature de l’anthélix sur lui-même


*
B C’est la déformation la plus typique et la plus sensiblement
3 Topographie de l’oreille. préjudiciable sur le plan esthétique, donnant à l’oreille un aspect
A. Coupe horizontale.1. Hélix ; 2. anthélix ; 3. conque ; 4. angle céphaloauricu- d’« antenne parabolique ».
laire ; 5. conduit auditif externe. L’ouverture de l’angle scaphoconchal aux alentours de 175° peut
B. Rapports anatomiques. 1. Hélix ; 2. anthélix ; 3. cymba conchae ; 4. cavum représenter près du double de l’angle normal.
conchae ; 5. antitragus ; 6. lobule.
Cette déformation de l’angle est facilement corrigée par les doigts
– l’angle céphaloconchal, entre le plan de la mastoïde et la tangente de l’examinateur.
de la conque ; sa valeur est d’environ 80 à 90° ; En fait, ces trois facteurs de décollement sont rarement isolés et, dans
– l’angle scaphoconchal qui est délimité par les lignes tangentes la plupart des cas, ils s’associent à des degrés divers. Ainsi dans
entre les plans du scapha et la conque. Il correspond à un degré 60 % des cas, l’hypertrophie de la conque coexiste avec un défaut de
plus ou moins marqué de plicature de l’hélix sur l’anthélix. Sa valeur plicature de l’anthélix et de ses branches.
normale est égale environ à 90°. Pour Jost [21], la fermeture de cet D’autres anomalies peuvent d’ailleurs se surajouter au décollement :
angle, aux alentours de 80°, confère une indéniable élégance à macro- ou microtie, hélix non ourlé, protrusion ou absence du
l’oreille ; lobule, etc.
– l’angle scaphohélicéen traduit le degré de plicature de l’hélix sur Au total, ces notions anthropométriques et anatomiques sont
le plan du scapha, en d’autres termes le degré d’antéversion du particulièrement importantes du point de vue chirurgical.
bourrelet auriculaire. Il doit se situer dans une fourchette comprise L’épaisseur du cartilage conditionne la rigidité et l’élasticité du
entre 40 et 60° ; pavillon, alors que ses reliefs en déterminent la forme et la position.
– l’angle céphaloauriculaire est ainsi mis entre le plan de la Le caractère du cartilage auriculaire est celui d’une structure
mastoïde et celui passant à la fois par le sillon rétroauriculaire et le monocoque nervurée indéformable qui impose de la considérer dans
bord le plus postérieur du contour du pavillon. Il est très influencé tous les cas comme un ensemble si l’on veut obtenir une oreille
par l’angle céphaloconchal, mais la plupart des modifications véritablement harmonisée dans toutes ses parties.
angulaires (cf supra) vont directement retentir sur cet angle. Il est L’association de déformations modérées ou minimes, lorsqu’elles
chiffré à 20 ou 30°. sont considérées séparément, peut aboutir à une déformation

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

"
B1 "
B2

"
B3 "
B4
c

d 4 Inspiré de Senechal [30].


A. Angulométrie du pavillon. a. angle
*
A
céphaloconchal ; b. angle céphaloauricu-
laire ; c. angle scaphohélicéen ; d. angle
scaphoconchal.
2 cm B. Schématisation des principales défor-
V

90° mations du pavillon conduisant à une


V

90°
V

oreille décollée : ouverture excessive


de l’angle céphaloconchal (B1) ; hypertro-
phie conchale (B2) ; défaut presque com-
plet de plicature de l’anthélix (B3) ; asso-
ciation des trois anomalies précédentes
(B4) ; anomalie de l’angle céphaloconchal
(B5) ; hypertrophie de la conque (B6) ; dé-
faut de plicature de l’anthélix (B7).

"
B5 "
B6 "
B7

d’ensemble notable. C’est pourquoi, généralement, l’otoplastie les grands courants d’idées qui ont marqué l’évolution de cette
esthétique doit combiner différentes techniques correctrices entre plastie correctrice en limitant le nombre des techniques décrites à
elles pour aboutir à un résultat d’ensemble harmonieux, élégant, et celles qui en sont la meilleure illustration.
durable. Nous sommes donc forcément et volontairement incomplets.
Si on accepte les précurseurs que furent au Xe siècle l’Hindou
Surusta, et au XVI e siècle le Bolognais Tagliacozzi, on peut
Technique opératoire reconnaître différentes périodes dans la technique des otoplasties.
Dans la première, on se contente d’enlever un croissant de peau
rétroauriculaire (Dieffenbach, 1845 ; Ely, 1881). L’élasticité du ressort
ÉVOLUTION DES IDÉES
cartilagineux entraînait, dans la majorité des cas, la distension des
On ne peut qu’être étonné par le contraste frappant entre une amarres cutanées ainsi créées avec reproduction secondaire de la
déformation à première vue assez banale et le déferlement des déformation. Cette idée, dès la fin du XIXe siècle, faisait condamner
techniques qui en proposent la correction. ce type de procédé.
Trouver un fil d’Ariane dans un tel dédale n’est pas une chose aisée Au cours de la deuxième période, on a adjoint à l’exérèse cutanée la
et, voulant rester simple et pratique, nous nous bornerons à indiquer résection d’une portion de la conque inaugurée par King et

5
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100
Monks [25]. En fait, un nom domine toute cette période, celui de auriculaire en bonne place. Robin a ainsi préconisé une
Morestin [26] qui, en 1903, décrivait un procédé qui eut un grand et chondrotomie antérieure à l’union de la conque du conduit auditif
durable succès, en France notamment, et qui fut repris dans de externe qui va permettre la bascule du pavillon vers l’arrière. Auric
nombreux traités de technique opératoire. On reprochait à ce a perfectionné ce point de technique en suturant le bord antérieur
procédé remarquable par sa simplicité, de supprimer le sillon de la conque au périoste mastoïdien, évitant ainsi toute déformation
rétroauriculaire, donnant un pavillon aplati sans relief et trop collé. du méat. Pollet de son côté a proposé une technique très séduisante
La troisième période voit naître les techniques de plicature simple dont l’intérêt est de rompre l’effet de ressort constitué par la fusion
de l’anthélix déjà entrevues par Morestin. C’est à Luckett [22], en 1910, de la racine de l’hélix et de la branche inférieure de l’anthélix, il y
que nous devons les techniques qui se proposent de reconstruire la parvient par une section cartilagineuse dissimulée permettant de
plicature normale de l’anthélix. Il y parvient en associant une séparer la partie antérosupérieure de l’anthélix et la racine de l’hélix.
excision en « croissant » de la peau postérieure opposée au futur – Senechal [30] s’est attaché à la question des protrusions du lobule
anthélix et une résection d’une bande allongée de cartilage tout que l’on observe fréquemment. Leur traitement préventif comporte
autour de l’anthélix et de sa branche postérosupérieure, et en tantôt des résections de la queue de l’hélix, tantôt et surtout une
suturant enfin, par des points éversants, les berges cartilagineuses action au-dessous de l’antitragus sur le bas-fond conchal.
restantes.
– Récemment, Graham [16] a proposé une technique d’affaiblissement
Ces procédés se perfectionnèrent par la suite et il nous faut citer les
du cartilage sous endoscope.
travaux de Young [41] qui se proposait de reposer le scapha en bonne
position par rapport à la conque sans suture de soutien.
Sans vouloir garder l’ordre chronologique, deux procédés ont été OTOPLASTIES CORRECTRICES : TECHNIQUES
développés. Le choix d’une technique de réduction des oreilles décollées est
– Les procédés visant à émousser la plicature de l’anthélix. souvent propre à chaque chirurgien. Pour notre part, nous avons
À la chondrotomie unique type Luckett se sont succédé les choisi des techniques rapides et simples qui ont fait leurs preuves.
chondrotomies parallèles de part et d’autre de l’anthélix à créer. On
décomposait ainsi cet angle normalement aigu en plusieurs angles ¶ Information préopératoire
obtus. Ces incisions peuvent être transfixiantes. La technique de
Barsky en est l’illustration. – Elle implique :
Plus récemment, ont été proposées des incisions non transfixiantes – l’obtention du consentement éclairé par les parents ou par le
dont le propos est d’éviter les saillies disgracieuses des tranches patient lorsqu’il est adulte. Cela passe obligatoirement par la remise
cartilagineuses visibles sous la peau. Certaines pourront être faites d’une fiche qui concerne les informations médicales en rapport avec
par voie postérieure comme dans la technique de Robin [32] ou encore cette intervention où tous les risques, même les plus exceptionnels,
celles de Morel-Fatio. sont expliqués (hématome, infection, périchondrite, cicatrice
D’autres se proposent d’aborder le cartilage par voie antérieure pour chéloïde) pour n’en citer que quelques-uns. Personnellement, nous
rompre les lignes de force du cartilage au niveau où elles ont le plus exigeons que cette fiche remise au patient ou aux parents de l’enfant
tendance à reproduire la déformation, c’est-à-dire en avant. soit signée avant de pratiquer l’acte chirurgical ;
Marino, en 1964, propose un procédé intéressant par sa simplicité et
– la nécessité d’avoir des photographies de face et de chaque profil
sa rapidité qui a été diffusé en France par Aubry et son école [2, 3].
auxquelles s’ajoute une vue arrière, preuve médicolégale de la
Après avoir fait une chondrotomie immédiatement en avant et au-
malformation ;
dessous de l’anthélix et de sa branche inférieure, il décolle sur 1 cm
environ la peau externe de la conque. La suture, du fait du sacrifice – que la demande quant au degré de correction soit clairement
cutané, va tirer la conque en arrière et en dedans, l’anthélix se exprimée : il faut se méfier des adultes qui demandent une
plaçant automatiquement en dehors et en avant. La plicature hypercorrection définitive des deux oreilles. En effet, si l’on peut
masquée dans le sillon entre anthélix et conque n’est pas visible. toujours recoller davantage des oreilles, il est beaucoup plus difficile
Plus complexes sont les procédés qui projettent en avant une bande de décoller des oreilles trop collées.
de cartilage découpée sur le tracé du futur anthélix. C’est le principe
de l’opération de Becker [4] qui, après avoir isolé par une incision en ¶ Anesthésie
« raquette » la zone de l’anthélix et sa branche supérieure, refoule
Deux procédés sont employés.
cette branche cartilagineuse en forme de « corne d’abondance » vers
l’avant par des points rapprochant les berges cartilagineuses Anesthésie locale simple avec prémédication
restantes. Dufourmentel [11] propose une technique similaire sans
point de contention. Elle peut être utilisée seule chez l’adulte et même chez le grand
– Des techniques plus élaborées enfin ont pour objet de reformer enfant autorisant une chirurgie ambulatoire. Elle fait appel à une
l’anthélix par une véritable tubulisation. Converse [8] est le solution de lidocaïne à 1 % faiblement adrénalinée. Les points
promoteur de cette méthode. Des chondrotomies placées en arrière d’injection bloquent surtout le nerf auriculotemporal en avant du
et en avant de l’anthélix et de sa branche supérieure sont un peu tragus. Elle ne doit jamais comporter d’injection sur la face
plus distantes que dans l’intervention de Becker. Le reproche qui antérieure du pavillon. L’infiltration des plans sous-cutanés sur la
peut être fait à cette technique séduisante est d’obtenir un bourrelet face médiale du pavillon déborde dans le sillon rétroauriculaire en
antihélicéen trop important avec réduction du scapha. profondeur jusqu’au contact osseux (fig 5).
– Certains ont proposé de tubuliser l’anthélix par simple Anesthésie générale
amincissement du cartilage à la râpe [35], à l’aide de striations [7], voire
même sans amincissement [27] et ceci à l’aide de points de matelassier C’est pour beaucoup la méthode choisie chez l’enfant de moins de
placés sur le cartilage de part et d’autre du néoanthélix sans toucher 10 ans ou en cas de sujet pusillanime. Elle est toujours complétée
à la peau antérieure. D’autres techniques pour compléter la plicature par une anesthésie locale.
harmonieuse de l’anthélix ont été décrites. C’est ainsi que les tissus
rétroauriculaires ont été réséqués. C’est à Robin [32] et à Pollet [28] que ¶ Voie d’abord
revient le mérite d’avoir mis en exergue l’intérêt de cette technique,
créant une logette pour la conque afin d’en permettre une reposition Préparation du champ opératoire
plus facile. Avant l’intervention, on recommande un shampooing avec une
– De nombreux auteurs également se sont attachés à la correction solution antiseptique la veille ou le jour de l’intervention, avec un
des ressorts antérieurs qui s’opposent à une reposition du pavillon nettoyage soigneux du pavillon de l’oreille.

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

7 Lambeau à pédicule mas-


toïdien.

*
A

*
B
5 Méthodes pour l’anesthésie locale.

Au bloc opératoire, on prépare deux champs opératoires (un pour *


A *
B
chaque oreille) de façon classique après avoir rabattu les cheveux et 8 Exérèse du tissu musculo-fibro-adipeux prémastoïdien : il faut éviter de blesser
procédé à une désinfection soigneuse du pavillon de l’oreille. le conduit auditif externe, quelques hémostases sont parfois nécessaires.

Abord du pavillon de l’oreille Ce procédé facilite la reposition de l’oreille et corrige, dans de


nombreux cas, une conque trop saillante. Il constitue un temps quasi
• Abord par la face médiale systématique de toute otoplastie correctrice.
La face postérieure a l’avantage de permettre des incisions
dissimulées. Deux techniques sont utilisées : Exposition du sillon qui sépare la queue de l’hélix de l’anthélix
– l’excision cutanée, tracée en forme de « raquette » rétrécie à sa À l’aide d’un ciseau pointu, on sépare la queue de l’hélix de
partie moyenne à laquelle on peut ajouter quelques variantes, a l’anthélix après section du tissu cellulaire renforcé d’éléments
notre préférence (fig 6). ligamentaires.
L’incision périphérique parallèle à l’hélix dessine une courbe ¶ Modelage de l’anthélix
régulière convexe en arrière, l’incision centrale est concave
respectant un tracé réniforme ; Souvent insuffisant ou absent dans les oreilles décollées, l’anthélix
constitue un relief important.
– la taille d’un lambeau à pédicule mastoïdien qui sera ajusté à la
demande à la fin de l’intervention (fig 7). Il a depuis plusieurs Le but est de refaire cette plicature essentielle avec un relief le plus
années notre préférence pour la qualité de la cicatrice cutanée naturel possible.
obtenue. Il commence par une incision parallèle à l’hélix à 5 mm du La technique choisie doit tenir compte des habitudes de chacun mais
bord libre auquel viennent se brancher deux incisions surtout de l’épaisseur du cartilage conditionnant la rigidité et
perpendiculaires jusqu’au sillon rétroauriculaire. l’élasticité du pavillon.
Trois techniques de tubulisation permettent cette correction.
• Abord antérieur sous le rebord de l’hélix
Il est réservé à la technique des chondrotomies partielles antérieures Technique de Stenström modifiée [8, 35, 36]
(Stenström, Chongchet) [7, 35]. C’est une tubulisation par chondrotomies partielles antérieures.
Exposition du cartilage • Principe
La face médiale du cartilage doit être exposée dans sa totalité au Il s’agit de rompre le cintre fibroélastique antérieur de telle sorte
moyen d’une paire de ciseaux à bout pointu. que le cintre postérieur, intact, assure une force de traction
Une hémostase soigneuse à la pince bipolaire termine ce temps centripète, provoquant l’enroulement spontané du cartilage
d’exposition. (fig 9A, B).

Aménagement du lit conchal • Technique


Il se fait au moyen d’un bistouri monopolaire enlevant les tissus Après repérage du futur anthélix (fig 10), l’exérèse cutanée se fait
mous musculo-fibro-adipeux prémastoïdiens (fig 8). dans l’axe de l’anthélix sans décollement cutané postérieur (fig 11).

*
A *
B *
C
6 Tracés et excision cutanée.

7
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100

13 Exposition-décollement de la face an-


térieure du pavillon par voie cutanée anté-
rieure, à la jonction hélix-branche supé-
rieure de l’anthélix.

14 Décollement au moyen d’une sonde


*
B cannelée.

*
A
9 Technique de Stenström : principe d’affaiblissement à la râpe du cintre antérieur.

10 Repérage du futur anthélix. 15 Schéma des striations.

11 Incision-excision cutanée.

16 Striation de la face antérieure du


pavillon.

12 Mise en évidence de la queue de


l’hélix.

Stenström (fig 15) : chaque mouvement se fait d’un seul tenant, de


bas en haut sans revenir sur un endroit strié (fig 16).
Un petit croissant de cartilage est réséqué en fin d’intervention.
• Écueils
L’exposition de la queue de l’hélix qui est séparé de l’anthélix – Aspect brisé de l’anthélix en cas de striation en deux temps.
(fig 12). – Aspect anguleux de ce dernier en cas de striations transfixiantes.
L’exposition de la face externe du pavillon se fait par voie – Plicature souvent insuffisante en cas d’oreilles très décollées.
antérieure [5] limitée à la jonction hélix-branche supérieure de
l’anthélix (fig 13) [10] permettant un décollement antérieur large qui • Variantes
inclut l’anthélix, ses branches et la partie externe de la conque. Ce – Décollement antérieur au niveau de la fissure antitragohélicéenne.
décollement s’effectue au moyen d’une sonde cannelée (fig 14). – Certains fixent la tubulisation observée par chondrotomies
Les chondrotomies partielles antérieures non transfixiantes restent partielles antérieures à l’aide de points comme dans la technique de
dans le plan sous-périchondral, et sont réalisées à la râpe de Mustardé.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

17 Repérage du néoanthélix à l’aide d’une aiguille impré-


gnée de bleu de méthylène.

*
A *
B

18 Sutures au nombre de trois en « U ».

*
A

*
B

– D’autres réalisent un enfouissement de la conque et une fixation – Le serrage des points sera progressif jusqu’à obtention du relief
de celle-ci au plan prémastoïdien [6]. voulu, en commençant par la suture moyenne, puis la supérieure, et
enfin l’inférieure. Cette dernière, effectuée en « paletot » de part et
Procédé de Mustardé (tubulisation sans incision cartilagineuse) [27] d’autre de l’incisure antitragohélicéenne, prévient la protrusion du
• Principe lobule.
Le relief du néoanthélix est obtenu par des points de matelassier, au • Échecs. Inconvénients
fil fin non résorbable, laissés à demeure, chargeant cartilage et Plusieurs causes sont à leur origine :
périchondre. La tension des fils règle le plissement de l’anthélix.
Avec le temps, un tissu fibreux se crée dans la gouttière de l’anthélix – le fronçage de l’anthélix est lié au trop grand intervalle entre les
et maintient le résultat. points, ou à des sutures trop larges ;
– la section du cartilage par le fil de suture se voit lorsque le fil est
• Technique trop serré, lorsque la suture ne prend pas le périchondre, ou
– Résection cutanée et exposition de la face médiale du cartilage. lorsqu’elle est trop proche du sommet de l’anthélix ;
– Après repérage du néoanthélix (fig 17), on place trois ou quatre – la création d’un anthélix trop vertical et la persistance d’un
points en cadre, au fil incolore non résorbable disposés décollement supérieur du pavillon sont évitées en faisant converger
symétriquement à 1 cm environ de part et d’autre du sommet de l’axe des points en cadre vers le centre de la conque, et en faisant
l’anthélix, espacés entre eux de 4 mm, englobant le périchondre remonter la ligne de ces points assez haut vers la branche supérieure
externe strictement sous-cutané [9, 20] (fig 18). de l’anthélix ;

9
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100

20 Tubulisation au moyen
de fil à résorption lente en
« U ».

*
A
*
B

19 Procédé de Becker II : chondrotomies.

21 Exposition de la face médiale du car-


tilage.

*
C

– l’hypocorrection est due au serrage trop appuyé des points ;


– on peut voir apparaître les fils à travers la peau. 22 Tunnel supérieur, le cartilage du pa-
villon est décollé du plan mastoïdien. L’ex-
• Variantes trémité des ciseaux allant en avant de la
racine de l’hélix fait saillie sous la peau
Devant la difficulté de réalisation de cette technique, en cas de préauriculaire.
cartilage trop rigide, on peut utiliser des incisions dans le cartilage
sur sa face postérieure [19]. Elles entament les deux tiers environ de
l’épaisseur et se font le long de l’anthélix sur une largeur de 2 mm.
Il se produit ainsi une cassure dans le cartilage. Certains fragilisent
la face latérale de l’anthélix avant de tubuliser ce relief. Cette
fragilisation peut se faire en hachurant le cartilage au bistouri ou à
l’aide d’une fraise, voire au moyen d’un laser CO2 [34].
En cas de récidive, la reprise chirurgicale est simple car l’anatomie
23 Repérage du néoanthélix dans
du cartilage n’a pas été modifiée. la conque par le procédé des aiguilles.

Technique de Becker modifiée (tubulisation par chondrotomies


postérieures) [4, 33]
Elle s’adresse à des déformations complexes.

• But
Son but est de reposer le pavillon en maintenant une plicature
naturelle de l’anthélix, tout en évitant la protrusion du lobule.

• Principe On débute les chondrotomies par celle de la conque en forme de


« C » (fig 24), on isole ainsi la conque du scapha et de l’anthélix.
Des chondrotomies convenablement placées permettent de
désolidariser le scapha d’une part de la conque et de l’antitragus, La chondrotomie en « point d’interrogation » va, elle, séparer
d’autre part de l’hélix (fig 19, 20). l’anthélix de l’hélix (fig 25). Elle rejoint en haut et en avant la
chondrotomie centrale brisant le ressort cartilagineux
antérosupérieur (fig 26) comme le préconise Jost [21].
• Technique
La plicature du cartilage est assurée par deux ou trois points enfouis
Une fois la face médiale du cartilage exposée (fig 21), et les ressorts (fig 27) utilisant un fil incolore à résorption lente. Ces points
antérieur et inférieur sectionnés (fig 22), on procède au repérage du transfixient les deux berges du néoanthélix et sont suturés à la
néoanthélix au moyen d’aiguilles (fig 23). demande (fig 28).

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

24 Séparation entre la conque et 29 Repérage de l’hélix


l’anthélix par une chondrotomie en forme par le procédé des aiguilles.
de « C » menée au bistouri à lame froide
(n° 15). La section de ce cartilage achève
de séparer totalement l’anthélix de la
conque.

25 Séparation entre l’hélix et la partie


postérieure de l’anthélix. On peut s’aider
de quelques aiguilles repères. On trace
à partir du sillon de la queue de l’hélix une
incision curviligne en point d’interroga-
tion.

26 Incision unissant les chondrotomies


précédentes entre l’hélix et la partie anté-
rieure de l’anthélix (elle est placée dans
la zone cachée par la racine de l’hélix).
L’anthélix est totalement désolidarisé de la
conque et de l’hélix.

27 Mise en place de trois points en


« U » de tubulisation lorsque le ressort
cartilagineux est puissant ou au contraire
le cartilage faible. Il faut éviter toute dis-
torsion de la tunnellisation. Les points au
fil à résorption lente sont serrés à la
demande.

30 Chondrotomies antérieure et postérieure.

l’incision supérieure horizontale n’est pas jointive avec les


précédentes et laisse des ponts de cartilage intact.
Le cartilage, s’il est épais, est aminci au moyen d’une brosse rotative
28 Suture des points à la demande. sans aucune résection (fig 31) [13]. La tubulisation est maintenue par
une série de points de suture enfouis (fig 32).

¶ Correction d’une hypertrophie de conque


– On peut translater vers l’avant la conque dans l’espace créé par
l’ablation des tissus mous [27, 28] suivi d’un amarrage au périoste par
un point en « U » (fig 33). L’écueil à éviter est un rétrécissement du
méat auditif externe ;
– ou pratiquer des résections cartilagineuses de la conque
hypertrophiée comme le préconise Marino [3] (fig 34). On décolle sur
1 cm environ la peau externe de la conque. Si l’hypertrophie de la
Technique de Converse [8] conque est très importante, on peut alors réséquer quelques
Cette technique décrite en 1955 puis en 1963 réalise une tubulisation millimètres du bord libre de celle-ci : la suture avec chevauchement
en « corne d’abondance » d’un segment de cartilage piriforme des cartilages est faite au moyen d’un fil incolore à résorption lente ;
correspondant à toute la hauteur de l’anthélix et de sa branche – ou par résection d’un croissant de conque à la demande [4, 38].
supérieure (fig 29). Celui-ci doit être cependant limité à une mince bande de 2 à 3 mm
Les chondrotomies antérieure et postérieure suivent le contour de si l’on veut éviter la formation d’un pli cutané sur la face latérale du
l’anthélix et s’étendent en haut jusqu’à la gouttière de l’hélix (fig 30) ; pavillon (fig 35A, B).

11
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100
Sutures cutanées
31 Amincissement du
cartilage à la brosse. Elles peuvent être faites par des points séparés ou de matelassier,
voire par un surjet, cela dépend des habitudes de chacun.
L’affrontement des berges cutanées doit être soigné. On procède à
l’ajustement cutané par exérèse d’une bandelette en cas de lambeau
mastoïdien. Les fils non résorbables sont laissés en place en
moyenne de 15 à 21 jours.

Pansement conformateur
Il doit comporter un moulage des reliefs du pavillon au moyen d’un
pansement gras (Biogaze t, Antibiotullet) recouvert d’un pansement
hermétique et maintenu par une bande. Il est impérativement vérifié
24 heures après, à la recherche d’un hématome.
Un pansement est laissé en place durant 8 jours. Par la suite, on
prescrit le port nocturne d’un bandeau pendant 3 semaines.
La piscine et la plongée sont interdites pendant 1 à 2 mois (risque
d’irritation de la cicatrice qui, derrière les oreilles est
particulièrement sensible et fragile).
¶ Sutures et pansement Attention au port de lunettes dont les branches peuvent traumatiser
la cicatrice.
Fermeture de l’angle céphaloconchal après aménagement du lit
conchal par exérèse des tissus mous prémastoïdiens La pratique des sports violents (arts martiaux, sport d’équipe) ne se
fera pas avant 2 mois.
La conque est fixée au périoste mastoïdien au moyen d’un point en
« U » à l’aide d’un fil à résorption lente [15, 28, 32].
Il faut veiller à le placer correctement en respectant l’axe et la
position du pavillon.
Complications. Résultats
Queue de l’hélix
COMPLICATIONS PRÉCOCES
Elle détermine la position de la partie postérieure du lobule. Sa
suture à la conque rabat en arrière le bord postérieur de ce dernier – Douleurs : elles sont rares, surviennent parfois lors des
(fig 36). 24-48 premières heures. Souvent, elles sont consécutives à un

32 Tubulisation au moyen de trois fils au fil non résorbable.

*
A *
B

33 Fermeture de l’angle céphaloconchal par enfouissement


de la conque. Celle-ci est fixée au périoste mastoïdien par un
mouvement de glissement en dedans et en avant.

*
B

*
A

12
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

*
B
*
A

34 Procédé de Marino.

*
C

*
A
35 A. Résection d’un croissant de conque par voie médiale (Jost, Pitanguy). *
B
B. Par voie antérieure (Waltter).

– Hématome : il représente 0,8 % [14, 41] des complications. Il est


36 Prévention de la protrusion
souvent découvert après l’ablation du pansement devant une
du lobule par amarrage de la queue
de l’hélix au niveau du cartilage conchal. douleur persistante.
Il se traduit par une tuméfaction arrondie de couleur rouge violacé
siégeant au niveau du sillon rétroauriculaire.
Son traitement impose une reprise chirurgicale au bloc opératoire
avec évacuation, hémostase soigneuse et prise d’antibiotiques.
La prise d’acide acétylsalicylique dans les semaines qui précèdent
l’intervention nous conduit à reporter catégoriquement ce geste
opératoire.
– Infection : l’incidence de l’infection postopératoire ne justifie pas
pour certains l’utilisation d’antibiotiques, cependant nous
recommandons une prescription à visée antistaphylococcique
pendant une période de 8 jours.
pansement trop serré ou mal positionné. La prescription Quant à la périchondrite [31], elle se manifeste par des douleurs vives,
d’antalgiques non salicylés règle facilement le problème car il faut une hyperthermie, avec un aspect rouge épaissi et un gonflement
toujours se méfier de l’apparition d’un hématome. localisé ou intéressant toute la face externe. Le germe le plus souvent

13
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100
en cause est le Pseudomonas aeruginosa isolé ou associé à d’autres
germes comme le staphylocoque doré. 37 Critères de norma-
lité : dimensions stan-
Son traitement impose la mise en route d’une antibiothérapie par dards et angulométrie
voie intraveineuse à forte dose si l’on veut éviter les séquelles à long normale.
terme exposant à une fonte pavillonnaire plus ou moins étendue.
– Troubles trophiques : ils sont le résultat d’un pansement trop serré.
On peut observer certaines souffrances cutanées en regard de
l’anthélix après la technique de Stenström. Ces états nécessitent la
mise en place d’un pansement gras Antibiotullet et une surveillance.
Ils n’ont aucune conséquence grave.
– Paresthésies et douleur au froid : elles sont rares et généralement
disparaissent au bout de 1 année.

COMPLICATIONS TARDIVES

Au plan esthétique
Chaque technique engendre son lot de complications et de mauvais
résultats. Il faut distinguer différentes complications : *
A

– la récidive partielle est presque toujours due à une faute


opératoire, et se rencontre fréquemment dans la technique de
Mustardé (7 à 10 %) [18, 27]. Il en est de même de l’exposition des fils
de suture, surtout quand la plicature est effectuée sur des cartilages
trop rigides. Une fréquence de 6,5 à 12 % a été rapportée [1] ; 20 mm
30 °
– l’angulation marquée sans transition entre l’anthélix et le tragus
[12]
;
– la disparition de l’arrondi de l’anthélix remplacé par une arête
plus ou moins aiguë en position variable très douloureuse pour le *
B
patient ;
– l’oreille dite en « téléphone ». Il s’agit d’une protrusion de la partie
supérieure, inférieure et avec hypercorrection de la partie moyenne 38 Résultat : aspect normal en vue
de profil.
qui a nécessité une reprise chirurgicale. Les cas les plus fréquents
sont :
– excision cutanée trop importante ;
– tubulisation trop fermée du tiers moyen de l’anthélix ;
– la protrusion résiduelle du lobule ;
– l’hypercorrection avec souvent une quasi-absence de sillon
rétroauriculaire. Elle relève d’une faute technique le plus souvent.

Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes


Elles sont rares mais compromettent souvent le résultat esthétique. RÉSULTATS
Elles apparaissent entre le 30e et le 45e jour. Ils sont, en règle générale, conformes au bilan préopératoire établi.
Le facteur racial permet d’expliquer leur prédominance chez les Ils doivent être évalués avec un délai postopératoire de 6 mois au
Noirs ainsi que chez les races d’Extrême-Orient. minimum, avec des photos postopératoires prises sous les mêmes
incidences que lors du bilan préopératoire.
D’autres facteurs hormonaux peuvent entrer en ligne de compte, et
on déconseille l’intervention avant la puberté. On doit obtenir une oreille harmonieuse sans cassure, irrégularité
ou artifice visible, et ce de façon aussi symétrique que possible. Les
On distingue :
différents auteurs [24, 39] s’accordent pour reconnaître un chiffre de
– les formes mineures où apparaissent des petits nodules. 90 %. L’écart entre le rebord de l’hélix et le plan mastoïdien doit être
L’infiltration in situ d’acétonide de triamcinolone, 10 mg dilué dans compris entre 10 et 12 mm à la partie supérieure, 16 et 18 mm à la
2 mL de solution de Ringer Lactate t en atténue les aspects ; moitié et entre 20 et 22 mm en regard de la cauda helicis.
– dans les formes sévères avec chéloïdes importantes, la prise en L’angle céphaloconchal doit être compris entre 25 et 35° (fig 37).
charge d’une telle complication impose l’association d’un traitement Toutes les surfaces visibles doivent être à angle convexe sans
médical à la chirurgie ou à la radiothérapie pour avoir les résultats cassure, pliure ou cicatrice (fig 38).
optimaux. L’excision est en intrachéloïdienne, suivie le plus souvent
d’une greffe dermoépidermique mince. Les injections de
triamcinolone intracicatricielles sont effectuées à l’aiguille fine ou à Otoplasties secondaires [31, 38, 40]

l’aide d’un Dermoject [37] 1 mois après. Elles sont suivies d’une ou
deux séances espacées de 1 mois si nécessaire. Chaque procédé chirurgical peut être à l’origine d’insatisfaction ou
Certains [15, 17] utilisent la radiothérapie externe en complément de la d’aspect inesthétique tel que cassure en regard de l’anthélix, des
chirurgie, ils délivrent 6 Gy le jour de l’intervention chirurgicale irrégularités, une protrusion du lobule, etc, qui posent le problème
suivis de 6 Gy, 1 semaine après. d’une révision chirurgicale.
On peut prescrire également à visée générale de la vitamine E Cet aspect d’oreille « balafrée » est un motif de revendication des
(tocophérol) à la dose journalière de 100 à 200 mg. patients insatisfaits.

14
Techniques chirurgicales Chirurgie des oreilles décollées 45-527
46-100

39 Technique de l’inci-
sion en « zig-zag » avec
greffe de peau.

*
A

40 Résection cutanée pos-


térieure en cas de protrusion
du lobule (différents tracés).

Les reprises d’otoplasties sont souvent difficiles et délicates. Nous


envisageons les défauts et déformations le plus communément
retrouvés.

COMBLEMENT DU SILLON RÉTROAURICULAIRE


Il résulte le plus souvent d’une excision cutanée trop généreuse qui
comble le sillon rétroauriculaire. Pour pallier cette complication, on
peut utiliser une incision en « zig-zag » comme l’indique la figure
*
B *
C
39, les intervalles sont greffés au moyen d’une greffe de peau
épaisse. Un conformateur, prothèse auriculaire à type de contour
externe, est nécessaire pendant une période de 3 mois pour éviter entraîne souvent une fonte plus ou moins importante du cartilage
toute rétraction secondaire. avec rétraction cutanée.
Quand il existe une asymétrie importante, il est nécessaire de faire
appel à un greffon de cartilage costal pour recréer un anthélix [40].
IRRÉGULARITÉS ET CASSURES DE LA RÉGION
DE L’ANTHÉLIX
Récidives
Quand il s’agit d’anomalies minimes, on peut après avoir exposé le
cartilage utiliser une curette, une râpe pour procéder à leur ablation. Une bonne technique opératoire garantit le plus souvent l’absence
Pour ce faire, on pratique une petite incision sous le rebord de de récidive.
l’hélix. Cependant, elles sont souvent dues à une insuffisance de
Dans les cas plus importants, on peut se servir d’un matériau de fragilisation du cartilage de l’anthélix et une intervention simple
comblement après avoir créé un décollement limité en regard de la permet de les corriger.
zone à traiter pour y placer un lambeau de fascia temporalis, ou un Elles peuvent aussi se voir au niveau du tragus et du lobe, et sont
fragment de cartilage de conque pris sur l’autre oreille. Il faut se alors plus difficiles à traiter.
méfier des matériaux non autologues.
Protrusions du lobule
Oreille en « téléphone »
La situation du lobule dépend de son attache sur la partie inférieure
Cet aspect disgracieux implique une reprise chirurgicale par un du cartilage auriculaire. Pour éviter la protrusion du lobule, il faut
abord postérieur. agir sur le ressort de son attache supérieure.
Cependant, dans certains cas, on peut modifier la résection cutanée
Sténose du méat auditif externe
postérieure en utilisant des plasties (fig 40) en « Z » ; mais la
En cas de translation trop antérieure de la conque, on expose le reposition du lobule ne peut se régler uniquement par une résection
patient à une sténose verticale du méat responsable d’accumulation cutanée.
de squames épidermiques ou de bouchon cérumineux. L’antitragus suspend la partie antérieure du lobule, il est parfois
Le meilleur traitement est une résection du cartilage de la conque nécessaire, quand il demeure anormalement saillant, de pratiquer
par voie rétroauriculaire ou directement par voie méatale [40]. une résection cartilagineuse à la demande.
La queue de l’hélix représente la deuxième clef de la reposition du
Séquelles après périchondrite
lobule, son amarrage à la conque le rabat efficacement au niveau de
La périchondrite du pavillon de l’oreille succède à une infection et la partie postérieure.

Références ➤

15
45-527 Chirurgie des oreilles décollées Techniques chirurgicales
46-100

Références
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16
Chirurgie des vertiges

Techniques chirurgicales - Tête et cou [46-045] (1994)

Jacques Magnan : Chef du service d'ORL et chirurgie cervicofaciale, professeur des


Universités
André Chays : Praticien hospitalier
Patrick Locatelli : Interne des Hôpitaux
Hôpital Nord, chemin des Bourrells, 13915 Marseille cedex 20 France

© 1994 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

La chirurgie des vertiges est une chirurgie fonctionnelle. Par principe, elle ne doit
pas entraîner de séquelles supplémentaires notamment sur la fonction auditive et
le nerf facial. Les techniques actuelles satisfont cette exigence.

La chirurgie des vertiges n'a pas fondamentalement changé dans ses techniques au
cours des deux dernières décennies, en revanche les indications opératoires se sont
modifiées et affinées. Les classiques interventions « mineures » de décompression
ont diminué en fréquence au profit des interventions « majeures »
otoneurologiques de neurotomie vestibulaire. Le critère de morbidité a été
remplacé par le critère d'efficacité. En effet, les interventions otoneurochirurgicales
en réduisant leur risque à la plus simple expression ont fait depuis la preuve de
leur efficacité quasi constante, si l'indication est bien posée. Ainsi, l'ancienne voie
postérieure, considérée depuis Cushing comme dangereuse, est devenue, grâce au
progrès de la microchirurgie et de l'anesthésiologie, la voie d'abord « a minima »
rétrosigmoïde dont le caractère atraumatique représente une amélioration
chirurgicale de la voie sus-pétreuse puis de la voie rétrolabyrinthique.

La chirurgie des vertiges peut et doit aboutir à la guérison des troubles de


l'équilibre en conservant l'audition.

La chirurgie fonctionnelle des vertiges vit des échecs du traitement médical. Si


cette proposition est bien admise, sa réciproque n'est pas vraie. Tous les échecs du
traitement médical ne sont pas des indications chirurgicales. L'acte chirurgical ne
peut avoir que deux modalités d'action sur la pathologie vertigineuse.

 Supprimer la cause
En supprimant l'épine irritative responsable, on guérit le vertige symptôme
de l'affection organique : c'est le cas de l'otite chronique compliquée, du
neurinome de l'acoustique... Cette chirurgie est bien spécifique et il est
d'usage qu'elle ne soit pas envisagée dans le cadre de la chirurgie des
vertiges. Nous renvoyons donc le lecteur aux chapitres relatifs à ces
affections.
 Créer une situation périphérique stable pour permettre une compensation
neurologique dite vestibulaire :
o soit par des interventions conservatrices à visée étiopathogénique :
 chirurgie de l'hydrops labyrinthique ;
 chirurgie du vertige paroxystique bénin ;
o soit par des interventions destructrices :
 neurotomie ;
 labyrinthectomie.

En proposant la suppression fonctionnelle d'un organe sensoriel pour assurer la


guérison de la symptomatologie clinique, le vertige, ne va-t-on pas engendrer une
séquelle définitive et aggraver le déséquilibre ? L'ensemble des acquisitions
fondamentales démontre que la désafférentation chirurgicale du labyrinthe
postérieur demeure la meilleure attitude thérapeutique pour le patient atteint d'un
vertige invalidant tant que nous ignorons la physiopathologie exacte et la
thérapeutique médicale spécifique de la maladie vertigineuse.

La chirurgie des vertiges repose sur deux notions cliniques : le vertige doit être
périphérique, le vertige doit être invalidant.

Vertige périphérique

Il est irrégulier dans sa présentation comme dans son évolution.

Si l'intensité, la durée, le caractère rotatoire des crises, elles-mêmes associées à


des signes auditifs unilatéraux, sont des données bien spécifiques d'une atteinte
labyrinthique, tout trouble de l'équilibre isolé peut être révélateur d'une affection
vestibulaire unilatérale.

L'ORL doit non seulement éliminer les vertiges centraux, mais aussi et surtout faire
la preuve de l'atteinte périphérique. D'où l'importance pour cela, d'une part, de
l'interrogatoire qui reste le temps essentiel de l'examen ; et d'autre part, des
examens vestibulaires dans la mesure où ceux-ci sont réalisés le plus rapidement
possible après la crise de vertige, par un médecin spécialisé, avec une technique
irréprochable et un matériel performant.

La différence fondamentale entre les vertiges d'origine périphérique et ceux


d'origine centrale est que dans le premier cas une compensation vestibulaire est
toujours possible, dans le second elle est souvent impossible et presque toujours
aléatoire.

La chirurgie des vertiges n'a qu'une action périphérique visant à supprimer le


stimulus nociceptif et à créer une situation vestibulaire stable. Elle sous-entend que
les centres nerveux soient indemnes afin d'aboutir à une compensation sur le plan
neurologique et une guérison sur le plan clinique.

Vertige invalidant

Le vertige est invalidant par lui-même, par son retentissement auditif et par son
retentissement socioprofessionnel (tableau I).

Au retentissement socioprofessionnel, on peut ajouter les répercussions sur la


conduite automobile. Avant la décision opératoire, 43 % des patients ne conduisent
plus, 43 % des patients avaient peur de conduire et limitaient leur déplacement,
enfin 14 % n'étaient pas perturbés (tableau II).

La reprise de cette activité de conduite sera un excellent critère de guérison.

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CHIRURGIE DE DÉ COMPRESSION DE L'HYDROPS
(FIG. 1)

Chirurgie du sac endolymphatique

Cette intervention jouit d'un prestige indiscutable lié à son caractère historique et à
ses fondements physiopathologiques [106].

Historique

La chirurgie de décompression du sac endolymphatique proposée en 1927 par


Portmann [84], a évolué vers une chirurgie de drainage soit vers les espaces
méningés (House, 1962), soit vers la mastoïde (Shea, 1966). Différents « shunts »
ont été proposés pour maintenir l'ouverture du sac et le drainage du liquide
endolymphatique : lame de Téflon® (Shea, 1966), valve unidirectionnelle
(Arenberg, 1978), tube capillaire (Morrisson, 1979), Silastic® en T (Pararella,
1981), sans modification significative des résultats.

Physiopathologie

Cette chirurgie à visée étiopathogénique repose sur les propriétés dynamiques du


système endolymphatique. La théorie longitudinale de Guild (1927) et la théorie
radiaire de Naftalin et Harrison (1958), qui ne sont pas incompatibles, font du sac
endolymphatique le vase d'expansion de ce système liquidien. L'idée originale de
Portmann a donc été de décomprimer le sac endolymphatique en agissant sur les
structures qui l'entourent. Le rôle théorique de « soupape » [83] a été introduit par
Hallpike et Cairns (1938) sur des études anatomopathologiques mettant en
évidence la dilatation du système endolymphatique. Cet hydrops labyrinthique par
hyperpression endolymphatique serait secondaire à une diminution de la
réabsorption de l'endolymphe par fibrose du sac. Si cette hypothèse reste discutée,
le principe demeure.

Indications

Le principal avantage de la chirurgie du sac endolymphatique est d'être une


chirurgie non destructrice [6], aisément réalisable [88], avec un minimum de risque
de complications. Elle est proposée en première intention par 36 % des otologistes
nord-américains [100] comme traitement des vertiges invalidants avec une bonne
audition ou une audition fluctuante. Elle est donc indiquée au début de l'histoire
naturelle de la maladie de Ménière.

Les tests osmotiques positifs sont des éléments décisionnels importants pour
certains auteurs, notamment l'épreuve au glycérol avec contrôle
électrocochléographique suivant la technique d'Aran [86].

Technique

 Le sac endolymphatique constitue le prolongement distal intra-duremérien


du labyrinthe membraneux. De forme ovalaire de 7 à 16 mm de long sur 5
à 10 mm de large, il est situé à la partie supéro-interne de la fossette
unguéale. Cette fossette est une dépression osseuse en coup d'ongle de la
face cérébelleuse du rocher, entre le conduit auditif interne en avant et la
gouttière sigmoïde en arrière, entre le sinus pétreux supérieur en haut et
l'extrémité inférieure de cette même gouttière sigmoïdienne en bas.
 Le patient est préparé comme pour toute chirurgie otologique
transmastoïdienne :
o anesthésie générale ou locale ;
o incision rétro-auriculaire.
 La Mastoïdectomie est réalisée en squelettisant le sinus sigmoïde et la
dure-mère de la fosse postérieure, et en repérant au niveau de l'aditus ad
antrum l'axe du canal semi-circulaire externe (fig. 2). La découverte de la
troisième portion du nerf facial ainsi que la squelettisation du canal semi-
circulaire postérieur afin d'obtenir « la ligne bleue » du canal membraneux
ne sont pas habituellement nécessaires.
 Le sac endolymphatique représente un dédoublement de la dure-mère
d'aspect plus nacré par rapport à la couleur blanc bleuté de la dure-mère. Il
est parfois « surligné » par une artériole qui suit son axe du sinus sigmoïde
veineux à la région rétrofaciale. Sa position en hauteur sur la dure-mère a
fait l'objet d'une classification anatomique par Arenberg [6]. Le sac
endolymphatique se situe toujours au-dessous et en arrière du canal semi-
circulaire postérieur, c'est-à-dire au-dessous d'une ligne prolongeant en
arrière l'axe longitudinal du canal semi-circulaire externe (ligne de
Donaldson).
 La décompression doit intéresser tout le sac, et notamment la « pars
rugosa » fonctionnelle. Pour cela, à l'aide d'une petite fraise diamantée, le
sac est décomprimé le plus en avant possible, afin d'atteindre l'aqueduc du
vestibule, tout en respectant le canal semi-circulaire postérieur
immédiatement en avant et en dehors.
 L'ouverture en sac est effectuée à l'aide d'un bistouri pointu ou d'une faux.
La lumière du sac est bien identifiée par son aspect brillant. Parfois l'on
peut voir sourdre un peu de liquide eau de roche.
 La permanence de la fistulisation du sac endolymphatique a fait l'objet de
nombreuses variantes techniques :
o simple ouverture ;
o couverture par un lambeau musculoaponévrotique ;
o drainage vers la mastoïde par une lame de Silastic® , de Téflon®,
d'un fin cathéter, d'une valve [5], de Gelfoam® ;
o drainage vers les espaces méningés par ouverture du feuillet dural
interne du sac endolymphatique avec ou sans tube de drainage.

Dans ce dernier cas, la zone du sac endolymphatique doit être largement


recouverte d'un greffon conjonctif pour prévenir tout risque de fistule de liquide
céphalorachidien.

Complications

Elles sont exceptionnelles. Seule la perte auditive postopératoire par ouverture du


canal semi-circulaire postérieur représente un risque chiffré entre 1 et 3 %.

Résultats

Il est fort difficile de comparer sur le plan statistique des séries issues d'équipes
différentes, composées de malades pour lesquels les critères de choix n'ont pas été
les mêmes [83].

Le pourcentage de succès, et donc de contrôle des vertiges par la chirurgie du sac


endolymphatique oscille entre 35 % à 80 % suivant les séries. Brackmann et
Nissen [12] ne trouvent pas de différence dans les résultats, lorsque la fistulisation
du sac est faite vers les espaces méningés ou vers la mastoïde. Les deux attitudes
permettent un bon résultat dans 67 %.

Les résultats sur l'audition sont eux aussi diversement appréciés avec des
améliorations auditives variant entre 6 % et 44 %.

Les acouphènes sont soulagés dans 15 à 79 % des cas.

Remarques
La chirurgie du sac endolymphatique, malgré son ancienneté, fait toujours l'objet
de nombreuses controverses. En effet, pour séduisantes qu'elles soient, les bases
physiopathologiques demeurent très largement hypothétiques. Il n'est nullement
prouvé qu'un drainage du sac puisse se répercuter d'une quelconque manière sur le
système endolymphatique et agir sur l'hydrops. De plus, comme pour toute
incision, la brèche chirurgicale est responsable de sa propre fibrose. Celle-ci tend à
obturer soit le sac, soit le shunt, rendant par là même aléatoire l'existence ou la
permanence d'une quelconque décompression.

 Schuknecht [93] mit en doute la réalité de la décompression chirurgicale du


sac qui était pour lui une « insulte » à la physiologie du labyrinthe.
 Le drainage d'un système qui ne contient que 0,008 ml d'endolymphe
semble bien illusoire (Guttich, 1968).
 Thomsen [105] par une étude clinique comparative de deux groupes : l'un
opéré de décompression du sac endolymphatique, l'autre placebo par
simple mastoïdectomie, ne rapporte aucune différence significative dans les
résultats fonctionnels des deux séries. Pour des raisons évidentes
d'éthique, cette étude ne peut être maintenant reproduite.
 Silverstein [99] compare et suit l'évolution de deux groupes de malades
nécessitant la chirurgie de décompression du sac, l'un l'acceptant, l'autre la
refusant. A l'épreuve du temps, après 8 ans, les groupes opérés et non
opérés sont libres de vertiges dans le même pourcentage (70 %).

Le concept de décompression du sac endolymphatique est-il toujours d'actualité ?


Doit-on maintenir la décompression du sac endolymphatique en « première ligne
chirurgicale » ? Ce sont deux interrogations qui n'ont pas encore reçu de réponse
claire, dans la littérature médicale.

Nous pouvons retenir en faveur de la chirurgie du sac endolymphatique, les


patients qui ont cliniquement une audition fluctuante et un test au glycérol positif
[5]
ainsi que les patients qui présentent un large aqueduc du vestibule sur le bilan
radiologique préopératoire (Austin, 1984).

Procédés de décompression intralabyrinthique (fig. 3)

Ils ont en commun :

 le principe : obtenir un drainage direct ou indirect de l'excès d'endolymphe


vers le compartiment périlymphatique ;
 la simplicité technique, voie endaurale et anesthésie locale ;
 le risque élevé de cophose postopératoire.

Sacculotomie de Fick [27]

L'hydrops labyrinthique entraîne une distension importante du saccule de telle sorte


que la paroi externe du saccule parvient au contact de la face interne de la platine
de l'étrier. Cette dilatation sacculaire serait due à un dysfonctionnement de la valve
utriculo-endolymphatique de Bast [27].

Par voie endaurale, la région de la fosse ovale est exposée. A l'aide d'une fine
aiguille la platine de l'étrier est perforée. L'aiguille est alors enfoncée sur 2 mm à
l'intérieur du vestibule afin de décomprimer le saccule dilaté, puis retirée. La
puncture platinaire est recouverte par de la muqueuse.

Les vertiges sont guéris dans 60 % des cas et l'audition est perdue ou diminuée
dans 54 % des cas [110].

Platinotomie décompressive de Martin


[69]
La trépanation de la platine a un double effet :

 un effet immédiat en permettant au saccule de s'expanser plus librement ;


 un effet rémanent, la résorption et la décompression de la périlymphe
doivent entraîner une diminution de la production d'endolymphe dont elle
est le précurseur.

Par voie transméatale de Rosen, une platinotomie calibrée de 0,8 à 0,9 mm est
pratiquée. L'ouverture platinaire est seulement recouverte d'un fragment de
Gelfoam®. La dimension de la platinotomie est une donnée importante de
l'efficacité de la décompression.

L'indication opératoire est la « maladie de Ménière vieillie » avec mauvaise


audition. L'auteur rapporte sur une série de 118 cas, 83 % de guérison ou
amélioration des symptômes vertigineux, 28 % d'audition inchangée ou améliorée,
71 % d'aggravation auditive.

« Tack operation » de Cody

Il s'agit d'une modification pour perdurer la sacculotomie de Fick. Un clou


transplatinaire de 0,1 mm d'épaisseur est mis en place sur la partie postérieure de
la platine, ainsi à chaque poussée d'hydrops, le saccule dilaté vient s'embrocher
[22]
.

« Shunt otic-perotic » de House et Pulec

Il s'agissait de la mise en place, en passant par la fenêtre ronde, d'un minuscule


tube à travers la membrane basilaire afin de réaliser une communication entre la
rampe tympanique et la rampe cochléaire. Cette intervention est abandonnée par
ses propres auteurs du fait des cophoses postopératoires.

Cochléosacculotomie de Schuknecht

Après avoir observé que la fracture de la lame spirale conduisait à une fistulisation
permanente entre la rampe tympanique et la rampe vestibulaire, Schuknecht [92]
décrivit cette intervention.

La caisse du tympan est exposée par voie endaurale. A l'aide d'un crochet d'angle
droit de 3 mm introduit au travers de la fenêtre ronde, celui-ci est dirigé vers la
fenêtre ovale et enfoncé sur toute sa longueur afin de provoquer une rupture de la
lame spirale et une ouverture du canal cochléaire. La fenêtre ronde est refermée
par du tissu conjonctif.

L'auteur rapporte 72 % de vertiges contrôlés sur une série de 90 patients. Ce


procédé est indiqué chez le sujet âgé en mauvais état général et avec une
mauvaise réserve cochléaire [10].

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NEUROTOMIE VESTIBULAIRE

Historique
En 1874, Charcot écrivit que la section de la huitième paire crânienne pourrait
apporter une solution chez les patients souffrant de vertiges. Les pionniers de cette
chirurgie, réalisée par voie sous-occipitale et sous anesthésie locale, furent Frazier
(1912), Dandy (1928), Cairns et Brain (1933), Aubry et Ombredanne (1935),
MacKensie (1936).

En 1941, Dandy [23] rapportait une expérience de 401 patients opérés de


neurotomie vestibulaire. Après la Seconde Guerre mondiale, la neurotomie
vestibulaire tombe dans l'oubli jusqu'à ce qu'elle soit remise à l'honneur par House
(1961) puis Fisch (1971) qui décrivent alors la voie sus-pétreuse.

Physiopathologie

L'existence d'un phénomène de récupération fonctionnelle après destruction


labyrinthique est empiriquement connue depuis longtemps (Flourens, 1824).

Les récents travaux scientifiques [in 57] (Berthoz, Clément, Lacour, Xerri, Freyss) à
propos de cette restauration des fonctions nerveuses après labyrinthectomie ou
neurotomie vestibulaire unilatérale constituent une étape décisive pour justifier la
chirurgie des vertiges périphériques grâce aux phénomènes de compensation
vestibulaire.

La compensation vestibulaire est l'ensemble des processus de réorganisation


neurologique permettant de retrouver l'équilibre après une lésion vestibulaire.

Le vestibule ou labyrinthe postérieur est un mécanorécepteur essentiel dans la


physiologie de l'équilibre. Ce capteur sensoriel est en coopération fonctionnelle au
niveau des noyaux vestibulaires avec deux autres afférences : le système visuel et
le système somesthésique.

L'ensemble des informations des différents capteurs périphériques va être


coordonné au niveau de la « machinerie cérébrale ».

Toute lésion brutale du système vestibulaire périphérique entraîne différents


syndromes réactionnels qui vont s'amender progressivement, et le sujet retrouvera
une apparence de normalité.

On peut décomposer ces événements en trois phases.

 La phase critique, invalidante, dure de quelques minutes à 1 semaine par


frustration d'information et inhibition de noyaux vestibulaires homolatéraux
au côté malade.
Cela a pour conséquences :
o une altération des perceptions vestibulo-oculaires et
vestibulospinales, d'où une attraction conjuguée des yeux vers le
côté de la lésion, avec saccades de rappel qui définissent un
nystagmus de sens opposé et une attraction du corps du côté de la
lésion ;
o et une altération des voies vestibulo-réticulo-corticales, d'où la
sensation vertigineuse et les perturbations neurovégétatives.
 La phase de régression rapide (7 à 14 jours) est spectaculaire mais
incomplète.
Le premier élément de compensation à l'encontre de cette incohérence
sensorielle est donné par le cervelet. Celui-ci va inhiber les noyaux
vestibulaires du côté intact et créer les conditions d'un nouvel état
d'équilibre en réduisant les asymétries de fonctionnement.
 La phase de restauration fonctionnelle est progressive, de 14 jours à 2
mois, avec disparition totale des désordres oculomoteurs, posturaux et
locomoteurs.
Cette compensation vestibulaire fait appel aux mécanismes de plasticité
cérébrale pour désinhiber les noyaux vestibulaires du côté atteint :
o par la prépondérance et la suppléance des informations visuelles et
proprioceptives ;
o par l'accroissement de l'efficacité du système commissural à partir
des noyaux vestibulaires controlatéraux.

La compensation vestibulaire centrale est donc un mécanisme d'adaptation


lentement progressif, qui nécessite un état périphérique stabilisé. Si le traitement
médical ne parvient pas à enrayer les fluctuations pathologiques de la sensibilité du
capteur vestibulaire, ce mécanisme de compensation est voué à l'échec.

C'est alors qu'interviendra l'indication de neurotomie vestibulaire qui permettra,


grâce à une compensation devenue possible, de guérir enfin ce vertige invalidant
sans modifier l'audition.

Indications

Maintenant que nous savons que la compensation centrale dite vestibulaire s'exerce
mieux chez un monolabyrinthique que chez un sujet présentant des troubles
labyrinthiques répétés, la neurotomie vestibulaire est unanimement reconnue
comme une intervention apte à guérir de façon définitive les vertiges périphériques
et les troubles neurovégétatifs d'accompagnement .

Les quelques échecs proviennent de mauvaises indications. De ce fait, l'indication


de neurotomie vestibulaire repose sur une démarche diagnostique rigoureuse.

Choix de la maladie

 La maladie de Ménière résume à elle seule la majorité des indications


opératoires de neurotomie vestibulaire.
 Les vertiges périphériques post-traumatiques, post-chirurgicaux ou post-
otitiques forment un contingent très limité dans toutes les statistiques.

Choix du malade

Il repose sur la notion de vertige invalidant , c'est-à-dire un patient présentant des


crises de vertiges intenses, répétitives empêchant la vie, sociale ou professionnelle,
normale. L'évolution de la courbe auditive n'est pas déterminante dans l'indication.
Cette notion de vertige invalidant impose donc une certaine durée d'observation,
de plusieurs mois à plusieurs années. Au cours de cette période, le traitement
médical ou la chirurgie à visée décompressive s'avèrent inefficaces à enrayer les
troubles vertigineux.

La limite d'âge fixée à 60 ans a été depuis largement dépassée et ne constitue plus
une contre-indication. Le risque théorique d'hémiparésie et d'aphasie par
soulèvement du lobe temporal lors de la voie sus-pétreuse n'a pas été démontré
par les faits.

Choix du côté

La maladie de Ménière étant une atteinte cochléovestibulaire, l'atteinte auditive


(acouphène, plénitude auriculaire, hypoacousie) désigne d'emblée le côté
responsable.

Mais dans certaines formes de la maladie de Ménière, forme bilatérale ou formes


dissociées, l'identification du côté en évolution n'est pas évidente.

Ce sont les explorations fonctionnelles vestibulaires bien conduites et de qualité qui


seront l'unique moyen pour déterminer le côté malade.

Dans les formes dissociées de la maladie de Ménière, à symptomatologie purement


vertigineuse, nous sommes obligés d'attendre la survenue de la composante
cochléaire pour porter le diagnostic. Le diagnostic une fois posé, il est opportun, si
le vertige est invalidant, de ne pas temporiser la décision chirurgicale pour prévenir
l'évolution de l'hypoacousie [16].

Choix de la voie d'abord

Il repose avant tout sur l'habitude et l'expérience du chirurgien.

Toutes les voies d'abord nécessitent un apprentissage anatomochirurgical


minutieux, et il faut les connaître toutes pour pouvoir choisir (fig. 4 et 5).

Au vu de notre expérience et de celle des auteurs qui ont successivement pratiqué


la voie sus-pétreuse, la voie rétrolabyrinthique et la voie rétrosigmoïde, c'est cette
dernière qui répond au mieux par sa simplicité et sa rapidité aux exigences de la
neurotomie vestibulaire.

Une enquête effectuée en 1992 par Silverstein [100] auprès de 350 membres des
sociétés américaines d'otologie et de neurotologie, a permis de regrouper 2 820 cas
de neurotomies vestibulaires dont 92 % (2 590 cas) effectués par la voie de la
fosse postérieure et 8 % (230 cas) effectués par la voie de la fosse moyenne. La
maladie de Ménière est l'indication opératoire citée dans 91 % des cas (tableau
III).

Techniques

Toutes les techniques de neurotomie vestibulaire nécessitent une instrumentation


otoneurochirurgicale spécifique, en effet l'instrumentation otologique est « trop
courte », l'instrumentation neurochirurgicale « trop longue » ou trop large.
Différentes sociétés (MicroFrance, Fischer, Codman) présentent des « sets »
d'instruments de différents auteurs adaptés aux différentes techniques : sus-
pétreuse, rétrolabyrinthique, rétrosigmoïde.

Quoi qu'il en soit une instrumentation de base est commune à toute chirurgie :

 microscope opératoire avec une focale de 250 mm ;


 tour électrique ou turbine avec fraises coupantes et diamantées ;
 irrigation continue ;
 aspiration contrôlée ;
 coagulation bipolaire avec pinces coagulantes à baïonnette ;
 écarteur autostatique en fonction de la voie d'abord.

Toutes les voies d'abord nécessitent une préparation locale. Le rasage du champ
opératoire est controversé du point de vue de son efficacité aseptique, et suivant
les équipes il est remplacé par des shampooings antiseptiques la veille de
l'opération et un pansement préopératoire occlusif. Ce dernier est essentiel et doit
être fait sur un patient qui confirme le côté à opérer.

Voie sus-pétreuse

Décrite en 1961 par House [51], bien codifiée par Fisch , Garcia-Ibanez , Gavilan
[47]
, Portmann [87], Charachon [20], Sterkers [103], Wigand [111], Cannoni [18],
Vaneecloo [107], elle a représenté dans les années 1970 un risque presque
négligeable comparé à celui de la classique voie sous-occipitale, mais elle reste une
technique complexe [112] et chirurgicalement ardue [10].

 Le chirurgien est à la tête du patient et va donc découvrir l'anatomie du


rocher d'une façon inversée.
 Par un volet temporal quadrilatère de 4 × 4 cm, centré sur la paroi
antérieure du conduit auditif externe, le lobe temporal est récliné en
décollant progressivement la dure-mère de la face antérosupérieure du
rocher. Après avoir repéré en avant les nerfs pétreux, en arrière l'eminentia
arcuata, puis en dedans le bord supérieur du rocher, un écarteur
autostatique dont la lame prend appui sur ce bord supérieur du rocher est
mis en place afin de maintenir rétracté le lobe temporal et d'ouvrir le
champ chirurgical sus-pétreux.
L'avantage de cet abord réside dans son accès extradural, jusqu'à
l'ouverture du conduit auditif interne.
 Cette chirurgie du conduit auditif interne peut être schématisé en trois
temps [19].

Découverte du conduit auditif interne (fig. 6)

La diversité des repères anatomiques proposés témoigne de la difficulté de ce


temps opératoire pour aboutir à la définition d'une zone de sécurité [27], « muette
» [4] extralabyrinthique chirurgicale [68] totalement utilisée dans l'abord élargi de
Wigand [111] :

 nerfs pétreux et facial [51] ;


 ligne bleue du canal semi-circulaire supérieur (CSCS) et angle méatal de
60° [28] ;
 bissectrice de l'angle eminentia arcuata-nerfs pétreux [36] ;
 10 mm en avant de l'eminentia arcuata [87] ;
 28 mm de l'écaille temporale [27] ;
 tête du marteau [21] ;
 transillumination [in 21].

En pratique, le chirurgien s'aide de tous les repères, privilégiant quelques balises


anatomiques dont il a l'expérience et la maîtrise [41]. La découverte de ces
éléments se fera à la fraise diamantée sous irrigation continue. Le diamètre de la
fraise permet de donner l'échelle et donc les distances entre les différents repères
et cela, quel que soit le grossissement du microscope opératoire.

Exposition du conduit auditif interne (fig. 7)

Elle est réalisée à la fraise diamantée de dedans en dehors, de la zone


extralabyrinthique vers le fond du conduit auditif intercochléovestibulaire, afin
d'individualiser la crête osseuse (Bill's bar) qui sépare le nerf facial de la fossette
vestibulaire supérieure.

Deux données anatomiques fondamentales régissent cette exposition :

 le segment intervestibulolimacéen du canal de Fallope (ou première


portion) est incurvé en avant et embrasse dans sa concavité antéro-interne
la masse de la capsule cochléenne dont la paroi osseuse est de 1 mm
d'épaisseur ;
 la portion terminale du fond du conduit est incluse dans la capsule
labyrinthique. Elle répond en avant sur 4 mm à la cochlée et en arrière au
vestibule sur 2 mm. Au-delà, et en dedans de cette zone intralabyrinthique,
c'est la portion extralabyrinthique du conduit que le chirurgien peut
trépaner largement sans danger.

Ouverture du conduit auditif interne

La dure-mère intracanalaire est incisée longitudinalement à sa partie postérieure


afin d'éviter le nerf facial. Cette ouverture du conduit auditif interne donne une
vision en fait vers l'angle pontocérébelleux et le porus, alors que le fond, qui est le
plus important du point de vue chirurgical, est plus difficile à voir [39]. L'issue du
liquide céphalorachidien permet d'apercevoir les éléments du paquet acousticofacial
qui suivent le mouvement liquidien.

 La neurotomie vestibulaire (fig. 8) s'effectue au crochet ou aux


microciseaux. Le nerf vestibulaire supérieur, identifié en arrière de la Bill's
bar, et donc en arrière du nerf facial, est décroché de son insertion. Le nerf
est alors libéré des anastomoses acousticofaciales. L'aspiration de
l'extrémité du nerf vestibulaire supérieur permet de visualiser le nerf
vestibulaire inférieur sous-jacent, et de le sectionner.
La résection d'un fragment nerveux du nerf vestibulaire (neurectomie
vestibulaire de Fisch) [28] a été proposée d'une part pour éviter une
repousse nerveuse, et d'autre part pour réséquer le ganglion de Scarpa
[29]
.
 La fermeture du conduit auditif interne est réalisée par un greffon
conjonctif. L'écarteur autostatique est enlevé, la dure-mère est alors
suspendue par deux points aux berges de la craniotomie ; le volet osseux
est enfin replacé.
La durée prévisible de l'intervention varie entre 2 et 4 heures bien que
certains auteurs, très expérimentés, puissent la réaliser en 45 minutes.

Voie rétrolabyrinthique présigmoïde

Décrite en 1972 par Hitselberger et Pulec [50], cet abord devint plus tard très
attractif, pour des chirurgiens qui auparavant pratiquaient la neurotomie
vestibulaire par voie sus-pétreuse . L'avantage de cette voie est d'être
transmastoïdienne, permettant une ouverture de la dure-mère de la fosse
postérieure au voisinage des citernes arachnoïdiennes de l'angle pontocérébelleux.
Le désavantage est la vision limitée, en avant par le carter labyrinthique, en arrière
par le sinus sigmoïde, ne donnant un champ d'accès chirurgical que sur la partie
interne du pédicule acousticofacial à son émergence du sillon bulboprotubérantiel
[54]
. A ce niveau, l'identification et la séparation contingent vestibulaire-contingent
cochléaire du nerf acoustique sont les moins aisées.

 La voie d'abord est globalement identique à celle d'une chirurgie du sac


endolymphatique. L'incision rétro-auriculaire dégage un plus vaste lambeau
cutanéo-musculo-périosté à charnière antérieure.
 La clé de l'abord rétrolabyrinthique est de réaliser une très large
mastoïdectomie, complétée et élargie en arrière par une décortication de
tout le sinus sigmoïde et le fraisage de la jonction osseuse mastoïdo-
occipitale en arrière du sinus sigmoïde [79]. Le sinus sigmoïde est alors
impacté en arrière et en dedans, et maintenu par un écarteur autostatique
(fig. 9).
 L'ouverture présigmoïde de la dure-mère de la fosse cérébelleuse permet
alors une exposition satisfaisante sur l'angle pontocérébelleux, comparable
à la voie rétrosigmoïde dont elle emprunte l'axe de vision en rétractant en
bas et en arrière le sinus veineux sigmoïde.
 L'ouverture de la citerne postérieure s'effectue par dilacération et section
des tractus arachnoïdiens, ce qui permet l'identification des éléments
nerveux traversant l'angle pontocérébelleux : le nerf trijumeau en haut, et,
sous-jacent à celui-ci, le paquet acousticofacial à son émergence du sillon
bulboprotubérantiel. La pénétration dans le conduit auditif interne est
masquée par le labyrinthe postérieur (fig. 10).
 La neurotomie vestibulaire : le paquet acousticofacial apparaît comme un
cordon blanchâtre transversal formé par la face postérieure du nerf auditif
qui masque à la vue du chirurgien (mais aussi protège) le nerf facial
immédiatement antérieur au nerf auditif et souvent séparé de celui-ci par
une petite boucle artérielle.
Le chirurgien doit identifier au sein de cette VIIIe paire crânienne le
contingent nerveux vestibulaire sus-jacent au contingent nerveux
cochléaire sous-jacent. La réalité du plan de clivage intercochléovestibulaire
ne peut plus être mise en doute. Mais il est des cas où l'identification du
sillon cochléovestibulaire est moins aisée au niveau du segment sus-jacent
au flocculus avant la pénétration des nerfs dans le tronc cérébral. Ceci
explique les cas de sections incomplètes et d'échecs de la neurotomie
vestibulaire par voie rétrolabyrinthique qui imposent alors une reprise
chirurgicale par une autre voie d'abord [46].
 La fermeture doit être minutieuse du fait du risque élevé de fuite de liquide
céphalorachidien. A la suture de la dure-mère doit s'ajouter un comblement
de la cavité opératoire par de la graisse abdominale afin d'assurer
l'étanchéité.
La durée prévisible de l'intervention est de 2 à 3 heures.
Voie rétrosigmoïde

Dernière née dans l'ordre chronologique , elle emprunte pourtant les traces des
pionniers de cette chirurgie et les transforme en un abord « a minima », signifiant
à la fois craniotomie limitée mais aussi abord atraumatique.

La voie rétrosigmoïde est l'évolution logique des techniques otoneurochirurgicales


aboutissant à un abord direct rapide et sûr pour pratiquer la neurotomie
vestibulaire .

Les avantages de cette voie sont :

 l'accès rapide au travers d'une craniotomie limitée (2 cm) immédiatement


en arrière du sinus sigmoïde ;
 la vision directe sur le paquet acousticofacial ;
 le plan de clivage intercochléovestibulaire.

Son désavantage était la légendaire gravité d'une voie d'abord non transpétreuse
et intradurale. Mais en même temps que la technologie opératoire évolue, les
progrès de l'anesthésiologie permettent d'emprunter cet abord postérieur en toute
sécurité :

 patient en décubitus dorsal ;


 chirurgien en position otologique ;
 cervelet qui s'affaisse spontanément et donc absence d'utilisation de
rétracteur sur le cervelet.

La voie postérieure rétrosigmoïde offre maintenant le plus de garanties vis-à-vis de


la conservation de la fonction auditive et de l'intégrité de la motricité faciale .

Le patient est en décubitus dorsal, sa tête en rotation du côté opposé au côté


atteint et en légère flexion afin de mieux dégager la région rétro-auriculaire.

La voie d'abord est rétromastoïdienne. Les repères osseux sont, le bord postérieur
de la mastoïde, que suit à 1 cm en arrière l'incision cutanée, et la ligne courbe
occipitale supérieure (prolongement postérieur du plan de Francfort) qui est la
limite supérieure du champ opératoire.

La trépanation osseuse est rétrosigmoïde. La veine émissaire mastoïdienne, dont


l'hémostase est réalisée à la cire d'Horsley ou à l'aide de Surgicel®, est le repère
clé pour centrer avec exactitude la craniotomie immédiatement en arrière du sinus
sigmoïde [65]. A l'aide d'une fraise coupante, une trépanation circulaire inférieure à
2 cm est réalisée en suivant le trajet de la veine émissaire mastoïdienne jusqu'à sa
pénétration dans le sinus veineux sigmoïde dont seul le bord postérieur sera
dénudé.

L'ouverture de la dure-mère est faite en forme de V à charnière antérieure


rétrosigmoïde.

Le cervelet s'affaisse spontanément sous l'effet conjugué d'une anesthésie


profonde « balancée » et de la ventilation assistée. L'utilisation de solution
osmotique comme le mannitol est devenue exceptionnelle ; la pratique de la
ponction lombaire a été abandonnée.

De toute façon, aucune rétraction autostatique du cervelet ne sera pratiquée, celui-


ci est seulement protégé par une lame de coton. Le chirurgien suit alors sous
microscope opératoire la face postérosupérieure blanc nacré du rocher jusqu'à la
pénétration des éléments nerveux au travers de celle-ci. L'ouverture de la citerne
postérieure et l'issue du liquide céphalorachidien offrent une exposition directe sur
tous les éléments de l'angle pontocérébelleux (fig. 11).

La pénétration du paquet acousticofacial dans le porus acusticus assure une


identification indiscutable de celui-ci. Au cours de leur traversée sous-
arachnoïdienne longue de 12 mm, les VIIIe et VIIe paires crâniennes sont
contenues dans un même manchon arachnoïdien qui englobe souvent également
une boucle de l'artère cérébelleuse antéro-inférieure. Par voie rétrosigmoïde, la
face visible du paquet acousticofacial est l'hémicirconférence postérieure constituée
par le nerf acoustique. La face postérieure de ce nerf est le plus souvent parcourue
par un sillon, ou une fine artériole, qui signe le plan de clivage chirurgical de
Brémond entre le contingent vestibulaire situé au-dessus (vers le trijumeau) et le
contingent cochléaire situé au-dessous (vers les nerfs mixtes). Lorsque ce sillon
n'est pas spontanément dessiné, le moindre appui avec un dissecteur mousse sur
le nerf le fait apparaître. Le plan de clivage intercochléovestibulaire existe toujours
et permet au chirurgien d'isoler le nerf vestibulaire du nerf cochléaire, et par là
même, de le sectionner sélectivement en totalité, en dedans du ganglion de
Scarpa.

La neurotomie vestibulaire (fig. 12) : le nerf vestibulaire est progressivement


sectionné aux microciseaux afin de ne pas blesser d'éléments vasculaires situés au
contact du paquet acousticofacial. Lorsque la section est complète, les deux
extrémités nerveuses se rétractent, rendant illusoire toute possibilité de
régénérescence. Le nerf intermédiaire de Wrisberg et le nerf facial deviennent alors
visibles. De par sa situation antérieure au sein du paquet acousticofacial, le nerf
facial se trouve protégé et à distance de toute blessure accidentelle.

Lors de la fermeture, la dure-mère sera suturée et doublée par une greffe


conjonctive et de la poudre d'os mélangée à de la colle biologique. Si des cellules
occipitomastoïdiennes ont été ouvertes, celles-ci seront au préalable colmatées par
de la cire d'Horsley et du tissu conjonctif.

La durée prévisible de l'intervention est de 1 à 2 heures.

Variantes techniques

 La neurotomie vestibulaire intracanalaire .


L'ouverture du conduit auditif interne par voie rétrosigmoïde, pour une
simple neurotomie vestibulaire, est un additif chirurgical tout aussi inutile
que dangereux pour l'audition. Cela annihile tout l'intérêt d'un abord
rétrosigmoïde direct et simple.
 La voie combinée présigmoïde et rétrosigmoïde [97] présente un intérêt
concernant la chirurgie du neurinome de l'acoustique (Sterkers [103]). Pour
la seule neurotomie vestibulaire, cela revient à allonger chacune des voies
d'abord sans aucune amélioration significative du geste opératoire de
neurotomie vestibulaire.

Remarques

 Le monitoring peropératoire du nerf facial, auditif, voire vestibulaire [49],


est un additif sécurisant, quoique coûteux.
Mais ce monitoring, aussi sophistiqué soit-il, ne remplace pas la
connaissance anatomique et l'apprentissage chirurgical qui sont les seuls
garants d'une chirurgie atraumatique et sélective.
 Le laser a été utilisé pour réaliser la neurotomie vestibulaire [102]. Cette
nouvelle technologie n'est pas sans risque à l'égard du nerf facial ou du
nerf auditif. Le côté spectaculaire ne doit pas faire oublier que la main du
chirurgien reste l'instrument le plus adaptable aux variations vasculaires au
voisinage du paquet nerveux acousticofacial.
 L'endoscopie de l'angle pontocérébelleux [67] offre une vision globale et
panoramique de tous les éléments vasculonerveux traversant cet espace.
Elle pourrait être une solution d'avenir avec une instrumentation
appropriée.

Suites opératoires et complications

En principe, après quelques heures en salle de réveil, le patient regagne sa


chambre le jour même.
[100]
Une antibiothérapie prophylactique est prescrite par 67 % des chirurgiens .

Le malade est autorisé à se lever dès le lendemain.

La sortie du patient a lieu 8 à 10 jours après l'intervention.

Les complications vitales sont de nos jours exceptionnelles. Silverstein [100] n'a pas
noté de décès sur 2 820 cas répertoriés. Méningite et fuite de liquide
céphalorachidien sont signalées dans un pourcentage inférieur à 1, sauf pour la
voie rétrolabyrinthique (5 % de liquorrhée).

La paralysie faciale est un risque évalué à 7 % pour la voie sus-pétreuse ; elle est
en général transitoire.

La surdité postopératoire totale est un risque évalué à 5 % pour la voie sus-


pétreuse, à 2 % pour la voie rétrolabyrinthique.

La céphalée postopératoire transitoire survient dans 32 % des cas après voie


rétrosigmoïde. Ce pourcentage se réduit avec l'abandon de l'utilisation du mannitol.
« Aucune voie, sur l'ensemble des séries des 10 dernières années publiées, ne
présente de risque vital supérieur à une autre. En revanche, le risque de cophose
et de paralysies faciales est plus grand dans la voie sus-pétreuse, la voie
rétrosigmoïde comporte un risque de céphalées, et la voie rétrolabyrinthique un
risque de surdité transmissionnelle » [83] et de fuite de liquide céphalorachidien.

Résultats

Vertiges

En 1975, Appaix [4], sur une étude de 1 385 cas, enregistrait 93 % de malades
guéris de leur symptomatologie vertigineuse.

Ces résultats sur la disparition des vertiges et des « malaises vestibulaires » se


confirment et sont constants aux environs de 95 % des cas dans toutes les
statistiques.

Les résultats sont meilleurs concernant la maladie de Ménière que dans les autres
indications où le taux de bons résultats n'est que de 76 %.

L'aréflexie vestibulaire aux épreuves caloriques est la conséquence logique de la


déafférentation complète.

Les échecs (environ 5 %) proviennent soit d'une mauvaise indication, soit d'une
section nerveuse incomplète.

En effet, si l'atteinte n'est pas strictement périphérique et si l'acte chirurgical


n'obtient pas « le silence vestibulaire », il y aura une impossibilité
neurophysiologique de mise en jeu du mécanisme de compensation.

La bilatéralité de la maladie de Ménière peut être à long terme une source de


récidive vertigineuse.

L'appréciation du risque de bilatéralisation est très controversée. Les statistiques à


ce sujet donnent des variations importantes de 2,7 à 44 %. La nécessité d'un suivi
à long terme des malades explique seulement en partie l'inhomogénéité des
chiffres.

Cette bilatéralité potentielle amène deux remarques pratiques :

 Peut-on parler d'échec d'une intervention après un intervalle libre de 5, 10


ou 20 ans de stabilisation de l'affection ?
 La réorganisation neurologique centrale post-chirurgicale n'est-elle pas une
façon de modifier le statut psychosomatique de la maladie de Ménière, et
par voie de conséquence, le risque de bilatéralisation ? Cette hypothèse est
confortée par le très faible pourcentage après section du nerf vestibulaire
de bilatéralisation de la maladie entre 2 et 8 % .

La compensation d'une désafférentation vestibulaire unilatérale doit être comprise


comme une disparition des symptômes si possible en toutes circonstances [32].
L'appréciation de la qualité de l'équilibre postopératoire par des études de
posturographie statique et dynamique, permet l'individualisation de trois grands
types de compensation vestibulaire :

 visuel prédominant (26 %) ;


 proprioceptif prédominant (48 %) ;
 mixte (26 %).

Le groupe visuel prédominant récupère plus vite, mais la stabilité des sujets peut
être mise en défaut dans l'obscurité, dans les endroits animés ou les « grandes
surfaces ». En pratique, les patients ont appris à éviter ces situations et
considèrent mener une vie normale.

Le contrôle posturographique postopératoire participe à l'élaboration d'une «


compensation dirigée » et à l'application d'une rééducation adaptée. Cette
sollicitation précoce, dès le deuxième ou quatrième jour, permet de réduire le
temps de récupération de moitié, de reprendre une activité socioprofessionnelle
après 1 mois (y compris la conduite) et de retrouver une posturographie
équivalente à celle des sujets témoins en 2 mois et demi, tous âges confondus.

Audition

Son étude comparative ne peut se faire qu'en fonction de la même voie d'abord.
Mais les statistiques manquent d'homogénéité, comme nous l'avons précédemment
souligné dans l'évaluation des niveaux auditifs pré- et postopératoires, et le recul
du temps.

Nous ne retiendrons donc que les extrêmes des grandes séries.

L'audition est stabilisée ou améliorée dans :

 32 à 84 % des cas des abords sus-pétreux ;


 56 à 78 % des cas des abords rétrolabyrinthiques ;
 entre 55 et 91 % des cas des abords rétrosigmoïdes.

De plus, la voie rétrosigmoïde n'expose pas le patient aux risques de perte auditive
immédiate ou secondaire liés à l'acte chirurgical et offre donc les résultats auditifs
statistiquement les plus favorables.

Le maintien des seuils auditifs à long terme, alors que la neurotomie vestibulaire a
pour but de couper les afférences nociceptives du labyrinthe postérieur afin d'isoler
celui-ci, tout en laissant évoluer l'hydrops labyrinthique en vase clos, a de quoi
surprendre.

En effet, comment expliquer que le labyrinthe antérieur cochléaire soumis aux


phénomènes d'hydrops n'ait pas une évolution inexorable vers l'aggravation de la
surdité ? En fait, en sectionnant le nerf vestibulaire, le chirurgien sectionne
également les voies efférentes cochléaires du faisceau olivocochléaire de
Rasmussen qui transitent par le nerf vestibulaire et gagnent au fond du conduit
auditif interne, la cochlée par l'anastomose de Oort. Des études psychoacoustiques
[91]
démontrent la réalité de la section des fibres efférentes cochléaires après
neurotomie vestibulaire et une action indirecte de celles-ci sur le comportement
cochléaire et la fonction auditive.

Les malades, porteurs d'une maladie de Ménière présentent après neurotomie


vestibulaire une modification de leur sélectivité fréquentielle et de leur attention
auditive alors que les seuils d'intensité auditive sont inchangés.
Acouphènes

L'évaluation subjective des acouphènes est sous la dépendance du comportement


psychologique du patient. Pourtant toutes les statistiques sont relativement
concordantes et si l'on fait une moyenne, les acouphènes sont supprimés ou réduits
dans 40 % des cas, inchangés dans 55 % des cas, aggravés dans 5 % des cas.

La doléance acouphénique échappe à la chirurgie. Elle ne peut donc être un critère


pour proposer une neurotomie vestibulaire, ni une neurotomie vestibulocochléaire
si la fonction auditive est déjà détruite.

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LABYRINTHECTOMIE

La destruction du labyrinthe postérieur, par la suppression du capteur vestibulaire,


doit aboutir au même résultat que la neurotomie vestibulaire. Mais la
labyrinthectomie présente deux désavantages majeurs :

 elle implique une cophose ;


 elle exclut toute possibilité d'implant cochléaire si par malheur l'oreille
controlatérale était altérée.

De plus, la persistance du ganglion de Scarpa et la possibilité de névrome ont été


évoquées pour expliquer les échecs de cette chirurgie [59].

Pour toutes ces raisons, la labyrinthectomie n'est plus au goût du jour.

Labyrinthectomie transmastoïdienne

La technique est ancienne pour traiter les labyrinthites (Jansen, 1895).

Il s'agit d'une voie translabyrinthique sans ouverture du conduit auditif interne.


Celui-ci peut toutefois être trépané pour pratiquer alors une section du nerf
vestibulaire et du nerf cochléaire en complément de la labyrinthectomie (Pulec,
1968).

Les principaux temps opératoires sont :

 une large mastoïdectomie ;


 la squelettisation de la 3e portion du nerf facial ;
 l'ablation de l'enclume ;
 l'ouverture successive des canaux semi-circulaires, externe, postérieur et
supérieur ;
 la squelettisation du coude et de la 2e portion du nerf facial pour pénétrer
dans le vestibule sous contrôle de la vue (fig. 13) ;
 l'exérèse du neuroépithélium utriculaire et sacculaire ;
 le labyrinthe est alors comblé de tissu conjonctif, de poudre d'os ou de
graisse ; le tissu de comblement pouvant être imbibé de streptomycine.

Labyrinthectomie transcanalaire

Proposée par Lempert (1948) avec ablation de l'étrier et aspiration du contenu du


vestibule, elle a été codifiée par Schuknecht (1956) et Cawthorne (1957) [48].

Elle doit être menée sous anesthésie générale, car sinon les gestes opératoires
déclencheraient des vertiges très difficilement supportables :

 une stapédectomie est réalisée ;


 l'ouverture labyrinthique peut être élargie par fraisage du promontoire
jusqu'à la fenêtre ronde ;
 à l'aide d'un crochet à angle droit de 3 mm, le saccule, l'utricule et les
macules ampullaires sont désinsérés puis aspirés ;
 le labyrinthe est colmaté par du tissu conjonctif ou de la graisse et du
Gelfoam® imbibé de streptomycine. Malgré sa simplicité et sa rapidité,
cette intervention n'est guère proposée car il est préférable alors
d'envisager une labyrinthectomie « chimique » [90].

Labyrinthectomie chimique

Elle constitue le moyen terme entre le traitement médical et chirurgical.

Cette technique consiste à injecter localement dans le vestibule un antibiotique


vestibulotoxique plutôt que d'utiliser la voie systémique.

Shea en 1989 propose l'application de streptomycine au travers du canal semi-


circulaire externe.

La gentamicine a été proposée par Kimura (1991).

Les indications sont celles de toute chirurgie du vertige : maladie de Ménière


invalidante et échec de décompression du sac endolymphatique.

Technique de Shea

Par une simple mastoïdectomie, l'opérateur découvre le canal semi-circulaire


externe (fig. 14).

La saillie de la coque osseuse du canal va être progressivement affinée avec une


fraise diamantée selon la technique de la « double ligne bleue ».

Ce fraisage intéresse les bords du canal semi-circulaire externe afin de ne laisser


qu'un îlot osseux sur le dôme du canal. Ce fragment osseux sera alors délicatement
enlevé au microcrochet.

Cette technique serait moins traumatisante que le fraisage et l'ouverture directe du


canal semi-circulaire externe.

Cette fenestration doit être faite le plus près possible de l'extrémité ampullaire, en
évitant soigneusement de traumatiser les éléments ossiculaires.

Une très fine aiguille est insérée dans le canal membraneux (cette puncture
pourrait avoir un rôle de décompression). Puis la solution de streptomycine est
lentement injectée. Le produit se déverse en dehors du labyrinthe, ce qui rend la
quantité de drogue intralabyrinthique très variable.

L'oreille moyenne est rincée. La fistule labyrinthique refermée par du Gelfoam® et


un greffon conjonctif.

Les doses médicamenteuses proposées sont 2,5 à 25 μg de streptomycine pour


Monsell [77] à 125 μg pour Amédée [1].

Expérimentalement à dose égale, la gentamicine serait plus ototoxique.

Résultats
Les séries sont limitées ainsi que le suivi.

Soixante-cinq pour cent des patients ainsi traités n'ont plus de vertige à 6 mois, les
35 % restants n'auraient qu'un simple déséquilibre résiduel.

Toutefois pour Monsell, 17 % des cas nécessiteront un autre procédé chirurgical


pour guérir de leur symptomatologie vertigineuse.

Enfin, le risque d'aggravation de l'audition apparaît évident puisqu'il atteint 57 %


des cas sur 41 patients traités, et que certains auteurs abandonnent ce procédé.

Technique de Nedzelski [78]

Celui-ci utilise les propriétés ototoxiques de la gentamicine injectée au travers d'un


cathéter placé par voie du conduit dans un drain transtympanique. La dose est
administrée à la concentration de 26,7 mg/ml, 1 ml 3 fois par jour, 4 jours au
maximum. Les résultats obtenus par cette technique sont, chez 40 patients, 75 %
de guérison des vertiges, et en ce qui concerne l'audition 19 % d'amélioration et 45
% de stabilisation. Ce traitement est toutefois conseillé chez les patients ayant une
perte auditive importante.

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CHIRURGIE SÉ LECTIVE DU CANAL POSTÉ RIEUR

Neurotomie du nerf ampullaire postérieur

La neurotomie du singulare (ou nerf ampullaire postérieur) a été proposée par


Gacek [33] en 1974 pour traiter les patients qui présentent des récidives de
vertiges positionnels paroxystiques bénins en dépit du traitement médical et de la
kinésithérapie (manoeuvre libératoire de Semon).

Technique

Gacek [34] réalise cette intervention sous anesthésie locale et par voie du conduit.
Meyerhoff [70] et Silverstein [101] proposent une voie rétro-auriculaire combinée,
Epley [26] une voie endaurale élargie mais impliquant une anesthésie générale.

La fenêtre ronde doit être bien exposée. Pour cela, un fraisage de sa berge
antérieure et du subiculum est souvent nécessaire afin de bien voir les limites
inférieures et postérieures de la fosse ronde. Le tympan secondaire est bien
identifié en recherchant par mobilisation ossiculaire « le reflet à la ronde ».

En utilisant une microfraise diamantée de 0,5 à 1 mm de diamètre précisément


placée au niveau de la dépression du plancher de la fenêtre ronde, en position
opératoire. Un fraisage de 2 mm de profondeur est réalisé pour atteindre
électivement la portion intermédiaire du nerf singulare (fig. 15).

L'emplacement du singulare peut être très légèrement variable sur un axe vertical.
Toutefois, son repérage exact n'est fait que dans 80 % des cas. L'identification du
nerf ampullaire postérieur est précisée par le patient qui ressent soit un vertige,
soit une douleur. La section est alors réalisée à l'aide d'un micro-crochet.
Indications

Elles sont rares du fait du pourcentage très élevé de guérison des vertiges
positionnels paroxystiques bénins (90 % pour Semon, 1989 ; 100 % pour Epley,
1992). De plus, le patient doit être suffisamment gêné par ses vertiges positionnels
pour accepter la possibilité d'une perte de l'audition.

La neurotomie du nerf ampullaire postérieur est à proposer chez des patients


souffrant de vertiges paroxystiques depuis plus de 1 an malgré une kinésithérapie
bien conduite.

Résultats

L'efficacité de la technique paraît grande puisque Gacek rapporte 97 % de bons


résultats avec disparition complète du vertige positionnel. De plus, 7 patients ont
pu subir une neurotomie bilatérale. Le risque auditif est diversement apprécié, 4 %
pour Gacek, 20 % pour Meyerhoff.

Occlusion du canal semi-circulaire postérieur

Elle est proposée par Parnes et McClure [81] en 1990 en remplacement de la


technique de neurotomie de Gacek sur deux arguments :

 éviter les difficultés éventuelles d'identification du nerf ampullaire


postérieur ;
 l'occlusion expérimentale chez l'animal n'entraîne pas de retentissement
auditif.

Cette dernière assertion n'est pourtant pas corroborée par les expériences
malheureuses de la chirurgie du sac endolymphatique ou de l'abord
rétrolabyrinthique.

Technique

Par un abord rétroauriculaire, la mastoïdectomie est réalisée pour permettre de


squelettiser à la fraise le canal semi-circulaire postérieur, puis d'en dénuder le
canal membraneux afin de réaliser une fenestration.

Trois variantes sont alors proposées :

 l'ouverture punctiforme du membraneux et l'occlusion en regard à l'aide de


poudre d'os mélangée à de la colle de fibrine [81] ;
 la fenestration-compression du canal membraneux par de la poudre d'os ou
de la cire d'Horsley ;
 la cicatrice fibreuse au laser [3].

Résultats

Les séries et le recul du temps sont encore limités. En postopératoire, des crises
vertigineuses sont décrites pendant 2 à 3 semaines. Après ce délai, l'efficacité sur
le vertige positionnel récidivant semble se confirmer. Le retentissement auditif
reste diversement évalué pouvant atteindre 50 % des cas de perte auditive.

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FISTULE PÉ RILYMPHATIQUE

La fistule périlymphatique est une issue de liquide périlymphatique par une


communication anormale entre l'oreille moyenne et le carter labyrinthique.

C'est peut-être le sujet le plus controversé en otologie, aujourd'hui, les otologistes


étant divisés en deux camps : « les croyants et les non-croyants » [10].

Cette controverse est entretenue par l'absence de test diagnostique préopératoire


fiable et par l'incapacité, le plus souvent, d'apporter des documents peropératoires.

Historique

Décrite pour la première fois par Escat (1987), la notion de fistule périlymphatique
est en fait récente. Elle a été, tout d'abord, signalée après chirurgie platinaire
(Steffen, 1963), après traumatisme (Fee 1968, Goodhill 1971) et barotraumatisme
Pullen (1979). Des formes spontanées ont également été décrites depuis la
première publication de Stroud et Calcaterra (1970) .

Indications

Tout le problème est dans l'indication de l'exploration chirurgicale de l'oreille


moyenne [103].

Les signes cliniques ne sont pas spécifiques :

 surdité progressive ou surdité fluctuante ;


 vertiges de type périphérique parfois positionnels ;
 acouphènes et plénitude auriculaire.

Deux circonstances étiologiques vont faire évoquer la possibilité d'une fistule


labyrinthique :

 une chirurgie préalable de l'oreille moyenne, notamment platinaire ;


 des antécédents traumatiques, notamment locaux (gifles).

Dans ce contexte clinique l'exploration chirurgicale s'impose, c'est même une semi-
urgence pour prévenir l'aggravation de l'hypoacousie et espérer une amélioration
auditive dans 25 à 34 % des cas.

Les examens complémentaires d'imagerie (scanner des rochers) peuvent aider à


l'indication opératoire en révélant un pneumolabyrinthe qui est pathognomonique
d'une fistule [9], ou des anomalies morphologiques [108] (syndrome de Mondini,
large aqueduc du limaçon, defect du fond du conduit auditif interne, defect de la
fissure de Hyrtl). Ces anomalies sont plus souvent révélées par une
symptomatologie cochléaire que vestibulaire.

Chez l'enfant, pour Weber [108], la fistule périlymphatique s'accompagne d'une


malformation de l'oreille interne dans 31 % des cas et d'une malformation de
l'oreille moyenne dans 81 % des cas (étrier malformé essentiellement). Les fistules
spontanées isolées représentent 32 % des cas pour Angelard [2].

Technique

Il s'agit d'une exploration de l'oreille moyenne menée par la voie endaurale sous
anesthésie générale ou locale.

La fistule labyrinthique, le plus souvent peu évidente, requiert un examen attentif


et minutieux des deux fenêtres, ovale et ronde, après avoir en quelque sorte «
asséché » l'oreille de tout liquide d'infiltration ou d'irrigation et de tout saignement.

La platine, la fissula ante fenestrum, la membrane de la fenêtre ronde, le bord


postérieur de la fenêtre ronde sont les zones de déhiscence les plus fréquentes.

On pourra s'aider d'artifices pour mieux affirmer la réalité de la fistule :

 compression de l'abdomen ou de la veine jugulaire afin d'augmenter la


pression des liquides méningés et celle de la périlymphe ;
 endoscopie pour ne pas avoir de zone d'ombre, mais le problème de
l'indentification réelle de la fistule demeure ;
 identification du liquide périlymphatique [58].

Le pourcentage d'exploration positive varie entre 13 et 89 % . La fistule, une fois


reconnue, sera recouverte d'une large greffe conjonctive maintenue en place par de
la colle biologique et du Gelfoam®. Ce procédé n'est pas « l'idéal », puisque Seltzer
et McCabe [95], sur une série de 91 fistules, rapportent 21 % de récidives.

Dans le cas de malformation de l'oreille interne avec surdité, les auteurs


s'accordent sur la nécessité d'oblitérer non seulement la fistule mais parfois aussi le
labyrinthe [60].

Si l'exploration de caisse a été négative, la majorité des auteurs tapissent


systématiquement la fenêtre ovale et la fenêtre ronde d'un greffon conjonctif.

Le problème de cette chirurgie est qu'une exploration dite négative pour un


chirurgien peut être rapportée comme positive par d'autres chirurgiens [10].

Résultats

Ils sont difficiles à analyser du fait de la grande disparité des indications.

Les vertiges sont le plus souvent définitivement guéris après traitement de la


fistule post-chirurgicale ou post-traumatique.

En revanche, dans les formes dites spontanées, Weider [109] fait état de 38 % des
cas nécessitant un autre procédé chirurgical pour contrôler la symptomatologie
vertigineuse.

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CONFLITS VASCULONERVEUX

Historique

La compression des racines des paires crâniennes par une boucle vasculaire au
niveau de l'angle pontocérébelleux a été démontrée comme étant une cause de
névralgie faciale ou de spasme de l'hémiface .

La possibilité qu'une boucle vasculaire puisse entraîner un conflit nociceptif au


niveau de la VIIIe paire crânienne est une éventualité plausible.

McCabe et Harkel [61] rapportent l'observation de 8 patients dont la


symptomatologie était compatible avec le diagnostic de maladie de Ménière, et qui
présentaient une boucle vasculaire comprimant le nerf vestibulaire. Mais ces
patients ont tous été traités par neurotomie vestibulaire et non par chirurgie de
décompression.
Jannetta [55], Moller rapportent 41 patients présentant des vertiges positionnels
invalidants avec conflit artère-nerf ayant fait l'objet d'un acte chirurgical.

Benecke et Hitselberger [8] publient un cas de conflit, nerf vestibulaire - artère


vertébrale, traité par section du nerf vestibulaire.

Physiopathologie

Le conflit artère-nerf serait induit, soit par un phénomène mécanique de


compression d'une artère au trajet aberrant, refoulant la racine nerveuse ; soit par
un phénomène bioélectrique de stimulation du nerf lui-même par le champ
électrique provoqué par le courant sanguin à chaque pulsation. L'intimité du
contact artère-nerf, la paroi artérielle athéromateuse, l'absence de gaine autour
des racines nerveuses, la proximité des noyaux du nerf sont autant d'éléments
pouvant aboutir à l'induction d'une épine irritative vasculonerveuse. Les deux
hypothèses ne sont pas incompatibles et se complètent très bien. La
démyélinisation du nerf est la traduction anatomopathologique de la réalité du
conflit.

Schwaber [94] décrit des lésions de fibrose et de neuronite qui seraient des
éléments pouvant induire, par fragilisation du tractus nerveux, l'apparition d'un
conflit par contact vasculaire.

Mais la fréquence de boucles artérielles observées par les anatomistes et par les
chirurgiens au contact du paquet acousticofacial fait que cette hypothèse reste très
controversée. De plus, les examens audiovestibulaires préopératoires ne sont pas
spécifiques. Toutefois, l'existence d'une surdité de type rétrocochléaire est un bon
signe d'orientation. L'imagerie médicale, IRM en séquence ciss, si elle met en
évidence une boucle artérielle au contact du paquet acousticofacial ne peut en
déduire son caractère pathologique. Seule l'exploration chirurgicale pourra affirmer
le diagnostic.

Technique

L'opération est menée par un abord rétrosigmoïde et l'exposition du paquet


acousticofacial.

Le conflit artère-nerf se situe le plus souvent au niveau de la zone de pénétration


dans le sillon bulboprotubérantiel de la racine nerveuse vestibulaire.

Sa localisation exacte a bénéficié de la technique d'endoscopie de l'angle


pontocérébelleux.

L'artère cérébelleuse antéro-inférieure peut comprimer et créer une empreinte au-


dessus du nerf vestibulaire.

L'artère cérébelleuse postéro-inférieure et l'artère vertébrale peuvent refouler de


bas en haut le nerf acoustique et créer une empreinte au niveau du sillon
bulboprotubérantiel (fig. 16).

La chirurgie de décompression vasculaire consiste à séparer et à éloigner l'artère


responsable, et à interposer entre l'artère et le nerf un fragment d'éponge de
Téflon®. Celui-ci maintient à distance l'artère et joue le rôle d'isolant électrique.

Ce geste de décompression n'est pas toujours possible du fait de la position de


l'artère ou de ses attaches vasculaires.

Dans le cas d'une symptomatologie vertigineuse, les auteurs préfèrent, à une


décompression hypothétique, une neurotomie vestibulaire associée plus sûre dans
ses résultats [94].

Résultats
Seuls Jannetta et Moller [76] ont une expérience de cette chirurgie de
décompression dans le traitement des vertiges.

La résolution des symptômes peut être tardive (18 mois) et alors 75 % des
patients considèrent l'intervention comme un succès. Puisque l'approche
chirurgicale est la même, cela plaide en faveur d'une neurotomie vestibulaire à la
fois plus simple et plus efficace.

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CONCLUSION

La chirurgie dans le traitement des vertiges est peu fréquente car elle s'adresse
essentiellement à la maladie de Ménière, elle-même peu fréquente sur l'ensemble
des vertiges.

Les autres affections à traiter chirurgicalement sont encore plus rares : 1 % des
vertiges positionnels paroxystiques, les fistules périlymphatiques, les conflits
artère-nerf.

La chirurgie des vertiges s'oriente de plus en plus vers une action sur les efférences
nerveuses (neurotomie vestibulaire, section du singulare) pour préserver le
labyrinthe et sa fonction auditive.

Cette chirurgie suppose, comme préalable, un diagnostic précis qui repose sur un
bilan audiovestibulaire performant et une imagerie otoneurologique de qualité. Les
nouvelles explorations : vidéonystagmoscopie et -graphie, posturographie,
devraient largement contribuer à améliorer la précision du diagnostic et, par voie
de conséquence, les indications thérapeutiques.

Références

[1] AMEDEE RG, NORRIS LH, RISEY JA Selective chemical vestibulectomy :


preliminary results with human application. Otolaryngol Head Neck Surg 1991 ;
105 : 107-112
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Fig 1 :

Fig 1 :

Chirurgie de décompression de l'hydrops labyrinthique.

A. Platinotomie décompressive.

B. Sacculotomie.

C. Cochléosacculotomie.
D. Décompression du sac endolymphatique.

1. Rampe vestibulaire ; 2. Rampe cochléaire ; 3. Rampe tympanique ; 4. Saccule ; 5.


Ductus reuniens de Hensen ; 6. Utricule ; 7. Valvule utriculoendolymphatique de Bast ;
8. Sac endolymphatique.

Fig 2 :

Fig 2 :

Décompression du sac endolymphatique.

Voie transmastoïdienne côté droit.

1. Canal semi-circulaire postérieur ; 2. Sac endolymphatique ; 3. Dure-mère fosse


cérébelleuse ; 4. Sinus sigmoïde ; 5. Enclume ; 6. Nerf facial. A-A. Ligne de Donaldson.

Fig 3 :
Fig 3 :

A. Sacculotomie de Fick.

B. Platinotomie décompressive de Martin.

C. Tack-operation de Cody.

D. Cochléosacculotomie de Schuknecht.

1. Utricule ; 2. Saccule ; 3. Fenêtre ronde ; 4. Canal cochléaire.

Fig 4 :

Fig 4 :

Les voies d'abord pour la neurotomie vestibulaire.

1. Voie sus-pétreuse ; 2. Voie rétrolabyrinthique ; 3. Voie rétrosigmoïde.

Fig 5 :
Fig 5 :

Préparation anatomique. Coupe horizontale de l'os temporal et angle pontocérébelleux


côté droit.

A. Voie sus-pétreuse.

B. Voie rétrolabyrinthique.

C. Voie rétrosigmoïde.

1. Carotide interne ; 2. Ganglion de Gasser ; 3. Cochlée ; 4. Bill's bar ; 5. Vestibule ; 6.


Canal semi-circulaire postérieur ; 7. Fossette unguéale ; 8. Sac endolymphatique ; 9.
Sinus veineux sigmoïde ; 10. Veine émissaire mastoïdienne.

V. Nerf trijumeau ; VII. Nerf facial ; VIII. Nerf auditif ; IX. Nerf glossopharyngien ; X.
Nerf pneumogastrique.

Fig 6 :
Fig 6 :

Voie sus-pétreuse.

Les repères anatomiques de la face antérosupérieure du rocher côté droit.

A. Segment intralabyrinthique dangereux du conduit auditif interne. Il répond en avant


à la cochlée (3) sur 4 mm.

B. Segment extralabyrinthique du conduit auditif interne que le chirurgien peut fraiser


largement sans danger labyrinthique.

1. Marteau ; 2. Ganglion géniculé ; 3. Cochlée ; 4. Nerf facial ; 5. Eminentia arcuata.

Fig 7 :
Fig 7 :

Voie sus-pétreuse droite. Exposition du conduit auditif interne.

1. Nerfs pétreux ; 2. Cochlée ; 3. Nerf facial ; 4. Marteau ; 5. Enclume ; 6. Bill's bar ; 7.


Canal semi-circulaire supérieur. 8. Nerf vestibulaire supérieur.

A. Axe du conduit auditif sur la bissectrice de l'angle nerf pétreux-eminentia arcuata, et


angle méatal de 60°.

Fig 8 :
Fig 8 :

Neurotomie vestibulaire par voie sus-pétreuse côté droit.

1. Ganglion géniculé ; 2. Nerf facial ; 3. Nerf cochléaire ; 4. Nerf vestibulaire supérieur ;


5. Bill's bar ; 6. Nerf ampullaire ou singulare de Morgagni postérieur ; 7. Nerf
vestibulaire inférieur.

Fig 9 :
Fig 9 :

Voie rétrolabyrinthique droite.

Trépanation de la mastoïde élargie en arrière pour dénuder le sinus sigmoïde et la dure-


mère pré- et rétrosigmoïde.

1. Canal semi-circulaire externe ; 2. Canal semi-circulaire postérieur ; 3. Enfoncement


du sinus sigmoïde par la lame de l'écarteur autostatique ; 4. Nerf facial.

Fig 10 :
Fig 10 :

Voie rétrolabyrinthique droite.

Ouverture de la dure-mère de la fosse postérieure entre le sinus sigmoïde (3) et le


labyrinthe (1. Canal semi-circulaire postérieur). Vue opératoire du pédicule
acousticofacial (2).

Fig 11 :
Fig 11 :

Voie rétrosigmoïde droite.

A. Plan de Francfort. 1. Bord postérieur de la mastoïde ; 2. Ligne courbe occipitale


supérieure ; 3. Ligne courbe occipitale inférieure.

B. Craniotomie de 2 cm immédiatement en arrière du sinus sigmoïde (1) le lambeau


dural (2) est suspendu en avant. Identification de la huitième paire crânienne (4) par sa
pénétration dans le conduit auditif interne (3).

Fig 12 :
Fig 12 :

Neurotomie vestibulaire par voie rétrosigmoïde droite.

A. Paquet acousticofacial pénétrant dans le conduit auditif interne. 1. Sillon


intercochléovestibulaire.

B. Clivage intercochléovestibulaire.

C. Neurotomie vestibulaire (2) préservant le nerf cochléaire (3) sous-jacent.

D. Section complète et sélective du nerf vestibulaire dont les extrémités se rétractent ;


4. Nerf facial ; 5. Artère sub arcuata ; 6. Artère cérébelleuse antéro-inférieure.

Fig 13 :

Fig 13 :
Labyrinthectomie transmastoïdienne droite.

1. Vestibule ; 2. Canal semi-circulaire supérieur ; 3. Canal semi-circulaire postérieur ; 4.


Aqueduc de Fallope squelettisé.

Fig 14 :

Fig 14 :

Labyrinthectomie « chimique ». Technique de Shea.

A. Fraisage du canal semi-circulaire externe (1) selon deux lignes parallèles à l'axe de la
saillie du canal.

B. Ponction du canal membraneux au niveau de la zone ampullaire.

Fig 15 :
Fig 15 :

Neurectomie ampullaire postérieure. Technique de Gacek.

A. Plan de coupe.

Voie endaurale et exposition de la membrane de la fenêtre ronde.

Zones de fraisage (flèche).

1. Nerf facial ; 2. Berge antérieure de la fenêtre ronde ; 3. Fenêtre ronde ; 4. Plancher


de la fenêtre ronde ; 5. Nerf ampullaire postérieur.

Fig 16 :
Fig 16 :

Conflit artère-nerf.

Vue opératoire côté droit par voie rétrosigmoïde de l'angle pontocérébelleux.

1. Nerf facial ; 2. Nerf vestibulaire ; 3. Nerf cochléaire VII et VIII, paquet acousticofacial
; 4. Conduit auditif interne ; 5. Trou déchiré postérieur.

* Zones de conflit possible entre le nerf vestibulaire et l'artère cérébelleuse postéro-


inférieure et/ou l'artère vertébrale.

Tableaux

Tableau I.
Tableau I. - Caract�res invalidants chez 135 malades atteints
de maladie de M�ni�re, op�r�s par neurotomie vestibulaire.

Dur�e d'�volution moyenne 6 ans

Fr�quence des crises quotidienne 38 %


hebdomadaire 44 %
mensuelle 18 %

P�riode intercritique instabilit� 60 %


asymptomatique 40 %
Audition inutilisable 10 %
alt�r�e 45 � 55 dB 80 %
subnormale 10 %

Tableau II. - Retentissement professionnel du vertige.

Statut pr�op�ratoire 135 cas de neurotomie vestibulaire

Licenciement 18 %

Arr�t de l'activit� professionnelle 21 %

Arr�t de travail fr�quents 15 %

Diminution de l'activit� 24 %

Sans activit� professionnelle 24 %

Pas de r�percussion

Tableau III. - Voies d'abord de la neurotomie vestibulaire sur 2 820 cas.

Fosse post�rieure 92 % 2 590 cas

- r�trolabyrinthique 44 % 1 149 cas

- r�trosigmo�de 36 % 940 cas

- combin�e RL + RS 12 % 307 cas

- non pr�cis�e 8% 194 cas

Fosse moyenne

- sus-p�treuse 8% 230 cas

RL : r�trolabyrinthique ; RS : r�trosigmo�de.
¶ 46-101

Techniques de reconstruction du pavillon


de l’oreille
S. Jacquot-Laperrière, F. Disant

Le pavillon de l’oreille est une structure chondrocutanée, aux reliefs complexes. Sa projection en dehors du
crâne le rend vulnérable aux traumatismes et aux rayons ultraviolets et donc aux carcinomes cutanés. La
reconstruction du pavillon, en cas de perte de substance, partielle ou totale, post-traumatique ou
postchirurgicale, pose un délicat problème au chirurgien, qui doit s’attacher à restituer au mieux les
caractéristiques de cette structure (finesse des reliefs, projection, taille, symétrie), de manière à obtenir
une oreille d’aspect naturel. La stratégie chirurgicale est fonction de la taille et de la localisation de la
perte de substance. C’est pourquoi nous décrivons, après un rappel anatomique, une large palette de
procédés chirurgicaux (lambeaux pédiculés, greffes, otopoïèses, empochements, réimplantations
microchirurgicales, épithèses), permettant d’affronter les diverses situations cliniques : pertes de
substance partielles au niveau des différentes régions du pavillon (hélix, scapha, conque, lobule, sillon
rétroauriculaire), amputations subtotales (tiers supérieur, tiers postérieur), amputation totale.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pavillon ; Oreille externe ; Amputation ; Perte de substance ; Reconstruction ; Otopoïèse ;
Lambeau ; Empochement ; Greffe ; Réimplantation ; Microchirurgie ; Épithèse

Plan élastique dépourvue de cartilage et peu projetée, est exception-


nellement le siège de perte de substance traumatique ou
carcinologique.
¶ Introduction 1
En cas de perte de substance du pavillon de l’oreille, qu’elle
¶ Rappel anatomique 1 soit d’origine traumatique, ou secondaire à une exérèse tumo-
Reliefs 1 rale, se pose le délicat problème de la reconstruction de cette
Vascularisation 2 structure complexe et symétrique. Idéalement, la reconstruction
¶ Réparation en fonction de la topographie de la perte doit respecter les caractéristiques du pavillon (finesse des reliefs,
de substance 3 projection avec restitution d’un sillon rétroauriculaire, taille,
Réparation des pertes de substance partielles 3 axe, symétrie acceptable par rapport à l’oreille controlatérale) de
Réparation des amputations subtotales du pavillon de l’oreille 9 manière à obtenir une oreille d’aspect naturel.
Réparation des amputations totales du pavillon 10 La reconstruction n’est jamais une urgence. En effet, en cas
Réparations des amputations traumatiques du pavillon de carcinome cutané, il est impératif de s’assurer de la validité
avec conservation du fragment 16 carcinologique de l’exérèse tumorale avant d’envisager la
¶ Conclusion 16 reconstruction. En cas de carcinome spinocellulaire, il est
impératif de rechercher une extension ganglionnaire, paroti-
dienne et pétreuse. Après une amputation traumatique, la
reconstruction doit être effectuée de préférence à distance du
■ Introduction traumatisme sur des tissus non inflammatoires.
Le but de cet article est de décrire, après un rappel anatomi-
Le pavillon de l’oreille est une mince structure symétrique, que, les différentes techniques de reconstruction pour chaque
projetée de part et d’autre du crâne, aux reliefs complexes, cas de figure : pertes de substance partielles au niveau des
enchaînements de concavités et convexités. Il a une structure différentes régions du pavillon (hélix, scapha, conque, lobule,
composite chondrocutanée, à l’exclusion du lobule dépourvu de sillon rétroauriculaire), amputations subtotales (tiers supérieur,
cartilage. Le pavillon, particulièrement visible de par son tiers postérieur), amputations totales. Selon les situations, sont
extériorisation anatomique, a essentiellement un rôle esthéti- ainsi décrites des techniques de lambeaux pédiculés, de greffes,
que ; il participe à l’équilibre du visage. Son rôle fonctionnel est d’otopoïèses, d’épithèses, d’empochements, de réimplantation
en revanche restreint. microchirurgicales.
En raison de sa projection en dehors du crâne, le pavillon est
particulièrement exposé aux traumatismes (arrachement,
morsure) et aux rayons ultraviolets et donc aux carcinomes ■ Rappel anatomique
cutanés (carcinomes basocellulaires, spinocellulaires ou plus
rarement mélanomes). De plus, la structure semi-rigide cutanéo- Reliefs
cartilagineuse des deux tiers supérieurs du pavillon favorise les L’oreille externe est constituée d’un pavillon et d’un conduit
amputations traumatiques. En revanche, le lobule, structure auditif externe.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 1. Angles du pavillon de l’oreille. a : Angle céphaloconqual ; b :


angle scaphoconqual ; c : angle céphaloauriculaire.

Figure 3. Vascularisation artérielle de la face externe du pavillon. 1.


Artère de l’hélix ; 2. artère de la racine de l’hélix ; 3. artère du tragus ; 4.
artère antérieure du lobule ; 5. artère temporale superficielle ; 6. artère
perforante supérieure ; 7. artère perforante moyenne ; 8. artère perfo-
rante inférieure.

Figure 2. Anatomie de la face externe du pavillon de l’oreille. 1. Hélix ;


2. fossette triangulaire ; 3. racine de l’hélix ; 4. conque ; 5. tragus ; 6.
échancrure intertragienne ; 7. lobule ; 8. scapha ; 9. les deux bras de
l’anthélix ; 10. anthélix ; 11. méat auditif externe ; 12. antitragus.

Le pavillon est une structure cutanéocartilagineuse, aplatie


transversalement, située à la face latérale et inférieure de la tête,
adhérente à la périphérie du conduit auditif externe. Figure 4. Vascularisation de la face médiale du pavillon. 1. Artères
Son grand axe est incliné vers l’arrière d’environ 10° par perforantes supérieure, moyenne et inférieure ; 2. artère auriculaire pos-
rapport à la verticale et mesure entre 50 et 82 mm (moyenne térieure.
de 65,5 mm chez l’homme et de 62 mm chez la femme).
Sa largeur varie de 33 à 61 mm (moyenne de 44,4 mm chez
l’homme et de 40 mm chez la femme). Artère auriculaire antérieure (Fig. 3)
Ses deux tiers postérieurs sont libres de toute insertion. Branche de l’artère temporale superficielle, elle chemine en
La position du pavillon dans l’espace est définie par trois avant du tragus.
repères [1] (Fig. 1) : Elle se divise en trois artères terminales :
• l’angle céphaloconqual dont la valeur est d’environ 80° ; • l’artère de l’hélix ;
• l’angle scaphoconqual dont la valeur est de 100° ; • l’artère de la racine de l’hélix ;
• l’angle céphaloauriculaire, dont la valeur est habituellement • l’artère antérieure du lobule, qui donne une branche vascu-
située entre 25 et 45°. larisant le tragus.
Sa face latérale est constituée de multiples reliefs et dépres-
sions détaillés dans la Figure 2. Artère auriculaire postérieure (Fig. 4)
Sa face médiale est constituée d’un tiers antérieur au contact Branche de la carotide externe, elle parcourt le sillon rétroau-
de la paroi crânienne et de deux tiers postérieurs libres. riculaire en avant du muscle auriculaire postérieur.
Elle se divise en plusieurs branches vascularisant la face
Vascularisation interne du pavillon et donne trois artères perforantes.

Vascularisation artérielle Vascularisation veineuse


Le pavillon est vascularisé par deux artères, dérivées du réseau Le drainage veineux antérieur est assuré par la veine tempo-
carotidien externe. rale superficielle.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Le drainage veineux postérieur est assuré par la veine auricu- Résection cunéiforme (Fig. 5)
laire postérieure et la veine occipitale superficielle.
La résection est triangulaire, s’étendant de l’hélix à la conque
(sommet du triangle dans la conque). L’exérèse de deux trian-
gles de décharge dans la conque est nécessaire pour éviter la
■ Réparation en fonction formation d’une oreille en cupule.
de la topographie de la perte La résection d’une zone de hauteur inférieure à 10-15 mm
permet une reconstruction simple, engendrant une perte de
de substance hauteur du pavillon acceptable sur le plan esthétique, dans la
mesure où le pavillon mesure plus de 65 mm. En cas
de pavillon plus petit, le procédé d’Antia et Buch est préfé-
Réparation des pertes de substance rable.
partielles L’interposition d’un greffon composite triangulaire cutanéo-
cartilagineux, dont la taille correspond à la moitié de la perte
Réparation des pertes de substance partielles de substance, prélevé sur le pavillon controlatéral, permet de
de l’hélix réduire la diminution de hauteur du pavillon atteint et de
symétriser les deux pavillons. Cependant, le résultat est aléatoire
L’hélix, en raison de son exposition aux rayons solaires, est
avec un risque de nécrose du greffon. Il est de plus discutable
un des sièges préférentiels des carcinomes cutanés, en particulier
de laisser une rançon cicatricielle sur une oreille saine, avec un
basocellulaires.
risque non négligeable de chéloïde.
La résection peut être transfixiante, intéressant les trois
couches de l’hélix (peau antérieure et postérieure et cartilage).
La réduction cartilagineuse doit déborder la réduction cutanée Procédé d’Anthia et Buch [2] (Fig. 6)
afin de faciliter la fermeture. La perte de substance doit être strictement limitée à l’hélix et
Deux procédés sont décrits. être inférieure à 20 mm. La fermeture est assurée par la mobi-

Figure 5.
A, B. Perte de substance de l’hélix : résection
cunéiforme.

Figure 6.
A, B. Perte de substance de l’hélix : procédé d’An-
thia et Buch.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 7.
A, B. Perte de substance de la fossette triangu-
laire : lambeau préauriculaire.

lisation de deux lambeaux de glissement hélicéens. Des inci- Réparation des pertes de substance limitées
sions de décharge au niveau du scapha et de la fossette trian- au scapha
gulaire sont parfois nécessaires. La perte de hauteur engendrée
par cette technique est moindre que dans les résections Greffe de peau totale
cunéiformes. La perte de substance est recouverte par une greffe de peau
totale amincie.
Réparation des pertes de substance Chez le sujet jeune et en cas de perte de substance inférieure
non transfixiantes au niveau de la fossette à 10 mm de diamètre, le greffon cutané peut être mis en place
triangulaire directement sur le périchondre cartilagineux avec cependant un
Lambeau préauriculaire (Fig. 7) risque de nécrose. Une résection cartilagineuse préalable est
préférable. Un bourdonnet gras cousu est indispensable pendant
La perte de substance est recouverte par un lambeau préauri- 5 jours.
culaire de translation à pédicule supérieur constitué de peau
glabre. Ce lambeau est disséqué dans le plan du système Transposition de conque composite (Fig. 8)
adipocutané superficiel (SACS), au-dessus du système musculo- Cette technique permet de recouvrir des pertes de substance
aponévrotique superficiel (SMAS) et du fascia temporalis cutanéocartilagineuse du scapha, transfixiantes ou non. Elle
superficialis, préservant ainsi le pédicule temporal superficiel. Le repose sur un lambeau de transposition de conque, composite
pied du pédicule est situé 1 cm au-dessus de la racine de l’hélix cutanéocartilagineux, à charnière antérosupérieure. Ce lambeau
afin de permettre une rotation du lambeau de 90°. L’extrémité est très fiable car son pédicule est centré sur la racine de l’hélix,
inférieure du lambeau doit descendre sous le niveau du tragus. qui offre une large surface cutanée absolue (deux faces de
Le lambeau est ainsi suffisamment long pour permettre une l’hélix). La partie antérieure de l’anthélix doit être sacrifiée afin
suture sans tension. La largeur est de 15 mm. Rappelons qu’au de permettre la rotation du lambeau. Le site donneur est
niveau de la face, le rapport longueur sur largeur des lambeaux recouvert par un lambeau rétroauriculaire, à pédicule supérieur
peut être porté jusqu’à 3/1. ou inférieur, ou en îlot. En cas de perte de substance trans-
Le lambeau est glissé à travers une fenestration dans la racine fixiante, la face médiale du lambeau peut être recouverte par un
de l’hélix. Celle-ci doit être suffisamment large pour éviter toute lambeau préauriculaire à pédicule supérieur.
souffrance du lambeau. La zone du lambeau située dans le
tunnel transcartilagineux peut être préalablement désépidermi-
sée. La suture cutanée de part et d’autre du passage transcartila-
Réparation des pertes de substance au niveau
gineux est alors restreinte à un ou deux points afin de ne pas de la conque
compromettre la vascularisation du lambeau. Il est conseillé Cicatrisation dirigée
d’amarrer le lambeau au plan profond de la fossette triangulaire
par quelques points en U afin d’éviter les espaces de décolle- Cette méthode permet d’obtenir d’excellents résultats. Elle
ment. Un pansement gras (Gelonet®) moulant les reliefs est s’adresse essentiellement aux pertes de substance limitées à la
laissé en place 5 jours. partie antérieure de la conque, mais peut être utilisée dans les
La fermeture de la zone donneuse est facilitée par une pertes de substance chondrocutanées non transfixiantes de
dissection antérieure sous-cutanée sur 2 ou 3 cm. toute la conque.
Lorsque la perte de substance est étendue de la fossette L’inconvénient majeur est la durée de la cicatrisation,
triangulaire au scapha et est donc à cheval sur la branche nécessitant 2 à 3 semaines de pansements gras.
supérieure de l’anthélix, une technique identique peut être Greffe de peau totale
utilisée. Le lambeau est alors disséqué jusque dans la zone sous-
lobulaire qui offre une peau extrêmement fine, permettant de Cette technique est réservée aux pertes de substance intéres-
mouler les reliefs avec précision. sant moins des deux tiers de la conque.
Elle nécessite la résection préalable du plan cartilagineux, ce
Greffe de peau totale qui, dans cette zone, n’entraîne aucun retentissement
Une greffe de peau totale amincie peut être utilisée comme morphologique.
alternative au lambeau, à condition de réséquer le cartilage de Inconvénients. La greffe tend à se rétracter et prend à long
la zone receveuse, afin d’appliquer le greffon sur la face terme un aspect plissé inesthétique. La rétraction cutanée peut
cruentée de la peau rétroauriculaire. La peau est prélevée en être évitée par l’utilisation de lambeaux locaux.
zone glabre, soit en préauriculaire, soit en rétroauriculaire. Un
Lambeau rétroauriculaire à pédicule supérieur
bourdonnet gras cousu maintenu pendant 5 à 6 jours est
nécessaire pour assurer une bonne coaptation entre le greffon et Il évite l’aléa de la rétraction cutanée d’une greffe de peau et
le site receveur. permet la couverture de larges pertes de substance.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Figure 8. Perte de substance du scapha non


transfixiante : lambeau composite de conque.
A. Perte de substance du scapha après exérèse
tumorale.
B. Levée du lambeau composite de conque pédi-
culé en avant sur la racine de l’hélix.
C. Suture du lambeau.
D. Couverture de la conque par un lambeau ré-
troauriculaire.
E. Résultat postopératoire j10.

Le lambeau est tracé à cheval sur le sillon rétroauriculaire. un pédicule au hasard central autour duquel il va effectuer une
Son pédicule est supérieur, haut situé au niveau de la région sus- rotation de 180° selon un axe vertical. La partie externe du
auriculaire. Sa largeur dépend de la hauteur de la perte de lambeau est ainsi suturée à la berge antérieure de la perte de
substance. Il s’étend jusqu’à la zone d’insertion du lobule. Son substance. La zone donneuse est refermée par rapprochement
extrémité distale est affinée afin d’obtenir une souplesse simple des berges. Cela plaque le pavillon sur le plan mastoï-
suffisante pour mouler les reliefs. Une incision arciforme dien, mais il reprend sa place naturelle en quelques semaines.
transfixiante passant à la limite postérieure de la perte de
substance permet le passage du lambeau sur la face antérieure Lambeau rétroauriculaire en îlot bipédiculé (Fig. 11)
du pavillon. Une résection cartilagineuse permet d’élargir le Ce lambeau, qui est fondé sur les mêmes principes que le
tunnel de manière à éviter les souffrances vasculaires. Le lambeau de Masson, permet de couvrir de larges pertes de
lambeau est amarré au plan profond par quelques points, substance, touchant l’ensemble de la conque, voire étendues à
évitant ainsi la formation d’un espace de décollement. Le site de l’anthélix et à la partie postérieure du méat acoustique externe.
prélèvement est fermé par rapprochement simple des berges Il s’adresse également aux pertes de substance transfixiantes de
cutanées. la conque.
Un pansement gras (Gelonet®) est appliqué dans la conque. Le lambeau est dessiné de part et d’autre du sillon rétroauri-
Lors d’un deuxième temps chirurgical, le pédicule est culaire. Il est pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure, au
sectionné. niveau de ses pôles supérieur et inférieur, donnant un aspect de
Ce lambeau peut également être réalisé en un seul temps bretelle. Le décollement dans sa partie moyenne s’effectue en
chirurgical. La zone du lambeau située dans le tunnel cutanéo- profondeur au ras du périoste mastoïdien et du périchondre. Le
cartilagineux doit alors être préalablement désépidermisée et muscle auriculaire postérieur est sectionné afin de donner plus
suturée de part et d’autre du tunnel avec un ou deux points de flexibilité au lambeau. Au niveau des extrémités supérieure
seulement afin de ne pas compromettre la vascularisation. et inférieure, l’incision reste superficielle et ne dépasse pas le
derme afin de ne pas léser le pédicule vasculaire. La laxité au
Lambeau rétroauriculaire à pédicule inférieur (Fig. 9)
niveau des deux pédicules permet une rotation du lambeau de
Selon une technique similaire à la précédente, un lambeau 180° selon un axe vertical sans souffrance vasculaire, permettant
rétroauriculaire à pédicule inférieur peut être réalisé, sa vascula- ainsi la couverture de la conque. La fermeture du site donneur
risation provenant de l’artère auriculaire postérieure. est assurée par un rapprochement simple des berges.
Lambeau rétroauriculaire en îlot de Masson [3] (Fig. 10) Lambeau de rotation lobulaire de Mazauric [4] (Fig. 12)
Il s’agit d’un lambeau en îlot de retournement, situé à cheval Cette technique est indiquée dans les pertes de substance de
sur le sillon rétroauriculaire, dont le dessin correspond exacte- la partie externe de la conque et de l’antitragus. Il s’agit d’un
ment au négatif de la perte de substance. Il est vascularisé par lambeau de rotation à pédicule antérieur prélevé aux dépens de

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 9.
A, B. Perte de substance de la conque : lambeau
rétroauriculaire à pédicule inférieur.

Figure 10. Perte de substance de la conque : lambeau rétroauriculaire en îlot de Masson.


A. Perte de substance de la conque. Incision transfixiante sur la berge postérieure de la perte de substance.
B. Vue postérieure. Incision d’un lambeau en îlot à cheval sur le sillon rétroauriculaire.
C. Le lambeau est retourné à 180° pour couvrir la conque. Sa berge mastoïdienne (a) se retrouve alors au niveau de la berge postérieure de la perte de
substance, alors que sa berge externe (b) se retrouve au niveau de la berge antérieure de la perte de substance.

Figure 11. Perte de substance de la conque : lambeau rétroauriculaire en îlot bipédiculé.


A. Perte de substance de la conque.
B. Vue postérieure. Incision d’un lambeau en îlot pédiculé en haut et en bas.
C. Bascule du lambeau à 180° sur la conque.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Figure 12. Perte de substance de la conque :


lambeau de rotation lobulaire de Mazauric.
A. Perte de substance de la partie inférieure de la
conque.
B. Incision puis rotation d’un lambeau lobulaire.
Résection de l’excès cutané.

la peau externe du lobule. Une plastie de réduction du lobule Plastie de réduction


controlatérale permet de symétriser les deux lobules.
Lorsque la taille du lobule le permet, les plasties de réduction,
Cette technique n’est utilisable qu’en cas d’hypertrophie du
de réalisation très simple, donnent d’excellents résultats.
lobule car elle aboutit à une réduction de hauteur du lobule de
près de 50 %. Procédé de Gavello (Fig. 13)
Pertes de substance transfixiante de la conque emportant La reconstruction du lobule est assurée par un lambeau
la peau rétroauriculaire cutané horizontal bilobé à pédicule antérieur, replié sur
Ce cas de figure se rencontre essentiellement en carcinologie lui-même.
cutanée, notamment en cas de carcinome spinocellulaire La fermeture du site donneur est assurée par un lambeau
envahissant les plans profonds. liftant cervical à vecteur vertical.
Lorsque la perte de substance est latérale et épargne le plan Reconstruction avec armature cartilagineuse [6, 7] (Fig. 14)
mastoïdien, le procédé de Webster, initialement décrit pour
corriger les agénésies de conque, peut être utilisé [5] : les berges L’utilisation d’une armature cartilagineuse, selon une techni-
de la perte de substance sont suturées à un îlot cutané mastoï- que décrite initialement par Burt Brent, permet de maintenir
dien de mêmes dimensions. Après incision, les berges de l’îlot l’envergure du néolobule. Du cartilage, prélevé sur la conque
sont légèrement décollées puis suturées aux berges de la perte homolatérale, est amarré au cartilage de l’antitragus et de la
de substance. En postopératoire, le pavillon doit être maintenu fossette intertragienne puis est laissé en nourrice sous la peau
plaqué au crâne pendant 5 jours avec un bandeau afin d’éviter mastoïdienne pendant 1 mois. La latéralisation est obtenue en
une désunion des sutures sur la berge postérieure. Cette techni- disséquant sous le lambeau composite chondrocutané. La face
que entraîne un comblement du sillon rétroauriculaire qui interne du néolobule est recouverte d’une greffe de peau mince.
pourra être corrigé secondairement grâce à l’apport d’une greffe Un lambeau de glissement cervical permet de couvrir la perte de
de peau totale. substance mastoïdienne.
Lorsque la perte de substance est médiane, emportant une
partie du plan cutané mastoïdien, la berge postérieure de la Lambeau composite de conque à pédicule antérieur (Fig. 15)
perte de substance conchale est suturée à la peau mastoïdienne.
Les amputations totales de lobules peuvent être corrigées par
La néoconque est laissée en cicatrisation dirigée ou recouverte
d’une greffe de peau totale. Le pavillon doit également être un lambeau de rotation chondrocutané de conque. Le lambeau
maintenu plaqué au crâne pendant 5 jours. est pédiculisé en avant sur le conduit auditif externe. La partie
Le lambeau rétroauriculaire en îlot bipédiculé peut également postérieure du néolobule est recouverte par un lambeau sous-
corriger les pertes de substance transfixiantes de la conque. Le lobulaire d’avancement ou de rotation.
tracé du lambeau et la position des deux pédicules doivent alors
être décalés en arrière sur le plan mastoïdien. La perte de Réparation des pertes de substance au niveau
substance engendrée sur le site de prélèvement est importante du sillon rétroauriculaire
et l’apport d’une greffe de peau totale est souvent nécessaire
pour que la fermeture n’engendre pas de comblement du sillon Réparation des pertes de substance au niveau du sillon
rétroauriculaire. rétroauriculaire haut
Lorsque la perte de substance est inférieure à 10 mm, un rappro-
Réparation des pertes de substance au niveau chement simple des berges est possible. Cela nécessite un
du lobule amarrage du périchondre au périoste mastoïdien comme pour
Les pertes de substance isolées du lobule sont exceptionnelles une otoplastie. Une otoplastie controlatérale permet de symétri-
aussi bien en traumatologie qu’en carcinologie. En effet, le ser la projection des deux pavillons.
lobule, grâce à sa structure élastique et sa position inférieure, est Lorsque la perte de substance est supérieure à 20 mm, un
souvent épargné par les traumatismes. En carcinologie, les rapprochement simple des berges n’est pas possible sous peine
lésions au niveau du lobule sont la plupart du temps en d’effacer le sillon rétroauriculaire. Il est donc nécessaire
continuité avec des lésions adjacentes du pavillon, en particulier d’associer un lambeau d’avancement temporomastoïdien sur le
les carcinomes spinocellulaires de la partie basse du sillon versant interne de la perte de substance et une greffe de peau
rétroauriculaire, volontiers lymphophiles. libre sur le versant externe.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 13. Amputation du lobule : procédé de Gavallo.


A. Amputation de lobule.
B. Levée d’un lambeau bilobé à charnière antérieure.
C. Plicature du lambeau. Le site donneur est fermé par un lambeau liftant cervical.

Figure 14. Amputation du lobule : procédé de Brent.


A. Premier temps : incision en regard de la perte de substance et décollement d’une poche sous-cutanée.
B. Premier temps : suture sur la berge cartilagineuse de la perte de substance d’un greffon de cartilage
prélevé sur la conque homolatérale.
C. Premier temps : fermeture cutanée.
D. Deuxième temps : coupe frontale. Un mois après, latéralisation du néolobule et mise en place d’une
greffe de peau mince sur sa face interne. 1. Greffon cartilagineux de conque ; 2. greffe de peau mince ;
3. lambeau liftant cervical.

Réparation des pertes de substance au niveau du sillon étendues à la peau rétroconquale, rétrolobulaire et prémastoï-
rétroauriculaire bas dienne. La fermeture est assurée par un lambeau liftant d’avan-
Dans cette région, les carcinomes, volontiers confondus avec cement cervical comme dans les liftings cervicofaciaux. Celui-ci
des lésions inflammatoires annexielles, sont souvent diagnosti- nécessite une incision cutanée en U pré-, sous- et rétroauricu-
qués tardivement, générant alors de larges pertes de substance laire. Une dissection dans le plan du système adipocutané

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Figure 15.
A, B, C. Amputation du lobule : lambeau composite de conque pédiculé en avant sur le conduit auditif externe.

superficiel favorise l’ascension du lambeau. Celle-ci peut être des pertes de substances limitées au scapha »). La perte de
étendue si nécessaire jusqu’à l’étage cervical moyen. Le lobule substance doit emporter le bras supérieur de l’anthélix pour
doit être amarré au plan mastoïdien afin d’éviter les tractions favoriser la rotation du lambeau. La face médiale du lambeau,
inférieures particulièrement disgracieuses. cartilagineuse, est recouverte soit par un lambeau d’avancement
sus-auriculaire ayant tendance à combler le sillon sus-
Réparation des amputations subtotales auriculaire, soit par un lambeau de translation préauriculaire à
du pavillon de l’oreille pédicule supérieur, permettant de conserver le sillon
sus-auriculaire.
Réparation des amputations du tiers supérieur Contrairement à la greffe libre de cartilage de conque, cette
du pavillon technique est réalisée en un seul temps chirurgical, sans aucun
drain aspiratif, réduisant ainsi la durée d’hospitalisation. Elle
La perte de substance concerne l’hélix, le scapha, la fossette
permet d’obtenir des reliefs fins, en évitant les aléas de la
triangulaire et l’anthélix.
La reconstruction nécessite l’apport d’une armature cartilagi- coaptation chondrocutanée rencontrés avec la technique de
neuse, costale ou conquale prélevée homolatéralement. greffe libre de conque.

Greffe de cartilage de conque libre (Fig. 16) Otopoïèse partielle (Fig. 18)

Il s’agit de la technique classique lorsque l’amputation ne Lorsque l’amputation polaire supérieure dépasse le tiers de la
dépasse pas le tiers de la hauteur du pavillon et respecte le bras hauteur du pavillon et/ou lorsque l’amputation emporte
inférieur de l’anthélix. Elle nécessite deux temps chirurgicaux. l’anthélix, l’utilisation d’un greffon costal est préférable (voir
Le cartilage de la conque homolatérale est prélevé dans sa infra « Otopoïèse »).
totalité avec son périchondre. Ce cartilage est positionné au Lors du premier temps, un greffon est prélevé au niveau du
niveau du pôle supérieur du pavillon grâce à une rotation de cartilage costal controlatéral K7-K8.
90° autour de la racine de l’hélix. Le cartilage est mis en Le fragment est sculpté en monobloc. La maquette est glissée
nourrice sous la peau sus- et rétroauriculaire dans le plan du sous la peau sus-auriculaire par une incision verticale située à
système adipocutané superficiel grâce à une incision cutanée distance dans le cuir chevelu.
horizontale en regard de la berge inférieure de la perte de La partie inférieure de la maquette préalablement affinée est
substance. La berge inférieure de l’incision cutanée est suturée superposée sur le cartilage restant.
à la berge postérieure de la perte de substance. Le plan cartila- Un drainage aspiratif doux (Emodrain®) est laissé en place
gineux est suturé. Puis, la berge supérieure de l’incision cutanée pendant 1 semaine.
est suturée avec la berge antérieure de la perte de substance. Des Alternative. En cas de mauvaise trophicité cutanée, la
points en U répartis à 3 mm sous le bord libre de la conque maquette peut être enveloppée dans un lambeau de fascia
transposée assurent une bonne coaptation entre le cartilage et
temporalis superficialis, à condition que le pédicule temporal
le plan cutané et permettent de souligner le relief hélicéen. Un
superficiel ait été conservé. Le lambeau de fascia est ensuite
drain en aspiration douce (Emodrain ® ) est laissé en place
recouvert d’une greffe de peau mince sur les deux faces. Le
6 jours.
résultat esthétique est cependant moins satisfaisant, avec des
Un deuxième temps après un délai de 3 semaines permet de
reliefs plus grossiers qu’en cas d’empochement sous-cutané.
latéraliser le pôle supérieur du pavillon. Attendre plus de
3 semaines pour réaliser ce deuxième temps expose au risque de Lors d’un deuxième temps chirurgical réalisé après un délai
nécrose du greffon cartilagineux favorisée par la pression cutanée. de 4 mois, la maquette est latéralisée grâce à une dissection
L’incision cutanée contourne le pôle supérieur du pavillon dans le plan du SACS après incision périauriculaire. Cette
empoché puis celui-ci est latéralisé grâce à une dissection à sa latéralisation est facilitée par la projection latérale de la conque
face profonde. La couverture cutanée est assurée par une greffe résiduelle et le respect de la partie moyenne et inférieure du
de peau mince de 4/10e mm au niveau de la face interne du sillon rétroauriculaire. Le recouvrement cutané est assuré par
pavillon et par un lambeau d’avancement de scalp au niveau une greffe de peau mince au niveau de la face interne du
temporomastoïdien. pavillon et par un lambeau d’avancement de scalp pour le plan
mastoïdien.
Transposition de conque composite (Fig. 17) Un troisième temps est parfois nécessaire afin d’harmoniser la
La technique est identique à celle décrite pour la reconstruc- jonction entre la maquette et le cartilage natif, en particulier au
tion des pertes de substance du scapha (voir supra « Réparations niveau de l’hélix inférieur.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 16. Amputation du tiers supérieur du pavillon : greffe de cartilage de conque libre.
A. Amputation du tiers supérieur du pavillon.
B. Incision horizontale du scalp en regard de la perte de substance.
C. Suture du greffon de conque à la berge cartilagineuse de la perte de substance.
D. Enfouissement de la conque.
E, F. Latéralisation 4 mois plus tard.

Inconvénients. Ce procédé est réalisable uniquement sous utilisée dans les amputations partielles du tiers postérieur du
anesthésie générale. pavillon. Le lambeau est pédiculé sur la partie postéro-inférieure
Il existe un risque de pneumothorax par brèche pleurale lors de la conque. La face médiale du lambeau est recouverte d’un
du prélèvement du cartilage costal. Une radiographie pulmo- lambeau d’avancement rétroauriculaire.
naire est donc indispensable en pré- et postopératoire immédiat
et après l’ablation du drainage thoracique.
L’ossification des cartilages costaux ne permet pas l’utilisation Réparation des amputations totales
de cette technique au-delà de 50 ans.
du pavillon
Réparation des amputations du tiers postérieur
du pavillon Otopoïèse [7-16] (Fig. 21, 22)
Otopoïèse partielle (Fig. 19) L’otopoïèse a été décrite initialement par Tanzer puis Brent
L’utilisation d’un greffon de cartilage costal, selon le même dans le cadre des microties. Elle consiste en la reconstruction
procédé que celui décrit pour les reconstructions polaires d’un néopavillon à partir d’une maquette cartilagineuse costale
supérieures, est la technique de choix. sculptée [7-10]. En dehors de la microtie, cette technique est
indiquée dans les amputations totales post-traumatiques du
Transposition composite de conque (Fig. 20) pavillon. Le résultat dépend de la qualité de la peau du site
Essentiellement indiquée dans les amputations du tiers receveur, avec de meilleurs résultats chez l’enfant, dont la peau
supérieur du pavillon, cette technique peut néanmoins être est fine et élastique. Il sera compromis en cas de séquelles

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Figure 17. Amputation du tiers supérieur du pavillon : lambeau composite de conque.


A. Amputation du tiers supérieur du pavillon emportant le bras supérieur de l’anthélix.
B. Levée d’un lambeau de conque pédiculé en avant sur la racine de l’hélix.
C. Rotation du lambeau.
D, E. Couverture de la face médiale du lambeau par un lambeau préauriculaire à pédicule supérieur.
F, G. Exemple : carcinome spinocellulaire de l’hélix imposant une amputation du tiers supérieur du
pavillon. Résultat à 1 mois après un lambeau composite de conque.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 18.
A. Amputation du tiers supérieur du pavillon emportant la partie supérieure de l’anthélix.
B. Otopoïèse partielle.
C. Résultat après le premier temps.

Figure 19. Amputation du tiers postérieur du pavillon : otopoïèse partielle.


A. Amputation du tiers postérieur du pavillon.
B. Reconstruction par un greffon costal.
C. Résultat à 1 an.

cicatricielles et il est alors conseillé de faire appel à des techni- doit impérativement être vérifiée avant de refermer, en recher-
ques annexes : expandeur cutané, lambeau de fascia temporalis chant l’apparition de bulles lors de la ventilation en hyperpres-
(cf. infra). sion. Ce risque prédomine en regard de la jonction ostéo-
En cas d’amputation après chirurgie carcinologique, il est cartilagineuse. En cas de perforation, la plèvre sera suspendue
préférable de faire appel à une épithèse permettant d’assurer par l’intermédiaire des muscles intercostaux au cartilage costal
une excellente surveillance locale. Enfin, l’otopoïèse est contre- résiduel. Les plans musculaire et cutané sont soigneusement
indiquée à partir de 50 ans, l’ossification des cartilages costaux refermés sur un drain aspiratif et une radiographie pulmonaire
empêchant la réalisation de la maquette. de contrôle est demandée en postopératoire et après l’ablation
du drain au 2 e jour postopératoire pour éliminer un
Cette technique est réalisée en deux temps espacés de 4 mois
pneumothorax.
par la plupart des auteurs [10-13].
Le cartilage costal est sculpté et assemblé grâce à du fil
Premier temps (Fig. 21) métallique 3/0 de manière à former une armature de pavillon
tridimensionnelle. Les dimensions de cette maquette doivent
Le cartilage des côtes K6 à K8 controlatérales à l’oreille à être réduites de 5 mm par rapport à la taille de l’oreille contro-
reconstruire est prélevé. Le geste est facilité par l’utilisation de latérale. Le cartilage commun de K6 et K7 sert de support pour
ciseaux bipolaires permettant de réaliser un prélèvement les greffons qui formeront l’hélix et l’anthélix. Ce cartilage est
extrapérichondral exsangue. L’intégrité de la plèvre pariétale évidé en avant pour former la dépression conquale. La partie

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

Figure 20. Amputation du tiers postérieur du


pavillon : lambeau composite de conque.
A. Amputation.
B. Résultat à 1 an postopératoire.

Figure 21. Amputation totale du pavillon : otopoïèse premier temps.


A. Prélèvement de cartilages costaux K6 à K8, controlatéraux à l’otopoïèse.
B, C, D. Sculpture d’une maquette tridimensionnelle de pavillon.
E. Mise en place de la maquette dans le plan sous-adipocutané par une incision postérieure.
F. Un drainage doux (Emodrain®) laissé en place 1 semaine permet la coaptation chondrocutanée.

inférieure constitue l’armature du lobule. Un greffon cartilagi- des reliefs. Les reliquats cartilagineux auriculaires sont soigneuse-
neux est fixé en avant pour constituer le tragus. ment retirés, en prenant soin de ne pas transfixier la peau.
La région rétroauriculaire doit être soigneusement préparée et Dès le premier temps, nous mettons en place sous le fascia
rasée sur quelques centimètres. Par une incision rétroauriculaire temporalis superficialis un petit greffon cartilagineux costal de
en V couché de taille limitée (5-6 cm), on réalise un décollement forme semi-lunaire, qui servira de cale pour surélever le pavillon
sous-cutané dans la région temporomastoïdienne débordant lors du deuxième temps chirurgical (cf. infra).
l’emplacement du futur pavillon. Le décollement doit se situer La maquette est positionnée, inclinée en haut et en arrière,
au-dessus du fascia temporalis superficialis, sous les follicules le pôle supérieur à hauteur de la ligne sourcilière. Puis la
pileux. Un décollement trop profond compromettrait la finesse coaptation chondrocutanée est assurée par un drain aspiratif

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

Figure 22. Amputation totale du pavillon : otopoïèse, deuxième temps.


A. Principe : interposition d’une cale cartilagineuse sous la maquette permettant de latéraliser le pavillon.
B. Incisions cutanées.
C. Décollement des lambeaux dans le plan sous-adipocutané.
D. Incision d’un lambeau de fascia temporalis superficialis à pédicule antérieur, englobant le cartilage semi-lunaire mis en place lors du premier temps
chirurgical.
E. Levée du lambeau.
F. Interposition du cartilage semi-lunaire enveloppé de fascia temporalis superficialis dans le néosillon rétroauriculaire.
G. La face crânienne du sillon est couverte par l’avancée des deux lambeaux cutanés.
H. La face auriculaire du sillon est couverte par une greffe de peau fine.
I. Résultat à 1 an.

doux (Emodrain®), qui doit être maintenu sans aucun clampage sant ainsi à des néopavillons plaqués contre le plan mastoïdien.
pendant 7 jours. Nagata a développé une technique utilisant une cale cartilagi-
neuse positionnée dans le néosillon et permettant de s’opposer à
Deuxième temps (Fig. 22) la rétraction auriculaire [12, 13]. Selon sa technique, le greffon
semi-lunaire costal est laissé en nourrice au niveau thoracique
Réalisé au bout de 4 mois, il permet la latéralisation du lors du premier temps, puis englobé lors du deuxième temps dans
pavillon. La création du sillon rétroauriculaire s’est longtemps le fascia temporalis superficialis pédiculé sur son artère temporale
soldée par des échecs en raison de la rétraction cutanée, aboutis- superficielle. Afin d’éviter l’abord thoracique lors du deuxième

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

temps et de préserver le pédicule temporal superficiel, nous


décrivons une technique un peu différente :
• le greffon semi-lunaire est positionné sous le fascia temporalis
superficialis dès le premier temps de l’otopoïèse, en haut et
en arrière du néopavillon, face concave vers le bas ;
• lors du deuxième temps, l’incision cutanée suit le contour du
néopavillon et est complétée par une incision horizontale
s’étendant en arrière, vers le greffon semi-lunaire laissé en
nourrice ;
• un lambeau de fascia temporalis superficialis à pédicule
antérieur emportant en tête le cartilage semi-lunaire, est
transposé dans le néosillon rétroauriculaire ;
• la face médiale du pavillon et le greffon semi-lunaire sont
recouverts d’une greffe de peau mince, alors que la face
mastoïdienne du sillon est recouverte par deux lambeaux
d’avancement mastoïdien.
Inconvénients. Deux temps chirurgicaux sous anesthésie
générale sont nécessaires. Il existe un risque de pneumothorax
par brèche pleurale lors du prélèvement du cartilage costal. Une
radiographie pulmonaire est donc indispensable en pré- et
postopératoire immédiat et après l’ablation du drainage thora-
cique à j2.
L’ossification des cartilages costaux ne permet pas l’utilisation Figure 23. Piliers transcutanés, barre et épithèse.
de cette technique au-delà de 50 ans.
Dans de très rares cas, une nécrose cutanée peut entraîner
l’exposition de la maquette cartilagineuse et nécessiter un Expandeur cutané. L’expandeur est une alternative en cas de
lambeau de couverture de rattrapage. peau inextensible. Un expandeur en forme de croissant, de
100 ml, est mis en place dans la position anatomique du
Variantes pavillon, avec une valve de remplissage à distance positionnée
au niveau de la pointe de la mastoïde. En peropératoire,
Lambeau de fascia temporalis superficialis. Il est indiqué
20 mlde sérum physiologique sont injectés puis le gonflage est
en cas brûlure ou de séquelles cicatricielles, rendant la peau
poursuivi à partir du 10e jour, à raison de 5-6 ml deux fois par
mastoïdienne inutilisable [14, 15]. Le lambeau de fascia tempora-
semaine, à adapter à l’aspect de la vascularisation cutanée. En
lis superficialis (FTS) est prélevé pédiculé sur l’artère temporale
6 semaines environ, la distension cutanée obtenue est suffisante
superficielle. En cas de lésion du FTS ou de son pédicule, le FTS
pour accueillir la maquette cartilagineuse.
controlatéral peut être utilisé, prélevé libre sur son pédicule puis
Inconvénients. L’expansion cutanée ajoute un temps chirurgi-
microanastomosé [16].
cal supplémentaire avec des risques de complications : infection,
Le FTS se situe dans le prolongement du système musculo-
hématome, nécrose, exposition de l’expandeur.
aponévrotique superficiel (SMAS) au-dessus de l’arcade zygoma-
L’expansion cutanée entraîne systématiquement la formation
tique, en dehors de l’aponévrose du muscle temporal, séparé de
d’une coque fibreuse autour de l’expandeur, compromettant la
celui-ci par un plan de clivage avasculaire dit « de Merkel », et
souplesse cutanée et la finesse des reliefs futurs. Il faut donc
sous le plan du système adipocutané superficiel (SACS). Sa
tenter de retirer cette coque sans compromettre la vascularisa-
vascularisation est assurée par l’artère temporale superficielle
tion cutanée.
(2 mm de diamètre), située dans une bande verticale de 20 mm
de large au-dessus du tragus. Le drainage veineux est assuré de
Épithèse [17-20] (Fig. 23)
manière dominante par la veine temporale superficielle dans
90 % des cas et dans 10 % des cas, par la veine auriculaire Cette technique est indiquée tout particulièrement dans les
postérieure. Pour le prélèvement du FTS, l’incision cutanée est amputations auriculaires après chirurgie carcinologique. En
verticale, légèrement oblique en haut et en arrière, à l’aplomb effet, les patients sont souvent âgés, en mauvais état général, ce
du tragus, très superficielle. Il est déconseillé d’infiltrer préala- qui contre-indique une chirurgie lourde. De plus, l’épithèse
blement à la lidocaïne adrénalinée pour éviter les spasmes permet une surveillance locale idéale. La radiothérapie compli-
vasculaires. La dissection de sa face superficielle est délicate, que souvent la mise en place de vis ostéo-intégrées, mais ne
sans plan de clivage. Il est impératif de rester très superficiel, représente pas une contre-indication [19].
juste sous les follicules capillaires, afin de respecter la veine Les implants utilisés sont en titane, matériau qui a une
temporale et ses afférences. La branche antérieure frontale de excellente biocompatibilté osseuse.
l’artère temporale superficielle constitue la limite antérieure à ne
Premier temps
pas dépasser pour ne pas léser le rameau frontal du nerf facial.
La dissection de la face profonde du FTS ne pose aucun pro- L’abord se fait par une incision cutanée arciforme au niveau
blème grâce au plan avasculaire de Merkel. Une palette de FTS de la ligne d’implantation capillaire. Après un décollement sus-
de 8 cm de large sur 9 cm de haut est mobilisée puis basculée périosté puis sous-périosté, deux implants sont mis en place
pour recouvrir la face externe de la maquette. Il est conseillé de 20 mm en arrière du conduit auditif externe sur une ligne
réaliser une maquette avec des reliefs plus marqués que dans la formant un angle de 20-30° par rapport à la verticale, en
technique habituelle car ils seront émoussés par l’épaisseur du suivant la séquence forage (sur 3-4 mm de profondeur), alésage,
lambeau. La face interne de la maquette ne doit pas être taraudage. Le lambeau cutané, après avoir été dégraissé et affiné
recouverte afin de ne pas accroître l’épaisseur du pavillon. La au maximum, est rabattu sur les implants et suturé.
coaptation entre le FTS et la maquette est assurée par de la colle
biologique. La face externe du montage est recouverte par une Deuxième temps
greffe de peau mince. Aucun drainage ne doit être utilisé pour Après 2 mois, une collerette cutanée est retirée à l’emporte-
éviter les risques de collapsus vasculaire. pièce autour de chaque implant et un pilier transcutané est fixé.
Après 4 mois, le pavillon est latéralisé selon la technique Après 1 semaine, le prothésiste fixe une barre sur les piliers sur
décrite ci-dessus. laquelle vient se clipper la prothèse.
Inconvénients. Les résultats esthétiques sont souvent décevants Si le prothésiste est expérimenté, le résultat esthétique est
avec des reliefs parfois grossiers en raison de l’épaisseur du excellent.
lambeau de FTS. Il existe un risque d’alopécie, voire de nécrose Inconvénients. L’hygiène locale doit être parfaite pour éviter
cutanée dans la zone de dissection du FTS. les inflammations cutanées autour des piliers.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


46-101 ¶ Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille

L’extrusion des implants est rare, favorisée par la radiothéra- La procédure est longue avec 4 mois de délai entre les deux
pie antérieure. temps.
Le patient est obligé de retirer la prothèse tous les jours pour
les soins quotidiens, avec un retentissement psychologique Réimplantations auriculaires
parfois important. microchirurgicales [24-30]
La prothèse s’altère et doit être renouvelée tous les 2 ou Les indications de réimplantation microchirurgicale sont rares
3 ans. car cette technique nécessite de nombreuses conditions. Elle
peut être envisagée en cas d’amputations totales, subtotales
Réparations des amputations traumatiques (épargnant le lobule) ou partielles du pavillon (emportant 50 à
du pavillon avec conservation du fragment 80 % du pavillon) post-traumatiques (accidents de la voie
publique, morsures, coupures, traumatismes crâniens divers). Le
Greffe composite fragment amputé doit avoir été conservé dans de bonnes
conditions, idéalement entouré de compresses humides, dans
La suture directe en trois plans du fragment amputé n’est un sac placé dans la glace. La durée d’ischémie ne doit pas
envisageable que dans des conditions très strictes qui sont excéder 8 heures [27]. Le patient doit être en bon état général,
rarement réunies : délai de prise en charge inférieur à 3 heures, sans lésion grave associée qui ferait passer le traumatisme
petite taille du fragment amputé, qui doit être inférieur à 2 cm auriculaire au second plan. Le chirurgien doit être aguerri aux
dans son plus grand axe, fragment pas ou peu contus. Outre le techniques microchirurgicales. En effet, le pavillon de l’oreille
risque important de nécrose, cette technique expose à un risque est sans doute la structure la plus difficile à réimplanter en
de rétraction cutanée disgracieuse. raison du faible diamètre des vaisseaux (0,5 mm pour les artères,
0,3 à 1 mm pour les veines). Il faut prévoir une durée d’inter-
Techniques d’empochement vention longue de 3 à 8 heures selon l’expérience de l’équipe.
Technique de Mladick [21, 22] L’intervention débute par l’exploration du segment amputé
sous microscope opératoire et l’individualisation des vaisseaux.
Elle est essentiellement indiquée dans les amputations L’individualisation du réseau veineux est parfois impossible tant
partielles du pavillon n’excédant par la moitié de sa hauteur, le que l’anastomose artérielle n’a pas été réalisée. Ce premier
résultat étant plus aléatoire dans les amputations totales ou temps est réalisé pendant que le patient est conditionné pour la
subtotales, avec un risque accru de nécrose cartilagineuse. Selon chirurgie afin de réduire la durée d’ischémie.
la technique décrite par Mladick, deux ou trois temps chirurgi- Le deuxième temps consiste en un parage soigneux du site
caux sont nécessaires. Lors du premier temps réalisé en urgence, d’implantation et la recherche d’un pédicule donneur : pédicule
le fragment amputé, après un lavage et parage, est désépider- auriculaire postérieur, pédicule temporal superficiel ou artères
misé sur ses deux faces en conservant impérativement le du moignon auriculaire en cas d’amputation partielle.
périchondre et le derme. Ce geste sera facilité par l’utilisation La réimplantation débute par la suture du cartilage permet-
d’une fraise de dermabrasion. Une poche de décollement est tant de repositionner le pavillon en position anatomique.
réalisée à partir d’une incision cutanée en regard de l’amputa- L’anastomose artérielle est réalisée au fil 10/0 ou 11/0. Elle
tion. La berge cutanée interne de l’amputation est suturée avec nécessite parfois une transposition du pédicule temporal
la berge inférieure de l’incision. Le fragment est ensuite suturé superficiel en arrière ou l’utilisation d’un greffon veineux
en position anatomique à la berge cartilagineuse du moignon intermédiaire. L’anastomose veineuse, réalisée au 11/0 est le
auriculaire puis mis en nourrice dans la poche. Le cartilage, temps le plus délicat, à l’origine de la plupart des échecs.
notamment au niveau du rebord hélicéen, peut être plaqué au Un traitement anticoagulant postopératoire (héparine) est
plan mastoïdien par quelques points afin d’augmenter la surface conseillé [26, 28, 29].
de contact. La berge cutanée externe de la perte de substance est Parmi les complications, l’ischémie est rare, d’apparition
suturée avec la berge supérieure (ou postérieure) de l’incision précoce les premières 24 heures, se traduisant par un pavillon
cutanée. Un drain aspiratif doux est laissé en place 7 jours. Le blanc, ne saignant pas à la piqûre. Elle nécessite une reprise
sevrage peut se faire en un seul temps aux alentours de j20 ou chirurgicale en urgence. La congestion veineuse, se manifestant
en deux temps : la face externe du pavillon est libérée après par un engorgement avec une teinte bleutée, est beaucoup plus
2 ou 3 semaines maximum et laissée en cicatrisation dirigée fréquente, à l’origine de la plupart des échecs. L’application de
sous des pansements gras moulant les reliefs. Une semaine plus sangsues médicinales, associée à une héparinothérapie et à une
tard, la face postérieure est libérée à son tour et est laissée en antibiothérapie, constitue le traitement de choix. Dans des cas
cicatrisation dirigée ou recouverte d’une greffe de peau mince. d’amputations partielles où aucune veine n’avait pu être
Le lambeau cutané mastoïdien est réamarré au fond du sillon individualisée, des sangsues ont été utilisées comme traitement
sus- ou rétroauriculaire. substitutif à l’anastomose veineuse avec succès [24, 25, 30].
Inconvénients. En cas d’amputation totale ou subtotale, le La réimplantation microchirurgicale de pavillon est grevée
risque d’échec est important, faisant réserver cette technique d’un risque d’échec important. Néanmoins, en cas de succès, le
aux amputations partielle du pavillon. résultat esthétique est excellent et, en cas d’échec, le recours aux
Deux ou trois temps chirurgicaux sont nécessaires. techniques de reconstruction décrites ci-dessus est possible.
Le résultat esthétique est aléatoire avec parfois des reliefs
grossiers. Amputation incomplète avec persistance
Le risque de nécrose cartilagineuse augmente au-delà de d’un pont cutané
4 semaines d’empochement.
La vascularisation cutanée est extrêmement riche au niveau
La cicatrice mastoïdienne peut compromettre la réalisation
de l’oreille. Un pont cutané de 2-3 cm peut donc permettre
d’une éventuelle otopoïèse secondaire.
d’assurer la vascularisation du pavillon. La réalisation d’une
Technique de Baudet [23] anastomose artérielle est cependant plus prudente, surtout en
cas de pont inférieur à 2 cm. En revanche, le pont cutané
Le principe est le même que l’empochement de Mladick, mais
permet de surseoir à l’anastomose veineuse. Il faut cependant
la désépidermisation et l’empochement ne concernent que la
prévoir un drainage veineux par des mesures annexes (sangsues,
face postérieure du fragment amputé. Le cartilage est fenestré en
ponctions).
plusieurs points. La revascularisation cutanée antérieure peut
ainsi se faire par les berges cutanées et à travers les fenestrations
cartilagineuses. La latéralisation est réalisée après 4 mois de mise
en nourrice et nécessite une greffe de peau mince sur la face
■ Conclusion
médiale du fragment. La reconstruction du pavillon auriculaire demeure un chal-
Inconvénients. Le résultat esthétique est compromis par les lenge chirurgical en raison de la complexité des reliefs, de la
nombreuses fenestrations cartilagineuses. structure composite de l’oreille et de son caractère aérien. Les

16 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille ¶ 46-101

pertes de substance de petite taille peuvent le plus souvent être [15] Boudard P, Herman D. Le lambeau de fascia temporal superficiel dans
corrigées par des lambeaux locaux. En revanche, les reconstruc- la reconstruction du pavillon auriculaire. In: Les lambeaux du pédicule
tions après amputations partielles ou totales du pavillon font temporal superficiel. Paris: Masson; 1997.
appel à des techniques de greffons cartilagineux libres, d’origine [16] Brent B, Byrd HS. Secondary ear reconstruction with cartilage grafts
conquale ou costale, dont la couverture cutanée peut être covered by axial, random and free flaps of temporoparietal fascia. Plast
problématique. Le lambeau composite de conque est une Reconstr Surg 1983;72:141-52.
alternative simple et fiable aux greffes cartilagineuses permet- [17] Boudard P, Sabin P. Épithèses maxillofaciales, fixation par implants
tant de reconstruire en un temps des amputations partielles du endo-osseux et piliers transcutanés. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord)
pavillon, essentiellement polaires supérieures, mais également 1992;113:447-50.
postérieures ou inférieures. [18] Boudard P, Sabin P. Rehabilitation of tissue loss of the face by the use
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S. Jacquot-Laperrière, Assistante-chef de clinique (sophie.jacquot@chu-lyon.fr).


F. Disant, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de chirurgie cervico-maxillo-faciale, pavillon U, Hôpital Édouard Herriot, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jacquot-Laperrière S., Disant F. Techniques de reconstruction du pavillon de l’oreille. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-101, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Techniques chirurgicales - Tête et cou 17


ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 46-050

46-050

Traitement chirurgical
de l’otospongiose
J Trotoux R é s u m é. – L’otospongiose reste toujours l’une des indications les plus fiables et
P Bonfils les moins discutées de la chirurgie de la surdité. Les principes de base de cette
chirurgie, consistant en une ouverture de la fosse ovale (la fossette de la fenêtre du
vestibule dans la nouvelle nomenclature anatomique internationale) et un
rétablissement de l’effet columellaire par une prothèse incudostapédienne, sont
universellement admis et l’espérance d’un bon résultat auditif peut être donnée au
patient, si l’organe de Corti n’est pas lésé. On peut donc s’étonner de la multiplicité
des techniques proposées dans le détail, où les divergences sont souvent affaire
d’expérience et d’habitude [15]. Ces diversités apparentes ont cependant l’avantage de
permettre de s’adapter aux conditions anatomiques et aux difficultés rencontrées
dans certains cas, qui peuvent amener, en cours d’intervention, à reconsidérer la
technique habituellement retenue. Enfin, depuis quelques années, l’apport du laser a
été étudié par certaines équipes.
© 1999, Elsevier, Paris.

Historique la platinotomie. Parallèlement, se discutent l’intérêt de l’interposition et


le choix de celle-ci, tandis que l’imagination des différents opérateurs
s’efforce de définir le mode de transmission le mieux adapté et le plus
Les premières tentatives de mobilisation, voire d’extraction de l’étrier fiable. Ainsi, l’histoire encore récente de la chirurgie de l’otospongiose
(stapes), ont été réalisées à la fin du XIXe siècle. Les conditions n’étaient est marquée par la multiplicité des procédés proposés. Quelques noms
alors pas réunies pour que les expériences soient poursuivies et ces doivent cependant être cités parmi les pionniers : aux États-Unis :
essais furent sévèrement condamnés par Moure en 1894, Botey et Rosen, Shambaugh, Schucknect, Shea, House, Armstrong ; en France :
Siebenmann en 1900. En 1929, Maurice Sourdille publie les premiers Clerc, Guillon, Portmann, Causse, Martin, etc. La liste n’est pas
succès de la fenestration du canal semi-circulaire externe (latéral), limitative et n’est sans doute pas close, même si les résultats actuels
intervention qui sera reprise, simplifiée et largement diffusée outre- laissent peu d’espoir pour une remise en question fondamentale des
Atlantique par Lempert et Shambaugh. Il faut attendre 1952 pour que techniques.
l’intérêt se porte à nouveau directement sur l’étrier. Rosen réalise les
premières mobilisations et jette les bases de l’abord stapédien. Le
procédé est repris en France par Clerc qui en étend les possibilités grâce Indications
à un poinçonnage périplatinaire. Fowler, en 1956, ayant remarqué la
fréquence d’un blocage antérieur, isole et mobilise la partie postérieure L’indication opératoire doit tenir compte des trois facteurs indiqués
de la platine (la base de l’étrier) par la méthode dite du « timbre-poste ». ci-après.
En 1955, Rosen réalise l’ouverture transplatinaire et le rétablissement
de la transmission incudolabyrinthique. L’intervention sera longtemps Nécessité d’opérer
désignée sous le terme de « Rosen deuxième manière ». La présence d’une surdité socialement gênante justifie l’intervention.
Dès lors, la technique s’affine et l’on en vient progressivement à discuter Cette surdité doit être supérieure à 30 décibels avec un Rinne suffisant.
les mérites de la stapédectomie totale, de la platinectomie partielle et de De nombreux auteurs ont insisté sur les possibilités de récupération
souvent spectaculaires de l’audition pour des oreilles déjà fortement
labyrinthisées [7, 14, 51] . L’existence d’un Lewis négatif est un bon
argument en faveur de l’intervention.

Jacques Trotoux : Professeur des Universités, chef de service. Possibilité d’opérer


Pierre Bonfils : Professeur des Universités. Il est essentiel de tenir compte des contre-indications à l’anesthésie
Service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital Européen pouvant créer un risque vital ou limiter les possibilités d’une chirurgie
Georges-Pompidou, faculté Necker Enfants-Malades, université Paris V, France.
© Elsevier, Paris

exsangue. Sur le plan auditif, il semble raisonnable de limiter les


indications chirurgicales aux patients ayant une conservation suffisante
Toute référence à cet article doit porter la mention : Trotoux J et Bonfils P. Traitement de l’oreille interne. Ces limites doivent être analysées en fonction de
chirurgical de l’otospongiose. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-050, 1999, 12 p.
l’atteinte uni- ou bilatérale et des possibilités éventuelles d’appareillage
complémentaire [62, 63, 64].
46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

Autorisation d’opérer initialement presque toujours représentées par l’association Diparcolt-


Dolosalt. Ultérieurement, d’autres associations ont été proposées,
Il n’est pas indiqué d’intervenir sur une oreille unique. Les risques incluant une benzodiazépine (Narcozept, Valiumt), un neuroleptique
opératoires doivent être précisés au patient. Le recueil d’un (dropéridol, halopéridol) et un analgésique central (phénopéridine).
consentement éclairé est indispensable avant toute chirurgie de L’association du midazolam (Hypnovelt) et d’un morphinomimétique
l’otospongiose [36]. (fuprénorphine, Temgésict) permet une anesthésie locale potentialisée
de qualité [43]. La nécessité de respecter une certaine vigilance du patient
est généralement admise par la plupart des auteurs, le risque d’agitation
Bilan préopératoire et anesthésie incontrôlable pouvant paradoxalement survenir au-delà de celle-ci.
Cette éventualité a pu, dans certains cas exceptionnels, nécessiter le
Le type d’anesthésie varie selon les auteurs. Certains otologistes recours à l’anesthésie générale décidée en cours d’intervention avec tous
utilisent le plus souvent une anesthésie locale isolée ou potentialisée [43] ; les problèmes engendrés par ce type de situation.
d’autres préfèrent l’anesthésie générale et font, dans beaucoup de cas,
appel aux techniques d’hypotension contrôlée pour diminuer le
saignement. Le bilan préopératoire devra, dans tous les cas, être au Anesthésie générale et anesthésie générale
moins égal au bilan de toute intervention : électrocardiogramme (ECG), avec hypotension contrôlée
radiographie pulmonaire, biologie et sera particulièrement poussé sur le L’intérêt de l’anesthésie générale, dans une intervention qui nécessite
plan cardiovasculaire et rénal si une hypotension peropératoire doit être un grand calme opératoire, est évident. Cependant certains auteurs
envisagée. Il devra cependant rester dans les limites légales de contrôle reprochent à celle-ci d’augmenter le saignement peropératoire. Ce
des dépenses, s’il s’agit d’un sujet jeune et sans tare. reproche peut être généralement écarté sous réserve :
Le bilan de l’hémostase est indispensable, le temps de céphaline-kaolin – d’une anesthésie profonde pendant toute la durée de l’intervention,
(TCK), le temps de Quick ou temps de prothrombine (TP), le temps de excluant les réveils intempestifs toujours générateurs de saignement ;
saignement (TS) et la numération des plaquettes constituant les examens
de base à partir desquels une étude plus complète de la crase sanguine – d’une association avec une infiltration systématique d’une solution
pourrait être envisagée. On retiendra que toute anomalie vérifiée du adrénalinée (ou de POR8) ;
bilan d’hémostase doit constituer une contre-indication, au moins – et surtout par l’apport des techniques d’hypotension contrôlée faisant
temporaire, à l’intervention. appel le plus souvent aux anesthésiques volatils (halogénés) plus ou
moins associés aux neuroleptiques (Droleptant) et/ou aux hypotenseurs
(Trinitrinet à la seringue, par exemple) ; l’hypotension sera favorisée
Anesthésie locale pure par la position en proclive, associée à une hyperventilation modérée.
Le malade est confortablement installé en décubitus dorsal. Sa tête est La surveillance peropératoire doit être stricte :
tournée du côté opposé à l’opérateur, placée sur un support mobile – surveillance automatique de la pression artérielle (Dynamapt) ;
permettant les changements d’inclinaison de celle-ci en cours – oxymétrie et pouls ;
d’intervention. L’infiltration est effectuée essentiellement dans la partie – utilisation du capnographe et de l’électroscope.
postérosupérieure du méat acoustique externe, très lentement, jusqu’à
Rappelons que les maladies cardiovasculaires, et en particulier
décollement de la partie correspondante de la peau du méat et poussée
l’insuffisance coronarienne ou vasculaire cérébrale, constituent une
jusqu’au sulcus. Elle se poursuit au niveau des parois antérieure et
contre-indication à l’hypotension contrôlée dont la légitimité et surtout
postérieure (fig 1A, B). Deux à 5 cm3 de solution suffisent usuellement,
l’importance doivent être appréciées en fonction de l’âge du patient.
à condition de savoir en attendre la diffusion et l’effet.
Il existe des divergences quant aux solutions employées. On utilise le
plus souvent une association de lidocaïne (Xylocaïnet) à 1 ou 2 %, et Technique opératoire
d’épinéphrine (Adrénalinet), à 1/100 000 [51, 62]. Certains préfèrent
remplacer celle-ci par l’ornipressine (POR8), insistant sur l’intérêt de
l’ischémie obtenue et sur la persistance de celle-ci pendant un temps Voie d’abord
suffisant, à condition d’attendre au moins 10 minutes avant l’incision.
Incision
Anesthésie locale potentialisée Plusieurs types d’incision ont été décrits.

Utilisée systématiquement par certains auteurs et réservée pour d’autres Voie du méat ou voie transméatale
aux patients pusillanimes, elle procure au malade un confort pendant L’incision est effectuée à travers un spéculum classique (le plus gros
l’intervention et au chirurgien un délai opératoire facilement allongé en possible) à l’aide d’un bistouri coudé de Rosen ou d’un bistouri de
cas de nécessité. Les techniques utilisées sont très anciennes, Beaver. Certains utilisent un spéculum autostatique dont il existe de

1 Infiltration réalisée en trois points (1, 2, 3).

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Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE 46-050

A B C
2 Voie du conduit. B. Décollement du lambeau tympanoméatal.
A. Tracé des incisions. C. Ouverture de la caisse du tympan.

A B C
3 Voie endaurale a minima de Shambaugh. B. Incision cutanée.
A. Tracé des incisions. C. Exposition du conduit externe.

multiples modèles. L’incision cutanée sera franche, allant d’emblée l’allongement du temps opératoire, la nécessité du contrôle rigoureux
jusqu’au conduit osseux et comporte trois branches (fig 2A, B, C) : de l’hémostase et une moins bonne adaptation à l’anesthésie locale.
– une branche circulaire de 6 h à 12 h, située à 8 mm du sulcus ;
– deux contre-incisions, l’une à 6 h, l’autre à 12 h, allant de la branche Incidents possibles en rapport avec ce temps opératoire
circulaire jusqu’au sulcus. Une déchirure du lambeau méatal, souvent située dans la partie
Le décollement se fait sur toute la longueur du lambeau qui doit être inférieure du méat acoustique externe où la peau est fine et fragile, doit
soigneusement respecté. Les avantages de cette voie sont d’être bien être prévenue par une incision franche d’emblée et un décollement
adaptée aux techniques d’anesthésie locale, d’être peu hémorragique et atraumatique. Lorsqu’elle se produit, les lambeaux doivent être
de ne laisser aucune cicatrice visible. L’inconvénient essentiel est le réappliqués soigneusement en fin d’intervention.
caractère limité de cette voie d’abord, limitant l’usage conjoint de Un lambeau trop court, par incision trop profondément située, peut poser
l’aspiration et des instruments. Si le méat acoustique externe est étroit, problème en cas de résection osseuse importante qui devra alors être
des difficultés opératoires peuvent survenir lors d’une complication reconstruite, au moins partiellement, en fin d’intervention.
opératoire inopinée ou de la présence d’une anomalie anatomique.
L’existence d’un lambeau tympanoméatal trop long ou trop épais peut
Voie endaurale a minima ou voie de Shambaugh justifier une résection d’un fragment de peau, en règle triangulaire, à la
partie supérieure de l’incision méatique.
Elle comprend deux temps :
– un temps extraméatique interhélicotragien à travers le spéculum Cas particulier
bivalve. L’incision devra être d’emblée franche jusqu’à l’os et limitée L’étroitesse du méat acoustique externe, qu’elle soit congénitale ou
en haut par le bord du muscle temporal qu’il ne faut pas inciser ; acquise (exostose), peut rendre l’abord de la caisse du tympan
– un temps intraméatique par une incision circulaire à 8 mm du sulcus, particulièrement difficile avec un risque spécial pour le plan cutané.
à partir de l’extrémité inférieure de l’incision verticale (fig 3A, B, C). Dans les cas extrêmes, elle peut conduire à récuser l’intervention ou à
Les avantages de cette voie sont importants. L’exposition du champ différer celle-ci après un traitement premier d’élargissement du méat.
opératoire est plus large. Il est possible d’étendre la voie d’abord en Dans la majorité des cas, l’intervention pourra être réalisée au prix d’un
particulier vers l’avant en cas d’épine tympanale antérieure saillante. alésage suffisant, sous réserve de ne pas avoir traumatisé gravement le
Elle laisse libres les deux mains de l’opérateur. Les inconvénients sont lambeau tympanoméatal.

page 3
46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

– type II : il existe une lésion d’un pôle de la platine ; le plus souvent,


du pôle antérieur (50 %) ;
– type III : il existe un envahissement important mais non complet
de la platine (20 %) ;
– type IV : la platine (la base de l’étrier) est totalement envahie ;
– type V : la fosse ovale (la fossette de la fenêtre du vestibule) est
totalement oblitérée.

Incidents possibles au cours de ce temps opératoire


• Déchirure de la membrane du tympan
La vérification de l’intégrité de la membrane du tympan lors de
l’ouverture de la caisse doit éviter leurs extensions. Elles peuvent
nécessiter une myringoplastie réalisée en fin d’intervention, la greffe
étant alors toujours placée à la face profonde du tympan et de l’annulus.
• Section ou étirement de la corde du tympan
On considère généralement que la section franche de la corde est
4 Décollement de la corde du tympan après ouverture de la caisse. préférable à l’étirement. Les conséquences du traumatisme sont
représentées par l’apparition d’une dysgueusie en règle transitoire, mais
relativement fréquente dans ce type de chirurgie (20 % des cas). En cas
de section franche, certains auteurs préconisent la mise bout à bout des
deux fragments sectionnés. En fait, il n’existe généralement de troubles
qu’en cas de section bilatérale, d’où la nécessité de préciser dans le
compte rendu opératoire, les accidents survenus sur le premier côté. Ce
type de complication doit être signalé avant l’intervention chez les
professionnels du goût.
• Incidents au cours de la réalisation de l’encoche de Rosen
Une blessure du lambeau tympanoméatal est essentiellement l’apanage
de l’image de la fraise, qui doit être précis. Le lambeau tympanoméatal
doit particulièrement être protégé chez les patients ayant un méat
acoustique externe étroit. Il convient d’utiliser une fraise de calibre
parfaitement adapté.
Les lésions ossiculaires sont surtout une luxation des osselets, voire une
fracture de la branche descendante (la branche longue) de l’enclume
(l’incus) et des branches de l’étrier (le stapes). Ces lésions peuvent être
évitées par l’usage de la curette de House, dans la logique d’un
mouvement allant de la profondeur vers la superficie.
5 Encoche de Rosen. Enfin, une encoche trop importante ou à angle de raccordement trop aigu
avec le cadre tympanal peut nécessiter une reconstruction, par fragment
Ouverture de la caisse d’os ou de cartilage en fin d’intervention.
Technique opératoire Section du tendon de l’étrier et désarticulation
– Le lambeau tympanoméatal étant rabattu, on désinsère l’annulus du incudostapédienne
sulcus, sur toute la longueur du décollement. La partie postérosupérieure
Il paraît important de réaliser préalablement à toute tentative
de la membrane tympanique est écartée prudemment vers l’avant et vers
d’extraction de fragment platinaire, un trou dit de « sécurité » permettant
le bas, en prenant bien soin d’éviter toute déchirure. Ce temps bénéficie
potentiellement d’éviter un effet de mobilisation brutale de la
de l’aide d’un grossissement plus important (× 10 par exemple).
périlymphe et surtout d’effectuer un rattrapage en cas de « platine
– La corde du tympan est généralement facilement écartée à son tour. flottante » (fig 6). Le trou est réalisé à la pointe, à l’aide d’une
Dans certains cas, son repérage et surtout sa libération peuvent être microtréphine ou de fraises diamantées de petit diamètre. Il peut être
difficiles. Sa mobilisation sera mieux réalisée à partir de la portion réalisé au laser [51].
antérieure de celle-ci en la dégageant progressivement d’avant en
La section du tendon du muscle de l’étrier est effectuée le plus souvent
arrière. Il peut être nécessaire de la dégager progressivement de son
à l’aide des ciseaux droits de Zollner (fig 7), parfois par discision au
canal osseux pour obtenir une libération suffisante (fig 4).
crochet, voire par section au laser [51]. Certains auteurs recommandent la
– Une encoche osseuse dite encoche de Rosen est alors effectuée, à la conservation du tendon, ce qui implique le respect de la tête de l’étrier
partie postérosupérieure du mur de la logette, entre le point d’émergence ou même de sa branche postérieure [61] . L’intérêt espéré de cette
de la corde du tympan en bas et la naissance du ligament conservation est de respecter le contingent vasculaire apporté par le
tympanomalléaire postérieur en avant. Elle doit être suffisante pour muscle de l’étrier (le muscle stapédien). L’idée d’une protection vis-à-
permettre une bonne visualisation de la fosse ovale (la fossette de la vis des traumatismes acoustiques à partir de cette conservation paraît
fenêtre du vestibule dans la nouvelle nomenclature anatomique). En peu compatible avec les conditions nouvelles de transmission
pratique, la totalité du tendon de l’étrier et le bord inférieur de la incudovestibulaire par un axe unique créé par l’intervention.
proéminence du canal facial doivent être visibles, ce qui est facilité par La désarticulation incudostapédienne est réalisée au crochet. Ce crochet
l’inclinaison du sujet vers l’opérateur et la déflexion de la tête de l’opéré. doit être fin, mais suffisamment long pour permettre une désarticulation
Cette encoche peut être réalisée à la gouge, à la curette (fig 5) ou à la complète (fig 8). Dans le cadre du respect de la tête de l’étrier, certains
fraise, selon l’habitude de l’opérateur. auteurs préfèrent une section des deux branches de l’étrier aux ciseaux
– La mobilité de la chaîne est alors testée à l’aide d’une pointe, recourbés. La plupart fracturent les branches de l’étrier par un
permettant d’éliminer une ankylose incudomalléolaire, de confirmer la mouvement de bascule ou de rotation à l’aide d’un microcrochet (fig 9A,
fixité de la platine (la base de l’étrier) et d’en préciser le type. La B). Le laser peut être utilisé pour réaliser ce geste [17, 30, 45, 51]. Dans tous
classification de Portmann regroupe cinq stades : les cas, il faut absolument éviter toute mobilisation ou accrochage
– type I : la platine (la base de l’étrier) est bloquée mais d’apparence intempestif de la branche descendante de l’enclume, du fait du risque de
normale (20 %) ; subluxation incudomalléaire.

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Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE 46-050

A B
9 Ablation du corps de l’étrier.
A. Fracture des branches de l’étrier par un mouvement de bascule.
6 Trou de sécurité au centre de la platine. B. Section des branches de l’étrier aux ciseaux recourbés.

• Platinectomie totale [21, 25, 29, 49-51]


– Le démucopériostage est systématique pour certains. Le
mucopérioste sera alors incisé à la pointe ou au microcrochet autour du
ligament annulaire et récliné sur 1 mm. D’autres préfèrent conserver le
mucopérioste, considéré comme une protection contre la chute de débris
platinaires dans le labyrinthe.
– La platinectomie proprement dite est effectuée au microcrochet à
partir du trou de sécurité déjà réalisé. Des microcrochets extrêmement
fins doivent être utilisés pour éviter tout traumatisme sacculaire [42]. Elle
doit être conduite avec douceur et précision. Dans certains cas, la partie
postérieure, puis la partie antérieure de la platine (la base du stapes) sont
enlevées en bloc (fig 10A, B). Dans d’autres cas, la platine fracturée en
« étoile » doit être patiemment enlevée par fragments rabattus sur les
bords de la fosse ovale (la fenêtre du vestibule), détachés, puis aspirés
avec prudence.
– Un point important doit toujours être gardé à l’esprit : l’hémostase
doit être parfaite avant toute ouverture du labyrinthe. La greffe doit être
7 Section du tendon du muscle de l’étrier.
disponible et préparée. Le choix de la greffe dépend des opérateurs.
Beaucoup sont restés fidèles à la veine, généralement prélevée sur le dos
de la main, dès le début de l’intervention (ou par un aide au cours de
celle-ci), enfilée sur une pointe ou mieux sur un porte-veine, sectionnée
sur la longueur, après avoir été débarrassée de tout fragment graisseux,
et étalée sur une lame de verre, prête à l’emploi. L’endoveine doit être
placée vers la caisse. D’autres utilisent un fragment d’aponévrose du
muscle temporal ou du muscle auriculaire antérieur, ou dans certains cas,
la lame porte-vaisseau qui recouvre celle-ci, intéressante par sa finesse,
ou encore un fragment périchondral. L’aponévrose, parfaitement
affinée, peut alors être séchée, facilement découpée et manipulée lors de
sa mise en place. Aucune aspiration ne doit être effectuée au niveau du
labyrinthe. Il faut utiliser des microaspirateurs et se limiter à une
aspiration au-delà des berges de la fenêtre ovale (la fenêtre du vestibule).
Il est préférable de ne réaliser qu’une platinectomie presque totale en cas
de difficulté pour extraire, en particulier, la partie antérieure de la platine
qui est alors laissée en place (cf Platinectomie partielle).
– La mise en place de la greffe (fig 11A, B) doit être effectuée après
l’avoir taillée afin d’obtenir un recouvrement parfait de la fenêtre ovale
(la fenêtre du vestibule) et déborder celle-ci sans excès. Une greffe trop
8 Désarticulation incudostapédienne.
petite risque de se déplacer lors de la pose de la prothèse. Une greffe trop
grande forme des plis. Dans les deux cas, le risque de fuite de périlymphe
Attitude vis-à-vis de la platine (base du stapes) est important. S’il s’agit d’une greffe séchée et rigide, elle sera appliquée
directement sur la fenêtre ovale (la fenêtre du vestibule) à l’aide d’une
Elle représente, en fait, la divergence essentielle de cette intervention pointe. S’il s’agit d’une veine, elle est, le plus souvent, mise en place,
dans la littérature. Historiquement, en dehors de la mobilisation simple, repliée autour d’un instrument mousse et étalée avec une pointe.
la platinectomie partielle ou totale a précédé l’introduction de la
platinotomie. N’est abordée ici que la technique proprement dite du • Platinectomie partielle [2-4, 6, 9, 12, 13, 33-35, 39, 49-51, 55]
geste chirurgical et de sa réalisation.
Elle emporte généralement la moitié postérieure de la platine (la base du
Platinectomie stapes). Elle doit bénéficier des mêmes précautions que la platinectomie
totale. Une interposition est en général nécessaire. Cependant, elle peut
Elle sera totale ou partielle. Dans le premier cas, elle nécessite toujours être évitée lorsque l’orifice se rapproche d’une platinotomie. Un
une interposition. Dans le second cas, la nécessité de l’interposition « colmatage » peut être réalisé par un caillot sanguin ou un fragment de
dépend de l’importance du sacrifice platinaire. graisse.

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46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

10 Platinectomie.
A B A. Platinectomie postérieure.
B. Ablation du fragment antérieur.

A B
11 A, B. Mise en place de la greffe.

Platinotomie [6, 9, 10, 33, 38, 49, 56]


Il faut entendre sous ce terme la création d’un orifice calibré au niveau
de la platine et parfaitement adapté au diamètre du piston (fig 12). Le
diamètre de la platinotomie varie habituellement de 0,3 à 0,8 mm. La
plupart des opérateurs préfèrent actuellement une platinotomie de
0,4 mm [51]. Shea [54] a utilisé puis abandonné un piston Téflont de
0,3 mm de diamètre, en raison du mauvais résultat constaté sur la
transmission des basses fréquences. Là encore, l’orifice peut être réalisé
à la tréphine à main, à la microfraise, au laser [17, 23, 30, 32, 45, 47, 48, 51, 67, 70]. Il
sera généralement central, mais doit être adapté à la direction de
l’apophyse (du processus) lenticulaire de l’enclume, permettant une
parfaite adéquation du piston, évitant toute nécessité de colmatage.
Causse préconise une platinotomie avec interposition [51]. L’orifice de
0,8 mm de diamètre peut être réalisé au laser par la technique dite du
« timbre-poste ». L’interposition est un greffon veineux de 5 mm 2
environ et le piston choisi a un diamètre de 0,4 mm.
Les avantages de la platinectomie totale ou partielle et de la platinotomie 12 Platinotomie.
sont souvent défendus avec vigueur par les tenants de chaque technique.
Sans entrer dans ce débat, il convient de remarquer que seule une
platinotomie peut être réalisée en cas de platine très hypertrophique. A dans l’orifice. En son absence ou en cas d’impossibilité de rattraper la
contrario, certaines platines fines qui se fracturent en « étoile » lors de la platine, notamment lorsque la fenêtre ovale (fenêtre du vestibule) est
réalisation du trou de sécurité font en règle préférer une platinectomie trop étroite, il peut être nécessaire de fraiser à la fraise diamantée le bord
avec interposition. inférieur de la fosse ovale (la fossette de la fenêtre du vestibule), du côté
du promontoire, pour pouvoir glisser un crochet. Dans certains cas, il
Incidents lors du geste platinaire peut être préférable d’abandonner l’idée de récupérer la platine plutôt
que de multiplier les manœuvres dangereuses pour le labyrinthe.
• Platine flottante
• Chute de fragments platinaires
Elle peut survenir quelle que soit la technique utilisée. Elle correspond à
une désinsertion brutale du ligament annulaire pouvant aboutir à Elle est l’apanage de la platinectomie. La conservation du mucopérioste
l’enfoncement de l’ensemble de la platine (la base du stapes) et à son en préviendrait le risque. Lorsqu’elle se produit, il convient d’éviter
intrusion dans le labyrinthe. Ceci peut être évité par la création d’un trou toute aspiration intempestive dans le labyrinthe, même si dans quelques
de sécurité préalable à toute manœuvre sur l’étrier. Il permet cas on a pu « rattraper » électivement un fragment par microaspiration.
généralement la récupération de la platine à l’aide d’un crochet introduit Pour la plupart des auteurs, la prudence consiste probablement à

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Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE 46-050

abandonner le fragment, l’expérience ayant montré que cet incident • Cas particuliers
n’entraîne généralement pas de conséquence grave. Certains utilisent Certaines dispositions anatomiques constituent de véritables cas
l’artifice du « caillot de sang » censé emprisonner le fragment platinaire particuliers, rares ou exceptionnels, à l’origine de difficultés opératoires
et permettre sa récupération. qui ne peuvent être classées dans les complications.
• Issue de liquide labyrinthique sous pression Il existe parfois d’importantes difficultés d’exposition de la fenêtre
ovale. Elles sont en rapport avec un canal facial très procident ; l’étrier
Elle se produit lors de l’ouverture de la platine : c’est le classique est alors « couché » sur le promontoire. Cette difficulté n’apparaît
« geyser ». Elle pourrait être redoutée devant un aspect avasculaire insurmontable qu’après avoir utilisé tous les artifices d’exposition
« presque aplasique de la caisse » [11]. Pour certains auteurs, la platine (hyperextension maximale de la tête du sujet, obliquité du microscope,
doit alors être amenuisée à la fraise diamantée et le piston de 4/10 mm etc).
introduit « en force » après interposition veineuse [11].
Si le nerf facial est déhiscent, il peut être récliné avec prudence. Mais la
Pour la plupart des auteurs, elle apparaît comme un accident inopiné position du piston risque d’être mauvaise. On préférera alors en règle un
dont les conséquences sont graves, tant en ce qui concerne le piston fil d’acier Téflont, voire un piston en cupule [ 5 1 ] .
déroulement et le pronostic de l’intervention, que par le risque de la Exceptionnellement, cette disposition peut faire renoncer à la poursuite
poursuite de l’écoulement de liquide céphalorachidien et l’infection de l’intervention, certainement préférable à un montage de mauvaise
méningée qui peut en résulter. Il convient d’aveugler la brèche le mieux qualité et surtout à une absence de contrôle des risques platinaires.
possible, ce qui est généralement tenté par interposition veineuse ou
aponévrotique. La mise en place du piston constitue, dans les meilleurs L’étroitesse de la fosse ovale (fossette de la fenêtre du vestibule) est soit
cas, un élément important du blocage de celle-ci, à condition toutefois congénitale, soit plus probablement consécutive à l’envahissement de
que l’orifice ne soit pas trop grand. Il faut donc éviter de réaliser une l’ensemble de la fosse ovale par le processus otospongieux (type V de
platinectomie totale dont l’occlusion apparaît bien difficile. Tous les Portman). Dans certains cas, il peut être difficile de préciser avec
artifices per- et postopératoires tendant à diminuer la pression de liquide certitude l’aire platinaire, seulement indiquée par la position des
céphalorachidien doivent être utilisés (position haute de la tête, branches de l’étrier. Ceci rejoint le problème des platines épaisses,
perfusion de soluté hypertonique, etc). véritable blocs otospongieux, qui doivent conduire à la platinotomie de
principe et à l’utilisation de prothèses adaptées.
• Inondation brutale de sang L’extension de la maladie otospongieuse à la fenêtre ronde (fenêtre
Elle peut être grave car elle risque d’entraîner une aspiration tympanique) est rare. Elle surviendrait dans 1 % des cas. Elle peut être
intempestive au niveau du labyrinthe. Pour cette raison, l’hémostase doit suspectée devant une surdité de transmission profonde ou une surdité
être parfaite lors des temps précédant l’ouverture de celui-ci. Dans mixte d’apparition précoce. Il peut résulter une amélioration de
quelques cas exceptionnels, la poursuite du saignement peut et doit l’audition après stapédectomie à l’exclusion de toute action sur la fenêtre
amener à l’arrêt de l’intervention qui pourra être reprise ultérieurement. ronde (fenêtre tympanique) [57].
L’hémorragie peut être la conséquence d’une reprise brutale du Rétablissement de l’effet columellaire
saignement au niveau des incisions (voie endaurale), parfois secondaire
à un déplacement de l’écarteur qui assurait une hémostase non contrôlée De nombreuses techniques ont été proposées : certaines utilisent la
ou à un réveil brutal. Plus fréquemment, le saignement est périplatinaire, branche postérieure conservée de l’étrier qui est basculée vers l’avant.
à partir du mucopérioste, raison pour laquelle certains auteurs insistent La plupart font appel à une prothèse, variable dans son principe, sa forme
sur l’intérêt d’un démucopériostage soigneux, préalable à toute et le matériau utilisé.
ouverture, voire sur l’intérêt de coagulation très prudente autour de la
platine. Effet columellaire avec la branche postérieure de l’étrier
Il convient surtout de retenir que cet accident doit d’abord être prévenu Cette technique n’est plus guère utilisée. On sectionne la branche
et qu’il est certainement préférable de laisser un peu de sang au niveau antérieure en son milieu, puis la branche postérieure au ras de la platine.
du labyrinthe que d’ajouter à sa présence un traumatisme par aspiration. Après interposition, la branche postérieure est basculée vers l’avant de
Le risque d’inondation labyrinthique est, pour certains, un argument telle sorte qu’elle est en contact avec le centre de la fenêtre ovale (fenêtre
important en faveur de la platinotomie. vestibulaire).
• Aspiration à l’intérieur du labyrinthe Effet columellaire par prothèse
Normalement, le liquide labyrinthique se reproduit rapidement et une • Tubes
très légère aspiration accidentelle est sans conséquence. Dans quelques
cas cependant, soit que l’aspiration ait été plus importante, soit que le Il s’agit le plus souvent de tube en polyéthylène, préparé
renouvellement de liquide soit plus lent, on peut avoir la surprise de extemporanément après avoir déterminé la longueur adéquate entre la
constater l’existence d’un labyrinthe « sec ». Toujours secondaire à une base de l’apophyse lenticulaire de l’enclume et le plan de la fenêtre
manœuvre d’aspiration, c’est un accident grave, dans la mesure où il ovale. L’extrémité supérieure du tube est fendue pour permettre son
favorise la pénétration de sang et la formation d’un caillot à l’intérieur adaptation à l’apophyse lenticulaire. L’extrémité inférieure est taillée en
du labyrinthe. Il convient de recouvrir immédiatement la fenêtre ovale biseau émoussé. Cette technique préconisée initialement par Shea
(la fenêtre vestibulaire) avec la greffe, prévue et disponible sur l’instant, implique une platinectomie avec interposition. Elle n’est plus guère
ou tout au moins de placer un fragment de Pangent de protection sur les utilisée mais pourrait constituer une solution de secours. On lui reproche
bords de la fenêtre ovale en attendant la mise en place de la greffe. son manque de stabilité pouvant aboutir à des déplacements ultérieurs.
Legent recommande de remplir immédiatement le labyrinthe avec du • Fils
sérum.
Schuknecht proposa l’utilisation d’un fil d’acier dont la boucle
• Blessures du nerf facial supérieure s’adapte à la branche descendante de l’enclume et permet un
Elles sont exceptionnelles et généralement en rapport avec une sertissage solide mais considéré par certains comme facteur d’ischémie
déhiscence du nerf facial au niveau de la seconde portion. Celui-ci peut secondaire. Un fragment de graisse est placé dans la boucle inférieure et
faire hernie au-dessus de la fenêtre ovale (la fenêtre vestibulaire) et sert à colmater la fenêtre. Portmann a décrit la confection extemporanée
constituer un obstacle quasi insurmontable à toute manœuvre sur la de ce fil avec interposition veineuse.
platine [72] . Le traumatisme facial peut être la conséquence d’une • Pistons
maladresse dans l’usage d’une pointe ou d’un crochet. Dans ce cas, la
paralysie est transitoire (œdème ou hémorragie dans la gaine). L’usage Il existe de nombreuses formes et, pour chaque forme, les pistons
de la fraise peut, dans ces circonstances, avoir des conséquences plus peuvent varier par leur longueur, modifiable ou non selon le matériau
redoutables. Les accidents graves survenant lors de l’ouverture de la dans lequel ils sont réalisés et surtout leur diamètre.
caisse par échappée de gouge ou de fraise sont exceptionnels. Leur Piston en Téflont (fig 13A, B, C)
prévention réside en l’expérience et la maîtrise de l’opérateur, mais aussi Souvent désigné sous le terme de piston simple, il est disponible entre
en la prudence nécessaire dans tous les gestes de cette chirurgie. 0,4 et 0,8 mm de diamètre et une longueur de 3,5 à 6 mm. La longueur

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46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

A B C

13 Mise en place d’un piston TéflonT standard.

A B C

14 Mise en place d’un piston cup .

15 A. Piston cup, platine, TéflonT (Shea).


B. Piston, plastipore (Shea).
C. Piston TéflonT métal (Schuknecht).
D. Piston acier inoxydable (Mc Gee).
E. Boucle de House métallique.
F. Piston TéflonT standard.
G. Piston cup TéflonT (Shea).
H. Prothèse TéflonT.

correcte peut être déterminée à l’aide d’un mesureur dont il existe ces deux aspects. Le piston standard mesure 4,5 mm de longueur pour
plusieurs modèles. D’autres préfèrent une longueur standardisée, en un diamètre de 0,8 mm. La longueur peut être réduite à 4 mm, réduction
règle 4,5 mm pour une interposition, ou 5 mm pour une platinotomie le plus souvent justifiée par un « essayage » initial tel que, l’extrémité du
calibrée. piston étant en place, le bord supérieur de la cupule soit exactement au
La mise en place s’effectue en plusieurs temps. Le piston peut être niveau du bord inférieur de la branche descendante de l’enclume.
« descendu » dans la caisse à l’extrémité de l’aspirateur et relâché L’anneau est légèrement ouvert. L’extrémité du piston est posée sur la
facilement si l’on dispose d’un aspirateur modulable. L’extrémité greffe et légèrement enfoncée à l’aide d’une pointe appuyée sur le bord
inférieure est alors positionnée dans la fenêtre ovale (la fenêtre du de la cupule, de telle sorte que celle-ci se glisse sous l’apophyse
vestibule) le plus souvent en son centre ou plus près de son bord lenticulaire. Comme pour la mise en place d’un piston simple, on fait
postérieur. L’anneau d’abord appuyé sur la branche descendante de subir à la boucle un quart de tour pour l’accrocher sur la branche
l’enclume est « enclenché » sur celle-ci par une rotation de 45°. Il aura descendante assurant ainsi la fixation du montage.
été préalablement légèrement ouvert afin de faciliter sa mise en place Autres pistons (fig 15)
atraumatique. L’élasticité du Téflont nécessite exceptionnellement de De nombreux pistons ont été décrits. Leur mise en place est basée sur le
le refermer. En cas de platinotomie, la manœuvre est la même, mais même principe.
l’extrémité du piston est initialement placée dans l’orifice.
Piston « cup » (fig 14A, B, C) Diffıcultés et incidents
L’intérêt du piston cup tient à ce qu’il réunit, en théorie, les avantages
• Difficultés
du piston (par son arc de suspension) et du tube par la cupule adaptée au
processus lenticulaire. La mise en place implique la prise en compte de Les difficultés tiennent à certaines dispositions anatomiques.

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Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE 46-050

La principale difficulté survient en l’absence d’apophyse lenticulaire de


l’enclume ou exceptionnellement le traumatisme de celle-ci lors de la
désarticulation incudostapédienne. L’usage d’un piston cup est
évidemment inadapté. Un piston simple peut être placé mais le risque
d’exclusion est plus important. On cherchera à l’éviter en plaçant la
boucle de celui-ci à distance de l’extrémité de la branche descendante.
Ce peut être une bonne indication de l’utilisation d’un fil de Schuknecht
ou même d’un tube. En cas d’absence de branche descendante de
l’enclume, secondaire à une lyse ou une fracture accidentelle, il devient
alors nécessaire d’utiliser un piston malleus.
L’excès de longueur de la branche descendante correspond souvent à un 16 Représentation schématique des rap-
étrier couché et à un canal facial procident. Le problème peut être ports anatomiques de la fenêtre ovale avec le
saccule et l’utricule.
généralement réglé par l’usage d’un piston simple, voire d’un fil cc : canal cochléaire ; S : saccule ; U : utri-
légèrement recourbé. cule.

• Incidents proprement dits


Leur importance, associée à des troubles de l’équilibre qui perdurent,
La chute de la prothèse dans l’hypotympanum est sans gravité : la doit faire envisager, lors de l’inefficacité des traitements antivertigineux
prothèse sera généralement abandonnée. et des solutés hypertoniques, une reprise chirurgicale avec ablation de la
En cas de luxation de l’enclume minime, l’usage de prothèse prothèse. Dans ces cas, la trop grande longueur du piston (fig 16) ou une
incudostapédienne est le plus souvent possible. Si la luxation est fuite de périlymphe peuvent être mises en cause.
majeure, elle implique le recours au piston malleus, voire à une prothèse
directe entre fenêtre et membrane du tympan. Infections
Les labyrinthites postopératoires sont rares et doivent être prévenues par
Vérification du montage une asepsie peropératoire rigoureuse. Certains cas se sont compliqués
Elle est préconisée par beaucoup d’auteurs et consiste à observer la de méningites otogènes. L’antibiothérapie systématique préconisée par
continuité du mouvement et de la transmission, à partir de pressions beaucoup était sensée les prévenir. La justification d’un tel traitement
légères sur le manche du marteau (du malleus). Certains considèrent que est discutable (cf supra).
ce geste peut être dangereux pour l’oreille interne et constituer un
traumatisme mécanique préjudiciable. Acouphènes
Le plus souvent, ce sont des acouphènes préopératoires qui persistent.
Fermeture et pansement Le patient aura été averti de l’efficacité variable de cette chirurgie sur ce
La fermeture s’effectue simplement par remise en place du lambeau symptôme. Avec un recul de 15 ans, 70 % des acouphènes
tympanoméatal. Une reconstruction du cadre osseux peut préopératoires auraient disparu tandis que dans 7 % des cas, un
exceptionnellement être nécessaire. On vérifiera l’absence de plaie de la acouphène postopératoire serait apparu [ 2 0 ] . L’aggravation ou
membrane du tympan. Le pansement est effectué par calibrage du l’apparition d’un acouphène devra faire rechercher une surdité
conduit (Pangent, mèche, pop-oto-wick) imbibé d’eau stérile. postopératoire.
Surdités postopératoires
Soins postopératoires
Elles sont au mieux dépistées par l’audiogramme postopératoire précoce
La plupart du temps, la chirurgie de l’otospongiose est pratiquée en en conduction osseuse. Divers types d’altérations ont été décrits :
hospitalisation conventionnelle. Certains auteurs pratiquent cette
– une altération des hautes fréquences traduit en règle une souffrance
chirurgie en hôpital de jour [24]. Le patient quitte l’hôpital le soir de
endocochléaire [41, 51] ; la conduite à tenir est proche de celle d’une surdité
l’intervention pour regagner son domicile si celui-ci est proche, ou un
brusque ;
hôtel voisin de la structure hospitalière si le domicile est éloigné. Dans
une série de 370 patients otospongieux opérés par stapédectomie totale – une altération des basses fréquences traduit [8, 11, 13, 35, 51] en règle un
ou partielle, 98,4 % des patients quittent l’hôpital sans trouble au dysfonctionnement tubaire secondaire à une inflammation de la caisse
premier jour postopératoire [44]. du tympan ; la rétraction tympanique peut entraîner une protrusion de la
prothèse dans la cochlée ; de prudentes insufflations tubaires, associées
Beaucoup d’opérateurs prescrivent une antibiothérapie (amoxicilline,
à une corticothérapie par voie générale peuvent être préconisées [8] ;
amoxicilline-acide clavulanique) durant 8 jours, arguant du risque
médicolégal en cas d’infection. Une conférence de consensus récente – une chute sur toutes les fréquences est le plus souvent le fruit d’un
devrait autoriser à s’en dispenser dès lors qu’il est reconnu qu’il s’agit traumatisme chirurgical ; là encore, l’attitude thérapeutique se
d’une chirurgie de type propre (Classe I de Daltemeier) [51]. rapproche de celle d’une surdité brusque.
Les antivertigineux et les antiémétiques sont utilisés à la demande. Paralysie faciale postopératoire
Certains enfin prescrivent systématiquement des corticoïdes ou des
solutés hypertoniques. Les insufflations tubaires prônées par certains Une paralysie faciale périphérique peut apparaître immédiatement ou
dans les 10 premiers jours après l’intervention sont considérées par plus tardivement (j4-j55) et de bon pronostic [57, 70].
d’autres comme un risque pour le labyrinthe [51].
Complications tardives
Le soir même de l’intervention, un bilan acoumétrique vérifie la bonne
latéralisation auditive (Weber). Dès le lendemain, un audiogramme en L’analyse des articles traitant des reprises opératoires tardives permet
conduction osseuse peut être réalisé. Il permet le dépistage rapide d’un d’apprécier les étiologies de ces complications [19, 22, 46, 51, 59].
dysfonctionnement cochléaire. Derlacki [22] et Sheehy et al [59] ont publié l’analyse de 295 et de 269 cas,
soit un total de 564 cas. Le tableau I fait la synthèse de ces deux rapports.
Le déplacement de la prothèse est la plus fréquente cause d’échec et de
Complications postopératoires reprise chirurgicale [22]. Le déplacement se fait le plus souvent vers le
bord postéro-inférieur de la fenêtre ovale [22, 59]. La boucle de House
semble être le plus souvent incriminée dans cette complication [22]. La
Complications précoces [67] lyse de la branche descendante de l’enclume peut être la conséquence
d’un piston trop serré. Elle apparaît plus fréquente avec un tube de
Vertiges polyéthylène (72 %) qu’avec une boucle de House (23 %).
Ils peuvent être rencontrés en période postopératoire immédiate et le Les fistules périlymphatiques postopératoires sont symptomatiques
patient doit en être averti avant l’intervention. Ils sont calmés par des (vertiges, cophose) dans plus de la moitié des cas et la fermeture de la
traitements antivertigineux prescrits à la demande. fenêtre a été réalisée le plus souvent avec du Pangent [22].

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46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

Tableau I. – Analyse des reprises opératoires tardives après chirurgie de l’otospongiose [22, 57].
Derlacki Sheehy Total
Déplacement de la prothèse ou prothèse trop courte 178 (60 %) 140 (52 %) 318 (56 %)
Érosion de l’enclume 65 (22 %) 44 (16 %) 109 (19 %)
Fistule périlymphatique 21 (7 %) 42 (16 %) 63 (11 %)
Développement de foyer otospongieux 21 (7 %) 25 (9 %) 46 (8 %)
Fibrose de la fenêtre ovale 8 (3 %) 13 (5 %) 21 (4 %)
Fixité enclume/marteau 2 (1 %) 5 (2 %) 7 (1 %)

Total 295 269 564

La refixation de la platine est toujours secondaire à une simple Section du tendon du muscle de l’étrier
mobilisation de l’étrier.
Elle est facilitée par l’absence d’interposition instrumentale, sous
réserve d’une bonne exposition directe. Elle est non hémorragique. Il n’y
Chirurgie de l’otospongiose avec emploi pas de risque vis-à-vis de la branche postérieure de l’étrier.
des techniques laser Trou de sécurité
L’utilisation du laser dans la chirurgie de l’otospongiose a commencé à L’usage du laser pour réaliser un trou de sécurité est particulièrement
se développer au début des années 1980. Le laser représente un moyen confortable, évitant tout risque d’éclatement de la platine. Il peut aussi
technique et ne remet pas en question le principe des interventions, en constituer un réel avantage dans le cas de « geyser », par définition limité
particulier en ce qui concerne le choix des pistons, voire même l’étendue et facilement contrôlé du fait de la taille minime initiale du « trou ».
de l’ouverture platinaire, bien qu’il soit surtout adapté à la platinotomie
calibrée. Plusieurs problèmes doivent être envisagés. Section des branches de l’étrier
La branche postérieure de l’étrier est généralement très accessible à la
Choix du laser section par laser, dans les meilleures conditions de sécurité. Il n’en est
pas de même de la branche antérieure, il est vrai généralement plus fine,
Le choix théorique s’effectue entre trois types de laser [40]. mais moins directement exposée, qui doit être rompue le plus souvent à
Laser argon l’aide d’un crochet.
Il est caractérisé par plusieurs points : Platinotomie, platinectomie partielle ou platinectomie totale
– sa longueur d’onde est de 488 à 514 nm ; Le laser permet de « vaporiser » en théorie tout ou partie de la platine.
– c’est un rayon visible, ce qui assure une grande précision ; En réalité, son usage est essentiellement adapté à la platinotomie plus
– il est conductible par fibre optique ; ou moins calibrée. On peut réaliser cette platinotomie dans une approche
– en théorie, il a une pénétration profonde (ce qui peut générer un en « rosette » [70] jusqu’à obtenir le diamètre suffisant d’insertion de la
risque) et surtout une perte d’énergie importante sur tissu non ou peu prothèse, ou par un impact plus large (0,6 mm) d’emblée adapté au
coloré, comme l’os, ou le tendon de l’étrier ; calibre du piston. Le tissu osseux carbonisé doit être aspiré au fur et à
mesure, essentiellement en cas de platine épaisse. On évitera
– surtout, l’usage en oto-rhino-laryngologie (ORL) est à peu près limité l’échauffement, en respectant un court intervalle entre les tirs.
à cette indication, ce qui implique un investissement lourd et peu justifié.
Laser KTP Cas particulier
Il est caractérisé par plusieurs points : Platine flottante
– sa longueur d’onde est de 532 nm ; Le laser peut permettre d’effectuer un trou de sécurité, aussi bien dans
– c’est un rayon visible comme le laser argon ; une platine flottante, que lorsque celle-ci est fixée. Il faut cependant tenir
– il est conductible par fibre optique ; compte du risque d’« échappement », toujours possible dans la suite du
– il a le même risque potentiel de pénétration profonde que le laser processus chirurgical (mise en place de la prothèse, ou récupération de
argon, puisque le rayon n’est pas arrêté par les liquides incolores. Là la platine).
encore, une bonne absorption nécessite au contraire une coloration des
tissus, d’où perte d’énergie sur condition stapédienne. Platine très épaisse
En théorie, deux possibilités sont offertes :
Laser CO2
– la première consiste à utiliser une microfraise, ou une tréphine à main,
Il est caractérisé par plusieurs points [5] : pour « user » l’os jusqu’à ce qu’il devienne possible de compléter au
– sa longueur d’onde est de 10 600 nm ; laser ;
– c’est un rayon invisible qui doit être doublé par l’utilisation d’un laser – la seconde, consiste à multiplier les impacts, en aspirant
de visée hélium néon de couleur rouge, ce qui peut entraîner une légère régulièrement le tissu carbonisé, et à condition d’éviter tout
imprécision dans l’impact. Cet inconvénient semble actuellement échauffement important par le respect d’intervalles entre les impacts.
pouvoir être corrigé par l’usage de micromanipulateur adapté ; Ceci peut être long et difficile si l’intervention a lieu sous anesthésie
– le rayon ne peut être transmis par fibre optique ; locale.
– les avantages sont représentés par la sécurité d’emploi : le rayon est Ankylose a minima
arrêté par les liquides incolores, et ne peut donc pénétrer dans l’oreille
interne après ouverture (sauf aspiration de liquide intempestive qui Lorsque le foyer otospongieux est limité à la fissula ante fenestram,
représente ici un risque vraiment théorique). De toute façon, la longueur certains auteurs [60] proposent une platinotomie au laser sans prothèse.
d’onde élevée diminue le pouvoir de pénétration ; Le principe repose sur la création d’une « tranchée » entre le tiers
– surtout, c’est le laser le plus répandu en ORL et son usage peut donc antérieur de la platine et les deux tiers postérieurs, après vaporisation de
facilement être envisagé. la branche antérieure de l’étrier. La partie postérieure devient alors
mobile. La tranchée est obturée par de la graisse.

Technique et utilisation des lasers Reprise des échecs de stapédectomie


Le laser est adapté à quelques temps précis de l’intervention. La Le laser est particulièrement adapté aux reprises chirurgicales, par
puissance utilisée est variable, en règle 1,5 W, et les impacts sont brefs définition difficiles et dangereuses. Il devient possible, avec le laser, de
(de 0,1 s). vaporiser le tissu cicatriciel autour de la prothèse, avant d’avoir extrait

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Techniques chirurgicales TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE 46-050

celle-ci, et souvent de mobiliser cette prothèse avant d’avoir ouvert sans technique laser. Ces résultats sont proches de ceux de Marquet [66] :
l’oreille interne. Ensuite, le processus chirurgical dépend des l’analyse rétrospective de 1 681 dossiers de patients otospongieux
constatations, avec en particulier l’opportunité d’agrandir l’orifice de opérés selon diverses techniques (platinotomie, platinectomie partielle
platinotomie dans les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité, ou totale, laser ou non) ne permet pas de trouver de différence
avant de replacer une prothèse adaptée. significative sur l’ensemble des paramètres audiométriques
Au total, le laser présente de nombreuses avantages théoriques, et son postopératoires.
usage et la précision du geste peuvent, dans une certaine mesure, La comparaison platinectomie totale et partielle sur la fermeture du
compenser un peu la réduction de l’expérience inhérente à la diminution Rinne en postopératoire ne permet pas de conclure avec certitude [51] à la
du nombre d’otospongioses opérées individuellement (quelle que soit la supériorité d’une technique par rapport à une autre [49] . Certains
cause de celle-ci). Néanmoins, on commence à insister sur le fait que les attribuent à la platinectomie partielle de meilleurs résultats sur les
mêmes complications ont été retrouvées au fur et à mesure de fréquences de 2 à 8 kHz par rapport à la platinectomie totale. Aucune
l’extension de « l’usage laser », que lorsque les procédés mécaniques différence n’apparaît pour les fréquences inférieures à 1 kHz [44]. La
sont employés. Il convient donc de rester toujours aussi vigilant sur la comparaison platinectomie-platinotomie met en évidence de meilleurs
qualité du geste. résultats sur la discrimination vocale à moyen terme, pour la
platinectomie calibrée, mais également sur les seuils tonals : 4 et
8 kHz [18].
Efficacité comparative des différentes
techniques et résultats En fait, il semble surtout que les divergences soient souvent affaire
d’habitude et d’expérience. Le contrôle des différentes techniques
Aucune réponse définitive n’a été publiée quant à l’efficacité supérieure permet de s’adapter aux conditions anatomiques et aux différentes
d’une technique chirurgicale par rapport à une autre, ou quant aux difficultés rencontrées dans certains cas pouvant amener à reconsidérer,
séquelles chirurgicales sur la cochlée [31] . L’audiométrie haute- en cours d’intervention, la technique habituellement retenue.
fréquence pourrait être une bonne méthode d’approche des effets Ainsi, les résultats postopératoires dépendent essentiellement de la
secondaires de la chirurgie de l’otospongiose sur la cochlée [41]. qualité de l’opérateur. Ces données posent le problème de
Dans une importante série rétrospective de 875 patients opérés avec l’apprentissage de cette technique par les jeunes ORL. Plusieurs études
diverses techniques à la House Ear Clinic de Los Angeles, Sedwick et ont montré les résultats moins bons des chirurgiens otologistes en
al [52] ont montré que la platinotomie et la platinectomie totale donnaient formation par rapport à leurs aînés (tableau II). L’entraînement doit être
les mêmes résultats sur la fermeture du Rinne. Les résultats sur la progressif [53] et aborder petit à petit les différents temps opératoires. La
conduction osseuse postopératoire sont peu convaincants : la technique étant acquise, il faut ensuite bénéficier d’un recrutement
platinotomie donne moins de déficit auditif postopératoire à la fréquence suffisant pour garder la maîtrise du geste opératoire [51]. Le laser facilite
4 000 Hz, tandis qu’il n’y a aucune différence significative sur les autres sans doute certains temps opératoires, encore faut-il en disposer et
fréquences. Les résultats sur l’audiométrie vocale sont identiques dans mieux vaut sans doute s’assurer, de toutes façons, d’une maîtrise parfaite
tous les groupes. Il n’existe aucune différence significative sur tous les des techniques classiques, qui représentent encore de très loin l’essentiel
résultats audiométriques, que le geste platinaire soit effectué avec ou de la pratique courante.

Tableau II. – Résultats postopératoires publiés dans la littérature internationale avec deux populations d’opérateurs : en haut, les interventions réalisées par
les masters ; en bas, les interventions réalisées par les résidents sous contrôle d’un master .
Fermeture Rinne Perception postopératoire (%)
Rinne < 10 dB (%)

%
M Broockler 1797 - 0,05-2
A Sheeny 1979 90 1
S Smyth 1978 94 4
T Sooy 1973 94 moyenne 94 % -
E Robinson 1979 96 1,5
R House 1979 92 -
S Elonka 1982 [25] 97 -

%
É
S Chandler 1983 [14] 62 7
I Vernick 1986 [63] 78 4
D Cocker 1988 [16] 64 moyenne 74 % -
E Engel 1984 [26] 75 -
N Levenson 1987 [34] 89 -
T
S

Références ➤

page 11
46-050 TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L’OTOSPONGIOSE Techniques chirurgicales

Références
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page 12
¶ 46-060

Tympanoplasties
O. Deguine, M.-N. Calmels, C. Deguine

Le terme de tympanoplastie définit toute forme de chirurgie visant au traitement de l’otite chronique ;
cette chirurgie concerne la membrane tympanique et/ou un ou plusieurs éléments de l’oreille moyenne.
Nous avons limité le sujet aux techniques chirurgicales des séquelles d’otite chronique. Les techniques
chirurgicales du cholestéatome (technique fermée, technique ouverte, méatoplastie) et la stratégie de
prise en charge de l’otite chronique évolutive ont été volontairement exclues et méritent à elles seules un
chapitre spécifique.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chirurgie de l’oreille ; Chirurgie de l’otite chronique ; Tympanoplastie ; Prothèse ossiculaire ;
Membrane tympanique ; Mastoïde ; Myringoplastie

Plan

¶ Diagnostic sémiologique des lésions tympaniques 1


Perforations stables 1
Perforations cachées 1
Perforations potentiellement évolutives 2
Otorrhée 2
Lésions associées : séquelles et otites chroniques évolutives 2
Imagerie 3
¶ Matériaux 3
Matériaux utilisés pour le greffon tympanique 3
Matériaux utilisés pour la columelle 4
Matériaux utilisés pour la reconstruction atticale ou osseuse 5
¶ Techniques chirurgicales 5
Figure 1. Perforation totale.
Voies d’abord 5
Dissection et position du greffon 6
Principes de la restauration columellaire 7 Perforations stables (Fig. 1)
Gestes associés 8
Avant toute programmation chirurgicale, il est indispensable
Complications 9
de s’assurer de la stabilité de la perforation. Si l’ancienneté et
¶ Prise en charge des patients 13 l’histoire de la perforation sont inconnues, il peut être utile de
Recommandations officielles 13 proposer au patient une surveillance de quelques mois, afin de
Indications 14 juger de l’évolutivité. Ceci est particulièrement important en cas
Résultats 14 de perforation traumatique ou postotitique, la cicatrisation
¶ Conclusion 15 spontanée pouvant se produire en quelques mois. Cette période
est de 6 mois chez l’enfant et peut être portée à 1 an en cas
de perforation résiduelle après pose d’aérateurs transtym-
paniques [1].

Perforations cachées
■ Diagnostic sémiologique
L’examen au microscope ne permet pas toujours de mettre en
des lésions tympaniques évidence une perforation antérieure ou antérosupérieure,
notamment lorsque le conduit auditif est étroit (enfant), coudé
La prise de décision chirurgicale dépend d’une analyse ou bombant. Il convient de pratiquer un nettoyage soigneux et
minutieuse de l’état de la membrane tympanique, de la chaîne doux du conduit et du tympan, des débris épidermiques ou de
ossiculaire, de la muqueuse sous-jacente, de la peau et du calibre cérumen pouvant obstruer une perforation de petite taille.
du conduit auditif externe. Elle s’intègre dans l’histoire de la L’utilisation d’un endoscope (diamètre 4 mm, angle 0°), par la
maladie et doit prendre en compte l’état et la demande du vision panoramique qu’il offre, peut être utile pour visualiser le
patient. tympan dans son ensemble et poser le diagnostic. La découverte

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 2. Perforation marginale postérieure.

d’une myringite ou de lésions polypoïdes nécessite un traite-


ment médical initial et un nouvel examen à distance afin de ne
pas méconnaître une perforation surinfectée ou une pathologie
associée.

Perforations potentiellement évolutives


(Fig. 2)
L’analyse des berges de la perforation recherche une invagi-
nation épidermique qui peut évoluer vers un cholestéatome. En Figure 3. Perforation avec tympanosclérose exubérante.
cas de perforation marginale, l’accumulation de squames A. Tympanosclérose exubérante.
épidermiques vers la caisse (poche de rétraction éclatée), ou vers B. Tympanosclérose du promontoire.
le conduit auditif externe (à la surface de la peau), doit alerter
le chirurgien sur la possibilité d’évolution vers un
cholestéatome.

Otorrhée
L’otorrhée séromuqueuse ou séreuse itérative oriente vers un
dysfonctionnement tubotympanique. Dans ces cas, la perfora-
tion joue le rôle d’aérateur naturel et pourra être respectée. En
cas d’infection (otorrhée purulente), seule l’évolution et la
surveillance permettent de distinguer les infections endogènes,
des infections exogènes par une contamination externe (bai-
gnades). Ce sont elles qui nécessitent un traitement chirurgical.
Une otorragie, dans un contexte d’otite chronique, est le plus
souvent provoquée par un polype muqueux, sentinelle d’un
cholestéatome. Dans certains cas, il peut s’agir d’une tumeur du
conduit. Une otorrhée claire, pulsatile, synchrone au pouls,
chronique, avec altération de la peau du conduit auditif externe
doit évoquer un écoulement de liquide céphalorachidien
(otoliquorrhée). Le diagnostic positif de brèche ostéoméningée,
secondaire ou primitive, est établi par les examens
neuroradiologiques.

Lésions associées : séquelles et otites


chroniques évolutives
L’examen des lésions associées à la perforation, qui peuvent
par ailleurs évoluer indépendamment de toute perforation,
oriente les indications et les techniques chirurgicales.

Tympanosclérose et myringosclérose (Fig. 3)


Elle peut être limitée à la membrane tympanique par infiltra-
tion hyaline de la pars tensa (myringosclérose) et parfois se Figure 4. Poche de rétraction mobile lors de la manœuvre de Valsalva.
développer sous forme exubérante de part et d’autre de la A. Avant manœuvre de Valsalva.
perforation. Elle peut être étendue aux parois de la caisse du B. Après manœuvre de Valsalva.
tympan, au promontoire, avec ou sans fixation de la chaîne
ossiculaire. La fixation de la chaîne ossiculaire doit être évoquée
matériau de greffe et guide le geste chirurgical : s’agit-il d’une
lorsque le Rinne est plus important que ne le laisserait supposer
poche éclatée, ou d’une perforation simple ? La poche de
la taille de la perforation.
rétraction se caractérise par les éléments suivants :
• localisation : pars tensa ou pars flaccida ;
Rétraction (Fig. 4) • mobilité ou fixation à la manœuvre de Valsalva ou au
L’existence d’une rétraction tympanique, qui peut être le spéculum de Siegle ;
signe d’une otite chronique évolutive, oriente le choix du • infectée ou non ;

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Tympanoplasties ¶ 46-060

États-Unis au cours des années 1960 [2, 3] et introduites en


France par Deguine [4]. Elles représentent le matériau de greffe
le plus utilisé. L’aponévrose du muscle temporal est un tissu
facilement accessible, disponible en quantité suffisante, fiable et
résistant à l’anoxie. Son prélèvement se fait lors de la voie
d’abord dans la région sus-auriculaire. En cas de prélèvements
multiples, il peut être nécessaire de la prélever au niveau de la
partie haute du muscle temporal par une contre-incision
verticale supérieure ou de prendre l’aponévrose temporale
profonde. Le greffon doit être affiné et débarrassé de tout tissu
musculaire ou graisseux. Il est séché puis découpé au format
désiré. Il est humidifié avant sa mise en place.
L’utilisation d’aponévrose formolée, moulée ou non, a été
préconisée dans les années 1980.

Périchondre
Figure 5. Perforation avec myringite réactionnelle.
Ses avantages sont équivalents à ceux de l’aponévrose tempo-
rale, avec une manipulation plus facile liée à sa consistance [5].
• le contrôle du fond de la poche au microscope ou à l’endos- Le périchondre peut être utilisé seul ou associé au cartilage.
cope ;
• la présence de squames épidermiques, signant la perte des Graisse
propriétés autonettoyantes et l’évolution vers le choles- L’utilisation de la graisse dans la myringoplastie est directe-
téatome. ment liée à ses propriétés histologiques, métaboliques et
Ces caractéristiques sémiologiques vont permettre une sécrétrices. Il s’agit d’une technique ancienne [6, 7], récemment
appréciation de la maladie otitique, de ses facteurs évolutifs et remise à jour [8] . Elle se comporterait comme un greffon
déterminer les indications opératoires. autologue actif capable de stimuler la reconstruction de la
couche fibreuse après excision des tissus cicatriciels [9]. La graisse
Lésions ossiculaires
abdominale serait préférable à la graisse lobulaire. Le matériel
La présence d’une surdité de transmission de plus de 35 dB prélevé doit être suffisant, en un seul morceau sans être écrasé.
doit évoquer soit une interruption de la chaîne, soit une Il est placé en « bouchon de champagne » au travers de la
fixation ossiculaire ou ligamentaire. perforation dont les berges sont avivées et désépidermisées. Les
résultats sont satisfaisants à condition de respecter les indica-
Lésions muqueuses (Fig. 5) tions : taille de la perforation inférieure à 50 % de la membrane
En dehors d’un épisode de surinfection évidente, la présence tympanique, perforation non marginale (avec annulus et
d’une muqueuse inflammatoire ou hypertrophique, ou de marteau conservés), muqueuse de caisse saine, absence de
polypes au travers de la perforation doit inciter à la réserve dans myringite ou de tympanosclérose en contact avec la perforation,
l’indication opératoire. Il convient de rechercher une pathologie tympan non atrophique.
respiratoire associée (allergie, intoxication tabagique, polypose
Cartilage
nasale) à traiter avant tympanoplastie.
Si l’aponévrose temporale et le périchondre restent les
Cadre tympanique matériaux de référence, certaines situations cliniques telles que
les oreilles atélectasiques, les rétractions et les perforations
La lyse du cadre tympanique caractérise les perforations
récidivantes constituent un défi pour le chirurgien [10]. Dans ces
marginales, potentiellement dangereuses et pouvant évoluer
cas, l’aponévrose et le périchondre ont tendance à s’atrophier et
vers un cholestéatome, dont le traitement est plus complexe. La
le cartilage représente une alternative par sa rigidité et sa
présence de l’annulus définit les perforations non marginales,
résistance à la résorption. Il était peu utilisé en raison des
de bon pronostic.
réserves que suscitait sa rigidité, mais des études comparatives
Conduit auditif externe sur de grandes séries [11-13] ont montré que les résultats auditifs
étaient identiques à ceux obtenus par greffe d’aponévrose ou de
Les otites externes associées à une perforation devraient être périchondre. De plus, en fonction du site du prélèvement, le
traitées avant tympanoplastie afin de permettre une cicatrisation cartilage peut être plus ou moins épais. Au niveau de la conque
dans les meilleures conditions. Le calibre du conduit permet de ou de la fossette triangulaire du pavillon, il est plus fin qu’au
prévoir la voie d’abord et d’anticiper la nécessité d’un alésage ou niveau du tragus et son utilisation permet la réalisation de
du relèvement de la peau antérieure. tympanométries pouvant être utiles dans le cadre de la sur-
veillance postopératoire [13]. Pour certains auteurs, l’épaisseur de
Imagerie la greffe cartilagineuse conditionne le résultat fonctionnel [14].
La seule réserve que l’on puisse retenir concerne la surveillance
En cas de perforation simple, isolée, l’imagerie n’est pas
otoscopique d’un éventuel cholestéatome derrière une mem-
nécessaire. La réalisation d’un scanner en coupes fines axiales et
brane opaque. Mais cette réserve ne résiste pas à l’ordre des
coronales peut être discutée en cas de syndrome malformatif, de
priorités dans la prise en charge de l’otite chronique : d’abord
surdité neurosensorielle associée ou en présence d’une surdité
guérir ou stabiliser le patient, ensuite le surveiller.
de transmission supérieure à 35 dB, qui évoque une atteinte de
Une variante de la greffe par cartilage est la combinaison
la chaîne ossiculaire [1]. Le scanner est souhaitable en cas de
cartilage-périchondre [15].
poche de rétraction ou de cholestéatome.
Les résultats fonctionnels sont identiques à ceux obtenus par
greffe d’aponévrose, mais l’avantage est de pouvoir garder la
■ Matériaux partie nourricière du cartilage et d’utiliser le périchondre pour
positionner et stabiliser la greffe par rapport au marteau et sur
l’annulus. La cohésion entre le périchondre et le cartilage
Matériaux utilisés pour le greffon permet de conserver une rigidité optimale au greffon. Chez
tympanique l’enfant, certains auteurs recommandent ce matériau en pre-
mière intention [16].
Aponévrose temporale Eavey [17] a décrit la technique du cartilage « papillon »
Les greffes d’aponévrose temporale (improprement appelée (cartilage butterfly technique), utilisable pour les petites perfora-
« fascia ») ont été décrites simultanément en Europe et aux tions sèches non marginales. Son intérêt est d’éviter toute

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 6. Ossiculoplastie par autogreffe d’enclume.


A. Montage type II. L’enclume peut être positionnée parallèlement ou perpendiculairement au manche du marteau.
B. Montage type III, fraisage de l’enclume. La longue apophyse est affinée ; la courte apophyse est aplatie pour être positionnée sous la surface tympanique.
C. Montage type III, positionnement de l’enclume. 1. Les dimensions de l’enclume correspondent à la hauteur entre la platine et le cadre tympanique ; 2. la
pression entre l’enclume et la platine est ajustée par rotation sur son grand axe. L’utilisation du marteau peut permettre de stabiliser la columelle.

Figure 7. Exemples de prothèses ossiculaires.


A. Exemples de différentes formes et matériaux. a. Prothèse titane ; b. prothèse titane composite ; c. prothèses partielle et totale hydroxyapatite ; d. prothèses
hydroxyapatites composites.
B. Prothèse titane partielle à gabarit.

incision, en positionnant une pièce de cartilage taillée en forme Ossiculoplasties par prothèses synthétiques (Fig. 7)
de diabolo et placée à cheval dans l’épaisseur de la membrane
tympanique. Si la technique est simple, elle ne permet pas un Un excellent historique des matériaux a été fait par Yung [22].
contrôle précis des bords de la perforation. Les résultats Nous avons retenu les dernières évolutions, d’utilisation
anatomiques et fonctionnels seraient comparables aux classiques courante et fiable [23].
greffes en sous-fibreux [18, 19]. Hydroxyapatite
Allogreffes et hétérogreffes Les prothèses en hydroxyapatite ont été introduites par Grote
en 1981 [24, 25] et popularisées par Wehrs quelques années plus
La littérature a été abondante sur l’utilisation de greffes
tard [26]. Leur biocompatibilité est excellente et leur densité les
d’origine humaine [20] ou animale (Parmatymp ® ). La liste
rend comparables à un osselet. L’hydroxyapatite est recouverte
limitative des biomatériaux d’origine animale dont l’utilisation
par la muqueuse et s’intègre à la face profonde de la membrane
est autorisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des
tympanique. Elle est stable au cours du temps, même en cas
aliments et produits de santé (AFSSAPS) est disponible sur le site
d’épisodes infectieux itératifs. L’utilisation de cartilage interposé
http : //recherche.sante.gouv.fr ; aucun matériau susceptible de
entre la tête de la prothèse et la greffe tympanique a été
remplacer une membrane tympanique ou une chaîne ossiculaire
largement débattue. Si elle n’est pas strictement indispensable
n’y figure.
en cas d’oreille saine et stable, elle est utile lors de poussées
inflammatoires à répétition et en présence d’une rétraction
Matériaux utilisés pour la columelle tympanique homo- ou controlatérale [27]. L’interposition de
cartilage ne compromet pas le résultat fonctionnel et réduit le
Ossiculoplastie par autogreffe (Fig. 6) risque d’extrusion [28]. Ces prothèses peuvent se combiner avec
L’utilisation d’un des osselets du patient pour restaurer la d’autres matériaux pour permettre plus facilement leur adapta-
columelle représente une situation favorable. En général, c’est tion (pied souple, articulation métallique) et existent sous
l’enclume qui est disponible ; elle peut être utilisée pour un différentes formes.
montage étrier-tympan (type II) ou platine-tympan (type III), en
Titane
fonction de la longueur de la longue apophyse. Sa masse, sa
forme et sa biocompatibilité en font un matériau de choix. Son Les premières publications sur les prothèses ossiculaires en
ajustement se fait par fraisage et l’irrigation continue est titane sont apparues en 1996 [29]. Leur intérêt a été confirmé par
importante pour éviter les brûlures osseuses qui seraient de nombreux auteurs [30-34]. Il s’agit d’un métal parfaitement
préjudiciables à sa durée de vie [21]. D’autres types d’autogreffes biocompatible, léger et rigide. Toutefois, les différentes formes
peuvent être utilisables : la tête du marteau, une pièce de des prothèses disponibles témoignent de la difficulté à trouver
corticale mastoïdienne, une pièce de cartilage. la plus adaptée. Au contraire de l’hydroxyapatite, l’interposition

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Tympanoplasties ¶ 46-060

Figure 8. Reconstruction du cadre tympanique


par greffon ostéopériosté.
A. Lyse du cadre tympanique, avant reconstruc-
tion par greffon ostéopériosté.
B. Un an après reconstruction : le greffon s’est
inclus à l’os du conduit auditif externe.

de cartilage entre la prothèse et le tympan est indispensable


pour éviter l’extrusion [35]. La masse très faible de ces prothèses
les avantage en cas de fragilité ossiculaire (platine, étrier). Le
résultat dépend étroitement de la longueur de la prothèse, qui
détermine la force d’appui. L’utilisation de gabarits permet un
ajustement précis en hauteur (Kurz®). La tension adéquate peut
être trouvée en positionnant le pied de prothèse (platine ou
étrier), puis en la basculant du bas vers le haut sous le greffon
tympanique. Les prothèses de titane sont de plus en plus
utilisées, et représentent un standard qualitatif pour les prothè-
ses ossiculaires actuelles.

Matériaux utilisés pour la reconstruction


atticale ou osseuse
Bien que nous ayons exclu de ce chapitre les techniques
chirurgicales du cholestéatome et des poches de rétraction, il a
semblé nécessaire d’évoquer les techniques de reconstruction de
l’attique ; en effet, celle-ci est essentielle pour éviter la rétraction Figure 9. Voie du conduit et tracé du lambeau.
tympanique au niveau de l’épitympan.

Cartilage de la perforation, lorsque aucun geste osseux mastoïdien n’est


nécessaire. Le spéculum utilisé doit être de diamètre maximal.
Le cartilage est disponible en large quantité, au niveau du L’incision est arciforme parallèle à l’annulus en regard de la
tragus et de la conque. La conservation du périchondre permet perforation et prolongée par deux contre-incisions afin de
de l’ajuster étroitement au defect osseux et nourrit le cartilage. pouvoir relever le lambeau tympanoméatal. La rotation de la
C’est un matériau de choix. tête du patient associée aux variations d’incidence du micro-
scope améliorent l’exposition antéropostérieure ; la position
Os cortical mastoïdien (Fig. 8) déclive permet d’exposer en particulier la région de la fenêtre
Le prélèvement s’effectue à la gouge plate dans la région ovale.
mastoïdienne, à distance de la mastoïdectomie. L’os est dispo-
nible en grande quantité. La conservation du périoste ajoute de Voie endaurale de Shambaugh (Fig. 10)
la cohésion au copeau osseux et permet sa nutrition. Utilisé Les régions intertragohélicéenne et postérosupérieure du
avec le périoste, ce greffon peut se souder au conduit auditif et conduit sont exposées à l’aide d’un spéculum de Killian. Le
constituer un obstacle stable et solide à la rétraction tympani- conduit auditif externe est incisé jusqu’au plan osseux dans
que. La tolérance est excellente. l’axe du conduit entre les lames du spéculum, le long du toit du
conduit. Puis l’incision devient plus superficielle, en avant du
Matériaux composites pavillon, pour exposer le plan aponévrotique vers le haut. Une
Divers matériaux artificiels ont été utilisés pour reconstruire deuxième incision parallèle à l’annulus est réalisée, se prolon-
le mur de l’attique, avec plus ou moins de succès. L’apparition geant vers les tissus sous-cutanés à la partie postérosupérieure
du titane a fait naître de nouveaux espoirs [36, 37] mais ceux-ci du conduit. Le lambeau cutané triangulaire inférieur doit alors
méritent d’être confirmés par l’observation à long terme. être ruginé en une pièce, exposant l’épine de Henle et la zone
criblée rétroméatique. Deux écarteurs autostatiques sont mis en
place, permettant le maintien du lambeau et l’écartement du
■ Techniques chirurgicales méat acoustique externe. Cette voie d’abord offre une bonne
visibilité de la membrane tympanique et du rétrotympan et
permet un bon éclairage. Le prélèvement d’aponévrose tempo-
Voies d’abord rale ou de cartilage tragal ainsi que la réalisation d’une antro-
On distingue trois voies d’abord principales qui seront tomie ou d’une méatoplastie sont possibles. Certains auteurs
décrites successivement. Le choix doit être adapté au geste à ont proposé d’étendre l’incision en contournant le pavillon.
effectuer ; il est important de connaître ces trois voies et de les
réaliser selon un protocole rigoureux. Bien que des variantes Voie rétroauriculaire (Fig. 11)
aient été proposées par différents auteurs, nous limitons la
L’incision est réalisée quelques millimètres en arrière du sillon
description aux techniques de référence.
rétroauriculaire. Elle est arciforme à charnière antérieure et
permet de rabattre le pavillon vers l’avant. Elle concerne le tissu
Voie du conduit ou voie transméatale (Fig. 9) cutané et sous-cutané jusqu’au muscle rétroauriculaire qui doit
Elle peut être utilisée lorsque les conditions anatomiques le être identifié et respecté. Chez le nourrisson, cette incision ne
permettent : conduit auditif externe large, bonne visualisation doit pas descendre plus bas que l’horizontale passant par la

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-060 ¶ Tympanoplasties

La meilleure technique dépend plus de la maîtrise par le


chirurgien que des facteurs extrinsèques [38, 39].

Greffe d’aponévrose ou de périchondre


extrafibreuse (Fig. 13)
L’incision arciforme dans le conduit doit être suffisamment
postérieure (à 4 mm de l’annulus) pour faciliter le décollement
cutané et épidermique à la surface du tympan [40]. Une incision
antéropostérieure de la couche épidermique part du bord de la
perforation vers l’annulus, et se poursuit sur la peau de la paroi
du conduit auditif externe. Les bords de la perforation sont
respectés. Ils s’évaginent lors du décollement de la couche
cutanée permettant l’ablation d’une éventuelle épidermisation
de la face interne du tympan. La dissection est menée en
gardant un contact osseux, en dehors de l’annulus et en
effectuant une pression suffisante sur la fibreuse. L’ensemble de
la membrane tympanique peut ainsi être décollé afin d’exposer
la perforation. Le calibre de la canule d’aspiration (0,7 mm) doit
être choisi pour soulever le lambeau épidermique sans le
déchirer. La dissection est parfois difficile au niveau de la zone
des ligaments tympanomalléaires : le plan est retrouvé en avant
du ligament tympanomalléaire après section des adhérences au
contact de la courte apophyse du marteau. La continuité et la
mobilité de la chaîne ossiculaire sont vérifiées. La greffe, affinée
et séchée, est taillée à la dimension de la perforation. Elle est
mise en place sur la face externe de la couche fibreuse après
humidification. Les lambeaux cutanés sont replacés sur la greffe
Figure 10. Voie endaurale de Shambaugh.
et maintenus par des pansements résorbables (Merogel ® ,
A. Incision intertragohélicéenne.
Curaspon® ou équivalent). Il faut éviter de faire remonter la
B. Écartement des berges.
greffe sur l’angle antérieur pour éviter un comblement et une
C. Contre-incision postérieure.
D. Rugination du lambeau postérieur.
latéralisation. Les plaques de tympanosclérose, pourvu qu’elles
ne fixent pas la chaîne, servent de support à la greffe. Si elles
sont marginales, on vérifie avec attention leur face profonde,
limite inférieure du conduit auditif externe afin de ne pas susceptible d’être recouverte d’épiderme.
endommager le nerf facial à sa sortie du rocher. Le lambeau La position de la greffe par rapport au manche du marteau
périosté doit respecter le muscle temporal, et se prolonger en dépend de la taille de la perforation. Lorsque le manche du
avant le long de l’arcade zygomatique. Vers le bas, il s’étend marteau est recouvert de fibreuse jusqu’à son tiers inférieur, la
jusqu’à la pointe de la mastoïde. Il doit être d’autant plus greffe est placée sur le manche. Lorsque la perforation dépasse
postérieur que le geste mastoïdien associé est important. Ce
le tiers du manche, on peut réaliser une technique mixte, en
lambeau périosté est ensuite récliné vers l’avant, permettant
plaçant le greffon sous le manche et sur les vestiges tympani-
l’exposition de la corticale mastoïdienne et du conduit auditif
ques désépidermisés. L’absence de support antérieur, en cas de
externe. L’abord rétroauriculaire est complété par la section du
perforation marginale, nécessite la réalisation d’un néosulcus
conduit à l’union de son tiers interne et de ses deux tiers
externes. La section du conduit au ras du méat expose au risque après relèvement partiel de la peau antérieure du conduit.
d’inclusion cutanée dans la cavité mastoïdienne lors de la Lorsque l’umbo est adhérent au promontoire, la section du
cicatrisation et son épaisseur peut être gênante pour la tensor tympani peut permettre de ménager un espace suffisant ;
dissection. toutefois, ce geste est dangereux lorsque la chaîne est complète ;
dans ce cas, il est préférable de placer le greffon sur le manche.
Exposition de l’angle tympanoméatal antérieur La technique extrafibreuse est de réalisation difficile, mais
(Fig. 12) respecte l’anatomie normale de la membrane tympanique et la
ventilation de la caisse du tympan (Fig. 14, 15).
Lorsque la paroi antérieure du conduit auditif externe est
bombante, l’exposition de l’angle antérieur peut nécessiter
l’alésage du conduit. La peau est relevée à partir du bord Greffe d’aponévrose ou de périchondre
antérieur de la perforation, ou déposée à partir d’une incision sous-fibreuse (Fig. 16)
semi-circulaire latérale. L’alésage du conduit doit être réservé Après réalisation du lambeau tympanoméatal, l’annulus est
aux cas difficiles, lorsque la voie d’abord réalisée dans les soulevé dans sa moitié postérieure, rendant accessible la face
meilleures conditions reste insuffisante. Il ne doit pas être
profonde du tympan. Le greffon est positionné sous le vestige
systématique.
tympanique, en regard de la perforation et maintenu en
Indications des voies d’abord profondeur par des pansements résorbables. L’exérèse des bords
de la perforation doit être soigneuse, afin d’éviter l’inclusion de
La voie du conduit peut être utilisée lorsque la chirurgie est débris épidermiques à la face profonde du tympan. La position
limitée au tympan (petite perforation) ou à la caisse (ablation par rapport au manche du marteau dépend de la taille de la
d’une perle épidermique, ossiculoplastie). perforation. Lorsqu’elle dépasse la moitié de la surface tympa-
La voie de Shambaugh est utilisée pour la chirurgie tympano-
nique, il est recommandé de positionner la greffe superficielle-
ossiculaire, lorsqu’il n’y a pas de geste mastoïdien envisagé.
ment au manche du marteau, sur sa partie inférieure. La
La voie rétroauriculaire est privilégiée lorsqu’on envisage une
technique sous-fibreuse est de réalisation plus simple mais
chirurgie tympanique associée à un geste mastoïdien.
expose au risque d’accolement du greffon sur la paroi interne de
la caisse. Le maintien en profondeur par des pansements
Dissection et position du greffon résorbables réduit ce risque, mais diminue la ventilation de la
Les deux principales techniques de mise en place du greffon caisse. L’utilisation de boutonnières transtympaniques réduit cet
ont leurs adeptes. inconvénient, au prix d’une complexité supplémentaire.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


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Figure 11. Voie rétroauriculaire.


A. Tracé de l’incision.
B. Lambeau périosté.
C. Exposition de la mastoïde.
D. Exposition et section du conduit auditif externe.
E. Exposition de la membrane tympanique.
F. Vue par voie rétroauriculaire.

Greffe de cartilage (Fig. 17, 18) Principes de la restauration columellaire


Le cartilage solidaire du périchondre est découpé à la taille du La restauration de la columelle peut se faire à partir de la tête
tympan. Une collerette de périchondre est isolée sur le pourtour de l’étrier (type II) ou de la platine (type III).
du greffon, pour permettre son application sur le reliquat Les règles de reconstruction sont édictées à partir de principes
annulaire. Une encoche cartilagineuse est réalisée à la partie physiques et théoriques, issus d’études expérimentales notam-
supérieure du greffon, aménageant un espace libre pour le ment au moyen du laser vibromètre [44-49] et de l’expérience
marteau, qui supportera la greffe dans sa partie médiane. La
d’équipes chirurgicales réputées. Toutefois, les résultats restent
greffe est posée superficiellement sur le marteau et l’annulus.
conditionnés par l’évolution de la maladie otitique [50].
Les lambeaux épidermiques sont remis en place à la surface du
périchondre et maintenus par des pansements résorbables [41].
En cas de cholestéatome extensif envahissant largement l’atti- Données expérimentales
que, certains auteurs préconisent l’ablation du marteau [42]. Une D’après Nishihara [51], les éléments suivants sont détermi-
variante peut être réalisée en utilisant un cartilage affiné, nants :
recouvert ensuite d’aponévrose ou de périchondre, ou en • Importance de la masse : au-dessous de 900 Hz, les prothèses
positionnant le cartilage sous la couche fibreuse, sans dissection de masse plus importantes entraînent les pertes les plus
épidermique [12]. Dans la technique des palissades de Heer- faibles. Pour les fréquences plus aiguës, le gain est meilleur si
mann [43], des languettes de cartilages sont accolées les unes aux la prothèse est plus légère
autres et recouvertes par un périchondre superficiel. • Importance du point de contact : le résultat est d’autant
meilleur que la prothèse entre en contact avec le tympan
Greffe adipeuse près de l’umbo. Toutefois, une trop forte angulation
Aucune incision n’est nécessaire, en dehors de l’avivement fait perdre de l’efficacité à la transmission. Pour Asai,
des berges de la perforation. L’intervention est menée au les meilleurs résultats sont obtenus lorsque le pied de
microscope ou à l’endoscope [8]. Le greffon est placé de part et prothèse est situé à la partie antérieure ou médiane de
d’autre de la perforation, en « bouchon de champagne ». la platine [52].

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46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 12. Exposition de l’angle tympanoméa-


tal antérieur.
A. Vue en coupe d’un conduit normal.
B. Axe de vision obtenu par voie endaurale.
C. Mauvaise exposition par voie endaurale : les
parties molles sont insuffisamment réclinées.
D. Bonne exposition par voie endaurale.
E. Le fraisage de l’épine de Henlé permet de visua-
liser correctement l’angle antérieur.

• Importance de l’angle de contact : la transmission optimale Gestes associés


est obtenue lorsque l’angle de contact entre le plateau d’une
prothèse et le tympan permet d’obtenir une plus large surface Mastoïdectomie
d’appui sur la membrane tympanique.
• Importance de la tension : en dessous de 1 000 Hz, les La réalisation d’une mastoïdectomie lors d’une tympanoplas-
tensions faibles donnent de meilleurs résultats. Au-dessus tie est sujette à controverse. La Société française d’oto-rhino-
de 3 kHz, ce sont les tensions élevées qui donnent de laryngologie et de chirurgie de la face et du cou a émis une
meilleurs résultats. La tension de la prothèse doit être recommandation concernant l’enfant : « La mastoïdectomie
équilibrée par rapport à sa masse, pour éviter une pénétra- n’est pas recommandée dans les perforations tympaniques
tion intravestibulaire. Pour Morris [49], la tension ne doit simples de l’enfant » [1] . Il n’y a pas de recommandation
pas être élevée. officielle pour l’adulte. Toutefois, McGrew [53] a montré l’intérêt
que pourrait avoir la mastoïdectomie sur l’évolution naturelle
Données cliniques de la maladie otitique. D’après cet auteur, la mastoïdectomie
réduirait le risque de reprise chirurgicale, alors que les résultats
L’utilisation du marteau, lorsqu’il existe, permet de stabiliser anatomiques sont identiques à court terme.
la prothèse. Deux techniques sont possibles : la constitution L’intérêt potentiel de la mastoïdectomie serait de :
d’une encoche sur la columelle ou le positionnement parallèle • réduire l’effet des modifications de pression de l’oreille
au manche du marteau. Lorsque celui-ci est très antérieur, ou moyenne sur la membrane tympanique liées aux gaz anes-
horizontalisé, il est préférable de placer la prothèse parallèle thésiques ou aux efforts de toux en peropératoire ;
pour éviter une luxation sur le promontoire. • permettre un effet tampon des troubles pressionnels dus aux
La longueur du pied de prothèse détermine sa tension sur la dysfonctionnements transitoires de la trompe d’Eustache ;
platine ou l’étrier. L’expérience du chirurgien joue un rôle • supprimer un foyer inflammatoire chronique ;
important dans l’évaluation de cette tension. • rétablir la perméabilité antrotympanique ;
Il est admis que l’interposition de cartilage est indiquée • s’assurer de l’absence de pathologie évolutive (découverte
lorsqu’il existe une tendance à la rétraction et elle est indispen- fortuite d’un cholestéatome).
sable pour les prothèses en titane. La longueur de la prothèse Ces avantages doivent être mesurés au regard des risques
doit être adaptée en fonction de l’épaisseur du cartilage. La relatifs de l’acte opératoire complémentaire. En cas de choles-
création d’une microcavité en regard du plateau, sur la face téatome ou de poche de rétraction, la réalisation d’une épitym-
profonde du cartilage, contribue à la stabiliser. L’équilibre final panotomie antérieure et/ou d’une tympanotomie postérieure
du montage dépend de la bonne adéquation entre la longueur (technique fermée), voire d’un abaissement du conduit auditif
de la prothèse, sa position et sa masse et elle peut être provi- externe (technique ouverte) peut s’imposer. Le cophochirurgien
soirement maintenue par des éponges résorbables ou de la colle doit être prêt à cette éventualité et maîtriser ces techniques
biologique. chirurgicales.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


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Figure 13. Technique de mise en place extrafibreuse.


A. Incision médiane.
B. Désépidermisation.
C. Décollement des lambeaux épidermiques.
D. Préparation du lit de greffe.
E. Positionnement du greffon.
F. Remise en place des lambeaux épidermiques.

Endoscopie de la complication d’une otite externe chronique. La réduction


de la surface vibrante qui en résulte diminue l’audition.
L’endoscopie n’est pas d’usage systématique. Elle peut être
La latéralisation de la membrane tympanique correspond à
utile pour observer la face profonde du tympan ou les zones
un déplacement de la surface vibrante en dehors du plan
difficilement visibles au microscope. Elle a remplacé l’usage des
annulaire. La partie profonde peut être ventilée ou au contraire
miroirs de Zini pour l’examen du rétrotympan. Enfin, elle peut
remplie d’un tissu fibreux cicatriciel ; dans certains cas, cette
se substituer au microscope pour les greffes adipeuses.
cicatrice fibreuse peut contenir de l’épiderme, constituant un
véritable cholestéatome du conduit auditif externe. La latérali-
Monitoring peropératoire du nerf facial sation du tympan entraîne une altération de l’audition par perte
Dans les tympanoplasties simples de première intention, sans de contact avec la chaîne ossiculaire, et par l’obstacle qu’elle
geste mastoïdien, son utilisation reste marginale. En cas de constitue à la transmission de l’onde sonore.
révision chirurgicale, ou lorsqu’un geste osseux est prévisible, La latéralisation est le plus souvent rencontrée lorsqu’il
l’utilisation du monitoring facial peut se discuter en fonction existait une lyse du marteau, rendant l’ancrage de la greffe
des conditions anatomiques, de la pathologie à traiter et de la insuffisant, ou lorsque les lambeaux cutanés n’ont pas permis
technique chirurgicale utilisée. Il ne peut se concevoir qu’en l’amarrage de la greffe sur la surface annulaire restante. Elle peut
complément d’une bonne connaissance de l’anatomie de être favorisée par le comblement de l’angle antérieur.
l’oreille moyenne. Le traitement de cette complication est difficile et souvent
décevant. Le meilleur traitement est préventif et repose sur les
Complications règles suivantes :
• préservation et repositionnement minutieux de la peau du
conduit auditif externe, en particulier lorsqu’elle aura été
Comblement de l’angle antérieur et latéralisation
relevée sur la paroi antérieure ;
(Fig. 19)
• pas d’alésage systématique du conduit osseux. Cet alésage
Le comblement fibreux ou blunting des auteurs anglo-saxons devrait être réservé aux cas où l’exposition de l’angle anté-
s’observe le plus souvent à la suite d’une intervention chirurgi- rieur est insuffisante : conduit sténotique, bombement
cale. Plus rarement, il s’agit d’une malformation congénitale ou important de la paroi antérieure, exostose ;

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 14. Fraisage d’un néosulcus.


A. En cas de procidence du conduit, associée ou non à un défaut de support fibreux antérieur, la partie inférieure de la peau du conduit auditif externe est
relevée en dehors.
B. Le fraisage progressif de la paroi du conduit permet de constituer un néosulcus à la partie médiale, qui servira au support de la greffe en avant.
C. La greffe est appliquée sur le rebord ainsi constitué. Il faut éviter de la faire remonter sur la paroi antérieure, afin d’éviter une latéralisation ou un comblement
de l’angle antérieur. Elle repose en arrière sur la paroi postérieure du conduit, et en bas sur les vestiges tympaniques. S’il s’agit d’une perforation totale, elle est
placée sous le manche du marteau.
D. La peau est soigneusement réappliquée sur le greffon.
E. Elle est maintenue par des pansements résorbables.

Figure 15. Résultat opératoire de greffe extrafi-


breuse.
A. Perforation antérieure.
B. Cicatrisation 1 an après intervention.

• respect de l’annulus fibreux à sa partie antérieure ; celui-ci rebord osseux (néosulcus) dans le plan tympanique permet
constitue un support nécessaire et suffisant pour l’applica- de constituer une surface d’appui pour l’application de la
tion d’une greffe. Si l’annulus est absent, le fraisage d’un greffe ;

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Tympanoplasties ¶ 46-060

Figure 16. Technique sous-fibreuse.


A. Exposition de la membrane tympanique.
B. Relèvement de la partie postérieure du tympan après désinsertion de l’annulus.
C. Mise en place du greffon sous le vestige tympanique, sous le marteau.
D. Le greffon pourra être placé à la superficie du manche du marteau, après dépériostage, afin d’assurer un maintien médial.
E. Remise en place du lambeau postérieur et pansements résorbables. Des pansements peuvent être positionnés sous la greffe, dans la caisse du tympan, afin
d’assurer le soutien de la greffe sous la membrane tympanique.

• application de la greffe en commençant par sa partie anté- réaction gigantocellulaire, laissant suspecter une réaction à
rieure, sur l’annulus (ou le néosulcus), le bord ne remontant corps étranger, notamment au talc des gants chirurgicaux.
pas sur la paroi osseuse antérieure. La partie postérieure est Lorsqu’elle apparaît à distance du geste opératoire, elle peut
ensuite étalée sur la partie postérieure du conduit osseux ; être satellite d’une pathologie sous-jacente de l’oreille
• ancrage de la greffe sur la chaîne ossiculaire. En présence moyenne et notamment d’un cholestéatome iatrogène ou
d’un manche du marteau rétracté vers le promontoire, la résiduel. Son traitement est difficile et repose sur une éviction
greffe peut être appliquée sous sa face interne. aquatique stricte et l’application de gouttes auriculaires à base
Lorsque la greffe tympanique latéralisée apparaît correctement d’anti-inflammatoires et d’antiseptiques.
ventilée, il est possible de pratiquer une ossiculoplastie directe-
ment à son contact. Les résultats sont souvent partiels et
Récidive de perforation
instables.
Les tentatives de repositionnement du tympan sur le marteau Lorsqu’elle est précoce (dans les 3 mois postopératoires) elle
ou sur l’annulus sont souvent vouées à l’échec. La greffe de peut être imputable à la technique opératoire. Les reperforations
cartilage total, solidement amarrée au cadre tympanique, sont favorisées par le manque d’expérience du chirurgien, l’état
complétée par des greffes libres de peau, offre quelques chances inflammatoire de la muqueuse de l’oreille moyenne [54] ou les
de succès. événements indésirables périopératoires (toux, aspiration
violente, infection). Une reperforation plus tardive peut témoi-
Myringite gner d’une pathologie sous-jacente de l’oreille moyenne évolu-
Cette inflammation, le plus souvent isolée au niveau de la tive ou survenir après un épisode otitique aigu, notamment
greffe mais pouvant s’étendre à toute la membrane tympani- chez l’enfant [54]. Une reprise chirurgicale peut s’imposer alors
que, est visible en général dès les premières semaines posto- en modifiant la technique opératoire ou en utilisant un maté-
pératoires. De nombreux facteurs ont été incriminés, tels riau de greffe plus solide (périchondre, cartilage). Il faut savoir
qu’un dégraissage insuffisant du matériau de greffe ou cependant respecter certaines reperforations paucisymptomati-
l’éversion de la muqueuse à la face externe de la greffe ques, ces dernières pouvant être considérées comme des aéra-
positionnée sous la fibreuse, entretenant une réaction inflam- teurs naturels nécessaires au maintien de la ventilation de
matoire chronique. L’examen histologique peut montrer une l’oreille moyenne.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 17. Greffe cartilagineuse.


A. Exposition de la perforation.
B. Dissection extrafibreuse : l’épiderme est disséqué de la couche fibreuse, suivant la même technique que pour une greffe d’aponévrose temporale.
C. Préparation du greffon périchondrocartilagineux : le cartilage est taillé à la dimension de la perforation. Le périchondre est laissé solidaire du cartilage sur
une face, à la dimension de la membrane tympanique. Il viendra se reposer sur les vestiges fibreux. Une encoche ménage de la place pour le marteau. La face
profonde du périchondre est retirée.
D. Le greffon est placé au niveau de la perforation. Le périchondre recouvre le marteau et les vestiges fibreux.
E. Les lambeaux épidermiques sont remis en place à la superficie du greffon.
F. Il est aussi possible de positionner le greffon sous les vestiges tympaniques. Dans ce cas, il est conseillé de le maintenir par des pansements résorbables placés
à sa face médiale.

Figure 18. Résultat d’une greffe cartilagineuse.


A. Vue préopératoire.
B. Vue postopératoire.

Perles épidermiques (Fig. 20) visibles à la consultation postopératoire précoce, elles imposent
Les perles épidermiques constituent de véritables cholestéato- le contrôle otomicroscopique systématique 1 an après l’inter-
mes iatrogènes qui se développent à partir de reliquats épider- vention. Leur exérèse peut se faire lors de la consultation de
miques inclus sous la greffe. Elles sont observées dans 4 à 5 % contrôle (perles superficielles), ou lors d’une révision chirurgi-
des cas, quelle que soit la technique utilisée [40] . Elles se cale (perles profondes). Leur prévention passe par un décolle-
présentent généralement sous la forme d’un kyste sphérique ment minutieux de l’épiderme (pour la technique extrafibreuse)
blanc nacré, d’où le nom de perle ou parfois de squames et par la remise en place précise des lambeaux en fin
diffuses visibles dans la caisse par transparence. Rarement d’intervention.

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Tympanoplasties ¶ 46-060

Figure 19. Latéralisation et comblement de l’angle antérieur.


A. Tympan latéralisé.
B. Latéralisation et comblement.

Figure 20. Perle tympanique superficielle.


A. Perle épidermique superficielle.
B. Après ablation tympan normal.

Atteintes neurosensorielles ■ Prise en charge des patients


La labyrinthisation postopératoire prédomine sur les fréquen-
ces aiguës ; elle peut être due à la mobilisation intempestive de Recommandations officielles
la chaîne ossiculaire, en particulier de l’étrier, lors de la
dissection tympanique. Elle peut également avoir été provoquée La Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie
par le bruit du fraisage, de l’aspiration ou par un traumatisme cervicofaciale a publié les recommandations officielles dans le
direct (contact accidentel de la fraise avec la chaîne, mobilisa- « Traitement chirurgical des perforations tympaniques de
tion instrumentale excessive). L’existence de vertiges postopéra- l’enfant » [1].
toires associés évoque une labyrinthite imposant un traitement En voici quelques extraits, qui doivent être replacés dans leur
médical immédiat. Si l’intervention a nécessité une restauration texte originel :
columellaire, l’effraction labyrinthique par fracture platinaire ou • âge : n’intervenir, sauf cas particulier, qu’à partir de l’âge de
rupture du ligament annulaire est probable et impose une 6 ans ;
révision chirurgicale immédiate. • données otoscopiques : n’opérer, sauf cas particulier, que des
oreilles asséchées depuis plus de 3 mois ;
Sténose et synéchies du conduit auditif externe • durée : n’opérer qu’après une période de surveillance de
6 mois (voire 1 an en cas de perforation résiduelle après mise
Il s’agit d’une complication rare, liée à la constitution de en place d’un aérateur) ;
brides cutanées lors de la cicatrisation. Celles-ci sont prévenues • oreille controlatérale : surseoir à une fermeture tympanique
par la remise en place précise du lambeau, l’application soi- en cas d’otite séromuqueuse et/ou de rétraction tympanique
gneuse d’éponges résorbables en fin d’intervention et par un controlatérale évolutive ;
contrôle systématique du conduit au cours des suites immédia- • antécédents chirurgicaux : en cas d’échec préalable, n’envisa-
tes. Elles peuvent s’incrire dans le cadre de la maladie ger une réintervention qu’après recherche et traitement d’une
chéloïdienne. éventuelle cause favorisante, habituellement après un délai de
1 an ;
Paralysie faciale • terrain : la tympanoplastie n’est envisagée qu’une fois passé
le cap de la maladie d’adaptation ;
L’expérience du chirurgien et l’utilisation du monitoring • saison : pour les enfants allergiques, éviter d’opérer pendant
peropératoire du nerf facial dans certains cas sélectionnés la saison d’exposition allergénique ;
contribuent à réduire le risque de paralysie faciale postopératoire • critères auditifs : toute tympanoplastie doit être précédée
immédiate. Il existe des paralysies faciales différées (> 72 h) [55]. d’une audiométrie effectuée pour chaque oreille ;
Leur fréquence est estimée à moins de 2 % ; elles seraient dues • imagerie : pas d’indication en cas de perforation simple de
à une réactivation virale ou à une infection bactérienne du site première intention (sauf cas particuliers) ;
opératoire. Dans ces cas, le traitement antiviral curatif ou • mastoïdectomie : la mastoïdectomie n’est pas recommandée
préventif n’a pas fait la preuve de son efficacité. L’antibiothéra- dans le traitement des perforations tympaniques simples de
pie associée à une corticothérapie est recommandée. l’enfant. Sa réalisation ne doit être discutée que devant une
Elle doit être distinguée de la paralysie précoce liée à l’infil- muqueuse de fond de caisse inflammatoire ;
tration de Xylocaïne® qui récupère en 3 à 4 heures, et de la • antibiothérapie : chez l’enfant, il n’y a pas lieu d’envisager de
paralysie immédiate par traumatisme chirurgical dont la traitement local ou général systématique en préopératoire.
révélation peut être différée de quelques heures. En cas de Dans la période périopératoire, aucun argument scientifique
paralysie faciale immédiate persistant au-delà de quelques ne permet de préconiser ou de récuser une antibiothérapie.
heures, il faut envisager une exploration chirurgicale, précédée Enfin, le Collège français d’ORL insiste sur l’information
d’une imagerie en urgence. donnée au patient et diffuse des fiches de consentement

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-060 ¶ Tympanoplasties

Figure 21. Perforation traumatique avec invagination des lambeaux


épidermiques.

éclairé validées qui devraient être distribuées avant toute


intervention tympanique (http : //orl-france.org).

Indications
Séquelle stabilisée
La séquelle stabilisée correspond à une perforation sèche, de
taille constante, avec ou sans retentissement auditif. L’indica- Figure 22.
tion opératoire dépend de la plainte du patient, liée à l’hypoa- A, B. Tympanoplastie extrafibreuse : résultats anatomiques. Cas 1.
cousie ou aux infections itératives. Elle peut également se
justifier à titre préventif dans certains cas particuliers, par
exemple l’éradication d’un foyer infectieux potentiel ou pour
limiter le risque d’infection en cas d’appareillage auditif.

Otite chronique évolutive et otorrhée persistante


En cas d’otorrhée persistante, il est recommandé de traiter la
cause avant la perforation. Il peut s’agir d’une atteinte locoré-
gionale (rhinopathie chronique, fente palatine), d’un terrain
allergique, d’une maladie générale (syndrome de Fernand
Widal). La chirurgie tympanique en période d’otorrhée est
parfois nécessaire, lorsqu’une origine extérieure peut être
incriminée, provoquant une contamination externe itérative
(bains, manipulations locales, milieu professionnel empous-
siéré). Certaines perforations doivent être respectées, car elles
jouent le rôle d’aérateur naturel. L’examen de l’oreille controla-
térale apporte une information précieuse sur le terrain.

Perforation traumatique (Fig. 21)


La majorité des perforations traumatiques guérissent sponta-
nément et l’indication opératoire ne doit pas être posée avant
plusieurs mois de surveillance. Seule l’invagination de lambeaux
épidermiques vers le fond de caisse (blast auriculaire : explosion,
gifle) peut justifier un parage rapide, qui peut se faire en
consultation.
Les perforations par brûlure ou par plaie d’origine végétale
cicatrisent mal, avec ou sans intervention. Les perforations
d’origine barotraumatique peuvent être associées à une fistule
périlymphatique et la présence de vertiges ou d’une surdité
neurosensorielle doit faire évoquer ce diagnostic. Figure 23.
A, B. Tympanoplastie extrafibreuse : résultats anatomiques. Cas 2.

Résultats
Évaluation des résultats Résultat anatomique
Suivi Il s’apprécie sur l’état de la membrane tympanique, sa
position par rapport au cadre, son aspect et sa consistance
Il est classique d’évaluer le résultat immédiat d’une tympano-
(Fig. 15, 22, 23).
plastie 1 à 2 mois après l’intervention, mais l’évolution natu-
relle de la maladie otitique peut modifier ce résultat initial. On Résultat fonctionnel
prend donc pour référence l’observation à 1 an, délai minimal
nécessaire pour apprécier l’évolution locale. Toutefois, la La qualité du résultat auditif s’apprécie par la comparaison
surveillance doit être longue et s’il n’existe pas de consensus sur des audiogrammes tonaux pré- et postopératoires. Le gain
la durée de suivi, un contrôle à 5 ans semble souhaitable. moyen se définit par la différence des conductions aériennes.

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Tympanoplasties ¶ 46-060

■ Références
.

Les normes internationales [56] recommandent la formule


suivante :
CA postop ([500 + 1 000 + 2 000 +3 000]/4) - CA préop [1] Denoyelle F, Darrouzet V. Traitement chirurgical des perforations
([500+1 000+2 000+3 000]/4) tympaniques de l’enfant. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord) 2004;125:
Cette formule a été modifiée par Albu et al. [57] pour l’utiliser 3-16.
[2] Atkins J. Temporalis fascia used for closure of attic cavities and perfo-
à partir des audiogrammes ne mesurant pas la fréquence 3 kHz.
rations of the tympanic membrane. J Laryngol Otol 1964;78:124-7.
CA postop ([500 +1 000 + 2 000 (2 000 + 4 000)/2]/4) - CA [3] Sheehy JL. Tympanic membrane grafting: Early and long-term results.
préop ([500 + 1 000 + 2 000 (2 000 + 4 000)/2]/4) Laryngoscope 1964;74:985-98.
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Facteurs pronostiques Congrès Français ORL. Paris: Arnette; 1964.
[5] Goodhill V, Harris I, Brockman SJ. Tympanoplasty with perichondral
Il existe de nombreuses variables intervenant dans le pronos- graft. A preliminary report. Arch Otolaryngol 1964;79:131-7.
tic des tympanoplasties. Celles-ci ont été résumées par Black et [6] Jansen C. Cartilage-tympanoplasty. Laryngoscope 1963;73:1288-301.
al. [58], qui décrit la méthode « SPITE » prenant en compte les [7] Ringenberg JC. Closure of tympanic membrane perforations by the use
facteurs chirurgicaux (surgical), prothétiques (prosthesis), of fat. Laryngoscope 1978;88:982-93.
infectieux (infection), tissulaires (tissues) et tubaires (eustachian [8] Thomassin JM, Facon F, Gabert K. The effectiveness of otoendoscopy
tube). in myringoplasty using adipose graft. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac
• Chirurgie : les résultats dépendent de la complexité de la 2004;121:346-9.
procédure, de l’existence d’un échec préalable (reprise) et de [9] Ayache S, Braccini F, Facon F, Thomassin JM. Adipose graft: an origi-
nal option in myringoplasty. Otol Neurotol 2003;24:158-64.
l’importance de l’atteinte ossiculaire.
[10] Abou Mayaleh H, Heshiki R, Portmann D, Negrevergne M, Aidonis I,
• Prothèse : les résultats sont moins favorables en cas d’absence Robertson TC, et al. Cartilage shield tympanoplasty: a reliable techni-
de marteau ou d’étrier et lorsque le Rinne préopératoire est que. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord) 2005;26:838-41.
supérieur à 50 dB. [11] Dornhoffer J. Cartilage tympanoplasty: indications, techniques, and
• Infection : la présence d’une otorrhée ou d’une myringite est outcomes in a 1 000-patient series. Laryngoscope 2003;113:1844-56.
défavorable. [12] Dornhoffer JL. Hearing results with cartilage tympanoplasty.
• Tissus : la condition générale du patient et la présence d’une Laryngoscope 1997;107:1094-9.
muqueuse sécrétante, épaissie sont des facteurs de mauvais [13] Moore GF. Candidate’s thesis: revision tympanoplasty utilizing fossa
pronostic. triangularis cartilage. Laryngoscope 2002;112:1543-54.
[14] Murbe D, Zahnert T, Bornitz M, Huttenbrink KB. Acoustic properties
• Trompe d’Eustache : l’existence d’un épanchement ou d’une
of different cartilage reconstruction techniques of the tympanic mem-
rétraction tympanique est défavorable. brane. Laryngoscope 2002;112:1769-76.
On ne peut toutefois pas limiter le pronostic à ces éléments [15] Gerber MJ, Mason JC, Lambert PR. Hearing results after primary car-
et d’autres facteurs doivent être considérés. tilage tympanoplasty. Laryngoscope 2000;110:1994-9.
• Facteurs dépendants de la maladie otitique : l’existence d’une [16] El-Hennawi DM. Cartilage perichondrium composite graft (cpcg) in
sécrétion permanente, d’une dysperméabilité tubaire ou d’une pediatric tympanoplasty. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2001;59:1-5.
pathologie locorégionale risque de compromettre à long [17] Eavey RD. Inlay tympanoplasty: cartilage butterfly technique.
terme la cicatrisation et le résultat fonctionnel. Chez Laryngoscope 1998;108:657-61.
l’enfant [59], comme chez l’adulte [60], l’âge ne serait pas un [18] Mauri M, Lubianca Neto JF, Fuchs SC. Evaluation of inlay butterfly
cartilage tympanoplasty: a randomized clinical trial. Laryngoscope
facteur pronostique. Dans le cas des poches de rétraction, la
2001;111:1479-85.
récidive est fréquente et ses causes sont encore mal connues, [19] Couloigner V, Baculard F, El Bakkouri W, Viala P, Francois M, Narcy P,
ce qui justifie l’utilisation du cartilage. La présence d’un et al. Inlay butterfly cartilage tympanoplasty in children. Otol Neurotol
épanchement rétrotympanique préopératoire doit inciter à la 2005;26:247-51.
réserve sur le plan fonctionnel. Dans certains cas, une [20] Marquet JF. Twelve years’experience with homograft tympanoplasty.
crénothérapie préopératoire peut préparer le terrain. Otolaryngol Clin North Am 1977;10:581-93.
• Facteurs dépendants de l’environnement : le tabagisme actif [21] Merchant SN, Nadol Jr. JB. Histopathology of ossicular implants.
est un facteur pronostique péjoratif sur l’évolution de la Otolaryngol Clin North Am 1994;27:813-33.
maladie otitique et sur la stabilité anatomique de la greffe à [22] Yung MW. Literature review of alloplastic materials in ossiculoplasty.
J Laryngol Otol 2003;117:431-6.
long terme [61]. L’évolution dans un milieu hostile (poussiè-
[23] Goldenberg RA, Emmet JR. Current use of implants in middle ear
res, barotraumatismes, humidité) favorise les infections et les surgery. Otol Neurotol 2001;22:145-52.
récidives. [24] Grote JJ. Development of a total artificial middle ear prosthesis. Rev
• Facteurs dépendants du chirurgien : l’expérience du chirur- Laryngol Otol Rhinol (Bord) 1981;102:189-93.
gien est déterminante, à la fois sur le geste effectué, mais [25] Grote JJ, Kuypers W, De Groot K. Use of sintered hydroxylapatite in
aussi sur le choix de la technique. L’indication est un élément middle ear surgery. ORL J Otorhinolaryngol Relat Spec 1981;43:
majeur de réussite. Le choix du type de prothèse, la méthode 248-54.
de mise en place (tension, cartilage), sa biocompatibilité et sa [26] Wehrs RE. Incus replacement prostheses of hydroxylapatite in middle
tolérance aux épisodes infectieux vont conditionner le ear reconstruction. Am J Otol 1989;10:181-2.
résultat à long terme. [27] Vrabec JT, Stierman K, Grady JJ. Hydroxylapatite prosthesis extrusion.
Otol Neurotol 2002;23:653-6.
[28] Kobayashi T, Gyo K, Shinohara T, Yanagihara N. Ossicular reconstruc-
tion using hydroxylapatite prostheses with interposed cartilage. Am
■ Conclusion J Otolaryngol 2002;23:222-7.
[29] Stupp CH, Stupp HF, Grun D. Replacement of ear ossicles with titanium
La chirurgie tympanique reste un art difficile à maitriser et ses prostheses. Laryngorhinootologie 1996;75:335-7.
résultats dépendent de multiples facteurs. Elle ne représente que [30] Dalchow CV, Grun D, Stupp HF. Reconstruction of the ossicular chain
l’un des moyens thérapeutiques de la maladie otitique et doit with titanium implants. Otolaryngol Head Neck Surg 2001;125:
628-30.
s’intégrer dans une prise en charge plus large du patient. La
[31] Ho SY, Battista RA, Wiet RJ. Early results with titanium ossicular
connaissance des techniques chirurgicales est nécessaire mais
implants. Otol Neurotol 2003;24:149-52.
insuffisante pour obtenir la guérison, et l’indication opératoire [32] Huttenbrink KB, Zahnert T, Wustenberg EG, Hofmann G. Titanium
est l’un des points clés de la réussite. Le suivi à long terme des clip prosthesis. Otol Neurotol 2004;25:436-42.
patients aide à nuancer les indications opératoires. Pour plus [33] Menendez-Colino LM, Bernal-Sprekelsen M, Alobid I, Traserra-
d’informations, quelques ouvrages [62-66] (liste non exhaustive) Coderch J. Preliminary functional results of tympanoplasty with
peuvent aider le lecteur à approfondir le sujet. titanium prostheses. Otolaryngol Head Neck Surg 2004;131:747-9.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


46-060 ¶ Tympanoplasties

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tension for partial ossicular replacement prosthesis reconstruction in rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou. Paris: Arnette;
the human middle ear. Laryngoscope 2004;114:305-8. 2000.

O. Deguine (deguine.o@chu-toulouse.fr).
M.-N. Calmels.
C. Deguine.
Service oto-rhino-laryngologique, Hôpitaux universitaires de Toulouse, Hôpital Purpan, Place du Docteur-Baylac, 31059 Toulouse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Deguine O., Calmels M.-N., Deguine C. Tympanoplasties. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-060, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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16 Techniques chirurgicales - Tête et cou


46-150
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-150

Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde


P Herman
E Sauvaget
Z Kacimi El Hassani
Résumé. – La chirurgie endonasale sous guidage endoscopique a vu ses indications considérablement
R Kania
élargies depuis quelques années. Néanmoins, cette chirurgie demande une extrême prudence, car elle se
S Hervé
développe dans un espace anatomique étroit, aux barrières fragiles et parfois détruites par les processus
P Tran Ba Huy
pathologiques, au contact de structures nobles : orbite, étage antérieur de la base du crâne, nerf optique…
Dans cette mesure, l’objectif d’un traité de techniques chirurgicales doit impérativement être d’exposer les
techniques les plus fiables, les moins risquées, tout en incitant chaque opérateur à se limiter aux interventions
correspondant à ses aptitudes et son expérience chirurgicales.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : méatotomie moyenne, ethmoïdectomie antérieure, sphénotomie, sphénoethmoïdectomie,


sphénotomie élargie, maxillectomie médiale, résection du plancher du sinus frontal.

Introduction Ceci représente l’instrumentation minimale : elle peut être complétée


par des pinces à emporte-pièce (through-cut) qui présentent
Le développement de la chirurgie endonasale s’est accompagné l’avantage de minimiser les dégâts muqueux, des pinces à courbure
d’une morbidité importante reflétée par l’extraordinaire complexe pour la dissection du récessus frontal (pinces à double
augmentation des primes d’assurance des chirurgiens anglo-saxons courbure de Peynègre), des pinces coudées pour accéder au bas-
pratiquant la functional endoscopic sinus surgery (FESS). Il semble que fond du sinus maxillaire et une pince bipolaire de Dessi.
l’apparition de la sinusonavigation, encore peu répandue en Europe Les endoscopes utilisés ont une longueur de 18 cm et un diamètre
mais en revanche largement utilisée aux États-Unis, n’ait pas de 4 mm. La plupart des gestes peuvent être pratiqués avec une
significativement diminué la morbidité de cette chirurgie. seule optique à 30°, complétée éventuellement par une optique à 0°
En fonction du contexte pathologique, de nombreuses interventions pour ceux qui n’arrivent pas à se familiariser au travail avec une
peuvent être pratiquées. Elles doivent être adaptées et limitées aux optique angulée, une optique à 70° pour visualiser le bas-fond du
régions pathologiques. Nous décrivons successivement l’examen sinus maxillaire et enfin une optique à 45° pour la dissection du
endoscopique avec éventuelle septoplastie endoscopique, la récessus frontal. Compte tenu du prix des endoscopes et de leur
méatotomie moyenne, l’ethmoïdectomie antérieure, la sphénotomie, vieillissement progressif induit par l’autoclave, nous préconisons
la sphénoethmoïdectomie, la sphénotomie élargie, la maxillectomie l’emploi d’une seule optique dans la plupart des cas, à savoir
médiale, et la résection du plancher du sinus frontal. l’optique à 30°, qui permet d’avoir une remarquable exposition. Pour
gagner du temps, il est possible d’utiliser des systèmes d’irrigation
nettoyant l’extrémité de l’endoscope : ces systèmes (Storz,
Matériel Microfrance) ont l’inconvénient d’augmenter le calibre de
La boîte de base comprend : une aspiration boutonnée rigide ou l’endoscope. De plus, certains réalisent un traumatisme de la
mieux malléable de diamètre 2,5 mm, une faux et un décolleur muqueuse, source de synéchies antérieures.
mousse courbe, des pinces à mors-curette de Blakesley à 0, 45 et 90°, La caméra est devenue un outil indispensable : grâce à la qualité
une pince rétrograde d’Oström-Terrier à manche droit, des ciseaux des images obtenues, elle permet d’opérer en suivant les instruments
de Heymann et des ciseaux d’endoscopie de Rouvier, une pince de sur le moniteur. Ceci permet, d’une part une meilleure asepsie
Citelli, un trocart. Quelques instruments supplémentaires permettent puisque le visage de l’opérateur n’est plus collé à l’œilleton de
de réaliser à la demande une septoplastie complémentaire : l’endoscope et d’autre part, une meilleure amplitude gestuelle. Le
aspirateur-décolleur ou rugine de Joseph, pince-gouge de Beyer à choix de la caméra est orienté par la recherche de la luminosité, en
mors droits 2 mm. sachant qu’il existe peu de modèles performants bénéficiant du
marquage CE.
La lumière froide doit être la plus puissante possible : en pratique, il
Philippe Herman : Professeur des Universités, praticien hospitalier. faut avoir recours aux sources xénon, 150 W au minimum, pour
E Sauvaget : Chef de clinique-assistant. permettre une luminosité et une netteté suffisantes. En effet, les
Z Kacimi El Hassani.
R Kania : Chef de clinique-assistant. caméras modernes adaptent automatiquement le gain à la
Patrice Tran Ba Huy : Professeur des Universités, praticien hospitalier. luminosité : lorsque cette dernière diminue, l’image sur le moniteur
Clinique d’otorhinolaryngologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.
Stéphane Hervé : Spécialiste des Armées, hôpital d’instruction des Armées du Val de Grâce, 74, boulevard
semble rester lumineuse mais la définition chute. Notons également
de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France. que les câbles de lumière froide doivent être en excellent état.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Herman P, Sauvaget E, Kacimi El Hassani Z, Kania R, Hervé S et Tran Ba Huy P. Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales
Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-150, 2002, 14 p.
46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

Enfin, des systèmes de sinusonavigation directement dérivés des injectée au niveau de la queue du cornet moyen, de sa racine
systèmes de neuronavigation ont vu le jour et sont maintenant cloisonnante, sur la bulle, sur la tête du cornet moyen, et au-dessus
disponibles sur le marché à des tarifs encore élevés. En contrepartie, et en avant de l’apophyse unciforme. Certains s’aident également
ce type de matériel peut être d’une aide précieuse dans des d’une infiltration par voie externe du nerf sous-orbitaire, voire d’une
conditions anatomiques ou pathologiques difficiles. Néanmoins, infiltration canthale interne. Cette dernière fait courir un risque de
l’usage de ce type de dispositif ne remplace pas l’expérience de vasospasme (cf Complications).
l’opérateur. La diffusion récente de ces appareils aux États-Unis ne
s’est semble-t-il pas accompagnée de la baisse de la morbidité
attendue. Ces systèmes peuvent, pour certains, être couplés à un ANESTHÉSIE GÉNÉRALE
microdébrideur : la position de l’instrument est alors visible en Chez des patients médicalement préparés, les techniques
temps réel sur les coupes de scanner affichées sur le moniteur de anesthésiques sont multiples. Dans tous les cas, elles doivent tenir
contrôle. compte de la bronchoréactivité fréquente de ces patients, et
également de la nécessité d’une réduction du saignement opératoire.
Cette dernière est obtenue grâce à une position adaptée pour
Préparation diminuer la pression veineuse locale et à une vasoplégie induite par
le propofol (Diprivant) ou les nouveaux halogénés (isoflurane
L’inflammation de la muqueuse nasosinusienne doit être contrôlée Forenet, sevoflurane Sevoranet). En pratique, l’induction est
au mieux avant l’intervention, en particulier pour réduire le obtenue par halogénés ou propofol, et l’entretien est le plus souvent
saignement peropératoire. Rappelons que la chirurgie de la polypose assuré par l’association d’un morphinique et d’un halogéné. Ces
nasosinusienne ne se conçoit de nos jours qu’en cas d’échec d’un dérivés halogénés récents ont deux avantages : une cinétique
traitement médical bien conduit. Par ailleurs, un nombre important avantageuse (concentration stable et élimination rapide) et un effet
de patients atteints de rhinosinusite chronique présentent un asthme bronchodilatateur.
associé susceptible de se réactiver durant la période périopératoire. Notons que l’analgésie ne doit pas dispenser d’une préparation
Pour toutes ces raisons, une préparation générale par corticoïdes locale minutieuse (cf supra) contribuant largement à la réduction du
(selon les auteurs de 0,25 à 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone) est saignement peropératoire.
souhaitable durant la semaine précédant l’intervention, associée le
cas échéant à une antibiothérapie.
Installation
Anesthésie Elle est désormais classique. Les droitiers se placent à la droite du
patient et les gauchers à gauche. À noter que certains opérateurs
La chirurgie de l’ethmoïde peut être réalisée sous anesthésie locale changent de côté pour toujours travailler dans la fosse nasale
ou générale. La technique de l’anesthésie locale a deux avantages : opposée. Le moniteur, le boîtier de caméra et la source de lumière
le saignement est limité au maximum, et le toit de l’ethmoïde voit sont à la tête. La table à instruments est placée en face du chirurgien.
sa sensibilité préservée, ce qui diminue d’autant le risque de fausse Les clichés de scanner sont affichés dans la salle à proximité du
route. En revanche, la survenue d’une hémorragie importante chirurgien.
expose à un risque d’inhalation.
Le patient est allongé sur le dos, soit à plat ce qui évite que le
Pour ce qui nous concerne, les indications d’anesthésie locale sont manche des instruments ne bute sur le sternum lors de la dissection
restreintes aux pathologies limitées, chez des patients en bon état antérieure, soit avec 30° de flexion cervicale afin que l’axe des
général, sans asthme associé, préférant éviter l’anesthésie générale, instruments ne soit pas directement dirigé vers le toit de l’ethmoïde.
et ayant un profil psychologique adapté pour faire face à une Enfin, la table doit être mise en proclive, ce qui diminue la pression
situation anxiogène. veineuse et donc le saignement. Enfin, la hauteur de la table est
ajustée pour que le bras tenant la caméra soit fléchi à 90° sans
ANESTHÉSIE LOCALE
contraction des épaules.
Le cas échéant, le casque de sinusonavigation est préalablement
Même minutieusement pratiquée, elle ne se conçoit sous nos
placé sur la tête du patient.
latitudes qu’associée à une diazanalgésie dès lors que le geste
dépasse la simple polypectomie. Après une prémédication à Durant l’intervention, l’optique de l’endoscope est, soit
l’Ataraxt, cette technique associe une benzodiazépine (type régulièrement nettoyée avec du savon stérile, soit rincée par une
midazolam, Hypnovelt), administrée par bolus intraveineux de chemise d’irrigation.
1 mg toutes les 10 minutes sans dépasser 0,1 mg/kg, et un
analgésique morphinique (Fentanylt). L’utilisation de ces drogues
impose une surveillance par un anesthésiste avec monitoring de la Rappels d’anatomie chirurgicale
pression artérielle, oxymètre et scope. Le protocole d’anesthésie
locale est à certains égards chronophage : il comporte en effet une Les sinus sont formés d’un ensemble de cellules dont l’organisation
longue préparation locale : pulvérisation première d’un spray de a été systématisée par Terrier (in [1]) (fig 1). Brièvement, rappelons
Xylocaïnet à la naphazoline, puis méchage léger avec des cotonoïdes que l’ethmoïde est divisé en ethmoïde antérieur et ethmoïde
imprégnés de la même solution, essorés pour éviter d’induire une postérieur par la racine cloisonnante du cornet moyen. En effet, le
anesthésie du carrefour aérodigestif. Une dizaine de minutes plus cornet moyen s’insère en avant sur la lame criblée et est situé dans
tard au minimum, cette mèche est retirée et la fosse nasale va être un plan sagittal ; en revanche, en arrière, il bascule dans un plan
tamponnée minutieusement sous contrôle optique. Les cotonoïdes oblique en bas et en arrière et s’insère sur la paroi d’orbite. Il forme
sont placés au niveau des queues de cornet, voire du récessus alors la racine cloisonnante.
sphénoethmoïdal, le long des cornets, voire dans les méats moyen L’ethmoïde antérieur est habituellement décrit en fonction de la
et inférieur. Ce tamponnement est laissé en place au moins un quart systématisation de Terrier qui isole trois groupes de cellules : le
d’heure. Cette anesthésie peut également utiliser la cocaïne en groupe méatique situé en avant et en dedans comprend trois
solution, peu utilisée en France alors qu’elle a la faveur des cellules, méatique antérieure donnant naissance au sinus frontal,
opérateurs anglo-saxons, mais qui est susceptible d’exercer une méatique postérieure et cellule préméatique inconstante ; le groupe
toxicité cardiaque. unciformien comprend jusqu’à quatre cellules : unciformienne
En préopératoire immédiat, l’anesthésie de surface va être complétée terminale susceptible de coloniser partiellement le sinus frontal,
par une infiltration de Xylocaïnet à 1 % adrénalinée au 1/100 000 unciformienne antérieure ou agger nasi susceptible de repousser

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Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

doit identifier au plus tôt : paroi interne d’orbite latéralement (lame


papyracée) ; toit de l’ethmoïde ; artère ethmoïdale antérieure ;
remontée du toit au niveau de la paroi postérieure du sinus frontal ;
bosse lacrymale en avant (branche montante du maxillaire) ; racine
cloisonnante du cornet moyen en arrière ; lame des cornets formée
par la racine d’insertion du cornet moyen en avant, et se prolongeant
vers l’arrière en racine d’insertion du cornet supérieur et parfois
racine d’insertion du cornet suprême ; axe et hauteur de la lame
criblée. Il faut se rappeler que le toit de l’ethmoïde est
habituellement plus haut que la lame criblée : la face supéro-interne
du couloir ethmoïdal répond donc directement à l’étage antérieur
de la base du crâne.
L’ethmoïde postérieur est systématisé de façon plus simple en
cellules postérieures : avancée, centrale et reculée. Là encore, il
convient de préciser que le chirurgien doit là s’orienter
essentiellement par rapport au toit ethmoïdal, moins fragile qu’en
avant, à la paroi interne d’orbite et à la racine d’insertion du cornet
supérieur, voire du cornet suprême. Les dangers sont évités tant
qu’il travaille en dedans de la paroi d’orbite et qu’il reste en avant
de la paroi antérieure du sphénoïde, repérée soit directement dans
le récessus sphénoethmoïdal, soit indirectement par la profondeur
de la paroi postérieure du sinus maxillaire.
Les rapports chirurgicaux du sinus sphénoïdal sont essentiellement
sur sa face antérieure [4]. Celle-ci répond en dedans et en bas au
septum, en dedans à la fosse nasale au niveau du récessus
*
A
sphénoethmoïdal, de forme très variable, gouttière située en dedans
des cornets, et enfin en dehors à l’ethmoïde postérieur et à la fosse
ptérygopalatine. Notons que la pneumatisation sinusienne n’a que
faire d’une systématisation anatomique : c’est ainsi que le terme de
cellule d’Onodi désigne une cellule ethmoïdale postérieure à
développement postérosupérieur venant au contact du canal
optique, autrement dit se développant dans le sphénoïde ! Cette
variante doit être reconnue en préopératoire car à notre sens, elle
contre-indique la réalisation d’une sphénotomie par voie
transethmoïdale.
Les dangers anatomiques se trouvent sur le toit du sphénoïde :
planum sphenoidale ou jugum en avant et selle turcique en arrière,
et sur la face latérale. Celle-ci répond dans son tiers inférieur au V2
(foramen rond) et dans ses deux tiers supérieurs :
– en avant à l’apex orbitaire, au droit interne et au nerf optique en
haut ;
– au milieu au tissu spongieux du sinus caverneux et au nerf
optique ;
– en arrière à la carotide interne dans le sinus caverneux et plus en
*
B dehors aux III, IV et VIe paires crâniennes.
1 Systématisation de l’ethmoïde. Retenons de la systématisation anatomique qu’elle est surtout utile
A. Schéma de base de la topographie des cellules ethmoïdales. pour la chirurgie fonctionnelle répondant à des lésions très limitées.
I : groupe méatique ; II : groupe unciformien ; III : groupe bullaire ; IV : système En revanche, en cas de pathologie diffuse, comme dans le cas de la
postérieur. polypose nasosinusienne, le chirurgien utilise non pas la
SF : sinus frontal ; (I) PM : cellule préméatique ; MA : cellule méatique anté-
systématisation anatomique mais des repères chirurgicaux essentiels
rieure ; MP : cellule méatique postérieure ; (II) UT : cellule unciformienne termi-
nale ; UA : cellule unciformienne antérieure ; UP : cellule unciformienne posté- qu’il doit analyser sur le scanner préopératoire : racine du cornet
rieure ; UI : cellule unciformienne inférieure ; (III) SB : cellule suprabullaire ; IB : moyen, apophyse unciforme, hauteur et éventuelles déhiscences du
cellule intrabullaire ; (IV) PA : cellule postérieure avancée ; PC : cellule posté- toit de l’ethmoïde, lame criblée, paroi interne d’orbite, sinus
rieure centrale ; PR : cellule postérieure reculée. CI : cornet inférieur ; CM : cor- sphénoïdal, existence d’une cellule d’Onodi…
net moyen ; SS : sinus sphénoïdal ; OM : ostium maxillaire.
B. Schéma d’une coupe axiale de l’ethmoïde. Les racines cloisonnantes (RC) sont
Un certain nombre d’adages doivent être connus.
des repères qui forment les limites des groupes cellulaires ethmoïdaux. – Le toit de l’ethmoïde est habituellement situé au-dessus du plan
RCAU : RC de l’apophyse unciforme ; RCB : RC de la bulle ; RCCM : RC du cor-
de la lame criblée : la portion haute et médiale du couloir ethmoïdal
net moyen ; RCCS : RC du cornet supérieur.
est donc une zone dangereuse.
– Le toit de l’ethmoïde, white hard roof des Anglo-Saxons,
vers l’avant l’unciforme, et cellules postérieure et inférieure
reconnaissable à son caractère opaque, est résistant en arrière, mais
inconstantes ; le groupe bullaire comprend un groupe intrabullaire
fragile au voisinage de l’artère ethmoïdale antérieure et de la face
(une à trois cellules) et un groupe suprabullaire se prolongeant en
postérieure du sinus frontal. À noter qu’il n’est blanc que lorsque la
dehors et en arrière et soulevant la racine cloisonnante du cornet
muqueuse a été retirée, ce qui est rarement souhaitable.
moyen. Retenons que l’infundibulum est le carrefour de tout le
système cellulaire antérieur. Ce système a une grande variabilité – L’artère ethmoïdale, habituellement située à la jonction de la
anatomique de sorte que cette systématisation est souvent peu utile portion horizontale du toit de l’ethmoïde avec la face postérieure du
au chirurgien. Ce dernier doit plutôt se repérer à des balises qu’il sinus frontal, correspond inconstamment à la racine de la bulle [18].

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46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

Techniques chirurgicales sinus maxillaire est-il atélectasique, quelle est la hauteur de


l’insertion du cornet inférieur ? En fonction de ces considérations,
Nous décrivons successivement : soit il s’agit d’une anatomie favorable et l’idéal est de réaliser la
– l’examen endoscopique éventuellement complété par une méatotomie d’avant en arrière [16, 27, 28, 29, 30], soit il s’agit d’une
septoplastie endoscopique ; anatomie piégeuse et mieux vaut alors réaliser cette méatotomie
d’arrière en avant [8].
– la méatotomie moyenne, qui réalise un élargissement du méat
À noter que l’étendue de cette méatotomie est variable en fonction
physiologique du sinus maxillaire ;
de l’indication, suivant qu’il s’agit simplement de mieux aérer le
– la méatotomie inférieure, qui n’est le plus souvent qu’un sinus maxillaire ou qu’au contraire un abord large de la cavité
complément de la voie d’abord précédente visant à permettre sinusienne est requis (cas de l’aspergillome).
l’extraction d’un corps étranger ; Dans un premier temps, le cornet moyen est, soit luxé en dedans à
– l’ethmoïdectomie antérieure ; l’aide d’une spatule mousse, soit réséqué. La première technique est
– la sphénotomie ; plus respectueuse de la physiologie de la muqueuse, mais rend les
soins postopératoires parfois difficiles et expose à une latéralisation
– la sphénoethmoïdectomie ;
secondaire du cornet. La seconde technique permet une meilleure
– la maxillectomie médiale ; exposition et des soins plus aisés, mais requiert une technique
– la sphénotomie élargie ; rigoureuse car la section trop haute ou l’arrachement de la racine
– la résection du plancher du sinus frontal. d’insertion peuvent se solder par une rhinorrhée cérébrospinale.
Cette résection requiert l’identification première de la racine du
cornet moyen, de l’opercule, de la lame criblée dont on s’attache à
EXAMEN ENDOSCOPIQUE ET SEPTOPLASTIE
ÉVENTUELLE visualiser la hauteur et la direction. Le cornet ne doit jamais être
réséqué plus ou moins à l’aveugle : ce geste doit parfois être précédé
Rappelons que l’intervention débute naturellement par un examen
d’une septoplastie avec résection prudente et à la demande d’un
endoscopique de la fosse nasale et des méats. Il est nécessaire
verre de montre cartilagineux, d’un éperon septal, voire de la lame
d’avoir un accès large au méat moyen, voire au supérieur, à l’arche
perpendiculaire si elle est déviée (sans mobilisation de cette
choanale, de visualiser l’opercule du cornet moyen, voire la lame
dernière).
criblée pour en apprécier l’orientation dans l’espace. Quand cette
exposition n’est pas possible, il ne faut pas hésiter à réaliser d’abord Les ciseaux d’endoscopie sont d’abord placés sur la tête du cornet
une septoplastie le plus souvent endoscopique. Il existe plusieurs moyen environ 5 mm sous l’opercule. La section débute par deux
techniques de septoplastie endoscopique [3, 9, 13]. Ce geste vise à mouvements successifs tendant d’emblée à s’horizontaliser. La
pratiquer l’exérèse d’un éperon chondrovomérien gênant l’abord de racine sagittale étant sectionnée, les mors légèrement écartés des
la choane, ou encore d’un verre de montre cartilagineux ou osseux, ciseaux vont abaisser la tête du cornet moyen vers le plancher de la
en particulier au niveau de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde. fosse nasale et le cornet va pivoter autour de sa racine cloisonnante.
Ce temps préalable d’exposition est capital, car la plupart des Ceci expose cette dernière qui est progressivement sectionnée
complications résultent en fait d’un défaut d’exposition et jusqu’à pédiculiser le cornet, maintenant basculé dans le cavum, sur
d’orientation du chirurgien. sa queue. La section se termine alors à ce niveau, à hauteur de
l’arche choanale pour éviter une blessure intempestive de la trompe
Nous renvoyons le lecteur aux chapitres de cet ouvrage traitant de
d’Eustache, en laissant un moignon de 5 mm, permettant le cas
la chirurgie septale. Précisons toutefois que dans l’optique d’une
échéant une hémostase aisée d’une branche de l’artère
chirurgie sinusienne, en l’absence de déformation de la pyramide
sphénopalatine à l’aide de la bipolaire de Dessi.
nasale ou de l’épine nasale, et a fortiori lorsqu’une première
septoplastie a été réalisée, nous préférons le plus souvent réaliser
¶ Méatotomie d’avant en arrière
une septoplastie endoscopique.
S’il s’agit d’un éperon vomérien, donc postérieur, on peut après Après identification de la bosse lacrymale puis de l’apophyse
infiltration des deux faces de la cloison, se contenter d’une incision unciforme, cette dernière est incisée verticalement à la faux de haut
muqueuse unilatérale, sur l’éperon, avec dégagement de ses deux en bas le long de ses deux tiers inférieurs. Il importe de sectionner
berges et résection au ciseau frappé, en replaçant ensuite les la muqueuse et la cloison osseuse du bout de l’instrument tout en
lambeaux muqueux. En revanche, en cas de verre de montre évitant tout geste pénétrant avec la pointe de l’instrument. Ce geste
masquant l’opercule ou la racine du cornet moyen, nous pratiquons, est en effet à l’origine de la plupart des effractions orbitaires : la
après infiltration soigneuse, une incision muqueuse unilatérale lame papyracée n’est en effet parfois qu’à quelques millimètres. Vers
arciforme au bistouri lame 15 démarrée 5 mm en arrière des os le bas, le tracé de l’incision s’incurve pour être convexe en avant.
propres du nez et descendant jusqu’au plancher de la fosse nasale, L’unciforme est sectionnée transversalement au bord supérieur de
sensiblement située dans le plan de l’orifice piriforme, autrement l’incision aux ciseaux en veillant à ne pas blesser la bulle, ce qui
dit très antérieure. Après un décollement homolatéral mené à la pourrait induire une sténose de la partie haute de l’infundibulum.
rugine de Joseph ou à l’aspirateur-décolleur, le cartilage septal est Puis la pince-mors-curette, mors mobile dirigé en dehors, vient
transfixié selon une ligne concave en arrière démarrant en haut au retirer par un mouvement de torsion la portion inférieure de
niveau de l’incision muqueuse et s’en détachant vers l’arrière l’unciforme. À ce stade, l’optique à 30° permet le plus souvent de
progressivement de 5 à 7 mm. Ceci permet de décaler les incisions visualiser le méat physiologique du sinus, quand il n’a pas déjà été
pour éviter une perforation iatrogène. L’autre face du cartilage est élargi par le geste opératoire. C’est à partir de ce dernier que la
alors décollée. On peut alors réséquer le cartilage septal dévié. résection de la portion horizontale de l’unciforme se poursuit au ras
L’examen de la fosse nasale à ce stade objective le plus souvent une du cornet inférieur pour atteindre en arrière l’os dur de l’apophyse
déviation résiduelle haute aux dépens de la lame perpendiculaire verticale du palatin. On prend garde, au cours de ce temps
de l’ethmoïde. Cette dernière peut être réséquée à la demande, mais opératoire, à ne pas décoller la muqueuse du sinus maxillaire et vers
avec des gestes prudents, sans mobilisation de l’os susceptible de le haut à ne pas blesser la bulle. Quand l’incision de l’unciforme est
déclencher une rhinorrhée. À cette fin, nous utilisons une pince- trop postérieure, la pince rétrograde permet une résection
gouge de Beyer à mors droits 2 mm. complémentaire douce en évitant en avant d’ouvrir la voie
lacrymale.
MÉATOTOMIE MOYENNE
¶ Méatotomie d’arrière en avant
C’est l’intervention de base. Pour autant, elle n’est pas dénuée de
dangers et ne doit être pratiquée qu’après l’étude du scanner : Elle débute par le repérage de l’ostium accessoire de Giraldès. En
l’apophyse unciforme est-elle médiale ou plaquée sur l’orbite, le cas d’échec, l’aspiration boutonnée ou une spatule mousse perfore

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Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

la cloison intersinusonasale en avant de la lame perpendiculaire du C’est dire l’intérêt, quand cela est possible, d’avoir préalablement
palatin juste au-dessus du cornet inférieur (emplacement repéré l’orientation de la lame criblée lors de l’examen endoscopique
approximatif de la fontanelle postéro-inférieure). À partir de là, le de la fosse nasale, puisque l’axe du couloir ethmoïdal est
mors mobile de la pince rétrograde est introduit dans le sinus et la évidemment parallèle à celui de la lame criblée. Dès la trépanation
portion horizontale de l’unciforme est réséquée d’arrière en avant de la bulle, l’objectif est d’identifier d’abord la paroi interne d’orbite,
entre la bulle en haut et le cornet inférieur en bas. On dégage à sa couleur blanc-jaune et à sa surface lisse caractéristique, puis
finalement vers l’avant le méat physiologique, avec des gestes vers le haut le toit de l’ethmoïde, white hard roof des Anglo-Saxons,
d’autant plus doux que l’on progresse vers l’avant pour éviter de reconnaissable à sa forme concave en bas, et à sa couleur lorsque la
blesser la voie lacrymale. pathologie muqueuse est limitée à ce niveau. En revanche, lorsque
Le jour ainsi obtenu sur le sinus maxillaire est le plus souvent la muqueuse est très inflammatoire, ce n’est que l’exérèse prudente
suffisant, même pour pratiquer des gestes endosinusiens. Dans de d’une partie de la muqueuse le recouvrant qui permet de dévoiler
rares situations, lorsqu’il existe un corps étranger enclavé dans le un os blanc et lisse caractéristique. Cette recherche des balises est au
bas-fond du sinus, c’est par la méatotomie qu’est contrôlée la mieux réalisée à l’aspiration boutonnée, à petits mouvements
progression d’un instrument introduit dans le sinus par une prudents. Progressivement après avoir dégagé la paroi d’orbite et le
méatotomie inférieure, réalisée d’abord au trocart à 2 cm en arrière toit de l’ethmoïde, c’est la racine médiale du cornet moyen que l’on
de la tête du cornet inférieur pour éviter de traumatiser la voie expose, en prenant garde à ne jamais se diriger en dedans à l’aplomb
lacrymale, puis agrandie à l’aide de pinces, ou encore par une voie de la racine du cornet moyen.
de la fosse canine a minima, réalisée là encore au trocart, à l’aplomb La dissection va alors se poursuivre de l’arrière vers l’avant.
de la canine. Néanmoins, une bonne exposition impose à ce stade la résection
Deux incidents peuvent émailler cette intervention. La blessure de complémentaire de la portion haute de l’unciforme, poursuivie
la voie lacrymale ne laisse en général pas de séquelle sous réserve jusqu’au niveau de l’opercule. Si cette région operculaire apparaît
d’un décroûtage minutieux lors des soins postopératoires, en bombante, cela signe l’existence d’une pneumatisation importante
demandant de plus au patient d’instiller un collyre antibiotique et des cellules de l’agger nasi qui vont masquer le canal nasofrontal [2,
corticoïde trois fois par jour durant 1 semaine. Quant à l’issue de 19]
. Ces cellules sont aisément identifiées sur le scanner en coupes
graisse orbitaire, elle résulte d’une incision à la faux trop oblique coronales sur les coupes passant par la voie lacrymale : ces cellules
vers le dehors. Quand elle est limitée, elle est heureusement sans pneumatisent l’os lacrymal et apparaissent donc implantées sur la
conséquence si elle est immédiatement identifiée, pour autant que paroi d’orbite. La pince à 90° est alors introduite fermée, comme un
l’on évite instamment d’aspirer la graisse lors de la poursuite de la palpeur, en arrière et en dehors de l’opercule : la paroi qui masque
méatotomie, de mécher la fosse nasale et d’appliquer des onguents la pince est ensuite retirée par un mouvement de torsion dirigé en
graisseux dans la cavité opératoire en fin d’intervention (cf bas et en arrière afin d’éviter de décoller la muqueuse de la branche
Complications). montante du maxillaire. Ceci donne un jour direct sur la partie
antérieure de l’ethmoïde. La dissection se poursuit alors d’arrière en
ETHMOÏDECTOMIE ANTÉRIEURE
avant, au contact du toit de l’ethmoïde, en s’abstenant de tout geste
pénétrant à ce niveau. À ce stade, soit l’aspiration malléable, soit la
L’opérateur expérimenté peut, en fonction des conditions curette courbe sont utilisées pour explorer prudemment la région la
pathologiques, décider d’une tactique différente de celle que nous plus antérieure et médiale, le long du cornet moyen, en travaillant
exposons ici. Cette dernière a l’avantage de permettre un repérage en dessous du toit de l’ethmoïde. C’est là que peut le plus souvent
précoce des différentes balises anatomiques, avec une prise de risque être identifiée une mince fente muqueuse signant l’ostium du sinus
minimale. De nombreuses modalités opératoires ont été décrites [17, frontal. De deux choses l’une : si la muqueuse est de bonne qualité
26, 27, 28, 29, 30, 32]
. et les passages perméables, la dissection s’arrête là. Sinon, c’est soit
Nous préconisons de débuter cette intervention par la réalisation de à la curette courbe et fine, par des mouvements dirigés du toit de
la méatotomie moyenne avec turbinectomie moyenne, l’ethmoïde vers l’avant et le bas, soit avec la pince-mors-curette à
éventuellement après exérèse première des polypes masquant 45° ou les pinces de Peynègre que sont méticuleusement retirées les
l’opercule du cornet moyen et les reliefs du méat moyen. À ce stade, ultimes cloisons masquant le sinus frontal. Le récessus frontal,
deux situations peuvent se présenter : véritable antichambre du sinus frontal, peut être rendu étroit par
– soit il s’agit d’une pathologie très limitée, de sorte que les l’apophyse unciforme qui fait le gros dos au contact de la base du
moindres cloisons sont identifiables. On procède alors en fonction crâne ou de la racine d’insertion du cornet moyen, par une cellule
de la systématisation anatomique (cf infra). À noter que du fait de la de l’agger nasi très pneumatisée, par une bulle ethmoïdale, voire
grande variabilité des cellules, la systématisation ethmoïdale est par d’autres cellules de l’ethmoïde antérieur [26]. Dans toutes ces
souvent peu évidente. L’important est de réaliser sans risque une situations, l’opérateur a alors l’illusion d’avoir ouvert le sinus frontal
dissection limitée aux lésions et permettant de garantir de bons alors qu’il existe encore une cloison à disséquer prudemment, au
passages aériens ; mieux le long de la racine du cornet moyen, par des gestes pratiqués
d’arrière en avant et de haut en bas. La difficulté est encore accrue
– le plus souvent, il existe une pathologie importante qui ne permet lorsqu’il existe des cellules intrafrontales. C’est dire l’intérêt de
pas d’interpréter l’anatomie des moindres cellules. Il convient alors
l’expérience pour réaliser une chirurgie complète à ce niveau, tout
d’adopter une tactique chirurgicale visant à identifier au plus tôt les
en préservant au maximum la muqueuse.
balises anatomiques et éviter les dangers (étage antérieur, orbite).
Dans cette situation, le but de l’intervention est d’élargir l’isthme À noter que l’aspect bleuté d’une ultime cloison masquant l’abord
nasofrontal que représentent les cellules ethmoïdales, en étant du sinus frontal peut être confondu avec la couleur de la méninge
économe vis-à-vis de la muqueuse, dans la mesure où seule cette vue au travers d’un toit raréfié. La plus extrême prudence s’impose
attitude permet de prévenir les sténoses postopératoires et autres donc. Mieux vaut un geste incomplet qu’une complication !
mucocèles. Soulignons que cette région représente physiologiquement un point
Après avoir donc pratiqué l’exérèse des polypes encombrant le méat de fragilité de l’étage antérieur, et également le site de la plupart
moyen et réalisé une turbinectomie et méatotomie moyenne, on des « fausses routes ». C’est dire encore la nécessité d’une prudence
résèque la paroi antérieure de la bulle à la pince-mors-curette à 45°. maximale, de toujours vérifier à l’aspiration boutonnée qu’il existe
Tous les gestes pratiqués alors ont une faible amplitude, et l’exérèse bien, juste en arrière, une résistance osseuse, et en cas de doute de
des cloisons peut être précédée d’une palpation des cloisons, voire ne jamais enfoncer profondément l’aspiration, ce qui causerait en
de leur trépanation prudente à l’aspiration boutonnée. Les gestes cas de brèche des lésions majeures au lobe frontal.
doivent impérativement être pratiqués dans l’axe supposé du couloir C’est à ce stade que l’optique à 45° peut s’avérer utile pour avoir
ethmoïdal, et non obliques vers le dehors, autrement dit vers l’orbite. une meilleure exposition. Cette dissection est le plus souvent

5
46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

suffisante et il est exceptionnel d’avoir à réséquer à la fraise le Il importe de respecter au maximum la muqueuse de la cavité
processus nasofrontal, autrement dit le plancher du sinus frontal, sphénoïdale, donc de ne pas l’arracher. Quand une ethmoïdectomie
chez un patient naïf, non opéré. postérieure est associée, la sphénotomie peut être poursuivie en
En cas de pathologie muqueuse limitée, la systématisation dehors, sous contrôle de la vue, et après avoir clairement identifié le
ethmoïdale peut parfois être caractérisée. Les mêmes principes sont repère du nerf optique dans l’angle postéro-supéro-externe de la
néanmoins appliqués. L’unciforme est d’abord réséquée aussi cavité. L’agrandissement de la sphénotomie doit être réalisé avec
complètement que possible, puis la bulle est ouverte pour identifier des gestes prudents, non pas à la pince-mors-curette susceptible de
la paroi interne d’orbite et le toit de l’ethmoïde. La dissection est fracturer des cloisons et de créer un hématome dans le canal
poursuivie le long de sa racine cloisonnante qui mène au toit. C’est optique, mais avec une pince de Citelli, en sectionnant véritablement
là que le relief de l’artère ethmoïdale est identifié. Les cloisons l’os sur place. À ce stade, l’existence éventuelle d’une cellule
situées en avant et en dessous de l’artère sont alors prudemment d’Onodi fait courir un risque au nerf optique. En effet, la cloison
retirées ; elles correspondent à la partie toute supérieure de la racine entre sinus sphénoïdal et cellule d’Onodi s’insère le plus souvent
cloisonnante de l’unciforme et aux cloisons de l’étoile des gouttières sur le canal optique. Il importe à ce niveau, soit de ne rien faire, soit
(bec de la bulle et corne). On obtient alors une cavité répondant en de réséquer cette cloison a minima, avec un soin extrême, en évitant
dehors à l’os planum, en dedans au cornet moyen, en arrière à la toute mobilisation qui risquerait de générer un hématome dans le
racine cloisonnante du cornet moyen et en haut au toit de canal optique.
l’ethmoïde. Le traitement de la plupart des inflammations ou infections du
En cas de doute quant à l’ouverture du sinus frontal, la sphénoïde ne justifie le plus souvent qu’une sphénotomie limitée au
transillumination par l’endoscope permet, lorsque le sinus est aéré, récessus sphénoethmoïdal. L’extension latérale au prix d’une
de dessiner sur le front les contours du sinus, signant l’efficacité du ethmoïdectomie postérieure ne se conçoit qu’en cas de pathologie
drainage. diffuse (polypose) ou encore lorsqu’un geste d’exérèse doit être
pratiqué dans la cavité sinusienne (chirurgie des tumeurs).
Quant à la voie transethmoïdale, elle consiste à réaliser une
SPHÉNOTOMIE
ethmoïdectomie postérieure de proche en proche. Le sinus
Cette intervention est indiquée par elle-même en cas de pathologie sphénoïdal est identifié par deux repères : le franchissement du plan
sphénoïdale isolée : sinusite chronique, possiblement aspergillaire. vertical passant sensiblement par la paroi postérieure du sinus
Il s’agit là d’une occurrence assez rare. En revanche, elle est souvent maxillaire, et l’apparition d’une marche descendante, d’un fossé,
un complément de l’ethmoïdectomie dès lors qu’il existe une dans la mesure où le plancher du sinus sphénoïdal est plus bas que
pathologie sphénoïdale associée à la pathologie ethmoïdale. C’est le plancher des cellules ethmoïdales. Rappelons que cette technique
en particulier le cas des polyposes rétentionnelles. Elle présente alors peut s’avérer dangereuse en cas de cellule d’Onodi (cf supra). Dans
l’avantage à la fois de drainer le sinus et de permettre de situer les tous les cas, l’effondrement des cloisons, après identification de la
balises anatomiques (toit/paroi latérale) dans un environnement le paroi interne d’orbite, doit toujours être réalisé vers le bas et le
plus souvent peu modifié par la pathologie. dedans, jamais vers le haut ou l’arrière.
Il existe plusieurs voies d’abord du sinus sphénoïdal : trans-septale,
transnasale ou encore transethmoïdale [4, 5]. La voie trans-septale n’a
SPHÉNOETHMOÏDECTOMIE
pas de place dans le cadre de la chirurgie fonctionnelle des sinus. Il
est déconseillé d’ouvrir le sphénoïde par voie transethmoïdale, à Il s’agit de l’association d’une ethmoïdectomie complète et d’une
moins d’être un opérateur aguerri. Cet abord a en effet le défaut sphénotomie. L’indication la plus fréquente et la moins controversée
d’être très externe et tangentiel au nerf optique et à la paroi externe est représentée par les polyposes nasosinusiennes rebelles au
du sphénoïde. Il est parfois utile en cas de récessus sphénoethmoïdal traitement médical. Soulignons une nouvelle fois l’impérieuse
étroit, s’il n’existe pas de pneumatisation du sphénoïde par les nécessité d’une préparation locale et générale avant le geste
cellules ethmoïdales (cellule d’Onodi). En revanche, en cas de cellule opératoire. De nombreux articles et traités présentent les nombreuses
d’Onodi très pneumatisée, c’est-à-dire venant au contact du clivus variantes de cette chirurgie [14, 17, 27, 28, 29, 32] et les différentes tactiques.
ou de la carotide, l’opérateur risque alors une plaie directe de ces Nous décrivons une technique basée sur l’acquisition systématique
éléments nobles. Rappelons qu’on peut affirmer l’existence d’une de repères anatomiques, sachant que de nombreuses possibilités
cellule d’Onodi lorsque le scanner en coupes coronales passant par s’offrent à un opérateur entraîné. Cette procédure est détaillée dans
les canaux optiques montre une cloison horizontale : la cellule la figure 2. Le geste consiste dans un premier temps en une
d’Onodi est alors en haut, au contact du nerf optique alors que la ethmoïdectomie antérieure, puis en une sphénotomie a minima
cavité inférieure forme le véritable sinus sphénoïdal. Pour permettant de visualiser les balises anatomiques (hauteur du toit,
l’opérateur, le sinus sphénoïdal se situe donc vers le bas et non vers nerf optique, paroi latérale du sinus).
l’arrière. À ce stade, le toit de l’ethmoïde est visualisé au niveau de la racine
La voie d’élection est l’abord du récessus sphénoethmoïdal. Lorsque cloisonnante du cornet moyen, et la paroi d’orbite a été squelettisée
l’exposition de cette région est difficile, exposition qui nécessite de dans l’ethmoïde antérieur et se situe dans le même plan que la paroi
passer l’optique en dedans de la racine cloisonnante du cornet latérale du sphénoïde. Après acquisition de ces repères, l’opérateur
moyen, la résection du cornet moyen (cf supra) permet d’optimiser va progressivement pratiquer à la pince à mors-curette droite
l’exposition. L’opérateur utilise alors une aspiration malléable ou l’exérèse des cellules résiduelles, après avoir bien entendu effondré
une curette étroite, mors dirigé vers le bas. Après avoir pris le la racine cloisonnante du cornet moyen. Cette partie du geste
contact de l’arche choanale, il remonte dans le sillon que constitue le chirurgical est rapide, le toit de l’ethmoïde est solide en arrière et le
récessus sphénoethmoïdal jusqu’à visualiser l’ostium ou du moins à plan de l’orbite clairement visualisé. Vers le dedans, la racine
palper une zone dépressible à hauteur du cornet supérieur. À ce d’insertion du cornet supérieur doit être respectée pour éviter une
stade, une poussée délicate, toujours vers le bas et le dedans, permet rhinorrhée d’une part et d’autre part pour respecter l’épithélium
de pénétrer dans la cavité sinusienne et d’évaser modérément cet sensoriel de la placode olfactive.
orifice pour y introduire le mors distal de la pince de Citelli. Cette En cas d’évidement sphénoethmoïdal (cas de la polypose),
dernière permet alors d’élargir cette méatotomie vers le bas, en l’opérateur peut, aux ciseaux d’endoscopie, poursuivre la résection
sachant que l’os se densifie vers le bas sensiblement au-dessus du turbinale moyenne en sectionnant la racine cloisonnante dans l’axe
niveau du plancher du sinus et qu’il existe une artère sphénoïdale de l’ostium sphénoïdal jusqu’au niveau de la paroi antérieure du
environ 4 mm au-dessus de l’arche choanale. Vers le dehors, le geste sphénoïde. Ce geste, mené le plus souvent sous le niveau du cornet
est limité en l’absence d’ethmoïdectomie postérieure. Il faut prendre supérieur, revient à réséquer la paroi médiale des cellules
garde à ne pas blesser l’artère sphénopalatine vers le dehors à la ethmoïdales postérieures. Il est ensuite complété à la pince jusqu’à
partie basse de la sphénotomie, là où elle émerge de son foramen. l’obtention d’un « couloir ethmoïdal ». Il permet une nasalisation

6
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

optimale. Les « minimalistes » lui reprochent de désarmer la portion Compte tenu de l’agressivité possible de l’instrument, certains
restante du cornet moyen et de faire courir le risque d’une proposent une tactique chirurgicale différente : sphénotomie
latéralisation cicatricielle. première, puis méatotomie avec repérage de la paroi interne
d’orbite, puis ethmoïdectomie menée d’arrière en avant.
À ce stade, le saignement est habituellement peu abondant, le
méchage peut souvent être évité, parfois en couvrant les surfaces
cruantées de crème aux corticoïdes. SPHÉNOTOMIE ÉLARGIE

Cas de la dissection à l’aide du « hummer » ou microdébrideur L’abord le plus large sur la cavité sphénoïdale et sur le clivus est
obtenu par un abord médian trans-septal extramuqueux qui n’a que
Les partisans de cette technique insistent sur sa facilité, sa rapidité,
des indications exceptionnelles. Après avoir réalisé une
et sur l’absence de délabrement muqueux dans la mesure où la
ethmoïdectomie postérieure bilatérale, la muqueuse de la moitié
muqueuse est sectionnée par l’appareil, sans arrachement. La vision
postérieure de la cloison est coagulée et incisée à partir du plancher
du champ opératoire est par ailleurs facilitée par le fait qu’il existe
de la fosse nasale, verticalement, à la coagulation monopolaire sur
une aspiration continue par l’extrémité de l’instrument. Enfin,
un crochet mousse gainé. Vers le haut, l’incision s’arrête
certains dispositifs peuvent être couplés au système de
sensiblement au niveau de l’ostium sphénoïdal. Là, l’incision est
sinusonavigation, ce qui permet en temps réel de vérifier la position
poursuivie vers l’arrière jusqu’à la face antérieure du sphénoïde. De
de l’instrument sur les coupes de scanner acquises en préopératoire.
la même façon vers le bas, l’incision est poursuivie le long du
Cette technique a initialement été décrite par Setliff [24, 25] auquel nous plancher de la fosse nasale jusqu’au bord libre postérieur de la
empruntons la description de la technique opératoire. cloison. Ce volet muqueux est alors décollé et réséqué. On expose
En tout état de cause, la facilité apparente de la dissection avec ce alors le vomer et sa partie rostrale. À l’aide d’un ciseau frappé, le
type d’instrument ne dispense en aucun cas d’une parfaite vomer est traversé et la muqueuse controlatérale est décollée. On
connaissance de l’anatomie sinusienne et d’un apprentissage procède alors à l’exérèse du vomer, de son rostre et de la paroi
préalable ayant recours aux techniques de dissection classiques. antéro-inférieure du sphénoïde. L’os, à ce niveau, est dense et épais
et des traits de fracture irradiés peuvent survenir. Si l’exérèse au
Lorsque le cornet moyen barre l’accès au méat moyen, il est possible petit ciseau frappé s’avère laborieuse, il vaut alors mieux utiliser
de le repousser avec la partie lisse de la gaine de l’instrument, une fraise sous irrigation (pièces à main adaptées pour des tiges de
l’ouverture du fût faisant face en dehors au site opératoire. Le cas fraises de 9 cm). On pénètre alors simultanément dans les deux sinus
échéant, le cornet moyen est réduit à l’aide de l’instrument, et s’il sphénoïdaux (le septum intersphénoïdal est toujours médian à ce
existe une concha bullosa, sa face externe peut être réséquée en niveau). L’ouverture ainsi réalisée rejoint progressivement les deux
prenant garde à respecter la muqueuse sur la portion restante de la sphénotomies réalisées à partir des ostiums. On complète alors
concha. l’exérèse de la muqueuse septale controlatérale.
Pour l’abord du méat du sinus maxillaire, l’unciforme est réséquée
d’arrière en avant, soit à la pince rétrograde, soit avec le
microdébrideur en ayant préalablement pris le soin de luxer cette MAXILLECTOMIE MÉDIALE
dernière vers le dedans pour que son bord libre soit exposé à la
fenêtre de l’instrument. Ce geste peut être réalisé avec le palpateur Il s’agit d’une intervention destinée essentiellement au traitement
de Lusk (courbe à extrémité boutonnée). des papillomes inversés, tumeurs bénignes traditionnellement
traitées par voie paralatéronasale puis par voie de degloving.
L’ethmoïdectomie est ensuite démarrée par la résection de la bulle,
L’objectif est de réaliser l’exérèse de la totalité de la cloison
menée de dedans en dehors de manière à conserver sa racine
intersinusonasale et d’avoir un très large accès au sinus maxillaire
cloisonnante et à rester à distance de la lame papyracée. Le
ainsi qu’à l’ethmoïde [15]. Ce geste doit bien sûr être planifié en
maniement du microdébrideur est particulier dans la mesure où
fonction du bilan d’imagerie. À notre sens, il ne dispense pas d’un
l’instrument dérape sur les surfaces convexes : il faut donc, à l’aide
abord minimal de la fosse canine pour les extensions à la face
de pinces traditionnelles ou de l’extrémité de l’instrument, réaliser
antérieure du sinus maxillaire, comme le prouve a contrario le taux
une effraction de la bulle pour que la résection avance.
de récidive élevé observé par Sukenik et al [31].
L’abord du sinus frontal est réalisé en réséquant dans un premier
temps la partie supérieure de l’apophyse unciforme dans sa totalité, Après préparation de la fosse nasale et infiltration adrénalinée des
en s’aidant le cas échéant d’une pince de Blakesley à 90°. Cette cornets, l’intervention débute par la résection complète du cornet
résection permet alors de découvrir le plancher des cellules de inférieur. Une méatotomie inférieure est ensuite réalisée qui amorce
l’agger nasi. Ces dernières sont alors ouvertes et l’endoscope à 30° la résection de la paroi médiale du sinus maxillaire, du plancher de
permet alors d’apercevoir le dôme de l’agger nasi. Durant ce temps l’orbite au plancher de la fosse nasale et de la paroi postérieure à la
de dissection, la fenêtre active du microdébrideur doit être dirigée paroi antérieure du sinus maxillaire. Vers l’avant, cette résection
vers le haut et le dehors, mais en tout cas jamais vers la racine du impose le sacrifice des portions osseuse et muqueuse de la voie
cornet moyen afin de minimiser le risque de rhinorrhée lacrymale, avec réalisation d’une dacryocystorhinostomie. Dans
cérébrospinale. Le méat du sinus frontal est alors découvert en notre expérience, l’intérêt de l’association d’une voie d’abord a
arrière et en dedans de l’agger nasi : la coque de l’agger nasi minima de la fosse canine est d’éviter ce sacrifice de la voie
résiduelle est, soit simplement luxée, soit réséquée à l’aide du lacrymale en avant, tout en autorisant le contrôle, au besoin sous
microdébrideur. optique, des récessus les plus antérieurs du sinus maxillaire.
L’ethmoïdectomie postérieure est réalisée selon la même technique :
une pince droite ou encore l’extrémité du microdébrideur perfore
RÉSECTION DU PLANCHER DU SINUS FRONTAL
prudemment la racine cloisonnante du cornet moyen. À partir de là,
les cellules sont réséquées progressivement en respectant la
C’est une chirurgie discutée, qui n’est indiquée que lorsque
muqueuse du toit. En fonction de la lame choisie, il est parfois
l’ethmoïdectomie conventionnelle n’a pas pu guérir la pathologie
nécessaire de pratiquer l’exérèse de certaines cloisons à la pince.
du sinus frontal, ou encore en cas d’obstruction iatrogène du sinus
Quant à la sphénotomie, elle peut être réalisée avec cet instrument frontal par une fibrose ou une ossification séquellaire, ou encore par
de la même façon qu’avec des instruments classiques. une latéralisation du cornet moyen [22]. Selon que l’on se situe en

7
46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

*
A "
B1 "
B2

"
B3

"
C1 "
C2

"
C3 "
C4 "
C5

"
C6 "
C7 "
D1

2
deçà ou au-delà [6, 10] de l’Atlantique, cette technique est dénommée médiane. Cette intervention est une alternative aux procédés de
procédure de Halle ou de Lothrop, procédures datant du début du comblement qui sont préférés en cas de plancher de petite taille.
siècle. En Europe, elle a été largement décrite et utilisée par Draf [7].
Le concept est ici d’ouvrir le sinus frontal non plus dans le couloir L’analyse préopératoire des scanners est capitale et ceux-ci
ethmoïdal mais directement dans la fosse nasale, sur la ligne comportent, au mieux, des vues axiales, coronales, mais aussi

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Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

"
D2 "
D3 "
D4

"
D5 "
D6 "
D7

"
D9 "
D10

"
D8

"
D11 "
D12 "
D13
2 (suite).

sagittales [12]. Le scanner retrouve les facteurs morphologiques d’exclusion préalable. Il permet d’évaluer la marge de manœuvre,
rendant l’abord transethmoïdal hasardeux : néo-ostéogenèse du c’est-à-dire la distance entre l’articulation frontonasale en avant et la
canal nasofrontal, latéralisation de la racine du cornet moyen qui portion la plus antérieure de la lame criblée (fig 3A, B). Lorsque cette
vient s’accoler à la paroi d’orbite, voire absence de cornet moyen, dernière est faible, c’est l’équivalent radiologique d’une ensellure
ou encore mucocèle située au-delà d’un massif osseux en cas nasale.

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46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

"
D14 "
D15 "
D16

"
E1 "
E2

"
F1 "
F2 "
F3

"
F6
"
F4 "
F5

2 (suite).

Enfin, les coupes sagittales permettent d’évaluer l’importance du Le temps capital est le repérage de la face profonde de l’articulation
fraisage, en évaluant l’épaisseur du processus frontonasal (fig 3C). frontonasale. Après infiltration de la partie haute de la cloison, on
Signalons qu’au cours de cette intervention, il est essentiel de résèque au bistouri lame 15 un triangle septal ostéocartilagineux de
protéger l’endoscope avec une chemise dès lors que l’on utilise une 1,5 cm de hauteur dont le sommet est situé à la face profonde de
fraise conventionnelle (par opposition au microdébrideur). l’articulation frontonasale, c’est-à-dire à la racine de l’épine nasale
L’ethmoïdectomie a le plus souvent été réalisée, ce qui permet du frontal, en commençant par l’arête la plus postérieure et en
d’apprécier en arrière la hauteur du toit de l’ethmoïde. Il n’est en laissant en avant une baguette de cloison sous les os propres du nez
revanche le plus souvent pas possible de repérer l’artère ethmoïdale correspondant à la partie haute du « L » de Cottle (fig 4). À ce stade,
antérieure, et a fortiori la face postérieure du sinus frontal. la résection du processus frontonasal va être entreprise après avoir

10
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

2 Démonstration anatomique de sphénoethmoïdectomie.


Vue endoscopique de la fosse nasale gauche. On visualise (A) la tête du cornet inférieur au premier plan, au second plan la tête du cornet moyen en dedans de l’apophyse unci-
forme.
L’examen endoscopique premier doit permettre d’exposer l’arche choanale (B1) juste en arrière des queues des cornets moyen et inférieur, ainsi que (B2) l’opercule et la racine
du cornet moyen en s’aidant d’une rotation de l’optique. Si tel n’est pas le cas, une septoplastie doit être pratiquée. Dans les cas favorables (B3), l’optique introduite entre la
racine cloisonnante du cornet moyen et la cloison permet d’exposer le cornet supérieur et en dedans de lui l’ostium du sphénoïde à la partie haute du récessus sphénoethmoïdal.
La turbinectomie moyenne est démarrée (C1) quelques millimètres sous l’opercule, en évitant de luxer la racine, et en cherchant à horizontaliser la lame des ciseaux. La racine
doit être coupée et non pas arrachée par un deuxième coup de ciseaux (C2) en évitant de remonter vers la lame criblée avant de basculer la tête du cornet moyen vers le bas (C3)
et d’utiliser les lames des ciseaux comme un peigne pour peler la racine cloisonnante du cornet moyen et progressivement (C4) pédiculiser le cornet sur sa queue que l’on ré-
sèque (C5) au-dessus du niveau de l’arche choanale. Le méat moyen est alors totalement exposé (C6, C7).
Incision antérieure et médiale prudente de l’apophyse unciforme (D1) qui expose (D2) le méat physiologique du sinus, toujours plus antérieur qu’on ne le pense. Poursuite de
la méatotomie le long du bord supérieur du cornet inférieur poursuivie jusqu’à l’os dur de la lame verticale du palatin (D3). Éviter tout décollement plus postérieur pour ne pas
léser l’artère sphénopalatine à sa sortie du foramen du même nom (D4). Exposition de la bulle qui est ouverte dans sa partie médiale dans l’axe de la racine du cornet moyen
(D5). Repérage (D6) de la lame papyracée qui signe la limite latérale du geste. Repérage du toit de l’ethmoïde à l’aplomb de la bulle (D7) : on visualise l’artère ethmoïdale an-
térieure dans certains cas (D8). Les cloisons situées en dessous de ce plan peuvent être retirées par des mouvements d’arrière en avant et de haut en bas (D9), ici une cloison
bullaire. Le jour obtenu sur une cellule haut située peut en imposer pour le sinus frontal (D10). À ce stade, l’accès au récessus frontal doit être optimisé en réséquant la portion
toute supérieure de l’apophyse unciforme (D11, D12). La dissection doit alors être poursuivie en dedans le long de la racine du cornet moyen (groupe méatique), ce qui permet
alors d’exposer une bulle frontale et le sinus frontal proprement dit (D13, D14, D15, D16).
L’ethmoïdectomie postérieure est alors démarrée en sectionnant la racine cloisonnante du cornet moyen dans la direction de l’ostium sphénoïdal (E1). Les cellules ethmoïdales
postérieures sont alors évidées (E2).
La sphénotomie débute par l’élargissement à la curette vers le bas et le dedans de l’ostium du sinus repéré dans le récessus sphénoethmoïdal au-dessus de la queue du cornet
moyen (F1). Le geste est alors poursuivi à la pince de Citelli toujours en bas et en dedans (F2). Une vue du contenu du sinus sphénoïdal est alors possible (F3) : noter ici un
septum incomplet, la selle turcique saillant à l’aplomb du clivus, le canal optique peu proéminent, alors qu’en revanche la portion verticale de l’artère carotide interne est clai-
rement visible. On obtient, après exérèse du plateau ethmoïdomaxillaire, la vue suivante (F4).
Noter (F5) que la sphénotomie élargie vers le bas et le dehors peut léser l’artère sphénopalatine.
Sur cette dissection (F6), la paroi osseuse du toit du sphénoïde a été retirée : on visualise la selle turcique et les deux nerfs optiques.

*
A
*
B

3 Étude tomodensitométrique et anatomique de la résection du plancher du sinus


frontal (éditions Masson).
Il est essentiel d’apprécier la distance entre la corticale antérieure au niveau de l’arti-
culation frontonasale et l’extrémité antérieure de la lame criblée (flèche noire en A sur
cette vue de la face endocrânienne de l’étage antérieur de la base du crâne). C’est l’in-
térêt de l’examen des coupes axiales de scanner (B) (flèche rouge). Les reconstructions
sagittales (C) permettent d’évaluer l’importance du processus frontonasal qui sera
fraisé.

*
C

repéré de chaque côté la lame criblée. Le point de fraisage initial est sténoses secondaires, de préserver les corticales orbitaires
médian, sur l’épine nasale du frontal (sous la partie haute des os latéralement et la muqueuse de la face postérieure des sinus
propres du nez), et l’axe de progression doit être parallèle à la face frontaux.
superficielle des os propres du nez. Le fraisage est effectué sous Afin d’éviter toute fausse route, le fraisage est d’abord effectué sur
irrigation continue avec des fraises de 9 cm de long, à l’aide d’une la ligne médiane en longeant la corticale antérieure (les doigts de
pièce à main coudée longue. Le diamètre de la fraise est fonction de l’aide enserrent les os propres du nez afin de détecter une éventuelle
l’analyse morphologique : il tient compte à la fois de la distance effraction de la corticale). Une fois repéré le plancher du sinus
séparant l’extrémité antérieure de la lame criblée de l’articulation frontal (fig 5, 6), le fraisage est poursuivi à la fraise diamantée et
frontonasale et de l’espace défini par l’angle dièdre formé par les os l’ouverture est agrandie de part et d’autre de la ligne médiane,
propres du nez. Le plus souvent, une fraise multipan de 5 à 6 mm permettant de repérer le septum interfrontal et le bas-fond des deux
de diamètre est utilisée. Il importe, pour limiter au maximum les sinus frontaux. Le fraisage est poursuivi latéralement jusqu’aux

11
46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

4 Résection du plancher du sinus frontal : temps septal (édi-


tions Masson).
A, B. Le fraisage est débuté en G après avoir réséqué le
triangle septal ostéocartilagineux visible sur la figure B.
On visualise la partie haute et antérieure de la cloison (C),
la face profonde de l’articulation frontonasale (G), la face
profonde des os propres du nez (O), la lame perpendicu-
laire de l’ethmoïde (L).

*
B

*
A

*
B *
C

*
A

5 Résection du plancher du sinus frontal : aspects peropératoires (éditions Masson). Le fraisage du processus nasofrontal (A) donne accès aux sinus frontaux droit (FD) et gau-
che (FG) abordés ici au niveau de leurs bas-fonds. En B, la dissection s’est poursuivie vers les couloirs etmoïdaux ici visibles de chaque côté de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde
(L). La partie tout antérieure des cornets moyens a été réséquée. Un calibrage en Silastict (C) peut être mis en place en fin d’intervention pour guider la cicatrisation. Une alter-
native consiste à mettre en place des pansements résorbables type Curasponget.

*
A *
B *
C

6 Aspect postopératoire. Le sinus frontal peut être aisément contrôlé en consultation, sans même l’aide d’une quelconque anesthésie en remontant l’endoscope sous les os propres
du nez. Notez l’aspect à distance de l’intervention chez deux patients (A et BC). Notez le reliquat antérieur de cloison (C) et la lame perpendiculaire de l’ethmoïde (L). La flèche
montre le septum interfrontal.

parois d’orbite en conservant une corticale. Le septum interfrontal illusoire de fraiser vers l’arrière cette zone de néo-ostéogenèse. Dans
est réséqué. À ce stade, alors qu’on visualise complètement la paroi certains cas, l’un des sinus est sain et il y a tout intérêt à ne pas
postérieure du sinus frontal, l’extrémité antérieure de la racine du aborder son infundibulum : en cas de sténose ultérieure de la voie
cornet moyen est réséquée, en avant des filets olfactifs qui sont un d’abord, le sinus pathologique est ainsi aéré par le sinus
peu plus postérieurs. controlatéral.
Un calibrage peut être mis en place durant plusieurs mois. Nous
L’attitude vis-à-vis du méat physiologique est fonction des utilisons une lame de Silastict roulée sur elle-même dont l’extrémité
circonstances. Le plus souvent, cette région est occluse et il est supérieure, taillée en « ailes de papillon », s’expand dans les deux

12
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde 46-150

sinus frontaux (fig 5C). Ce calibrage est stable du fait de sa tendance moyen lors d’une turbinectomie moyenne, et d’éviter des
naturelle à l’expansion et de son assise sur la portion résiduelle de décollements muqueux intempestifs sur la paroi externe de la fosse
la cloison. nasale en arrière de la méatotomie moyenne. Rarement, l’artère
Le patient sort le soir même ou le lendemain de l’intervention. Les saigne au ras du trou sphénopalatin car elle a été blessée juste à son
soins postopératoires réalisés en consultation sous contrôle émergence. Il faut alors recourir à une coagulation monopolaire sur
endoscopique sont capitaux, de même que les irrigations des fosses un crochet courbe gainé, avec le risque de blesser le nerf sous-
nasales. Le calibrage peut être retiré et remis en place en consultation orbitaire dans son trajet dans la fosse ptérygopalatine à son
au prix d’une minime anesthésie locale. Une alternative intéressante émergence du foramen rond.
consiste à mettre en place des pansements résorbables type L’artère ethmoïdale postérieure est exceptionnellement lésée, au
Curasponget.
contraire de l’artère ethmoïdale antérieure. Ceci tient au fait que si
la plupart du temps cette dernière est incluse dans l’épaisseur de la
base du crâne, elle siège parfois dans un canal situé sous le plan de
Complications la base du crâne, susceptible d’être lésé au cours de la dissection. Le
premier réflexe du chirurgien lorsque survient un saignement au
Le risque iatrogène existe au cours de cette chirurgie et est d’autant niveau de l’ethmoïde antérieur est de suspecter une fausse route au
plus inacceptable que l’indication opératoire est portée pour des travers de la dure-mère (cf infra). En l’absence de fausse route, ce
raisons fonctionnelles. C’est dire l’importance de l’information saignement peut être contrôlé par une hémostase à la bipolaire. Le
délivrée au malade et de l’entraînement et de la prudence de danger tient en fait au risque de rétraction de l’artère lésée dans
l’opérateur. l’orbite, susceptible de générer un hématome orbitaire compressif
Les complications sont essentiellement liées, soit à un défaut nécessitant une décompression d’orbite par voie externe [30]. Dans
d’orientation du chirurgien, soit à une gestuelle inadaptée : notre expérience, cette complication n’est jamais survenue car le
mouvements d’arrachement, en particulier dans le cas d’un patient dogme est de disséquer le long du cornet moyen, autrement dit loin
déjà opéré chez lequel la cicatrisation fibreuse risque d’entraîner le de l’orbite tant que l’artère ethmoïdale n’est pas identifiée. Quant
chirurgien à des gestes trop brusques susceptibles d’arracher la aux rares hémorragies issues de l’artère ethmoïdale antérieure, elles
racine d’un cornet. n’ont jamais eu de conséquence notable.
Les complications les plus fréquentes sont liées à des fausses routes,
soit dans l’orbite, soit dans l’étage antérieur. D’où la règle selon
Stammberger de toujours déposer les fragments d’ethmoïdectomie FAUSSE ROUTE VERS L’ÉTAGE ANTÉRIEUR
dans une cupule remplie de sérum physiologique. Les débris Celle-ci se produit, d’après la littérature et d’après l’expérience de la
muqueux et osseux coulent au fond de la cupule. En revanche, la Garde centrale d’ORL d’Île de France, essentiellement à la jonction
graisse orbitaire ou le tissu cérébral (sic) flottent : tout fragment entre la paroi postérieure du sinus frontal et le toit de l’ethmoïde.
flottant dans la cupule doit immédiatement alerter le chirurgien ou
C’est dire l’importance d’une analyse préopératoire minutieuse du
la panseuse.
scanner en coupes coronales et d’une dissection exsangue et
prudente à ce niveau, sous contrôle de la vue. La fausse route à ce
EFFRACTION DE LA PAROI D’ORBITE niveau fait courir un risque, d’une part de méningite et d’autre part
et surtout d’hémorragie par lésion d’un vaisseau intracérébral. Elle
Deux cas de figure se présentent : soit il s’agit d’une fausse route
doit donc être identifiée au plus tôt pour éviter tout geste agressif.
importante dans l’orbite, aux conséquences souvent désastreuses.
En fonction de son importance, la brèche doit être colmatée, soit par
L’arrêt de l’intervention s’impose alors avec un examen
ophtalmologique au plus vite ; soit il s’agit d’une effraction mineure un greffon muqueux, soit par un montage composite associant un
de la périorbite, sans véritable pénétration dans l’orbite, comme cela fragment d’aponévrose, un taquet osseux ou cartilagineux et un
peut se produire au cours de l’incision de l’apophyse unciforme. Si greffon muqueux prélevés aux dépens d’un cornet inférieur ou du
l’opérateur l’identifie immédiatement, en fonction de son expérience, septum, le tout étant ensuite recouvert de colle biologique puis de
l’intervention pourra être poursuivie (hernie graisseuse modérée) en pansement hémostatique résorbable. Ce geste de colmatage est un
prenant garde à ne pas manipuler la graisse. La difficulté consiste geste techniquement difficile qui requiert d’avoir dégagé les berges
alors à compléter l’ethmoïdectomie tout en évitant que la hernie de la brèche en complétant l’ethmoïdectomie antérieure. Une
graisseuse ne vienne obturer l’ethmoïde antérieur. Cette dernière antibioprophylaxie visant à prévenir une méningite (céphalosporine
complication, qualifiée en a parte de simple « incident opératoire » de première génération type Kéfandolt) est alors administrée durant
par un chirurgien anglo-saxon renommé, n’a en général pas de 24 heures puis arrêtée. Le patient est ensuite surveillé durant 5 jours
conséquence fâcheuse, à l’exception d’une ecchymose palpébrale en hospitalisation, en recherchant un défaut d’étanchéité attesté par
postopératoire. Trois précautions s’imposent : éviter l’application une rhinorrhée claire (aspect en cocarde sur la mouchette), ou encore
dans le couloir ethmoïdal de tout onguent lipidique (crème des signes de méningite.
cortisonique), ne pas mécher ou du moins éviter tout tampon
expansible, et enfin avertir le patient d’éviter tout effort de
mouchage violent dans les jours suivant l’intervention. RHINORRHÉE CÉRÉBROSPINALE
Indépendamment de la fausse route avérée (cf supra), ce type de
complication peut survenir à la suite d’un arrachement de la racine
HÉMORRAGIE
du cornet moyen, d’une section trop haute du cornet moyen
En peropératoire, elle peut être diffuse ou localisée. traversant des filets olfactifs, ou encore d’un arrachement de filets
Diffuse, elle traduit le plus souvent un manque de préparation olfactifs lors de l’exérèse de polypes au niveau de la fente olfactive
médicale du patient avec inflammation muqueuse persistante, ou (geste dangereux à proscrire). Une éventuelle septoplastie associée
encore une pression artérielle trop élevée. Il y a alors intérêt à peut également entraîner une fracture au niveau de la lame criblée.
stopper momentanément l’intervention en tamponnant la cavité La rhinorrhée peut passer inaperçue durant l’intervention et n’être
opératoire avec une compresse dépliée imprégnée de sérum révélée que secondairement par une méningite survenant quelques
adrénaliné. jours plus tard. C’est dire l’importance de prévenir le patient de cette
Localisée, elle traduit une plaie artérielle. Le plus souvent, il s’agit possible complication pour que la survenue d’un écoulement clair à
de l’artère sphénopalatine ou de l’une de ses branches. Elle peut distance des lavages l’amène à consulter. Il faut alors pratiquer un
être coagulée à la pince bipolaire ou encore clipée. À ce propos, scanner pour rechercher un éventuel defect osseux de la base du
rappelons l’intérêt de ne pas couper trop court la queue du cornet crâne, et réintervenir le cas échéant.

13
46-150 Chirurgie de l’ethmoïde et du sphénoïde Techniques chirurgicales

BLESSURE DE LA VOIE LACRYMALE ces cas-là, une décompression peut théoriquement être pratiquée
La voie lacrymale peut être lésée lorsque la méatotomie moyenne dans les toutes premières heures suivant l’accident, mais le pronostic
est poursuivie trop en avant. Il ne s’agit pas d’une véritable est malheureusement très mauvais. Une blessure de la paroi interne
complication mais plutôt d’un incident opératoire dans la mesure d’orbite en arrière se traduit par une plaie du muscle droit interne
où des mesures simples permettent d’éviter toute séquelle. Celles-ci et peut entraîner un hématome rétrobulbaire responsable d’une
consistent à débrider minutieusement cette région lors des soins compression du nerf optique : là encore une décompression d’orbite
postopératoires et à administrer durant 8 jours un collyre associant peut être requise. Enfin, notons que les infiltrations nasales de
un antibiotique et un corticoïde avec massage canthal interne après vasoconstricteurs peuvent entraîner un spasme, voire une occlusion
chaque instillation. En l’absence de traitement, l’évolution vers la de l’artère centrale de la rétine [11, 20, 21, 23].
sténose peut nécessiter à distance une dacryocystorhinostomie.

Soins postopératoires
CÉCITÉ
Ce risque fait toute la gravité potentielle de cette chirurgie. La cécité La chirurgie endoscopique impose des soins postopératoires
peut répondre à plusieurs mécanismes. Il peut bien sûr s’agir d’une minutieux de la part du patient qui doit effectuer des lavages
blessure directe du nerf optique dans le sinus sphénoïdal ou encore fréquents et intensifs de ses fosses nasales au sérum physiologique
dans la cellule d’Onodi, ou encore d’un trait de fracture irradié durant plusieurs semaines, et de la part du chirurgien qui, sous
entraînant un hématome dans le canal optique. La coque du canal endoscope, doit effectuer des gestes locaux pour guider au mieux la
peut en effet être très fine et la cloison entre la cellule d’Onodi et le cicatrisation et éviter la survenue de synéchies, en particulier lorsque
sinus sphénoïdal est souvent implantée sur le canal optique. Dans le cornet moyen a été préservé.

Références
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14
¶ 45-562
¶ 46-190

Chirurgie de la paralysie faciale


périphérique et séquelles
D. Labbé, J. Bardot, H. Bénateau

La paralysie faciale complète constitue une disgrâce insupportable et s’accompagne d’importants


troubles fonctionnels. Le nerf facial doit être réparé chaque fois que cela est techniquement possible, en
particulier chez le sujet jeune. Lorsque la paralysie faciale est définitive, son traitement palliatif repose sur
trois points essentiels.
Un examen clinique initial complet qui analyse, étage par étage, les conséquences esthétiques et
fonctionnelles. Il s’appuie éventuellement sur un électromyogramme (EMG) et détermine le plan de
traitement.
La connaissance parfaite de la technique de chirurgie palliative : à chaque étage les indications
dépendent du type de paralysie et de son retentissement. Les points essentiels sont abordés lors de la
description de chaque technique.
Une indication adaptée à chaque type de paralysie faciale : le cas le plus typique étant celui de la
paralysie faciale définitive et complète par interruption du tronc du VII. Les paralysies faciales
congénitales, les parésies faciales et les séquelles multiopérées sont également envisagées, ainsi que leurs
particularités thérapeutiques.
L’idée centrale de cet article est de traiter, chaque fois que possible, en un temps, l’ensemble des
conséquences de la paralysie faciale afin d’éviter au patient des interventions itératives aux résultats
partiels.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paralysie faciale ; Myoplastie ; Toxine botulique ; Lambeau

Plan Le traitement de la paralysie faciale est avant tout étiologi-


que : suture ou greffe nerveuse. Lorsque ce traitement n’est pas
envisageable, il faut toujours avoir recours au traitement
¶ Introduction 1
palliatif. À juste titre, le patient réclame autre chose qu’une
¶ Réparation nerveuse précoce 2 simple symétrisation au repos. On cherchera à obtenir une
Suture nerveuse 2 symétrie lors de la mimique volontaire, avec des mouvements
Greffe nerveuse 3 séparés des différents étages de la face, mais le but est l’obten-
¶ Paralysie faciale installée : traitement palliatif 3 tion d’une mimique spontanée émotionnelle.
Bilan initial 3 La face est le miroir des émotions, de l’amour à la haine, en
Techniques de traitement palliatif 5 passant par une myriade de graduations subtiles allant de la joie
¶ Indications 15 extrême au profond désespoir. Le chirurgien ne peut pas
Traitement précoce 15 promettre au patient un retour à la normale par le traitement
Chirurgie palliative de la paralysie faciale installée 15 palliatif, mais il doit s’efforcer d’obtenir un résultat symétrique
au repos et à la mimique volontaire.
Le traitement palliatif doit obtenir une réhabilitation à la fois
esthétique et fonctionnelle, en particulier à l’étage orbitaire où
les conséquences de l’exposition cornéenne doivent être
■ Introduction prévenues ou traitées parfois en urgence.
Les auteurs de ce chapitre souhaitent mettre en valeur les
La paralysie faciale définitive est une des disgrâces les plus techniques qui leur semblent les plus efficaces aujourd’hui, en
intolérables. Dans une société où beauté et harmonie faciales se précisant les points techniques les plus utiles. Ils proposent un
situent à la première place, l’individu qui présente une paralysie plan de prise en charge globale de la paralysie faciale (corrigeant
faciale souffre d’un handicap fonctionnel, émotionnel et social en un temps tous les étages de la face), ainsi que de la parésie
majeur. Le malade en est réduit à se montrer d’un seul profil ou faciale.
à présenter le masque d’un visage figé pour éviter une grimace Ils insistent, dans la prise en charge de la paralysie faciale
asymétrique, qui peut apparaître lors de toute réaction émo- aussi bien que dans celle de la parésie, sur l’importance des
tionnelle, prenant le malade au dépourvu. gestes controlatéraux sur le côté sain toujours hyperactif.

Techniques chirurgicales 1
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

■ Réparation nerveuse précoce


Suture nerveuse
En cas de section, la suture directe des extrémités nerveuses,
effectuée dans les délais les plus courts, garde au nerf facial les
meilleures chances de récupération.

Voie d’abord
Elle doit permettre d’aborder le nerf en zone saine, puis de
progresser jusqu’à la lésion, en ayant à l’esprit la topographie
des différentes branches (Fig. 1).
Dans les portions intracrânienne et intrapétreuse, l’abord
relève de la neurochirurgie ou de l’oto-rhino-laryngologie.
Dans la portion rétroparotidienne, extracrânienne, la voie
d’abord peut être classique en baïonnette ou de type lifting
(voir « Anastomose hypoglossofaciale »).
La dissection passe en arrière de la parotide, sans effraction
glandulaire.
L’émergence du nerf facial se trouve dans le prolongement du
cartilage du tragus. Le VII se trouve entre le ventre postérieur du
digastrique en dehors et l’apophyse styloïde, palpable en
dedans.
L’opérateur non entraîné peut s’aider de l’emploi d’un
neurostimulateur pour identifier plus facilement le tronc du
nerf.
Plus en avant, l’interruption nerveuse siège soit au niveau des
branches de division du nerf facial dans la parotide, soit plus en
aval au niveau du plexus génien décrit par Le Quang [1]. Les
branches de division du VII reposent, à ce niveau, sur l’aponé-
vrose massétérine. Elles se disposent de façon variable en
éventail ou en réseau, échangeant des anastomoses au contact
de la boule de Bichat. Les branches efférentes cheminent ensuite
sous la couche superficielle des muscles peauciers.
En urgence, l’abord de cette région peut se faire directement
par la plaie ou par la perte de substance. Dans les trois premiers
jours qui suivent l’interruption nerveuse, il est utile de s’aider
d’un neurostimulateur pour repérer puis identifier les rameaux
distaux du VII qui sont extrêmement fins.
En secondaire, l’abord est beaucoup plus difficile et nécessite
souvent de se porter sur le tronc du nerf à son origine, puis
d’effectuer la dissection du VII intraparotidien pour identifier
tous les rameaux nerveux sectionnés. Le repérage des rameaux
distaux est beaucoup plus aléatoire.
Le rameau frontal du nerf facial est parfois lésé lors d’abords
chirurgicaux de la région périorbitaire par voie coronale. Il peut Figure 2.
être lésé par étirement ou sectionné. Son trajet se projette A. Suture épipérineurale.
approximativement sur une ligne allant du lobe de l’oreille B. Résection étendue en amont du névrome.
jusqu’à un point situé 1 cm au-dessus de la queue du sourcil. C. Le greffon nerveux est une branche du plexus cervical superficiel ou
bien du nerf sural.
D. Greffe nerveuse.

En cas de lésion, l’abord direct est impossible sans cicatrice


évidente.
Le rameau mentonnier du VII chemine, lui, au niveau du
rebord mandibulaire. Placé tout d’abord sous le plan du muscle
peaucier, il devient superficiel au niveau du croisement avec les
vaisseaux faciaux. Son trajet présente de fréquentes variations de
hauteur par rapport au rebord mandibulaire. Ce rameau est
abordé par voie de cervicotomie.

Technique de suture nerveuse


La suture nerveuse doit se faire de façon atraumatique, en
manipulant les extrémités nerveuses avec précaution, sous
microscope opératoire.
Il est inutile d’effectuer une neurolyse intrafasciculaire ou une
épineurectomie. L’épinèvre constitue l’une des enveloppes du
nerf et ne doit pas être réséquée abusivement.
La suture se fait sans traction en zone saine, par des points
épipérineuraux qui transfixient en même temps épi- et périnè-
vre (Fig. 2A).
Les fascicules au niveau de chaque tranche de section ner-
Figure 1. Trajet du nerf facial et ses branches de division. veuse sont ainsi affrontés avec précision (points prenant le

2 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

périnèvre fasciculaire de part et d’autre de la suture), tandis que


l’appui épineural garantit une bonne résistance des sutures.
Les fils utilisés sont des Nylon Monobrin 9/0 ou 10/0. Trois à
quatre points suffisent habituellement pour suturer le tronc du
nerf facial. Les branches terminales sont plus difficiles à
affronter du fait du petit calibre des rameaux nerveux.
En urgence, il est facile de placer la suture en zone saine, au
prix éventuellement d’une recoupe nerveuse minime.
En secondaire, il est nécessaire de réséquer le névrome
d’amont pour retrouver une structure nerveuse saine. Cette
résection doit remonter quelques millimètres au-dessus du
renflement visible du névrome (Fig. 2B). La recoupe basse sur le
fragment distal du nerf, en revanche, ne doit pas être aussi
importante. L’étendue de la résection nerveuse en secondaire
rend quelquefois impossible la suture sans tension. C’est dans
ces cas que le déroutement du VII intrapétreux peut permettre
de gagner une longueur suffisante pour éviter une greffe
nerveuse.
Tous ces éléments sont en faveur d’une exploration et d’une
réparation aussi rapides que possible des plaies du nerf facial.
Certains auteurs utilisent un manchon de collagène ou de la
colle de fibrine pour augmenter la résistance mécanique de la
suture. D’autres, au contraire, dont font partie les auteurs,
évitent d’utiliser des substances qui risquent de provoquer une
réaction à corps étranger au contact de la suture nerveuse. Un
point de colle peut s’avérer utile, en revanche, au niveau des Figure 3. Neurorraphie terminoterminale classique et en boucle décri-
branches terminales de trop faible calibre pour se prêter à la tes par Stricker [3].
suture.
permet d’éviter la déperdition axonale dans les branches
Suites postopératoires
collatérales. Ainsi, l’extrémité proximale du greffon (partie
La suture nerveuse n’a pas de résistance mécanique avant la supérieure pour un nerf sensitif) est positionnée du côté
fin de la 3e semaine. Les axones doivent traverser la fibrose paralysé au cours d’une greffe nerveuse transfaciale.
suturaire avant d’entamer une repousse lente (1 mm/j dans les La neurorraphie peut également être terminolatérale, avec
fibres nerveuses d’aval). incision épi- ou périneurale sur le nerf receveur, voire sans
La récupération sera suivie cliniquement et par des électro- incision selon la technique de Viterbo [2] . Le but de cette
myogrammes (EMG) répétés tous les 3 mois. Les premiers signes neurorraphie est de se brancher sur un nerf receveur sans le
de repousse sont électriques, et l’EMG a une valeur de sur- sacrifier. L’intérêt est grand dans les greffes nerveuses transfacia-
veillance et de pronostic de la repousse nerveuse. les avec possibilité de réaliser la neurorraphie sur le tronc ou sur
une branche buccale du nerf facial sain controlatéral.
Greffe nerveuse Enfin, dans les cas où la restauration de la continuité entre
le tronc du nerf et ses branches de division n’est pas possible,
Si les conditions locales le permettent, l’idéal est de greffer en le montage en « boucle » décrit par Stricker [3] trouve son
urgence, en raison de l’absence de fibrose cicatricielle sur le nerf indication. Les segments distaux sont ici suturés en terminola-
et sur le trajet du greffon. Cependant, le contexte septique téral sur un greffon nerveux positionné en « boucle », lui-
(notamment en cas de morsure) contre-indique la greffe lors du même suturé au tronc du nerf en terminoterminal par ses deux
temps primaire. Il est alors utile de repérer les extrémités extrémités. Selon Stricker, les sutures terminolatérales se font
nerveuses par des clips pour faciliter leur recherche au moment sans fenêtres sur le périnèvre, en accord avec les travaux de
du temps chirurgical secondaire. Viterbo. Le cheminement de la réinnervation s’effectue avec le
La repousse nerveuse est plus lente après greffe qu’après risque habituel d’erreurs des neurones vagabonds (Fig. 3).
simple suture nerveuse, car les axones doivent franchir les
barrières fibreuses de deux sutures nerveuses. Il faut cependant
y avoir recours chaque fois que la suture sans tension est ■ Paralysie faciale installée :
impossible.
Le suivi clinique et électromyographique est identique à celui
traitement palliatif
d’une suture.
Le site donneur peut être le plexus cervical superficiel, facile Bilan initial
d’accès et situé dans le même champ opératoire. Le nerf sural Un bilan est indispensable avant toute décision de traitement
offre une plus grande longueur de greffon, et surtout, une palliatif.
meilleure concentration axonale par rapport à son calibre
(Fig. 2C). Bilan clinique
Quelques règles doivent être respectées quel que soit le type
de neurorraphie : Anamnèse
• éviter toute traction ou manipulation traumatisante pour le Elle précise la date d’installation et l’étiologie de la paralysie
greffon, notamment en évitant d’enlever de façon exagérée le faciale, ainsi que le type anatomique de l’atteinte du nerf.
tissu conjonctif au contact de l’épinèvre du greffon ; Deux situations se présentent en effet :
• placer le greffon nerveux dans un lit receveur sain et bien • interruption nerveuse complète : il existe une section ou une
vascularisé. Il est utile de placer au contact de l’os un petit perte de substance du tronc du nerf facial sans espoir de
lambeau ou une greffe d’épicrâne pour protéger le greffon récupération spontanée. Il faut alors envisager rapidement le
nerveux lorsque celui-ci chemine au contact du rocher. traitement palliatif et ne pas hésiter à employer des méthodes
En cas de neurorraphie terminoterminale, la technique de radicales à type de transfert musculaire ou de neurotisation
suture est identique à celle de la suture nerveuse. Deux à quatre de l’extrémité distale du VII ;
points de fil 10/0 sont habituellement nécessaires et suffisants • lésion en continuité du tronc nerveux : il s’agit d’une
à chaque extrémité du greffon (Fig. 2D). Il faut respecter le sens situation fréquente après chirurgie du neurinome de l’acous-
physiologique de transmission de l’influx au sein du nerf, ce qui tique. Il faut, dans ce cas, tenir compte des lésions anatomi-

Techniques chirurgicales 3
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Charles Bell. Dans certains cas, le signe de Charles Bell est


moins net et l’élévation du globe se fait mal, c’est un signe de
gravité qui augmente le risque cornéen.
Lors du sommeil, l’occlusion va être un peu meilleure du fait
du relâchement du tonus du releveur. Ce relâchement explique
l’abaissement de la paupière supérieure dans le regard, vers le
bas, indépendamment de toute contraction de l’orbiculaire.
La paupière inférieure a perdu son tonus : elle est simplement
abaissée chez le sujet jeune. Le sujet âgé présente un ectropion
vrai.
La lagophtalmie est due à l’association de l’hypertonie du
releveur de la paupière supérieure et de l’atonie de la paupière
inférieure. La gravité de la paralysie faciale tient au fait qu’elle
peut entraîner des complications oculaires : la suppression du
clignement spontané et l’exposition nocturne de la cornée
entraînent une dessiccation cornéenne et une fragilisation à
l’origine de kératites et d’ulcères de cornée.
La diminution de l’action bactériostatique des larmes favorise
les complications infectieuses à type de conjonctivites et de
Figure 4. Aspect clinique d’une paralysie faciale périphérique totale kératites.
chez un sujet jeune. 1. Effacement des rides frontales ; 2. chute du sourcil ;
Le larmoiement a plusieurs causes. L’éversion de la paupière
3. lagophtalmie avec élévation de la paupière supérieure ; hypotonie et
inférieure et du point lacrymal, associée à la paralysie de
abaissement de la paupière inférieure, épiphora ; 4. effacement du sillon
l’orbiculaire, supprime la pompe lacrymale en direction de la
nasogénien ; 5. chute de la commissure.
fosse nasale. La ptôse et l’éversion de la paupière favorisent
l’écoulement des larmes sur la joue.
Tiers moyen et inférieur de la face. Au repos, il existe un
ques constatées sur le tronc nerveux lors de l’intervention affaissement de la lèvre, de l’aile du nez, un effacement du
initiale et laisser au nerf le temps de récupérer avant d’envi- sillon nasogénien et une chute de la commissure labiale.
sager un traitement palliatif irréversible. L’ensemble de la fente labiale est dévié du côté sain, les lèvres
Après 18 mois sans signe de récupération clinique ni électri- sont plus minces et un peu éversées du côté paralysé. De plus,
que, il paraît raisonnable d’envisager un traitement palliatif l’installation d’une hyperactivité du côté sain va progressive-
définitif. ment attirer la pointe du nez, la crête philtrale, l’arc de Cupidon
Examen détaillé de la face et le menton.
La joue, plus creuse, est soulevée rythmiquement par la
• Le testing musculaire étudie les dix principaux muscles respiration.
peauciers de la face en les cotant de 0 à 3 [4] : 0 : absence de
Lors de la mimique, ces déformations deviennent caricatura-
contraction ; 1 : contraction minime ; 2 : contraction ample
les. L’occlusion labiale manque de force, le patient ne peut
mais sans force ; 3 : mouvement normal :
gonfler ses joues. La bouche, lorsqu’elle s’ouvre, prend une
• frontal : élever les sourcils ;
forme oblique ovalaire attirée vers le côté sain.
• sourcilier : froncer les sourcils ;
Sur le plan fonctionnel, il peut exister une gêne respiratoire
• pyramidal : plisser la racine du nez ;
par collapsus inspiratoire de l’aile du nez, et une gêne à
• orbiculaire palpébral : fermer les paupières ;
l’alimentation. Les aliments s’accumulent dans le sillon gingi-
• canin et releveur de la lèvre supérieure : relever l’aile du nez ;
vojugal en raison de la paralysie du muscle buccinateur qui aide
• grand zygomatique : sourire ;
à la chasse naturelle des aliments. L’atonie jugale est à l’origine
• orbiculaire labial : fermer les lèvres ;
de morsures lors de la mastication. Chez le sujet âgé aux
• carré du menton : abaisser la lèvre inférieure ;
téguments distendus, l’incontinence salivaire n’est pas rare.
• buccinateur : gonfler la joue.
La flaccidité de la joue, la ptôse des lèvres contribuent à la
Les paralysies partielles sont mises en évidence par le testing.
Dans l’atteinte complète unilatérale, les signes objectifs sont modification de la voix ou plutôt de l’élocution.
faciles à trouver, même si le regard du néophyte découvrant la Parésie faciale. Elle nécessite une cotation encore plus précise,
face paralysée localise souvent à tort l’altération du côté séparant les muscles du groupe latéral et du groupe central de
indemne parce que grimaçant à la mimique. la face et en insistant sur une cotation qui est la même que celle
L’hémiface paralysée est marquée par l’affaissement et la de Freyss, mais qui peut être graduée de 0,5 en 0,5 pour plus de
déviation. précision.
Il faut distinguer deux types de séquelles : morphologiques ou Bien sûr dans les parésies faciales, on doit insister sur les
esthétiques, d’une part, et fonctionnelles, d’autre part. muscles présentant des spasmes. Ceux-ci doivent être correcte-
Nous les étudierons étage par étage (Fig. 4). ment notés, ainsi que sur les cocontractions entre muscle ou
Frontosourcilier. Au repos, du côté de la lésion, on constate groupes musculaires différents. Il s’agit de la description fine des
aisément un effacement des rides frontales et une chute du syncinésies. Le terme syncinésie décrit des cocontractions entre
sourcil avec, chez le sujet âgé, parfois une gêne à la vision groupes musculaires, par exemple, œil-bouche. Les cocontrac-
latérale. tions précisent chaque muscle intéressé, orbiculaire de l’œil et
À la mimique, le plissement du front et le froncement du grand zygomatique, orbiculaire de l’œil et mentonnier ou
sourcil sont abolis. orbiculaire de l’œil et platysma ou orbiculaire de l’œil vers les
Orbitopalpébral. La fente palpébrale est largement ouverte : trois en même temps. Bien sûr, la contraction de chaque muscle
l’occlusion palpébrale n’est plus assurée par le muscle orbicu- peut déclencher la contraction d’un autre muscle, ce qui doit
laire. L’élévation de la paupière supérieure, sous la dépendance être étudié avec précision.
du muscle releveur de la paupière (innervé par le III), est Le bilan des muscles parésiés des spasmes et des cocontrac-
rarement atteinte dans le cadre des paralysies faciales. tions permet au mieux d’établir un plan de traitement.
Le releveur de la paupière supérieure, privé de son antago- Hyperactivité du côté sain. Celle-ci porte sur tous les étages de
niste l’orbiculaire, participe à la lagophtalmie au repos en la face, plus particulièrement sur le muscle frontal, les abaisseurs
élevant le bord libre de la paupière. Lors de la fermeture de la lèvre inférieure et les zygomatiques. On peut également
palpébrale, les paupières du côté atteint restent ouvertes et le coter l’hyperactivité en fonction de son intensité, de 0 à 3. Ce
globe oculaire se porte en haut et en dehors, c’est le signe de bilan clinique pouvant au mieux être reporté sur un schéma des

4 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 5. Anastomose hypoglossofaciale.


A. Voie d’abord classique de parotide ou dissimulée de type lifting.
B. Section du VII et du XII.
C. Suture terminoterminale.
D. Suture terminolatérale, éventuellement à l’aide d’un greffon intermédiaire.

.
muscles de la face afin de donner immédiatement une vision palliatifs non dépourvus d’effets secondaires au niveau des sites
globale de la paralysie, des cocontractions, des spasmes, et de de prélèvements nerveux ou musculaires.
l’hyperactivité du côté sain. Enfin, devant une atteinte partielle ou une récupération
anarchique, il aide à préciser les lésions, ou à mettre en
Examen clinique complémentaire évidence les syncinésies.
Y a-t-il atteinte d’autres nerfs crâniens pouvant retentir sur le
choix du traitement, notamment : Techniques de traitement palliatif
• atteinte du V : paralysie des muscles masticateurs, anesthésie
cornéenne ; Anastomoses nerveuses
• atteinte du III : atteinte oculomotrice ;
• atteinte du X : troubles de la déglutition, parésie du voile du Anastomose hypoglossofaciale
palais, voix bitonale. Décrite pour la première fois en 1901, l’anastomose XII-VII
Y a-t-il une étiologie particulière susceptible de modifier reste une intervention palliative très employée dans le traite-
certaines indications opératoires : par exemple, neurofibroma- ment de la paralysie faciale définitive.
tose de type II, source d’atteintes nerveuses multiples ? Technique. L’incision est celle d’une parotidectomie, prolon-
gée vers l’angle et le rebord inférieur de la mandibule. Elle peut
Examen électromyographique aussi être réalisée par voie de lifting (Fig. 5A). Après découverte
Dans les premières semaines qui suivent la paralysie faciale du VII, le XII est abordé entre la veine jugulaire et les vaisseaux
(PF), l’électromyographie (EMG) a une valeur diagnostique et carotidiens. Le ventre postérieur du digastrique est récliné et la
pronostique. branche descendante du XII sectionnée afin de permettre la
Dans le bilan d’une PF ancienne, l’EMG confirme l’absence mobilisation vers le haut du tronc nerveux. Le tronc du nerf
de processus de réinnervation. Il justifie l’emploi de procédés grand hypoglosse est sectionné à sa sortie du triangle de

Techniques chirurgicales 5
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Pirogoff avant sa pénétration dans les muscles de la langue La technique de surneurotisation selon Frey [7] est décrite
(Fig. 5B). La portion proximale du tronc du XII est alors libérée dans les paralysies faciales partielles et prises en charge préco-
et le nerf est passé soit en dehors, soit en dedans du ventre cement (pour éviter l’atrophie musculaire). Frey propose de
postérieur du digastrique pour venir, sans tension, au contact du renforcer le tonus et la force de contraction des muscles
tronc du nerf facial dans la région parotidienne où se fait parésiés, pour traiter l’asymétrie du sourire spontané. La
l’anastomose (Fig. 5C). technique consiste en la réalisation d’une greffe nerveuse
Certains auteurs suturent la branche descendante du XII à transfaciale. Du côté sain, un abord préauriculaire de type lifting
l’extrémité distale du nerf sectionné, pour prévenir l’atrophie permet le repérage des branches buccales et zygomatiques du
linguale. D’autres auteurs ont proposé de cliver longitudinale- nerf facial, en avant du bord antérieur de la glande parotide.
ment le nerf grand hypoglosse, afin de conserver les mouve- L’auteur utilise le nerf sural, et la neurorraphie est, de ce côté,
ments de la langue. Cette dernière variante technique donne en terminoterminale. Un tunnel sous-cutané réalisé dans la lèvre
fait un mauvais résultat à la fois sur la conservation des supérieure permet d’acheminer le greffon sural du côté paréti-
mouvements de la langue et sur la repousse nerveuse faciale. que. Les branches du nerf facial sont recherchées par le même
Indications. Certaines conditions doivent être impérative- abord que du côté sain. En revanche, la neurorraphie est ici
ment réunies pour envisager une anastomose XII-VII : effectuée en terminolatérale sur une branche zygomatique, pour
• le nerf facial extracrânien doit être intact ; ne pas perdre ou affaiblir la contraction existante. Cette
• la paralysie faciale permanente doit être définitive, de façon anastomose se fait selon Frey avec une fenêtre épineurale, mais
certaine, sans aucune chance de récupération spontanée ; respect du périnèvre. Cette technique de surneurotisation a
• les muscles peauciers doivent être intacts, ainsi que le XII ; permis, sur les trois cas présentés, d’objectiver, grâce à une
• le patient doit être averti des conséquences de l’interruption analyse vidéo tridimensionnelle, un renforcement de la force de
du XII (paralysie et amyotrophie de l’hémilangue) et prêt contraction des muscles parésiés, avec un recul allant de 1 à
psychologiquement à les assumer. 4 ans.
Il existe également des contre-indications :
• atteinte d’autres nerfs crâniens, notamment le X (risques de Technique de neurotisation muscle-nerf-muscle
troubles de la déglutition majeurs et irréversibles) ; L’équipe de Millesi est celle qui a le plus travaillé sur le sujet.
• patients porteurs de neurofibromatoses de type II qui risquent La technique est intéressante au niveau des lèvres. Le fait de
de développer ultérieurement une paralysie sur le XII contro- dénerver partiellement un muscle entraîne normalement une
latéral, ce qui entraînerait une paralysie complète et définitive stimulation de la croissance des axones qui persistent, lesquels
de la langue ; cette contre-indication est contournée si la
finissent par prendre en charge totalement ou partiellement la
neurorraphie est effectuée en terminolatéral sur le XII,
partie du muscle initialement dénervée. Au niveau des lèvres, en
éventuellement à l’aide d’un greffon intermédiaire (Fig. 5D).
revanche, la dénervation d’un hémiorbiculaire labial ne semble
Nous n’en avons pas l’expérience ;
pas toujours stimuler la repousse nerveuse à partir de l’hémior-
• paralysie faciale ancienne de plus de 4 ans (les muscles
biculaire controlatéral. L’idée est donc de traverser cette
peauciers ont alors disparu).
« barrière » médiane par quelques câbles conducteurs. Sur le
Résultats. L’anastomose XII-VII est une intervention efficace
plan pratique, un greffon nerveux sural est divisé en trois ou
qui aboutit à la restauration d’un tonus et d’une symétrie de
quatre greffons de 4-5 cm de long, qui sont positionnés en
repos en 4 à 6 mois.
plein muscle orbiculaire à différents niveaux, chacun allant de
Les mouvements volontaires se développent jusqu’au 18e
l’hémiorbiculaire sain à l’hémiorbiculaire à neurotiser [8] .
mois, prédominant au tiers moyen de la face.
Kermer [9] décrit dans trois cas sur quatre des résultats satisfai-
Une rééducation bien menée donne une apparence de sourire
sants avec une utilisation à la lèvre inférieure après paralysie du
normal lors de la contraction volontaire.
rameau marginal mandibulaire.
Les résultats sont d’autant meilleurs que l’intervention a été
précoce après l’installation de la paralysie faciale.
Lèvres
Cependant, la fermeture complète de l’œil est le plus souvent
impossible. Dans 80 % des cas existent des syncinésies avec des Suspensions et méthodes statiques
mouvements en masse de l’hémiface, qui donnent un faciès
Excision nasogénienne. Dessinée en fuseau sur toute la
grimaçant lors des mouvements réflexes ou de la mastication.
hauteur du sillon nasogénien, l’excision est large et profonde.
Dans un certain nombre de cas, ces mouvements aboutissent
Le dessin est fait sur un patient réveillé en position assise et en
à une hyperactivité ou à un spasme gênant du côté réanimé
comparant avec le côté sain. Elle doit remonter au-dessus de
(15 % des cas).
l’aile du nez pour repositionner non seulement la commissure
Au niveau du site donneur, l’atrophie de l’hémilangue est
et les lèvres mais aussi l’aile du nez. L’excision doit être
variable d’un sujet à l’autre, gênante dans 25 % des cas.
suffisante pour obtenir une hypercorrection car le relâchement
Les meilleurs résultats sont obtenus chez des sujets de moins
secondaire est constant. Elle emporte le plan musculaire sous-
de 60 ans, opérés dans l’année qui suit l’installation de la
paralysie faciale. jacent. Celui-ci est reconstitué avec soin lors de la suture. De
nombreuses variantes ont été décrites avec, en particulier, le
Anastomose VII-VII transfaciale dessin en « oriflamme » ou en « fer de lance » dont le but est de
Proposées en 1970 par Scaramella [5], leur principe est de lutter contre la ptôse de la lèvre inférieure et la bajoue. Sauf
réinnerver le VII paralysé à partir des rameaux distaux du VII exception, elle n’est pour nous que le complément exception-
controlatéral sain. nel, réalisé dans le même temps qu’un geste de réanimation des
Un ou plusieurs greffons saphènes, longs de 25 à 30 cm, lèvres de type myoplastie du temporal.
traversent la face pour se porter sur le VII paralysé au niveau de Lifting cervicofacial utile chez le sujet âgé. Lorsqu’il est
son tronc ou au niveau de ses branches de terminaison. bilatéral, il est asymétrique avec remise en tension plus marquée
Cette technique a été reprise par d’autres auteurs en deux du côté paralysé. La remise en tension du système musculoapo-
temps pour laisser aux axones le temps d’atteindre l’extrémité névrotique superficiel (SMAS) doit être asymétrique avec
du greffon avant de faire la suture distale [6]. traction sur le SMAS et fixation du platysma au fascia de Loré.
Cette idée originale s’est heurtée à la longueur de la repousse Lorsqu’il est unilatéral du côté paralysé, la technique du
nerveuse, à la nécessité de deux temps opératoires et à la lifting dit midface permet une action plus efficace sur la région
difficulté du choix des rameaux donneurs du fait de la variabi- zygomatique.
lité de l’anatomie du VII. Le lifting est une méthode très efficace à laquelle il faut
Les résultats, dans les meilleurs cas, donnent une innervation toujours penser : bilatéral chez le sujet âgé ou unilatéral dans les
faible, des mouvements en masse et des syncinésies. Ils sont parésies faciales. Associé aux myectomies et à la toxine botuli-
donc, dans l’ensemble, décevants. que, il permet d’affiner le résultat d’une réanimation.

6 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 6. Suspension passive des lèvres. 1. Au zygoma ; 2. au temporal ;


3. au corps du malaire.

Suspension commissurale. Elle consiste à suspendre la


commissure et les lèvres au zygoma, au malaire ou à l’aponé-
vrose temporale. Une ou plusieurs bandelettes de fascia lata sont
nécessaires, avec un trajet direct ou par l’intermédiaire d’un huit
de Gillies atteignant la ligne médiane (Fig. 6).
La suspension peut être associée à une résection nasogé-
nienne dans le cas où une réanimation des lèvres ne peut pas
être envisagée. Le résultat qui peut être bon au repos est
évidemment toujours médiocre à la mimique.
Chéiloplasties. Dans les cas où la distension labiale est
majeure, la chéiloplastie consiste en une résection triangulaire
labiale suivie d’une suture en trois plans. Elle a l’inconvénient
d’ajouter une cicatrice à la paralysie labiale, mais elle rend de Figure 7. Les trois types de sourire (Rubin).
grands services en cas de distension importante, particulière- A. Mona Lisa (67 % des cas) : grand zygomatique prédominant.
ment chez le sujet âgé. Elle peut dans ce cas être utilisée à la B. Canin (31 % des cas) : élévateurs prédominants.
lèvre inférieure en association à une réanimation de la lèvre C. Pleines dents (2 % des cas) : élévateurs et abaisseurs se contractent en
supérieure par myoplastie temporale [10]. même temps.
1. Releveurs de la lèvre supérieure ; 2. canin ; 3. petit zygomatique ;
Myoplasties 4. grand zygomatique ; 5. risorius buccinateur ; 6. triangulaire des lèvres ;
Les myoplasties utilisent les muscles de voisinage, d’innerva- 7, 8. carré du menton.
tion différente (V) pour réanimer les fonctions normalement
dévolues aux muscles faciaux paralysés. La première myoplastie premiers, exposant les canines. Ensuite, la contraction des
remonte à Lexer qui a utilisé le muscle masséter au début du commissures attire la lèvre en haut et en dehors (dans ce cas,
e
XX siècle. l’insertion se fait sur les releveurs de la lèvre, près de la
Certaines données anatomophysiologiques renforcent le commissure et sous l’aile du nez, ainsi que sur le grand
choix d’une myoplastie : simultanéité d’action avec les muscles zygomatique) ;
de la mimique, proximité et existence d’un réflexe trigéminofa- • le sourire à pleines dents (2 %) : les muscles releveurs de la
cial. La proximité fait préférer les muscles temporaux et lèvre supérieure, le grand zygomatique et les abaisseurs de la
masséter innervés par le V. lèvre inférieure se contractent au même moment et exposent
Le muscle mobilisé lors de la myoplastie doit conserver son les arcades dentaires supérieure et inférieure (il faut alors
innervation et sa vascularisation. Il doit donc être prélevé en associer à l’insertion sur les releveurs de la lèvre supérieure et
quantité suffisante et en tenant compte de l’emplacement de ses sur le grand zygomatique un affaiblissement du carré du
pédicules vasculonerveux. Faute de quoi, il évolue inexorable- menton du côté sain).
ment vers l’atrophie et ne conserve aucune capacité contractile. L’étude précise du sourire du côté sain permet de déterminer
L’insertion du transfert musculaire sur la lèvre se fait en les insertions respectives des muscles zygomatiques, releveurs
fonction du type de sourire. L’étude du sourire du patient en superficiels et profonds de la lèvre supérieure et aide également
préopératoire permet de se rapprocher au mieux de la symétrie à déterminer le type de sourire. Ces repères sont reportés en
au repos et lors de la contraction. miroir du côté paralysé pour situer avec précision les points
Nous reprenons la classification de Rubin [11] en trois groupes d’insertion du tendon transféré. Le sillon nasogénien et sa
de sourires (Fig. 7) : forme exacte concave ou rectiligne sont précisés. Le sillon
• le sourire Mona Lisa, (67 % des sourires dans la population nasogénien du côté paralysé est repéré par remontée passive de
générale) dans lequel les commissures sont ascensionnées par la lèvre supérieure en arrière, en position assise, puis contrôlé en
les grands zygomatiques et où la lèvre supérieure contractée position allongée.
ne dégage que l’arcade dentaire supérieure (dans ce cas, La résection en arrière du sillon nasogénien est exception-
l’insertion du transplant musculaire se fait sur le grand nelle. En effet, la remise en place du sillon en trois dimensions
zygomatique proche de la commissure) ; absorbe l’apparent excès cutané.
• le sourire canin (31 %) où les muscles releveurs de la lèvre Myoplastie du temporal (Fig. 8). Type Gillies [12]. Les techni-
supérieure sont prédominants. Ces muscles se contractent les ques d’utilisation du muscle temporal retourné de type Gillies

Techniques chirurgicales 7
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Figure 8. Myoplastie du temporal.


A. Allongement par l’aponévrose temporale
consolidée.
B. Myoplastie de Gillies modifiée. Utilisation
de la moitié postérieure du muscle.
C. Mac Laughlin. Relais de fascia lata entre
coroné et lèvres.
D. Myoplastie d’allongement selon Labbé. Li-
bération totale du muscle sur ses deux pédi-
cules profonds.
E. Myoplastie d’allongement selon Labbé.
Étalement du tendon et fixation sur les lèvres.
Remise en tension et réinsertion sur la moitié
antérieure de la crête temporale.

A B C

D E

ont beaucoup évolué depuis une cinquantaine d’années. Le tendon est passée une bandelette de fascia lata qui est fixée sur
prélèvement musculaire doit être de taille suffisante afin d’éviter le modiolus et la lèvre supérieure. Cette technique donne de
une fibrose secondaire. Le muscle est passé dans le tissu bons résultats en particulier sur le plan dynamique, mais expose
cellulaire sous-cutané par-dessus le zygoma ou dans une au risque de résorption du fascia lata greffé qui peut s’atrophier
encoche de celui-ci, et entraîne toujours une voussure plus ou ou s’étirer (Fig. 8C).
moins importante de la région. Rubin, lorsqu’il prélève la moitié Myoplastie d’allongement du muscle temporal [15, 16] . Cette
antérieure du muscle temporal, la remplace par une pièce en technique transfère le tendon du muscle temporal directement
silicone pour éviter le creux temporal très disgracieux qui du coroné sur la lèvre supérieure. Il s’agit donc d’un transfert du
majore le relief de la voussure zygomatique. Certains prélèvent point mobile du coroné vers la lèvre supérieure avec modifica-
tout le muscle taillé en multiples languettes. Le prélèvement tion du point fixe temporal.
musculaire étant souvent insuffisant en longueur pour atteindre La voie d’abord est coronale classique. Un décollement de
la commissure, il est prolongé par une bande d’aponévrose type mask lift permet d’aborder l’arcade zygomatique qui est
temporale solidarisée au muscle (Fig. 8A). Celle-ci s’insère sur le ostéotomisée et basculée vers le bas avec ses insertions massété-
modiolus et la lèvre supérieure, ainsi que sur le sillon nasogé- rines. Le décollement de mask lift doit laisser solidaire le
nien. Dans certains cas, la fixation peut être assurée sur toute lambeau de scalp, la graisse située entre les deux feuillets de
la lèvre supérieure et inférieure par l’intermédiaire d’un huit de l’aponévrose temporale. Si cette graisse était laissée du côté
Gillies de fascia lata, en particulier chez le sujet âgé. Le milieu musculaire, elle viendrait gêner sa descente et surtout ferait
du chiffre huit est commissural, chacune des boucles se dirige défaut à la fin de l’intervention, créant un creux temporal
horizontalement vers la ligne médiane en dépassant celle-ci sur disgracieux. L’abord de la fosse intratemporale permet de libérer
les deux lèvres. La boucle effectue un double passage au-dessus la partie basse du muscle temporal de ses attaches massétérines.
et au-dessous du vermillon, elle assure un soutien des lèvres et La libération par ostéotomie oblique en bas et en avant du
une bonne transmission des forces. Le prélèvement de la moitié processus coronoïde est faite à la scie alternative, sous couvert
postérieure du muscle [13] plus fine et plus longue, avec résec- d’une protection interne par une lame malléable passée à la face
tion de la partie postérieure du zygoma, constitue une amélio- profonde de l’échancrure sigmoïde. Le fragment osseux emporte
ration intéressante (Fig. 8B). avec lui les insertions tendineuses du temporal.
Technique de Mac Laughlin [14]. Décrite en 1952, cette techni- Puis le muscle est désinséré de la fosse temporale jusqu’à la
que consiste à sectionner à la fois le coroné et le tendon du crête infratemporale, libérant ainsi les pédicules vasculonerveux
temporal, point mobile du muscle. Au travers du coroné ou du qui pénètrent la partie basse du muscle par en dedans (Fig. 8D).

8 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 8. (Suite) Myoplastie du temporal.


F1, F2. Myoplastie d’allongement associée à une greffe nerveuse transfaciale. 1. Anastomose
latéroterminale ; 2. anastomose terminoterminale ; 3. anastomose terminoterminale à la face
profonde du muscle temporal entre le greffon et le nerf temporal profond moyen.
G. Repérage cutané du rameau buccal du nerf facial du côté sain.

La désinsertion de la fosse temporale se fait en laissant une La rééducation est démarrée dès la 3e semaine postopératoire.
bande d’aponévrose temporale d’environ 7 mm sur toute la Elle insiste sur le massage de la joue, à la fois externe (manuel)
partie antérieure de la crête (pour la réinsertion du muscle à la et interne (lingual). Le travail des lèvres et du sourire avec
fin de l’intervention). élévation commissurale se fait en sollicitant les mouvements
Cette libération complète du muscle permet le transfert du mandibulaires, serrage, rétropulsion, diduction. Une contraction
tendon directement au travers de la boule de Bichat vers le indépendante des mouvements mandibulaires est rapidement
sillon nasogénien, la lèvre supérieure et le modiolus. Le tendon obtenue. Par la suite, dans un délai plus ou moins long, le
est récupéré par une contre-incision dans le sillon nasogénien. muscle ayant été transféré dans son ensemble perd sa fonction
Saisi par un davier, il est descendu vers le sillon en usant d’une masticatrice pour devenir un muscle du sourire,
traction ferme et en repoussant du tendon les fibres parasites spontanément [17].
venant des muscles adjacents grâce à une rugine large Dans certains cas, une greffe nerveuse transfaciale est associée
d’Obwegeser. C’est à ce niveau qu’il est réinséré en tenant à la myoplastie d’allongement du muscle temporal. La longueur
compte des différents types de sourire après avoir réséqué le de greffon nerveux nécessaire étant de 20 à 28 cm selon l’âge
fragment de coroné et étalé le tendon d’insertion du muscle et la morphologie du patient, nous prélevons le greffon sural.
temporal sur 4 à 6 cm, de la commissure à l’aile du nez. Ce site de prélèvement a en plus l’avantage de ne pas être sur
Le tendon est suturé à l’emplacement exact des muscles le même champ opératoire que la myoplastie, et donc de
dominants du sourire, en bas jusque sur l’orbiculaire labial sous pouvoir être prélevé par une seconde équipe. Enfin, les séquelles
le vermillon, et en haut jusqu’au pied de l’aile narinaire où il sur le site donneur sont nulles ou minimes, se limitant alors
vient remplacer le releveur de l’aile du nez. souvent à une hypoesthésie située sur le bord latéral du pied.
Par la voie d’abord coronale, le corps du muscle temporal est La technique chirurgicale est la suivante (Fig. 8F). La myo-
ensuite remis en tension et fixé à la bande d’aponévrose plastie est effectuée classiquement jusqu’au décollement du
temporale laissée en place sur la crête temporale (Fig. 8E) sans muscle de la fosse temporale. Il est plus aisé, pour des raisons
surcorrection. L’allongement du muscle se fait aux dépens du d’exposition microchirurgicale, d’effectuer la neurorraphie du
tiers postérieur. Les deux tiers antérieurs sont réinsérés, et il côté paralysé avant que le tendon ne soit descendu pour suture
n’existe pas de creux temporal résiduel. Le passage sous le vers la lèvre. Le greffon nerveux est suturé en terminoterminal
zygoma et dans la boule de Bichat assure son glissement dans sur un des nerfs temporaux profonds (antérieur, moyen ou
la sysarcose manducatrice et évite toute déformation postérieur). Du fait d’une incongruence entre ces deux nerfs, les
zygomatomalaire. fascicules du nerf sural qui ne peuvent être suturés au rameau

Techniques chirurgicales 9
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Figure 10. Transfert musculaire libre revascularisé réinnervé. Réinner-


vation par greffe nerveuse transfaciale.

Le principe consiste à restaurer le moteur de la mimique par


Figure 9. Myoplastie du masséter. Au moins la moitié antérieure. un transplant musculaire libre revascularisé. Droit interne et
Attention au nerf moteur. petit pectoral sont les plus employés. Pédieux, grand dorsal et
grand droit de l’abdomen ont également été utilisés.
temporal sont suturés directement au muscle pour neurotisa- La revascularisation se fait par des microanastomoses sur les
tion. Le tendon du muscle temporal est ensuite transféré à la vaisseaux faciaux ou temporaux superficiels (Fig. 10).
lèvre et suturé selon les principes précédemment décrits. Enfin, La réinnervation du transplant est assurée si possible par le
le muscle est réinséré sur la crête temporale et l’arcade zygoma- moignon proximal du VII homolatéral, souvent prolongé par
tique ostéosynthésée. une greffe nerveuse.
Le nerf sural est positionné sur le bandeau frontal pour Lorsque le nerf facial homolatéral n’est pas utilisable, il faut
atteindre le côté sain. Il reste alors à réaliser la neurorraphie du avoir alors recours soit à une greffe nerveuse transfaciale pour
greffon sural sur le nerf facial du côté sain. Celle-ci peut se faire se brancher sur le VII controlatéral, soit à une neurotisation par
soit sur le tronc du nerf facial en terminolatéral selon la le XII ou le nerf massétérien [17].
technique de Viterbo, soit sur une branche buccale du nerf Ces techniques, dans les mains d’opérateurs entraînés,
facial (en terminolatéral ou terminoterminal). Nous utilisons ici peuvent donner de bons résultats sur la sangle musculaire
le repérage proposé par Viterbo pour retrouver le rameau buccal. labiale.
Une ligne est tracée entre l’incisure intertragienne et l’aile du Les résultats sur la fermeture palpébrale sont moins bons.
nez, et un repérage cutané est réalisé 2 cm en avant de l’oreille. Les lambeaux musculaires libres réinnervés additionnent les
Suite à un abord de type lifting, une incision de 1 cm est aléas de la repousse nerveuse et de la microchirurgie.
réalisée sur l’aponévrose parotidienne en regard du point de Enfin, de multiples temps opératoires sont nécessaires.
repère cutané. Le rameau buccal (vérifié par électrostimulation) Ces techniques ne sont donc pas d’emploi courant dans le
est constamment retrouvé à 5 mm sous le plan de l’aponévrose traitement palliatif de la paralysie faciale.
parotidienne (Fig. 8G).
Myoplastie du masséter. Elle est actuellement le plus Fronto-orbito-palpébral ou facial supérieur
souvent réservée aux cas où le muscle temporal ne peut être
utilisé. Elle peut être, pour certains, associée à un transfert Paupières
temporal. Elle nécessite le prélèvement de la plus grande partie La réanimation des paupières paralysées est une priorité
du muscle masséter et son axe de traction est un peu trop lorsqu’il existe des complications cornéennes. Chez l’enfant et
horizontal, attirant la commissure vers l’arrière. Cependant, à l’adulte jeune, en l’absence de souffrance cornéenne, la recher-
condition de respecter son pédicule vasculonerveux et d’obtenir che d’une occlusion à tout prix ne justifie pas les traitements
une insertion large sur la lèvre et la commissure, les résultats chirurgicaux intempestifs, mais une surveillance rapprochée
obtenus par le transfert du masséter peuvent être tout à fait s’impose.
satisfaisants (Fig. 9). L’utilisation d’une petite bandelette La multiplicité des techniques décrites pour traiter les
musculaire antérieure est constamment vouée à l’échec en paupières paralysées montre qu’aucune n’est parfaite. Les
raison de la disposition anatomique du nerf moteur de ce techniques statiques et dynamiques tendent toutes à traiter la
muscle. Baker [18] recommande l’utilisation du muscle dans sa lagophtalmie et à réduire le larmoiement.
totalité pour le transfert sur les lèvres. Procédés statiques : blépharo- et tarsorraphies. Les premiè-
Soins postopératoires. Si les myoplasties utilisées pour la res ne nécessitent qu’un simple avivement sans résection du
réanimation des lèvres donnent de bons résultats statiques et tarse et laissent moins de séquelles lorsqu’elles sont provisoires.
dynamiques volontaires, elles ne permettent cependant pas Les deux blépharorraphies les plus utilisées sont décrites ici.
d’obtenir une mimique émotionnelle et nécessitent bien Blépharorraphie externe (Fig. 11A). Elle est réalisée soit en
évidemment dans les suites une rééducation prolongée par attente, soit en association avec une chirurgie de réanimation.
orthophonie ou kinésithérapie. Celle-ci doit être expliquée en Elle consiste classiquement en un avivement du quart externe
préopératoire. des paupières et suture de l’une à l’autre. En fait, l’avivement
La sélection des patients pouvant bénéficier de ce type de des deux paupières répond à la règle du 2 sur 1. La zone
chirurgie doit être faite en fonction de leur motivation et de d’avivement inférieure est double de la supérieure (Krastinova-
leur capacité à assumer une rééducation prolongée dans les Lolov [22, 23]). L’incision va jusqu’au canthus externe ou s’arrête
suites. Bien évidemment, ces myoplasties doivent s’accompa- quelques millimètres en dedans de lui. L’incongruence des
gner d’une action sur l’hyperactivité du côté sain. berges s’absorbe très bien et permet de remettre en tension la
paupière inférieure sans trop raccourcir la fente palpébrale.
Transferts musculaires libres vascularisés et réinnervés
L’incision simple de la ligne grise avec ouverture en « feuillet de
Harii [19], O’Brien [20] et Terzis [21] ont attaché leur nom à ces livre » (Fig. 11B) sans résection n’expose pas au risque de
techniques. trichiasis lors de la levée de cette blépharorraphie. La suture est

10 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 11.
A. Tarsorraphie externe asymétrique. Rapport de 2
sur 1. Incision dans la ligne pointillée.
B. Réalisation de la tarsorraphie.

• la canthopexie externe par voie de mask lift : elle est réalisée


en même temps qu’une myoplastie temporale pour réanima-
tion des lèvres ou des paupières. Son but est d’obtenir une
horizontalisation du bord libre de la paupière inférieure. Elle
ne peut avoir d’efficacité que si elle est associée à un remo-
delage osseux de l’orbite. Elle est alors bilatérale et asymétri-
que. Chez le sujet âgé, son efficacité n’est que transitoire [26] ;
• la canthoplastie interne : elle associe une blépharorraphie
endopunctale à un lambeau en V inversé canthal interne. La
mise en tension se fait en haut et en dedans avec résection
cutanée de la pointe du V. Ce procédé rétrécit la fente
palpébrale, masque la caroncule et fait courir un risque aux
voies lacrymales qui doivent être sondées pour sa
réalisation [27].
Intervention de soutien palpébral. On distingue :
• le procédé de Kuhnt-Szymanowski [28] : c’est le procédé de
Figure 12. Tarsorraphie externe de Mac Laughlin. base de remise en tension palpébrale inférieure en cas
d’ectropion. Il associe une excision tarsoconjonctivale
triangulaire ou, mieux, pentagonale, à base supérieure, à un
faite par deux points en U sur tube en Silastic® ou rouleau de large décollement palpébrozygomatique musculocutané. La
gaze grasse laissé en place 12 à 15 jours. Elle a le gros avantage remise en tension du lambeau décollé s’accompagne d’une
de ne pas trop diminuer la longueur de la fente palpébrale tout résection cutanée temporozygomatique triangulaire à base
en assurant une remise en tension de la paupière inférieure. Elle supérieure (Fig. 14). La résection tarsoconjonctivale a été
ne suffit pas cependant à traiter un ectropion vrai. initialement décrite en dedans. Il semble préférable de
La blépharorraphie médiane réalisée devant un risque majeur l’effectuer en dehors. En effet, le défaut principal de cette
de complication oculaire grave n’est que provisoire. technique est le déplacement en dehors du point lacrymal
Blépharorraphie interne extrapunctale de Terson [24]. Lorsqu’elle inférieur qui est majoré par une résection tarsoconjonctivale
est réalisée avec succès, elle traite le larmoiement en réappli- interne. Un simple test de traction latérale permet de juger,
quant les deux points lacrymaux sur la conjonctive bulbaire et avant l’intervention, du déplacement du point lacrymal ;
permet ainsi d’espérer un réamorçage de la pompe lacrymale. • le procédé de Beyer [27] : dérivé du précédent, il associe le
Son résultat est constamment inesthétique. décollement d’un lambeau musculocutané débordant les deux
Tarsorraphies. L’avivement arrive jusqu’au tarse avec résection canthus à une résection tarsoconjonctivale médiane. Puis la
partielle du bord libre et les sutures prennent appui sur le remise en tension musculocutanée est réalisée par la résection
fibrocartilage. On distingue : interne et externe de deux triangles aux extrémités du
• la tarsorraphie externe classique avec avivement du tarse et décollement. Ce procédé permet de jouer sur l’ectropion
conservation des cils. Il existe un risque d’entropion-trichiasis interne de façon plus efficace que le Kuhnt-Szymanowski ;
si elle est levée secondairement ; • les inclusions de soutien dans la paupière inférieure : elles ont
• la tarsorraphie de Mac Laughlin [14] (Fig. 12). Elle emporte sur pour but de corriger l’abaissement de la paupière même en
la paupière inférieure un segment triangulaire comportant l’absence d’ectropion : coquille synthétique de Grignon [29] ou
peau, rebord ciliaire et orbiculaire. Au niveau de la paupière mieux greffe de conque de Krastinova-Lolov [22] prélevant
supérieure, une résection correspondante emporte conjonc- toute la conque. Le cartilage de la conque est placé en
tive et tarse. Cette intervention respecte l’implantation ciliaire profondeur, derrière l’orbiculaire palpébral inférieur. Le
supérieure dans un but esthétique et réalise, en même temps, greffon cartilagineux s’appuie en bas sur le rebord orbitaire
une canthoplastie externe qui remet en tension la paupière ou en avant de lui. La conque doit être remodelée (écrasée)
inférieure. Dans la grande majorité des cas, une tarsorraphie et épouser la forme de la paupière pour ne pas la déformer.
partielle suffit si elle couvre le quart du bord libre. Elle Darsonval [30] prélève, sur le septum nasal, une greffe chon-
diminue ainsi suffisamment la fente palpébrale pour protéger dromuqueuse mise en place sous le tarse. Nous préférons la
la cornée, mais elle est souvent trop visible sur le plan greffe de fibromuqueuse palatine placée sous le tarse de la
esthétique, par raccourcissement de la fente palpébrale. paupière inférieure. L’intervention sectionne les ligaments
Canthoplasties. On distingue : rétracteurs de la paupière inférieure et la greffe, dont la taille est
• la canthoplastie externe d’Edgerton modifiée Montandon [25] bien sûr adaptée à l’abaissement de la paupière inférieure,
qui associe tarsorraphie et canthopexie (Fig. 13). La cantho- permet sa remise à niveau sans rigidité excessive (Fig. 15).
pexie est réalisée grâce à un lambeau cutané désépidermisé, Les suspensions peuvent se faire par une bandelette de fascia
passé en transosseux au travers d’un orifice de 5 mm de lata, de derme ou d’aponévrose temporale introduite sous le
diamètre foré dans la colonne externe d’orbite, avec une bord libre de la paupière inférieure et fixée sous tension aux
surcorrection modérée vers le haut. La tarsorraphie résèque canthus interne et externe. Son étirement secondaire oblige
l’implantation ciliaire et doit être discrètement plus étendue souvent à une remise en tension. Certains l’utilisent plus
sur la paupière inférieure ; particulièrement pour corriger l’ectropion interne.

Techniques chirurgicales 11
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Figure 13. Tarsorraphie canthopexie Mon-


tandon.
A. Désépidermisation d’un lambeau canthal
externe étendu.
B. Aux bords palpébraux.
C. Passage transosseux et suture.
D. Remise en tension et suture.

Figure 14. Procédé de Kuhnt-Szymanowski.


A. Lambeau et résection tarsoconjonctivale externe.
B. Remise en tension et résection temporale.

Procédés dynamiques. Allongement du releveur de la paupière Alourdissement de la paupière supérieure. Plusieurs techniques
supérieure selon Paul Tessier [31] (Fig. 16). En l’absence de son ont été proposées. Sheehan [33], en 1950, utilise un treillis de
antagoniste l’orbiculaire, l’hyperactivité du muscle releveur Tantale. La greffe dermique a également été utilisée, mais elle
laissé à lui-même participe à la lagophtalmie. Son allongement entraîne souvent une déformation importante de la paupière
nous semble devoir être intégré dans les procédés dynamiques. supérieure. La plaque d’or est encore très utilisée, son poids est
Différents types d’allongement ont été proposés : certains ne déterminé en fixant un fantôme sur la paupière à l’aide de
pratiquent que des encoches étagées ou une incision horizontale bandelettes collantes sur le patient assis. L’implant est placé par
en « dent de scie ». Il paraît préférable de pratiquer une incision voie cutanée et fixé en avant du tarse (Fig. 17).
horizontale au bord supérieur du tarse, en sectionnant le muscle
Elle a malheureusement tendance à s’exposer, parfois après de
de Muller. Dans cet espace, est mise en place une greffe
d’aponévrose temporale, de galea ou de fascia lata [32]. nombreuses années. Enfin, en raison de la loi de Newton, cette
La mesure de la hauteur de la greffe aponévrotique est établie technique n’apporte pas de protection en position allongée et
sur l’importance de la lagophtalmie en tenant compte d’une donc pendant le sommeil. La conque [34] a l’énorme avantage
surcorrection primaire indispensable. La greffe mesure le double d’être un matériau autologue. Le poids moyen utilisé est
de la rétraction (schéma C = B – A × 2), mesurée en millimètres, d’environ 1 g ± 0,25 g. Le greffon conqual moyen pèse environ
par rapport au côté sain (distance mesurée entre le bord 0,75 g, il est simple à prélever et simple d’utilisation. S’il est
palpébral et le bord supérieur du limbe). Ce procédé a l’énorme correctement modelé, il peut ne pas trop déformer la paupière.
avantage de la simplicité : insuffisant, il peut être renouvelé, Enfin, dans notre expérience, il est parfaitement toléré. Il est
hypercorrigé, il peut être repris facilement. placé au-dessus du tarse sur presque toute la longueur. Pour

12 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 16. Allongement du releveur de la paupière supérieure.


Figure 15. Inclusion de fibromuqueuse palatine dans la paupière infé- A. Repères pour évaluer la hauteur d’allongement ; a : limbe sclérocor-
rieure. néen ; b : bord libre.
A. Site de prélèvement de la fibromuqueuse palatine. À prélever aussi fin B. Incision du releveur (en tirets).
que possible (excès d’épaisseur source de gêne fonctionnelle et d’ectro- C. Inclusion d’un greffon rectangulaire (suture en points séparés de Vicryl®
pion), hémostase soigneuse (artère palatine postérieure). 6/0).
B. Mise en place du greffon au bord inférieur du tarse : suture à points
séparés, en fil résorbable Vicryl® 6/0, enfouis. 1. Tarse ; 2. greffon ; 3. Pour la myoplastie de Gillies à pédicule inférieur [34], il faut
conjonctive ; 4. rétracteurs de la paupière ; 5. muscle orbiculaire. séparer deux languettes que l’on passe en dehors du rebord
externe de l’orbite, puis dans chacune des paupières avant de les
certains, il faut 4 mm de largeur pour 1 mm de fermeture fixer au canthus interne. L’occlusion n’est pas le résultat d’une
recherchée. contraction circulaire, mais d’une traction externe. Les paupières
Citons les aimants de Muhlbauer [35] qui remplacent l’orbicu- se décollent du globe. La fermeture palpébrale volontaire est
laire par un champ magnétique entre les deux paupières (ils lente, se produit en serrant les dents et apparaît de façon
sont placés sous le bord ciliaire). intempestive à la mastication.
Cerclage palpébral d’Arion [32]. Il utilise un fil de silicone de Schmid [36] a modifié cette technique en prélevant un
0,8 mm de diamètre mis en place par quatre incisions (deux lambeau temporal à pédicule supérieur. Il sectionne le muscle
incisions canthales et deux incisions horizontales médianes en bas vers le coroné et le prolonge par un greffon tendineux
infraciliaires en bas et dans le pli palpébral en haut). Le fil est ou aponévrotique. Ce greffon divisé en deux languettes passe à
glissé au passe-fil et fixé solidement aux deux canthus. Sur le travers la paroi externe de l’orbite en coulissant dans un tube
canthus interne, le fil est passé dans le dédoublement du de Silastic®. Les languettes passent ensuite dans les paupières
ligament canthal grâce à un fil d’acier. Il est fixé au périoste en puis se fixent au canthus interne. Cet artifice évite de décoller
dehors. Le fil passe sous le rebord ciliaire en bas, et au-dessus les paupières du globe oculaire.
du tarse en haut. Cette intervention est menée sous anesthésie
locale : la tension doit être suffisante pour obtenir une occlu- Fronto-orbitaire
sion sans surcorrection lors du relâchement du releveur de la Statiques. Résection sus-sourcilière. Le degré de ptôse sourcilière
paupière. Le contrôle se fait sur le patient assis (Fig. 18). est évalué en centimètres. Le sourcil paralysé est soulevé au
Cette technique a l’avantage de la simplicité, mais, malheu- doigt, en comparant avec le sourcil du côté sain au repos, et en
reusement, le fil a tendance à se casser ou à ulcérer la peau avec précisant le degré de ptôse et sa prédominance externe,
le temps. Nous réservons son utilisation aux paralysies faciales moyenne ou interne. Le dessin de la résection sus-sourcilière est
dont on attend la récupération. fait en fonction.
Réanimation palpébrale par myoplastie du temporal (Fig. 19). Elle Tracée au ras du sourcil pour dissimuler la cicatrice, la
est utilisée par certains (nous ne l’utilisons pas). Le prélèvement résection a la forme d’un fuseau dont la partie la plus large siège
d’une partie importante du muscle entraîne une déformation le plus souvent au niveau du tiers externe du sourcil (Fig. 20).
très gênante des paupières et de la paroi orbitaire externe. En Elle peut être cutanée ou musculocutanée. Il faut obtenir une
n’employant qu’une bande musculaire, fine, à l’inverse, l’inter- surcorrection par rapport au côté sain, en veillant pourtant à ne
vention risque d’être inefficace avec évolution vers l’atrophie et pas décompenser l’équilibre fragile de la protection cornéenne.
la fibrose. Cette résection directe sus-sourcilière, très utile chez le sujet âgé,

Techniques chirurgicales 13
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Figure 17. Alourdissement palpébral (or ou cartilage).


A. Incision et mise en place.
B. En coupe : position rétromusculaire prétarsale.

Figure 18. Fil d’Arion.


A. Incisions de mise en place et fixation canthales.
B. En coupe : position du fil par rapport aux bords libres.

Figure 19. Myoplastie temporale et réanimation des paupières.


Figure 20. Résection sus-sourcilière.

vient en général en complément d’un lifting frontal. Elle est


préférable à la résection en limite des cheveux dont l’efficacité Myectomies (Figure 21)
est moins nette.
Dynamiques. Il est décrit une myoplastie du muscle frontal Au niveau buccal, les résections musculaires doivent emporter
prélevant verticalement le tiers interne du muscle. Celui-ci, au moins 7 mm de muscle pour que la cicatrisation n’en
prolongé par une bandelette d’aponévrose temporale, est fixé à compromette pas le résultat final [37]. Elles peuvent être menées
la racine du sourcil paralysé. Peu utilisée, cette technique par voie cutanée nasogénienne, mais il est préférable de les
n’élève que la partie interne du sourcil, lorsqu’elle est efficace. effectuer par voie endobuccale en regard du sillon nasogénien.
Elles doivent être suffisamment distales, et il est important de
ne refermer que la peau ou la muqueuse. Les résections portent
Chirurgie du côté sain sur les muscles les plus actifs du côté sain. Ceux-ci ont été
Le côté sain, qui agit seul et sans antagoniste, est responsable déterminés en préopératoire selon le type du sourire.
de l’aspect grimaçant de la face. Il est donc indispensable, quel Au niveau de la lèvre inférieure, la résection des muscles
que soit le geste palliatif choisi du côté paralysé, de modérer abaisseurs doit être large, menée par voie vestibulaire inférieure
l’hyperactivité du côté sain si l’on veut se rapprocher de la et elle ne doit pas léser les branches sensitives à destinée labiale
symétrie. du nerf dentaire inférieur. Le résultat précoce doit comporter

14 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

Figure 21. Correction de l’hyperactivité du côté sain. Myectomies de Figure 22. Plan de traitement d’une paralysie faciale : stratégie globale.
symétrisation côté sain. 1. Myoplastie temporale ; 2. allongement du releveur de la paupière
supérieure ; 3. remise en tension temporofrontale (mask lift) ; 4. blépha-
rorraphie externe ou Montandon ; 5. lifting cervicofacial ; 6. myectomies
une discrète surcorrection. En effet, le résultat se dégrade du côté sain.
partiellement, même lorsque les résections musculaires ont été
importantes. fois que la suture risque d’être réalisée sous tension, une greffe
Au niveau frontal, l’affaiblissement du muscle frontal et du nerveuse doit être envisagée.
muscle sourcilier du côté sain est systématique, nous l’avons vu, L’anastomose XII-7 hypoglossofaciale donne de bons résultats
lors de l’abord par voie de mask lift, si une myoplastie tempo- statiques. Les résultats dynamiques sont moins bons avec cocon-
rale est réalisée. À ce niveau, les myectomies siègent au moins tractions et mouvements en masse de toute l’hémiface réanimée
à 1,5 cm au-dessus du sourcil et en regard d’une ride. Deux lors de la mastication ou des mouvements de la langue. Leur
résections parallèles peuvent être utilisées si le muscle frontal est utilisation ne se justifie donc que si elles sont utilisées très tôt sur
très hyperactif. un nerf facial qui n’a aucune chance de récupération.
Neurotomies
Chirurgie palliative de la paralysie faciale
Elles sont difficiles à réaliser correctement et manquent de
précision du fait des variations anatomiques des branches de
installée
division du nerf facial. Elles peuvent être effectuées par des L’examen clinique, associé à une exploration par électromyo-
résections aveugles ou en s’aidant de la stimulation électri- gramme, permet de différencier une PF séquellaire pour laquelle
que [38]. Les neurotomies ont été utilisées, notamment, pour les un traitement palliatif est proposé, d’une PF présentant des
rameaux frontal et mentonnier. Bien que certains auteurs [39] en signes de récupération, pour laquelle une surveillance avec
aient prôné l’usage, il semble que leur résultat soit moins stable réévaluation régulière est indiquée.
à long terme que celui des myectomies.
Paralysie faciale unilatérale de l’adulte
Toxine botulique [40] Nous proposons un traitement global en un temps de la face
Elle est très intéressante car son action est très sélective sur paralysée (Fig. 22).
les différents groupes musculaires, mais son efficacité réelle est Le candidat type à ce traitement est le patient jeune, en bon
transitoire. Elle permet une action fine sur les muscles hyperac- état général, porteur d’une paralysie faciale complète depuis
.
tifs en particulier zygomatiques et abaisseurs de la lèvre 18 mois à 2 ans, sans tentative de correction chirurgicale et sans
inférieure où les myectomies sont plus difficiles. Dans les aucun signe de récupération clinique ou électrique.
parésies, elles traitent les spasmes. Cette situation se voit souvent après l’exérèse d’un neurinome
de l’acoustique avec une lésion en continuité du nerf facial.
L’intervention qui est décrite dans ce paragraphe a pour but
■ Indications de traiter en un seul temps opératoire le maximum de séquelles,
à tous les étages de la face. Elle est aisément réalisable par un
L’attitude est tout d’abord très différente selon qu’il s’agit opérateur entraîné.
d’une paralysie faciale récente pouvant bénéficier d’un traite- L’examen préopératoire et le plan de traitement est confirmé
ment précoce, ou bien d’une PF installée bénéficiant d’un la veille de l’intervention sur un patient en position assise et
traitement palliatif. comporte :
Les indications du traitement sont fonction : • un examen au repos ;
• de l’étiologie de la paralysie faciale ; • une étude de la contraction volontaire ;
• du niveau de lésion du nerf ; • une étude de la mimique émotionnelle.
• de l’ancienneté de la paralysie faciale. Les dessins préopératoires sont établis sur le patient assis
grâce aux repères pris du côté sain, qui sont reproduits en
Traitement précoce miroir du côté paralysé.
Le patient, déjà éprouvé par sa maladie, a été informé
La réparation du nerf facial dans les délais les plus courts (par auparavant qu’il existe parfois provisoirement en postopératoire
suture ou greffe) constitue le meilleur traitement. Le but est de une déformation du côté réanimé, avec une surcorrection, qui
restaurer chaque fois que possible la continuité nerveuse avant la peut durer environ 1 mois.
dégénérescence neuromusculaire survenant dans la première année,
et cela, même chez les personnes âgées. En effet, la repousse Étage frontal
nerveuse, très compromise au niveau des membres chez les sujets Côté paralysé. Si la ptôse sourcilière est modérée, le lifting
âgés, paraît beaucoup plus favorable au niveau du nerf facial. frontal, réalisé au moment de la myoplastie d’allongement du
Les branches frontales et cervicales doivent aussi être réparées temporal, suffit à traiter l’étage frontal. Si la ptôse est impor-
quand elles sont atteintes et que l’on a la chance de les tante, notamment chez le sujet âgé, une résection sus-sourcilière
retrouver en urgence ou semi-urgence. Rappelons que chaque est associée au lifting frontal.

Techniques chirurgicales 15
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

Côté sain. Les résections musculaires sur le muscle frontal de type hypoglossofacial, qui impose une section du tronc du
sont presque systématiques du côté sain. La contraction du nerf facial. Les complications oculaires sont exceptionnelles.
front du côté sain permet de déterminer l’emplacement exact et Nous optons donc généralement pour un traitement unique
l’importance des myectomies (jamais moins de 7 mm). La de réanimation du sourire, associé éventuellement à des
toxine botulique peut être une alternative ou elle peut être myectomies frontales et des injections de toxine botulique du
effectuée en complément des myectomies. côté sain pour l’hyperactivité de la lèvre supérieure et inférieure.
Le muscle sourcilier, perpendiculaire à la « ride du lion », est La réanimation du sourire se fait par myoplastie d’allongement
également évalué en vue d’une résection du côté sain. du temporal, par une incision bicoronale et une incision naso-
génienne. Les repères préopératoires sont les mêmes que ceux
Étage palpébral pris chez l’adulte. En général, l’insertion sur la lèvre se fait de
Côté paralysé. Le degré de relâchement de la paupière façon plus facile en raison du bon tonus des tissus mous.
inférieure ou d’ectropion guide le choix entre les interventions La chirurgie des paupières n’est effectuée que s’il existe un
de soutien de type greffe de muqueuse palatine ou/et la simple retentissement fonctionnel. Par ailleurs, on peut espérer une
blépharrorraphie externe asymétrique de type 1 sur 2 (selon neurotisation de muscle à muscle entre le muscle temporal et
Kratisnova). Le pli palpébral supérieur est repéré. les muscles peauciers, et notamment l’orbiculaire palpébral, ce
Côté sain. La toxine botulique peut être utilisée sur l’orbicu- qui améliorerait la lagophtalmie.
laire palpébral s’il est hyperactif.
Parésie unilatérale
Étage buccal
Contraction du côté paralysé à plus de 50 % par rapport
Côté paralysé. Une myoplastie d’allongement du muscle au côté sain. On entreprend une rééducation acharnée pour
temporal est réalisée. En cas d’anomalie des muscles temporaux voir si cette contraction peut être améliorée et aboutir à un bon
ou de paralysie associée du trijumeau, un transfert musculaire résultat esthétique, en particulier lors du sourire émotionnel. Les
libre de type Gracilis s’impose. injections de toxine botulique peuvent aussi aider à la symétri-
En effet, les suspensions passives, dont les résultats sont sation de la face. Si le résultat est insuffisant, une intervention
toujours mauvais et décevants, sont à réserver uniquement aux de surneurotisation terminolatérale (selon Frey) du côté paralysé
patients très fragiles chez lesquels une anesthésie n’est pas semble tout à fait justifiée, en particulier par un abord direct des
envisagée. rameaux buccaux dans la glande parotide selon Viterbo.
Côté sain. On repère également l’hyperactivité du côté sain, Contraction représentant moins de 50 % par rapport au
qui en général est évidente à la lèvre inférieure (abaisseur de la côté sain malgré une rééducation correctement suivie. Une
lèvre inférieure et abaisseur de l’angle de la bouche), mais qui myoplastie d’allongement du temporal est, dans ce cas, justifiée.
peut aussi, dans certains cas, toucher les grands et petits En effet, le passage jugal du tendon du temporal n’entraîne
zygomatiques, ainsi que les releveurs profonds et superficiels de aucune section et donc ne fait pas courir de risque au nerf facial
la lèvre supérieure. Pour traiter cette hyperactivité, l’utilisation en particulier. Il n’y a donc pas de risque de majoration de la
de la toxine botulique permet une adaptation fine et qui peut paralysie faciale, et le fait qu’une contraction, même minime,
aussi être améliorée dans le temps puisque ces injections seront existe est un facteur favorable pour une meilleure qualité du
à renouveler environ deux fois par an. résultat, par neurotisation de muscle à muscle entre les muscles
peauciers et le muscle temporal et vice versa.
Temps de l’intervention
Les différents temps de cette intervention sont : Paralysie d’un seul étage de la face
• abord et décollement de mask lift (sous-périosté) bilatéral, Pour l’étage frontal seul, on préfère la toxine botulique du
mais limité en temporal du côté sain ; côté sain.
• temps crânien de la myoplastie d’allongement du temporal ; Pour l’étage orbitaire seul, le traitement est le même que dans
• du côté sain, prélèvement d’une bande d’aponévrose tempo- la paralysie faciale unilatérale, à savoir allongement du releveur
rale (côté sain) pour l’allongement de paupière supérieure, et de la paupière supérieure et bléraphorraphie externe asymétrique.
myectomies frontale et intersourcilière ; Pour l’étage labial supérieur seul, la myoplastie d’allongement
• abord nasogénien du côté à réanimer ; du temporal est associée à des injections de toxine botulique du
• fixation du tendon du temporal en lieu et place des muscles côté sain pour traiter l’hyperactivité.
peauciers paralysés ; Pour l’étage labial inférieur et l’étage cervical, la toxine
• abord dans le pli palpébral supérieur. Dissection et allonge- botulique est utilisée du côté sain pour traiter l’asymétrie.
ment du releveur de la paupière supérieure par interposition
d’aponévrose temporale ; Patient multiopéré
• blépharorraphie externe asymétrique. Il s’agit soit de patients âgés, soit de patients jeunes chez qui
les interventions antérieures n’ont pas apporté le résultat
Gestes complémentaires non systématiquement escompté.
associés Après une simple suspension commissurale, une myoplastie
Les gestes complémentaires non systématiquement associés du temporal permet de réanimer les lèvres. La suspension est
sont : soit conservée, soit retirée, en particulier si elle a été réalisée par
• résection sus-sourcilière : c’est un geste indispensable chez le du matériel synthétique.
sujet âgé, mais qui peut être effectué dans le même temps ou Après un transfert du muscle masséter dont le résultat est en
dans un second temps sous anesthésie locale pour fixation du général insuffisant par traction horizontale sur la commissure, il
sourcil au périoste ; est possible d’associer une myoplastie d’allongement du tempo-
• greffe de soutien de la paupière inférieure de type greffe de ral sans supprimer le masséter transposé lorsqu’il est fonctionnel.
muqueuse palatine ; Après myoplastie de Gillies qui, en règle, utilise la partie
• lifting asymétrique : soit lifting cervicofacial asymétrique avec postérieure du muscle temporal, on peut associer une myoplas-
geste sur le platysma (platysma suspension avec plicature du tie d’allongement du temporal en utilisant sa partie antérieure,
ligament de Furnas), associé à une plicature du SMAS facial avec interposition de matériaux inertes entre la crête temporale
de type MACS LIFT; et la partie haute du muscle pour permettre son allongement
• lifting malaire concentrique [41]. Il permet de traiter au mieux (Mersylène®).
l’asymétrie de l’étage orbitaire liée à la paralysie de l’orbicu- Lorsqu’une tarsorraphie a été réalisée de façon très étendue et
laire palpébral et orbitaire avec asymétrie des cernes. trop visible, une séparation des paupières est réalisée, associée à
une reprise de blépharorraphie externe asymétrique avec
Paralysie faciale unilatérale de l’enfant allongement du muscle releveur supérieur selon Tessier.
Chez l’enfant, la paralysie faciale est en général partielle. Cela En cas d’exposition d’une plaque d’or, son ablation est suivie
élimine la possibilité de réanimation par anastomose nerveuse d’un allongement du releveur de la paupière supérieure.

16 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles ¶ 45-562 / 46-190

La rééducation postopératoire peut être aidée par l’utilisation


de toxine botulique injectée dans les abaisseurs de la lèvre
inférieure (afin de favoriser l’élévation lors du sourire) et par
l’électrostimulation des temporaux qui favorise la prise de
conscience de l’élévation commissurale obtenue par les muscles
transférés.

■ Références
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cliniques. Ann Chir Plast Esthet 1976;21:5-15.
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La paralysie est parfois complète, où seuls persistent des microneurovascular anastomoses for the treatment of facial paralysis.
mouvements d’abaissement de la lèvre inférieure par action du Plast Reconstr Surg 1976;57:133-43.
platysma et des abaisseurs de l’angle de la bouche. [20] O’Brien BM, Franklin JD, Morrison WA. Cross-facial nerve grafts and
Les principes du traitement sont les mêmes que ceux de la microneurovascular free muscle transfer for long established facial
paralysie faciale unilatérale, mais ils s’appliquent des deux côtés palsy. Br J Plast Surg 1980;33:202-15.
(Fig. 23). [21] Terzis JK, Magnus EN. Analysis of 100 cases of free muscle transplan-
Zuker propose deux transferts musculaires libres de Gracilis tation for facial paralysis. Plast Reconstr Surg 1997;99:1905-21.
réalisés à 1 an d’intervalle et branchés sur le nerf massétérin, [22] Krastinova-Lolov D. Chirurgie palliative des séquelles de paralysie
entraînant donc une paralysie du muscle masséter. faciale périphérique. Paris: Communication SOC FCPRE; 1989.
Nous proposons une myoplastie d’allongement bilatérale du [23] Henry DE, Frahan O. Traitement chirurgical palliatif des séquelles de
muscle temporal lorsque celui-ci est fonctionnel. Il faut s’assurer paralysie faciale. [thèse], Paris, 1989.
de cette fonctionnalité au besoin par un électromyogramme du [24] Terson A. Cantorraphies internes prélacrymales ou la soudure
temporal préopératoire. Cette myoplastie d’allongement du rétrociliaire. Ophtalmologie du Médecin Praticien. Paris: Masson;
temporal bilatérale est le plus souvent associée à une greffe de 1916 (305p).
fascia lata tunnellisée dans la lèvre inférieure et rejoignant les [25] Montandon D. Paralysie faciale en plasties et reconstructions orbito-
deux tendons (Fig. 24). L’insertion des tendons temporaux sur palpébrales. Genève: Médecine et hygiène; 1988.
la lèvre supérieure est toujours difficile car il existe très peu de [26] Krastinova-Lolov D. Le lifting sous périosté. Ann Chir Plast Esthet
tissu musculaire résiduel. 1989;34:199-211.

Techniques chirurgicales 17
45-562 / 46-190 ¶ Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles

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and mesh. Surgery 1950;27:122. 2006;51:99-121.

D. Labbé (dr.labbe@wanadoo.fr).
Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, CHU Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
J. Bardot.
Service de chirurgie pédiatrique, Hôpital de la Timone, 13385 Marseille cedex 05, France.
H. Bénateau.
Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, CHU Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Labbé D., Bardot J., Bénateau H. Chirurgie de la paralysie faciale périphérique et séquelles. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-562, Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-190, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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18 Techniques chirurgicales
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-230]

Chirurgie de l'imperforation choanale

Jérôme Andrieu-Guitrancourt : Professeur oto-rhino-laryngologiste des Hôpitaux


Service d'oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Charles-Nicolle, 76035 Rouen
cedex France
Pierre-Marie Stipon : Attaché des Hôpitaux
CHU de Rouen, 76035 Rouen cedex France

Résumé

Depuis la première cure chirurgicale d'atrésie choanale congénitale chez un nouveau-né,


attribuée à Emmert à Bâle en 1851 par une perforation au travers des fosses nasales, de
nombreuses méthodes ont été décrites et proposées permettant un geste plus précis et
surtout moins dangereux étant réalisé sous contrôle de la vue. Dans le même temps, les
difficultés rencontrées pour maintenir un calibre choanal stable avec le temps, et cela
malgré l'utilisation de procédés de calibrage rapidement préconisés, ont fait évoluer les
conceptions de cette chirurgie. Celles-ci reposent à présent sur une meilleure
compréhension de la malformation établie sur quelques précieuses pièces anatomiques
[19]
(la malformation est rare [1/7 à 8 000]), et sur des analyses radiologiques et surtout
tomodensitométriques.

© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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GÉ NÉ RALITÉ S
Choane

Beaucoup plus qu'orifice postérieur de la fosse nasale, la choane représente l'extrémité


postérieure de la fosse nasale : « défilé ou canal » choanal.

Forme et dimensions connaissent une évolution remarquable avec l'âge. La différence


entre le nouveau-né et l'adulte est saisissante. Chez celui-ci l'orifice situé, dans un plan
vertical, présente un grand axe vertical (largeur 12 mm, hauteur 20 mm) ; chez le
nouveau-né, principalement concerné par la malformation, l'orifice, situé dans un plan très
oblique presque horizontal, a la forme d'un triangle isocèle de 7 mm (±) de côté [25] ;
cette forme est sous la dépendance de la petite hauteur du rhinopharynx, elle-même liée
au petit développement de l'étage moyen de la face à cet âge.

Les tableaux I et II et la figure 1 précisent les distances des principaux repères osseux
de la choane, ainsi que les variations de sa hauteur, et de sa largeur en fonction de l'âge.
Ces mensurations sont importantes à connaître lors de la chirurgie, notamment pour bien
se situer dans l'espace et le volume de la fosse nasale, pour interpréter les lésions sur
l'examen tomodensitométrique et définir les modalités du geste opératoire.

Atrésie choanale

La zone atrétique se trouve au niveau de la jonction palatomaxillaire, c'est-à-dire en avant


du bord postérieur du vomer et du palatin (il faut remarquer que le cadre osseux choanal
apparaît toujours bien délimité à l'observation du cavum ; il est sensiblement normal et
symétrique même en cas d'atrésie unilatérale).

L'obstacle atrétique ou « mur » d'atrésie a une épaisseur variable de 1 à 10, voire 12 mm.
Il représente la zone postérieure d'une déformation en entonnoir à l'extrémité postérieure
de la fosse nasale, déformation quasi constante et le plus souvent prononcée. Bien
soulignée de longue date (Muller [21]), elle est parfaitement visible lors de l'endoscopie de
la fosse nasale et plus encore sur l'examen tomodensitométrique (fig. 2 et 3). Intéressant
le quart ou le tiers postérieur de la fosse nasale, ou les deux, elle concerne tout à la fois la
paroi latérale (lame perpendiculaire du palatin et apophyse ptérygoïde) et la paroi médiale
(vomer) ; elle peut prédominer sur l'une ou l'autre. Sensiblement symétrique de son
opposée en cas d'atrésie bilatérale, la portion préatrétique de la fosse nasale peut
apparaître rétrécie ou élargie en cas d'atrésie unilatérale.

Le plan muqueux sur un soubassement fibropériosté complète l'obstruction quand les deux
parois osseuses ne viennent pas directement en contact l'une de l'autre ou, a fortiori, ne
sont pas soudées en un seul bloc ; cette situation définit les atrésies membraneuses et
mixtes (moins de 20 % des cas). Les deux plans muqueux de la fosse nasale et du cavum
sont alors en contact. Il semble toujours exister, même en cas d'atrésie osseuse, une zone
de plus faible épaisseur dans le mur osseux, voire un cordon fibreux le traversant ; cette
zone se situe dans l'angle inféromédian du mur.

Synthèse des objectifs de la chirurgie

L'atrésie choanale revêt sur le plan anatomique des aspects variés : uni- ou
bilatéralité, nature osseuse, mixte ou membraneuse, rétrécissement symétrique ou
non, prédominant ou non sur une paroi ou l'autre, etc.
Un bilan lésionnel craniofacial est indispensable avant de déterminer une stratégie
thérapeutique, sans négliger pour autant les nombreuses associations
malformatives pouvant intervenir sur les décisions et le pronostic (citons le
syndrome CHARGE
« coloboma, heart defects, atresia of the choanae, retarded growth and
development, genital hypoplasia, ears anomalies, and/or hearing loss » - à titre
d'exemple). L'efficacité et la bonne tolérance habituelle des méthodes de
réanimation ventilatoire autorisent le délai nécessaire à la réalisation de ce bilan.
L'examen à l'endoscope (souple et rigide) des fosses nasales et du pharynx sera
complété par une étude tomodensitométrique ; ces deux examens sont réalisés
après aspiration des mucosités obligatoirement accumulées. L'examen radiologique
après opacification nasale n'a plus d'intérêt de nos jours.
La simple rupture du mur d'atrésie, profitant de la zone de faiblesse signalée ne
permet d'obtenir le plus souvent qu'un orifice choanal étroit, insuffisant à assurer
une bonne ventilation ou instable ayant tendance à se refermer spontanément.
En conséquence, l'élargissement de l'ensemble de la partie postérieure de la fosse
nasale est indispensable : il se fait soit aux dépens de la paroi latérale mais la
manoeuvre est ici limitée par la présence du pédicule palatin postérieur, soit
surtout aux dépens du vomer. La résection du bord postérieur vomérien est le
geste le plus efficace reconnu de longue date [36] pour obtenir un orifice choanal
large et stable, tout en le déplaçant en avant de ce fait.
Le plan muqueux doit être reconstitué afin de recouvrir le mieux possible la zone
de résection osseuse et les berges de l'orifice créé [2], à défaut de quoi la
cicatrisation est potentiellement vicieuse car sténosante. La difficulté à tailler, puis
à maintenir en place les muqueuses provenant des plans nasal et rhinopharyngé
explique une part des échecs secondaires.
La mise en place et le maintien plus ou moins prolongé d'un tuteur de cicatrisation
trouve ici sa justification ; la grande majorité des auteurs ont, à ce jour, conservé
ce geste dans leur pratique.
Sont ainsi définis les temps essentiels du traitement chirurgical de l'atrésie
choanale.

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TECHNIQUES

Généralités

Diverses modalités d'approche de l'atrésie choanale

Différentes voies d'abord ont été proposées à ce jour (fig. 4).

La voie transnasale : l'attaque du mur d'atrésie se fait sur sa face antérieure par la
lumière de la fosse nasale ; technique largement utilisée et souvent efficace, elle
ne permettait que des gestes limités, c'est-à-dire une simple perforation, et non
contrôlés, modifiée maintenant grâce au contrôle optique direct (microscope ou
endoscope) elle permet la réalisation de gestes réglés et précis.
La voie transpalatine : la trépanation de la voûte palatine donne un abord direct
sur le mur d'atrésie et sur les plans muqueux antérieur (nasal) et postérieur
(rhinopharyngé).
La voie transseptale combine l'exposition du vomer par voie de septoplastie
classique et la résection de sa partie postérieure correspondant à la paroi interne
du mur d'atrésie.
Ces trois voies utilisées de manière courante actuellement seront décrites ; par
contre, ne seront que citées :
la voie transantrale (Wright [38]) qui réalise une attaque latérale du mur
d'atrésie par résection de la paroi médiale maxillopalatine du sinus
maxillaire ; elle n'a guère été utilisée ;
la voie transmaxillaire qui comporte une ostéotomie de type Le Fort I avec
abaissement du bloc maxillopalatin (Thaller [34], Resouly [26]) ;
la voie sous-labiale (Krespi [18]) et par rhinotomie transcolumellaire (Koltai
[17]
) qui ne sont que des variantes de la voie transseptale.

Toutes ces interventions comportent deux temps distincts, reperméabilisation choanale et


mise en place du calibrage ou tuteur de cicatrisation. Ce deuxième temps sensiblement
identique, quelle que soit la technique de reperméabilisation utilisée, sera envisagé après
celle-ci.

De même, quelle que soit la technique utilisée, il faut le rappeler, l'examen endoscopique
des fosses nasales et du rhinopharynx [3] permet de préciser la disposition locale avant le
début de l'intervention ; il est réalisé après nettoyage des fosses nasales et rétraction
muqueuse.
Voie transnasale ou endonasale

Deux modalités s'opposent : la perforation (« divulsion ») et la résection endonasale.

Perforation choanale simple

Technique classique et ancienne, elle se résume à l'introduction dans la fosse nasale d'un
agent perforant (pince hémostatique coudée fine, sonde métallique droite ou légèrement
béniquée vers le bas) après avoir pris des repères externes et éventuellement
radiologiques, et mis une protection dans le rhinopharynx (miroir de rhinoscopie, lamelle
métallique ou tampon). La perforation obtenue, est alors installée une sonde de calibrage.

Cette technique comporte des risques évidents de fausse-route et des insuffisances non
moins évidentes puisqu'elle se limite à la création d'un simple orifice. Les échecs en sont
fréquents, exception faite pour certaines atrésies membraneuses. Elle ne doit plus être
utilisée.

Résection endonasale
[30]
La technique décrite ci-après est dérivée de celle décrite par Singleton et Hardcastle et
se distingue nettement de la précédente.

Elle comporte les temps suivants sous anesthésie générale, patient en décubitus dorsal.

Nettoyage, aspiration des fosses nasales et rétraction de la muqueuse par


attouchement au sérum adrénaliné

Ces gestes permettent une observation nasale jusqu'aux choanes au travers d'un
spéculum soit nasi (à valve) soit auris, sous microscope ou directement par endoscope
(calibre 2,7 ou 4 mm) en fonction de l'âge.

Repérage des éléments essentiels dans la fosse nasale, plancher et cornets

Il est complété par un contrôle externe de l'axe de visée reproduisant celui qui a pu
éventuellement être défini en préopératoire sur une radiographie de profil avec stylet
endonasal préplacé ; ces repérages sont essentiels, particulièrement chez le nouveau-né,
pour éviter une « fausse-route » basicrânienne le contrôle de la position opératoire de la
tête est très important ; l'axe de visée doit se rapprocher du plan du voile du palais (fig.
5) ; il faut prendre garde à la tendance du spéculum, dévié par le cornet inférieur, à se
diriger vers la partie haute de la fosse nasale ; le contrôle de la position opératoire de la
tête est très important.

Mise en place dans le cavum de protecteur ou d'endoscope

La mise en place dans le cavum soit d'un tampon de coton permettra d'identifier la
pénétration rhinopharyngée, soit d'un protecteur métallique, soit d'un endoscope souple
permettra à un aide de contrôler la pénétration en cours d'intervention ; une optique rigide
de 70° à 120° et plus peut être utilisée à cette fin par l'opérateur lui-même entre deux
temps de l'opération.

Incision du plan muqueux nasal

Elle dessine idéalement un lambeau ou simplement une incision cruciforme, soit au bistouri
otologique, soit à la pointe électrique gainée.
Trépanation du mur osseux d'atrésie

Elle peut se faire selon plusieurs modalités :

soit au tour chirurgical utilisant une fraise diamantée de longueur adaptée à celle
de la fosse nasale, manipulée au travers d'un spéculum protégeant la narine de
toute brûlure ;
soit au laser CO2 (ou KTP).

Ce temps comporte successivement perforation du mur d'atrésie puis élargissement par


résection à partir de l'orifice de perforation vers la périphérie en privilégiant cependant
l'action sur la paroi interne vomérienne jusqu'à obtenir un orifice régulier et large se
rapprochant du calibre idéal pour l'âge ; la luxation vers le haut du cornet inférieur peut
s'avérer nécessaire pour une bonne exposition.

Remise en place des lambeaux de muqueuse nasale et pharyngée

Elle se fait si celle-ci a pu être préservée et incisée ; le calibrage est ensuite disposé.

Cette technique est applicable chez l'adulte comme chez l'enfant. Par cette voie, la partie
postérieure du vomer peut également être réséquée à l'aide d'une pince mordante à action
rétrograde [32], ce qui rejoint l'objectif de la voie transseptale.

Chez le nouveau-né et le nourrisson par contre (fig. 6), en raison du manque de visibilité,
le geste instrumental doit, dans cette voie, être réalisé sans contrôle permanent du mur
d'atrésie et de l'instrument. Il serait dangereux de la faire sans avoir au préalable pris ses
repères comme il a été dit précédemment, ni vérifié au cours du geste que l'impact de la
trépanation est bien situé dans le quadrant inféro-interne du mur d'atrésie. Fraise, curette,
ciseau frappé, perforateur ont été préconisés ; nous donnons la préférence au perforateur
manuel (habituellement un trocart à ponction de sinus) pour le premier temps, puis aux
pinces « guillotine » à action latérale (de type Kerrison) de petit calibre (4 à 5 mm) pour
l'élargissement choanal. La taille, puis le respect de la muqueuse sont ici le plus souvent
quasi impossibles à réaliser. Chez le nouveau-né, une sonde de 4,7 mm (c'est-à-dire
Portex® no 3 ID) doit passer facilement ; le calibre sera bien sûr adapté à l'âge et à la taille
de l'enfant.

Utilisation du laser CO2

Elle est préconisée depuis Healy 1978 [15] pour cette même tranche d'âge. Elle se fait sous
microscope portant le faisceau laser avec focale 300 à 400 mm, par tirs de faible puissance
(5 à 10 Watts) et durée (1 seconde) [23], ou 2 à 6 Watts en laser Acuspot Superpulse [27].
Cette technique est surtout valable lorsque l'atrésie est membraneuse [10] ou le mur
osseux pas trop épais. Plusieurs séances peuvent être nécessaires.

La voie endonasale est simple, rapide et peu hémorragique ; elle est efficace si la résection
osseuse a pu obtenir un bon calibre, que le calibrage doit néanmoins maintenir. Elle est
applicable chez le nourrisson et le nouveau-né ; elle a la préférence de beaucoup
d'auteurs, dont nous sommes, pour les enfants de cet âge. Le risque de fausse-route est
classique et les fréquents échecs souvent mis en avant pour condamner cette technique
alors qu'ils sont le fait de la technique désuète, dite de perforation endonasale simple. La
rigueur mise dans l'exécution de la technique de résection endonasale met à l'abri de telles
complications.

Voie transpalatine

L'intervention se fait patient en décubitus dorsal, tête en extension, ouvre-bouche,


abaisse-langue de type Kilner mis en place et maintenant la sonde d'intubation
L'examen endoscopique des fosses nasales et du cavum précède les temps suivants
successifs.

Temps de l'intervention

Taile d'un lambeau palatin

Elle est réalisée selon l'incision de Veau-Wardill (fig. 7) et décollement de la


fibromuqueuse jusqu'au bord postérieur des palatins qui sont libérés des attaches vélaires,
isolant et respectant les deux pédicules neurovasculaires palatins postérieurs ; sont ainsi
obtenus un lambeau bien vascularisé et une bonne exposition.

Trépanation de la voûte palatine au niveau de la synostose maxillopalatine

La résection est menée jusqu'à exposer la muqueuse de la partie du plancher nasal


immédiatement antérieure au mur osseux de l'atrésie. Dès lors la résection osseuse du
mur, de la lame maxillopalatine et de la partie postérieure du vomer est entreprise ; ce
temps est exécuté en même temps des deux côtés en cas d'atrésie bilatérale. La résection
est menée jusqu'à obtenir un calibre choanal correspondant à l'âge du patient par action
sur les différentes parois (fig. 8).

Incision des muqueuses

Taillant sur chacun des deux plans nasal et rhinopharyngé un ou des lambeaux à pédicules
alternés, elle est faite de telle sorte que chacun puisse s'échanger avec son opposé [22] ;
divers types d'incision peuvent être réalisés. Ce temps reste difficile et peu de détails sont
fournis par les auteurs, nous y reviendrons.

Réapplication du lambeau de fibromuqueuse palatine

Elle n'est réalisée qu'après la mise en place du système de calibrage. Le lambeau se


maintient en place naturellement et par la pression ultérieure de la langue ; il pourrait être
collé de même qu'un petit tampon hémostatique sur les berges de l'incision toujours
quelque peu hémorragiques.

La voie transpalatine donne un abord direct et large sur la malformation ; elle permet une
résection de bonne qualité. Pour la plupart des auteurs, elle ne peut être réalisée qu'à
partir de 18 mois ou plus tard, pour d'autres elle peut être plus précoce [27], malgré son
caractère hémorragique. Elle est pour beaucoup la voie de choix pour les atrésies
bilatérales ; elle est particulièrement recommandée pour les échecs des autres voies.

Voie transseptale

L'intervention se fait sous anesthésie générale, patient en décubitus dorsal, après s'être
assuré de la bonne position de la tête, c'est-à-dire tête dans l'axe du corps et plan de
Francfort perpendiculaire à la table.

Après nettoyage et aspiration des fosses nasales puis attouchement de la muqueuse


nasale par des tampons imbibés de sérum adrénaliné ou de Xylocaïne® naphazolinée, une
infiltration de Xylocaïne® adrénalinée est faite au niveau du septum.

L'examen endoscopique des fosses nasales, et du cavum, précise encore la disposition du


mur d'atrésie et la conformation du septum dont peut dépendre le niveau de l'incision
muqueuse et l'abord des structures ostéocartilagineuses septales.
Temps de l'intervention

Les temps suivants se font soit sous microscope opératoire, soit sous contrôle
endoscopique (fig. 9).

Incision de la muqueuse nasale

Par la voie de la fosse nasale, incision de la muqueuse nasale en regard du mur d'atrésie
dessinant un ou des lambeaux à pédicule latéral supérieur ou inférieur qui seront décollés.

Incision unilatérale de la muqueuse septale

Elle est faite soit en situation interseptocolumellaire, soit plus en arrière selon Killian, puis
décollement sous-périchondral et sous-périosté du septum et vers le plancher de la fosse
nasale, désinsertion ostéochondrale donnant accès au plan sous-périosté controlatéral et
permettant l'exposition des deux faces du vomer normal puis pathologique et de la face
antérieure du mur d'atrésie, qui a été précédemment exposée lors de l'incision endonasale.

Résection de la partie du vomer

Nécessaire pour pouvoir réséquer le maximum du mur d'atrésie : la résection doit


supprimer le bord postérieur du vomer ; elle est également poursuivie latéralement tant
vers le plancher que vers le toit de la région choanale afin d'obtenir un calibre adapté à
l'âge du patient.

La résection osseuse se fait soit à la fraise (tour chirurgical), soit à l'ostéotome ou au


ciseau frappé et aux pinces gouges à action directe et à action latérale.

Incision du plan muqueux rhinopharyngé

L'atrésie étant dès lors levée, et les choanes déplacées en avant, incision du plan muqueux
rhinopharyngé jusque-là respecté, dessinant un ou des lambeaux pouvant s'alterner avec
le ou les lambeaux du plan muqueux nasal ; disposition de ces lambeaux, nasal vers le
cavum, rhinopharyngé vers la fosse nasale ; la muqueuse septable est réappliquée sur les
structures ostéocartilagineuses et le calibrage mis en place.

La voie transseptale est de réalisation rapide et facile chez l'adulte et le grand enfant. Elle
est grandement facilitée par l'utilisation du microscope ou de l'endoscope sans laquelle le
contrôle des gestes postérieurs peut être imprécis.

Elle est principalement recommandée pour les atrésies unilatérales mais peut être utilisée
en cas d'atrésie bilatérale.

Dans cette voie comme dans les voies transnasale et transpalatine, l'aménagement des
plans muqueux reste un point délicat sur lequel il faut revenir.

Aménagement du plan muqueux

But et principe de ce temps sont simples : recouvrir le maximum des surfaces osseuses
exposées par la résection du mur d'atrésie en taillant les muqueuses nasale et
rhinopharyngée de telle sorte qu'un lambeau de l'une alterne avec un lambeau de l'autre.
Incisions cruciformes décalées donnant quatre petits lambeaux de part et d'autre, et
incision en U donnant des lambeaux latéral et médian, supérieur et inférieur représentent
les deux principales modalités d'exécution.

La réalisation pratique est plus délicate compte tenu du caractère profond du site
opératoire et de son étroitesse habituelle, de l'épaisseur du tissu sous-muqueux qu'il faut
désépaissir, de la fragilité des lambeaux et du caractère toujours quelque peu
hémorragique de ce temps. La voie transpalatine est de ce point de vue la moins difficile.

Les auteurs, toujours avares de détails à ce sujet, nous laissent à penser que ces
difficultés ne nous sont pas réservées.

Pourtant le soin apporté à la réalisation de ce geste est certainement déterminant pour la


qualité de la cicatrisation et du résultat définitif, dès lors que la résection de l'atrésie a été
suffisante.

Calibrage ou conformateur choanal

Le principe de l'utilité d'un tel calibrage choanal repose sur la prévention de la cicatrisation
vicieuse sténosante de la zone de résection du mur d'atrésie. Ici comme ailleurs dans
l'organisme, la cicatrisation d'une plaie circonférentielle ou quasi circonférentielle sur une
zone tubulaire a naturellement tendance à se faire vers un rétrécissement concentrique
progressif. Cette tendance ne disparaît qu'avec l'affaissement de la prolifération
fibroblastique dans les tissus sous-muqueux ; or, cette dernière est d'autant plus
importante que les surfaces cruentées ne sont pas, ou sont insuffisamment, recouvertes
de muqueuse et la cicatrisation obtenue par épithélialisation progressive. En conséquence,
un calibrage est d'autant plus nécessaire que la perte de substance muqueuse est
importante ou le recouvrement muqueux insuffisant, et que le calibre de l'orifice est de
petite dimension (âge du patient, site anatomique, technique opératoire) ; l'intérêt de la
résection osseuse latérale et médiane surtout par sacrifice du bord postérieur du vomer ne
peut qu'être à nouveau souligné.

Modalités du calibrage

Matériaux

Actuellement, sont utilisés :

les tubes en polyvinyl ou en silicone médical ;


les sondes d'intubation : les sondes polyvinyl Portex® par exemple, plus souvent
utilisées en raison de leur meilleure tolérance et d'une certaine thermomalléabilité
;
les lames en silicone médical enroulées (« Swiss roll ») enfin, de 0,13 à 0,25 mm
d'épaisseur.

Calibre

Il doit être le plus proche possible du calibrage idéal de la choane en fonction de l'âge ou
de la taille, le diamètre de 4,7 mm (Portex® ID no 3) est habituellement retenu chez le
nouveau-né ; si un calibre plus petit (3,7 mm ou Portex® ID no 2,5) a dû être mis en place,
il devra être changé après quelques jours.

Dispositifs

Parmi ceux qui utilisent des sondes, le dispositif de Winther [37] donne toute satisfaction
(fig. 10) ; il permet une bonne stabilité du montage, sans agressivité pour la columelle et
les narines, surtout si les sondes sont attirées vers le bas par un adhésif pendant quelques
jours pendant lesquels elles vont s'incurver, évitant ainsi la blessure de l'angle antérieur
des narines. Elles restent avec une certaine mobilité favorable à l'évolution cicatricielle.
D'autres dispositifs ont été proposés.

Les lames de Silastic® sont utilisées chez le grand enfant et l'adulte ; enroulées sur 2 ou 3
tours de spires, elles sont fixées par un point transfixiant le cartilage septal. Les lames de
0,25 mm d'épaisseur sont habituellement utilisées (fig. 11).
Ce type de matériau paraît mieux toléré et permet un calibrage plus adapté aux
dimensions et à la forme de l'orifice choanal du grand enfant et de l'adulte.

Durée

D'un point de vue théorique, elle devrait être déterminée par la durée de l'évolution
fibroblastique dans la cicatrice choanale, c'est-à-dire plusieurs mois. La tolérance locale
(réaction au matériau, formation de croûtes autour du tuteur) et psychologique pouvant
être difficile au-delà de plusieurs semaines pour le patient ou sa famille, la durée du
calibrage est extrêmement variable selon les auteurs, de 1 à 2 semaines à plusieurs mois,
3 voire 4 ou plus. Rares sont ceux qui préconisent, dans leurs écrits, de ne pas utiliser de
calibrage, peu nombreux ceux qui ne le laissent que quelques jours. Il peut paraître
préférable de le laisser en place suffisamment longtemps afin d'éviter des séances de
dilatation par bougirage souvent recommandées pour maintenir le calibre, nécessité qui
apparaît dans plusieurs publications à la suite d'un calibrage de faible durée. Selon notre
expérience, le laisser en place pendant 2 à 3 mois est suffisant mais nécessaire, et en
général bien toléré sous réserve de soins quotidiens appliqués par le patient ou ses
parents. En cas de récidive, le calibrage doit être maintenu plus longtemps que dans les
cas primaires.

Chez le nourrisson

Il est souvent nécessaire de changer le montage afin de gagner en calibre à la faveur de la


croissance, un calibre de 5 mm (Portex® ID no 3,5) est en général suffisant à la fois pour le
calibre choanal et acceptable pour l'orifice narinaire si le ou les tubes émergent des
narines. Cette dernière disposition facilite grandement les soins locaux à cet âge, à savoir
aspiration et surtout irrigations au sérum physiologique. Les irrigations sont également
importantes quand une lame de Silastic® est utilisée pour le calibrage afin d'éviter
l'accumulation de croûtes.

Ablation du montage

Le contrôle sous microscope ou endoscope est alors nécessaire ; sont ainsi vérifiés le
calibre choanal, l'aspect de la muqueuse, l'éventualité de granulomes. Dans ce dernier cas,
ablation à la pince ou vaporisation au laser peuvent être nécessaires. Le contrôle après
quelques semaines (2 à 3 mois) est utile sinon nécessaire pour juger de l'aspect
sensiblement définitif du calibre choanal ; une bride trop marquée pourrait faire l'objet de
quelques tirs laser. Une ou plusieurs séances de bougirage peuvent être recommandées à
défaut ou en remplacement de ces gestes laser si le calibre choanal ne paraissait pas
satisfaisant ; pour certains, cette technique est préférée au maintien du calibrage
permanent ou sa prolongation, ou réutilisée à titre prophylactique et réalisée par les
parents de l'enfant [4].

En somme le calibrage choanal recommandé dans tous les écrits, récents ou anciens, est
un temps essentiel de l'intervention pour ces auteurs. Avec les techniques proposées
actuellement comportant un sacrifice osseux vomérien et septal, la survenue de cicatrice
sténosante secondaire paraît amoindrie ; le calibrage pourrait donc n'être laissé que
quelques jours pour certains.

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INDICATIONS

Eléments de la décision

Les choix de la technique et du moment de la chirurgie sont guidés par :


l'âge du patient ;
l'uni- ou la bilatéralité ;
la nature de l'atrésie osseuse ou membraneuse ;
l'existence d'anomalies associées ;
les risques propres de chaque technique ;
l'échec chirurgical antérieur éventuel.

C'est dire encore ici l'importance du bilan à la fois clinique, endoscopique et


tomodensitométrique qui doit présider aux décisions.

Anomalies associées

Parmi les fréquentes anomalies associées rencontrées (20 à 80 % des cas ) surtout en cas
d'atrésie bilatérale, certaines sont susceptibles de perturber l'habituelle adaptation à la
respiration buccale du nouveau-né porteur d'atrésie choanale bilatérale. Dysmorphie
faciale, notamment hypoplasie mandibulaire, hypoplasie maxillaire ou fente vélopalatine,
glossoptose, troubles de la maturation neurologique avec hypotonie axiale, etc. vont non
seulement perturber le déroulement de l'intervention mais en différer la décision.

Dans certains de ces cas, une trachéotomie pourra paraître préférable au maintien
prolongé de mesures d'assistance ventilatoire, cela pendant quelques semaines ou mois
jusqu'à l'amélioration clinique générale permettant la cure de l'atrésie choanale .

Nature de l'atrésie

Plus l'épaisseur du mur osseux de l'atrésie et plus la déformation des parois latérale et/ou
médiane sont importantes, plus la voie transpalatine est préférée. A l'inverse, mur osseux
ou déformations pariétales peu marquées et a fortiori atrésie membraneuse, plaident en
faveur d'une voie transnasale ou transseptale.

Cette distinction souligne en fait l'importance et le souci qu'il faut apporter à la résection
osseuse quelle que soit la voie d'abord utilisée.

Risques chirurgicaux

Ils doivent en effet être considérés ; chaque technique a ses propres risques et difficultés.

Les accidents dramatiques de fausse-route basicrânienne sont le fait d'une perforation


endonasale mal orientée par défaut de bilan préopératoire et de repérage pré- et
peropératoire. Ces mesures impératives mettent à l'abri d'un tel accident mais il faudra
être toujours circonspect notamment en cas d'atrésie choanale dans un contexte
polymalformatif chargé.

Le retentissement de la voie palatine sur le développement maxillopalatin a été confirmé


par les études de Freng. Selon cet auteur, la résection palatomaxillaire et plus précisément
la résection de la suture intermaxillaire est responsable d'une réduction des dimensions
transversales du maxillaire supérieur dans plus de 50 % des cas ; elle n'a pas de
conséquence si elle ne porte que sur la suture interpalatine et les lames palatines. Le
décollement de la fibromuqueuse palatine n'est à lui seul pas responsable d'altération du
développement facial.

Selon les conclusions de Freng [11] et de Pirsig [24] il serait souhaitable de n'intervenir par
voie transpalatine qu'au-delà de la première grande poussée de croissance palatine c'est-
à-dire pas avant 6 ans, et mieux encore pas avant la puberté.

La voie transseptale dès lors qu'elle comporte la résection de l'ensemble du vomer serait
susceptible d'entraîner également un manque de développement de la pyramide nasale ;
elle relève donc dans une certaine mesure des mêmes critiques que la voie transpalatine ;
la résection limitée à la partie postérieure du vomer et suffisante dans la chirurgie de
l'atrésie ne semble pas comporter ce risque.
Perforation palatine (fistule) et perforation septale ont été rapportées au décours de l'une
ou de l'autre voie.

Les nombreuses publications sur l'atrésie choanale sont souvent un plaidoyer pour l'une ou
l'autre des voies d'abord chirurgicales précédemment exposées. Les résultats d'ensemble
n'en sont pas clairs pour autant ; ainsi que le fait remarquer Pirsig [24] dans une étude
approfondie de la littérature en 1986, les résultats sont très dispersés pour l'une ou l'autre
voie d'abord transnasale ou transpalatine entre un taux de réussite voisin de 100 % et un
taux de mauvais résultats de 50 à 80 %. Les plus récentes études font état de succès pour
80 à 95 % des cas même par voie nasale. La comparaison par un même auteur des voies
transpalatine et transnasale montre des résultats sensiblement identiques pour les deux à
savoir 57 et 59 % de succès respectivement [5]. Les chiffres publiés n'ont cependant pas
une valeur définitive car ils regroupent et comparent le plus souvent des situations
différentes, c'est-à-dire formes uni- et bilatérales, formes membraneuses, osseuses et
mixtes, formes isolées et associées à d'autres malformations, âges des patients variés lors
de la chirurgie (nourrisson ou enfant, voire grand enfant ou même adulte), chirurgie de
première intention ou secondaire (récidive) ; or ces différents facteurs vont influencer
grandement le choix de la technique en fonction de l'expérience propre de l'opérateur.

En pratique, l'âge du patient est déterminant dans l'indication et le choix de la technique.

Chez le nourrisson et le nouveau-né

En cas de bilatéralité

L'atrésie choanale doit être traitée tôt, soit dans les premiers jours, soit après quelques
semaines, délai établi par la tolérance respiratoire de l'obstacle et l'adaptation naturelle de
l'enfant grâce aux soins apportés (canule oropharyngée, sonde de gavage, intubation
nécessaire dans 5 à 10 % des cas).

Plusieurs solutions techniques peuvent être proposées.

Voie transnasale précoce (avec calibrage choanal)

En cas d'échec éventuel par récidive de la sténose, reprise chirurgicale secondaire par voie
transpalatine. L'incidence de cette chirurgie secondaire est dépendante de la qualité du
geste initial. Il faut souligner encore ici la différence importante qui existe entre la
technique classique et ancienne de simple perforation ou rupture de l'atrésie (« divulsion
»), et les techniques modernes de résection à la demande contrôlée sous amplification
optique.

L'utilisation du laser CO2 est préconisée par certains pour les formes membraneuses ou à
composante osseuse peu marquée.

Voie transpalatine précoce et primaire

En dépit de son caractère plus invasif (saignement, durée d'intervention) et de ses


éventuelles répercussions sur la croissance maxillaire. La date opératoire choisie dépend
des opérateurs, soit dans les premiers jours, soit plus tardivement, voire au-delà d'un an
pour bénéficier de meilleures conditions opératoires.

En cas d'unilatéralité

L'atrésie choanale réclame rarement un geste chirurgical précoce, elle passe le plus
souvent inaperçue à la naissance pour ne se révéler qu'au cours de l'enfance, voire même
à l'âge adulte. A l'occasion d'un problème fonctionnel ou infectieux, seul un défaut
d'adaptation ventilatoire y obligerait ; il est habituellement le fait ici de problèmes
associés, anatomiques ou fonctionnels. La voie transnasale est ici préférée à la voie
transpalatine.
Chez le grand enfant et l'adulte

Mis à part quelques exceptionnels cas d'atrésie choanale bilatérale négligée et bien tolérée,
seule l'atrésie unilatérale est à considérer à ces âges. L'intervention est réalisée dès lors
que la gêne (obstruction, rhinorrhée) est manifeste.

Le choix entre voies transnasale, transseptale ou transpalatine, est affaire d'expérience


personnelle. Les deux premières, plus simples d'exécution, paraissent moins invalidantes
pour le patient (immobilisation, douleur). Le calibrage peut y être maintenu sans difficultés
notables ; la voie transpalatine a ses défenseurs dans cette indication, la durée du
calibrage pouvant, pour eux, y être moins prolongée.

Cas particuliers

Dans le cadre du syndrome CHARGE, les résultats étant dans l'ensemble moins
satisfaisants que pour l'atrésie choanale isolée, et en raison de possibles perturbations au
niveau du cavum, la voie transpalatine est recommandée par certains [9].

L'atrésie choanale peut dans quelques cas ne pas comporter d'imperforation choanale à
proprement parler, mais un rétrécissement suffisamment prononcé pour engendrer une
gêne, voire une détresse respiratoire (45 % des syndromes CHARGE pour Morgan [20]).

Dans ces cas, le calibrage nasal à diamètre progressivement croissant peut être efficace à
lui seul, en tout cas tenté avant de décider d'une chirurgie ; celle-ci répondrait alors aux
mêmes critères d'indication que précédemment. Cette situation doit être distinguée de
l'hypoplasie générale des fosses nasales ou de l'orifice piriforme par le bilan
tomodensitométrique.

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CONCLUSION

Bien plus que la voie d'abord du mur d'atrésie choanale, la création d'un orifice choanal
large est le temps primordial de l'intervention ; il repose sur la résection osseuse des
parois, principalement au niveau du vomer. De lui dépend le succès définitif de
l'intervention. Le calibrage endonasal prolongé n'a de justification que par la fréquente
difficulté à obtenir, lors de la résection osseuse, un calibre choanal suffisant et par la
tendance naturelle à la cicatrisation sténosante de tout orifice créé artificiellement dans
l'organisme ; il reste de ce fait le plus souvent indispensable.

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© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Coupe de la fosse nasale et du cavum d'un nouveau-né.

Fig 2 :

Fig 2 :

Atrésie choanale osseuse unilatérale. Mur d'atrésie et aspect de rétrécissement en entonnoir de


la fosse nasale. Noter l'épaississement à prédominance vomérienne.

Fig 3 :
Fig 3 :

A. Choanes normales.

B. Atrésie choanale bilatérale asymétrique. Déformation en entonnoir de la fosse nasale.

(Schémas établis à partir de coupes tomodensitométriques.)

Fig 4 :

Fig 4 :

Voies d'abord.

A. Transseptale.
B. Transnasale.

C. Transpalatine.

1. Vomer ; 2. mur d'atrésie ; 3. voûte palatine.

Fig 5 :

Fig 5 :

Axe de visée et repérage avant trépanation choanale.

Fig 6 :

Fig 6 :

Voie transnasale.

Coupe schématique horizontale.

1. Lambeau muqueux ; 2. vomer ; 3. fosse nasale ; 4. mur d'atrésie ; 5. tampon ; 6. cavum ;


7. perforateur ; 8. pince mordante.
Fig 7 :

Fig 7 :

Voie transpalatine.

A. Incision de Veau-Wardill.

B. Autres incisions : 1. Bunk ; 2. Hof ; 3. Wilson ; 4. Rudy ; 5. Owen.

Fig 8 :

Fig 8 :

Voie transpalatine.

1. Muqueuse nasale ; 2. mur osseux d'atrésie ; 3. muqueuse rhinopharyngée ; 4. cavum ; 5.


voile ; 6. lambeau fibromuqueux palatin ; 7. mur osseux réséqué ; 8. incision muqueuse
rhinopharyngée ; 9. lambeau muqueux rhinopharyngé rabattu ; 10. lambeau muqueux nasal
rabattu.

Fig 9 :
Fig 9 :

Voie transseptale.

1. Cavum ; 2. mur osseux d'atrésie ; 3. incision muqueuse antérieure sur l'atrésie ; 4.


muqueuse nasale ; 5. fosse nasale ; 6. fosse nasale libre ; 7. incision muqueuse pour abord
septal ; 8. lambeau muqueux antérieur décollé ; 9. lambeau septal récliné ; 10. plan muqueux
postérieur ; 11. mur osseux réséqué ; 12. bord postérieur du vomer réséqué ; 13. lambeau
nasal rabattu ; 14. lambeau rhinopharyngé rabattu ; 15. lambeau septal remis en place.

Fig 10 :

Fig 10 :
Calibrage par sonde polyvinyl Portex® (d'après Winther).

1. Section partielle ; 2. section totale ; 3. pont d'union après plicature ; 4. fil solidarisant les
deux segments ; 5. adhésif attirant les tubes vers le bas.

Fig 11 :

Fig 11 :

Calibrage par lame de Silastic® enroulée (d'après Mac Intosch).


Tableau I. - Variations de la choane en fonction de l'�ge (d'apr�s
Slovis [31]).

en mois

10 12 14 16 18
Nouveau- 0 � 2� 4� 6� 8�
en cm � � � � �
n� 2 4 6 8 10
12 14 16 18 20

Espace mesur�
entre parois
vom�rienne et 0,67 0,70 0,75 0,80 0,86 0,91 0,97 1,02 1,07 1,13 1,18
pt�rygopalatine
*

Epaisseur du
0,23 0,28
vomer

* : non tenu compte des parties molles

Tableau II. - Distances entre les principaux repères osseux (d'après


Ployet [25]).

Distances entre les principaux repères de la choane (en mm) chez le


nouveau-né

Epine nasale antérieure 24

� bord postérieur du palais dur

Epine nasofrontale 25

� bord antérieur du sphénoïde

Bord postérieur du palais dur 22

� clivus

Paroi antérieure de la selle turcique 20

� toit du cavum
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-130]

Chirurgie de l'obstruction nasale

Pierre Rouvier : Chef du service de chirurgie ORL et cervicofaciale


Hôpital Joseph-Imbert, 13637 Arles cedex France
Jihad El Khoury : Ancien assistant de l'hôpital Joseph-Imbert
13637 Arles cedex France

Résumé

La fonction respiratoire nasale reste liée à deux facteurs, le facteur muqueux


essentiellement représenté par le cornet inférieur (et accessoirement le cornet moyen) et
le facteur architectural constitué par l'unité septopyramidale. La correction chirurgicale
d'une obstruction nasale ne permet pas d'ignorer la coexistence fréquente de ces deux
facteurs dans l'étiologie de l'obstruction et donc la nécessité fréquente d'une chirurgie «
septoturbinale ». Evidemment dans une telle option thérapeutique la tentation est grande
de pallier les insuffisances d'une correction septale par une amputation turbinale
exagérée... Cette attitude outrancière a bien des chances de se solder par un échec ;
comme toujours en chirurgie il faut se garder d'un extrémisme dangereux à l'origine de
toute iatrogénie fonctionnelle et esthétique, et seule une stratégie opératoire rigoureuse,
très étroitement calquée sur les lésions, et prévenue des aléas d'une cicatrisation toujours
capricieuse, peut garantir un confort nasal correct.

Bien que dans ce chapitre les deux problèmes « esthétique » et « fonctionnel » soient
souvent intimement liés, nous n'envisagerons ici que l'aspect fonctionnel des techniques
de désobstruction concernant l'architecture septolatérale et l'appareil turbinal. Nous
excluons bien sûr toute chirurgie désobstructive sur polypose, tumeur ou malformation
(atrésie choanale, narinaire...) pour n'envisager que la chirurgie de l'unité septolatérale et
les gestes associés.

© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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CHIRURGIE DE L'UNITÉ SEPTOLATÉ RALE


Abord septal

Toute chirurgie septale, pour être efficace, nécessite un abord large et complet, adapté
aux déformations et aux gestes nécessaires à leur correction ; le but de cet abord est de
permettre un exposition correcte de toutes les lésions ainsi qu'une parfaite mobilisation
des structures ostéocartilagineuses intéressées. C'est donc avant l'intervention si possible
que doit être programmé l'abord en s'aidant de l'arbre décisionnel représenté sur la figure
1.

Abord narinaire

Il est en général suffisant dans la plupart des cas, en particulier :

si la taille de l'orifice narinaire est suffisante (plus de 12 ans d'âge et pas de


malformation alaire grave telle que séquelle de fente labionarinaire) ;
si l'arête nasale est peu déformée, voire à peu près rectiligne ;
et s'il s'agit d'une première intervention.

Cet abord comprend l'incision interseptocolumellaire, l'incision intercartilagineuse et la


libération de la loge septale.

Incision interseptocolumellaire (fig. 2)

Elle est menée entre le septum membraneux et le bord caudal du septum, et peut
être bilatérale (=transfixiante) ou unilatérale (= hémitransfixiante) ; cette
dernière, très souvent suffisante, doit être faite préférentiellement à droite pour
un chirurgien droitier (quelle que soit la déformation septale).

Incision intercartilagineuse

Elle suit le bord inférieur de la valve nasale (bord inférieur du cartilage latéral)
sur 1 cm et peut, au niveau du dôme, rejoindre ou non l'incision
interseptocolumellaire.

Exposition de la loge septale (fig. 3)

Bien codifiée par Cottle, elle est menée à partir de quatre décollements ou
tunnels juxtaseptaux supérieurs et inférieurs, toujours possibles même dans les
déviations les plus complexes.

Réalisation des tunnels supérieurs

Elle est facilitée par la traction sur la columelle avec un clamp columellaire et
commence par la découverte du bord caudal du cartilage septal ; il faut mettre en
évidence la ligne bleue caractéristique du plan cartilagineux par une incision au
bistouri de la sous-muqueuse d'emblée jusqu'au plan périchondral inclus (sans
entamer le cartilage) pour éviter de cliver et de se perdre dans la sous-
muqueuse. Le décollement est alors effectué de chaque côté du septum, le long
du dièdre septolatéral d'abord puis du dièdre septopyramidal, en suivant en haut
le flanc du septum cartilagineux puis de la lame perpendiculaire de l'ethmoïde
jusque sous l'épine du frontal.

Réalisation des tunnels inférieurs


d'effectuer un décollement sous-périosté de chaque côté de l'épine, le long du
plancher de la fosse nasale sous le bord inférieur du cartilage septal en suivant la
face latérale de l'os sous-vomérien, puis du vomer (« maxilla-premaxilla
approach » de Cottle).

Réunion des tunnels de chaque côté

Elle se fait en deux temps menés simultanément.

Le premier temps consiste à isoler le relief de la jonction


chondrovomérienne en poussant le plus loin possible verticalement le
décollement de chaque tunnel supérieur et inférieur. La jonction septum-
vomer est dans notre cas de déviation septale toujours asymétrique avec
une saillie du cartilage débordant d'un côté le pied vomérien de façon plus
ou moins saillante. Il faut par le tunnel supérieur effectuer le décollement
de la face supérieure de cette crête septale sous contrôle de la vue alors
que par le tunnel inférieur le décollement de la face inférieure de l'aileron
du prémaxillaire ne peut se mener qu'à l'aveugle en gardant le contact
osseux avec le décolleur.
Le deuxième temps consiste à réunir les deux tunnels d'avant en arrière ;
il faut se rappeler que l'articulation chondro-osseuse est constituée par un
enchevêtrement de fibres venues en haut du périchondre et en bas du
périoste dont un contingent s'insinue entre os et cartilage en les
solidarisant (fig. 4). Il est donc nécessaire de sectionner en avant ce
trousseau fibreux de chaque côté de l'épine au bistouri fin ou au ciseau
pointu avant de poursuivre le décollement d'avant en arrière le long de la
crête septale.

Abord externe

Initié par Gillies en 1920, puis introduit par Sercer, il doit surtout son
développement aux travaux de Goodman au Canada et, ce qui est moins connu,
de Juri en Argentine. Divulgué en France par Pech et Cannoni, cet abord vit des
impossibilités de la voie narinaire et devient une nécessité :

si la taille de l'orifice narinaire est insuffisante comme chez un enfant


jusqu'à 12 ans ou chez certains adultes, même en s'aidant du microscope ;
si l'arête est très déformée, trop déviée ou effondrée ou l'association des
deux ;
s'il s'agit d'une réintervention avec prévision de reconstruction complète
de l'unité septolatérale (ou de la valve).

Cet abord comprend : le tracé de l'incision, le décollement cutané et l'exposition


de la loge septale.

Incision cutanée (fig. 5)

Incision transversale columellaire

Elle se fait après infiltration à mi-hauteur : les incisions basses dans la columelle
sont disgracieuses et les incisions hautes sont beaucoup plus visibles et moins
pratiques pour l'abord de la base du nez. Certains proscrivent les incisions
transversales et en V simples soupçonnées de laisser de mauvaises cicatrices, et
prônent une incision en ligne brisée en W, arguant du fait que plus la cicatrice est
en ligne brisée moins elle se verra.

Incision latérale vestibulaire

Elle prolonge de chaque côté l'incision columellaire selon le tracé classique de


l'incision marginale : elle longe le bord inférieur des crus mesiale puis le bord
inférieur des crus latérale. Son extension latérale est fonction du degré de
décollement souhaité : plus elle est étendue, plus large sera l'abord.
La section cutanée doit se faire de proche en proche sans entamer le cartilage, au
bistouri ou mieux aux ciseaux après décollement cutané, en faisant saillir l'alaire
dans le vestibule.

Décollement cutané

Le décollement doit être le plus atraumatique possible, d'abord au bistouri puis


aux ciseaux, au plus près des structures ostéocartilagineuses. L'infiltration
préalable fortement adrénalinée, l'utilisation de tampons montés et de mèches
imbibées d'adrénaline et la coagulation bipolaire permettent généralement de
travailler dans un champ exsangue.

L'exposition de la pyramide nasale doit être totale laissant visible la face


superficielle des alaires, la plus grande partie des triangulaires et l'ensemble de
la pyramide nasale osseuse. Le tissu cellulograisseux doit rester attaché à la face
profonde du lambeau cutané et seul apparaît le tissu fibreux du périchondre
recouvrant l'unité septolatérale et les dômes.

Le décollement est complété par la séparation des alaires et des crus mesiale
jusqu'à l'épine qui est largement exposée.

Exposition de la loge septale

L'ouverture de la loge septale débute par la découverte du bord supérieur de la


cloison en le faisant saillir avec une pince « à cheval » sur son tiers inférieur (fig.
6). Une incision médiane et sagittale du périchondre au bistouri met à nu le
cartilage à ce niveau, de sa jonction avec les triangulaires en haut et jusqu'à
l'angle septal en bas entre les dômes alaires. L'ouverture de la loge septale est
menée à l'aspirateur-décolleur dans un plan strictement sous-périchondral en
décollant vers la profondeur les deux volets mucopérichondraux au contact du
plan « bleuté » du cartilage.

En haut, la séparation des cartilages triangulaires permet d'achever le


décollement de la cloison postérieure. En bas, le décollement se poursuit jusqu'à
l'épine nasale qui est largement exposée avec le rebord inférieur des deux
orifices piriformes (fig. 7).

Même en cas de déviation septale importance, une rugination délicate du


périchondre est toujours possible sans déchirure muqueuse en s'aidant au besoin
du microscope et en combinant souvent la dissection par le bord supérieur et par
le bord inférieur.

Abord sous-labial

Récemment remis à l'honneur par Monteil, cet abord trouve sa justification dans
les grandes luxations du bord caudal du septum dont la reposition sera
probablement instable ; l'abord sous-labial est alors effectué secondairement lors
de la reconstruction anatomique du pilier antérieur septal, région capitale pour la
stabilité architecturale de la cloison. Comme précédemment nous envisagerons :
le tracé de l'incision, le décollement de l'oedème résiduel et l'exposition de la
loge septale.

Incision muqueuse (fig. 8)

Après avoir relevé la lèvre supérieure avec deux écarteurs de Farabeuf, on


dessine l'incision d'une prémolaire à l'autre. L'infiltration fortement adrénalinée
précède l'incision au bistouri lame no 15, complétée par le bistouri électrique.
Décollement

A l'aide de la rugine, on dénude avec soin l'épine nasale antéro-inférieure, puis


on décolle de chaque côté les parties molles de tout le pourtour inférieur des
orifices piriformes.

Exposition de la loge septale

Si l'abord sous-labial est effectué en début d'intervention, il est possible par cette
voie d'ouvrir la loge septale sous contrôle visuel direct en libérant
progressivement le fourreau mucopérichondral de chaque côté de la cloison et
d'amorcer la création des deux tunnels de Cottle ; la dissection est ensuite
reprise par la voie endonasale ou externe pour achever l'exposition de toute la
loge septale.

Voie endoscopique

Elle réalise un abord a minima de la cloison (que l'on peut pratiquer sous
anesthésie locale). Cette voie trouve surtout son indication dans les déviations
moyenne et postérieure pouvant gêner une chirurgie sinusienne et dont elle
constitue un préambule.

Après tamponnement naphtazoliné au niveau de la muqueuse septale, on infiltre


celle-ci à la Xylocaïne® adrénalinée à l'aide d'une seringue coudée. L'incision
muqueuse se fait en regard de la déviation. Le décollement sous-périchondral est
réalisé au décolleur de Freer ou mieux à l'aspirateur-décolleur de microchirurgie
endonasale. Cet abord ne permet qu'une résection cartilagineuse limitée (pied de
cloison par exemple). Le cartilage écrasé peut être réinclus et la fermeture de la
voie d'abord est facilitée par l'emploi d'une colle biologique.

Rectification septale

Libération septale

L'exposition correcte de la totalité du cartilage septal, de l'épine nasale


antérieure et de l'os vomérien est le préalable indispensable à sa libération,
c'est-à-dire à sa déconnexion d'avec toutes ses attaches : postérieure, inférieure
et dorsale (fig. 9).

Chondrotomie postérieure (fig. 10)

Elle doit séparer le bord postérieur du septum de la lame quadrilatère de


l'ethmoïde ; elle s'effectue avec la lame tranchante du décolleur de Freer,
perpendiculairement au bord inférieur, sous l'auvent des os propres au niveau de
la jonction cartilage - lame perpendiculaire.

Libération du bord inférieur du septum

Au niveau de son socle osseux vomérien elle s'effectue souvent plus facilement
après résection de la portion luxée de ce bord inférieur. On a alors une bonne
exposition de la gouttière réceptrice du pied vomérien.

Libération du bord dorsal


Elle est variable suivant l'importance de la déformation de l'arête nasale et peut
se faire de deux façons suivant la hauteur de la déformation du cartilage septal.

Ou bien l'arête n'est pas (ou peu) intéressée par la déformation septale
(fig. 11) qui n'atteint pas le bord supérieur du cartilage : une paire de
ciseaux forts coupent la partie supérieure de la cloison sous l'auvent des
triangulaires, en ménageant ainsi une baguette cartilagineuse d'environ 5
mm de hauteur attenant à la voûte septotriangulaire.
Ou bien l'arête est intéressée par la déformation septale (fig. 12) qui
atteint le bord supérieur du cartilage et dévie plus ou moins l'arête : il
faudra séparer le cartilage septal des triangulaires pour remodeler la
cloison sur toute sa hauteur ; il est alors peut-être préférable d'utiliser
une voie externe.

Evaluation des dégâts septaux

Séparé de l'une ou de ses deux couvertures mucopérichondrales, libéré de toutes


ses attaches périphériques, le cartilage septal apparaît alors avec ses
déformations.

Il peut arriver qu'une fois isolée de ses attaches, la cloison redevienne plane,
comme si elle était trop à l'étroit dans la loge. Il suffit alors de l'ajuster en
diminuant sa hauteur par résection d'une bande inférieure et sa longueur en
agrandissant la loge septale aux dépens de la cloison postérieure.

Si les déformations septales persistent, leur analyse est un préalable


indispensable à toute correction.

En fonction de leur localisation

Déviations antérieures : ce sont les plus obstructives et leur


retentissement esthétique n'est pas rare avec des modifications plus ou
moins importantes de l'arête nasale.
Déviations postérieures : elles n'ont pas de conséquence esthétique et
leur incidence sur la respiration est difficile à juger.

En fonction de leur nature

Déviations angulaires

Elles sont bien systématisées selon un axe parallèle ou perpendiculaire au pied


vomérien.

Angulation horizontale (fig. 13) parallèle à la crête incisive : la pyramide


nasale n'est pas déformée, avec une arête droite. Lorsque les lésions sont
minimes, le cartilage quadrangulaire s'arrondit en « verre de montre »
obstruant plus ou moins la partie antérieure d'une fosse nasale. Tout se
passe comme si le cartilage était comprimé dans son étau osseux ;
l'angulation apparaît dans la fosse nasale opposée au verre de montre,
parallèle au plancher réalisant la crête ou éperon de cloison.
Angulation verticale perpendiculaire à la crête incisive : la déformation
part d'en bas en arrière de l'épine nasale et monte plus ou moins
verticalement vers l'arête nasale :
tantôt le trait de plicature est presque parallèle au bord antéro-
inférieur du septum et se termine sur le dorsum en dessous de
l'insertion des triangulaires (fig. 14) ; dans ce cas l'arête est
rectiligne ; seule la pointe du nez est déviée ou simplement élargie
; le bord libre du cartilage plicaturé poussé en dehors par la cloison
fait saillie dans la narine du côté de la déviation ;
tantôt le trait de plicature plus vertical se termine sous l'auvent
des os propres : la déformation est caractérisée par une angulation
de l'arête haut située.

Déviations complexes

Elles associent plusieurs déformations par enroulement d'un bord ou télescopage


de multiples pièces cartilagineuses fracturées et entraînent souvent une perte de
substance plus ou moins importante sur la ligne de profil.

L'enroulement du bord caudal (fig. 15) antéro-inférieur rétracte la


columelle avec un angle nasolabial fermé. Le nez est droit avec un
élargissement de la pointe.
Le télescopage septal entraîne avec lui les triangulaires et abaisse la ligne
de profil, pour créer une ensellure et une pseudobosse.

Ces différentes lésions, angulations horizontales et verticales, enroulement d'un


bord septal et télescopage, sont fréquemment associées. La déformation nasale
est alors complexe échappant à toute systématisation. De l'analyse de ces
déformations dépendront les gestes à effectuer pour corriger les dégâts
cartilagineux, comme le suggère l'arbre décisionnel représenté sur la figure 16.

Réparation des dégâts septaux

La rectification cartilagineuse peut se faire de trois façons :

soit par résection des portions déviées et obstructives ;


soit par modelage du cartilage ;
soit par reconstruction plus ou moins étendue de l'unité septolatérale.

Résection sous-muqueuse (fig. 17)

Elle s'adresse à des déformations limitées ou très postérieures ; elle doit


impérativement respecter une portion de cartilage en L de surface suffisante
pour soutenir l'arête et la columelle.

Elle doit rester strictement sous-muqueuse, sous peine de laisser une perforation
; et elle ne doit pas être trop étendue, comme préconisée dans l'intervention de
Killian, pour ne pas entraîner de déformation secondaire à la rétraction
cicatricielle.

Modelage

Il s'adresse à des déformations trop étendues pour pouvoir être réséquées sans
dégâts esthétiques (et fonctionnels). Il est indispensable de remodeler ce septum
pour le rendre plan et médian. Ce remodelage peut se faire :

soit par reposition sagittale dans la fosse nasale (« in situ ») de la ou des


portion(s) déviée(s) ;
soit par harmonisation hors de la fosse nasale (« ex situ »).

Dans les deux cas, il faut assurer une stabilité du montage.

La reposition « in situ » n'est possible qu'avec les déformations simples :


angulation linéaire verticale ne déformant pas trop l'arête nasale ou
angulation linéaire horizontale avec une déformation en verre de montre
sus-jacente.
La correction d'une angulation verticale (fig. 18) doit rompre absolument
tous les ressorts par des incisions transfixiantes pratiquées de part et
d'autre de ces angulations ; ces dernières doivent ménager des ponts
cartilagineux pour préserver la continuité de la « pièce cartilagineuse » ;
il ne faut en effet pas détruire l'unité septale dont la reconstruction et la
contention par cette voie seraient trop difficiles.
La correction d'une angulation horizontale est réalisée par la résection
d'une bande de cartilage en excès à ce niveau ; elle doit cependant
respecter l'intégralité de la hauteur du cartilage au niveau de la crête
incisive.
L'harmonisation « ex situ » : ici l'importance des lésions associant
plusieurs plicatures verticales et/ou horizontales amène l'opérateur à
déposer la cloison, à la remodeler sur table avant de la réinclure entre les
volets périchondraux. En effet, les différentes sections cartilagineuses
proposées (bandes verticales, quadrillage, croisillons, serpentin [fig.
19]...) sont abandonnées dans ces cas-là en raison de leur peu de fiabilité
dans le temps. La pièce cartilagineuse déposée comportera ou non le bord
dorsal du septum cartilagineux selon que l'arête est intéressée ou non par
la déformation septale. Le travail de remodelage, beaucoup plus facile et
précis sur table, s'effectue après une analyse précise des déformations ; la
section des différentes angulations isole plusieurs fragments plans dont
l'assemblage par des points au Vicryl® permet de reconstituer une
charpente suffisamment haute pour s'appuyer sur la crête incisive et
soutenir l'arête nasale.
Dans le cas de déformations trop complexes l'écrasement du cartilage
dans une presse (fig. 20) lui redonne une forme plane ; il faut pour cela
placer la surface convexe sur le côté lisse de la presse et la surface
concave du côté des striures. Le septum écrasé sans excès perd sa
consistance et son élasticité et prend une forme aplatie. Redressée,
retaillée car devenue souvent trop grande, cette cloison est insérée entre
ses deux couvertures muqueuses et entre les deux mésiales que l'on aura
eu soin de bien séparer de l'épine en bas jusqu'aux dômes en haut. La
cloison peut être amenée et maintenue provisoirement dans sa loge par
des fils tracteurs transfixiant la columelle et le dorsum et qui sont retirés
en fin d'intervention.
La stabilité du montage. Les corrections effectuées par différentes
incisions laissent souvent un puzzle cartilagineux plan mais sans tenue ;
la stabilité architecturale ne peut être assurée que par la fixation en
bonne place d'un septum suffisamment rigide.
La rigidification peut être assurée par des sutures au Vicryl® 5/0
solidarisant les différentes pièces septales, puis un engluage de colle
biologique. Cette solution suffisante dans les cas simples est insuffisante
dans les cas complexes où il devient nécessaire d'apposer sur les
fragments mobilisés des attelles cartilagineuses. Pour Gomulinski (fig.
21), ces attelles placées perpendiculairement aux sections cartilagineuses
sont suturées de part et d'autre des incisions cartilagineuses par plusieurs
points au Vicryl® 5/0. On peut disposer une ou plusieurs attelles, sur une
ou les deux faces du septum, en évitant la rétrécissement naturel de la
région de la valve ; il est évident qu'un tel travail est beaucoup plus aisé
sur la table qu'à l'intérieur de la fosse nasale.
La fixation de la cloison aux structures nasomaxillaires doit assurer la
stabilité du montage cartilagineux.

En bas, le septum doit reposer sur la crête incisive et l'épine ; cette fixation
septomaxillaire peut être assurée par un point de Jost passé à l'aveugle de part
et d'autre de l'épine (fig. 22) et noué en bouche après puncture du frein de la
lèvre supérieure ; il est préférable de traverser l'épine sous contrôle de la vue par
voie intraseptocolumellaire ou par voie sous-labiale.

En haut, le septum doit être solidarisé aux triangulaires ou au reste du bord


dorsal laissé en place ; cette fixation septotriangulaire peut être réalisée :

soit par voie endonasale (fig. 23) : des fils passés en transcutané chargent
triangulaires, fourreaux muqueux et cloison puis sont récupérés avec des
crochets et noués sous les téguments du dorsum nasal ;
soit par voie externe : la chose est alors beaucoup plus facile avec une
reconstitution quasi anatomique de la voûte septotriangulaire et de sa
couverture périchondrale.

Reconstruction septale

Elle s'adresse à des pertes de substance et fait appel à des greffes que l'on peut
schématiquement diviser en deux groupes.
Greffe de comblement (ou d'apposition)

Elle a pour but de combler de petites pertes de substance n'excédant pas 2 à 3


mm d'épaisseur ; nous ne faisons que les citer ici pour souligner que les petits
defects ou irrégularités du dorsum ou les rétrusions légères de la columelle ne
sont pas rares en fin de septoplastie ; ces pertes de substance sont facilement
corrigées par la mise en place d'un greffon cartilagineux prélevé sur la cloison et
écrasé pour prendre une forme de tuile. La fixation n'est pas nécessaire, seul un
petit engluage de colle biologique suffit.

Greffe de soutien (ou de reconstruction)

Elle s'adresse à de grandes destructions septales pour lesquelles seule une solide
reconstitution de toute la charpente dorsale et columellaire assurera à la fois
esthétique et fonction nasale. Sans insister sur toutes les précisions techniques
développées par ailleurs nous soulignerons :

que l'abord externe est préférable, ce qui impose une prévision de cette
reconstruction ;
que le matériau idéal serait bien sûr le cartilage ou les restes vomériens
récupérés sur place, plus souples et plus faciles à manipuler mais souvent
pas assez abondants pour réaliser un double étai ; c'est l'os (iliaque,
mastoïdien, temporal...) qui est le plus utilisé, préféré pour sa solidité et
sa quantité ; mais naturellement le choix sera fonction de l'importance du
defect ;
qu'un bon ancrage du greffon constitue le seul gage de fiabilité dans le
temps ; un abord large du premaxilla permet toujours de tailler une gorge
profonde dans l'épine du maxillaire pour y « planter » le greffon
columellaire, et un abord externe facilite la fixation de l'étai dorsal à
l'auvent osseux et à l'étai columellaire.

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GESTES ASSOCIÉ S

Correction du cadre osseux

Un résultat septal satisfaisant et stable ne se conçoit que dans un cadre osseux


en bonne place tant au niveau du socle vomérien que de la voûte
propriomaxillaire.

Repositionnement du pied vomérien

Si la lame osseuse vomérienne peut être enlevée en arrière, sa portion antérieure


qui rejoint l'épine du maxillaire en avant doit être conservée et médialisée pour
reposer la cloison sur un socle solide. Il faut donc sculpter les ailerons trop
saillants de ce bloc osseux et le fracturer à sa base pour le reposer sur la ligne
médiane.

Repositionnement de la pyramide osseuse

La nécessité de reposer la pyramide osseuse sur la ligne médiane est une


évidence. Sans aborder tous les détails techniques des ostéotomies développés
par ailleurs, nous signalerons :
que dans tous les cas cette médialisation du cadre osseux n'est pratiquée
qu'après le temps septal ;
qu'en cas de déviation sans cyphose, l'ostéotomie sera latérale et parfois
aussi médiane paraseptale pour corriger la latérodéviation ;
qu'en cas de déviation avec cyphose, la résection de la bosse, effectuée à
la râpe ou à l'ostéotome en cas de volume trop important, pourra être
asymétrique pour équilibrer les deux faces de l'auvent osseux.

Ouverture de la valve

Toute fermeture de l'angle septotriangulaire (fig. 24) (normalement autour de


15°) perturbera la fonction respiratoire ; il est donc facile de comprendre que
toute déviation septale antérieure entraînera de fait une modification de
l'anatomie valvaire et que c'est la déviation qui doit être corrigée en premier. Le
problème d'une ouverture insuffisante de la valve peut cependant se poser en
dehors de toute déviation septale et essentiellement dans trois conditions :

fermeture « anatomique » de la valve lorsqu'une cyphose trop importante


donne « un nez trop haut pour une base trop étroite » ; c'est le classique
« nez en tension » ou « long nose » ;
fermeture « iatrogène » de la valve par destruction de son support
cartilagineux ; les causes sont multiples : résection excessive de bosse,
amputation exagérée du bord dorsal des triangulaires, luxation médiale de
triangulaires désolidarisés des os propres...
comblement de la valve par une synéchie muqueuse, séquelle d'une
résection muqueuse trop importante.

Ces trois situations réclament des solutions différentes qui ont toutes en commun
de redonner une valve solide avec une ouverture correcte.

Correction d'un « long nose »

La résection de bosse en diminuant la hauteur nasale doit normalement ouvrir la


valve sans geste complémentaire sur l'auvent cartilagineux. La voie endonasale
est donc suffisante avec une technique classique décrite par ailleurs et que nous
rappellerons pas ici.

Reconstruction de la valve

Un abord externe est d'autant plus justifié ici qu'il s'agit souvent de rhinoplastie
secondaire, dont le bilan lésionnel ne peut être correct qu'à ciel ouvert, avec des
techniques de réparations délicates, à adapter à trois situations (souvent
associées).

L'amputation exagérée du bord dorsal d'un septum (fig. 25), surplombé


par les triangulaires accolés l'un à l'autre, n'est pas une situation
fréquente. Si la hauteur du profil est encore cyphotique on se retrouve
alors dans le cas d'un nez en tension et il suffit d'ajuster les triangulaires
au profil septal soit par résection prudente de leur bord supérieur, soit en
les enroulant avant de les suturer au septum. Par contre, si la hauteur du
profil est insuffisante il devient nécessaire de lui redonner une hauteur
normale par une reconstruction septale ou septopyramidale par greffe (cf.
supra).
L'amputation exagérée du bord supérieur des triangulaires (fig. 26) est la
situation la plus fréquente, souvent associée aux autres malformations. Il
faut dans ce cas reconstruire le T septal pour élargir la valve en plaçant de
chaque côté du bord dorsal de la cloison (au besoin reconstruite) des
greffons cartilagineux solidarisés par un ou deux points.
L'amputation plus ou moins importante des triangulaires (fig. 27) ne peut
être corrigée que par une reconstitution anatomique de toute la voûte
septotriangulaire. Le meilleur matériau est la greffe de cartilage conqual.
Le greffon est prélevé par voie auriculaire postérieure avec sa couverture
périchondrale médiale. Le cartilage est aminci et retaillé en deux portions
droite et gauche, toujours attenantes au périchondre. Il est placé « à
cheval » sur la cloison (reconstruite si nécessaire), périchondre sur le
dessus et suturé aux restes fibrocartilagineux de chaque côté.

Plastie muqueuse de la valve

Les sténoses ou synéchies muqueuses au niveau de la valve ont un grand


retentissement sur la fonction respiratoire car elles s'ajoutent très souvent à de
graves désordres architecturaux. La correction de la lésion muqueuse
proprement dite fait appel à une plastie en Z. L'abord endonasal de la lésion peut
être facilité par une désinsertion du pied de l'aile du nez. Une traction latérale sur
cette dernière tend la synéchie sur laquelle on réalise le Z. Avant la bascule des
lambeaux et leur suture, il faut enlever avec précaution le tissu cicatriciel sous-
muqueux.

Réduction turbinale

Sans entrer dans le détail (et la polémique) de l'indication opératoire, il nous


suffira de rappeler que cette réduction turbinale constitue souvent la seule
solution thérapeutique :

dans l'hypertrophie compensatrice du cornet inférieur logée dans la


concavité d'une déviation septale ;
dans la dégénérescence fibromuqueuse d'une rhinite vasomotrice vieillie ;
dans certaines rhinites obstructives invalidantes, après échec d'un
traitement médical longtemps poursuivi.

Reste le problème des techniques de réduction conditionnées en grande partie


par l'état de la muqueuse ; on peut en effet opposer :

les techniques conservatrices de la muqueuse (ou de sa plus grande


partie), plutôt réservées aux hypertrophies de type congestif
inflammatoire avec tendance au dessèchement muqueux ;
aux techniques radicales sacrifiant plus ou moins la muqueuse et limitées
aux hypertrophies de type oedémateux ou fibro-oedémateux.

C'est ce que représente l'arbre décisionnel (fig. 28) précisant les indications
respectives du modelage turbinal, de la résection turbinale et des cautérisations.

Modelage turbinal

Turbinoplastie inférieure (fig. 29)

Réalisée de préférence sous microscopie opératoire, ce procédé se propose au


prix d'une certaine complexité opératoire de réduire le volume turbinal, surtout
dans sa partie antérieure (la plus obstructive physiologiquement) en ménageant
au maximum la muqueuse fonctionnelle. Un spéculum de Killian tenu par un bras
autostatique permet d'exposer le cornet inférieur et de travailler à deux mains.
Après luxation mésiale du cornet inférieur on sectionne à la pointe monopolaire
la muqueuse tout le long du bord antérieur, puis du bord inférieur du cornet. Une
dissection sous-périostée à l'aspirateur-décolleur du lambeau muqueux médial
expose l'os turbinal encore revêtu de sa muqueuse latérale. La dissection est
poussée très loin en dehors pour découvrir la crête d'insertion maxillaire et le
cadre piriforme. On effectue alors une désquelettisation du cornet par ablation de
l'os turbinal et de sa couverture muqueuse latérale ; par cette voie, il est même
possible d'abraser à la fraise la crête turbinale sur le maxillaire et d'élargir le
cadre piriforme. La muqueuse médiale restée en place est enroulée et fixée par
de la colle biologique. Un petit méchage (Merocel®) de 48 heures assurera
l'hémostase et la contention de la plastie.
Turbinoplastie moyenne (fig. 30)

La plastie du cornet moyen se justifie dans certaines volumineuses concha


bullosa. Sa réalisation est facile sous endoscope, il faut dans un premier temps
sectionner au bistouri électrique la muqueuse sur les faces antérieure et
inférieure. Puis on sectionne sagittalement aux microciseaux pointus le squelette
de la bulle turbinale avant d'en enlever toute la moitié latérale. La moitié
restante est conservée intacte ou réduite suivant les nécessités.

Turbinoplastie laser

Le laser YAG est peu absorbé par les tissus et a tendance à cautériser, coaguler à
haute énergie. Appliqué sur le cornet inférieur il entraînera une destruction sous-
muqueuse en ménageant l'épithélium, ce qui réduira le volume turbinal après une
rétraction cicatricielle.

La fibre de quartz protégée par un tube en Téflon® est introduite à travers une
tige rigide qui est courbée à 30° sur les 15 à 20 mm distaux. Des énergies
variables allant de 25 à 35 watts et de 1 000 à 3 000 joules sont employées pour
obtenir un traitement superficiel. Il faut se contenter d'une énergie faisant juste
blanchir la surface de la muqueuse qui se rétracte sous contrôle de la vue, et ne
pas vouloir carboniser le cornet. Chez l'adulte, ce geste peut être réalisé sous
anesthésie locale. Une période d'oedème muqueux suit le geste pendant une à
deux semaines.

Résection turbinale

Turbinectomie chirurgicale

Technique ancienne, réalisée autrefois à l'aide d'une cisaille (dite « à


turbinectomie ») en s'éclairant avec un miroir frontal, elle est actuellement
menée de façon plus contrôlée sous optique.

Après rétraction muqueuse par vasoconstricteurs, on luxe le cornet inférieur


médialement avec une spatule mousse puis on trace sur les deux faces par
électrosection la limite de la turbinectomie. Des ciseaux crantés et coudés sont
alors introduits longitudinalement avec un mors dans le méat inférieur, l'autre
au-dessus du cornet, pour en décrocher la tête ; puis les ciseaux sont
horizontalisés, mors perpendiculaires au corps turbinal pour mener une résection
d'environ 50 % de la hauteur du cornet. La section est réalisée de proche en
proche jusqu'à la queue, sous contrôle de la vue, le long du repère de section
muqueuse, en luxant progressivement en bas et en dedans la portion sectionnée.
Une hémostase soigneuse par électrocoagulation est réalisée le long de la
tranche de section avec une attention particulière au niveau de la queue repère
de l'artère turbinale inférieure.

Il peut arriver qu'en fin de section, la pièce opératoire ne puisse être décrochée ;
plutôt que de tirer sur la pièce opératoire, il est préférable de la saisir près de la
queue et de la pousser vers le cavum pour la désolidariser. Un contrôle
endoscopique peut révéler une résection insuffisante de la queue dont la
résection s'avère très difficile ; on peut être amené dans ces cas-là à la réséquer
sous microscope : un écarteur de Killian à valves longues (75 mm) introduit et
maintenu en place dans la région préchoanale permet avec une pince (ou une
aspiration) de saisir la queue et avec un ciseau (ou une pointe coagulante) de la
sectionner.

Méchage par pommade grasse et Mérocel® pendant 3 jours. Soins endoscopiques


réguliers pendant un mois et lavages de nez.

Turbinectomie électrique
Elle se propose de détruire de façon plus ou moins contrôlée la tête et le corps
turbinal en introduisant une pointe fine à l'intérieur du corps turbinal et en
l'électrocoagulant pendant un temps relativement court (2 à 3 secondes) en
évitant de « boursoufler » la surface muqueuse. On réalise une succession de
punctures sur le dos et le bord inférieur du cornet. Cette méthode a comme
avantages sa simplicité et son caractère peu hémorragique, mais elle a le gros
inconvénient d'être aveugle parce qu'il est très difficile de contrôler l'étendue de
l'électrodestruction.

Cautérisation muqueuse

Destinée à créer des phénomènes de sclérose rétractile au niveau de la


muqueuse pituitaire des cornets inférieurs, elle est réalisée au galvanocautère.
Sous anesthésie locale et sous optique, on trace trois traits horizontaux le long
du cornet inférieur : le premier à sa partie inférieure, le second sur sa face
interne et le troisième sur son versant supérieur en évitant de toucher la cloison
pour prévenir une synéchie entre le cornet et la cloison.

Les suites sont simples la plupart du temps et ne nécessitent aucun méchage.


L'oedème postopératoire peut être toléré avec quelques instillations de
vasoconstricteurs pendant une semaine en favorisant la chute des croûtes et la
cicatrisation par des lavages au sérum physiologique.

Contention et traitement postopératoire

La réparation effectuée, la voie d'abord suturée, reste à assurer une contention


postopératoire ; cette dernière ne peut en aucun cas suppléer aux insuffisances
de corrections car son seul rôle est d'assurer la bonne mise en place des
structures reposées pendant la phase d'oedème postopératoire. Cette contention
doit « prendre en sandwich » toute la structure ostéocartilagineuse nasale par
des moyens endo- et exocavitaires.

Contention endonasale

Plaques de contention paraseptales (fig. 31)

Elles ont le double avantage de prévenir les synéchies et de maintenir la cloison


en rectitude. On peut utiliser des attelles du commerce en Téflon® ou taillées
dans une plaque de Silastic® de 1 mm d'épaisseur. Elles sont introduites dans
chaque fosse nasale le long de la cloison en vérifiant bien que leur bord supérieur
ne se loge pas dans le méat moyen. Elles sont alors nouées l'une à l'autre sans
excès par un point de catgut transfixiant transseptal.

Il est parfois intéressant de leur donner une forme en tuile dont la convexité
supérieure contribuera à maintenir l'élargissement de la valve.

Tamponnement

Il doit être modeste dans son objectif de contention et ce n'est pas en « bourrant
» les deux fosses nasales que l'on réussira à maintenir sagittale une cloison mal
reposée. Il doit donc être suffisant pour assurer une hémostase et assez doux
pour ne pas traumatiser la muqueuse et disloquer la reconstruction
septotriangulaire ; la meilleure solution semble l'application de deux tampons de
Merocel® imbibés d'une solution antibiotique.
Contention exonasale

Il n'y a rien ici de particulier si ce n'est que tout doit être fait pour contenir
l'oedème avec des bandes de Steri-Strip® appliquées sur tout le revêtement
cutané du nez et pour empêcher tout déplacement avec un plâtre ou une tuile
légèrement compressif.

Soins postopératoires

Le traitement et les soins postopératoires ne doivent pas être mésestimés car


d'eux dépend en grande partie la prévention de complications plus ou moins
redoutables dues à l'oedème, l'infection ou la nécrose.

Traitement

Il comprend dans tous les cas une protection antibiotique orale à large spectre
pendant 8 jours et endonasale sous forme de solution antibiotique imbibant
régulièrement le Merocel®. On peut y ajouter un traitement antioedémateux,
stéroïde ou non, pendant 4 à 5 jours.

Soins postopératoires

Ils se résument en :

l'ablation du tamponnement à J3-J4 en fin de phase oedémateuse ;


l'ablation de la contention exonasale (tuile et Steri-Strip®) à J6-J7 ;
l'ablation de la contention endonasale (attelles) à J10-J12 ; il faut noter
que des plaques trop grandes ou trop serrées provoquent des lésions
muqueuses douloureuses et doivent être enlevées plus précocement.

En cas de voie externe, il faut s'interroger devant une douleur anormale qui
pourrait signer un hématome ou surtout une nécrose cutanée ; au moindre doute
il faut lever toute la contention externe et agir en conséquence : vidanger
l'hématome par voie endonasale et laisser la peau à l'air libre. De même, les
points columellaires doivent être enlevés suffisamment tôt (J3-J4) pour ne pas
laisser de trace.

Haut de page

CONCLUSION

La multiplicité des techniques publiées visant à corriger l'obstruction nasale


prouve bien la réelle difficulté de cette chirurgie... et l'inconstance de ses
résultats ! Quelle que soit la technique opératoire, le résultat reste toujours
incertain tenant à la fois aux difficultés de l'indication opératoire et aux aléas
d'une cicatrisation qui nous échappent bien souvent.

Références : Septoplastie

AIACH G, GOMULINSKI L. Atlas de rhinoplastie et de la voie d'abord externe. Masson. Paris.

SENECHAL G, PECH A, WAYOFF M et coll. Rhinoplastie esthétique fonctionnelle et reconstructive.


Rapport de la Société Française d'ORL et CCF. Arnette. Paris. 1989
Références : Turbinectomie

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rhinitis. Arch Otolaryngol 1986 ; 112 : 1280-1282
[7] GALETTI G, DALLARI S, GALETTI R Turbinoplasty : personal technique and long term
results. ORL 1991 ; 59 : 111-115
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[12] MLADINA R, RISAVI R, SUBARIC M CO2 laser anterior turbinectomy in the treatment of non-
allergic vasomotor rhinopathia. A prospective study upon 78
patients. Rhinology 1991 ; 29 : 267-272
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turbinates. J Laryngol Otol 1980 ; 104 : 239-240
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endoscopique des cornets. Ann Otolaryngol 1989 ; 106 : 537-540
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[17] WAYOFF M, VIRTE M Rhinite chronique hypertrophique et chirurgie turbinale. In: Encycl Med
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the inferior turbinate following submucosal diathermy. J Laryngol Otol 1991 ; 106 : 14-16

© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :

Fig 1 :

Arbre décisionnel.

Fig 2 :
Fig 2 :

Abord endonarinaire. Incisions :

1. interseptocolumellaire ;

2. intercartilagineuse.

Fig 3 :
Fig 3 :

Exposition de la loge septale :

1. tunnel supérieur ; 2. tunnel inférieur.

Fig 4 :
Fig 4 :

Articulation chondro-osseuse :

1. cartilage ; 2. muqueuse ; 3. fibres.

Fig 5 :

Fig 5 :
Abord externe : incision cutanée :

1. columellaire ; 2. vestibulaire.

Fig 6 :

Fig 6 :

Exposition de la loge septale : par en haut (voie externe).

Fig 7 :
Fig 7 :

Exposition de la région de l'épine : par en haut (voie externe).

Fig 8 :
Fig 8 :

Voie sous-labiale : exposition de l'épine.

Fig 9 :
Fig 9 :

Attaches septales :

1. lame quadrilatère de l'ethmoïde ;

2. vomer ; 3. premaxilla-épine.

Fig 10 :
Fig 10 :

Chondrotomies :

1. postérieure ; 2. inférieure.

Fig 11 :
Fig 11 :

Libération septale : arête non déviée conservée.

Fig 12 :
Fig 12 :

Libération septale : arête déviée et désarticulation trianguloseptale.

Fig 13 :
Fig 13 :

Angulation septale horizontale.

Fig 14 :
Fig 14 :

Angulation septale verticale.

Fig 15 :
Fig 15 :

Enroulement du bord caudal.

Fig 16 :

Fig 16 :

Arbre décisionnel (PDS : perte de substance).

Fig 17 :
Fig 17 :

Résection sous-muqueuse :

1. zone réséquable ; 2. pilier d'arête ;

3. pilier columellaire.

Fig 18 :
Fig 18 :

Chondrotomies verticales.

Fig 19 :
Fig 19 :

Chrondotomies :

1. serpentin (Jost) ; 2. horizontale.

Fig 20 :

Fig 20 :

Modelage septal sous presse à cartilage.

Fig 21 :
Fig 21 :

Rigidification septale avec attelle cartilagineuse.

(D'après Aiach et Gomulnski.)

Fig 22 :

Fig 22 :
Fixation septale à l'épine.

A. Voie endonasale.

B. Voie sous-labiale.

Fig 23 :

Fig 23 :

Fixation septale à la voie triangulaire.

A. Par voie externe.

B. Technique endonasale.

Fig 24 :

Fig 24 :
Syndromes de valve.

A. Valve normale.

B. Nez en tension.

C. Amputation des triangulaires.

D. Amputation du bord nasal du septum.

E. Idem avec synéchie de la valve.

Fig 25 :

Fig 25 :

Enroulement supérieur des triangulaires.

Fig 26 :
Fig 26 :

Elargissement de la valve.

Fig 27 :

Fig 27 :
Reconstruction de la valve.

Fig 28 :

Fig 28 :

Arbre décisionnel.

Fig 29 :

Fig 29 :

Turbinoplastie inférieure.

A. Incision.

B. Décollement de la pituitaire médiale.


C. Ablation de l'os turbinal, abrasion de la crête turbinale.

D. Résection de la pituitaire latérale et enroulement de la pituitaire médiale.

Fig 30 :

Fig 30 :

Turbinoplastie moyenne.

A. Incision muqueuse.

B. Résection de la paroi latérale de la concha bullosa.

Fig 31 :
Fig 31 :

Plaques de contention.

A. Plaque simple.

B. Plaque en tuile.
46-220
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-220

Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines


F Chaudré
EN Garabédian

Résumé. – La prise en charge thérapeutique des fentes labio-alvéolo-vélo-palatines évolue régulièrement


depuis plusieurs années.
Elle s’organise dorénavant dans un cadre multidisciplinaire où la coordination de chaque spécialité permettra
d’harmoniser les différents traitements et d’améliorer leur efficacité.
D’autre part, elle s’oriente vers une réduction du nombre de procédures chirurgicales. Les résultats, tant
esthétiques que fonctionnels (auditif, phonatoire, respiratoire et orthodontique) ne pouvant être évalués
qu’après plusieurs années, un suivi régulier et prolongé permettra d’en adapter les modalités.
Actuellement, l’attitude chirurgicale comporte deux principaux temps opératoires. La précocité du temps
esthétique, chéilorhinoplastie vers l’âge de 3 mois, est déterminée par une meilleure rançon cicatricielle et
l’absence initiale de déformation morphologique. Cette intervention est volontiers associée au premier temps
vélopalatin : vélopalatoplastie primaire. Un second temps palatin est réalisé à distance vers l’âge de 9 à
12 mois en cas de fente palatine étendue ou de pertuis palatin résiduel.
Nous insistons sur la nécessité d’un bilan étiologique rigoureux (association syndromique, recherche de
malformation pouvant compromettre la chirurgie...) de même qu’une évaluation régulière des conséquences
fonctionnelles respiratoires et audiophonologiques.
C’est au terme d’une prise en charge longue et parfois très spécialisée que ces enfants bénéficient au mieux
des avancées d’une telle démarche thérapeutique.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fente labiale, fente alvéolaire, fente vélopalatine, chéilorhinoplastie primaire, vélopalatoplastie.

Introduction Calendrier chirurgical


Les difficultés de la chirurgie des fentes labiovélopalatines (FLVP) Depuis ces dix dernières années, si le choix de la technique
résident tant dans ses indications que dans la réalisation du geste opératoire reste fortement lié à l’expérience de chaque équipe,
opératoire lui-même. Ces difficultés sont d’autant plus importantes l’organisation du calendrier chirurgical évolue vers une réduction
qu’il convient de décider d’une attitude thérapeutique souvent des temps opératoires. L’attitude actuelle repose sur le principe
précoce mais dont les résultats ne seront évalués que de nombreuses d’une prise en charge précoce permettant de restaurer le plus
années plus tard. rapidement possible la fonctionnalité des sangles musculaires
vélopalatines et labionarinaires réduisant de ce fait au maximum les
Selon la forme anatomoclinique : labiale, vélaire, vélopalatine ou risques de séquelles phonatoires et auditives d’une part et
bien complète : labio-alvéolo-vélo-palatine, les conséquences esthétiques d’autre part.
fonctionnelles et esthétiques varient, grevant parfois lourdement le
Le rétablissement précoce de la continuité de ces sangles
pronostic social de l’enfant. À ces contraintes thérapeutiques
musculaires (et leurs attaches périostées) permet en effet la
spécifiques s’ajoute également celle de la prise en charge
stimulation et/ou la poursuite d’une croissance osseuse la plus
d’éventuelles pathologies associées nécessitant des compétences
harmonieuse possible du massif facial en évitant les déformations
souvent variées et multidisciplinaires. La chirurgie des FLVP s’inscrit
secondaires [4].
donc dans un cadre thérapeutique où la coopération entre les
différentes équipes spécialisées et les parents est primordiale. À cette prise en charge précoce, s’oppose la nécessité de réaliser un
bilan complet de cette pathologie malformative congénitale. En effet,
Nous traiterons ici successivement des techniques de fermeture des les FLVP s’intègrent parfois dans le cadre de pathologie
fentes vélaires puis vélopalatines et enfin des FLVP qui stigmatisent malformative syndromique : syndrome de Pierre Robin ou
souvent toute la difficulté du traitement de ces malformations. association colobome-cardiopathie (heart disease)-atrésie des choanes-
retard mental-anomalies génitales et auditives (ear) (CHARGE) par
exemple. Leur méconnaissance peut s’avérer préjudiciable tant sur
le plan anesthésique (anomalies cardiaques) que sur le plan de la
Franck Chaudré : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris. prise en charge globale de ces pathologies (par exemple aggravation
Eréa Noël Garabédian : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale de l’enfant, hôpital d’enfants Armand
respiratoire possible lors d’une fermeture trop précoce d’une fente
Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France. palatine dans un syndrome de Robin). Le bilan de ces formes

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaudré F et Garabédian EN. Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-220,
2003, 12 p.
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

L’enfant est installé en décubitus dorsal, perfusé et réchauffé.


L’intubation se fera avec une sonde adaptée à l’âge et au poids de
l’enfant. Cette sonde idéalement préformée sera fixée vers le bas à la
houppe du menton.

INSTALLATION
Un ouvre-bouche de Boyles-Davis sera mis en place utilisant une
lame préformée d’une gouttière pour le passage de la sonde
d’intubation. Cet écarteur devra également être adapté en taille à
l’ouverture buccale de l’enfant (modèle spécial nourrisson).

INFILTRATION
L’anesthésie locale n’est pas indispensable. Selon les équipes, cette
infiltration pourra être réalisée à la Xylocaïnet adrénalinée à 1 %, au
sérum adrénaliné ou au sérum physiologique injectable. Les
posologies des différents anesthésiques doivent être adaptées à l’âge
1 Orthèse palatine. et au poids de l’enfant (abaques).
syndromiques comprendra un examen pédiatrique général, une
évaluation neurologique, une consultation génétique avec réalisation MATÉRIEL
d’un caryotype. Une étude de la succion-déglutition et une
Les instruments sont ceux utilisés en microchirurgie. Un bistouri de
polysomnographie devront être demandées selon la tolérance
type Beaver sera utilisé avec des lames numéro 15 et faucille. Une
clinique. La présence de malformations associées est observée dans
coagulation bipolaire peut être nécessaire en cas de saignement,
36,7 % des cas avec une prédominance des atteintes neurologiques
notamment dans la région des pédicules palatins postérieurs.
centrales et des atteintes squelettiques [17].
Le consensus actuel retient deux temps opératoires principaux [7, 9, 13,
15]
:
Fente vélaire isolée (fig 2)
– entre 3 et 6 mois : premier temps comprenant vélopalatoplastie
pour les fentes vélaires ou vélopalatines associée à une
Le principe de base de la chirurgie réparatrice des fentes vélaires est
chéilorhinoplastie primaire dans le cas de fente complète même
la reconstruction des trois plans vélaires : muqueux nasal et buccal,
bilatérale ;
et musculaire intermédiaire. De nombreuses techniques ont été
– entre 9 et 12 mois : deuxième temps de palatoplastie pour les décrites pour la fermeture de ces fentes vélaires pures ou associées à
fentes palatines très larges isolées ou les fentes complètes encoche palatine minime.
labiovélopalatines.
À ces deux temps opératoires principaux peuvent s’ajouter certains ¶ Technique de Dorrance [5]
(fig 3)
temps chirurgicaux supplémentaires notamment une
chéilorhinoplastie secondaire, un allongement columellaire Décrite par l’auteur en 1946, elle repose sur le principe du push-back
(columelle parfois trop courte après le premier temps opératoire de la fibromuqueuse palatine et du périoste attenant permettant
d’une fente bilatérale) ou parfois une reprise de palatoplastie en cas ainsi le rapprochement et la suture des différents plans des berges
de pertuis résiduel. Des temps de reconstruction alvéolaire et de la fente. Après infiltration, l’incision au bistouri lame 15 ou
maxillofaciale sont à décider au cas par cas. faucille contourne la tubérosité maxillaire, longe à distance la crête
alvéolaire tout en respectant la muqueuse maxillaire puis se porte
en avant puis en dedans pour rejoindre l’incision controlatérale en
Place des orthèses palatines (fig 1) arrière du foramen incisif. Cette incision est superficielle en arrière
pour respecter le pédicule palatin postérieur. Elle s’approfondit
L’indication et l’utilisation de prothèses (orthèse palatine ou
ensuite pour permettre l’incision du périoste. Celui-ci est ruginé vers
maxillofaciale) est variable selon les auteurs. Elles permettent
l’arrière jusqu’à la fente puis latéralement afin de libérer parfois
d’occlure une fente vélaire importante et handicapante, de protéger
totalement l’artère palatine de son foramen. En dehors, le crochet
une palatoplastie. Certaines prothèses spécifiques permettent de
interne de l’apophyse ptérygoïde sera fracturé (libération du tensor
ramener le bourgeon médian dans l’alignement des bourgeons
veli palatini). La dissection latérale et postérieure est poursuivie tant
latéraux en préopératoire. Leur utilisation est très controversée.
que la tension sur les berges de la fente semble trop importante. Le
bord libre de la fente sera également incisé jusqu’à la pointe des
Place de la chirurgie fœtale deux hémiluettes et disséqué. Le bord libre du palais dur est repéré
et la muqueuse nasale décollée soigneusement a retro. La suture est
Les travaux actuellement publiés rapportent d’excellents résultats réalisée avec un fil résorbable 5/0. Elle débute par le plan muqueux
morphologiques de cette chirurgie in utero sur modèle animal nasal jusqu’à la pointe de la luette. Le plan musculaire nécessite
expérimental [19]. Cependant, de nombreux problèmes éthiques sont rarement plus de trois points. Le plan muqueux buccal peut alors
invoqués. En effet, un geste opératoire dangereux pour le fœtus se être réalisé d’arrière en avant.
justifie-t-il dans le cadre de la prise en charge d’une affection Certains auteurs réalisent :
malformative sans risque vital majeur ?
– une incision de décharge latérale afin de libérer plus encore les
tensions ;
Anesthésie, installation et matériel
– des points latéraux ;
ANESTHÉSIE – des points transpalatins en U de contention du lambeau.
Ces interventions réalisées sous anesthésie générale seront toujours La zone osseuse antérieure dénudée s’épithélialise en quelques jours,
programmées après un bilan préopératoire complet (recherche de la pression de la langue permet une réapplication sans problème du
malformation cardiaque notamment). lambeau.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines 46-220

Deux autres techniques peuvent être proposées : la suture simple


des berges de la fente et la méthode de San Venero Rosselli avec
plastie du pilier postérieur de la loge amygdalienne.

¶ Suture simple (fig 5)


Elle est indiquée notamment lorsque le fente est étroite avec un voile
de longueur suffisante (pas de nécessité de push-back). L’incision se
fait le long des berges de la fente avec dissection des différents plans.
Suture selon les mêmes techniques avec éventuellement un trait de
refend muqueux latéral en cas de tension trop importante.

¶ Méthode de San Venero Rosselli (fig 6)


Elle consiste à inciser le bord libre de la fente en se prolongeant vers
les piliers postérieurs. Deux incisions latérales permettent le
décollement des plans muqueux et musculaires. Fracture des
crochets ptérygoïdiens. Section du pilier postérieur au niveau de son
*
A tiers supérieur et suture l’un à l’autre sur la ligne médiane se
prolongeant en avant par la suture du plan nasal. Les sutures du
plan musculaire et du plan buccal sont réalisées à l’identique.
L’intérêt de cette technique est l’absence de zone cruentée antérieure
et surtout une véritable pharyngoplastie (recul du voile).

¶ Cas particulier des fentes sous-muqueuses


La technique qui sera retenue dépend de la nécessité de recul du
voile (push-back/technique de Dorrance). Dans le cas contraire, une
simple incision médiane le long de la fente avec réfection du plan
musculaire puis muqueux buccal peut suffire.

Fente vélopalatine complète (fig 7, 8)

Dans le cas des fentes vélopalatines complètes, de nombreuses


techniques ont été proposées puis modifiées. Dans le but de réduire
au maximum le nombre de temps opératoires, les techniques
privilégiant la fermeture en un seul temps sont actuellement
préférées. Veau, Wardill puis Delaire ont ainsi associé au principe
du push-back la technique des lambeaux de muqueuse palatine. Cette
technique est donc proposée entre l’âge de 3 et 6 mois avec un
*
B éventuel temps secondaire vers l’âge de 9 ou 12 mois en cas de
pertuis résiduel. Furlow a décrit une technique tout à fait
particulière de double plastie en Z que nous décrirons
secondairement.

TECHNIQUES DE FERMETURE EN UN TEMPS

¶ Technique du VY de Wardill [18]


(fig 9)
Cette intervention la plus pratiquée et techniquement la plus simple
s’applique à la quasi-totalité des formes cliniques.
Le tracé de l’incision le long de la fente est un peu plus externe pour
permettre un gain de longueur de muqueuse améliorant ainsi les
possibilités de suture du plan nasal. L’incision latérale contourne en
dedans la tubérosité maxillaire, reste en dehors du canal palatin
postérieur (elle se doit alors d’être très superficielle) puis à distance
de la muqueuse gingivale et maxillaire tout en s’approfondissant
vers l’avant jusqu’au plan osseux. Un tracé de refend antérieur en V
rejoint le tracé le long de la fente. Ce tracé au niveau de la zone
canine respecte ainsi le foramen incisif. On procède au décollement
*
C du lambeau périosté palatin jusqu’à la fente en dedans, au bord
2 Fentes vélaires isolées. postérieur du palais dur en arrière. Le pédicule palatin est disséqué
et respecté. L’artère palatine est libérée par fracture du rebord
postérieur du foramen palatin. Plus en dehors, le crochet interne de
l’apophyse ptérygoïde peut également être fracturé. La dissection se
¶ Technique des lambeaux asymétriques poursuit en profondeur et en dehors dans le tissu
de Chamcholle [1] (fig 4) musculoaponévrotique latéral qui sera totalement libéré, et sera
complétée par la section de l’aponévrose latéropharyngée. Ainsi
Elle consiste en la réalisation de deux lambeaux de tailles différentes chaque hémivoile est largement libéré ce qui garantit une translation
dont la rotation interne décalée permet leur maintien en place. Cette interne suffisante. Le plan de muqueuse nasale est également libéré
technique est surtout utilisée pour la fermeture des fentes sur tout le pourtour de la fente osseuse avec un décolleur
vélopalatines étendues. contre-coudé.

3
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

*
A
*
B

*C *D *E
3 Dorrance. trousseau fibreux engainant l’artère, en suivant son axe (bistouri 15, ciseaux fins et
A. Points d’injection. sonde ténotome).
B. Décollement en dedans et en dehors de l’artère palatine : décollement de la mu- C. Suture du plan nasal (Blair-Donati ou points simples inversés).
queuse nasale de la voûte palatine en rose ; désinsertion musculoaponévrotique des D. Trois points musculaires.
lames palatines. B1. Fracture de l’hamulus (crochet interne de la ptérygoïde), li- E. Aspect en fin d’intervention : 1. Points de matelassier ; 2. points en U transosseux ;
bérant le tensor veli palatini ; B2, B3. libération de l’artère palatine : dissection du 3. palais dur dénudé témoignant du push-back.

4 Lambeaux asymétriques de Chancholle.


A. Tracé des incisions : le petit lambeau (à droite) effectue
une rotation postéro-interne, le grand lambeau (à gauche)
effectue la même rotation et vient bloquer la rétroposition
du premier lambeau.
B. Aspect en fin d’intervention.

*
A *
B

La suture des différents plans peut donc être réalisée. Le plan la véloplastie : points simples ou de Blair-Donati au fil résorbable
nasal sera suturé en premier au fil résorbable 5/0 (points séparés 4 ou 5/0. Un petit triangle muqueux postérieur de luette aura
simples inversants ou Blair-Donati) d’avant en arrière en évitant pu être réséqué afin de permettre une bonne coaptation
tout décalage. On pourra positionner un point de bâti sur la musculaire. Le plan muqueux buccal est lui suturé en dernier :
luette qui facilitera également la suture postérieure. Un points séparés simples ou Blair-Donati. Un point d’angle
allongement du plan nasal pourra être obtenu par une plastie en antérieur sera réalisé sur le V afin d’arrimer correctement
Z. Le plan musculaire sera suturé ensuite selon la technique de l’ensemble du lambeau.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines 46-220

opèrent tous deux une rotation autour de leur pédicule postérieur.


Le plus court vient fermer la portion la plus postérieure de la fente
palatine en contact avec le plan vélaire reconstruit. Le second, plus
long, ferme la portion tout antérieure de la fente osseuse. Ainsi, les
lignes de suture en regard de la fente sont réduites au maximum.

¶ Technique de Furlow ou double plastie en Z [6, 14]


(fig 10)

Cette technique plus récente a été décrite par Furlow en 1976. Peu
d’équipes l’ont cependant depuis adoptée. Elle permet d’obtenir,
selon Furlow et plus récemment Kirschner et al, de meilleurs
résultats sur le plan fonctionnel : du langage, du niveau
d’hypernasalité et d’insuffisance vélaire pour d’aussi bons résultats
anatomiques.
*
B
La technique de Furlow repose sur la réalisation de deux plasties en
Z des plans muqueux et musculaires des deux hémivoiles du palais.
Selon l’auteur, la reconstruction du plan musculaire avec sutures
superposées des deux extrémités musculaires serait de meilleure
qualité que lors d’une intervention classique où cette suture des
*
A
plans musculaires vélaires est réalisée de façon terminoterminale.
Cette intervention peut être proposée aussi bien de façon précoce
5 Suture simple. entre 3 et 6 mois que plus tardivement. Elle est tout aussi réalisable
A. Excision d’un triangle de la muqueuse nasale de la luette. lors de reprise. Cependant, lors d’un premier temps tardif, elle peut
B. Après excision du triangle postérieur : suture musculaire soigneuse et ferme- se révéler plus difficile du fait d’une largeur trop importante de la
ture par translation interne de la muqueuse du versant nasal.
fente avec insuffisance de longueur de chaque hémivoile (et donc
des lambeaux musculaires) avec un risque de tension trop
¶ Notre technique importante des sutures.
Elle est dérivée de celles de Wardill et Chancholle précédemment Le recul du voile est obtenu grâce à la réalisation de cette double
décrites. Elle repose sur la réalisation de deux lambeaux plastie en Z. Le plan mucopériosté palatin antérieur est totalement
mucopériostés qui ont la particularité d’être asymétriques et de ne respecté à la différence des techniques préalablement décrites où il
pas rejoindre le bord antérieur de la fente. Ces deux lambeaux constitue la base de la technique (push-back). La technique de Furlow

6 San Venero Rosselli.


A. En rose : zone décollée (allant jusqu’aux piliers posté-
rieurs inclus). 1. Décolleur-spatule ; 2. incision du bord
libre de la fente, allant jusqu’au tiers supérieur des piliers
postérieurs.
B. Aspect en fin d’intervention : attention à une ferme-
ture excessive (obstruction ventilatoire) surtout si elle est
associée à un œdème lingual postopératoire (sondes naso-
pharyngées si corticothérapie insuffisante).

*
A

*
B

7 Fente vélopalatine com-


plète.

5
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

*
A *
B
8 Fente vélopalatine complète.

*
A *
B *
C

*
D
*
E

9 Wardill VY.
A. Tracé de l’incision respectant un intervalle d’au moins 5 mm avec la gencive. D. Suture du plan nasal d’avant en arrière (Blair-Donati, points inversés Vicrylt 5/0).
B. Désinsertion musculoaponévrotique de la lame palatine, libération de l’artère E. Aspect en fin d’intervention. 1. Surgicelt ; 2. surface cruentée ; 3. premier fil nasal
palatine, fracture de l’hamulus. 1. Décollement du versant nasal. ayant transfixié le mucopérioste et arrimant le lambeau à l’os en avant ; 4. suture en
C. 1. Section de l’aponévrose latéropharyngée en dedans du constricteur supérieur VY.
du pharynx ; 2. fracture-résection de l’hamulus.

permet donc de réserver les autres techniques aux éventuels pertuis Le point clé de cette technique est la réalisation des quatre
résiduels. Pour certains, les risques de trouble de la croissance du lambeaux : deux muqueux (l’un oral et l’autre nasal) à pédicule
maxillaire et du massif facial lors d’une chirurgie basée sur antérieur et deux musculaires à pédicule postérieur. Les tracés des
l’utilisation des lambeaux palatins font préférer cette dernière incisions sont déterminés selon la technique d’une plastie en Z
technique de Furlow. traditionnelle incluant la fente comme incision centrale. L’orientation

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines 46-220

*
B *
C
*
A

*
D *
E

10 Double plastie en Z de Furlow.


A. Tracé en Z, l’incision n’intéressant que la muqueuse sur le lambeau à charnière D. Suture du plan postérieur. Un défaut d’ajustement de la pointe des lambeaux est to-
antérieure (à droite sur la figure). lérable s’il n’excède pas 2 mm.
B. Élévation des deux lambeaux : facile pour le lambeau muqueux, difficile pour E. Suture du plan buccal.
le lambeau musculomuqueux. On obtient ainsi quatre sutures obliques ne se chevauchant pas. Surtout, l’allongement
C. Fracture des crochets internes des ptérygoïdes et découpe des lambeaux en Z du voile est obtenu sans décollement mucopériosté et l’arche musculaire retrouve une
inversés sur le plan nasal. position plus physiologique.

des incisions est variable de 60 à 80° selon les auteurs et doit être La suture des lambeaux commence par le plan nasal après
adaptée aux conditions locales notamment à la largeur et à la transposition de ceux-ci. On obtient ainsi un positionnement plus
profondeur de la fente. Chaque hémivoile donne donc deux des postérieur et interne du plan musculaire. Le même type de
quatre lambeaux. D’un côté (droit sur le schéma), l’incision du transposition est réalisé avec le plan buccal. On obtient ainsi un
lambeau à pédicule antérieur doit être très superficiel respectant chevauchement postérieur des deux lambeaux musculaires.
ainsi le plan musculaire en profondeur. Le lambeau ainsi levé est Plastie de la luette : afin d’augmenter le recouvrement musculaire au
purement muqueux. De l’autre côté, le lambeau plus épais muqueux niveau de la luette, il est possible au niveau de la pointe de séparer
et musculaire présente un pédicule postérieur. Sa dissection est les plans muqueux nasal et musculaire pour que ce dernier vienne
particulièrement délicate car elle doit respecter en profondeur le glisser et recouvrir la zone de suture.
plan muqueux nasal sans le perforer. Leur libération est prolongée
Fente large avec insuffisance de longueur des lambeaux : la suture des
au maximum vers l’avant et la lame palatine pour le lambeau à
pointes de chaque lambeau peut ne pas couvrir la totalité des zones
pédicule antérieur et la région rétromaxillaire en arrière pour l’autre
incisées qui sont alors laissées en cicatrisation libre. Des contre-
lambeau. Dans le même temps, le bord libre de la fente est incisé et
incisions latérales de décharge peuvent aussi y être associées.
permet ainsi la levée des deux premiers lambeaux. Une fois cette
étape réalisée, les plans profonds des deux hémivoiles sont ensuite Au total, cette technique chirurgicale permet une remise en tension
incisés : seconde plastie en Z. Les directions de ces incisions et un recul de la sangle musculaire vélaire avec absence de suture
permettent à chaque hémivoile d’être à l’origine d’un lambeau à longitudinale ou superposée. Pour les auteurs, cette reconstruction
pédicule antérieur et d’un lambeau à pédicule postérieur. musculaire spécifique est à l’origine des excellents résultats
L’extrémité latérale de chaque incision du plan nasal doit se projeter fonctionnels.
en regard des orifices tubaires. Les attaches musculaires aux lames
palatines sont libérées. En revanche, le plan mucopériosté palatin
TECHNIQUES DE FERMETURE EN DEUX TEMPS
est lui respecté et le décollement des versants nasal et oral en regard
de la fente osseuse est minime. Ceci permet ainsi un recul maximal Ces techniques s’adressent aux fentes vélopalatines larges ou aux
de la future sangle musculaire et muqueuse. fentes labio-alvéolo-vélo-palatines.

7
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

*
A

*
C
*
B

11 Fermeture en deux temps. B. Réduction de l’espace.


A. Fermeture du voile. C. Palatoplastie secondaire.

12 Lambeaux vomériens.
A. Lambeau unilatéral à charnière supérieure.
B. Lambeau bilatéral.

*
A *
B

La prise en charge des fentes vélopalatines très larges (fig 11) vers l’âge de 3 à 6 mois associant chéilorhinoplastie et véloplastie.
comprend un premier temps de véloplastie précoce vers l’âge de 3 à La fermeture palatine intervient alors 6 mois plus tard.
4 mois : réalisation d’une technique de push-back classique par deux Une attitude un peu différente est défendue par Malek qui propose
incisions latérales contournant la tubérosité maxillaire débordant en une staphylorraphie première précoce (avant 3 mois) suivie d’une
avant le bord postérieur des lames palatines sans réalisation de chéilorhinoplastie et d’une palatoplastie dans un délai plus tardif,
lambeau mucopériosté palatin. Le second temps est réalisé 6 mois entre 6 mois et 1 an.
plus tard. Mais avec la croissance des lames palatines et la En revanche, la fermeture en trois temps des fentes bilatérales avec
cicatrisation du temps vélaire, la fente palatine résiduelle a tendance fermeture labiale uni- puis controlatérale suivie d’une palatoplastie
à diminuer spontanément. secondaire semble être de plus en plus abandonnée. La réparation
Une technique classique de Wardill ou même une suture directe en palatine antérieure peut bénéficier de greffons périostés également
fonction de l’étendue de l’orifice résiduel peut alors être réalisée. utilisés dans la reconstruction des defects alvéolaires.
Certains auteurs renforcent parfois cette fermeture par l’apposition L’organisation de la prise en charge des fentes vélopalatines isolées
de périoste tibial. tend à s’uniformiser. Les résultats fonctionnels (nasalisation,
L’utilisation d’un lambeau vomérien peut également être proposée dysphonie) et esthétiques (croissance maxillaire) nécessitant un recul
pour la réfection du plan nasal (fig 12). Cette technique permet dans de plusieurs années, l’évaluation de ces différentes attitudes reste
certains cas une fermeture de la fente dès le premier temps. Il encore difficile.
nécessite une incision du bord libre inférieur du vomer et la
réalisation d’un lambeau à pédicule supérieur. L’incision décalée du Fentes labio-vélo-palatines
bord libre de la fente permet une suture sans tension des deux
lambeaux. Ce lambeau vomérien peut être réalisé de façon uni- ou La difficulté de ce type de réparation est d’obtenir des résultats
bilatérale. esthétique et fonctionnel satisfaisants tant immédiatement qu’à
Pour les FLVP complètes, les attitudes thérapeutiques varient selon distance une fois la croissance du massif facial terminée.
les orientations chirurgicales retenues pour le temps labial initial. La L’obtention d’une cicatrice la moins visible et la moins rétractile
plupart des auteurs programment actuellement un premier temps possible représentait initialement l’impératif de la prise en charge.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines 46-220

13 Technique de Veau.

*
A *
B

Actuellement et suite à de nombreux travaux, deux points paraissent l’incision est franche, transfixiante au niveau de la peau comme de
également indispensables : la lèvre rouge. L’incision cutanée en 3 reste à 1 mm de la jonction
– la réfection d’une sangle musculaire efficace : Delaire (1975, 1978), cutanéomuqueuse. L’hémostase de l’artère coronaire sera parfois
Talmant (1984), Gyoo et al (1995), Genaro et al (1994) ; nécessaire.
– l’obtention d’un enroulement narinaire suffisant : Thompson et L’incision du back-cut (5-5’), sa longueur et son orientation sont
Reinders : « une reprise chirurgicale secondaire est nécessaire en déterminantes dans l’horizontalisation de l’arc de Cupidon par
moyenne 1,7 fois pour le nez contre 0,7 fois pour la lèvre ». rotation de l’hémilèvre vers le bas. En profondeur, le muscle
Ces deux points sont intimement liés. orbiculaire sera libéré de l’épine nasale et du plan osseux. Le
De nombreuses techniques ont donc été décrites, réactualisées puis lambeau A est ainsi dissocié de la columelle. Il est nécessaire de
modifiées. Nous décrirons les plus utilisées. réséquer les tissus atrophiques le long des berges de la fente osseuse.
Le temps musculopériosté reste à réaliser : libération en regard de
FENTES LABIO-ALVÉOLO-PALATO-VÉLAIRES
l’orifice piriforme (libérant l’aile du nez) et remontant vers le
UNILATÉRALES plancher orbitaire.

¶ Méthode de Veau (fig 13) ou « straight-line repair » Sutures


Elle reste toujours d’actualité. Elle est de réalisation aisée mais
L’essentiel est le réamarrage du plan musculaire (transverse et chef
trouve ses indications dans les formes mineures ou partielles de
nasolabial) en avant du périoste de l’épine nasale.
fente où la hauteur philtrale est suffisante. La suture des trois plans :
muqueux, musculaire puis cutané est réalisée de façon rectiligne le Le plancher nasal est reconstitué par la suture du plan
long de la crête philtrale. Le choix de cette technique expose à un mucopérichondral de la berge alvéolaire du lambeau C et
risque plus important de rétraction avec aspect en « chapeau de mucopériosté de la face externe de la fosse nasale.
gendarme » de la lèvre supérieure.
Les lambeaux B et C sont transposés et suturés (les points 9 en 5’et 3
¶ Procédé de Millard [10]
(fig 14) en 10) permettant l’enroulement de l’aile narinaire.
Il s’agit de la technique la plus utilisée. Elle est aussi le point de La jonction labiale cutanéomuqueuse est réalisée au niveau des
départ de nombreuses modifications. Elle repose sur le principe d’un points 3 et 8. Une plastie en Z est réalisée sur la muqueuse
lambeau de rotation-avancement de chaque hémilèvre (lambeaux B vestibulaire.
et C). Il doit y être associé une suture du plan musculaire sous-
La brèche alvéolaire et palatine antérieure peut être partiellement
jacent qu’il convient d’aller rechercher très loin latéralement car le
comblée par de petits lambeaux à pédicule antérieur ou postérieur
plan musculaire est fréquemment hyploplasique et rétracté.
d’origine vestibulaire labiale supérieure.
Repères
– Sur l’arc de Cupidon : nous placerons d’abord les points 1 ¶ Procédé de Tennisson-Malek (fig 15)
(médian), 2 et 3 (sommet de l’arc), 6 et 7 (commissuraux). Le point 8
est le pendant du point 3 sur l’hémilèvre opposée. Ces deux points [3, Il utilise un lambeau triangulaire en position inférieure dessiné sur
8]
sont attirés vers le haut de même que la ligne 2-3 normalement le côté externe de la fente et destiné à augmenter la hauteur de la
horizontale. La hauteur des lambeaux B et C devra donc prévoir le lèvre supérieure. Les points 3, 5 et 8 seront placés de façon identique
repositionnement de ces trois points : 2, 3 et 8 selon une ligne au procédé de Millard. Le point 2 est le symétrique du point 5
horizontale. (sommet de la crête philtrale). Le point 6 (seuil narinaire sur la berge
externe) devra être amené en 5. La hauteur philtrale côté sain : H et
– Sur la base du nez : les points 4, 10 et 5 respectivement partie
côté fente : H’ seront mesurés.
basse des ailes narinaires et base de la columelle sont repérés. Le
point 9 sur le plancher narinaire est placé tel que : 8-9 = 3-5 + 5-5’ Le calcul de la longueur des côtés du triangle comme du trait de
(back-cut). refend interne est réalisé sur le schéma (fig 15C). H’ est reporté sur
– Sur le plan vestibulaire : X et Y équivalent muqueux des points 2 l’une des deux droites faisant un angle de 150° (carton de Malek).
et 3. H, partant de l’extrémité de H’, coupe l’autre droite en x’
déterminant un segment qui correspond à la dimension des côtés
Tracés et incisions du triangle et du trait de refend en 3 incisé perpendiculairement à la
On détermine ainsi les lambeaux A (interne = 5’-5-3), B (externe = jonction cutanéomuqueuse. Sur la berge externe, l’incision du
8-9-10) et C (berge externe entre les deux). Après infiltration, triangle équilatéral de côté x’ sera réalisé à partir du point 3.

9
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

*
A "
B1 *
B

*
C *
D *
E

14 Procédé de Millard. C. Incisions.


A. Repères. D. Libération des lambeaux.
B. Tracés. E. Aspect final.

*
C

15 Technique de Tennisson-Malek.

*
B
*
A

La bonne symétrie de la lèvre et l’obtention d’une cicatrice en ligne déterminé. Deux incisions sur le versant H’ sont réalisées avec un
brisée en font une technique de choix. Cependant, en cas angle de 60°. Côté externe : deux triangles équilatéraux de côté x’/2
d’importante hypoplasie de hauteur philtrale, la technique suivante sont tracés sommet contre sommet.
est plus indiquée. La hauteur des triangles peut varier en faveur du triangle supérieur
de côté x’.
¶ Procédé de Malek ou double Z (fig 16)
Cette technique de double Z permet un allongement important de
H’ puis H sont reportés sur le carton de Malek comme la hauteur de la lèvre et une qualité de la cicatrice semble-t-il
précédemment (mais l’angle est de 120° au lieu de 150°). X’ est ainsi supérieure au procédé de Millard.

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines 46-220

16 Procédé de Malek (double Z).

*
A *
B

17 Technique personnelle.
A. Tracé des incisions.
B. Aspect final.

*
A *
B

¶ Techniques modifiées Un cinquième principe, plus discuté du fait des risques potentiels
de trouble de la croissance nasale est décrit. Il s’agit de la
– Nakajima et Davies placent le lambeau triangulaire (procédé de
reconstruction de l’architecture nasale par la réorganisation
Tennisson) à la base de la columelle car moins visible.
anatomique des cartilages alaires.
– Procédé de Millard en deux temps : le premier temps (très
Les techniques de Skoog et Le Mesurier sont aujourd’hui
précoce : 1 mois), lip adhesion, reconstruit le plan cutané et
abandonnées.
musculaire sans plastie de rehaussement de la lèvre supérieure. Un
second temps vers l’âge de 3 mois reconstruit la hauteur labiale
selon une technique classique de Millard. ¶ Technique personnelle (fig 17)
– Armstrong et al proposent la réalisation simultanée d’un procédé Les incisions aux seuils narinaires de part et d’autre permettent une
de Millard et d’une correction nasale primaire en technique ouverte dissection prudente des plans musculaires parfois très latéralement
avec suture du cartilage alaire à son homologue triangulaire. afin de rechercher les différents composants de la sangle musculaire
Nakajima et Yoshimura (1993) réalisent également un temps nasal labionarinaire. Une dissection délicate du plan cutané prolabial
concomitant avec suture des deux alaires entre eux après les avoir permettra l’amarrage efficace de ces plans musculaires en avant de
libérés.
l’épine nasale. La muqueuse des berges externes est conservée pour
créer la totalité du vermillon et le versant vestibulaire de la lèvre.
Une large dissection sous-périostée maxillaire facilitera la réalisation
Fentes labio-alvéolo-palato-vélaires de sutures sans tension.
bilatérales Aucune incision columellaire ne sera pratiquée (garantissant une
bonne vascularisation du prolabium) ; le positionnement des sutures
La chirurgie en un temps des fentes labiales bilatérales est le long des crêtes philtrales et la possibilité ultérieure de réaliser un
maintenant acquise. Les principes de réussite de ce temps opératoire lambeau en fourche de Millard sont les avantages de cette technique.
sont pour Mullinken [13] :
Elle est réalisée en moyenne pour notre série vers l’âge de 3 mois.
– l’obtention d’une symétrie ;
– une suture musculaire solide ; ¶ Technique de Millard [11]
(fig 18)
– un dessin correct du lambeau de prolabium ; Réalisée en un ou deux temps, cette technique s’organise autour
– la reconstruction du vermillon médian par les lambeaux latéraux. d’un lambeau trifolié de prolabium. Deux incisions verticales

11
46-220 Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Techniques chirurgicales

18 Lambeau en fourche de
Millard.

*
C
*
A *
B

paramédiane du prolabium délimitent un lambeau médian McComb (1994) décrit une technique en deux temps [8] :
(néophiltrum) et deux lambeaux externes (futurs seuils narinaires). – rhinoplastie par voie externe avec suture-rapprochement des
La taille du prolabium définira donc les possibilités de lambeau. dômes et libération des alaires, associée à une fermeture de la fente
L’inconvénient de cette technique est la présence de ces sutures cutanée : lip-adhesion sans dissection du prolabium entre 6 et 8
horizontales à distance du rebord narinaire. semaines de vie ;
– chéiloplastie secondaire vers l’âge de 3 mois avec réfection du
¶ Chéilorhinoplasties primaires [2, 9] plan musculaire et utilisation de lambeau triangulaire.
Mulliken (2000) et Trott et Mohan (1991) proposent également un
L’existence de séquelles esthétiques prédominant au niveau du nez temps nasal simultané. Mais l’abord des cartilages alaires par une
a poussé de nombreux auteurs à associer une véritable rhinoplastie voie vestibulaire réduite permet un temps sur le prolabium. Cette
de pointe au temps labial. technique obtiendrait de meilleurs résultats esthétiques que la
Deux risques prédominent : rhinoplastie secondaire.

– les incisions columellaire et vestibulaire peuvent hypothéquer une Conclusion


bonne vascularisation du prolabium (impossibilité d’associer temps
musculaires et temps de pointe) et mettre en péril la respiration La chirurgie des fentes labio-alvéolo-vélo-palatines s’incrit donc dans le
nasale (risque de sténose) ; cadre d’une prise en charge globale. L’évolution des techniques
chirurgicales passe par l’évaluation progressive à moyen et long termes
– pour certains, il existe également un risque pour la croissance des résultats des différentes séries de chaque équipe. Cela permettra
nasale. d’améliorer encore les résultats opératoires et la vie de ces patients.

Références
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Plast Reconstr Surg 1986 ; 78 : 724-736 342-347 1356-1364

12
46-135
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-135

Chirurgie des perforations septales


JM Thomassin
F Braccini Résumé. – Le plus souvent asymptomatiques, les perforations septales sont volontiers des découvertes
K Gabert d’examen clinique.
JP Epron Ailleurs, elles se manifestent par une rhinite croûteuse, des épistaxis récidivantes ou des sifflements.
L’origine de ces perforations est dominée par l’étiologie iatrogène (septoplastie) mais l’enquête diagnostique
poussée amène parfois à découvrir des affections plus rares (maladie de Wegener, sarcoïdose) ou inavouée
(cocaïne).
Lorsqu’elles sont symptomatiques, ces perforations représentent des « challenges » chirurgicaux qui
découragent volontiers les praticiens.
Le choix thérapeutique se fait entre les obturateurs septaux (silicone) et la chirurgie.
Les boutons septaux constituent un procédé intéressant par la simplicité de leur mise en place mais exposent
à des complications dominées par l’intolérance muqueuse ou l’extrusion.
Il s’agit de traitement de choix chez les sujets fragiles ou ne désirant pas d’acte chirurgical plus lourd.
La chirurgie conventionnelle est rendue délicate par l’accès étroit des fosses nasales et la tendance spontanée
à la rétraction des lambeaux.
Les techniques opératoires sont nombreuses et le choix du type de chirurgie dépend de la taille, de la
topographie de la perforation et de l’expérience de l’opérateur.
Pour les perforations inférieures à 1 cm_, les techniques utilisent la taille de lambeaux mucopérichondraux
et/ou mucopériostés.
Pour les perforations plus importantes, il faut recourir à un lambeau composite buccal avec pédicule
gingivolabial en deux temps.
Ainsi, toutes les perforations septales peuvent pratiquement être traitées chirurgicalement avec les méthodes
décrites.
Les boutons septaux obturateurs ne sont réservés qu’aux cas où il existe une contre-indication chirurgicale.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : nez, perforations septales, repositions chirurgicales.

Introduction Une première tentative thérapeutique au début du siècle consistait à


agrandir simplement la perforation en espérant qu’elle devienne
moins gênante, notamment pour les perforations sifflantes.
La perforation septale, très souvent décelée par le praticien de
L’apparition des boutons septaux dans les années 1950 et le
manière inopinée, est habituellement bien tolérée par le patient qui
développement des diverses techniques chirurgicales dans les
ne s’en plaint pas.
années 1960 ont permis d’espérer une prise en charge plus
Toutefois, ces manifestations peuvent correspondre à tout l’éventail satisfaisante.
de la sémiologie nasale. Les causes de la perforation nasale sont
multiples et variées, avec au premier plan, en dehors d’une
perforation essentielle, l’origine iatrogène d’une chirurgie Structures anatomiques impliquées
rhinoseptale. Conséquences physiologiques
Bien que l’enquête sémiologique soit souvent infructueuse, elle reste
indispensable avant tout geste thérapeutique afin de déterminer s’il ANATOMIE CHIRURGICALE
s’agit d’une lésion isolée, d’un signe inaugural d’une maladie La cloison nasale sépare les deux fosses nasales et soutient en avant
systémique, ou bien si elle ne représente qu’un simple le nez.
épiphénomène.
Elle est composée d’un squelette ostéocartilagineux.
¶ Squelette
Jean-Marc Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Frédéric Braccini : Chef de clinique-assistant.
Le septum nasal comporte deux régions :
Karine Gabert : Interne des Hôpitaux.
Jean-Philippe Epron : Chef de clinique-assistant.
– une portion antérieure cartilagineuse constituée par le cartilage
Fédération oto-rhino-laryngologique, groupe hospitalier de la Timone, 13385 Marseille cedex 5, France. quadrangulaire. Ce dernier, plus épais en arrière (4 mm) qu’en avant

Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Braccini F, Gabert K et Epron JP. Chirurgie des perforations septales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-135, 2000, 14 p.
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

(2 mm), ne représente qu’un tiers de la superficie septale totale. C’est


à son niveau que siège la majorité des perforations. 3 4
Une altération importante de l’intégrité septale affecte la résonance
des fosses nasales d’où l’apparition de la modification de la voix à
type de rhinolalie. Seule une perforation à proximité de l’arête nasale
peut entraîner une ensellure.
Ce cartilage, qui repose sur la crête incisive, présente :
5
– un bord postéro-inférieur moulé sur le vomer ;
– un bord postérosupérieur articulé avec l’ethmoïde ;
1
– un bord antérosupérieur répondant à l’arête nasale ;
– un bord antéro-inférieur qui va du lobule à l’épine nasale
antérieure ;
– une portion postérieure osseuse composée par le vomer et la lame
perpendiculaire de l’ethmoïde. 2
Le vomer comprend :
– un bord supérieur articulé avec le sphénoïde ;
– un bord inférieur reposant sur la crête nasale, entre la crête
incisive et l’épine nasale postérieure ;
– un bord antérosupérieur répondant au cartilage septal et à la
lame perpendiculaire de l’ethmoïde ;
– un bord postérieur choanal.
Le cartilage et l’os sont recouverts respectivement de périchondre et
de périoste, puis de muqueuse.

¶ Vascularisation [16] 1 Vascularisation du septum nasal.


1. Tache de Kiesselbach ; 2. anastomoses avec les branches de l’artère palatine ; 3. artère
ethmoïdale antérieure ; 4. artère ethmoïdale postérieure ; 5. artère sphénopalatine.
Septum nasal
Il contient un riche contingent anastomotique vasculaire qui L’artère ethmoïdale antérieure est la plus volumineuse des deux. Elle
provient des systèmes carotidiens à la fois interne et externe. se divise, à la partie antérieure de la lame criblée, en une branche
méningée et une branche nasale qui passe par le trou ethmoïdal
• Territoire carotidien externe (le principal) antérieur. La branche nasale donne alors naissance à :
Artère sphénopalatine : l’artère maxillaire interne, branche terminale – un rameau nasal interne, volumineux, à destinée septale et qui
de la carotide externe, prend le nom de sphénopalatine après le rejoint la tache vasculaire ;
franchissement de la fosse ptérygomaxillaire et sa pénétration dans
– un rameau nasal externe, plus grêle, irrigant les sinus frontaux et
la fosse nasale par le trou sphénopalatin.
les cellules ethmoïdales.
Elle donne alors de nombreuses branches assurant la vascularisation
L’artère ethmoïdale postérieure, plus grêle, traverse le canal ethmoïdal
de la fosse nasale :
postérieur et se ramifie en branche méningée et branches nasales
– branches externes : elles se distribuent aux cornets et aux méats : interne et externe. Elle s’anastomose avec les ethmoïdales
– artère du cornet moyen ; antérieures au niveau des cornets et avec l’artère sphénopalatine à
la partie haute de la cloison.
– artère du cornet inférieur ;
En conclusion, la vascularisation du septum nasal est assurée (fig 1) :
– branches internes : l’artère de la cloison est la plus importante des
artères de la fosse nasale. Elle se dirige d’abord vers le bord antéro- – aux trois quarts par l’artère sphénopalatine, dans la région
inférieur du corps du sphénoïde, puis rejoint le septum et descend médiane et postérieure ;
en diagonale en suivant le trajet du nerf nasopalatin. Elle – par les artères ethmoïdales dans la région supérieure ;
s’anastomose en avant et vers le bas à plein avec l’artère palatine – enfin, par l’artère de la sous-cloison, pour la partie très antérieure
descendante dans le canal palatin antérieur. Elle émet de du septum.
nombreuses collatérales :
Cette vascularisation extrêmement riche est le jeu d’anastomoses
– artère du cornet supérieur ; nombreuses et importantes, notamment :
– artères septales anastomosées avec les artères ethmoïdales. – entre les artères septales et l’artère palatine descendante et la
Elles peuvent être très volumineuses et dédoubler l’artère de la ptérygopalatine ;
cloison.
– entre les artères ethmoïdales et l’artère de la sous-cloison.
Branches de l’artère faciale :
La tache vasculaire de Kiesselbach, située à la partie antérieure de la
– l’artère de la sous-cloison est celle qui nous intéresse le plus. Elle cloison, est une zone importante de confluence des divers systèmes.
naît de la réunion des deux artères coronaires supérieures. Elle se Il est important de rappeler que le cartilage et l’os ne sont pas
dirige vers le haut et vascularise la partie antéro-inférieure du traversés par les vaisseaux. Leur apport nourricier dépend donc
septum cartilagineux et le vestibule narinaire. essentiellement de la qualité de la muqueuse et du périchondre (ou
Elle contracte des anastomoses avec la tache vasculaire de du périoste), véritable lame nourricière [15].
Kiesselbach et l’artère palatine antérieure ; Une perte de substance à ce niveau risque donc de compromettre
– l’artère de l’aile du nez s’anastomose avec des branches fortement la vascularisation du cartilage ou de l’os et d’entraîner
descendantes de l’artère ophtalmique. ainsi une nécrose et une perforation.

• Territoire carotidien interne Muqueuse labiale [1]


Il est représenté par le système des artères ethmoïdales, branches de Sa vascularisation peut être intéressante à connaître dans certaines
l’artère ophtalmique. techniques chirurgicales utilisant des lambeaux buccaux.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

Elle est assurée essentiellement par des perforantes issues du cercle


des artères coronaires, plus accessoirement par des rameaux de
l’artère de la sous-cloison.

CONSÉQUENCES PHYSIOLOGIQUES
Les conséquences aérodynamiques d’une perforation septale sont
fréquentes. La perte du régime laminaire (où la vitesse est maximale
au centre du conduit et décroît en périphérie du fait des frottements)
aboutit à un flux aérien turbulent anarchique. Ce flux perturbé a
pour conséquences la formation de courants aériens accessoires et la
diminution de la vitesse globale du flux aérien.
On peut alors observer des sensations d’obstruction nasale, des
sifflements, ainsi que des manifestations de dessiccation, des signes
d’inflammation, des altérations de la mobilité ciliaire responsables
de l’apparition de croûtes, d’épistaxis lors de leur expulsion.

Étiologies (tableaux I, II) (fig 2)

Les perforations septales affectent 1 % de la population [9]. *


A
Les symptômes ressentis dépendent de la cause, de la taille et du
siège de la perforation.
Une petite perforation antérieure se manifeste volontiers par un
sifflement alors qu’une perforation large peut donner une
modification de la voix.

Tableau I. – Causes traumatiques.

Causes physiques

Chirurgie nasale+++
Tamponnements
Intubation nasotrachéale ou nasogastrique
Cautérisation
Cryochirurgie
Lésion de grattage
Corps étranger intranasal (pile, bouton)
Hématome septal ou abcès septal
Dessiccation (ozène, rhinite croûteuse)

Causes chimiques

Cocaïne et adjuvants
Héroïne inhalée
*
B
Vasoconstricteurs locaux
Ciment et poussière de marbre 2 A, B. Vue endoscopique de la fosse nasale avec mise en évidence de la perforation
Vapeur de chrome du septum.
Dérivés arseniqués mercuriques ou sulfuriques
Nitrate de calcium
Cyanides
L’encadré suivant résume les signes les plus courants rencontrés lors
Phosphore et carbonate de sodium d’une perforation septale.

Croûtes endonasales
Tableau II. – Causes systémiques. Épistaxis
Causes infectieuses Obstruction nasale
Douleurs
Infections aiguës : Sifflements
- typhoïde
- diphtérie
Rhinorrhée antérieure et/ou postérieure
- scarlatine Hyposmie
Infections chroniques : Rhinolalie
- tuberculose Infections répétées
- lèpre Cacosmie
- leishmaniose (naso-orale)
- mycose (candidose, aspergillose, cryptococcose, histoplasmose)
- syphilis On peut regrouper les causes de perforation septale en trois grandes
Causes inflammatoires catégories.
- Sarcoïdose
- Maladie de Crohn CONGÉNITALES
- Dermatomyosite
- Polyarthrite rhumatoïde Les perforations septales congénitales existent mais demeurent
- Polychondrite atrophiante extrêmement rares. Elles sont dues à l’absence de septum
- Maladie de Wegener cartilagineux et de columelle [17].
- Lupus érythémateux disséminé
La très grande majorité des perforations septales est donc acquise.

3
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

ACQUISES La cocaïne agit par deux mécanismes :


¶ Causes traumatiques – c’est un vasoconstricteur qui diminue l’apport vasculaire
muqueux ;
Ce sont de loin les plus fréquentes, largement dominées par la
chirurgie septale. – les solvants qui lui sont fréquemment ajoutés (talc, farine, lactose,
En effet, la proportion des perforations postseptoplastie oscille entre mannitol) sont des substances irritantes pour la muqueuse [4, 28].
3 % [13] et 24,5 % [28]. Les topiques nasaux locaux : c’est le cas, bien sûr, des
Selon Guyuron [7], les septoplasties pourraient se compliquer de vasoconstricteurs utilisés au long cours, mais également de la
perforation avec une fréquence allant jusqu’à 30 %. Cependant, sur corticothérapie locale [28] . Le dipropionate de béclométhasone
le long terme, l’indice de perforation septale parfaitement administré au long cours a été incriminé. Les perforations, quoique
documenté oscille entre 0 et 5 %. rares dans ce cas, sont généralement précédées de croûtes et de
saignements [25].
Deux facteurs principaux semblent impliqués :
D’autres produits utilisés dans diverses industries sont aussi
– la création d’une déchirure ou d’une perte de substance muqueuse responsables et peuvent faire l’objet d’une déclaration de maladie
bilatérale ; en effet, nous avons vu précédemment que la professionnelle.
vascularisation du cartilage septal se fait grâce à l’apport sanguin
de la muqueuse et du périchondre ; une déchirure bilatérale sur ¶ Causes systémiques
deux zones en regard est responsable d’une dévascularisation puis
d’une nécrose du cartilage, entraînant la perforation [4, 7] ; Infections
– même en l’absence de plaie muqueuse, le traumatisme chirurgical
Elles peuvent être :
peut être responsable d’une inflammation autoentretenue, aggravée
par une sécheresse nasale et des lésions de grattage ; il se forme – bactériennes : la syphilis secondaire donne de très larges
alors une escarre qui donne lieu à une ulcération qui détruit perforations, à localisation souvent postérieure en raison d’une
muqueuse, périchondre et cartilage ; lorsque le processus atteint le destruction osseuse fréquente ; la muqueuse nasale est extrêmement
périchondre controlatéral, on aboutit à une perforation [5]. inflammatoire ; la tuberculose, la diphtérie, la leishmaniose et la
Il apparaît donc nécessaire d’envisager une prévention de ces typhoïde peuvent également être à l’origine de perforations
complications chirurgicales. La dissection du cartilage septal doit se septales ;
faire dans un plan strictement sous-périchondral. L’apport du – mycotiques : actinomycose, aspergillose, histoplasmose,
microscope opératoire permet de limiter le risque de déchirure. cryptococcose [14].
En cas de déchirure des lambeaux mucopérichondraux :
– si celle-ci est strictement unilatérale, il n’est pas nécessaire de la Vascularites
réparer ; au contraire, des tentatives répétées de sutures peuvent La nécrose s’étend au septum cartilagineux. La plus fréquente est la
majorer le risque d’apparition d’une perforation ; maladie de Wegener. L’association à l’atteinte rénale est à rechercher
– si, en revanche, la plaie est bilatérale, on tente une réparation dans systématiquement. On peut aussi rencontrer un lupus érythémateux
le même temps chirurgical ; en effet, il risque de se faire une disséminé, une sarcoïdose. Certains désordres métaboliques, comme
rétraction cicatricielle et la correction de la perforation sera plus le diabète, peuvent constituer un facteur prédisposant [32].
difficile [4, 14].
Le lambeau mucopérichondral est soigneusement suturé du côté Causes néoplasiques
gauche. Un greffon de cartilage septal est inséré et fixé par des fils à Elles sont relativement rares mais peuvent alerter par le caractère
la muqueuse. Le lambeau droit est suturé de façon plus lâche. Il souvent irrégulier et douloureux de la perforation. Elles imposent,
n’est en effet pas indispensable d’avoir de ce côté une fermeture en cas de doute, une biopsie systématique qui fait le diagnostic
parfaite. On doit éviter tout flux aérien à travers la perforation et différentiel avec une lésion granulomateuse. C’est ainsi que l’on peut
c’est le greffon cartilagineux qui assure l’étanchéité [7]. trouver un carcinome, un mélanome ou des lésions se rattachant à
Kuriloff [15] conseille, dans toute septoplastie, de replacer le cartilage une leucémie, voire à un granulome malin centrofacial.
qu’on a enlevé, ce qui réduirait le risque de perforation secondaire.
Il est nécessaire d’assurer une bonne cicatrisation par la mise en PERFORATIONS IDIOPATHIQUES
place de lames de Silastict. Celles-ci ne doivent pas être trop serrées
et le méchage reste lâche afin de ne pas compromettre la Elles sont représentées par l’ulcère de Hajek.
vascularisation des lambeaux [28]. En dehors des mesures thérapeutiques proprement dites
D’autres causes traumatiques peuvent être rencontrées : (prothétique ou chirurgicale), les mesures préventives restent
capitales pour limiter la prévalence des perforations septales.
– la chirurgie ethmoïdale pour polypose nasosinusienne ;
Ces mesures représentent même un effondrement de la chirurgie
– la cautérisation bilatérale simultanée trop appuyée, qui reste endonasale :
fréquente, entraînant ulcère puis périchondrite (de 7 à 18 %)
[13, 21, 28]
; – nécessité d’un décollement impérativement sous-muqueux
périchondral ou sous-muqueux périosté strict ;
– les hématomes de cloison post-traumatiques à l’origine d’une
périchondrite ; – soin tout particulier lors de la réunion des tunnels inférieur et
– le méchage bilatéral, en particulier les tamponnements par sondes supérieur de Cottle (jonction périchondre-périoste) ;
à ballonnet ; – traitement prudent des adhérences au niveau des zones déviées ;
– les sondes nasogastriques ou nasotrachéales [11]
; – traitement en peropératoire des perforations bilatérales
– le « grattage nasal », longtemps considéré comme une des symétriques dans lesquelles se produisent les traumatismes
premières causes de perforation septale ; il semble cependant nasoexternes.
actuellement que ce mécanisme n’ait qu’une responsabilité limitée [4]. Ces mesures préventives trouvent également tout leur intérêt dans
le dépistage et le traitement urgent dans les 48 heures d’un
¶ Causes toxiques hématome septal volumineux susceptible d’infection et de chondrite.
Elles sont aujourd’hui en recrudescence et dominées par l’inhalation Enfin, la prévention de la toxicomanie, comme les réglementations
de cocaïne. de sécurité dans le cadre professionnel (masques antipoussière pour

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

limiter l’agression de certains irritants externes), représente le


dernier respect de ces mesures prophylactiques. 3 Obturateur en silicone, mise en place
d’un point de rapprochement.

Méthodes thérapeutiques

TRAITEMENTS PAR OBTURATEUR


Traitement de choix pour certains auteurs [33], ils ont été initialement
décrits par Meyer et Link en 1951 et étaient réalisés en Nylont 4 Introduction du bouton septal dans
(Meyer) ou en supramide (Link). la perforation.
Ils sont envisagés là aussi seulement dans les perforations
symptomatiques, après échec des soins locaux [3].
Ils sont constitués de deux disques unis par un axe central.
Les boutons septaux étaient initialement confectionnés à la main
mais, en 1975, ont été commercialisés des obturateurs standards
s’adressant à la majeure partie des perforations comprises entre
0,5 et 3 cm.
Le disque a un diamètre de 3 cm et une épaisseur de 1 mm.
L’axe central a un diamètre de 0,5 cm et une largeur de 3 mm [3].
Deux matériaux sont actuellement utilisés pour réaliser ces
prothèses :
– le Silastict ;
– les résines acryliques d’introduction plus récente [33].
Ces matériaux sont tous deux biocompatibles, mais présentent des
propriétés différentes :
– le Silastict est poreux et friable ; il ne peut pas être finement poli ;
ces caractéristiques peuvent conduire à une moins bonne tolérance,
avec croûtage, irritation des tissus et déchirure du matériel ;
– au contraire, les résines acryliques peuvent être polies ; elles sont
moins absorbantes et engendrent moins de croûtes.
Leur principal problème est leur manque de flexibilité : ainsi, lorsque
la perforation est plus large que l’orifice narinaire, les résines ne
peuvent être insérées.

¶ Technique de mise en place


Anesthésie locale de contact : dans la plupart des cas, le bouton est *
A *
B
inséré en ambulatoire. Une anesthésie locale de contact est réalisée. 5 Ajustement de la prothèse après section du fil.
Évaluation des dimensions de la perforation septale : la perforation est
mesurée ; deux techniques peuvent être employées : Ainsi, se retrouve parfaitement positionnée la prothèse, qu’il suffit
d’ajuster en la faisant tourner (fig 5).
– une feuille de papier est insérée dans une narine. Un crayon ou
Soins postopératoires : on recommande, dans les premiers jours, un
un coton encré est introduit dans l’autre fosse nasale et permet de
lavage nasal matin et soir pour chaque narine, associé à une
dessiner la silhouette de la perforation [3] ;
pulvérisation du produit comportant un corticoïde et un antibiotique
– certains auteurs [28] utilisent un morceau de papier buvard placé (Pivalone Néomycinet).
dans une des fosses nasales. Le mucus est absorbé sauf dans la Un contrôle a lieu à la troisième semaine et l’on prévient le patient
région de la perforation, ce qui permet d’avoir un patron. de ne pas se moucher pendant cette période.
Une tomodensitométrie peut également être utile et permet Ensuite, on prescrit un soluté huileux pour éviter l’apparition de
d’apprécier la taille de la perte de substance avec une marge d’erreur croûtes sur la surface du bouton septal qui occasionnent souvent
de 1 à 2 mm [13]. une obstruction nasale.
Préparation de la prothèse : une des berges d’une lame est rapprochée
de l’autre par un point au fil prolène 2/0 (fig 3) ou encore on peut se ¶ Indications
servir d’une pince hémostatique comme une Halsted sans griffe. Le C’est un procédé qui constitue une alternative intéressante aux
disque est plié afin de passer à travers la perforation et l’obturateur techniques chirurgicales dans les perforations septales
est poussé. Le bouton peut être retaillé afin de correspondre plus s’accompagnant de complications. Ce procédé peut être utilisé en
exactement à la perte de substance [2]. Le disque doit toujours être cas de perforation sur une muqueuse granulomateuse, mais aussi
plus large que la perforation afin de recouvrir ses berges. En cas de en cas de patient trop âgé ou refusant l’intervention.
large perforation, une alotomie peut être réalisée afin d’introduire le
bouton [13]. ¶ Résultats
Mise en place : on introduit, par l’orifice narinaire, la flasque pincée Le bouton est laissé en place dans 70 % des cas [3, 13]. Les patients
par le fil dans la perforation. On peut s’aider d’une pince ou d’un fil notent une diminution du croûtage et de la fréquence des épistaxis.
dans la perforation ; ce fil joue le rôle d’un fil tracteur pour lui faire L’obstruction nasale est également corrigée car le régime
traverser les berges de la perforation (fig 4). Par l’orifice narinaire d’écoulement aérien n’est plus turbulent [3]. Plus rarement, on peut
opposé, on rattrape le disque de silicone que l’on maintient, et on noter une amélioration de l’odorat, du sommeil ou de la tolérance à
sectionne le fil. l’effort [13].

5
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

Dans notre série, les résultats obtenus sont encourageants puisque


tous les patients ont conservé leur bouton et ont noté une rémission
de la symptomatologie.

¶ Complications
Mauvaise tolérance : elle est responsable d’une irritation muqueuse
avec douleurs, sécheresse nasale, crises sternutatoires. Elle semble le
plus souvent transitoire et disparaît en général après une période
d’adaptation [13]. Certains patients peuvent également présenter des
épistaxis persistantes et des infections fréquentes conduisant à
l’ablation de l’obturateur. Enfin, dans certaines perforations haut
situées, la prothèse septale peut être responsable de gêne respiratoire *
B
en rapport avec une obstruction de la valve nasale [3]. Un croûtage *
A
gênant peut être observé, de même qu’un agrandissement de la
6 Incision interseptocolumellaire hémitransfixiante droite.
perte de substance.
Extrusion : elle survient dans 30 % des cas. L’obturateur est : et il est impératif d’utiliser un abord externe. La colle biologique
complétée par un méchage double facilite le positionnement de ces
– soit enlevé à la demande du patient en raison d’une mauvaise
lambeaux.
tolérance ou d’un ajustement médiocre. Cette demande est en
général précoce : au cours de la première semaine dans un tiers des On préfère un traitement non médical dans les cas suivants :
cas et dans les 6 premiers mois dans deux tiers des cas [3] ; – patients en mauvais état général présentant un risque
– soit extrus par la narine ou plus rarement dans le rhinopharynx. anesthésique important ;
Cet événement peut survenir à la suite : – vascularites et granulomatoses ;
– d’un reniflage ; – traitement récent d’un carcinome de la fosse nasale [11].
– d’un mouchage ;
¶ Techniques chirurgicales
– d’un éternuement ;
Elles sont nombreuses, témoins d’une chirurgie difficile. Si certaines
– d’un traumatisme ; ont été abandonnées devant leur manque de fiabilité (lambeaux
– d’une manipulation par le patient lui-même [3]. libres) [9], les autres dépendent de l’importance de la taille de la
Les obturateurs septaux nous apparaissent comme une technique perforation septale ; elles font toutes appel à des lambeaux.
intéressante, dont les résultats restent satisfaisants. Elle est de La chirurgie doit toujours être précédée d’une préparation de la
réalisation aisée, sous anesthésie locale et en ambulatoire. Elle est muqueuse par des soins locaux, afin d’opérer dans une fosse nasale
comme un traitement de choix dans les perforations propre (cf supra).
symptomatiques chez des sujets fragiles ou ne désirant pas subir
une intervention chirurgicale. Ils nécessitent cependant des soins Perforation septale inférieure ou égale à 1 cm × 1 cm
locaux pour éviter l’apparition de croûtes à leur surface. Elles utilisent des techniques basées sur la taille de lambeaux
mucopérichondraux et/ou mucopériostés.
TRAITEMENTS CHIRURGICAUX
• Installation
¶ Principes généraux La chirurgie peut être réalisée sous anesthésie locale ou générale
complétée par une infiltration locale (Xylocaïnet adrénalinée).
La chirurgie est généralement réservée aux perforations
symptomatiques. De nombreuses techniques opératoires ont été • Abord septal
proposées prouvant la difficulté de cette chirurgie et le caractère
décevant de ses résultats. Incision interseptocolumellaire hémitransfixiante (fig 6).
Elle est menée entre le septum membraneux et le bord caudal du
En dehors des petites perforations inférieures à 1 cm qui peuvent
septum.
souvent être fermées de première intention, le principe de
l’intervention repose sur l’avancement ou la rotation d’un lambeau Elle est faite préférentiellement à droite par un chirurgien droitier.
de muqueuse bien vascularisé provenant du septum restant, du Exposition du cartilage septal.
plancher nasal, de la paroi externe de la fosse nasale, du cornet À partir de la réalisation du tunnel supérieur et inférieur selon la
inférieur ou de la muqueuse labiale. technique de Cottle (fig 7).
L’interposition d’un greffon de soutien autogène pris en « sand- – Réalisation du tunnel supérieur : on commence par la découverte
wich » entre deux lambeaux est la clé du succès. du bord caudal du cartilage septal au bistouri lame 11 jusqu’au plan
De nombreux matériaux ont été utilisés et plus particulièrement bleuté caractéristique du plan périchondral. Le décollement au
l’épicrâne, l’aponévrose temporale [4], le périoste mastoïdien [4], les moyen d’une rugine ou d’un aspirateur de colleur est effectué en
reliquats osseux cartilagineux du septum [17, 21], le vomer, la lame sous-périchondral le long du dièdre septolatéral puis
perpendiculaire de l’ethmoïde, la crête iliaque [6]. septopyramidal pour revenir en direction du bord supérieur de la
L’intérêt d’utiliser un tissu conjonctif réside dans le fait que les perforation.
lambeaux muqueux n’ont pas nécessairement besoin de couvrir le – Réalisation du tunnel inférieur : elle débute par l’exposition en
greffon sur chacune de ses faces. sous-périosté de l’épine nasale et le bord inférieur des orifices
En effet, la réépithélialisation à partir des berges muqueuses de la piriformes le long du plancher de la fosse nasale puis sous le bord
face non recouverte s’effectue sans difficulté. inférieur du cartilage septal en suivant la face latérale de l’os
La difficulté du traitement chirurgical tient à deux facteurs ; il existe vomérien.
souvent un décalage entre perte muqueuse circonscrivant la – La réunion des deux tunnels se fait de bas en haut après section
perforation et la perte cartilagineuse en retrait de plusieurs aux ciseaux des trousseaux fibreux périostés. Le décollement est
millimètres ; d’autre part, la réalisation des sutures est très difficile poursuivi jusqu’à la brèche septale.

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

7 Réalisation des tunnels inférieur et


supérieur d’après Cottle.

*
A

*
A

*
B
9 Fermeture par deux hémilambeaux postérieur et inférieur.

Après décollement, il est translaté vers le bas. La perforation est


suturée après avoir au préalable insérer une pièce de cartilage
conchale affaiblie au moyen d’une presse.
La suture est assurée à l’aide d’un fil à résorption lente. Au
préalable, on nappe le site par de la colle de fibrine.
Mise en place d’attelle de Silastict, de contention de Silastict en
méchage uniquement de la fosse nasale du côté de l’incision avec
un Mérocelt.

• Variantes
– En cas de perforations plus petites avec un axe vertical, on peut
réaliser un lambeau postérieur qui est translaté vers l’avant (fig 9).
*
B – On utilise la méthode des doubles lambeaux mucopéri-
8 Technique de Gollom [5]
. Suture après confection d’un lambeau le long de la voûte chondraux [4] (fig 10) qui permet une fermeture de la perforation par
septolatérale. trois points séparés.

– La muqueuse septale doit être dégagée tout autour de la – Lambeau supérieur : la dissection extramuqueuse est
perforation septale en sous-périchondral d’un seul côté ; l’utilisation poursuivie sous le cartilage latéral supérieur. Une incision de
d’un bistouri favorise le décollement. décharge supérieure est menée à la partie haute du septum
parallèle à la voûte nasale, aussi loin que possible. Sa longueur
• Technique du « reverse flap » de Gollom [5] (fig 8) dépasse celle de la perforation. Elle permet de gagner 3 mm de
On taille un lambeau suivant la voûte septolatérale, légèrement muqueuse supplémentaires [6].
incurvé vers le bas, au moyen d’un bistouri ; il est recommandé de – Lambeau inférieur : il est plus difficile à avancer [4]. L’incision
placer un morceau de Silastict pour éviter de sectionner le cartilage de décharge commence en arrière, sur le plancher de la fosse
et la muqueuse controlatérale. nasale à proximité du septum, 2 cm en arrière de la berge

7
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

*
A
*
B

11 Lambeaux de rotation de la muqueuse du plancher de la fosse nasale.

12 Section muqueuse en regard de la


*
A tête du cornet inférieur.

13-17 mm

*
B
10-12
10 Technique de Fairbanks [4]
par la méthode des doubles lambeaux mucopéri-
chondraux avec interposition d’un élément conjonctif.
7-9
postérieure de la perforation [4], puis s’incurve latéralement dans 4-6
la fosse nasale et se termine en avant en rejoignant en avant
l’épine nasale. En cas de perforation très antérieure, elle peut se
projeter dans le vestibule nasal [6]. 21-25 mm
Ces deux incisions supérieure et inférieure restent parallèles aux 11-13
vaisseaux principaux (artères ethmoïdale et sphénopalatine) qui sont *
ainsi respectés. *
A B

Pour les perforations dont le grand axe est vertical, on peut 13 A. Dimensions obtenues à 1 cm en arrière par rapport au plan du vestibule nasal
confectionner des lambeaux bipédiculés en supérieur et inférieur. selon Judson et Belmont.
B. Translation d’un double lambeau taillé aux dépens du plancher de la fosse na-
Les incisions de décharge sont alors verticale, antérieure et
sale.
postérieure [6].
– Lambeaux de rotation de la muqueuse du plancher de la fosse sur la face latérale ou médiale du cornet (fig 12) en fonction de la
nasale (fig 11) : leur pédicule est antérieur ou postérieur. Le lambeau surface de muqueuse requise. Un tunnel mucopériosté est alors
à pédicule postérieur est idéal pour les perforations localisées à la constitué sur la surface du cornet. Ce dernier est luxé en dedans, les
partie postérieure du septum cartilagineux, mais ne permet pas deux tunnels sont réunis. Les deux tiers antérieurs du squelette
d’atteindre les régions antérieures. turbinal sont enlevés [11, 28]. Une partie de l’os du plancher nasal reste
Ainsi, pour les perforations situées au niveau des premiers alors à nu, mais de façon moins importante que si on avait laissé le
centimètres et demi de la cloison, on fait appel à un lambeau à cornet en place [11].
charnière antérieure [28]. Le lambeau est découpé au-dessous du méat La surface ainsi gagnée est importante : on peut obtenir un excès
inférieur et incurvé le long de l’orifice piriforme en direction de la muqueux de 15 mm sans sacrifier la couverture du plancher. En
perforation. La dissection du lambeau doit se faire sur 2,5 cm en pratique, le lambeau obtenu mesure 35 mm de large et laisse à
arrière de la berge postérieure de la perforation afin de permettre découvert 15 mm d’os nasal [11] (fig 13).
une rotation satisfaisante du lambeau [11].
Si cette dernière est large (plus de 2,5 cm de diamètre), le lambeau • Interposition des greffons
inclut la muqueuse du cornet inférieur. L’incision est alors placée Elle est indispensable pour deux raisons :

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

14 Prise par voie antérieure d’un gref-


fon cartilagineux de conque.

1 2
3

*
A *
B
15 Tracé de l’incision columellaire par un abord externe. 1. En « W » inversé ; 2. en
« marche d’escalier » ; 3. en « V » au niveau du pied columellaire (Meyer).

Teichgrarber [ 2 8 ] confectionne d’un côté deux lambeaux


d’avancement supérieur et inférieur et de l’autre côté un vaste
lambeau de rotation comprenant le cornet inférieur.

• Gestes associés
– le defect muqueux est souvent trop important pour permettre une
suture parfaite des berges ; Septoplastie : une déviation septale doit être corrigée. En effet, on
observe à ce moment-là un excès muqueux du côté de la déviation
– la muqueuse sur les bords de la perforation est souvent friable et qui permet peut-être une fermeture directe [21].
de mauvaise qualité [4].
Rhinoplastie de réduction : là aussi, elle permet de disposer d’un
Greffon conjonctif. Son introduction par Fairbanks [4] a permis une excédent de muqueuse sur les lambeaux [6].
amélioration significative des résultats. Le fascia temporal profond
et le périoste mastoïdien ont été les premiers décrits [4, 28] et sont le • Soins postopératoires
plus fréquemment employés. On peut également utiliser du fascia
lata ou de l’aponévrose du muscle oblique externe [4]. Il doit être Ils comprennent dans tous les cas une antibiothérapie orale pendant
plus large que la perforation et dépasser son diamètre de 0,5 à 8 jours et endonasale sous forme d’antibiotiques imbibant
1 cm [28]. Ces greffons ont un métabolisme bas et servent de trame régulièrement le Mérocelt.
pour la croissance des fibroblastes, en soutenant le processus – Ablation du tamponnement à j6-j7.
d’épithélialisation muqueuse à partir des berges. Ils permettent
également une amélioration de la solidité et de la durée de la – Ablation de la contention endonasale (attelles) à j15-j21.
réparation. Enfin, ils n’ont pas besoin d’être recouverts des deux – Pendant une période de 1 mois, le nez est lavé doucement au
côtés par les lambeaux muqueux. La muqueuse qui n’est pas fermée sérum physiologique. Des pulvérisations d’antibiotiques sont
utilise en effet le greffon comme un canevas qui guide sa prescrites, les croûtes et escarres sont laissées en place [4, 24].
cicatrisation [28]. Cette propriété semble être moins nette avec les L’utilisation de la voie endonasale peut s’avérer insuffisante en cas
greffons cartilagineux ou osseux [14, 31]. de narine étroite, même en s’aidant du microscope. On fait alors
Greffon cartilagineux. On peut faire appel : appel aux voies externes (abord externe, degloving médiofacial et
alotomie).
– au greffon de conque (fig 14) ;
– au greffon du cartilage tragal ; Perforation septale moyenne (2 cm × 2 cm)
– au cartilage septal résiduel .
[17, 21]
• Installation
Greffon osseux. On peut utiliser :
Elle est identique aux interventions précédentes.
– la lame perpendiculaire de l’ethmoïde ;
– le vomer ; • Voie d’abord septale
– beaucoup plus rarement, un prélèvement de crête iliaque [6]. En cas de perforation de taille moyenne, il est préférable d’utiliser
des voies externes ; la voie endonasale a le désavantage de limiter
• Associations de ces différents lambeaux considérablement l’exposition et la vision, en particulier dans la
région postérieure de la fosse nasale, rendant la qualité de la suture
Fairbanks [4] considère qu’il n’est pas absolument nécessaire de tailler plus précaire [25].
des lambeaux bilatéraux, dans la mesure où un côté est fermé de Abord externe.
façon complète et satisfaisante. Toutefois, il préconise la réalisation
de lambeaux des deux côtés, car la cicatrisation est alors plus rapide. Initié par Gilles en 1920 puis introduit par Rethi, il doit surtout son
développement aux travaux de Goodman au Canada [6] qui, le
Les lambeaux bilatéraux bipédiculés sont cependant proscrits, car premier, choisit cette voie pour réparer les perforations septales.
ils mettaient à nu deux zones correspondantes de cartilage, avec un
Incision cutanée (fig 15).
risque important de créer une nouvelle perforation. Fairbanks [4] puis
Kridel [14] recommandent donc de réaliser : – Incision columellaire : elle se fait à mi-hauteur par une incision en
« ligne brisée », en « W » inversé ou en « marche d’escalier ». C’est à
– d’un côté, deux lambeaux bipédiculés ;
celle-ci que va notre préférence afin de rendre la cicatrice le moins
– de l’autre, un lambeau inférieur de rotation. visible possible.
Toutefois, Goodman [6] et Strelzow [26] utilisent des lambeaux La section cutanée doit être prudente pour ne pas entamer les crus
bilatéraux bipédiculés avec de bons résultats. Morre [21] procède de mésiales.
même pour les larges perforations. – Incision latérale marginale vestibulaire : elle prolonge de chaque
Judson [11] se rapproche de Fairbanks : il réalise en effet deux larges côté l’incision columellaire selon le tracé classique de l’incision
lambeaux inférieurs bilatéraux emportant la muqueuse du cornet. marginale ou rim incision des Anglo-Saxons (fig 16). Son extension
Mais le lambeau d’avancement supérieur est unilatéral. latérale est fonction du décollement à effectuer.

9
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

16 Latéralement, elle se prolonge en voie 19 Abord sous-labial type


marginale. « degloving ».

17 Décollement cutané respectant les


mésiales des cartilages alaires.

20 Technique en un temps de Meyer


[18, 19]
avec lambeaux mucopérichondraux.

Voie alofaciale (fig 18).


Elle est recommandée par la plupart des auteurs ; elle est le plus
souvent unilatérale.
L’incision est menée 1 mm au-dessus du sillon alofacial de l’aile du
nez. En pleine épaisseur, elle est poursuivie vers le haut en ne
dépassant pas le bord supérieur du cartilage alaire comme l’indique
la figure.
Abord sous-labial a minima [12].
– Incision muqueuse (fig 19) : la muqueuse est infiltrée à la
Xylocaïnet adrénalinée après avoir exposé la région du vestibule au
moyen de deux écarteurs de Farabeuf rétractant la lèvre supérieure ;
18 Voie alofaciale. Tracé de l’incision. Dégagement vers le haut de l’aile du nez. on dessine une incision d’une prémolaire à l’autre menée au moyen
d’un bistouri lame 15 jusqu’au périoste.
– Le décollement cutané est effectué au ciseau coudé (fig 17) de – Exposition du septum cartilagineux : il est effectué après
façon atraumatique au plus près des structures cartilagineuses décollement à l’aide d’une rugine de la région de l’épine nasale
alaires. antérieure et de chaque côté au pourtour inférieur des orifices
L’exposition de la région de la pointe doit être totale, laissant visible piriformes. Le fourreau mucopérichondral est libéré de chaque côté
la face superficielle des cartilages alaires et des cartilages latéraux au moyen de la manœuvre de Cottle des tunnels inférieurs ; la
jusqu’au bord inférieur des os propres du nez. Si cela est nécessaire, dissection se poursuit en direction de la perforation septale.
on peut remonter au niveau des cartilages latéraux pour donner un
• Lambeaux de voisinage [18, 19]
jour plus important en effectuant une séparation de la jonction
latéroseptale. Une incision au bistouri lame 11 parallèle au cartilage Technique de Meyer en un temps [19].
septal permet de trouver très facilement le plan sous-périchondral, Elle est utile pour la réparation des perforations antérieures laissant
l’ouverture de la loge septale étant faite de proche en proche au un pont muqueux entre la columelle et la muqueuse septale.
moyen d’une rugine ou d’un aspirateur décolleur jusqu’à atteindre On utilise un lambeau bilatéral taillé aux dépens de la muqueuse
le bord supérieur antérieur et postérieur de la perforation septale. du vestibule labial afin d’éviter une rétraction columellaire (fig 20).

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

21 Utilisation de deux lambeaux taillés


aux dépens de la muqueuse du vestibule
labiale (Meyer).

*
B

*
A

22 Abaissement de la voûte antérieure


du septum (Meyer).

*
C *
D
23 Technique de Seiffer modifiée [27]
(lambeau ostéomuqueux taillé aux dépens
du cornet inférieur).

apparaissant dans la fosse nasale. Le lambeau supérieur au


préalablement tracé va recouvrir la surface osseuse. Les zones
dénudées du plancher nasal peuvent être greffées avec un
lambeau libre de peau totale prélevé au niveau de la région
rétroauriculaire.
– Soins postopératoires : une mèche de Mérocelt est placée de
chaque côté au niveau du vestibule nasal ; elle est enlevée entre
j5 et j8 selon les auteurs.
– Deuxième temps.
– Trois à 4 semaines plus tard, sous anesthésie générale, on
sectionne la région postérieure du pédicule et on permet ainsi la
fermeture de la zone postérieure de la perforation. Après
La perforation est fermée au moyen de lambeaux avivement des berges postérieures, le lambeau est amarré à la
mucopérichondraux (cf supra). pointe postérieure de la perforation ou collé par de la colle
biologique. Le reste du lambeau est replacé sur la région latérale.
La hauteur du septum (fig 21) dans sa partie antérieure est diminuée
Une attelle de contention en Silastict est insérée de chaque côté
(fig 22), ce qui permet de réduire la taille de la perforation.
de la cloison et un méchage termine l’intervention. Il est laissé 5
Technique utilisant le cornet inférieur (Seiffer modifiée) [27] (fig 23). jours.
On taille un lambeau muqueux aux dépens du cornet inférieur. Cette
technique va nécessiter deux temps opératoires séparés de Perforation septale large : 4 cm en moyenne
4 semaines environ. Leur réparation nécessite le plus souvent l’emploi de lambeaux
– Premier temps. buccaux.

– Anesthésie : il peut être effectué sous anesthésie locale • Lambeau muqueux en « aile de planeur »
potentialisée. de Chalaye-Levignac [1] (fig 24)
– Confection du lambeau : du côté droit de la fosse nasale, on – Deux lambeaux prenant toute l’épaisseur de la muqueuse et de la
réalise une incision au moyen d’un bistouri lame 15 sous-muqueuse sont prélevés sur la face interne de la lèvre
hémitransfixiante qui débute au niveau columellaire pour supérieure.
s’arrondir sur le plancher de la fosse nasale pour rejoindre la – La largeur du pédicule ne doit pas être inférieure à 1 cm de part
partie inférieure de la perforation septale. Le décollement du et d’autre de la ligne médiane. La limite externe du lambeau doit se
lambeau est poursuivi le long du plancher tout autour de l’orifice projeter sur le sillon du fond du vestibule en haut et une ligne
piriforme en élevant un lambeau mucopériosté le long de la face passant par l’incisive centrale en bas ou une ligne passant en dehors
inférieure du cornet inférieur puis on sépare le squelette osseux par le sillon nasolabial.
en deux. Deux incisions horizontales muqueuses sont effectuées,
détachant ainsi un lambeau dont la largeur correspond à celle de – Une fois décollé, le lambeau est passé à travers le faisceau
la perforation et dont le pédicule nourricier dépend de la partie supérieur de l’orbiculaire des lèvres préalablement sectionné. La
postérieure du cornet inférieur. L’extrémité distale du lambeau est plicature du lambeau ne doit jamais être inférieure à 90° d’angle.
suturée aux berges antérosupérieures et inférieures de la – Les deux moitiés du lambeau sont alors passées à travers cette
perforation, la face cruantée du squelette de la tête du cornet incision et appliquées sur la perforation septale préalablement

11
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

24 Lambeaux buccaux en « aile de pla-


neur » de Chalaye-Levignac [1]. Détermi-
nation de la longueur du lambeau. Mise en
place des deux hémilambeaux au niveau de
la perforation septale.

*
A *
B

*
A
*
C *
D

*
E *
F
*
B

avivée. La suture du lambeau s’effectue sur les berges de la


perforation tandis qu’une greffe de peau mince recouvre le site
donneur.

• Technique du lambeau composite gingivobuccal de Meyer [19, 20]

(fig 25)
L’intervention se déroule en trois temps. *
G *
H
Premier temps : il est effectué sous anesthésie locale. 25 Technique de Meyer [19].
A. Portion en silicone correspondant à la perte de substance au niveau de la
– Il comprend la prise d’un greffon cartilagineux de conque par voie
cloison nasale.
antérieure au niveau du pavillon de l’oreille (fig 26). B, C. Élévation du lambeau composite de la muqueuse gingivojugale.
– Ce greffon recouvert de périchondre est placé en nourrice dans la D. Lambeau décapé pédiculisé à partir du frein de la lèvre supérieure.
région buccale après avoir élevé une palette muqueuse : il serait E. Transfert du lambeau.
F, G. Mise en place du lambeau.
aplani au moyen de plusieurs incisions radiaires (fig 27) : H. Amarrage au pourtour de la perforation septale du lambeau composite.
– on peut disposer à sa face profonde d’un lambeau muqueux
appliqué contre le cartilage pris à l’extrémité du lambeau ;
26 Greffon de conque affaibli au moyen
– ou effectuer un retournement en « U » de l’extrémité du d’une presse.
lambeau qui est remise en place ; le cartilage recouvert sur ses
deux faces de muqueuse est laissé en nourrice pendant 2 mois
environ.
Deuxième temps : entre 4 et 8 semaines selon les auteurs, le lambeau
composite est élevé pédiculisé sur le frein de la lèvre supérieure
(fig 28).
Un tunnel est pratiqué le long de l’épine nasale antéro-inférieure en
passant sur le fourreau mucopérichondral pour atteindre le bord
antérieur de la perforation septale (fig 29). À travers ce tunnel, le
lambeau chondromuqueux est introduit et basculé dans la fosse
Afin de maintenir le lambeau en place, on dispose une attelle de
nasale.
contention en Silastict fixée au moyen d’un point columellaire et
L’exposition de la perforation septale est facilitée par la réalisation maintenue durant 1 mois.
d’une alotomie unilatérale ou bilatérale associée ou non à une
section du pied de la columelle. L’hémostase et la contention sont assurées après un méchage au
Le lambeau positionné au niveau de la perforation permet Mérocelt.
progressivement de suturer aux loges de la perforation. La difficulté Troisième temps : programmé environ 4 semaines après, il est réalisé
provient de la région inférieure chondrovomérienne. On peut s’aider sous anesthésie locale. Il consiste à sectionner le pédicule du
de l’utilisation d’un microscope (fig 30). lambeau.

12
Techniques chirurgicales Chirurgie des perforations septales 46-135

27 Premier temps : mise en nourrice dans la région vestibulojugale d’un greffon 29 Création d’un tunnel le long de l’épine nasale antéro-inférieure qui permet l’in-
de cartilage de conque. troduction du lambeau chondromuqueux.

30 Amarrage du lambeau aux berges de la perforation.

28 Deuxième temps : élévation d’un lambeau composite gingivobuccal à pédicule


médian. chirurgie septale, mais les perforations liées à la prise de cocaïne
connaissent une recrudescence. La plupart d’entre elles sont
• Prothèses d’expansion asymptomatiques. Les autres se manifestent principalement par une
rhinite croûteuse et des épistaxis à répétition. Ces dernières seulement
Romo [24] rapporte cinq observations de perforations septales de 3 cm relèvent d’une prise en charge thérapeutique. Les soins locaux
de diamètre ou plus. D’un seul côté, une prothèse d’expansion est comprenant au minimum des lavages des fosses nasales au sérum
introduite sous la muqueuse du plancher de la fosse nasale et physiologique pluriquotidiens sont indispensables. Le choix
gonflée à l’aide de sérum physiologique (1 mL par semaine pendant thérapeutique se fait entre les obturateurs septaux, le plus souvent en
4 semaines). silicone, et la chirurgie. Les boutons septaux nous semblent être une
La muqueuse en excès est utilisée pour fermer le defect d’un côté ; technique intéressante, de réalisation simple et peu agressive pour le
une plastie muqueuse est faite de l’autre côté, avec interposition de patient. Leurs résultats sont bons avec un taux de succès de 75 % dans
périoste mastoïdien. la littérature. Ils sont malheureusement parfois mal tolérés, engendrant
des phénomènes de « croûtage » qui peuvent conduire à leur abandon.
Ils présentent par ailleurs l’inconvénient d’être une « prothèse »
pouvant être mal ressentie par le patient. La chirurgie est une
Conclusion alternative prometteuse. Les techniques d’utilisation de lambeaux
locaux de muqueuse nasale nous paraissent de réalisation difficile et
La perforation septale est une pathologie qui, sans être très fréquente, précaire. L’emploi d’un lambeau de vestibule buccal associé à un greffon
n’est pas rare car son incidence est de 1 % de la population générale. cartilagineux selon Meyer nous semble apte à fermer les perforations de
Son origine est dans la majorité des cas traumatique, dominée par la toute taille.

13
46-135 Chirurgie des perforations septales Techniques chirurgicales

Références
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14
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-180]

Chirurgie des traumatismes faciaux

Jean-Paul Monteil : Professeur des Universités, praticien hospitalier


Emmanuel Nallet : Interne
Marc Blumen : Interne des Hôpitaux
Nathalie Schlegel : Chef de clinique-assistante
Service ORL, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75 475 Paris cedex 10 France

© 1996 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

Le traitement des traumatismes faciaux a été modifié, au cours des deux dernières
décennies, par deux facteurs :

en premier lieu, les progrès de l'imagerie qui ont permis de dresser pour un
blessé, le catalogue de ses fractures et d'élaborer une stratégie thérapeutique plus
fine ;
en second lieu, l'apparition puis la miniaturisation du matériel d'ostéosynthèse qui,
de plus, est désormais ostéo-intégrable. Ce matériel a permis de limiter les abords
chirurgicaux, et les contraintes d'une contention longue comme le blocage
bimaxillaire.

Ces progrès sont ceux de la technique mais c'est encore au sens clinique du chirurgien
qu'appartient l'essentiel : déterminer l'ordre dans lequel les fractures seront traitées et
quelles voies d'abord utiliser. Les délais de traitement sont souvent encore trop longs pour
de fausses raisons, et c'est de lui que dépendra la qualité de la réparation. Comme dans
toute pathologie traumatologique, ces fractures sont des urgences et elles doivent être
soumises aux mêmes principes thérapeutiques :

traiter les lésions associées dans un ordre déterminé par l'équipe soignante ;
donner des antalgiques et des anti-inflammatoires pour limiter l'oedème ;
s'assurer d'une couverture antibiotique périopératoire, aéroanaérobie s'il existe
des fractures occlusofaciales.

Les séquelles sont encore fréquentes : ensellure nasale, troubles occlusaux,


latérodéviation mandibulaire, douleurs périarticulaires, névralgie trijéminale secondaire,
ou encore troubles ophtalmologiques, oculaires ou palpébraux comme l'oeil rond si
fréquent après une fracture du malaire. Beaucoup de ces séquelles peuvent encore être
évitées par un traitement urgent et bien conduit initialement.

Nous envisagerons successivement le traitement chez l'adulte des plaies de la face puis
des fractures faciales en séparant les fractures qui n'intéressent pas l'articulé dentaire des
fractures occlusofaciales.

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PLAIES DE LA FACE

Plaies simples

Ce sont des plaies après accident de la voie publique ou des plaies par arme blanche. Les
morsures se distinguent par leur septicité, surtout les morsures humaines. Les
traumatismes balistiques sont peu fréquents mais le délabrement y est important. Une
plaie profonde, atteignant le derme laissera toujours une cicatrice définitive et indélébile.

Conduite à tenir dans l'immédiat

L'idéal est de faire la réparation de ces plaies en urgence. Si les lésions associées le
nécessitent, la réparation peut être différée à condition d'effectuer le nettoyage de la plaie
au sérum, l'ablation des corps étrangers les plus volumineux et l'hémostase. Cette
réparation peut être différée de 24 heures au maximum sauf s'il s'agit de morsure [23].
Les plaies faciales doivent donc être explorées et suturées le plus tôt possible. Dans
quelques cas, l'oedème, la crainte d'une grave contamination septique (morsure humaine)
peuvent faire attendre sous traitements anti-inflammatoire et antibioprophylactique
(pénicilline, métronidazole) associés à un pansement ouvert avec solution antiseptique. La
prophylaxie antitétanique sera assurée.

Réparation

Les plaies seront nettoyées, explorées, débridées, suturées.

Anesthésie

Dans quelques cas de plaies peu importantes et peu profondes, on pourra utiliser
l'anesthésie locale mais on doit privilégier l'anesthésie générale dès que les lésions sont
importantes ou multiples. Elle permet une meilleure exploration.

Toilette de la plaie

Elle se fait par irrigation au sérum physiologique tiédi auquel on ajoute une solution
antiseptique non colorée pour ne pas gêner la recherche de corps étrangers. Ce nettoyage
est fait à la compresse non tissée et à la seringue qui irrigue sous pression les tissus
lacérés et s'insinue sous les lambeaux où il faut quelquefois faire sauter des ponts de
fibrine. Les abrasions seront nettoyées à la brosse souple. Les corps étrangers ôtés et s'ils
ont pénétré profondément, il faut les ôter à l'aide d'une pointe de bistouri no11 ou d'une
fine curette. Les morceaux de verre seront repérés tactilement grâce à une aiguille. C'est
au cours de ce temps qu'on apprécie l'étendue et la vitalité des lambeaux cutanés.
Parage, débridement de la plaie

Les excisions cutanées seront très économes car les tissus de la face sont très vascularisés
et ont une vitalité supérieure à celle des autres tissus. Il faut toutefois ôter les fragments
cutanés voués à la nécrose parce que trop dilacérés ou retenus par de fins pédicules. Les
berges des lambeaux seront régularisées et recoupées afin d'obtenir un meilleur
affrontement, en particulier lorsque les plaies sont obliques. Les petits lambeaux en U,
toujours disgracieux une fois cicatrisés, seront excisés si une suture par rapprochement
est possible.

Sutures

Elles seront faites plan par plan de la profondeur vers la superficie. Au niveau cutané on
doit éviter le décalage des bords. Les points cutanés seront posés et non serrés pour
éviter une ischémie. Toute plaie ou décollement important sera drainé par un procédé de
type Manovac® (ou un drainage filiforme. Les fils utilisés seront les plus fins possibles,
monofilament 5 ou 6.0 en faisant pour la peau des points éversants ou un surjet
intradermique. Dès qu'on le peut, il faut utiliser des Steri-strip®.

Pour les plans sous-cutanés, il est quelquefois nécessaire de charger un peu plus le tissu
adipeux pour éviter une dépression lorsqu'il y a eu une ablation ou une exérèse de ces
tissus. Les peauciers seront reconstruits par des points en X lâches. La réparation
demande beaucoup de soins dans la remise en place des tissus en position anatomique,
surtout au niveau des orifices car dans ces régions les rétractions laissent souvent croire à
des pertes de substance qui n'existent pas. Les tractions sur des lambeaux avec des
crochets permettent de repositionner les tissus et il est souvent utile de marquer avec un
crayon ou de l'encre bleue les principaux points qui devront s'affronter.

En utilisant des points de bâti mis sur ces repères, des points d'angle mis au sommet des
lambeaux, on juge de la bonne mise en place de ceux-ci et des tractions réciproques qui
s'exercent sur les berges des plaies. Ce n'est qu'ensuite que l'on fait les régularisations
cutanées nécessaires et les sutures (fig 1, 2, 3 et 4).

Soins postopératoires

Les cicatrices sont laissées à l'air. De la vaseline est appliquée régulièrement. Les points
doivent être retirés rapidement vers j5 sauf s'il s'agit de points de traction et remplacés
par des petites bandes adhésives (Steri-strip®). Le soleil est à éviter pendant les 2
premiers mois. La cicatrice sera massée à partir de la troisième semaine pour favoriser
l'élimination des déchets fibrinoleucocitaires et pigmentaires.

Pertes de substances

Si la perte de substance ne peut être suturée directement, plusieurs attitudes peuvent


être adoptées.

La première est la cicatrisation spontanée qui en diminue souvent la taille au point de


rendre la cicatrice acceptable ou d'attendre de meilleurs conditions pour une réparation de
qualité. Cette attitude est préférable aux greffes faites en urgence, voire aux lambeaux
locaux de couverture qu'il vaut mieux reporter à un moment où les conditions locales
seront meilleures, l'oedème diminué, les ecchymoses parties, la plaie propre et nette.

Particularités topographiques

Lésions du nerf facial


impossible le diagnostic de paralysie faciale. Aussi faut-il explorer toute plaie située sur le
trajet du nerf et le vérifier. Il est quelquefois nécessaire d'effectuer une parotidectomie
superficielle pour retrouver le tronc du nerf facial. Si la plaie est située en avant du bord
antérieur du masséter, il n'est pas nécessaire de suturer car les anastomoses et le
phénomène de neurotisation permettent une récupération de bien meilleure qualité que ne
pourrait le faire une suture. Dans les autres cas, on suturera le maximum de branches
possible. La dissection du nerf se fait toujours en allant des zones saines vers la zone
lésée et en respectant la vascularisation qui provient du mésonèvre. On ne doit prendre
dans la pince que l'épinèvre et il ne faut pas isoler le nerf sur une grande longueur. S'il
existe une perte de substance, il est nécessaire d'utiliser une greffe, le plus souvent le nerf
grand auriculaire, quelquefois le nerf saphène externe. La technique de la suture faciale
est bien connue. Elle doit essayer de mettre en face des fascicules de taille équivalente en
mettant le moins de points possible. La suture utilisée sera de type épipérineural (fig 5)
par points séparé avec du fil non résorbable de 7.0 à 9.0 après avoir sectionné
franchement les extrémités des nerfs à suturer.

Certains auteurs utilisent avec succès de la colle biologique à condition que les fragments
de colle ne viennent pas gêner l'affrontement des fascicules. D'autres utilisent des
procédés de congélation rapide par cryode pour sectionner et affronter les extrémités
nerveuses.

Lésions de la parotide et du canal de Sténon

Outre une paralysie faciale, une plaie de la parotide peut donner un épanchement salivaire
qu'il faudra évacuer. Cet épanchement est transitoire.

Les plaies du canal de Sténon doivent être recherchées par un fin cathéter introduit dans
l'ostium jugal. Si ce canal est lésé, ses berges seront suturées au fil 6 ou 7.0 sur un
calibrage. La portion proximale pourra être recherchée en pressant sur la glande. Le
calibrage sera laissé en place 3 semaines, fixé au collet de la deuxième molaire
supérieure. S'il existe une perte de substance sur le canal lui-même, on peut dans certains
cas tenter de marsupialiser la glande en bouche, soit à partir du canal lui-même, soit en
introduisant directement une grosse sonde dans la parotide elle-même et en faisant
ressortir cette sonde en bouche fixée au collet de la deuxième prémolaire. Si ces
tentatives échouent, la fistule salivaire qui en résulte à souvent tendance à se tarir d'elle-
même en quelques semaines. Sinon, il faut effectuer une parotidectomie.

Région oculaire

S'il existe une plaie du globe, le recours aux urgences ophtalmologiques est indispensable.

Les plaies des paupières font souvent craindre des pertes de substance alors que ce ne
sont souvent que des avulsions ou des arrachements. Le redrapage des fragments permet
alors une réparation primaire. Les plaies des paupières doivent être réparées en urgence
et la réparation se fait selon une technique standard (fig 6) :

si besoin, régularisation des berges en donnant à la perte de substance une forme


pentagonale pour éviter un allongement trop important ;
point repère éversant, sur la ligne grise prenant le tarse et servant de tracteur ;
surjet tarsoconjonctival avec un monofilament non résorbable 6.0 n'irritant pas la
cornée ;
suture des muscles et de la peau ;
suspension palpébrale 48 à 72 heures.

Les désinsertions canthales seront systématiquement remises en place par suture des
ligaments ou réinsertion du taquet osseux sur lequel il est attaché.

Les plaies des voies lacrymales doivent être recherchées en cas de plaie du quart interne
de la paupière par cathétérisme des canalicules supérieur et inférieur.

Seule une plaie de l'inférieur mérite d'être réparée et nécessite pour cela une microsuture
sur un calibrage fin en Silastic® type sonde bicanaliculaire de Royer.
Les pertes de substance superficielles doivent être greffées car la cicatrisation dirigée
aboutit à des rétractions secondaires.

Les pertes de substance de pleine épaisseur des paupières sont rares. Si elles existent, il
faut toujours assurer une protection de l'oeil et au besoin on peut effectuer une suture par
rapprochement en ayant fait une cantholyse externe.

La région sourcilière demande un soin particulier car il faut respecter le sens


d'implantation des sourcils pour éviter les aspects en escalier.

Plaies du nez

Elles sont souvent transfixiantes et la blessure a ici un caractère impressionnant. Les


points clés mis sur le rebord des orifices narinaires et sur la columelle sont importants et
doivent être mis avec minutie. Les pertes de substance superficielles peuvent être laissées
en cicatrisation dirigée. Dans le cas de pertes de substance transfixiantes importantes, il
ne faut pas céder à la tentation de faire des réparations trop précoces par les procédés
classiques de lambeaux frontaux ou de greffes composées. La cicatrisation dirigée sera
encore là une bonne solution d'attente.

Plaies des lèvres

Elles seront suturées selon les trois plans : muqueux, musculaire, cutané après avoir
tatoué au bleu les limites du vermillon pour éviter les décalages.

Plaies des oreilles

Les plaies des oreilles sont souvent lacérées et comme il s'agit souvent de morsure, la
surinfection et la chondrite sont à craindre. Il existe toujours une rétraction de la peau sur
le cartilage qui apparaît nu sur 1 mm de chaque côté de la plaie. Il est nécessaire d'exciser
ce surplus avant de suturer. La suture intéresse le plan cutané, des points de bâti sont mis
sur le cartilage.

Morsures

Elles sont humaines ou canines. Les premières sont très septiques et certains préconisent
de différer leur réparation. Les autres morsures doivent être réparées rapidement avant la
24e heure. Lavage et débridements sont effectués soigneusement car la salive contient des
enzymes protéolytiques qui doivent être ôtées par lavage. Les morsures de chien touchent
le plus souvent le nez, les lèvres, la joue, les morsures humaines touchent les oreilles et le
nez. Les fragments récupérés après l'accident sont souvent apportés par les parents ou la
famille. Bien que les chances de reprise soient très faibles, voire même nulles, il faut
malgré tout tenter de remettre en place en utilisant tous les artifices des greffes
composées. Malheureusement ce fragment prendra en une dizaine de jours un aspect
cartonné au-dessous duquel va sourdre une suppuration. Il faut alors l'ôter et utiliser un
procédé de reconstruction plus adapté. En cas de morsure canine, il faut se tenir au
courant de l'état de la vaccination antirabique de l'animal, au besoin le faire mettre en
observation et prendre conseil dans le centre antirabique le plus proche.

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FRACTURES DE LA FACE
Fractures de la face n'intéressant pas l'articulé dentaire

Technique de fixation des fragments osseux

Depuis le développement des miniplaques et des microplaques vissées avec des vis
monocorticales autotarodeuses, les techniques de suspension interne et les contentions
par ligatures au fil d'acier tendent à se marginaliser [17]. Les fixateurs externes, le
diadème de Tessier, les broches transfaciales ne sont plus réservées qu'a certaines
fractures complexes, compliquées et aux traumatismes balistiques.

[12]
Matériel d'ostéosynthèse

L'utilisation de titane ou d'alliage de chrome, de nickel, de molybdène, ainsi que


la concurrence des fabricants permettent d'avoir à disposition un matériel très
performant conciliant plasticité, ergonomie, variété, facilité de mise en place,
tolérance pour les tissus et rigidité de la contention obtenue. Ces matériaux sont
parfaitement ostéo-intégrés. Les vis et les plaques à compression aboutissent
pour ceux qui les utilisent à une meilleure immobilisation des fractures, en
particulier mandibulaires. Des plaques biodégradables sont actuellement
proposées [26].

Mise en place

Après abord du foyer de fracture, la plaque est adaptée au contour osseux à


l'aide d'instruments modelants. En maintenant la plaque en bonne position, le
forage s'effectue pour une première vis choisie sur un fragment stable. Les
autres forages sont ensuite réalisés toujours avec des forets calibrés,
parfaitement dans l'axe des trous. Un moteur à rotation lente et refroidi par une
irrigation est utilisé. Le vissage se fait en maintenant une bonne réduction des
foyers fracturaires. Les vis utilisées sont de taille choisie selon l'épaisseur de l'os
et le nombre de vis à mettre. Elles sont monocorticales, autotaraudeuses.

Il est parfois nécessaire d'utiliser de grandes plaques placées en pont sur des
fragments comminutifs dont chacun lui est relié. Les zones favorables à
l'ostéosynthèse par miniplaques sont les piliers de la face, les rebords orbitaires
et la mandibule.

Les microplaques plus petites sont utilisées en remplacement des fils d'acier
dans des zones de moindre résistance comme la paroi antérieure du sinus
maxillaire ou du sinus frontal (fig 7).

L'exérèse de ce matériel n'est pas systématique.

Fil d'acier

Il est actuellement réservé à la contention de foyers peu mobiles en dehors des


piliers de la face. Il a l'avantage de réaliser une contention dont le serrage peut
être réglé. Il s'avère donc très utile pour l'ajustement de la réduction souhaitée
d'une part, et d'autre part pour les gros traumatismes où de nombreux
fragments comminutifs sont à ostéosynthéser. Sa taille est choisie en fonction de
l'épaisseur et de la solidité de l'os à ostéosynthéser.

Voies d'abord des fractures faciales n'intéressant par l'articulé dentaire (fig
8, 9, 10 et 11)

Voies orbitaires
Elles permettent d'explorer le cadre orbitaire et sa périphérie (fig 8).

Voies palpébrales inférieures

Voie conjonctivale ou transconjonctivale inférieure (fig 9 A, B)

L'incision est arciforme et se situe juste en avant du fornix dans le repli


conjonctival. La paupière inférieure est tractée par deux crochets de Gillies, l'oeil
protégé par un conformateur. Le septum est traversé et la dissection jusqu'au
rebord infraorbitaire se fait en préseptal en arrière de l'orbiculaire qui est
respecté. Elle permet d'inciser après un cours trajet le périoste. Certains auteurs
réalisent une dissection rétroseptale.

Voie sous-ciliaire

Elle se situe sur la paupière inférieure, 2 mm sous les cils, dans la première ride.
Sa limite interne est en dehors de l'aplomb du point lacrymal, alors qu'à
l'extérieur elle peut être prolongée sur 1 cm dans une ride de la patte-d'oie.
L'incision doit concerner la peau et l'orbiculaire qui sont traversés en biais
jusqu'au septum orbitaire qu'il faut respecter et puis suivre, sur un cours trajet,
jusqu'au rebord infraorbitaire où on incise le périoste. On réalise donc un abord
en trois plans décalés (fig 10).

Voie palpébrale moyenne

Elle est située 4 à 7 mm au-dessous du bord ciliaire.

Voie palpébrale basse

La voie palpébrale basse ou inférieure est située dans le sillon palpébral


inférieur. Assez masquée, elle peut être source de lymphoedème si elle est trop
prolongée en dehors (fig 10).

Ces différentes voies orbitaires permettent l'abord du plancher de l'orbite jusqu'à


la fente sphénomaxillaire qu'il faut toujours respecter et celui des voies
lacrymales.

Voies orbitaires externes (fig 8)

Ce sont les voies d'abord du processus frontal du malaire et de la paroi externe


de l'orbite. Elles peuvent être horizontales, dissimulées dans une ride de la
patte-d'oie entre le canthus externe et le sourcil et ne doivent pas dépasser 1,5
cm pour préserver le rameau frontal du facial. Elles peuvent être aussi obliques,
dites de la queue du sourcil et autorisent alors un abord plus large facilitant la
mise en place de miniplaques au niveau de la suture frontomalaire.

Voies paranasales (fig 8)

Elles permettent d'explorer le canthus mésial, la paroi interne de l'orbite et les


voies lacrymales.

La voie paracanthale interne, verticale est la plus utilisée. Elle est située à mi-
distance entre l'arête nasale et le canthus interne, à la limite entre les peaux de
paupières et la peau du nez. Elle évite ainsi les cicatrices rétractiles. Certains
pensent l'améliorer en la faisant en W. L'incision faite après infiltration concerne
tous les plans jusqu'au périoste, détache le ligament canthal et permet de
disséquer la paroi interne d'orbite depuis la crête lacrymale antérieure jusqu'à
l'artère ethmoïdale postérieure et au-delà la paroi externe de la cellule d'Onodi
en avant du canal optique.
Citons enfin la voie médionasale.

Voie coronale (fig 12)

La voie coronale de Cains-Unterberger permet l'abord du sinus frontal du toit de


l'orbite et de la région nasoethmoïdale. C'est aussi la voie d'abord
neurochirurgicale de l'étage antérieur du crâne. Elle est préférable aux voies
sourciliaires même étendues à la région glabellaire. L'association aux autres
incisions orbitaires, en particulier sous-ciliaires, est possible.

Elle est réalisée après infiltration du scalp et de tout le front au-dessus de la


galéa. On rase les cheveux sur 1 cm autour du tracé de l'incision qui s'étend
d'une racine de l'hélix à l'autre en passant par le vertex et en suivant 4 cm en
arrière l'implantation des cheveux. L'orientation de l'incision respecte le sens des
bulbes des cheveux pour éviter une alopécie. Le décollement, au début
intergaléo-épicrânien devient sous-périosté en avant à une distance variable des
rebords orbitaires selon que l'on a besoin d'un lambeau de périoste ou non.
Latéralement, on va décoller au-dessus de l'aponévrose temporale que
l'aponévrose épicrânienne rejoint, son feuillet s'amincissant. On est là très près
de la branche temporofaciale du nerf facial qui reste dans le lambeau cutané
soulevé. Si on veut récliner le temporal, on l'incisera 1 à 2 mm au-dessous de son
insertion sur la crête temporale, dans le muscle, en laissant des éléments
musculoaponévrotiques sur la crête temporale pour pouvoir le resuturer. En bas,
l'insertion de l'aponévrose sur le zygoma incisera les deux feuillets puisqu'à ce
niveau elle est dédoublée. En avant, le décollement s'arrête au rebord supérieur
et il est souvent nécessaire de neurolyser les nerfs supraorbitaires pour pouvoir
pénétrer dans la cavité orbitaire.

Chez le chauve on peut utiliser la voie sus-sourcilière (fig 8).

Voie vestibulaire supérieure

Elle est endobuccale, uni- ou bilatérale, contournant alors le frein de la lèvre. Elle
respecte le sillon gingivojugal et le décollement va jusqu'au rebord orbitaire
inférieur en respectant les nerfs infraorbitaires. Le degloving facial, avec incision
de la muqueuse nasale est rarement utilisé en traumatologie faciale.

Plaies en regard des foyers de fractures

Elles seront utilisées comme voie d'abord avant d'être refermées.

Fractures du nez

Nous étudierons les fractures du nez simples en dehors des disjonctions


orbitonasales, fronto-orbito-nasales et des enfoncements nasoethmoïdaux. Les
traits peuvent être verticaux sur l'os propre et l'auvent nasal est alors basculé, le
nez est tordu ou couché, la cloison est déviée. Les traits peuvent être
horizontaux ou comminutifs et le nez est alors enfoncé, la cloison est également
déformée, elle peut être télescopée (fig 13).

On n'intervient que sur les fractures avec déplacement prouvées


radiologiquement ou sur modification de la forme du nez du patient, visible
malgré l'oedème. La radiographie reste un indispensable document médicolégal.

Si l'oedème et l'hématome ne gênent pas, la réduction peut se faire dans les


premières heures et pour certains sous anesthésie locale. En fait, ce n'est que
lorsque l'oedème a disparu et que l'on peut juger de la forme du nez que l'on
peut intervenir. Malgré l'usage d'anti-inflammatoires, l'intervention n'a lieu
souvent que vers le 7e jour à une date où les os propres commencent déjà à
s'engluer.
Les fractures simples sont réduites en commençant par l'os nasal enfoncé, grâce
à des manoeuvres internes aidées d'un instrument placé sous l'auvent nasal,
pince de Walsham ou simples ciseaux mousses protégés. Ensuite, l'os nasal en
varus est replacé par simple pression digitale contrôlée par un instrument placé
en endonasal. Le déplacement antéropostérieur est réduit selon le même procédé
à l'aide d'un instrument tractant l'auvent nasal vers l'avant et contrôlé par le
doigt. La stabilité d'une telle réduction doit être bien contrôlée par une palpation
douce (fig 14).

La contention est assurée par un léger méchage maintenu 48 heures et la


protection externe par une attelle plâtrée ou thermoformable fixée sur la face
pendant 7 à 10 jours, l'effraction muqueuse étant quasi constante lors du
traumatisme et des manoeuvres de réduction, un traitement antibiotique est
prescrit en périopératoire. Les hématomes de cloison doivent être incisés,
drainés et méchés ou comprimés par plaques pour éviter leur récidive.

Les fractures complexes avec déviation septale peuvent bénéficier du même


traitement si la réduction de la cloison est stable. Cette stabilité est essentielle
car une déviation de cloison persistante est responsable d'un déplacement
secondaire et d'un nez dévié post-traumatique. Il n'est pas illogique dans ces
conditions de proposer une septoplastie, voire une rhinoseptoplastie lorsque la
réduction primaire de la déformation nasale avec atteinte septale est insuffisante
[6]
. Les arguments pour une telle attitude sont le fort pourcentage d'échec
(supérieur à 30 %) du traitement orthopédique ainsi que la difficulté d'une
rhinoseptoplastie faite en général 6 mois après le traumatisme. Dans les
fractures comminutives, étant donné l'instabilité, il est nécessaire de faire une
contention endonasale. Les mèches, source d'infection, mal tolérées, difficiles et
douloureuses à ôter ne peuvent être laissées plus de 48heures. Elles ne peuvent
donc assurer une contention correcte. La contention endonasale sera donc
assurée au niveau de la cloison par des plaques soit en film radio soit en
Silastic®. Ces plaques peuvent être retournées au niveau de l'auvent nasal et
assurer un soutien stable. Dans ces conditions, elles peuvent être étayées par un
méchage léger qui peut être changé tous les 2 jours. Ce méchage qui peut être
simplement deux fragments de gaze résorbable sera tassé haut de façon à
assurer un soutien de l'auvent. Ce système de contention comme le plâtre sera
laissé en place 1 semaine. Les méchages « gonflants », s'ils font l'hémostase,
sont source de déplacement secondaire.

Fractures du malaire

Les fractures de l'os malaire sont des fractures évolutives par l'action des
muscles masséters. Ce sont donc des urgences.

Les voies d'abord doivent permettre une exploration correcte du plancher de


l'orbite où il peut exister une incarcération, un contrôle du nerf sous-orbitaire à
sa sortie et dans son canal, la possibilité d'effectuer une réduction correcte sous
contrôle de la vue et de s'assurer de la stabilité des fragments. Elles doivent
permettre enfin de mettre en place des procédés d'ostéosynthèse stables. Le
meilleur compromis est l'association d'une voie d'abord palpébrale inférieure,
infraciliaire ou infrapalpébrale et d'une voie d'abord orbitaire externe, le plus
souvent oblique permettant d'aborder la suture frontomalaire. La voie
vestibulaire ne sera effectuée que dans les fractures instables où il est
nécessaire de mettre en place une ostéosynthèse au pied de la console malaire.
La voie hémicoronale sera réservée aux fractures du malaire associées à d'autres
fractures comme les disjonctions craniofaciales.

La réduction instrumentale au crochet de Ginestet (fig 15 A, B) est la plus


utilisée.

Ce crochet s'utilise en percutané, glissé sous le corps du malaire ou par voie


sanglante. Un élévateur introduit par voie endobuccale peut aider la traction
externe exercée par le crochet de Ginestet. Le point d'appui du crochet, le sens
de traction sont choisis en fonction du déplacement à donner. Il est commode de
placer le crochet sous le bord inférieur du malaire au niveau du corps, zone
osseuse solide. Le crochet de Ginestet est maintenu à deux mains près du buste
de l'opérateur en évitant ainsi tout risque de dérapage incontrôlé. L'aide
maintient fermement la tête du patient. Une bonne réduction est contrôlée par
l'engrènement obtenu au niveau des foyers abordés. Il est très rare que ces
fractures soient stables après réduction et ne nécessitent pas de contention. La
meilleure contention est l'ostéosynthèse avec miniplaques vissées sur la suture
frontomalaire. Pour certains, cette seule contention suffit et évite tout
déplacement secondaire, d'autres rajoutent en cas de rotation du corps du
malaire une miniplaque d'ostéosynthèse en L au niveau de la console
maxillomalaire (fig 15 C).

Le congruence du rebord infraorbitaire assure la bonne restitution de la


dimension transversale de la face. Elle peut être réalisée au fil d'acier ou avec
des microplaques. Les miniplaques sont souvent perçues sous la peau.

L'arcade zygomatique s'engrène presque toujours suffisamment pour éviter


d'avoir à faire une contention à ce niveau. Une canthopexie externe sera réalisée
refixant le ligament canthal à l'apophyse orbitaire externe dans un trou foré s'il y
a déplacement de ce dernier ou si la réduction d'un fragment intermédiaire du
bord externe de l'orbite n'est pas parfaite.

Fractures du plancher orbitaire

Les fractures du plancher orbitaire ne sont pas toujours associées à une fracture
du malaire. Elles peuvent être isolées, c'est le classique blow out. Ces fractures
méritent une exploration en raison du risque d'incarcération du muscle droit
inférieur et de compression du nerf sous-orbitaire. S'il y a indication à explorer le
plancher d'orbite (anesthésie du nerf sous-orbitaire, hernie musculaire visible
sur le scanner, test de duction ou examen ophtalmologique montrant une
incarcération), celle-ci sera faite par la voie d'abord la plus appropriée : voie
d'abord du plancher lors d'une fracture du malaire, voie d'abord
transconjonctivale lors d'un blow out avec fracture isolée du plancher.

La réparation d'un plancher d'orbite peut utiliser les fragments osseux fracturés
et laissés en place à condition qu'ils soient en continuité appuyés sur des zones
solides du plancher. La plupart du temps, il faut reconstituer ce plancher par des
greffes. On peut utiliser différents matériaux, greffons osseux (pariétaux),
greffons cartilagineux (conque), matériel synthétique comme le treillis de Vicryl®
résorbable ou encore la fine lame de Silastic® à qui on a reproché sa tendance à
l'extériorisation, fragment de corail madréporique. La mise en place de tels
matériaux n'est pas si simple : il faut réintégrer tout le contenu orbitaire dans la
cavité orbitaire. Il ne faut pas ouvrir par une dissection intempestive la fente
sphénomaxillaire, ne pas comprimer la voie lacrymale par la mise en place d'un
greffon trop grand, ne pas entraîner une exophtalmie par la mise en place d'un
greffon trop gros. S'assurer de l'immobilité du fragment mis en place. Dans la
plupart des cas il est calé par la convexité du rebord orbitaire antérieur mais il
est quelquefois nécessaire de le fixer à ce rebord par des points de fils non
résorbables passés dans des trous préalablement forés. Si on utilise une lame de
Silastic®, le périoste doit être soigneusement refermé (l'indication idéale pour ce
matériel est le blow out). Dans tous les cas à la fin de l'intervention, un test de
duction vérifiera la bonne mobilité du globe et on s'assurera de l'absence
d'exophtalmie ou d'énophtalmie résiduelle.

Fractures du cadre orbitaire

Les fractures de la paroi externe et du plancher ont été traitées au chapitre des
fractures du malaire. Les fractures de la paroi supérieure seront vues avec les
fractures du sinus frontal. Restent les fractures de la paroi interne et les
enfoncements nasoethmoïdaux ou fronto-naso-ethmoïdaux ainsi que les
problèmes de compression du nerf optique et le syndrome de la fente
sphénoïdale (ou fissure orbitaire supérieure) rencontrés dans les grands
traumatismes orbitaires.

[8]
Enfoncements naso-ethmoïdo-maxillaires
avec brèches ostéo-dure-mériennes nécessitant un abord neurochirurgical
urgent. La région anatomique est complexe et associe des os fins (ethmoïde, os
nasaux) à des os résistants (maxillaire, épine nasale du frontal). Cette
particularité explique l'impaction des structures nasoethmoïdales entre les deux
branches montantes du maxillaire qui s'écartent. On a ainsi une ensellure nasale
et un élargissement de la distance interorbitaire ou intercanthale avec un
télécanthus post-traumatique. C'est à la tomodensitométrie et à l'examen au
papier test d'éliminer une brèche méningée et à l'examen neurologique et
ophtalmologique de voir s'il y a atteinte du canal optique de la fente
sphénomaxillaire ou de la voie lacrymale. L'enfoncement nasal peut être corrigé
par une voie paranasale unilatérale ou bicoronale. La voie paranasale bilatérale
est contre-indiquée (sauf minime pour faire une canthopexie). Le choix de la voie
d'abord dépend bien sûr de l'importance du traumatisme et de la possibilité que
l'on a d'effectuer une bonne réduction. Si l'enfoncement nasal est important et
qu'il y a nécessité de faire une canthopexie bilatérale transnasale, il faut opter
pour la voie coronale que l'on peut associer à une voie paranasale, ou médiane,
du dos du nez.

Une fois la réduction obtenue par traction instrumentale ou à l'aide d'un fil
d'acier, la contention de l'auvent nasal à l'os frontal sera obtenue par une
miniplaque en X modelée, fixée à l'épine nasale en bas et à l'os frontal en haut.
La fixation des fragments d'os propres comminutifs entre eux et à l'os frontal est
quelquefois possible en utilisant de fins fils d'acier ou des microplaques si une
plaie en permet l'abord. à cette plaque en X assurant la contention de
l'enfoncement, il est parfois nécessaire d'adjoindre des ostéosynthèses par
plaque ou plus rarement par fils sur les apophyses montantes du maxillaire
(processus frontaux du maxillaire supérieur) en avant de la voie lacrymale où
existe une zone de faiblesse. Les parois internes d'orbite seront soigneusement
explorées après section-coagulation des artères ethmoïdales antérieure et
postérieure. S'il existe de grands defects, ils seront réparés par des greffons
osseux ou cartilagineux pris sur place, sur la cloison, en dédoublant un volet ou
sur la corticale externe de l'os pariétal. Les petits defects ne sont pas réparés.

La dystopie canthale est au mieux corrigée par une canthopexie transnasale. Le


télécanthus s'explique par le déplacement vers le bas et en dehors du processus
frontal ou d'un fragment du processus frontal du maxillaire. Une bonne réduction
de celui-ci est indispensable mais ne suffit pas à maintenir en place un canthus
interne désinséré. La canthopexie transnasale est la seule technique assurant la
stabilité du résultat (fig 16).

La canthopexie est réalisée au fil d'acier 20 centièmes.

Premier temps : on repère le chef antérieur du ligament canthal interne


auquel on amarre deux anses de fil d'acier solidement passées à travers
ce ligament selon deux axes perpendiculaires. Les deux chefs de chaque
fil sont coupés à une longueur différente pour qu'on puisse
ultérieurement les repérer.
Deuxième temps : perforation au foret de la paroi interne de l'orbite du
côté de la canthopexie et du côté controlatéral grâce à une petite voie
d'abord. Les points de forage sont symétriques situés le long de la crête
lacrymale antérieure et situés au niveau de l'insertion du canthus du côté
sain, voire même légèrement au-dessus (en cas de canthopexie bilatérale,
on apprécie la meilleure position).
Troisième temps : on perfore la cloison nasale à l'aide d'un trocart et on
passe à travers les trois orifices le passe-fil de Tessier, muni d'un
troisième fil d'acier replié en anse. La boucle de cette anse ressort du côté
où l'on a effectué la canthopexie et va permettre de faire passer en
douceur les fils fixés au ligament qui sont rattrapés de l'autre côté.
Certains utilisent une quatrième anse de fil utilisée à la fermeture pour
réappliquer les plans cutanés au relief nasal.
Quatrième temps : on serre les deux premières anses autour d'un toron
bloquant en pont l'orifice du côté sain. Le serrage est réglé
progressivement après mesure du télécanthus qui doit en gros être égal à
la longueur d'une fente palpébrale. En cas de canthopexie bilatérale, deux
fils sont passés sur les ligaments canthaux de chaque côté. Les trous dans
lesquels on fera passer ces fils sont forés dans des greffons osseux mis en
place de part et d'autre sur les parois internes d'orbite. Chacun des deux
fils est rattrapé du côté opposé et ils sont serrés sur la ligne médiane la
plupart du temps sur une greffe osseuse du nez fixée à l'os frontal. On
doit toujours vérifier la perméabilité et l'intégrité de la voie lacrymale
après une canthopexie ainsi que la bonne mobilité des globes oculaires
par des test de duction.

[15]
Compressions du nerf optique et syndrome de la fente sphénoïdale

Elles se voient dans des traumatismes importants avec fractures


sphénotemporales et les fractures orbitomalaires. Le diagnostic est porté sur
l'examen clinique, ophtalmologique et sur le scanner. La décompression du canal
optique dans les syndromes de l'apex peut se faire par voie transethmoïdo-
sphénoïdale [25]. Cette voie d'abord permet d'aborder la paroi interne de l'orbite
et la paroi externe de la cellule d'Onodi après avoir sectionné les deux artères
ethmoïdales antérieure et postérieure. On décomprime ainsi le nerf optique sur
sa face externe et inféroexterne. La décompression peut se faire également par
voie neurochirurgicale.

Fractures de l'arcade zygomatique

L'arcade zygomatique n'est pas un os spécifique de la face mais l'union du


processus temporal du malaire et du processus zygomatique du temporal. Cette
arcade forme un contrefort latéral de la face qui lors de rixe ou d'accident est
très exposé. L'indication d'une réduction et d'une contention est portée soit
devant un enfoncement disgracieux, soit surtout devant une limitation de
l'ouverture buccale.

La réduction de ces fractures peut se faire au doigt par voie endobuccale, au


crochet par voie percutanée ou à l'aide de fil (s) d'acier cerclant les éléments
enfoncés du zygoma et tracté (s) doucement vers le dehors. La qualité de la
réduction est de toute façon toujours appréciée au doigt endobuccal et sur les
radiographies faites ultérieurement. La contention est délicate. Le ballonnet de
Franchebois glissé derrière l'arcade n'est plus utilisé. Delaire a préconisé la mise
en ouverture buccale maximale pendant une dizaine de jours avec une cale
interdentaire qui permet l'interposition du condyle et la mise en tension du
muscle temporal. Cela évite ainsi le déplacement secondaire en dedans du
fragment fracturé remis en place. La contention la plus utilisée se fait à l'aide de
fils d'acier qui, introduits à l'aide du passe-fil de Tessier par un trajet sus-
zygomatique puis ressortis par un passage sous-zygomatique, permettent
initialement la réduction. Les deux extrémités du ou des fils passant en dedans
du zygoma sont amarrées soit à un casque plâtré, soit à une attelle externe
prenant appui sur le malaire en avant et sur l'os temporal en arrière, soit sur une
broche de Kirchner passée dans le corps du malaire [12]. L'abord direct du
zygoma pour mettre en place une plaque d'ostéosynthèse ne peut se faire que
par voie coronale.

Fractures du sinus frontal

Fractures du sinus frontal

Elles entraînent des désordres esthétiques au niveau du bandeau frontal,


fonctionnels par atteinte du canal nasofrontal et peuvent également avoir des
conséquences neurochirurgicales s'il existe une brèche ostéoméningée. Elles
peuvent être associées aux autres éléments du complexe nasoethmoïdo-fronto-
orbitaire. On distingue le traitement des fractures de la paroi antérieure, du toit
de l'orbite et celui des fractures de la paroi postérieure du sinus.

Les fractures non déplacées de la paroi antérieure ne méritent aucune


attention.
Les fractures déplacées de la paroi antérieure imposent l'exploration du
canal nasofrontal et la reconstruction du bandeau frontal. C'est la voie
bicoronale avec dégagement des nerfs supraorbitaires qui est la plus
adaptée à ce temps. Le canal nasofrontal est exploré par voie
transfracturaire ou après réalisation d'un volet osseux. Il est testé par du
sérum physiologique légèrement teinté dont on vérifie le passage dans les
fosses nasales. Si le canal est obstrué, il est quelquefois possible de le
désobstruer par des manoeuvres de réduction des fragments osseux. On
peut également tenter un fraisage prudent qui permet parfois de
reperméabiliser l'orifice et de le calibrer par une lame de Silastic®. Cette
manoeuvre aboutit souvent à une resténose. Il est quelquefois possible
d'abaisser suffisamment la cloison intersinuso-nasale pour que le
drainage du sinus s'effectue par un seul canal. Si la désobstruction du
canal est impossible, il faut impérativement prévoir une exclusion du
sinus frontal soit par comblement, soit par cranialisation.
La reconstruction de la paroi antérieure du sinus se fait par la même voie
d'abord et après exploration des canaux. La reconstitution du puzzle est
menée de bas en haut, de l'extérieur vers l'intérieur après réduction au
crochet des différents fragments. L'ostéosynthèse est assurée par des
microplaques ou des ligatures au fil d'acier. Elle doit restaurer un galbe
frontal régulier (fig 17). En cas de perte de substance osseuse, un greffon
osseux est mis en place et fixé de la même manière. Il est prélevé sur le
pariétal ou en dédoublant la corticale d'un volet osseux servant à une voie
d'abord neurochirurgicale.
Les fractures de la paroi postérieure peuvent être associées aux dégâts de
la paroi antérieure. En l'absence de déplacement et s'il n'y a pas de
rhinorrhée cérébrospinale, ces fractures sont négligées mais une
surveillance est instituée pendant 15 jours avec recherche biquotidienne
d'une fuite de liquide céphalorachidien (LCR). Dans tous les autres cas
(fracture avec fuite de LCR d'emblée ou lors de la surveillance, fracture
déplacée de la paroi postérieure), une intervention en double équipe
s'impose. Le temps neurochirurgical consistera en un abord endocrânien
de l'étage antérieur de la base du crâne avec éventuellement plastie dure-
mérienne par lambeau épicrânien et greffon osseux couvrant la base du
crâne. Une brèche méningée est parfois difficile à localiser car elle peut se
situer à distance des foyers de fracture en raison du cisaillement lors du
traumatisme. On assure ensuite l'exclusion du sinus frontal par
cranialisation et on répare les dégâts osseux de la paroi antérieure du
sinus.

Fractures du toit orbitaire

Elles sont rares. Elles peuvent poser les mêmes problèmes que ceux d'une
fracture de la paroi antérieure et postérieure du sinus frontal. L'abord du toit de
l'orbite se fait au mieux par voie bicoronale. Le rebord supraorbitaire peut être
reconstitué par ostéosynthèse au fil d'acier ou aux microplaques. En cas de
déplacement important, il y a risque de cisaillement méningé, de fuite de LCR et
il est important de s'assurer de la collaboration d'un neurochirurgien. La
reconstruction du toit d'orbite nécessite une greffe osseuse, surtout s'il existe un
grand sinus frontal avec d'importants prolongements supraorbitaires. En effet, le
contenu orbitaire aura tendance à remonter dans le sinus frontal ouvert dont la
paroi mince se solidifiera difficilement. On aboutira ainsi à une énophtalmie.

à l'inverse, le déplacement vers le bas du toit de l'orbite sous la poussée


cérébrale, se traduit par une exophtalmie et nécessite, pour sa réparation, un
temps neurochirurgical.

Afin d'éviter la diplopie, il faut réamarrer la périorbite au rebord supraorbitaire et


vérifier par un test de duction l'absence d'obstacle aux mouvements du grand
oblique.

Techniques d'exclusion du sinus frontal

Par comblement

Cette technique est réservée aux échecs ou à l'impossibilité de conserver la


perméabilité du canal nasofrontal. Après fraisage à la fraise diamantée de toutes
les parois du sinus frontal, y compris les moindres récessus, et de l'entrée du
canal nasofrontal, l'obturation du canal est réalisée grâce à un greffon osseux et
un îlot muqueux est important, il aboutit à la constitution d'une mucocèle. La
meilleure technique d'exclusion du sinus frontal est donc la cranialisation.

Cranialisation

Elle se fait en réséquant toute la paroi postérieure du sinus qui est ensuite
régularisée à la fraise diamantée. Là encore toute la muqueuse doit être enlevée
par fraisage soigneux. L'obturation des canaux nasofrontaux est réalisée par de
l'os. Ce greffon osseux ne doit présenter aucune partie saillante. Le contenu
crânien se réapplique simplement et occupera l'espace laissé libre.

Fractures occlusofaciales

Ce sont les fractures qui intéressent les secteurs dentés de la face et dont les
déplacements perturbent l'occlusion.

L'anesthésie sera locale pour les fractures alvéolaires et certains blocages


intermaxillaires par arcs ou ligatures. C'est le cas en particulier pour les blocages
lors des fractures non déplacées. Pour la mise en place de l'arc, on utilise
l'anesthésie de contact.

Dans les autres cas, l'anesthésie sera générale et il faut prévoir une intubation
nasale à moins qu'il n'y ait déjà eu une trachéotomie en raison d'autres lésions
pour pouvoir effectuer le blocage bimaxillaire.

Voies d'abord

Les voies d'abord sont utiles pour contrôler la réduction et assurer la contention
des fractures mobiles ou déplacées. L'utilisation des plaques et l'abandon des
suspensions passées au passe-fil par voie endobuccale, rendent ces voies
d'abord de plus en plus fréquentes. La technique du blocage intermaxillaire
associée à des suspensions périzygomatiques ou frontales dans les disjonctions
craniofaciales les évitait mais ni la réduction ni la contention ne pouvaient en
être contrôlées.

Voies d'abord vestibulaires supérieure ou inférieure

Elles doivent préserver la muqueuse en étant situées au-delà du sillon


gingivojugal et doivent utiliser les plaies lorsqu'elles existent (fig 18).

Voies d'abord externes

La voie sous-angulomaxillaire est effectuée 1,5 cm au-dessous de l'angle et du


rebord mandibulaire. Elle permet d'aborder l'angle en réclinant le rameau
mentonnier du nerf facial avec le lambeau cutané. Elle est longue de 2 à 4 cm.

Les voies d'abord prétragiennes permettent d'aborder l'articulation


temporomandibulaire et les racines de l'apophyse zygomatique (fig 19)

Pour les disjonctions craniofaciales hautes, on utilisera les voies d'abord décrites
pour les fractures n'intéressant pas l'occlusion.

Techniques de fixation et de contention propres aux fractures


occlusofaciales
Chez les patients dentés, il est nécessaire de repositionner les dents luxées ou
impactées sur l'arcade et de restaurer un articulé dentaire en cas de
déplacement. Chez les patients édentés en revanche, il faudra repositionner et
fixer les fragments osseux sans pouvoir s'appuyer sur les dents et leur articulé.
Il faudra chez ces patients éviter les pseudarthroses car l'os est moins soumis à
des contraintes qui favorisent l'apposition périostée et éviter les comblements du
sillon gingivojugal qui pourraient nuire à la mise en place de prothèses
ultérieures. Chez les patients présentant des édentations partielles, on pourra
s'aider de cales en résine fixées sur l'arc pour ne pas perdre de la hauteur sur
certains secteurs, en particulier secteur postérieur lors du blocage.

Technique de la ligature en berceau (fig 20)

La dent luxée est reposée et maintenue par deux fils d'acier 30 centièmes
toronnés et passés sur un arc monomaxillaire séquentiel [4].

Technique de la ligature en échelle (fig 21) [4]

Elle est utilisée en cas de fracture alvéolaire ou de luxations multiples.

Un gros fil d'acier 40 ou 50 centièmes est passé sur les faces linguales et
vestibulaires des dents à maintenir. Des boulettes de résine fixées sur le fil
comblent les espaces laissés par les dents absentes.

Des fils de 30 centièmes sont passés ensuite au niveau de chaque espace


interdentaire pour réunir les deux chefs vestibulaire et lingual du fil
précédemment mis. Enfin, le fil support est torsadé définitivement autour de la
dernière dent une fois les fils intermédiaires mis en place.

Gouttières

Elles seront façonnées, estompées sur les moulages après réduction de la


fracture. Elles peuvent être monomaxillaires, fixées par engrènement aux dents
adjacentes ou par cerclage périmandibulaire ou transmaxillaire (fig 22) [4]. Elles
peuvent aussi, au maxillaire supérieur, prendre appui sur le palais pour
maintenir les dents antérieures (fig 23).

Blocage intermaxillaire (BIM)

Il va permettre de réduire les fractures occlusales selon la référence de l'articulé


dentaire et d'assurer une partie de la contention en jouant le rôle d'un fixateur
externe. Ce blocage est réalisé grâce à deux arcs. Ces deux arcs sont fixés aux
maxillaires supérieur et inférieur par des cerclages péridentaires. Il existe divers
arcs (fig 24) [4].

Les arcs demi-joncs (Jacquet), durs, sont les plus utilisés. Ils offrent une
certaine résistance à la déformation secondaire. L'arc doit être mis en place une
fois les différents fragments dentés réduits et mis dans une position correcte.
L'arc est d'abord réglé à la bonne longueur et doit aller d'une dent de 12 ans à
l'autre. Sa longueur peut être mesurée par un fil d'acier souple. Il est ensuite
façonné à la forme de l'arcade dentaire. Le plus simple est de procéder de la
façon suivante (fig 25) :

une première courbure lui donne la forme d'une ogive ;


ensuite, après avoir repéré les emplacements des canines, on réalise à
leur niveau deux offsets qui réalisent un décrochement externe sur l'arc à
droite et à gauche ;
enfin, au même niveau on redresse les extrémités postérieures de l'arc
selon la forme de la courbe de Spee. L'arc est ensuite fixé aux dents. On
commence par le fixer aux canines à l'aide de fil d'acier 40 ou 50
centièmes toronné autour du collet. Le toronnage s'effectue autour du
quatrième doigt en tirant de l'axe du fil avec une traction constante. Les
torons doivent venir se fixer en coin sur l'arc pour ne pas casser. Ensuite,
avec le même fil, on fixe l'arc autour des prémolaires et des molaires. On
commence par passer le fil dans l'espace interdentaire distal au-dessus de
l'arc et on le récupère dans l'espace interdentaire mésial au-dessous de
l'arc. On le toronne ensuite sur l'arc. Au niveau de la dernière molaire on
peut passer deux fils croisés de façon à assurer une meilleure solidité.
Enfin, pour les incisives, on fixe l'arc avec un fil plus léger, 30 centièmes.
Au niveau des incisives et des canines, le toron doit être poussé au collet
de la dent à l'aide d'une rugine ou d'un instrument guide-fil. Les dents
mobiles, avulsées, ou luxées seront fixées secondairement à l'arc (cf
Ligature en échelle). Après réduction des déplacements éventuels, le
blocage est assuré par des fils d'acier 30 centièmes serrés entre les
potences ou les goupilles fixées sur les arcs, le blocage peut être aussi
effectué grâce à des élastiques qui peuvent entraîner des mouvements
secondaires dans la durée. Lorsque le blocage est effectué au fil d'acier 30
ou 40 centièmes, il faut étudier le nombre et le sens des tractions pour
établir un articulé stable. On prend appui pour toronner les fils de blocage
sur l'arc fixé au maxillaire le plus stable et le serrage sera appuyé
directement sur un porte-manteau et non au milieu de l'espace
interdentaire où il risquerait de casser. Chez l'édenté, le blocage
bimaxillaire peut être assuré par des prothèses fixées au maxillaire par
cerclage et solidarisées entre elles par des fils passés au travers d'elles.
Chez l'édenté partiel, en particulier dans les secteurs postérieurs, on peut
réaliser des gouttières en résine de façon à garder une certaine hauteur à
ce niveau.

Ligatures d'lvy (fig 26)

Si l'on ne dispose pas d'arcs ou si la fracture n'est pas déplacée mais simplement
engrenée, on peut utiliser ce type de ligature.

Cas complexes et gros délabrements balistiques


[4]
On peut utiliser les fixateurs externes ou les diadèmes type Tessier-Delbet .

Techniques de fixation par fils et plaques

Elles ont déjà été décrites. Les suspensions sont, depuis l'apparition des plaques
moins souvent effectuées. Dans les disjonctions craniofaciales, associées au
blocage, elles évitaient un abord chirurgical (fig 27) mais elles ne réalisaient pas
une contention parfaite et aboutissaient parfois à un excès de réduction et à une
diminution de hauteur du tiers moyen de la face.

- Rappelons enfin qu'une simple immobilisation avec alimentation liquide


pendant 15 jours ou une fronde mentonnière prenant le menton et s'appuyant
sur le vertex et dont les tractions élastiques peuvent être réglées, suffisent dans
des cas de fracture non déplacées, engrenées ou en bois vert.

Traitement spécifique

Fractures dentaires

Elles doivent être traitées en urgence car les chances de conservation de la dent
(sauf s'il s'agit d'une fracture de l'émail seul) située dans un foyer de fracture,
sera ôtée. Pour toute dent traumatisée traitée et soumise à un blocage mono- ou
bimaxillaire, les tests de vitalité au froid en particulier permettront de surveiller
celle-ci au cours de l'évolution.

Dent luxée ou impactée

Dans ces cas une ligature en berceau maintenue 30 jours sera mise en place. En
cas d'avulsion de la dent, la réimplantation doit être tentée le plus rapidement
possible. La dent sera transportée dans du sérum pénicilliné, tiédi, et pour
certains dans du lait, mais surtout en évitant tout traumatisme de la surface à
réimplanter. Elle devra cependant être nettoyée des débris qui peuvent la
souiller. Elle sera fixée sur un arc par une ligature en berceau. Une dent
traumatisée peut avoir secondairement tendance à s'extraire par oedème du
ligament. Elle devra elle aussi être traitée par une ligature en berceau.

Fracture alvéolaire

Dans ces cas, il y a souvent plaie muqueuse associée. Diverses méthodes de


contention peuvent être utilisées, arc plat et souple, ligature en berceau pour la
contention dentaire ou en échelle. Le blocage bimaxillaire peut être utilisé en cas
de fracture alvéolaire des deux maxillaires.

Fracture du maxillaire supérieur

Le type en est la fracture de Le Fort I ou disjonction craniofaciale basse. La


fracture dite de Guérin comprend un trait de refend médian. Comme dans toute
disjonction craniofaciale, la réduction est assurée grâce à la pince de Rowe et
Killey ou à l'aide de deux sondes passées dans les fosses nasales, rattrapées
dans le pharynx et sorties par la bouche. Ceci permet de tirer le maxillaire
supérieur vers l'avant et de réduire son enfoncement ou son déplacement vers le
haut. Une fois la réduction faite, les arcs mis, et le blocage effectué, les
ostéosynthèses seront mises en place. Plaques sur les piliers canins et
consolaires (en L ou modelées à la forme). Le blocage n'est alors que de
quelques jours (3 à 7). En cas de fracture de Guérin, une ostéosynthèse au fil
d'acier médiane suffit si on y ajoute une contention monomaxillaire ou un BIM. Si
l'on n'a pas de plaque on peut réaliser des ostéosynthèses au fil d'acier avec
suspension périzygomatique ou orbitaire. Dans ce cas le BIM se trouve prolongé
à 3 semaines.

Les disjonctions hautes, Le Fort III ou Le Fort II sont les vraies disjonctions
craniofaciales. Au BIM, on associera les divers procédés de réparation des
fractures orbitofaciales et naso-orbitaires associées. Les suspensions hautes,
frontales, voire à l'épine nasale, ne sont plus que rarement utilisées depuis
l'apparition des plaques. Elles ont tendance à impacter la face en réduisant sa
hauteur.

Fractures mandibulaires

On distingue les fractures parasymphysaires des branches horizontales, des


angles, des branches montantes et du condyle. Ces fractures peuvent être
associées entre elles ou associées à d'autres fractures occlusofaciales ou
faciales. Ces fractures mandibulaires sont des urgences car elles sont
douloureuses, se déplacent sous l'action des muscles abaisseurs et élévateurs.
S'il y a plaie ou gros déplacement, les nerfs mandibulaires devront être explorés
cliniquement et bien sûr chirurgicalement s'il y a un trait de fracture sur leur
trajet.

En cas de fracture non déplacée ou engrenée, certains préconisent une


alimentation liquide pendant 3 semaines ou une fronde mentonnière pendant
une dizaine de jours ou encore un blocage bimaxillaire pendant 15 jours. Les
fractures de la symphyse, des branches horizontales, de l'angle seront réduites,
bloquées et ostéosynthésées par des miniplaques fixées à l'aide de vis
monocorticales. Au niveau de la symphyse, deux plaques sont souvent
nécessaires [13]. Au niveau de la branche horizontale, une seule plaque suffit,
mise entre le rebord basilaire et les apex des dents. Au niveau des angles,
l'utilisation du viseur transjugal est souvent nécessaire, si la fracture est
instable, difficile à réduire et à ostéosynthéser et la voie externe, sous-angulaire
est alors nécessaire. A cet endroit une plaque suffit le plus souvent, deux si un
contact molaire vient créer une tension au niveau du rebord basilaire [14]. Enfin,
en cas de fracture angulaire non déplacée, certains auteurs [17]. utilisent une vis
de contention à compression. Il est important, une fois l'ostéosynthèse par
miniplaques faite, de débloquer le patient momentanément pour vérifier la
qualité de la réduction et que, par exemple, on n'a pas trop tiré sur les condyles
et obtenu une réduction en mauvaise position. Si tout est correct, le patient est
alors rebloqué 15 à 21 jours s'il y a ostéosynthèse par plaque ou vis, 30 à 45
jours s'il y a eu ostéosynthèse par fil d'acier.

En cas de fracture comminutive, on peut utiliser des plaques plus longues sur
lesquelles on fixera les divers fragments, le blocage est alors maintenu plus
longtemps (30 à 45 jours).

Chez l'édenté, l'utilisation des plaques évitera les blocages prolongés sur du
matériel étranger (gouttière, prothèses) qui rendent l'hygiène buccale plus
difficile.

Les fractures de la branche montante sont souvent le fait de choc direct, elles
sont rares et difficiles à ostéosynthéser quelle que soit la voie d'abord,
endobuccale avec utilisation du viseur transjugal, sous-angulaire avec aussi
utilisation d'un viseur. Bien souvent dans ces cas c'est le blocage bimaxillaire 30
à 45 jours qui amènera la réduction et la consolidation de la fracture.

Fractures du condyle

Elles sont souvent la conséquence d'une chute sur le menton et une fracture au
niveau de ce point d'impact ne doit pas faire oublier l'examen radiologique des
condyles. La fracture condylienne peut être uni- ou bilatérale, intra-articulaire au
niveau de la tête ou sous-condylienne haute, extra-articulaire dans les fractures
sous-condyliennes basses. On doit privilégier le traitement conservateur et
fonctionnel et dans la mesure du possible, éviter les voies sanglantes. Le
traitement conservateur repose sur des exercices de mobilisation active et
passive qui, pour des raisons fonctionnelles, se font surtout en propulsion. En cas
de douleurs, ou s'il existe un fort déplacement (comme dans les fractures
bilatérales) ou simplement pour mettre l'articulation au repos, un BIM de 5 à 7
jours est mis en place. Ce blocage est fait à l'aide d'arcs et d'élastiques et aboutit
à une reposition du corps de la mandibule.

La mobilisation débute après ce blocage. Il s'agit d'une mécanothérapie active et


passive. Les séances sont quotidiennes ou biquotidiennes pendant 3 semaines à
1 mois et durent 30 à 40 minutes avec des massages musculaires et application
de chaleur qui diminuent la douleur et la contracture musculaire. Quinze jours à
3 semaines après la fracture, on débute une mécanothérapie passive en ouvrant
progressivement la mâchoire à l'aide de cales et d'ouvre-bouche sans aller
jusqu'au seuil de la douleur. On peut enfin effectuer des exercices actifs et
masticatoires surtout en proglissement, diduction, ouverture et fermeture,
proglissement plus diduction du côté opposé à la fracture. Ces contractions se
font par série de dix à vingt, maintenues 5 à 10 secondes. Delaire a proposé un
traitement fonctionnel, débuté immédiatement après la fracture, et qui se fait
après mise en place d'arcs en haut et en bas. Des élastiques mis horizontalement
entre les canines supérieures et les molaires inférieures et pendant la journée
entraînent un proglissement. Ce proglissement est dirigé vers le côté sain en cas
de fracture unilatérale. Les exercices de mécanothérapie sont effectués de la
même manière. Une plaque de libération occlusale maxillaire sera ensuite portée
pendant plusieurs semaines. On aboutit ainsi à un remodelage, à une bonne
fonction condylienne. Pendant toute la durée du traitement, l'alimentation sera
semi-liquide, sans appui molaire, et la gouttière de surocclusion mise en place
sera conservée jour et nuit.

Le traitement chirurgical peut être indiqué dans des fractures sous-condyliennes


hautes ou basses récentes. Il existe deux problèmes, le premier est celui de la
réduction du déplacement, et de son maintien en bonne position pendant la
durée de sa fixation. Le deuxième est celui de la méthode d'ostéosynthèse,
certains utilisant les plaques, d'autres des vis, d'autres enfin des techniques
d'embrochage du col du condyle effectuées par voie sous-angulomaxillaire [1].

Dents incluses dans le foyer de fracture

Leur avulsion n'est pas systématique [14]. Leur conservation sous couverture
antibiotique aide à la stabilisation des foyers de fracture. Toutefois, les dents
cariées, fracturées, trop mobiles ou avec importantes anomalies parodontales
doivent être extraites.

Gros délabrements faciaux, traumatismes balistiques

L'urgence se situe d'emblée au niveau des fonctions vitales (hémostase,


trachéotomie). Puis, le parage de la plaie s'effectuera en étant le plus
conservateur possible. L'écart entre les fragments osseux sera maintenu quelle
que soit la perte de substance par de longues plaques ou des gouttières. Les
reconstructions en urgence sont à proscrire.

Secondairement, on envisagera une stratégie de reconstruction qui suivra les


principes suivants : apporter d'abord des tissus mous là où c'est nécessaire pour
pouvoir recouvrir des greffons osseux ultérieurs. Il faut utiliser pour cela tous les
lambeaux disponibles, libres ou pédiculés, musculocutanés ou non sans omettre
l'utilité de certains lambeaux classiques comme le lambeau deltopectoral ;
restaurer la continuité de l'arche mandibulaire par des greffes osseuses ; fermer
les perforations palatines, obtenir une bonne continence labiale en réalisant au
besoin une microstomie en utilisant au maximum la lèvre saine (procédé d'Abbé,
d'Estlander, de Karapandzic) ; réparer les dégâts orbitaires en essayant de
restaurer une continence palpébrale pour une éventuelle prothèse oculaire si
nécessaire ; reconstruire le nez selon les techniques classiques. Pour les
reconstructions osseuses, le maintien des fragments osseux dans un écartement
qui l'autorise ensuite, on utilise volontiers des systèmes de fixateurs externes ou
le diadème de Tessier car ces fixateurs sont souvent lourds et ont tendance à
entraîner la mandibule vers le bas.

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CONCLUSION

Il s'avère indispensable pour qui veut traiter les fractures faciales, d'acquérir le
matériel d'ostéosynthèse nécessaire au moins par miniplaques ou mieux par
miniplaques et microplaques, les divers types de vis, dans des diamètres et des
longueurs variés.

L'urgence faciale a souvent été considérée comme secondaire et traitée trop


tardivement car elle était à juste titre, reléguée après d'autres urgences vitales.
Il n'en reste pas moins que les fractures faciales sont douloureuses, sont
invalidantes car elles gênent ou empêchent l'alimentation et la parole.

Il s'agit souvent de fractures mobiles et déplacées, à ce titre aussi elles doivent


être considérées comme des urgences.

La stratégie thérapeutique - anesthésie, voies d'abord, ostéosynthèses, blocage -


sera élaborée au vu d'un bilan scanographique. Seuls les délais d'obtention de ce
bilan peuvent faire reculer les délais thérapeutiques si l'état du malade autorise
l'anesthésie et l'intervention. En cas de fractures multiples, on reconstruira du
plus solide vers le plus mobile. Par exemple, en cas de disjonction craniofaciale
associée à une fracture de la mandibule, on effectue un blocage et les
ostéosynthèses sont mises en descendant à partir du crâne depuis l'orbite
jusqu'à la mandibule. Rappelons enfin les dangers du blocage, surtout chez un
traumatisé, et la nécessité de la présence de ciseaux coupe-fil (Beebee) à
proximité du patient.

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Fig 1 :

Fig 1 :

Point éversant : on enfonce l'aiguille près du bord de la plaie et on ressort dans la lèvre de la
plaie, loin. On fait de même de l'autre côté (près loin - loin près) [19].

Fig 2 :
Fig 2 :

Point de Blair-Donati. Il permet un rapprochement par traction.

Fig 3 :

Fig 3 :

Point d'angle.
Fig 4 :

Fig 4 :

Surjet intradermique.

Fig 5 :

Fig 5 :

Suture épipérineurale.

Fig 6 :
Fig 6 :

A, B. Suture d'une plaie de paupière inférieure.

a. Ligne grise ; b. surjet tarsoconjonctival ; c. orbiculaire ; d. point clé sur la ligne grise.

Fig 7 :

Fig 7 :
Zones d'utilisation des plaques. Gris : zone d'utilisation des miniplaques ; rose : zone
d'utilisation des microplaques et du fil d'acier.

Fig 8 :

Fig 8 :

Voies orbitaires.

a. Voie sous-ciliaire ; b. voie médiopalpébrale ; c. voie transconjonctivale ; d. voie palpébrale


inférieure ; e. voie canthale externe horizontale ; f. voie canthale externe oblique dans la queue
du sourcil ; g. voie paranasale à la jonction peau de paupière - peau du nez ; h. voie en W ; i.
voie médionasale ; j. voie sous-sourcilière.

Fig 9 :
Fig 9 :

A. Voie conjonctivale.

B. Voie transconjonctivale.

a. Cul-de-sac conjonctival inférieur ; b. septum orbitaire ; c. muscle orbiculaire ; d. périoste ; e.


graisse périorbitaire ; f. périorbite ; g. rebord orbitaire inférieur ; h. tarse ; i. premier pli
palpébral inférieur.

Fig 10 :
Fig 10 :

a. Incision infraciliaire ; b. incision médiopalpébrale ; c. incision palpébrale inférieure ; d.


septum.

Fig 11 :
Fig 11 :

Régions accessibles par les différentes voies d'abord.

A. a. Voie canthale externe ; b, c. voie sous-ciliaire et palpébrale inférieures ; d. voie canthale


externe horizontale et oblique ; e. voie transconjonctivale.

B. a. Voie canthale interne paranasale ; b. voie vestibulaire supérieure.

C. Voie coronale étendue jusqu'au processus zygomatique.

Fig 12 :
Fig 12 :

Voie bicoronale. a. Périoste crânien (épicrâne) ; b. os frontal ; c. nerf supraorbitaire ; d. galéa ;


e. aponévrose du muscle temporal.

Fig 13 :

Fig 13 :

A. Fracture du nez type Jarjavay. Fracture par choc latéral, enfoncement d'un os propre,
déplacement en varus de l'os propre controlatéral. Fracture arciforme de la cloison avec luxation
controlatérale.

B. Fracture de Chevalet. Fracture par choc frontal. Enfoncement et comminution des deux os
nasaux. Fracture verticale de la cloison cartilagineuse et empilement. En cas de traumatisme
plus violent, l'épine nasale du frontal peut se fracturer, impactant alors l'auvent nasal en
arrière.

Fig 14 :

Fig 14 :

Réduction d'une fracture du nez.

A. Réduction d'un enfoncement de l'os nasal. Le doigt contrôle le déplacement provoqué par
l'instrument placé en endonasal.

B. Réduction d'un déplacement en varus de l'os nasal. Le doigt permet la réduction et


l'instrument endonasal contrôle le déplacement osseux.

C. Réduction d'un enfoncement de l'arête nasale.

Fig 15 :

Fig 15 :

Réduction d'une fracture du malaire.

A. Utilisation du crochet de Ginestet en percutané ou par la voie d'abord.

B. Utilisation d'un élévateur par voie vestibulaire supérieure pour aider à la réduction.

C. Contention d'une fracture du malaire.

a. Plaque d'ostéosynthèse ; b. fil d'acier.


Fig 16 :

Fig 16 :

Canthopexie transnasale.

A. Premier temps.

B. Deuxième temps.

C. Troisième temps 1.

D. Troisième temps 2.

E. Quatrième temps.

F. Canthopexie transnasale bilatérale.

Fig 17 :
Fig 17 :

Reconstruction de la paroi antérieure du sinus frontal et du sinus maxillaire.

Fig 18 :
Fig 18 :

Voie d'abord vestibulaire, endobuccale.

a - Voie vestibulaire supérieure bilatérale ; b. voie vestibulaire inférieure latérale ; c. voie


vestibulaire inférieure médiane génienne. Elle décrit un V autour du frein de lèvre ; d. voie
d'abord angulaire.

Fig 19 :

Fig 19 :

Voies d'abord prétragiennes.


A. Voie d'abord prétragienne en L inversé ou tragienne un peu en arrière du bord libre du
tragus.

B. Les vaisseaux temporosuperficiels sont réclinés vers l'arrière, le zygoma est repéré et ruginé.

C. En réclinant la parotide et le VII vers le bas et l'avant, on peut aborder le col du condyle.

Fig 20 :

Fig 20 :

A. Ligature en berceau sur les incisives.

a - Vue vestibulaire ; b. vue palatine ; c. préparation des fils.

B. Ligature en berceau sur la canine.

a - Vue vestibulaire ; b. préparation des fils.

Fig 21 :

Fig 21 :

Ligature en échelle.

Fig 22 :
Fig 22 :

Cerclage périmandibulaire.

A. Le passe-fil va charger le fil du côté lingual.

B, C. Le fil est passé en périmandibulaire, la pointe du passe-fil gardant le contact osseux.

D. La prothèse dans laquelle on a fait une perforation au foret est ligaturée.

Fig 23 :
Fig 23 :

Gouttières au maxillaire supérieur.

Fig 24 :

Fig 24 :

Différents types d'arcs.


A. Arc façonné avec du fil d'acier.

B, C. Arc plat, souple, à porte-manteaux.

D. Arc demi-jonc à porte-manteaux soudés, souple ou rigide.

E. Arc à goupille. La goupille peut se retirer rapidement.

Fig 25 :

Fig 25 :

Arc demi-jonc.

Fig 26 :
Fig 26 :

Ligature d'Ivy.

A. a. Préparation de la ligature (ne faire que deux torons au maximum au fil 4/0) ; b. schéma
de la ligature d'lvy modifiée (le fil vestibulaire passe entre les brins et non dans la boucle).

B. Vue de profil : on peu facilement resserrer la ligature (en faisant un tour ou deux au niveau
de la boucle à l'aide d'une sonde no 6.

C. Les boucles (fil de 4/10) sont solidarisées par un fil de 3/10. En cas de traction excessive lors
du serrage, c'est le fil de solidarisation qui casse et non la boucle.

NB : La longueur des boucles ne doit pas être excessive pour ménager une longueur suffisante
du fil intermédiaire.

Fig 27 :
Fig 27 :

Suspensions faciales.

a. Au rebord orbitaire inférieur (nécessite un abord chirurgical) ;b. périzygomatique ; c. à


l'apophyse frontale ; d. à l'épine nasale du frontal.
¶ 46-170

Chirurgie des tumeurs sinusiennes


P.-O. Védrine, A. Meghachi, R. Jankowski, C. Simon

La chirurgie des tumeurs malignes des cavités nasosinusiennes a profondément évolué cette dernière
décennie avec le perfectionnement de l’imagerie qui permet des médications plus précises et le choix
d’interventions plus adaptées et avec le développement de la chirurgie endosinusienne sous guidage
endoscopique, devenue la technique de référence pour l’exérèse de la plupart des tumeurs bénignes des
fosses nasales et des sinus. Comment le concept de chirurgie endoscopique, que l’on pouvait qualifier de
« soft chirurgie » ou chirurgie pauci-invasive, peut-il s’appliquer à une tumeur maligne, et en particulier
à un adénocarcinome de l’ethmoïde ? Tout repose sur le fait qu’un abord chirurgical par voie externe de
l’ethmoïde pour adénocarcinome n’aboutit finalement qu’à une exentération sinusienne laissant en
place les parois de la masse latérale de l’ethmoïde. En théorie, la chirurgie endoscopique peut aboutir à
une exentération de la même qualité avec la même sécurité carcinologique, l’abord à ciel ouvert ne
deviendrait ainsi indispensable qu’en cas de résection des parois osseuses du sinus malade. La rhinotomie
paralatéronasale de Moure, véritable laparotomie de la face a encore droit de cité, mais voit sa fréquence
décroître au profit de l’abord endoscopique qui ne peut que progresser avec l’assistance de l’ordinateur.
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Mots clés : Tumeurs paranasales ; Endoscopie endonasale ; Adénocarcinome ; Ethmoïde ; Chirurgie

Plan résonance magnétique (IRM) des sinus de la face et de la base


du crâne. Dans ce travail, nous exposerons les différentes
techniques opératoires et leurs indications.
¶ Introduction 1
¶ Voies transfaciales 1
Voies d’abord 1
¶ Voies sous-labiales 3
■ Voies transfaciales
Abord sous-labial de Rouge-Denker (Rouge 1873, Denker 1905) 3
Abord sous-labial bivestibulaire et transnasal ou « degloving » 4 Voies d’abord
¶ Chirurgie des tumeurs à extension orbitaire 5
Exentération avec conservation des paupières 5 Incision princeps paralatéronasale de Moure
Exentération sans conservation des paupières 5 et Sébileau (1902)
¶ Chirurgie des tumeurs à extension basse 5 Le tracé de cette incision paralatéronasale part de l’angle
¶ Chirurgie des tumeurs à extension basicrânienne 6 supéro-interne de l’œil, se poursuit sur la face paramédiane du
Voies transfaciales 7 dorsum nasal en direction du sillon nasogénien, se termine au
Voies mixtes sous-frontale et paralatéronasale 7 niveau de l’orifice narinaire après avoir contourné l’aile du nez
Volet transfrontofacial 10 (Fig. 1). L’incision se fait en un temps jusqu’au contact osseux.
¶ Chirurgie endonasale endoscopique 10 Une fois l’incision réalisée, le lambeau nasal est récliné en
prenant soin de ruginer en sous-périosté. La rugination doit être
¶ Conclusion 10 effectuée vers la fosse canine, le sac lacrymal, le canthus
interne, la paroi interne de l’orbite, la lame papyracée (jusqu’à
l’artère ethmoïdale, qui est coagulée), et le rebord orbitaire en
préservant le nerf sous-orbitaire. Les voies lacrymales doivent
■ Introduction être individualisées pour être préservées ou sectionnées selon
une attitude carcinologique. Le lambeau nasal est décollé
Le massif facial supérieur peut être divisé en trois étages : jusqu’à l’épine nasale, l’aile narinaire est soulevée par section
suprastructure (cavité orbitaire, sinus ethmoïdal, et partie des tissus mous du sillon alofacial, faisant apparaître l’orifice
supérieure des fosses nasales), mésostructure (sinus maxillaire et piriforme au bord duquel la muqueuse des fosses nasales est
partie inférieure des fosses nasales), et infrastructure (plateau sectionnée sur toute sa hauteur. Ce temps permet de dégager
palatin), donnant aux tumeurs une histoire clinique caractéris- l’os propre du nez, l’orifice piriforme, la branche montante du
tique. Le traitement de ces tumeurs nécessite un bilan d’exten- maxillaire supérieur, la paroi antérieure du sinus maxillaire et la
sion radiologique comprenant un scanner et une imagerie par paroi interne de l’orbite. Le ligament canthal interne est

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-170 ¶ Chirurgie des tumeurs sinusiennes

Figure 1. Incision paralatéronasale de Moure et Sébileau. Figure 2. Incision paralatéronasale de Labayle.

sectionné, et, selon les équipes, repéré par deux fils pour
permettre la canthopexie lors de la fermeture.
On place un fil tracteur sur la berge interne de l’incision, le
lambeau nasal est récliné du côté opposé.
Dans la description de Moure, l’ostéotomie se fait à os perdu
et s’étend à l’os propre du nez et au maxillaire supérieur.
L’ostéotomie débutée à la fraise-fissure est complétée à l’ostéo-
tome ou à la scie oscillante, après avoir exposé le champ
opératoire par la mise en place d’écarteurs orthostatiques. La
section est paramédiane sur l’os propre du nez jusqu’à la suture
frontonasale. Une deuxième ostéotomie part de la partie la plus
externe de l’orifice piriforme de façon horizontale jusqu’à la
partie moyenne de la fosse canine. Une troisième ostéotomie
part de la partie moyenne de la fosse canine, monte verticale-
ment, évitant le foramen infraorbitaire, puis, au niveau du
rebord orbitaire inférieur, se poursuit ensuite le long de l’orbite
et se termine au niveau de la suture nasofrontale. Une dernière
ostéotomie est réalisée de façon horizontale au niveau de la
suture nasofrontale.
L’exérèse de la lésion à localisation ethmoïdale emporte la
cloison intersinusonasale, l’ethmoïde en totalité, l’os lacrymal,
la totalité du septum nasal (en préservant un auvent supérieur),
la muqueuse du sinus maxillaire et du sinus sphénoïdal au
moindre doute d’extension à ce dernier.
Cet abord permet l’accès à la fosse nasale, le rhinopharynx, Figure 3. Extension de l’incision paralatéronasale en dehors selon
le sinus maxillaire, l’ethmoïde (masses latérales et toit de Leroux-Robert (trait pointillé), selon Hautant (trait plein).
l’ethmoïde) et le sinus sphénoïdal.
Extension vers le dehors (Fig. 3)
Variante : incision paralatéronasale de Labayle [1] Elle prolonge l’incision de Moure en dehors pour exposer la
Devant les difficultés de dégagement des faces supérieure et région orbitomalaire avec le risque de léser les rameaux faciaux.
postérieure de l’ethmoïde lors de la réalisation de l’incision La première décrite par Leroux-Robert suit une ligne transversale
classique paralatéronasale, Labayle propose une incision qui part du sillon nasogénien à la partie moyenne de la tubérosité
de la bosse frontale et décrit un arc à concavité inféro-externe malaire.
jusqu’à la racine du nez, puis longe l’arrête nasale jusqu’à la La seconde incision, décrite par Hautant, est curviligne,
jonction tiers moyen-tiers inférieur, puis descend le long du concave vers le haut, elle part au contact de l’incision de Moure
bord inférieur de l’os propre jusqu’au repli nasogénien, et au-dessous du canthus interne, de 1,5 à 2 cm au-dessous du
ensuite contourne l’insertion alaire (Fig. 2). rebord orbitaire, pour se terminer au niveau de la tubérosité
Cette incision permet l’abord de la face antérieure du sinus malaire. Un des effets indésirables est la survenue d’un lym-
frontal, de l’os propre du nez et de la branche montante du phœdème de la paupière inférieure, non amélioré par la
maxillaire qui sont réséquées, ce qui découvre le pôle antérieur radiothérapie.
et le bord inférieur de la tumeur. La résection de la paroi
postérieure du sinus frontal et le décollement soigneux de la
Extension vers le haut (Fig. 4)
dure-mère permettent le contrôle de la partie supérieure de la En dehors, elle prolonge l’incision de Moure sur l’arcade
tumeur. sourcilière, permettant un abord large du sinus frontal.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs sinusiennes ¶ 46-170

Figure 4. Extension de l’incision paralatéronasale vers le haut et en Figure 5. Incision para-latéro-nasale de Weber-Fergusson.
dehors (trait plein) et selon Gignoux et Gaillard Robert (trait pointillé).

sont dues à une plaie du sac lacrymal passée inaperçue ou à une


En dedans (Gignoux et Gaillard), elle prolonge l’incision de mauvaise réimplantation du canal lacrymonasal ou à un
Moure en dedans et horizontalement sur le dorsum nasal, et se désamorçage de la pompe lacrymale, avec un épiphora définitif.
poursuit sur l’arcade sourcilière controlatérale. Cette voie Les autres complications sont les brèches méningées, avec une
d’abord est indiquée pour des lésions bilatérales de la fuite de liquide céphalorachidien (LCR) qui peut être transitoire
superstructure. ou définitive, les rhinites croûteuses nécessitant une aspiration
régulière de la cavité d’exérèse. La survenue de ces rhinites
Extension vers le bas croûteuses peut être minimisée en réalisant une cavité d’exérèse
avec le moins d’esquilles osseuses possible.
Le prolongement de l’incision de Moure vers le bas part sous
la columelle et suit en paramédian le bord du philtrum et Indications
sectionne la lèvre supérieure, soit directement, soit en réalisant
un décalage en « marche d’escalier ». L’incision se poursuit Les voies d’abord transfaciales sont indiquées dans les
ensuite dans le sillon vestibulaire supérieur, permettant de tumeurs bénignes et malignes des sinus maxillaires et de
réaliser un large lambeau à charnière latérale. Cette incision l’ethmoïde. [1, 4-7] Les séquelles esthétiques sont minimes, leur
permet un meilleur abord ethmoïdomaxillaire. réalisation est facile. Ces incisions peuvent être associées selon
Weber et Fergusson (1845) prolongent vers le bas et latérale- l’extension tumorale à d’autres voies d’abord.
ment l’incision de Moure par une incision sous-orbitaire,
permettant un large abord du maxillaire supérieur (Fig. 5). Son
principal inconvénient est la survenue d’un œdème de la ■ Voies sous-labiales
paupière inférieure.
Par la suite, Pech et Cannoni [2] ont codifié la réalisation de Abord sous-labial de Rouge-Denker
ces volets osseux : volet nasomaxillaire, décrit par Moure, volet (Rouge 1873, Denker 1905)
nasofrontal décrit par Labayle, et volet fronto-naso-maxillaire
rassemblant les deux volets précédents. L’abord sous-labial de Rouge-Denker permet l’accès aux
cavités nasosinusiennes (mésostructure), aux choanes, à la fosse
Reconstruction ptérygomaxillaire et au cavum.
Après infiltration par de la Xylocaïne® adrénalinée, on réalise
Les volets osseux sont détachés et conservés pour être
une incision vestibulaire supérieure à 1 cm du collet dentaire,
replacés et ostéosynthésés par trois fils métalliques en fonction
entre la 2e molaire d’un côté à plusieurs centimètres de l’autre
de la nature de la tumeur et des habitudes des équipes. Le
côté ; l’incision se fait en un temps jusqu’au contact osseux. On
risque d’ostéoradionécrose suite à la radiothérapie dans le cadre
réalise ensuite une rugination sous-périostée permettant de
d’une tumeur maligne fait contre-indiquer la repose des volets,
dégager la face antérieure du sinus maxillaire, les limites sont en
avec un résultat esthétique néanmoins satisfaisant.
haut le nerf sous-orbitaire, en dedans l’orifice piriforme et
La voie lacrymale s’abouche, en cas de section, dans la cavité
l’épine nasale. Le versant interne de l’orifice piriforme est
maxillaire sous-jacente. Certains auteurs proposent la mise en
également ruginé (Fig. 6).
place d’un tube de calibrage au niveau des voies lacrymales
L’ouverture de la cavité sinusienne maxillaire se fait à l’aide
pendant 2 à 3 mois. [3]
de ciseaux frappés, l’ouverture large de cette cavité se fait de
Le canthus sera refixé selon les équipes. L’aspect d’œil rond
proche en proche en respectant les apex dentaires et le nerf
est souvent discret, voire absent en l’absence de fixation du
sous-orbitaire. Cette trépanation est élargie à l’orifice piriforme.
ligament canthal interne.
Cette voie d’abord se fait à os perdu, sans possibilité de volet
osseux. L’hémostase doit être soigneuse.
Complications
La cloison intersinusonasale est réséquée, emportant les
Ces voies transfaciales entraînent peu de préjudice esthétique. cornets inférieur et moyen. La cloison nasale est luxée dans la
Les principales complications sont les hémorragies, nécessitant, fosse nasale controlatérale (modification de l’intervention de
pendant le geste opératoire, une hémostase soigneuse et un Denker par Rouge) après décollement sous-périosté et
méchage de la cavité d’exérèse. Les complications ophtalmiques sous-périchondral.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-170 ¶ Chirurgie des tumeurs sinusiennes

Figure 7. Incision vestibulaire bilatérale.

Figure 6. Voie d’abord de Rouge-Denker.

La partie postérieure osseuse de la cloison nasale est réséquée,


permettant un abord sur le sinus sphénoïdal, l’ethmoïde
postérieur et le cavum.
La trépanation de la paroi postérieure du sinus maxillaire
permet l’accès à la fosse ptérygomaxillaire. À ce niveau, le
contrôle de l’artère maxillaire interne est indispensable (elle doit
être liée ou ligaturée préventivement).
Avant la fermeture, une mèche grasse doit être mise en place au
niveau de la cavité d’exérèse et doit ressortir par la fosse nasale. La
cloison septale est remise en position médiane, l’incision vestibu-
laire est suturée par des points séparés au fil résorbable.
Cette large cavité d’exérèse permet un contrôle du sinus
maxillaire, des deux fosses nasales, du cavum, de l’ethmoïde
moyen et postérieur, du sphénoïde dans sa partie médiane, et
de la fosse ptérygomaxillaire.
Les complications sont les atteintes du nerf sous-orbitaire,
avec hypoesthésie ou anesthésie dentaire, névralgie. Les héma-
tomes sous-cutanés peuvent être prévenus par une hémostase
soigneuse. Les conséquences esthétiques sont les rétractions
cutanées liées à la perte osseuse. Figure 8. Incision narinaire.

Abord sous-labial bivestibulaire terminer en bas sur le plancher de la fosse nasale, rejoignant
l’incision interseptocolumellaire (Fig. 8). Le plan de décollement
et transnasal ou « degloving » suit la face antérieure des sinus maxillaires (sous-périosté) et le
Portmann et Retrouvey ont décrit en 1927 la technique de dos du nez (sous-périchondral puis sous-périosté) jusqu’au bord
maxillectomie par voie endobuccale et sous-labiale. [8] Elle a été inférieur et interne des orbites et jusqu’à la suture frontonasale,
modifiée en 1974 par Casson, Bonnano et Converse pour la en respectant l’émergence des nerfs sous-orbitaires et les voies
chirurgie post-traumatique et réparatrice des maxillaires. [9] lacrymales, qui pourront être sectionnées en cas de nécessité
Conley et Price sont les premiers à utiliser cette technique pour carcinologique (Fig. 9).
le traitement de tumeurs des sinus. [10] Price a associé cette voie Selon le site et l’extension de la tumeur, un abord nasomaxil-
à un abord sous-frontal ou temporal pour l’exposition de l’étage laire bilatéral peut être réalisé. Une large ouverture dans la paroi
antérieur et la base du crâne. [11, 12] antérieure du sinus maxillaire peut être étendue à l’orifice
Ces indications sont les tumeurs envahissant le sinus maxil- piriforme, à la paroi intersinusonasale et, selon la topographie
laire, le septum nasal, les fosses nasales, le sphénoïde, le cavum initiale de la tumeur, au septum nasal cartilagineux et osseux.
et le clivus. [4, 13-15] En fin d’intervention, l’opérateur doit s’assurer de l’absence
On réalise une infiltration par de la Xylocaïne® adrénalinée d’esquilles osseuses pouvant favoriser l’apparition de synéchies
au niveau vestibulaire supérieur, au niveau de la partie cutanée gênant par la suite la surveillance. L’hémostase doit être
et muqueuse de la pyramide nasale. On débute par une incision soigneuse, la cavité opératoire sera méchée. Les tissus mous sont
sous-labiale dans le vestibule supérieur à 1 cm du collet dentaire remis en position initiale et suturés.
et centrée sur le frein de la lèvre, d’une canine à l’autre (Fig. 7). En l’absence de troubles de la cicatrisation, cette technique
La rugination se fait en sous-périosté ; elle dégage les orifices donne d’excellents résultats fonctionnels et esthétiques. Les
piriformes, l’épine nasale et la face antérieure des deux sinus complications les plus fréquentes sont l’anesthésie ou l’hypoes-
maxillaires jusqu’au nerf sous-orbitaire. Une incision circonfé- thésie du nerf sous-orbitaire (transitoire) et la sténose de la valve
rentielle dans chaque narine est réalisée : interseptocolumellaire nasale. De façon beaucoup moins fréquente, des hématomes et
en dedans, intercartilagineuse en haut et en dehors, pour se fistules oroantrales peuvent être rencontrés.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs sinusiennes ¶ 46-170

Une fois délimité le tracé de l’incision en fonction de


l’extension tumorale, la section est réalisée en un temps
jusqu’au contact osseux. Le sac périosté est décollé jusqu’au
fond de l’orbite. Cette dissection nécessite une hémostase
soigneuse.
Dans la majorité des cas, après évidement, les parois osseuses
sont laissées à nu pour permettre un processus de cicatrisation
spontanée. En 3 à 6 mois, la cavité se recouvre spontanément
d’un revêtement cutané.
Le premier pansement est effectué à l’hôpital, 2 à 3 jours
après l’intervention. Pendant cette période, la cavité doit être
soigneusement nettoyée et le pansement renouvelé une à deux
fois par semaine. Une fois la cavité recouverte d’un nouveau
revêtement cutané, le patient est adressé chez l’oculariste qui
confectionne une épithèse reproduisant les paupières et le globe
oculaire. Ces épithèses peuvent se maintenir en place soit par le
moulage de la cavité orbitaire, soit par une paire de lunettes,
soit par l’intermédiaire d’aimants.
L’épithélisation spontanée est parfois difficile à différencier
d’une récidive tumorale locale. [17]
Figure 9. Exposition du massif facial osseux après décollement. Les alternatives à la cicatrisation spontanée sont les greffes de
peau mince : la richesse vasculaire de la région assure une prise
Les avantages par rapport aux techniques précédemment de bonne qualité. La colle biologique favorise l’adhérence de
décrites existent essentiellement dans les cas où une chirurgie cette greffe. [18] Ont été proposées des greffes de derme, [19] des
bilatérale est nécessaire et dans les indications où l’on veut lambeaux de couverture : lambeau préauriculaire, [20] lambeau
éviter les cicatrices sur la face. Cette voie d’abord permet une temporojugal, lambeau temporofrontal, lambeaux libres (grand
exposition bilatérale de tout l’étage moyen de la face. dorsal etc.). La cavité peut être comblée par des lambeaux de
muscle temporal [20, 21] et par des lambeaux de fascia prétempo-
■ Chirurgie des tumeurs ral. Les lambeaux pédiculés de grand pectoral, deltopectoral et
de grand dorsal atteignent difficilement cette région.
à extension orbitaire Des complications peuvent être observées : retard de cicatri-
sation de la cavité orbitaire, nécrose de la greffe cutanée, fistule
entre le sinus et l’orbite, rétraction du sourcil et céphalées.

“ Point important ■ Chirurgie des tumeurs


L’exentération est l’ablation du contenu de la cavité à extension basse
orbitaire dans le sac périosté qui l’entoure.
La résection du plateau palatodentaire est la technique
Cette intervention mutilante, au retentissement d’exérèse réglée des tumeurs du sinus maxillaire étendues à
psychologique important, nécessite un avis éclairé avec un l’infrastructure. C’est une chirurgie lourde sur le plan
délai de réflexion suffisant. Cette prise en charge doit se fonctionnel.
faire par une équipe pluridisciplinaire (oto-rhino- La classification terminologique retient le terme d’hémi-
laryngologiste, radiothérapeute et opthalmologiste). maxillectomie subtotale. L’exérèse chirurgicale est monobloc.
Une incision labiovestibulaire est réalisée dans le prolonge-
ment de la rhinotomie paralatéronasale. La fosse canine, la
moitié inférieure du cadre orbitaire et le corps de l’os malaire
Exentération avec conservation sont exposés après décollement sous-périosté. Le plateau
des paupières palatodentaire est dégagé sur ses bords antérieur et latéral
(Fig. 10A).
Si certaines lésions ne touchent pas les paupières, il est Les limites muqueuses respecteront des marges de sécurité
possible de conserver celles-ci, mais elles perdent leur mobilité d’au moins 1 cm. Au niveau palatin, une section sagittale
et se rétractent vers l’arrière. paramédiane parallèle au grand axe du palais dur, avec un
Hamaker et Conley associent une incision paralatéronasale et refend transversal postérieur immédiatement en arrière du bord
une incision périlimbique. [16] Après l’incision périlimbique, en postérieur du palais dur, décolle un lambeau muqueux qui
prenant soin de ne pas compromettre la vascularisation des servira à couvrir la tranche de section osseuse.
paupières, la conjonctive est disséquée, permettant la séparation
Le volet osseux est réalisé à la fraise, à l’ostéotome ou à la
du plan conjonctivopalpébral du reste du contenu orbitaire.
scie de Gigli. Les limites de résection seront appréciées par
L’œil et le contenu orbitaire sont disséqués en sous-périosté, le
l’imagerie et les constatations peropératoires.
nerf optique et les vaisseaux sont clampés et sectionnés à l’apex
À la partie supérieure, elles peuvent s’étendre au-dessus du
orbitaire.
nerf sous-orbitaire en emportant le plancher de l’orbite
En fin d’intervention, le plan conjonctival est suturé au
(Fig. 10B).
niveau de l’incision périlimbique. Une greffe de peau mince est
À la partie inférieure, la section est sagittale, antéropostérieure
mise en place au fond de la cavité orbitaire. Les paupières sont
sur la voûte palatine à partir du rebord gingival et de l’orifice
ensuite suturées soit sur un conformateur, soit sur un bourdon-
piriforme (Fig. 10C).
net vaseliné qui assure la contention, permettant la prise de la
La libération du bord postérieur du palatin et la dissection de
greffe de peau.
la tubérosité supérieure de l’apophyse ptérygoïde sont faites aux
Exentération sans conservation ciseaux. Ils seront placés dans un plan frontal en avant de la
branche montante du maxillaire inférieur et en arrière de la
des paupières tubérosité du maxillaire supérieur. La muqueuse palatine en
Devant une tumeur de stade avancé, étendue aux structures excès sert à tapisser les berges de l’os palatin.
proches des régions palpébrales, la résection palpébrale L’artère maxillaire interne est ligaturée pour limiter le
s’impose. saignement de ses branches. L’hémostase est complétée.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-170 ¶ Chirurgie des tumeurs sinusiennes

Figure 10. Hémimaxillectomie subtotale.


A. Relèvement du lambeau cutané.
B. Ostéotomies antérieures.
C. Ostéotomie médiane.

La reconstruction du defect maxillaire est fonction des écoles cutanées. Toutefois la comorbidité du geste et le développement
et des habitudes de l’opérateur. On distingue deux modalités des épithèses réduisent désormais ses indications.
thérapeutiques : la réhabilitation prothétique et la reconstruc- Dans les deux cas, à la fin du traitement chirurgical et
tion par lambeau libre ou pédiculé. Dans les deux cas, le radiothérapeutique, une prothèse obturatrice dentée définitive
préambule demeure la réalisation des empreintes des arcades et fonctionnelle est mise en place.
dentaires, supérieures et inférieures en préopératoire ; elles La réhabilitation prothétique du maxillaire supérieur a pour
aident à la fabrication des prothèses dentées et permettent au but de rétablir la phonation, la déglutition et la mastication en
patient de retrouver son occlusion habituelle. supprimant la communication buccosinusienne.
La réhabilitation prothétique réalise une obturation immé-
diate de la communication bucconasale par des résines mises en
place en préservant la lumière des cavités nasales qui seront ■ Chirurgie des tumeurs
méchées. Une fois passée l’étape de la cicatrisation, entre le 1er à extension basicrânienne
et le 2 e mois, l’obturateur est remplacé par une prothèse
provisoire entre le 2 et le 6e mois. Celle-ci est remaniée tout le Le type d’abord sera choisi essentiellement en fonction du
long de la cicatrisation du site opératoire. bilan d’extension préopératoire. Le scanner et l’IRM des sinus et
La reconstruction par lambeau reste l’apanage des grands de la base du crâne sont indispensables pour définir les moda-
defects, en particulier lors d’importantes pertes de substance lités thérapeutiques. L’extension à la base du crâne nécessite

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs sinusiennes ¶ 46-170

Figure 11.
A. Incision de la voie transfaciale élargie.
B. Volet fronto-naso-maxillaire.

une approche multidisciplinaire (oto-rhino-laryngologistes, Après Ketcham en 1963, [28] puis Van Buren en 1968, [29] l’idée
neurochirurgiens et radiothérapeutes). d’une approche sous-frontale pour les tumeurs du bloc ethmoï-
dosphénoïdal fut reprise par Derome en 1972. [30] Après une
Voies transfaciales phase de préparation, l’intervention se déroule en quatre
Ces voies sont actuellement privilégiées pour le traitement temps : l’étape rhinologique, l’étape neurochirurgicale, l’exérèse
des tumeurs bénignes et pour les petites tumeurs malignes (T1- de la tumeur et la reconstruction.
T2) de l’ethmoïde. [22, 23] L’intérêt de ces voies est l’exposition Certains auteurs préconisent l’utilisation de spray
obtenue au niveau de l’étage antérieur de la base du crâne, de antibiotique/corticoïde en traitement local dans les 4-5 jours
la fosse nasale et d’une grande partie du sinus maxillaire. Les précédant l’intervention. Un rasage crânien, qui n’est pas
limites de ces voies sont l’absence de contrôle de la partie obligatoire mais souhaitable, est réalisé la veille de l’interven-
latérale de la mésostructure, [24] du jugum sphénoïdal et du tion. Une asepsie du cuir chevelu et de la peau est pratiquée la
clivus. veille et le matin de l’intervention. Le patient est installé en
décubitus dorsal, tête placée dans une têtière ; un microscope
Technique de Labayle (1957) [1] optique est tenu à la disposition de l’équipe chirurgicale.
Elle réalise une exérèse des parois antérieure et postérieure du
sinus frontal et du toit de l’ethmoïde, permettant d’exposer le Étape rhinologique
plan méningé. Cette dissection sera plus particulièrement
Elle se fait par la voie paralatéronasale telle qu’elle a été
minutieuse au niveau de la lame criblée, où le risque de fuite
précédemment décrite selon la technique de Moure et Sébileau.
de LCR est plus important.
Cette technique est indiquée essentiellement dans les tumeurs
bénignes de la suprastructure et les tumeurs malignes localisées Étape neurochirurgicale : voie sous-frontale
de l’ethmoïde en raison d’un jour peu suffisant pour le contrôle L’incision cutanée est bicoronale selon Cairns-Unterberger
de l’étage antérieur. (Fig. 12), étendue d’un tragus à l’autre dont le sommet frontal
Volet fronto-naso-maxillaire (voie transfaciale est situé dans un plan frontal passant deux travers de doigt en
avant de l’axe biauriculaire. L’infiltration à la Xylocaïne ®
élargie, technique de Vaneecloo 1989 [25])
adrénalinée doit être soigneuse et permettre le décollement du
Elle consiste, à partir de la technique de Labayle, à prolonger plan de dissection sous-cutané par hydrotomie.
l’incision verticale en haut de façon arciforme en passant soit L’incision cutanée est réalisée perpendiculairement à la peau
au bord supérieur du sourcil, soit dans le sourcil, afin de la jusqu’au plan de l’épicrâne qui sera préservé. On prendra soin
dissimuler, en ménageant le nerf sus-orbitaire (Fig. 11A). Sha [26] de conserver les deux pédicules temporaux superficiels qui
associe un trait d’incision jusqu’au canthus externe homolatéral. garantissent la viabilité du lambeau. Le feuillet externe de
Celle-ci permet alors une exposition satisfaisante de la méso-
l’aponévrose superficielle du muscle temporal et la galéa
structure latérale. On réalise ensuite un lambeau fronto-
constituent le plan de clivage idéal. Le scalp est décollé vers
orbitaire musculoaponévrotique à pédicule inférieur [25] néces-
l’avant jusqu’à 3 cm au-dessus des rebords orbitaires supérieurs,
saire à la reconstruction de la base du crâne, celui-ci réduirait
de façon à préserver les branches de division des paquets
sensiblement le taux de complications postopératoires. [27] Après
vasculonerveux sus-orbitaires et frontaux internes. Le périoste
exposition, un volet osseux fronto-naso-orbitaire est taillé
(Fig. 11B). est incisé à ce niveau, transversalement d’une crête temporale à
Cette voie d’abord permet un bon contrôle de l’ethmoïde l’autre, et latéralement le long des crêtes jusqu’aux piliers
antérieur. L’ethmoïde postérieur et le sphénoïde restant diffici- orbitaires externes. Le décollement périosté se poursuit dans
lement exposables en fonction du soulèvement cérébral. l’orbite de chaque côté par le décollement de la périorbite. Les
paquets vasculonerveux sus-orbitaires et frontaux internes sont
Voies mixtes sous-frontale dégagés de leur gouttière ou canal osseux à l’ostéotome droit
fin. Les plafonds orbitaires sont exposés jusqu’aux artères
et paralatéronasale ethmoïdales antérieures dont le contrôle endo-orbitaire est
La voie paralatéronasale unique est souvent insuffisante pour parfois utile. Les muscles releveurs de la paupière supérieure, le
l’exérèse de certaines extensions tumorales supra-ethmoïdales. droit supérieur et leurs nerfs sont, avec la poulie de réflexion du

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-170 ¶ Chirurgie des tumeurs sinusiennes

Figure 12. Incision bicoronale.


A. De face.
B. De profil.

Figure 13. Lambeau de péricrâne


(A, B).

muscle grand oblique, sous la protection du périoste et de la antérieure est déposée en s’aidant d’un décolleur introduit à la
périorbite ; toutefois, aucune traction, en particulier par des partie supérieure de la découpe.
crochets, n’est appliquée sur ces structures fragiles. La taille du volet dépend clairement de l’exposition souhai-
Un lambeau à pédicule inférieur et à charnière antérieure tée. La dépose déborde les limites du sinus si celui-ci est petit ;
rectangulaire est taillé au niveau du péricrâne (Fig. 13). Si elle intéresse alors la table externe de la voûte frontale sciée
besoin, le lambeau peut s’étendre vers l’avant jusqu’à 2 cm en tangentiellement.
arrière du plan de dissection sous-périostée. Une zone de L’ouverture peut être faite entièrement au-dessus du sinus
périoste intacte facilite la fermeture du plan profond, couvrant frontal si elle est très petite ou bien elle peut inclure le mur
la dépose osseuse.
antérieur et postérieur du sinus si elle est grande.
La paroi antérieure du sinus frontal est découpée en mono-
Si l’accès bilatéral est exigé, un volet bifrontal est réalisé. Sa
bloc au craniotome, la lame étant orientée obliquement en
direction du centre de la cavité sinusienne de façon à biseauter découpe se fait en monobloc, voire en deux parties s’il y a un
la dépose et à assurer une clé de voûte solide pour la repose. La risque de lésion du sinus veineux longitudinal. Celui-ci peut
découpe intéresse les limites externes et supérieures du sinus, et être conservé ou lié et sectionné à la partie antérieure de l’accès.
s’effectue d’un seul mouvement dans un plan tangentiel coronal Après avoir été détaché de la dure-mère, l’os est conservé. De
d’un côté à l’autre. Les angles supéro-internes des orbites sont petits trous forés autour du volet lui permettront d’être replacé
sectionnés. La suture nasofrontale est coupée selon un V et maintenu aisément, en utilisant des fils, à la fin de l’inter-
inversé. La partie inférieure du volet doit être la plus basse vention (Fig. 14). La muqueuse du sinus est curetée jusque dans
possible pour obtenir une vue directe sur le plancher de l’étage le canal nasofrontal où elle est coagulée, sectionnée et refoulée
antérieur. Il est classiquement réalisé à 1 cm au-dessus de la dans les fosses nasales. Le fraisage de la cavité sinusienne à la
ligne des sourcils et débute à 2 cm de la ligne médiane afin fraise-boule est garant de l’exérèse complète de la muqueuse. La
d’éviter d’endommager le sinus veineux longitudinal. La paroi tumeur est ainsi exposée.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs sinusiennes ¶ 46-170

la muqueuse et l’abrasion du pied de la cloison intersinusona-


sale. L’aménagement de cette vaste cavité nasosinusienne est
primordial et vise à supprimer toute arête osseuse ou tout
récessus pouvant à l’avenir constituer une niche idéale pour la
surinfection et les croûtes.

Reconstruction
L’objectif est d’assurer une séparation anatomique entre la
partie exocrânienne septique et la partie endocrânienne.
Différentes étapes doivent être respectées.
Cranialisation du sinus frontal
L’ensemble de la muqueuse sinusienne est soigneusement
retiré, on prend particulièrement garde à l’extension supraorbi-
taire du sinus. La zone correspondant à l’ostium du canal
nasofrontal est comblée à l’aide d’un matériel type poudre d’os.
Reconstruction du defect osseux ethmoïdal
Les reconstructions osseuses de la base du crâne réalisées par
technique d’autogreffe (greffon iliaque, volet frontal) ou par
technique d’allogreffe (os cryoconservé) sont actuellement
abandonnées. La préférence va au lambeau pédiculé d’épicrâne.
De prélèvement simple, sur l’abord crânien, il est disséqué en
début d’intervention. Sa charnière antérieure permet de le
positionner aisément sur la zone d’exérèse. Il est fixé en arrière
au jugum sphénoïdal. L’utilisation de colle biologique est
préconisée, en renforcement, par certains auteurs.
Figure 14. Volets osseux frontal et nasomaxillaire.
Plastie durale
En l’absence de defect dure-mérien ou si celui-ci est peu
Après diminution des pressions intracrâniennes par les important, un rapprochement simple des berges est effectué.
anesthésistes, la paroi postérieure du sinus est trépanée, la dure- Dans le cas contraire, un lambeau d’épicrâne, disséqué au
mère sous-jacente est décollée, puis la paroi postérieure est niveau de la partie postérieure de l’abord crânien est utilisé.
effondrée. Un soin particulier est apporté lors de l’effondrement L’utilisation de fascia temporal, de fascia lata ou de Neuro-
sur la ligne médiane, siège de la crête frontale interne parfois Patch® est proposée en alternative par certains auteurs.
invaginée dans la dure-mère. Il s’étend de chaque côté, vers Greffe intranasale
l’arrière, sur les bosses orbitaires et gagne progressivement le
L’usage du packing graisseux semble de plus en plus répandu.
plancher de la base du crâne, en évitant d’arracher les veines
Après prélèvement, le plus souvent abdominal, il est positionné
émissaires se rendant au sinus sagittal.
par voie nasale au contact du lambeau de péricrâne. Certains
La cranialisation des sinus frontaux a pour conséquence
auteurs renforcent le montage à l’aide de colle de fibrine.
d’augmenter l’espace mort en avant du plan dural. La dure-
mère est dégagée de l’apophyse crista galli ; cette dernière est Méchage nasal
ôtée à la petite pince gouge. La dépose permet d’accéder à Il débute par le positionnement d’une lame de Silastic® qui
l’ensemble de l’étage antérieur du crâne avec latéralement les permet de protéger le précédent montage. Celle-ci doit être
toits orbitaires de chaque côté, et au centre les lames criblées de positionnée de façon à être aisément retirable. Des mèches de
l’ethmoïde. type Merocel® ou mèche grasse sont positionnées dans l’ensem-
Le décollement est poursuivi en arrière aussi loin que néces- ble de la cavité et humidifiées a l’aide d’une solution
saire ; il peut théoriquement être mené jusqu’au point où les antibiotique.
nerfs optiques émergent du chiasma. Latéralement, il s’étend
jusqu’au bord postérieur des petites ailes du sphénoïde. Une Fermeture
hémostase soigneuse à la pince bipolaire est réalisée. Le plan- Un drainage peu aspiratif extradural est mis en place. Le volet
cher de l’étage antérieur est exposé. osseux est repositionné et fixé à l’aide de fils d’acier ou de
L’extension tumorale intracrânienne est découverte. Elle peut plaques en titane. Le galbe frontal est ainsi reconstitué. La
être clivable du plan méningé ou envahir la dure-mère qui doit réexpansion cérébrale est effectuée. Le lambeau cutané est
donc être sacrifiée. L’exérèse se fait en monobloc du haut vers rabattu et suturé sur un drainage. La fermeture de la voie para-
le bas. latéronasale obéit aux règles déjà décrites.
Si la lésion est strictement unilatérale, la résection ne passe
pas au-delà de l’apophyse crista galli. Dans le cas contraire, elle Période postopératoire
se prolongera au-delà. Les suites opératoires sont habituellement simples, dominées
La limite postérieure de l’excision dépend de l’extension par le syndrome frontal souvent présent et qui régresse en
tumorale (guidée par le bilan radiologique préopératoire), et quelques jours. Le drainage du scalp est maintenu 48 heures.
peut atteindre le sinus sphénoïdal si nécessaire. L’antibioprophylaxie périopératoire est systématique, visant
Latéralement, la résection osseuse intéresse, à la demande, le essentiellement à éradiquer le pneumocoque. Elle sera prolongée
toit et la paroi interne de l’orbite, pour passer en territoire sain. jusqu’au déméchage qui sera réalisé à j8. Les lavages des fosses
Pour Derome, [30] la totalité de l’étage antérieur peut théori- nasales au sérum physiologique sont débutés, associés à un
quement être réséquée après avoir contrôlé et libéré les voies nettoyage régulier sous optique.
optiques.
Toutes ces limites sont réalisées sous contrôle macroscopique Complications
et microscopique. On peut éventuellement s’aider en introdui- Les complications immédiates sont dominées par les infec-
sant des instruments-repères par la voie d’abord rhinologique. tions méningées et les hématomes intracérébraux. Elles sont
Les contours osseux sont harmonisés pour aboutir à une prévenues par une asepsie rigoureuse et la réalisation d’une
cranialisation des sinus frontaux, une marsupialisation large des reconstruction étanche. Les risques de contusion frontale sont
sinus sphénoïdes après fraisage de la cloison intersinusienne, un liés au traumatisme opératoire et à l’extension tumorale vers le
aménagement du sinus maxillaire qui comprend le curetage de haut.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-170 ¶ Chirurgie des tumeurs sinusiennes

Une rhinorrhée céphalorachidienne est à craindre. La réalisa- lésions (point de départ, extension etc.) et offre la possibilité de
tion de ponctions lombaires décompressives, la prescription de biopsies guidées ; également, en matière de suivi, elle permet la
substances osmotiques déplétives du liquide céphalorachidien surveillance postopératoire et facilite le dépistage d’une éven-
(glycérol) permettent habituellement de la traiter. Dans le cas tuelle récidive.
contraire, une réintervention est nécessaire. Les autres compli- En matière de traitement à visée curative, elle permet de faire
cations sont dominées par la contusion lobaire, le traumatisme l’économie d’une cicatrice cutanée, facteur de morbidité non
des paires crâniennes, les plaies vasculaires. négligeable compte tenu du terrain des patients concernés par
À distance, la diplopie liée à une absence ou à une mauvaise ces pathologies. Schlosser et al. [36] insistent sur l’excellente
fixation du ligament palpébral interne régresse dans les mois visualisation de la tumeur et sur le contrôle des zones difficile-
qui suivent. L’anosmie est fréquente en cas de bilatéralisation. ment accessibles par voie paralatéronasale (jugum sphénoïdal,
Le defect esthétique et l’enophtalmie peuvent également ethmoïde postérieur). Thaler et al. [31] évoquent la possibilité de
apparaître. guider la résection de l’étage antérieur en utilisant la transillu-
mination fournie par l’endoscope dans le cas des tumeurs à
Volet transfrontofacial extension haute nécessitant un double abord.
La chirurgie endoscopique endonasale peut également s’avé-
Derome [30] a codifié la voie sous-frontale transbasale, rer utile en matière de traitement palliatif, que ce soit celui des
permettant le contrôle du massif osseux médian tumeurs localement très avancées ou des récidives. Elle permet
ethmoïdosphénoïdal. alors de réaliser une désobstruction des fosses nasales.
Après une incision de Cairns-Unterberger, le lambeau cutané L’utilisation de cette technique nécessite un opérateur habitué
frontal est descendu très bas. Après désinsertion des canthus à la chirurgie endonasale et qui soit compétent dans le domaine
internes, pour exposer l’ensemble de l’architecture osseuse du de la carcinologie ORL. Il est probable que la chirurgie assistée
nez ainsi que la périorbite des deux yeux, un lambeau péricrâ- par ordinateur va modifier cette approche dans les années à
nien à pédicule inférieur est préparé. La craniotomie frontale, venir.
découpée en monobloc, réalise une large fenêtre de part et
d’autre de la ligne médiane. Le volet osseux inclut également la
partie médiane des rebords orbitaires supérieurs et la totalité des ■ Conclusion
os propres du nez en avant des gouttières lacrymales, grâce à
une turbine et à une scie oscillante. La prise en charge des tumeurs des sinus de la face a évolué
Puis, la dure-mère est délicatement soulevée jusqu’à exposi- ces dernières années grâce à l’amélioration des techniques
tion du jugum sphénoïdal et du chiasma optique, qui consti- d’imagerie (réalisation systématique d’un scanner et d’une IRM
tuent la limite postérieure de cet abord. L’insuffisance de vision des sinus et de la base du crâne), permettant d’évaluer l’agres-
vers la région du sinus maxillaire peut être contournée par un sivité de la tumeur et son extension aux structures adjacentes.
accès sous-labial complémentaire. Cette prise en charge a été modifiée par l’application de la
Les principes de l’exérèse sont identiques à ceux déjà cités. chirurgie endonasale aux tumeurs malignes.
La fermeture utilise le lambeau de péricrâne présent sur la L’incision paralatéronasale pour le traitement des adénocarci-
voie d’abord. Un orifice est réalisé dans sa partie proximale et nomes de l’ethmoïde est la voie d’abord la plus fréquemment
médiane pour permettre le passage des os propres du nez lors utilisée, la voie endoscopique sera plutôt réservée à des chirur-
de la mise en place du volet osseux. Deux plaques d’ostéosyn- giens ORL experts dans le domaine de la cancérologie et de la
thèse au niveau de l’arcade sourcilière maintiennent le volet. chirurgie endonasale.
Une canthopexie transnasale est réalisée au fil d’acier et L’extension à la base du crâne nécessite une approche
maintenue 3 semaines. pluridisciplinaire : oto-rhino-laryngologiste, neurochirurgien et
radiothérapeute. La radiothérapie conformationnelle avec
modulation d’intensité (RCMI) et l’utilisation de la chirurgie
■ Chirurgie endonasale endoscopique dans le traitement de cas sélectionnés des
tumeurs malignes sont les principales acquisitions récentes du
endoscopique traitement des tumeurs des sinus de la face. La chirurgie
endoscopique assistée par ordinateur pourrait modifier ces
Depuis son introduction par Hopkins dans les années 1950,
indications dans les années à venir.
l’endoscopie endonasale au tube rigide a révolutionné la prise
en charge de nombreuses pathologies nasosinusiennes. Initiale-
ment envisagée dans la prise en charge de tumeurs bénignes, de
nombreux auteurs [31] ont recherché son intérêt dans le traite-
■ Références
ment des tumeurs malignes. [1] Labayle J. Approach to ethmoidal tumors. Ann Otolaryngol Chir
Pour la plupart des auteurs, l’objectif n’est pas de remplacer Cervicofac 1957;74:119-21.
l’abord externe, qui reste la référence dans le traitement des [2] Pech A, Freche C, Cannoni M, Rouvier P, Haguenauer JP, Perrin C,
tumeurs nasosinusiennes, mais de l’intégrer dans l’arsenal et al. État actuel de la chirurgie des sinus. Rapport de la société fran-
thérapeutique conventionnel. Thaler et al. [31] associent ainsi çaise d’ORL. Paris: Arnette; 1982.
chirurgie endoscopique et voie d’abord coronale dans les [3] Weisman R. Lateral rhinotomy and medial maxillectomy. Otolaryngol
tumeurs nasosinusiennes à extension hautes. Wolfe et al., [32] Clin North Am 1995;28:1145-56.
pour les papillomes inversés étendus à la région ptérygo- [4] Hadjean E, Klap P, Thurel A, Sicot H, Tran Ba Huy P. The transfacial
palatine, associent une exérèse endoscopique endonasale et une flap in surgery of tumors of the middle and posterior 3d of the face and
hémimaxillectomie. base of the skull. Its use as a means of approach and reconstruction. Ann
Toutefois, dans certaines indications, comme les tumeurs Otolaryngol Chir Cervicofac 1985;102:479-85.
rhinosinusiennes limitées, la chirurgie endonasale (papillomes [5] Andre P, Laccoureye H. Étude critique des voies d’abord du massif
facial et perfectionnement technique dans les résections totales du
inversés, angiofibrome) a su s’imposer. [33, 34] L’exception
massif facial. Cah ORL 1974;9:615-20.
demeure l’adénocarcinome ethmoïdal classé T1 et T2 selon la
[6] Gignoux M, Labayle J. Tumeurs de l’ethmoïde. Paris: Masson; 1964.
classification TNM de 2004. Le sujet reste, même encore à ce [7] Portmann M, Guerrier Y. Traité de techniques chirurgicales ORL et
jour, controversé. De nombreux auteurs restent dubitatifs quant cervico-faciales. Tome II: Nez et face. Paris: Masson; 1983.
à l’intérêt de la chirurgie endoscopique en traitement chirurgical [8] Portmann G, Retrouvey H. Le cancer du nez. Paris: Doin; 1927.
à visée curative de la pathologie tumorale nasosinusienne [9] Casson PR, Bonanno PC, Converse JM. The midface degloving
maligne, quel que soit son stade de développement. [35] procedure. Plast Reconstr Surg 1974;53:102-3.
Les avantages de la chirurgie endoscopique endonasale sont [10] Conley J, Price JC. Sublabial approach to the nasal and nasopharyngeal
désormais bien connus : dans la prise en charge initiale, en cavities. Am J Surg 1979;138:615-8.
permettant le diagnostic précoce de lésions débutantes, elle [11] Price JC. The midfacial degloving approach to the central skull-base.
donne des situations et des rapports anatomiques précis pour les Ear Nose Throat J 1986;65:174-80.

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs sinusiennes ¶ 46-170

[12] Price JC, Holliday MJ, Johns ME, Kennedy DW, Richtsmeier WJ, [25] Vaneecloo FM, Piquet JJ, Ton Van J, Lejeune E, Jomin M. Enlarged
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adenocarcinomas: retrospective study of 76 patients. Rev Laryngol Otol Actualités dans la chirurgie des tumeurs sinusiennes. Encycl Méd Chir
Rhinol (Bord) 2001;122:21-9. (Elsevier SAS, Paris). Techniques chirurgicales, Tête et cou, 46-170,
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minimizing facial incisions for resection of anterior cranial base and of inverted papilloma: an update. Otolaryngol Head Neck Surg
paranasal sinus tumors. Neurosurgery 2003;53:1126-37. 2001;125:49-53.

P.-O. Védrine, Chef de clinique-assistant* (vedrine@yahoo.fr).


A. Meghachi, Interne des Hôpitaux.
R. Jankowski, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
C. Simon, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Védrine P.-O., Meghachi A., Jankowski R., Simon C. Chirurgie des tumeurs sinusiennes. EMC (Elsevier SAS,
Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-170, 2005.

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Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-210
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-210

Chirurgie du fibrome nasopharyngé


P Herman
S Hervé
F Portier Résumé. – Le traitement du fibrome nasopharyngien repose essentiellement sur l’exérèse chirurgicale, dans
P Tran Ba Huy des conditions de sécurité optimales grâce à l’embolisation préopératoire, aux progrès du monitorage
anesthésiste et à la réalisation d’autotransfusions.
Le but de cette chirurgie est d’assurer la guérison et également d’éviter toute séquelle aussi minime soit-elle :
cicatrice inesthétique, ankylose mandibulaire, sténose des voies lacrymales, déformation faciale,
hypoesthésie sous-orbitaire, trouble de l’articulé dentaire, voire séquelle neurologique. En fonction de
l’extension tumorale, c’est essentiellement la voie transnasale sous guidage endoscopique et la voie
transfaciale antérieure qui nous paraissent adaptées à la plupart des situations. Exceptionnellement, la voie
latérale transzygomatique peut être indiquée en cas d’extension latérale majeure, ou encore la voie
infratemporale ou la voie sous-frontale en cas d’extension intracrânienne majeure.
Le suivi postopératoire a désormais recours à l’imagerie, ce qui permet d’évaluer la qualité de l’exérèse, de
dépister les éventuelles récidives à un stade précoce, et dans certains cas d’apprécier leur évolutivité.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fibrome nasopharyngé, approche chirurgicale, voie transfaciale, bilan radiologique


postopératoire.

Introduction De nos jours, le tableau clinique s’est transformé : le diagnostic est,


dans nos pays développés, porté à un stade précoce. Les progrès de
l’imagerie ont permis de systématiser les modes de progression et
Le traitement du fibrome nasopharyngien (FNP) repose
une cartographie extrêmement précise de la tumeur peut être établie.
essentiellement sur l’exérèse chirurgicale. Cette chirurgie est
Le temps d’exérèse se déroule désormais dans des conditions de
longtemps demeurée de sinistre réputation. Avant l’avènement de
sécurité optimales grâce à l’embolisation préopératoire, aux progrès
l’endoscope, du fibroscope et du scanner, le diagnostic était porté à
du monitorage anesthésiste et même à la réalisation
un stade très tardif. L’extension tumorale était majeure et
d’autotransfusions prévenant tout risque de contamination virale.
l’embolisation n’avait pas cours. Par une voie d’abord transfaciale à
Enfin, le suivi postopératoire a désormais recours systématiquement
os perdu, le chirurgien tentait le plus rapidement possible
à l’imagerie, ce qui permet d’évaluer la qualité de l’exérèse, de
d’arracher, ou de disséquer par digitoclasie, le point d’implantation
dépister les éventuelles récidives à un stade précoce, et dans certains
choanal du fibrome, cependant que l’aide tamponnait fébrilement
cas d’apprécier leur évolutivité.
l’espace anatomique dégagé. La manœuvre se révélait terriblement
hémorragique sur les formes racémeuses dont l’inévitable Dans ce contexte de progrès technique, l’équipe thérapeutique doit
fragmentation laissait béants les lacs sanguins si caractéristiques de désormais non seulement assurer la guérison, mais aussi éviter toute
cet angiofibrome. Un flot de sang inondait en quelques secondes le séquelle aussi minime soit-elle : cicatrice inesthétique, ankylose
champ opératoire, allant parfois jusqu’à désamorcer la pompe mandibulaire, sténose des voies lacrymales, déformation faciale,
cardiaque par brutale hypovolémie, imposant en tout cas un hypoesthésie sous-orbitaire, trouble de l’articulé dentaire, voire
méchage serré et un arrêt momentané des manipulations. Après une séquelle neurologique. La voie d’abord chirurgicale d’un FNP doit
période de repos, la reprise prudente du geste chirurgical entraînait répondre à certaines nécessités :
la reprise d’un saignement profus, gênant l’exposition des restes – fournir une exposition aussi large que possible de la base du crâne
tumoraux encastrés dans les fentes et recoins de la base du crâne. et particulièrement de la fosse infratemporale ;
C’est dire que fréquentes étaient les récidives, même entre les mains – permettre un contrôle efficace des pédicules nourriciers,
de chirurgiens experts en ce type d’assaut. Un aperçu savoureux de principalement l’artère maxillaire interne et ses branches ;
ces scènes de l’histoire de la médecine peut être retrouvé dans
– pouvoir le cas échéant être combinée à une voie complémentaire,
l’article de Cohen [7].
neurochirurgicale ou cervicale ; laisser un minimum de séquelles
esthétiques et fonctionnelles sur un visage en pleine croissance
osseuse.
Philippe Herman : Professeur, chef de service adjoint.
Stéphane Hervé : Assistant des Armées. En fonction de l’extension tumorale, c’est essentiellement la voie
Frédéric Portier : Chef de clinique, assistant des Hôpitaux. transnasale sous guidage endoscopique et la voie transfaciale antérieure
Patrice Tran Ba Huy : Professeur, chef de service.
Chaire de clinique oto-rhino-laryngologique, hôpital Lariboisière - Fernand Widal, 2, rue Ambroise-Paré,
qui nous paraissent adaptées à la plupart des situations. C’est donc
75475 Paris cedex 10, France. celles-ci que nous décrirons en détail. Mais le lecteur ne saurait

Toute référence à cet article doit porter la mention : Herman P, Hervé S, Portier F et Tran Ba Huy P. Chirurgie du fibrome nasopharyngé. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-210, 2001, 8 p.
46-210 Chirurgie du fibrome nasopharyngé Techniques chirurgicales

1 Illustration du déve-
loppement intraosseux du
fibrome nasopharyngien.
Noter l’extension tumorale
dans le corps du sphénoïde
en dessous et en arrière
du sinus sphénoïdal (SS).

*
A

*
A

*
B
3 Extension au toit du cavum et au foramen déchiré.
A. Le fibrome nasopharyngien (tête de flèche) peut se développer vers l’arrière en
dessous et en dehors du sinus sphénoïdal jusqu’au foramen déchiré. Il est alors
à l’aplomb de l’artère carotide interne à son entrée dans le sinus caverneux (flè-
*
B che).
B. La vue endoscopique montre cette région après exérèse de la tumeur. Sous le si-
nus sphénoïdal (SS), la face inférieure du sphénoïde est exposée en arrière des pté-
méconnaître les très nombreuses variantes ou alternatives proposées rygoïdes (PT) et au-dessus de la trompe d’Eustache (TE). La face inférieure du fo-
dans la littérature, essentiellement les voies latérales ramen déchiré (aspiration) a été coagulée.
transzygomatiques. Exceptionnellement, l’extension intracrânienne
majeure nécessite une voie neurochirurgicale : ce sont alors plus récentes de parfaitement différencier la rétention sinusienne des
essentiellement la voie infratemporale et encore la voie sous-frontale prolongements tumoraux. Quant à l’imagerie par résonance
qui peuvent être proposées. magnétique, elle apporte des renseignements similaires mais
présente l’inconvénient de ne pas dessiner les contours osseux. Son
intérêt est néanmoins certain dans le bilan des tumeurs ayant une
Bilan préopératoire extension véritablement endocrânienne, en particulier dans le cas
des extensions antérocaverneuses.
Cette partie est détaillée dans le traité Oto-rhino-laryngologie de L’interprétation des clichés radiologiques nécessite une parfaite
l’Encyclopédie médico-chirurgicale, fascicule 20-585-A-10. connaissance des modalités d’extension de ces tumeurs (cf traité
Néanmoins, dans la mesure où ce bilan conditionne le geste Oto-rhino-laryngologie de l’Encyclopédie médico-chirurgicale,
opératoire, un bref rappel est nécessaire. fascicule 20-585-A-10). À partir du trou sphénopalatin, la tumeur
comble le plus souvent la fosse nasale et bloque la choane. Elle peut
progresser latéralement en avant de l’apophyse ptérygoïde. L’extension
BILAN RADIOLOGIQUE se fait alors vers la fosse ptérygopalatine (fissura pterygopalatina) au
Le bilan d’extension est essentiellement basé sur l’examen prix d’un élargissement tumoral de celle-ci, la fosse sous-temporale
tomodensitométrique (fig 1, 2, 3) (au mieux réalisé par un scanner (fossa infratemporalis), en particulier la région rétro-maxillo-
hélicoïdal avec une injection rapide de produit de contraste). Les zygomatique, puis la fosse temporale (fossa temporalis) vers le haut
fenêtres osseuses permettent d’apprécier les remaniements osseux, ou la région vestibulaire vers le bas. Au cours de ce processus, elle
voire l’envahissement osseux. Les fenêtres parenchymateuses avec peut également, à la partie haute de la fosse ptérygopalatine, envahir
injection de produit de contraste permettent sur les machines les la fissure orbitaire inférieure ou fente sphénomaxillaire puis de là,

2 Envahissement du massif ptérygoïdien.


A. Après avoir érodé l’aile interne de la ptérygoïde, le fibrome nasopha-
ryngien peut détruire la racine des ptérygoïdes jusqu’au plancher
de l’étage moyen de la base du crâne.
B. La vue endoscopique montre l’intérêt des optiques à vision oblique qui
permettent de visualiser ces prolongements tumoraux lors de l’abord
transnasal.

*
A
*
B

2
Techniques chirurgicales Chirurgie du fibrome nasopharyngé 46-210

l’apex orbitaire, la fissure orbitaire supérieure ou fente sphénoïdale elles ne sont le plus souvent plus contrôlées en préopératoire du fait
et enfin le sinus caverneux (extension antérieure). Quant à des risques faibles mais inacceptables liés au clampage temporaire
l’extension médiale, elle se fait vers la fosse nasale, les sinus de la carotide interne ou encore à la technique de ponction directe
ethmoïdaux et rarement vers le toit de la fosse nasale, de l’ethmoïde in situ.
ou du sphénoïde (jugum ou planum sphenoidale en avant de la selle
turcique et du chiasma). Elle peut alors s’étendre à la fosse cérébrale
antérieure. Cette modalité d’extension est très rare. Anesthésie
Les extensions en arrière de l’apophyse ptérygoïde sont très
polymorphes. Schématiquement, l’anesthésie d’un FNP pose deux problèmes
Vers l’arrière, la tumeur érode le plus souvent l’aile interne de essentiels : celui de la stratégie transfusionnelle pour une intervention
l’apophyse ptérygoïde, puis de là le plancher du sinus sphénoïdal potentiellement très hémorragique, et celui d’éventuelles anesthésies
dans lequel elle peut se développer. Fait capital, cette tumeur a un itératives chez un adolescent. Afin de limiter le nombre de ces
pouvoir d’érosion et d’envahissement osseux longtemps méconnu dernières, l’artériographie est pratiquée sous simple sédation avec
avant l’avènement de l’imagerie moderne. La tumeur peut infiltrer embolisation dans le même temps, et le déméchage n’a plus cours
le massif osseux qui forme la racine des ptérygoïdes : de là, elle en utilisant des mèches résorbables en fin d’intervention.
infiltre le corps du sphénoïde vers le clivus et la portion médiale du Le geste anesthésique proprement dit ne soulève pas de problèmes
sinus caverneux (invasion médiale), ou encore se propage, soit vers particuliers. L’intubation est effectuée à l’aide d’une sonde
le bas entre les deux ailes de la ptérygoïde (fosse ptérygoïde) parfois préformée orale dont la courbure permet la fixation au menton. Un
jusqu’en parapharyngé, soit en dehors le long des muscles packing est placé dans l’oropharynx de façon à prévenir l’inondation
ptérygoïdiens (région ptérygoïdienne). Elle est également susceptible des voies aériennes tout en laissant le cavum accessible au doigt du
d’envahir l’espace paratonsillo-sous-tubaire, et d’atteindre ainsi les chirurgien. Les voies d’abord veineuses doivent être de bon calibre
foramens rond et ovale. De là, une extension à la face inféroexterne et la pression artérielle est surveillée par voie sanglante.
du sinus caverneux est possible (invasion latérale). Il existe alors un
élargissement majeur du foramen ovale que l’on ne retrouve bien
entendu pas dans les autres modalités d’extension au sinus Installation du patient
caverneux.
L’extension postéro-inférieure de la tumeur peut atteindre le Le patient est placé en décubitus dorsal avec une antéflexion
foramen déchiré (foramen lacerum) via le toit du rhinopharynx. Là, cervicale de 30° lorsque le geste est pratiqué par voie transnasale.
la tumeur infiltre les insertions tendinoligamentaires de la base du Cette flexion cervicale est en revanche gênante pour les voies
crâne et vient au contact de l’artère carotide interne qu’elle peut transfaciales car il faut pouvoir suivre le plancher d’orbite par en
englober voire infiltrer, s’étendant même au sinus caverneux après dessous et une déflexion cervicale est alors utile. Après désinfection
avoir emprunté le canal carotidien (invasion inférieure). du visage, les champs opératoires sont disposés de façon à exposer
De cette analyse, il ressort que la lecture, tant des clichés de la face et à donner accès à la cavité buccale, voire éventuellement à
tomodensitométrie que de résonance magnétique doit recourir à une la région sous-digastrique. En cas d’abord neurochirurgical associé,
analyse systématisée relevant l’atteinte éventuelle des différentes l’abord coronal doit être préparé par un rasage du cuir chevelu
régions suivantes : arche choanale, fosse ptérygopalatine, fissure réalisé en préopératoire immédiat.
orbitaire inférieure, apex orbitaire, sinus caverneux (antérieur), fosse Un soin particulier doit être porté à la protection oculaire avec
infratemporale : région ptérygoïdienne et région rétro-maxillo- instillation de collyre et occlusion palpébrale.
zygomatique, fosse temporale, fosse ptérygoïdienne, région para- Le chirurgien se place sur la droite de l’opéré, face à la console de
tonsillo-sous-tubaire, foramen ovale et foramen rond, sinus vidéochirurgie.
caverneux (latéral), espace parapharyngé, sinus sphénoïdal, base des
ptérygoïdes et clivus, sinus caverneux (médial), foramen déchiré,
canal optique, étage antérieur. Voies d’abord
Compte tenu du potentiel de croissance du FNP et des délais
nécessaires pour organiser l’intervention, il peut être utile de répéter Il n’existe guère de consensus sur les voies d’abord chirurgicales, et
l’examen tomodensitométrique en préopératoire immédiat. Ceci est leur nombre est un reflet du polymorphisme de ces tumeurs et de la
particulièrement intéressant lorsqu’une navigation guidée par difficulté de réaliser un traitement radical. Nul doute que
ordinateur est envisagée. l’expérience de l’opérateur joue ici un rôle décisif, tout autant que le
choix de la voie d’abord. Nous exposons ici notre conception du
BILAN ANGIOGRAPHIQUE ET EMBOLISATION geste chirurgical.
PRÉOPÉRATOIRE Schématiquement, les fibromes sans extension intracrânienne
L’embolisation est systématiquement pratiquée car elle permet de peuvent être aujourd’hui retirés par voie endonasale sous guidage
diminuer le saignement peropératoire et d’améliorer l’exposition endoscopique en l’absence d’extension à la fosse infratemporale. Les
tumorale dans le champ opératoire [13, 18]. Ce point est détaillé dans bourgeons tumoraux situés dans le sinus sphénoïdal, dans le corps
le traité de l’Encyclopédie médico-chirurgicale. L’embolisation est au du sphénoïde, médiocaverneux, ou encore dans le toit du cavum
mieux pratiquée 24 à 48 heures avant le geste chirurgical, sous peuvent être parfaitement visualisés et retirés par cet abord. L’usage
neuroleptanalgésie et prémédication anesthésique. Il est rare qu’une d’optique à vision latérale permet également le contrôle des
anesthésie générale soit nécessaire. Par une voie d’abord le plus extensions paratubaires. En revanche, lorsqu’il existe une extension
souvent fémorale, le geste de dévascularisation commence par le latérale en avant de la ptérygoïde au-delà de la fosse ptérygopalatine
territoire de l’artère faciale (branche palatine ascendante) et de (fosse infratemporale, région rétro-maxillo-zygomatique, région
l’artère pharyngienne ascendante (branche antérieure) au moyen de vestibulaire), la voie transnasale exclusive n’est pas adaptée. Un
particules de polyvinyle alcool (300 à 500 µm de diamètre). Puis abord transfacial est ici indiqué, que nous pratiquons par voie de
l’artère maxillaire interne est embolisée distalement pour degloving. En cas d’exceptionnelle extension à la fosse temporale vers
dévasculariser la tumeur par les branches nourricières le haut et le dehors, la voie d’abord antérieure trouve ici ses limites
sphénopalatines, sous-orbitaire, palatine descendante, et ce peut être alors l’indication d’une voie latérale.
alvéoloantrale. Une embolisation complémentaire des branches de Les extensions à l’apex orbitaire peuvent être désenclavées par voie
la carotide externe controlatérale est souvent nécessaire. antérieure, autrement dit par un abord transfacial et un éventuel
Quant à l’apport vasculaire issu des branches de l’artère carotide bourgeon antérocaverneux peut, dans certains cas, être extirpé par
interne en cas d’extensions intrasphénoïdales ou intracrâniennes, cette même voie.

3
46-210 Chirurgie du fibrome nasopharyngé Techniques chirurgicales

Les extensions latérocaverneuses peuvent nécessiter le recours à une d’extension au foramen déchiré ou à la région para-tonsillo-sous-
voie sous-temporale. tubaire. En fonction de la largeur de l’ethmoïde postérieur et du
Enfin, les exceptionnelles atteintes de l’étage antérieur justifient, récessus sphénoethmoïdal, il peut être utile de réaliser à ce stade
lorsqu’elles sont importantes, une voie transbasale ou sous-faciale, une ethmoïdectomie postérieure. Elle présente l’intérêt d’exposer et
en sachant que le FNP a un développement essentiellement donc de repérer la paroi interne d’orbite qui est en arrière dans le
extradural, ce qui permet dans les formes modérées de le même plan parasagittal que la paroi interne du sinus caverneux. De
désenclaver et le décoller de la méninge sans avoir recours à une plus, en cas de récessus sphénoethmoïdal étroit, ce geste permet
craniotomie. d’avoir un jour satisfaisant sur la paroi antérieure du sphénoïde.
Enfin, il existe des formes intracrâniennes que l’on peut à certains Dès lors, la tumeur est abaissée, puis clivée de la ptérygoïde. Un
égards considérer comme inextirpables sauf à réaliser une éventuel prolongement dans la racine des ptérygoïdes,
intervention extrêmement mutilante : l’envahissement massif rétroptérygoïdien ou dans le corps du sphénoïde, sera désenclavé
antérocaverneux ou inférocaverneux avec engainement de la dans le même temps. La tumeur est alors basculée de haut en bas
carotide interne, l’extension au canal optique. Certains préconisent dans le cavum et l’exérèse se termine par la section de la muqueuse
alors une radiothérapie externe [11, 20, 25], qui permet un contrôle local rhinopharyngée adhérente à la tumeur. Dans le cas des tumeurs de
mais expose à des troubles de croissance, une insuffisance volume important, ce temps sera plus aisément réalisé par voie
hypophysaire, voire une transformation maligne [8, 17]. endobuccale en rétractant le voile. La tumeur est alors extraite par
la cavité buccale.
Nous décrivons successivement la voie transnasale, la voie
transfaciale, puis plus succinctement les autres voies d’abord. Vient ensuite le temps du contrôle de l’exérèse. Il est alors impératif
de contrôler chacune des régions anatomiques précédemment
repérées sur l’imagerie lors de l’élaboration de la planification
VOIE TRANSNASALE SOUS GUIDAGE ENDOSCOPIQUE opératoire, qu’il s’agisse des extensions intraosseuses, ou encore des
Le matériel de base de la chirurgie des sinus sous guidage extensions dans les parties molles. Ce temps est particulièrement
endoscopique est requis : optique rigide de 4 mm à vision droite ou fructueux en arrière des ptérygoïdes, pour déceler d’éventuels
oblique (30°), caméra vidéo ayant une sensibilité particulièrement reliquats souvent intraosseux, en particulier dans le corps du
élevée, gaine lavante (modèle Microfrance ou Storz), source de sphénoïde ou dans la racine des ptérygoïdes.
lumière froide au xénon, jeu de pinces Blakesley, ciseaux L’extension à la fosse ptérygopalatine pose un problème particulier
d’endoscopie, curettes droites et courbes. Un ciseau frappé droit, lorsque la tumeur n’a que peu modifié le squelette. Le prolongement
voire courbe, est également utile, de même qu’une pince de tumoral est en effet masqué par l’apophyse verticale du palatin.
Kérisson. L’exérèse nécessite alors la réalisation d’une large méatotomie
Une coagulation est indispensable : pince bipolaire de cœlioscopie moyenne, puis l’exérèse de l’apophyse verticale du palatin et de la
modifiée et électrode monopolaire gainée. paroi postérieure du sinus maxillaire. Ce geste est réalisé au ciseau
L’utilisation d’un moteur est souvent nécessaire : pièce à main avec frappé, en utilisant un ostéotome courbe introduit par la fosse nasale
canal irrigateur adaptée aux fraises de 11 cm de long. Les homo- ou controlatérale. Le fragment osseux est alors soulevé à
instruments de type shaver ne sont pour l’instant pas adaptés à ce l’aide d’une curette. On peut alors visualiser le prolongement
type de résection car ils dérapent sur cette tumeur particulièrement tumoral qui doit être soigneusement séparé du nerf sous-orbitaire à
fibreuse. sa sortie du foramen rond et juste avant qu’il ne pénètre dans son
Le saignement peropératoire est limité par l’embolisation canal. Cette manœuvre peut s’avérer particulièrement délicate si
préopératoire, la rétraction de la muqueuse, les tamponnements survient un saignement intempestif de la terminaison de l’artère
répétés avec des mèches imbibées d’adrénaline au 1/1 000 et enfin maxillaire interne insuffisamment bloquée par l’embolisation, ou
l’hypotension contrôlée, comme au cours de toute intervention encore lorsqu’il existe également un envahissement de l’apex
sinusienne sous guidage endoscopique. orbitaire par la fissure orbitaire inférieure car le nerf est alors
véritablement engainé par la tumeur. C’est alors l’intérêt d’une voie
Du fait de l’étroitesse de la fosse nasale et du volume du fibrome, il
transfaciale de permettre un volet postérieur plus externe permettant
est impératif d’éviter de morceler la tumeur et de déclencher un
d’extraire la tumeur de haut en bas et de dehors en dedans.
saignement. Dès lors que le volume tumoral est un tant soit peu
important, l’exérèse débute par une turbinectomie inférieure, voire L’extension dans la fosse ptérygoïdienne survient après que la
moyenne, qui permet d’avoir un large jour sur la choane, le foramen tumeur a lysé la partie haute de l’aile interne de la ptérygoïde. Elle
sphénopalatin et le récessus sphénoethmoïdal. La dissection s’engouffre alors entre les deux ailes parfois sur toute leur hauteur.
tumorale est alors débutée en refoulant la tumeur d’avant en arrière, L’exérèse de ce prolongement impose un fraisage du massif
en réalisant si nécessaire une méatotomie moyenne, et en coagulant ptérygoïdien ou au moins de l’aile interne qui forme la paroi latérale
le pédicule sphénopalatin. Celui-ci n’est souvent pas clairement de la choane.
individualisable du fait des remaniements tumoraux et de L’extension dans les parties molles du cavum est difficile à visualiser
l’embolisation qui assèche véritablement l’artère sphénopalatine. S’il en peropératoire et il faut donc se résoudre à pratiquer l’exérèse des
existe un prolongement tumoral dans la fosse ptérygopalatine, son zones de prise de contraste au scanner. Ceci amène parfois à
exérèse sera recontrôlée après ablation de l’essentiel de la tumeur. squelettiser le toit du cavum en dessous du sinus sphénoïdal parfois
L’abord de cette fosse est en effet malaisé à ce stade. jusqu’au clivus. Latéralement, l’exérèse peut mener au foramen
Il faut alors évaluer si la tumeur a une large implantation sur l’arche déchiré dont l’orifice inférieur ne répond qu’à des insertions
choanale, voire sur le vomer. Si tel est le cas, la résection de la partie fibreuses.
postérieure de la cloison et du vomer, sans conséquence L’exérèse de la totalité de la tumeur est marquée par l’arrêt du
fonctionnelle, permet de basculer la tumeur sur son insertion saignement dans la cavité opératoire. Même les branches artérielles
postérieure (toit du cavum et plancher du sinus sphénoïdal) et sur de la carotide interne se spasment aisément, et il n’y a guère que les
son insertion latérale (aile interne de la ptérygoïde). Vis-à-vis de vaisseaux tumoraux qui demeurent béants et entretiennent le
l’envahissement dans le sinus sphénoïdal, celui-ci se fait non pas saignement, voire déclenchent une épistaxis parfois cataclysmique
par l’ostium mais par le canal ptérygoïdien, autrement dit par le dans les suites opératoires.
plancher du sinus sphénoïdal [16]. Le désenclavement de la tumeur
nécessite donc de réaliser une sphénotomie abaissée jusqu’au Afin d’éviter une nouvelle anesthésie pour déméchage, la cavité
plancher du sinus. Cette sphénotomie a de plus l’intérêt, en cas de opératoire est tapissée de mèches résorbables type Surgicelt.
sinus très pneumatisé, de préciser la situation de l’artère carotide Le patient subit ensuite un scanner de contrôle avec injection à j1 ou
interne dans le sinus, et même parfois la hauteur de sa portion j2. Si ce dernier est normal, il quitte alors le service vers le cinquième
horizontale intrapétreuse, ce qui présente un intérêt majeur en cas jour et est suivi durant quelques semaines pour des soins de cavité.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie du fibrome nasopharyngé 46-210

5 Vue anatomique de la
face. Tracé du volet osseux
au cours de la voie transfa-
ciale. Le pilier canin est pré-
servé, y compris lorsque
l’importance du développe-
ment latéral de la tumeur
impose une résection com-
plémentaire de la paroi pos-
térieure du sinus maxil-
laire.

*
A intercartilagineuses en dehors, rejoignant en bas l’orifice piriforme
et l’épine nasale dégagés par la voie sous-labiale. Afin d’éviter toute
sténose secondaire, l’incision vestibulaire a un aspect en « virole »,
l’incision intercartilagineuse se poursuivant en arrière vers le
plancher de la fosse nasale, puis revenant vers l’avant dans un plan
parasagittal vers l’épine nasale.
Le lambeau musculocutané jugal est ensuite décollé en sous-périosté
de façon à exposer la face antérieure du sinus maxillaire et les os
propres du nez du côté à opérer. En dehors, le cintre malaire est
dégagé ainsi que la partie toute externe de la paroi postéroexterne
du sinus, en réclinant soigneusement les parties molles de façon à
éviter que la boule graisseuse de Bichat ne vienne saillir dans le
champ opératoire et gêner la vision chirurgicale. En haut, le rebord
orbitaire inférieur est exposé de part et d’autre du nerf sous-
orbitaire, dont l’émergence est prudemment dégagée afin d’éviter
toute traction à son niveau. À la partie interne du plancher orbitaire,
le décollement s’arrête à la gouttière lacrymale. En bas et en dedans,
le bord externe de l’orifice piriforme est dégagé de haut en bas
jusqu’au plancher des fosses nasales. La lame mucopériostée inter-
sinusonasale est désinsérée avec l’attache du cornet inférieur et
réclinée en dedans vers la fosse nasale.
Depuis l’utilisation de l’endoscope pour compléter l’exérèse et afin
*
B de réduire l’incidence des séquelles, les dimensions du volet osseux
ont été réduites (fig 5). Auparavant, la nécessité d’une exposition
4 Abord du type « degloving ». aussi large que possible contraignait à déposer un volet fronto-naso-
A. Incision bivestibulaire. La face antérieure des maxillaires est exposée jusqu’à
l’émergence du nerf sous-orbitaire.
orbito-maxillaire avec section de la voie lacrymale et neurolyse du
B. Après incision transfixiante interseptocolumellaire et intertrianguloalaire, les nerf sous-orbitaire. Ceci exposait à une sténose secondaire des voies
tissus mous de la pyramide nasale sont réclinés vers le haut. L’intervention lacrymales, à des dysesthésies prolongées dans le territoire du nerf
se poursuit alors par la taille du volet osseux. sous-orbitaire et enfin à des troubles de croissance du massif facial.
Ce volet osseux transfacial doit permettre une exposition de la partie
En revanche, s’il existe la moindre prise de contraste suspecte, une la plus externe de la fosse infratemporale et permettre un contrôle
révision de la cavité opératoire est planifiée dans les 48 heures sous efficace de l’artère maxillaire interne. Il doit de plus être remis en
anesthésie générale. place en fin d’intervention afin de prévenir une asymétrie de
croissance verticale du maxillaire, voire la rétraction des parties
molles. C’est pourquoi les classiques voies d’abord à os perdu, type
VOIE TRANSFACIALE PAR « DEGLOVING » Rouge-Denker, sont déconseillées, d’autant qu’elles ne fournissent
La voie d’abord doit fournir une exposition large et adaptée avec un qu’une exposition très insuffisante.
préjudice esthétique minimal. Deux types d’incision sont possibles : Le tracé du volet passe en avant de la gouttière lacrymale. La voie
l’incision paralatéronasale et le degloving. Cette dernière a l’avantage lacrymale est donc laissée en place sans mobilisation, alors que son
d’éviter toute cicatrice cutanée tout en procurant une exposition canal osseux est sectionné franchement au-dessus du cornet
largement suffisante pour la plupart des tumeurs [5, 12, 24]. Elle associe inférieur. À la fraise de Lindemann, on réalise une ostéotomie
un abord vestibulaire bilatéral et un décollement de la pyramide horizontale sous le rebord orbitaire qui contourne l’orifice du nerf
nasale de type rhinoplastie (fig 4). sous-orbitaire et passe nettement au-dessous du niveau du canthus
Après infiltration du sillon vestibulaire et des tissus sous-cutanés de interne, immédiatement en avant du canal lacrymal, et se poursuit
la pyramide nasale, l’incision muqueuse bivestibulaire permet de en dedans vers l’os propre du nez. En dehors, elle se dirige vers le
dégager les orifices piriformes, l’épine nasale et la face antérieure corps du malaire. Elle devient alors oblique en bas et en dehors
des sinus maxillaires, et vient rejoindre les deux incisions réalisant une ostéotomie oblique du corps du malaire. Enfin, en bas,
vestibulaires ellipsoïdes, interseptocolumellaires en dedans et l’ostéotomie redevient horizontale sur la face antérieure du sinus

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46-210 Chirurgie du fibrome nasopharyngé Techniques chirurgicales

maxillaire et rejoint la portion inféroexterne de l’orifice piriforme. totalité de l’exérèse puisqu’elle fait référence à une imagerie
On prend soin chez l’enfant d’éviter les germes dentaires de même préopératoire. On imagine l’aide que pourrait représenter avant la
que l’apex de la canine. fermeture la réalisation d’un nouveau bilan d’imagerie. Cette
Avant de déposer le volet ainsi tracé, des trous pairs et transfixiants limitation est heureusement partiellement contournée par la
sont réalisés de part et d’autre du tracé, afin de permettre en fin possibilité de réaliser précocement un scanner postopératoire suivi
d’intervention sa contention par fils. Le volet facial est mobilisé le cas échéant d’une reprise par voie endoscopique dans une cavité
après avoir réalisé deux ostéotomies horizontales de la cloison inter- opératoire peu remaniée par les processus cicatriciels.
sinusonasale au ciseau droit frappé, respectivement à hauteur du Tout saignement se prolongeant doit faire suspecter la persistance
plancher de la fosse nasale et au-dessus du cornet inférieur. La d’un reliquat tumoral et conduire à une nouvelle exploration. On
cloison intersinusonasale se fracture et l’on dépose le volet facial. tapisse ensuite les parois de la cavité opératoire avec des pansements
Une fois le volet déposé, la lame mucopériostée intersinusonasale, résorbables afin d’éviter au maximum le traumatisme du
préalablement décollée de la paroi externe de la fosse nasale, est déméchage, douloureux et susceptible de déplacer le volet osseux.
incisée verticalement le long de l’orifice piriforme et le lambeau Le volet osseux est alors méticuleusement ostéosynthésé en utilisant
antérieur est refoulé contre la cloison. Il permet une couverture de préférence des sutures lentement résorbables afin de ne pas gêner
rapide du volet osseux remis en place. la surveillance radiologique ultérieure. On réamarre alors la sangle
La cloison intersinusonasale est alors réséquée jusqu’à la fissure musculaire péribuccale à l’épine nasale avant de suturer les incisions
ptérygopalatine, avec le cornet inférieur, en respectant en haut et en vestibulaires nasales et buccales.
avant la muqueuse du canal lacrymal. Ceci donne un jour large sur
Soins postopératoires
la tumeur. En fonction de l’extension à la fosse infratemporale, il est
alors le plus souvent nécessaire de réséquer la paroi postérieure du Des lavages des fosses nasales sont nécessaires durant plusieurs
sinus, voire la paroi postéroexterne du maxillaire supérieur et la semaines afin de limiter la formation de croûtes.
partie inférieure du contrefort malaire afin d’avoir un jour suffisant
sur la fosse infratemporale. Les éléments vasculaires, nerveux et AUTRES VOIES D’ABORD
graisseux de la fosse infratemporale peuvent alors être exposés. La
portion la plus externe de la tumeur est refoulée de dehors en ¶ Voies antérieures transmaxillaires
dedans à l’aide d’un décolleur. L’artère maxillaire interne se tend
alors et peut être clipée et sectionnée. En prenant garde à ne pas le Voie de Rouge-Denker [2]
morceler, tout le prolongement tumoral situé dans la fosse Cette voie vestibulaire transantronasale comporte une incision type
infratemporale est alors basculé de dehors en dedans jusque dans la Caldwell-Luc dépassant de 2 cm la ligne médiane, permettant après
fosse nasale, ce qui expose la face antérieure des ptérygoïdes. rugination du périoste la trépanation de la paroi antérieure du sinus
C’est au cours de ce temps opératoire qu’un éventuel prolongement maxillaire et la résection de la cloison intersinusonasale, ainsi que la
orbitaire par la fissure orbitaire inférieure doit être extrait d’arrière mobilisation de la cloison nasale, donnant ainsi accès après
en avant, en prenant garde à l’abaisser par rapport au nerf sous- trépanation de la paroi postérieure du sinus à la partie interne de la
orbitaire autour duquel il s’enroule. fosse infratemporale. En pratique, l’exposition procurée par cette
S’il existe un envahissement de la fosse ptérygoïdienne, le fraisage voie d’abord est exiguë par rapport à celle que procure le degloving.
des ailes de la ptérygoïde est nécessaire, poursuivi jusqu’à leur
racine. Au cours de ce temps de fraisage, deux repères sont utiles : Voie transmaxillonasale bilatérale par ostéotomie de Le Fort I
dans un premier temps le toit de l’arche choanale, puisque le Après incision vestibulaire bilatérale, rugination de la muqueuse du
fraisage peut être poursuivi jusqu’à cette hauteur sans risque, et plancher des fosses nasales et désinsertion du septum, l’ostéotomie
dans un second temps le nerf sous-orbitaire à sa sortie du foramen bilatérale permet l’abaissement du plateau maxillopalatin [19]. Cette
rond, dont la hauteur est un repère du plancher de l’étage moyen. voie, quoique séduisante par l’absence de séquelles esthétiques, ne
En arrière des ptérygoïdes, le foramen ovale se trouve dans l’axe de donne pas accès à la partie supérieure, postérieure et surtout externe
la racine de l’aile externe. La proximité du nerf maxillaire inférieur de la fosse infratemporale. De plus, l’accès postérieur est malaisé
est annoncée par les contractions des muscles masticateurs puisque le plateau a tendance à basculer vers le bas autour d’une
déclenchées par la coagulation. La réclinaison, voire la résection, du charnière postérieure.
muscle ptérygoïdien latéral permet de découvrir le IIIe ventricule et
l’artère méningée moyenne située juste en arrière du nerf. ¶ Voies d’abord transmandibulaires
Juste en dedans et en bas, un éventuel prolongement paratubaire est
habituellement aisément mobilisé et abaissé vers le cavum. La fin de Voie de Dingman et Conley [10]
l’exérèse a été rapportée précédemment à propos de la technique Par une incision arciforme menée de la pointe de la mastoïde à la
endoscopique. En fonction des données du scanner, l’exérèse doit symphyse mentonnière, on réalise une ostéotomie horizontale basse
être poursuivie vers le toit du cavum, voire latéralement vers le de la branche montante de la mandibule. L’accès à la région rétro-
foramen déchiré, emporter le cas échéant la partie postérieure du maxillomalaire et à la région ptérygoïdienne est satisfaisant, en
vomer et la face antérieure du sphénoïde. Le temps ultime de revanche l’accès à la région ptérygopalatine est malaisé. De plus,
l’exérèse est représenté par la section des dernières attaches elle entraîne la section du nerf alvéolaire inférieur.
muqueuses dans le cavum. En présence d’une masse tumorale
importante, ce temps est au mieux réalisé en glissant par voie Voie décrite par Legent et al [15]
endobuccale un doigt dans le cavum, ou en accouchant la tumeur On réalise, grâce à une incision préauriculaire poursuivie dans la
par l’oropharynx en rétractant le voile. région cervicale, une ostéotomie mandibulaire haute, au-dessus de
Une fois ce temps « macroscopique » d’exérèse réalisé, il est utile l’épine de Spix, permettant la conservation du nerf dentaire inférieur
d’inspecter la cavité opératoire à l’optique, en passant en revue et du nerf lingual. Là encore, le principal inconvénient de cette voie
méthodiquement chacune des régions anatomiques initialement réside dans la difficulté d’accès à la partie haute de la fosse
concernées par le processus tumoral. ptérygomaxillaire et de la région rétromaxillomalaire.
L’examen de la pièce permet théoriquement de s’assurer que le FNP
ne présente pas de zones cruentées témoignant de l’arrachement Voie de Biller ou voie cervicotransorale avec mandibulotomie
d’une digitation tumorale. Cependant, c’est l’expérience du médiane [3]
chirurgien qui, en dernier ressort, constitue le meilleur garant d’une Elle réalise un abord antéro-inférieur de la fosse infratemporale, la
exérèse complète. La navigation assistée par ordinateur telle qu’elle progression chirurgicale se faisant le long du ptérygoïdien médial.
se développe aujourd’hui ne permet pas encore de s’assurer de la L’incision cervicale est tracée de la pointe de la mastoïde jusqu’au

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Techniques chirurgicales Chirurgie du fibrome nasopharyngé 46-210

bord latéral du corps de l’os hyoïde et remonte en avant de la Brièvement, l’abord du rhinopharynx se fait par une grande incision
symphyse mentonnière, avec section labiale inférieure. Les gros en « C » rétroauriculaire, tracée 3 à 4 cm derrière le sillon
vaisseaux du cou sont disséqués et repérés. Après la réalisation de rétroauriculaire, démarrant en bas au niveau de l’angle mandibulaire
l’ostéotomie mandibulaire et incision de la muqueuse du plancher et poursuivie en « faucille » vers l’avant à l’aplomb du sourcil. La
buccal jusqu’au pilier antérieur du voile, l’hémimandibule est bifurcation carotidienne et la veine jugulaire interne sont exposées
réclinée en haut et en dehors en même temps que la glande sous- et repérées sur lacs. Le conduit auditif externe est suturé. Le facial
maxillaire et le mylohyoïdien libéré de ce dernier. On obtient un est repéré à son émergence du trou stylomastoïdien et le rameau
jour large sur la région ptérygoïdienne jusqu’au foramen ovale, voire frontal est suivi jusqu’à son croisement avec le zygoma. La peau du
sur la trompe d’Eustache et la paroi latérale du cavum. En revanche, conduit auditif externe, le tympan, l’enclume et le marteau sont
l’exposition de l’aile interne de la ptérygoïde ou de la fissure retirés et une pétrectomie subtotale est réalisée, respectant le
ptérygopalatine est barrée par la tubérosité maxillaire, dont le labyrinthe et squelettisant le facial depuis son genou jusqu’à sa
sacrifice paraît excessif s’agissant d’une pathologie bénigne ; de portion extracrânienne. Le muscle temporal est décroché de son
même l’abord d’un éventuel prolongement dans la fosse temporale insertion dans la fosse temporale et récliné vers l’avant et le bas.
est impossible. Cette voie par ailleurs très anatomique entraîne L’arcade zygomatique est sectionnée après avoir réalisé les trous
souvent un trismus sévère lié à la dissection des muscles nécessaires à son ostéosynthèse, et refoulée vers le bas. Le segment
ptérygoïdiens, voire au traumatisme de l’articulation vertical de l’artère carotide interne est squelettisé à la fraise
temporomandibulaire. diamantée en prenant garde à ne pas léser la cochlée. La paroi
antérieure du conduit auditif externe est fraisée, puis la capsule de
¶ Voies latérales transzygomatiques
l’articulation temporomandibulaire est libérée aux ciseaux et à la
Ces voies comprennent une incision temporofrontale, prolongée en bipolaire. Le ménisque est retiré et le condyle exposé. L’écarteur de
préauriculaire, qui permet la section de l’apophyse zygomatique. Fisch est alors mis en place, permettant de maintenir le condyle vers
Celle-ci est réclinée vers le bas avec le masséter. Le temporal peut le bas. La cavité glénoïde est alors fraisée, ce qui expose la dure-
alors être décollé de haut en bas et pédiculisé sur le coroné, ou à mère de l’étage cérébral moyen, qui est alors suivie en avant et en
l’inverse récliné vers le haut après section du coroné. Décrite par dedans. L’artère méningée moyenne est coagulée et sectionnée, de
Stricker [22], l’intérêt de cette voie pour les tumeurs bénignes de la même que le nerf mandibulaire. La portion osseuse de la trompe
fosse infratemporale a été souligné par Bordure et al [4]. d’Eustache est fraisée pour exposer la portion horizontale de l’artère
Cette voie peut être poursuivie en incision de parotidectomie, carotide interne, qui est suivie jusqu’au foramen déchiré. Le périoste
l’exposition est alors améliorée en réclinant le condyle mandibulaire de la racine de la ptérygoïde, de la grande aile du sphénoïde et de
vers le bas, et en fraisant le plancher de la fosse cérébrale moyenne. l’aile externe de la ptérygoïde est ruginé, ce qui décroche le muscle
Cette voie préauriculaire sous-temporale dérivée de l’intervention de ptérygoïdien latéral. La racine de la ptérygoïde est alors fraisée. Le
Sekhar [21], est largement détaillée dans le Rapport sur la fosse nerf vidien, qui résulte de la réunion du grand nerf pétreux
infratemporale [14]. Il s’agit d’une voie complexe, qui permet un superficiel et du nerf pétreux profond, est exposé, de même que la
contrôle de la base du crâne au prix de séquelles modérées, puisque, muqueuse sphénoïdale. En fonction des extensions tumorales, on
si le rameau frontal du facial peut être traumatisé, la cicatrice est procède :
peu visible et la surdité de transmission temporaire. La séquelle la
plus importante concerne l’articulé : un trismus prolongé est – en cas d’atteinte péritubaire, à une résection de la paroi latérale
possible, de même qu’une latérodéviation de la mandibule en cas du cavum après section des muscles ptérygoïdiens et fraisage de
de résection du condyle. l’aile interne de la ptérygoïde ;
Brièvement, l’incision frontotemporale en « faucille » est prolongée – en cas d’atteinte du sinus sphénoïdal et de la fissure
vers la région cervicale selon le tracé de la parotidectomie. Le tronc ptérygopalatine, au fraisage de la grande aile du sphénoïde,
du facial est disséqué et le rameau frontal est rabattu vers le bas. exposant la dure-mère de la fosse cérébrale moyenne, puis au
Notons que cette même voie d’abord peut être réalisée sans fraisage de la racine de la ptérygoïde ;
dissection du facial, ce qui raccourcit le temps opératoire, sous
– en cas d’atteinte parasellaire, la section du IIe ventricule permet
réserve que la dissection soit menée sous le plan de l’aponévrose
d’exposer la paroi latérale du sinus caverneux en réclinant le lobe
temporale, avec une rugination de la face profonde de l’apophyse
temporal.
zygomatique. L’arcade zygomatique est déposée en la sectionnant le
plus en avant possible et en la réclinant vers le bas avec le masséter. La fermeture est assurée en basculant un lambeau de muscle
Le coroné est sectionné à sa base et le muscle temporal est alors temporal dans la cavité opératoire, puis en effectuant l’ostéosynthèse
basculé vers le haut. Enfin, le condyle mandibulaire est luxé après de l’arcade zygomatique et en comblant les cavités mastoïdiennes
ouverture de l’articulation. En fait, il est souvent nécessaire de le par un lambeau occipital ou de la graisse abdominale.
réséquer. Le toit de la région infratemporale est fraisé après avoir Indépendamment de la complexité de cette voie et des séquelles
été ruginé jusqu’à exposer la dure-mère : ceci revient à fraiser la qu’elle entraîne, l’abord sphénoïdal est là encore très limité.
racine du zygoma, puis la grande aile du sphénoïde jusqu’à la racine
des ptérygoïdes. Après identification de l’artère méningée moyenne ¶ Voie transbasale ou sous-faciale
et du IIIe ventricule, le fraisage de la racine des ptérygoïdes conduit
au foramen rond, à la fissure ptérygopalatine et à la paroi latérale Nous renvoyons le lecteur aux autres chapitres de ce traité décrivant
du cavum. La fermeture comprend le comblement de la cavité cette voie d’abord. Ces voies d’abord ne sont justifiées que dans les
opératoire par un lambeau de temporal ou de la graisse, la rares extensions massives à l’étage antérieur. Elles présentent
reposition du temporal avec ostéosynthèse du coroné et l’inconvénient de sacrifier l’olfaction.
l’ostéosynthèse du zygoma.
Notons que du fait de son obliquité, cette voie d’abord permet un
contrôle satisfaisant du cavum et de la fosse infratemporale. En Cas particulier de l’extension
revanche, l’exposition de la majeure partie du sinus sphénoïdal est
ici impossible. intracrânienne
Certains réalisent cet abord latéral au prix d’une pétrectomie
antérieure : c’est la voie infratemporale de type C de Fisch [11]. Grâce aux progrès de l’imagerie, l’extension intracrânienne concerne
L’inconvénient principal de cette voie d’abord réside dans la surdité aujourd’hui peu de FNP. Pendant longtemps, ces tumeurs étaient
de transmission de 60 à 80 dB qu’elle engendre du fait de l’ablation considérées comme au-delà de toute ressource thérapeutique. Si une
du système tympano-ossiculaire et du comblement des cavités de exérèse partielle était tentée, celle-ci laissait en place un reliquat
l’oreille moyenne. tumoral qui, s’il était parfois susceptible d’involuer, pouvait tout

7
46-210 Chirurgie du fibrome nasopharyngé Techniques chirurgicales

autant être à l’origine d’une récidive. Les progrès de l’imagerie, de massives du sinus caverneux, habituellement par voie antéro- ou
l’embolisation et des techniques chirurgicales ont permis que inférocaverneuse, avec parfois engainement du nerf optique. Dans
certaines extensions intracrâniennes puissent bénéficier d’un ces situations actuellement exceptionnelles, la plupart des opérateurs
traitement radical. refusent de pratiquer une chirurgie mutilante. En effet, les
En pratique, les extensions latérocaverneuses sont en général dissections des éléments du sinus caverneux sont théoriquement
extradurales [1], externes au sinus caverneux, et leur exérèse peut être possibles puisque celui-ci n’est pas constitué, comme on l’a souvent
réalisée par voie latérale, voire par voie antérieure [9], sans qu’un décrit, d’un lac sanguin baignant les nerfs oculomoteurs et la
double abord antérieur et latéral doive être envisagé [6] . Les carotide interne, mais plutôt d’un réseau plexiforme de veines
extensions antérocaverneuses peuvent dans certains cas être entourant la carotide interne et les nerfs oculomoteurs [23]. Cependant
désenclavées par voie antérieure. Les extensions médiocaverneuses dans le cadre des FNP, l’adhérence tumorale est telle que le risque
sont contrôlées par abord antérieur du sphénoïde au mieux sous d’ophtalmoplégie voire de cécité peut être considéré comme majeur.
guidage endoscopique. Le vrai problème est celui des atteintes Ces patients sont pour la plupart pris en charge par radiothérapie.

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8
¶ 46-160

Chirurgie du sinus frontal


(tumeurs et traumatismes exclus)
A. Jimenez-Chobillon, R. Jankowski

Le sinus frontal est sans doute celui qui pose le défi le plus sérieux aux chirurgiens du nez et des sinus ; non
seulement par l’anatomie complexe de ses voies de drainage, ou par la proximité de structures vitales qui
peuvent rendre difficile la dissection à ce niveau, mais aussi par la difficulté à obtenir des résultats
fonctionnels régulièrement satisfaisants. D’ailleurs, la diversité des techniques chirurgicales dans le
traitement des pathologies frontales témoigne de cette difficulté. Ce chapitre a pour objectif de présenter
les principales techniques chirurgicales employées dans le traitement des pathologies non tumorales et
non traumatiques du sinus frontal. Les techniques décrites s’adressent essentiellement à la sinusite
frontale chronique, pathologie qui très souvent est étroitement liée à une affection ethmoïdale antérieure
ou à des antécédents chirurgicaux au niveau du récessus frontal. Ainsi, deux grandes catégories de
techniques chirurgicales ont été décrites. Les premières sont dites de reperméabilisation et visent
directement à rétablir une voie de drainage et de ventilation des cavités frontales. Actuellement, un grand
nombre de ces techniques de reperméabilisation sont réalisées par voie endoscopique, ce qui permet en
général de diminuer la morbidité chirurgicale. Cependant, des indications persistent pour certaines
techniques de reperméabilisation par voie externe. À l’opposé, lorsqu’il n’est plus possible de
reperméabiliser et de rétablir un drainage physiologique, on peut employer des techniques d’exclusion
sinusienne par comblement. La muqueuse du sinus est alors éradiquée dans sa totalité, le sinus est
comblé par un matériel biologique ou synthétique, et toute communication nasofrontale est oblitérée.
Une autre technique qui en général n’est pas très accessible à l’oto-rhino-laryngologiste est la
crânialisation des sinus frontaux. Cette dernière en effet nécessite une collaboration étroite avec une
équipe neurochirurgicale. Quelle que soit la technique choisie, les résultats ne sont pas toujours à la
hauteur de la performance technique, et chacune peut présenter un certain nombre de complications. La
chirurgie du sinus frontal reste aux chirurgiens experts.
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Mots clés : Sinus frontal ; Chirurgie du sinus frontal

Plan ¶ Exclusion des sinus frontaux 11


Comblement sinusien par voie ostéoplastique 11
¶ Introduction 1 Crânialisation 12

¶ Anatomie chirurgicale du sinus frontal et de ses voies ¶ Conclusion 13


de drainage 1
¶ Infiltration et méchage préopératoire 4
¶ Chirurgie conservatrice du tractus de drainage frontonasal : ■ Introduction
trépanation et irrigation frontale par le clou de Lemoyne 4 Après une brève description de l’anatomie chirurgicale du
¶ Reperméabilisation chirurgicale du tractus de drainage sinus frontal et de ses voies de drainage, nous discuterons des
frontonasal par voie endoscopique 5 différentes techniques chirurgicales qui s’adressent à la patho-
Unciformectomie 5 logie frontale non tumorale et non traumatique. Celles-ci sont
Techniques de Draf 5 généralement employées par ordre de complexité croissante, et
Sinusotomie frontale transseptale par voie endoscopique 7 elles trouvent en général leur indication dans l’échec de la ou
des techniques précédentes.
¶ Reperméabilisation par voie externe du tractus de drainage
frontonasal 7
Incisions 7 ■ Anatomie chirurgicale du sinus
Volets osseux 9
Reperméabilisation et élargissement du tractus de drainage
frontal et de ses voies de drainage
nasofrontal 9 On ne peut prétendre parler de chirurgie du sinus frontal, ou
Calibrage et lambeaux muqueux du tractus de drainage frontonasal 10 de ses voies de drainage, sans d’abord revoir certains aspects de

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 1


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

du sinus ethmoïdal est donc formé par l’extension médiane de


la portion horizontale de l’os frontal et partiellement par cette
lamelle latérale de l’ethmoïde qui peut être plus ou moins
verticale en fonction de la profondeur de la fosse olfactive. [5]
Il est crucial de signaler que le toit ethmoïdal, et particuliè-
rement l’extension médiale de l’os frontal, se trouve générale-
ment situé plus haut que la lame criblée. De ce fait, la lamelle
latérale prend une position plus ou moins verticale et devient,
en continuité avec la lame des cornets décrite par Mouret, [6]
une partie de la paroi médiale ou turbinale [7] du labyrinthe
ethmoïdal ; elle constitue également la paroi latérale de la fosse
olfactive contenant le bulbe olfactif. [1] Il en découle que, plus
la différence de hauteur entre toit ethmoïdal et lame criblée est
importante, plus la lamelle latérale est verticale et longue. Cette
dernière est constituée par un os extrêmement fin (0,2 mm
d’épaisseur) et peu résistant, et la dure-mère qui la recouvre sur
sa face médiane est aussi beaucoup plus fine. Les risques de
brèche méningée sont donc importants à ce niveau, surtout à
l’endroit où l’artère ethmoïdale antérieure pénètre dans la fosse
olfactive. [8] Keros [5] a classifié les différentes configurations du
toit ethmoïdal en fonction de la longueur de la lamelle latérale
dans l’ethmoïde antérieur, et donc de la distance verticale qui
existe entre le toit ethmoïdal et la lame criblée (Fig. 2). Dans le
type 1 de Keros, cette lamelle latérale mesure entre 1 et 3 mm :
le toit ethmoïdal et la lame criblée sont pratiquement à la
même hauteur. Dans le type 2, la lamelle latérale mesure entre
4 et 7 mm, et dans le type 3 elle mesure entre 8 et 16 mm,
Figure 1. Anatomie du sinus frontal. 1. Sinus frontal ; 2. bec nasofron- indiquant que le toit ethmoïdal est beaucoup plus haut que la
tal ; 3. cornet moyen ; 4. cornet supérieur ; 5. cornet suprême ; 6. cornet lame criblée et que la fosse olfactive est profonde et étroite. Le
inférieur ; 7. sinus sphénoïdal. danger chirurgical apparaît donc potentiellement plus impor-
tant chez des patients présentant une configuration du type
3 de Keros. [2, 5]
l’anatomie chirurgicale de cette région. En effet, l’anatomie Les sinus frontaux se développent à partir des cellules
complexe du sinus frontal et surtout de ses voies de drainage est ethmoïdales antérosupérieures logées dans la zone du récessus
responsable en grande partie des difficultés techniques et des frontal, ou directement d’une extension du récessus frontal lui-
complications qui se présentent lorsque l’on opère cette région. même. Ils forment classiquement deux cavités plus ou moins
Le sinus frontal de chaque côté se trouve inclus dans l’os pneumatisées, généralement asymétriques, séparées par une
frontal qui est constitué par une portion verticale antérieure, et
cloison intersinusienne. Un sinus frontal peut mesurer entre
une portion horizontale inférieure et postérieure. La première
5 et 66 mm en hauteur, et entre 17 et 49 mm en largeur, [9]
forme la paroi antérieure de la fosse crânienne antérieure et
avec une profondeur moyenne de 20,5 mm. [1] La paroi anté-
dessine le contour du front (Fig. 1). C’est aussi dans cette
portion verticale que les sinus frontaux se développent grâce au rieure du sinus est deux fois plus épaisse et résistante, contenant
processus de pneumatisation pendant la croissance. En revan- plus d’os diploïde, que la paroi postérieure qui est néanmoins
che, la portion horizontale forme une lame osseuse plus fine, celle qui sépare la cavité sinusienne de la fosse crânienne
non diploïde, qui constitue le plancher de la fosse crânienne antérieure. [10] Il est important de noter que les parois supé-
antérieure, le toit de l’orbite et le toit du sinus ethmoïdal. [1] rieure et postérieure du sinus frontal sont traversées par des
Elle s’articule médialement par une fine lame osseuse verticale canaux osseux microscopiques (canaux de Breschet), qui sont
à la lame criblée. Ce prolongement osseux, qui reçoit le nom de revêtus de muqueuse, et à travers lesquels passent des veines de
« lamelle latérale de l’ethmoïde » dans la littérature anglo- petit calibre pour drainer la muqueuse sinusienne vers la diploé
saxonne, [1-4] s’articule médialement avec la lame criblée. Le toit frontale et vers les sinus de la dure-mère. [1, 11]

Figure 2. Configuration du toit ethmoïdal selon Keros.

2 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

Figure 3. Tractus de drainage du sinus frontal.


Figure 4. Classification des cellules frontales selon Kuhn.

Le plancher du sinus frontal est formé latéralement par le toit


l’apophyse unciforme. [17, 18] L’ostium du sinus frontal se
de l’orbite, qui s’incline en direction médiale et postéro- trouvera le plus souvent en dedans d’elle, plus rarement en
inférieure, formant ainsi l’infundibulum frontal, espèce dehors. Cela dépend de l’insertion supérieure de l’apophyse
d’entonnoir osseux qui débouche sur l’ostium frontal. [1, 2] Cette unciforme qui, selon ce qu’a décrit Stammberger, peut s’insérer
partie médiale du plancher sinusien est étroite, et généralement directement sur la lame papyracée, sur la base de crâne ou sur
constituée d’os compact qui s’épaissit en avant vers l’union des la lame des cornets. Quand l’insertion se fait sur la lame
os frontaux avec les os propres du nez, le septum osseux papyracée, l’ostium frontal sera immédiatement médial à la
inférieurement et la glabelle en avant. Cette formation osseuse lame supra-infundibulaire. En revanche, quand l’insertion
qui sépare les deux infundibulums nasofrontaux sur la ligne unciformienne se fait directement sur la base de crâne ou sur la
médiane prend une forme triangulaire sur une coupe sagittale lame des cornets, l’ostium sera placé latéralement. [2, 19]
passant par le septum nasal, et est appelée le « bec » L’apophyse unciforme, et notamment sa portion supérieure,
nasofrontal. [12-14] est un repère anatomique important dans l’ethmoïde antérieur,
Le drainage du sinus frontal s’effectue à travers trois régions qui se trouve divisé en deux systèmes cellulaires par cette
anatomiques distinctes qui ensemble constituent le tractus de structure. Latéralement, entre la paroi orbitaire et l’apophyse
drainage du sinus frontal (Fig. 3). Le terme de canal nasofrontal unciforme, on identifie le système cellulaire unciformien. La
est erroné, [2, 15] car il s’agit plutôt d’un complexe anatomique cellule plus antérieure de ce système correspond à l’agger nasi,
qui est formé par l’infundibulum frontal, l’ostium frontal et le et la cellule supérieure peut pneumatiser plus ou moins l’os
récessus frontal. Ce tractus a globalement la forme d’un sablier frontal pour former une cellule ou bulle frontale, qui, dans
(clepsydre), dont la partie supérieure est formée par l’infundi- certains cas, peut être la cause d’une sténose du tractus de
bulum frontal ; l’ostium frontal, qui est la partie la plus étroite drainage du sinus frontal. Le deuxième système cellulaire est
du tractus, forme le col, et le récessus frontal qui prend en appelé système méatique, et se trouve entre la lame du cornet
général la forme d’un cône inversé forme la partie inférieure. [1] moyen et l’apophyse unciforme. [17] La cellule antérieure de ce
Ce dernier est situé anatomiquement entre la lame des cornets système correspond le plus souvent au sinus frontal, bien que
médialement, la lame papyracée latéralement, l’agger nasi ou comme on l’a décrit précédemment, le sinus puisse parfois se
des cellules ethmoïdofrontales en avant, et la racine cloison- drainer dans le système unciformien, et parfois même être plus
nante de la bulle ethmoïdale avec l’artère ethmoïdale en postérieur et déboucher juste au-dessus de la bulle ethmoï-
arrière. [1] Le calibre du récessus frontal dépend largement de la dale. [1] Cette description anatomique revêt toute son impor-
pneumatisation des cellules de l’agger nasi en avant et des tance dans les cas de sinusite chronique où l’objectif chirurgical
cellules de la bulle ethmoïdale en arrière. Si cette pneumatisa- est d’améliorer le drainage tout en préservant au maximum la
tion est étendue, le récessus frontal est étroit et ressemble muqueuse, ainsi qu’une anatomie harmonieuse.
effectivement à un « canal nasofrontal ». Le système cellulaire frontoethmoïdal a été aussi décrit par
Des études endoscopiques récentes ont permis de détailler Kuhn (Fig. 4) qui divise ces cellules en six groupes régionaux
avec plus de précision l’anatomie de l’ethmoïde antérieur et du distincts. On remarque ainsi la présence des cellules de l’agger
récessus frontal. Yoon et al. [16] décrivent l’union de la portion nasi, des cellules supraorbitaires, des cellules frontales, des
supérieure de l’apophyse unciforme avec la partie supérieure de cellules de la bulle frontale, des cellules suprabullaires et
la paroi antérieure de la bulle ethmoïdale comme une lame finalement des cellules de la cloison interseptale du sinus
osseuse sagittale. Cette structure constante est nommée lame frontal. [20, 21] Les cellules frontales sont celles qui, selon Kuhn,
supra-infundibulaire, et correspond à la racine cloisonnante de peuvent causer le plus d’obstruction au drainage frontonasal.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 3


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

Elles sont ainsi divisées en quatre types, à savoir :


• le type K1 (ou Kuhn 1) est une cellule unique au-dessus du
■ Chirurgie conservatrice
système cellulaire de l’agger nasi, qui ne s’étend pas dans le du tractus de drainage
sinus frontal ;
• le type K2 est constitué par des cellules multiples situées aussi
frontonasal : trépanation
au-dessus de l’agger nasi sans extension dans le sinus frontal ; et irrigation frontale par le clou
• le type K3 est une seule cellule de l’agger nasi avec extension
dans le sinus frontal ; de Lemoyne
• le type K4 est une cellule isolée située complètement dans le
sinus frontal. Malgré le développement des nouvelles techniques de chirur-
Ainsi on peut facilement en déduire que les cellules K1 ou gie endoscopique, le récessus frontal reste toujours une zone
K2 sont plus faciles à disséquer par voie endonasale que les difficile d’accès, et l’identification de l’ostium frontal peut
cellules K3 ou K4 qui peuvent parfois s’étendre trop supérieure- parfois être difficile, notamment lors des chirurgies de révision.
ment dans la cavité sinusienne. [20, 21] Plusieurs auteurs européens et d’outre-Atlantique emploient la
trépanation frontale avec pose de minitrépan ou clou sinusien
pour réaliser par la suite une irrigation sinusienne à travers
celui-ci. [14, 22] Cela permet de repérer avec certitude l’ostium
■ Infiltration et méchage frontal lors d’une chirurgie endoscopique et de réaliser des
préopératoire lavages sinusiens per- et postopératoires. Cette technique a en
fait été décrite en 1947 par Lemoyne dans le traitement des
Avant tout geste sur le nez et les sinus, qu’il soit effectué par sinusites frontales aiguës bloquées. [23-25]
voie endonasale ou externe, il est important d’effectuer une La technique en elle-même est simple. Avant la trépanation,
infiltration d’anesthésique avec vasoconstricteur au niveau de la il est impératif d’avoir des images radiologiques ou scanogra-
région anatomique opérée. La description suivante est basée sur phiques des sinus. Le chirurgien doit être certain de la présence
notre expérience et semble nous donner un contrôle satisfaisant du sinus frontal, et doit par ailleurs évaluer ses dimensions
du saignement dans plus de 90 % des cas. verticale et antéropostérieure. Le geste est contre-indiqué si le
Pour l’infiltration externe, 0,25 mg d’adrénaline sont dilués sinus frontal ne dépasse pas le rebord orbitaire supérieur ou est
dans 20 ml de solution de lidocaïne à 1 %. De manière systé- hypoplasique. [22] La taille du clou est choisie en fonction de
matique on réalise un bloc nerveux avec une aiguille fine dans l’épaisseur cutanée et des dimensions antéropostérieures du
le territoire des nerfs supraorbitaires, supratrochléaires, et sinus.
infraorbitaires. Par la suite, le sillon nasogénien et le nasion La pose du clou peut être faite facilement sous anesthésie
sont infiltrés pour rétracter l’artère angulaire du nez et l’artère locale. Après l’antisepsie conventionnelle, on infiltre les nerfs
frontale interne, puis on termine par une infiltration de la tête supraorbitaire et supratrochléaire, ainsi que de la zone glabel-
des cornets inférieurs et enfin du septum avec la même solu- laire. Par la suite on trace au feutre une ligne horizontale reliant
tion. Si une incision externe est prévue, le trajet de celle-ci est les deux encoches sus-orbitaires et une autre ligne verticale
infiltré avec la même solution. médiane. On obtient ainsi un angle droit. En traçant la bissec-
Un méchage nasal est ensuite effectué avec des compresses trice, on obtient deux triangles ; la trépanation se fera sur la
stériles de petite taille imbibées d’une solution préparée bissectrice ou dans le triangle inférieur (Fig. 5), le point de
extemporanément avec 0,25 mg d’adrénaline dilués dans 72 ml perforation osseuse étant choisi en fonction de la taille du
(trois flacons 24 ml) de solution de lidocaïne 5 % à la napha- sinus. [22, 23] Certains auteurs font leur incision systématique-
zoline. La totalité des fosses nasales est méchée. ment sur l’extrémité médiale du sourcil. [14] Une fois que l’on a

Figure 5. Clou de Lemoyne.


A. 1. Zones de trépanation pour
pose de clou de Lemoyne.
B. Clou de Lemoyne en place.
1. Sinus frontal ; 2. bec nasofrontal.

4 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

choisi le point de ponction, on effectue une petite incision


cutanée transversale de 2 mm de longueur avec un bistouri
lame 11. Celle-ci doit s’étendre jusqu’au périoste. La trépanation
osseuse s’effectue ensuite à l’aide, soit d’une vrille manuelle, soit
d’une mèche sur moteur. [22] L’orifice de trépanation est souvent
plus facilement retrouvé, après retrait du foret ou de la mèche,
à l’aide du mandrin du clou de Lemoyne. Il faut alors mémori-
ser sa localisation pour réinsérer l’ensemble clou-mandrin. Le
clou en place, on retire le mandrin et on le remplace par une
seringue. On réalise alors une aspiration pour contrôler la
position adéquate dans le sinus. Si du pus est aspiré, des
prélèvements peuvent être envoyés pour étude bactériologique.
On peut ensuite effectuer des irrigations au sérum physiologique
pour débloquer l’ostium et le récessus frontal, ou bien sous
contrôle endoscopique repérer l’ostium frontal. Dans ce dernier
cas la solution peut être colorée avec de la fluorescéine [14] ou Figure 6.
du bleu de toluidine pour éviter toute confusion avec un A. Création d’une synéchie reliant le cornet moyen au septum selon la
éventuel écoulement de liquide céphalorachidien (LCR). Si technique de Bolger. 1. Synéchie ; 2. cornet moyen ; 3. cornet inférieur.
nécessaire, le clou est fixé à la peau à l’aide de bandelettes B. Variante technique : synéchie par un lambeau de muqueuse septale
adhésives, et laissé en place en moyenne 2 à 5 jours pour placé sur la face latérale de la lame des cornets. 1. Cornet moyen
réalisation de lavages pluriquotidiens, qui seront arrêtés lorsque sectionné ; 2. lambeau de muqueuse septale.
le liquide de recueil sera propre et la perméabilité satisfaisante.
Les complications de ce geste sont rares. La pénétration dans
la fosse crânienne antérieure ne devrait pas exister si l’évalua- récessus frontal et respect de l’intégrité muqueuse de l’ostium
tion préopératoire est faite convenablement. Parfois l’incision naturel du sinus frontal. [12, 20, 28] Les cellules des systèmes
peut être hémorragique, surtout si l’un des vaisseaux supraorbi- unciformien et méatique, de l’agger nasi, et de la bulle ethmoï-
taires est atteint. D’autres complications sont l’infection cutanée dale sont exentérées, ainsi que toute cellule frontoethmoïdale.
au site de ponction, l’ostéite, et la cellulite qui peut résulter de Les limites de la dissection sont donc la lame papyracée
lavages réalisés à des pressions trop élevées. [22, 26] latéralement, la lame des cornets médialement, la base du crâne
en haut et en arrière, l’union de l’os propre du nez avec l’os
■ Reperméabilisation chirurgicale frontal en avant et l’ostium et le plancher du sinus frontal
supérieurement. [28]
du tractus de drainage frontonasal Après l’unciformectomie, cette technique est la moins
par voie endoscopique agressive des techniques endoscopiques s’adressant au sinus
frontal. Cependant, c’est aussi une technique qui permet de
Toutes les techniques endoscopiques dans le traitement de la résoudre une grande partie des sinusites frontales chroniques,
pathologie chronique du sinus frontal visent à reperméabiliser car celles-ci sont souvent causées par un blocage du drainage au
son tractus de drainage. Elles reposent surtout sur l’hypothèse niveau du récessus nasofrontal. La morbidité est faible, surtout
que souvent la pathologie frontale chronique a une origine dans des mains expérimentées.
ethmoïdale. L’élimination de la pathologie au niveau du Les risques potentiels comprennent : la lésion de l’artère
récessus frontal permet souvent de rétablir un drainage frontal ethmoïdale antérieure, l’effraction de la lame papyracée avec
satisfaisant, tout en respectant la muqueuse ostiale. [19] formation d’hématome intraorbitaire et la brèche méningée par
Le principal avantage des techniques endoscopiques est pénétration de la lamelle latérale de l’ethmoïde. [20]
qu’elles présentent une morbidité diminuée par rapport aux La complication la plus fréquente est la formation de syné-
techniques externes. L’éventuelle lésion des nerfs supratro- chies entre la lame des cornets et la paroi latérale nasale. La
chléaires et supraorbitaires est évitée, et l’innervation sensitive latéralisation de la lame des cornets sur la paroi orbitaire peut
du front est donc respectée. Il existe aussi l’avantage esthétique entraîner une resténose du tractus de drainage nasofrontal avec
puisqu’il n’existe pas de cicatrice externe. Un dernier avantage
récurrence de la pathologie frontale. [29] La fibrose et les
non moins important est que le résultat chirurgical des techni-
remaniements cicatriciels au niveau de l’ostium peuvent aussi
ques endoscopiques peut être suivi à long terme, de manière
compromettre le drainage sinusien, et sont souvent la cause
régulière et sous vision directe, en effectuant des contrôles
d’une récidive de la sinusite frontale chronique. Pour éviter
endoscopiques périodiques en consultation. [15]
l’adhésion du cornet moyen contre la paroi orbitaire, plusieurs
techniques ont été décrites.
Unciformectomie
Un premier geste à discuter en cas de sinusite ethmoïdofron- Technique de Bolger ou création d’une synéchie entre
tale non répondante au traitement médical est une simple le cornet moyen et le septum nasal (Fig. 6)
unciformectomie. En effet, souvent cela permet d’améliorer le Celle-ci s’obtient en réalisant une érosion de la surface
drainage et la ventilation des cellules de l’ethmoïde antérieur, médiale de la tête du cornet moyen ou de la lame des cornets
éliminant ainsi la pathologie inflammatoire qui provoque lorsque le cornet moyen a été réséqué et une érosion de la
l’obstruction du tractus de drainage frontonasal. [19] muqueuse septale à la même hauteur. Une synéchie se produit
ainsi lors de la cicatrisation de ces deux surfaces érodées en
Techniques de Draf opposition, et la lame des cornets est retenue médialement. [29]
Si la pathologie ethmoïdofrontale persiste, le chirurgien doit Nous utilisons plus souvent une variante technique (Fig. 6A)
envisager un geste plus étendu, notamment au niveau du qui consiste à remplacer l’érosion simple de la muqueuse septale
récessus frontal qui est la portion inférieure du tractus de par la levée d’un petit lambeau muqueux dont le pédicule
drainage frontonasal. Draf a classifié en trois catégories les inférieur reste attaché à la cloison et dont l’extrémité libre est
techniques endoscopiques qui s’adressent plus directement au placée sur la face latérale ou le bord libre de la lame des cornets.
tractus de drainage du sinus frontal. [27, 28]
Lambeau d’insertion turbinale ou lambeau axillaire (Fig. 7)
Technique de Draf I, ou « canalisation » Un lambeau rectangulaire à charnière postérieure est initiale-
endoscopique du récessus frontal ment élevé à partir de la muqueuse de la face antérieure et
Celle-ci n’est rien d’autre qu’une ethmoïdectomie antérieure médiale du cornet moyen directement au-dessus de son inser-
complète par voie endoscopique, avec dissection méticuleuse du tion et de l’arc que cette dernière forme avec la branche

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 5


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

Figure 7.
A. Lambeau d’insertion turbinale. 1. Nouvel arc d’insertion du cornet moyen ; 2. lame papyracée ; 3. lambeau de muqueuse turbinale replié sur la face latérale
du cornet ; 4. cornet inférieur ; 5. ostium sphénoïdal ; 6. trompe d’Eustache.
B. Variante technique : lambeau de muqueuse de la branche montante du maxillaire pour revêtir la partie antérieure et latérale du récessus frontal disséqué.
1. Branche montante du maxillaire (os à nu) ; 2. lambeau muqueux ; 3. lame papyracée ; 4. méatotomie moyenne ; 5. cornet supérieur ; 6. ostium sphénoïdal ;
7. cornet moyen ; 8. cornet inférieur.

montante du maxillaire. Le lambeau est repoussé en arrière en


exposant ainsi l’os. Après l’ethmoïdectomie antérieure et la
dissection du récessus frontal, l’os de l’arc d’insertion du cornet
est rongé de quelques millimètres vers le haut à l’aide d’une
pince de Kérisson ou d’une fraise électrique, et l’os de la lame
des cornets est mis à nu sur sa face latérale. Le lambeau
muqueux turbinal est ramené vers l’avant et replié sur le bord
antérieur du nouvel arc osseux, puis il est réétalé pour couvrir
la face latérale de la lame des cornets. Ce lambeau revêt ainsi le
nouvel arc d’insertion du cornet, et a pour but d’éviter l’acco-
lement de la lame des cornets contre la lame papyracée. [30, 31]
Nous utilisons une variante technique (Fig. 7A) qui consiste
à prélever un lambeau muqueux vertical sur la branche mon-
tante du maxillaire, en avant de l’insertion du cornet moyen sur
la paroi latérale, dont le pédicule supérieur reste attaché en
avant de l’insertion de la lame des cornets. Le bord antérieur du
lambeau est facilement découpé à l’aide du bistouri falci-
forme qui en même temps sert pour décoller le lambeau en
sous-périosté à travers cette incision antérieure. Une fois que
toute la surface du lambeau a été décollée, le même bistouri
falciforme sert à détacher les incisions postérieure et inférieure
en incisant à partir du plan sous-périosté vers la surface du
lambeau. Ce dernier est finalement récliné vers la cavité
d’ethmoïdectomie pour tapisser la surface latérale de la lame des
cornets.

Technique de Draf II ou sinusotomie frontale


par voie endoscopique
Dans cette technique, l’ostium naturel du sinus frontal est
élargi directement aux dépens du plancher sinusien. Il existe
deux variantes du procédé de Draf II :
• le Draf IIA consiste à effectuer l’exentération de toutes les
cellules du récessus frontal, et par la suite à élargir l’ostium
en fraisant le plancher sinusien entre la lame papyracée et la
lame des cornets ; [12, 27, 28]
• le Draf IIB est conçu de la même manière, mais le fraisage du
plancher sinusien s’étend de la lame papyracée jusqu’au
septum nasal [12, 27, 28] (Fig. 8A).
Dans la technique de Draf II, la canalisation du récessus
frontal avec exérèse de toutes les cloisons formant les cellules
ethmoïdofrontales est nécessaire avant de procéder au fraisage Figure 8.
du plancher sinusien. La lame papyracée sert comme limite A, B, C. Techniques de Draf IIb et Draf III. 1. Fraisage du bec nasofrontal ;
latérale de la dissection et du fraisage ultérieur. Il est crucial 2. fraise protégée angulée à 70° ; 3. fenêtre septale.
d’identifier correctement la base du crâne qui sera la limite
postérieure de la dissection. La muqueuse de la paroi postérieure
du sinus frontal doit être préservée chaque fois que cela est l’artère ethmoïdale antérieure. [27, 28] La dissection de cette
possible car d’une part cela servira à guider la cicatrisation du région est réalisée plus facilement à l’aide d’un endoscope
néocanal, et d’autre part cela permettra au chirurgien de se angulé à 30° et des fraises et canules angulées spécifiquement
maintenir éloigné de la paroi postérieure du sinus frontal et de créées pour cette région [32, 33] (Fig. 8C).

6 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

Un avantage de la technique de Draf II est qu’elle permet lavages. Cela permet d’éliminer les caillots sanguins et de
d’obtenir un élargissement du tractus de drainage nasofrontal réduire la formation de croûtes lors des premières étapes
avec une morbidité réduite. Elle permet aussi de traiter des postopératoires. [14]
problèmes de sinusite frontale unilatérale tout en respectant le Le principal avantage de la chirurgie de Lothrop par voie
côté opposé. [28] Il est recommandé cependant de réserver cette endoscopique est qu’aucune incision externe n’est pratiquée
technique à des cas où les dimensions antéropostérieures du alors que l’on obtient l’ouverture anatomique la plus large
sinus frontal sont suffisantes pour permettre la création d’un possible. [13, 28, 35] Cette technique est une excellente ressource
néo-ostium qui aura au minimum 5 mm de diamètre, car dans lorsque l’on fait face à une sinusite frontale chronique rebelle
les cas contraires, les risques de resténose semblent très au traitement médical et où d’autres techniques chirurgicales
importants. [28] ont échoué. Elle a même été employée dans certains cas d’échec
d’une chirurgie de comblement sinusien pour rétablir un
Technique de Draf III ou Lothrop endoscopique drainage nasofrontal large. [11, 14, 39]
Cette technique est indiquée en cas d’échec des techniques Elle a cependant des limites, et ne doit pas être effectuée
précédentes dans le traitement des sinusites frontales chroni- quand la dimension antéropostérieure des sinus frontaux est
ques rebelles (Fig. 8). [11-14, 27, 28, 31, 34-43] étroite car cela met en danger la base de crâne antérieure. [14, 35]
Elle repose sur les principes chirurgicaux décrits par Lothrop Il ne faut pas oublier que médialement, la limite postérieure de
en 1899, [34] en garde les avantages, mais est exempte d’une la dissection est directement la lame criblée et la fosse olfac-
grande partie de la morbidité associée à la technique décrite par tive. [14] Dans certains cas aussi, le bec osseux de l’union
voie externe. nasofrontale peut être très épais et formé d’os très compact, ce
L’intervention débute par la résection d’une fenêtre ostéo- qui rend le fraisage difficile et dangereux à ce niveau. [35]
chondrale d’environ 2 x 2 cm au niveau du septum, sous les os D’après Gross, [35] certaines pathologies comme la polypose
propres du nez, à hauteur de l’union nasofrontale et de l’union nasosinusienne, la rhinite allergique non contrôlée, le syndrome
du cartilage quadrangulaire avec la lame perpendiculaire de de Fernand Widal, la sarcoïdose et la granulomatose de Wegener
l’ethmoïde. [14] La limite postérieure de la fenêtre septale doit peuvent assombrir les résultats.
correspondre au niveau du bord antérieur du cornet moyen. La Une autre cause d’échec peut être attribuée au non-respect de
fenêtre est élargie inférieurement jusqu’à ce qu’elle permette la muqueuse de la paroi postérieure des sinus frontaux, les
une manipulation aisée des instruments dans le méat moyen à risques de resténose du néocanal étant plus importants. [35]
partir de la fosse nasale controlatérale. [14] Dans la plupart des La technique de Draf III, ou Lothrop endoscopique, nécessite
cas, l’ethmoïdectomie antérieure et la dissection des récessus aussi un chirurgien expérimenté car elle est techniquement
frontaux ont déjà été réalisées lors de gestes chirurgicaux difficile. Des complications peuvent survenir, même si elles sont
précédents. Si ce n’est pas le cas, le chirurgien doit les réaliser peu fréquentes lorsque les précautions nécessaires sont prises.
avant de continuer avec le reste de l’intervention. [13] Parmi celles-ci, les plus importantes seraient : la brèche méningée
Par la suite, on procède à l’identification de l’ostium frontal au niveau de la base de crâne, l’effraction orbitaire avec la
de manière bilatérale. Pour ce faire, le chirurgien peut s’aider de formation d’un hématome intraorbitaire, et l’hémorragie. [39] Le
la pose d’un clou de Lemoyne et de l’irrigation d’une solution chirurgien doit être capable de faire face à toutes ces éventualités.
colorée à travers celui-ci. [13, 14] La navigation assistée par
ordinateur peut aussi être utile pour repérer le tractus de Sinusotomie frontale transseptale par voie
drainage nasofrontal. [35, 39] endoscopique
Une fois que les deux ostia frontaux sont identifiés, des
Cette technique ressemble sur plusieurs points au Lothrop
sondes fines en acier peuvent être mises en place à travers ceux-
endoscopique. La différence est que la trépanation frontale est
ci, et laissées en place durant tout le geste, afin d’avoir un
médiane, directement en dessous de l’insertion du septum qui
repère visuel permanent de la limite postérieure de la dissection
est préalablement déplacé. Une fenêtre septale ostéochondrale
et de protéger la base du crâne et l’artère ethmoïdale anté-
est créée de la même manière que dans la technique de Lothrop
rieure. [13] La muqueuse des surfaces nasales des deux planchers
et le fraisage du plancher sinusien s’effectue sur la ligne
des sinus frontaux, comprise entre les deux récessus frontaux,
médiane, toujours en avant de la limite donnée par l’insertion
est complètement réséquée en laissant l’os à nu. [14] La portion
antérieure des cornets moyens puisque les limites antérieures
haute du bord de section du cartilage septal divise cet espace et
des lames criblées seront invariablement situées en arrière de
sert de repère anatomique en marquant la ligne médiane. [13]
cette structure. [44] Une fois que les cavités sinusiennes sont
Le fraisage est donc commencé d’un côté en réséquant vers
pénétrées, le fraisage se continue jusqu’à communiquer les deux
le haut la paroi antérieure du récessus frontal et en élargissant
ostia frontaux, en respectant encore une fois la muqueuse de la
l’ostium frontal vers l’avant, ce qui permet de réséquer média-
paroi sinusienne postérieure, et en élargissant le néocanal
lement le bec osseux formé par la partie médiane du plancher
jusqu’aux parois orbitaires. [44, 45] Cette technique peut être utile
sinusien. [13, 14] Avec la fraise coudée, tout le plancher sinusien
lorsque les repères anatomiques classiques sont perdus et que
est réséqué latéralement jusqu’à la lame papyracée, et médiale-
l’identification des récessus frontaux est impossible. Elle permet
ment jusqu’au côté controlatéral, en effondrant aussi la cloison
dans ces cas d’obtenir une communication nasofrontale maxi-
intersinusienne. La limite postérieure est la base du crâne qui
male. Elle nous semble cependant plus risquée, surtout parce
doit être directement visualisée pendant toute l’intervention. [13,
14, 35] À l’avant, l’os du bec frontal est fraisé le plus possible que l’on ne visualise pas directement la base du crâne et les
lames criblées durant les premières phases du fraisage, et que les
jusqu’à laisser une fine paroi osseuse entre la glabelle et le
insertions des cornets moyens ne sont pas toujours bien
néocanal. Pour éviter une résection excessive de l’os frontal avec
identifiables.
une déhiscence osseuse ou même une effraction cutanée au
niveau glabellaire, le chirurgien doit palper constamment la
portion haute de la pyramide nasale entre le pouce et l’index ■ Reperméabilisation par voie
afin de contrôler le fraisage de manière tactile. [12]
Le même geste est réalisé ensuite du côté controlatéral et les externe du tractus de drainage
deux canaux fraisés sont unis pour former un large néocanal
nasofrontal unique. [12-14, 35]
frontonasal
La communication nasofrontale ainsi obtenue est la plus
large possible d’un point de vue anatomique. Ses limites sont :
Incisions
la base du crâne en arrière, les lames papyracées de chaque côté, Plusieurs incisions peuvent être proposées pour l’abord
et la glabelle en avant. Le néocanal s’ouvre directement sur les externe du sinus frontal (Fig. 9). Le choix dépend d’une part du
deux fosses nasales (Fig. 8 B). [12-14, 35] préjudice esthétique acceptable pour le patient, et d’autre part
Les clous de Lemoyne peuvent être laissés en place pendant de l’exposition nécessaire au traitement du processus
les premiers 2 à 5 jours afin de permettre la réalisation de pathologique.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 7


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

Cette incision suit tout le bord supérieur du sourcil de manière


bilatérale, en descendant médialement vers le nasion, où elle
devient horizontale et rejoint l’incision controlatérale sur la
ligne médiane. [49] La profondeur de l’incision s’étend jusqu’au
muscle frontal qui une fois identifié est coupé transversalement
en respectant le périoste, et en créant un plan de dissection
superficiel à celui-ci. La dissection est d’abord menée vers le bas
jusqu’aux rebords orbitaires. Il est important d’identifier à ce
niveau les paquets neurovasculaires supraorbitaires et supratro-
chléaires, afin d’éviter leur lésion. [49, 50] Une fois ce plan créé,
on élève la portion supérieure du lambeau cutané, en dégageant
au maximum la face antérieure du frontal. L’incision du
périoste se fait par la suite, à l’aide du bistouri électrique,
au-dessus des contours du sinus frontal selon la technique du
lambeau ostéoplastique (décrite infra).
Cette incision peut être employée pour des chirurgies de
comblement frontal ou de reperméabilisation nasofrontale
bilatérale. Elle est surtout indiquée chez les patients alopéciques
et sans ride frontale, chez qui une incision frontale ou coronale
pourrait ne pas être acceptable esthétiquement. [50]

Incision frontale ou mi-frontale


Celle-ci peut aussi être utilisée chez des patients alopéciques
ou à tendance alopécique. Elle est simple. L’incision est d’abord
dessinée en poussant légèrement la peau du front au niveau du
trichion vers le bas, ou la peau de la glabelle vers le haut, pour
accentuer la ride choisie pour l’incision au niveau du tiers
moyen du front. [49] On conseille la création au bistouri de
petits tracés cutanés verticaux sur un ou deux points de la
future incision afin de faciliter la réapproximation exacte du
lambeau. Après infiltration, l’incision est réalisée jusqu’au plan
Figure 9. Incisions pour l’abord externe du sinus frontal. 1. Incision suprapériosté. Le lambeau inférieur est disséqué en direction
bicoronale (Cairns) ; 2. incision mi-frontale ; 3. incision suprasourcilière inférieure sur ce même plan jusqu’à exposer le nasion et les
bilatérale ; 4. incision paralatéronasale ; 5. incision intrasourcilière (sourcil deux rebords orbitaires. L’incision du périoste et la création du
droit) ; 6. incision de Jacques, suprasourcilière. volet osseux se réalisent par la suite. [49]
Cette incision frontale offre plusieurs avantages. Entre autres,
Incision suprasourcilière elle est facile à réaliser et permet un accès plus direct au plan
Cette incision décrite en 1904 par le professeur Jacques est sus-périosté. La dissection est aussi moins hémorragique et le
aussi nommée incision de Lynch, qui l’a décrite en 1921 pour temps opératoire plus court que lorsque l’on utilise l’incision
l’abord du sinus frontal. [46] Celle-ci est suprasourcilière ; partant bicoronale. En plus, l’innervation sensitive du front est facile-
du tiers médian du sourcil, elle se prolonge médialement et ment préservée, ce qui n’est pas toujours le cas avec l’incision
inférieurement en descendant verticalement sur la paroi latérale suprasourcilière. [49] Elle offre par ailleurs de bons résultats
du dorsum nasal au niveau de la branche montante du maxil- esthétiques, surtout chez des patients qui présentent des rides
laire. Cette incision peut s’étendre si nécessaire vers le bas frontales profondes. [49, 50]
jusqu’à quelques millimètres en dessous du niveau du cantus
Incision bicoronale. Voie de Cairns-Unterberger
interne, ou jusqu’à l’union de l’os propre du nez avec le
cartilage latéral supérieur. [47] L’incision s’étend en profondeur Le principal avantage de l’incision bicoronale est son résultat
jusqu’au périoste, et la dissection se fait dans le plan sous- esthétique. La cicatrice reste pratiquement invisible quand les
périosté pour exposer le nasion et la glabelle médialement, ainsi patients ont assez de chevelure pour la recouvrir. Ceci est
que la portion inférieure du front osseux. Le muscle orbiculaire particulièrement vrai chez la femme, dont les risques d’alopécie
est écarté latéralement, ce qui permet d’exposer la crête sont faibles. [50]
lacrymale et le rebord orbitaire supérieur. [48] Avant l’incision, nous préférons raser une bande coronale de
cuir chevelu de 3 cm de largeur environ à 2 cm en arrière de la
Incision intrasourcilière ligne antérieure des cheveux. Celle-ci s’étend jusqu’à chaque
Une variante plus esthétique de cette incision est l’incision région temporale et jusqu’en avant de l’insertion antérosupé-
intrasourcilière. Celle-ci est pratiquement identique à l’incision rieure de l’hélix. [49] Les cheveux sont coiffés et plaqués en
suprasourcilière, excepté dans sa portion supérieure et latérale dehors de cette bande de peau rasée, et l’antisepsie de la région
qui est cachée dans le sourcil. De manière à éviter une zone se fait de manière standard. Alternativement, on peut épargner
alopécique dans le sourcil, l’incision se fait par plusieurs au patient le rasage en délimitant bien une raie coronale par le
segments géométriques angulés, de quelques millimètres de coiffage, en tressant, et en faisant tenir les cheveux plaqués en
longueur (4-5 mm) qui forment un tracé en « dents de scie ». dehors de celle-ci. [51] Cette deuxième option est plus encom-
D’autres auteurs décrivent une incision intrasourcilière en ligne brante, surtout à l’heure de la fermeture. Après l’exposition et
droite mais avec le bistouri tenu en biais pour suivre le trajet l’antisepsie, le tracé de l’incision est effectué au feutre et suivi
des follicules pileux et éviter ainsi l’alopécie. [47] d’une infiltration avec la solution décrite précédemment.
L’incision s’enfonce jusqu’au plan suprapériosté, et descend
Incision paralatéronasale latéralement jusqu’à la région prétragale. Il est important de
Celle-ci est pratiquement identique à l’incision de Jacques, bien effectuer ce prolongement latéro-inférieur de l’incision car
mais elle s’étend inférieurement au-delà de l’union de l’os c’est à cet endroit que se réalise la charnière permettant la
propre du nez et du cartilage latéral supérieur pour courir tout rotation antérieure du lambeau. [52] Après la cautérisation des
le long du sillon nasogénien jusqu’à l’aile du nez. points hémorragiques sur le cuir chevelu, des champs chirurgi-
caux sont fixés sur les bords de l’incision à l’aide d’agrafes
Incision suprasourcilière bilatérale chirurgicales pour compléter et parfaire l’hémostase. Le lambeau
Celle-ci est une variante qui est employée lorsqu’on cherche frontal antérieur est ensuite décollé au bistouri ou à la com-
à exposer les deux sinus frontaux en créant un seul lambeau. presse, en le disséquant toujours dans le plan suprapériosté qui

8 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

correspondent pas aux limites de la cavité sinusienne ; soit il est


créé en suivant au mieux les contours sinusiens. Lorsque l’on
choisit cette dernière option, on peut se servir d’une radiogra-
phie du sinus frontal en incidence de Caldwell réalisée à six
pieds de distance (1,83 m). Les contours des sinus frontaux sont
découpés sur cette radiographie, en obtenant ainsi un calque en
projection superficielle des cavités sinusiennes. [49, 50, 54] Ce
calque en taille réelle des sinus est fixé sur la paroi antérieure
en prenant soin de faire correspondre les encoches supraorbitai-
res du crâne sur l’image radiographique. [49] Ensuite, le périoste
est incisé en suivant au mieux les contours des cavités sinusien-
nes puis, à l’aide d’une rugine, il est élevé de quelques millimè-
tres sur tout le périmètre de l’incision, [49] ou bien disséqué en
direction inférieure comme un lambeau séparé lorsque l’on
choisit de faire un volet osseux indépendant.
Une fois le tracé du volet osseux choisi, l’ostéotomie peut être
effectuée. Avec une fraise fine, on perce de petits orifices sur les
contours du volet, en dessinant ainsi le trajet de la future
ostéotomie (technique timbre-poste). Il faut prendre soin de
percer la paroi antérieure du sinus en inclinant la fraise
approximativement à 45° et en dirigeant le foret vers la cavité
sinusienne. Cette inclinaison des berges du volet permettra
d’éviter son enfoncement lorsque celui-ci sera remis en
place. [49, 50, 54] Une fois que cette séquence de forage est
terminée, le volet est découpé avec un ostéotome froid en
maintenant l’inclinaison des berges. Une bonne alternative à
l’utilisation de la fraise et de l’ostéotome froid pour la découpe
du volet est l’utilisation d’un craniotome pédiatrique (pièce à
main Hilan référence GB536 R, B. Braun). Celui-ci permet aussi
une découpe avec une inclinaison à 45° des berges, tout en
suivant les contours du sinus sans la nécessité d’un repère
radiologique fixé sur la paroi antérieure, et tout en protégeant
la paroi sinusienne postérieure. [54] Quel que soit le moyen
choisi pour réaliser l’ostéotomie, celle-ci ne se continue pas sur
Figure 10. Volets osseux pour la chirurgie du sinus frontal. 1. Volet le bord inférieur en continuité avec le rebord orbitaire, car le
frontal complet ; 2. volet frontal centré ; 3. volet nasomaxillaire. volet osseux se fracture toujours de lui-même à cet endroit
lorsqu’il est élevé. Finalement la muqueuse de la paroi anté-
rieure du sinus est pénétrée et le volet osseux antérieur, attaché
est relativement avasculaire. [53] La dissection doit exposer les ou non à son périoste, est déplacé en avant pour exposer le
deux rebords orbitaires, la totalité du front, la glabelle et le contenu sinusien. [49] Parfois l’élévation du volet est contrariée
nasion. [49, 52] La découpe du lambeau périosté se fait au bistouri par l’insertion osseuse de la cloison intersinusienne. Dans ce
électrique, il peut être levé en continuité avec le volet osseux cas, cette dernière est simplement fracturée à l’aide de la pointe
comme décrit pour la chirurgie ostéoplastique du sinus frontal de l’ostéotome. [50]
(cf. infra).
Volet frontonasal
Volets osseux Parfois un volet frontal antérieur pur ne permet pas une
Lors de la création du volet osseux pour exposer les cavités exposition suffisante, surtout lorsqu’on envisage d’intervenir
frontales par voie externe, plusieurs variantes peuvent être également par voie haute sur le récessus frontal. Dans ces cas,
considérées (Fig. 10). il convient de prolonger le volet osseux frontal antérieur pour
qu’il comprenne une partie plus ou moins étendue de l’os
Volet de la paroi antérieure du sinus frontal propre du nez et de la branche montante du maxillaire afin
d’exposer toute la pathologie à traiter sous vision directe. [47, 48]
Celui-ci peut être créé et levé avec le périoste qui le recouvre, On emploie donc l’incision paralatéronasale. Ce volet présente
ce qui permet de garder une charnière inférieure au volet l’avantage de pouvoir exposer non seulement les sinus frontal
ostéopériosté et ainsi de remettre et maintenir en place le volet et ethmoïdal antérieur, mais d’exposer aussi lorsqu’il est
osseux à la fin de l’intervention en ne suturant que le périoste. nécessaire toute la région fronto-ethmoïdo-maxillaire. Il est
La préservation de l’union ostéopériostée du volet osseux frontal cependant peu utilisé dans le traitement des sinusites frontales
a théoriquement comme avantages : d’une part de permettre un chroniques.
repositionnement plus exact et plus esthétique du fragment
osseux, en redonnant un contour frontal plus harmonieux ; et
d’autre part de préserver la vascularisation du volet osseux grâce
Reperméabilisation et élargissement
à son périoste pédiculé inférieurement. [54, 55] Cependant, dans du tractus de drainage nasofrontal
certains cas il peut être difficile de maintenir l’union du volet
Une fois que l’accès aux cavités frontales est créé, le chirur-
au périoste ; ce dernier peut alors être disséqué et levé comme
gien peut enfin réaliser un geste de reperméabilisation.
un lambeau séparé, et le volet osseux peut dans ce cas être taillé
de manière indépendante sans que, à notre avis, cela entraîne Reperméabilisation directe à travers un volet
des séquelles esthétiques ou fonctionnelles. Dans ce cas, à la fin
frontal
de l’intervention, le volet osseux est repositionné et fixé
indépendamment par des sutures résorbables, puis recouvert par Lorsqu’un volet frontal a été créé, la reperméabilisation peut
le périoste qui vient compléter et parfaire l’étanchéité. être entreprise par voie haute, en canulant initialement l’ostium
Différentes techniques ont été proposées pour la taille du frontal vers la cavité nasale pour l’identifier et le reperméabili-
volet osseux : soit il est taillé en position centrale par rapport ser. [56] Le plancher sinusien peut être effondré avec une fraise
aux dimensions sinusiennes, en créant une fenêtre générale- et un moteur pour élargir l’ostium naturel. Les principes de Draf
ment rectangulaire dont les bords sont tracés à distance et ne peuvent être appliqués par voie externe, en effectuant un

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 9


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

effondrement plus ou moins important du plancher sinusien,


pouvant aller jusqu’à sa résection complète et bilatérale, en
incluant aussi dans l’exérèse la cloison intersinusienne et même
une portion supérieure du septum nasal. [28] Il est important de
mettre en place un tuteur ou stent souple en plastique inerte
pour calibrer le néocanal.
Bien que la reperméabilisation nasosinusienne soit possible
par voie frontale externe, cette dernière présente une morbidité
plus importante que les techniques endonasales, et n’est pas
conseillée d’emblée lorsque l’on prévoit de rétablir le drainage
nasofrontal.

Reperméabilisation par voie combinée : externe


et endonasale
Les principes sont les mêmes, mais cette fois le chirurgien
peut s’aider des endoscopes et coupler un abord endoscopique
endonasal et un abord par voie externe. Un geste initialement
endoscopique peut ainsi être transformé en geste par voie Figure 11. Drain de Rains en place.
combinée lorsque le chirurgien ne parvient pas à reperméabili-
ser le tractus de drainage nasofrontal par voie endonasale
exclusive, à condition d’avoir prévenu le patient de cette Les risques de resténose sont plus importants lorsque le néo-
éventualité. Dans ce cas, l’abord externe permet de retrouver des ostium mesure moins de 5 mm de diamètre, lorsque l’os est
dénudé sur toute la circonférence ou lorsqu’il existe d’impor-
repères anatomiques qu’il était difficile d’identifier par voie
tants reliquats d’os et de muqueuse inflammatoire à proxi-
endonasale. Une trépanation frontale permet une vision
mité. [59] Dans ces cas, un geste est nécessaire pour essayer de
supérieure et même le passage d’optiques dans la cavité fron-
maintenir la perméabilité du tractus de drainage frontonasal.
tale. [26, 57] L’ostium est ainsi identifié par voie supérieure, et la
Pour ce faire, le chirurgien a le choix entre deux options. La
dissection peut éventuellement se continuer par les deux voies
première est d’interposer un matériel synthétique souple entre
d’abord alternativement. Certains auteurs réalisent même, dans
les berges de l’ostium reperméabilisé, afin de calibrer la voie de
des cas difficiles, une technique similaire au Draf III par cette
drainage et de permettre une réépithélialisation adéquate sous
voie combinée. [58] Il est recommandé de calibrer la nouvelle le tuteur (stent). La deuxième, plus élaborée, est la création d’un
communication nasofrontale avec un tuteur en matériel souple lambeau pédiculé de muqueuse nasale saine qui vient tapisser
à la fin de l’intervention. partiellement la paroi du néocanal.
Un abord frontal externe peut aussi être complété par un
geste endonasal qui dans ce cas permet d’affiner les détails de Tuteur (stent)
la dissection au niveau du récessus frontal.
Le stent est par définition un tuteur qui permettra non
seulement de maintenir la perméabilité de la communication
Reperméabilisation par voie paralatéronasale nasofrontale, mais aussi de favoriser une réépithélialisation des
Cette technique peut être envisagée chez des patients déjà parois. Neel et Lake ont montré que, contrairement à ce qui
opérés des sinus frontaux par d’autres voies externes, et qui était supposé, l’utilisation d’un matériel rigide ou semi-rigide est
présentent encore une atteinte ethmoïdale importante ou plutôt une cause de resténose du néocanal. [60] En effet, cette
surtout qui présentent des remaniements cicatriciels ou une matière rigide provoque des phénomènes ischémiques et
destruction osseuse comme dans les cas de sinusite frontale inflammatoires locaux qui empêchent une cicatrisation adé-
après traumatisme. Cette voie frontonasale externe expose la quate et qui par conséquent favorisent l’apparition d’une
totalité du tractus de drainage nasofrontal. [47] Une fois le volet fibrose. Le matériel idéal doit donc être souple, inerte, et
facilement amovible. Un des premiers matériaux présentant ces
osseux levé, le tractus est reperméabilisé et élargi au mieux à
caractéristiques est le Silastic®. Celui-ci peut être enroulé en
travers la fibrose en modelant un néocanal qui sera calibré par
forme de tube plus ou moins large et inséré, soit par voie
un stent. La base du crâne, la lame papyracée et la lame des
endoscopique, ou plus facilement par voie externe dans le
cornets sont exposées sous vision directe, ce qui les rend moins
nouveau tractus de drainage frontonasal à travers le néo-
vulnérables dans des cas où l’anatomie est très altérée. [47]
ostium. [47] Le stent est directement suturé au septum nasal pour
Les indications de cette technique sont limitées cependant car
éviter son déplacement.
dans la plupart des cas, la pathologie ethmoïdofrontale, même
Une autre alternative qui est surtout utilisée par voie endos-
récidivante, peut être traitée par une voie combinée (endosco-
copique est la pose d’un drain spécifiquement créé par
pique et frontale externe) sans la nécessité de lever un volet
Rains. [59] Ce drain est en silicone souple et présente une forme
frontonasal ou d’effectuer une incision paralatéronasale. [26, 57, de flèche ou de champignon, ce qui facilite son insertion et lui
58] Elle reste cependant utile comme une voie d’abord de
permet d’être maintenu de lui-même après sa mise en place
dernière ressource dans les cas spécifiques où la reperméabilisa- (Fig. 11). Il est inséré après la reperméabilisation endoscopique
tion nasofrontale s’est avérée impossible par d’autres techni- de l’ostium frontal. Pour ce faire, le chirurgien peut employer
ques, qu’elles soient endoscopiques, externes ou combinées, et une pince-girafe de Wigand ou de Kuhn-Bolger angulée à 45°,
où il existe des contre-indications à effectuer un comblement 90°, ou 120°, qui sert à tenir la tête du drain et à la pousser à
sinusien (cf. infra). travers l’ostium vers la cavité sinusienne. On peut aussi se servir
d’une canule d’aspiration courbe et fine qui passée à travers la
lumière du drain servira à le pousser directement vers l’ostium
Calibrage et lambeaux muqueux du tractus (technique originelle de Rains). [59]
Quel que soit le stent choisi, celui-ci est laissé en place en
de drainage frontonasal moyenne entre 4 et 6 semaines. L’ablation se fait par simple
Une fois que le tractus de drainage frontonasal a été reper- traction en consultation, sous contrôle endoscopique.
méabilisé, il est important d’essayer d’éviter une sténose
cicatricielle secondaire de celui-ci. Parfois, la technique choisie
Lambeau muqueux de McNaught
et les conditions anatomiques permettent d’obtenir un canal et Sewall-Boyden
suffisamment large qui théoriquement présentera peu de risques Dans cette technique, un lambeau mucopériosté est réalisé
de resténose. aux dépens soit de la cloison nasale, avec une charnière sur la

10 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

drainage du sinus frontal a spontanément tendance à se


sténoser ou qu’il s’est totalement refermé. Dans ces cas, le fait
que la communication nasofrontale soit déjà oblitérée est un
avantage.
L’incision peut être suprasourcilière bilatérale ou mi-frontale
chez les patients alopéciques ; [49] sinon, l’incision de Cairns est
la plus utilisée. [50] Une fois que la paroi antérieure du sinus
frontal est exposée, et que le volet osseux ostéoplastique est
levé, le chirurgien effectue l’exclusion et le comblement de la
cavité sinusienne. Il doit au préalable éradiquer complètement
la muqueuse.
Figure 12. Lambeaux muqueux de McNaugth à droite et de Sewall-
Éradication de la muqueuse du sinus frontal
Boyden à gauche.
Afin d’éradiquer au mieux toute la muqueuse sinusienne,
toute la cavité doit être exposée lors de la création du volet
osseux. [54] L’exérèse muqueuse laisse à nu les parois osseuses.
paroi latérale nasale ; soit de la paroi latérale nasale, avec une
La muqueuse du volet frontal antérieur doit aussi être enlevée.
charnière au niveau septal (Fig. 12). Un volet osseux nasofrontal
Parfois la dissection au niveau de l’infundibulum peut s’avérer
est nécessaire, et celui-ci, dans la technique originale, est fraisé
difficile ; patience et méticulosité sont nécessaires. L’exérèse
au niveau de l’os propre du nez à l’aide d’une fraise diamantée,
incomplète de la muqueuse sinusienne pourrait être la cause,
en prenant soin de ne pas perforer la muqueuse sous-jacente et
par la suite, de la formation de mucocèles [51] ou de l’échec
de ne pas pénétrer dans la cavité nasale. Ainsi, le dôme
chirurgical avec possibilité de reperméabilisation. Au niveau de
muqueux du toit nasal, sa face septale et sa face latérale sont
l’infundibulum, la muqueuse restante du tractus nasofrontal est
initialement conservés. Deux incisions parallèles, séparées
finalement invaginée vers la cavité nasale pour favoriser
d’environ 15 mm, et perpendiculaires au toit nasal, sont créées
l’occlusion nasofrontale et l’absence de muqueuse résiduelle
sur la muqueuse du dôme nasal en descendant autant sur la
dans le sinus. [28]
paroi latérale du nez que sur le septum. Ensuite, une troisième
Un fraisage des parois osseuses avec une fraise diamantée
incision relie transversalement les deux autres incisions parallè-
large a le double but de supprimer d’éventuels petits lambeaux
les. Celle-ci peut être faite selon la technique de McNaught au
muqueux résiduels et de favoriser une néo-ostéogenèse. [28, 66]
niveau du septum, [61] en formant ainsi un rectangle de
Le fraisage se continue dans la région de l’infundibulum frontal
muqueuse septale qui est en continuité avec la muqueuse du
où de manière fréquente peut survenir un léger saignement
dôme et de la paroi latérale nasale. Le lambeau muqueux est
artériel ou veineux que l’on peut tarir avec du Surgicel®.
élevé par la suite, en le décollant de son union septale. Dans la
technique de Sewall-Boyden, l’incision qui libère le lambeau est Oblitération du tractus nasofrontal (exclusion
faite au niveau de la branche montante du maxillaire, en avant du sinus)
du cornet moyen. [48, 61, 62] Le lambeau se trouve donc pédiculé
sur la cloison nasale. Quelle que soit la technique, l’os du Une fois la muqueuse éliminée, le chirurgien peut faire face
plancher sinusien est fraisé afin d’élargir la communication à deux situations. Soit le tractus nasofrontal est déjà oblitéré, et
nasofrontale et le lambeau est étalé supérieurement vers la dans ce cas il devra profiter de ce fait et renforcer l’oblitération
cavité sinusienne pour couvrir le nouveau néoconduit. S’il s’agit existante ; soit le tractus est encore perméable et il devra
d’un lambeau de McNaught, celui-ci recouvrira la portion effectuer une oblitération in novo avant de combler le sinus.
latérale du nouveau conduit ; en revanche, le lambeau de Dans le premier cas, l’oblitération spontanée de l’ostium peut
Sewall-Boyden recouvrira sa surface médiane. [48, 61, 62] être considérée comme un avantage. Elle est donc préservée et
Le geste est finalisé par la pose d’un stent frontonasal en le chirurgien peut juste utiliser de la poudre d’os et de la colle
Silastic ® souple qui est directement suturé sur le septum biologique afin de renforcer la zone d’oblitération.
antérieur. Lorsque le tractus est encore perméable, certains auteurs
Ces techniques d’interposition de lambeaux muqueux per- conseillent de fermer la communication nasofrontale avec des
mettent de rétablir une continuité muqueuse entre le sinus fragments d’aponévrose temporale, de fascia lata, de muscle, ou
frontal et la cavité nasale, ce qui théoriquement diminue les de préférence avec un lambeau de péricrâne frontal à pédicule
risques de sténose du néocanal. [48, 62] Des désavantages existent inférieur étalé sur le plancher sinusien. [28, 66, 67] Par la suite un
cependant. Avant tout, ce sont des techniques difficiles où greffon osseux taillé en forme de bouchon peut être poussé vers
souvent le chirurgien peut avoir du mal à déterminer ou tracer l’infundibulum par-dessus du greffon d’aponévrose ou de
les contours du lambeau, ainsi qu’à l’élever. Le geste s’accom- péricrâne, [68] ou bien à nouveau de la poudre d’os peut être
pagne d’une cicatrice externe et parfois de diplopie si le tendon utilisée à cet effet pour compléter la plastie. Ensuite, de la colle
cantal interne n’est pas réinséré correctement. Les complications biologique peut être appliquée sur la plastie afin de parfaire
possibles sont : l’hématome ou l’effraction orbitaire, la brèche l’étanchéité [28] (Fig. 13).
méningée et la formation de mucocèles. Comblement avec préservation de la paroi
antérieure du sinus frontal
Plusieurs matériaux biologiques ou synthétiques peuvent être
■ Exclusion des sinus frontaux employés pour combler le sinus. Parmi les matériaux autologues
on peut citer la graisse, le muscle et l’os. [66, 69] Les allogreffes
qui peuvent être employées sont le polytétrafluoroéthylène, le
Comblement sinusien par voie méthylméthacrylate et l’hydroxyapatite entre autres. [66] Des
ostéoplastique études récentes sur modèle animal avec du verre bioactif
(bioactive glass number 9 [BAG 1], bioactive glass number 13 [BAG
Cette technique décrite initialement vers la fin du XIXe siècle 2]) ont aussi montré des résultats encourageants. [70, 71] Cepen-
par Schonborn et Brieger, [63] et reprise par Goodale et Montgo- dant les deux matériaux qui sont actuellement les plus utili-
mery, [64, 65] était, dans les années 1960, très employée dans le sés sont principalement la graisse autologue, et l’hydroxyapatite.
traitement de la sinusite frontale chronique. [12] Elle est moins Le but de l’oblitération, quel que soit le matériel choisi, est
utilisée de nos jours depuis l’apparition des nouvelles techni- d’éliminer l’espace mort.
ques chirurgicales par voie endoscopique. Cependant, il s’agit La graisse abdominale peut être prélevée au travers d’une
encore d’une technique employée et des indications persistent, incision verticale ou horizontale périombilicale, ou bien d’une
notamment lorsque les techniques de reperméabilisation, ancienne cicatrice abdominale (d’appendicectomie par exem-
endonasales ou externes, ont échoué, et que le canal de ple). Il est important de prélever une quantité suffisante de

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 11


46-160 ¶ Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus)

L’hydroxyapatite est aussi facilement manipulable dans des


conditions physiologiques. Après avoir été appliquée de manière
isothermique, elle présente une induration progressive en se
fixant directement à l’os adjacent. [66]
Cependant, l’hydroxyapatite n’est pas exempte de complica-
tions liées à l’utilisation de matériels d’allogreffes et, bien que
rares, la surinfection, le rejet et l’extrusion peuvent être
observés. [66] Il s’agit aussi d’un matériel qui est coûteux, et son
utilisation doit être limitée à des cas où la préservation de la
paroi sinusienne antérieure n’est pas possible.

Fermeture
Finalement le lambeau cutané, quelle que soit l’incision
choisie au début, est remis en place. Avant la fermeture, des
drains à pression négative sont posés de manière bilatérale afin
d’éviter la formation de séromes ou d’hématomes. Les plans
musculaire, sous-cutané et cutané sont fermés de manière
conventionnelle. [49]
La chirurgie de comblement frontal par voie ostéoplastique
est encore de nos jours une excellente technique dans le
traitement des sinusites frontales chroniques qui n’ont pas
répondu à d’autres techniques chirurgicales moins radicales.
Cependant des complications peuvent se présenter. Lors de
Figure 13. Comblement graisseux du sinus frontal pour exclusion l’intervention, les nerfs et vaisseaux supraorbitaires peuvent être
sinusienne. 1. Périoste suturé ; 2. graisse ; 3. colle biologique ; 4. greffon endommagés, surtout lors de la fracture du volet, ce qui peut
osseux ou poudre d’os ; 5. greffon de péricrâne ou d’aponévrose. provoquer des paresthésies, des névralgies ou même une
anesthésie de la région frontale. [11, 14, 56] Bien que rares, la
pénétration intracrânienne accidentelle avec lacération de la
graisse pour combler la totalité du sinus. Environ 20 % du tissu dure-mère ou la formation d’hématome extra- ou sous-dural
graisseux prélevé sera résorbé, et plus de 50 % sera remplacé par sont des éventualités lors de la création du volet osseux.
du tissu fibreux et néo-osseux à long terme. [56] Lorsque le L’effraction orbitaire avec lésion des tissus mous ou l’apparition
chirurgien ne réalise pas une exérèse complète de la muqueuse, d’hématomes peut aussi survenir. D’autres complications
celle-ci enveloppe les reliquats fibroadipeux en formant des intracrâniennes possibles sont la méningite et l’abcès cérébral,
cavités liquidiennes à revêtement épithélial, qui avec le temps surtout lorsqu’il existe un défaut de la paroi postérieure. En
peuvent se comporter comme des mucocèles. [56] postopératoire, peuvent aussi se présenter l’infection du greffon
Les avantages de la graisse comme matériel de comblement graisseux, la persistance ou la récurrence de la pathologie
sinusien sont multiples. Avant tout, étant un matériel autolo- frontale, l’infection de l’espace sous-galéal, l’ostéomyélite du
gue, le rejet est pratiquement nul. La graisse a par ailleurs une volet frontal, la réépithélialisation de la cavité frontale, la
bonne résistance à l’infection et est facilement prélevée et formation de mucocèles, et la difformité frontale par enfonce-
manipulée. L’emploi de matériels autologues permet par ailleurs ment ou voussure du volet osseux. [11, 14, 56] Dans la littérature
de limiter le coût de l’intervention. Cependant, la nécessité d’ailleurs, le pourcentage d’échec de la chirurgie de comblement
d’un deuxième site opératoire avec sa morbidité associée peut varie entre 20 % et 30 %. [14, 56] Actuellement certains auteurs
être un désavantage. [66] recommandent d’employer des techniques de reperméabilisation
Une fois que le sinus est comblé, le volet osseux antérieur lorsque le comblement sinusien n’est pas efficace. La même voie
peut être remis en place. Il est donc reposé et fixé à l’os ostéoplastique est ainsi utilisée pour l’extraction du matériel de
périphérique par des fils résorbables. Le périoste est repositionné comblement, et pour la reperméabilisation et la pose d’un drain
et suturé de manière non jointive en raison de la rétraction de calibrage. [56]
(Fig. 13).
Crânialisation
Comblement avec sacrifice et reconstruction
La deuxième technique dite d’exclusion du sinus frontal est
de la paroi antérieure du sinus frontal
la crânialisation. L’exécution de cette technique par le chirur-
Lorsque l’on utilise des tissus mous pour le comblement gien ORL n’est pas recommandée car elle nécessite des compé-
sinusien, il est impératif de préserver ou reconstruire la paroi tences neurochirurgicales. La littérature est moins étendue sur
antérieure du sinus afin d’éviter une difformité esthétique du ce sujet. Ses indications sont semblables à celles du comblement
front. Parfois, une infection chronique a provoqué une érosion sinusien par voie ostéoplastique. Elle peut donc être indiquée
de la paroi antérieure du sinus, ne permettant pas de préserver dans des cas où les techniques de reperméabilisation ont
le volet osseux. Une alternative dans ces cas est de reconstruire échoué. La crânialisation peut être aussi indiquée en première
la paroi antérieure par un greffon de calvarium pariétal, d’os intention lorsqu’il existe une pneumatisation excessive des
costal ou iliaque. [51] cellules supraorbitaires (dans ces cas, leur accès peut être
Une deuxième alternative est l’utilisation de l’hydroxyapatite impossible par d’autres voies) ou lorsqu’il existe une destruction
ou d’autres matériaux d’allogreffes qui permettent de combler le de la paroi postérieure des sinus frontaux, soit par des processus
sinus et de reconstruire la paroi antérieure simultanément. [55] ostéolytiques, infectieux, traumatiques ou même tumoraux. [51]
L’hydroxyapatite présente plusieurs avantages. En premier, L’intervention est menée par l’incision bicoronale de Cairns.
elle est facilement modelée et prend la forme désirée pour Un large lambeau de périoste à base inférieure est élevé, et l’on
combler la cavité complètement et redonner un contour frontal crée un large volet frontal englobant les sinus frontaux. On
esthétique. Deuxièmement, c’est aussi un matériel bien toléré, procède ensuite au décollement soigneux de la dure-mère de la
et qui présente une ostéo-intégration excellente avec une paroi postérieure du sinus. Cette dissection se poursuit jusqu’à
néovascularisation et un remplacement osseux progressif. [55] Le l’apophyse crista galli, sans s’étendre plus en arrière car cela
fait que le volet frontal osseux ne peut pas être préservé autorise entraînerait une lésion de la gouttière olfactive. La paroi
le fraisage de la totalité de la paroi sinusienne antérieure. [55, 66] postérieure du sinus frontal peut donc ensuite être réséquée
L’exposition de tous les recoins du sinus frontal est optimale, dans sa totalité. La muqueuse sinusienne est éradiquée et l’on
favorisant ainsi une meilleure éradication de la pathologie et de procède à un fraisage des parois. La muqueuse de l’infundibu-
la muqueuse. lum frontal est invaginée vers la cavité nasale et le canal est

12 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus) ¶ 46-160

comblé par de l’aponévrose, de la poudre d’os ou un greffon [13] Gross CW, Gross WE, Becker DG. Modified transnasal endoscopic
osseux. Le tout est recouvert de colle biologique. Finalement le Lothrop procedure: frontal drillout. Op tech Otolaryngol Head Neck
volet osseux antérieur est remis en place, la dure-mère est Surg 1995;6:193-200.
suspendue, et le périoste est suturé. Un système de drains à [14] Wormald PJ. Salvage frontal sinus surgery: the endoscopic modified
pression négative est mis en place et l’on procède à la ferme- Lothrop procedure. Laryngoscope 2003;113:276-83.
ture. Lorsque la paroi antérieure est érodée et le volet osseux est [15] Smith TL, Han JK, Loehrl TA, Rhee JS. Endoscopic management of the
inutilisable, un greffon osseux de calvarium pariétal peut être frontal recess in frontal sinus fractures: a shift in the paradigm?
prélevé et mis en place pour remplacer le volet osseux Laryngoscope 2002;112:784-90.
antérieur. [51] [16] Yoon JH, Moon HJ, Kim CH, Hong SS, Kang SS, Kim K. Endoscopic
Cette technique présente cependant plusieurs inconvénients. frontal sinusotomy using the suprainfundibular plate as a key landmark.
Le premier est sans doute qu’elle nécessite la collaboration Laryngoscope 2002;112:1703-7.
étroite avec une équipe neurochirurgicale. Les risques de [17] Agrifolio A, Terrier G, Duvoisin B. Étude anatomique et endoscopique
lacération de la dure-mère, d’hématome extradural et de lésion de l’ethmoïde antérieur. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1990;107:
du sinus longitudinal existent, et ces complications nécessitent 249-58.
un neurochirurgien entraîné. Par ailleurs, une dissection trop [18] Klossek JM, Fontanel JP. Chirurgie endonasale sous guidance
postérieure vers la crista galli peut entraîner une anosmie. [51] endoscopique. Paris: Masson; 1998.
En postopératoire, d’autres complications peuvent se présenter : [19] Stammberger H. Functional endoscopic sinus surgery. Philadelphia:
nécrose du volet frontal, hypoesthésie frontale, céphalées DC Becker; 1991.
persistantes, fistule de liquide céphalorachidien, ou déformation [20] Kuhn FA. Chronic frontal sinusitis: the endoscopic frontal recess
aproach. Op Tech Otolaryngol Head Neck Surg 1996;7:222-9.
du contour frontal.
[21] Kuhn FA, Javer AR. Primary endoscopic management of the frontal
sinus. Otolaryngol Clin North Am 2001;34:59-75.
[22] Klossek JM, Fontanel JP. Frontal sinus irrigation: indications, results,
■ Conclusion and complications. Otolaryngol Clin North Am 2001;34:91-100.
[23] Lemoyne J. La ponction du sinus frontal. Ann Otolaryngol Chir
La chirurgie du sinus frontal a subi de profonds changements Cervicofac 1947;64:648-55.
depuis l’apparition des techniques endoscopiques endonasales. [24] Lemoyne J. Traitement des sinusites frontales chroniques. Ann
Cependant, le succès n’est jamais garanti et reste souvent limité Otolaryngol Chir Cervicofac 1960;76:745-62.
en raison surtout de la difficulté à opérer dans cette région [25] Lemoyne J. Le point sur la trépano-ponction du sinus frontal. Ann
anatomiquement étroite et complexe qu’est le tractus de Otolaryngol Chir Cervicofac 1974;91:5-12.
drainage nasofrontal. La chirurgie endonasale est devenue elle- [26] Bent 3rd JP, Spears RA, Kuhn FA, Stewart SM. Combined endoscopic
même une des principales causes d’obstruction du tractus intranasal and external frontal sinusotomy. Am J Rhinol 1997;11:349-54.
nasofrontal, notamment lorsque l’on opère au niveau de [27] Draf W. Endonasal micro-endoscopic frontal sinus surgery, the Fulda
l’ethmoïde antérieur et du récessus frontal. Les techniques concept. Op Tech Otolaryngol Head Neck Surg 1991;2:234-40.
utilisées aujourd’hui dans le traitement de la pathologie frontale [28] Weber R, Draf W, Kratzsch B, Hosemann W, Schaefer SD. Modern
ne sont en fait que des reprises de certaines techniques décrites concepts of frontal sinus surgery. Laryngoscope 2001;111:137-46.
pour la plupart il y a plus de 100 ans [48, 72] et, bien que [29] Bolger WE, Kuhn FA, Kennedy DW. Middle turbinate stabilization
modernisées, elles ne sont pas exemptes des mêmes complica- after functional endoscopic sinus surgery: the controlled synechiae
tions et des mêmes limites. technique. Laryngoscope 1999;109:1852-3.
En conclusion, il n’y a pas de technique univoque pour [30] Wormald PJ. The axillary flap approach to the frontal recess.
traiter la pathologie frontale chronique. En revanche, on peut Laryngoscope 2002;112:494-9.
proposer une certaine gradation des solutions à envisager dans [31] Wormald PJ, Chan SZ. Surgical techniques for the removal of frontal
chaque cas particulier. En fait, le choix de la technique utilisée recess cells obstructing the frontal ostium. Am J Rhinol 2003;17:221-6.
dépend aussi de l’expérience et des préférences du chirurgien, et [32] Kang SK, White PS, Lee MS, Ram B, Ogston S. A randomized control
des moyens techniques et matériels dont il dispose. trial of surgical task performance in frontal recess surgery: zero degree
versus angled telescopes. Am J Rhinol 2002;16:33-6.
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Techniques chirurgicales - Tête et Cou 13


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A. Jimenez-Chobillon.
R. Jankowski* (r.jankowski@chu-nancy.fr).
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, centre hospitalier universitaire, hôpital central, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jimenez-Chobillon A., Jankowski R. Chirurgie du sinus frontal (tumeurs et traumatismes exclus). EMC
(Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et Cou, 46-160, 2005.

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14 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


46-140
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-140

Chirurgie du sinus maxillaire


en dehors des traumatismes et des tumeurs
JP Fontanel
JM Klossek

Résumé. – La chirurgie du sinus maxillaire a bénéficié des progrès de l’endoscopie et des techniques
d’imagerie. Une bonne connaissance de l’anatomie est essentielle pour effectuer cette chirurgie. L’anesthésie
locale mérite toujours d’être discutée même si l’anesthésie générale garde des indications. Le guidage
endoscopique est aujourd’hui employé de façon presque systématique, au moins pour certains temps
opératoires. Les diverses interventions sont exposées avec leurs indications, leur technique, leurs
inconvénients et leurs complications. La méatotomie inférieure est actuellement moins utilisée que la
méatotomie moyenne qui autorise une chirurgie plus « fonctionnelle ». L’utilisation des endoscopes a élargi
les possibilités de la chirurgie endonasale et autorise notamment certains gestes par voie transantrale. La
maxillectomie médiane enrichit les possibilités chirurgicales. La technique de Caldwell-Luc, malgré les
séquelles qu’elle entraîne parfois, notamment des douleurs, conserve quelques indications.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : chirurgie endonasale, guidage endoscopique, méatotomie inférieure, méatotomie moyenne,


Caldwell-Luc, maxillectomie médiane.

Anatomie chirurgicale 1 Paroi antérieure du


sinus maxillaire droit
Le sinus maxillaire est une cavité aérienne, de forme pyramidale (d’après Legent).
quadrangulaire, située sous la cavité orbitaire. Ses abords 1. Os lacrymal ; 2. os zygo-
chirurgicaux les plus courants intéressent ses faces antérieure et/ou matique ; 3. foramen infra-
orbitaire ; 4. fosse canine ;
médiale.
5. processus frontal ; 6.
gouttière lacrymale.
PAROI ANTÉRIEURE (fig 1)
Cette face, quadrilatère, est limitée en haut par le rebord orbitaire
inférieur et en bas par l’os alvéolaire, de la canine à la première
molaire. L’orifice piriforme constitue sa limite médiale. Elle présente
deux repères chirurgicaux importants :
– le foramen infraorbitaire, situé 5 à 10 mm sous le rebord orbitaire
d’où émergent les nerfs et vaisseaux infraorbitaires ;
– la fosse canine, dépression située latéralement au-dessus de la
racine de la canine ; à ce niveau, la paroi est mince.
¶ Méat inférieur (fig 2 A, B)
PAROI MÉDIALE (PAROI INTERSINUSONASALE) Pour la chirurgie endonasale, trois repères sont importants à
C’est la voie d’abord de la chirurgie endonasale du sinus maxillaire. connaître :
L’attache du cornet inférieur, qui s’accroche par son processus
– l’orifice lacrymonasal : il siège dans la région antérosupérieure du
maxillaire sur le maxillaire, la sépare en deux régions :
méat ; il correspond à l’extrémité inférieure du canal lacrymonasal ;
– le méat inférieur, situé sous le cornet inférieur ; – le quadrant postéro-supérieur : la paroi, à ce niveau, est mince,
– le méat moyen, situé au-dessus du cornet inférieur. fragile, formée uniquement par le processus maxillaire du cornet
inférieur ; c’est le lieu privilégié pour la ponction sinusienne ou pour
débuter une méatotomie inférieure ;
– l’extrémité postérieure du méat : les artères nasales
Jean-Pierre Fontanel : Professeur à la faculté de médecine, chef de service. postérolatérales, branches de l’artère sphénopalatine, se divisent à
Jean-Michel Klossek : Professeur à la faculté de médecine, oto-rhino-laryngologiste des Hôpitaux.
Centre hospitalier universitaire de Poitiers, hôpital de la Milétrie, 2, rue de la Milétrie, 86021 Poitiers cedex,
ce niveau ; elles peuvent être blessées lors de la méatotomie
France. inférieure ou d’une turbinectomie.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Fontanel JP et Klossek JM. Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-140, 2002, 11 p.
46-140 Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs Techniques chirurgicales

2 A. Méat inférieur. Coupe parasagittale d’une fosse nasale


droite. 1. Paroi bulbaire ; 2. apophyse unciforme ; 3. cor-
net moyen (tête) ; 4. orifice lacrymonasal ; 5. tête du cor-
net inférieur ; 6. queue du cornet inférieur.
B. Coupe frontale tomodensitométrique passant par le
conduit lacrymonasal. 1. Cornet moyen ; 2. conduit lacry-
monasal ; 3. sinus maxillaire.

*
B

*
A

3 Radiographie du sinus maxillaire en incidence de Blon-


deau. À gauche, corps étranger intrasinusien droit au sein
d’une opacité totale du sinus. À droite, cliché normal.

¶ Méat moyen VASCULARISATION DU SINUS MAXILLAIRE

Il est situé sous le cornet moyen (cf fig 16). D’avant en arrière, trois Les risques vasculaires dans la chirurgie du sinus maxillaire sont
reliefs sont identifiables : liés à la présence de vaisseaux dans la partie postérieure du méat
moyen. Le trou (foramen) sphénopalatin siège à ce niveau, sous la
– la bosse lacrymale correspond à la saillie du conduit queue du cornet moyen. Il livre passage à l’artère sphénopalatine
lacrymonasal ; elle siège en avant de l’attache supérieure du cornet qui se divise, dès sa sortie, pour se distribuer au cornet inférieur
moyen ; (artères postérolatérales) et au méat moyen (artères turbinale
– l’apophyse, ou processus unciforme (processus unciné), est visible moyenne et ostiale). C’est le principal risque vasculaire de la
dès l’entrée dans le méat moyen, sous la forme d’une saillie courbée chirurgie endonasale du sinus maxillaire.
vers l’arrière ; elle se termine sous la paroi bullaire ; des variations,
sous la forme d’hypertrophie ou de pneumatisation, sont parfois
rencontrées ; c’est le repère clé de la méatotomie moyenne et de Exploration radiologique du sinus
l’ethmoïdectomie ; maxillaire
– la paroi bullaire est le relief le plus constant et le plus facile à
identifier ; elle correspond à la paroi antérieure de la cellule
intrabullaire ; elle marque la limite supérieure du champ opératoire ÉCHOGRAPHIE SINUSIENNE
maxillaire ; L’échographie sinusienne est, pour certains, utile au diagnostic de
– un quatrième relief est parfois visible juste en avant de l’attache collection intrasinusienne. Elle est peu employée.
supérieure du cornet moyen : l’agger nasi ; il masque souvent la
partie haute du conduit lacrymonasal. Il correspond à la RADIOGRAPHIE STANDARD
pneumatisation importante d’une ou plusieurs cellules
unciformiennes antérieures. C’est fréquemment une découverte Incidence nez-front-plaque (Blondeau) (fig 3)
tomodensitométrique alors même que la pneumatisation n’entraîne
aucun relief endonasal. C’est la plus utilisée pour l’exploration du sinus maxillaire. Elle
permet d’apprécier la taille du sinus (en dehors de certaines
Entre ces reliefs, on décrit des gouttières :
agénésies qui peuvent prendre l’aspect d’une opacité complète). Le
– la gouttière uncibullaire (hiatus semi-lunaire) (cf fig 18) siège entre principal écueil de cet examen est la non-spécificité des images
l’apophyse unciforme et la paroi bullaire ; l’ostium des cellules obtenues, en dehors du classique niveau hydroaérique ou du corps
ethmoïdales antérieures (méatiques et unciformiennes) et du sinus étranger ; elle reste néanmoins un bon examen de « débrouillage ».
maxillaire s’ouvre à ce niveau ;
Incidence de profil
– la gouttière rétrobullaire est formée par la paroi médiale de la
bulle ethmoïdale et la paroi latérale du cornet moyen ; les cellules Elle complète l’incidence de Blondeau pour évaluer le volume
bullaires se drainent à ce niveau. sinusien ou confirmer la présence d’un corps étranger intrasinusien.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs 46-140

Incidences
4 Tomodensitométrie du
sinus maxillaire en coupe
axiale. 1. Conduit lacrymo- • Coupes axiales (fig 4)
nasal ; 2. sinus maxillaire. Elles sont particulièrement utiles pour l’étude des parois antérieure
et postérieure du sinus ainsi que du conduit lacrymonasal.

• Coupes coronales (fig 5)


Elles permettent l’exploration de la face supérieure du sinus et de la
cloison intersinusonasale. Cette paroi est divisée par l’insertion du
cornet inférieur ; l’ostium du sinus maxillaire siège dans la partie
supérieure. Sa forme, sa taille et les éléments qui le constituent
(bulle, apophyse, cellule sous-orbitaire) sont aisément analysés
(fig 6).

Technique
Elle doit mettre en évidence, lors des affections malignes, les limites
exactes de la tumeur et ses extensions extraosseuses, en particulier
orbitaires. L’injection de produit de contraste est utile pour les
tumeurs vascularisées. Dans les maladies inflammatoires, la
muqueuse et les structures osseuses doivent être parfaitement
visibles ; des coupes fines, de 2 mm d’épaisseur, tous les 2 ou 5 mm,
avec de larges fenêtres d’exploration de 250 à 3 000 UH, sont
nécessaires.

IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE NUCLÉAIRE


(IRM)
5 Tomodensitométrie en coupe coronale du sinus maxillaire passant par l’ostium Elle est moins performante que la TDM pour l’analyse des structures
maxillaire. 1. Cornet moyen ; 2. ostium du sinus maxillaire ; 3. processus unciforme ; osseuses dont le repérage est indispensable avant toute décision
4. conduit lacrymonasal ; 5. sinus maxillaire ; 6. cornet inférieur.
chirurgicale (fig 7). En revanche, elle aide à différencier les opacités
tissulaires de celles dues à un épanchement. Elle est surtout utile
TOMOGRAPHIES pour l’exploration des tumeurs.
Le développement de la tomodensitométrie (TDM) a fait disparaître
ses indications. TOMODENSITOMÉTRIE TRIDIMENSIONNELLE
Elle s’adresse surtout aux malformations craniofaciales et aux
TOMODENSITOMÉTRIE traumatismes. En dehors de ces domaines, elle n’apporte pas
actuellement de données supplémentaires par rapport aux examens
Elle permet une estimation correcte de la taille du sinus et précise précédents.
l’anatomie du méat moyen. Elle est surtout utile pour la pathologie
tumorale, mais son emploi est de plus en plus fréquent pour la
pathologie inflammatoire, en particulier lorsqu’on envisage une
chirurgie fonctionnelle. La technique d’exploration doit être adaptée
Exploration endoscopique du sinus
à la pathologie suspectée. Une préparation des fosses nasales est maxillaire
souhaitable pour les maladies inflammatoires ou infectieuses
nasosinusiennes. L’instillation de vasoconstricteurs, immédiatement Largement utilisée dans les années 1980, elle l’est nettement moins
avant l’examen, réduit l’œdème muqueux. Elle est suivie, quelques depuis la facilité d’accès à la TDM. Elle est parfois nécessaire avant
instants après, d’un mouchage pour éliminer les sécrétions. la décision opératoire. L’examen direct du contenu sinusien

6 A. Tomodensitométrie en coupe coronale du sinus maxil-


laire passant par l’ostium maxillaire : variations ana-
tomiques.
B. Schéma descriptif. 1. Sinus frontal ; 2. œil ; 3. cornet
moyen pneumatisé ; 4. ostium du sinus maxillaire ; 5. cel-
lule sous-orbitaire ; 6. apophyse unciforme ; 7. cornet in-
férieur.

*
A

*
B

3
46-140 Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs Techniques chirurgicales

7 Résonance magnétique 9 Schéma du nerf infra-


nucléaire : coupe frontale. orbitaire droit. 1. Nerf den-
Aspergillose du sinus taire supéropostérieur ; 2.
maxillaire gauche. nerf dentaire supérieur an-
térieur et postérieur ; 3. nerf
infraorbitaire ; 4. nerf den-
taire supérieur.

8 Sinuscopie maxillaire
gauche par voie mixte :
méat inférieur et fosse ca-
nine. Après 10 à 15 minutes, on peut mettre un nouveau méchage en
place, soit sous le cornet moyen à l’aide d’un guidage optique
(endoscope, microscope), soit sous le cornet inférieur (un éclairage
frontal est souvent suffisant). Ce second méchage n’est pas toujours
indispensable. Quel que soit le nombre de méchages, l’anesthésie
peut être complétée par une injection sous-muqueuse de Xylocaïnet,
avec ou sans adrénaline, au niveau du site opératoire (méat inférieur
et/ou méat moyen). L’intervention peut commencer quelques
minutes plus tard.

permet, par exemple, de confirmer la présence d’un corps étranger ANESTHÉSIE GÉNÉRALE
ou d’une balle fongique dont le traitement purement
« endoscopique » est parfois possible grâce à une double voie La chirurgie du sinus maxillaire ne nécessite aucune technique
d’accès (fosse canine et méat inférieur) (fig 8). spécifique. Le patient doit être mis dans les conditions optimales
Un chapitre de cette encyclopédie est consacré à la technique de pour réduire le saignement local. Cet objectif est d’ailleurs le plus
l’endoscopie maxillaire qui n’est donc pas détaillée ici [6]. Il faut souvent atteint par une technique minutieuse et une préparation
simplement souligner l’intérêt du contrôle endoscopique par voie médicale de la muqueuse nasale. Une hypotension contrôlée est
méatale inférieure et par la fosse canine pour guider certains gestes exceptionnellement nécessaire pour améliorer les conditions locales.
d’exérèse, en particulier dans le bas-fond sinusien. L’utilisation d’un nouveau morphinique, le rémifentanil (Ultivat),
beaucoup plus maniable, permet d’obtenir, dans des conditions de
sécurité très appréciables, un excellent contrôle de la pression
Anesthésie dans la chirurgie du sinus artérielle en peropératoire.
maxillaire
Beaucoup d’interventions peuvent être réalisées sous anesthésie Techniques
locale, accompagnée ou non d’une neuroleptanalgésie. Toutefois, la
durée de l’intervention, le confort opératoire, les souhaits du patient
et du chirurgien peuvent faire préférer l’anesthésie générale. MÉATOTOMIE INFÉRIEURE

¶ But
ANESTHÉSIE LOCALE
Elle doit insensibiliser la face antérieure et/ou médiale (cloison inter- Elle donne accès au bas-fond sinusien et favorise le drainage déclive
sinusonasale) du sinus maxillaire. du sinus maxillaire [8].
La sensibilité de la face antérieure est sous la dépendance des
branches du nerf infraorbitaire (fig 9). Ce nerf, après avoir cheminé ¶ Indications
dans la paroi supérieure du sinus maxillaire, émerge sur sa face Extraction de corps étranger, sinusite chronique lors d’akinésie
antérieure, à environ 1 cm sous le rebord orbitaire, et se distribue ciliaire acquise ou congénitale, plus exceptionnellement sinusite
ensuite aux téguments de la joue. maxillaire chronique (en association à une méatotomie moyenne).
Une injection de quelques centimètres cubes (5 ± 2) de Xylocaïnet,
associée ou non à de l’adrénaline, en regard du trou infraorbitaire, ¶ Anesthésie
assure une anesthésie jugale de 30 à 60 minutes.
L’aiguille est introduite dans le vestibule gingival supérieur et Anesthésie locale ou générale (cf supra).
enfoncée parallèlement à la face antérieure du sinus, jusqu’au point L’infiltration muqueuse du plancher nasal, du méat inférieur et de
d’émergence du nerf, situé 8 à 10 mm sous le rebord orbitaire, en la tête du cornet inférieur complète le méchage.
évitant d’injecter dans le canal infraorbitaire pour ne pas léser le
nerf. ¶ Matériel (fig 10)
L’anesthésie de la cloison intersinusonasale comprend, dans un
– Une pince de Politzer (méchage).
premier temps, l’introduction dans la fosse nasale d’une mèche
imbibée de Xylocaïnet à 5 % naphazolinée. – Une pointe coagulante.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs 46-140

12 Méatotomie inférieure : limites de la fenestration. 1. Cornet moyen ; 2. zone de


trépanation initiale ; 3. orifice lacrymonasal ; 4. cornet inférieur ; 5. extension de la
trépanation.

Le méat inférieur doit être aisément accessible pour


10 Matériel pour la chirurgie endonasale. l’instrumentation. La vision de l’orifice lacrymonasal dans le
quadrant antérosupérieur du champ opératoire traduit une bonne
exposition.
11 Méatotomie infé-
La trépanation débute dans la zone postérosupérieure du méat
rieure : luxation médiale du
cornet inférieur. 1. Septum inférieur, sous la queue du cornet inférieur : c’est la région de la
nasal ; 2. cornet moyen ; 3. ponction du sinus maxillaire. On la réalise, soit avec le classique
cornet inférieur ; 4. sinus trocart à ponction, soit avec un aspirateur coudé, soit avec une
maxillaire. curette coudée ou encore, d’emblée, avec une pince à l’emporte-
pièce (punch pince).
Cet orifice est ensuite agrandi aux dépens de ses berges inférieure et
antérieure (fig 12). Une fenestration d’un diamètre de 20 à 35 mm
est souvent suffisante pour introduire une optique ou extraire un
corps étranger du bas-fond sinusien. La lame perpendiculaire du
palatin marque la limite postérieure de la fenestration. La
régularisation de la muqueuse, au niveau des berges de la
méatotomie, facilite sa cicatrisation. La section de la tête turbinale
inférieure est parfois nécessaire pour prévenir une synéchie entre le
cornet inférieur et la paroi latérale (fig 13). En effet, le cornet remis
en place s’accole parfois à la paroi latérale et ferme l’accès à la
méatotomie. Le méchage du méat inférieur prévient également cet
incident.
– Un trocart de 4 mm de diamètre et son mandrin. Les suites opératoires sont simples. Seuls des lavages de la cavité
– Une pince emporte-pièce. nasale sont prescrits pendant une dizaine de jours. La mise en place
d’un drain intrasinusien ne se justifie que dans les formes très
– Une aspiration droite et une courbe.
inflammatoires ou purulentes.
– Une ou plusieurs pinces coudées.
– Un endoscope 0° ou 25° à 30° ou 45° ou un microscope selon ¶ Complications et séquelles
l’habitude de l’opérateur pour le contrôle optique.
Hémorragie peropératoire
¶ Technique
Elle peut se produire lorsque la trépanation a été trop postérieure,
Après préparation par méchage et infiltration de la fosse nasale, le sous la queue du cornet inférieur. La blessure des artères
cornet inférieur est doucement luxé vers le septum (fig 11). postérolatérales en est la cause. Une coagulation monopolaire en

13 A. Méatotomie inférieure : résultat à 6 mois d’une méa-


totomie inférieure gauche avec section de la tête du cor-
net inférieur.
B. Schéma. 1. Septum nasal ; 2. tête du cornet inférieur
sectionné ; 3. plancher nasal ; 4. méatotomie inférieure ;
5. paroi intersinusonasale.

*
B

*
A

5
46-140 Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs Techniques chirurgicales

15 Méatotomie moyenne :
transport mucociliaire dans le
sinus maxillaire. 1. Bulle eth-
moïdale ; 2. cornet moyen ; 3.
ostium maxillaire ; 4. apo-
physe unciforme ; 5. cornet
inférieur ; 6. sinus maxillaire.

14 Méatotomie inférieure : tomodensitométrie postopératoire en coupe frontale :


luxation-fracture du cornet inférieur droit entraînant une obstruction nasale.

vient facilement à bout ; en cas d’échec ou de récidive, un


tamponnement postérieur est parfois nécessaire.

Blessure de l’orifice lacrymonasal


Bien qu’elle ait été décrite, elle reste exceptionnelle. Elle est due à
une trépanation trop haute, dans le quadrant antérieur du méat
inférieur. Le repérage de l’orifice, dès l’inspection du méat inférieur,
en est la meilleure prévention. Un saignement peropératoire mal
contrôlé est fréquemment rapporté lors de cet incident, d’où la règle
d’interrompre l’intervention lorsque l’hémostase ne peut être
effectuée.
Si la blessure n’est pas repérée en peropératoire, un larmoiement
apparaît dans les jours suivant l’intervention. Cela doit inciter
l’opérateur à vérifier la perméabilité de la voie lacrymale, au besoin
radiologiquement dans les cas douteux. objectif le rétablissement du drainage mucociliaire et des échanges
Le lavage avec une solution anti-inflammatoire, ou la mise en place ventilatoires nasosinusiens (fig 15) [3, 4, 10, 12, 15]. Elle autorise également
d’une sonde de calibrage, évite le plus souvent le recours à la des manœuvres d’extraction (corps étrangers, balle fongique).
dacryorhinostomie.
¶ Indications
Synéchies
Sinusites maxillaires à répétition, résistantes au traitement médical,
Elles siègent préférentiellement entre la tête du cornet inférieur et la associées éventuellement à des variations anatomiques du méat
paroi latérale, ou entre la méatotomie et le cornet inférieur. Elles moyen : sinusite maxillaire chronique associée à une dysfonction
sont favorisées par des blessures muqueuses en « vis-à-vis » et ostiale ; mycose sinusienne ; polypose nasoethmoïdale, en
peuvent être prévenues par divers moyens : un méchage du méat, complément d’un évidement ethmoïdal.
la section de la tête du cornet ou des lavages par un drain
intrasinusien. Leur présence est le plus souvent totalement
¶ Anesthésie
asymptomatique.
On peut proposer une anesthésie locale ou générale. Le choix est
Fermeture guidé par les habitudes du chirurgien, les souhaits du patient et son
Ce fait est signalé par plusieurs auteurs, quelles que soient les état général. Quelle que soit la méthode retenue, la préparation
dimensions initiales de la trépanation. Aucun des procédés proposés locale de la fosse nasale (cf supra) est indispensable.
pour la prévenir n’est assuré du succès. Après le méchage endonasal, l’injection sous-muqueuse
La fréquence de cet incident et l’inefficacité de la méatotomie d’anesthésique doit intéresser tout le méat moyen (processus
inférieure pour assurer le drainage physiologique de la cavité unciforme, bulle ethmoïdale, cornet moyen).
sinusienne réduisent ses indications à un geste d’extraction ou de
drainage mécanique lorsque la fonction mucociliaire est abolie. ¶ Matériel (fig 10)

Paresthésies dentaires – Un couteau falciforme.


Elles surviennent surtout lorsque la méatotomie a été élargie – Une pince de Blakesley droite avec ou sans canule d’aspiration.
jusqu’au plancher nasal, en particulier dans la région antérieure. À – Une pince de Blakesley courbe avec ou sans canule d’aspiration.
ce niveau, se distribuent les rameaux nerveux alvéolaires postérieurs
– Une pince d’Oström à mors rétrogrades.
issus du nerf infraorbitaire.
– Une aspiration droite et une courbe.
Obstruction nasale
– Une pointe coagulante.
La non-reposition, en fin d’intervention, du cornet inférieur luxé
vers le septum en est la cause (fig 14) ou une synéchie entre le cornet – Une paire de ciseaux droits pour chirurgie endonasale.
inférieur et le septum nasal. – Un jeu d’endoscopes 0° ou 25° à 30° et 70° ou un microscope.

MÉATOTOMIE MOYENNE ¶ Technique


Quel que soit le guidage optique choisi, les principes de
¶ But
l’intervention sont identiques : incorporer l’ostium à la fenestration,
C’est l’ouverture du sinus maxillaire dans le méat moyen, à partir prévenir les synéchies et permettre des soins postopératoires et un
de son orifice de drainage physiologique (ostium). Elle a pour accès aisé à la méatotomie [1, 7, 14].

6
Techniques chirurgicales Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs 46-140

16 Méatotomie moyenne : repérage des reliefs du méat


moyen ; vue endoscopique 0°. 1. Bosse lacrymale ; 2. apo-
physe unciforme ; 3. bulle ethmoïdale ; 4. fosse nasale ; 5.
septum nasal ; 6. cornet moyen (tête).

17 Méatotomie moyenne : unciformectomie droite ; vue


endoscopique 0°. 1. Bosse lacrymale ; 2. apophyse unci-
forme ; 3. bulle ethmoïdale ; 4. cornet moyen ; 5. septum
nasal.

Cette intervention, connue depuis le début du siècle, a été, faute de


moyens optiques, abandonnée jusque dans les années 1960. Elle a
été réintroduite par Prades et Rouvier pour la microchirurgie, et par
Messerklinger, Terrier, Wigand pour la chirurgie endoscopique. On
en décrit deux variantes techniques : méatotomie d’avant en arrière
ou d’arrière en avant.

Méatotomie moyenne « d’avant en arrière »


Le repérage des éléments du méat moyen : bosse lacrymale,
apophyse unciforme, bulle ethmoïdale, cornet moyen, est 18 Méatotomie moyenne : repérage de la fontanelle postéro-inférieure ; c’est à ce ni-
veau qu’est débutée la méatotomie d’arrière en avant (méat moyen droit). 1. Gouttière
indispensable avant le moindre geste chirurgical (fig 16). uncibullaire ; 2. apophyse unciforme ; 3. ostium maxillaire ; 4. cornet moyen, portion
L’unciformectomie est réalisée à partir de la jonction entre ses libre sectionnée ; 5. bulle ethmoïdale.
portions verticale et horizontale (fig 17). L’incision au couteau
falciforme, en dehors de cette fine lamelle osseuse, est prudente afin
de prévenir toute blessure orbitaire. Le tracé préalable de l’incision fragment ostéomuqueux est retiré. Avec une canule d’aspiration
à la pointe coagulante est un bon moyen pour réduire le saignement courbe, on vérifie l’ouverture de la cavité sinusienne et l’on évalue
muqueux. L’introduction préalable d’un palpateur coudé à extrémité le volume sinusien. La méatotomie est ensuite agrandie aux dépens
mousse dans l’ostium permet d’identifier le lieu exact où doit de ses berges antérieure, postérieure et inférieure, en fonction de
débuter l’unciformectomie. l’indication opératoire.
La section est poursuivie vers le bas, jusque dans la région sous- Méatotomie moyenne « d’arrière en avant »
bullaire. À partir de ce temps opératoire, l’apophyse unciforme est
décollée prudemment vers le dedans. Ce geste permet de contrôler Après inspection du méat moyen, la région de la fontanelle postéro-
le plan de dissection et prévient une incision trop superficielle, inférieure est repérée (fig 18). Elle siège sous la bulle ethmoïdale.
uniquement muqueuse, ou trop profonde, dans le périoste orbitaire. C’est une zone dépressible qui correspond à l’accolement des
Dès que le contact osseux est obtenu, le mors d’une pince de muqueuses nasale et sinusienne [13]. Cette région, dépourvue de
Blakesley droite est introduit de part et d’autre de la portion structure osseuse unciformienne, est facilement trépanée par
verticale de l’unciforme. Un léger mouvement de rotation permet la l’extrémité d’un aspirateur courbe.
section haute de l’unciforme. Le fragment sectionné est basculé vers Cette première ouverture effectuée, la méatotomie est agrandie vers
le bas et le dedans. Ce geste dégage la vision sur l’ostium maxillaire l’avant (fig 19).
qui est fréquemment repéré dès ce temps opératoire. L’ostium, situé en haut et en avant, doit être incorporé à la
Cette manœuvre faite, la pince est glissée vers le bas et vers l’arrière, fenestration. Le morcellement de la cloison intersinusonasale et la
pour atteindre la portion horizontale de l’apophyse unciforme. Ses résection de la partie basse du processus unciforme sont réalisés
mors sont placés de part et d’autre de la cloison intersinusonasale. avec une pince d’Oström à mors rétrograde. La taille de l’ouverture
La section de ce fragment libère toute la portion de l’apophyse est adaptée au but poursuivi par l’intervention : extraction,
unciforme préalablement sectionnée à sa partie supérieure. Le ventilation ou drainage.

7
46-140 Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs Techniques chirurgicales

19 Méatotomie moyenne : limites de la fenestration pour la technique d’arrière en


avant. 1. Conduit lacrymonasal (bosse lacrymale) ; 2. processus unciforme ; 3. cornet
20 Méatotomie moyenne. Tomodensitométrie (TDM) en coupe frontale. Exemple
d’asymétrie sinusienne. Le volume du sinus maxillaire droit est réduit. Une radiogra-
inférieur ; 4. limites d’extension de la trépanation (hachures fines) ; 5. zone de trépa-
phie en incidence de Blondeau du même patient met en évidence une opacité sinusienne
nation initiale (fontanelle postérosupérieure).
maxillaire droite ; toute décision de ponction ou de méatotomie moyenne sans TDM fait
courir le risque d’une blessure orbitaire.
¶ Pansement postopératoire
Plusieurs attitudes sont possibles. Certains n’utilisent aucun
méchage et guident la cicatrisation par des soins effectués sous
contrôle optique, en consultation. D’autres préfèrent la mise en place
d’un tampon ou d’une mèche grasse, avec ou sans antiseptique
et/ou corticoïde, ou encore comblent le méat moyen avec une
pommade antiseptique et anti-inflammatoire (corticoïdes). Aucune
de ces techniques n’a été évaluée de manière satisfaisante, et le choix
demeure empirique mais aucune ne dispense du contrôle régulier,
en consultation, de la cicatrisation, pour prévenir les synéchies.

¶ Variantes techniques
Pour prévenir les synéchies, il est possible, voire indispensable,
d’éliminer toute structure rétrécissant l’accès au méat moyen, tels
un cornet moyen pneumatisé, un cornet moyen à courbure inversée
ou une déviation septale interdisant le passage des instruments. 21 Méatotomie moyenne : repérage de l’artère sphénopalatine. Le trou sphénopala-
Il est parfois utile, dans certaines sinusites anciennes, nécrotiques tin siège 3 à 4 mm au-dessus et en arrière de la berge postérieure de la fontanelle posté-
ou mycosiques, d’agrandir la méatotomie moyenne (en morcelant le rosupérieure, elle-même limite en arrière l’extension de la méatotomie. 1. Ostium sphé-
noïdal ; 2. septum nasal ; 3. fosse nasale ; 4. queue du cornet supérieur ; 5. queue du
dos du cornet inférieur) ou d’y associer une méatotomie inférieure.
cornet moyen ; 6. trou sphénopalatin ; 7. berge postérieure de la fontanelle postéro-
supérieure ; 8. queue du cornet inférieur.
¶ Suites opératoires
Elles sont simples. Des lavages de la cavité nasale et le contrôle Hémorragie peropératoire
endoscopique de la méatotomie suffisent le plus souvent à obtenir Un saignement muqueux diffus est souvent la conséquence d’une
une cicatrisation de bonne qualité. Lorsqu’une mèche ou une inflammation importante ou d’une chirurgie traumatisante. Un
pommade est mise en place, son retrait est effectué 2 à 7 jours après tamponnement de quelques minutes avec un vasoconstricteur en
l’intervention. Le méat est ensuite nettoyé avec une aspiration douce vient fréquemment à bout et l’intervention peut être reprise
pour retirer les croûtes et les sécrétions. Un dépôt hématique est quelques instants plus tard. Si le saignement persiste, il est
souvent présent dans la cavité sinusienne lors du premier soin ; il préférable d’interrompre l’intervention et de la reprendre
doit être aspiré. La cicatrisation définitive est obtenue en 4 à ultérieurement, avec une meilleure préparation de la cavité nasale.
6 semaines. Les blessures vasculaires sont plus rares. Elles peuvent survenir si
la méatotomie est trop agrandie en arrière, sous la queue du cornet
¶ Complications et séquelles moyen où les branches de l’artère sphénopalatine pénètrent dans la
cavité nasale (fig 21). Une coagulation ou un tamponnement avec
Brèche orbitaire un vasoconstricteur permet le contrôle du saignement et la poursuite
Elle doit être reconnue dès sa survenue pour éviter d’aggraver les de l’intervention.
lésions [11]. Pour la prévenir, deux règles doivent être respectées :
Blessure du conduit lacrymonasal
– vérifier, par un examen TDM, la hauteur du plafond sinusien, le
Le repérage de son relief, dès le début de l’intervention, est la
volume sinusien (fig 20), la présence d’une cellule ethmoïdale sous-
meilleure mesure préventive. Le risque de blessure est plus grand
orbitaire (cellule de Haller) ;
avec la technique d’arrière en avant, notamment lorsqu’on utilise la
– proscrire toute trépanation au-dessus de la face inférieure de la pince d’Oström à mors rétrograde. Toute augmentation de la
bulle ethmoïdale. résistance, lors de la progression antérieure de la résection osseuse
Si la paroi orbitaire osseuse est franchie, le périoste protège encore unciformienne, doit alerter le chirurgien. En cas de blessure, un
les structures orbitaires. Si le périoste est franchi, la graisse orbitaire examen minutieux de la voie lacrymale permet de distinguer la
fait saillie dans la cavité opératoire, sa résistance à la traction doit simple ouverture du conduit osseux de la section du canal
alerter l’opérateur. lacrymonasal proprement dit. Dans ce dernier cas, une
La brèche repérée, deux attitudes sont possibles : soit l’intervention dacryorhinostomie ou un calibrage par sonde intracanalaire
peut être poursuivie car la hernie graisseuse est modérée et ne gêne s’impose parfois.
pas la vision opératoire, soit la graisse obstrue le méat moyen et La blessure peut être méconnue lors de l’intervention et se traduire,
empêche toute progression, il faut la refouler prudemment, proscrire dans les jours suivant la méatotomie, par un larmoiement unilatéral.
toute traction et la maintenir, par un méchage glissé dans le méat Une vérification par lavage s’impose. En cas d’obstacle, une
moyen, durant 4 à 8 jours. reperméabilisation par sondage ou chirurgie est réalisée.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs 46-140

22 A. Méatotomie droite.
B. Méatotomie moyenne : aspect postopératoire. 1. Bosse
lacrymale ; 2. méatotomie moyenne ; 3. dos du cornet
inférieur ; 4. cornet moyen (tête) ; 5. septum nasal ; 6.
fosse nasale.

*
B

*
A

Synéchies l’issue de graisse dans laquelle se trouvent l’artère maxillaire et ses


branches de division et le nerf maxillaire. La dissection prudente, à
Elles s’observent en particulier lorsque l’intervention a été très
l’aide d’instruments à extrémités mousses, permet d’isoler chaque
hémorragique ou en cas de muqueuse très inflammatoire. Plusieurs
élément et de réaliser l’acte prévu : clipage de l’artère maxillaire,
mesures peuvent les éviter. Une chirurgie minutieuse réduit le risque
biopsie tissulaire par exemple.
de blessure muqueuse sur la face latérale du cornet moyen, à
l’origine de synéchies avec la paroi nasale latérale. La correction Aucune fermeture du périoste n’est nécessaire ; un simple tampon
d’une pneumatisation ou d’une courbure inversée du cornet moyen résorbable, placé dans la cavité maxillaire, sur la paroi postérieure,
élargit l’accès au méat moyen et améliore le passage des instruments peut parfois s’avérer utile pour faciliter la cicatrisation qui est
vers le champ opératoire. La section de la tête du cornet moyen est obtenue en 3 à 6 semaines.
parfois nécessaire pour conserver un accès correct à la méatotomie Cet abord de la paroi postérieure peut aussi être complémentaire
en postopératoire. La régularisation des berges de l’unciformectomie lors de l’exérèse d’une tumeur rhinopharyngée ou du foramen
évite le comblement de la fente préméatique par des lambeaux sphénopalatin. Quel que soit l’abord, endonasal, sous-labial ou
muqueux. Enfin, les lavages postopératoires et le contrôle optique externe, l’approche est identique à celle décrite précédemment. Seuls
de la cicatrisation sont les meilleurs garants d’une méatotomie les temps de fermeture diffèrent selon la taille de la tumeur et son
fonctionnelle et accessible aux examens postopératoires (fig 22). extension vers la région infratemporale.

Fermeture
MAXILLECTOMIE MÉDIANE PAR VOIE ENDONASALE
Elle survient plus exceptionnellement que lors d’une méatotomie
inférieure. Il est néanmoins fréquent d’observer une diminution de Si la cloison intersinusonasale peut être abordée pour réaliser une
la taille de la fenestration dans les semaines suivant l’intervention. méatotomie moyenne ou inférieure, de nombreux auteurs soulignent
Une inflammation importante et la non-incorporation de l’ostium à la difficulté d’accéder à la paroi antérieure ou au plancher du sinus
la méatotomie semblent favoriser sa survenue. Une large maxillaire. Un abord sous-labial, par la fosse canine, est alors
nasalisation est souhaitable pour prévenir cet incident en cas souvent proposé en complément. L’essor de l’endoscopie a permis
d’infection ou d’inflammation ancienne et diffuse. d’envisager une alternative : la maxillectomie médiane (fig 23) qui
consiste en la résection complète de la cloison intersinusonasale par
Court-circuit muqueux voie endonasale. L’ablation complète de cette cloison donne un bon
accès à la totalité de la cavité maxillaire et réduit l’intérêt d’une voie
Il s’observe lorsque l’ostium n’a pas été incorporé à la méatotomie.
sous-labiale. La muqueuse est incisée sur le processus frontal du
La persistance d’une rhinorrhée postérieure doit le faire rechercher
maxillaire, puis réclinée vers l’arrière jusqu’à la hauteur de
en postopératoire. Le traitement est simple : il suffit de réunir les
l’insertion de la tête du cornet inférieur qui est sectionnée. Un
deux ouvertures.
fraisage prudent est ensuite entrepris pour entrer dans la partie
inférieure du sinus maxillaire et dénuder le conduit lacrymonasal
CHIRURGIE TRANSANTRALE PAR VOIE ENDONASALE [5] dans sa portion supérieure. Le conduit lacrymonasal est totalement
disséqué et, à l’aide d’un décolleur, la muqueuse est repoussée et
La région rétromaxillaire peut également être abordée
sectionnée d’avant en arrière. La progression, dans la portion
chirurgicalement, soit de façon limitée, pour une biopsie dans la
supérieure, oblige à sectionner le conduit lacrymal. Une section
fosse ptérygopalatine ou la région infratemporale, soit comme un
franche, aux ciseaux, libère la portion supérieure de la cloison inter-
temps opératoire lors d’une exérèse tumorale (angiofibrome).
sinusonasale qui est suivie en arrière jusqu’à la queue du cornet
L’emploi de l’endoscope, soit isolément, soit en complément d’une inférieur. Dans la portion inférieure, le fraisage est continué
voie sous-labiale ou externe améliore la vision de cette région et son parallèlement au plancher nasal, jusqu’à la queue du cornet
accessibilité. inférieur. Une hémostase soigneuse, avec une pointe coagulante,
La technique de l’abord isolé de cette région consiste à réaliser, au prévient toute hémorragie pouvant survenir lors de la section de la
début de l’intervention, une large méatotomie moyenne qui donne portion postérieure qui comporte la résection totale du cornet
une vue complète sur la paroi postérieure. À partir de cette inférieur. Tout ou partie de la muqueuse du sinus maxillaire peut
méatotomie, la paroi postérieure osseuse est trépanée dans la région être retirée dans le même temps ou après l’exérèse de la cloison. Un
postérosupérieure où l’os est le plus fin. La résection extrapériostée fraisage antérieur complémentaire est parfois nécessaire pour obtenir
de l’os se fait latéralement, à l’aide d’une curette mousse ou d’une une vision directe sur la paroi antérieure du sinus. En fin
pince emporte-pièce. La surface de périoste dénudée dépend de la d’intervention, en fonction des gestes endosinusiens effectués, la
pathologie en cause et de l’acte envisagé. Elle doit néanmoins mise en place d’un tampon résorbable ou un méchage de la cavité
permettre de contrôler tous les éléments vasculonerveux de cette maxillaire est parfois utile. La mise en place d’un méchage dans la
région (artère maxillaire). Le périoste est ensuite incisé, entraînant cavité nasale n’est pas indispensable.

9
46-140 Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs Techniques chirurgicales

23 Maxillectomie médiane.
1. Processus frontal du maxil-
1 laire à fraiser ; 2. sinus maxil-
3 laire ; 3. conduit lacrymona-
sal ; 4. cornet inférieur.
2

Lorsqu’une exérèse complète de la muqueuse sinusienne a été faite,


la cicatrisation est souvent longue (4 à 6 semaines) avec formation
de croûtes. La cavité sinusienne est souvent comblée par un tissu
fibreux dont la surveillance ne pose guère de problème. Les douleurs
sont rares et souvent transitoires. Une antibiothérapie, associée à des
lavages de la fosse nasale, semble utile lorsqu’une grande surface
osseuse a été dénudée. Le calibrage du conduit lacrymal ne paraît 24 Technique de Caldwell-Luc : tracé de l’incision mucopériostée. 1. Lambeau jugal.
pas indispensable, et dépend plus des habitudes de l’opérateur.

TECHNIQUE DE CALDWELL-LUC

¶ But
C’est l’extraction des lésions et de la muqueuse sinusienne à partir
d’un abord antérieur du sinus [2].

¶ Indications
L’amélioration des systèmes optiques et les progrès de nos
connaissances sur la physiologie sinusienne ont réduit les
indications de Caldwell-Luc au profit d’une chirurgie endonasale
fonctionnelle. Elle doit toutefois rester dans l’arsenal du chirurgien
otorhinolaryngologiste, en particulier en cas d’échec de la
microchirurgie endonasale. Bien effectuée, l’intervention de
Caldwell-Luc n’entraîne que des séquelles réduites. La réalisation
d’une contre-ouverture au niveau du méat moyen, et non dans le
méat inférieur, paraît susceptible d’obtenir des conditions
postopératoires plus physiologiques, tout en améliorant les
conditions de la surveillance postopératoire. Cette méatotomie
moyenne va en effet rester perméable et permettre un contrôle visuel
direct de la cicatrisation endosinusienne.

¶ Anesthésie
Si l’anesthésie locale est possible, beaucoup lui préfèrent l’anesthésie
générale.

¶ Technique 25 Technique de Caldwell-Luc : trépanation osseuse. 1. Nerf infraorbitaire ; 2. bosse


canine ; 3. trépanation initiale (fosse canine) ; 4. extension de la trépanation osseuse.
Le principe est la réalisation d’un abord du sinus par la fosse canine
et d’une contre-ouverture méatale inférieure. Le décollement sous-périosté du lambeau muqueux est poursuivi
vers le haut jusqu’à l’émergence du nerf infraorbitaire. Le nerf ainsi
Abord de la fosse canine repéré doit être protégé de toute traction excessive.
On commence par une infiltration sous-muqueuse du vestibule jugal La trépanation osseuse débute au niveau de la fosse canine à l’aide
supérieur avec de la Xylocaïnet adrénalinée. L’incision doit d’une gouge ou d’un trocart à ponction. L’ouverture est ensuite
permettre un accès large sur la face antérieure du sinus. Elle débute agrandie avec une pince emporte-pièce (pince de Citelli). La
à la base de l’orifice piriforme, suit la ligne parallèle au collet fenestration doit permettre le passage d’une optique et de curettes.
dentaire et se termine au niveau de la console maxillomalaire Elle doit respecter en haut l’émergence du nerf infraorbitaire et, en
(fig 24). bas et en dedans, le nerf dentaire antérieur (fig 25).

10
Techniques chirurgicales Chirurgie du sinus maxillaire en dehors des traumatismes et des tumeurs 46-140

Lorsqu’un abord plus important est nécessaire, il est souhaitable


d’effectuer une trépanation avec conservation du volet ostéopériosté. 26 Technique de Cald-
well-Luc : tomodensitomé-
Le sinus ouvert, l’inspection intracavitaire permet de décider de la trie postopératoire, rétrac-
conservation ou de l’éradication de la muqueuse sinusienne. Une tion des tissus mous.
muqueuse épaissie, nécrotique, couverte de sécrétions purulentes est
souvent enlevée. Ce temps est contrôlé aisément avec des optiques
(25°-70°). Le curetage du bas-fond sinusien nécessite des instruments
malléables permettant des courbures variées.
La contre-ouverture méatale inférieure est réalisée en fin
d’intervention. Une aspiration de gros diamètre ou un trocart courbe
sont fréquemment employés pour perforer la paroi. L’orifice est
ensuite agrandi avec une pince emporte-pièce pour atteindre un
diamètre d’environ 15 mm. Une sonde de Petzer est alors introduite
par cette ouverture, à partir de la cavité sinusienne. Une pince,
glissée dans la cavité nasale, saisit l’extrémité endonasale de la sonde
qui est ressortie à l’extérieur, par l’orifice narinaire. (fig 26). Le plus souvent, ce phénomène reste asymptomatique et ne
Après nettoyage de la cavité opératoire et mise en place du drainage, se traduit que par une opacité sur le cliché de sinus en incidence de
la voie d’abord antérieure est refermée. Si le volet osseux a été Blondeau. L’interprétation peut en être difficile lorsqu’il persiste une
conservé, sa remise en place précède la fermeture du lambeau jugal. symptomatologie nasale (rhinorrhée postérieure, obstruction nasale)
Une contention avec un fil résorbable est le plus souvent suffisante même modérée. Une étude tomodensitométrique peut, dans de tels
et évite l’emploi de fil d’acier. cas, apporter des renseignements très précieux sur l’état de la cavité
Si l’ouverture est réalisée à os perdu, il faut éviter la rétraction des opératoire.
tissus mous dans l’orifice créé (diamètre inférieur à 15 mm). Cela
nécessite le respect du périoste et sa reconstitution aussi correcte
que possible lors de la fermeture. Références
¶ Soins postopératoires
[1] DeFreitas J, Lucente FE. The Caldwell-Luc procedure: institutional review of 670 cases:1975-
1985. Laryngoscope 1988 ; 98 : 1297-1300
La mise en place du drain a pour objectif de prévenir l’infection de
[2] Freche et al. L’endoscopie diagnostique et thérapeutique. Rapport de la Société française
l’hémosinus secondaire à l’intervention. Une antibiothérapie est d’ORL, 1989 : 115-121
souvent instituée pour 8 à 10 jours. [3] Friedman M, Toriumi DM. The effect of a temporary naso-antral window on mucociliary clea-
rance. An experimental study. Otolaryngol Clin North Am 1989 ; 22 : 819-830
Deux à 3 jours plus tard, le drain est retiré, et seuls des lavages de la [4] Friedrich JP. Traitement des méatotomies endoscopiques des sinusites maxillaires chroni-
cavité nasale sont prescrits durant une dizaine de jours. Le patient ques. Méd Hyg 1984 ; 42 : 3410-3416
est prévenu du risque d’emphysème sous-cutané jugal en cas [5] Klossek JM, Ferrie JC, Goujon JM, Fontanel JP. Endoscopic approach of the pterygopalatin
fossa. Rhinology1994 ; 32 : 208-210
d’éternuement bloqué ou de mouchage forcé. [6] Klossek JM, Fontanel JP. Explorations physiques et thérapeutiques spéciales des sinus. Encycl
Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie,
¶ Suites opératoires 20-420-A-10, 1992 : 1-8
[7] Klossek JM, Fontanel JP. La chirurgie endonasale sous guidage endoscopique. Paris : Masson,
1992
Un œdème jugal est fréquent dans la semaine suivant l’intervention.
[8] Lund VJ. Fundamental considerations of the design and function of intranasal antrostomies.
Il disparaît habituellement sans séquelles. Des paresthésies dans les Rhinology 1985 ; 23 : 231-236
territoires maxillaires et dentaires homolatéraux ont été également [9] Murray JP, Jackson MS. Complications after treatment of chronic maxillary sinus disease with
rapportées. Des douleurs peuvent être dues à un étirement du nerf Caldwell-Luc procedure. Laryngoscope 1983 ; 93 : 282-284
[10] Perko D, Karin RR. Nasoantral windows: an experimental study in rabbits. Laryngoscope 1992 ;
infraorbitaire ou à la section de filets nerveux dentaires lors de 102 : 320-326
l’incision vestibulaire. Les traitements médicaux ou chirurgicaux [11] Seguin P, Dumas P. Complications orbitaires de la chirurgie sinusienne. Aspects cliniques et
sont souvent peu efficaces dans ces suites douloureuses. incidences médico-légales. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 (suppl 1) : 68-70
[12] Stammberger H. Endoscopic endonasal surgery, concepts in treatment of recurring rhinosi-
nusitis. Anatomic and pathophysiologic considerations. Otolaryngol Head Neck Surg 1986 ;
¶ Complications et séquelles [9] 94 : 143-147
[13] Straatman NJ, Buiter CT. Endoscopic surgery of the nasal fontanel. A new approach to recur-
Ce sont essentiellement un œdème jugal ou des paresthésies rent sinusitis. Arch Otolaryngol 1981 ; 107 : 290-293
dentaires déjà évoquées. La rétraction des tissus mous dans la [14] Terrier G. Présentation de la chirurgie rhino-sinusale sous guidage endoscopique. J Fr ORL
1987 ; 36 : 113-160
fenestration maxillaire antérieure peut, dans certains cas, entraîner [15] Wigand ME, Steiner W, Jaumann MP. Endonasal sinus surgery with endoscopical control:
une gêne jugale, susceptible de faire discuter une réintervention from radical operation to rehabilitation of the mucosa. Endoscopy 1978 ; 10 : 255-260

11
46-120
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-120

Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale


C Beauvillain de Montreuil
V Darsonval
A Jourdain
Résumé. – Les pertes de substance du nez posent des problèmes souvent complexes de réparation
fonctionnelle et esthétique.
Elles sont le plus souvent traumatiques ou consécutives à une chirurgie tumorale dermatologique.
Ces pertes de substance sont, soit superficielles, plus ou moins étendues, accessibles à des réparations de
surface, soit interruptrices au niveau de la pointe ou de l’aile du nez posant des problèmes de réparation plus
complexes.
Les pertes de substance totales ou subtotales du nez peuvent bénéficier de techniques de réparation plastique
souvent difficiles et impliquant plusieurs temps opératoires mais également de techniques prothétiques
(prothèse ou épithèse), souvent plus simples chez des patients âgés ou lorsque le risque de récidive tumorale
apparaît élevé.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : carcinome du nez, réparation des pertes de substance du nez.

Introduction Généralités

Les pertes de substance du nez sont assez fréquentes dans le cadre RAPPEL ANATOMIQUE
de la pathologie tumorale ou traumatique. Leur réparation pose des
problèmes souvent difficiles ; deux situations différentes sont ¶ Squelette nasal
distinguées selon que la perte de substance est superficielle ou
interruptrice. Le nez comporte un squelette osseux et cartilagineux dont le rôle est
essentiel dans la morphologie nasale :
Les pertes de substance superficielles sont réparées selon quatre
procédés dont les deux plus fréquents sont soit une autoplastie prise – squelette osseux avec l’apophyse montante du maxillaire
sur le nez lui-même ou à partir d’un site adjacent (front, joue), soit supérieur et les os propres du nez ;
une greffe de peau prélevée dans une région proche. – squelette cartilagineux avec le septum nasal, les cartilages
Les pertes de substance interruptrices sont réparées selon deux ou triangulaires et alaires. Le bord antérieur des cartilages triangulaires
trois plans, superficiel, muqueux et éventuellement intermédiaire est réuni à sa partie supérieure au septum septal avec lequel il
(cartilage par exemple). Cette réparation doit être rigoureuse et fusionne. Le cartilage alaire forme une arche avec deux crus réunies
exigeante afin d’assurer une harmonisation de la zone réparée par par le dôme alaire qui arme la pointe du nez. La crus latérale arme
rapport au reste du nez, ou lorsque la perte de substance est totale l’aile du nez dont elle n’atteint pas le bord libre en bas ; en haut, elle
se prolonge avec le bord inférieur du triangulaire par l’intermédiaire
ou subtotale, une restauration morphologique sinon à l’identique,
des sésamoïdes et se situe dans une même enveloppe périchondrale.
ce qui est rarement possible, du moins en harmonie avec le reste du
La crus mésiale se situe au bord antéro-inférieur du septum, arme la
visage. Les greffes composées sont également une possibilité lors de
columelle pour se terminer au contact de l’épine nasale antérieure.
pertes de substance transfixiantes et limitées ; elles assurent des
résultats souvent très satisfaisants à condition d’une technique ¶ Plan de couverture du squelette nasal
rigoureuse.
Il comprend le « superficial musculo-aponevrotic system » (SMAS),
entouré en surface de la peau et d’un plan graisseux superficiel et,
en profondeur, d’un plan graisseux profond et d’un plan fibreux
longitudinal et transversal adhérant au périoste et au périchondre.
Le SMAS est le nom donné par Tessier au fascia superficialis [13, 28] ;
le SMAS est une structure musculoaponévrotique enveloppant toute
Claude Beauvillain de Montreuil : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service d’ORL et de
chirurgie cervicofaciale, Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex 1, France. la face et entourant les muscles peauciers superficiels ; le SMAS
Vincent Darsonval : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de chirurgie plastique, CHU, nasal est un élément fibreux mobile sur le plan ostéocartilagineux
49033 Angers cedex, France.
Alain Jourdain : ORL.
enveloppant les muscles peauciers et adhérant en bas au
36, rue Ambroise Paré, 53000 Laval, France. périchondre des alaires.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Beauvillain de Montreuil C, Darsonval V et Jourdain A. Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-120, 2003, 24 p.
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

Les muscles peauciers du nez que nous ne décrivons pas ici


s’insèrent sur le derme profond par des tractus fibreux permettant 1 Sous-unités esthéti-
ques du nez
ainsi de discrets mouvements de la peau nasale sur le plan profond. 1. Dorsum ; 2. face latérale ;
Le plan fibreux profond se confond avec le périoste et le périchondre 3. pointe ; 4. aile du nez ; 5.
dont il est difficilement dissociable ; il se poursuit avec le périoste triangle mou ; 6. columelle
de l’orifice piriforme.

¶ Vascularisation du nez
– La vascularisation cutanée artérielle. Les auteurs classiques [53]
considéraient que la vascularisation du nez était assurée par les
branches de l’artère faciale qui s’anastomosait à plein canal avec
l’artère nasale, branche terminale de l’artère ophtalmique.
Les travaux de Mitz [44] et de Ricbourg [50] ont modifié ces notions à
partir de 50 dissections faites chez l’adulte : cinq variétés de l’artère
faciale ont été décrites éventuellement asymétriques chez un même
sujet.
– Type I nasal (78 %) : l’artère faciale se termine par l’artère de
l’aile du nez et constitue avec l’opposée, l’arcade de l’aile du nez.
séparé de la joue, située dans un plan différent, par les sillons naso-
– Type II classique. et alogéniens où pourront se masquer des cicatrices.
– Les types III, IV et V sont plus rares, caractérisés par une artère
coronaire supérieure prédominante (III), une artère faciale ÉTUDE DE LA PERTE DE SUBSTANCE
dédoublée (IV) ou une artère faciale faible (V). ET DES POSSIBILITÉS DE RÉPARATION
Ce réseau artériel présente des artères collatérales dont la plus ¶ Quelle est l’étendue de la perte de substance (PDS)
intéressante est l’artère du sillon nasogénien, rencontrée une fois sur et quelles sous-unités intéresse-t-elle ?
trois, qui assure alors aux lambeaux nasogéniens un authentique
pédicule vasculaire. La perte de substance est-elle superficielle ou au contraire
interruptrice de la pointe du nez ou des ailes, ce qui implique alors
– La vascularisation muqueuse artérielle du nez est assurée par les une réparation avec un double plan superficiel et profond et
branches de l’artère carotide externe (artère sphénopalatine et artère éventuellement intermédiaire ?
faciale) et de la carotide interne (artère ethmoïdale antérieure et
postérieure, branches de l’artère ophtalmique). ¶ Quels sont les rapports entre la perte de substance
– La vascularisation veineuse du nez est moins systématisée : elle et la (ou les) sous-unité(s) adjacente(s) ?
comporte plusieurs troncs veineux horizontaux qui se jettent dans Lorsque la perte de substance siège à l’intérieur d’une sous-unité en
la veine faciale, satellite de l’artère faciale. surface, il est préférable le plus souvent de les faire concorder afin
– Les lymphatiques du nez se jettent dans les nœuds lymphatiques d’avoir une réparation homogène (Le Quang) [27].
parotidiens, sous-mandibulaires et sous-digastriques ; le drainage est Lorsque la perte de substance est à cheval sur deux ou plusieurs
bilatéral. sous-unités, la réparation doit le plus souvent se faire de façon
dissociée, chaque sous-unité étant réparée de manière autonome :
¶ Innervation du nez par exemple, une résection de la joue et de la partie latérale du nez
est réparée selon deux procédés distincts de façon à ce que le pli
L’innervation des muscles faciaux du nez dépend du nerf facial. nasogénien soit respecté et que les deux plans distincts joue-nez
L’innervation sensitive cutanée : soient préservés.
– V1 : nerf ophtalmique (V1) : dos du nez et lobule ; Le choix de l’extension de l’exérèse dépend également des
possibilités de réparation, soit par un tissu très proche ayant les
– V2 : nerf sous-orbitaire (V2) : aile du nez et partie latérale. mêmes qualités de texture et d’épaisseur, soit par un lambeau pris
Des anesthésies tronculaires sont ainsi possibles. plus à distance, moins harmonieux, soit par une greffe de peau.

ÂGE DU PATIENT
UNITÉS ET SOUS-UNITÉS ESTHÉTIQUES DU NEZ
C’est également un élément important dont il faut tenir compte.
Au niveau de la face, plusieurs unités topographiques ou esthétiques
ont été décrites. Gonzalez-Ulloa [15] a été le premier à parler d’unité – Chez l’enfant, la réparation immédiate a pour objectif de
esthétique de la face : menton, nez, paupière, front. Plus récemment, permettre une croissance satisfaisante du nez, les reprises de
Burget [4] a développé, au niveau du nez, la notion de sous-unité cicatrice devant être faites plus tardivement.
esthétique correspondant à des zones d’isoréflexion de la lumière, – Chez l’adolescent ou l’adulte jeune, les cicatrices sont volontiers
entourées de zones d’ombre, dans lesquelles peuvent se masquer inflammatoires et longtemps visibles et il faut éviter les autoplasties
les cicatrices. avec des cicatrices trop longues.
Ces unités (fig 1) sont : – Chez le vieillard, au contraire, l’excès de peau et son hyperlaxité
– le dorsum, permettent des réparations étendues à condition d’éviter des
tensions excessives, facteurs possibles de nécrose.
– la face latérale du nez,
– la pointe, CHOIX DE LA MÉTHODE DE RÉPARATION
– les ailes du nez, Quatre possibilités sont à la disposition du chirurgien.
– le triangle mou de Converse, ¶ Cicatrisation dirigée
– la columelle. Suture directe après résection fusiforme
Chacune de ces sous-unités est individualisée par des reliefs et par Elle est privilégiée à condition d’une suture, si possible, dans les
les zones d’ombre qui la séparent des autres unités ; ainsi, le nez est plis cutanés et à condition que la traction ne déforme pas le nez.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

¶ Greffes Le tracé de l’incision est dessiné avant toute infiltration


anesthésique. Celle-ci est réalisée en périphérie de la tumeur, afin
Elles sont de trois types : d’éviter une dissémination tumorale. Le tracé de l’incision est
– la greffe de peau mince : elle doit être évitée au niveau de la face fonction de la nature histologique de la tumeur (d’où l’intérêt d’une
et en particulier au nez où elle laisse une cicatrice dyschromique biopsie préalable) et non de la future reconstruction, et tient compte
blanche et rétractile ; des lignes de moindre tension cutanée. Il doit exister une totale
indépendance entre l’exérèse et la reconstruction ; la guérison ne doit
– la greffe de peau totale : elle est si possible prise dans une région pas être compromise en raison d’une exérèse insuffisante par souci
proche du nez avec une qualité de peau, sinon identique, du moins d’économie tissulaire, souvent engendrée par une méconnaissance
très proche : peau rétro- mais aussi pré-auriculaire et sus-claviculaire des différents procédés de reconstruction.
pour des pertes de substance étendues. La zone donneuse est fermée
par suture directe ; L’exérèse est pratiquée à l’emporte-pièce avec une hémostase
minutieuse. La pièce est systématiquement orientée et confiée pour
– la greffe composée : elle est utilisée pour les pertes de substance un examen histologique, accompagnée d’un schéma.
interruptrices de l’aile du nez et de la columelle limitées. Comme dans toute chirurgie cancérologique, les instruments utilisés
pour l’exérèse sont retirés avant d’envisager le temps de
¶ Lambeaux reconstruction.
C’est la méthode habituellement utilisée pour la réparation des
pertes de substance du nez, surtout chez les sujets âgés (moindre ¶ Marges d’exérèse
rançon cicatricielle à cet âge). Le problème des marges d’exérèse est un problème délicat car il
Pour les pertes de substance limitées, ces lambeaux sont prélevés à s’agit d’éviter un sacrifice inutile de peau saine en ayant des marges
partir de la peau du nez adjacente et permettent une réparation à carcinologiquement correctes, extralésionnelles, en tenant compte de
l’identique : ce sont le lambeau de Rybka, le lambeau en hachette, le l’extension tumorale infraclinique.
lambeau de Rieger-Marchac ou le lambeau glabellaire. À l’inverse des mélanomes, il n’y a pas, pour les carcinomes cutanés,
Pour les pertes de substance plus étendues et en particuler de consensus concernant les marges d’exérèse mais il existe toutefois
interruptrices, la réparation a recours à des lambeaux de voisinage des règles d’exérèse incontournables qu’il faut respecter de façon
pédiculés, prélevés principalement dans la région frontale ou du impérative.
sillon nasogénien, plus rarement rétro-auriculaires (Washio).
Carcinomes basocellulaires
L’évolution des CBC est, dans l’immense majorité des cas,
INDICATIONS DE LA CHIRURGIE
ET TUMEURS CUTANÉES DERMATOLOGIQUES uniquement locale ; le risque de métastase est exceptionnel mais il
faut savoir qu’il existe :
Nous traitons dans ce chapitre de technique chirurgicale mais il faut
rappeler que toutes les tumeurs cutanées dermatologiques ne – d’une part, des localisations à risque, notamment au niveau de la
relèvent pas du traitement chirurgical. zone H ;
Certes, les tumeurs bénignes, mais aussi les mélanomes, sont des – d’autre part, des formes à risque caractérisées par leur agressivité,
indications de la chirurgie. en particulier le CBC sclérodermiforme.
L’indication thérapeutique des carcinomes épidermoïdes ou En théorie, une exérèse en périphérie entre 3 et 5 mm est suffisante,
basocellulaires du nez est souvent chirurgicale, mais certains auteurs atteignant en profondeur l’hypoderme, le périoste ou le périchondre
ont des indications plus larges de curiethérapie et certaines écoles si celui-ci est envahi.
dermatologiques préconisent la cryochirurgie. Si la théorie est simple, la réalisation pratique en raison de
En cas de récidive tumorale, après un traitement chirurgical, la l’extension tumorale infraclinique (ETI), invisible sous la peau saine,
discussion se pose toujours entre une reprise chirurgicale ou une est beaucoup plus complexe, même s’il s’agit d’un carcinome
radiothérapie. apparemment bien limité. Cette ETI est fonction :
C’est rappeler en oncologie dermatologique l’intérêt de consultations – de la taille de la tumeur,
pluridisciplinaires comportant un dermatologue, un chirurgien et un
radiothérapeute. – de sa localisation,
– de son type histologique,

TRAITEMENT CHIRURGICAL – de son caractère primitif ou récidivant.


DES TUMEURS DERMATOLOGIQUES DU NEZ La taille de la tumeur : plus la tumeur est de taille importante, plus
Un rappel sur les principes et les marges d’exérèse est nécessaire l’ETI est grande, imposant des marges d’exérèse importantes, en
avant d’envisager la prise en charge des PDS superficielles du nez. particulier si la taille est supérieure à 20 mm.
Les carcinomes cutanés sont essentiellement regroupés en deux La localisation : les zones de fusion des bourgeons embryonnaires de
familles : la face réalisent une disposition en H qui est une zone de faiblesse
de l’extension tumorale :
– les carcinomes basocellulaires (CBC) ;
– région du canthus interne,
– les carcinomes épidermoïdes (CE) ;
– région périnarinaire,
– nous n’abordons pas le problème particulier des carcinomes
– région périauriculaire.
annexiels.
Le type histologique. Il est classique de distinguer :
Si les règles d’exérèse restent identiques, les marges d’exérèse sont
en revanche différentes. – les formes histologiques non agressives (80 %), à extension
superficielle, sans infiltration profonde (CBC nodulaire, CBC
¶ Règles d’exérèse pagétoïde) ;
– les formes histologiques agressives (20 %), infiltrant l’hypoderme,
L’exérèse représente le premier temps de la prise en charge
notamment le CBC sclérodermiforme :
opératoire, la technique doit être irréprochable. Elle est effectuée
avec un bon éclairage, en s’aidant de la palpation de la tumeur afin – il représente 2 % des cancers cutanés dont 46 % au niveau du
d’en apprécier les limites. nez,

3
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

– sur le plan histologique, la tumeur infiltre le derme en Notre but n’est pas de décrire toutes les techniques mais de retenir
profondeur et en périphérie, imposant des marges d’exérèse les plus fiables, les plus faciles à réaliser permettant d’obenir des
importantes, au minimum de 1 cm, résultats de qualité, reproductibles et résoudre ainsi pratiquement
– il nécessite une reconstruction en deux temps après un résultat toutes les situations.
histologique définitif, L’intervention est, bien entendu, menée dans un but à la fois
oncologique et cosmétique. La réparation de ces PDS superficielles
– les localisations naso-orbitaires ont une extrême gravité, la
ne se limite pas à une simple fermeture cutanée mais impose un
lésion se trouvant dans le territoire de fusion des bourgeons
résultat esthétique, aussi parfait que possible.
embryologiques de la face (zone H),
La topographie et la taille sont deux éléments indispensables à
– le pourcentage élevé de récidives est probablement en partie lié analyser avant de prendre en charge une PDS superficielle du nez.
à des marges d’exérèse insuffisantes.
Le caractère primitif ou récidivant : une tumeur récidivée présente ¶ Topographie de la PDS
plus de risque qu’une tumeur primitive, le risque de récidive locale
pouvant atteindre 50 % des cas. Sous-unités du nez
Carcinomes épidermoïdes Leur importance a été rappelée précédemment.
Les CE sont caractérisés par leur potentiel métastatique. Pyramide nasale
En théorie, une exérèse en périphérie à 10 mm est nécessaire,
emportant en profondeur la totalité de l’hypoderme, avec exérèse Elle est classiquement divisée en deux parties qui posent des
du périoste ou du périchondre si celui-ci est envahi. En l’absence problèmes de reconstruction totalement différents :
d’adénopathie clinique, il n’y a pas d’indication à un curage – une partie haute ou nez osseux, correspondant aux deux tiers
ganglionnaire de l’aire de drainage. supérieurs. Elle comporte le dorsum et les faces latérales et constitue
En pratique, les critères d’analyse sont les mêmes que pour les CBC une réserve de peau fine et mobile permettant des autoplasties
et tiennent compte : locales. Les PDS y sont le plus souvent superficielles, nécessitant
une reconstruction purement cutanée. Toutes les techniques de
– de la taille de la tumeur : risque multiplié par 3 si son diamètre
reconstructions sont utilisables, notamment les greffes de peau totale
est supérieur à 20 mm ;
à la condition toutefois que le périoste soit respecté ;
– de la localisation ;
– une partie basse ou nez cartilagineux, correspondant au tiers
– du type histologique : l’analyse histologique permet de préciser : inférieur. Elle comporte les ailes, la pointe et la columelle. La
– entre les formes très bien différenciées, à taux de mortalité reconstruction pose des problèmes complexes et spécifiques en
faible, et les formes indifférenciées où la mortalité peut atteindre raison :
60 % des cas, tous les types histologiques peuvent se rencontrer, – de la nature de la peau qui est épaisse, sébacée, adhérente au
– le degré d’infiltration, notamment de l’envahissement plan cartilagineux, peu extensible, située à distance des zones
périnerveux (50 % de récidive ou de métastases en cas donneuses, ce qui explique que, très rapidement, la reconstruction
d’envahissement), va faire appel aux lambeaux locaux ;
– l’épaisseur tumorale : en général, les métastases surviennent le – de la proximité de l’orifice narinaire. Celui-ci doit être
plus souvent si le CE est épais, supérieur à 8 mm ; absolument respecté afin d’éviter une éventuelle déformation
– du caractère primitif ou récidivant. toujours visible et difficile à corriger.
– du caractère parfois transfixiant de la PDS qui sera traité au
¶ Conclusion chapitre suivant.
Les marges d’exérèse cliniques sont en fait différentes des marges
d’exérèse histologiques sur pièce fixée en raison de la rétraction qui ¶ Taille de la PDS
est de l’ordre de 30 %. Chaque tumeur a ses limites d’exérèse ; il n’y Elle doit être appréciée tant en surface qu’en profondeur.
a pas de marges d’exérèse stéréotypées ; celles-ci sont fonction des
caractéristiques de la tumeur, d’où l’intérêt d’une biopsie initiale qui En surface
va permettre de préciser le type histologique et le degré
d’infiltration. Il faut tenir compte de la surface relative de la PDS par rapport à la
taille de la pyramide nasale. Nous étudierons uniquement les
techniques de réparation des PDS superficielles limitées d’environ
EXAMEN ANATOMOPATHOLOGIQUE 2 cm de diamètre. La réparation des PDS de taille plus importante
DE LA PIÈCE OPÉRATOIRE fait appel à l’utilisation de lambeaux à distance, en particulier
C’est un élément primordial de pronostic ; dans les cas difficiles frontaux, qui sera traitée au prochain chapitre.
(épithélioma sclérodermiforme ou récidivant en particulier),
l’opérateur doit disposer soit d’examens extemporanés, soit réaliser En profondeur
des exérèses en deux temps.
Le respect du périoste à la partie haute du nez conditionne le type
La technique de Mohs, idéale, est peu utilisée en France, compte de reconstruction, sa présence permettant l’utilisation de greffe
tenu de sa lourdeur. cutanée.
Le caractère parfois transfixiant de la PDS, à la partie basse du nez,
Réparation des pertes de substance impose des conditions de reconstruction précises étudiées plus loin.
superficielles et limitées du nez
HIÉRARCHIE DES TECHNIQUES UTILISÉES

INTRODUCTION La hiérarchie des techniques utilisées dans la reconstruction des PDS


superficielles du nez reste la même que celle employée pour toute
Les PDS du nez n’intéressent, par définition, que les plans cutané et
reconstruction cutanée à savoir :
sous-cutané sans ouverture de la fosse nasale. Les procédés de
reconstruction sont innombrables. – la cicatrisation dirigée,

4
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

2 Dessin du fuseau en fonction de la localisation de la perte de substance.

– l’exérèse-suture, – au niveau du dorsum : le fuseau est vertical et effilé ;


– la greffe de peau, – au niveau de la face latérale : le fuseau est oblique en haut et en
arrière ;
– les lambeaux cutanés (uniquement locaux).
– au niveau de l’aile du nez : le fuseau est perpendiculaire au bord
¶ Cicatrisation dirigée libre de la narine ;
La cicatrisation dirigée est une méthode de réparation simple dont – au niveau de la pointe du nez : le fuseau est vertical, il est
le but est d’obtenir, après une rétraction des berges, un également possible de réaliser un fuseau en aile de mouette ou un
bourgeonnement du sous-sol et une épithélialisation spontanée à fuseau asymétrique.
partir des berges de la PDS [57]. Le décollement est inutile, c’est la berge la plus mobile qui subit le
La cicatrisation est obtenue en alternant des pansements gras pro- plus grand déplacement. Les extrémités doivent être soigneusement
inflammatoires, type Tulle gras Lumièret, qui favorisent le dégraissées afin d’éviter la formation d’une « oreille ».
bourgeonnement du sous-sol et des pansements anti-inflammatoires La fermeture se fait, sans tension, en deux plans, en évitant un
à base de corticoïde, type Corticotulle Lumièret, ou des décalage des berges :
cautérisations itératives au nitrate d’argent ou à l’acide – un plan profond dermique, avec points inversants, assure la
trichloracétique (2 fois par semaine environ) pour éviter un solidité de la cicatrice. Celui-ci est parfois difficile à réaliser,
bourgeonnement excessif. notamment au niveau de la pointe du nez en raison de la nature
La cicatrisation dirigée s’adresse à des PDS : séborrhéique de la peau ;
– de petite taille, inférieure à 5 mm, respectant le périchondre ; – un plan superficiel, si possible avec surjet, si possible
intradermique.
– situées à distance du rebord narinaire en raison du risque de
rétraction pouvant entraîner une déformation du rebord narinaire. Au niveau de la partie supérieure du nez, en raison de la laxité
cutanée, l’exérèse-suture est possible pour des PDS de diamètre
Les meilleures indications sont :
inférieur à 10 mm. En revanche, au niveau de la pointe du nez, en
– les lésions du canthus interne : les résultats y sont constamment raison du peu d’élasticité, seule une PDS inférieure à 5 mm peut
bons avec toutefois le risque d’une bride épicanthale ; être fermée par ce type de procédé.
– les lésions du pied de l’aile narinaire ; ¶ Greffe de peau totale (fig 3)
– la portion distale, non suturable des lambeaux frontaux est Dans la majorité des cas, au niveau du nez, il s’agit de greffes de
souvent laissée en cicatrisation dirigée. peau totale. La greffe de peau mince est à éviter car elle laisse une
À la simplicité de la technique, il faut ajouter l’absence de cicatrice dyschromique et se rétracte ; la greffe composée sera traitée
dyschromie car la repousse épithéliale se fait à partir des berges de dans un chapitre ultérieur.
la plaie ; en revanche, 3 à 6 semaines sont nécessaires pour obtenir Classiquement, les sites de prélèvement des greffes de peau totale
la cicatrisation au prix de pansements quotidiens ou sont nombreux et peuvent être soit :
trihebdomadaires. La rétraction cicatricielle entraîne souvent une
cicatrice déprimée. – la région rétro-auriculaire qui apporte toutefois une peau fine,
– la région prétragienne,
¶ Exérèse-suture en fuseau (fig 2)
– le sillon nasogénien qui a l’avantage d’être proche de la perte de
L’exérèse-suture est le procédé le plus simple de reconstruction, substance,
mais ce n’est souvent que lorsque la lésion est enlevée qu’il est – la région sus-claviculaire en cas de prise de greffe importante,
possible de savoir si elle est réalisable.
– ou la face interne du bras chez la femme afin d’éviter une rançon
Le fuseau est dessiné avant l’infiltration anesthésique. La longueur cicatricielle au niveau du décolleté.
est au moins égale à trois fois le diamètre de la PDS avec la résection
Certains auteurs (Talmant [59]) proposent de prélever la greffe au
d’un triangle à chaque extrémité afin d’éviter la formation d’une
niveau de la région frontale, soit au niveau de l’un des golfes
oreille. Le dessin du fuseau tient compte des lignes de tension
frontotemporaux, soit à proximité de la ligne médiane car la nature
cutanée et de la localisation de la PDS [55] (fig 2) :
de la peau frontale semble la mieux adaptée aux pertes de substance
– au niveau de la racine du nez : le fuseau horizontal est situé dans de la pointe du nez. Il faut, bien entendu, prendre soin de ne pas
les rides, notamment chez le sujet âgé en évitant d’effacer l’angle léser le système vasculaire sous-jacent afin de conserver la possibilité
nasofrontal ; de lever un lambeau frontal.

5
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

3 Greffe de peau totale.


A. Carcinome basocellulaire de la pointe
du nez chez une patiente de 78 ans.
B. Exérèse de la lésion.
C. Réparation par une greffe de peau totale
prélevée en région rétro-auriculaire. Ré-
sultat à 1 an avec intégrité correcte de la
greffe.

*
A *
B *
C

Le prélèvement doit être fait avec une extrême rigueur afin de – Les lambeaux d’avancement :
s’assurer, de façon constante, de la prise de la greffe. Il se fait au
– le lambeau myocutané du transverse du nez (Rybka),
bistouri à lame froide, à partir d’un patron de la PDS dessiné le plus
souvent sur une feuille d’aluminium (enveloppe de fil) afin de – le lambeau d’avancement vertical du dos du nez (Rintala).
reproduire exactement les courbures du nez. L’infiltration facilite le – Les lambeaux de transposition :
décollement du greffon. La greffe est dégraissée, de façon
minutieuse, avec la pointe des ciseaux jusqu’à la partie profonde du – le lambeau bilobé,
derme. Elle est ensuite suturée bord à bord à la PDS par des points – le lambeau de transposition dorsal du nez en îlot cutané,
séparés. Quelques points de capiton permettent de la solidariser au
plan profond et évitent des mouvements de cisaillement qui ne – le lambeau glabellaire.
feraient que compromettre la bonne prise. Un lavage au sérum
Lambeaux de rotation
bétadiné est indispensable afin d’évacuer les sérosités accumulées
sous la greffe, ce qui dispense de réaliser des points de moucheture
à la surface de la greffe qui souvent restent visibles. L’intervention • Lambeau nasal de Rieger (fig 4)
se termine par la mise en place d’un bourdonnet retiré au 5e ou Le lambeau de Rieger [46, 51], décrit en 1967, est un lambeau nasal de
6e jour. La zone donneuse est fermée par suture directe. rotation qui, au lambeau glabellaire de McGregor [34] (1962), associe
Il faut garder présente à l’esprit la notion que toute PDS superficielle un décollement de l’ensemble des téguments de la pyramide nasale
du nez peut être traitée par mise en place d’une greffe de peau totale permettant la reconstruction des PDS de la pointe du nez, médiane
à la condition d’avoir un sous-sol receveur de bonne qualité, à savoir ou paramédiane.
un périoste ou un périchondre conservé. Comme pour tous les types La technique a été reprise en 1969 par Marchac [30, 31, 32] qui, en
de reconstruction, la greffe de peau totale est, dans la mesure du pédiculisant le lambeau sur les vaisseaux angulaires, diminue
possible, étendue à la sous-unité esthétique. l’oreille de rotation permettant ainsi la reconstruction des PDS plus
haut situées sur la pyramide nasale.
En cas de doute histologique, notamment dans les CBC de type
sclérodermiforme, la greffe de peau totale permet de recouvrir la Le dessin du lambeau de Rieger doit être précis afin d’éviter une
lésion sans gaspiller inutilement un lambeau. Elle permet d’autre déformation de la pointe ou de l’aile. Ce lambeau effectue
part une meilleure surveillance et ne mobilise pas de tissu sain, ce essentiellement une rotation à partir d’un point pivot (P) situé
qui est un atout en cas d’éventuelle récidive. Elle entraîne peu de légèrement en dedans du canthus interne, du côté opposé à la PDS.
rétraction par rapport aux autres types de greffes cutanées. La mesure rigoureuse des rayons est nécessaire à la réalisation
correcte du tracé, ce qui permet d’éviter l’ascension alaire du côté
L’inconvénient majeur d’une greffe de peau totale est la dyschromie opposé au pédicule. Cette mesure est effectuée de sorte que les
totalement imprévisible à l’origine d’un effet de patchwork qui rayons PA = PB = PC :
souvent s’atténue avec le temps, notamment au niveau de la pointe.
Celle-ci entraîne également un aspect en marche d’escalier au niveau – le point A situé au bord inférieur de la PDS, représente l’extrémité
de la périphérie de la greffe avec une surface déprimée par rapport du rayon ;
à la peau environnante, surtout s’il s’agit de greffe trop fine, en – le point B se situe si possible à la jonction du sillon sus-alaire et
particulier rétro-auriculaire. Cet inconvénient peut être évité en du sillon nasogénien ;
respectant un intervalle de 10 à 15 jours entre l’exérèse et la mise en
– le point C est tracé de sorte que AB = BC.
place de la greffe, ce qui permet de diminuer le comblement par la
formation d’un tissu de granulation. Le lambeau est ensuite dessiné transversalement à partir du bord
inférieur de la PDS en direction du sillon alogénien, prolongé dans
le sillon nasogénien jusqu’au canthus interne en y restant distant de
¶ Lambeaux locaux
quelques millimètres. Le dessin remonte ensuite dans la région
Les lambeaux locaux ne s’adressent qu’à des PDS de taille limitée. glabellaire en formant un V inversé pour redescendre au niveau du
Ils utilisent les téguments proches de la PDS et apportent ainsi une canthus interne controlatéral. La création de cette pointe glabellaire
peau de coloration et de texture identiques à celles de la PDS. Ils n’est pas indispensable à la réalisation du lambeau, elle évite
sont mobilisés selon les principes de base de la chirurgie plastique, uniquement un rapprochement excessif des sourcils.
à savoir la rotation, l’avancement ou la transposition. Au niveau du nez, la dissection est profonde, effectuée sous le
Les lambeaux locaux les plus communément utilisés sont les SMAS, dans le plan de la rhinoplastie en restant au-dessus du plan
suivants. périosté et périchondral. Elle débute au niveau de la PDS et est
classiquement prudente dans la région canthale en raison du
– Les lambeaux de rotation : pédicule vasculaire. En réalité, la vascularisation du lambeau est
assurée par la large lame musculoaponévrotique, sous la
– le lambeau nasal de Rieger et ses dérivés (le lambeau de
dépendance de la terminaison de l’artère faciale, étendue de la PDS
Marchac),
au point pivot. Malgré la taille du pédicule vasculaire, la résection
– le lambeau en hachette. de l’oreille de rotation formée lors de la mise en place du lambeau

6
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

*
C

*
B
*
A

4 Lambeau de Rieger.
A. Dessin du lambeau.
B. Épithélioma basocellulaire de la pointe
du nez chez un patient de 73 ans.
C. Décollement du lambeau effectué dans
le plan de la rhinoplastie.
D. Mise en place du lambeau.
E. Résultat à 6 mois, face.
F. Résultat à 6 mois, profil.

*
D *
E *
F

doit être prudente, uniquement cutanée, pouvant s’étendre permettant ainsi une meilleure rotation et une reconstruction des
pratiquement jusqu’au point pivot. Au niveau glabellaire, la PDS plus haut situées sur la pyramide nasale. La résection de
dissection sous-cutanée respecte le plan musculaire. l’oreille de rotation doit rester toutefois prudente car la supprimer
La rotation du lambeau entraîne la création de deux pertes de complètement viendrait soutenir l’hypothèse que la vascularisation
substance : de la totalité des téguments de la pyramide nasale est sous la
dépendance de l’artère angulaire.
– l’une nasogénienne, fermée par un avancement jugal ;
– l’autre glabellaire, fermée par une plastie en VY. • Lambeau en hachette (fig 5)
Un soin tout particulier est apporté à la fermeture cutanée, Le lambeau en hachette, décrit par Emmett (1977) [12], est un lambeau
notamment au niveau de la cicatrice horizontale de la partie basse de rotation à pédicule sous-cutané. Comme son nom l’indique, le
du nez. Elle est effectuée en deux plans, ce qui permet de corriger le lambeau en hachette a une forme de petite hache dont le côté
décalage d’épaisseur entre les deux berges. L’importance du tranchant du fer est tangent à l’un des bords de la perte de substance
décollement nécessite une hémostase rigoureuse et la mise en place qui se situe à l’une des extrémités du fer. La dissection se fait dans
d’un pansement compressif associé à un méchage endonarinaire. le plan sous-cutané.
L’hématome est le risque majeur de ce type de reconstruction. La fermeture réalisée par une plastie en VY ou une plastie en Z
Ce lambeau est irremplaçable pour la réparation des PDS non asymétrique nécessite la création d’un contre-lambeau.
transfixiantes de la pointe du nez, de taille inférieure à 2 cm, en Ce lambeau en hachette s’adresse à des PDS du nez de petite taille,
restant toutefois prudent dans son utilisation chez le sujet jeune en de 0,5 à 1,5 cm de diamètre. La technique a été modifiée par
raison de la rançon cicatricielle imprévisible. Les incisions cutanées Reynaud (1983) [49] qui, en transformant le pédicule sous-cutané en
croisant les lignes de plis naturels entraînent un non-respect des un pédicule musculocutané, entraîne plus de fiabilité et une plus
unités anatomiques. Ce lambeau est donc en priorité réservé au sujet grande mobilité. Le lambeau peut ainsi réparer des PDS de 2,5 à
âgé à bonne cicatrisation et avec une importante laxité cutanée. Il ne 3 cm de diamètre.
permet pas la reconstruction des PDS du rebord alaire ou de la Comme dans tous les petits lambeaux à pédicule sous-cutané,
columelle. l’aspect turgescent avec « mise en boule » s’améliore avec le temps.
La technique a été reprise par Marchac [30, 31, 32] qui, en pédiculisant Lorsque le lambeau est disséqué en musculocutané, la rétraction et
le lambeau sur les vaisseaux angulaires, diminue le pont cutané l’œdème postopératoire sont minimes. Les cicatrices n’utilisent pas

7
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

respecte une unité anatomique : l’aile du nez. C’est le seul lambeau


nasal à utiliser les sillons naturels. Il laisse parfois une parésie de la
narine qui récupère au cours des mois suivants.

• Lambeau d’avancement vertical du dos du nez (Rintala) (fig 8)


C’est un lambeau d’avancement en U du dorsum nasal décrit par
Rintala [52] en 1969 et modifié par Jackson [20] pour atteindre plus
facilement la pointe du nez. Sa vascularisation est assurée par les
branches longitudinales des artères angulaires.
Le lambeau est dessiné de part et d’autre du dorsum à la limite des
sous-unités, sa longueur pouvant atteindre sans problème deux fois
la largeur.
La dissection est profonde, dans le plan de la rhinoplastie, au-
dessus du plan périosté et périchondral.
L’exérèse de triangles de décharge est nécessaire et se situe :
– soit au-dessus et au ras des sourcils ;

*
A * – soit au niveau de la région canthale en respectant les artères
B
angulaires.
5 Lambeau en hachette Le lambeau d’avancement vertical du dos du nez s’adresse
A. Mélanome de Dubreuilh. essentiellement aux PDS médianes et hautes de la pointe du nez,
B. Résultat immédiat. pas trop étalées dans le sens du grand axe du nez dont la taille est
inférieure à 15 mm. Il est utilisable pour toutes les lésions du
les sillons naturels et le risque de rétraction de la narine est dorsum de la racine à la pointe et a l’avantage de respecter une
important lorsque le lambeau est dessiné trop près du rebord unité anatomique : le dorsum nasal, les cicatrices se situant au
narinaire. niveau des faces latérales au nez.
En revanche, ce lambeau remonte la pointe du nez, ce qui parfois
Lambeaux d’avancement est un avantage chez le sujet âgé à pointe tombante et entraîne une
fermeture de l’angle nasofrontal qui toutefois s’améliore avec le
• Lambeau myocutané du transverse du nez (fig 6) temps.
Le lambeau du transverse du nez décrit par Rybka (1983) [54] est un Son manque d’extensibilité doit le réserver au sujet âgé à laxité
lambeau d’avancement musculocutané, à pédicule vasculaire, basé cutanée importante.
sur les fibres inférieures du muscle du transverse du nez.
Le lambeau myocutané du transverse du nez est dessiné au niveau Lambeaux de transposition
et au-dessus du sillon sus-alaire, la pointe se prolonge dans le sillon
alogénien. L’incision supérieure prolonge la partie supérieure de la • Lambeau bilobé (fig 9) [35, 60, 63, 64, 65]
PDS, l’incision inférieure se situe strictement dans le sillon sus- Le lambeau bilobé, décrit en 1952 par Zimany [64] , suite à la
alaire, la longueur du lambeau est fonction du diamètre de la PDS. description d’Esser a été repris et modifié par Zitelli [65] en 1987.
La pointe du lambeau est plus ou moins longue mais, de toute façon, Ce lambeau de double transposition utilise de façon indirecte une
elle doit impérativement dépasser le bord caudal de la crus latérale peau plus élastique située à distance de la PDS lorsque celle-ci siège
qui correspond à l’émergence du pédicule vasculaire. Pour des dans une zone où la peau est peu extensible. C’est le cas, au niveau
raisons esthétiques, nous préconisons de prolonger la pointe du de la pointe du nez, où la peau est inextensible, le lambeau bilobé
lambeau au niveau du pied de l’aile narinaire car elle y devient compense le manque d’élasticité en empruntant la peau au niveau
rapidement invisible [22]. du dorsum ou de la région latéronasale sans déborder sur la joue.
La dissection est profonde, sous le plan musculaire et la levée du Ce lambeau a été longtemps décrié en raison de sa rançon
lambeau nécessite : cicatricielle. Il a une tendance naturelle à se mettre en boule. Il peut
– une section du muscle transverse à la base de l’orifice piriforme en fait rendre de réels services dans la réparation des PDS de la
en respectant l’axe vasculaire qui pénètre plus haut dans le muscle ; pointe du nez, et notamment celles proches du rebord narinaire ou
même débordant sur la partie haute de la columelle à la condition
– un décollement du lambeau au niveau de l’extrémité craniale du d’effectuer minutieusement son dessin proposé par Zitelli [65]. Cinq
plan périchondral de l’alaire, poursuivi très en dehors. Ce règles essentielles sont à respecter.
décollement est sans danger pour la vitalité du lambeau puisqu’il
s’agit d’un lambeau à pédicule vasculaire et non d’un lambeau à – La rotation globale du lambeau ne doit pas être comme l’avait
pédicule sous-cutané. La section associée à un important préconisé Zimany de 180° mais uniquement de 90 à 100°, la rotation
décollement entraîne une très bonne mobilité du lambeau. de chaque lobe étant inférieure à 50°.
La fermeture réalisée par une plastie en VY du site donneur, après – Le point pivot (P) doit être situé à une distance minimale d’un
une hémostase rigoureuse, s’effectue sans tension, en deux plans. rayon de la PDS afin d’éviter lors de la transposition la formation
La mobilité du lambeau musculocutané du transverse étant limitée, d’une « oreille ». Plus celui-ci est déporté, plus le lambeau est grand,
celui-ci ne s’adresse qu’à des PDS médianes ou paramédianes de la repoussant ainsi le deuxième lobe à la partie haute du nez. Sa
pointe du nez, inférieures à 15 mm. Il est possible d’utiliser un position exacte est obtenue en modifiant la position du point pivot.
double lambeau (fig 7) pour des lésions médianes de la pointe du Le deuxième lobe doit être placé dans la région du dorsum, ou
nez dont le diamètre est égal ou inférieur à 25 mm, à la condition de mieux dans la région latéronasale, les cicatrices sont alors situées
pédiculiser au maximum les deux lambeaux. La PDS doit se situer à dans une zone d’ombre. Il faut toutefois éviter de le placer trop
distance du rebord narinaire afin d’éviter une déformation latéralement en raison du risque inesthétique de comblement de la
secondaire par rétraction de l’aile narinaire. vallée des larmes.
C’est une excellente plastie utilisable pour les PDS du tiers inférieur – Le premier lobe doit avoir la taille de la PDS, le deuxième lobe la
du nez avec un minimum de rançon cicatricielle, les cicatrices étant moitié de la taille et environ le double de la hauteur de façon à
bien situées et orientées sans distorsion des structures voisines. Elle pouvoir refermer par simple rapprochement.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

*
A
*
C

*
B

*
D

*
E
*
F

6 Lambeau de transverse du nez (Rybka).


A. Exérèse de la lésion avec dessin du lambeau dont la pointe est prolongée au niveau du pied de l’aile narinaire.
B. Dissection du lambeau sous le plan musculaire avec section du muscle transverse à la base de l’orifice piriforme et exérèse de
triangles cutanés nécessaire à la fermeture.
C. Fermeture par une plastie en VY.
D. Dessin d’un lambeau de transverse chez un patient présentant un épithélioma basocellulaire de la pointe du nez.
E. Levée du lambeau avec décollement au-dessus du plan cartilagineux et section du muscle transverse.
F. Avancée et mise en place du lambeau avec plastie en VY.
G. Résultat de profil à 1 an.

*
G

– La réalisation du lambeau nécessite de décoller pratiquement la pointe pour reconstruire l’aile du nez. Il est vascularisé par un
totalité des téguments de la pyramide nasale afin d’obtenir une pédicule étroit abordant le lambeau par sa face profonde au niveau
fermeture sans tension. Ce lambeau est disséqué dans le plan de la région sus-apicale.
rétromusculaire. Le lambeau est dessiné au niveau du dos du nez, de la glabelle à la
– Le lambeau ne s’adresse qu’à des PDS de taille limitée, inférieure partie supérieure de la columelle. Ses dimensions sont d’environ
à 2 cm de diamètre [23]. Il peut en revanche être dessiné très proche 50 mm de hauteur sur 15 mm de large, celui-ci est effilé à ses
du rebord narinaire sans entraîner de distorsion importante. extrémités afin d’obtenir une fermeture sans problème.
L’incision cutanée est faite jusqu’au périoste sur toute sa périphérie,
• Lambeau de transposition dorsale du nez en îlot cutané (fig 10) le lambeau est décollé des trois quarts supérieurs en passant sous le
Ce lambeau, dérivé du lambeau d’Edgerton [11], proposé pour les plan fasciomusculaire ; au niveau du quart inférieur, le décollement
allongements columellaires, a été décrit en 1994 par Texier [61]. Il s’effectue uniquement sur les bords sans chercher à isoler le pédicule
profite de l’excès cutané du dorsum et de la richesse vasculaire de la vasculaire. La levée du lambeau se fait de haut en bas jusqu’à une

9
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

nasale antérieure (septoplastie, rhinoplastie). Si le lambeau est replié


sur lui-même pour refaire le plan muqueux, il devient rapidement
trop épais et surtout trop court si la perte de substance est distale.

• Lambeau glabellaire (fig 11)


C’est un lambeau de transposition dessiné au niveau de la glabelle
et destiné à fermer une PDS de la partie supérieure du dorsum nasal
ou du canthus interne [21, 34].
Le dessin débute au niveau de la racine du sourcil, du côté opposé à
la PDS, remonte ensuite au niveau de la ligne médiane du front sur
une hauteur de quelques centimètres en dessinant un V inversé et
redescend ensuite jusqu’au bord externe de la perte de substance.
La dissection respecte le plan musculaire et comprend la peau, le
tissu cellulaire sous-cutané et la lame vasculaire (le lambeau est
vascularisé par les vaisseaux supratrochléaires).
La fermeture de la zone donneuse se fait :
*
A *
B
– soit par suture directe en deux plans après décollement et
rapprochement des berges ;
– soit par une plastie en VY.
Un point de capiton est souhaitable afin d’appliquer parfaitement le
lambeau, celui-ci est retiré très rapidement, le lendemain de
l’intervention, ce qui évite le comblement de l’angle nasofrontal.
Le lambeau glabellaire s’adresse à des PDS limitées, inférieures à
2 cm, de la partie supérieure du dorsum ou du canthus interne.
Il apporte au niveau du canthus interne une peau épaisse qui
nécessite impérativement un dégraissage. La formation d’une
*
C « oreille » au niveau du point pivot est pratiquement constante, mais
s’améliore avec le temps. Le lambeau glabellaire entraîne un
rapprochement des sourcils.

GREFFES COMPOSÉES

¶ Greffes cutanéo-adipeuses prélevées au punch [2, 10, 29]

Ce type de greffe est en réalité une greffe composée, épiderme


derme + pannicule adipeux, utilisable au niveau de la pointe du nez
chez des patients à peau épaisse ou à tendance séborrhéique.
Pour des lésions de 4 à 8 mm, difficilement suturables au niveau du
lobule nasal, il est possible de prélever ce type de greffon, soit au
niveau du lobule auriculaire chez l’enfant, d’une ride glabellaire ou
dans le sillon nasogénien chez le patient plus âgé, à l’aide d’un
punch du même calibre que celui qui a permis l’exérèse circulaire
de la lésion. Ce remplacement tissulaire, strictement de même
dimension et de même épaisseur, doit être fixé à la périphérie par 6
*
D *
E à 8 points de fil décimal 0,7 non serrés.
7 Lambeau de double transverse. Le patient doit être prévenu de la durée de l’œdème et de la rougeur
A. Patiente de 78 ans présentant un carcinome basocellulaire nodulaire de la postopératoire (environ 6 mois). Le résultat, habituellement
pointe du nez. d’excellente qualité, peut éventuellement être encore amélioré par
B. Exérèse de la lésion et dessin des deux lambeaux. une dermabrasion effectuée vers le 8e mois.
C. Levée des lambeaux qui restent pédiculisés sur leurs axes vasculaires.
D. Résultat à 1 an, face. ¶ Greffe chondrocutanée [1, 3, 9, 14, 25]
E. Résultat à 1 an, profil.
Elle est le plus souvent d’origine auriculaire. Elle peut être d’origine
ligne passant par le bord supérieur du dôme des alaires. Le lambeau nasale, prélevée sur l’aile narinaire controlatérale lorsque l’orifice
est ensuite pivoté de 90° pour se placer au niveau de la PDS alaire. narinaire controlatéral a un diamètre permettant une réduction sans
conséquence fonctionnelle. Cette technique peut être utile dans les
La fermeture se fait par simple rapprochement au niveau du dorsum lésions limitées du pied de l’aile narinaire, la cicatrice de
après décollement latéral au-delà du sillon nasogénien. prélèvement étant située dans le sillon alogénien, le greffon prélevé
Il s’adresse à des PDS de l’aile du nez, cutanées ou transfixiantes et étant égal à la moitié de la perte de substance, ce qui permet une
du lobule respectant la partie médiane de la pointe. symétrisation des orifices narinaires.
Il permet une reconstruction alaire en un temps avec possibilité de
doubler celui-ci avec une greffe chondrocutanée. Ce lambeau bien Prélèvement de cartilage auriculaire
adapté à la région alaire, a une tendance à bien dessiner le lobule du
nez et est suffisamment long pour réparer l’aile sur toute sa • Technique
longueur. Ce prélèvement de pleine épaisseur doit être de taille identique à la
Sa vascularisation étant assurée par les artères ethmoïdales perte de substance ; toute mise en tension du greffon pour réduire
antérieures, sa vitalité peut être compromise en cas d’intervention les séquelles de prélèvement entraîne une ischémie des berges et

10
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

*
C

*
A *
B

8 Lambeau d’avancement du dos du nez (Rintala).


A. Schéma - dessin du lambeau.
B. Mise en place du lambeau en fin d’intervention.
C. Lésion initiale : volumineux carcinome basocellulaire de la pointe du
nez.
D. Lambeau en place en fin d’intervention.
E. Résultat avec 6 mois de recul.

*
D *
E

une augmentation du risque de nécrose (une séquelle cicatricielle de l’aile narinaire. La zone de prélèvement auriculaire dépend de la
un peu disgracieuse au niveau auriculaire est moins visible qu’une courbure à obtenir. À la partie moyenne de l’aile narinaire
déformation de la pointe du nez). correspond habituellement la partie initiale, très antérieure de l’hélix
Il est utile d’effectuer un « patron » de la zone à reconstruire. La (fig 12).
perte de substance cutanée nasale externe débordant parfois la lésion À la partie distale, plus courbe, correspond la portion du tiers
cartilagineuse est souvent aussi plus importante que le defect supérieur de l’hélix ou à la jonction tiers supérieur-tiers moyen.
endonasal.
Au triangle mou de converse et à la jonction aile narinaire-columelle
Ce greffon est prélevé au bistouri en réalisant une section franche, correspond l’échancrure antitragienne. Il faut alors choisir le côté
perpendiculaire à la peau, en tenant le greffon avec les doigts ou un homo- ou controlatéral en fonction de la projection de l’antitragus,
crochet de Gillies sans traction. Il est primordial d’éviter de recréant un angle columelle/aile adapté.
traumatiser le prélèvement avec des pinces. Il est ensuite comprimé
entre le pouce et l’index, afin d’en chasser au maximum le sang, et Pour les régions convexes de l’aile narinaire n’intéressant pas le bord
plongé dans du sérum hépariné. libre, un prélèvement, situé sur le tiers supérieur de l’hélix et en
arrière du bord libre, permet de recréer une convexité adaptée.
Le greffon est mis en place immédiatement, en l’ajustant si besoin,
puis la réparation auriculaire est effectuée. La suture est uniquement Nous proposons le schéma de prélèvement suivant en fonction de
cutanée, réalisée à l’aide de fil décimal 0,7, non ischémiante. la localisation lésionnelle (fig 12).
Un pansement gras est mis en place pendant 48 heures, permettant
d’éviter toute dessiccation ou refroidissement du greffon. À la 48e • Indications
heure, nous réalisons des punctures permettant de chasser le sang Ces greffons auriculaires ne doivent pas classiquement dépasser
veineux accumulé, donnant à cette greffe composée un teint violet. 2 cm2, avoir le point central de la greffe éloigné de la berge du site
Un nouveau pansement gras est mis en place après désinfection,
receveur de plus de 1 cm. La limite de 1,5 cm2 nous paraît plus
pour une durée de 3 à 5 jours. Les fils sont habituellement retirés au
raisonnable. Au-delà, il faut s’aider d’artifices techniques permettant
7e jour.
d’augmenter la surface de contact entre le greffon et le site receveur.
Le rapport surface du greffon/surface de contact est le facteur de
• Siège de prélèvement succès prépondérant. Un rapport 3/1 nous paraît être la limite
Pour des raisons de coloration, nous utilisons le plus souvent raisonnable (exemple : greffon de 2 cm2 = surface de contact
possible la face antérieure du pavillon pour reconstruire le bord libre 0,7 cm2).

11
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

*
B
*
C
*
A

*
D *
E *
F *
G

9 Lambeau bilobé.
A, B, C. Tracé théorique du lambeau.
D. Dessin du lambeau.
E. Exérèse de la lésion et levée du lambeau dans le plan de la rhinoplastie.
F. Important décollement qui va permettre une rotation et une suture sans tension.
G. Mise en place du lambeau.
H. Résultat à 6 mois, 3/4.
I. Résultat à 6 mois, face.

*
H *
I

L’âge n’a pas d’influence sur la qualité de prise du greffon ; Enfin, plusieurs greffons peuvent être juxtaposés en espaçant les
l’irradiation, bien que ne contre-indiquant pas formellement cette temps opératoires. Un délai de 2 mois nous paraît le minimum avant
technique, augmente le risque de nécrose. d’utiliser le premier greffon comme vecteur vasculaire du deuxième
greffon.
Le tabagisme est également un élément compromettant gravement Cette technique, simple et fiable lorsque les précautions sont
les chances de revascularisation. Un arrêt du tabac, au moins respectées, a l’avantage de ne pas laisser de séquelles cicatricielles
pendant 1 mois en préopératoire et les 5 jours postopératoires, nous au niveau de la face et peut toujours être affinée ou complétée par
semble impératif. d’autres techniques.

12
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

10 Lambeau de transposition dorsale du nez.


A. Dessin du lambeau.
B. Levée du lambeau.
C. Lambeau en place en fin d’interven-
tion.

*
A *
C
*
B

*
A *
B *
C

11 Lambeau glabellaire. Il est utilisé pour réparer les pertes de substance du dorsum B, C. Lambeau en place en fin d’intervention.
et du canthus interne.
A. Dessin du lambeau.

Réparation des pertes de substance Ce lambeau, à pédicule supérieur (fig 13), est principalement utilisé
pour la réparation des PDS de l’aile du nez, superficielles mais
interruptrices et(ou) étendues du nez surtout interruptrices selon la méthode de Préaux [47]. Il est aminci
jusqu’au plan dermique dans sa partie distale, puis replié sur lui-
même afin de reconstituer les plans superficiels et profonds. Un
GREFFES COMPOSÉES
bourdonnet maintenu par un ou deux points transfixiants assure la
Elles sont proposées pour les PDS interruptrices limitées de l’aile du pérennité de la réparation. L’interposition d’un fragment de cartilage
nez. (de conque par exemple) est rarement nécessaire, la reconstruction
apparaissant assez rigide mais souvent trop épaisse de sorte qu’un
réajustage secondaire est parfois nécessaire dans un deuxième temps
LAMBEAUX RÉGIONAUX
sous anesthésie locale.
Les lambeaux nasogéniens et les lambeaux frontaux sont les plus Le lambeau nasogénien est habituellement positionné avec son
utilisés. pédicule à condition d’adapter la résection de peau correspondante
Lorsque la perte de substance est interruptrice, se pose le problème pour les réparations d’aile narinaire.
de la réparation des plans superficiels ainsi que d’un éventuel plan Il a pu être proposé pour les réparations de pointes du nez
intermédiaire osseux ou cartilagineux. superficielles, avec des résultats décevants dus en particulier à la
discoloration.
¶ Lambeau nasogénien [16, 17, 47, 58]
Le lambeau nasogénien, à pédicule inférieur, est un bon procédé
C’est un lambeau dont la vascularisation est assurée par les pour les restaurations columellaires, le lambeau étant désépidermisé
pédicules sous-dermique provenant de l’artère faciale ; ce n’est donc dans sa partie intermédiaire passant sous l’aile du nez.
pas un lambeau vasculaire et c’est la raison pour laquelle il peut Les avantages du lambeau nasogénien sont :
être tracé à pédicule supérieur ou inférieur.
– un bon camouflage de la zone donneuse en arrière du pli ;
Son tracé se situe en arrière du sillon naso-, alo- ou labiogénien,
donc dans une zone non pileuse chez l’homme. Sa largeur peut – un respect du sillon ;
atteindre 2 à 2,5 cm. Sa longueur est de 8 à 10 cm ; l’extrémité effilée – un assez bon résultat cosmétique pour la reconstruction de l’aile
facilite la fermeture qui doit se faire en deux plans. du nez ou de la columelle.

13
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

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B
*
C *
D
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A

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E *
F *
G

12 Greffes composées. D. Réparation par des greffes composées multiples juxtaposées.


A. Zone de prélèvement des greffes composées au niveau auriculaire. E. Résultat à 1 an.
B. Schéma de prélèvement en fonction de la localisation lésionnelle. F. Amputation traumatique de l’aile du nez.
C. Amputation de la pointe du nez. G. Réparation par une greffe composée prise aux dépens de la racine de l’hélix.

*
A *
B *
C *
D
13 Lambeau nasogénien. B. Résection tumorale et tracé du lambeau.
Lambeau nasogénien replié sur lui-même sans armature cartilagineuse (Préaux). C. Résultat quelques mois plus tard.
A. Récidive d’un épithélioma basocellulaire chez un patient préalablement irradié. D. Résultat quelques mois plus tard : vue inférieure.

Les inconvénients sont : – une congestion veineuse en cas de dégraissage total d’emblée du
lambeau ;
– un lambeau un peu épais malgré son amincissement pour
reconstituer une aile de nez, de sorte qu’un deuxième temps est – la présence d’une petite encoche à la jonction du lobule et de l’aile
souvent nécessaire ; du nez pouvant nécessiter une correction par armature cartilagineuse.

14
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

*
A
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B
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C

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D *
E *
F

14 Technique de Pers.
A. Repères du tracé. (Portion cutanée utilisée pour la reconstruction de la peau D. Patient ayant un épithélioma spinocellulaire de l’aile et de la pointe du nez : tracé
endonasale.) du lambeau.
B. Tracé du lambeau. E. Lambeau en place en fin d’intervention.
C. Dissection du lambeau. F. Résultat à 1 an.

Lambeau de Pers Lorsque la lésion déborde sur le lobule nasal, le prélèvement peut
être réalisé en laissant en place la peau recouvrant le pédicule.
C’est un lambeau nasogénien modifié (fig 14).
Cette technique permet ensuite la fermeture du site donneur par un
La réparation de l’aile narinaire dans son ensemble (peau + cartilage
lambeau en îlot nasogénien à pédicule sous-cutané.
de pleine épaisseur, parfois étendus à la partie homolatérale du
lobule nasal) est mieux encore assurée par un lambeau nasogénien Le lambeau de Pers modifié peut être indiqué dans les PDS de pleine
en îlot décrit par Pers [45] en 1967, modifiée par l’un de nous [18] en épaisseur, interruptrices de l’ensemble de l’aile narinaire, débordant
traçant la zone de prélèvement dans le sillon labiogénien, un peu sur le lobule nasal mais n’atteignant pas le dôme cartilagineux. Ce
plus externe que dans le tracé proposé initialement, et en conservant lambeau un peu épais, non armé, doit en effet être « tendu » au
un fragment de l’insertion de l’aile narinaire lorsque cela est niveau de sa zone de plicature sur une partie antérieure restante de
possible, à pédicule inférieur. l’orifice narinaire, afin d’éviter un collapsus de l’aile reconstruite.
Toute lésion débordant sur cette zone nous semble contre-indiquer
Ce lambeau à pédicule supérieur est vascularisé par des branches l’usage d’un lambeau sans structure de soutien cartilagineux.
alaires de l’artère labiale supérieure. Son tracé nécessite une
Les avantages en sont :
technique rigoureuse en réalisant un patron de la PDS endonasale
situé sous la ligne A’B’ de plicature du lambeau, la PDS cutanée – une reconstruction alaire en un temps avec réfection simultanée
correspondant au tracé situé au-dessous de cette même ligne. du plan de couverture et de doublure ;
Le lambeau est disséqué jusqu’au rebord de l’orifice piriforme en – la conservation du sillon alogénien ;
conservant un pédicule sous-cutané fibromusculaire. Il est ensuite – une symétrie des ailes narinaires.
retourné sur ce pédicule selon un axe vertical, puis la palette cutanée
Les inconvénients :
est plicaturée selon un axe horizontal.
Pour obtenir un résultat esthétiquement acceptable, il est nécessaire – l’absence d’armature cartilagineuse ;
de prélever cette palette cutanée de distal en proximal avec une – une fiabilité vasculaire aléatoire avec souvent une souffrance
épaisseur de 2 à 3 mm au maximum. veineuse précoce ;
La dissection doit être poursuivie vers l’orifice piriforme, de façon – l’épaisseur du lambeau à l’origine d’obstruction nasale qui va
très prudente en profondeur pour ne pas léser les veines profondes. nécessiter un dégraissage secondaire ;

15
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

– la rançon cicatricielle importante au niveau jugal, ce qui le réserve – si la zone donneuse ne peut être refermée par simple
en priorité aux sujets âgés à cicatrisation parfaite. La fermeture de la rapprochement, elle est laissée à la cicatrisation dirigée. Celle-ci est
zone donneuse impose la nécessité de tracer un nouveau lambeau obtenue en 7 à 10 semaines avec des résultats de qualité supérieure
nasogénien. à ceux d’une greffe de peau totale qui, souvent, donne un effet de
patchwork avec un aspect figé, notamment lorsque la greffe repose
¶ Lambeaux frontaux directement sur le périoste. La PDS peut éventuellement être greffée
en utilisant la peau provenant du pédicule après remise en place de
Lambeau frontal à pédicule inférieur (fig 15A) celui-ci. Le recours à un expandeur préalable peut être utile dans le
cas de PDS importante.
Au cours des dernières décennies, grâce aux raffinements techniques Le sevrage du lambeau est habituellement réalisé au bout de
apportés par Burget, le lambeau frontal, en devenant paramédian, a 3 semaines. Après section du pédicule, la base du lambeau est
acquis ses titres de noblesse et devient le lambeau roi de la dégraissée et replacée entre les sourcils évitant ainsi toute distorsion.
rhinopoïèse, incontournable, permettant de résoudre pratiquement Certains auteurs, dont Menick, préconisent dans les reconstructions
toutes les situations, au prix toutefois d’une altération modérée de nasales majeures de retarder le sevrage du pédicule en effectuant
l’esthétique frontale. une première retouche 3 semaines après la mise en place du
lambeau. Cette retouche consiste en un dégraissage en décollant
• Lambeau frontal paramédian (fig 15) [4, 5, 19, 33, 36, 48] toute la partie proximale, le sevrage étant réalisé 3 semaines plus
C’est un lambeau cutané, axial, centré sur une seule artère tard.
supratrochléaire qui s’adresse à toute PDS étendue du nez, quelle D’autres types de lambeaux frontaux, décrits ci-après, gardent leurs
que soit la taille ou la localisation, en particulier, la pointe, l’aile ou indications et méritent d’être mentionnés.
la columelle.
• Lambeau frontal médian
Le pédicule dessiné du côté de la PDS ne comprend qu’un seul axe
vasculaire, centré sur la première ride du lion, située entre la tête du Il est plus connu sous le nom de « lambeau indien » et utilisé depuis
sourcil et la ligne médiane, éventuellement repéré par un examen des temps très anciens, les premières descriptions remontant en Inde
dès le VIe siècle avant notre ère. Il a été remis à l’honneur au milieu
doppler. Le pédicule, le plus étroit possible, entre 12 et 15 mm,
du XXe siècle par Kazanjian. Cette technique a perdu beaucoup de
permet une meilleure rotation et une fermeture par simple
son intérêt car elle gaspille deux axes vasculaires. Le pédicule du
rapprochement. Ce pédicule, dans la mesure du possible, sera centré
lambeau, trop large, limite sa rotation en raison d’un rayon d’action
sur la veine émissaire frontale car, pour certains auteurs, notamment
court lui permettant difficilement d’atteindre la partie basse du nez.
Servant [48], le lambeau frontal est un lambeau à prédominance
veineuse, l’axe du lambeau étant choisi selon celui de la veine • Lambeau frontal oblique (fig 16)
repérée par une manœuvre de Valsalva.
Il a été décrit en 1850 par Auvert. La palette cutanée est alors
Il est inutile de gaspiller le pédicule vasculaire controlatéral qui dessinée au niveau de la partie latérale du front avec un pédicule
peut : vasculaire qui devient non plus vertical mais oblique, ne respectant
– soit servir de lambeau de doublure pendant le même temps pas la topographie des axes vasculaires, ce qui nécessite parfois le
opératoire ; recours à une autonomisation. De nombreux auteurs proposent,
pour augmenter l’apport vasculaire, de prélever le muscle frontal.
– soit être mis en réserve et utilisé en cas d’éventuelle récidive. Ce lambeau est utile chez le sujet à petit front avec une ligne basse
Le dessin de la palette cutanée est réalisé à partir d’un patron exact d’implantation des cheveux ou lorsque la PDS est bas située sur le
de la PDS. Le dessin peut éventuellement se prolonger de 15 à nez car ce lambeau a un rayon d’action important, notamment
20 mm au-delà de l’insertion des cheveux, notamment si le lambeau lorsque la PDS se situe au niveau de la columelle.
doit atteindre la columelle. L’axe de rotation du lambeau doit être
apprécié avec précision en tenant compte, lors de la rotation, de • Lambeau frontal en îlot à pédicule sous-cutané (fig 17)
l’épaisseur du pédicule qui, obligatoirement, diminue la longueur C’est une technique séduisante proposée par Monks, laissant un
du lambeau utilisable. minimum de cicatrice cutanée et qui évite le sevrage secondaire.
La dissection du lambeau débute à la partie supérieure de la palette En fait, cette technique a une fiabilité moindre en raison de la
cutanée et se fait classiquement dans trois plans différents : fragilité vasculaire et impose souvent une reprise secondaire suite
au comblement de l’angle nasofrontal par le pédicule sous-cutané.
– au niveau de l’extrémité distale, la dissection est strictement sous- Une incision cutanée frontale est souvent nécessaire d’emblée pour
cutanée, respectant impérativement le muscle frontal. Le lambeau, limiter les risques de strangulation.
dégraissé de façon importante, doit être le plus fin possible, ce qui Le dessin de la palette cutanée frontale va permettre d’individualiser
garantit un meilleur résultat cosmétique en diminuant le des lambeaux frontaux différents, décrits ci-après.
lymphœdème postopératoire. Les bulbes pileux sont retirés si le
pédicule s’étend au-delà de l’insertion des cheveux ; • Lambeau en aile de mouette (Sea Gull flap) (fig 18)
– au niveau du tiers moyen, la dissection est sous-musculaire ; Décrit en 1966 par Millard [40, 41, 42, 43], ce lambeau a une forme
– dans la partie proximale, environ 5 mm au-dessus de l’arcade particulière avec une palette trifoliée, destinée au revêtement externe
sourcilière, la dissection devient sous-périostée, ce qui améliore la du complexe apicocolumellaire et des ailes. Ce lambeau, pédiculisé
rotation du lambeau et surtout ménage le pédicule vasculaire, la sur une seule artère supratrochléaire, a un tracé délicat, avec aucune
dissection pouvant avec prudence s’étendre jusqu’au rebord possibilité d’adaptation.
orbitaire. Millard conseille d’emporter le muscle frontal pour des raisons de
sécurité vasculaire, ce qui entraîne un lambeau épais. Cette
La fermeture au niveau du pédicule se fait en deux plans après
précaution semble inutile, à la condition d’autonomiser le lambeau
réajustement des rides frontales ; la cicatrice paramédiane est
en incisant la peau à la périphérie jusqu’au périoste, sans la soulever,
souvent légèrement plus visible qu’une cicatrice médiane. Au niveau
avec préparation des « néo-ailes » par greffes cutanées et
de la palette cutanée, plusieurs possibilités sont offertes en fonction
cartilagineuses.
de la taille de la PDS :
– une PDS de taille inférieure à 3 cm peut être fermée sans grande • Lambeau fourchu de Pollet [19, 47]
difficulté par simple rapprochement, notamment chez le sujet âgé à Il permet une reconstruction de la columelle grâce à deux
peau laxe, après décollement dans le plan du scalp ; extensions latérales dessinées à la partie supérieure du lambeau

16
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

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B

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A

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C *
D *
E *
F

15 Lambeau frontal paramédian.


A. Différents types de lambeaux
frontaux à pédicule inférieur.
B. Résection superficielle de la peau
des deux tiers du nez après exérèse
d’un carcinome épidermoïde.
C. Tracé du lambeau frontal paramé-
dian gauche.
D. Levée du lambeau.
E. Lambeau sectionné quelques mois
plus tard.
F. Résultat de profil à 1 an.
G. Amputation partielle de la pointe
du nez.
H. Réparation par un lambeau fron-
tal paramédian.
I. Résultat à 6 mois.

*
G *
H *
I

17
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

*
A *
B

*
D
*
C
16 Lambeau frontal oblique.
A. Épithélioma de la columelle réséqué en deux temps. D. Résultat 6 mois plus tard.
B. Mise en place du lambeau frontal oblique. On remarque l’atrophie partielle du lambeau situé en pont entre la pointe du nez et
C. Vue opératoire. l’épine nasale.

*
B

*
A *
C

17 Lambeau frontal en îlot.


A. Dessin du lambeau frontal en îlot.
B. Épithélioma basocellulaire à la jonction dorsum et pointe.
C. Résultat immédiat.
D. Résultat 4 mois plus tard.

*
D

qui seront d’autant plus écartées que la pointe devra être Lambeaux frontaux scalpants
saillante.
Ces différents lambeaux à pédicule inférieur ne peuvent être utilisés • Lambeau de Converse (fig 19B) [6, 7]
que lorsque la hauteur frontale est suffisante et en l’absence de lésion Il est utilisé lorsqu’il est impossible de reconstruire le plan profond
cicatricielle de la racine du nez ayant interrompu les artères avec des lambeaux locaux cutanés et/ou muqueux.
supratrochléaires. Dans ces cas, le recours à un lambeau scalpant est Si ce lambeau résout la reconstruction de la pointe du nez de façon
indispensable. Le plus utilisé est le lambeau de Converse, dérivé du satisfaisante, l’armature de l’arête nasale au-dessus de la pointe doit
lambeau Up and Down de Gillies. être refaite soit simultanément, soit préalablement.

18
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

*
A *
B *
C *
D
18 Lambeau frontal de Millard pour réparer la pointe et la columelle.
A. Amputation du tiers inférieur du nez. C. Lambeau en place.
B. Tracé du lambeau. D. Résultat à 1 an.

Ce lambeau utilise la vascularisation de la branche antérieure de • Autres types de lambeaux scalpants


l’artère temporale superficielle controlatérale anastomosée avec les
artères supratrochléaires. – Up and Down de Gillies [19, 47]
Tracé du lambeau : une palette cutanée de 7 à 8 cm de large environ La palette cutanée verticale est dessinée au-dessus du sourcil
selon la PDS à réparer, à pédicule supérieur, est dessinée du côté controlatéral. Converse s’inspira de ce lambeau pour décrire le
opposé au pédicule temporal utilisé. lambeau scalpant qui a deux avantages par rapport à l’Up and
Elle descend au-dessus du sourcil préservé, l’incision interne étant à Down :
2 ou 3 cm en dehors de la ligne médiane.
– une meilleure vascularisation ;
Il est fondamental de décoller cette palette, utilisée pour refaire le
nez, en avant du muscle frontal préservé, ce qui laisse à la peau une – des cicatrices camouflées dans le cuir chevelu.
souplesse suffisante pour harmoniser la pointe du nez.
– Le lambeau frontal à pédicule supérieur [19, 47] ( (fig 19A)
Le muscle frontal est incisé en dedans en même temps que l’incision
interne. Le pédicule est situé dans le cuir chevelu, le dessin inspiré de celui
L’incision se poursuit dans le cuir chevelu à partir de l’incision de Converse. Ce lambeau est utilisé dans les PDS distales avec front
externe et rejoint le tracé habituel de l’incision bicoronale pour s’en bas ou s’il existe une contre-indication au lambeau frontal
éloigner ensuite en arrière et se terminer en arrière du pavillon de paramédian. La dissection du pédicule s’étend jusqu’à la racine de
l’oreille. Seul le périoste est alors préservé et l’on décolle le cuir l’hélix de sorte que le lambeau puisse atteindre sans difficulté la
chevelu et le front indemne jusqu’à proximité du sourcil de façon à columelle. Il a l’avantage de laisser peu de cicatrice ; la cicatrice
permettre la translation de la palette cutanée jusqu’à la région labiale frontale médiane est de bonne qualité, les autres étant cachées dans
sans aucune tension. le cuir chevelu ; son long pédicule lui permet d’atteindre facilement
La réparation de la zone donneuse est habituellement réalisée, lors la partie distale du nez.
de la section du lambeau, par une greffe de peau mince sur une – Le lambeau en faucille (Sickle flap) de New
surface recouverte d’un bourgeonnement charnu, contrôlée par les
pansements gras et des cautérisations itératives de façon à obtenir Décrit en 1945, ce lambeau est vascularisé par l’artère temporale
un sous-sol correct et de niveau avec les tissus adjacents. superficielle. Il nécessite une autonomisation en raison de la
L’utilisation préalable d’un expandeur est discutée ; elle permet une précarité vasculaire avec, durant ce délai, la possibilité de
fermeture directe mais elle épaissit le lambeau qui devient moins préparation du lambeau par une armature par une greffe
malléable. La palette est alors repliée sur elle-même pour refaire la cartilagineuse. Le risque est celui de la torsion du pédicule lors de
columelle et les ailes du nez par des points transfixiants (Pétrali) [19, sa mise en place. Ce lambeau s’adresse à la réparation de la pointe
47]
, éventuellement maintenus par des bourdonnets serrés de façon et à la moitié distale de l’aile avec une rançon cicatricielle minime.
prudente pour ne pas créer de nécrose. Ainsi, les plans superficiels
et profonds sont-ils reconstitués sans nécessité d’interposition de ¶ Lambeau de Schmid-Meyer (fig 20)
cartilage, comme nous l’avions vu dans les techniques précédentes.
Cette palette sera suturée et ajustée aux restes cutanés. Le lambeau frontotemporal de Schmid-Meyer [24, 37, 38, 39] est un
lambeau tubulé à pédicule sus-sourcilier interne permettant la
L’armature de l’arête nasale est au mieux préalablement
reconstituée ; si cela n’est pas possible, l’armature est reconstituée transposition de la peau temporale armée de cartilage auriculaire
secondairement par des greffons, la mise en place provisoire sur la pointe ou l’aile du nez. C’est un lambeau de réalisation longue
d’implants en silicone limitant la rétraction. et minutieuse nécessitant au minimum trois temps opératoires, dont
un d’autonomisation.
La section du pédicule est assurée à la troisième semaine, le pédicule
comportant la peau du front et le cuir chevelu étant repositionné, et Il s’adresse aux PDS transfixiantes de l’aile du nez étendues à la
la greffe de peau mince recouvrant la zone cruentée. pointe ou à la columelle. Malgré une procédure délicate, le lambeau
Les problèmes de turgescence veineuse de la palette après la section frontotemporal reste une bonne méthode de reconstruction car il a
du lambeau peuvent être aisément résolus par le recours à des l’avantage d’apporter un lambeau armé, préfabriqué à la taille exacte
sangsues dont disposent de nombreuses pharmacies hospitalières ou de la PDS en évitant une surépaisseur, écueil fréquent des autres
de clinique. méthodes de reconstruction.

19
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

*
C

*
A *
B

*
D

*
E *
F

19 Lambeau de Converse.
A. Dessin du lambeau frontal à pédicule supérieur.
B. Dessin du lambeau de Converse.
C. Mise en place du lambeau.
D. Section du lambeau avec greffe de peau de la zone donneuse.
E. Lambeau de Converse modifié (photo Dr Toquet.)
F. Résultat à 1 an : face.
G. Résultat à 1 an : profil.

*
G

¶ Lambeau de Washio Technique opératoire

Description • Dissection
Le lambeau rétro-auriculaire décrit par Washio en 1969 [62], permet Elle se fait dans l’espace de Merkel.
un apport de peau et de cartilage auriculaires pour la reconstruction Elle suit la crête temporale, s’incline dans la région rétro-auriculaire
des PDS transfixiantes de l’aile du nez. où la palette cutanée est prélevée d’après un patron de la PDS avec
Il nécessite au minimum deux temps opératoires. éventuellement du cartilage.
Son principe est basé sur les anastomoses existant entre le réseau Le lambeau est ensuite basculé vers l’avant, ce qui entraîne une
temporal superficiel et le réseau auriculaire postérieur. torsion du pédicule.

20
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

Inconvénients
Le lambeau de Washio apporte une palette cutanée de taille limitée,
il existe souvent une dyschromie.
La vascularisation du lambeau étant aléatoire, certains auteurs, dont
Washio, préconisent une autonomisation.
Le reproche majeur est en fait dû à la lourdeur de l’intervention
avec l’inconfort précédant le sevrage pour des résultats souvent
décevants ; il reste une méthode de sauvetage lorsque les autres
méthodes ont échoué.

*
A *
B
RECONSTRUCTION DU PLAN PROFOND
ET DE L’ARMATURE NASALE
Les lambeaux précédemment décrits permettent la reconstruction du
plan superficiel mais aussi parfois de certains plans profonds
(lambeau de Converse, lambeau nasogénien).
Dans les autres cas, le plan profond et le squelette doivent être
reconstitués.

¶ Réparation du plan profond des PDS interruptrices


du nez
Le plan profond du nez peut être reconstitué par la peau d’un
lambeau nasogénien ou d’un lambeau de Converse replié sur lui-
même, sans armature cartilagineuse.
Le lambeau nasogénien reconstitue une PDS limitée de l’aile du nez
de 2,5 cm et le lambeau de Converse reconstitue pointe et aile du
nez ; la rigidité cutanée frontale, doublée sur elle-même assure un
*
C *
D soutien suffisant sans le recours à des greffons osseux ou
cartilagineux.
Il n’en est pas de même lorsque les PDS sont plus étendues et c’est
le mérite de Burget [4, 5] d’avoir insisté sur les lambeaux de muqueuse
nasale armés de cartilage pris sur place ou au niveau de la conque
de l’oreille ou d’os et recouverts par un lambeau cutané le plus
souvent frontal.

Reconstruction du plan profond à partir de la peau


La peau est retournée sur elle-même d’après le procédé de la
collerette, le dessin étant effectué afin de réaliser dans sa continuité
l’unité « plan profond ». Cette peau est toutefois mal vascularisée,
*
E
surtout si un traitement préalable par curiethérapie a été réalisé.
20 Lambeau de Schmid-Meyer. Cette méthode peut être utilisée pour une réparation limitée de l’aile
A. Amputation traumatique de la pointe du nez : profil. du nez ou une rhinopoïèse si les restes cutanés sont suffisants à la
B. Amputation traumatique de la pointe du nez : vue inférieure. partie supérieure de l’arête nasale et à la partie latérale du nez (on
C. Mise en place du lambeau préalablement autonomisé et armé de cartilage. évite de prélever la peau jugale adjacente, ce qui nécessiterait une
D. Résultat à 4 mois : face.
E. Résultat à 4 mois : vue inférieure.
réparation par un procédé différent pour respecter les unités
esthétiques).
• Fermeture
Reconstruction du plan profond à partir de la muqueuse nasale
Au niveau du site donneur, celui-ci peut être fermé de première (fig 21)
intention ou bien greffé avec une greffe de peau totale.
La muqueuse est translatée à partir de la muqueuse de la face
La zone cruentée est mise en cicatrisation dirigée.
interne des os propres du nez ou aux dépens de la muqueuse septale
homo- ou controlatérale.
• Sevrage
Décrite par de Quervain au début du XXe siècle, cette méthode a été
Celui-ci est fait à 3 semaines et remis en place. reprise par Converse [6, 7], Millard et surtout Burget [4, 5].
Indications Burget propose un lambeau de muqueuse septale pédiculé sur
l’artère septale antérieure, branche de l’artère coronaire supérieure.
Les indications du lambeau de Washio découlent des contre- Ce lambeau peut être bilatéral, éventuellement translaté avec le
indications ou des refus d’utilisation du front, en particulier chez septum ostéocartilagineux incisé avec la muqueuse, afin de réarmer
l’enfant. la pointe du nez.
Il s’adresse à des PDS transfixiantes de l’aile du nez ou du complexe Le lambeau muqueux peut être tracé en anse de seau avec un double
lobulocolumellaire. pédicule, interne septal et externe, situé à la face profonde de l’alaire
et du triangulaire sur une hauteur de 1 cm environ.
Avantages
Le lambeau septal peut comprendre le septum cartilagineux et la
Le lambeau de Washio n’entraîne pas ou peu de cicatrices visibles. muqueuse controlatérale, sectionnés à leur partie inférieure, la
Il peut être armé de cartilage auriculaire. muqueuse septale homolatérale étant repositionnée (Millard).
Il n’entraîne pas de sacrifice de peau frontale, en particulier chez Burget [4, 5] propose le prélèvement à pédicule supérieur de la
l’enfant. muqueuse septale et sa translation en dehors.

21
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

*
A *
B

21 Amputation d’un hémi-nez pour carcinome.


A. Reconstruction du plan profond selon la méthode de Burget.
B. Vue d’ensemble avec tracé du lambeau frontal de recouvrement.
C. Résultat quelques mois plus tard.
D. Le lambeau trop épais devra être désépaissi.

*
C *
D

On a pu proposer de refaire le plan profond par un lambeau frontal latente souvent nécessaire ; elle est facilitée au contraire lorsque la
purement musculaire. peau exerce une tension excessive sur l’os implanté.
Les greffons cartilagineux de l’arête nasale : les greffons de 8, 9 et 10
¶ Reconstruction de la charpente ostéocartilagineuse côtes ont pu être utilisés. En cas d’infection, ils se nécrosent
rapidement et leur prise apparaît plus aléatoire. Burget utilise le 8e
Arête nasale
cartilage costal pour refaire l’arête nasale.
La reconstruction de l’arête nasale est associée lorsque cela est
nécessaire à un étai columellaire. Cartilages de la pointe
Ces greffons osseux, cartilagineux ou ostéocartilagineux sont
La zone donneuse principale est le cartilage de l’oreille et, en
toujours introduits dans un fourreau étanche comportant un plan
particulier, la conque par voie plus rétro-auriculaire qu’antérieure.
profond muqueux ou néomuqueux et un plan superficiel cutané.
Les fragments cartilagineux prélevés sont ajustés, amincis pour
Les greffons osseux les plus utilisés sont les suivants.
reconstituer d’aussi près que possible la morphologie de la pointe.
– La greffe iliaque corticospongieuse : la crête iliaque resculptée à la Ces greffons cartilagineux, malléables, sont ajustés superposés, fixés
fraise et ajustée à la demande reconstitue l’arête, un fragment par des fils non résorbables selon des modalités très proches de la
corticospongieux, l’étai columellaire ; ces deux fragments sont réunis rhinoplastie esthétique.
l’un l’autre par système tenon-mortaise, maintenus par un fil
d’ostéosynthèse. Les greffes iliaques doivent être prélevées de façon
atraumatique pour limiter les douleurs postopératoires. L’incision
est faite 2 cm en arrière de l’épine iliaque antérosupérieure pour Réparation des amputations nasales
préserver le nerf fémorocutané. par des prothèses et par des épithèses
– La greffe de corticale pariétale a actuellement la faveur de la
plupart des chirurgiens. Elle est plus difficile à prélever car il faut Toutes les amputations nasales ne doivent pas être obligatoirement
éviter une brèche dure-mérienne ; elle comporte moins de tissu réparées par la chirurgie.
spongieux ; l’os pariétal, du fait d’une origine embryonnaire D’autres méthodes doivent être utilisées, en particulier chez des
différente, se résorberait moins que l’os iliaque, et cela explique son patients très âgés non demandeurs de nouveaux gestes chirurgicaux
succès. ou lorsque manque un recul carcinologique suffisant.
– La greffe costale osseuse est rarement utilisée. En effet, les tumeurs nasales justifiant une amputation sont des
La résorption des greffes osseuses est limitée lorsque le greffon tumeurs étendues, souvent déjà multirécidivées à haut risque
repose sur un sous-sol osseux, avivé par une ostéotomie médiane et potentiel de récidive, tels les épithéliomas sclérodermiformes et, s’il

22
Techniques chirurgicales Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale 46-120

RÉGION DORSONASALE MÉDIANE


Les PDS inférieures à 1 cm sont refermées par suture directe.
Pour les PDS supérieures à 1 cm, plusieurs choix sont possibles :
– greffe de peau totale chez le sujet âgé si le sous-sol le permet ;
– lambeaux de Marchac ou de Rintala.
La cicatrisation dirigée donne de mauvais résultats dans cette
indication : elle est donc déconseillée.

RÉGION DU CANTHUS INTERNE


En raison du risque de survenue de brides cicatricielles, la suture
directe n’est possible que pour de petites PDS.
Au niveau du nez, la cicatrisation dirigée trouve sa meilleure
indication au niveau du canthus interne à condition que les PDS
soient inférieures à 20 mm de diamètre et que celles-ci soient situées
symétriquement par rapport à un axe horizontal prolongeant le
*
A *
B canthus interne.
22 Amputation nasale. Les greffes de peau totales donnent de bons résultats à ce niveau.
A. Amputation nasale après un can- Si ces dernières ne sont pas réalisables, on a recours, soit :
cer du nez multirécidivé.
B. Prothèse nasale accrochée sur lu- – à un lambeau de transposition glabellaire, souvent trop épais et
nettes : face. s’harmonisant mal avec la paupière adjacente ;
C. Prothèse nasale accrochée sur lu-
nettes : profil. – à un lambeau palpébral supérieur à pédicule médial qui a, sur le
précédent, l’avantage d’amener une peau fine, d’épaisseur
comparable à celle du canthus interne.

FACE LATÉRALE
Les PDS inférieures à 5-10 mm peuvent être fermées en faisant une
exérèse en fuseau selon un axe perpendiculaire à la fente palpébrale.
La cicatrisation dirigée donne des résultats corrects dans cette
indication (zone concave).
Pour les PDS supérieures à 10 mm, on peut utiliser :

*
C – les greffes de peau totale ;
– plusieurs lambeaux :

n’existe pas de règle absolue, il nous semble souvent préférable – partie haute : lambeau en hachette d’Emmett ;
d’attendre un délai supérieur à 2 ans avant d’envisager une – partie basse : lambeau de Préaux et lambeau de Rybka (région
réparation. paramédiane) ;
Le recours à une prothèse accrochée sur des lunettes donne, entre
– zone paramédiane : lambeau en VY à pédicule sous-cutané ou
les mains d’un prothésiste compétent, d’excellents résultats (fig 22).
lambeau de Marchac.
Les épithèses utilisant des prothèses qui prennent appui sur des
fixations en titane, mises en place sur l’os, selon la méthode de
Bränemark, constituent également une méthode intéressante. AILES
La suture directe et la cicatrisation dirigée sont ici à proscrire.
Pour les PDS inférieures à 15 mm, on peut utiliser :
Résumé des indications
– en cas de lésions transfixiantes : les greffes composées
topographiques chondrocutanées prélevées sur le pavillon de l’oreille ;

Une greffe de peau totale peut être utilisée dans tous les cas. – PDS non transfixiantes : greffe composée dermograisseuse ou
lambeau bilobé de Zimany.
Pour les PDS cutanées supérieures à 15 mm :
RÉGION GLABELLAIRE
– PDS transfixiantes : lambeau de Préaux et autres lambeaux,
La glabelle est une réserve de laxité cutanée, au détriment de
nasogéniens (Pers), voire lambeaux frontaux ;
laquelle de nombreux lambeaux sont prélevés.
La cicatrisation dirigée, bien que donnant d’excellents résultats – PDS superficielles : lambeau dorsal médian du nez à pédicule
esthétiques, n’est pas en pratique utilisée en raison de la longueur sous-cutané ou greffe de peau totale en unité esthétique alaire si le
des pansements. cartilage alaire n’est pas exposé.
La suture directe lui est préférée pour toutes les PDS inférieures à
1 cm de large. POINTE
Pour les PDS supérieures à 1 cm, on utilise de préférence le lambeau La cicatrisation dirigée peut être proposée pour les pertes de
frontoglabellaire de rotation décrit par Mustardé. substance de la pointe limitées (inférieures à 1 cm) à distance du
Les greffes sont à éviter dans cette région. bord narinaire, surtout si la peau est séborrhéique.

23
46-120 Chirurgie réparatrice de la pyramide nasale Techniques chirurgicales

Les petites PDS peuvent être couvertes par les moyens suivants : PDS transfixiante
– lambeau de Rybka pour les PDS inférieures à 2,25 cm de diamètre – Lambeau frontal armé (Burget) ;
(deux lambeaux opposés sont alors nécessaires) ; – plus rares :
– lambeau de Rintala pour lésion médiane de la partie supérieure – lambeau de Schmid-Meyer ;
de la pointe ;
– lambeau de Washio ;
– lambeau bilobé de Zimany, à éviter chez les plus jeunes du fait de
– lambeau de Converse.
la longueur de la cicatrice ;
– greffe de peau totale, ou mieux, greffe dermograisseuse. ¶ Columelle
Les PDS de taille plus importante (plus de 2 cm) peuvent être – Lambeaux de Schmid-Meyer et de Washio d’indication très rare ;
couvertes grâce à :
– greffe composée : PDS limitée avec sous-sol correct ;
– greffe de peau totale ; – lambeau frontal oblique ;
– lambeau frontal ; – lambeau nasogénien (lambeaux bilatéraux à pédicule
– lambeau de Rieger-Marchac (PDS inférieures à 2,5 cm) ; sa sous-cutané) ;
réalisation difficile nécessite une technique parfaite. – lambeaux locaux d’indication limitée.

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24
46-185
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-185

Dacryocystorhinostomie endoscopique
P Klap
JA Bernard
M Cohen
Résumé. – La dacryocystorhinostomie (DCR) endoscopique permet de rétablir une communication entre les
V Ameline
voies lacrymales et la fosse nasale par voie endonasale, sans incision de la peau du visage. L’indication
D Schapiro
chirurgicale est posée par l’ophtalmologiste, l’examen rhinologique, et l’imagerie médicale, représentée
F Heran
essentiellement par le dacryoscanner, venant préciser les modalités opératoires. Les méthodes endoscopiques
n’autorisent cependant pas de s’affranchir des trois principes chirurgicaux de la DCR classique, qui doivent
impérativement être respectés, sous peine d’inefficacité : respect de la pompe lacrymale ; obtention d’une
néocommunication entres les voies lacrymales et la fosse nasale la plus large possible ; ouverture de la stomie
centrée sur le canalicule d’union.
La DCR endonasale sous vidéoendoscopie tend de plus en plus à supplanter la voie externe. Elle obtient
pratiquement le même taux de succès définitif, mais en outre, elle permet une guérison rapide grâce à un
contrôle visuel permanent, avec quasi-absence d’hémorragie et surtout sans cicatrice cutanée.
Enfin, depuis une quinzaine d’années, de nouvelles techniques sont apparues : DCR assistée au laser (par voie
transcanaliculaire, endonasale ou combinaison des deux), prothèses endocanalaires (stents, ballonnets),
interventions sous microendoscopie endocanaliculaire. Ces techniques n’ont pour le moment pas fait la
preuve de la stabilité de leurs résultats.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : dacryocystorhinostomie endonasale, dacryocystorhinostomie au laser, stent, ballonnet,


dacryoscanner, dacryocystite, larmoiement.

Introduction Le sac lacrymal et le canal lacrymonasal siègent contre et dans le


mur orbitonasal, et constituent donc un organe « frontière ». C’est la
La dacryocystorhinostomie (DCR) est une intervention qui rétablit collaboration entre oto-rhino-laryngologistes et ophtalmologistes qui
une communication entre les voies lacrymales et les fosses nasales, a permis d’améliorer régulièrement dans ces vingt dernières années,
lorsque celle-ci a été interrompue par un processus pathologique ou la technique de la DCR endonasale [1, 16, 34, 43].
traumatique. Au cours du siècle dernier, de nombreux procédés Nous verrons également les autres nouvelles techniques qui sont
chirurgicaux ont été décrits, et la DCR par voie externe, mise au proposées par voie endoscopique et/ou endocanalaire.
point par Dupuy-Dutemps et Bourget en France (1921), Ohm en
Allemagne (1921) et Toti en Italie (1904), s’est imposée comme une
excellente intervention parfaitement réglée. Elle permet d’obtenir Critères de l’indication opératoire
90 % à 95 % de bons résultats en termes de larmoiement si les
Les indications opératoires dépendent de l’étiologie de la pathologie
canalicules sont sains, et quasi 100 % en termes d’infection.
lacrymale, qu’il faut analyser avec précision, et du terrain du patient.
Cependant, depuis deux décennies, la voie externe tend à être
En pathologie, les anomalies d’excrétion des voies lacrymales se
supplantée par l’abord endonasal sous endoscopie, qui aboutit à une
traduisent le plus souvent par un larmoiement avec ou sans
guérison plus rapide et sans cicatrice cutanée. Elle permet également
surinfection, correspondant habituellement à un obstacle dont il
de mieux traiter les échecs de la DCR que la voie externe, car le
importe de préciser le siège.
contrôle visuel permanent et la quasi-absence d’hémorragie assurent
un meilleur contrôle anatomique. On peut citer :
– les obstacles du segment horizontal des voies lacrymales, dont les
causes les plus fréquentes sont traumatiques, congénitales,
inflammatoires ou tumorales ;
Patrick Klap : Chef du service d’oto-rhino-laryngologie de la Fondation Adolphe de Rothschild.
Jean-Antoine Bernard : Chef du service d’explorations fonctionnelles ophtalmologiques, responsable de – les obstacles du segment vertical, qui sont le plus souvent dus à
l’unité de chirurgie lacrymale du service du docteur Serge Morax.
Myriam Cohen : Chef de service-adjoint du service d’oto-rhino-laryngologie de la Fondation Adolphe de
des sténoses du canal lacrymonasal d’origine idiopathique ou
Rothschild. traumatique, parfois infectieuse et/ou inflammatoire, et plus
Valérie Ameline : Assistante du service d’ophtalmologie et de chirurgie plastique reconstructive
ophtalmologique du docteur Serge Morax.
rarement secondaires à des corps étrangers ou à des tumeurs de la
David Schapiro : Assistant du service d’ophtalmologie et de chirurgie plastique reconstructive région du sac.
ophtalmologique du docteur Serge Morax.
Françoise Heran : Praticien temps plein du service d’imagerie du docteur Jean-Daniel Piekarski.
Cependant, il n’est pas rare de trouver des voies lacrymales
Fondation Adolphe de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France. perméables dont l’exploration ne montre pas d’obstacle, alors

Toute référence à cet article doit porter la mention : Klap P, Bernard JA, Cohen M, Ameline V, Schapiro D et Heran F. Dacryocystorhinostomie endoscopique. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-185, 2003, 14 p.
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

qu’existe un larmoiement. Dans un tel tableau clinique, il faut mucopurulent à la pression du sac lacrymal. Une dilatation du sac
rechercher d’autres causes, telle une anomalie de la statique et de la ou un simple reflux mucopurulent, même minime, éventuellement
dynamique palpébrale (laxité canthale externe, ectropion, paralysie seulement détectable à la lampe à fente, impose pratiquement la
de l’orbiculaire) ou un dysfonctionnement de la pompe lacrymale. Il DCR chez l’adulte et le grand enfant, car un sac dilaté risque de se
existe aussi souvent, il faut le savoir, des sténoses partielles des voies dilater encore plus, si on se contente de placer une sonde à demeure.
lacrymales, qui peuvent rester méconnues au cours d’un examen Une déviation du globe ou une voussure dépassant en hauteur le
approximatif. niveau du tendon canthal interne sont en faveur d’une autre
Les indications de la DRC sont essentiellement les atteintes du étiologie, par exemple d’une tumeur du sac ou de l’orbite.
segment vertical des voies lacrymales, c’est-à-dire les sténoses
symptomatiques du canal lacrymonasal sous toutes ses formes : Exploration instrumentale des voies lacrymales
larmoiement, dacryocystite chronique, mucocèle. À l’exception du Un dilatateur calibré permet de dilater les méats lacrymaux. Après
petit enfant, la DCR est impérative en cas de dilatation du sac, car dilatation du point lacrymal inférieur, on commence par un lavage à
celle-ci constitue un risque d’infection aiguë qui doit être supprimé. la seringue (2 mL) avec une canule jetable à voies lacrymales.
Certaines indications sont plus rares : Dans une voie lacrymale normale, le lavage donne la même
– sténose asymptomatique ou peu symptomatique : une DCR ou sensation de pression sur le piston que si l’on vidait la seringue au-
une ablation du sac « de propreté » doit être réalisée en première dessus d’un lavabo. En d’autres termes, le passage du liquide dans
intention, si une chirurgie avec ouverture du globe oculaire est l’arrière-gorge doit être obtenu sans aucune pression, sinon une
envisagée (cataracte +++) et qu’il existe une dilatation du sac ou sténose relative est probable.
une infection permanente des voies lacrymales ; En cas de sténose complète, il n’y a aucun passage dans la gorge et
– larmoiement chronique par sténose incomplète : il est toujours même un reflux par le canalicule opposé (par exemple reflux par le
difficile de poser une indication de DCR pour ces cas. La pose d’une canalicule supérieur si on lave par le canalicule inférieur).
sonde bicanaliculonasale peut tout d’abord être tentée, à condition Le deuxième temps est le sondage avec une sonde « 00 » ou 0,7 mm,
qu’il n’y ait pas de dilatation du sac lacrymal, du moins chez à la recherche d’un contact osseux. La sonde est introduite dans le
l’adulte ; canalicule inférieur à la recherche de ce contact osseux. Un bon
– sténose canaliculaire : en association avec l’action sur le canalicule, contact osseux obtenu aisément permet d’éliminer une sténose
une DCR peut être pratiquée pour améliorer l’écoulement des canaliculaire. L’absence de contact, ou un contact de piètre qualité,
larmes, en supprimant la résistance du canal lacrymonasal. La DCR permettront de poser l’indication d’une intubation
permet un abord facile, ab interno, du canalicule d’union ; bicanaliculonasale, éventuellement associée à la DCR (si dilatation
du sac lacrymal, épisodes de dacryocystite aiguë, etc).
– au cours d’une dacryocystite résistant à l’antibiothérapie, une
En même temps qu’un mauvais contact osseux, on peut également
DCR peut être réalisée « à chaud », son taux de succès restant
noter la présence du « signe du canthus » : l’angle interne est
sensiblement comparable à celui d’une intervention réalisée à
entraîné par la sonde et en suit les mouvements d’aller-retour.
distance de l’épisode infectieux.
D’autres explorations sont possibles : le test à la fluorescéine
Ces critères d’indication opératoire sont recherchés grâce à un bilan
renseigne sur la perméabilité fonctionnelle, le test au technétium
préopératoire complet qui comprend : un examen ophtalmologique,
radioactif est intéressant mais exceptionnellement réalisé.
un examen rhinologique et une imagerie des voies lacrymales.
Mais, comme on le verra, l’examen clinique est la plupart du temps
complété par un dacryoscanner.
EXAMEN CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE
Chez le grand enfant, la démarche se superpose à celle de l’adulte.
Quel que soit le motif de consultation (larmoiement, conjonctivites à
répétition, épisodes de surinfection, etc), c’est l’ophtalmologiste qui ¶ Examen ophtalmologique du nourrisson
est en première ligne et mène l’examen initial.
Il est complété par un examen ORL quand une anomalie du nez est Le nourrisson est le plus souvent amené en consultation par ses
probable, ou si l’on envisage une DCR par voie endonasale. Enfin, parents pour un larmoiement clair congénital, le plus souvent
un dacryoscanner avec injection de produit de contraste donne des unilatéral donc très caractéristique, plus rarement bilatéral, ou pour
précisions très utiles pour la conduite opératoire, et constitue un des épisodes de « conjonctivite lacrymale », voire pour une
document médicolégal, indispensable à l’époque actuelle. dacryocystite aiguë. Plus rarement à cet âge, il s’agit d’un
traumatisme (forceps).
¶ Examen ophtalmologique de l’adulte ou du grand L’imperforation congénitale du canal lacrymonasal est la pathologie
enfant lacrymale la plus fréquente chez le nourrisson ou le jeune enfant.
Il commence, avant toute manœuvre, outre la mesure de l’acuité, la L’évolution spontanée vers la guérison est fréquente au cours des
prise de la pression oculaire, par l’examen à la lampe à fente : premiers mois. Cette imperforation, si elle persiste, ne nécessite pas
le recours à la DCR, mais un simple sondage entre 3 et 6 mois. Au-
– 1) après l’étude du segment antérieur de l’œil et l’analyse du film delà de 6 mois, une sédation peut devenir nécessaire pour sa
lacrymal ; réalisation. Si ce sondage est effectué sous anesthésie générale, il est
– 2) l’existence et l’aspect des points lacrymaux sont précisés habituellement complété par une intubation siliconée mono-
(sténose, béance, ectropion du point lacrymal inférieur). Un point canaliculonasale (MonoKat). Cette intubation est quasi systématique
lacrymal normal est ouvert, et vide du fait de l’activité de la pompe au-delà de l’âge de 1 an.
lacrymale. Le sondage doit être réalisé plus précocement, éventuellement dès
Si le point lacrymal est engorgé, surtout si le liquide qu’il contient les premiers jours de la vie en cas de dilatation importante et
présente des cellules, on est quasi certain qu’il existe un problème persistante du sac.
en aval (en dehors du contexte d’une conjonctivite aiguë). En dehors de ce contexte particulier de la distension néonatale, la
Au niveau des rivières lacrymales qui courent le long des paupières, présence d’un sac dilaté persistant chez un enfant de plus de 6 mois
on recherche également leur éventuel engorgement, et l’existence de fait réserver le pronostic. Il est en effet nécessaire d’envisager une
cellules (Tyndall). DCR. Or, la DCR par voie endonasale n’est pas possible avant l’âge
De même pour le lac lacrymal : engorgement, cellules, sécrétions, de 4 à 5 ans, car la dimension des cavités nasales n’autorise pas
etc ; chez le tout-petit l’introduction de tous les outils nécessaires pour
– 3) on repère une voussure au niveau du sac lacrymal, en faveur sa réalisation. Toute la politique repose sur la coopération des
d’une franche dilatation de ce dernier, ainsi qu’un reflux parents et de l’enfant : ils doivent apprendre à effectuer des

2
TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

massages bi- voire pluriquotidiens du sac lacrymal, pour le vider le


mieux possible de son contenu mucopurulent, et éviter ainsi les
surinfections. De la sorte, on peut attendre les 3 ou 4 années
supplémentaires nécessaires pour la DCR endonasale, et éviter une
cicatrice du visage dont on ne contrôle pas toujours la qualité
esthétique. Mais si les surinfections lacrymales sont trop
problématiques, il faut se résoudre à faire une DCR par voie externe.

EXAMEN RHINOLOGIQUE
L’examen des cavités nasales doit être systématiquement réalisé en
consultation avant toute DCR endonasale. Il permet de dépister
d’éventuelles difficultés et de prévoir ainsi des temps opératoires
rhinologiques supplémentaires.
L’examen est pratiqué initialement à l’aide d’un spéculum nasal,
puis avec une fibre optique rigide ou souple, avec ou sans anesthésie
locale préalable. Si on opte pour une fibre optique rigide, on utilise
un endoscope à 30° ou 0°. L’examen permet de repérer les différents
éléments de la cavité nasale : valve nasale, septum, cornets inférieur
et moyen, choane. On peut noter la présence d’éventuelles sécrétions
à travers les différents méats, qui témoignent d’une infection
sinusienne. Une déviation septale antérieure peut rendre cette
exploration difficile voire impossible.
Dans le bilan préopératoire d’une DCR, l’examen se porte sur le toit
de la fosse nasale et sur le méat moyen, avec le repérage, d’avant en
arrière, de la tête du cornet moyen, de l’apophyse unciforme, de la
bulle ethmoïdale et de la gouttière rétrobullaire. On tente de 1 Squelette de la paroi latérale de la fosse nasale avec résection partielle du cornet
visualiser essentiellement la zone située au-dessus de l’insertion du moyen. 1. Épine nasale du frontal ; 2. cornet moyen ; 3. agger nasi ; 4. hiatus semi-
lunaire ; 5. bulle ethmoïdale ; 6. apophyse unciforme ; 7. cornet inférieur ; 8. maxil-
cornet moyen, car c’est là que se projette habituellement le sac laire ; 9. palatin ; 10. trou sphénopalatin ; 11. sinus sphénoïdal ; 12. sphénoïde ; 13. cor-
lacrymal. net supérieur ; 14. lame criblée ; 15. sinus frontal.
Une déviation septale peut interdire l’accès à cette zone. Cependant,
les déviations sont en général situées à la partie basse du septum, et
ne constituent donc pas un obstacle à l’abord du sac lacrymal, qui 2 Méat moyen de la fosse
nasale droite. 1. Apophyse
se projette nettement plus haut. Lorsqu’une déviation de la partie unciforme ; 2. bosse la-
supérieure du septum réduit l’espace de la partie supérieure de la crymale ; 3. bulle ethmoï-
fosse nasale, la simple luxation septale avant la DCR est la plupart dale ; 4. tête du cornet
du temps suffisante. Cela permet d’éviter la septoplastie, rarement moyen ; 5. cloison nasale
réalisée dans le même temps et probablement défavorable pour (septum).
l’évolution de la DCR, par la réaction cicatricielle supplémentaire
qu’elle entraîne.
En dehors de toutes les pathologies sur lesquelles nous reviendrons,
l’examen fibroscopique de la paroi externe des fosses nasales permet
d’étudier les cornets et les méats (fig 1) :
– le cornet inférieur est le premier relief visible dès l’introduction de
l’endoscope. Sa tête est située à 1 cm en arrière de l’ouverture
piriforme ;
– le cornet moyen est situé au-dessus et en arrière du cornet inférieur.
Sa courbure habituelle est concave en dehors, mais de nombreuses
variations physiologiques sont possibles, comme une
pneumatisation (concha bullosa) ou une convexité paradoxale ; le plan du septum intersinusonasal, en avant de l’os palatin, en
– le cornet supérieur est rarement visible ; dessous du relief de la bulle ethmoïdale ;
– le méat inférieur : son extrémité antérieure est formée par la tête – la bulle ethmoïdale est verticale dans le plan frontal.
du cornet inférieur en dedans, et la paroi latérale du maxillaire en Il existe de nombreuses variations anatomiques qui peuvent
dehors. L’orifice inférieur du canal lacrymonasal est situé dans le intéresser le cornet moyen (pneumatisation, courbe inversée),
quadrant antérosupérieur du méat, mais il est rarement objectivé en l’apophyse unciforme (hypertrophie, pneumatisation) ou les cellules
consultation du fait de l’étroitesse du méat nasal inférieur ; ethmoïdales antérieures (hypertrophie de l’agger nasi et du système
– le méat moyen (fig 2) : sa paroi interne est formée par le cornet bullaire).
moyen, sa paroi latérale par les trois reliefs suivants qui se succèdent L’examen préopératoire des fosses nasales peut être l’occasion de
d’avant en arrière : diagnostiquer des pathologies nasosinusiennes associées qui doivent
être traitées au préalable, ou au cours du même temps opératoire,
– la bosse lacrymale : c’est une voussure verticale siégeant en avant pour ne pas compromettre les résultats de la DCR. On peut ainsi
du cornet moyen. Surtout visible dans sa partie inférieure, elle mettre en évidence des rhinites chroniques, qu’elles soient
correspond au canal lacrymonasal ; vasomotrices ou allergiques, un ozène, une sinusite chronique ou
– l’apophyse unciforme : elle se caractérise par un rebord saillant une polypose nasosinusienne. Toutes ces pathologies de la
fin, souvent facile à repérer. Elle débute en regard de la zone muqueuse nasosinusienne peuvent d’une part modifier les repères
d’attache antérieure de la tête du cornet moyen, sur la paroi anatomiques, et d’autre part altérer la qualité de la cicatrisation en
latérale. Puis elle descend verticalement sur environ 1 à 2 cm, et provoquant une réaction croûteuse ou la formation de granulomes,
prend une direction horizontale vers l’arrière où elle se fond avec de bourgeon hypertrophique et de fibrose.

3
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

IMAGERIE DES VOIES LACRYMALES :


LE DACRYOSCANNER 3 Dacryoscanner : re-
construction sagittale dans
L’imagerie des voies lacrymales par dacryocystographie l’axe du canal lacrymonasal
conventionnelle permettait la visualisation, sur des clichés standards opacifié (flèche).
ou tomographiques, des voies lacrymales opacifiées par injection de
produit de contraste iodé [23]. Elle a été remplacée par le scanner
(tomodensitométrie) [40] ou par l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) des voies lacrymales opacifiées [25, 28, 40] . Le produit de
contraste est fonction de la méthode d’imagerie utilisée : sérum
physiologique pur ou avec du gadolinium dilué pour l’IRM, produit
de contraste iodé dilué pour le scanner. L’opacification est obtenue
par cathétérisme classique ou par instillation de gouttes avant
l’examen (notion d’exploration fonctionnelle comparable à la
dacryoscintigraphie).
Dans le bilan préopératoire des épiphoras, pour l’instant, la méthode
d’imagerie de référence est le dacryoscanner, avec opacification par
injection de produit de contraste après cathétérisme sélectif d’un Le mode radio réalisé cathéter en place permet de positionner une
canalicule lacrymal. En effet, l’usage de l’IRM est limité par pile de coupes fines (1,3 mm) entrelacées (espace intercoupe
plusieurs facteurs : sensibilité aux artefacts liés aux mouvements 0,6 mm), couvrant le massif facial, du palais osseux à la partie haute
involontaires, durée (qui ne cesse cependant de diminuer), coût, des sinus frontaux. L’injection du produit de contraste est
manque de disponibilité des appareils en trop petit nombre en immédiatement suivie par l’acquisition hélicoïdale qui dure environ
France, médiocre qualité d’analyse des structures osseuses fines. 50 secondes, pendant laquelle le patient doit rester parfaitement
En outre, les techniques d’instillation ont des résultats immobile. Le cathéter est alors enlevé après rinçage de la voie
morphologiques inconstants, et ne sont pas pour l’instant utilisées lacrymale. L’examen est terminé pour le patient. Après transfert sur
de manière courante. L’évolution de la technologie et de la politique une console de traitement, la pile de coupes est traitée en mode MPR
de santé (multiplication du nombre d’appareils d’IRM), ainsi que la (MultiPlanar Reconstruction).
nécessité de choisir les méthodes d’imagerie les moins On obtient d’une part une analyse fine, dans tous les plans de
traumatisantes et les moins irradiantes, pourraient voir évoluer ce l’espace, de la voie lacrymale, et en particulier dans le plan sagittal,
choix d’imagerie.
d’autre part une étude détaillée du massif facial (sinus et fosses
nasales, orbites, etc).
¶ Technique d’exploration des voies lacrymales
par dacryoscanner
Incidents, accidents, contre-indications
Le but de cette exploration est de préciser, d’une part la morphologie
de l’ensemble de la voie lacrymale, le siège de l’obstacle et sa cause, Il n’y a pas de contre-indication absolue au scanner. L’agitation du
d’autre part l’état des cavités sinusiennes adjacentes et tout patient peut cependant rendre impossible la réalisation d’une
particulièrement avant une DCR par voie endonasale [41]. acquisition hélicoïdale (pas de reconstruction possible).
L’acquisition hélicoïdale par coupes axiales couvrant l’ensemble du Si le cathétérisme peut être difficile en cas d’interventions antérieures
massif facial, associée à l’opacification de la voie lacrymale, permet ou d’inflammation importante, les échecs restent rares. Entre des
de répondre à l’ensemble de ces questions. mains expérimentées, il n’y a pas de complications.
La dose au cristallin n’est pas totalement négligeable : environ 1,8 à
Réalisation pratique de l’examen 2,6 mSv (contre 0,04 à 0,2 mSv pour la dacryocystographie
Après explication au patient, on l’installe sur la table du scanner, standard).
menton légèrement relevé. Le plan du canal lacrymonasal, oblique
en bas et en arrière, est ainsi rendu horizontal, et donc ¶ Dacryoscanner normal
perpendiculaire à l’axe de coupe, ce qui optimise la qualité des
reconstructions réalisées au décours de l’exploration, en diminuant Canalicules lacrymaux et canalicule commun
notamment les risques de distorsion de l’image.
Après instillation dans chaque œil (pour éviter les clignements, et Ils sont vus de manière inconstante, par opacification directe ou par
rendre le cathétérisme quasi indolore) de quelques gouttes d’un reflux.
collyre anesthésique à l’oxybuprocaïne habituellement (Novésinet),
on dilate le méat, puis on intube à l’aide de l’extrémité mousse d’un Sac lacrymal
cathéter 25 G purgé, l’orifice du canalicule supérieur du côté Le sac lacrymal est toujours visualisé s’il est présent. Il est
pathologique. Le cathéter est poussé si possible jusque dans le sac normalement oblong et se projette au niveau de l’agger nasi, ou en
lacrymal sans forcer, en suivant le trajet angulé du canalicule avant de lui dans 90 % des cas, en arrière dans 10 % des cas. Cette
d’union. Le choix du canalicule supérieur permet de laisser intact situation variable peut expliquer certains échecs de la DCR externe,
l’inférieur pour le clinicien. Si ce cathétérisme est impossible (le méat le sac étant malencontreusement abouché dans une cellule
supérieur est souvent plus petit et moins bien visible que l’inférieur), ethmoïdale borgne.
on utilise alors l’inférieur. L’injection douce de sérum physiologique
(seringue de 5 mL), associée à un massage canthal interne, permet Canal lacrymonasal
un nettoyage de la partie supérieure de la voie lacrymale. Ce geste
simple facilite le passage du produit de contraste et évite la création, Le canal lacrymonasal (fig 3) est visualisé sur tout son trajet. Il peut
par les résidus mucopurulents, d’images lacunaires difficiles à être discrètement irrégulier, et son calibre variable d’un individu à
interpréter. L’existence de sécrétions purulentes est notée dans le l’autre. À sa sortie, le produit de contraste tapisse les parois du méat
compte rendu. Cette injection est poursuivie jusqu’à obtention d’un nasal inférieur et passe dans le cavum. Parfois, lorsque la voie
liquide clair. Lors de l’injection, on vérifie le passage du sérum par lacrymale est large, le produit peut passer très rapidement dans les
les voies lacrymales, en demandant au patient s’il ressent le liquide fosses nasales. Le canal lacrymonasal reste alors opacifié de manière
couler dans sa gorge. Enfin, on remplace la seringue de sérum incomplète, pouvant faire évoquer une sténose. L’absence de reflux
physiologique par une seringue de 5 mL de produit de contraste lors de l’injection, et la sensation par le patient de liquide dans la
iodé dilué au tiers. gorge permettent le diagnostic différentiel avec une obstruction.

4
TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

4 Fistule congénitale faisant entrer en contact le canalicule


supérieur et la peau du canthus interne, bien opacifiée lors du
dacryoscanner (A, B) (Canal sup : canalicule supérieur).

*
A
*
B

5 Obstruction de la voie 6 Polypose nasosinu-


lacrymale gauche avec sac sienne, dacryocèle gauche,
polylobé, dilaté. dilatation du sac lacrymal
droit.

tumeur). Après un traumatisme (accident, geste chirurgical), un


fragment osseux ou une synéchie peut obstruer la lumière du canal.
Le passage du produit de contraste peut être inexistant ou se faire
¶ Dacryoscanner pathologique
directement dans les cavités sinusiennes, adjacentes à une solution
de continuité osseuse.
Anomalies canaliculaires
L’aspect du canal muqueux après opacification lors du bilan des
Le diagnostic des sténoses est avant tout clinique. Il faut se méfier larmoiements est variable : canal fin ou irrégulier, aspect
de l’interprétation des images canaliculaires du dacryoscanner, les moniliforme, remplissage incomplet, l’arrêt le plus fréquent étant à
canalicules normaux étant opacifiés de manière inconstante. Les la partie haute du canal.
sténoses canaliculaires complètes entraînent un défaut
Si le siège de l’obstacle est facile à définir, sa nature en revanche
d’opacification de la voie lacrymale d’aval.
reste souvent du domaine de la supposition. La voie lacrymale peut
Les fistules congénitales, développées le plus souvent entre un être visualisée dans son ensemble dans les sténoses basses
canalicule et la peau, sont en revanche bien explorées par le (diaphragme à l’orifice inférieur du canal lacrymonasal). Le
dacryoscanner, qui en précise le trajet (fig 4). diagnostic d’obstruction basse repose sur l’absence de visualisation
de produit de contraste au-delà du canal. Le passage lors du
Anomalies du sac dacryoscanner peut se faire avec un délai après l’injection, toujours
La dilatation est habituelle au-dessus d’un obstacle qui siège le plus à pression douce, ce qui explique l’apparente contradiction possible
souvent à la jonction du sac et du canal lacrymonasal (fig 5). Le entre larmoiement clinique et dacryoscanner normal.
contenu du sac peut être homogène et ses limites régulières, ou le La perméabilité en imagerie, au moins partielle, des voies
sac peut présenter des images de diverticule ou de cloisonnement lacrymales, est attestée par la présence de produit de contraste dans
(synéchies). Un niveau liquide déclive traduit l’existence d’une le cavum sur les coupes les plus basses.
dacryocèle, parfois partiellement exclue et mal opacifiée. Elle est
bien mise en évidence sur les clichés en fenêtre parenchymateuse, Sinus
où elle se traduit par une masse arrondie de densité variable,
Leur morphologie oriente l’acte opératoire endoscopique et doit
siégeant dans la gouttière lacrymale, soulevant les parties molles du
donc être décrite avant tout geste endonasal. En particulier, on note
canthus interne et pouvant agrandir l’orifice supérieur du canal
la position de l’agger nasi par rapport au sac lacrymal, la
lacrymonasal osseux.
morphologie du processus unciné et du cornet moyen (concha
Les sacs atrésiques sont plus rares. Le sac peut aussi être comprimé bullosa, horizontalisation), l’aspect du méat moyen, l’épaisseur de
et refoulé par une lésion expansive canthale interne, développée ou l’os en regard de la zone de dacryostomie (plus fin en regard de la
non aux dépens des voies lacrymales. Un complément partie inférieure du sac et supérieure du canal, car constitué par l’os
d’investigation de la masse par IRM peut être proposé. lacrymal), l’existence de signes inflammatoires ou infectieux (fig 6).
En cas d’intervention antérieure inefficace, on précise la cause de
Anomalies du canal lacrymonasal l’échec : ouverture du sac dans une cavité sinusienne borgne,
Le canal osseux peut avoir un calibre rétréci par rapport au canal synéchie de la fosse nasale dans le foyer opératoire.
controlatéral, et créer un obstacle naturel à l’écoulement des larmes. En conclusion, le dacryoscanner est un examen morphologique
Il est parfois dilaté, essentiellement à son origine, par un processus simple et rapide. Il est souvent nécessaire dans le bilan des
expansif d’évolution lente (dacryocèle chronique, plus rarement larmoiements par obstacle bas (sac, canal lacrymonasal). Il est

5
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

indispensable avant tout geste endoscopique, d’une part pour Tous ces principes peuvent, bien entendu, être parfaitement
apprécier le siège de l’obstacle et l’aspect de la voie lacrymale, respectés dans la DCR par voie externe. Mais, outre le risque de
notamment la taille du sac, et surtout d’autre part pour établir le cicatrice cutanée, il y a aussi celui d’altérer le mécanisme subtil de la
bilan de l’état des fosses nasales (position de l’agger nasi, état du pompe lacrymale ; il y a aussi la difficulté à analyser le versant nasal
cornet moyen et du méat moyen) et des rapports des voies de l’anastomose construite.
lacrymales avec les cavités sinusiennes de la face. La voie endonasale apporte « un plus » dans ce domaine. Elle
permet en effet un respect total des éléments cutanés et de la
structure délicate du canthus interne. Mais cette voie d’abord
Principes chirurgicaux élégante n’est valable que si l’on réalise en endoscopie nasale la
de la dacryocystorhinostomie même chose que ce qu’on réalise par voie externe, c’est-à-dire une
ouverture complète de toute la face interne du sac lacrymal,
On définit trois principes chirurgicaux fondamentaux. éventuellement de la partie supérieure du canal lacrymonasal, et ceci
depuis le sommet, très près duquel débouche habituellement le
canalicule d’union.
PREMIER PRINCIPE
La DCR doit respecter la pompe lacrymale. Cette pompe lacrymale
siège au niveau des canalicules palpébraux. Du fait de l’action Techniques chirurgicales
antagoniste de la paroi élastique des canalicules et du muscle de
Duverney-Horner, est réalisé un véritable système péristaltique à Nous décrirons les techniques chirurgicales endoscopiques
piston, où les deux méats lacrymaux s’accolent l’un contre l’autre au actuellement utilisées :
moment du clignement ; puis les canalicules, dans leur portion – la DCR endonasale ;
palpébrale, se compriment vers l’angle interne, pour pousser les
larmes vers le canalicule d’union et le sac lacrymal. Le sac lacrymal – la DCR assistée au laser et les techniques endocanaliculaires.
est le réservoir « tampon » du système lacrymal excréteur. Il assure
l’évacuation des larmes, en grande partie par résorption et, en cas DACRYOCYSTORHINOSTOMIE ENDONASALE
d’afflux plus important, par vidange dans la fosse nasale. Le canal
lacrymonasal qu’on ne sait pas bien, pour le moment réhabiliter, est, C’est la technique que nous utilisons couramment.
dans la DCR, court-circuité et abandonné à son sort.
¶ Rappel anatomique

DEUXIÈME PRINCIPE
Les voies lacrymales comprennent les canalicules palpébraux, le
canalicule commun, le sac lacrymal et le canal lacrymonasal (fig 8). En
La néocommunication entre les voies lacrymales et la fosse nasale doit réalité, cette description donne une fausse idée de l’anatomie
être la plus large possible : le sac lacrymal doit devenir une partie de fonctionnelle des voies lacrymales.
la fosse nasale. En effet, dans la DCR, il faut éviter que le sac
Les voies lacrymales commencent au niveau des paupières qui
lacrymal ne persiste même partiellement, et n’entraîne la formation
présentent le long de leur bord les rivières palpébrales, l’une
d’un néosac, lui aussi à son tour, éventuellement dilaté : il faut
supérieure, l’autre inférieure. Ces deux rivières se rejoignent à
obtenir une marsupialisation complète (fig 7).
l’angle interne des paupières au niveau du lac lacrymal. Le lac
lacrymal est délimité en dehors par le repli semi-lunaire, qui est un
TROISIÈME PRINCIPE petit pli conjonctival vertical, en dedans par l’angle interne (canthus
interne), en haut par l’extrémité interne de la paupière supérieure,
Étant donné le bouleversement du système anatomique qu’implique
en bas par l’extrémité interne de la paupière inférieure. Le fond est
la réalisation de la DCR, il ne faut aucun obstacle au passage des
comblé par la caroncule. À la jonction entres les rivières lacrymales
larmes, du canalicule vers la cavité nasale. Si le canalicule d’union
et le lac lacrymal, s’ouvrent les méats lacrymaux qui absorbent le
ne débouche pas en plein dans la stomie réalisée et qu’au contraire
trop-plein de larmes.
se construit un trajet en baïonnette, le risque d’échec, notamment au
plan du larmoiement, est important. Certes, le problème infectieux Canalicules
est peut-être réglé, mais le patient est déçu, car il reste gêné par le
larmoiement persistant. Le canalicule d’union doit donc s’ouvrir en Les canalicules supérieur et inférieur font suite aux méats
regard de la DCR pour un résultat durable. Ce principe est accepté par lacrymaux. Les canalicules ont une paroi élastique très importante
de nombreux auteurs [21, 22, 44, 55, 63, 66, 67] qui pratiquent donc de la
même façon une ouverture haute du sac lacrymal au niveau du 8 Anatomie des voies la-
canal d’union. Nous réalisons donc un abord direct du sac lacrymal, crymales et trajet de la da-
contrairement à Rouvier [55] qui, en 1981, préconisait le fraisage de la cryocystorhinostomie. 1.
bosse lacrymale pour aborder le canal lacrymonasal. Cellules ethmoïdales anté-
rieures (agger nasi); 2. cor-
net moyen ; 3. cornet infé-
rieur ; 4. sinus maxillaire.

7 Dacryoscanner de contrôle après dacryocystorhinostomie endonasale gauche :


marsupialisation complète du sac lacrymal gauche, dont la paroi externe fait partie de
la muqueuse nasale.

6
TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

¶ Description de la technique endonasale


9 Orbite osseuse. 1. Ma-
laire ; 2. apophyse du pala- La chirurgie des voies lacrymales a bénéficié ces dernières années
tin ; 3. sphénoïde ; 4. fron- de l’essor de la voie endonasale sous contrôle vidéoendoscopique.
tal ; 5. ethmoïde ; 6.
Grâce à cette méthode, la stratégie thérapeutique est plus précise et
unguis ; 7. crête lacrymale
postérieure ; 8. crête la- évite la cicatrice cutanée. Certains auteurs [16, 45] préfèrent encore
crymale antérieure ; 9. utiliser le microscope pour opérer à deux mains. Mais le microscope
maxillaire supérieur. ne donne pas accès à tout le champ opératoire, et notamment à
l’intérieur du sac lacrymal, situé en dehors de l’axe de vision.
La DCR endonasale est réalisée sous anesthésie générale ou locale
avec neuroleptanalgésie. L’anesthésie générale reste cependant
préférable, car elle permet une hypotension artérielle contrôlée, et
évite au patient le pénible désagrément de percevoir du liquide dans
les fosses nasales et le pharynx. En cas de contre-indication
anesthésique liée à un mauvais état général, il vaut mieux renoncer
à rétablir la perméabilité, et se contenter d’éliminer la cavité infectée,
par une dacryocystectomie, facilement et rapidement réalisable sous
anesthésie locale par voie externe transcutanée.

et sont entourés du muscle de Duverney-Horner. Ce muscle Matériel


accompagne les canalicules lacrymaux jusqu’à leur réunion en
Nous utilisons le matériel de chirurgie endonasale endoscopique des
canalicule commun, canalicule qui fait en réalité partie du sac
sinus de la face, à savoir :
lacrymal, dont il n’est qu’une expansion. Le muscle de Duverney-
Horner quitte les canalicules au moment de leur réunion et de leur – une colonne vidéoscopique avec un moniteur, un générateur de
entrée dans la loge lacrymale. Il va s’insérer sur la crête lacrymale lumière froide, une caméra adaptable sur les endoscopes, avec optique
postérieure, contribuant à la formation de la paroi postérieure de la à 0 et 30° ;
loge lacrymale.
– le système d’irrigation-aspiration des endoscopes ;
Canalicule commun – un moteur avec des fraises protégées ;
Le canalicule commun s’abouche dans la partie toute supérieure du
– un matériel de chirurgie endonasale qui comprend : aspirateur
sac lacrymal, près de son dôme. Ceci peut conduire à des erreurs
boutonné atraumatique, pointe de bistouri électrique coudée type
opératoires, si cette donnée anatomique est méconnue.
Rosen ou Jost, une faux, une curette de House, une pince rétrograde
Sac lacrymal d’Ostrom, un décolleur endonasal, des pinces de Blakesley rectiligne
Le sac lacrymal répond en avant à la peau, zone extensible, et coudée, des ciseaux fins droit et courbe de Rouvier, un écarteur
expliquant la possibilité de distension du sac lacrymal (mucocèle du de Killian ;
sac). En arrière, il répond à une paroi renforcée par le muscle de – une attelle endonasale.
Horner. C’est une paroi résistante, qui fait du sac un élément
Le matériel ophtalmologique comprend :
extraorbitaire. En dedans, le sac répond aux formations osseuses de
la face, c’est-à-dire à la partie interne de l’orbite, avec en arrière – un double dilatateur avec une extrémité conventionnelle et une
l’unguis, en avant le maxillaire supérieur (fig 9). Au niveau de la autre extrémité de diamètre plus important, calibrée pour le passage
gouttière lacrymale, la paroi est fragile, mais en avant s’établit le de la fibre optique à usage unique branchée sur une lumière froide
pilier interne de l’orbite, constitué d’un os dur et résistant que seul (équipement utilisé en ophtalmologie pour les vitrectomies et, d’une
un instrument puissant peut ouvrir pour la DCR. façon générale, dans toutes les interventions endoculaires) ;
Le sac lacrymal se projette au niveau du méat moyen de la paroi – éventuellement une sonde bicanaliculaire : Bikat bébé I ou adulte
latérale de la fosse nasale, où deux reliefs font saillie : le processus « PVP ».
unciforme (apophyse unciforme) en avant, et la bulle ethmoïdale en
arrière. La situation du sac par rapport aux cavités nasales est Repérage anatomique
variable dans le sens antéropostérieur et dépend notamment du
degré plus ou moins important de pneumatisation des cellules On met en place dans la fosse nasale un coton imbibé de Xylocaïnet
ethmoïdales. Si dans 54 % des cas le sac est relativement antérieur, il à la naphazoline à 5 % pendant quelques minutes, de façon à
peut se retrouver franchement en arrière et même laisser l’unguis en rétracter la muqueuse nasale. La fosse nasale est inspectée à
avant. C’est une raison supplémentaire pour un repérage précis au l’endoscope 30°, à la recherche des principaux repères anatomiques :
cours de la DCR. Des cellules ethmoïdales s’interposent quasi – en dedans, la cloison nasale ;
constamment au niveau de cette paroi osseuse : ce sont les cellules
les plus antérieures des masses latérales de l’ethmoïde, constituant – en dehors et en bas, le cornet inférieur ;
l’agger nasi. – en dehors et en haut, la tête du cornet moyen et son insertion à sa
Canal lacrymonasal partie supérieure ;
Le canal lacrymonasal est contenu dans un canal osseux constitué – et enfin en dehors de la tête du cornet moyen, la bulle ethmoïdale
par le sinus maxillaire en dehors et les fosses nasales en dedans. La et l’apophyse unciforme située en arrière de la bosse lacrymale
paroi des fosses nasales est formée de l’unguis pour les deux tiers (fig 2).
supérieurs, et de l’apophyse lacrymale du cornet inférieur pour le La fibre optique de transillumination est mise en place dans le
tiers inférieur. Ce canal, relativement long (15 mm), est de canalicule inférieur. Elle permet en scopie endonasale, de repérer le
dimensions relativement constantes, quelle que soit la taille du nez. débouché du canal d’union dans le sac lacrymal, et sa projection sur
Il est étroit, avec une muqueuse épaisse largement occupée par un la paroi externe de la fosse nasale. Comme de nombreux auteurs [1,
plexus vasculaire. Le canal lacrymonasal débouche dans la fosse 22, 39, 43, 63, 66]
, nous utilisons la transillumination du sac par voie
nasale dans un espace très étroit, situé sous le cornet inférieur. canaliculaire afin de faciliter le repérage de la zone d’ostéotomie. En
Le canal lacrymonasal répond à la partie antérieure du méat moyen effet, comme nous l’avons vu, l’un des principaux critères de réussite
de la fosse nasale, en regard de la branche montante du maxillaire, de cette chirurgie est l’ouverture du sac lacrymal en regard du
au niveau de la bosse lacrymale et de l’apophyse unciforme. canalicule d’union, sans trajet en baïonnette de la stomie. Or, nous

7
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

10 Repérage du sac lacrymal par transillumination (A, B).


1. Projection du sac lacrymal (canalicule d’union) ; 2. tête du
cornet moyen ; 3. cloison nasale (septum) ; 4. cornet inférieur ;
5. bosse lacrymale ; 6. apophyse unciforme.

*
B

*
A

11 Résection de la muqueuse nasale (A, B). 1. Lambeau mu-


copériosté ; 2. pointe coagulante coudée.

*
B

*
A

l’avons aussi souligné dans le paragraphe d’anatomie, la projection sérum adrénaliné, parce qu’elle n’améliore pas l’hémostase locale.
de ce dernier sur la paroi externe de la fosse nasale est variable, Les berges de la résection mucopériostée doivent être coagulées pour
notamment par rapport au cornet moyen. En général, elle se fait éviter qu’une hémorragie ne perturbe les temps opératoires suivants.
au-dessus de sa racine d’insertion, plus rarement en regard ou en Comme de nombreux auteurs [1, 4, 39, 43, 44, 63] , nous sacrifions
dessous de la racine du cornet moyen. Il est donc impératif de la délibérément les lambeaux de muqueuse nasale et lacrymale pour
repérer avec précision dans chaque cas (fig 10). diminuer le risque de sténose secondaire. Toutefois, certains [17, 18, 55]
Lorsque la tête du cornet moyen est trop volumineuse, en cas de conservent les deux lambeaux, qu’ils solidarisent avec de la colle ou
pneumatisation (concha bullosa), on peut, soit la luxer en dedans, des clips neurochirurgicaux. D’autres enfin [ 2 9 , 6 7 ] sacrifient
soit réséquer la tête du cornet moyen avec les ciseaux de Rouvier uniquement le lambeau de muqueuse nasale, et rabattent en arrière
courbes. Nous préférons, quand cela est possible, nous en tenir à la le lambeau de muqueuse lacrymale. Ces variantes nous paraissent
luxation du cornet moyen, car l’exérèse de la tête du cornet compliquées, inutiles et peut-être même contraires au but recherché.
provoque des réactions croûteuses de la muqueuse, inconfortables
• Deuxième temps : résection osseuse (fig 12)
pour le patient et pouvant nuire à une bonne cicatrisation de la
stomie. Parfois, une déviation de la cloison nasale peut rendre Toujours guidé par la fibre optique placée dans le sac lacrymal, on
difficile l’accès au sac lacrymal. Elle nécessite rarement une pratique l’exérèse de la paroi osseuse dénudée de la gouttière
septoplastie, que l’on préfère également éviter, toujours pour les lacrymale à l’aide d’une fraise protégée, de préférence coudée à 30°,
mêmes raisons. En effet, ces déviations sont le plus souvent situées munie d’un système d’irrigation-aspiration. La fenêtre osseuse doit
à la partie inférieure du septum et, si elles sont gênantes, elles être large (1 cm2 environ), de façon à exposer la totalité de la paroi
peuvent être réduites par une simple luxation à l’aide de l’écarteur interne du sac lacrymal et la partie supérieure du canal
de Killian. Mais d’autres auteurs [44, 55, 63, 67] ont une attitude lacrymonasal.
différente, et réalisent ces différents gestes endonasaux de façon Ce temps comprend quasi obligatoirement l’ouverture de l’agger
systématique pour améliorer l’accès au champ lacrymal. nasi (cellules ethmoïdo-unguéo-orbitaires) et l’exérèse de la partie
antérieure de l’os planum ou lame papyracée. En effet, Blaylock [10]
Temps opératoires et Whitnall [68] ont démontré que les cellules ethmoïdales antérieures
sont au contact de la loge osseuse du sac lacrymal dans plus de
Les trois temps opératoires suivants sont alors abordés. 85 % des cas. Il est donc impératif d’ouvrir les cellules de l’ethmoïde
antérieur (agger nasi) pour accéder à toute l’étendue du sac lacrymal
• Premier temps : résection muqueuse (fig 11) et notamment à sa partie supérieure [34].
Une fois repérée la projection du sac lacrymal et du canal d’union, On est très attentif à supprimer tout obstacle osseux, notamment
un lambeau mucopériosté rectangulaire est découpé à la pointe près de la paroi supérieure de la fosse nasale, en regard du
coagulante coudée type Rosen ou Jost, et réséqué dans sa totalité. canalicule d’union. Les esquilles osseuses sont soigneusement
Nous avons abandonné l’infiltration sous-muqueuse préalable au extirpées, car elles risquent d’entraîner des granulomes de la

8
TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

12 Résection osseuse (A, B). 1. Fenêtre osseuse ; fraise pro-


tégée.

*
B

*
A

*
A *
B *
C

13 Saillie de la paroi du sac lacrymal par pression de la fibre optique de transillumination introduite dans le canalicule inférieur (A, B) (flèche) et issue de mucopus du sac lacrymal (C).

muqueuse nasale. Lorsque la projection du sac lacrymal est bas


située, on est amené à réséquer la partie supérieure de l’apophyse 14 Incision du sac. 1.
Mucopus ; 2. faux.
unciforme, sans toutefois réaliser une unciformectomie totale.
Cependant, Fayet et Racy [21] réalisent, dans un premier temps, une
unciformectomie de façon systématique, car elle permet ainsi de
repérer le canal lacrymonasal et d’avoir accès au sac lacrymal avec
rapidité et sécurité.

• Troisième temps : ouverture du sac lacrymal


Après le fraisage de l’os, on constate effectivement, toujours grâce à
la sonde d’endo-illumination, que le canalicule d’union débouche
habituellement très haut dans le sac lacrymal, et l’ouverture
chirurgicale du sac doit en tenir compte. Une sonde lacrymale
introduite dans le canalicule inférieur, à la place de la fibre optique
de transillumination fait saillir, en la repoussant vers la cavité du
nez, la paroi interne du sac lacrymal (fig 13).
Grâce à cette mise en tension, on incise, à l’aide de la faux (fig 14), la
partie supérieure du sac. On aspire les sécrétions mucopurulentes
qui font issue en cas de mucocèle. Cette ouverture doit être recommandons l’utilisation de la sonde Bikat bébé I, dont le
poursuivie vers la partie basse du sac, jusqu’à la portion adjacente mandrin métallique très souple est placé à l’intérieur du silicone,
du canal lacrymonasal, de façon à assurer aussi un drainage déclive. rendant le passage de cette sonde quasi atraumatique. L’intubation
Puis, toujours guidé par la fibre optique ou la sonde à voie bicanaliculonasale est réalisée par le passage de la sonde dans les
lacrymale, on pratique la résection de la paroi interne du sac canalicules supérieur et inférieur. L’intubation est sécurisée par un
lacrymal, ainsi que de sa portion postérieure, à l’aide d’une pince de triple nœud, l’élasticité du silicone permettant de bien positionner
Blakesley et des ciseaux courbes de Rouvier. On obtient ainsi une ce nœud juste en dessous de la zone d’anastomose. Cette position
nasalisation du sac lacrymal, dont la paroi externe va devenir une est vérifiée avec l’endoscope. La suture de la sonde permet d’éviter
partie de la paroi nasale externe. son extériorisation lors d’effort de mouchage ou à l’occasion d’un
frottement intempestif de l’œil [20, 65].
• Mise en place du matériel prothétique Certains auteurs ne mettent jamais d’intubation en place [55, 66],
– Il est fréquemment nécessaire, voire pour certains systématique [4, d’autres l’utilisent uniquement dans les cas où elle paraît nécessaire :
, de poser une sonde bicanaliculaire. Sa mise en place
14, 27, 43, 45, 49, 63, 67] reprises chirurgicales, sténoses canaliculaires, anomalie des méats
est rendue plus sûre grâce au contrôle endoscopique, qui vérifie la lacrymaux [17, 20, 33, 34, 65].
perméabilité effective du canal d’union et l’absence de fausse route – En fin d’intervention, nous mettons en place une attelle endonasale
(les deux brins doivent sortir par le même orifice). Nous (Klap-Bernardt) en silicone (fig 15). Elle comprend une partie

9
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

16 Échec d’une dacryo-


cystorhinostomie endona-
sale. La dacryocystographie
de contrôle met en évidence
un trajet en baïonnette du
liquide de contraste à tra-
vers la voie lacrymale.

*
A

*
B

15 Attelle endonasale.
A. Attelles droite et gauche.
B. L’attelle est composée d’une partie supérieure cylindrique et d’une partie an-
térieure plane.
17 Échec d’une dacryo-
supérieure cylindrique et une antérieure plane. Ce conformateur cystorhinostomie endona-
redessine la partie supérieure de la fosse nasale, ce qui combat la sale. La fenêtre osseuse est
formation de synéchies. La forme de l’attelle autorise, en cas trop bas située par rapport
d’hémorragie persistante, un méchage complémentaire à la partie au sac lacrymal.
inférieure de la fosse nasale. Elle est fixée à la cloison nasale par un
fil non résorbable, et laissée en place 8 à 10 jours. Certains auteurs [27,
29, 44]
ne réalisent pas de méchage des fosses nasales, sauf en cas
d’hémorragie peropératoire ou de gestes associés au niveau du
septum ou des sinus.

Soins postopératoires
Les patients sont hospitalisés 24 heures. Nous prescrivons un
traitement antibiotique per os pendant une semaine jusqu’à
l’ablation de l’attelle endonasale, ainsi que des lavages des fosses
nasales au sérum physiologique et avec des gouttes huileuses
pendant 15 jours. Un collyre antibiotique et cortisoné est, sauf
contre-indication (herpès de la cornée), prescrit selon un mode regard de la stomie. Ces cicatrisations anormales sont responsables
« flash » : 6 à 8 fois par jour pendant 6 jours, relayé par des lavages de bon nombre d’échecs fonctionnels et/ou anatomiques. Leur
oculaires si nécessaire (sérum physiologique ou lotion oculaire). fréquence sera limitée par l’ablation soigneuse peropératoire de
Il est très important d’assurer un suivi postopératoire pendant les toutes les esquilles osseuses et fragments muqueux, et par un geste
premières semaines [ 2 2 , 2 7 , 6 3 , 6 7 ] . Le contrôle endoscopique le plus mesuré possible sur la muqueuse nasale (éviter de vouloir
postopératoire de la fosse nasale est réalisé aux 15e jour et 2e mois trop en faire au niveau des cornets ou de la cloison nasale dans le
postopératoires. Il permet un nettoyage régulier de la fosse nasale, même temps opératoire). De même, les soins locaux postopératoires,
et contribue ainsi à diminuer les risques de synéchie et de sténose comme l’ablation des croûtes et l’aspiration des sécrétions nasales
de la stomie. Il assure, en outre, la surveillance de la sonde sous endoscope, contribuent à diminuer le risque de sténose de la
bicanaliculaire qui est laissée en place habituellement de 3 à 6 mois. stomie et de synéchies ;
L’ophtalmologiste contrôle la bonne tolérance au niveau oculaire, et – les causes d’échec de la DCR endonasale sont d’une part, les défauts
l’absence d’infection et de larmoiement. Au besoin, un lavage des de cicatrisation de la muqueuse que nous venons d’énumérer, et
voies lacrymales, en plaçant la canule à côté de la sonde dans le d’autre part une ostéotomie mal positionnée ou trop petite, et/ou
canalicule, permet d’en contrôler la bonne perméabilité. une absence d’ouverture de l’agger nasi :

¶ Complications et résultats – une ostéotomie qui n’est pas située en regard de la partie
supérieure du sac lacrymal se trouve décalée par rapport au
Les complications sont rares. Dans la littérature [63] sont décrits : canalicule d’union, et réalise une anastomose dont le trajet est en
– des hémorragies de la muqueuse nasale nécessitant une baïonnette (fig 16). C’est notamment le cas lorsque le chirurgien
coagulation et un méchage de quelques jours. Un cas d’hémorragie ouvre la paroi osseuse de la gouttière lacrymale uniquement à sa
par plaie de l’artère ethmoïdale antérieure a été rapporté ; partie inférieure en regard du canal lacrymonasal, et non du sac
lacrymal lui-même. L’ostéotomie qui en résulte est alors trop bas
– des effractions de la paroi orbitaire : en peropératoire, une brèche située, comme le prouve l’examen radiologique de contrôle
de la lame papyracée peut entraîner une hernie de la graisse (fig 17). Dans d’autres cas d’échec, le forage osseux est insuffisant,
orbitaire : il faut la cautériser délicatement à la pince coagulante, avec une ouverture trop petite qui peut être le siège d’une néo-
sans traction pour ne pas impliquer un muscle oculomoteur (aucun ostéogenèse. En effet, l’os qui correspond à la branche montante
trouble de la vision binoculaire n’a cependant été publié). En du maxillaire supérieur est à ce niveau particulièrement épais et
postopératoire, l’effraction de la paroi orbitaire peut être à l’origine dur : le temps de fraisage est donc relativement long et ne doit
d’une ecchymose périorbitaire ou d’un emphysème sous-cutané pas décourager le chirurgien, qui mènera son geste jusqu’à son
(interdire le mouchage) ; terme ;
– de même, on ne retrouve aucun cas rapporté de brèche méningée – l’absence d’ouverture de l’agger nasi, très fréquemment située
consécutive à une chirurgie lacrymale ; en regard du sac lacrymal, est une autre cause d’échec de la DCR.
– en revanche, il est abondamment décrit des troubles de la Son ouverture est indispensable pour mettre en rapport le
cicatrisation de la muqueuse nasale ou lacrymale, avec formation de canalicule d’union et la fosse nasale. Ainsi, dans un cas de notre
synéchies, de granulomes, de volets muqueux et de croûtes en série, le dacryoscanner de contrôle (fig 18) a montré la persistance

10
TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

Il n’existe pas ou quasiment pas de contre-indications d’origine


nasale, puisque l’étroitesse des fosses nasales n’empêche pas le geste
par voie endocanalaire, tandis qu’une DCR par voie endonasale
pourrait théoriquement être non réalisable.
Technique opératoire
Le très faible traumatisme opératoire permet une chirurgie
ambulatoire dans l’immense majorité des cas.
L’anesthésie est le plus souvent une anesthésie locale potentialisée,
plus rarement une anesthésie générale (obligatoire chez l’enfant),
voire une anesthésie topique (Tétracaïnet) chez des patients âgés
très fragiles.
Comme dans les autres techniques, une mèche imbibée de
Xylocaïnet naphazolinée est introduite dans le nez vers la région
du cornet moyen.
Une injection de Xylocaïnet adrénalinée est pratiquée dans la région
18 Échec d’une dacryocystorhinostomie endonasale. Le dacryoscanner montre une canthale interne, avec éventuellement infiltration du nerf
dilatation du sac lacrymal par interposition de l’agger nasi (flèche) entre les voies la-
sous-orbitaire.
crymales et la fosse nasale.
Après instillation de méthylcellulose, une coque protectrice oculaire
d’une dilatation du sac après une DCR endonasale, car l’agger est mise en place. Les opérateurs et toutes les personnes présentes
nasi y a constitué un obstacle à l’évacuation des larmes dans la dans la salle doivent porter des lunettes protectrices, bien que le
fosse nasale. risque d’exposition au rayonnement laser n’existe que lors d’une
Dans une première étude avec différents types de méchage rupture accidentelle de la fibre, puisque la visualisation se fait par
postopératoire, nous avons obtenu 86 % de bons résultats. L’analyse un moniteur vidéo.
d’une deuxième série de patients ayant tous bénéficié de l’attelle Les points lacrymaux sont dilatés, puis le contact osseux est
endonasale a relevé 94% de bons résultats sur une durée moyenne recherché pour chaque canalicule avec une sonde fine. Un trocart
de 20 mois [34]. Ces chiffres sont avantageusement comparables à est alors introduit par le canalicule supérieur ou inférieur, servant
ceux retrouvés le plus souvent dans la littérature : environ 85 % [3, 20, de guide rigide à la fibre illuminatrice et à la fibre laser. Ce trocart,
22, 24, 26, 27, 33, 43, 69, 73]
. utilisé par Piaton, mais pas dans la technique de Christenbury,
permettrait d’éviter les traumatismes itératifs du point lacrymal dus
DCR ASSISTÉE AU LASER à la sortie et à l’introduction répétées de la fibre laser. Il limiterait
La DCR au laser est une technique récente, datant d’une quinzaine les risques de brûlures latérales en bout de fibre.
d’années, réalisée soit souvent par voie endocanalaire, soit en Une fois le trocart mis en place, la fibre endo-illuminatrice (à laquelle
complément de la voie endonasale. certains n’ont pas recours, ne réalisant pas de localisation préalable)
¶ DCR au laser par voie transcanaliculaire est introduite jusqu’au contact osseux.
La DCR au laser argon par voie endocanalaire a été décrite pour la Un endoscope rigide ou un fibroscope ORL souple, couplé à une
première fois en 1991 par Christenbury [15], également par Levin et caméra vidéo, est introduit dans le nez jusqu’en regard de la zone
Stormogipson avec un laser Nd : YAG-KTP, avant d’être introduite transilluminée, afin de préciser l’emplacement du néo-orifice qui
en France en 1993 par Piaton [51, 52, 53]. sera créé. La fibre illuminatrice est ensuite retirée, et le système laser
est introduit à sa place.
Le principe de la DCR transcanaliculaire au laser est de créer une
fistule lacrymonasale en introduisant la fibre laser dans les voies Suivant les caractéristiques des lasers utilisés : laser Nd : YAG, KTP,
lacrymales. Elle se distingue donc de la DCR par voie externe Holmium YAG, Erbium : YAG, les constantes sont différentes, qu’il
cutanée classique ou de la réalisation de celle-ci par voie endonasale. s’agisse du nombre d’impacts, de la puissance ou du mode continu
ou non.
Résultats Brémond-Gignac et al [12] rapportent une étude anatomique avec un
Les premières années, certains auteurs rapportaient des taux de microendoscope combiné au laser Erbium-YAG dans une sonde
succès de l’ordre de 50 % à 60 % en première intention (Piaton). rigide de 1,1 mm de diamètre combinant trois systèmes : endoscopie,
Les taux de succès chutent nettement en cas de reprises des échecs irrigation et fibre laser.
de DCR opérées en première intention par d’autres techniques, puis En cas de sténose canaliculaire associée, la fibre laser est introduite
réopérées par voie endocanalaire au laser. jusqu’à l’obstacle canaliculaire, et un tir laser d’intensité faible est
Le type de laser [54, 71] utilisé n’intervient pas dans les taux de succès produit pour obtenir la progression de la fibre dans le canalicule
(laser Néodymium-Yag, Holmium-Yag, Thullium Holmium Chrome- jusqu’au contact osseux.
YAG, Erbium-YAG, CO2, argon…), de même que l’utilisation ou non Le laser traverse alors successivement la paroi du sac lacrymal, le
d’antimitotiques (5 FU, mitomycine C) pendant l’intervention [13] périoste, l’os lacrymal et la muqueuse nasale, l’ensemble ne
(avec diverses possibilités d’application allant d’un tamponnement nécessitant que quelques minutes pour des opérateurs entraînés.
au Cotontige à la mise en place de matériel résorbable imbibé type Une aspiration nasale peut être nécessaire (fumée, hémorragie,
Surgicelt). débris tissulaires, etc).
Indications Mais la surface de l’ostéotomie reste toujours très limitée, on en
devine les conséquences pour le résultat à terme.
Les indications sont, là aussi, les sténoses complètes ou incomplètes
S’il est gênant, le cornet moyen est luxé. Lorsque cette luxation du
symptomatiques du canal lacrymonasal quelle que soit leur
cornet est insuffisante, la tête du cornet moyen peut être vaporisée
traduction clinique (larmoiement clair, dacryocystite chronique,
au laser ou réséquée aux ciseaux.
dacryocystite aiguë ne cédant pas au traitement médical),
éventuellement associées à une sténose canaliculaire. En fin d’intervention, une intubation bicanaliculonasale est mise en
place. Un conformateur d’orifice a été proposé, mais son action et sa
Contre-indications tolérance ne semblent pas probantes. Certains opérateurs ne placent
Les contre-indications sont la suspicion de la présence d’une tumeur, aucun matériel prothétique.
d’un diverticule ou d’un cloisonnement du sac, les dacryolithes car La revue de la littérature permet cependant de remarquer un taux
l’évacuation des calculs y est impossible, et les mucocèles constituées de succès d’autant plus important qu’une intubation aura été laissée
du sac lacrymal. en place plusieurs semaines, idéalement 3 mois.

11
46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

Un collyre antibiocorticoïde est instillé pendant 2 à 8 semaines, et Les principaux avantages liés au laser lors des DCR endonasales
un traitement antibiotique per os éventuellement associé, en cas de sont :
sac surinfecté.
– en cas de reprises chirurgicales d’échec de DCR antérieures quel
Complications peropératoires que soit le mode de la DCR initiale, la possibilité d’ouvrir facilement,
rapidement et sans hémorragie un ostium occlus, de sectionner des
Les complications peropératoires sont essentiellement une brûlure
brides éventuelles ou de lever des synéchies (la trépanation osseuse
des voies lacrymales, liée à une déperdition latérale d’énergie en
étant déjà réalisée) ;
bout de fibre, ou une issue de graisse orbitaire dans les fosses
nasales (que l’on peut vaporiser avec la fibre laser introduite dans le – en cas d’issue de graisse orbitaire dans les fosses nasales, la
nez). vaporisation aisée de cette dernière.
Les différents temps opératoires sont superposables à ceux de la
Complications postopératoires DCR endonasale classique, le forage osseux à la fraise étant
Les complications postopératoires sont : simplement remplacé par la vaporisation de l’os lacrymal par le
– des sténoses canaliculaires secondaires, comme dans toutes laser. Cependant, on retrouve bien entendu les mêmes limites : le
techniques de DCR ; pilier osseux interne de l’orbite est trop dur et trop épais pour se
laisser creuser par les lasers actuellement disponibles sur le marché
– des complications infectieuses ou inflammatoires peu fréquentes ; biomédical.
– des complications liées à l’intubation, essentiellement
extériorisation ou perte de la sonde, plus rarement stricturotomie ¶ DCR au laser, combinée :
du canalicule lacrymal ; transcanaliculaire + endonasale
– le sump syndrome des Anglo-Saxons, ou persistance d’une L’intérêt de cette technique combinée, rarement utilisée, est de
mucocèle à voies lacrymales perméables au lavage, liée à la pouvoir repérer par voie endocanalaire l’origine de l’obstacle de la
persistance du sac lacrymal, dont la majeure partie, en dessous de voie lacrymale (sténose canaliculaire, sténose du canal
l’orifice créé, ne se draine pas dans les fosses nasales ; lacrymonasal…), et de le traiter tout au moins partiellement par cet
– la fermeture de l’ostium, qui est la principale cause d’échec de la abord endocanalaire. Une stomie osseuse suffisamment large est
technique. Le larmoiement réapparaît alors entre le 2e et le 4e mois, alors complétée au laser par voie endonasale.
parfois plus tôt, voire d’emblée, parfois plus tard, éventuellement Cette technique combinerait donc les avantages des deux techniques,
plus de 1 an après l’intervention. Des synéchies nasales provoquées endonasale classique et endocanalaire, mais présente toujours
par des accolements postopératoires de la muqueuse nasale peuvent certains des mêmes inconvénients. Pour l’instant, ce double abord
englober l’ostium, le septum, le cornet moyen. ne s’est pas réellement répandu.
Les taux de succès sont, en tout cas pour le moment, largement
inférieurs à ceux obtenus par DCR externe transcutanée ou par DCR ¶ Prothèses endocanalaires (dans le canal
endonasale. On a vu que le maximum de chances de succès d’une lacrymonasal)
DCR est atteint lorsque l’ostéotomie est centrée sur le canalicule
d’union, et suffisamment large pour que la paroi du sac devienne Les techniques chirurgicales utilisant des prothèses endocanalaires
une partie de la paroi externe du nez. Quel que soit le type de laser, sont nettement moins répandues que les techniques précédemment
aucun n’a prouvé son efficacité sur l’os épais et très dense de la décrites.
crête lacrymale antérieure, or l’ablation de cette crête est primordiale Tout comme les DCR par voie endocanaliculaire, leur intérêt
pour obtenir un orifice qui ne fasse pas une chicane. De plus, le principal est le faible traumatisme opératoire, permettant des
mode délivrance par le canalicule ne permet pas un débattement interventions en ambulatoire sous anesthésie locale.
suffisant du faisceau laser, pour obtenir un orifice de bonne taille. La plupart des auteurs s’accordent pour donner un taux de succès
Pour cette raison, certains s’adressent à cette méthode plutôt pour limité (50 %), et ne proposent ces techniques qu’en première
les reprises d’échec des DCR réalisées auparavant de façon intention avant d’envisager un traitement chirurgical à proprement
conventionnelle [70]. Enfin, la plupart des auteurs recommandent la parler.
pose d’une sonde bicanaliculonasale en fin d’intervention, et on peut
se poser la question de son rôle, à elle seule efficace dans les cas où Technique du stent
le résultat est positif [2].
Au total, l’intérêt apparent de la DCR transcanaliculaire au laser Cette technique peu invasive utilise le plus souvent des stents en
réside dans sa simplicité, son caractère peu traumatisant, l’absence polyuréthane, et ses indications sont le traitement de première
de cicatrice cutanée. Elle a paru un moment très convaincante pour intention des sténoses du sac lacrymal ou du canal lacrymonasal, de
la chirurgie ambulatoire, chez les sujets fragiles… Mais, à l’usage, la préférence sténoses partielles.
plupart de ses utilisateurs ont éprouvé des déceptions, et beaucoup Le stent est habituellement introduit par voie canalaire antérograde,
ont abandonné cette méthode, du moins tant que la technologie sous contrôle radiologique, mais certains auteurs, avec
n’aura pas encore progressé. l’expérience [37, 38], proposent de l’introduire sans contrôle.
Lee [38] rapporte ainsi 53 cas sans contrôle radiologique, pour
¶ DCR endonasale assistée par laser lesquels il a posé des stents en polyuréthane, introduits par le point
On retrouve les indications, contre-indications et intérêts de la DCR lacrymal supérieur ou inférieur, allant jusqu’au méat inférieur dans
endonasale classique [9, 36, 42, 46, 48, 56]. la fosse nasale. Il constate un taux de succès de 93 % avec un suivi
Les complications et les limites de la DCR endonasale assistée ou moyen de 22 mois, les échecs étant liés à l’obstruction du stent ou à
non par laser sont superposables, si ce n’est quelques complications une sténose du canal d’union créée par une récidive infectieuse.
ou limites spécifiques à l’emploi du laser. Quel que soit le laser Song et al [59, 60, 61, 62] ont intubé 283 voies lacrymales avec pose de
utilisé KTP, Holmium : YAG…, on peut citer : stents en polyuréthane pour obstruction du sac lacrymal ou du canal
– le risque de brûlure ; lacrymonasal. Le positionnement du stent par voie antérograde a
été très minutieux, réalisé sous contrôle radiologique. Dans 95 % des
– une fibrose plus importante des tissus, constatée en cas de reprise cas, l’acte technique a été réalisé aisément, avec une résolution
chirurgicale par rapport à l’utilisation d’une fraise traditionnelle ; complète de l’épiphora dans 87 % des cas à 7 jours, mais à 1 an, une
– des cicatrices nasales rétractiles, des synéchies, peut-être favorisées récidive du larmoiement était décrite dans un tiers des cas. Il a
par l’usage du laser, avec notamment la constitution d’un tissu également proposé la pose de stents lors de sténose canaliculaire du
cicatriciel au niveau de l’ostium, entraînant l’échec de la DCR. canal d’union, avec de bons résultats à court terme sur 30 yeux.

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TC Tête et Cou Dacryocystorhinostomie endoscopique 46-185

Lee, Song et al [37] avaient également rapporté auparavant une série obtient 51 % de succès dans les sténoses complètes du canal
de 571 stents posés sous contrôle radiologique pour épiphora par lacrymonasal, et 71 % dans les sténoses partielles. Mais ces taux
sténose sur la voie lacrymale basse. Dans un quart des cas (142/571), chutent respectivement à 25 % et 20 % à 2 ans, comme dans les
il a fallu retirer ce stent après 7 mois en moyenne, du fait d’une travaux de Song.
récidive du larmoiement liée dans 35 % des cas à une occlusion du La dilatation par ballonnet est donc, elle aussi, une technique au
stent par des sécrétions mucoïdes, et dans 65 % des cas à un tissu de premier abord simple, mais grevée d’un fort taux de récidives à
granulation cicatriciel. Après ablation du matériel et lavage des voies moyen ou long terme.
lacrymales au sérum physiologique, 51 % des patients notaient une Perry [50] réalise une dilatation par ballonnet et voie antérograde
amélioration du larmoiement à 7 jours, mais ils n’étaient plus que dans 15 voies lacrymales adultes présentant une sténose partielle du
33 % à 22 mois. canal lacrymonasal sans signe infectieux. Une intubation par sonde
D’autres études portent sur de petites séries, et ne permettent pas en silicone est laissée en place 2 mois après dilatation par ballonnet.
de conclusions statistiquement significatives. Certains intubent le Il obtient 73 % de bons résultats subjectifs à 2 mois, et 60 % à 6 mois.
canal lacrymonasal par voie rétrograde en utilisant des stents de Ainsi cette association, dilatation par ballonnet puis sonde en
polyéthylène. Song [57, 58] encore, avait utilisé des systèmes à mi- silicone, peut être proposée en traitement de première intention chez
chemin entre stent et ballonnet (stent métallique expansible), mis en des adultes présentant une sténose partielle du canal lacrymonasal.
place facilement, sans risque, avec un excellent taux de succès Berkefeld et al [8] proposent de recentrer les indications, éliminant
apparent immédiat, ce qui lui avait permis de l’envisager comme les dacryocystites aiguës, les lithiases et les lésions post-
alternative à la chirurgie pour le traitement des larmoiements traumatiques. Dans une étude sur 85 sténoses isolées, complètes ou
chroniques (sept yeux avec stent de 4 mm sur 10 mm après partielles du canal lacrymonasal, il obtient 92 % de bons résultats à
expansion). Mais depuis, il semble avoir abandonné cette technique. 1 an en l’absence des facteurs péjoratifs précités, chutant à 54 % pour
Pour le moment, cette technique, au premier abord séduisante car quasi les mauvais cas (sténoses étagées, antécédents traumatiques…). Il
instrumentale, simple, rapide, ambulatoire, ne donne pas à terme de propose donc de réserver cette technique à des cas favorables
résultats aussi satisfaisants que la DCR endonasale ou externe. sélectionnés.
Janssen et al [30, 31, 32] rapportent des résultats similaires.
Technique du ballonnet
Ainsi, la dilatation par ballonnet par voie antérograde ou rétrograde
Cette technique s’inspire des angioplasties transluminales. Adaptées dans les sténoses partielles ou complètes du canal lacrymonasal peut
aux pathologies lacrymales, les techniques du ballonnet peuvent, être proposée en première intention, puisqu’il s’agit d’une technique
elles aussi, être réalisées par voie antérograde ou rétrograde. simple, sans complication, réalisable sous anesthésie locale en
Le succès de la dilatation par ballonnet varie dans l’immédiat de 20 ambulatoire. Cependant, le patient devra être informé d’un risque
à 90 % selon les auteurs, mais à long terme, le taux de succès paraît élevé de récidive, surtout en cas de sténose complète, de sténoses
nettement plus faible. étagées, d’antécédents infectieux ou traumatiques.
Il est difficile de dégager une supériorité de la technique de Chirurgie endoscopique endocanalaire
dilatation par ballonnet par rapport à une simple intubation
bicanaliculonasale, puisque selon les auteurs les taux de succès de Elle suscite beaucoup d’intérêt, et doit son développement à la mise
l’intubation bicanaliculonasale seule varient de 60 à 70 % des cas. sur le marché d’endoscopes de diamètre réduit, pouvant franchir les
canalicules lacrymaux et pénétrer dans le sac et le canal
Dès 1989, Becker [5, 6, 7] avait tenté la dilatation de la voie lacrymale
lacrymonasal, accompagnés d’outils lasers ou mécaniques adaptés.
basse chez quatre patients présentant un échec de DCR classique. Il
Les travaux de JM Pifaretti en Suisse et de l’école allemande [47] ont
avait noté trois réponses favorables à court terme, avec succès d’une
démontré leur intérêt potentiel. Pour l’instant, la qualité de l’image
deuxième dilatation chez le quatrième patient.
n’est pas tout à fait satisfaisante, et il reste à prouver, par une série
En 1991, il applique cette technique de dilatation par ballonnet à de cas correctement analysée, une quelconque supériorité par
cinq enfants, soit âgés de plus de 6 ans, soit présentant un échec du rapport à la simple intubation dans les sténoses pures, et, plus
sondage ou de mise en place d’une sonde en silicone, avec une improbable encore, l’efficacité en cas de dilatation du sac lacrymal
disparition du larmoiement dans quatre cas. et d’infection. En outre, la législation française sur la
En 1996, il publie une étude sur 61 voies lacrymales d’enfants de décontamination et la désinfection des instruments médicaux
plus de 1 an après échec d’un sondage ou d’une intubation simple (circulaires de la direction générale de la santé du 11 décembre 1995
par sonde de silicone, avec 95 % de bons résultats. Ainsi, il préconise et du 20 octobre 1997, précisant les précautions face aux risques de
une dilatation par ballonnet du canal lacrymonasal en première transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et les règles
intention chez l’enfant de plus de 1 an, ou en cas d’échec préalable relatives à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les
de sondages ou de mise en place de sonde en silicone. établissements de santé) rend l’usage de ces séduisants
Ko [35] rapporte une dilatation par voie antérograde de 195 sténoses miniendoscopes compliqué et onéreux. Cependant, l’intérêt de cette
du canal d’union, sous contrôle radioscopique, avec un ballon de méthode va vraisemblablement se relancer et se diffuser, par
3 mm de diamètre. Initialement, il obtient 90 à 94 % de bons résultats l’amélioration de l’image transmise, par la mise sur le marché de
suivant le caractère partiel ou complet de la sténose ; mais le taux moyens de stérilisation conformes à la réglementation et/ou de
de succès chute à 51 % à 6 mois, 43 % à 1 an et 40 % à 2 ans. nouveaux miniendoscopes résistants à la chaleur, peut-être même,
si son coût est abaissé, de matériel à usage unique.
Yazici [72] utilise la même technique, mais par voie rétrograde. Après
avoir introduit un guide-sonde du point lacrymal jusqu’à la fosse
nasale, il introduit le ballonnet par voie rétrograde et dilate la zone Conclusion
obstruée (ballonnet de 3 mm). Il obtient 25 % de succès à 14 mois en
moyenne dans les sténoses complètes, et 50 % dans les obstructions Au total, malgré le développement de nouvelles techniques visant à
partielles. rétablir la perméabilité du canal lacrymonasal et/ou du canalicule
Steinkögler [64] utilise la voie rétrograde pour introduire son commun, la technique de référence reste la DCR, en raison de son taux
ballonnet, après avoir cathétérisé la voie lacrymale du méat lacrymal de succès définitif jusqu’à présent inégalé. Elle est, désormais de plus en
jusqu’à la fosse nasale sous contrôle radiologique. Sur 57 yeux, il plus, réalisée par voie endonasale.

Références ➤

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46-185 Dacryocystorhinostomie endoscopique TC Tête et Cou

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14
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 46-125

46-125

Rhinoplastie esthétique et réparatrice


D Deffrennes R é s u m é. – Les techniques de rhinoplastie doivent tenir compte de la morphologie
P Horay du nez, de l’anatomie des éléments qui le composent et de l’âge de l’opéré. Elles sont
aujourd’hui plus conservatrices. Certains points sont communs à toute intervention
chirurgicale. Différentes voies d’abord des structures du nez sont possibles. D’autres
gestes sont fonction de l’état anatomique : réduction, augmentation, harmonisation.
L’utilisation de greffes cartilagineuses ou osseuses est fréquemment envisagée.

Introduction Nous décrirons les techniques chirurgicales par unité esthétique nasale,
tout en sachant que ces unités ou volumes doivent être en harmonie entre
Les principes de base de la rhinoplastie ont peu changé ces dernières eux pour aboutir à un équilibre nasal et facial.
années. Cependant, les techniques se sont affinées grâce à une Les reconstructions nasales par lambeaux tissulaires et la chirurgie de la
connaissance accrue des corrélations entre l’anatomie et la morphologie cloison ne sont pas abordées dans cet article.
nasales, de l’équilibre facial et de la physiologie respiratoire. La
chirurgie est devenue plus conservatrice : ainsi les importantes
résections aboutissant à des nez sans caractère, voire affaissés par Rappel anatomique et artistique
manque de charpente ostéocartilagineuse, ont été abandonnées.
L’utilisation de greffes cartilagineuses ou osseuses est beaucoup plus
fréquente, notamment dans les nez post-traumatiques et malformatifs. La morphologie du nez est en rapport intime avec l’anatomie des
éléments qui le composent, c’est-à-dire la charpente ostéocartilagineuse
Afin de donner au visage un aspect harmonieux et agréable, le chirurgien
et les tissus cutanéoadipomusculaires.
doit respecter certaines mensurations géométriques [19]. Un autre article
de l’Encyclopédie médico-chirurgicale [7] détaille ces notions. Un L’anatomie de surface du nez est subdivisée en sous-unités en fonction
examen soigneux de l’anatomie artistique et des éléments de soutien du des points lumineux, des ombres et des lignes accentuées par la lumière.
nez est indispensable à l’élaboration d’un projet de correction nasale. Classiquement, le nez est composé de deux unités, le dos et la base, qui
Les techniques décrites ici doivent être au service de l’indication pour sont elles-mêmes subdivisées en sous-unités : la racine, le dorsum, les
concrétiser le projet réalisé avec le patient sur photographies. Aucun parois latérales, le lobule avec sa pointe, le triangle mou de Converse, la
geste opératoire ne doit être réalisé de façon systématique, comme, par columelle et le lobule de l’aile narinaire (fig 1).
exemple, la résection antérosupérieure des crus latérales des cartilages La pointe est divisée en deux triangles, sus- et sous-apical, dont les bases
alaires. En effet, chaque section, résection ou suture a une répercussion sont formées par une ligne tendue entre les dômes (fig 2). Les reflets
sur la morphologie nasale. Ce n’est qu’à ce prix que le chirurgien aura lumineux des dômes, de l’encoche sus-lobulaire et de la jonction
l’espoir d’obtenir un résultat « naturel » et non le classique surgical look. apicocolumellaire définissent de façon plaisante cette pointe [6].
Ainsi, après avoir établi un projet et analysé la structure et l’architecture Toutes ces unités et sous-unités doivent être en harmonie les unes avec
nasales, le praticien doit se poser les questions suivantes et en informer les autres pour aboutir à un nez « esthétique » s’intégrant dans le visage
clairement le patient : du patient.
– quel type d’anesthésie adopter ?
La forme du nez est alors définie en fonction de critères géométriques
– quelle voie d’abord utiliser ? (angles, courbes, dimensions), de dépressions, d’encoches et de sillons.
– s’agit-il d’une chirurgie de réduction de la pointe et/ou du dorsum ? L’étude de ces données géométriques doit tenir compte de l’équilibre du
quelles quantités faut-il réséquer ? visage, des angles nasofrontal et surtout nasolabial. En effet, l’angle
– s’agit-il d’une chirurgie d’harmonisation ? faut-il utiliser des greffes nasofrontal dépend de l’orientation du dorsum, mais aussi du front. Il en
cartilagineuses ? est de même pour l’angle nasolabial qui dépend de la columelle, mais
– s’agit-il d’une chirurgie d’augmentation nasale ? si oui, quelle aussi de la position de la lèvre supérieure : la lèvre ouvre l’angle en cas
technique et quelle greffe faut-il choisir ? de rétromaxillie ou rétroalvéolie et, inversement, le ferme en cas de
promaxillie ou proalvéolie. Si la plupart des mensurations sont faites de
profil, l’anatomie de surface s’analyse aussi de face et de trois quarts par
le jeu des ombres et des reflets lumineux.
Dominique Deffrennes : Praticien hospitalier temps partiel, hôpital Lariboisière, 2, rue
Sheen insiste [25] sur deux lignes symétriques « harmonieuses » qui
Ambroise-Paré, 75010 Paris, France. suivent le rebord orbitaire interne, l’arête nasale latéralement, et
Pascal Horay : Ancien chef de clinique à la faculté, 146, rue de l’Université, 75007 s’écartent pour se terminer sur les dômes. Aussi, la largeur de la racine
Paris, France. du nez n’est-elle pas modifiable par la rhinoplastie, au risque de briser
© Elsevier, Paris

cette ligne. Seule la contraction des cadres orbitaires peut réduire cette
Toute référence à cet article doit porter la mention : Deffrennes D et Horay P. largeur sans rompre la continuité de ces lignes.
Rhinoplastie esthétique et réparatrice. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques Le résultat d’une rhinoplastie esthétique dépend de la connaissance des
chirurgicales – Tête et cou, 46-125, 1998, 32 p.
structures anatomiques nasales : os propres, branches montantes des
46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

1
2

3
4
5 1
6
2

3
4
5
6
A B

1 Sous-unités de l’anatomie de surface du nez.


1. Dorsum ; 2. paroi latérale ; 3. pointe ; 4. lobule de l’aile narinaire ; 5. triangle mou de
Converse ; 6. columelle.
A. De face.
B. De trois quarts.
C C. De trois quarts, différentes unités du nez.

2
2 La pointe du nez est formée de deux triangles dont la base
commune est tracée entre les dômes (2), les sommets correspon-
3 dant à l’encoche sus-lobulaire (1) et à la jonction columelloapicale
(3).
3 A. De trois quarts.
A B B. De face.

maxillaires, cartilages latéraux supérieurs (ou triangulaires) et inférieurs former les parois latérales du dorsum (fig 4). Leur désinsertion des os
(ou alaires), septum, revêtement cellulograisseux, musculaire et cutané propres ou leur section de la cloison peut être responsable de l’aspect de
(fig 3). V inversé, typique du surgical look.
Nous n’insisterons que sur quelques points anatomiques permettant une Les cartilages latéraux inférieurs ou alaires forment le soutien essentiel
meilleure compréhension des éléments de soutien du nez et donc des de la base du nez avec le septum cartilagineux et les lobules narinaires.
répercussions des gestes chirurgicaux [13]. Le chirurgien peut façonner, réséquer, repositionner les cartilages
La charpente osseuse est formée par l’échancrure frontale (racine du alaires, ou leur apposer des greffons cartilagineux.
nez), les branches montantes des maxillaires et les os propres (parois On décrit trois segments au cartilage alaire : la crus mésiale, la crus
latérales et arête nasale). intermédiaire et la crus latérale (fig 5).
Les cartilages latéraux supérieurs ou triangulaires s’insèrent sous les os De profil
propres, les branches montantes des maxillaires formant l’orifice – La crus latérale est orientée horizontalement ou obliquement vers le
piriforme. Ils prolongent le bord supérieur du septum cartilagineux pour haut ou le bas (fig 6). Cette disposition influe sur la projection de la

page 2
Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

L
l 2
3

1 4

2 5 3
6
5 Anatomie du cartilage alaire.
1. Crus latérale (L : longueur, l : largeur) ; 2. crus intermédiaire ; 3. crus mésiale.
L’angle apicocolumellaire donne au nez le classique aspect de double break.
7
De face
Les crus intermédiaires ont une orientation variable, divergente ou
convergente (fig 8). La distance séparant les dômes, responsable de la
largeur de la pointe, est fonction de l’angle formé par les crus
intermédiaires et de leur taille (fig 9).
3 Anatomie du nez (d’après Pernkopf). La forme, les dimensions, la rigidité, la topographie et l’axe des
1. Branche montante du maxillaire ; 2. triangle mou latéral ; 3. os propre ; 4. cartilage cartilages alaires ont une répercussion variable sur la morphologie
latéral supérieur ou triangulaire ; 5. triangle faible médian ; 6. cartilage latéral inférieur nasale en fonction de la consistance et de la texture du revêtement
ou alaire ; 7. septum. cutané. En effet, le revêtement cutané et celluloadipeux joue un rôle
important dans la morphologie du nez. Son épaisseur limite les
possibilités chirurgicales. En cas de peau épaisse, le chirurgien s’oriente
vers une amélioration de la définition nasale afin de mieux l’harmoniser
1 avec le visage. Au contraire, une peau fine laisse beaucoup plus de
2 possibilités chirurgicales, notamment de réduction.
3

A x 4
A
Principes généraux

Instrumentation
B
3 L’instrumentation est variable selon les habitudes du praticien, mais une
boîte de rhinoplastie comporte, au minimum, les instruments suivants :
2 ciseaux courbes à bouts mousses type Ragnell, ciseaux courbes à bouts
4 pointus, ciseaux coudés type Heyman, ciseaux de Mayo droits, bistouri
lame 15, pinces à disséquer à griffes et sans griffes, pince de Politzer,
écarteur, crochets de Gillies, double crochet, décolleur, rugine type
B Joseph, rugine courbe, spéculum, ostéotomes droits, ostéotome latéral
boutonné, masse, râpes, écraseur à greffe de Jost.
4 Anatomie du cartilage triangulaire : rapports avec la cloison.
1. Os propre et branche montante du maxillaire ; 2. cartilage triangulaire ; 3. septum
cartilagineux ; 4. muqueuse nasale ; x : hauteur de l’insertion du cartilage sous les os Installation du patient
propres du nez.
Le patient est placé sur une table opératoire en proclive d’environ
pointe et l’angle nasolabial. Elle est modifiée par de nombreux facteurs 20 à 30° et la tête défléchie afin que le plan de Francfort soit
anatomiques. Par exemple, une largeur excessive, associée à un approximativement perpendiculaire à l’horizontale (fig 10). La tête est
prolongement postérieur puissant et long, entraîne une chute de la à peu près à l’horizontale. Un rond placé sous la tête la stabilise.
pointe. La tête du patient est alors drapée par un champ laissant le visage
– La crus intermédiaire forme la partie basse du lobule avec son dôme découvert afin que le chirurgien puisse contrôler, à tout moment de
et son triangle sous-apical. l’intervention, l’harmonie du visage, notamment du profil.
– La crus mésiale lui fait suite et forme la columelle en décrivant un Le patient est le plus souvent intubé. La sonde est alors placée au centre
angle de rotation améliorant la définition de la pointe. Sa déformation de la bouche de manière à ne pas tracter la commissure labiale et les ailes
peut donner, à l’extrême, l’aspect de columelle pendante. narinaires. Outre la sonde à ballonnet, l’inhalation du sang est prévenue
De base par un packing oropharyngé.
Le cartilage alaire forme une véritable arche dont le sommet est représenté La source de lumière du scialytique est suffisamment focalisée et
par la crus intermédiaire. Les crus mésiales, appuyées sur l’épine nasale, orientée obliquement vers les narines pour permettre un éclairage
décrivent un angle dièdre vers le bas et un angle divergent vers l’avant, endonasal. Certains chirurgiens s’aident d’une lumière frontale.
responsable de l’écartement des dômes (fig 7). Cette divergence peut être L’utilisation d’une optique à 0° ou 30° de 4 mm de diamètre est
modifiée chirurgicalement. La longueur et la rigidité des crus mésiales particulièrement intéressante pour la chirurgie du septum et des cornets.
sont des facteurs importants de projection de la pointe. L’irrigation de l’optique facilite son utilisation.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

A B C
6 L’orientation de profil du cartilage alaire dépend de la forme, de la taille et de la A. Orientation normale.
position du cartilage. Plusieurs facteurs influent sur cette orientation. B. Bascule supérieure avec ouverture de l’angle nasolabial.
C. Bascule inférieure avec fermeture de l’angle nasolabial.

Anesthésie générale
1 Il faut tenir compte des contraintes chirurgicales et des impératifs
anesthésiques.
2
Contraintes chirurgicales :
– difficulté d’accès à la tête du patient pendant l’intervention ;
– épistaxis chirurgical, d’abondance variable mais permanent (risque
3
d’inhalation) ;
– ostéotomies entraînant stimuli douloureux, chocs et vibrations,
7 Anatomie des car- responsables de mouvements de la tête.
tilages alaires vue de
base. 1. Crus intermé-
Impératifs anesthésiques :
diaire ; 2. crus latérale ; – appréciation préopératoire des difficultés éventuelles d’intubation ;
3. crus mésiale. On décrit
deux angles : un angle
– contrôle absolu de la liberté des voies aériennes et de la ventilation ;
entre les dômes et un an- – surveillance clinique rigoureuse et monitorage permanent et adapté,
gle fait de la divergence tensionnel et ventilatoire, avec maîtrise constante du saignement ;
des crus mésiales.
– contrôle de l’aréactivité réflexe lors des stimulations pharyngées ou
trachéales (par sonde, par accumulation de sang, de salive) ;
Anesthésie (1) – contrôle d’un réveil calme et tranquille, notamment à l’extubation
Elle fait le plus souvent appel à l’association d’une anesthésie générale alors que les fosses nasales sont méchées et obturées.
et d’une anesthésie locale. La consultation préanesthésique, médicolégale et indispensable, permet
de choisir les moyens anesthésiques, c’est-à-dire contrôler les
problèmes d’intubation, maîtriser la profondeur de l’anesthésie, le
(1) Avec la collaboration du docteur Olivier Muzard, anesthésiste-réanimateur, Paris. saignement, la normocapnie, le réveil.

8 L’orientation de face des dô-


mes des cartilages alaires influe
sur la morphologie de la pointe et
dépend de la forme et de la taille
A B C des différentes crus (A, B, C).

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

h h'

9 La distance entre les dômes dépend de l’angle et de la hauteur des


A B crus intermédiaires.

ostéotomies. Enfin, elle est complétée par voie endonasale au niveau de


l’épine nasale, de l’espace interseptocolumellaire, du dorsum et du
septum (fig 12).
On utilise généralement de la Xylocaïnet à 1 % adrénalinée.
L’infitration facilite la dissection. De plus, par son effet
vasoconstricteur, l’adrénaline diminue la vascularisation du nez et
prolonge l’effet anesthésique. Un délai d’environ 10 à 15 minutes est
nécessaire avant l’incision.

Voies d’abord et exposition de la charpente


ostéocartilagineuse
90° Une rhinoplastie nécessite toujours une exposition correcte de la
charpente ostéocartilagineuse afin de réaliser des gestes précis et
adaptés. Cependant, la voie d’abord doit être la plus discrète possible,
20° - 30°
90° tout en sachant qu’une rhinoplastie sans cicatrice visible ne doit pas être
un dogme. La voie externe transcolumellaire est de plus en plus utilisée,
malgré la rançon cicatricielle qui reste très discrète. Il faut toujours
privilégier le résultat morphologique aux minimes séquelles
cicatricielles dont le patient doit être, de toutes les façons, informé.
10 Installation du patient : table en position proclive et têtière en position déclive
afin que le plan de Francfort soit perpendiculaire au sol. Voie d’abord endonasale
La voie d’abord endonasale fut la première utilisée par Joseph quand il
L’intervention fut longtemps pratiquée sous anesthésie locale décrivit la technique de rhinoplastie. Le principe consiste à isoler la
(Xylocaïnet adrénalinée), voire complémentée par un protocole charpente ostéocartilagineuse des tissus de recouvrement afin de la
classique de neuroleptanalgésie. Les impératifs de sécurité en salle modifier. Ainsi, la morphologie du nez est-elle transformée par la
d’intervention, comme en salle de surveillance postinterventionnelle, redistribution des tissus de recouvrement qui vont épouser la nouvelle
amènent à choisir désormais un protocole qui allie le maximum de charpente avec ses propres capacités de cicatrisation. En fonction des
sécurité ventilatoire et hémodynamique à la meilleure sécurité du réveil. techniques, la muqueuse est sectionnée sans décollement (technique
Il nous paraît désormais licite d’adopter comme protocole, avant la transmuqueuse) ou, au contraire, séparée du squelette ostéocartilagineux
réalisation de l’anesthésie locale anatomique : (technique extramuqueuse).
– anesthésie générale avec intubation orotrachéale ;
Incision classique interseptocolumellaire et latérale
– sonde d’intubation que l’on pourra fixer sur l’arcade dentaire ;
– ventilation contrôlée, ce qui accroît la sécurité et la protection de la Elle est faite au bistouri lame n° 15, se décompose en deux segments et
liberté des voies aériennes. est le plus souvent pratiquée en trois temps.
Plusieurs types d’anesthésie sont proposés : – L’incision interseptocolumellaire passe au bord inférieur du septum
– anesthésie balancée avec inhalation d’agents halogénés, en circuit cartilagineux marqué par un instrument mousse qui refoule la crus
avec réinhalation ; mésiale (fig 13A). Elle sépare le septum cartilagineux du septum
membraneux solidaire de la columelle. Cette incision est prolongée vers
– anesthésie balancée avec anesthésie intraveineuse à objectif de l’épine nasale en fonction de l’exposition nécessaire et de l’effet
concentration (AIVOC). recherché. Ce geste bilatéral est complété aux ciseaux de Ragnell,
Les deux techniques apportent, par la stabilité des concentrations-cibles permettant de libérer les crus mésiales (fig 14). Une libération large du
qu’elles permettent, un contrôle adapté de l’anesthésie et de sa septum membraneux et un décollement sous-périosté des insertions
profondeur (niveau tensionnel peropératoire). musculaires de l’épine nasale entraînent un recul de pointe et un
L’AIVOC permet de plus un contrôle fin de l’induction et une gestion abaissement de la lèvre supérieure, ce qui est souhaitable en cas
précise du temps de réveil tout en diminuant de façon sensible les risques d’hyperprojection nasale à angle nasolabial ouvert.
de frissons et de vomissement. – L’incision latérale, effectuée de bas en haut, est d’emblée muqueuse
et cartilagineuse (fig 13B).
Anesthésie locale – Ces deux incisions sont réunies dans la région des dômes par un angle
Elle nécessite la connaissance de la distribution nerveuse sensitive du plutôt aigu, afin d’éviter une bride (fig 13C).
nez (fig 11). L’anesthésie locale peut débuter par une anesthésie de Le siège de l’incision latérale peut être intercartilagineux ou
contact à la Xylocaïnet, au niveau du ganglion sphénopalatin situé en transcartilagineux :
arrière du cornet moyen. L’infiltration est poursuivie par voie – l’incision intercartilagineuse longe le bord supérieur de la crus
vestibulaire endobuccale vers le nerf sous-orbitaire et le trajet des latérale dans la plica nasi et sépare le cartilage alaire du cartilage

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

4
1

A B

11 Répartition de l’innervation du nez.


A. Revêtement cutané.
5 1. Nerf supracochléaire ; 2. nerf nasal ; 3. nerf sous-orbitaire.
B. Cloison nasale.
4. Nerf ethmoïdal antérieur ; 5. nerf sphénopalatin.
C. Cloison intersinusonasale.
C 4. Nerf ethmoïdal antérieur ; 5. nerf sphénopalatin.

triangulaire. Située entre le cartilage triangulaire et le bord supérieur de alaire. Le décollement se fait à l’aide de ciseaux à pointe mousse type
la crus latérale du cartilage alaire, elle est réalisée après avoir retroussé Ragnell, tout en plaçant un crochet double sur le rebord narinaire dont la
la pointe du nez vers le haut à l’aide d’un crochet double ou d’un contre-pression digitale permet de contrôler la dissection. Les ciseaux
instrument mousse (fig 15). L’incision est prolongée latéralement en sont introduits par la narine controlatérale au cartilage disséqué
fonction de la résection cartilagineuse prévue et de la dissection (fig 16A). Le décollement peut être prolongé latéralement vers le
éventuelle du prolongement postérieur du cartilage alaire. Cette incision prolongement postérieur de la crus latérale, tandis que les ciseaux sont
entraîne un recul et une élévation de la pointe par rotation du cartilage introduits par la narine homolatérale pour décoller, en totalité, la crus
alaire. Cet effet secondaire est d’autant plus important que l’incision intermédiaire et le dôme (fig 16B). Puis la crus latérale est éversée à
intercartilagineuse est étendue en arrière ; l’aide d’un crochet de Gillies. La face endonarinaire du cartilage alaire
– l’incision transcartilagineuse intéresse les crus latérale et est alors séparée de sa muqueuse de façon plus ou moins étendue en
intermédiaire du cartilage alaire, permettant d’emblée une résection de fonction de la résection cartilagineuse prévue (fig 17). Le décollement
l’excès de cartilage. Elle est indiquée en cas de peau épaisse, d’orifice se fait d’autant plus près du cartilage que la peau est fine. Une contre-
narinaire étroit et de cartilage alaire très ferme. incision muqueuse, dans l’angle de la crus intermédiaire, peut favoriser
son exposition. En cas de crus mésiale haute, il est préférable de faire
une incision transcartilagineuse en tenant compte de la quantité de
Dissection endonasale des cartilages alaires cartilage à réséquer. Certains auteurs exposent la crus intermédiaire et le
début de la crus latérale par la narine opposée, mais cette technique
Elle se fait par voie rétrograde ou par voie directe. nécessite des narines suffisamment larges.
La voie rétrograde consiste à éverser les crus latérale et intermédiaire La voie d’abord directe comporte une incision soit transcartilagineuse,
après un décollement entre le revêtement musculocutané et le cartilage soit intercartilagineuse associée à une incision marginale.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

1 2 3 4 5

B
12 Infiltration endonasale.
1. Glabelle ; 2. dorsum ; 3. branche montante du maxillaire ; 4. pointe ; 5. cloison et
A épine nasale antérieure.

13 L’incision endonasale se décompose en trois segments.


A. Interseptocolumellaire, entre cloison et crus mésiale.
B. Latéral, dans la plica nasi ou la crus latérale du cartilage alaire.
B C. Antérieur, réunissant le sommet des deux incisions.

L’incision transcartilagineuse permet d’emblée la résection d’une partie réalisée à la lame de bistouri n°15 puis aux ciseaux pointus.
du cartilage alaire qui est disséqué par un abord direct jusqu’au cartilage L’extériorisation de l’anse de seau est maintenue par un crochet de
triangulaire et aux sésamoïdes (fig 18). Gillies.
L’incision marginale longe le bord inférieur de la crus latérale et,
associée à une incision intercartilagineuse, extériorise la crus
Dissection et exposition de la charpente ostéocartilagineuse
intermédiaire et une partie des crus latérale et mésiale (fig 19). Cette Le décollement musculocutané de la charpente ostéocartilagineuse
extériorisation en « anse de seau » est surtout intéressante pour débute au bistouri lame n° 15 afin de repérer le bord inférieur du cartilage
symétriser les cartilages alaires et/ou suturer les dômes. Il est important, triangulaire au niveau de l’incision latérale. Il est alors prolongé aux
au niveau des dômes, que l’incision soit faite à environ 3 mm du bord ciseaux à pointe mousse type Ragnell vers la racine du nez, c’est-à-dire
narinaire et qu’elle respecte le récessus antérieur du vestibule. Au niveau sur la face externe des cartilages latéraux supérieurs ou triangulaires et
de la columelle, l’incision se situe à 1 mm du rebord narinaire et se des os propres du nez (fig 20).
poursuit jusqu’au bord inférieur de la crus latérale. L’incision est La profondeur du décollement dépend de l’épaisseur cutanée.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

réséqué. La rugine, dont l’extrémité est recourbée, ramène vers le bas le


tissu périosté de la racine nasale dans un mouvement de va-et vient. Ce
geste atténue le comblement de l’angle frontonasal.
Le décollement est d’autant plus large latéralement que la bosse est
importante. La redistribution tissulaire est ainsi facilitée. Les plans de
dissection se rejoignent, permettant de soulever, à l’aide d’un écarteur
en Z, la couverture musculocutanée. La face superficielle de la charpente
ostéocartilagineuse est alors exposée.
La technique extramuqueuse consiste à déshabiller de sa muqueuse la
face profonde des cartilages triangulaires, du septum et des os propres
du nez en passant dans le plan sous-périchondral et sous-périosté : ainsi,
la charpente ostéocartilagineuse est-elle complètement squelettisée
avant le geste de rhinoplastie. La dissection débute au niveau du septum
cartilagineux près de l’arête nasale, afin de repérer le plan de
décollement au bistouri ou avec la pointe des ciseaux (fig 22A). Ce
décollement sous-périchondral est prolongé en sous-périosté jusqu’à la
racine du nez à l’aide de la rugine de Joseph ou d’un décolleur (fig 22B).
14 L’incision interseptocolumellaire est complétée à l’aide des ciseaux de Ragnell, Il s’étend plus ou moins en bas et en arrière, en fonction de la résection
séparant les crus mésiales des cartilages alaires du septum cartilagineux. ostéocartilagineuse et d’une septoplastie associée (fig 22C). Puis le
cartilage triangulaire est séparé de la muqueuse en débutant par son bord
Si les tissus sont minces, le plan de dissection passe au ras des cartilages inférieur à l’aide d’un bistouri tout en tractant vers le bas la muqueuse.
triangulaires et, si possible, dans le plan sous-périosté au niveau des os Le décollement est poursuivi vers le haut à l’aide d’une rugine. Enfin, la
propres du nez (fig 21). Le périoste est sectionné au bord inférieur de rugine est placée dans le dièdre ostéocartilagineux et, par un mouvement
l’orifice piriforme et, à l’aide de la rugine de Joseph, le décollement de rotation, le dôme muqueux est abaissé (fig 23). Cette technique
sous-périosté est prolongé vers le haut. Les irrégularités sont ainsi respecte la muqueuse en passant dans un plan exsangue et autorise les
masquées par un meilleur recouvrement de la charpente réinclusions, en isolant le greffon osseux ou cartilagineux des fosses
ostéocartilagineuse. nasales.
Si, au contraire, les tissus cutanés sont épais, les ciseaux passent dans la La technique transmuqueuse consiste à sectionner d’emblée, sans
couche celluloadipeuse. Ainsi, le tissu adhérent au cartilage triangulaire, décollement, la muqueuse et la charpente ostéocartilagineuse.
c’est-à-dire le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), est L’inconvénient est l’établissement d’une communication avec les fosses

2 1
3

A
B

15 L’incision intercartilagineuse passe dans la plica nasi séparant le cartilage triangulaire de


la crus latérale et intermédiaire du cartilage alaire.
A, B. 1. Cartilage alaire ; 2. plica nasi ; 3. cartilage triangulaire.
C. La plica nasi est bien exposée en relevant l’aile du nez par un instrument en forme
de Z.
C D D. Incision intercartilagineuse.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

16 Dissection rétrograde du cartilage alaire. C


A. Plan de décollement disséqué aux ciseaux de Ragnell entre le système 17 Dissection rétrograde du cartilage alaire.
musculoaponévrotique et les crus intermédiaires. A. La muqueuse nasale est décollée des crus latérale et intermédiaire.
B. Plan de décollement disséqué aux ciseaux de Ragnell entre le système B. La dissection peut être poursuivie vers le prolongement postérieur.
musculoaponévrotique et les crus latérales. C. Dissection de la crus latérale et de son prolongement postérieur par voie
C. Dissection du cartilage alaire par voie rétrograde. rétrograde.

nasales, ce qui limite l’utilisation de greffons. De plus, le risque de cartilages alaires [11]. L’incision transcolumellaire siège à la jonction du
rétraction muqueuse endonasale n’est pas négligeable. tiers supérieur et des deux tiers inférieurs. La forme de l’incision
transcolumellaire est variable selon les habitudes du chirurgien (fig 24).
Voie d’abord externe Nous pratiquons une simple incision horizontale. L’incision marginale
Décrite par Réthi, elle consiste en une incision transcolumellaire se doit passer à au moins 3 mm du bord narinaire en laissant libre le
prolongeant latéralement par une voie marginale au bord inférieur des récessus antérieur du vestibule. La dissection sous-cutanée est la plus

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

18 A. L’incision transcartilagineuse inté-


resse les crus latérale et intermédiaire
du cartilage alaire et leur muqueuse ad-
hérente. La dissection de la muqueuse
se fait de façon directe, de bas en haut.
B. La résection cartilagineuse est définie
A B dès l’incision.

19 A. La dissection du cartilage alaire en anse de seau


est menée par une double incision intercartilagineuse
et marginale.
B. Le décollement profond permet d’extérioriser
A B le cartilage en laissant la muqueuse adhérente.

20 Le plan musculocutané est décollé de la charpente ostéocartilagineuse du nez


aux ciseaux de Ragnell. 21 Le décollement du plan musculocutané est sous-périosté en cas de peau fine.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B

22 Le décollement de la muqueuse septale est sous-périchondral.


A. La recherche du plan de dissection se fait aux ciseaux pointus ou au bistouri.
B. Le décollement est complété à la rugine de Joseph jusqu’au vomer et la lame
perpendiculaire de l’ethmoïde.
C. Le décollement est repris au niveau de l’épine nasale antérieure pour
rejoindre le plan sous-périchondral vers le haut, si un geste sur la cloison est
C nécessaire.

23 Le dôme muqueux est abaissé à la rugine


dans l’angle dièdre ostéocartilagineux, d’abord
sous le cartilage triangulaire puis sous les os
A B propres du nez.

proche possible des cartilages alaires, permettant à l’opérateur de – elle donne une vue d’ensemble sur la pointe nasale. En effet, les
soulever le tissu de recouvrement musculocutané (fig 25). structures anatomiques cartilagineuses ne sont pas toujours aisées à
percevoir, notamment lorsque la peau est épaisse ou le nez post-
Cette incision discrète peut inquiéter le patient quand il s’agit d’une traumatique ou multiopéré. Elle permet une chirurgie mieux adaptée
rhinoplastie « esthétique », mais présente certains avantages : dans les cas de pointes difficiles. Les effets secondaires des
décollements, sections ou résections sont immédiatement appréciés.
– elle ne compromet pas la vascularisation de la pointe du nez et de la
columelle, puisque celle-ci provient de l’artère nasale externe située à Son indication est très fréquente lors de rhinoplastie secondaire, quand la
quelques millimètres au-dessus du sillon alaire ; pointe doit être reprise, ou lors de rhinoplastie primaire avec pointe difficile.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

24 La voie d’abord externe


« transcolumellaire » de Réthi se
prolonge latéralement par une in-
cision marginale. L’incision trans-
columellaire est variable.
A. Horizontale.
B. En « marche d’escalier ».
A B C C. En V inversé.

25 La voie externe transcolumel- 27 A. Redrapage cutané


laire permet, par un décollement maintenu par des
musculocutané, d’exposer toute la bandelettes de tissu
charpente ostéocartilagineuse. adhésif.
B. L’attelle de con-
tention doit recouvrir
le nez en laissant li-
bre les joues et en
dégageant les lobu-
B les narinaires.

Le méchage au Tulle Grast ou au tissu résorbable réapplique la


muqueuse contre les structures ostéocartilagineuses, limitant ainsi les
risques d’hématome et de saignement. Il ne doit pas être trop épais en
haut, dans l’angle dièdre ostéocartilagineux antérieur, car il serait alors
responsable d’une valgisation des volets osseux et donc d’un diastasis
médian. Si toute la muqueuse septale est décollée, des attelles semi-
rigides sont apposées et suturées de part et d’autre de la cloison. Elles
sont retirées en même temps que la contention externe.
26 La dissection de la
cloison nécessite la sec-
La contention externe est faite à l’aide d’un plâtre ou d’une attelle
tion du ligament interdô- métallique après avoir redistribué et immobilisé le plan cutané à l’aide
mal et des cartilages trian- de Steri-stripTM ou MicroporeTM de 1 cm (fig 27A). Pour notre part,
gulaires pour se pro- nous confectionnons l’attelle dans une bande de plâtre orthopédique à la
longer en sous-péri-
chondral et en sous- mesure du nez (fig 27B). Ainsi, elle modèle le nez et maintient les volets
périosté. ostéocartilagineux dans la position désirée durant la consolidation. Cette
contention est donc importante et ne devra pas être trop serrée afin
Elle peut être associée à une technique extramuqueuse permettant la d’éviter un dorsum en « lame de couteau ». La durée de contention est
dissection du septum et la squelettisation de l’auvent ostéocartilagineux d’environ 8 à 10 jours.
(fig 26). Les suites opératoires sont généralement indolores. L’hémorragie est
En définitive, toutes les voies d’abord sont bonnes, pourvu qu’elles très rare. Les mèches sont enlevées le lendemain de l’intervention, ou
permettent de réaliser les résections, les sections, les sutures ou les 48 à 72 heures plus tard, en fonction de l’importance des décollements
greffes avec le maximum d’assurance suivant le projet établi muqueux. Une antibiothérapie est prescrite pendant 8 jours en cas de
initialement. réinclusion ou greffe. Des gouttes nasales antiseptiques et huileuses sont
recommandées pendant une dizaine de jours. Le patient présente le plus
Contention et pansement souvent une gêne respiratoire durant 8 à 15 jours et des ecchymoses
préorbitaires dont l’importance est très variable. Certains patients
Les incisions muqueuses sont suturées aux fils résorbables. conservent des cernes pendant plusieurs semaines.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B
28 A. La résection de la bosse ostéocartilagineuse commence par la section des B. Dans son prolongement, l’ostéotomie des os propres du nez est réalisée
cartilages triangulaires et de la cloison aux ciseaux de Heyman. jusqu’à l’échancrure frontale.

A C D

29 A, B. Après chondrotomie et ostéotomie, la partie antérieure du dorsum, c’est-à-dire la bosse ostéocartilagineuse,


est levée. La résection de la bosse ostéocartilagineuse fait apparaître un diastème entre les os propres qui est
fermé le plus souvent par rapprochement des parois latérales du nez.
C. Résection de la bosse ostéocartilagineuse à l’ostéotome. Dans ce cas, les ostéotomies des os propres du nez
sont réalisées l’une après l’autre.
B D. Ablation de la bosse.

Techniques spécifiques Évidemment, toute réduction de la charpente ostéocartilagineuse doit


tenir compte des répercussions sur les autres structures, unités ou sous-
unités, qui constituent le nez.
Chirurgie de réduction du profil
Toute chirurgie de réduction ou résection de la charpente Réduction de la projection du dorsum
ostéocartilagineuse doit être soigneusement réfléchie lors du projet. Les
résections doivent être parcimonieuses afin d’éviter, à long terme, le nez Qu’il s’agisse d’une bosse ostéocartilagineuse ou d’une exagération de
trop pincé ou trop court par perte du soutien de l’enveloppe la ligne de profil, elle comporte plusieurs gestes.
musculocutanée. Notamment, la résection systématique de la partie Après avoir exposé le dorsum à l’aide d’un écarteur en Z, la résection de
antérosupérieure des crus latérales ou intermédiaires, destinée à affiner la bosse est réalisée en deux temps, cartilagineux et osseux.
toujours plus la pointe nasale, doit être abandonnée : la pointe peut
devenir trop fine, en dysharmonie avec le reste du nez ; même si le – Les chondrotomies sont faites à l’aide de ciseaux contre-coudés
résultat immédiat peut être satisfaisant, un défaut manifeste de soutien (fig 28A). Les cartilages triangulaires sont sectionnés dans l’axe du
peut apparaître à long terme. Aussi, toute réduction de la projection, dorsum jusqu’au bord inférieur des os propres du nez. La chondrotomie
qu’il s’agisse du dorsum ou de la pointe, doit-elle être bien appréciée septale est faite au même niveau que celle des cartilages triangulaires.
afin d’obtenir un nez stable et harmonieux dans le temps. – L’ostéotomie des os propres et de la lame perpendiculaire de
Dans certains cas, notamment de nez à peau épaisse, des greffes peuvent l’ethmoïde prolonge les chondrotomies jusqu’à l’échancrure frontale
être proposées pour harmoniser ou redéfinir la pointe. Il faut alors faire (fig 28B). L’utilisation d’un ostéotome fin évite l’éclatement des os
abandonner au patient toute idée de réduction de la projection. propres.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

1
2

30 A. Les ostéotomies latérales se font le


2 plus souvent par une incision endonari-
naire en regard de la partie basse de
l’orifice piriforme.
1 1 B. L’ostéotome utilisé est plutôt
mince (1) afin d’éviter un éclatement des
os propres du nez. (2) Ostéome courbe.
2 C. Le tracé de l’ostéotomie est fonction
de la largeur de la racine du nez. Il peut
B C être bas (1) ou haut (2).

La résection est effectuée idéalement en monobloc comprenant une d’ostéotomie latérale n’est pas systématique. Le diastasis du dorsum est
partie du septum, des cartilages triangulaires et des os propres de nez alors fermé par une greffe cartilagineuse écrasée d’apposition. À
(fig 29A, B). La résection osseuse peut être complétée et régularisée à la l’inverse, la technique de l’out-fracture est utilisée en cas de nez large à
râpe. os propres épais.
La résection osseuse peut être effectuée seulement à la râpe si la bosse Le rapprochement des os propres sur la ligne médiane entraîne les
est discrète ou les os propres courts. Pour certains auteurs, elle est cartilages triangulaires. Il peut être responsable du classique aspect en V
systématique. Il faut alors se méfier d’une désinsertion osseuse du inversé de la partie moyenne du dorsum si les cartilages triangulaires
cartilage triangulaire, voire d’une déchirure cartilagineuse. s’appuient trop sur la cloison. Une gêne inspiratoire peut s’ensuivre. La
L’ostéotomie latérale est réalisée à l’ostéotome boutonné, le plus suture des bords antérieurs des cartilages triangulaires au-dessus de la
souvent par voie endonasale, voire vestibulaire. Après une incision en cloison atténue cet effet néfaste. Certains auteurs préconisent une
regard de la partie basse de l’orifice piriforme, une rugine de Joseph ostéotomie latérale plus haute au niveau de l’orifice piriforme.
dépérioste, partiellement ou complètement, la branche montante du La réduction de projection du dorsum dépend du projet fait avec le
maxillaire sur le trajet de l’ostéotomie (fig 30A). Celle-ci débute à la patient. La quantité de résection est donc fonction de l’effet recherché.
partie basse de l’orifice piriforme dans la branche montante du Elle doit tenir compte de l’âge du patient, car l’élasticité de la peau
maxillaire pour s’infléchir et passer en avant du canthus interne. Elle diminue à partir de 35 ans. Au-delà de cet âge, la redistribution tissulaire
remonte classiquement dans l’os dense de la racine du nez, mais peut se est aléatoire en cas de diminution trop importante de la projection.
faire au-dessous de celui-ci, notamment lorsque la racine du nez est Le recul de la projection nasale peut faire apparaître une cloison déviée
étroite (fig 30B, C). Dans ce dernier cas, un ostéotome courbe est (fig 33). Un nez « droit » deviendra alors dévié. Sa correction nécessite
généralement utilisé. une septoplastie [8] (fig 34) ou une greffe d’apposition du dorsum dans le
L’ostéotomie médiane peut être réalisée au burin, fragilisant la partie même temps opératoire [16]. En pratique, la correction d’un nez dévié est
haute du volet osseux (fig 31A). plus facile si la déformation est essentiellement osseuse.
Le volet osseux est mobilisé en-dehors de la ligne médiane : c’est l’out-
fracture. Deux triangles osseux sont ensuite réséqués dans l’échancrure Réduction de la projection de la pointe
frontale à l’aide d’une pince gouge (fig 32). Cette résection de La projection de la pointe du nez est fonction de son armature
l’échancrure frontale ne doit pas être trop importante afin de ne pas cartilagineuse, c’est-à-dire des cartilages alaires et de la cloison. Une
« casser » la courbe harmonieuse de Sheen à la racine du nez. Les volets épine nasale antérieure très développée peut participer au soutien de la
osseux sont alors ramenés vers la ligne médiane par pression bidigitale. pointe. Cependant, une peau épaisse est souvent, à elle seule,
À l’inverse, les volets osseux peuvent être rapprochés d’emblée par cette l’« armature » du nez, et donc responsable de la forme et de la projection
pression digitale sur la ligne médiane : c’est l’in-fracture (fig 31). La du nez. Dans ces cas, les cartilages de pointe sont mous et sans
résection des triangles osseux frontaux à la pince gouge fine précède consistance. Une résection partielle des alaires est inefficace, voire
alors cette fracture. inesthétique. En revanche, l’apport de greffes est généralement
Le choix du type de facture varie selon les opérateurs [26] . Nous souhaitable.
réservons, quant à nous, la technique de l’ in-fracture aux nez étroits, Le recul de la pointe est donc provoqué par la section et la résection
surtout si l’os propre est court et fin. Dans ce dernier cas, l’indication appropriées des éléments qui soutiennent cet « appendice » nasal.

page 14
Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B

33 Le dorsum peut paraî-


tre rectiligne avec une cloi-
son déviée (A) et lors de la
résection cartilagineuse,
A B devenir dévié (B).

31 Fracture du volet osseux au niveau de l’échancrure frontale.


A. Out-fracture, les volets sont basculés en dehors à l’aide d’un ostéotome.
B. In-fracture, la pression bidigitale permet de rapprocher les volets osseux.

34 De nombreuses techniques de septoplasties ont été décrites : elles reposent


essentiellement sur des résections et des striations.

augmente encore le recul de pointe. Cet effet ne doit pas être méconnu
lors d’une modification isolée de la base du nez : le risque est alors de
faire apparaître une cyphose.
La résection de la partie supérieure de la crus latérale et/ou intermédiaire
du cartilage alaire accentue la rotation postérosupérieure de la pointe
(fig 35).
La section-résection du prolongement postérieur de la crus latérale du
cartilage alaire entraîne un recul de pointe limité par la rigidité des ailes
narinaires [12, 23] (fig 36). L’importance de cet effet dépend de la
consistance et de l’élasticité de la crus latérale. La résection
cartilagineuse doit alors être très postérieure pour éviter l’altération de
32 La résection des coins osseux de l’échancrure frontale à la pince gouge permet la valve narinaire, dont la correction secondaire est toujours difficile.
un meilleur rapprochement des volets osseux. Cependant, il faut se méfier : trop Son association à la section-résection de la partie supérieure de la crus
réduire la largeur de la racine du nez risque de rompre l’harmonie des courbes de
Sheen. latérale accentue la rotation supérieure de la pointe (fig 37).
La section-résection de la crus mésiale provoque un recul, voire un
abaissement de la pointe (fig 38). Cette résection se fait à la jonction de
La section, dans la plica nasi, de l’articulation du cartilage triangulaire- la crus intermédiaire et de la crus mésiale du cartilage alaire. Elle
cartilage alaire et l’incision interseptocolumellaire, lors de la voie emporte généralement le tissu cutané en regard de la chondrectomie.
d’abord endonasale, vont entraîner une rotation en haut et en arrière de L’orientation des traits de section cartilagineuse peut modifier l’angle
la pointe. La section complète de cette articulation cartilagineuse apicocolumellaire (fig 39). La résection de l’épine nasale, associée à la

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

2
37 L’ascension et le recul
de la pointe sont accentués
si la résection de la partie
supérieure des crus latérale
B et intermédiaire est asso-
ciée à la section-résection
du prolongement postérieur
35 A. Section intercartilagineuse et résection de la partie supérieure des crus des crus latérales.
latérale et intermédiaire.
B. Elles provoquent la rotation postérosupérieure (1) et le recul (2) de la pointe
nasale.
moyenne de la pointe, c’est-à-dire des dômes. La résection
cartilagineuse s’infléchit dans sa partie inférieure faisant apparaître
l’encoche sus-lobulaire.
Si la résection du cartilage septal n’est pas suffisante, l’aspect du nez
risque de prendre l’allure du classique « bec-de-corbin » ; sa correction
secondaire est toujours facile. À l’inverse, une résection trop importante
du septum peut faire apparaître aussi un aspect de bec-de-corbin si la
peau du nez est épaisse ; certains auteurs évoquent la responsabilité de
la fibrose cicatricielle ; sa correction nécessite l’apport de greffes.

Chirurgie des angles nasolabial et nasofrontal


Angle nasolabial
A Il dépend de la position de la lèvre et de la columelle [4] . Il varie
théoriquement de 90° à 100°. Un examen clinique précis est nécessaire
avant tout geste chirugical pour définir la position de la lèvre et de la
columelle.
L’angle nasolabial est fermé :
– par une lèvre supérieure trop oblique en bas et en avant. Il s’agit
généralement d’un patient présentant une « face courte » secondaire à
1 36 A. La section-résection une rétromaxillie. Le sourire est « déficitaire », c’est-à-dire découvrant
du prolongement pos- peu ou pas les dents. La correction nécessite une ostéotomie d’avancée
térieur de la crus laté-
rale du cartilage alaire, et d’abaissement du maxillaire supérieur, entraînant une ouverture de
associée à la section l’angle nasolabial. Dans les cas de sourire « déficitaire » discret, où
2 intercartilagineuse, ac- l’exposition des incisives au repos est normale, une résection du bord
centue le recul de la inférieur de la cloison et de l’épine nasale est suffisante (fig 41) ;
pointe.
B. Ce recul est d’autant – par la position horizontalisée de la columelle :
B plus important que ce – soit le bord inférieur de la cloison cartilagineuse abaisse la
prolongement est puis-
sant et développé. columelle : dans ce cas, où le sourire et l’exposition des incisives au
repos sont normaux, la correction de l’angle nasolabial nécessite une
résection du bord inférieur du septum sans modifier le point
d’insertion du cartilage septal à l’épine nasale (fig 42) ;
désinsertion des muscles orbiculaires, entraîne un recul sans rotation
postérosupérieure de la pointe. Ce recul s’accentue très souvent avec la – soit la position et la forme de la crus mésiale donnent l’aspect d’une
cicatrisation. fermeture de l’angle nasolabial : la correction cherche à produire une
rotation supérieure de la pointe et nécessite le plus souvent, non
La résection de la partie antérosupérieure du cartilage septal entraîne un seulement la section de la jonction cartilage triangulaire-cartilage
recul en masse de la base du nez (fig 40). Les crus latérales des cartilages alaire, mais aussi la section-résection du prolongement postérieur de
alaires viennent prendre appui sur les maxillaires, ce qui explique le la crus latérale. L’ouverture de l’angle apicocolumellaire s’obtient par
retentissement nasal des déplacements du maxillaire supérieur. La une chondrotomie de la crus mésiale (fig 43). Cette crus peut être
modification de la projection nasale dépend alors de la consistance et de renforcée par une greffe cartilagineuse ;
l’élasticité des cartilages alaires. En fin d’intervention, le bord – soit la partie postérieure des crus mésiales est abaissée par une
antérosupérieur du cartilage septal doit être en retrait de 2 à 3 mm en greffe (fig 44).

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

1
1

2
2

A
A

39 L’angle apicocolu-
mellaire est modifié en
fonction de la forme de la
B résection des crus mésia-
les.

C
38 A, B. La section-résection des crus mésiales des cartilages alaires provoque le
recul de la pointe.
C. La section du ligament columellaire, éventuellement associée à la résection
de l’épine nasale antérieure, accentue encore ce recul.

L’angle nasolabial est ouvert :


40 La résection ostéocartilagineuse du dorsum sur un nez projeté par la cloison
– par une rétrusion labiale, donc une lèvre supérieure trop verticalisée : provoque le recul en masse du nez avec fermeture de l’angle nasolabial.
la correction nécessite une avancée de l’arcade dentaire, généralement
par une ostéotomie d’avancement du maxillaire ;
– par une rotation supérieure de la columelle. Il s’agit, le plus souvent, glabellaire et de l’épaisseur du revêtement cutané. Un nez cyphotique
d’un nez projeté par la cloison, voire l’épine nasale ; la correction donne une impression d’encoche marquée. La modification de cette
nécessite une résection de la cloison et, éventuellement, de l’épine encoche est facile quand elle est très profonde, mais plus délicate dans
nasale. le cas contraire. Le comblement se fait par l’apport d’un greffon
cartilagineux ou osseux. L’ablation d’une bosse ostéocartilagineuse
Angle nasofrontal atténue cet aspect de racine creuse.
Il dépend de l’obliquité du front et du dorsum. Il est bien évident que
seul un bandeau frontal modifie la pente frontale. L’indication est Une résection osseuse de l’échancrure frontale à l’aide d’un burin
essentiellement posée en cas de craniosténose. frappé, voire à la râpe, creuse la racine du nez. Elle doit être évitée en
L’encoche de la racine du nez siège en regard de la paupière supérieure cas d’aspect d’exophtalmie. Le revêtement cutané se rétracte peu après
quand le patient regarde à l’horizon. Elle est fonction de la saillie cette ostectomie, surtout si l’épaisseur est importante.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

41 La résection d’une
bande cartilagineuse in-
férieure du septum et
d’une partie de l’épine
nasale antérieure élève
la pointe et augmente la
hauteur de la lèvre
supérieure.

42 La résection inférieure en triangle à base antérieure ouvre l’angle nasolabial


sans modifier la position de la lèvre. 44 La mise en place d’une greffe, sous le septum cartilagineux et l’épine nasale,
abaisse la columelle et ouvre l’angle nasolabial.
Chirurgie d’harmonisation de la pointe
L’harmonisation de la pointe a recours aux techniques de résection, de Harmonisation de la pointe par résection
suture [28] et d’apposition cartilagineuse [3, 18]. D’une façon générale, il et/ou sutures cartilagineuses
est fortement déconseillé de rompre la continuité des dômes. Le risque
est de trop affiner la pointe et de voir saillir, sous la peau, la section des – La pointe large nécessite le plus souvent une résection
cartilages des crus intermédiaires. L’utilisation de greffes antérosupérieure des crus latérales, voire intermédiaires des cartilages
cartilagineuses est de plus en plus fréquente. En revanche, les implants alaires. Cependant, l’importance et l’étendue de la résection doivent
synthétiques sont, à notre avis, à éviter. La voie d’abord externe semble tenir compte de l’angle nasolabial et de la morphologie du lobule apical.
la plus favorable pour modifier une pointe difficile et placer les greffes.
L’objectif est d’obtenir une pointe bien définie, harmonieuse avec Dans le cas d’une pointe large avec un angle nasolabial quasi normal et
l’ensemble du nez et du visage. La recherche d’une pointe fine n’est un lobule apical normal : la résection intéresse la zone antérosupérieure
cependant pas une nécessité absolue. des crus latérales et des dômes. Cette résection limitée entraîne une

A D

43 A. La forme convexe des crus mésiale et intermédiaire donne l’aspect d’un nez à columelle
pendante avec fermeture de l’angle nasolabial.
B. La résection-suture d’un triangle à base inférieure du cartilage alaire, au niveau de l’angle
apicocolumellaire, entraîne une fermeture de cet angle avec une ascension columellaire.
C. L’ouverture d’un triangle à la jonction des crus intermédiaire et mésiale, maintenue par une
suture d’un greffon cartilagineux, provoque le même résultat avec une projection de la pointe.
D. La résection de la partie inférieure des crus mésiale et intermédiaire définit l’angle apicoco-
C lumellaire en diminuant la hauteur de la columelle.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

 A

47 L’accollement des crus intermédiai-


res, maintenu par une suture, entraîne un
affinement et une discrète projection de la
pointe.

45 L’affinement de la

, B
pointe, dont l’angle naso-
labial et le lobule apical
sont normaux, nécessite
une résection du bord
antérosupérieur des crus
latérale et intermédiaire.

46 L’affinement d’une pointe


48 Une projection plus importante
de la pointe, associée à un affinement,
nécessite la mise en place d’une greffe
cartilagineuse.

narinaire, bénéfique si la columelle est peu visible de profil. Cette


résection doit être prudente afin d’éviter un affaiblissement de la valve
narinaire et un nez trop pincé.
Dans le cas d’une pointe tombante et large avec un lobule apical
normal : à la résection antérosupérieure des crus latérales, plus ou moins
importante en fonction de la largeur de la pointe, s’associe l’ablation
large, dont l’angle nasolabial est
fermé et la peau épaisse, néces- d’un triangle cartilagineux à la base supérieure de la crus latérale, sans
site une résection du bord antéro- rupture du bord inférieur (fig 46). Ce geste est fait par voie externe.
supérieur du cartilage alaire, un
abaissement columellaire, voire Dans le cas d’une pointe large avec défaut de projection du nez : la
une résection-suture d’un triangle suture rapprochant les dômes ferme l’angle de divergence des crus
à la base supérieure de la partie
antérieure des crus latérales. Une intermédiaires et entraîne un affinement et une projection de la pointe [27]
voie d’abord externe transcolumel- (fig 47). Si les crus mésiales manquent de rigidité, une greffe
laire est souvent préférable. cartilagineuse columellaire est apposée entre ces cartilages (fig 48). Les
crus intermédiaires peuvent être striées afin de les affaiblir et leur faire
perdre leur mémoire.
discrète ascension et un affinement de la pointe (fig 45). La rétraction Dans le cas du nez en « bouchon de champagne », c’est-à-dire du nez
cicatricielle rapproche les crus intermédiaires, faisant disparaître, dans large avec un lobule apical hypertrophié, il est souvent difficile de
certains cas, le sillon médian de la pointe. modifier la longueur du lobule, surtout si la peau est épaisse. La résection
de la partie antérosupérieure des crus latérales s’associe à une section-
Dans le cas d’une pointe large avec un angle nasolabial moyennement résection et suture, à la jonction de la crus intermédiaire et de la crus
fermé et un lobule apical normal : la résection des crus latérales est mésiale [12]. Le résultat dépend de l’élasticité de la peau (fig 49).
prolongée en arrière. Ce geste entraîne une rotation postérosupérieure, – L’absence d’angle apicocolumellaire : cet angle peut être recréé par
ainsi qu’un affinement de la pointe, et une rétraction supérieure de l’aile une résection d’un triangle à base supérieure, à la jonction de la crus

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales


A

49 Nez en « bouchon de champa-


gne ». La correction associe une résec-
tion cartilagineuse du bord supérieur des
crus intermédiaires et une résection
transfixiante de la partie antérieure des
crus mésiales. Le résutat dépend essen-
tiellement de l’élasticité cutanée.

50 Correction d’une asymétrie de pro-


jection de pointe par résection du prolon-
gement postérieur de la crus latérale res-
ponsable de l’hyperprojection homo-
B
latérale. 52 A. Le greffon de Sheen permet de mieux définir la pointe et de la projeter.
B. Un greffon cartilagineux en forme de trapèze ou de cœur est glissé en avant
des crus intermédiaires par une incision marginale.

– Greffon de Sheen [24, 25]


Décrit par Sheen en 1975, il est indiqué en cas de :
– pointe asymétrique associée à un défaut de projection ;
– pointe ronde ou bifide dont la largeur est normale.
L’objectif est de projeter la pointe, de mieux définir le lobule
apicocolumellaire et de recréer l’angle entre les crus intermédiaire et
mésiale.
La technique consiste à placer, dans le segment apicocolumellaire, une
greffe cartilagineuse par une voie marginale (fig 52). La greffe a la forme
d’un triangle tronqué à base antérosupérieure dont les angles pointent
sous la peau, permettant de redéfinir les reflets lumineux des dômes. La
largeur de la greffe est, en moyenne, de 8 mm, mais d’autant plus étroite
et rigide que le revêtement cutané est épais. La hauteur est équivalente à
celle du lobule apicocolumellaire. Les angles sont émoussés si la peau
est fine. Le lit de la greffe est suffisamment large mais pas trop pour
51 La correction d’une columelle à base obtenir sa stabilisation, parfois amarrée par un monofilament
large nécessite une résection-suture des
pieds des crus mésiales.
transcutané. Cette greffe peut être placée par une voie d’abord externe
transcolumellaire.
– Greffon cartilagineux en onlay
intermédiaire et mésiale. Il faut éviter de sectionner le bord inférieur du Décrit par Peck, il permet, en apposant un greffon sur les dômes, de
cartilage alaire. La suture des bords de la résection provoque un recul de projeter et d’affiner la pointe sans modifier la région
la pointe et crée l’angulation du double break. apicocolumellaire [19]. Une variante a été décrite par Aiach sous le nom
– L’asymétrie de projection des dômes peut être corrigée par une de greffon en « hirondelle » [1, 17]. La technique consiste à se servir de la
résection unilatérale d’un prolongement postérieur de la crus latérale résection de la bosse ostéocartilagineuse et de la modeler en forme
(fig 50). d’ailes d’hirondelle placées sur les dômes (fig 53). Ce greffon donne un
effet de projection, à condition d’avoir des crus mésiales suffisamment
– La base d’une columelle large est affinée par une résection-suture des rigides. Dans le cas contraire, les crus mésiales doivent être renforcées
pieds des crus mésiales (fig 51). par un étai columellaire cartilagineux [9, 21] (fig 54).
– Greffon en « fleur de lys » de Tessier
Harmonisation de la pointe par apport de greffons cartilagineux
Il permet de projeter la pointe en reconstituant les dômes (fig 55) :
Il peut s’agir d’une malformation congénitale, d’une séquelle de prélevé dans le septum, il est dédoublé, à son extrémité, en forme d’aile
rhinoplastie ou de traumatisme. d’hirondelle.

page 20
Techniques chirurgicales

,
RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE

,, 46-125

56 Renforcement d’une crus latérale


du cartilage alaire par greffon cartilagi-
neux en onlay.
53 Augmentation de la projection de la
pointe par une greffe cartilagineuse en onlay,
en forme d’hirondelle.

57 Correction d’un lobule narinaire trop


A bas.

– La position trop basse du lobule narinaire peut être corrigée par une

,
rotation de 180° de la crus latérale [15] (fig 57).

54 La projection de la pointe peut être


accentuée par un étai columellaire soute- Chirurgie d’harmonisation et d’augmentation
nant le greffon en forme d’hirondelle. du dorsum
Harmonisation du dorsum
Elle nécessite des réinclusions cartilagineuses ou osseuses dans les cas
présentant un aspect de « rails » médian ou une déviation sous-jacente de
cloison difficile à corriger. Ces greffons, placés directement sur le dorsum
ostéocartilagineux, doivent être fins et écrasés, surtout si la peau est fine. Ces
réinclusions utilisent le plus souvent la bosse réséquée ou un greffon septal.

Aspect étroit du tiers moyen du dorsum


ou de « V » inversé après rhinoplastie
Il peut être corrigé par l’apposition de cartilage prenant en sandwich le
bord antérieur de la cloison (fig 58). Les cartilages triangulaires peuvent
55 Augmentation de la projection de
la pointe par un greffon en « fleur de lys » être suturés sur ces greffons. La voie externe facilite ces gestes.
de Tessier.
Augmentation de la projection du dorsum
Elle nécessite l’utilisation de greffes. Le choix du greffon et de son
– De multiples greffons cartilagineux apposés en onlay sur les crus montage dépend de la projection de la pointe et de l’angle nasolabial.
latérales des cartilages alaires permettent de corriger les asymétries Schématiquement, nous différencions :
narinaires ou les crus latérales concaves (fig 56). – le nez « ensellé » à pointe projetée et angle nasolabial ouvert
– La rétraction d’aile narinaire acquise peut être corrigée par un greffon témoignant de la persistance d’un soutien cartilagineux de pointe
cartilagineux septal ou osseux provenant de la lame perpendiculaire de (fig 59). Le defect ostéocartilagineux du dorsum est responsable de
l’ethmoïde, placé dans un dédoublement de l’aile narinaire. Une greffe l’élévation de la pointe. Sa correction requiert une greffe de comblement
composée chondromuqueuse endonasale peut corriger cet aspect sans nécessiter d’étai columellaire. La voie d’abord transcartilagineuse
inesthétique en palliant les défauts cartilagineux et muqueux. et extramuqueuse bilatérale permet la mise en place du greffon ;

page 21
46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

58
,
L’aspect de « V inversé » du dorsum, généralement secondaire à une rhino-
plastie, peut être corrigé par des spreader graft, c’est-à-dire la mise en place de deux
greffons cartilagineux de part et d’autre du bord antérieur du septum.
59 La correction du nez ensellé, avec pointe normalement projetée et angle
nasolabial quasi normal, nécessite la mise en place d’un greffon cartilagineux ou
osseux, en fonction de l’importance du defect.

Une correction est parfois nécessaire d’emblée ou après recul de la


pointe du nez, voire encore dans les nez ethniques. Le lobule narinaire,
– le nez « effondré » à pointe rétruse et angle nasolabial fermé témoignant trop long ou mal enroulé, est responsable d’un nez large. L’insertion du
d’une perte des structures de soutien de la pointe (fig 60A, B). Sa lobule est plus ou moins haute.
correction nécessite une projection du dorsum et de la pointe, associée à
L’indication et la technique de résection du lobule dépendent de
un abaissement de la base de la columelle. Le greffon de l’arête nasale
l’anomalie anatomique de la base du nez. Le siège et l’importance de la
doit être maintenu par un étai columellaire. Une voie d’abord externe de
résection doivent être appréciés avant l’intervention et constituent
type Réthi est très souvent préférable pour la facilité du montage.
toujours le dernier geste de la rhinoplastie. La technique est
conditionnée par la nécessité de dissimuler la cicatrice. Il faut être
Chirurgie des lobules narinaires prudent dans la résection car toute erreur de jugement est difficile à
récupérer secondairement.
Les lobules narinaires sont constitués de tissu cellulograisseux L’anatomie et les rapports esthétiques sont donc importants à connaître
recouverts, de part et d’autre, d’épithélium. Ils forment la partie (fig 61).
postérieure des ailes du nez. – Sur une vue inférieure, la base du nez est divisée en trois parties
L’aile du nez participe à la mimique et surtout à la respiration. Un lobule séparées par une ligne passant au sommet des orifices narinaires et une
mou et sans consistance s’effondre lors d’un recul important de la pointe autre passant par le point de divergence de la columelle. L’aile narinaire,
et est alors responsable d’une fermeture de l’orifice narinaire et d’un armée en avant par la crus latérale, se prolonge en arrière par le lobule
épatement de la base du nez. Au contraire, un lobule épais et consistant en changeant de direction. La largeur narinaire est égale à la distance
limite le recul de la pointe. intercanthale interne.

60 A. La correction d’un nez « effondré » avec pointe


rétruse nécessite la mise en place d’un greffon le long
du dorsum, soutenu par un étai columellaire. Le greffon
chondrocostal est généralement utilisé.
B. Un greffon de Sheen améliore souvent la définition
A B de la pointe.

page 22
Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

1/2
1

1/3
2
1/2 1/3

1/3
61 Anatomie et proportions de la
base du nez.
3

63 Sites de prélèvement car-


tilagineux d’oreille.
1. Cymba conchae ; 2. scapha ;
3. conque.

A B

62 Différentes résections des ailes nari-


naires.
A. Résection de l’aile narinaire intéres-
sant surtout le seuil narinaire, rappro-
chant ainsi l’aile de la columelle, ce qui
projette la pointe.
B. Résection de la base de l’aile nari-
naire, entraînant le recul de la pointe.
C. Résection de l’aile narinaire sans
modification du seuil, responsable
C d’un recul de la pointe.

– Sur une vue de profil, le bord du lobule est convexe en bas, alors que
la moitié de l’aile narinaire est concave. Le bord inférieur de l’aile 64 Prise d’une
greffe pariétale crâ-
narinaire doit laisser la columelle apparente d’environ 2 mm. nienne. Le prélève-
Il existe schématiquement trois types de résection (fig 62) : ment se fait généra-
lement en bande-
– en fuseau, au pied du lobule, et s’étendant sur le seuil narinaire, dans lettes dont le nombre
les cas de nez large (fig 62A) ; dépend de l’impor-
– en croissant, au pied du lobule, et remontant le long du sillon tance du defect à
combler.
alogénien, dans les cas d’ailes trop longues (fig 62B) ;
– en fuseau, le long du bord inféro-interne du lobule, généralement
associé à une résection dans le sillon alogénien, ne modifiant pas la
largeur de l’orifice narinaire (fig 62C). part et d’autre de la cloison. Un méchage au Tulle Grast ou au tissu
résorbable est laissé en place pendant 2 à 8 jours. Ces greffons sont droits
La résection, généralement effectuée au bistouri lame n°15, est et rigides, d’où leur intérêt.
purement cutanée. La fermeture est faite en deux plans.
La greffe auriculaire est souvent utilisée car son prélèvement est facile
et laisse très peu de séquelles (fig 63). Elle a d’autant plus d’intérêt
Greffes cartilagineuses et osseuses lorsque le prélèvement septal est impossible, en cas d’absence de
cartilage ou d’adhérences septales. Le prélèvement de la conque est le
Les greffes osseuses, et surtout cartilagineuses, sont très utilisées au plus classique ; il est cependant possible de prélever le cartilage du
cours des rhinoplasties secondaires mais aussi primaires. Elles ont pour scapha ou de la cymba conchae. L’abord du prélèvement peut être, soit
but le comblement d’une perte ou d’un manque tissulaire, le antérieur avec le risque d’une cicatrice discrètement visible, soit
renforcement de la charpente ostéocartilagineuse et l’harmonisation du rétroauriculaire invisible. L’unité cartilagineuse circonscrite entre les
nez. Les greffes autologues, seules envisageables aujourd’hui, sont reliefs du pavillon est prélevée en totalité. Le décollement est sous-
toujours préférables aux biomatériaux dont la fiabilité à long terme est périchondral. La surface cutanée est repositionnée à l’aide d’un
souvent décevante. conformateur maintenu en place pendant la contention nasale. Le siège
du prélèvement dépend de la forme du greffon nécessaire. Ces greffons
Techniques et sites de prélèvement sont généralement affinés à l’aide d’un écraseur.
La greffe chondrocostale a l’intérêt d’être rigide et facilement
Greffes cartilagineuses façonnable. Elle est prélevée en regard du sillon sous-mammaire chez la
La greffe septale est la plus facile à prélever lors d’une septorhinoplastie. femme. Le décollement est sous-périchondral et doit se garder d’une
Cependant, il faut se méfier des effets secondaires néfastes sur la forme brèche pleurale. Une radiographie pulmonaire est systématique afin de
et le maintien du nez. Classiquement, un fragment en forme de L, d’une rechercher un pneumothorax.
largeur de 15 mm environ, est conservé afin d’éviter un enfoncement du Toutes les greffes cartilagineuses doivent être placées soigneusement et
dorsum cartilagineux en « coup de hache ». Cet enfoncement peut stabilisées afin d’éviter les déplacements, les rétractions, les irrégularités
n’apparaître que plusieurs mois après la rhinoplastie. Le greffon et les infections. Le lit de la greffe doit comporter un bon recouvrement
cartilagineux est épais vers le pied de cloison et mince vers la lame cutané et un plan profond sans communication avec les fosses nasales.
perpendiculaire de l’ethmoïde. En fin d’intervention, les muqueuses sont La voie d’abord externe est souvent préférable. Un traitement
accolées et souvent maintenues par deux lames de Silastict placées de antibiotique préventif d’une durée de 8 jours est indiqué.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

Greffes osseuses modelables. Ils peuvent être recouverts d’aponévrose temporale afin
d’éliminer les aspérités du dorsum en regard d’une peau fine.
Le prélèvement est réalisé sur l’os iliaque ou, mieux, sur le crâne. En
effet, l’os cortical crânien, membraneux, est moins résorbable que l’os – Les greffes chondrocostales ou ostéochondrocostales ont tendance à
spongieux. se déformer avec le temps. Elles ont l’intérêt d’être facilement
modelables, non résorbables, souples pour la pointe et parfaitement
La greffe crânienne pariétale (fig 64) présente de nombreux avantages
lisses pour l’arête nasale [5].
mais est de prélèvement délicat et contre-indiquée chez l’homme
dégarni ou chauve. Le crâne est rasé a minima, en regard de la cicatrice
longue de 7 à 10 cm. Le prélèvement est tracé à la fraise, sous irrigation, Ensellures discrètes
puis les greffons sont soulevés à l’aide d’un ostéotome. Il faudra
s’assurer de l’absence de brèche dure-mérienne après le prélèvement. La greffe cartilagineuse auriculaire suffit.
Après hémostase soigneuse, la fermeture du cuir chevelu se fait en deux
plans, généralement sans drainage. Les suites sont habituellement
simples et indolores. La cicatrice est dissimulée dans le scalp, mais laisse Harmonisation nasale (pointe, ailes, dorsum)
apparaître une légère dépression.
On utilise généralement des résections faites au cours de la rhinoplastie
Indications et choix des greffons (alaire, septum) ou un prélèvement auriculaire.
Ils sont fonction de l’importance du defect, du lit du greffon, de
l’épaisseur cutanée et des habitudes du chirurgien.
Cas cliniques
Nez effondrés
– Les greffons osseux iliaques ou crâniens [10] sont le plus souvent utilisés. Les figures 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75 illustrent quelques
Cependant, ils ont une tendance à la résorption et ne sont pas toujours très techniques correctrices.

A B C D

65 Correction d’une hyperprojection de la pointe du nez et d’une bosse du dorsum.


Dans ce cas, le nez est projeté essentiellement par la cloison nasale.
Intervention : petite résection de la partie supérieure de la crus latérale et intermé-
diaire, et résection de cloison (bosse ostéocartilagineuse). Le recul de la pointe a
E F permis de fermer l’angle nasolabial.

Fig 66 à 75 ➤

page 24
Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B C D

66 Correction d’une projection de la pointe na-


sale par les cartilages alaires.
Section des prolongements postérieurs, désinser-
tion des muscles de l’épine nasale antérieure.
Résection d’une bosse ostéocartilagineuse.
Résection de la partie antérosupérieure des crus
latérales.
On remarque l’ouverture de l’angle nasolabial
et l’effet de rajeunissement (affinement de la
E F H pointe).

A B C D
67 Nez large au niveau du dorsum (après traumatisme dans l’enfance). La pointe est affinée par une résection de la partie supérieure des crus latérale
Ostéotomie médiane et latérale, avec résection osseuse médiane du cal osseux. et intermédiaire.
Le rapprochement des os propres du nez entraîne un affinement du dorsum.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

A B C D

68 Nez dévié post-traumatique : nécessité parfois, comme dans ce cas, de déposer


E F la quasi-totalité du septum par la narine. Résection d’une discrète bosse du dorsum.

69 Angle nasolabial fermé avec une peau épaisse et lourde.


Par voie externe, résection de la partie supérieure de la crus latérale
et d’un triangle à bord supérieur, à la jonction de la crus latérale et inter-
A B médiaire. Résection d’une bosse ostéocartilagineuse du dorsum.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B C D

70 Séquelles d’une rhinoplastie : dé-


viation du dorsum et, surtout, déplace-
ment latéral d’une réinclusion cartilagi-
neuse. Résection asymétrique de la
partie supérieure des crus latérales.
Correction par voie interseptocolumel-
laire : greffe de crâne, reposition des re-
liquats de la cloison, symétrisation des
E F H crus intermédiaire et latérale.

A B C D
71 Séquelles d’une rhinoplastie : de face, un aspect de V inversé du dorsum, de conque reprojetant le dorsum, résection du bord supérieur de la crus latérale
associé à une asymétrie de pointe ; de profil, un angle nasofrontal trop bas situé et une du cartilage alaire droit, pour symétriser les lobules narinaires, et mise en place d’un
pointe mal définie. greffon de Sheen pour redéfinir la pointe.
Correction : rhinoplastie par voie externe, spreader graft, greffe cartilagineuse

page 27
46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

A B C D

E F G H
72 Séquelles d’une rhinoseptoplastie. Correction par voie endonasale : amincissement de la pointe par résection des crus
De face, déviation et saillie de l’auvent nasal, ensellure sus-lobulaire, pointe arrondie. latérale et intermédiaire, correction de l’ensellure cartilagineuse sus-lobulaire par gref-
Dysharmonie de la ligne de profil, saillie antérieure de la pointe. fons de réinclusion alaire, réaxation de la pyramide nasale, diminution de la bosse
osseuse à la râpe.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

A B C D

73 Nez ensellé congénital chez une asia-


tique.
De face, un aspect d’hypertélorisme avec racine
nasale large.
De profil et trois quarts, un dorsum ensellé avec
aspect d’exophtalmie.
Correction : mise en place d’une greffe osseuse
de crâne pariétal par une voie d’abord intersep-
tocolumellaire. L’aspect d’exophtalmie est plus
E F G discret.

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46-125 RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE Techniques chirurgicales

A B C D

E 74 Séquelle d’une fente labioalvéolo-


palatine.
Défaut de projection du dorsum et de la
pointe, associé à une asymétrie des ailes
narinaires.
Correction : rhinoplastie par voie externe,
greffe cartilagineuse chondrocostale
du dorsum associée à un étai columel-
laire, dissection des cartilages alaires
dont les crus intermédiaires sont sutu-
rées au-dessus de la greffe cartilagi-
neuse. Greffon de Sheen pour rédéfinir
F G H la pointe.

A B C D

75 Élargissement de la base du nez avec défaut de projection de la pointe et asy-


métrie des orifices narinaires.
Correction : résection des ailes narinaires entraînant un affinement de la base du nez,
E F symétrisation des ailes narinaires et projection de la pointe.

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Techniques chirurgicales RHINOPLASTIE ESTHÉTIQUE ET RÉPARATRICE 46-125

Références
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page 31
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE Fiche additive 46-230

FICHE ADDITIVE
CHIRURGIE DE L’IMPERFORATION CHOANALE 46-230

Techniques endonasales dans la chirurgie


de l’imperforation choanale

T Van den Abbeele R é s u m é. – Les développements récents de la chirurgie endonasale sous guidage
endoscopique ont rendu possible de traiter les atrésies choanales par cette voie, y
compris chez le nouveau-né. L’instrumentation doit naturellement être adaptée à la
taille de l’enfant. La précision de cette technique et des soins postopératoires
méticuleux peuvent permettre de se passer de calibrage, souvent mal toléré car
douloureux et source d’inflammation et de surinfection.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction Préparation

Le développement récent de la chirurgie endoscopique des sinus et de la L’intervention est bien entendu réalisée sous anesthésie générale, quel
vidéochirurgie a permis la mise au point de nouvelles voies d’abord que soit l’âge de l’enfant. Une préparation locale minutieuse est
endonasales dans la chirurgie de l’imperforation choanale. Les résultats nécessaire par des tampons de ouate imbibés de sérum adrénaliné
obtenus sont très encourageants et cette voie est probablement appelée à (10 mL de sérum physiologique additionné de deux ampoules à 1 mg
remplacer la classique voie transpalatine. Les données anatomiques et d’adrénaline) et l’anesthésiste est informé de la mise en place de ces
radiologiques, ainsi que les techniques classiques, sont parfaitement tampons. Il n’est pas utile de mettre en place un packing pharyngé et
exposées dans un autre chapitre [1] et nous nous limiterons aux apports encore moins au niveau du cavum, ce qui peut considérablement gêner
des techniques endoscopiques. l’acte endoscopique par refoulement du voile du palais vers le haut ou la
stagnation de sécrétions dans le cavum. Dans notre expérience, la
préparation des fosses nasales assure un saignement minimal même chez
Matériel le nouveau-né.
Les documents d’imagerie sont systématiquement affichés. Il est
Les techniques endoscopiques nécessitent le même matériel que celui absolument nécessaire de posséder une tomodensitométrie de qualité en
employé pour la chirurgie endoscopique des sinus et un minimum coupes axiales et coronales (reconstructions chez le nouveau-né ou le
d’instruments adaptés à la taille de l’enfant. Les optiques principales nourrisson) en fenêtres osseuses et parenchymateuses. Les
sont : reconstructions sagittales sont intéressantes pour préciser l’épaisseur et
– une panoramique 30°, 2,8 et 4 mm ; la hauteur de la plaque atrétique.
– une optique 0°, 2,8 et 4 mm. Après mise en place des champs, l’installation des différents éléments
est méthodique. L’opérateur (s’il est droitier) est assis à la droite du
Les optiques 70° sont rarement nécessaires, en revanche les courtes patient, l’aide siège à gauche avec la table instrumentale. L’écran vidéo
optiques 0° d’otoscopie 4 mm et 2,5 mm peuvent être nécessaires. Les et la source de lumière sont placés à la tête de la table opératoire. En cas
instruments utilisés principalement sont un décolleur mousse, des pinces d’utilisation du microrésecteur (systématique pour nous), il est
mors-curette de format pédiatrique 0 et 30°, une pince rétrograde de type nécessaire de disposer de deux sources d’aspiration murale séparées,
Oström-Terrier de format pédiatrique et adulte taille moyenne, un l’une connectée au microrésecteur et l’autre à l’aspirateur boutonné.
aspirateur boutonné coudé et malléable, une pince bipolaire
endoscopique gainée. L’utilisation du microrésecteur est pour nous
systématique. La vidéochirurgie constitue pour notre part un Intervention
complément indispensable car elle permet un agrandissement
considérable de l’image.
Inspection des deux fosses nasales

Thierry Van den Abbeele : Professeur hospitalier universitaire, service d’oto-rhino- Après ablation du méchage hémostatique, les deux fosses nasales sont
laryngologie, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, inspectées (fig 1) de façon à repérer l’existence de la plaque atrétique
© Elsevier, Paris

France. des deux côtés, les racines postérieures d’insertion des cornets inférieurs
et moyens et l’épaississement latéral du vomer (fig 1). Il existe souvent
Toute référence à cet article doit porter la mention : Van den Abbeele T. Techniques une déviation septale du côté sain en cas d’atrésie unilatérale. Cet
endonasales dans la chirurgie de l’imperforation choanale. Encycl Méd Chir
(Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, Fa 46-230, 1999, 3 p.
examen est effectué à l’optique 0° de façon à repérer le plancher de la
choane où doit débuter l’ouverture de la plaque atrétique.
Fiche additive 46-230 TECHNIQUES ENDONASALES DANS LA CHIRURGIE DE L’IMPERFORATION CHOANALE Techniques chirurgicales

2 Ouverture de la plaque
atrétique.

1 Inspection de la fosse nasale.


a. Plaque atrétique ; c. cavum ; CI. cornet inférieur ; CM. cornet moyen ; S. septum ;
1. sphénoïde ; 2. voile ; 3. palais osseux ; 4. microrésecteur.

Ouverture première de la plaque atrétique


Certains auteurs décrivent la réalisation préalable de lambeaux de
muqueuse choanale qui seront ensuite réappliqués sur les nouvelles
berges osseuses [4]. Dans notre expérience, ceci est relativement difficile
et les résections osseuses larges habituellement nécessaires amènent à
sacrifier ces lambeaux. L’ouverture est pratiquée (fig 2) en utilisant
l’optique 30° placée entre le cornet moyen et la cloison et tournée vers le
plancher de la fosse nasale permettant de ménager le passage de
l’instrumentation sur le plancher de la fosse nasale. Le risque théorique
de fausse route basicrânienne est ainsi totalement éliminé. Nous
utilisons le microrésecteur avec une lame coupante aspirante dentée de 3 Résection postérieure du vomer.
2 mm de diamètre permettant de créer un premier orifice du même
calibre qui sera progressivement élargi (fig 2), puis avec la lame
homologue de 4 mm de diamètre. L’utilisation du microrésecteur peut réalisation de ce geste. L’élargissement du vomer et son dédoublement
être remplacée par celle d’une micropince érodant progressivement en deux lamelles osseuses nécessitent un geste de résection bilatérale
l’épaisseur osseuse, plutôt que par un trocart dont l’extrémité serait même lorsque l’atrésie choanale est unilatérale. Le plus souvent, il est
potentiellement traumatique pour le toit du cavum. En cas d’atrésie utile d’utiliser la pince dans une fosse nasale et de contrôler la bonne
bilatérale, le même geste est effectué alternativement des deux côtés. position de celle-ci à l’aide de l’optique passée dans l’autre fosse nasale.
Habituellement, il est possible chez un nouveau-né, de passer dans une La résection du vomer sera ainsi menée alternativement de bas en haut
fosse nasale une optique de 4 mm de diamètre et une lame de 2 mm. En et d’une fosse nasale à l’autre jusqu’à atteindre le sommet du cavum.
cas d’impossibilité, l’obstacle peut être lié le plus souvent à une L’utilisation du microrésecteur est encore utile à ce niveau, de façon à
hypertrophie du cornet inférieur qui sera réséqué ou à une sténose des régulariser les berges muqueuses sans déchirer la muqueuse. Dans
orifices piriformes associée mais qui doit être diagnostiquée par la certains cas, il existe une hypertrophie de l’insertion supérieure du
tomodensitométrie préopératoire et faire l’objet d’un élargissement vomer qui peut être réduite par fraisage à l’aide du microrésecteur.
préalable par voie sous-labiale.
Élargissement du calibre de la néochoane
Résection partielle du vomer
L’utilisation du microrésecteur muni d’une fraise protégée aspirante est
L’examen tomodensitométrique révèle de façon constante une un progrès certain car elle permet de coupler un instrument et une
hypertrophie du bord libre postérieur du vomer qu’il est nécessaire de aspiration d’une part et d’autre part de protéger au maximum la
réséquer (fig 3) de façon souvent importante, mais adaptée à la taille de muqueuse des fosses nasales évitant des synéchies et des granulations
l’enfant et sans léser le cartilage septal. Ceci permet un élargissement postopératoires. Les limites d’élargissement de la choane sont précisées
considérable de la choane d’une part et d’autre part de décaler dans le en fonction des données de la tomodensitométrie mais d’une façon
sens antéropostérieur les berges de la choane et d’éviter ainsi la générale, il faut fraiser la plaque atrétique en haut jusqu’à l’insertion de
constitution de synéchies entre la paroi latérale et le bord libre du vomer. la queue du cornet moyen et dégager le futur récessus sphénoethmoïdal
Les pinces rétrogrades de type Oström-Terrier sont très utiles à la où s’abouchera l’orifice de drainage du futur sinus sphénoïdal (fig 4).

page 2
Techniques chirurgicales TECHNIQUES ENDONASALES DANS LA CHIRURGIE DE L’IMPERFORATION CHOANALE Fiche additive 46-230

calibre de la choane est suffisant en fin d’intervention et si les soins


postopératoires sont suffisants (cf infra). On peut recommander chez les
nouveau-nés et les jeunes nourrissons n’ayant pas de respiration buccale
efficace, la mise en place d’un calibrage par des sondes d’intubation
fixées par un sparadrap sur la pyramide nasale pendant 48 heures au
maximum, de façon à éviter la constitution de caillots et de croûtes dans
les choanes. En revanche, les enfants plus grands peuvent bénéficier
d’un méchage simple hémostatique retiré aussi à la 48e heure.

Complications
Une bonne connaissance de l’anatomie locale, la réalisation d’une
tomodensitométrie préopératoire de bonne qualité et une technique
rigoureuse doivent permettre de réduire au maximum les risques de
complications. Les hémorragies sont rares et doivent être prévenues par
une hémostase chirurgicale soigneuse et un méchage postopératoire
surtout en cas de turbinectomie inférieure associée. Les classiques
fausses routes basicrâniennes sont le fait de gestes « aveugles » rendus
impossibles par une technique sous contrôle de la vue avec repères
tomodensitométriques préopératoires.

Soins postopératoires
Comme dans toute chirurgie endonasale, les soins postopératoires sont
essentiels. En l’absence de calibrage, il faut pratiquer des instillations
régulières et en quantité satisfaisante des deux fosses nasales à l’aide de
sérum physiologique et éventuellement de sérum adrénaliné. Les
aspirations doivent être limitées de façon à ne pas provoquer de lésions
traumatiques. Le lavage des fosses nasales est réalisé en position
allongée, tête en bas et tournée sur le côté en instillant 10 à 20 cm3 de
sérum salé dans la fosse nasale supérieure. Ceci permet l’évacuation des
sécrétions et croûtes par la fosse nasale opposée. Une fibroscopie sous
anesthésie locale, éventuellement complétée par une endoscopie sous
4 Élargissement du cadre choanal.
anesthésie générale est effectuée à la fin de la première semaine et
permet l’exérèse de croûtes ou de fausses membranes. En cas
Il est souvent nécessaire de « mordre » sur cette insertion à l’aide du d’inflammation importante, de granulations ou de reflux gastro-
microrésecteur. Les limites latérales sont plus difficiles à préciser. Le œsophagien connu, un traitement antireflux et antisécrétoire est prescrit
microrésecteur muni d’une lame coupante est souvent utilisé sur la pour une durée moyenne de 2 mois.
queue du cornet inférieur et la lame verticale de l’os palatin souvent
hypertrophique est prudemment fraisée latéralement en évitant de
remonter trop haut de façon à épargner l’artère sphénopalatine. En cas Indications et résultats
de saignement, l’utilisation d’une micropince bipolaire passée par Les études récentes [3, 4, 5] et notre expérience personnelle sur plus de
l’autre fosse nasale permet le contrôle de l’hémostase au travers de 30 enfants opérés par voie endonasale montrent des résultats très
l’encoche réalisée dans le vomer. Finalement, l’élargissement choanal satisfaisants dans 80 à 90 % des cas et compétitifs par rapport à ceux
nous semble satisfaisant lorsque deux sondes d’intubation nasotrachéale obtenus par voie transpalatine classique avec calibrage. Les indications
adaptées à l’âge de l’enfant peuvent être passées simultanément et sans chirurgicales ne sont pas modifiées par l’apparition de cette technique et
frottement des deux côtés. il est tout à fait justifié d’attendre l’âge de 18 mois à 2 ans, voire plus en
cas d’atrésie choanale unilatérale parfaitement supportée. Si l’indication
Calibrage postopératoire chirurgicale est posée, le choix de la voie endonasale est justifié quel que
soit le type d’atrésie, uni- ou bilatérale, osseuse ou membraneuse et quel
La quasi-totalité des auteurs actuels souligne la nécessité d’un calibrage que soit l’âge. Les échecs de voie transpalatine ou transnasale sont aussi
postopératoire, souvent pendant plusieurs semaines. Pour notre part, une excellente indication de voie endoscopique et les échecs même
nous considérons qu’il s’agit d’un facteur potentiellement source d’une voie endoscopique peuvent être repris par cette même voie. Grâce
d’inflammation et d’infection et que la réalisation de soins à cette technique et des soins postopératoires appropriés, le dogme du
postopératoires soigneux doit permettre d’en éviter le recours si le calibrage prolongé peut être remis en cause.

Références
[1] Andrieu-Guitrancourt J, Stipon JM. Chirurgie de l’imperfo-
ration choanale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techni-
ques chirurgicales - Tête et cou, 46-230, 1994 : 1-10
[2] Brown OE, Pownell P, Manning SC. Choanal atresia: a
new anatomic classification and clinical management ap-
plications. Laryngoscope 1996 ; 106 : 97-101
[3] Josephson GD, Vickery CL, Giles WC, Gross CW. Trans-
nasal endoscopic repair of congenital choanal atresia.
Arch Otolaryngol 1998 ; 124 : 537-540
[4] Kamel R. Transnasal endoscopic approach in congenital
choanal atresia. Laryngoscope 1994 ; 104 : 642-646
[5] Lazar RH, Younis R. Transnasal repair of choanal atresia
using telescopes. Arch Otolaryngol 1995 ; 121 : 517-520

page 3
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 45-146 – 43-250 – 46-235

45-146
43-250
46-235

Traitement chirurgical
des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
D Deffrennes Résumé. – Les malformations vasculaires et les hémangiomes regroupent ce que l’on désigne communément
O Enjolras sous le terme d’angiome. De nombreuses dénominations sont utilisées dans la littérature, aussi est-il
D Salvan important de se rattacher à la classification de l’International Society for the Study of Vascular Anomalies
D Herbreteau (ISSVA) reconnue par le plus grand nombre de praticiens.
La prise en charge de cette pathologie fait appel à la compétence de multiples praticiens de spécialités
différentes.
L’évolution des lasers, de la radiologie interventionnelle, des techniques chirurgicales et peut-être des
recherches dans le domaine des thérapies géniques permet d’espérer de « guérir » certaines malformations
vasculaires particulièrement évolutives comme les malformations artérioveineuses.
Nous exposons dans cet article les moyens thérapeutiques chirurgicaux qui s’intègrent presque toujours dans
un protocole pluridisciplinaire en dehors généralement des hémangiomes.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : malformations vasculaires, angiomes, hémangiomes.

Introduction raisons fonctionnelles et cosmétiques. Le chirurgien doit toujours


avoir à l’esprit les risques de certains gestes qui pourraient aggraver,
Les malformations vasculaires superficielles et les hémangiomes de voire faire évoluer dramatiquement une malformation vasculaire,
la face relèvent dans certains cas d’une thérapeutique chirurgicale tels que la ligature des pédicules nourriciers artériels.
parfois précédée d’un geste de radiologie interventionnelle. Ces Dans ce chapitre, les grands principes du traitement chirurgical des
pathologies ont une évolutivité très différente en fonction du type hémangiomes et des malformations vasculaires superficielles de la
de malformation, c’est-à-dire du flux hémodynamique, de face sont exposés. Étant donné l’importante diversité des cas
l’histologie et des examens histochimiques, de l’âge, du sexe et des rencontrés en pratique clinique, il est illusoire de vouloir traiter
variations hormonales, de la localisation et de son étendue. Avant toutes les situations. Nous présentons donc de nombreux cas traités
d’établir un plan de traitement et ici plus qu’ailleurs, il est en fonction du diagnostic et du siège de la pathologie.
indispensable de faire un diagnostic précis sans pour autant avoir
recours systématiquement à de multiples examens, notamment à Classification des « angiomes »
une artériographie.
La prise en charge de ces hémangiomes et des malformations Il s’agit de la classification retenue par l’ISSVA, à Rome, en 1996
vasculaires superficielles nécessite une équipe pluridisciplinaire
[10, 12]
.
regroupant chirurgiens, neuroradiologues, dermatologues. Les Nous distinguons deux grands groupes : les malformations
progrès thérapeutiques sont le fruit de la confrontation de ces vasculaires et les hémangiomes. Les malformations vasculaires se
différentes spécialités et de la recherche fondamentale. subdivisent en quatre groupes : artérioveineuse (MAV), veineuse
(MV), capillaire (MC) et lymphatique (ML). Ces différentes
Le traitement des malformations artérioveineuses de la face et du
malformations peuvent se combiner de façon plus complexe.
cou continue malgré tout à poser de difficiles problèmes de prise en
charge du fait de leur évolutivité et de leur risque vital.
Avant de développer les principes thérapeutiques appliqués par Malformations artérioveineuses
l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital Lariboisière née en 1977 de la Ce sont les malformations vasculaires les plus difficiles à traiter et
collaboration de JJ Merland et E Hadjean, nous présentons la les plus dangereuses car elles sont hémodynamiquement actives.
classification retenue par l’International Society for the Study of Leur potentiel évolutif est parfois incontrôlable. L’acte chirurgical,
Vascular Anomalies (ISSVA) à Rome. quand il est indiqué, doit emporter la totalité de la malformation
Le traitement chirurgical est indiqué en cas d’évolutivité importante dès le premier temps. En effet, une poussée évolutive est toujours à
pouvant mettre en jeu le pronostic vital mais plus souvent pour des craindre lors d’un geste chirurgical et a fortiori quand il est répété à
plusieurs reprises. Il en va différemment des autres malformations
vasculaires.
Dominique Deffrennes : Praticien hospitalier, chirurgien maxillofacial. Deux types principaux de malformations doivent être distingués :
Odile Enjolras : Dermatologue.
Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France. – les fistules artérioveineuses et artérioloveineuses, congénitales ou
Didier Salvan : Praticien hospitalier, chirurgien de la face et du cou, hôpital Sud-francilien, 59, boulevard
Henri-Dunant 91100 Corbeil-Essonnes.
traumatiques, correspondent à un ou plusieurs shunts entre des
Denis Herbreteau : Professeur, service de neuroradiologie, hôpital de Tours, 37000 Tours, France. artères ou artérioles et des veines ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Deffrennes D, Enjolras O, Salvan D et Herbreteau D. Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles et des hémangiomes de la face. Encycl Méd Chir (Editions
Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-146, Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire, 43-250, Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-235, 2001, 17 p.

150 521 EMC [310]


Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
– les malformations artérioloveinulaires constituées de multiples plusieurs embolisations associées ou non à la chirurgie [28] .
petites fistules entre artérioles et veinules formant le « nidus », sans L’embolisation est réalisée sous anesthésie générale ou analgésie.
réseau capillaire avec un retour veineux précoce et artérialisé. L’embolisation consiste à occlure sélectivement les shunts en phase
Le diagnostic est facile à évoquer devant une masse chaude, battante évolutive par des particules résorbables 24 à 48 heures avant l’acte
accompagnée d’un thrill et d’un souffle. La peau est rouge en regard chirurgical ou par des particules non résorbables ou des colles
de la malformation, souvent parsemée de télangiectasies. (Histoacrylt) si l’embolisation est utilisée comme seul traitement [7].
L’échodoppler confirme les fistules artérioveineuses et précise les L’emploi d’alcool absolu est un produit sclérosant particulièrement
vaisseaux afférents. efficace mais très dangereux car provoquant des nécroses extensives.
Cependant, malgré une apparente guérison, ces malformations
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’angio-IRM
même bien traitées peuvent évoluer de nouveau et nécessiter des
permettent de faire un bilan d’extension par le nombre
gestes de sauvetage parfois très délabrants. La surveillance de ces
d’hyposignaux.
traitements est indispensable à long terme et généralement la vie
L’artériographie reste l’examen primordial réalisant une véritable durant.
cartographie des vaisseaux. Elle précise l’aspect des artères et des
veines qui permet de classer la malformation vasculaire
artérioveineuse suivant son angioarchitecture. QUELQUES PARTICULARITÉS DUES
AU SIÈGE SONT À CONNAÎTRE [13]
Le doppler pulsé fournit un débit artériel comparé au côté opposé
qui permet de suivre l’évolution spontanée de la malformation – La malformation artérioloveinulaire du pavillon de l’oreille
artérioveineuse ou après traitement. entraîne à terme une hypertrophie inesthétique du cartilage et du
L’évolution de ces malformations est difficilement prévisible mais plan cutané. Les hémorragies et les otites externes sont fréquentes.
peut être déclenchée par un geste chirurgical ou endovasculaire L’embolisation endovasculaire artérielle est le traitement de première
inadapté, une modification hormonale (pilule, puberté, grossesse) intention en cas de complications [22] . Dans cette localisation
ou un traumatisme. L’évolution peut devenir dramatique après une purement auriculaire, la chirurgie n’est indiquée qu’en cas de
phase de quiescence plus ou moins longue associant des troubles résultat esthétique psychologiquement mal vécu ou de fistulisation
trophiques cutanés, des hémorragies parfois très abondantes ou des parfois infectée du produit d’embolisation. La ponction directe afin
troubles cardiaques. d’atteindre le nidus de la malformation favorise cette complication.
Dans les formes avec extension rétroauriculaire et cervicale, un
risque de flambée existe avec ce type de traitement.
QUELS SONT LES GRANDS PRINCIPES DE TRAITEMENT
DES MALFORMATIONS ARTÉRIOVEINEUSES ? – Les malformations artérioloveinulaires muqueuses sont
– Avant toute discussion thérapeutique, il est primordial de faire un dangereuses par leur nécrose fréquente avec un retentissement
diagnostic le plus précis possible avec les possibilités d’examen actuel fonctionnel (lèvres, langue, cloison nasale).
(angioscan, angio-IRM et artériographie) de l’extension de la – Les localisations au cuir chevelu ont classiquement une évolution
malformation artérioveineuse et de son angioarchitecture. plus lente car formées de « macroshunts » évoquant plus de
L’interrogatoire du patient, la comparaison de photographies multiples fistules artérioveineuses. Leur traitement relève de
anciennes et récentes, éventuellement la confrontation d’examens en l’embolisation et de l’exérèse chirurgicale. Cependant, l’exérèse doit
vue d’un bilan ou d’une surveillance et les thérapeutiques déjà être large d’où l’utilisation des expandeurs cutanés qui sont posés à
subies permettent d’avoir une bonne opinion de l’évolutivité de la distance de la malformation.
malformation. En effet, il est fréquent de voir en consultation des
– Les localisations nasales font rechercher une angiomatose facio-
patients ayant subi plusieurs tentatives de traitement.
rétino-thalamo-mésencéphalique de Blanc-Bonnet-Dechaume.
– Les ligatures artérielles ainsi que les embolisations L’embolisation permet de temporiser en cas de saignement,
endovasculaires proximales dites « définitives » ne permettant notamment d’épistaxis, mais il n’est pas rare que le recours à la
qu’une dévascularisation temporaire doivent être proscrites. En effet, chirurgie d’exérèse soit nécessaire. Toutes les techniques de
la revascularisation se rétablit par des voies vasculaires collatérales reconstruction chirurgicale sont discutées tout en ayant l’arrière-
qui deviennent alors inaccessibles aux embolisations sélectives. Dans pensée d’une récidive.
ces cas, l’embolisation par ponction directe est souvent le seul
– Les localisations intraosseuses maxillaires et mandibulaires sont
recours [8].
dangereuses par leur évolutivité et leur mode de révélation au cours
d’une extraction dentaire. En cas d’hémorragie, l’embolisation,
LA THÉRAPEUTIQUE DÉPEND DU TYPE qu’elle soit endovasculaire artérielle ou transosseuse, permet des
DE MALFORMATIONS ARTÉRIOVEINEUSES rémissions.
– Les fistules artérioveineuses à plein canal et les malformations
artérioloveineuses sont généralement contrôlables par des Cas n° 1
embolisations sélectives en occluant définitivement le site de Cette femme de 38 ans avait une malformation artérioveineuse de
communication [ 1 ] . L’exérèse chirurgicale peut remplacer l’hémilèvre inférieure droite découverte à la suite d’un traumatisme
l’embolisation à condition que ce geste emporte la totalité du shunt. 2 ans auparavant. La malformation se présentait sous l’aspect d’une
L’embolisation est pratiquée à l’aide de ballonnets largués par voie masse arrondie, pulsatile assez bien délimitée à la lèvre rouge
endovasculaire, de coils, sorte de petits ressorts, non pouvant évoquer le diagnostic de fistule artérioveineuse post-
ferromagnétiques, ou de colle occluant la communication anormale. traumatique. Pendant que la patiente consultait de multiples
Les particules trop petites pour occlure le shunt risquent de migrer praticiens, la malformation s’est développée progressivement
dans le lit capillaire pulmonaire. Les coils sont ajoutés à la colle pour s’étendant à la lèvre blanche ce qui laissait présager une
ralentir le flux vasculaire et éviter la migration de ces derniers dans malformation artérioveineuse (fig 1A). L’évolutivité de cette
les vaisseaux pulmonaires. Cependant, la colle peut être utilisée malformation a justifié un protocole associant une embolisation
seule si le flux est ralenti, soit spontanément, soit par une endovasculaire artérielle hypersélective et une chirurgie d’exérèse.
compression manuelle vasculaire. En cas de ligature artérielle L’artériographie de l’artère faciale confirme le diagnostic (fig 1B, C).
antérieure ou de vaisseaux dysplasiques, la zone fistuleuse peut être La résection chirurgicale a emporté la totalité de la malformation
atteinte par ponction directe. La voie veineuse rétrograde est une artérioveineuse intéressant la lèvre rouge et blanche. La
alternative en cas d’échec comme dans le traitement d’une reconstruction musculaire simple bord à bord associée à une plastie
malformation artérioloveineuse. cutanée en « Z » est très acceptable esthétiquement en dehors d’une
– Les malformations artérioloveinulaires sont beaucoup plus petite différence inévitable de hauteur de lèvre. Ce type de
difficiles à traiter. Leur traitement comprend le plus souvent une ou malformation doit être opéré avec des règles assez similaires à celles

2
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
1 Femme de 38 ans présentant une malformation artérioveineuse de la lèvre inférieure localisée près de la commissure
droite. Les vaisseaux nourriciers proviennent des branches de l’artère faciale droite. Le traitement a consisté en une em-
bolisation artérielle endovasculaire suivie d’une exérèse avec reconstruction par des lambeaux locaux.

*
A

*
B *
D

*
C *
E

suivies en carcinologie, c’est-à-dire d’éviter les gestes de décollement radicale avec reconstruction par lambeau dont le résultat esthétique
inutiles et surtout de pratiquer l’exérèse complète de la est plus qu’aléatoire. Le traitement a consisté en une embolisation
malformation. Le résultat est stable à 4 ans (fig 1D, E). hypersélective des artères faciales droite et gauche suivie d’une
chirurgie d’exérèse. La chirurgie a été réalisée par une voie cutanée
Cas n° 2 et muqueuse de la lèvre rouge permettant d’emporter largement la
Cette femme de 47 ans présentait une malformation artérioveineuse malformation envahissant les muscles orbiculaires. Une
de la totalité de la lèvre supérieure évoluant depuis plus de 10 ans reconstruction soigneuse de tous les muscles a permis de retrouver
(fig 2A, B). Cette malformation se présentait sous la forme d’une une fonction appréciable. Le résultat est stable à 18 mois (fig 2C, D).
tuméfaction de la lèvre supérieure battante, indolore, envahissant la Un contrôle artériographique et un débit doppler sont actuellement
lèvre rouge et blanche. L’évolutivité de cette malformation était très rassurants.
lente sans aucun épisode hémorragique. La résection complète ne
pouvant pas, a priori, être réalisée sans une mutilation importante, Cas n° 3
la chirurgie a toujours été récusée. Devant les problèmes Cet homme de 38 ans présente une malformation artérioveineuse
psychologiques importants avec le risque d’une issue dramatique, du tiers inférieur de la face. Les premiers symptômes sont apparus
un protocole chirurgical accompagné d’une embolisation a été vers l’âge de 17-18 ans à la lèvre inférieure. À cette époque, le
proposé. L’objectif était de réséquer le plus largement possible la diagnostic de « kyste » a été soulevé et une exérèse partielle réalisée.
malformation en emportant le nidus. La patiente était prévenue du Ce geste chirurgical a provoqué une poussée évolutive permettant
risque d’une flambée évolutive et de la possibilité d’une chirurgie de redresser le diagnostic. Durant les 15 années qui suivirent, divers

3
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
2 Femme de 47 ans présentant une malformation artériovei-
neuse de la totalité de la lèvre inférieure évoluant depuis
10 ans, dont les répercussions psychologiques sont importan-
tes. Le traitement a comporté une embolisation endovasculaire
suivie d’une résection large. La reconstruction a utilisé des
lambeaux locaux.

*
A *
B

*
C *
D

protocoles thérapeutiques (chirurgie d’exérèse avec et sans pendant plusieurs années avant de proposer une éventuelle
embolisation, ligature artérielle) ont été tentés sans résultat. Cette harmonisation labiale dont le patient est d’ailleurs peu demandeur
attitude confirme le risque des exérèses chirurgicales incomplètes. actuellement.
Lors de la première consultation, la malformation artérioveineuse
envahit les deux tiers droits du tiers inférieur de la face (près de la Cas n° 4
moitié droite de la lèvre supérieure, les deux tiers droits de la lèvre Cette femme de 47 ans présente une malformation artérioveineuse
inférieure, la commissure droite, le sillon nasogénien et la région de la paupière gauche évoluant depuis plusieurs années. Plusieurs
sous-mentale). La peau et la muqueuse sont rouges, fines et ulcérées, exérèses chirurgicales ont été réalisées dans le passé. Devant une
source d’hémorragie fréquente gênant beaucoup le patient. augmentation de la tuméfaction, la patiente a consulté. La
D’importantes veines cervicales artérialisées drainent cette malformation intéresse essentiellement la quasi-totalité de la
malformation (fig 3A, B). L’évolutivité et les saignements fréquents paupière supérieure tout en épargnant le tarse. Les veines de
justifient une prise en charge thérapeutique. drainage artérialisées donnent un aspect inquiétant à la
Un protocole d’embolisation suivi d’une exérèse large est proposé malformation (fig 4A, B). L’acuité visuelle est altérée. Un protocole
au patient, conscient des risques et des avantages de cette d’exérèse chirurgicale précédé d’une embolisation a été proposé et
thérapeutique. accepté par la patiente, consciente des risques encourus.
L’embolisation artérielle sélective associée à une compression
L’embolisation, d’autant plus nécessaire que des artères ont été
manuelle pour éviter la migration d’emboles a entraîné une
ligaturées, est réalisée par voie artérielle endovasculaire et par
dévascularisation du nidus.
ponction directe du nidus. L’artériographie sélective montre une
malformation vascularisée par les artères faciales droite et gauche, La chirurgie d’exérèse a emporté le nidus et toute la paupière
l’artère maxillaire interne droite, l’artère transverse de la face et préseptale en respectant le tarse et son bord libre. La reconstruction
l’artère mandibulaire (fig 3C, D). s’est faite simplement par une greffe de peau totale (fig 4C, D).
L’exérèse chirurgicale totale de la malformation a nécessité Le résultat est satisfaisant et stable à 1 an (fig 4E, F). Une surveillance
l’amputation transfixiante de près de la moitié de la lèvre inférieure, est toujours la règle.
des deux tiers de la lèvre inférieure, de la commissure labiale, d’une
Cas n° 5
partie de la région sous-mentale, du sillon nasogénien avec une
extension à la joue. La reconstruction a fait appel à des lambeaux Cet enfant de 6 ans présente une malformation artérioveineuse
locorégionaux. Un large lambeau de joue droite associé à une plastie occupant la totalité de l’unité palpébrale supérieure (fig 5A).
en « Z », une vermilloplastie et une reconstruction fonctionnelle de L’évolutivité et le risque d’amblyopie, voire de diminution de
la musculature ont permis de redonner une morphologie et une l’acuité visuelle, ont justifié la proposition d’un protocole
mimique satisfaisantes du tiers inférieur de la face (fig 3E, F). thérapeutique.
Aucune transfusion sanguine n’a été nécessaire pour la réalisation Une exérèse chirurgicale précédée d’une embolisation est alors faite.
de ce protocole thérapeutique. L’embolisation du nidus a permis un ralentissement du flux artériel
La stabilité du résultat à 3 ans est corroborée aux débits carotidiens et veineux. L’exérèse a emporté la totalité des deux tiers inférieurs
mesurés au doppler pulsé. La surveillance reste indispensable de la paupière supérieure, c’est-à-dire le tarse, une partie du muscle

4
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face

*
A *
B

*
C *
D

3 Patient de 38 ans présentant une volumineuse malformation artériovei-


neuse évolutive du tiers inférieur de la face responsable de saignements fré-
quents. L’artériographie confirme le diagnostic et surtout montre les diffé-
rents vaisseaux nourriciers. Le traitement a consisté en une embolisation
par voie endovasculaire artérielle et par ponction directe. La résection chirur-
gicale a été très large et n’a pas nécessité de lambeau prélevé à distance. Un
grand lambeau jugal droit d’avancement a permis une reconstruction accep-
table.

*
E *
F

releveur de la paupière, l’orbiculaire prétarsal et préseptal. La réapparus 18 mois environ après ce protocole sur un mode très
reconstruction a été faite par un lambeau musculocutané bipédiculé évolutif (fig 6B). L’artériographie montrait un large blush alimenté
associé à une greffe de peau totale de la zone donneuse (fig 5B). par l’artère faciale et l’artère maxillaire interne associé à un retour
Le résultat est stable à 3 ans et acceptable avec une occlusion veineux précoce (fig 6C). Un deuxième protocole identique a été
palpébrale satisfaisante pour mettre la cornée à l’abri d’une proposé et accepté.
ulcération (fig 5C, D). L’exérèse a emporté toute l’unité jugale droite avec les muscles de la
mimique. La reconstruction a nécessité la montée d’un lambeau libre
Cas n° 6 brachial externe dont les anastomoses ont été faites sur le pédicule
facial.
Ce jeune homme de 18 ans présente une malformation
artérioveineuse jugale droite. Les premiers symptômes sont apparus Le résultat est satisfaisant, même si la joue a perdu une grande
vers l’âge de 12-13 ans avec une petite tuméfaction battante. Cette partie de sa mobilité. Le recul à 20 mois reste rassurant.
malformation a augmenté progressivement de volume au cours de
la puberté jusqu’à l’apparition d’un bourgeon jugal charnu Cas n° 7
hémorragique (fig 6A). La malformation était alors vascularisée par Cet homme de 43 ans présente une malformation artérioveineuse
l’artère faciale droite. Une exérèse précédée d’une embolisation du cuir chevelu et du front (fig 7A, B). Le diagnostic a été porté vers
sélective artérielle endovasculaire a été réalisée devant l’évolutivité l’âge de 16-17 ans devant l’existence d’une tuméfaction battante
à l’âge de 16 ans. La résection a été large, suivie d’une reconstruction médiofrontale. Cette malformation est restée quiescente, sans
par lambeau de glissement. Malheureusement, les symptômes sont évolution clinique durant de nombreuses années. À l’âge de 41 ans,

5
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face

*
A *
B *
C *
D

4 Femme de 47 ans présentant une malfor-


mation artérioveineuse de la paupière supé-
rieure gauche qui évolue depuis plusieurs an-
nées et gêne la vision de la patiente. Les veines
artérialisées donnent à la malformation artério-
veineuse un aspect inquiétant. La résection
de la malformation artérioveineuse infiltrant
le muscle orbiculaire a été large puisque extra-
* conique et précédée d’une embolisation avec
F
une compression manuelle des vaisseaux effé-
rents. La reconstruction a nécessité une simple
greffe de peau totale.

*
E

problèmes médicaux, le traitement a été différé et la malformation a


continué à s’étendre. L’importance de l’exérèse chirurgicale ne
pouvait pas permettre une reconstruction par des lambeaux locaux
ayant subi une expansion cutanée. La vaste résection de la
malformation artérioveineuse est précédée d’une embolisation
endovasculaire réalisée par voie percutanée avec compression
manuelle des angles internes des orbites afin d’éviter une migration
des emboles. La reconstruction a nécessité l’utilisation d’un lambeau
libre anastomosé (fig 7E). Dans notre cas, le lambeau musculaire de
grand dorsal, recouvert d’une greffe de peau totale afin de diminuer
*
A *
B l’épaisseur d’un lambeau musculocutané, a été choisi. Ce lambeau a
été anastomosé sur des branches du pédicule carotidien externe
droit. Le résultat est stable à 16 mois (fig 7F, G). La surveillance est
rendue nécessaire par le risque de récidive malgré une résection
large.

Malformations veineuses
Les malformations veineuses se présentent sous l’aspect de nappe
bleutée, dépressible, augmentant de volume en position déclive,
c’est-à-dire quand la pression s’élève. Elles sont aussi appelées
capillaroveineuses.
*
C *
D Les formes sont :
5 Enfant de 6 ans présentant une malformation artérioveineuse de la totalité de la – soit localisées généralement aux lèvres, aux paupières et à la
paupière supérieure droite évolutive dont le risque visuel est évident. Une chirurgie
d’exérèse de la totalité de la malformation artérioveineuse précédée d’une embolisation langue [18, 19] ;
a emporté les deux tiers inférieurs de la paupière. La reconstruction a nécessité la prise – soit diffuses et infiltrantes, le plus souvent dans la région
d’un lambeau palpébral bipédiculé. temporomassétérine, jugolabiale et orbitaire.
L’évolution est progressive et lente tout au long de la vie. Elle est
sans cause apparente, le volume et l’étendue de la tuméfaction ont
marquée par une augmentation de volume du fait d’une dilatation
augmenté progressivement pour atteindre la racine frontale du cuir
des poches veineuses qui sont moins bien contenues par les masses
chevelu. L’artériographie carotidienne externe et interne droite et
musculaires. Les phlébolithes sont créés par des thromboses
gauche montre l’apparition d’un important blush médiofrontal
spontanées dans les poches veineuses. Ils provoquent souvent des
s’étendant de la glabelle au cuir chevelu dont les vaisseaux
douleurs et des augmentations des poches veineuses.
nourriciers proviennent des artères temporales superficielles et
surtout des branches des artères ophtalmiques (fig 7C). La Le préjudice fonctionnel, morphologique et psychologique est
malformation est purement extracrânienne comme le confirment parfois important en fonction de la localisation et de l’extension.
l’angiographie et l’IRM (fig 7D). Devant l’évolutivité de la Certaines localisations par effet de masse provoquent des
malformation, un protocole thérapeutique est proposé associant une déformations squelettiques, notamment maxillaire et orbitaire. Elles
embolisation et une chirurgie d’exérèse avec expansion cutanée pour sont responsables de troubles de l’occlusion (béances, inversés
permettre la reconstruction par des lambeaux locaux. Pour d’autres d’occlusion, versions dentaires) et d’énophtalmie. Ces déformations

6
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
6 Patient de 18 ans présentant une malformation artério-
veineuse de la joue droite qui était responsable de saignement.
Une exérèse en « tissu sain » a été réalisée avec fermeture
par simple rapprochement des berges. Cependant, 18 mois
après ce protocole thérapeutique, la malformation artériovei-
neuse est réapparue devenant très évolutive durant la puberté.
Le traitement a consisté en une embolisation suivie d’une exé-
rèse de la quasi-totalité de la joue. La reconstruction a néces-
sité la prise d’un lambeau libre brachial anastomosé aux vais-
seaux du cou.

*
A *
B

*
C

*
D *
E

squelettiques s’installent au moment de la croissance [4] . Les QUELS SONT LES PRINCIPES ET LES MÉTHODES
malformations veineuses cervicales et notamment oropharyngées DE TRAITEMENT DES MALFORMATIONS VEINEUSES ?
sont parfois très gênantes en position couchée, provoquant des La prise en charge des malformations capillaroveineuses dépend de
troubles de l’élocution, de la déglutition et surtout des syndromes nombreux facteurs qui sont difficiles à exposer de façon exhaustive,
d’apnées du sommeil. tant les formes sont variées.
L’IRM est l’examen complémentaire essentiel au diagnostic, quel que Cependant, il faut distinguer les malformations veineuses à grandes
soit le siège de la malformation [15]. Une malformation veineuse poches de celles à petites poches constituées de multiples
donne un hypersignal intense sur les séquences pondérées en T2, phlébectasies. En effet, les malformations à grandes poches se
alors que la graisse est en hyposignal sur cette même séquence. Au comportent comme de véritables éponges dilacérées qui rendent
contraire, la malformation artérioveineuse donne une absence de difficiles l’embolisation et la chirurgie du fait de l’importance du
signal, témoignant de la rapidité du flux sanguin, que la séquence saignement. Certaines localisations imposent un traitement pour des
soit en T2 ou en écho de spin (SE)/T1. raisons fonctionnelles, voire vitales. La localisation oropharyngée et
Le scanner en procubitus permet aussi une étude de l’extension de linguale entraîne parfois des troubles respiratoires avec syndrome
la malformation mais surtout des déformations squelettiques. d’apnées du sommeil majeur nécessitant le recours à la

7
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
7 Patient de 43 ans présentant une malformation artérioveineuse étendue
du front et du cuir chevelu qui évolue progressivement et justifie donc la prise
en charge. Une embolisation artérielle endovasculaire et par ponction directe
a permis une résection de la totalité du front. La reconstruction a nécessité
la pose d’un lambeau musculaire de grand dorsal associée à une greffe de peau
totale.

*
A *
B

*
C *
D *
E

*
F *
G

trachéotomie, notamment en cours de traitement. La localisation s’assèchent pas, voire même se remplissent en augmentant de
palpébrale ou du cône orbitaire peut provoquer une amblyopie, volume. Cette technique doit être évitée dans les localisations
voire une cécité. La chirurgie n’est pas toujours aisée et palpébrales rétroseptales mais aussi préseptales. Dans les
l’embolisation dangereuse par le reflux du produit dans les veines malformations veineuses de petite taille, la chirurgie garde des
ophtalmiques. Les localisations avec déformations squelettiques indications par son caractère radical et évite tout risque de diffusion
entraînent des troubles de la mastication associés à une incontinence du produit sclérosant. L’injection d’Aetoxisclérolt s’effectue sous
salivaire. Le traitement associe généralement orthodontie, contrôle scopique dans les localisations à risque.
embolisation, chirurgie orthognathique et des tissus mous, prothèse, – Dans les formes de volume modéré, l’embolisation sclérosante par
rééducation linguale… Il s’agit bien d’une prise en charge voie percutanée est parfois suffisante pour provoquer une régression
pluridisciplinaire. Enfin, l’importance de l’extension de la d’une malformation veineuse à grandes et moyennes poches. Dans
malformation veineuse dans les tissus mous influence le choix des les autres cas, elle constitue une préparation à un geste chirurgical
méthodes thérapeutiques. d’exérèse et n’a que peu d’effet dans les malformations veineuses à
– Dans les formes de petite taille, la sclérose à l’aide d’Aetoxisclérolt petites poches.
à 3 % (polidocanol) permet une bonne décoloration et sclérose de la – L’Éthibloct, produit sclérosant dérivé du maïs, a une indication
poche. La régression de la malformation nécessite parfois plusieurs intéressante dans ces cas car il se résorbe en plusieurs semaines en
procédures ; dans certains cas, là où les poches veineuses ne fonction de la localisation et des individus [6, 27]. Il est injecté par voie

8
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
percutanée sous contrôle scopique et entraîne une réaction
gigantocellulaire inflammatoire. L’association d’une compression
cutanée permet d’éviter la diffusion incontrôlée du produit en
fonction des interconnexions vasculaires. L’adjonction d’alcool
absolu accentue l’effet sclérosant de l’Éthibloct. La malformation
veineuse de localisation profonde et disséminée, difficilement
accessible à un geste chirurgical non délabrant, est la meilleure
indication de la sclérose par injection d’Éthibloct. Cette procédure
doit être répétée plusieurs fois à 4 à 6 semaines d’intervalle. *
A *
B
Cependant, la réponse sclérosante est parfois faible, voire nulle 8 Patiente de 37 ans présentant une malformation veineuse labiale inférieure limi-
cliniquement, chez certains patients. Le produit peut fistuliser à la tée à la zone rouge. Le traitement a été réalisé sous anesthésie locale et a consisté en une
peau dans de rares cas [19]. résection suivie d’un lambeau en « H ».
– L’alcool absolu par voie percutanée, dont l’efficacité sclérosante
est majeure, doit être manipulé avec précaution. Les nécroses
tissulaires et les atteintes nerveuses (paralysie faciale) sont à
redouter, surtout dans les malformations veineuses associées à une
atteinte du plan cutané. L’injection est toujours précédée par un
contrôle phlébographique. Cette technique doit être réservée aux
praticiens expérimentés. L’efficacité de l’injection d’Aetoxisclérolt
mélangé à du Spongelt ou des spires métalliques n’a jamais été
probante dans ces formes de volume modéré. D’ailleurs, il faut
absolument proscrire l’emploi de spires ferromagnétiques qui sont
responsables d’importants artefacts à l’IRM, rendant difficile tout
contrôle évolutif de la malformation.
– Le traitement de certaines formes à volume modéré, notamment *
A *
B
en cas d’échec de la sclérothérapie et de malformations veineuses à 9 Patiente de 71 ans présentant une malformation veineuse de l’hémilèvre rouge
petites poches, nécessite l’association d’une embolisation percutanée et blanche qui évolue progressivement. Actuellement, la patiente est gênée par le
à un geste chirurgical. Quand un geste chirurgical est programmé, volume et la sécheresse labiaux. Plusieurs scléroses à l’Aetoxisclérolt ont permis
l’embolisation peut se faire indifféremment avec l’Éthibloct ou de ralentir l’évolution. Cependant, seule une résection chirurgicale partielle de la
l’Histoacrylt. Dans tous les cas, la totalité du produit d’embolisation malformation peut remettre la lèvre en fonction.
doit être enlevée lors de la chirurgie. La chirurgie d’exérèse ne doit
pas intéresser toute la malformation veineuse si elle devient – La correction des déformations squelettiques s’intègre dans ces
mutilante et aggraver la morphologie et la fonction faciales. La protocoles thérapeutiques. Elle nécessite un traitement
mobilité musculaire doit toujours être restaurée car elle permet de orthodontique suivi d’une chirurgie orthognathique. Généralement,
contenir le reste de la malformation. Dans les atteintes palpébrales, il est préférable de corriger d’abord la malformation squelettique et
la chirurgie est réalisée souvent sans embolisation. Si l’embolisation d’adapter les tissus mous à cette nouvelle situation. En fait, le
est indiquée, elle nécessite un contrôle angiographique percutané protocole thérapeutique doit être adapté à chaque cas avec les
avant l’injection du produit sclérosant. Une modification du flux moyens disponibles. Ce protocole est clairement défini lors des
sanguin peut toujours se produire durant la sclérose par fermeture consultations pluridisciplinaires.
des vaisseaux. La chirurgie associe généralement une exérèse à une
plastie de glissement-rotation et/ou une greffe de peau totale. La Cas n° 8
dissection microchirurgicale des plans antérieurs (muscles
extraoculaires, conjonctive, peau) ne pose pas trop de problème de Cette femme de 37 ans présente une malformation veineuse labiale
saignement, contrairement aux deux tiers postérieurs de l’orbite. inférieure bien limitée de 12-13 mm de diamètre (fig 8A). La gêne
Dans une forme modérée localisée à la joue, l’ablation de la boule est essentiellement esthétique. Le traitement, ne nécessitant aucun
de Bichat peut symétriser le visage. examen complémentaire, consiste, soit en une ou plusieurs injections
d’Aetoxisclérolt, soit en une exérèse chirurgicale. Cette patiente a
– Dans les formes volumineuses et étendues, le protocole opté pour la technique chirurgicale réalisée sous anesthésie locale.
thérapeutique associe le plus souvent une ou plusieurs L’exérèse a été suivie d’une reconstruction par un lambeau en « H »
embolisations percutanées à un geste chirurgical de la avec résections triangulaires inférieures (fig 8B).
malformation [9]. Son risque est représenté par la décompensation
de la coagulation intravasculaire latente par défaut de libération de
Cas n° 9
l’activateur endothélial de la fibrinolyse lors de la chirurgie. Une
embolisation artérielle endovasculaire 24 à 48 heures avant l’acte Cette femme de 71 ans présente une malformation veineuse de
chirurgical diminue encore le risque de saignement. l’hémilèvre inférieure droite (fig 9A). La patiente est gênée par le
volume de cette malformation entraînant un « ectropion » de la lèvre
– L’envahissement de l’oropharynx et de la langue s’accompagnant
inférieure et une sécheresse buccale. Aucun examen n’est utile pour
d’une apnée du sommeil nécessite une embolisation à l’Éthibloct
le diagnostic et le traitement. La malformation étant relativement
suivie d’une chirurgie d’exérèse et le plus souvent d’une
limitée à la lèvre rouge débordant sur la lèvre blanche, plusieurs
trachéotomie. L’atteinte de la langue est responsable d’une béance,
tentatives de sclérose ont été tentées à l’Aetoxisclérolt. En fait,
non seulement du fait de son augmentation de volume mais aussi
l’efficacité n’a pas été cliniquement évidente et au contraire la
de la respiration buccale prédominante. Il faut donc s’abstenir des
malformation a continué à augmenter de volume en 2 ans. La
résections larges et mutilantes de la langue quand la malformation
patiente ne présentant aucune autre pathologie, une résection
veineuse est à grandes poches.
chirurgicale a été proposée. La résection précédée d’une sclérose
– À part, l’exophtalmie, due au gonflement des poches percutanée a emporté un tiers de lèvre rouge et blanche. La
intraorbitaires extraconiques qui communiquent avec la reconstruction par des lambeaux locaux associée à une plastie en «
malformation de la fosse ptérygomaxillaire par la fente Z » et surtout une suture fonctionnelle des muscles a permis de
sphénopalatine lors des efforts et de la position en décubitus, peut rétablir une morphologie satisfaisante de la lèvre (fig 9B). La
être traitée en partie par la sclérothérapie des poches superficielles. malformation n’a pas été réséquée en totalité afin de ne pas mutiler
Généralement, en position debout, il existe une énophtalmie. la lèvre puisqu’il s’agit bien d’une pathologie bénigne.

9
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
sclérose à l’Éthibloct sont indiquées et proposées aux parents.
D’autres types de sclérose peuvent être discutés tels que
l’Histoacrylt, immédiatement suivis de l’acte chirurgical d’exérèse
ou l’injection percutanée d’alcool absolu dont le risque élevé dans
cette forme de malformation veineuse doit être connu. Devant cette
importante malformation qui infiltre toutes les masses musculaires
avec de nombreuses grandes poches, la sclérose est complétée par
une embolisation artérielle endovasculaire hypersélective afin de
*
A *
B diminuer le saignement durant le geste chirurgical. La résection
large a emporté les trois quarts de la malformation par une incision
en « VW ». La reconstruction musculaire est particulièrement
importante à cet âge afin de normaliser au mieux la croissance
faciale. Le résultat est spectaculaire (fig 11B). Il est certain que cet
enfant devra être suivi jusqu’à l’âge adulte.

Cas n° 12
Cette jeune femme de 27 ans présente une malformation veineuse
*
C *
D du tiers inférieur de l’hémiface gauche siégeant à l’hémilèvre
10 Patient de 68 ans présentant une malformation veineuse de la totalité de la lèvre gauche, la région commissurale, le menton, la région cervicale, la
inférieure. Après plusieurs scléroses à l’Éthibloct sans succès, une chirurgie d’exérèse cavité buccale (hémilangue gauche) et la moitié gauche de
avec reconstruction par des lambeaux locaux a été réalisée. l’oropharynx (loge amygdalienne et voile du palais). Cette
malformation développée au cours de la croissance a subi de
Cas n° 10 multiples traitements avant que nous l’examinions pour la première
Cet homme de 68 ans présente une malformation veineuse de la fois. La malformation a subi une radiothérapie durant l’adolescence
totalité de la lèvre inférieure respectant les commissures (fig 10A, B). suivie quelques années plus tard d’embolisations endovasculaires et
Le patient est gêné par la sécheresse labiale et l’aspect de chirurgie d’exérèse emportant une partie importante de la lèvre
particulièrement inesthétique de cette lèvre. Devant l’étendue de la inférieure et du menton. De plus, les artères faciale et linguale
malformation, plusieurs scléroses à l’Éthibloct par ponction directe gauche ont été ligaturées. Lors de la première consultation, la
ont été réalisées de nombreuses années auparavant. Une patiente présente une importante malformation veineuse associée à
amélioration partielle a été apportée. Cependant, le volume de cette une dysmorphose dentosquelettique (béance dentaire antérieure de
malformation a augmenté avec l’âge ce qui a motivé une nouvelle molaires à molaires sur une face longue) (fig 12A, B, C). La
consultation. Une résection de la malformation avec reconstruction dynamique des lèvres est perturbée par cette face longue et les
par des lambeaux locaux a été proposée, le patient étant prévenu résections de la malformation emportant les muscles. Le ronflement
d’une probable résection partielle. La chirurgie a consisté en une nocturne et les pauses respiratoires durant le sommeil motivent un
résection transfixiante du tiers médian de la lèvre rouge et blanche enregistrement polysomnographique confirmant un syndrome
et latéralement de la muqueuse labiale envahie par la malformation, d’apnée du sommeil, secondaire notamment à la localisation
laissant libre le reste du muscle orbiculaire. La reconstruction linguale et oropharyngée.
musculaire a été associée à une vermilloplastie. Le résultat est La prise en charge de cette malformation veineuse a comporté dans
satisfaisant et la fonction labiale normalisée (fig 10C, D). un premier temps la correction de la dysmorphose
dentosquelettique induite par la pathologie veineuse puis
Cas n° 11 l’harmonisation des tissus mous et le traitement des apnées du
sommeil.
Cet enfant de 5 ans présente une volumineuse malformation
veineuse de la joue gauche et du tiers inférieur de la face (fig 11A). La dysmorphose a nécessité la combinaison d’un traitement
Le diagnostic est évident devant cette masse bleutée, augmentant orthodontique et d’une ostéotomie du maxillaire type Le Fort I et
de volume en position proclive et non battante. Si l’artériographie d’une génioplastie. Ce protocole a été délicat en raison d’une
n’apporte rien au diagnostic, l’IRM est indispensable pour faire le ouverture de bouche limitée par la résection labiale inférieure et des
bilan d’extension mais ne doit pas se substituer à un examen muscles de la houppe du menton. Le saignement a été relativement
clinique complet avec examen du larynx et de l’hypopharynx. À cet important malgré les scléroses percutanées à l’Éthibloct mais sans
âge, une malformation veineuse de ce type va entraîner des troubles nécessité de transfusion sanguine (fig 12D, E).
de croissance, notamment squelettiques. Les dysmorphoses L’harmonisation des lèvres a été difficile en raison de la résection
dentosquelettiques avec malocclusion sont très fréquentes. Il est partielle des muscles buccinateur et triangulaire des lèvres. Le
donc nécessaire de prendre en charge précocement la malformation. sourire reste malgré tout asymétrique (fig 12F, G, H). Enfin, la prise
Une résection chirurgicale large précédée de plusieurs séances de en charge du syndrome d’apnée du sommeil a consisté en une

11 Enfant de 5 ans présentant une volumineuse malforma-


tion veineuse qui risque d’entraîner de graves troubles
de croissance de la face. Un traitement précoce était donc né-
cessaire. L’importante résection a été précédée d’une embolisa-
tion artérielle endovasculaire et percutanée. La reconstruction
musculocutanée a pu se faire par des lambeaux locaux.

*
A *
B

10
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face

*
C

*
A *
B

*
D *
E

*
F *
G *
H
12 Patiente de 27 ans présentant une malformation veineuse des deux tiers inférieurs de l’hémiface gauche traitée à plusieurs reprises. Cette patiente a un triple problème : une
dysmorphose dentosquelettique avec malocclusion, une dynamique labiale perturbée par la malformation veineuse et les résections musculaires et un syndrome d’apnée du sommeil.
La prise en charge a été globale, nécessitant une orthodontie, une chirurgie des maxillaires, une reconstruction des lèvres par des lambeaux locaux et une résection du voile et de la
langue.

amygdalectomie droite, une uvulopharyngectomie partielle et une temps, une série d’embolisation à l’Éthibloct de la malformation
glossectomie latérale partielle après embolisation par ponction veineuse siégeant dans la fosse ptérygomaxillaire a asséché
directe d’Histoacrylt. partiellement la localisation orbitaire. Puis on a fait un geste
chirurgical corrigeant l’énophtalmie par une greffe de cartilage du
Cas n° 13 plancher de l’orbite et l’ectropion de la paupière inférieure par une
greffe de cartilage prolongeant le tarse inférieur. Le résultat est
Cette jeune fille de 18 ans présente une malformation veineuse
satisfaisant et stable, bien que la malformation n’ait pas été enlevée
intraorbitaire extraconique gauche se prolongeant dans la fosse
(fig 13B).
ptérygomaxillaire par la fente sphénopalatine élargie. En position
debout, la patiente a une énophtalmie (fig 13A) ; à l’inverse, en
Cas n° 14
position proclive, une exophtalmie. La gêne est surtout esthétique et
finalement peu visuelle. L’abord chirurgical de ce type de Cet homme de 27 ans présente une malformation veineuse de la
malformation est difficile et très hémorragique en raison de sa moitié de la paupière inférieure (fig 14A). Elle infiltre l’orbiculaire
localisation. Un protocole chirurgical associé à plusieurs scléroses a prétarsal et préseptal dans sa moitié externe. La gêne fonctionnelle
permis d’améliorer sensiblement la patiente. Dans un premier et esthétique motive un traitement chirurgical. La sclérose par

11
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
13 Patiente de 18 ans présentant une malformation vei-
neuse intraorbitaire et extraconique se prolongeant dans
la fosse ptérygomaxillaire. Le traitement a consisté en une sclé-
rose de la malformation veineuse ptérygomaxillaire suivie
d’une greffe de cartilage palpébral et du plancher de l’orbite.

*
A *
B

certains angiomes plans ont subi une irradiation dans le passé,


responsable du développement d’épithéliomas basocellulaires.
L’apparition des traitements au laser, notamment du laser à colorant,
a modifié la prise en charge de ces angiomes. Des progrès sont
encore attendus dans ce domaine.
– L’hypertrophie des tissus mous relève d’une chirurgie d’exérèse
associée à une reconstruction par lambeaux locorégionaux [24]. Ce
geste thérapeutique ne nécessite pas d’embolisation préalable ni
*
A *
B d’artériographie. Cette correction chirurgicale intéresse le plus
14 Patient de 27 ans présentant une malformation veineuse du tiers externe de la souvent les lèvres et les joues. Il est difficile de normaliser l’épaisseur
paupière inférieure droite. La résection de la malformation veineuse a été suivie d’une des lèvres malgré des interventions itératives. Avec le vieillissement,
reconstruction par lambeau de Mustardé. il apparaît généralement des nodules qui peuvent être enlevés
chirurgicalement.
ponction directe n’est pas proposée en raison des risques oculaires – La malocclusion dentaire, associant à des degrés divers une
et de l’étendue de la pathologie. La résection de la malformation béance, une classe III par prognathie mandibulaire, une bascule du
veineuse a intéressé une partie de la paupière inférieure avec le plan d’occlusion dans le plan frontal par croissance exagérée d’un
tarse. La reconstruction a été réalisée à l’aide d’un lambeau de des maxillaires, nécessite dans la grande majorité des cas un
Mustardé (fig 14B). traitement orthodontique et une chirurgie des maxillaires. Ces
traitements sont rendus difficiles du fait de l’hypertrophie osseuse
et des tissus mous comme la langue. De même, dans ces cas, il est
Malformations capillaires inutile, voire nuisible, de vouloir emboliser le territoire des
maxillaires. Certes, le saignement est plus important que dans une
Les malformations capillaires sont des malformations vasculaires à chirurgie orthognathique classique mais ne nécessite pas une
flux lent intéressant les capillaires. Il s’agit essentiellement des transfusion sanguine.
angiomes plans ou « tache de vin » mais aussi des télangiectasies. – L’hypertrophie gingivale ou de la muqueuse palatine nécessite
une résection généralement au bistouri électrique, une hygiène
– L’angiome plan est présent dès la naissance, d’une couleur rouge
buccale parfaite et une remise en compétence des lèvres.
ou lie-de-vin, de taille variable et prenant souvent l’aspect d’une
« carte de géographie ». Le diagnostic ne pose pas de problème et – Nous voudrions insister sur la nécessité de bien différencier le
reste le plus souvent clinique. Cependant, une augmentation de la « faux angiome plan » de la malformation capillaire. Un geste
chaleur locale et surtout la palpation de battements doivent faire chirurgical mal approprié, voire même des séances de laser, peuvent
craindre une malformation artérioveineuse, c’est-à-dire un faux avoir des conséquences dramatiques pour le patient.
angiome plan. Généralement, l’angiome s’étend au cours de la – À part, la maladie de Rendu-Osler, dont la conséquence est
croissance. Dans la région cervicofaciale, l’angiome plan essentiellement l’épistaxis, est de prise en charge difficile. Il faut
s’accompagne fréquemment d’une hyperplasie des tissus mous, en éviter les cautérisations endonasales intempestives. Les
particulier de la gencive, de la fibromuqueuse palatine, du plan embolisations par ponction directe sont parfois suffisantes [3]. Le
musculocutané, notamment labial, mais aussi des tissus osseux. La recours aux embolisations endovasculaires avec ligatures
croissance des maxillaires est souvent augmentée en regard de chirurgicales des artères ethmoïdales est parfois justifié. Les
l’angiome provoquant des asymétries faciales, des troubles de résections muqueuses avec greffes cutanées ont été abandonnées.
l’occlusion dentaire et des incompétences labiales. Cette absence de
contact bilabial au repos ne fait qu’aggraver l’hypertrophie gingivale Cas n° 15
par la respiration buccale prédominante. Cette jeune fille de 16 ans présente une malformation capillaire du
tiers inférieur de la face (fig 15A, B). Cet angiome plan est
– Les télangiectasies correspondent à une forme simple de
responsable de l’hypertrophie osseuse et des tissus mous de la lèvre
malformation capillaire dont l’élément unitaire est l’angiome
inférieure (plan musculaire et cutané). La correction a consisté dans
stellaire. Elles peuvent s’associer à une composante
un premier temps en un repositionnement de la symphyse
hyperkératosique dans les angiokératomes ou correspondre à une
mentonnière pour rechercher une occlusion labiale (fig 15C, D).
anomalie structurale dans les formes disséminées de la maladie de
Rendu-Osler [16]. Cas n° 16
– L’angiome plan peut être l’un des symptômes d’un syndrome Ce jeune adulte de 17 ans présente une malformation capillaire
dont le plus connu est le Sturge-Weber. (angiome plan) du tiers inférieur de la face intéressant la gencive
inférieure droite. Cette gencive hypertrophique est secondaire à
l’angiome plan (fig 16A). Cette hypertrophie est aggravée par
QUELS SONT LES PRINCIPES DE TRAITEMENT l’absence d’hygiène et l’inocclusion labiale. Le traitement a consisté
DES MALFORMATIONS CAPILLAIRES ?
en une résection chirurgicale au bistouri électrique, une meilleure
– L’angiome plan banal ne relève plus d’exérèse suivie d’une greffe hygiène et une génioplastie pour retrouver une compétence labiale
cutanée ou d’un lambeau, en dehors de cas particuliers. En effet, (fig 16B).

12
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
15 Jeune fille de 16 ans présentant une malformation capillaire du tiers in-
férieur de la face avec hypertrophie labiale et osseuse. Dans un premier temps,
une génioplastie a été réalisée puis une harmonisation des tissus mous.

*
A *
B

*
C *
D

16 Patient de 17 ans présentant le même aspect clinique que le cas n° 15


mais avec une hypertrophie de la gencive. Le traitement a nécessité une ré-
section gingivale, une amélioration de l’hygiène dentaire et une génioplastie.

*
A *
B

Malformations lymphatiques une composante veineuse. À l’IRM, la malformation apparaît en


hypersignal en séquences pondérées T1 et en hyposignal en
séquences T2.
Les malformations lymphatiques ou lymphangiomes cervicofaciaux
sont de trois types : les lymphangiomes microkystiques, tissulaires,
composés de vaisseaux lymphatiques de type capillaire, les QUELS SONT LES PRINCIPES DE TRAITEMENT
lymphangiomes macrokystiques ou hygromas et les lymphangiomes DES LYMPHANGIOMES ?
de forme mixte. Les lymphangiomes microkystiques se présentent – Le traitement des formes macrokystiques peut relever d’une
sous forme d’une tuméfaction infiltrant la peau parsemée en surface sclérose à l’Éthibloct après évacuation et opacification du kyste [21].
de vésicules claires ou hématiques. Ils se localisent le plus souvent à La réaction inflammatoire est constante et dure quelques jours puis
la parotide, à la langue, au plancher de la bouche et à l’orbite. Les une régression progressive apparaît. Dans certains cas, le produit
lymphangiomes macrokystiques se développent dans des régions où s’extériorise de façon aseptique et nécessite le plus souvent un
le tissu est lâche, c’est-à-dire dans la région cervicale. La tuméfaction drainage. Cet acte est réalisé sous anesthésie générale et évite donc
cervicale est indolore, fluctuante, transilluminable et n’augmente pas la rançon cicatricielle de la chirurgie. D’autres produits sont
à la toux et à la position déclive. Les poussées inflammatoires proposés comme la bléomycine, la colle de fibrine, l’OK432
provoquent une augmentation parfois importante de la (Streptococcus pyogènes) [23, 24]… Cependant, certaines formes sont
malformation et sont particulièrement gênantes quand elle est rebelles à ces traitements. Une chirurgie est alors proposée. Le geste
localisée à la langue ou à l’orbite (exophtalmie). Les localisations chirurgical est facile quand il s’agit d’une forme bien limitée, non
faciales s’accompagnent d’hypertrophie osseuse et donc d’asymétrie infectée.
du visage. La localisation linguale est souvent responsable de – Les formes microkystiques ou mixtes sont beaucoup plus difficiles
béances dentaires. Le volume du lymphangiome peut rester stable à traiter et souvent de traitement chirurgical [25, 30]. Les scléroses n’ont
en dehors des poussées inflammatoires mais généralement pas d’efficacité. La chirurgie d’exérèse est délicate du fait de
augmente progressivement durant la croissance. l’absence de plan de clivage et les lésions nerveuses sont fréquentes.
L’échographie n’a d’intérêt que dans les formes macrokystiques Il est préférable de faire une exérèse incomplète plutôt que de
recherchant une extension supramylohyoïdienne. Le scanner et risquer une paralysie faciale, spinale ou linguale. La glossectomie
l’IRM définissent les limites des lymphangiomes tout en recherchant partielle peut permettre la fermeture d’une béance dentaire [20]. Le

13
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face

*
B

*
A *
C

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D *
E *
F
17 Enfant de 6 ans présentant une malformation lymphatique microkystique de la langue et de son plancher responsable de l’importante béance dentaire et incompétence labiale.
La sévérité de la dysmorphose dentosquelettique a justifié la fermeture de la béance par une ostéotomie mandibulaire.

traitement peut relever de l’application de certains laser Yag de Cas n° 18


surface ou Yag interstitiel ou intraluminal ou encore de la
Cet enfant de 8 ans présente une malformation lymphatique de type
cryothérapie [2]. Les localisations orbitaires peuvent être responsables mixte (macro- et microkystique) de la région préparotidienne
d’amblyopie et de cécité. Le traitement est chirurgical et cherche (fig 18A, B). L’augmentation de volume, les poussées inflammatoires
avant tout à éliminer les plus gros kystes. Cependant, le traitement et l’aspect inesthétique ont motivé la prise en charge thérapeutique.
est très difficile car la malformation est mal limitée et envahit les Le traitement a consisté en une sclérose percutanée d’Éthibloct.
structures environnantes. Cependant, cette injection a été suivie d’une extériorisation du
produit sclérosant. Une évacuation chirurgicale a permis la
Cas n° 17 fermeture de la fistule et la disparition de la tuméfaction (fig 18C,
D).
Cet enfant de 6 ans a consulté pour une importante malformation
lymphatique microkystique de la langue et de son plancher
responsable d’une importante béance dentaire antérieure (fig 17A,
B). Une glossectomie partielle a été réalisée antérieurement, dans un
Hémangiomes
autre service, sans modification notable de la béance. Une
artériographie avec embolisation endovasculaire a été également Ces tumeurs vasculaires sont très fréquentes chez le nourrisson et
l’enfant. Les filles sont plus touchées que les garçons. Plus
pratiquée, sans efficacité durable dans ce type de malformation. La
l’hémangiome est volumineux et étendu, plus le ratio s’élève :
consultation a été motivée par les très nombreuses poussées
6,6 filles/1 garçon. En fait, seulement 20 % des cas vont être traités
inflammatoires linguales avec augmentation de volume entraînant
du fait de la régression spontanée des autres cas.
la prise répétée de corticoïdes et d’antibiotiques. De plus, cette
exposition continue de la langue à l’air favorisait sa dessiccation et Ils apparaissent quelques jours ou quelques semaines après la
son agression microbienne. Cette situation très pénalisante pour naissance et leur évolution se fait classiquement en trois phases
successives :
l’enfant a motivé la correction de la béance dentaire malgré le jeune
âge du patient, pouvant perturber classiquement la croissance. La – une phase évolutive durant quelques mois, généralement jusqu’au
fermeture de la béance ne pouvait se faire que par une ostéotomie 6-8e mois ;
sagittale « modifiée » de la mandibule (fig 17C, D). Cette
– une phase de stabilisation durant jusqu’au 22-24e mois ;
intervention a été suivie d’un blocage de 5 semaines devant
l’impossibilité et surtout le risque de modification de la croissance – une phase d’involution progressive qui peut durer jusqu’à 6-8 ans.
en mettant des plaques d’ostéosynthèse en titane. La béance n’a pas Trois grandes formes cliniques sont observées : la forme tubéreuse,
pu être contrôlée totalement en raison de l’endognathie maxillaire. sous-cutanée et mixte.
À 12 ans, la croissance mandibulaire est normale ainsi que l’éruption Les hémangiomes du nourrisson ne nécessitent pas d’examen
dentaire. La béance s’est cependant discrètement aggravée avec le complémentaire en dehors de certaines formes sous-cutanées dont
temps (fig 17E, F). Le volume lingual a spontanément diminué car l’extension doit être précisée. L’IRM et le scanner sont alors prescrits.
les épisodes de poussées inflammatoires se sont raréfiés. En fin de D’une façon générale, la prise en charge des hémangiomes est
puberté, un protocole orthodontique et chirurgical est prévu. beaucoup plus facile que celle des malformations vasculaires.

14
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
18 Enfant de 8 ans présentant une malformation lymphati-
que de type mixte préparotidienne. Le traitement a consisté en
une sclérose à l’Éthibloct suivie d’une évacuation chirurgicale
du fait de l’extériorisation du produit.

*
A *
B

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C *
D

QUELS SONT LES PRINCIPES DE TRAITEMENT – Certaines localisations relèvent d’un traitement particulier. En
DES HÉMANGIOMES ? effet, les hémangiomes globuleux et saillants, inesthétiques, gênant
– Les hémangiomes de taille minime ou moyenne régressent l’axe visuel, repliant le pavillon de l’oreille, déformant le nez, les
complètement avec restitutio ad integrum dans la moitié des cas. Il lèvres ou les structures osseuses sont traités chirurgicalement plus
persiste, dans les autres cas d’évolution spontanée, une cicatrice qui précocement durant la phase de stagnation [11, 29]. Dans ces cas, la
est corrigée chirurgicalement. Dans certaines localisations, résection n’intéresse que l’hémangiome et la cicatrice reste dans la
notamment nasales et palpébrales, une corticothérapie par voie zone lésionnelle pour tenir compte de l’involution à venir. L’angiome
générale, à dose de 2 à 3 mg/kg/j de prednisone pendant quelques « Cyrano » du nez est opéré le plus souvent par voie de Réthi,
semaines ou intralésionnelle de Kenacort retardt, est prescrite. La permettant l’énucléation de l’hémangiome [5]. Lorsque le siège de
chirurgie réparatrice est généralement indiquée en fin de phase l’hémangiome nasal est latéralisé, la rançon cicatricielle doit être
d’involution ou en phase de stabilisation en cas d’atteinte sensorielle placée si possible entre deux unités esthétiques. La chirurgie de
(visuelle ou auditive) ou de l’architecture squelettique et l’hémangiome orbitopalpébral est indiquée devant l’installation
cartilagineuse (nasale) [17]. d’une amblyopie ou la persistance de troubles compressifs. Les
– Les hémangiomes volumineux ou d’évolution rapide nécessitent hémangiomes intraorbitaires compressifs relèvent de la chirurgie
une corticothérapie par voie générale pendant plusieurs semaines. s’ils ne répondent pas aux traitements médicaux. La réduction
Les risques d’une stagnation de la croissance staturopondérale et tumorale peut être obtenue par ligature, voire sclérose, des vaisseaux
des autres effets secondaires de la corticothérapie imposent une nourriciers de l’hémangiome et par résection chirurgicale. Une
surveillance médicale régulière. En cas de corticorésistance, bonne connaissance de l’anatomie de l’orbite permet d’éviter les
l’interféron alpha 2a ou 2b peut être utilisé afin de stopper la éléments musculaires et nerveux. Le recours à l’ophtalmologiste est
prolifération cellulaire [14] . Les effets secondaires peuvent être souvent préférable. La perte des cils est fréquente dans ces
importants (paraplégie). L’interféron ne doit donc être utilisé que localisations palpébrales et est particulièrement inesthétique quand
dans les formes graves. Dans ces cas, le recours à la chirurgie elle atteint la paupière supérieure. La résection d’un hémangiome
réparatrice est très fréquent. L’embolisation n’est utile que dans les labial impose une reconstruction musculaire fonctionnelle afin de ne
formes très étendues sous-cutanées ou mixtes, afin de diminuer le pas perturber la croissance maxillaire. En revanche, la jonction lèvre
saignement. rouge-lèvre blanche est difficile à corriger lorsque la localisation

15
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face

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A *
B

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C *
D
19 Enfant de 18 mois présentant un angiome « Cyrano ». Une résection chirurgi- *
A *
B
cale de la tumeur est réalisée par voie de Réthi afin de minimiser les séquelles nasales. 20 Enfant de 3 ans présentant un hémangiome para-latéro-nasal droit à composante
sous-cutanée. Une résection précoce de la tumeur est justifiée par la déformation du nez
et du maxillaire.
intéresse les deux structures. L’utilisation du Cavitront est parfois
d’un apport intéressant pour préserver les structures « nobles ». Le
laser Yag, en application transcutanée, avec refroidissement continu
par la glace, ou en application interstitielle, semble donner de bons
résultats pour certaines équipes [26]. Les résultats restent malgré tout
très controversés.
– Le traitement des séquelles tardives des hémangiomes après
involution complète relève des techniques de chirurgie plastique
réparatrice classique et ne pose généralement pas de problème. Les
formes sous-cutanées avec résidu fibroadipeux, notamment jugales,
*
A *
B
nécessitent une résection par levée d’un lambeau cutané ou par
liposuccion dans certains cas. Dans les formes mixtes, l’excédent
cutané justifie l’utilisation de la technique du lifting. Les lasers de
resurfaçage pour améliorer les peaux parcheminées et ridées
apportent des résultats inconstants.
– À part, le syndrome de Kasabach-Merritt, caractérisé par une
coagulopathie secondaire de consommation, est responsable
d’hémorragie importante mettant en jeu le pronostic vital. Le
traitement est avant tout médical (corticothérapie, interféron). En cas
d’échec, l’exérèse chirurgicale est discutée.
– Dans tous les cas, il faut résister à la pression des parents qui
attachent une importance prépondérante à l’esthétique de leur *
C *
D
enfant en demandant un traitement précoce préjudiciable pour leur 21 Enfant de 6 ans présentant une séquelle d’hémangiome de la lèvre supérieure.
avenir. En revanche, si la chirurgie précoce peut résoudre le Une plastie de lèvre a été réalisée après résection de la tumeur partiellement involuée.
problème esthétique sans aggravation des séquelles ultérieures, il
est logique de ne pas attendre la longue résorption tumorale. Cas n° 21
Cas n° 19 Cet enfant de 6 ans et demi présente un hémangiome de l’hémilèvre
gauche supérieure dont l’évolution a été spontanée (fig 21A, B).
Cet enfant de 18 mois présente un hémangiome du nez (angiome Devant l’importance de la composante sous-cutanée et la
« Cyrano ») localisé à sa pointe (fig 19A, B). Cet hémangiome est déformation labiale, il est décidé d’intervenir afin de rééquilibrer la
apparu durant la première semaine de la vie et a évolué lèvre. L’ablation chirurgicale partielle de la tumeur associée à une
classiquement. Aucun traitement, en dehors d’une surveillance, n’a résection horizontale cutanée et musculaire a permis de rétablir la
été réalisé. Devant le risque de déformation cartilagineuse à cet âge, symétrie et la fonction labiales (fig 21C, D).
une intervention de résection par voie de Réthi a été pratiquée. Cette
chirurgie doit éviter de disséquer les cartilages alaires en sous-
périchondral. Les crus intermédiaires sont rapprochées en fin
d’intervention (fig 19C, D).
Conclusion

Cas n° 20 Les malformations vasculaires et les hémangiomes cervicofaciaux ont


des évolutions très différentes ainsi que leurs thérapeutiques en fonction
Cet enfant de 3 ans présente un hémangiome para-latéro-nasal droit de multiples critères. Les malformations artérioveineuses restent la
ayant évolué spontanément (fig 20A). Une exérèse est décidée forme la plus difficile à prendre en charge en raison de leur évolutivité
devant la déformation nasale. En période de début d’involution, la brutale et imprévisible. Quant aux malformations veineuses, la
résection se fait en pleine tumeur tout en sachant qu’une chirurgie difficulté réside dans le rétablissement de la fonction et de l’esthétique
d’harmonisation est possible dans plusieurs années (fig 20B). Ceci du patient. Certaines formes de malformations lymphatiques
permet de diminuer la rançon cicatricielle. microkystiques ou de très volumineux hémangiomes à composante

16
Traitement chirurgical des malformations vasculaires superficielles
et des hémangiomes de la face
sous-cutanée peuvent avoir des répercussions esthétiques et moyens thérapeutiques de différentes disciplines. Les malformations
psychologiques dramatiques pour l’enfant et l’adolescent. La prise en vasculaires et les hémangiomes attendent encore beaucoup des progrès,
charge de cette pathologie est d’autant meilleure qu’elle utilise les des moyens thérapeutiques et de la recherche.

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17
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-260]

Chirurgie de la face interne de la joue

Jean-Louis Lefebvre : Chef du département d'oto-rhino-laryngologie et de carcinologie cervicofaciale


Centre Oscar Lambret, 1, rue Frédéric-Combemale, BP 307, 59020 Lille cedex France

Résumé

Les tumeurs malignes de la face interne de joue sont rares, en tout cas en dehors de l'Asie
(et principalement en dehors de l'Inde). La plupart du temps, il s'agit de tumeurs
développées aux dépens de la muqueuse de la face interne de la joue (« buccal mucosa »
des Anglo-Saxons), plus rarement aux dépens des tissus sous-jacents (glandes salivaires
accessoires, par exemple). Ce sont des tumeurs volontiers précédées par des états
précancéreux. Leur pronostic est sombre et leur traitement difficile. Si la chirurgie peut
être indiquée pour l'éradication de lésions précancéreuses, la radiothérapie est largement
utilisée pour le traitement des lésions débutantes. Quand elle est techniquement
réalisable, la chirurgie retrouve une place prépondérante pour les tumeurs évoluées, stade
auquel ces tumeurs sont le plus souvent diagnostiquées. Les récentes avancées de la
chirurgie réparatrice ont considérablement amélioré la qualité de ce traitement chirurgical.

© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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RAPPEL GÉ NÉ RAL

Rappel anatomique
Paroi latérale de la cavité buccale, la face interne de la joue est une surface muqueuse
plane étendue du plan de la commissure labiale, en avant, à celui du trigone rétromolaire,
et du fond du cul-de-sac gingivojugal, en arrière, et du fond des sillons gingivojugaux
supérieurs et inférieurs, en haut et en bas. Elle présente, en regard du collet de la
deuxième molaire supérieure, l'orifice du canal de Sténon.

Elle répond, en profondeur, au muscle buccinateur tendu depuis, en arrière, le raphé


ptérygomandibulaire, les faces ptérygomaxillaire et antérieure du maxillaire et la face
latérale de la mandibule jusqu'à, en avant, la musculature labiale et les téguments de la
région commissurale. En dehors du buccinateur, se trouve un espace cellulograisseux
(contenant les rameaux jugaux du nerf facial et du nerf buccal) lui-même limité en dehors
par le muscle peaucier et les téguments et, en arrière, par la boule de graisse de Bichat, la
mandibule et le muscle masséter (fig. 1). Sous la muqueuse sont disséminés des îlots
glandulaires salivaires accessoires.

La vascularisation est assurée par des branches des vaisseaux faciaux, l'innervation
sensitive par le rameau buccal du nerf temporobuccal, branche du trijumeau, et
l'innervation motrice par les filets jugaux du nerf facial. Le drainage lymphatique se fait
principalement le long des vaisseaux faciaux (avec un possible ganglion génien) vers les
relais ganglionnaires de la région sous-maxillaire, moins souvent directement vers le
groupe sous-digastrique, le drainage vers la région parotidienne étant rare mais non
exceptionnel.

Rappel anatomopathologique

La muqueuse de la face interne de la joue est de type malpighien. Les cancers qui s'y
développent sont, dans la grande majorité des cas, des carcinomes épidermoïdes plus ou
moins différenciés. Beaucoup plus rarement, des tumeurs malignes glandulaires peuvent y
apparaître, ou, encore, des tumeurs mélaniques.

Lésions précancéreuses

Quatre types de lésions précancéreuses peuvent être rencontrés :

les lésions leucoplasiques : taches blanchâtres planes, superficielles et indolores ne


saignant pas au contact, qu'il faut différencier des lésions de mordillement ;
les lésions érythroplasiques : taches rougeâtres, surélevées, parfois un peu
douloureuses au palper et volontiers hémorragiques ;
le lichen plan avec son aspect typique de stries blanchâtres et d'ulcérations
superficielles ;
la fibrose sous-muqueuse : d'aspect scléreux, qui se rencontre essentiellement en
Inde chez les chiqueurs de feuilles de bétel entourant la noix d'arec concassée
mélangée à du tabac, de la chaux éteinte et divers condiments.

Quel qu'en soit le type macroscopique, le diagnostic de lésion prénéoplasique suppose que
la lésion ait été étudiée en totalité, ce qui impose donc sa résection.

Cancers invasifs

La plupart du temps les lésions sont, au début, bourgeonnantes puis en s'étendant


deviennent ulcérées puis peuvent infiltrer toute la joue jusqu'au revêtement cutané. Un
type particulier est relativement fréquent dans cette localisation : le carcinome
verruqueux. Une hypertrophie parotidienne peut être associée, plus par blocage du canal
de Sténon que par envahissement ou métastase ganglionnaire intraparotidienne. Un
trismus peut survenir par extension à la mandibule et aux muscles masticateurs. Des
adénopathies métastatiques sont retrouvées, dans au moins un tiers des cas, dans la
région sous-mandibulaire (parfois en latéromandibulaire, au contact du pédicule facial) ou
en sous-digastrique.
Bilan préthérapeutique

Il appréciera l'extension locale par un examen bidigital (sous anesthésie générale en cas
de forme ulcérée surinfectée) puis tomodensitométrique (TDM), voire en résonance
magnétique nucléaire (RMN) pour mieux apprécier l'extension aux tissus mous. L'examen
radiologique panoramique dentaire vérifiera l'intégrité mandibulaire. L'imagerie des
ganglions cervicaux (échographie, par exemple) n'est requise qu'en cas de cou sans
ganglion palpable et tumeur primitive de petite taille avec discussion sur l'opportunité d'un
traitement prophylactique cervical. La panendoscopie éliminera un second cancer
simultané et la radiographie pulmonaire une diffusion métastatique parenchymateuse.
Enfin un bilan général appréciera les fonctions cardiaques, pulmonaires, hépatiques et
rénales.

La préparation à l'intervention consiste en la correction des tares générales, en la


réalisation des soins dentaires et en une désinfection buccopharyngée.

Indications thérapeutiques

Les lésions supposées prénéoplasiques posent le problème de leur diagnostic. On peut


opter soit pour une surveillance rapprochée rigoureuse soit pour une exérèse pour examen
anatomopathologique complet.

Les lésions classées T1 T2 (moins de 4 centimètres) peuvent être traitées soit par chirurgie
endobuccale soit par radiothérapie (plutôt par curiethérapie interstitielle à l'iridium 192 que
par irradiation externe).

Les tumeurs plus volumineuses, T3 T4, sont plus souvent traitées par chirurgie par voie
externe que par irradiation (électronthérapie associée ou non à une curiethérapie) et, en
tout cas, chaque fois qu'il existe une extension osseuse ou une infiltration cutanée ou un
trismus.

Les volumineuses lésions inopérables sont traitées par irradiation externe ou


chimiothérapie (si possible par voie intra-artérielle) ou les deux combinées. Le traitement
cervical est quasi systématique, qu'il y ait ou non des ganglions palpables. Si la tumeur est
traitée par curiethérapie ou par chirurgie, le traitement des aires ganglionnaires est
chirurgical. Si la tumeur est traitée par irradiation à visée curative, les relais
ganglionnaires sont inclus dans les champs d'irradiation. En cas d'adénopathies
volumineuses, deux options sont possibles : soit curage premier puis irradiation cervicale
et tumorale, soit irradiation première et éventuelle chirurgie sur reliquat ganglionnaire.

La chirurgie parotidienne ne se conçoit qu'en cas de métastase ganglionnaire (ou de


suspicion) intraparotidienne ou en cas d'exérèse large de la joue pour pouvoir disséquer
les branches du facial et en épargner certaines lors de l'exérèse.

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CHIRURGIE D'EXÉ RÈSE

Installation

L'exérèse se fait en milieu chirurgical, en décubitus dorsal.

Seules les petites lésions prénéoplasiques peuvent être réséquées sous anesthésie locale
avec infiltration à la xylocaïne avec (en l'absence de contre-indication cardiovasculaire)
adrénaline à 1 %.

Les autres lésions sont à opérer sous anesthésie générale avec intubation trachéale si
possible par voie nasale. Les exérèses larges et celles portant sur la mandibule doivent
être effectuées sous couvert d'une trachéotomie. On ne saurait que trop conseiller de
commencer l'intervention par ce geste, et mettre en place d'emblée une canule à ballonnet
(numéro 8 ou 10) sur laquelle se branchera la tubulure du respirateur. Cela évite en fin
d'intervention des manipulations inutiles.

En dehors des exérèses limitées, une sonde nasogastrique siliconée est systématiquement
mise en place en début d'intervention de même qu'un méchage endobuccal imbibé d'une
solution antiseptique à usage buccopharyngé qui sera laissé en place jusqu'au moment de
l'exérèse.

Le patient peut alors être définitivement installé en position d'intervention et, après un
classique badigeonnage de la peau, les champs opératoires mis en place.

Techniques d'exérèse

Lésions précancéreuses

Nous n'envisagerons pas le cas de la fibrose sous-muqueuse.

Les autres formes sont relativement facilement extirpables dès lors qu'elles ne sont pas
trop étendues en surface et, surtout, pas étendues aux gencives ou à la commissure
intermaxillaire.

Ces lésions peuvent être soit détruites soit réséquées. Chaque fois que cela est possible il
faut préférer la résection car c'est le seul moyen d'avoir un diagnostic histopathologique
indiscutable.

Si la destruction a été choisie, on peut utiliser soit le bistouri électrique sur le mode
coagulation, soit la vaporisation au laser CO2, soit la cryothérapie qui conserve, ici, une de
ses dernières indications.

Si une résection a été décidée, elle peut être réalisée soit au laser CO2 en mode section,
soit au bistouri électrique en mode section également. Le laser a l'avantage de procurer un
spécimen quasi intact mais ne contrôle pratiquement pas l'hémostase. Le bistouri
électrique, au contraire, permet un meilleur contrôle du saignement mais endommage
davantage la pièce opératoire par brûlure. On pourrait dire que le laser est préférable pour
les lésions leucoplasiques mais que pour les lésions érythroplasiques, le bistouri électrique
est, peut-être, plus adapté. Dans les deux cas, l'exérèse se fait d'avant en arrière en
restant bien parallèle au plan muqueux (comme dans la vermillonectomie pour la lèvre),
au contact du muscle buccinateur (fig. 2 A). Après exérèse, une légère vaporisation ou
coagulation du lit opératoire est réalisée. Il n'y a pas nécessité de couverture par greffe,
mais si la taille du lit opératoire est limitée, une suture bord à bord par des points séparés
de fil résorbable est réalisée.

Le spécimen est, si possible, placé sur un bristol et orienté avant d'être adressé à
l'anatomopathologiste.

L'utilisation de colorants type bleu de toluidine peut aider à repérer les lésions suspectées
et à en apprécier les limites.

Cancers limités

Il s'agit de tumeurs de la face interne de la joue qui n'atteignent ni le sillon gingivojugal


supérieur, ni le sillon gingivojugal inférieur, ni la commissure labiale, ni la commissure
intermaxillaire et qui n'infiltrent pas la joue cutanée.

Les limites tumorales sont soigneusement repérées, un tatouage est souhaitable. L'exérèse
est faite au bistouri électrique (plutôt qu'à lame) en commençant en arrière de la
commissure labiale dont la musculature est respectée. En revanche, le muscle obturateur
est incisé et la dissection se poursuit d'avant en arrière dans l'épaisseur du tissu
cellulograisseux de la joue.
Deux fils sont placés respectivement aux angles antérosupérieur et antéro-inférieur de la
pièce, de façon à pouvoir la tracter vers le bas pour les incisions supérieures, vers le haut
pour les incisions inférieures, ou vers le dedans pour la dissection en profondeur. Il ne
reste, à la fin, qu'une charnière muqueuse verticale postérieure qui est sectionnée en
avant et en dehors de la commissure intermaxillaire, libérant ainsi la pièce opératoire (fig.
2 B).

Le spécimen est orienté et adressé immédiatement à l'anatomopathologiste pour contrôle


extemporané des limites d'exérèse si l'on dispose d'une telle possibilité. Des recoupes sont
effectuées si nécessaire. En fin d'exérèse, il reste un defect creusant la graisse jugale. Si le
canal de Sténon a pu être repéré, il peut être réimplanté mais ce geste est, en pratique,
rarement réalisable, et d'une efficacité discutable. Si une suture bord à bord est possible
sans tension excessive, elle est, ici aussi, réalisée par des points séparés de fil résorbable.
Dans le cas contraire, on peut soit laisser libre cette surface cruentée ce qui facilite la
surveillance ultérieure mais favorise les cicatrices rétractiles, soit couvrir par une greffe de
peau mince (voir ci-dessous) ce qui a les avantages et inconvénients inverses.

Cancers étendus

Il s'agit des tumeurs étendues aux sillons gingivojugaux, voire aux gencives elles-mêmes,
à la commissure labiale, à la commissure intermaxillaire, au revêtement cutané ou, a
fortiori, à plusieurs de ces structures. Nous ne rappellerons pas que le contrôle des limites
d'exérèse par examen extemporané est systématique.

Tumeurs étendues à la gencive supérieure (fig. 3)

L'extension, même superficielle à la gencive supérieure et en dehors de tout


envahissement osseux, pose un difficile problème d'exérèse. En effet, s'il est
possible de décoller à la rugine (type rugine à cloison) la muqueuse de la
gencive, d'une part, et de disséquer la lésion jugale, d'autre part, en revanche la
dissection dans la profondeur du sillon lui-même est malaisée et aveugle (et ce,
d'autant plus que l'on se porte vers l'arrière). Le risque est grand de passer en
tissu tumoral et, à ce niveau, les recoupes sont de réalisation particulièrement
difficile. Qui plus est, après exérèse, les sutures se font quasiment au niveau
alvéolaire, sont fragiles et effacent le sillon, compromettant ainsi tout
appareillage dentaire. Il est donc bien souvent nécessaire de réséquer à la scie
oscillante ou de meuler le rebord alvéolaire et/ou d'inciser la lèvre supérieure sur
la ligne médiane, l'incision étant prolongée autour de l'orifice narinaire (fig. 4 A)
et le lambeau jugal étant ensuite soulevé comme pour l'abord du sinus
maxillaire. Ceci permet d'avoir un angle d'attaque et un jour meilleurs sur le
sillon gingivojugal supérieur.

En cas d'extension osseuse franche, la résection gingivopalatine sera plus large


et réalisée « à la demande » à la scie ou au ciseau frappé. En cas d'extension en
arrière de la tubérosité du maxillaire, il est préférable d'inciser non pas la lèvre
supérieure mais la lèvre inférieure (fig. 4 B) pour soulever un lambeau
jugomentonnier comme dans les buccopharyngectomies transmaxillaires et avoir
ainsi un jour satisfaisant sur la région rétrotubérositaire après résection au
ciseau frappé de la tubérosité surtout si celle-ci est proéminente.

Tumeurs étendues à la gencive inférieure (fig. 5)

Les problèmes sont à peu près identiques. En cas d'extension superficielle à la


seule muqueuse, une simple mandibulectomie marginale est suffisante. Elle peut
être réalisée par voie buccale si les lésions gingivales sont relativement
antérieures, sinon il faut intervenir par voie externe, c'est-à-dire sectionner la
lèvre inférieure sur la ligne médiane, puis contourner la houppe du menton pour
rejoindre l'incision arciforme cervicale sous-mandibulaire (fig. 3 B). Dans ce cas,
la mandibule est progressivement exposée d'avant en arrière jusqu'à 1 cm en
avant de la lésion. La muqueuse du versant lingual de la gencive est incisée puis
ruginée vers le bas. La mandibule est alors sectionnée à la scie oscillante,
arrière comme décrit plus haut.

Au contraire, s'il existe un envahissement important de la mandibule, il faut


réaliser une mandibulectomie interruptrice ou, plus souvent, une
hémimandibulectomie. L'abord ne peut se faire que par voie externe avec la
même incision labiomentonnière que celle décrite ci-dessus. La mandibule est
sectionnée verticalement, sur toute sa hauteur, un centimètre en avant de la
tumeur, l'incision de la muqueuse du plancher de bouche se fait le long de la
mandibule puis celle-ci est à nouveau sectionnée 1 cm en arrière de la tumeur si
l'on a opté pour une simple interruption. Le segment mandibulaire est réséqué en
monobloc avec la tumeur et le curage sous-mandibulaire. Dans le cas plus
fréquent d'une hémimandibulectomie, l'incision du plancher de bouche est
identique puis remonte sur l'angle mandibulaire, sectionne la commissure
intermaxillaire pour rejoindre la face interne de la joue. La tumeur, le curage
sous-mandibulaire sont réséqués en restant solidaires de l'hémimandibule.
L'exérèse se termine par la désarticulation.

Tumeurs étendues à la commissure labiale (fig. 6)

L'infiltration de la région commissurale est appréciée au doigt. Au crayon


dermographique ses limites sont dessinées sur la peau. Le vermillon est
sectionné, perpendiculairement à son grand axe, en haut et en bas, 1 cm en
dehors des limites macroscopiques de la lésion. Sur le versant cutané de la lèvre
les incisions sont prolongées jusqu'à rejoindre un arc de cercle dessiné sur la
région génienne, 1 cm en arrière des limites de l'infiltration tumorale repérée
auparavant. Sur le versant muqueux, l'incision rejoint la face interne de la joue
avec la marge de sécurité classique en dehors de la tumeur. L'exérèse est
réalisée en arrière en passant dans l'épaisseur de la joue.

Tumeurs étendues à la commissure intermaxillaire

L'exérèse est identique à celle des tumeurs étendues à la gencive inférieure et


nécessitant une hémimandibulectomie. Ici la section muqueuse passe plus au
large sur le pilier antérieur de l'amygdale pour assurer des limites correctes
autour de la commissure intermaxillaire.

Tumeurs étendues à la peau

Ce sont les tumeurs les plus redoutables et dont l'exérèse est la plus complexe
d'autant plus que, la plupart du temps, il faut y associer une résection
mandibulaire. La pièce opératoire emportera dans ce cas, en monobloc, toute
l'épaisseur de la joue, l'os et le curage ce qui en rend la manipulation malaisée.

Tous les repères doivent être très soigneusement pris par la palpation et sur les
données de l'imagerie, puis toutes les incisions prévues et dessinées en tenant
compte des impératifs carcinologiques, anatomiques et des nécessités de la
reconstruction. Quand une telle indication chirurgicale est prise, elle impose un
choix délibéré d'exposition large du champ opératoire pour assurer une vision
optimale des limites tumorales et donc des limites d'exérèse et pour permettre
une manipulation la plus facile (la moins difficile ?) de l'ensemble de la pièce
opératoire qui est indispensable, là encore pour juger de la qualité
macroscopique de l'exérèse. C'est dire que, pratiquement toujours, il faudra
opter pour deux incisions cutanées : l'une circonscrivant sur la joue les limites
palpatoires de l'infiltration cutanée tumorale, en passant le plus au large possible
(2 cm idéalement), l'autre sectionnant la lèvre inférieure et la région
mentonnière (cf. supra) puis se poursuivant de façon circulaire sous la mandibule
en descendant assez bas (pour assurer la vascularisation et la viabilité du pont
cutané laissé entre cette incision cervicale et la partie inférieure de l'incision
jugale), puis remontant vers la mastoïde voire en prétragien si une dissection
parotidienne est programmée. Cette deuxième incision permet la réalisation du
curage cervical, donnera un jour correct pour le temps buccal de la résection et
facilitera les sutures endobuccales du temps de reconstruction. La dissection
parotidienne permet de mieux dégager le masséter et de libérer et refouler vers
le haut les branches supérieures du nerf facial qui seront ainsi préservées. Elle
assure, en outre, une extension du curage ganglionnaire et donne une marge de
sécurité supplémentaire d'autant plus qu'après ces larges exérèses, a fortiori
complétées par une irradiation, la fonction parotidienne est souvent compromise.
Le curage cervicoparotidien étant disséqué mais laissé solidaire du bloc tumoral
au niveau du bord inférieur de la mandibule et du pédicule facial, les incisions
jugales cutanées rejoignent les incisions muqueuses, transfixiant ainsi la joue, et
la pièce peut être réséquée en continuité avec les résections osseuses
nécessaires.

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CHIRURGIE RÉ PARATRICE

Greffes simples

En cas de résection relativement superficielle, si une suture bord à bord des


berges n'est pas possible, une couverture du lit opératoire par une greffe de peau
mince est envisageable. Souvent prélevée sur la face interne de la cuisse, elle est
suturée aux berges d'exérèse par des points séparés de fil résorbable 3 ou 4 « 0
». Sa surface sera piquetée de façon à laisser « suer » une suffusion hématique
ou graisseuse venue du fond du lit opératoire. Sa bonne prise sur ce fond sera
assurée par des points d'amarrage ou par une contention endobuccale préconisée
par certains auteurs, un bourdonnet interne et externe, maintenus par des points
transfixiants, appliquant la greffe contre le fond du lit opératoire.

Lambeaux cutanés [7]

Nous ne citerons que pour mémoire les lambeaux cutanés de type cervical
(lambeau de Poisson), deltopectoral, temporofrontal qui ne sont plus guère
utilisés mais avaient constitué, en leur temps, une amélioration technique
certaine, ainsi que le lambeau nasogénien rarement utilisé dans ce type de
chirurgie. Seul le grand lambeau cutané de glissement nous semble devoir être
décrit. Dérivé de celui décrit par Stark et Kaplan, il permet de réparer des pertes
de substance cutanées jugales. Il est important de préciser que son utilisation
doit être prévue d'emblée car elle nécessite une incision cutanée particulière.
L'incision part de la partie postérieure de l'incision circonscrivant la zone de
résection jugale, descend en prétragien, circonscrit le lobule de l'oreille puis
longe le bord du muscle trapèze pour rejoindre le sillon deltopectoral. Le lambeau
jugo-cervico-thoracique est décollé d'arrière en avant puis, après exérèse, tracté
vers le haut avec un discret mouvement de rotation vers l'avant. Pour des
réparations de moindre surface, le lambeau bilobé de Zimany apporte une
solution simple et rapide.

Dans les deux cas, la technique est très simple mais impose un type particulier
d'incision cutanée assez peu compatible avec certaines exérèses, par exemple
lorsqu'une hémimandibulectomie est nécessaire (cf. supra).

Lambeaux pédiculés

Les lambeaux musculocutanés ont constitué l'un des deux progrès substantiels,
au cours des 20 dernières années, en chirurgie réparatrice dans le domaine de la
carcinologie. En effet, leur fiabilité et leur utilisation en un seul temps chirurgical
ont permis des exérèses plus sûres et des durées de cicatrisation compatibles
avec une irradiation postopératoire réalisée dans des délais convenables.
Plusieurs lambeaux musculocutanés sont utilisables.

Le lambeau musculocutané temporofrontal : il a supplanté l'ancien


lambeau cutané temporofrontal qui nécessitait plusieurs temps
opératoires. Une palette cutanée ovalaire est dessinée sur la région
temporofrontale puis disséquée en restant solidaire du muscle temporal
qui sera sectionné latéralement en avant et en arrière des vaisseaux
temporaux. Le lambeau est décollé du plan profond en dehors de la galéa.
En fin de dissection le lambeau est pédiculisé au-dessus du zygoma. La
palette cutanée peut soit réparer la joue cutanée (le pédicule passant en
dehors de l'arcade zygomatique), soit la joue muqueuse (auquel cas le
lambeau devra être introduit dans la cavité buccale par la concavité de
l'arcade zygomatique). Si ce lambeau par sa proximité est très pratique,
en revanche sa sanction esthétique au niveau de la région frontale, qui
sera recouverte d'une greffe dermoépidermique, est importante et en
limite les indications.
Le lambeau musculocutané de grand pectoral : lambeau « vedette » de
ces 15 dernières années, il permet d'utiliser une palette cutanée prélevée
entre l'appendice xiphoïde et le mamelon et solidaire d'un segment de
muscle grand pectoral sectionné en avant et en arrière des branches
pectorales du pédicule acromiothoracique qui parcourent la face profonde
de ce muscle. En fin de dissection le lambeau est pédiculisé sur ces
vaisseaux sous la clavicule et peut être élevé dans la région jugale ou
introduit dans la cavité buccale. C'est un lambeau très fiable et dont les
séquelles esthétiques sont faibles et dissimulables. Son utilisation peut
être compromise en cas de panicule adipeux important du fait d'une
moindre fiabilité et, surtout d'une épaisseur trop grande.
Le lambeau musculocutané de trapèze : il fournit une palette cutanée
solidaire d'un segment du muscle trapèze, la vascularisation étant assurée
par le pédicule cervical transverse superficiel. La dissection commence
dans la région sus-claviculaire par le repérage du tronc artériel thyro-
bicervico-scapulaire puis de l'artère cervicale transverse et de la ou des
veines satellites. Le pédicule est disséqué de dedans en dehors au-dessus
de la clavicule jusqu'au bord externe du muscle trapèze. Le muscle est
sectionné sur toute son épaisseur en passant au pourtour de l'îlot cutané.
Le lambeau se trouve donc ainsi pédiculisé au-dessus de la clavicule et
peut être monté comme le lambeau précédent.
D'autres lambeaux ont été décrits : lambeaux de grand dorsal, de sterno-
cléïdo-mastoïdien, sous-hyoïdien, etc. Il serait fastidieux de les décrire
tous. Disons qu'ils peuvent individuellement permettre de résoudre des
situations particulières.
Tous ces lambeaux peuvent servir soit à la reconstruction muqueuse soit à
la reconstruction cutanée et, dans ce cas, la réparation muqueuse sera
assurée par un autre lambeau ou par une greffe dermoépidermique
appliquée sur la face musculaire, elle-même amarrée aux berges
muqueuses endobuccales. Certains auteurs ont proposé une utilisation en
doubles îlots avec plicature du lambeau sur lui-même (un îlot
reconstituant la peau et l'autre la muqueuse). Le résultat esthétique et
fonctionnel est, à notre avis, médiocre du fait d'une épaisseur excessive
de la joue ainsi refaite.

Lambeaux musculaires

La plupart des lambeaux musculocutanés (grand pectoral, grand dorsal en


particulier) peuvent être utilisés sur le mode musculaire simple, notamment
lorsqu'il existe un panicule adipeux trop épais. Des greffes dermoépidermiques
peuvent alors « remplacer » l'îlot cutané. Un lambeau musculaire mérite d'être
individualisé : le lambeau du muscle temporal. Par une incision supra-auriculaire
suivant, en arrière d'elle, la limite du cuir chevelu, la face externe du muscle,
recouverte de son aponévrose, est exposée. Le muscle est alors désinséré de
haut en bas et d'avant en arrière puis est sectionné sur toute sa hauteur un peu
en arrière de son axe vertical médian, en prenant garde de ne pas léser les
artères temporales. Le lambeau se retrouve ainsi libéré et peut pivoter au-dessus
de l'arcade zygomatique puis être introduit par l'échancrure rétromalaire dans la
cavité buccale, face aponévrotique en dedans. Celle-ci est suturée aux berges
muqueuses et recouverte d'une greffe dermoépidermique.

Lambeaux libres [1]


Ils représentent la deuxième étape des progrès décisifs en réparation
cervicofaciale. Ils sont d'une grande fiabilité mais imposent des équipes
entraînées et une technique opératoire particulièrement rigoureuse. Les
anastomoses artérielles se font sur les branches de la carotide externe ou sur
cette artère elle-même. Les anastomoses veineuses se font sur le tronc
thyrolinguo-facial de Faraboeuf ou sur la veine jugulaire. En cas de curage
radical, les anastomoses peuvent se faire sur des vaisseaux controlatéraux mais,
en pratique, les possibilités sont bien moindres dans ce cas.

Lambeaux libres cutanés

Plusieurs lambeaux sont utilisables :

Le lambeau cutané antibrachial : popularisé en France sous le nom de «


lambeau chinois », il prélève sur la partie distale de la face interne de
l'avant-bras (gauche chez un droitier et inversement), une palette cutanée
et ses vaisseaux nourriciers : artère radiale et veines satellites. Après
repérage de l'artère radiale, le trajet de l'artère et des veines
superficielles est dessiné sur la peau puis celui de la palette cutanée. La
dissection commence sur le versant cubital du lambeau, puis en haut et en
bas de façon à conserver une charnière verticale radiale après dissection
dans la graisse sous-cutanée. Dès que le décollement du plan du muscle
fléchisseur radial du carpe est effectué, l'artère radiale accompagnée de
ses veines satellites est bien visible et, le nerf radial étant soigneusement
préservé, peut être sectionnée à hauteur du lambeau au niveau du
poignet, et le plus haut possible du côté du coude de façon à disposer
d'une longueur suffisante entre le site receveur de la palette cutanée et la
zone d'anastomoses vasculaires. La zone donneuse sur l'avant-bras est
alors recouverte d'une greffe dermoépidermique.
Le lambeau dorsal du pied : il est, de loin, moins utilisé que le précédent.
Il prélève sur la face dorsale du pied un îlot cutané et son pédicule artériel
représenté par l'artère pédieuse (ou dorsale du pied) et la première artère
métatarsienne dorsale.
Le lambeau scapulaire : il utilise un îlot cutané prélevé en regard du bord
externe de l'omoplate. Cet îlot est disséqué de bas en haut et de dedans
en dehors en passant au-dessus du fascia du muscle sous-épineux. Cette
dissection se termine au bord inférieur du muscle deltoïde au niveau d'un
triangle, limité par le bord interne de la longue portion du muscle triceps
brachial, le bord supérieur du muscle grand rond et le bord externe du
muscle petit rond, et d'où émerge l'artère sous-scapulaire qui se divise
immédiatement en une branche descendante (ou thoracodorsale) et une
branche postérieure (ou circonflexe), l'une ou l'autre ou les deux servant
de pédicule nourricier au lambeau. L'artère sous-scapulaire et les veines
satellites sont disséquées le plus loin possible vers l'artère axillaire puis
sectionnées. Le site donneur est fermé par simple rapprochement.
Le lambeau de grand dorsal : c'est un lambeau musculocutané. L'îlot
cutané est dessiné sur la région postérolatérale du thorax au niveau des
dernières côtes. Le bord antérieur du muscle grand dorsal est repéré puis
sa face profonde décollée du plan du grand dentelé. Le muscle est
sectionné en bas et en dedans puis élevé en prenant comme charnière son
tendon huméral et les vaisseaux thoracodorsaux. Après section du tendon
ces vaisseaux sont disséqués le plus loin possible dans le creux axillaire
puis sectionnés. Le site donneur est fermé par simple rapprochement.
Disons que ce lambeau est relativement épais pour reconstruire la joue.
Les lambeaux musculocutanés décrits plus haut peuvent être également
utilisés en lambeaux libres.

Lambeaux libres viscéraux

Ils imposent un temps abdominal et, du fait de ces impératifs techniques, sont
d'utilisation plus limitée. Ils ont, en revanche, l'immense avantage d'apporter en
bouche un matériau « lubrifié » par sa sécrétion de mucus. Ceci dit, il existe un
plan de clivage permanent entre la séreuse et le fond de la cavité d'exérèse. En
pratique deux transplants peuvent être utilisés :
le transplant jéjunal : un segment de jéjunum vascularisé par des
vaisseaux mésentériques est prélevé, après repérage par
transillumination de ces vaisseaux, puis ouvert longitudinalement sur son
bord libre créant ainsi une surface muqueuse relativement plane pouvant
reconstituer une face interne de joue. La continuité digestive est assurée
par une anastomose bout à bout ;
le transplant gastrique : un segment de la grande courbure de l'estomac
solidaire d'un segment d'épiploon contenant les vaisseaux
gastroépiploïques (en particulier droits) est prélevé et peut être utilisé
comme le précédent.

Réparation osseuse [2]

Les résections du maxillaire supérieur ne sont pas réparées mais compensées par
des prothèses palatines obturatrices adaptées à la perte de substance.

Les résections mandibulaires marginales ne sont pas réparées, seules les


résections interruptrices de la continuité le sont éventuellement. Les
interruptions de la partie horizontale de la mandibule peuvent être réparées par
plaque de titane, ou mieux, par transferts osseux libres : transfert de péroné, de
crête iliaque ou utilisation du lambeau scapulaire emportant la palette cutanée,
comme décrit plus haut, et le bord externe de l'omoplate. Les
hémimandibulectomies sont rarement reconstruites.

Chirurgie ganglionnaire

C'est une chirurgie ganglionnaire traditionnelle réalisant l'évidement complet du


cou et sacrifiant le muscle sterno-cléido-mastoïdien, la veine jugulaire interne et
le nerf spinal à la demande, en cas de ganglion volumineux, et s'étendant à la
région parotidienne si nécessaire.

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SOINS POSTOPÉ RATOIRES

Les bains de bouche et une antibioprophylaxie de 24 ou 48 heures sont associés


à une surveillance postopératoire classique avec, en particulier, examen régulier
des lambeaux ou transferts libres afin d'en évaluer la vitalité.

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TRAITEMENTS COMPLÉ MENTAIRES

La radiothérapie postopératoire est systématique pour les formes T3-T4,


distribuant une dose de 55 Gy sur le lit d'exérèse tumorale et le cou, élevée à 65-
70 Gy en cas de limites d'exérèse envahies ou de rupture capsulaire. Il n'y a pas
d'indication de chimiothérapie adjuvante.

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CONCLUSION

Le chirurgien dispose donc de multiples possibilités d'exérèse et de


reconstruction lorsqu'une chirurgie est choisie pour le traitement des tumeurs
malignes de la face interne de joue. Si cette chirurgie est devenue satisfaisante
sur le plan technique, elle reste en général assez décevante sur le plan
carcinologique, le pronostic de ces tumeurs, lorsqu'elles sont évoluées, étant
péjoratif quelle qu'en soit l'approche thérapeutique.

Références

[1] BACKER SR. Microsurgical reconstruction of the head and neck. Churchill Livingstone. New
York. 1989 ; 356 p
[2] BOYD JB Osteocutaneous free flap options in oral cavity reconstruction. Operative
techniques. Otolaryngol Head Neck Surg 1993 ; 4 : 104-114
[3] COCHE-DEQUEANT B, MADELAIN M La radiothérapie des cancers de la cavité
buccale. In: Encycl Med Chir (Ed.) Stomatologie I., 22-065-
D10 Paris Elsevier: 1985; 8 [interref]
[4] DEHESDIN D, CAUCHOIS P, ANDRIEU-GUITRAN-COURT J Tumeurs malignes de la face
interne de la joue et de la région rétromolaire. In: Encycl Med Chir (Ed.) Oto-rhino-
laryngologie., 20-627-C10 Paris Elsevier: 1989; 6 [interref]
[5] Mc GREGOR IA, Mc GREGOR FM. Cancer of the face and mouth. Churchill Livingstone. New
York. 1989 ; pp 511-526
[6] MAGALON G, MITZ V. Les lambeaux pédiculés musculaires et musculocutanés. Masson. Paris.
1984 ; 136 p
[7] SENECHAL G, CACHIN M, PECH A, CANNONI M, DEMARD F. La chirurgie réparatrice en
cancérologie cervico-faciale. Arnette. Paris. 1977 ; 228 p (texte) et 171 p (atlas)
[8] STRAUCH B, VASCONEZ LO, HALL-FINDLAY EJ. Encyclopedia of flaps : Head and Neck (vol
1). Little, Brown and Company. Boston. 1990 ; 802 p
[9] STRONG EW, SPIRO RH. Cancer of the oral cavity. In : Myers EN, Suen JY eds. Cancer of the
head and neck. Churchill Livingstone. New York. 1989 ; pp 417-464

© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Coupe horizontale de la joue.

1. Orbiculaire des lèvres.

2. Vaisseaux faciaux.

3. Nerf buccal.

4. Muscle buccinateur.

5. Boule graisseuse de Bichat.

6. Muscle ptérygoïdien.

7. Loge amygdalienne.

8. Nerf facial.

9. Muscle peaucier.

10. Canal de Sténon.

11. Muscle masséter.

12. Glande parotide.

Fig 2 :
Fig 2 :

Résection des formes débutantes.

A. Lésion précancéreuse.

B. Cancer invasif débutant.

Fig 3 :

Fig 3 :

Résection des formes à extension au maxillaire supérieur, étendue si nécessaire, au sinus


maxillaire.

Fig 4 :

Fig 4 :

Incisions cutanées.

A. Incision labiale supérieure.

B. Incision labiale inférieure.

Fig 5 :
Fig 5 :

A, B. Résections des formes à extension mandibulaire.

Fig 6 :

Fig 6 :

A, B. Résection des formes à extension à la commissure labiale.


¶ 46-238

Chirurgie des tumeurs des lèvres


J.-P. Bessede, J.-P. Sannajust, V. Vergnolles

Les cancers ou les lésions prénéoplasiques des lèvres se rencontrent au niveau de la lèvre inférieure et plus
rarement au niveau des commissures labiales ou de la lèvre supérieure. Leur traitement consiste à faire
une exérèse large de la lésion suivie d’une reconstruction. La reconstruction des pertes de substance des
lèvres doit aboutir à un minimum de séquelles fonctionnelles et esthétiques. Cette chirurgie fait appel à de
nombreuses techniques qui ont évolué au cours des siècles. Leur nombre témoigne de la difficulté de ce
type de reconstruction. Nous envisagerons ici, après quelques rappels anatomiques, les techniques
d’exérèse tumorale et de reconstruction, mais uniquement les techniques qui nous semblent fiables,
éprouvées, reproductibles et qui permettent de faire face à pratiquement toutes les situations cliniques.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Perte de substance labiale ; Modiolus ; Lambeau nasogénien ; Lambeau d’Abbé ;
Lambeau d’Estlander ; Lambeau de Webster ; Lambeau de Gillies ; Lambeau de Karapandzic ;
Escalier de Johanson ; Commissuroplastie ; Vermillonectomie

Plan situation clinique. À travers les siècles, plusieurs dizaines de


procédés chirurgicaux ont été décrits pour la réparation des
lèvres, témoignant ainsi de la difficulté du problème. D’après
¶ Introduction 1
Maltz, la première reconstruction de lèvre fut évoquée par
¶ Bases anatomiques 1 Celcius en l’an 60 avant Jésus-Christ. Au XVIe siècle, Tagliaco-
Anatomie descriptive 1 zzi [1] décrivit une reconstruction labiale avec des lambeaux
Muscles des lèvres 2 locaux de glissement et des lambeaux de l’avant-bras. Toujours
Anatomie fonctionnelle 2 d’après Maltz, Ambroise Paré reprend et améliore la technique
Vascularisation 2 de Tagliacozzi en 1627, il y ajoute comme commentaire « j’aie
Innervation 3 soigné mon malade, mais Dieu l’a guérit ». Von Bruns [2] en 1859,
puis Szymanowski [3] en 1870 introduisent la prise de lambeaux
¶ Principes d’exérèse des tumeurs cutanées des lèvres 3
nasogéniens dans la reconstruction de la lèvre inférieure. La
Tumeurs bénignes 3
reconstruction de la lèvre supérieure est attribuée à Abbé [4] qui,
États précancéreux 3
en 1897, décrivit sa technique. En 1838, Sabattini [5] décrivit
Carcinomes cutanés 3
une technique à peu près identique, tandis qu’en 1848, Srein
Mélanomes 3 utilise le même principe de rotation à partir de la lèvre supé-
¶ Réparation d’une perte de substance de lèvre supérieure 4 rieure pour réparer une lèvre inférieure. Enfin Estlander [6], en
Lèvre supérieure blanche 4 1872, utilise la rotation d’un lambeau juxtacommissural pour
Lèvre supérieure rouge 5 reconstruire une perte de substance de lèvre opposée. L’origina-
Autres types de reconstruction 7 lité des lambeaux d’avancement de joue reviendrait à Dieffen-
¶ Réparation d’une perte de substance de lèvre inférieure 7
bauch [7] en 1834, mais la technique fut améliorée et affinée par
Camille Bernard [8] en 1853 puis Burrow [9] en 1855. Gillies, en
Vermillonectomie inférieure 8
1957, décrit un lambeau en éventail qui utilise des lambeaux de
Perte de substance inférieure ou égale au tiers de la lèvre 9
pleine épaisseur de joue dont la rotation va permettre de réparer
Perte de substance comprise entre un tiers et deux tiers de la lèvre 9
selon les cas la lèvre inférieure ou la lèvre supérieure. Kazanjian
Perte de substance supérieure aux deux tiers 14
et Converse en 1959 puis plus tard Mac Gregor [10] ont utilisé
Perte de substance transfixiante de la commissure labiale 17 et affiné ces techniques pour en améliorer les résultats esthéti-
Commissuroplasties 17 ques et fonctionnels. Enfin, plus récemment Johanson [11], en
1974, a décrit une reconstruction en « marches d’escalier », qui
retentit peu sur l’anatomie et la fonction de la lèvre réparée.

■ Introduction ■ Bases anatomiques


L’exérèse d’une tumeur cutanée comprend deux temps.
L’exérèse répond à des règles strictes bien définies de nos jours. Anatomie descriptive
La reconstruction qui fait suite fait appel aux connaissances et On décrit à chaque lèvre une portion cutanée ou lèvre
au savoir-faire de l’opérateur qui doit s’adapter au mieux à la blanche et une partie muqueuse ou lèvre rouge. La lèvre

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 1. Anatomie descriptive. 1. Zone de Klein, vermillon ; 2. arc de


Cupidon ; 3. crêtes philtrales.

blanche supérieure est très adhérente au plan musculaire sous-


jacent. Elle présente de nombreux reliefs (Fig. 1). La lèvre rouge
correspond à la lèvre muqueuse. Sa partie externe est sèche,
c’est le vermillon (zone de Klein). C’est la zone de transition
entre la muqueuse et l’épithélium corné cutané. Cette zone est
exposée à la lumière et c’est là que vont se développer les
lésions dysplasiques et les épithéliomas (notamment sur le
vermillon inférieur). Richement vascularisée, la muqueuse est
séparée du plan musculaire par les glandes accessoires. En cas de Figure 2. Muscles des lèvres. 1. Releveur profond de la lèvre supé-
résection labiale, il faut toujours reconstruire avec soin la ligne rieure ; 2. releveur superficiel de l’aile du nez et de la lèvre supérieure ; 3.
de jonction cutanéomuqueuse pour éviter les décalages muscle canin ; 4. orbiculaire des lèvres (externe) ; 5. orbiculaire des lèvres
inesthétiques. (interne) ; 6. petit zygomatique ; 7. grand zygomatique ; 8. carré du
menton ; 9. triangulaire des lèvres.

Muscles des lèvres


L’architecture musculaire est complexe et s’organise autour de
l’orbiculaire et du modiolus [12]. L’orbiculaire est un muscle
constricteur puissant, elliptique qui enserre l’orifice buccal. Il est
disposé en deux plans :
• plan profond : c’est le muscle orbiculaire interne. Il adhère à
la muqueuse et reçoit les fibres les plus antérieures du muscle
buccinateur ;
• plan superficiel : c’est le muscle orbiculaire externe qui adhère
à la face profonde du derme. Il reçoit des fibres des muscles
peauciers des lèvres (Fig. 2). La réunion de ces différents
muscles forme au niveau de la commissure un nœud muscu-
laire : le modiolus (Fig. 3). Il a la forme d’un cône aplati
d’environ 1 cm d’épaisseur dont la base repose sur la mem-
brane muqueuse et dont le sommet arrondi se retrouve sous
le pannicule adipeux.

Anatomie fonctionnelle Figure 3. Modiolus. 1. Muscle canin ; 2, 3. petit et grand zygomati-


ques ; 4. risorius ; 5. platysma ; 6. triangulaire ; 7. orbiculaire externe.
La principale fonction des lèvres est sphinctérienne. Elle est
due à l’action des muscles orbiculaires des lèvres. L’autre
fonction assurée par les muscles périphériques permet la finesse
inconstantes. Les artères coronaires donnent des branches
de la mimique labiale et de la production de sons. Le modio-
collatérales verticales qui permettent la prise de lambeau type
lus [13] qui est une aire d’insertion pour tous les muscles qui le
Abbé-Estlander.
composent a un fonctionnement très complexe. Le nombre de
muscles impliqués dans la formation et le fonctionnement du Lèvre supérieure
modiolus explique la richesse et la finesse de la mimique
labiale. Nous voyons donc la nécessité de la respecter lors de la Elle est vascularisée par :
chirurgie labiale. • les artères coronaires supérieures : souvent asymétriques, elles
prédominent d’un côté dans 80 % des cas. Elle s’anastomose
en plein canal avec l’artère controlatérale dans 30 % des cas.
Vascularisation La coronaire supérieure émet des artérioles verticales pour
l’aile du nez, la sous-cloison et le septum. Des collatérales
Artérielle (Fig. 4) [14, 15] directes de l’artère faciale se projettent dans le sillon nasogé-
Elle est sous dépendance du système carotidien externe par nien ;
l’intermédiaire des artères faciales. Elle est assurée par les artères • des branches terminales de l’artère sphénopalatine et l’artère
coronaires labiales qui présentent de nombreuses variations de la sous-cloison qui s’anastomosent avec des branches
anatomiques avec des anastomoses, entre les deux côtés, identiques venues de coronaires.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

prédominance sébacée de Jadassohn, lésions pour lesquelles le


caractère bénin est pratiquement établi sur les données clini-
ques. Pour les tumeurs annexielles pilaires, sudorales ou
sébacées, la reconnaissance clinique est plus aléatoire et le
caractère bénin ne peut être affirmé formellement avant
l’examen anatomopathologique. Pour les lésions reconnues
comme bénignes sur les données cliniques, si une exérèse est
envisagée, elle devra être complète avec des marges minimales.
La préoccupation principale sera le plus souvent d’ordre
esthétique. Pour ces lésions, une limite d’exérèse intralésionnelle
ne doit pas conduire à une reprise d’exérèse.

États précancéreux
Les lésions précancéreuses sont fréquentes au niveau de la
face. On distingue : les lésions précancéreuses acquises (kérato-
ses solaires, lésions chimiques, radiodermites, cicatrices ancien-
nes), les tumeurs fibroépithéliales prémalignes de Pinkus. Il
Figure 4. Vascularisation artérielle. 1. Artère faciale ; 2. artère coronaire s’agit de lésions intraépidermiques qui sont susceptibles dans un
supérieure ; 3. artère coronaire inférieure ; 4. artère sous-mentale. premier temps de se transformer en carcinome épidermoïde
infiltrant. L’appréciation des limites lésionnelles est souvent
Lèvre inférieure difficile.

Elle est vascularisée par les artères coronaires inférieures qui


présentent de nombreuses variations : Carcinomes cutanés
• dans 20 % des cas, elles sont symétriques et s’anastomosent
à plein canal avec l’homologue controlatérale ;
Principes généraux d’exérèse [16, 17]
• dans 44 % des cas, elles ont une disposition en T ; Les carcinomes cutanés sont essentiellement regroupés en
• dans 24 % des cas, il y a une prédominance unilatérale ; deux familles : les carcinomes basocellulaires et les carcinomes
• dans 12 % des cas, elles n’existent que d’un côté. épidermoïdes. Si les règles d’exérèse restent identiques, les
Elle reçoit aussi des collatérales directes de l’artère faciale et marges de sécurité sont, elles, différentes. Le traitement de ces
de l’artère mentonnière issue de l’artère sous-mentale. lésions doit être efficace d’emblée, car la récidive rend le
traitement plus mutilant et le résultat moins sûr. Il faut noter
Veineuse que les récidives sont fréquentes par insuffisance du premier
Il n’y a pas de veine coronaire bien individualisée. Au niveau traitement. La technique chirurgicale doit donc être irréprocha-
de la lèvre supérieure, il existe un premier tronc filtrocolumel- ble. L’exérèse doit se faire sous un bon éclairage après avoir
laire, puis un système veineux ascendant qui va former le tronc repéré au mieux les limites lésionnelles en s’aidant de la
labio-septo-columellaire qui rejoint latéralement la veine faciale. palpation. Le tracé de l’incision est fait avant toute infiltration,
Au niveau de la lèvre inférieure, on retrouve un système qui sera réalisée en périphérie de la tumeur afin d’éviter une
indépendant du système artériel avec des veines de drainage dissémination tumorale. Le tracé de l’incision est fonction des
descendant qui vont rejoindre le système des veines jugulaires marges de sécurité nécessaires en fonction du type histologique.
antérieures. Il doit exister une totale indépendance entre l’exérèse et la
reconstruction ; la guérison ne doit pas être compromise en
Lymphatique raison d’une exérèse insuffisante par souci esthétique. L’exérèse
est réalisée à l’emporte-pièce. La pièce est orientée et accompa-
Le système lymphatique suit le système veineux. Au niveau
gnée d’un schéma. Comme dans toute chirurgie carcinologique,
de la lèvre supérieure, les troncs suivent le trajet de la veine
les instruments utilisés pour l’exérèse sont changés avant de
faciale puis rejoignent les ganglions sous-mandibulaires, puis
commencer le temps de reconstruction.
sous-digastriques. Au niveau de la lèvre inférieure, les deux tiers
médians se drainent vers les ganglions sous-mentaux au niveau Marges d’exérèse
du triangle interdigastrique. Les tiers latéraux et les commissures
se drainent dans les ganglions sous-mandibulaires et Le problème des marges d’exérèse est délicat car il s’agit
sous-digastriques. d’éviter un sacrifice inutile de peau saine en ayant des limites
carcinologiques correctes en tenant compte de l’extension
Innervation infraclinique.
• Carcinome basocellulaire : marge de 3-5 mm atteignant en
L’innervation motrice est sous dépendance du nerf facial. Le profondeur l’hypoderme ; marge de 8-10 mm en cas de
rameau cervical du nerf facial innerve les lèvres par le rameau carcinome basocellulaire sclérodermiforme [18, 19].
labiomentonnier et le rameau buccal. La section des branches • Carcinome spinocellulaire : marge de 8-10 mm.
de ces deux nerfs entraîne une paralysie définitive des muscles
car les anastomoses entre ces deux systèmes sont peu fréquentes Mélanomes
(5 %).
Le système sensitif est sous la dépendance du nerf trijumeau L’exérèse doit être réalisée en deux temps [20] car les marges
par l’intermédiaire du nerf mandibulaire qui donne le nerf d’exérèse dépendent de l’indice de Breslow (épaisseur maximale
dentaire inférieur, qui gagne le canal dentaire et donne le nerf entre la surface de la couche granuleuse de l’épiderme et la
mentalis qui sort par l’orifice mentonnier, et innerve la lèvre cellule tumorale la plus profonde dans le derme) donné par
inférieure et le menton. l’étude anatomopathologique.
• En théorie : indice de Breslow < 1 mm, marge d’exérèse
= 1 cm ; indice de Breslow entre 1 et 4 mm, marge d’exérèse
■ Principes d’exérèse des tumeurs = 2 cm, indice de Breslow > 4 mm, marge d’exérèse = 3 cm.
cutanées des lèvres • En pratique : au niveau du visage, la possibilité d’appliquer
ces marges est appréciée au cas par cas avec toutefois un
minimum de 1 cm pour les mélanomes invasifs, en sachant
Tumeurs bénignes qu’une exérèse supérieure à 2 cm n’influence pas la survie à
Il s’agit essentiellement des kératoses séborrhéiques, des nævi 5 ans pour les mélanomes dont l’épaisseur est supérieure à
nævocellulaires en particulier tubéreux, des hamartomes à 4 mm [21] . La tendance actuelle est d’adopter la marge

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

d’exérèse non pas à l’épaisseur mais au diamètre de la tumeur veiller à garder une symétrie de l’arc de Cupidon pour éviter
et de proposer 1,5 cm de marge si le diamètre est inférieur à une distorsion par rapport à la base du nez : on ne peut donc
3 cm et 2,5 si celui-ci est supérieur [22]. réaliser des sutures directes que pour de petites lésions sous
peine de déformations cosmétiques très visibles. La nécessité du
placement des cicatrices, du respect des repères anatomiques et
la symétrie de la lèvre supérieure oblige à faire souvent appel à

“ Point fort
la lèvre inférieure pour sa reconstruction. En effet, la lèvre
inférieure n’a pas de sous-unité esthétique et une résection
inférieure au tiers n’entraîne pas de dissymétrie visible.
Le traitement doit être efficace d’emblée.
L’exérèse ne doit pas être minimisée par un souci Lèvre supérieure blanche
esthétique. La symétrie de la lèvre supérieure et ses rapports intimes avec
La reconstruction pourra être réalisée dans un second la base du nez rendent sa reconstruction délicate. De plus, chez
temps opératoire. l’homme, il faut tenir compte de la pilosité de la moustache.
On fait ici appel principalement à des lambeaux de voisinage.

Lambeau d’avancement nasolabial de Webster


■ Réparation d’une perte (Fig. 5)
Il permet la fermeture de petites pertes de substance du tiers
de substance de lèvre supérieure latéral de la lèvre blanche. Une excision cutanée périalaire est
nécessaire ainsi qu’une excision juxtacommissurale. On réalise
On doit distinguer deux zones, la lèvre rouge et la lèvre
un large décollement jugal sous-cutané permettant un enroule-
blanche, ces deux zones étant séparées par la ligne cutanéomu-
ment de la joue le long de l’aile narinaire et une suture sans
queuse dont l’altération est toujours disgracieuse. La lèvre
tension.
supérieure peut être divisée en deux sous-unités esthétiques :
une latérale, limitée en dedans par le bord externe du philtrum,
en haut par le sillon nasogénien et en dedans par le pli
Lambeau nasogénien (Fig. 6, 7)
nasogénien ; une médiane constituée par l’arc de Cupidon et les Il permet une reconstruction avec une peau de voisinage de
crêtes philtrales. La reconstruction de la lèvre supérieure doit bonne qualité. Une réparation à partir d’un lambeau nasogénien

Figure 5.
A, B, C, D. Lambeau d’avancement de Webster.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 6.
A, B, C. Lambeau nasogénien à pédicule inférieur.

Figure 7.
A, B, C, D. Cas clinique de lambeau nasogénien.

à pédicule inférieur permet une réparation assez étendue vers la réservées à la correction d’une bride ou pour refaire l’ensemble
ligne médiane. Ce lambeau donne peu de séquelle cicatricielle de l’unité labiale. La greffe est prélevée en région rétroauricu-
au niveau de la joue. Il permet une reconstruction totale de la laire ou sus-claviculaire. Chez l’homme, ces greffes de peau
lèvre supérieure. Taillé dans le sillon nasogénien, son pédicule glabre ont souvent un mauvais résultat esthétique.
est inférieur ce qui permet une reconstruction de la sangle
orbiculaire en horizontalisant les fibres musculaires situées dans Lèvre supérieure rouge
le lambeau.
Il y a là la nécessité d’une reconstruction cutanéo-musculo-
muqueuse. À ce niveau également, on doit s’attacher à préserver
Greffes cutanées (Fig. 8)
la symétrie labiale. On peut sacrifier jusqu’au tiers de la lèvre
Rarement utilisées en première intention, elles ont une supérieure avec une fermeture par suture directe de première
tendance naturelle à la dyschromie et à la rétraction. Elles sont intention, surtout chez la personne âgée avec une grande laxité

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 8.
A, B. Greffe de peau totale.

Figure 9.
A, B, C, D, E. Lambeau d’Abbé ou lambeau tour-
nant hétérolabial pédiculé.

tissulaire. S’il est impossible de refermer par suture directe, on muqueuse, de la face inférieure de la lèvre à la hauteur de la
utilise un lambeau de reconstruction. Nous verrons ces lam- ligne cutanéomuqueuse. La largeur du lambeau correspond à la
beaux en fonction de la taille de la perte de substance. moitié de la perte de substance de la lèvre supérieure. Le point
de rotation médian a comme pivot l’artère coronaire qui doit
Perte de substance inférieure ou égale au tiers rester protégée par la muqueuse de la face interne de la lèvre.
de la lèvre supérieure Le lambeau est ensuite tourné à 180° et suturé plan par plan
Lambeau d’Abbé (Fig. 9, 10) (muqueux, musculaire, cutané) à la perte de substance
supérieure.
Il s’agit d’un lambeau tournant de lèvre inférieure. Celle-ci est
en effet toujours assez souple pour donner un quart de sa Les soins postopératoires nécessitent une alimentation
longueur sans déformation résiduelle. C’est un lambeau de pâteuse, voire la mise en place d’une sonde nasogastrique pour
pleine épaisseur retourné à 180°, vascularisé par l’artère coro- limiter les forces de traction sur les sutures. Le pédicule
naire inférieure qui chemine près de la face interne de la vasculaire doit être protégé par des pansements gras pour éviter

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

une modification des commissures labiales. Les indications de


ces lambeaux sont réservées aux pertes de substance paramédia-
nes ou médianes si on y associe un lambeau d’Abbé.
Lambeau de Karapandzic inverse (Fig. 15)
Il est utilisé pour les grandes reconstructions de lèvre supé-
rieure. L’incision est péricommissurale, concave médialement.
Le lambeau est décollé en préservant les pédicules vasculaires,
ce qui permet de garder une bonne vascularisation. Deux
inconvénients sont à noter : une microstomie avec incontinence
labiale et un déplacement de la commissure.
Lambeau en éventail de Gillies [24, 25]
Il peut être utilisé pour les reconstructions des pertes de
substance totales de la lèvre supérieure. Les résultats esthétiques
et fonctionnels ne sont jamais très bons. Ces lambeaux sont
taillés de pleine épaisseur, en prenant soin de respecter le
pédicule vasculaire au niveau de la base commissurale. Le
glissement des lambeaux est favorisé, soit par l’excision d’un
triangle tégumentaire de pleine épaisseur dont la base est égale
à la moitié de la largeur de la perte de substance, soit par une
plastie en Z au niveau de l’extrémité externe de la berge du
lambeau. Les lambeaux sont suturés à eux-mêmes pour combler
la perte de substance plan par plan. Ces lambeaux permettent
de reconstituer en totalité la sangle musculaire orbiculaire, ce
qui est bon d’un point de vue fonctionnel mais crée, en
contrepartie, une microstomie.
Figure 10.
A, B, C, D. Cas clinique de lambeau d’Abbé (collection docteur Jourdain).
Autres types de reconstruction
son dessèchement et le risque de nécrose. On sectionne le Certaines pertes de substance sont telles qu’une reconstruc-
pédicule au cours de la troisième semaine. On prend soin alors tion par lambeaux locaux semble difficile. On fait alors appel à
de suturer les nouvelles lignes cutanéomuqueuses pour éviter d’autres techniques qui restent cependant rares quant à leur
tout décalage inesthétique. utilisation.
D’un point de vue fonctionnel, ce lambeau préserve la • Lambeau de scalp de Dufourmentel [26] : uni- ou bipédiculé,
fonction sphinctérienne avec des résultats esthétiques satisfai- il est vascularisé par les pédicules temporaux superficiels et
sants, en particulier pour la réparation des lésions médianes peut être doublé par une greffe cutanée libre semi-épaisse
avec amputation de la crête philtrale. pour assurer la réparation du plan muqueux. Cette recons-
Lambeau d’Estlander (Fig. 11, 12) truction est utile pour les patients désireux d’une réparation
pileuse ;
Il reprend le même principe que le lambeau d’Abbé pour une • Lambeau deltopectoral de Bakamjian : vascularisé par des
réparation latérale juxtacommissurale. On l’appelle aussi pour branches perforantes de l’artère mammaire interne, c’est un
cela lambeau d’Abbé-Estlander. Il se réalise en un temps. Le
lambeau cutané à réseau vasculaire axial qui nécessite une
point de rotation du lambeau crée une nouvelle commissure
extension, par autonomisation préalable, au niveau de la
qu’il sera nécessaire d’améliorer par une commissuroplastie afin
région scapulaire pour pouvoir atteindre la région labiale ;
de l’affiner et l’ouvrir. Par ailleurs, la rançon cicatricielle de ce
lambeau est peu importante. • Lambeaux musculocutanés pédiculés de grand dorsal et de
grand pectoral [27, 28] : leurs indications sont très limitées et
Perte de substance supérieure au tiers de la lèvre fonction des arcs de rotation variables d’un patient à l’autre ;
supérieure • Lambeaux libres : le lambeau antébrachial radial (ou lambeau
« chinois ») est particulièrement intéressant compte tenu de la
Elle nécessite la prise de lambeaux locorégionaux provenant finesse cutanée. Ils sont utiles en particulier en cas d’atteinte
de la joue. On distingue trois principaux types de de l’infrastructure osseuse sous-jacente.
reconstruction.
Lambeau d’avancement de joue : Webster (Fig. 13) [23]
Il s’agit de deux lambeaux d’avancement de joue grâce à ■ Réparation d’une perte
l’excision de deux croissants cutanés périalaires et sous-alaires.
L’incision de la berge supérieure est étendue vers la région
de substance de lèvre inférieure
alogénienne de manière à être parallèle à la jonction cutanéo- Les pertes de substance de la lèvre inférieure sont de loin les
muqueuse pour éviter une augmentation de hauteur de la lèvre
plus fréquentes à réparer, que ce soit en pathologie tumorale ou
en dehors. Le muscle est ainsi intégralement respecté ainsi que
traumatique.
son innervation. Pour la réparation médiane et pour une égalité
de longueur des deux lèvres, on associe souvent la prise d’un Schématiquement, on peut appliquer la règle des tiers pour la
lambeau d’Abbé qui permet de recréer une sous-unité esthétique réparation des pertes de substance :
philtrale (celle-ci peut également être reconstruite, d’après • pour une exérèse inférieure au tiers de la lèvre inférieure, la
Merville, en incorporant un fragment cartilagineux prélevé au fermeture peut se faire par suture directe ;
niveau de la conque de l’oreille). Par ailleurs, il est nécessaire de • pour une exérèse comprise entre un tiers et deux tiers, la
faire une section à angle fermé à partir du quart inférieur de la reconstruction se fait par un lambeau local pris sur la lèvre
tranche de section médiane des lambeaux afin de réaliser un supérieure ;
petit renflement médian (Fig. 14). Cette technique donne • enfin pour une exérèse supérieure à deux tiers (amputation
malheureusement un recul de la lèvre avec une microstomie et subtotale), on fait appel à un lambeau régional.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 11.
A, B, C, D. Lambeau d’Estlander.

Figure 12.
A, B, C. Cas clinique de lambeau d’Estlander.

Vermillonectomie inférieure (Fig. 16, 17) [29, 30]


labial à la Xylocaïne® adrénalinée, soit par un bloc tronculaire
Elle s’adresse aux états précancéreux (chéilite, leucoplasie au niveau des trous mentonniers. L’incision est réalisée le long
étendue, épithélioma in situ). Elle consiste à faire l’ablation de de la jonction labiocutanée et le décollement du vermillon est
tout le vermillon de la lèvre inférieure afin d’en avoir une étude poussé jusqu’au cul-de-sac vestibulaire. Tout le vermillon est
histologique complète. La muqueuse enlevée est remplacée par ainsi enlevé en monobloc avec la sous-muqueuse et les glandes
la muqueuse de vestibule labial. L’exérèse peut être réalisée sous salivaires accessoires jusqu’au muscle orbiculaire qui est res-
anesthésie locale par infiltration de la lèvre jusqu’au vestibule pecté. On obtient une pièce opératoire elliptique qui contrôle

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 13.
A, B, C, D. Lambeau d’avancement de Webster.

lésions dysplasiques de la lèvre inférieure. Elle peut être


proposée en chirurgie ambulatoire chez des patients âgés et
fragiles.

Perte de substance inférieure ou égale


au tiers de la lèvre [31, 32]
C’est l’indication des résections avec fermeture directe en V
ou W (Fig. 18, 19).
Selon la technique chirurgicale, après anesthésie locale par
bloc du trou mentonnier ou infiltration directe de la lèvre
inférieure, on marque au crayon dermographique la jonction
labiocutanée et les limites de résection après palpation de
l’infiltration tumorale. La résection est transfixiante, faite au
bistouri à lame pointue. Elle intéresse la peau, les muscles, la
muqueuse vestibulaire labiale. Un contrôle de l’exérèse est
éventuellement demandé par un examen histologique extem-
Figure 14. Lambeau d’avancement de Webster : tranches de section. porané après repérage des sections pouvant être considérées
comme limites. La réparation doit être soigneuse pour être
solide et éviter une désunion ultérieure, elle est faite plan par
plan : muqueuse, musculaire en prenant largement le muscle
l’ensemble des lésions suspectes. La réparation de la perte de
orbiculaire de lèvres pour éviter une désunion ou une encoche,
substance est réalisée par l’avancée d’un lambeau muqueux
puis cutanée. La ligne labiocutanée doit être anatomique pour
décollé jusqu’au cul-de-sac gingivolabial. Il est alors suturé à
éviter un décalage vertical ultérieur. La résection en V peut être
l’ancienne jonction labiocutanée pour éviter tout décalage
remplacée par une résection en W qui laisse une cicatrice plus
horizontal. Le résultat cosmétique et fonctionnel est en général
courte. Les suites opératoires sont simples : antibiotiques, soins
satisfaisant. La lèvre reprend une coloration normale mais est
locaux et une alimentation semi-liquide sont la règle.
parfois un peu mince. Lustig a ainsi proposé, pour épaissir la
Les suites à distance sont en général satisfaisantes avec une
néolèvre, de prendre un lambeau postérieur plus épais compor- bonne restauration de la sangle labiale, sous réserve d’avoir bien
tant des fibres de l’orbiculaire et l’artère coronaire. La vermillo- reconstitué le plan du muscle orbiculaire.
nectomie permet ainsi une étude histologique complète de la
lèvre et permet parfois de découvrir des épithéliomas in situ qui Perte de substance comprise entre un tiers
seraient passés inaperçus sur de simples biopsies. Il faut noter
qu’en cas de lésion superficielle intéressant la zone cutanée de et deux tiers de la lèvre
la lèvre, une excision cunéiforme antérieure peut être associée De toutes les techniques décrites pour reconstruire ces pertes
à la vermillonectomie. de substance, nous en retenons trois principales. Il s’agit des
La vermillonectomie est donc une technique peu invasive techniques d’Abbé-Estlander, des procédés en escalier de
aux suites simples qui permet de contrôler l’ensemble des Johanson et du lambeau en éventail type Gillies.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 15.
A, B, C, D. Lambeau de Karapandzic inversé.

Figure 16. Vermillonectomie.

Technique de lambeaux hétérolabiaux Technique d’Estlander


d’Abbé-Estlander (Fig. 20, 21) Déjà décrite pour les lèvres supérieures, elle reprend les
Historiquement, comme nous l’avons déjà vu lors des répa- mêmes principes que pour le lambeau d’Abbé mais s’adresse aux
rations de la lèvre supérieure, les techniques de reconstruction, pertes de substance latérales et juxtacommissurales. Elle néces-
type Abbé-Estlander, ont été décrites pour reconstruire la lèvre site toujours un temps ultérieur de commissuroplastie pour
supérieure à partir de la lèvre inférieure, mais le principe reste harmoniser et corriger le déplacement en dedans de la commis-
bien entendu valable pour le cas inverse. sure labiale.

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 17.
A, B, C, D. Cas clinique de vermillonectomie.

Figure 18.
A, B. Suture directe en trois plans.

La technique consiste à prendre un lambeau de pleine Escalier de Johanson, technique


épaisseur dont le sommet est placé dans le sillon nasogénien et en « marches d’escalier » (Fig. 22, 23) [11, 36]
dont la longueur est égale à la moitié de la perte de substance
de la lèvre inférieure. Il reste attaché médialement à la lèvre Ce procédé est très utilisé. C’est une élégante technique qui
restante par la muqueuse et le pédicule coronaire. Une rotation permet une reconstruction de la lèvre inférieure avec un
de 180° est ensuite effectuée, puis le lambeau est suturé à la minimum de séquelles fonctionnelles. Elle évite la prise d’un
perte de substance suivant les trois plans, muqueux, musculaire lambeau de la lèvre controlatérale ou d’un lambeau locorégional
et cutané. La section du pédicule est en général prévue autour qui retentit toujours sur l’anatomie de la commissure labiale.
du 15e jour. Elle est utile pour les pertes de substance de la lèvre de 2 cm
De nombreuses variantes aux techniques d’Abbé-Estlander ou plus. Cette technique est particulièrement intéressante pour
ont été décrites pour éviter de trop déformer la lèvre supérieure une perte de substance latérale et juxtacommissurale car le
donneuse. Les deux principales en sont les techniques de sphincter est conservé. Elle peut aussi être utilisée pour des
Kazanjian et Rooperian [33, 34] et la technique de Buck [35]. pertes de substance médianes.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 19.
A, B. Cas clinique de résection/suture.

Figure 20.
A, B, C. Lambeaux hétérolatéraux d’Abbé-Estlander.

Figure 21.
A, B, C. Cas clinique de re-
construction par lambeau
d’Abbé-Estlander.

L’exérèse de la lèvre tumorale aboutit à une perte de subs- triangle cutané de décharge pour harmoniser l’ensemble.
tance rectangulaire. La technique consiste à réaliser latéralement Chacun des triangles et des rectangles est pris de pleine
des incisions en « marches d’escalier » qui sont de la moitié de épaisseur sur la lèvre inférieure, ce qui permet l’avancement du
la longueur de la perte de substance. L’incision de chaque lambeau vers la perte de substance initiale, chaque marche
marche est transfixiante et permet ainsi l’avancée facile de prenant la place de la perte de substance supérieure. La ferme-
l’ensemble des marches. L’incision latérale de la dernière ture est réalisée plan par plan, muqueuse, muscle et peau. La
marche est dissimulée dans le sillon labiomentonnier avec un technique de Johanson permet une préservation de la fonction

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 22.
A, B. Escalier de Johanson.

Figure 23.
A, B, C. Cas clinique d’escalier de Johanson.

sphinctérienne et de la vascularisation de la lèvre. En revanche, La technique consiste en un lambeau cutané quadrangulaire


on peut observer une microstomie pour les résections de moitié (Fig. 24A,B) déployé comme un éventail autour de la région
de lèvre. juxtacommissurale jusqu’à la perte de substance. Le lambeau est
prélevé sur la lèvre saine et reste pédiculé sur la commissure
Lambeau en éventail (« fan flap ») de Gillies labiale. Quadrangulaire à grand axe vertical, l’éventail effectue
(Fig. 24) un mouvement de rotation en dedans et en bas pour combler
Il s’agit d’un lambeau péricommissural de pleine épaisseur, la perte de substance en prenant bien soin de ne pas blesser le
muqueuse comprise, avec conservation du pédicule vasculaire. pédicule qui est très fin et qui ne contient que les vaisseaux, un
Il fut décrit par Gillies en 1920. Il permet la reconstruction peu de peau et du tissu sous-cutané (Fig. 24C,D). La commissure
d’une hémilèvre en utilisant la lèvre saine juxtacommissurale. labiale suit la rotation du lambeau et nécessite un deuxième

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 24.
A, B, C, D, E, F. Lambeau en éventail de Gillies.

temps de commissuroplastie. Pour épaissir la lèvre et la rendre du triangle de résection cutanée et reconstitue ainsi une
plus fonctionnelle, un lambeau de langue peut être pris sur son nouvelle lèvre rouge. Chez les sujets âgés, la réalisation est
bord libre ; il est sectionné une dizaine de jours plus tard facilitée par la laxité cutanée. Les résultats fonctionnels des
(Fig. 24E,F). lambeaux de Camille Bernard sont médiocres avec un recul de
la lèvre inférieure, mauvaise occlusion et fuite salivaire.
Perte de substance supérieure aux deux
tiers Modification du lambeau de Camille Bernard
par Webster (Fig. 27) [37]
Les réparations des pertes de substance totales ou quasi
totales de la lèvre inférieure posent de difficiles problèmes au Webster a modifié la technique décrite par Camille Bernard
plan fonctionnel étant donné la perte de la fonction sphincté- pour essayer d’en améliorer les résultats fonctionnels. Webster
rienne de la lèvre. Deux grandes techniques sont surtout réalise quatre lambeaux cutanés de décharge, deux au niveau
utilisées pour ce type de reconstruction : le lambeau de Camille des sillons nasogéniens et deux au niveau des sillons labiomen-
Bernard, modifié par Webster, et la reconstruction suivant la tonniers le long du galbe du menton. L’ensemble permet ainsi
technique de Karapandzic. une meilleure avancée des deux lambeaux avec des sutures plus
faciles.
Reconstruction par lambeau de Camille Bernard La reconstruction du vermillon inférieur peut être réalisée,
(Fig. 25, 26)) soit par des lambeaux muqueux de la face interne de joue, soit
La technique « princeps » décrite par Camille Bernard consiste par un lambeau de langue qui est suturé à la nouvelle lèvre et
à réparer toute la lèvre inférieure par deux lambeaux d’avance- sectionné après une dizaine de jours.
ment de joue. La reconstruction selon cette technique aboutit à des résultats
La technique est identique des deux côtés : une résection fonctionnels meilleurs qu’avec la technique de base de Camille
cutanée des deux triangles commissuraux à base inférieure Bernard. Mais néanmoins, il y a encore une mauvaise compé-
permet le glissement des berges labiomentonnières latérales. tence labiale avec recul important de la lèvre inférieure et une
Chaque base est égale à la moitié de la perte de substance de lèvre supérieure qui est beaucoup plus épaisse et projetée en
lèvre. Un lambeau muqueux triangulaire est ensuite pris à la avant. En fait, peu de techniques peuvent remédier à ce défaut,
partie interne de la joue en respectant l’artère faciale et le canal à moins de mettre un lambeau de langue épais pour refaire un
de Sténon. Ce lambeau est retourné, éversé et suturé à la base vermillon.

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 25.
A, B, C, D. Lambeau de Camille Bernard.

Figure 26.
A, B, C. Cas clinique de lambeau de Camille Bernard.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 27.
A, B, C, D, E. Procédé de Camille Bernard modifié
par Webster.

Figure 28.
A, B, C, D, E. Technique de Karapandzic.

16 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 29.
A, B, C, D. Cas clinique de technique de
Karapandzic.

Technique de Karapandzic (Fig. 28, 29) [38] Commissuroplasties


La technique de Karapandzic permet de reconstruire L’harmonisation et la réfection labiale sont souvent nécessai-
jusqu’aux trois quarts d’une lèvre inférieure. Elle est simple, res après une chirurgie réparatrice des lèvres (Tableaux 1 et 2) :
rapide et donne des résultats fonctionnels et esthétiques en effet un déplacement de la commissure, une microstomie
acceptables. sont assez fréquents et vont nécessiter une plastie
La technique s’inspire de celle du lambeau en éventail de d’harmonisation.
Gillies. L’exérèse tumorale aboutit à une perte de substance Normalement, la commissure labiale se place au repos entre
quadrangulaire. Le principe de la reconstruction selon Karapan- la canine et la première molaire supérieure. Trois techniques
dzic est de prendre un lambeau d’avancement de jour à base peuvent être proposées pour les commissuroplasties.
supérieure. Il rejoint en cela le principe du lambeau en éventail
de Gillies mais l’incision n’est pas transfixiante et préserve la
Plasties en Z
muqueuse. L’incision cutanée arciforme concave en dedans est
réalisée. Elle commence à la base de la perte de substance et Lorsque la déformation commissurale est peu importante, on
remonte vers la base du nez en restant à distance de la commis- peut réaliser une commissuroplastie avec une double plastie en
sure labiale. Les vaisseaux sont disséqués et respectés et les fibres Z. Une première plastie en Z cutanée superficielle replace la
du muscle orbiculaire sont isolées. La muqueuse de joue est commissure cutanée tandis qu’une deuxième plastie muqueuse
respectée sauf sur les 2 premiers centimètres pour permettre une profonde en Z elle aussi replace la commissure muqueuse.
meilleure avancée du lambeau. Le lambeau est ensuite avancé et
suturé pour combler la perte de substance. Cette technique peut Technique de Gillies (Fig. 31, 32)
être uni- ou bilatérale.
En cas de malposition et de déformation majeure, la techni-
Cette technique permet une reconstruction avec des lèvres
que de Gillies permet une correction satisfaisante.
continentes, sensibles, mais en revanche, donne une
La technique consiste à réséquer un triangle cutané superficiel
microstomie.
dont le sommet correspond à la place de la nouvelle commis-
sure. La lèvre supérieure est reconstituée par la partie juxtacom-
missurale de la lèvre inférieure tandis que la lèvre inférieure est
Perte de substance transfixiante reconstruite par la section du rideau muqueux endobuccal qui
de la commissure labiale est positionné sur la nouvelle lèvre inférieure.

Les pertes de substance des commissures labiales sont diffici- Lambeau muqueux de la face interne de joue
les à reconstruire et donnent souvent des résultats fonctionnels (Fig. 33, 34)
médiocres étant donné l’altération du modiolus. De nombreuses
techniques ont été décrites ; la technique utilisant des lambeaux Après dessin de l’emplacement de la nouvelle commissure, la
rhomboïdes (Fig. 30) est la plus employée. technique consiste à réaliser une exérèse cutanée qui emporte la
L’exérèse tumorale réalisée, la technique consiste à dessiner muqueuse adjacente. Deux lambeaux muqueux sont pris à la
un lambeau rhomboïde supérieur et inférieur. Ils sont trans- face interne de joue ; ils viennent recouvrir la perte de subs-
fixiants de pleine épaisseur jusqu’à la muqueuse en prenant soin tance où ils sont suturés tandis que la surface de prise de
de ne pas blesser les pédicules vasculaires. Les lambeaux sont lambeau est fermée par simple rapprochement. Le danger en est
ensuite suturés à eux-mêmes pour former la nouvelle commis- parfois une rétraction qui peut se voir ultérieurement et aboutir
sure, puis une harmonisation des sutures permet la reconstruc- à une certaine récidive de la déformation.
tion de la lèvre supérieure et inférieure. En cas de perte de Le respect du modiolus est primordial pour l’esthétique et la
substance importante de muqueuse de joue, un lambeau bilobé fonction des lèvres.
de langue peut y être associé pour reconstruire à la fois la La reconstruction doit tenir compte des sous-unités esthé-
muqueuse et la lèvre rouge. tiques de la face.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 17


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 30.
A, B, C, D, E, F. Réparation d’une perte de substance transfixiante de la commissure labiale par deux lambeaux rhomboïdes.

Tableau 1.
Chirurgie réparatrice de la lèvre supérieure. Principales indications en fonction de la perte de substance.
Lèvre blanche Lèvre rouge
- Lambeau de Webster Perte < un tiers Perte > un tiers
- Lambeau nasogénien - Lambeau d’Abbé - Lambeau de Webster
- Greffe de peau totale - Lambeau d’Estlander - Lambeau de Karapandzic inversé
- Lambeau nasogénien
- Lambeau en éventail de Gillies

Tableau 2.
Chirurgie réparatrice de la lèvre inférieure. Principales indications en fonction de la taille de la perte de substance (PDS).
Taille de la PDS Inférieure ou égale à un tiers Comprise entre un tiers et deux tiers Supérieure à deux tiers
Indications Fermeture directe en V ou en W Lambeaux hétérolatéraux d’Abbé-Estlander Lambeau de Camille Bernard, modifié
par Webster
Lambeau en « marches d’escalier » de Johanson Lambeau de Karapandzic
Lambeau en éventail de Gillies

18 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 31.
A, B, C, D. Commissuroplastie suivant la technique de Gillies.

Figure 32.
A, B, C, D. Cas clinique de commissuroplastie selon Gillies corrigeant une microstomie suite à un lambeau d’Estlander.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 19


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

Figure 33.
A, B, C, D, E, F, G. Commissuroplastie par lambeaux muqueux de face interne de joue.

20 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs des lèvres ¶ 46-238

Figure 34.
A, B, C, D, E. Cas clinique de commissuroplastie par lambeaux
muqueux de face interne de joue.

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Techniques chirurgicales - Tête et cou 21


46-238 ¶ Chirurgie des tumeurs des lèvres

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from electric burns. Am J Surg 1954;8:884-90. J Plast Surg 1974;27:93-8.

J.-P. Bessede, Professeur des Universités (bessede@unilim.fr).


J.-P. Sannajust, Praticien hospitalier.
V. Vergnolles, Interne des Hôpitaux.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-maxillo-faciale, Centre hospitalier universitaire Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87000
Limoges, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bessede J.-P., Sannajust J.-P., Vergnolles V. Chirurgie des tumeurs des lèvres. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-238, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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22 Techniques chirurgicales - Tête et cou


¶ 46-240

Chirurgie des tumeurs malignes


du plancher buccal :
exérèse et réparation
P. Marandas, M. Germain, J.-P. Margainaud, D. Hartl, F. Kolb

Les carcinomes du plancher buccal relèvent pour un très grand nombre de cas d’un traitement
chirurgical. Ce traitement chirurgical doit intéresser le lit tumoral et les aires ganglionnaires. Le traitement
du lit tumoral comporte toujours un temps d’exérèse et ensuite un temps de réparation. Le temps
d’exérèse doit être adapté à l’extension de la tumeur tant au niveau des tissus mous que de l’os. En cas
d’interruption osseuse, la réparation de la continuité osseuse, surtout si l’interruption est antérieure, est
indispensable pour éviter de très lourdes séquelles morphologiques et fonctionnelles.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Plancher buccal ; Pelvectomie ; Pelvimandibulectomie non interruptrice ;


Pelvimandibulectomie interruptrice ; Réparation du plancher buccal ;
Lambeau de facial artery musculomucosal (FAMM) ; Lambeau libre antébrachial ; Lambeau libre de péroné ;
Lambeau libre scapulaire ; Lambeau libre de crête iliaque

Plan à la langue ; il s’agit alors de pelviglossectomie, de pelvi-


glosso-mandibulectomie non interruptrice, de pelvi-glosso-
¶ Introduction 1 mandibulectomie interruptrice ;
• pelvimandibulectomie élargie lorsque la tumeur envahit les
¶ Points communs à toutes les interventions 1 tissus mous du menton et de la peau.
Anesthésie 1 Ces exérèses emportent une partie plus ou moins importante
Temps ganglionnaire 1
de tissus mous ; elles exposent donc à des séquelles notables
Temps d’exérèse tumorale 2
(fixité de langue en particulier), cela impose d’assurer une
Temps de réparation 2
réparation de ces tissus mous de façon à minimiser les séquelles
Soins postopératoires 2
fonctionnelles.
¶ Différentes interventions d’exérèse du plancher buccal 2
Pelvectomies par voie buccale 2
Pelvimandibulectomies non interruptrices (PMNI) 3 ■ Points communs à toutes
Pelvimandibulectomies interruptrices 6
¶ Réparation tissulaire après chirurgie d’exérèse des tumeurs
les interventions
du plancher de la bouche 9
Réparation de la perte de substance muqueuse 9 Anesthésie
Reconstruction de la continuité osseuse 16 L’intervention est toujours réalisée sous anesthésie générale.
¶ Conclusion 23 Le malade est intubé non pas par voie buccale mais par voie
nasale de façon à libérer le maximum d’espace au niveau du lit
opératoire. Nous conseillons même de réaliser une trachéotomie
première sauf dans les exérèses très limitées. Cette trachéotomie
■ Introduction est, pour le confort du patient, réalisée non pas sous anesthésie
locale mais sous anesthésie générale, le malade étant intubé par
les voies naturelles. Cette trachéotomie est un gage de sécurité
Il existe plusieurs types d’exérèse en fonction des extensions postopératoire car deux incidents peuvent survenir en postopé-
observées : ratoire : un œdème lingual ou une hémorragie buccale qui
• pelvectomie par voie buccale : c’est l’intervention adaptée à pourrait avoir des conséquences catastrophiques en l’absence de
une lésion à distance de la table interne de la mandibule et trachéotomie.
du mylohyoïdien ; Cette trachéotomie est réalisée par une courte incision
• pelvimandibulectomie non interruptrice : elle est adaptée aux horizontale ou verticale en limitant au maximum les décolle-
tumeurs du plancher buccal remontant légèrement sur la ments cervicaux. Pour la période opératoire et les premiers
muqueuse de la table interne de la mandibule mais sans jours, on met en place une canule à ballonnet.
atteinte alvéolaire et sans extension osseuse ;
• pelvimandibulectomie interruptrice adaptée aux lésions
s’accompagnant de lyse osseuse ;
Temps ganglionnaire
• ces exérèses du plancher seul, ou étendues à la mandibule Il est indispensable sauf en cas de pelvectomie limitée de
peuvent être, en fonction des extensions tumorales, élargies rattrapage réalisée par voie endobuccale seule.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Le temps ganglionnaire est bilatéral lorsque la tumeur est à


cheval sur la ligne médiane ou qu’elle s’en rapproche. Dans les
lésions limitées du tiers postérieur du plancher buccal, l’évide-
ment peut être unilatéral tout en sachant que les drainages
lymphatiques croisés sont possibles :
• le geste ganglionnaire est en cas de N0 un évidement cervical
supérieur avec examen histologique extemporané. On réalise
l’évidement des aires sous-maxillaire (IA), sous-mentale (IB),
sous-digastrique (IIA) et sus-omohyoïdienne (III). L’évidement
est complété en cas de réponse positive à l’examen extempo-
rané et reste suffisant si les ganglions sont négatifs [1, 2] ;
• en cas de ganglion cliniquement ou radiologiquement
suspect, on réalise un évidement complet radical modifié
enlevant toutes les chaînes ganglionnaires (IA et B, IIA, IIB,
III, IV, V) et en conservant le sterno-cléido-mastoïdien, la
Figure 1. Coupe frontale antérieure du plancher buccal. 1. Pointe de
veine jugulaire interne et le nerf spinal. En cas de gros
langue. 2. muqueuse du plancher ; 3. glande sublinguale ; 4. canal de
ganglion de dissection difficile, la jugulaire interne peut être
Wharton ; 5. muscle mylohyoïdien ; 6. muscle génioglosse ; 7. muscle
sacrifiée au même titre que le nerf spinal. En cas d’évidement
géniohyoïdien ; 8. ventre antérieur du digastrique.
bilatéral, il est indispensable de conserver au minimum une
veine jugulaire interne ;
• en cas de petite tumeur (< 4 cm) superficielle N0, on peut
utiliser la technique du ganglion-sentinelle de façon à limiter
le geste chirurgical. Cette technique nécessite l’injection
péritumorale d’un produit faiblement radioactif (sulfure de
rhénium marqué au 99m Tc). La lymphoscintigraphie est
réalisée avec une caméra à scintillation 15 à 60 minutes après
l’injection. En peropératoire, le repérage précis du ganglion
sentinelle utilise en plus une sonde de détection gamma ; le
ganglion étant repéré, on pratique l’exérèse sélective de ce
ganglion en prenant soin de faire l’incision cutanée de façon
à pouvoir compléter le geste si l’extemporané est positif [3-5].

Temps d’exérèse tumorale


Il varie selon la tumeur. Dans tous les cas, des contrôles
histologiques extemporanés sont demandés sur les berges de
l’exérèse, non pas en prélevant sur la pièce elle-même mais sur
les berges restantes.

Temps de réparation
Figure 2. Tracé de l’exérèse dans une pelvectomie par voie buccale.
Il dépend de l’importance de l’exérèse du plancher, de la
langue et de la mandibule.

Soins postopératoires Wharton et les portions juxtamandibulaires des muscles génio-


hyoïdien et génioglosse (Fig. 1). En fonction de la topographie
• L’antibiothérapie prophylactique commencée en cours antérieure ou latérale de la tumeur, on distingue les interven-
d’intervention est prolongée 48 heures. L’antibiothérapie la tions suivantes.
plus courante est l’association d’amoxicilline et d’acide
clavulanique ;
Pelvectomies antérieures par voie buccale
• l’alimentation est assurée par une sonde naso-œsophagienne
qui est laissée en place jusqu’à ce que la cicatrisation Après la réalisation du temps ganglionnaire qui se fait par
muqueuse autorise la reprise de l’alimentation orale, soit une incision arciforme allant de la région sous-mastoïdienne à
entre 12 et 15 jours ; la région sous-mentale, on réalise les temps suivants.
• des soins de bouche sont indispensables : les premiers jours,
ils sont de préférence faits par l’infirmière : aspiration des Temps d’exérèse tumorale
mucosités et nettoyage des muqueuses buccales à l’aide d’un
tampon mousse ou d’une compresse imbibée d’une solution Il est réalisé par voie buccale.
de bain de bouche de préférence alcalin ; • La délimitation des limites d’exérèse est réalisée en traçant un
• la canule de trachéotomie est changée au 3e jour pour une pointillé à la pointe du bistouri électrique (Fig. 2) ; la langue
canule en acryl sans ballonnet de façon à permettre la mobile étant attirée vers le haut par un fil tracteur trans-
phonation ; elle est en règle enlevée vers le 7 - 8e jour dès fixiant la langue ;
que l’œdème postopératoire s’est résorbé et que la cicatrisa- • l’incision antérieure est faite en fonction de l’extension
tion est bien avancée. tumorale antérieure :
C soit au fond du sillon pelvimandibulaire si la tumeur reste
à distance de la table interne de la mandibule ;
■ Différentes interventions C soit au niveau de la crête alvéolaire chez le malade édenté
et ensuite est réalisé le décollement sous-périosté de la
d’exérèse du plancher buccal partie haute de la face interne de la mandibule située
au-dessus des insertions du mylohyoïdien ;
Pelvectomies par voie buccale C soit chez le malade denté, on incise la muqueuse à
L’exérèse emporte le plancher buccal limité en haut par la 10-12 mm du rebord alvéolaire ;
muqueuse du plancher buccal et en profondeur par le mylo- • section des attaches mandibulaires des muscles génioglosse et
hyoïdien. Cet espace contient la glande sublinguale, le canal de géniohyoïdien.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 3. Schéma sa- Figure 4. Tracé de l’in-


gittal de la zone d’exérèse cision cutanée en cas de
dans une pelvectomie par pelvimandibulectomie
voie buccale. 1. Muscle antérieure.
mylohyoïdien ; 2. muscle
géniohyoïdien ; 3. muscle
génioglosse.

Pelvimandibulectomies non interruptrices


(PMNI)
• la libération antérieure de la muqueuse est prolongée latéra-
lement de proche en proche de chaque côté de la tumeur Elles sont antérieures pour les lésions du plancher antérieur
pour atteindre la face ventrale de la langue ; dépassant plus ou moins la ligne médiane ou latérale.
• section postérieure de la pièce : après incision de la muqueuse Ce type d’intervention est indiqué dans les tumeurs du
linguale, on réalise la section des muscles génioglosse et plancher buccal sans atteinte osseuse mais s’approchant du
géniohyoïdien de la surface vers la profondeur jusqu’au plan rebord alvéolaire. La résection d’une baguette mandibulaire est
du mylohyoïdien (Fig. 3). justifiée d’une part pour des raisons carcinologiques : avoir la
certitude de ne pas laisser des cellules tumorales dans les
Temps de fermeture alvéoles dentaires et enlever en totalité le périoste de la table
interne, voie de diffusion du cancer ; et d’autre part pour des
La fermeture peut être assurée par différents procédés : raisons de fermeture car il serait difficile de couvrir la table
• rapprochement bord à bord : la fixité linguale qu’il entraîne interne de la mandibule après exérèse muqueuse et périostée en
nécessite d’avoir recours dans un deuxième temps à une passant au ras des alvéoles chez un sujet denté. L’abaissement
greffe d’expansion vestibulaire ; de la mandibule rend plus aisée la fermeture.
• fermeture à l’aide d’un lambeau nasogénien ;
• fermeture à l’aide d’un lambeau lingual ou jugal ; Pelvimandibulectomies antérieures
• dans certains cas, on peut laisser une partie de la zone non interruptrices
d’exérèse sans fermeture de façon à obtenir une cicatrisation
progressive de la surface cruentée. C’est dans ces cas que la Elles sont indiquées pour des lésions du plancher buccal
conservation d’une glande sublinguale permet de recouvrir antérieur à cheval sur la ligne médiane.
une partie des surfaces musculaires et ainsi d’obtenir une
cicatrisation plus rapide. Cette technique de cicatrisation Trachéotomie
dirigée nécessite cependant que la muqueuse de la table Elle se fait selon la technique habituelle.
interne de la mandibule n’ait pas été réséquée.
Ces différentes techniques de fermeture sont abordées plus Incision cutanée
loin. Il convient toujours de veiller à ne pas recréer une pointe C’est une double incision arciforme allant de la région sous-
de langue importante car elle risquerait de s’extérioriser hors du mastoïdienne en arrière à la région sous-mentale en avant : la
plan labial. partie moyenne arciforme est assez basse réalisée dans un pli du
cou. À la partie antérieure, ces incisions se rejoignent en
Pelvectomies latérales par voie buccale réalisant un court segment horizontal sous-mental tracé à
mi-distance du bord inférieur du menton et du relief du corps
Après la mise en place d’un écarteur de bouche et d’un fil de l’os hyoïde (Fig. 4). La section médiane du menton et de la
tracteur sur la langue, on commence par délimiter le tracé de la lèvre inférieure n’est pas indispensable ; certes elle ouvre un
zone d’exérèse. large champ opératoire mais elle expose à des cicatrices
Ce tracé passe, chez le malade édenté, au niveau de la partie disgracieuses.
interne du rebord alvéolaire. En présence de dents, l’incision Cette section du menton et de la lèvre inférieure peut se faire
passe à 6 mm environ au-dessous du rebord alvéolaire ou plus par une :
bas en fonction de l’extension tumorale. • incision médiane verticale stricte ;
En arrière le tracé va transversalement du rebord mandibu- • incision médiane verticale avec deux petits Z ;
laire à la zone de jonction linguale. • incision en Z ;
En avant le tracé rejoint le tiers antérieur - tiers moyen du • incision arrondie contournant le menton pour atteindre la
bord de langue. lèvre.
En dedans le tracé passe, en fonction de la tumeur, dans le Il est très important de faire des petits repères sur la peau et
sillon pelvilingual, ou remonte sur le bord de langue. sur la lèvre de façon à suturer ensuite la peau et les lèvres en
L’exérèse est conduite d’avant en arrière en passant au-dessus bonne position.
du plan du mylohyoïdien. Cette exérèse mord dans le muscle Cette section de la lèvre inférieure facilite surtout le temps de
hyoglosse et en arrière dans la partie antérieure du styloglosse. mise en place d’un lambeau libre lors de la fermeture.
La fermeture est toujours aisée dans les pelvectomies latérales
car le rapprochement muqueux bord à bord est toujours Lambeaux cutanés
possible. On peut même laisser une partie cruentée, comme Après section de la peau du tissu cellulaire sous-cutané et du
pour la cicatrisation du plancher antérieur, la translation peaucier, ils sont disséqués et relevés jusqu’au bord inférieur de
partielle de la glande sublinguale peut être utilisée. la mandibule.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Figure 5. Abord antérieur de la zone d’exérèse. Le tracé de l’incision


passe sous le rebord gingival ou au ras de l’alvéole dentaire.

Temps ganglionnaire
La pièce d’évidement sous-maxillaire est en règle laissée en
monobloc.

Abord inférieur de la zone d’exérèse Figure 6. Section osseuse mandibulaire respectant une baguette
• Section des attaches mandibulaires du ventre antérieur des inférieure.
deux muscles digastriques ;
• incision du périoste sur la crête basilaire de la mandibule sur
toute la longueur de résection osseuse en dépassant cette
longueur de 1 cm de chaque côté ;
• rugination sous-périostée de la table interne de la mandibule
dans sa moitié inférieure (cette rugination périostée est
rendue nécessaire par l’existence de lymphatiques dans le
périoste). Lors de cette rugination les insertions mandibulaires
du mylohyoïdien sont désinsérées.

Abord antérieur
• Réclinaison de la lèvre inférieure soit à l’aide de deux
écarteurs de Farabeuf, soit par des fils de traction transla-
biaux ;
• section muqueuse horizontale à la face externe de la mandi-
bule soit à la face inférieure de la gencive, soit en passant au
ras du collet des dents et en ruginant la fibroconjonctive de
la racine des dents (Fig. 5). Cette incision va d’une prémolaire
à l’autre. La conservation de la plus grande quantité de
muqueuse possible rend la fermeture plus facile tout en Figure 7. Schéma d’une coupe sagittale de pelvi-glosso-mandibulec-
respectant les impératifs carcinologiques ; tomie antérieure non interruptrice.
• rugination de la face externe de la mandibule sur la moitié
supérieure de sa hauteur en respectant la partie inférieure de
cette face externe qui n’est pas ruginée de façon à ne pas
fragiliser les tissus restants. Exérèse tumorale (Fig. 7)
• Section latérale à droite et à gauche de la muqueuse à
Section horizontale de la mandibule distance de la tumeur ;
Cette section est réalisée à mi-hauteur de la mandibule en • section du mylohyoïdien ;
passant juste sous les racines des dents en évitant bien de laisser • passage en pull-through de l’ensemble de la baguette mandi-
des fragments de racine dans les apex dentaires de la baguette bulaire, du plancher et de la langue (Fig. 8, 9) ;
mandibulaire restante. En cas de racines particulièrement • abord de la face ventrale de la langue en sectionnant la
longues, on peut préférer commencer par l’extraction des dents muqueuse puis en sectionnant les fibres antérieures du
avant de faire la section osseuse. génioglosse d’avant en arrière ;
Si le patient est édenté de longue date, la baguette réséquée • l’exérèse se poursuit par la section postérieure du génioglosse
est peu importante. et des autres muscles linguaux, ce qui libère la pièce ;
La section osseuse (Fig. 6) est réalisée à la scie électrique • durant toute cette exérèse, l’hémostase est faite pas à pas par
oscillante en irriguant en permanence la tranche de section des coagulations au bistouri électrique et des ligatures sur les
pour éviter l’échauffement de la baguette osseuse restante. On vaisseaux les plus importants.
commence par délimiter le tracé inférieur et latéral en prenant
Temps de réparation
soin de faire une pente douce de chaque côté de façon à rendre
possible l’appareillage dentaire ultérieur. • Réparation musculaire hyomandibulaire. Les muscles lin-
Après section de la table interne, on rejoint la zone de guaux restants et l’os hyoïde sont amarrés au bord inférieur
décollement du périoste. de la symphyse soit à l’aide de Vicryl 0, soit à l’aide de fil

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 10. Aspect radiographique après pelvimandibulectomie non


interruptrice antérieure.

Figure 8. Extériorisation sous-mandibulaire de la langue et de la zone


tumorale. 1. Tranche de section postérieure des muscles linguaux ; 2.
baguette mandibulaire passée en pull-through ; 3. rebord basilaire de la
mandibule.

Figure 11. Schéma du tracé de l’incision muqueuse dans une pelviman-


dibulectomie latérale non interruptrice. 1. Trait postérieur ; 2. trait in-
Figure 9. Section osseuse d’une pelvimandibulectomie antérieure non terne ; 3. trait externe ; 4. trait antérieur.
interruptrice et passage en pull-through de la pièce.

Temps ganglionnaire
non résorbable. La hyomandibulopexie peut s’aider de fils
passés à travers la mandibule après création de trous à l’aide La lésion étant latéralisée, l’évidement est unilatéral par une
d’un fin trépan. Cette hyomandibulopexie peut être facilitée incision arciforme allant de la pointe du menton à la région
par la section partielle des muscles sous-hyoïdiens au bord sous-mastoïdienne.
inférieur de l’os hyoïde ;
• réamarrage des ventres antérieurs du digastrique à la région Temps d’exérèse
mentonnière ; Les schémas des tracés de l’incision muqueuse et de la
• réparation muqueuse. Elle peut être réalisée : résection varient selon qu’il s’agit d’une pelvimandibulectomie
C soit par suture bord à bord en se réservant la possibilité 6 latérale non interruptrice (Fig. 11, 12) ou d’une glosso-pelvi-
à 8 mois après de mettre une greffe de peau totale mandibulectomie non interruptrice (Fig. 13, 14).
d’expansion vestibulaire ; Abord et section de la baguette osseuse. L’incision cutanée
C soit par l’utilisation de lambeaux : de face interne de de l’évidement est suffisante. Il n’y a pas nécessité, habituelle-
joue (lambeau de facial artery musculo-mucosal [FAMM]) ; ment, d’inciser le menton et la lèvre. On incise le périoste le
lambeau nasogénien ; lambeau libre antébrachial ; lambeau long de la crête basilaire de la mandibule. Après avoir écarté la
sous-hyoïdien ; lambeau musculocutané de grand pectoral. lèvre, on incise la muqueuse de la face externe de la mandibule
L’utilisation d’une technique de réparation plutôt que d’une le plus haut possible sur la gencive ou au ras des alvéoles depuis
autre varie en fonction de la tumeur et des habitudes de la région des incisives jusqu’à la région molaire. On procède
chacun. ensuite à la rugination de la face externe de la mandibule dans
La qualité de la baguette osseuse restante est vérifiée par une sa moitié supérieure. Puis on sectionne une baguette mandibu-
radiographie postopératoire (Fig. 10). laire latérale à la scie oscillante depuis le bloc incisif jusqu’à la
région rétromolaire. Cette section osseuse doit passer sous les
Pelvimandibulectomies latérales non apex dentaires ou est réalisée après avulsion des dents. Cette
interruptrices section est réalisée en veillant à ce qu’elle soit en pente douce
à chaque extrémité. On peut s’aider, pour terminer la section,
Elles sont indiquées pour des cancers du plancher buccal d’un coup de ciseaux à frapper fin. La baguette étant libérée, on
latéral à distance de la ligne médiane. prend soin de décoller le périoste de la table interne de la
mandibule dans sa partie inférieure jusqu’au bord basilaire.
Trachéotomie Exérèse tumorale. Après mise en place d’un ouvre-bouche et
Elle se fait sous intubation. d’un fil de traction sur la langue, on commence par faire le

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

antérieur passe au niveau du plancher antérieur en passant à


1 cm en avant de la lésion. Le trait interne est tracé :
• soit près du bord libre de la langue pour les lésions ne
dépassant pas le sillon pelvilingual ;
• soit emportant une partie plus ou moins importante de
langue si la tumeur infiltre le bord de langue.
Le trait postérieur passe en règle devant le V lingual, au
niveau de la zone de jonction et remonte sur la table interne de
la mandibule pour atteindre le rebord alvéolaire incisé lors de
l’ablation de la baguette osseuse. Ce trait postérieur peut être
reporté sur le pilier antérieur et le sillon glossoamygdalien en
fonction de l’extension tumorale.
La résection muqueuse et musculaire se fait :
• en avant : en regard de la section antérieure de la baguette
osseuse, on incise selon le pointillé la muqueuse puis les
tissus sous-jacents en enlevant la glande sublinguale jusqu’au
plan du mylohyoïdien ;
• en dedans : on sectionne d’avant en arrière la langue mobile
enlevant 1 cm de langue en passant en dedans des plans des
Figure 12. Schéma de la résection dans une pelvimandibulectomie
muscles styloglosse et hyoglosse. Cette section interne peut se
latérale non interruptrice. 1. styloglosse; 2. palatoglosse et amygdalo-
situer sur la ligne médiane de la langue mobile en cas
glosse; 3. hyoglosse; 4. lingual inférieur ; 5. lingual supérieur ; 6. génio-
d’envahissement important de la langue. Dans ce cas la
glosse ; 7. géniohyoïdien ; 8. mylohyoïdien ; 9. digastrique.
section se situe dans le plan avasculaire de la ligne médiane ;
• en arrière : la section se fait perpendiculairement à la direc-
tion des fibres musculaires.
Ce temps est très hémorragique et nécessite une hémostase
minutieuse pas à pas.
La libération de la pièce se fait par passage de la pièce sous
et en dehors de la mandibule (pull-through) ainsi que la langue
restante. Les fibres profondes des muscles hyoglosse, styloglosse,
mylohyoïdien sont sectionnées ainsi qu’une partie du génio-
glosse et du géniohyoïdien en fonction des extensions
tumorales.

Temps de fermeture : réparation muqueuse


Comme pour les pelvimandibulectomies antérieures non
interruptrices, la fermeture peut se faire en fonction de l’impor-
tance de l’exérèse et des habitudes du chirurgien :
• par rapprochement bord à bord des muqueuses en suturant
la muqueuse du rebord mandibulaire externe à la muqueuse
du bord de langue. Secondairement, 6 à 8 mois après peut
être mise une greffe d’expansion vestibulaire de façon à
mobiliser la langue et permettre l’appareillage. On peut
s’aider, pour rapprocher les plans profonds, en passant trois
gros fils de Vicryl n° 0 ou 1 entre la mandibule et la grande
Figure 13. Schéma du tracé de l’incision muqueuse dans une glosso- corne de l’os hyoïde ;
pelvi-mandibulectomie latérale non interruptrice. • par lambeau de face interne de joue (lambeau de FAMM) ;
• par lambeau sous-hyoïdien ;
• par lambeau libre antébrachial ;
• par lambeau musculocutané ou musculaire de grand pectoral.

Variante : PMNI sagittale


Certains proposent de réaliser dans certaines indications une
PMNI sagittale, c’est-à-dire d’enlever la moitié interne de la
mandibule. Cette technique nécessite, après incision de la
fibromuqueuse au rebord externe des dents, d’extraire ces dents
puis de faire la section osseuse sagittale avec une longue lame
en passant au bord inférieur de la mandibule et de terminer par
quelques coups de ciseaux à frapper. Ensuite l’exérèse pelvilin-
guale est réalisée classiquement. Nous avons utilisé cette
technique et nous l’avons presque totalement abandonnée car
la section osseuse est difficile si l’on veut enlever une tranche
osseuse suffisante, et la suture muqueuse est compliquée par la
persistance de l’ensemble de la hauteur de la moitié externe de
la mandibule. Cela oblige à abaisser le rebord alvéolaire externe,
ce qui fragilise beaucoup la mandibule exposant à une fracture
secondaire.
Figure 14. Schéma de la résection dans une glosso-pelvi-
mandibulectomie latérale non interruptrice.
Pelvimandibulectomies interruptrices
tracé muqueux de la résection à la pointe coagulante ; ce trait Ce type d’intervention est réalisé lorsqu’il y a une atteinte
variant en fonction de l’importance de la tumeur. Le trait osseuse clinique ou radiologique. Cliniquement, l’existence

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 15. Coupe frontale d’une glosso-pelvi-mandibulectomie anté-


rieure interruptrice.

d’une atteinte du rebord alvéolaire ou une mobilité dentaire


sont très en faveur d’une atteinte osseuse. L’importance du Figure 16. Coupe sagittale d’une glosso-pelvi-mandibulectomie anté-
sacrifice osseux dépend des données radiographiques ; il faut rieure interruptrice.
s’aider du scanner pour étudier les corticales et de l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) pour avoir une bonne analyse de
la médullaire. L’obtention d’examen histologique extemporané
n’étant pas possible sur l’os, la résection osseuse doit être large.
On distingue, selon le point de départ de la tumeur et les
extensions osseuses : les pelvimandibulectomies interruptrices
latérales dont les séquelles osseuses sont acceptables même sans
réparation, tant sur le plan morphologique que fonctionnel. Les
pelvimandibulectomies antérieures interruptrices, en revanche,
sont responsables de séquelles majeures tant sur le plan mor-
phologique que fonctionnel, elles doivent donc être
reconstruites.

Pelvimandibulectomies antérieures interruptrices


Le plus souvent ce sont en fait des pelvi-glosso-mandibu-
lectomies antérieures interruptrices car la tumeur qui est née au
niveau du plancher buccal, lorsqu’elle est découverte au stade
avec atteinte osseuse, a habituellement des extensions égale-
ment dans la langue. Cette extension linguale peut rester
minime, localisée à la face ventrale de la langue, autorisant un
sacrifice lingual peu important ; souvent en fait, elle est déjà
Figure 17. Schéma de l’exérèse de la pièce opératoire lors d’une
importante, obligeant à un sacrifice notable de la langue mobile
glosso-pelvi-mandibulectomie antérieure interruptrice. 1. Lèvre inférieure
(Fig. 15).
et menton tractés en haut ; 2. pointe de langue passée sous le menton ; 3.
La trachéotomie s’impose de façon impérative.
section linguale ; 4. face linguale de langue réséquée ; 5. tranche de
Le temps ganglionnaire est bilatéral par une incision de section osseuse.
chaque côté, arciforme, allant de la région sous-mastoïdienne à
la région sous-mentale avec à ce niveau un trait horizontal à
mi-chemin du menton et de l’os hyoïde. l’échauffement ; on peut également la réaliser à la scie de
Habituellement, cette incision suffit au temps d’exérèse Gigli. La section osseuse est complétée par l’incision de la
tumorale ; parfois, elle peut s’accompagner d’une section muqueuse de la table interne de la mandibule. Avant la
médiane de la lèvre. section osseuse, il est indispensable de faire un calque de la
mandibule avec un fantôme en métal mou de façon à pou-
Abord de la zone d’exérèse
voir donner ultérieurement à la réparation la forme et la taille
Il comporte : les plus voisines possible de la mandibule enlevée. De même
• un abord inférieur, par incision des attaches antérieures des avant la section osseuse, on recommande la fixation des
ventres antérieurs des deux muscles digastriques s’ils ne sont segments mandibulaires restants au maxillaire supérieur ; cela
pas envahis ; n’est possible que si l’état dentaire l’y autorise. De même, il
• un abord supérieur, par incision de la muqueuse externe, soit est utile de prendre la distance de l’écart entre les deux angles
juste sous le rebord gingival, soit même au ras des alvéoles mandibulaires ;
dentaires et rugination de la fibroconjonctive dentaire. Cette • la section transversale de la muqueuse alvéolaire des deux
incision externe s’étend latéralement de chaque côté en côtés est adaptée en fonction de l’exérèse. Elle se fait souvent
dépassant largement la zone de résection osseuse. Ensuite on derrière la première prémolaire.
rugine la face externe de la symphyse et des deux branches
horizontales s’il n’y a pas d’atteinte à ce niveau, ou au Exérèse tumorale (Fig. 16–18)
contraire on est obligé de passer dans les tissus mous du • La pointe de langue est tractée en haut alors que la région
menton. Ainsi les lambeaux cervicolabiaux sont largement symphysaire est attirée en avant et en dehors ;
rabattus au-dessus du plan dentaire dégageant très largement • section latérale à droite et à gauche du plancher en allant de
tout le champ d’exérèse. dehors en dedans ;
• section linguale : l’incision débute à sa partie antérieure sous
Section osseuse le relief de la pointe de langue si celle-ci n’est pas infiltrée ou
• La section osseuse est verticale ; elle est réalisée à la scie au niveau de la face dorsale. La section attaque de haut en
oscillante en prenant soin d’irriguer la zone de façon à éviter bas et d’avant en arrière les fibres des différents muscles

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Figure 18. Cliché d’une glosso-pelvi-mandibulectomie antérieure


interruptrice.

Figure 19. Coupe frontale d’une pelvimandibulectomie latérale inter-


linguaux envahis (lingual supérieur, hyoglosse, génioglosse, ruptrice. 1. Muscle génioglosse ; 2. muscle géniohyoïdien ; 3. muscle
géniohyoïdien) puis le mylohyoïdien et éventuellement les mylohyoïdien ; 4. glande sous-maxillaire.
muscles digastriques s’ils sont envahis. Cette dissection est
très hémorragique ; elle doit donc se faire pas à pas, en
faisant l’hémostase à l’aide, soit de coagulation pour les petits
vaisseaux, ou de ligature pour les vaisseaux plus importants. Abord de la zone tumorale
Avant cette section, le repérage des deux nerfs grands hypo-
glosses est indispensable de façon à respecter le maximum • Habituellement il n’est pas nécessaire de réaliser une section
possible de ses filets. médiane du menton et de la lèvre inférieure, de même il n’est
pas obligatoire de sectionner les attaches antérieures mandi-
Fermeture et réparation bulaires du muscle digastrique ;
• incision par voie endobuccale de la muqueuse gingivomandi-
Elles sont complexes. Elles nécessitent un temps de restaura- bulaire externe. Cette incision est réalisée le plus près possible
tion de la continuité osseuse et un temps de réparation des des collets des dents de façon à garder le maximum de tissu
tissus mous. La réparation osseuse est assurée au mieux par un de couverture tout en restant à distance de la tumeur. Cette
transplant osseux microanastomosé. Lorsqu’il s’agit d’un sujet incision doit largement dépasser les limites de l’exérèse ;
âgé ou que l’utilisation d’un lambeau libre n’est pas possible • rugination de la face externe de la branche horizontale et
pour des raisons médicales ou d’environnement chirurgical l’angle mandibulaire de haut en bas par l’incision muqueuse.
insuffisant, on peut être amené à utiliser une attelle métallique Cela permet de remonter largement le lambeau cervicojugal,
épaisse type Leibinger. évitant ainsi la section labiale ;
La réparation des tissus mous est au mieux réalisée à l’aide • section transversale de la gencive d’abord en avant en passant
d’une palette cutanée et musculaire libre prélevée en même en arrière de la canine si l’extension tumorale le permet, puis
temps que le transplant osseux. en arrière au niveau de la partie basse de la commissure
Ce n’est que dans les rares cas où l’on utilise une attelle intermaxillaire ;
métallique que les tissus mous sont réparés à l’aide d’un • section osseuse : elle est réalisée à l’aide d’une scie oscillante
lambeau musculocutané de grand pectoral. en irriguant le trait de section pour éviter l’échauffement des
tissus. Cette section est réalisée en fonction des données
Pelvimandibulectomies latérales interruptrices cliniques et surtout radiographiques. Le plus souvent, le trait
Ce sont des interventions indiquées pour des lésions latérales antérieur passe derrière la canine si l’extension tumorale le
du plancher de la bouche s’accompagnant de lyse osseuse permet ; il est très légèrement orienté en bas et en avant de
(Fig. 19). façon à éviter que la tranche mandibulaire fasse une saillie
Comme pour les localisations antérieures, les pelvimandibu- offensante sous la peau. La section osseuse postérieure va de
lectomies latérales interruptrices intéressent souvent une partie la région rétromolaire inférieure à la partie basse de la
de la langue mobile car il est rare qu’une tumeur du plancher branche verticale. Ce n’est qu’en cas d’atteinte osseuse
buccal entraîne une lyse de la mandibule sans s’étendre à la massive que le sacrifice avec section au niveau du bloc incisif
langue. osseux est très large, et section postérieure à la partie
Avant la réalisation de l’intervention, il est indispensable de moyenne de la branche verticale ;
faire confectionner par l’odontologiste une prothèse-guide de • délimitation de la zone tumorale :
façon à minimiser la latérodéviation postopératoire. C la mandibule sectionnée est tractée en dehors et en bas
Ces interventions interruptrices latérales ne posent pas la alors que la langue mobile est tractée en dedans et en
même obligation de restauration de la continuité mandibulaire haut ;
que les interruptions antérieures, symphysaires. C on délimite la zone à réséquer à l’aide de la pointe du
bistouri électrique en passant à 1 cm de la tumeur. Il est
Trachéotomie commode de commencer ce pointillé au niveau du plan-
cher antérieur, de le continuer sur la langue mobile et de
Elle est nécessaire dans tous les cas. terminer en joignant la langue à la muqueuse rétromolaire
déjà incisée.
Incision cutanée
C’est une incision classique arciforme, allant de la pointe de Exérèse de la tumeur
la mastoïde à la région sous-mentonnière. On commence par la section antérieure, d’abord en incisant
la muqueuse du plancher antérieur de dehors en dedans pour
Évidement ganglionnaire
atteindre la langue puis en sectionnant transversalement la
Il est homolatéral dans ces lésions latéralisées. totalité des éléments du plancher buccal et le mylohyoïdien.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Pelvimandibulectomies interruptrices élargies aux


tissus mous du menton et de la lèvre inférieure
Il s’agit d’interventions délabrantes imposées par l’importance
des extensions tumorales, ce qui est le fait de patients habituel-
lement négligents.
La résection est pratiquée à la demande, en fonction des
constatations peropératoires. On commence par faire le tracé de
la résection cutanée et labiale nécessaire en passant à 1 cm de
la tumeur. Après délimitation du tracé, on incise la peau puis les
tissus sous-cutanés en se rapprochant progressivement du relief
mandibulaire en se guidant sur les impressions palpatoires. La
mandibule atteinte, la section osseuse est réalisée et ensuite la
résection du plancher. Dans ces vastes exérèses de peau, il faut
s’aider de nombreux examens histologiques extemporanés.
La réparation impose l’utilisation de tissus importants ; soit
on utilise une palette musculocutanée d’un lambeau libre
composite, ou une palette musculocutanée d’un lambeau de
grand pectoral ou de grand dorsal. La réparation de la lèvre
s’impose si elle a été sacrifiée.

Figure 20. Schéma de la section interne lors d’une pelvimandibulecto- Pelvimandibulectomies très élargies à la langue
mie latérale interruptrice. 1. Glande sous-maxillaire ; 2. muscle mylohyoï- mobile
dien ; 3. ventre antérieur du digastrique.
Une exérèse très importante de langue mobile peut s’imposer
tant dans une pelvimandibulectomie interruptrice que non
interruptrice.
Cette exérèse peut même conduire à sacrifier la totalité de la
Ensuite l’exérèse est conduite d’avant en arrière en mordant
langue mobile mais pour éviter des séquelles majeures, il faut
plus ou moins dans la langue. Très souvent la section emporte
savoir préserver la totalité de la base de langue.
environ 1 cm de bord de langue en passant en dehors des fibres
La résection de la langue est conduite après section du
du génioglosse et en mordant dans les fibres les plus latérales du
plancher buccal en se guidant principalement sur les données
géniohyoïdien (Fig. 20).
de l’IRM préopératoire et des impressions palpatoires.
En arrière, la pièce étant bien tractée en dehors, on réalise la Une réparation linguale est indispensable. Il faut savoir
section transversale du segment lingual de dehors en dehors, apporter des tissus mous en quantité suffisante mais en évitant
puis la base du pilier antérieur est incisée ainsi que l’ensemble cependant les excès, source de difficultés fonctionnelles
des muscles styloglosse et stylopharyngien. importantes.
La pièce est libérée par section des dernières attaches des
muscles sus-hyoïdiens et des attaches des ptérygoïdiens sur la
partie basse de la branche verticale. L’ensemble de cette section ■ Réparation tissulaire après
pour libérer la pièce est réalisé pas à pas en faisant une hémo-
stase soigneuse à l’électrocoagulation pour les très petits chirurgie d’exérèse des tumeurs
vaisseaux et avec des ligatures ou des clips pour les autres. Les du plancher de la bouche
limites de cette dissection sont en permanence dictées par les
données visuelles des limites de la tumeur et de la palpation. Cette réparation est toujours au moins muqueuse en cas de
Durant toute la dissection, une attention particulière est portée pelvectomies ou de pelvimandibulectomies non interruptrices.
au grand hypoglosse de façon à préserver le maximum de ses Elle est en plus osseuse lorsqu’il y a interruption de la conti-
branches. nuité mandibulaire. Cette réparation osseuse, si elle est faculta-
En fonction de l’atteinte linguale, on peut être amené à tive en cas d’interruption osseuse latérale, est absolument
pratiquer une exérèse importante de langue mobile pouvant indispensable en cas d’interruption symphysaire. Il s’y associe
aller jusqu’à la ligne médiane, et en arrière une résection d’un parfois en plus la nécessité de réparer la peau du menton ou
segment de la partie haute de la base de langue. même la lèvre inférieure. Les techniques de réparation
muqueuse et osseuse ont beaucoup évolué. Nous les décrivons
Temps de réparation car même des techniques dites « anciennes » peuvent parfaite-
ment avoir encore leur place dans l’arsenal des possibilités
Réparation muqueuse. Elle peut se faire en fonction de réparatrices.
l’importance de l’exérèse, des habitudes du chirurgien et de
l’état général du patient par :
• rapprochement et suture bord à bord de la muqueuse linguale Réparation de la perte de substance
avec la muqueuse du rebord gingivomandibulaire externe ; muqueuse
• lambeau local de face interne de joue ;
• lambeau sous-hyoïdien ; Suture bord à bord des muqueuses
• lambeau musculaire ou musculocutané de grand pectoral ou Cette technique est utilisée en cas de perte de substance peu
de grand dorsal ; importante dans les pelvectomies antérieures ou latérales. Elle
• lambeau libre antébrachial ; est réalisée au fil résorbable de Vicryl 00, soit par points séparés,
• palette cutanée d’un lambeau libre osseux. soit même par un surjet. Lorsque l’exérèse antérieure du
Réparation de la continuité osseuse. Elle n’est pas indispen- plancher lingual n’a été que muqueuse, on peut même, pour
sable car les séquelles entraînées par une perte de substance éviter la limitation des mouvements de la langue, suturer la
latérale sont acceptables sur le plan morphologique et sur le muqueuse du plancher en laissant une partie de la glande
plan fonctionnel. Cette continuité peut être restaurée, soit par sublinguale non recouverte ; l’épithélialisation de celle-ci est en
l’utilisation d’une attelle en titane type attelle de Strycker, soit général rapide et le résultat fonctionnel est parfait.
par l’utilisation d’un transplant libre osseux de péroné de Lorsque la perte de substance muqueuse est plus importante,
ceinture scapulaire ou de crête iliaque. la suture muqueuse simple va entraîner une limitation des

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

mouvements de la langue et rendre la réhabilitation dentaire


impossible s’il s’agit d’une PMNI.
Deux options sont alors possibles :
• soit de réaliser une suture muqueuse bord à bord et ensuite
dans un deuxième temps, 6-8 mois après, de mettre une
greffe de peau totale sur la fibromuqueuse épaisse recouvrant
alors la tranche de section osseuse : cette technique a le
mérite de la simplicité, de raccourcir la première opération et
aussi de permettre une restauration prothétique plus facile ;
• soit de réaliser un lambeau. Les techniques sont très nom-
breuses. Elles sont réalisées, soit à partir de muqueuse, soit de
peau.

Lambeaux muqueux
Lambeau de muqueuse jugale pédiculé sur l’artère faciale
ou FAMM
Ce lambeau a été décrit initialement en 1965 par Filiberti
mais c’est Pribaz [6], en 1992, qui l’a fait connaître à travers sa
publication dans Plastic and Reconstructive Surgery pour fermer les
pertes de substance de la voûte palatine. Différents auteurs l’ont
ensuite utilisé [7-11].
Base anatomique. La systématisation vasculaire de la
muqueuse de la face interne de joue est superposable à la
vascularisation du muscle sous-jacent qui lui sert de vecteur
vasculaire : le buccinateur [12]. Le muscle buccinateur est un
Figure 21. Figure du tracé de lambeau de facial artery musculomucosal
muscle aplati, situé à la partie profonde de la joue. Il naît du
(FAMM).
corps de la mandibule au-dessus de la ligne oblique externe, de
l’extrémité postérieure du processus alvéolaire du maxillaire et
du fascia buccopharyngien ; ses faisceaux convergent vers la
commissure buccale. Il est traversé de dehors en dedans par le
canal de Sténon qui s’ouvre en regard de la 2e molaire supé-
rieure. Il se termine sur la commissure buccale où ses fibres
s’entrelacent avec celles de l’orbiculaire. Deux artères principales
assurent sa vascularisation. L’artère faciale et l’artère buccale,
collatérale de l’artère maxillaire interne ; de plus, il existe une
troisième artère accessoire, l’artère alvéolaire postérosupérieure.
Les réseaux de ces trois artères sont largement anastomosés par
des artères musculaires. Le drainage veineux est assuré par le
plexus ptérygoïdien et la veine maxillaire interne. L’innervation
motrice est assurée par le nerf facial.
Technique chirurgicale. L’intervention débute par le repé-
rage intraoral du trajet de l’artère faciale à l’aide d’une sonde
doppler. Sa course est oblique en haut et en avant du trigone
rétromolaire au sulcus gingivolabial en regard du pied de l’aile
narinaire.
Le dessin, tracé au bleu de méthylène, est centré sur ce trajet. Figure 22. Schéma du lambeau de facial artery musculomucosal
Si on a besoin d’un lambeau long, l’extrémité du lambeau est (FAMM) à flux antérograde. 1. Boule de Bichat ; 2. artère faciale ; 3.
dessinée sur la lèvre supérieure. En avant, la partie antérieure du muscle buccinateur.
lambeau passe entre 0,5 et 1 cm en arrière du bord libre de la
commissure labiale (Fig. 21). Le lambeau peut être prélevé à
pédicule inférieur (flux antérograde) ou supérieur (flux rétro- La technique du lambeau à flux rétrograde est identique mais
grade). La longueur est de 8 à 9 cm et la largeur, de 2 cm en la dissection débute au niveau du trigone rétromolaire et son
règle, peut aller jusqu’à 4 cm. point pivot est situé au niveau du sulcus gingivolabial.
Le site donneur peut être fermé de première intention si le
La dissection débute au niveau distal par une incision
lambeau ne dépasse pas 2 cm de large.
muqueuse et du muscle buccinateur. L’artère faciale est ensuite
La rotation du lambeau vers le plancher se fait très facilement
repérée, liée et sectionnée (Fig. 22).
(Fig. 24). Un problème se pose lorsque le patient a ses dents. Il
Le reste des berges du lambeau est alors incisé et la dissection y a gros risque de blessure du lambeau par les dents ; il convient
passe de distal en proximal dans le plan de l’aponévrose alors, soit de mettre un dispositif de protection (petit rouleau de
buccopharyngée en dehors des vaisseaux faciaux. L’artère faciale compresse suturé sur les dents postérieures, cale), ou même il
doit être impérativement incluse sur toute la longueur du semble souvent préférable de sacrifier une ou plusieurs dents.
lambeau ; il convient de prendre le minimum de fibres muscu- Indications et limites. Le lambeau de FAMM permet de
laires du buccinateur et de l’orbiculaire recouvrant ce dernier au fermer des pertes de substance étendues de la muqueuse du
niveau de la commissure en fin de dissection ; le lambeau a un plancher latéral et antérieur, de la langue, de la lèvre et aussi de
rapport longueur sur largeur de 5/1 (Fig. 23). la voûte palatine.
Le lambeau peut être prélevé sur un pédicule muqueux que Ses avantages sont sa fiabilité : Pribaz, dans sa série de 18 cas,
l’on peut sectionner secondairement ou en îlot vasculaire mais ne rapporte qu’une nécrose complète ; à l’Institut Gustave-
en prenant soin de garder une base sous-muqueuse large de Roussy, nous l’utilisons de façon très régulière avec un mini-
façon à ne pas compromettre le retour veineux. Le point pivot mum d’incidents ; il a remplacé l’utilisation du lambeau
de ce lambeau est le trigone rétromolaire. nasogénien. Il y a, de plus, sa proximité du site d’exérèse, sa

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 25. Lambeau lingual.


Figure 23. Schéma du lambeau de facial artery musculomucosal
(FAMM) à flux antérograde.

Figure 24. Figure d’un lambeau de facial artery musculomucosal


(FAMM) reconstruisant le plancher latéral et antérieur.

facilité de levée, son peu de séquelles sur le site donneur ; les


branches motrices du nerf facial destinées aux muscles péribuc-
caux sont respectées à condition de passer au ras de l’artère Figure 26. Lambeau sous-hyoïdien. Schéma du lambeau en place. 1.
faciale et d’emporter un minimum de muscle. Os hyoïde ; 2. muscle omohyoïdien ; 3. muscle sterno-cléido-hyoïdien ; 4.
Ses limites sont celles de sa taille. Certains pensent que ce artère carotide externe ; 5. veine jugulaire interne ; 6. artère thyroïdienne
lambeau n’est pas compatible avec un évidement sous- supérieure ; 7. veine thyroïdienne supérieure ; 8. branche postérieure de
maxillaire ; cependant, les nombreuses anastomoses intrajugales l’artère thyroïdienne supérieure ; 9. branche cricothyroïdienne de l’artère
avec les axes vasculaires temporal superficiel, maxillaire interne thyroïdienne supérieure.
et mentonnier ainsi qu’avec le réseau controlatéral et cervical
assurent la poursuite d’un flux antérograde de qualité.
Lambeaux pédiculés musculocutanés ou cutanés
Lambeau lingual postérieur
Lambeau musculocutané sous-hyoïdien
Ce lambeau est tracé sur la face dorsale ou mieux sur le bord
de langue. Le pédicule est postérieur dans le sens du courant Wang [15] publie, en 1986, une série de 112 lambeaux sous-
artériel normal [13]. hyoïdiens. En France, Dolivet [16-18] a particulièrement diffusé ce
Après avoir exposé correctement la langue à l’aide d’un lambeau, de même que Lokhart [19]. C’est un lambeau très sûr
ouvre-bouche ou d’un écarteur de lèvre Kodak, un fil tracteur pour cet auteur et qui a de grandes qualités plastiques. C’est un
est mis sur la pointe de langue. On incise le bord latéral de lambeau comportant une palette cutanée qui est prélevée avec
langue sur toute son épaisseur d’avant en arrière du même côté l’omohyoïdien et les muscles sterno-cléido-hyoïdien et
que la perte de substance en clivant les fibres musculaires. Les sternothyroïdien.
dimensions sont fonction de la zone à combler. La longueur La palette cutanée est verticale, paramédiane en regard des
peut être au moins trois fois plus grande que la largeur. Le muscles infrahyoïdiens homolatéraux. Sa taille est de 4,5 × 9 cm
lambeau est amené sur la perte de substance, la tranche de (Fig. 26).
section inférieure est sectionnée en dehors à la muqueuse L’incision se fait en pourtour de la palette cutanée et intéresse
gingivale et la section supérieure au plancher buccal restant. dans un premier temps les plans cutanés et sous-cutanés et le
L’extrémité distale peut être suturée au-delà de la ligne plan du platysma. La dissection se réalise de distal en proximal.
médiane : la zone donneuse est suturée par rapprochement des La veine jugulaire antérieure est ligaturée. Le plan des muscles
deux berges de la section (Fig. 25). Des variantes de lambeau sous-hyoïdiens est incisé. Le lambeau est soulevé à la face
lingual ont été décrites [14]. profonde de ces muscles en passant au-dessus de la capsule de

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Lambeau nasogénien
Ce lambeau à pédicule inférieur a été décrit par Soussaline [25,
26].

Le tracé du lambeau est dessiné à l’aide d’un crayon dermo-


graphique. Le pied du lambeau doit se trouver 1 ou 1,5 cm en
dessous de la ligne commissurale. Sa base est de 2,5 à 3 cm, son
grand axe suit le sillon nasogénien, la pointe remonte vers
l’angle interne de l’œil en restant à 1 cm de lui (Fig. 28).
Selon le tracé, on réalise la section du plan cutané et sous-
cutané en allant jusqu’au plan des muscles de la face.
Ensuite le lambeau est libéré du plan profond musculaire.
Cette dissection est faite aux ciseaux fins en commençant à
l’extrémité distale et en gagnant progressivement la partie
proximale. Lors de cette dissection, on doit passer à ras des
muscles faciaux sur lesquels cheminent les filets de terminaison
du nerf facial. En bas, on doit prendre soin de ne pas léser la
branche artérielle vascularisant le lambeau ; cette dissection est
prolongée jusqu’à son pied.
La partie proximale du lambeau est désépidermisée sur 1,5 cm
environ, en laissant le derme attaché par son segment inférieur,
ce qui facilite la fermeture de la zone donneuse.
Le lambeau est ensuite passé en transjugal en passant en
arrière du releveur supérieur et de l’orbiculaire et en avant du
petit zygomatique ; le trajet transjugal est réalisé à l’aide de
ciseaux de Mayo en veillant bien à ce que l’orifice de pénétra-
Figure 27. Lambeau sous-hyoïdien levé. tion dans la bouche soit situé le plus près du rebord alvéolaire
à la partie externe juxtamandibulaire de la perte de substance
du plancher antérieur. Le passage au-dessus du rebord alvéolaire
la glande thyroïde jusqu’aux branches de l’artère thyroïdienne
nécessite l’absence de la canine et des deux prémolaires.
supérieure (ATS). La branche antérieure de l’ATS est sectionnée
sur la glande thyroïde et incluse dans le lambeau, les autres La suture cutanéomuqueuse est faite en un plan à l’aide de
branches de l’ATS sont liées laissant le lambeau pédiculé sur le fils résorbables type Vicryl 00 ou 000 (Fig. 28B).
tronc principal de l’ATS. Le muscle sternothyroïdien est désin- La mise en place d’un petit bourdonnet fixé par deux points
séré du cartilage thyroïde et l’artère cricothyroïdienne est liée et et laissé en place 48 heures n’est pas indispensable pour assurer
incluse dans le lambeau. la bonne application au plan profond.
La branche externe du nerf laryngé supérieur est préservée La zone donneuse est fermée par rapprochement après avoir
avec soin. L’insertion hyoïdienne du sterno-cléido-hyoïdien est décollé sur 7 mm de chaque côté les berges. Cette suture est
sectionnée (Fig. 27). L’ansa cervicalis est préservé en haut. Le faite en deux plans après une hémostase soigneuse.
lambeau est pédiculé sur l’artère et la veine thyroïdiennes Cette technique apporte une étoffe suffisante de tissu et de
supérieures et peut s’élever dans la cavité buccale. Sa palette peau glabre pour réparer les pelvectomies antérieures et les
cutanée est suturée aux berges de la perte de substance. La pelvimandibulectomies antérieures non interruptrices respectant
fermeture du site donneur se fait par rapprochement. le plan du mylohyoïdien, au prix d’une rançon cicatricielle très
Résultats : Wang rapporte 92 % de réussite dans sa série de minime.
112 lambeaux. Dolivet retrouve les mêmes résultats. Il est possible, dans les pertes de substance plus importantes,
d’utiliser deux lambeaux nasogéniens droit et gauche (Fig. 28C).
Lambeau musculocutané de peaucier
Parfois, il est nécessaire, secondairement, de sectionner le
Défendu par quelques auteurs [20-24], il n’est plus guère utilisé pied du lambeau de façon à rendre plus facile l’appareillage
car peu fiable. dentaire. Les avantages du lambeau nasogénien sont nombreux :

Figure 28.
A, B, C. Réparation du plancher par lambeau nasogénien (LNG). 1. Tracé du LNG ; 2. un LNG en place ; 3. deux LNG en place.

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 29. Reconstruction secondaire du plancher par la technique de peau totale.


A. Suture bord à bord après pelvimandibulectomie non interruptrice.
B. Reconstruction secondaire avec greffe de peau totale.
C. Mise en place de conformateur avec de l’Optosil®. 1. Conformateur en acrylique ; 2. Optosil® ; 3. greffe de peau totale.

Figure 30. Aspect d’une greffe de peau totale après pelvimandibulectomie non interruptrice antérieure.
A. 6 mois après sa réalisation.
B. Après appareillage dentaire.

• il est de réalisation facile car situé dans le même champ lever toute bride. La face supérieure de la tranche de section
opératoire que l’exérèse, évitant la mobilisation du malade et mandibulaire est dégagée en laissant en place la fibrose et en
les risques septiques surajoutés ; évitant toute dénudation osseuse.
• il rallonge peu le temps opératoire, ce qui est intéressant chez Le plancher buccal est disséqué et reculé de façon à obtenir
des patients dont l’état général n’est pas toujours parfait ; une mobilité linguale suffisante.
• c’est un lambeau fiable : 4,1 % d’échec pour David [27] ; La greffe est ensuite suturée sur les bords de la muqueuse
• il est aujourd’hui moins utilisé au profit du lambeau de labiale en avant et sur la face ventrale de langue en arrière. Le
FAMM, mais il peut encore rendre des services, aussi doit-il drainage est assuré par quelques mouchetures dans la greffe.
être décrit ici. Un conformateur constitué d’une gouttière acrylique taillée à
la dimension et doublée de pâte d’Optosil® s’appliquant sur la
Lambeau musculocutané de grand pectoral greffe est solidarisé à la mandibule par un cerclage périmandi-
Il est si connu qu’il n’est pas nécessaire de le décrire. Il est bulaire au fil d’acier.
moins utilisé depuis la diffusion des lambeaux libres. Cepen- Cette contention est enlevée au 10e jour, date à laquelle des
dant, il a encore sa place en cas de perte de substance impor- empreintes sont prises pour la confection de la prothèse
tante, surtout chez un patient ne pouvant pas bénéficier de la dentaire.
technique du lambeau libre [28]. Souvent la prise de greffe n’est pas totale, surtout au niveau
de la face ventrale de langue, mais cela ne modifie pas le
Greffe de peau totale (Fig. 29) résultat définitif excellent puisque la réépithélialisation secon-
daire se fait aux prix d’une rétraction modérée et autorise un
Cette technique, dérivée des travaux de Trauner sur la appareillage dentaire de bonne qualité (Fig. 30A, B).
reconstitution de la crête alvéolaire inférieure chez les édentés
de longue date, est encore un peu utilisée à l’Institut Gustave Lambeaux libres pour la fermeture des pertes
Roussy [29, 30]. de substance des tissus mous après
Elle est réalisée secondairement (en moyenne 6 mois) après pelvimandibulectomie, pelvectomie,
pelvimandibulectomie non interruptrice. Ce délai permet la pelviglossectomie
constitution d’une fibrose recouvrant la tranche de section
mandibulaire. Cette fibrose constitue le lit sur lequel la greffe de Pour ces reconstructions, nous disposons de plusieurs lam-
peau totale est appliquée. beaux libres vascularisés.
La greffe de peau totale est prélevée à la face interne du bras
Lambeau libre antébrachial à pédicule radial
et fait en moyenne 10 cm sur 5 cm. La zone donneuse est
fermée par simple rapprochement sans aucune difficulté. Anatomie. Ce transplant a été décrit par Yang Guofang [31],
La greffe est dégraissée avec soin. chirurgien militaire plasticien de la région de Shanghai en 1978.
L’intervention consiste à réinciser la suture primitive, à Nous-mêmes avons rapporté la technique en Europe, en
creuser largement le vestibule et le plancher buccal de façon à 1981, lors de la première mission française de microchirurgie en

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Figure 32. Vue opératoire du lambeau libre antébrachial radial dissé-


qué. Artère, veine et nerf sont isolés.

Figure 31. Coupe anatomique de l’avant-bras au tiers moyen, mon- Il faut compter une rétraction de 20 % après prélèvement des
trant le prélèvement du lambeau libre antébrachial (d’après Rouvière). 1. palettes cutanées ;
Grand palmaire ; 2. long supinateur ; 3. rond pronateur ; 4. premier • après l’installation des champs opératoires, l’utilisation du
radial ; 5. long fléchisseur du pouce ; 6. deuxième radial ; 7. long abduc- garrot pneumatique n’est faite que par de rares chirurgiens.
teur ; 8. extenseur commun ; 9. petit palmaire ; 10. fléchisseur superfi- La dissection commence par le bord cubital car l’aponévrose
ciel ; 11. cubital antérieur ; 12. fléchisseur profond ; 13. court extenseur ; y est plus épaisse. L’aponévrose antébrachiale après incision
14. long extenseur du pouce ; 15. cubital postérieur ; 16. extenseur est fixée à la peau par quelques points séparés pour éviter le
propre du cinquième. phénomène de savonnage. Puis l’incision sur le bord proxi-
mal du transplant est réalisée. À ce moment, la veine radiale
est isolée et placée sur lacs. De même, le nerf musculocutané,
République Populaire de Chine [32] ; d’où son nom de « lam- satellite de la veine radiale, est placé sur lacs. L’incision est
beau chinois » que nous avons utilisé 86 fois [33-37]. ensuite pratiquée sur le bord radial du transplant, et l’aponé-
Au plan de l’anatomie et de l’embryologie, l’artère dominante vrose antébrachiale suturée à la peau. L’incision sur le bord
de l’avant-bras est l’artère cubitale, aussi l’artère radiale peut être distal du transplant est enfin réalisée. L’artère radiale et ses
prélevée dans la majorité des cas sans conséquence fâcheuse. deux veines collatérales sont isolées et liées séparément, puis
Lorsque l’indication d’un lambeau libre antébrachial est sectionnées. C’est à ce moment seulement que l’on observe
portée, l’interdiction de ce côté de toute prise de sang, injection les trois branches de division de la branche antérieure du nerf
et chimiothérapie est prescrite. Les sites implantables pour radial. Elles sont isolées sur lacs et soigneusement respectées.
chimiothérapie ont été un grand progrès en permettant le Nous conseillons de disséquer le transplant de la partie distale
respect du capital veineux des malades. vers la partie proximale ; c’est la façon certaine de prélever le
Avant l’intervention, l’artère radiale est repérée par la transplant en toute sécurité. De nombreuses hémostases sont
palpation et le doppler. Le test d’Allen, indispensable, est un à réaliser, correspondant aux branches de l’artère radiale
test comparatif. Il consiste à vider la main de son sang par la destinées aux muscles adjacents dont le long supinateur en
contraction de celle-ci et à comprimer l’artère radiale et l’artère situation externe et le grand palmaire en dedans.
cubitale au poignet. La pression de l’artère cubitale est alors Les dimensions habituelles du transplant sont 14 cm en
lâchée et le temps de recoloration de la paume de la main est longueur et 7 cm en largeur. Une incision arciforme est alors
noté ; la même manœuvre est alors réalisée avec l’artère radiale. réalisée à la face antérieure de l’avant-bras afin de disséquer
Lorsque la paume de la main ne se recolore pas après compres- la veine radiale superficielle, le nerf musculocutané, l’artère
sion de l’artère radiale et décompression de l’artère cubitale, il radiale et ses deux veines collatérales. Des hémostases sont
est prudent de reconstruire l’artère radiale avec un pontage nécessaires pour les branches destinées aux muscles adjacents.
(veine saphène) ou choisir un autre transplant. Le but du test Il faut toujours avoir à l’esprit que la branche sensitive du
d’Allen est de juger de la qualité de l’arcade palmaire. L’artère nerf radial contourne le muscle long supinateur à sa face
radiale est située dans un repli de l’aponévrose antébrachiale ; profonde.
elle chemine entre les muscles long supinateur en dehors et Nous recommandons de disséquer l’artère radiale jusqu’à
grand palmaire en dedans. Elle donne des branches destinées proximité de son origine et de prélever les deux veines
aux muscles adjacents et des branches cutanées. Elle permet la comitantes, ainsi que la veine communicante qui réalise une
vascularisation des deux tiers de la surface cutanée de l’avant- anastomose entre ces veines et la veine radiale superficielle ;
bras. Les veines radiales ont une double topographie. Le réseau et donc prélever la veine radiale superficielle au niveau du pli
superficiel est constitué de la veine radiale superficielle qui se du coude où elle se nomme veine céphalique. De même le
continue au pli du coude par la veine céphalique ; le réseau nerf musculocutané est prélevé jusqu’au pli du coude
veineux profond est constitué de deux veines comitantes (Fig. 32).
accompagnant l’artère radiale. Les systèmes veineux profond et Lorsque les vaisseaux cervicaux sont prêts, tous ces éléments
superficiel comportent de façon constante une veine communi- sont sectionnés entre ligatures. Dix minutes avant ce prélève-
cante située au-dessous du pli du coude (Fig. 31) [38]. ment, un anticoagulant est injecté : héparine ou héparine de
Technique : bas poids moléculaire (HBPM) pour éviter les microthrombo-
• En début d’intervention, le trajet de l’artère radiale et celui ses dans le transplant. Ceci est la technique que nous
des veines superficielles est dessiné au crayon dermographi- utilisons.
que. La palette cutanée est centrée sur la veine radiale et non D’autres techniques sont décrites : dissection du transplant
sur l’artère car les souffrances de ces lambeaux sont d’origine par ses bords latéraux. Le danger est alors de faire la dissec-
veineuse. Le dessin de la palette cutanée dépend de la surface tion entre la palette cutanée et l’artère radiale. Pour les petits
de la perte de substance à reconstruire. Cette palette est transplants, nous avons vu aux États-Unis les chirurgiens
dessinée entre 4 cm sous le pli de flexion du coude et 3 cm prélever le transplant à la face antérieure de l’avant-bras (et
au-dessus du pli de flexion du poignet. En pratique la palette non à la face antéroexterne comme nous-mêmes), et réaliser
fasciocutanée mesure 14 cm de longueur et 7 cm de largeur. un large décollement de la peau cubitale et radiale dans le

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 33. Schéma montrant la réparation d’une pelvimandibulecto-


mie non interruptrice par lambeau chinois.

Figure 35.
A, B. Lambeau libre radial bilobé décrit par Urken pour les reconstructions
après pelviglossectomie.

Le but de ce transplant bilobé est de permettre de séparer la


Figure 34. Fermeture d’un plancher buccal antérieur après pelviman- langue mobile du plancher de bouche, reconstruits par le
dibulectomie interruptrice par lambeau libre antébrachial. même transplant antébrachial. Ceci est permis par la riche
vascularisation de ce transplant antébrachial. Le transplant
antébrachial est mince, souple et permet de préserver la
but de faire une suture cutanée berge à berge sans greffe de mobilité de la langue. Celui-ci est dessiné à l’avant-bras non
peau. La cicatrice obtenue sous tension est alors toujours dominant avec deux lobes du côté distal du transplant ; un
chéloïde ; lobe du transplant est utilisé pour restaurer la forme et le
• pour la fermeture de l’avant-bras, un surjet de fil à résorption volume de la langue, tandis que le second lobe est destiné à
lente 2-0 est réalisé au niveau de la sous-peau de la perte de reconstruire le plancher de bouche. La proportion de chaque
substance de l’avant-bras par des fils de suture résorbables, et lobe dépend de la surface à reconstruire de la langue et du
serré. Cela permet de réduire la perte de substance cutanée de plancher de bouche. Du tissu cellulaire sous-cutané peut être
20 % sans inconvénient ; prélevé en supplément pour restaurer le volume de la langue.
• au niveau de la cuisse homolatérale préparée en début Lorsque la séparation des deux lobes cutanés devient impor-
d’intervention, une greffe de peau mince est prélevée, de tante, il est prudent de conserver un pont fasciocutané pour
surface équivalente à la perte de substance de l’avant-bras. La garantir la vascularisation du lobe cutané qui ne reçoit pas les
greffe de peau est suturée au niveau de la perte de substance vaisseaux radiaux (Fig. 35). Les autres bénéfices du lambeau
de l’avant-bras ; une attelle antébrachiopalmaire est mise en libre antébrachial sont la longueur et le calibre important du
place pour 8 jours, pour assurer la prise de greffe. Le premier pédicule vasculaire ; la sensibilité de ce transplant est obtenue
pansement est réalisé à cette date ; grâce au nerf musculocutané qui est anastomosé à une
• au niveau du site receveur, le transplant est positionné. Il est branche sensitive du plexus cervical superficiel ou au nerf
stabilisé localement par quelques points de suture. Les lingual ;
anastomoses vasculaires et nerveuses sont alors réalisées sous • surveillance du transplant antébrachial. Elle est double :
microscope avec du fil 9-0. L’anastomose veineuse est réalisée clinique et paraclinique. Cliniquement, la surveillance
entre la veine radiale superficielle et, soit le tronc veineux de comporte la couleur, la chaleur, le pouls capillaire (la pression
Farabeuf en terminoterminal, soit directement sur la veine blanchit le transplant qui se recolore en lâchant la pression),
jugulaire interne en terminolatéral. L’artère radiale est l’odeur dans la cavité buccale (qui peut attirer l’attention en
anastomosée en terminoterminal sur une branche de l’artère cas de souffrance partielle). Le meilleur examen instrumental
carotide externe : thyroïdienne supérieure, linguale, faciale, nous paraît être l’examen doppler qui perçoit très bien
ou parfois sur l’artère carotide externe dans sa portion l’artère, mais aussi la veine sous forme d’un bruit continu. Les
terminale. Le nerf musculocutané est anastomosé à une piqûres de transplant ne doivent plus être utilisées : elles sont
branche du plexus cervical superficiel (branche transverse ou responsables d’ecchymoses inutiles. Les surveillances biochi-
branche auriculaire), ou au nerf lingual par une anastomose miques du transplant sont du domaine expérimental. L’arté-
épipérineurale. riographie n’est pas une technique de surveillance. Nous
Après réalisation des microanastomoses vasculaires et nerveu- l’avons réalisée dans quelques cas : elle montre la présence de
ses, la palette cutanée antébrachiale est suturée à la muqueuse l’artère radiale rectiligne qui se termine brutalement, et les
buccale par des fils à résorption lente 2-0 ou 3-0, par points collatérales ne sont pas visibles ;
séparés (Fig. 33, 34) ; • si nous recommandons de n’utiliser que six types de trans-
• la technique décrite par Urken [39] concernant la reconstruc- plants, dont le transplant antébrachial, pour reconstruire la
tion simultanée de la langue et du plancher de bouche doit majorité des pertes de substance en cancérologie otorhinola-
être connue : c’est le transplant antébrachial bilobé après ryngologique [37], pour être complet, nous citerons d’autres
pelviglossectomie. transplants utilisés par quelques rares chirurgiens : lambeau

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

jéjunal libre [40] , lambeau gastroépiploïque [41] , lambeau résection, elle est fixée par des vis. Cette plaque est alors ôtée
scapulaire libre, lambeau libre de grand dorsal [41]. De fait, le et le transplant osseux est façonné à la forme de la plaque et lui
transplant antébrachial est le mieux adapté aux reconstruc- est fixé au niveau du site donneur. Lorsque l’exérèse mandibu-
tions du plancher de bouche du fait de ses nombreuses laire est terminée, l’ensemble plaque modelante et greffon
qualités : souple, mince, long pédicule vasculaire, nerf osseux est transféré au cou, et la plaque est fixée avec les vis
sensitif [42]. initiales. Les plaques modelantes sont des plaques en titane de
2,3 mm. Les différentes variétés existantes sont assez proches :
Palettes cutanées ou musculaires des transplants composés plaque de Strycker dite « système d’ostéosynthèse universel »
osseux distribuée par Leibinger, plaque du système Modus Reco
2.5 distribuée par Médartis, grosse plaque distribuée par la
Ce sont :
maison Tekka. Nous avons utilisé à plusieurs reprises ce type de
• les palettes cutanées et musculaires du transplant de péroné ;
plaques ; si le façonnage et la fixation du péroné sont faciles,
• les palettes cutanées du transplant scapulaire ;
elles posent de gros problèmes en cas de nécessité de réinter-
• la palette cutanée de la crête iliaque ;
vention ultérieure, aussi nous les avons abandonnées dans cette
• le transplant ostéo-fascio-cutané de radius.
indication. Nous-mêmes restons fidèles aux miniplaques en
Pour éviter les répétitions, nous décrirons ces palettes dans le
titane. Il existe dans le commerce deux gammes de minipla-
sous-chapitre « Réparation osseuse ».
ques [52] diffusées par différents fabricants et distributeurs :
plaques de Champy-Martin distribuées par Collin ORL, mini-
Reconstruction de la continuité osseuse plaques système Schendel distribuées par Deltex. Pour notre
Cette réparation se fait aujourd’hui principalement à l’aide de part, nous donnons la préférence à la maison lyonnaise Tekka
lambeau libre. Il convient de préciser les arguments qui vont qui fabrique des plaques sans contournement (référence LP4TM)
guider le choix du lambeau libre vascularisé, et de préciser les et des plaques plus petites (référence P4T) qu’il faut toujours
modalités d’ostéosynthèse. mettre par paire à chaque ostéosynthèse pour avoir une ostéo-
synthèse parfaite. Les vis utilisées sont des vis de 2 mm de
diamètre de 7 à 9 mm du système Ortrantek® de la maison
Généralités Tekka. Pour avoir le montage le plus correct possible, il est
Choix du lambeau libre indispensable de recourir à quatre artifices [53] : utiliser un guide
« fantôme » modelé sur la mandibule avant l’exérèse de celle-ci
Le choix du transplant dépend du siège de la perte de subs- avec des repères, avoir fixé les branches résiduelles de la
tance et de ses dimensions. En pratique, la mandibule est mandibule au maxillaire supérieur à l’aide de miniplaques ou de
réséquée car elle est envahie par de volumineuses tumeurs dont fil d’acier de façon à préserver l’articulé dentaire, l’écart entre les
le point de départ est le plancher buccal. Aussi, la réparation doit deux angles mandibulaires est mesuré avec un goniomètre,
remplacer l’os et les tissus mous adjacents. Pour cette pathologie, certains utilisent un fixateur externe [54], enfin, les mesures
on s’adresse à des transplants composés ostéomyocutanés ; relevées sur le scanner 3 dimensions. Ceci permet d’obtenir un
quatre transplants sont utilisés dans notre pratique [37, 43]. résultat optimal.
Transplant composé de fibula. Il est choisi par la majorité
des équipes actuelles [44-47]. Il a de nombreux avantages : Évaluation de la perte de substance
• long segment osseux dépassant 25 cm ;
• la palette cutanée est vascularisée par les vaisseaux fibulaires ; Schématiquement, il existe trois types de pertes de substance :
• l’intervention peut être réalisée à deux équipes simultané- la résection de la symphyse mandibulaire, la mandibulectomie
ment : résection du cancer et prélèvement du transplant ; latérale, et la mandibulectomie subtotale, cette dernière ne se
• le prélèvement de la partie externe du muscle soléaire est rencontrant pas en cas de tumeur du plancher buccal.
facile à réaliser ; la morbidité du prélèvement est faible. C’est Chez un adulte normal, la longueur moyenne d’une mandi-
notre transplant de choix. bule déployée d’un condyle à l’autre est de 32 cm : 7 cm pour
Transplant de crête iliaque [48, 49]. Il est vascularisé par chaque branche montante, 7 cm pour chaque branche horizon-
l’artère iliaque circonflexe profonde. Il comporte l’os, le muscle tale, et 4 cm pour la symphyse. Les angles des régions angulai-
petit oblique et la peau sus-jacente. La crête iliaque est épaisse, res sont de 120° et les angles parasymphysaires sont de 160°.
solide, et a la forme de la coudure de la mandibule. Cependant, Le siège et les dimensions de la perte de substance mandibu-
ce transplant est volumineux, gênant la mobilité linguale. La laire sont fournis par les données cliniques, radiographiques, et
morbidité du prélèvement est souvent importante : douleurs surtout tomodensitométriques tridimensionnelles (tomodensi-
postopératoires difficiles à traiter, éventrations. Ce transplant vit tométrie 3D).
des contre-indications de la fibula (traumatismes, artérite). Nous-mêmes, après avoir eu recours à un modèle plasti-
Transplant ostéocutané de crête scapulaire. Il a l’avantage que [53], nous utilisons un dessin et un fantôme en plomb.
de posséder trois compartiments avec le même pédicule vascu- Dans le cas de la fibula, dans la région symphysaire, deux
laire : deux palettes cutanées et la crête scapulaire. L’inconvé- ostéotomies paramédianes font perdre 4 cm d’os. Ceci permet
nient est la longueur d’os disponible inférieure à 12 cm. En de déduire la longueur de fibula à utiliser, le siège des ostéoto-
postopératoire, une raideur de l’articulation scapulohumérale est mies. Il faut toujours surdimensionner le prélèvement de fibula
fréquente. L’indication de ce transplant réside dans la nécessité par rapport à la perte de substance de mandibule, en raison des
d’utiliser deux palettes cutanées simultanément, telles que dans éventuelles recoupes osseuses nécessaires.
les pertes de substance des tissus mous du menton [50, 51]. Une perte de substance mandibulaire interruptrice (PSMI)
Transplant ostéocutané antébrachial. Il a des indications antérieure nécessite 14 cm de fibula, en utilisant deux ostéoto-
exceptionnelles. Les inconvénients sont la faible longueur de mies (Fig. 36). Une PSMI latérale nécessite un seul segment de
l’os disponible, qui est peu vascularisé et doit être utilisé au fibula de 7 cm. Une ostectomie fait perdre en moyenne 2 cm
cordeau. En postopératoire, le poignet doit être immobilisé d’os fibulaire pour obtenir une parfaite coaptation des extrémi-
6 semaines pour éviter les fractures du radius. Avec aussi peu tés osseuses.
d’avantages et beaucoup d’inconvénients, il est évident que ce
transplant est très peu utilisé. Différents lambeaux libres utilisables
Ostéosynthèses Nous décrivons les quatre transplants osseux dont nous avons
Plusieurs méthodes ont été décrites : les miniplaques, le fil l’expérience. En raison de l’origine des cancers qui touchent les
d’acier, les plaques modelantes. Les fils d’acier sont abandonnés tissus mous de la bouche, un lambeau composé ostéocutané est
par tous. Les plaques modelantes sont beaucoup utilisées aux toujours nécessaire : os et peau, et parfois muscle, car il faut
États-Unis : la plaque est moulée sur la mandibule avant la reconstruire la mandibule et le plancher de bouche.

16 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 36. Reconstruction d’une perte de substance mandibulaire in-


terruptrice de type antérieur avec un lambeau libre de fibula comportant
deux ostectomies.

Lambeaux libres de fibula


Figure 37. Lambeau libre de fibula composé. Coupe anatomique de la
Lambeau ostéocutané de fibula.
jambe au tiers moyen comportant : palette cutanée, fibula et portion de
Anatomie [55]. La vascularisation du lambeau de fibula est faite
soléaire (d’après Rouvière). Les artères traversent dans ce cas le long
par l’artère fibulaire et les veines péronières. L’artère poplitée
fléchisseur propre de l’hallux et la partie externe du soléaire. 1. Extenseur
donne l’artère tibiale antérieure et le tronc tibiopéronier.
commun ; 2. nerf musculocutané ; 3. court fibulaire ; 4. septum intermus-
Celui-ci se divise en deux branches, l’artère tibiale postérieure et
culaire médial de la cuisse ; 5. long fibulaire ; 6. septum intermusculaire
l’artère fibulaire. L’artère fibulaire chemine à la face médiale de
latéral de la cuisse ; 7. fléchisseur propre ; 8. artère fibulaire ; 9. nerf
la fibula. Cet os siège à la partie latérale externe de la jambe. Il
saphène externe ; 10. veine saphène externe ; 11. tibial antérieur ; 12.
est bordé latéralement par les muscles péroniers, en avant par
nerf fibulaire profond ; 13. artère tibiale antérieure ; 14. ligament interos-
le muscle long extenseur des orteils, latéralement par le muscle seux ; 15. tibial postérieur ; 16. veine saphène interne ; 17. long fléchis-
tibial postérieur et en bas par le long fléchisseur du gros orteil. seur commun ; 18. artère tibiale postérieure ; 19. nerf tibial postérieur ;
La vascularisation de la fibula se fait par l’artère fibulaire qui 20. aponévrose intramusculaire du soléaire ; 21. soléaire ; 22. plantaire.
fournit une double irrigation : l’artère intraosseuse qui pénètre
l’os à la partie moyenne, et les artères périostées régulièrement
étagées sur toute la longueur de la fibula.
La vascularisation de la peau de la face externe de la jambe
dépend des branches de l’artère fibulaire qui passent dans le
septum intermusculaire : artères septocutanées mais aussi par
des branches musculocutanées, passant à travers les muscles
fléchisseurs longs du 1er orteil et la partie externe du soléaire
(Fig. 37).
À la partie supérieure de la fibula, le nerf sciatique poplité
externe croise le col de la fibula, et il faut absolument respecter
ce nerf lors de la dissection.
Distalement, la fibula constitue l’articulation de la cheville.
Aussi pour préserver l’intégrité de cette articulation, les 5 cm
distaux de la fibula doivent être préservés.
Avant prélèvement du lambeau libre de fibula, il faut s’assurer
de la présence des trois axes vasculaires de jambe (l’artère tibiale
postérieure est absente dans 2 % des cas), et de l’absence
Figure 38. Lambeau de péroné. Tracé des repères sur la peau.
d’athéromatose importante. Aussi, l’artériographie du membre
inférieur est souhaitable, ou bien l’échodoppler des artères de la
jambe à trois niveaux de celle-ci [56]. la fesse et sous la cuisse du côté du prélèvement, et un garrot
Technique [55]. Une palette de peau étant nécessaire pour ces est placé au niveau de la cuisse. Les repères cutanés sont
cancers, il est utile de repérer les artères septocutanées à l’aide marqués au crayon dermographique (Fig. 38) ; tête de la fibula,
d’un doppler de poche, et centrer la palette sur le maximum de bord externe de la fibula et pointe de la malléole externe. Les
pédicules ; la palette déborde de préférence en avant du bord artères septocutanées, repérées au doppler, sont marquées. La
externe de la fibula. Le choix du côté de la jambe à prélever palette cutanée est dessinée, centrée sur le maximum d’artères
dépend du siège de la reconstruction des parties molles. Pour la septocutanées, habituellement à la partie moyenne de la fibula.
reconstruction muqueuse, le côté de la jambe controlatérale est Le membre inférieur est vidé de sang grâce à une bande
choisi. Le siège de la résection mandibulaire détermine si on d’Esmarch et le garrot pneumatique est gonflé à 40 mm de
utilise la partie proximale ou distale de la fibula. Pour une mercure sans dépasser une durée de 1 heure 30.
reconstruction postérieure de mandibule, la partie proximale de La voie d’abord de la fibula est sur le bord externe de cet os.
la fibula est bien adaptée car les vaisseaux fibulaires sont Dans le cas habituel du prélèvement d’une palette cutanée,
positionnés à proximité immédiate des vaisseaux cervicaux. l’incision débute sur la berge antérieure de la palette puis
Pour une reconstruction symphysaire, la partie distale de la l’incision du fascia musculaire est réalisée. Les muscles péroniers
fibula est préférée car elle permet un pédicule vasculaire long. sont disséqués et réclinés vers l’avant. Le septum antérieur est
L’installation du patient est en décubitus dorsal et permet à alors suivi jusqu’à la fibula, celle-ci est contournée en conser-
deux équipes d’opérer simultanément. Un billot est placé sous vant quelques millimètres de muscle pour respecter les artères

Techniques chirurgicales - Tête et cou 17


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

Figure 40. Conformation du péroné à partir d’un moule-fantôme alors


que le péroné est toujours dans la jambe et avant section des vaisseaux.

Figure 39. Prélèvement de péroné et de sa palette cutanée.

périostées. Toute la longueur nécessaire de la fibula est alors


disséquée. Les muscles de la loge antérieure de la jambe sont
libérés. À la partie haute de la fibula, le pédicule vasculonerveux
tibial antérieur est au contact de l’os et la dissection du pédicule
doit être prudente à ce niveau. La membrane interosseuse
exposée est alors incisée au bistouri froid sur toute sa longueur.
La dissection postérieure est alors débutée : incision cutanée
et du fascia musculaire de la berge postérieure de la palette. Si
les artères septocutanées sont bien visibles dans le septum, la
dissection est simple.
Dans le cas contraire, fréquent, il est nécessaire de prélever
une épaisseur de 2 cm de muscle soléaire et de fléchisseur
propre, où sont censées passer les artères septocutanées. La
dissection musculaire s’arrête à ce niveau.
La fibula est alors sectionnée en proximal et en distal à la scie
oscillante sous irrigation de sérum. La section proximale est
réalisée haute à 4 cm sous la tête de la fibula en respectant le
nerf sciatique poplité externe. Cette méthode permet de bien Figure 41. Schéma du prélèvement de péroné et de sa palette cutanée.
exposer la bifurcation du tronc tibiopéronier et prélever avec
certitude l’artère fibulaire à son origine.
La fibula est alors extériorisée latéralement. La dissection est (Fig. 40), ainsi que les ostéosynthèses par miniplaques pour
faite de distal à proximal. Les vaisseaux péroniers distaux sont limiter la durée de l’ischémie. Pour réaliser les ostectomies au
disséqués et liés séparément, et sectionnés. La dissection du niveau de la fibula, il est nécessaire de protéger le pédicule
lambeau continue en désinsérant le muscle jambier postérieur. vasculaire à l’aide d’une lame malléable étroite (Fig. 41).
À la partie proximale, les deux veines fibulaires sont habituel- Lorsque l’exérèse de la pièce de pelvimandibulectomie est
lement sur un plan antérieur par rapport à l’artère fibulaire. Ces terminée, le pédicule fibulaire est alors sectionné et le transplant
vaisseaux sont disséqués sur une longueur de 3-4 cm pour est placé au niveau céphalique. La palette cutanée est position-
faciliter l’adaptation aux vaisseaux cervicaux. La division du née au niveau intrabuccal. Il est fondamental de fixer en
tronc tibiopéronier doit être parfaitement visualisée. Le garrot priorité le transplant fibulaire aux extrémités mandibulaires
pneumatique est alors lâché ; l’hémostase est complétée grâce à des miniplaques, pour assurer la stabilité du transplant
(Fig. 39). (Fig. 42). Souvent des reprises d’ostéotomies sont nécessaires
Pendant ce temps, l’équipe pratiquant la résection mandibu- pour adapter au mieux le greffon osseux.
laire prend les mesures de la future exérèse à l’aide d’un guide Les microanastomoses vasculaires sont alors réalisées, veineu-
malléable fantôme. La distance biangulaire est mesurée ; une ses au tronc veineux de Farabeuf, puis artérielle à une branche
bonne pratique est de fixer la branche verticale de la mandibule de la carotide externe (Fig. 43).
au maxillaire supérieur de façon à conserver l’articulé dentaire Les sutures cutanéomuqueuses sont réalisées au niveau
avec des condyles correctement positionnés. Ces trois artifices endobuccal. Signalons l’intérêt dans certains cas d’utiliser la
permettent une reconstruction optimale de la mandibule. palette de fascia musculaire et non la peau ; celui-ci est mince,
Les ostéotomies de la fibula avec résection angulaire osseuse se recouvre de muqueuse. Son utilisation évite de devoir
(« ostectomies ») sont réalisées alors que le transplant est amincir la palette de peau pour placer les implants ostéo-
toujours vascularisé à la jambe, à l’aide du guide malléable intégrés. Les plaies cervicofaciales sont suturées sur drainage

18 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 42. Lambeau de péroné : ostéosynthèse par plaques Tekka –


LP4TM avant la réalisation des anastomoses.

Figure 45. Anatomie des artères scapulaires : le transplant de crête


scapulaire associé à ses deux palettes cutanées a et b. 1. Artère axillaire ; 2.
artère sous-scapulaire ; 3. artère circonflexe scapulaire ; 4. artère du bord
externe de la scapula ; 5. artère thoracodorsale.

la palette cutanée et la portion latérale du muscle soléaire ;


celle-ci est vascularisée par l’artère fibulaire.
Anatomie. La partie externe du muscle soléaire est vascularisée
par une à trois branches issues des vaisseaux fibulaires. Ils
naissent aux deux tiers supérieurs de l’artère fibulaire.
Technique. L’installation du patient est la même que pour le
prélèvement du lambeau de fibula : en décubitus dorsal, sans
changer la position de l’opéré et sous garrot pneumatique. Lors
Figure 43. Ostéosynthèse par miniplaques du transplant de fibula avec
de l’incision postérieure de la palette cutanée, le fascia muscu-
les moignons mandibulaires. Les microanastomoses vasculaires sont ter-
laire est incisé, puis la berge postérieure est rétractée pour
minées. La palette cutanée est endobuccale.
identifier le chef latéral du gastrocnémius. Le nerf fibulaire
commun est libéré et récliné. Le plan entre le muscle gastroc-
némius et le soléaire est dégagé. Le chef latéral du gastrocné-
mius est soulevé pour exposer le soléaire. L’insertion fibreuse
proximale du soléaire est libérée et coupée, ce qui expose les
vaisseaux péroniers. Le muscle soléaire est sectionné progressi-
vement longitudinalement le long de la ligne médiane. Pour en
libérer la portion externe, les hémostases sont réalisées au fur et
à mesure. Latéralement, le muscle soléaire reste inséré sur la
fibula ; la portion externe du soléaire est ainsi isolée. Le muscle
long fléchisseur du gros orteil est séparé du muscle tibial
postérieur pour être inclus dans le transplant.
Les vaisseaux fibulaires sont disséqués au niveau de la voie
d’abord antérieure. Le prélèvement du transplant composé se
réalise alors comme pour celui décrit pour la fibula : section
osseuse de l’os aux dimensions nécessaires, ligature du pédicule
fibulaire distal et dissection de la partie distale à proximale du
transplant.
Figure 44. Radiographie de pelvimandibulectomie interruptrice anté-
La fermeture de la jambe nécessite habituellement une greffe
rieure réparée par lambeau libre de péroné.
de peau. La jambe est immobilisée sur attelle plâtrée pendant
8 jours, puis une rééducation efficace du membre inférieur est
réalisée.
aspiratif. La jambe est suturée sur drainage aspiratif : rapproche-
ment des muscles soléaires et péroniers. Lorsque la palette
Lambeau libre ostéocutané scapulaire
cutanée prélevée dépasse 4 cm de large, une greffe de peau
semi-épaisse, prélevée à la cuisse homolatérale, est utilisée pour Anatomie. L’artère axillaire à son tiers externe fournit l’artère
la fermeture. La jambe est immobilisée sur une attelle de résine sous-scapulaire. Celle-ci se divise en deux branches : l’artère
pour 8 jours pour permettre la cicatrisation de la greffe de peau. circonflexe scapulaire et l’artère thoracodorsale. L’artère circon-
Les radiographies de contrôle réalisées au 7e jour vérifient la flexe scapulaire se dirige en arrière et traverse le triangle
qualité de l’ostéosynthèse (Fig. 44) et au 3e mois la consolida- musculaire omotricipital constitué en haut par le muscle teres
tion osseuse. minor, en bas par le muscle teres major, et en dehors par la
Lambeau libre de fibula avec le muscle soléaire. Lorsque la longue portion du triceps (Fig. 45).
perte de substance après pelvimandibulectomie est importante, Juste avant de pénétrer dans le triangle, l’artère circonflexe
le lambeau ostéocutané de fibula est insuffisant, en particulier scapulaire donne une artère osseuse avec de nombreuses
lorsqu’il faut combler une cavité. Nous disposons d’une option branches qui vascularisent le bord latéral de la scapula. De plus,
élégante en réalisant un lambeau composite associant la fibula, il existe l’artère angulaire de l’omoplate qui naît habituellement

Techniques chirurgicales - Tête et cou 19


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

repose sur une table à bras. Ainsi l’intervention se réalise à deux


équipes simultanément sans changer la position de l’opéré [51].
L’abord premier des vaisseaux est recommandé grâce à une
incision sur la ligne axillaire moyenne. L’artère circonflexe
scapulaire est disséquée et la crête scapulaire est libérée des
muscles qui y sont insérés et elle est prélevée par abord
antérieur à la scie oscillante : 10 à 12 cm d’os sont prélevés. Il
faut préserver le nerf circonflexe qui chemine sous la glène de
la scapula.
Les palettes cutanées sont prélevées après incision cutanée par
abord postérieur. Les artères ortho- et parascapulaires sont à
destinée purement cutanée ; il n’est donc pas nécessaire de
prélever l’aponévrose des muscles sous-jacents. Elles sont
disséquées de la partie distale vers la portion proximale. Lorsque
le triangle musculaire est identifié, les muscles adjacents sont
écartés et le pédicule circonflexe scapulaire est disséqué et
retrouve la dissection réalisée par voie axillaire. Les vaisseaux
circonflexes scapulaires sont prélevés avec les vaisseaux sous-
scapulaires, en sacrifiant les vaisseaux thoracodorsaux. Cela
Figure 46. Le transplant scapulaire avec ses deux palettes cutanées et la permet de gagner 1 cm de longueur de pédicule.
crête scapulaire sur le même pédicule vasculaire. 1. Artère axillaire ; 2. L’hémostase doit être rigoureuse par ligature et clips car la
artère sous-scapulaire ; 3. artère circonflexe scapulaire ; 4. artère du bord région est richement vascularisée. Le transplant ostéocutané est
externe de la scapula ; 5. artère thoracodorsale. prélevé après section entre ligatures séparées de l’artère et de la
veine sous-scapulaires.
Durant ce temps, la résection mandibulaire est pratiquée avec
les trois recommandations :
• utiliser un guide modelable sur la mandibule ;
• fixer les branches résiduelles de la mandibule au maxillaire
supérieur ;
• mesurer la distance biangulaire.
La réparation scapulaire doit être minutieuse : réinsertion des
muscles adjacents à la scapula. Un drainage aspiratif est
nécessaire. La suture cutanée se fait directement.
Au niveau mandibulaire, les palettes cutanées sont position-
nées ; la crête scapulaire est ostéotomisée en plaçant le bord
interne mince de l’os vers la cavité buccale. Cette position
facilite la mise en place ultérieure des implants endo-osseux.
Habituellement une seule ostéotomie suffit. L’ostéosynthèse
entre la mandibule et la scapula est réalisée en priorité de façon
à stabiliser le transplant, grâce à des miniplaques en titane. Le
Figure 47. Vue opératoire du transplant scapulaire : indépendance transplant ostéocutané est alors revascularisé, veine puis artère.
spatiale de la crête scapulaire et de la palette cutanée parascapulaire. Il n’existe pas de nerf sensitif pour ce transplant. Les palettes
cutanées sont alors suturées à la muqueuse dans la cavité
buccale au fil résorbable.
de l’artère thoracodorsale ; cependant, cette artère n’est pas Une rééducation précoce du membre supérieur est indispen-
fondamentale pour la vascularisation de l’angle de la scapula. sable pour éviter les raideurs.
Après avoir traversé le triangle musculaire, l’artère circonflexe La radiographie de contrôle vérifie la qualité de l’ostéo-
scapulaire se divise en deux branches destinées à la peau : synthèse.
l’artère transversale ou orthoscapulaire, et une branche descen-
Lambeau libre de crête iliaque
dante ou parascapulaire. Ces deux artères permettent de prélever
deux palettes cutanées séparées et mobiles par rapport à l’os Le lambeau libre de crête iliaque initialement décrit par
(Fig. 46). Taylor a été modifié et popularisé par Urken en 1989 [48] en
Le prélèvement de la crête scapulaire et des palettes cutanées incluant le muscle petit oblique. Ceci a permis de corriger
scapulaires permet des reconstructions élaborées de la mandi- plusieurs inconvénients du transplant iliaque, dont l’épaisseur et
bule. Lorsqu’on prélève l’artère sous-scapulaire, l’artère circon- la relative fixité de la palette cutanée par rapport à l’os.
flexe scapulaire avec les éléments déjà cités et l’artère La vascularisation du transplant est basée sur l’artère iliaque
thoracodorsale qui vascularise le muscle grand dorsal, on circonflexe profonde, avec sa branche ascendante vascularisant
obtient le « méga » transplant sous-scapulaire. Il faut noter le muscle petit oblique. La palette cutanée reçoit sa vascularisa-
l’indépendance spatiale des palettes cutanées et de la crête tion par les perforantes myocutanées de l’artère iliaque circon-
scapulaire (Fig. 47). flexe profonde.
Technique. Plusieurs repères sont dessinés sur la peau du Anatomie. L’artère circonflexe iliaque profonde naît de
patient avant l’intervention : l’épine de la scapula, les contours l’artère iliaque externe environ 1 à 2 cm au-dessus de l’arcade
de la scapula, le triangle musculaire repéré par la palpation chez crurale. L’artère circonflexe iliaque profonde passe au-dessous du
le sujet maigre ou par l’examen doppler. La branche orthosca- fascia transversalis et sous le canal inguinal, en se dirigeant vers
pulaire se situe sur une ligne transversale à mi-distance entre l’épine iliaque supérieure. À environ 1 cm en dedans de l’épine
l’épine scapulaire et le sommet de la scapula. La branche iliaque antérosupérieure naît la branche ascendante qui peut
parascapulaire est située sur une ligne parallèle au bord latéral être utilisée comme pédicule vasculaire pour le muscle petit
de la scapula. Ces deux lignes se rejoignent au niveau du oblique. À ce niveau, l’artère circonflexe iliaque profonde est
triangle musculaire. croisée, par en avant ou par en arrière, par le nerf fémoral
Dans notre expérience, le patient est installé en décubitus cutané. Il faut respecter ce nerf qui innerve la face latérale de la
dorsal avec un billot sous l’épaule du côté du prélèvement et un cuisse. Dès que les vaisseaux circonflexes iliaques profonds
billot latérorachidien. Le membre supérieur est laissé libre et atteignent l’épine iliaque antérosupérieure, ils cheminent sous la

20 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

crête iliaque. Ils donnent des perforantes qui traversent les trois
muscles latéraux de la paroi abdominale, et vascularisent la
peau sus-jacente.
Technique. Le malade est placé en décubitus dorsal avec des
alèzes roulées sous la fesse homolatérale. La crête iliaque
homolatérale au côté de la reconstruction est habituellement
choisie. Les repères osseux sont marqués sur la peau : l’épine du
pubis et l’épine iliaque antérosupérieure. La ligne qui relie ces
deux repères représente l’arcade crurale ; elle est dessinée.
Aucun examen spécifique préopératoire n’est nécessaire sauf
en cas d’artérite.
L’incision cutanée est réalisée à 1 cm au-dessus de l’arcade
crurale et parallèle à celle-ci.
Le cordon spermatique chez l’homme ou le ligament rond
chez la femme est repoussé vers la ligne médiane pour exposer
le plancher du canal inguinal.
Le nerf fémorocutané latéral doit être préservé. Les vaisseaux
iliaques externes sont exposés ainsi que l’origine de l’artère
circonflexe iliaque profonde. L’artère et sa veine sont disséquées
de la partie médiane vers la partie latérale sous contrôle de la
vue. Lorsque la branche vasculaire ascendante est identifiée et
si une portion du muscle petit oblique est nécessaire, l’artère et
la veine sont respectées et le muscle petit oblique est disséqué
en bloc avec la crête iliaque. Si le muscle n’est pas nécessaire,
la branche ascendante est ligaturée et sectionnée. Le nerf
fémorocutané latéral est alors rencontré : il chemine tantôt à la Figure 48. Prélèvement du transplant de crête iliaque, avec la palette
cutanée et le muscle petit oblique. 1. Artère iliaque externe ; 2. artère
face profonde, tantôt à la face superficielle des vaisseaux
iliaque circonflexe profonde ; 3. branche descendante (du muscle petit
circonflexes iliaques profonds. Ce nerf doit être respecté.
oblique) ; 4. nerf fémorocutané latéral ; 5. crête iliaque ; 6. épine iliaque
Lorsque l’épine iliaque antérosupérieure est atteinte, la crête antérosupérieure ; 7. muscles larges de la paroi abdominale avec la palette
iliaque est préparée pour le prélèvement. Lorsqu’une palette cutanée.
cutanée est nécessaire, elle est incisée circonférenciellement en
regard de la crête iliaque. La face interne de la crête iliaque est
prélevée avec le muscle iliaque en regard : l’os est vascularisé
par de petites artérioles qui proviennent du muscle iliaque. Il Surveillance postopératoire des lambeaux libres
est donc nécessaire d’inclure une coiffe musculaire dans le
transplant. La face externe de la crête iliaque est libérée des
muscles latéraux, lorsque toute l’épaisseur de la crête iliaque Après l’intervention
doit être prélevée. Si seule la corticale interne de la crête iliaque
Un traitement anticoagulant est systématique par HBPM. Le
est prélevée, cette libération du muscle n’est pas nécessaire.
patient est transféré en service de soins intensifs pour une
Toute l’épaisseur de la paroi abdominale est incisée : muscles
surveillance étroite de l’état général et local.
grand oblique, petit oblique et transverse, jusqu’à la graisse
La surveillance clinique au niveau du transplant note la
sous-péritonéale. La dissection s’effectue d’avant en arrière en
couleur, la chaleur, le pouls capillaire au niveau de la palette
contrôlant constamment le pédicule vasculaire. Les vaisseaux
cutanée, les drainages. Au niveau du membre, la chaleur, la
circonflexes iliaques profonds sont sectionnés entre ligature, à
couleur, la mobilité et la sensibilité des orteils sont notées pour
la partie distale du greffon osseux. La section osseuse est faite
le prélèvement de fibula.
à la scie oscillante sous irrigation de sérum. La crête iliaque est
La surveillance instrumentale est double. La surveillance par
coupée en avant du greffon en respectant l’épine iliaque
sonde doppler est la plus efficace : elle permet de suivre l’artère
antérosupérieure, puis en arrière, puis horizontalement,
et la veine en continu sous le rebord mandibulaire. Cette
permettant de rejoindre les ostéotomies proximale et distale
surveillance est réalisée toutes les 30 minutes durant les
(Fig. 48).
12 premières heures, puis toutes les 3 heures. Les sondes
Simultanément, l’exérèse mandibulaire est réalisée.
thermiques sont utiles surtout lorsque la palette cutanée est
Après les ostéotomies, le transplant de crête iliaque est externe. Dans ce cas, une variation de 0,5 °C déclenche une
prélevé avec ses vaisseaux. Il est transféré au niveau de la alarme.
mandibule et fixé par des miniplaques. Habituellement, aucune Après 48 heures, le patient est transféré dans son service. La
ostéotomie n’est nécessaire. Les anastomoses vasculaires sont marche est reprise dès le 3e jour, aidée de béquilles et du
alors réalisées. Il n’y a pas de nerf sensitif pour ce transplant. kinésithérapeute, en appui monopodal. L’attelle postérieure
de la jambe est conservée 1 semaine pour favoriser la prise de
La fermeture de la zone de prélèvement doit être soigneuse greffe. À cette date, le premier pansement de jambe est refait.
en fixant les muscles larges de la paroi abdominale à l’os
iliaque, grâce à des orifices réalisés dans l’os. Si cette fermeture
n’est pas suffisante, nous recommandons la mise en place d’une Signes de menace de vitalité du transplant
prothèse synthétique. Un drainage aspiratif est placé de prin-
cipe. L’hémostase de l’os peut être complétée par de la cire de
Horsley. La peau est suturée de façon habituelle et directement. Cliniquement, la pâleur ou au contraire la couleur bleutée des
palettes cutanées sont préoccupantes, traduisant une thrombose
artérielle ou veineuse. L’absence de pouls capillaire ou au
Lambeau libre antébrachial ostéocutané
contraire sa survenue trop précoce est un signe préoccupant. La
Ses indications sont très limitées, aussi nous ne le décrivons piqûre de la palette cutanée n’est pas recommandée : elle est
pas. infidèle et source d’ecchymose locale.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 21


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

La survenue de ces signes cliniques impose l’examen doppler


du pédicule vasculaire. En cas de doute, la réintervention
chirurgicale est indiquée en urgence pour vérifier l’état des
microanastomoses vasculaires.

En cas de thrombose, les anastomoses sont recommencées


avec d’autres vaisseaux receveurs. Les désobstructions à la sonde
de Fogarthy ou l’utilisation des fibrinolytiques, bien qu’ayant
donné des succès isolés, ne sont pas recommandées. En cas de
thrombose veineuse isolée et pour les petits transplants,
l’utilisation de sangsues a pu sauver des situations. Les trans-
plants osseux et cutanés supportent des ischémies prolongées
(12 h), contrairement aux transplants digestifs très fragiles.
Que faire en cas de nécrose de la palette cutanée de trans-
plant de péroné ?
• s’il s’agit de nécrose isolée de la peau, il faut la réséquer et
recouvrir avec un lambeau de rotation ;
• si l’os est également nécrosé, il faut, après exérèse de la peau,
recouvrir par un lambeau myocutané.

Surveillance secondaire des lambeaux libres


La surveillance secondaire a recours à la scintigraphie osseuse,
réalisée ponctuellement à partir du 7e jour. La radiographie doit
être réalisée pour vérifier le montage et surveiller la consolida-
tion osseuse qui survient entre le 2e et le 3e mois. L’angioscan-
ner et l’IRM sont théoriquement utilisables. De fait,
l’angiographie numérisée, sans danger pour le patient, est
préférable ; elle peut être répétée. La vitalité de ces transplants
libres est attestée par le fait que la radiothérapie postopératoire
est possible [57].

Séquelles
Sur le site receveur, elles sont habituellement bénignes
lorsque le prélèvement a été suivi de reconstruction.
Pour le transplant de fibula, et jusqu’à l’âge de 9 ans, il faut
reconstruire celle-ci à l’aide d’une baguette de tibia prélevée du
même côté, avec une broche centromédullaire. Lorsque l’extré-
mité distale du péroné est inférieure à 7 cm, il faut la fixer au
tibia grâce à une vis de syndesmose. En cas de couverture de la
perte de substance par une greffe, la séquelle esthétique est la
règle ; si bien que certaines femmes ont refusé ce type de
transplant. La lourdeur de jambe du côté du prélèvement est
fréquente, due aux troubles du retour veineux ; une contention
Figure 49. Réparation d’une pelvimandibulectomie interruptrice laté-
élastique améliore la situation. La paralysie du sciatique poplité rale par attelle de Strycker.
externe, transitoire, n’est pas exceptionnelle ; la récupération est A. Conformation et fixation de l’attelle avant la section osseuse.
la règle si le nerf n’a pas été blessé. Les séquelles esthétiques B. L’attelle en place en fin d’intervention.
liées à la greffe de peau à la jambe sont inévitables. La réédu- C. Aspect radiographique postopératoire.
cation postopératoire doit permettre d’éviter les séquelles
fonctionnelles.
Pour le transplant scapulaire, les séquelles esthétiques de
prélèvement sont la règle (cicatrices larges car sutures réalisées Réparation de la continuité osseuse par attelle
sous tension). En l’absence de réinsertion correcte des muscles métallique
scapulaires à la scapula, les séquelles peuvent être sérieuses. De
même, le nerf circonflexe passe sous la glène et il faut veiller à Il s’agit d’une technique ancienne mais qui a bénéficié de
ne pas le blesser lors du prélèvement osseux. Lorsque le l’apport de matériaux nouveaux. Aujourd’hui c’est une grosse
prélèvement a été correctement effectué, les séquelles sont attelle en titane qui doit être utilisée, type attelle de Strycker de
surtout esthétiques, si la rééducation est débutée précocement. 2,3 mm du système universel de Leibinger ou de Tekka
Pour le transplant de crête iliaque, les deux principales (Fig. 49) [58-61].
complications sont l’éventration et la douleur. L’éventration Cette technique s’adresse, d’une part aux patients dont l’état
doit être évitée en refixant soigneusement les muscles larges de général ou local n’autorise pas une intervention longue, d’autre
l’abdomen à l’os iliaque résiduel au moyen de forage osseux. Un part aux réparations latérales où la réparation n’étant pas
renforcement par plaque synthétique doit être utilisé si la paroi obligatoire, ne doit en aucun cas comporter de risques.
est fragile, car ces éventrations sont difficiles à réparer secondai- Sur le plan pratique : il faut, avant la section osseuse, modeler
rement. Les douleurs résiduelles souvent intenses sont fréquen- l’attelle et la fixer sur les fragments restants de façon à ce qu’elle
tes, probablement liées aux traumatismes des nerfs locaux. soit placée en bonne position (Fig. 49A). On utilise trois vis de
Pour le transplant antébrachial, ce sont surtout les retards ou chaque côté. Après l’exérèse et la réparation des tissus mous,
des défauts de cicatrisation de la greffe de peau qui sont cette attelle est mise en bonne position dans les trous préala-
observés. blement réalisés (Fig. 49B). La radiographie postopératoire

22 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

Figure 50. Patient édenté complet ayant bénéficié de la pose de trois


implants symphysaires pour assurer la rétention prothétique après recons-
truction du plancher et du vestibule par greffe de peau totale.

(Fig. 49C) confirme la bonne position de la réparation. L’écueil


de ce type de réparation est le risque de fracture du matériau.

■ Conclusion
Ce long exposé des techniques d’exérèse et de réparation des
carcinomes du plancher buccal doit permettre au lecteur de faire
face à toutes les situations rencontrées. La réalisation des
techniques nombreuses de fermeture que nous avons exposées
doit tenir compte de l’importance de l’exérèse, de l’état général
et vasculaire du patient ainsi que des habitudes de l’équipe
chirurgicale [62]. Il ne faut pas oublier que les deux objectifs de
ce traitement doit être d’abord la guérison de la maladie
néoplasique et ensuite de donner au patient une qualité de vie
la meilleure possible [59]. Dans cette optique, un volet thérapeu-
tique doit être envisagé dès le début, celui de la réhabilitation
dentaire ultérieure.
Cette réhabilitation de la cavité buccale après chirurgie
pelvimandibulaire doit être discutée entre chirurgien des voies
aérodigestives supérieures et odontologiste afin d’envisager
d’emblée toutes les solutions possibles [63].
Que la résection soit interruptrice ou non, les temps de
réalisation prothétiques sont les mêmes que pour une prothèse Figure 51. Implants sur lambeau libre de péroné.
adjointe complète ou partielle traditionnelle. En revanche, ces A. Vue clinique des implants.
réhabilitations prothétiques ne peuvent être envisagées que B. Prothèse en bouche.
dans certaines conditions en fonction des éléments suivants : C. Radiographie montrant, sur un greffon de péroné, les dents restantes,
• persistance du plancher buccal et d’une certaine mobilité insuffisantes pour maintenir la prothèse.
linguale : elle est nécessaire pour obtenir un bon résultat
fonctionnel, ce qui implique souvent un temps de chirurgie
préprothétique ; ■ Références
• présence de piliers prothétiques : elle est indispensable à la
[1] Vandenbrouck C, Sancho-Garnier H, Chassagne D, Saravane D,
rétention de la prothèse. Si le malade est édenté ou n’a plus Cachan Y, Micheau C. Elective versus therapeutic radical neck dissec-
que quelques dents sur l’arcade, des possibilités implantaires tion in epidermoid carcinoma of the oral cavity: results of a randomized
sont envisagées (Fig. 50) ; clinical trial. Cancer 1980;46:386-90.
• la dimension du greffon et l’épaisseur de la palette cutanée : [2] Mamelle G, Julieron M, Janot F, Temam S, Leridant AM, Marandas P,
après reconstruction par lambeau libre, elles sont aussi et al. Évidements sélectifs ganglionnaires chez les patients. In: Guer-
essentielles. En effet, un greffon surdimensionné entraîne un rier B, editor. Cancers ORL chez le sujet âgé. Paris: EDK édition; 2003.
néoprognathisme mandibulaire important rendant le malade p. 51-4.
inappareillable. Une palette cutanée trop épaisse occupe une [3] Mamelle G, Temam S. Technique du ganglion sentinelle : application
grande partie de l’espace prothétique et représente une crête dans les carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale et perspectives
flottante en rendant la prothèse instable. De plus, une d’avenir. In: Marandas P, editor. Cancer des voies aéro-digestives supé-
épaisseur trop importante empêche la pose éventuelle rieures, données actuelles. Issy-les-Moulineaux: Masson; 2004.
p. 49-56.
d’implants : là encore une chirurgie préprothétique peut être
[4] Paris J, Lusetto D, Lief F, Chrestian MA, Giovanni A, Zanaret M.
alors indiquée (Fig. 51A, B, C). Detection isotopique du ganglion sentinelle dans les carcinomas
Ces patients ne sont appareillables que si un espace prothé- épidermoïdes T1 et T2N0 de la cavité buccale : résultats préliminaires.
tique minimum et une certaine mobilité linguale sont conservés In: Marandas P, editor. Tumeurs de la langue mobile.
et qu’il existe des moyens de rétention suffisants pour la bonne Radiochimiothérapie des cancers des voies aéro-digestives supérieu-
tenue de l’appareillage. res. Paris: EDK édition; 2005. p. 59-64.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 23


46-240 ¶ Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation

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24 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs malignes du plancher buccal : exérèse et réparation ¶ 46-240

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P. Marandas, Professeur associé des Universités, praticien spécialiste des Centres de lutte contre le cancer, chef de service (marandas@igr.fr).
M. Germain, Chirurgien des Hôpitaux, Professeur au Collège de médecine des hôpitaux de Paris.
J.-P. Margainaud, Odontologiste.
D. Hartl, Ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux, Assistant.
F. Kolb, Chirurgien plasticien, praticien spécialiste des Centres de lutte contre le cancer.
Institut Gustave-Roussy, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Marandas P., Germain M., Margainaud J.-P., Hartl D., Kolb F. Chirurgie des tumeurs malignes du plancher
buccal : exérèse et réparation. EMC (Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-240, 2006.

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Techniques chirurgicales - Tête et cou 25


¶ 46-250

Glossectomies
O. Dassonville, G. Poissonnet, A. Bozec

Le traitement de référence des tumeurs de la langue reste essentiellement chirurgical, aussi bien pour les
lésions limitées que pour les tumeurs plus avancées. Il concerne chaque fois la localisation primitive et les
aires ganglionnaires cervicales. Toute glossectomie implique le respect d’impératifs a priori opposés : des
marges d’exérèse larges selon les principes de la chirurgie oncologique et une préservation fonctionnelle
optimale. L’analyse histologique extemporanée et les progrès de la chirurgie réparatrice ont apporté une
réponse à ces nécessités contradictoires. La connaissance des voies d’abord chirurgicales et des différents
types d’exérèse linguale ainsi que la maîtrise des procédés de réparation du plus simple (sutures directes)
au plus complexe (lambeaux libres microanastomosés) sont indispensables pour le choix et la réalisation
des glossectomies.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Langue ; Carcinome épidermoïde ; Glossectomie ; Chirurgie réparatrice ; Lambeaux libres

Plan De sa mobilité découlent ses propriétés fonctionnelles majeures


dans la phonation et par conséquent le langage, mais aussi, la
mastication et les premiers temps de la déglutition. Cette
¶ Introduction 1
mobilité dépend d’une part de ses muscles intrinsèques dans les
¶ Cancers de la langue 2 mouvements d’étalement et d’enroulement et, d’autre part,
Histopathologie 2 s’inscrit dans un mécanisme dynamique complexe en relation
Voies de propagation du cancer lingual 2 étroite avec le pharyngolarynx grâce à sa musculature qui
Contexte thérapeutique 3 l’amarre et la suspend en haut au palais (muscles styloglosses et
¶ Chirurgie des cancers de langue 3 glossostaphylins), latéralement aux apophyses styloïdes (muscles
Principes généraux 3 styloglosses), en bas et en arrière à l’os hyoïde (muscles hyo-
Glossectomies - Tumeurs primitives linguales 4 glosses) et en avant à la mandibule (muscles génioglosses).
Gestes ganglionnaires associés 8 Sur le plan fonctionnel et anatomochirurgical, on distingue
¶ Conclusion 8 deux parties :
• la langue dite « mobile » en situation antérieure dans la cavité
buccale, en avant du « V » lingual, formé par l’alignement des
papilles caliciformes, est constituée en volume essentielle-
ment par les puissants muscles génioglosses qui permettent la
■ Introduction protraction en haut et en avant. La langue mobile comprend
une face dorsale à l’aspect rugueux avec des papilles filiformes
Les glossectomies représentent les différents types d’exérèse qui ont un rôle tactile et des papilles fongiformes ayant un
de la langue, cette ablation chirurgicale gardant aujourd’hui rôle gustatif, une face ventrale en relation étroite avec le
encore une place prépondérante dans la stratégie thérapeutique plancher buccal recouverte d’une muqueuse très fine et
des cancers développés au niveau de cet organe anatomique et l’insertion de frein lingual sur la ligne médiane. Latéralement,
fonctionnel de grande importance. chaque extrémité du « V » délimite la zone de jonction
L’amélioration du pronostic carcinologique de ces patients linguale, zone frontière entre la langue mobile et la base de
porteurs de cancers linguaux passe par une meilleure connais- langue. Sa limite profonde est constituée par les muscles
sance des mécanismes de propagation des cellules cancéreuses géniohyoïdiens du plancher buccal ;
dans le tissu musculaire lingual, aboutissant à une meilleure • la base de la langue en situation postérieure formant la pente
description des différents types d’exérèses à réaliser. Cette oropharyngée antérieure est constituée essentiellement par les
chirurgie carcinologique nécessite une collaboration permanente muscles hyoglosses qui n’ont pas d’action dans la protraction
avec l’anatomopathologiste, la qualité des marges d’exérèse, mais qui abaissent et rétractent la langue en arrière. Elle
notamment l’examen extemporané fiable des limites muqueuses comporte des formations lymphoïdes dorsales sous-
et profondes, étant l’un des facteurs pronostiques majeurs de ces muqueuses (amygdales linguales) en rapport en dehors avec
cancers de langue [1]. les sillons amygdaloglosses et en bas avec les vallécules et la
La langue est un organe charnu musculaire complexe, riche- margelle laryngée. Sa limite profonde inférieure est représen-
ment vascularisé contenu au sein de la cavité buccopharyngée. tée par la membrane hyoépiglottique.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-250 ¶ Glossectomies

■ Cancers de la langue
Histopathologie [1] 5
3
4
Lésions précancéreuses
Ces lésions se répartissent selon deux entités : les leucoplasies 2
et les érythroplasies. IIa

Leucoplasies 1

Elles sont les plus fréquentes et témoignent d’un certain


degré de kératinisation de l’épithélium malpighien plus ou
moins bien organisé histologiquement (orthokératose, dyskéra-
tose). Elles correspondent à des dyskératoses d’abord modérées
puis sévères qui se traduisent par une hyperacanthose pouvant III Ib
aller jusqu’au carcinome in situ.
Le lichen plan, d’étiologie inconnue et d’évolution imprévi- Ia
sible, présente un risque de dégénérescence carcinomateuse dans
son évolution atrophique et érosive de l’ordre de 23 % des cas.
Les kératoses infectieuses chroniques (candidoses) et tabagiques
chroniques présentent un risque moindre de dégénérescence, de
7 à 15 %. Certaines papillomatoses florides ont elles aussi un
IV
fort potentiel dégénératif (human papillomavirus [HPV] 16, HPV
18).
Figure 1. Drainage lymphatique de la langue : vaisseaux et groupes
Érythroplasies ganglionnaires. 1 : vaisseaux apicaux courts et longs ; 2 : vaisseaux mar-
ginaux courts et longs ; 3 : vaisseaux centraux ; 4 : vaisseaux marginaux
Moins fréquentes, ce sont des lésions rouges et érosives qui postérieurs ; 5 : vaisseaux basilinguaux ; Ia : groupe interdigastrique ; Ib :
traduisent à la fois une atrophie épithéliale et une hypertrophie groupe sous-mandibulaire ; IIa : groupe jugulocarotidien supérieur ; III :
richement vascularisée du chorion sous-jacent. Le risque de groupe jugulocarotidien moyen ; IV : groupe jugulocarotidien inférieur.
transformation carcinomateuse est important.

Lésions cancéreuses Vascularisation lymphatique (Fig. 1)


Dans plus de 90 % des cas il s’agit d’un carcinome épider- La richesse et l’organisation de la circulation lymphatique
moïde invasif plus ou moins bien différencié d’aspect induré, expliquent la diffusion ganglionnaire métastatique cervicale
ulcéro-infiltrant ou ulcérovégétant qui siège plus volontiers sur fréquente lors du diagnostic initial. Une atteinte ganglionnaire
le bord libre de la langue mobile (deux tiers des tumeurs de la histologique est retrouvée dans 20 à 30 % des patients opérés
langue). Une tumeur primitive de la base de la langue (un tiers considérés comme N0. Les lymphatiques efférents de la langue
des cas) doit faire éliminer une tumeur lymphoïde (lymphome sont d’origine double, profonde musculaire et superficielle
malin non hodgkinien). Dans un quart des cas, le carcinome est muqueuse. Au sein du massif lingual, on peut distinguer, pour
très indifférencié, la forme verruqueuse bien différenciée chaque hémilangue de part et d’autre du raphé médian, cinq
ressemblant à un papillome est peu lymphophile et plus rare, de groupes de vaisseaux collecteurs (Fig. 1). Ainsi, d’avant en
même pour le carcinome à cellules fusiformes très peu différen- arrière et de dehors en dedans, on distingue [2] :
cié, d’aspect sarcomateux. Les autres types histologiques de • les vaisseaux apicaux de l’extrémité antérieure de la langue
tumeurs malignes sont plus rares comme les adénocarcinomes qui donnent un tronc collecteur court qui descend dans le
le plus souvent d’origine salivaire (carcinome adénoïde kystique, frein de la langue pour se jeter dans un ganglion sous-
tumeurs mucoépidermoïdes), les sarcomes fibroblastiques, le mental médian (secteur Ia), et un tronc collecteur long qui
mélanome malin muqueux, ou une métastase linguale d’un descend entre les muscles génioglosse et mylohyoïdien, puis
cancer bronchique, digestif, mammaire ou utérin. croise en dedans la grande corne de l’os hyoïde et suit le bord
inférieur du muscle omohyoïdien pour se jeter dans un
Voies de propagation du cancer lingual ganglion sous-omohyoïdien (secteur IV), ce qui explique
certaines métastases ganglionnaires d’emblée dans les secteurs
III et IV pour les tumeurs antérieures [3] ;
Architecture musculaire
• les vaisseaux marginaux antérieurs du bord de la langue en
La diffusion tumorale se fait naturellement par contiguïté en avant de la zone de jonction avec des collecteurs externes
surface au niveau de la muqueuse et en profondeur le long des courts et internes longs qui croisent de part et d’autre la
fibres musculaires avec une propension à la diffusion de foyers glande sublinguale et vont se drainer respectivement dans le
intramusculaires multiples. Ceci explique le caractère rapide- secteur latéral sous-maxillaire (secteur Ib) le plus souvent en
ment infiltrant de ces tumeurs, en particulier par propagation le situation préglandulaire le long du pédicule facial et le secteur
long des muscles génioglosses pour les tumeurs antérieures ou sous-digastrique postérieur (ganglion de Küttner, secteur IIa),
plus rapidement le long des muscles hyoglosses pour les satellite du XII et du pédicule vasculaire lingual ;
tumeurs postérieures. En ce qui concerne les tumeurs de la base, • les vaisseaux centraux qui descendent dans l’épaisseur de la
l’extension interstitielle cervicale va se faire en dehors de la langue (génioglosse) qui drainent la face dorsale en avant du
grande corne de l’os hyoïde, au niveau du ventre postérieur du V lingual pour aboutir aux secteurs sous-digastrique (IIa) et
muscle digastrique et de l’insertion inférieure du muscle sous-maxillaire (Ib, pédicule facial), à ce niveau, le drainage
styloglosse avec une atteinte de l’anse du nerf grand hypoglosse. est volontiers bilatéral ;
Le nerf glossopharyngien peut être atteint par contiguïté • les vaisseaux marginaux postérieurs qui drainent le bord de la
au-dessus et en dedans du muscle styloglosse. L’extension langue en arrière de la zone de jonction linguale, superficiels
tumorale vers l’os hyoïde fixe le massif lingual et obère les et profonds, de part et d’autre du muscle digastrique en
possibilités de résection chirurgicale fonctionnelle. Les tumeurs arrière du styloglosse pour aboutir au ganglion sous-
marginales postérieures restent plus longtemps latéralisées que digastrique (secteur IIa) ;
les tumeurs antérieures qui dépassent plus rapidement la ligne • les vaisseaux de la base de la langue, superficiels et profond,
médiane car le septum fibreux médian s’affine vers la pointe de qui aboutissent tous dans le secteur sous-digastrique (secteur
la langue. IIa) homolatéral et/ou controlatéral à la tumeur primitive.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Glossectomies ¶ 46-250

Les tumeurs paramédianes de la langue mobile et latérales de par curiethérapie de barrage ou par radiothérapie externe est
la base de langue donnent volontiers des adénopathies bilatéra- indiqué, notamment si une reprise chirurgicale est considérée
les et les lymphatiques de la langue se drainent dans les comme non réalisable techniquement du fait des difficultés à
ganglions jugulaires internes d’autant plus bas situés que leur localiser la zone linguale douteuse.
origine linguale est plus antérieure. Les autres thérapeutiques parfois utilisées dans le traitement
du cancer de langue sont plus anecdotiques et certaines sont en
Vascularisation artérioveineuse cours d’évaluation :
De la région carotidienne, en profondeur et en arrière du • photothérapie dynamique (photosensibilisation majeure) ;
repli amygdaloglosse, va naître l’artère linguale qui va passer en • cryothérapie (toxicité importante) ;
dedans du muscle hyoglosse, accompagnée des veines linguales • chirurgie laser (CO2) ;
profondes et des pédicules lymphatiques. Les veines linguales • la chimiothérapie exclusive n’a pas de place en dehors d’un
superficielles, satellites du nerf grand hypoglosse, restent en traitement palliatif où plusieurs drogues sont combinées. En
dehors du muscle hyoglosse puis vont s’unir aux veines lingua- utilisation néoadjuvante, les taux de réponse objective sont
les profondes au bord postérieur du muscle hyoglosse, pour se importants mais restent sans impact sur la survie [1]. Le mode
jeter dans le tronc thyro-linguo-facial. La présence d’un impor- d’administration intra-artériel est particulièrement intéressant
tant pédicule vasculaire à ce niveau est importante à connaître pour limiter les doses et ainsi limiter les effets généraux de la
pour le traitement des cancers de la base de la langue et chimiothérapie. Elle est en cours d’évaluation avant radio-
explique le risque hémorragique dans les cancers étendus au chimiothérapie classique ou combinée avec la radiothérapie.
sillon amygdaloglosse (marginaux postérieurs). L’importance de Le développement des thérapies moléculaires ciblées qui
la vascularisation artérielle (artères linguales pour la base de agissent sur le cycle cellulaire (anti-REGF, antiangiogéniques,
langue puis artères ranines pour la langue mobile) et la richesse antihypoxies...) associées aux thérapeutiques classiques repré-
du drainage veineux vers les réseaux jugulaire interne profond sente une nouvelle voie prometteuse encore en évaluation
et superficiel jugulaire externe et antérieur, expliquent enfin le thérapeutique.
risque de métastases viscérales à distance, principalement le
poumon (40 %) mais aussi le foie, le squelette et les téguments.
■ Chirurgie des cancers de langue
Contexte thérapeutique
Il s’agit d’un vaste domaine dans la mesure où les différents
La chirurgie d’exérèse et la radiothérapie sont les deux temps chirurgicaux, les différents types d’exérèse tumorale ou
méthodes thérapeutiques principales des tumeurs néoplasiques ganglionnaire, les différentes techniques de chirurgie réparatrice
de la langue, antérieure ou postérieure. sont nombreux et plus ou moins associés entre eux.
Le traitement systématique des aires ganglionnaires cervicales, La difficulté principale rencontrée lors de l’exérèse chirurgi-
de principe ou de nécessité, est un élément primordial de la cale de ces cancers de langue est celle liée à l’évaluation de
prise en charge de ces cancers et indissociable du traitement de l’extension profonde, musculaire, des nombreuses formes
la tumeur primitive. macroscopiques ou microscopiques infiltrantes.
Concernant le choix des thérapeutiques utilisées pour les L’examen clinique et l’imagerie médicale préopératoires ont,
cancers de langue, chirurgie ou radiothérapie (externe ou ici, un rôle fondamental pour apprécier cette infiltration
curiethérapie), de nombreux paramètres entrent en considéra- profonde et ainsi permettre l’exérèse de la tumeur de façon
tion, la chirurgie restant, quand même, le traitement de choix complète avec des marges de sécurité chirurgicale suffisantes.
ou principal de ces cancers. En effet, cette qualité d’exérèse fait partie, avec le statut
De nombreux travaux ont montré l’intérêt (surtout pour les ganglionnaire et l’extension tumorale initiale, des principaux
tumeurs avancées) d’associer ces thérapeutiques entre elles : facteurs pronostiques de ces cancers linguaux.
chirurgie + curiethérapie de barrage, chirurgie + radiothérapie
externe, radiothérapie externe + curiethérapie de surdosage,
curiethérapie de la tumeur primitive + curage ganglionnaire, etc.
Principes généraux
Le traitement des tumeurs avancées inextirpables de langue Deux impératifs majeurs sont à concilier dans la chirurgie des
est l’association radio-chimiothérapie, stratégie encore en cours cancers de la langue :
d’évaluation thérapeutique [1]. • être le plus carcinologique possible ;
Les arguments plaidant en faveur d’un traitement chirurgical • permettre le recouvrement optimal des fonctions multiples
de ces tumeurs sont : liées à l’organe langue.
• le caractère ulcéreux et/ou infiltrant macroscopique (versus le Le premier impératif, visant à augmenter la survie des
caractère bourgeonnant ou végétant) ; patients traités, passe par le respect des bonnes pratiques,
• l’importance de l’extension tumorale (T3-T4 versus T1-T2) ; notamment par le choix de la stratégie chirurgicale la plus
• l’importance de l’extension ganglionnaire (N palpable versus adaptée ; choix de la voie d’abord, du type de glossectomie, du
N0) ; type de curage ganglionnaire associé.
• le jeune âge (séquelles postradiques, cancers radio-induits, Le deuxième impératif vise à une réinsertion optimale
risque de nouvelles localisations) ; socioprofessionnelle du patient traité en préservant ou en
• la proximité osseuse mandibulaire (risque d’ostéoradionécrose restaurant le mieux possible son image corporelle, ses fonctions
tardive). alimentaires et élocutoires.
La curiethérapie exclusive peut être retenue pour une tumeur L’organe langue est impliqué, en effet, dans le premier temps
limitée (T1-T2) sans ganglion métastatique (N0), située à buccal de la déglutition, il a pour rôle la propulsion du bol
distance de l’os mandibulaire, survenant chez un sujet âgé. alimentaire vers l’organe masticateur et le palais puis vers
La curiethérapie est alors associée à un curage ganglionnaire l’oropharynx pour les temps ultérieurs de la déglutition.
sélectif de principe, réalisé, soit lors de la mise en place des Son rôle est également fondamental dans la communication
tubes ou des gouttières vectrices, soit à distance dans le temps sociale puisqu’il participe de façon majeure à l’élocution
par rapport à la curiethérapie (de 6 à 8 semaines). verbale. De façon parallèle, l’organe langue joue un rôle non
Une radiothérapie externe est réalisée si un envahissement négligeable dans la relation affective et sexuelle avec autrui.
ganglionnaire est mis en évidence sur la pièce de curage Le respect des différents rôles alloués à la langue passe
ganglionnaire, avec surdosage en cas de rupture capsulaire essentiellement par la conservation de sa mobilité lorsqu’elle se
ganglionnaire. trouve amputée par une glossectomie plus ou moins étendue. Le
Dans ce cas-là, cette radiothérapie complémentaire est moignon lingual restant après exérèse doit ainsi présenter la
indiquée, qu’il y ait eu chirurgie ou curiethérapie sur la tumeur meilleure mobilité possible impliquant ainsi deux contraintes :
primitive linguale. • respect d’une innervation motrice efficace ;
Si l’exérèse tumorale peut être considérée comme non • limiter le plus possible la fixation de cette langue restante par
satisfaisante sur le plan anatomopathologique, un complément des brides cicatricielles.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-250 ¶ Glossectomies

Ces deux contraintes doivent rester sans cesse présentes à


l’esprit du chirurgien, notamment lors du choix du procédé de
réparation de la glossectomie (cf. chirurgie réparatrice).
Enfin on ne peut que recommander une technique d’exérèse
tumorale la plus exsangue possible, c’est pourquoi l’apport des
pinces bipolaires à thermofusion ou à ultracision permet une
avancée technique indiscutable.
C
Glossectomies - Tumeurs primitives II
linguales 4
[4]
Impératifs anatomopathologiques
B
L’exérèse de la tumeur primitive doit répondre à certains
impératifs anatomopathologiques pour permettre la meilleure
confrontation anatomochirurgicale et la meilleure compréhen- 3
sion de la situation dans l’espace de la tumeur et ses rapports
de voisinage :
• un contrôle extemporané des limites d’exérèse chirurgicale I
1 A
avec recoupes périphériques jointives, recoupes profondes
musculaires sous toute la surface d’exérèse (difficile à réaliser
au niveau de la musculature linguale), réalisation de larges
compléments d’exérèse aux endroits douteux ou envahis
(recoupes extemporanées) avec nouveaux contrôles extempo- 2
ranés. Concernant la marge d’exérèse optimale dans les
cancers de langue, la limite de 1 cm est retenue par Heclas ; Figure 2. Voies d’abord chirurgicales transorales et transmandibulaires.
en deçà de cette limite, 9 % de récidives locales ont été A : langue mobile ; B : zone de jonction linguale ; C : base de langue ; I :
retrouvées versus 15 % au-delà ; abord antérieur par voie endorale ; II : abord postérieur par voie trans-
• la pièce opératoire doit faire l’objet d’une description précise mandibulaire ou par voie mixte (transorale et cervicale) ; 1 : glossectomie
dans le compte rendu opératoire et, surtout, de la réalisation marginale ; 2 : glossectomie de pointe ; 3 : hémiglossectomie antérieure ;
immédiate d’un schéma descriptif précis et exhaustif faisant 4 : glossectomie de face dorsale.
figurer, outre la pièce opératoire, ses rapports avec les organes
de voisinage laissés en place, les différents compléments
d’exérèse et les recoupes réalisés en extemporané. Ces diffé- ganglionnaires cervicaux, elle obère peu les possibilités ultérieu-
rents éléments seront alors numérotés et figurés en regard de res de réintervention cervicale (récidive locorégionale du cancer
la pièce opératoire ; ce schéma sera transmis à l’équipe de langue traité ou chirurgie d’une deuxième localisation
d’anatomopathologie pendant l’intervention. L’anatomopa- tumorale otorhinolaryngologique), elle permet, par la technique
thologiste pourra ainsi situer, avec la meilleure précision de degloving basilaire, l’abord osseux mandibulaire, pour une
possible, les zones à risque d’insuffisance d’exérèse et en faire éventuelle mandibulotomie ou une mandibulectomie partielle
part immédiatement au chirurgien pour compléter l’exérèse. ou interruptrice, sans section de lèvre inférieure.
Le schéma descriptif sert alors de base commune pour cette Bien qu’étant la plus longue, elle est peu visible car posté-
confrontation qui se doit d’être la plus fructueuse possible, rieure et basse, au contraire des voies sous-mandibulaires
limitant de façon sensible le taux d’exérèse insuffisante ou (Latischevsky et Freund, Sebileau-Carrega), moins camouflées.
douteuse ; Elle retient la faveur des auteurs lorsqu’un geste cervical est à
• l’examen anatomopathologique définitif de la pièce opéra- envisager, même s’il est unilatéral et limité.
toire, des compléments d’exérèse et des recoupes extempora-
nées doit impérativement noter, outre l’épaisseur de Types d’exérèse linguale
l’infiltration tumorale, la présence de fusées tumorales, de
Ces types sont variés, ils dépendent de la localisation et de
foyers tumoraux à distance, de dysplasie muqueuse, d’embo-
l’extension tumorale initiale.
les tumoraux vasculaires, lymphatiques et nerveux [5-7]. La
conservation en tumorothèque de la pièce opératoire et des Langue mobile
différents compléments d’exérèse permettra son étude ulté-
Concernant la langue antérieure, il s’agit des différentes
rieure, notamment pour étude en biologie moléculaire
glossectomies partielles qui peuvent être classées schématique-
(antigènes tumoraux, recherche de surexpression ou d’inhibi-
ment en :
tion de gènes...). La mise en évidence d’anomalie moléculaire
• glossectomies marginales emportant le quart de volume de
précise en périphérie de la zone d’exérèse (mutation p53,
langue mobile ;
instabilité de l’acide désoxyribonucléique...) peut conduire à
• hémiglossectomie sectionnant la langue mobile sur la ligne
une intensification thérapeutique complémentaire (radiothé-
médiane jusqu’au V lingual en arrière, hémi-pelvi-
rapie externe ou curiethérapie de barrage).
glossectomie associant une exérèse partielle du plancher
buccal ;
Voies d’abord chirurgicales (Fig. 2)
• hémipelvi-glosso-mandibulectomie partielle ou interruptrice
Elles sont multiples et peuvent être transorales simples, pour associant, ici, une exérèse mandibulaire ;
les tumeurs limitées de la langue antérieure, externes cervicales • glossectomie transversale antérieure emportant la totalité de
(Latischevsky et Freund, Sebileau-Carrega, bimastoïdienne, Mac la langue mobile plus ou moins associée à une exérèse du
Fee...), combinées ou non à une section de lèvre inférieure plancher buccal et parfois à la mandibule (Fig. 3, 4).
contournant la houppe du menton pour les tumeurs plus Ces différents types d’exérèses linguales étendues sont menées
postérieures et/ou plus avancées. selon deux grands principes d’abord chirurgical :
Le choix de cette voie d’abord dépend de nombreux facteurs ; • soit abord transmandibulaire (si possible après degloving
la localisation de la tumeur primitive (antérieure ou posté- basilaire plutôt que par section de lèvre inférieure plus
rieure), son extension, le type de curage à réaliser (sélectif ou mutilante) (Fig. 5) ;
complet, uni- ou bilatéral, modifié ou non), le type de répara- • soit en pull-through, la tumeur primitive linguale est d’abord
tion envisagé, les habitudes de l’opérateur. libérée par voie endobuccale puis elle est tractée vers le cou,
La voie bimastoïdienne est à recommander pour plusieurs en dedans de la mandibule (sans mandibulotomie) pour
raisons ; elle permet un abord complet de tous les groupes permettre l’exérèse de sa partie profonde pelvilinguale en

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Glossectomies ¶ 46-250

1
2
3
4

Figure 3. Glossectomie transversale antérieure, abord chirurgical en


pull-through.

Figure 5. Abord chirurgical par voie transmandibulaire et degloving.


1. Muscle mylohyoïdien ; 2. nerf grand hypoglosse ; 3. muscle hyoglosse ;
4. muscle digastrique.

Figure 4. Glossectomie transversale antérieure, abord chirurgical en


pull-through. Vue sagittale. 1. Muscle génioglosse ; 2. muscle géniohyoï-
dien ; 3. muscle mylohyoïdien.

continuité avec la pièce d’évidement ganglionnaire cervical,


dans les meilleures conditions d’exposition et de sécurité
carcinologique (Fig. 6).
La conservation d’un pont tissulaire entre tumeur primitive
linguale et pièce de curage ganglionnaire réalise l’exérèse dite
Figure 6. Hémiglossectomie antérieure, abord chirurgical en
« en monobloc » optimisant ainsi cette sécurité carcinologique.
pull-through.
Base de langue
Concernant les tumeurs de la langue postérieure (oropharyn- Anglo-Saxons) ou interruptrices de sa continuité pouvant
gées), il s’agit des oropharyngectomies basilinguales qui peuvent alors justifier d’une reconstruction osseuse spécifique [8] ;
être menées selon différentes approches : • sous-mandibulaire (sans section osseuse) : l’abord est externe,
• transmandibulaires : pour les tumeurs latéralisées, conserva- postérieur et cervical ; il peut être comparé au pull-through
trices le plus souvent de la mandibule (mandibular-swing des utilisé en cavité buccale ;

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-250 ¶ Glossectomies

• supraglottique : avec laryngotomie première et dissection de l’extrémité céphalique (lambeaux libres). En effet, l’avènement
« bas en haut », elle associe l’exérèse du larynx supraglottique de ces lambeaux libres en chirurgie carcinologique otorhinola-
et la région valléculaire à la base de langue attenante. Cet ryngologique a considérablement amélioré le pronostic fonc-
abord s’adresse aux cancers de base de langue médians tionnel des patients [11-13]. Les raisons de cette supériorité des
étendus aux vallécules, parfois dépassées pour atteindre la lambeaux libres, notamment fasciocutanés, par rapport aux
loge préépiglottique ou le vestibule laryngé supraglottique lui- lambeaux classiques myocutanés (lambeaux de grand pectoral,
même, sans extension majeure vers la musculature linguale de grand dorsal) dans la réparation de vaste perte de substances
antérieure (moins de 2 cm d’extension antéropostérieure) ; buccopharyngées reposent sur des avantages certains [14] :
• transhyoïdienne : il s’agit d’une approche particulièrement • souplesse et finesse de leur palette cutanée ;
conservatrice médiane, cervicale ; elle s’adresse à de petites • surface disponible majeure ;
tumeurs (T1-T2) de base de langue [9].
• long pédicule vasculaire permettant leur utilisation à tous les
Tumeurs totolinguales niveaux de l’extrémité céphalique ;
Concernant les tumeurs infiltrant la totalité de la musculature • viabilité (de 1 à 5 % de nécrose dans la littérature) ;
linguale, la glossectomie totale est réalisable, en première • rapidité du prélèvement simultané (double équipe) ;
intention ou en chirurgie de rattrapage postradique ; elle est • calibre et qualité des vaisseaux de ces lambeaux.
associée ou non à une laryngectomie totale. Cette amputation La faible rançon cicatricielle et surtout fonctionnelle de ces
laryngée est justifiée, soit pour contrôler une extension pharyn- lambeaux libres est un atout majeur par rapport aux lambeaux
golaryngée de la tumeur, soit pour prévenir les fausses routes myocutanés thoraciques dont l’utilisation implique la persis-
bronchopulmonaires après l’amputation linguale. Si le larynx tance définitive et délétère sur le plan fonctionnel d’un pont
est conservé, il faut pratiquer une suspension de ce dernier par musculaire (pédicule) entre site donneur thoracique et site
fils de traction amarrés aux gonions mandibulaires de chaque receveur cervical. Cet inconvénient, associé à leur volume et à
côté. leur rigidité trop importants et aux séquelles fonctionnelles liées
Pour cette intervention, l’abord chirurgical peut être trans- à leur prélèvement, les a fait reléguer à une place secondaire
mandibulaire ou en pull-through. dans ce domaine de la chirurgie réparatrice buccopharyngée.
Le sacrifice de la mandibule est le plus souvent inutile,
En reconstruction osseuse associée, ces lambeaux libres (fibula
l’envahissement carcinologique mandibulaire n’étant noté que
ou scapula) sont les seuls à pouvoir assurer une reconstruction
dans moins de 15 % des cas dans les plus grandes séries
fiable et anatomique de la perte de substance osseuse associée
publiées [1].
au resurfaçage muqueux grâce à leur (s) palette (s) cutanée (s)
Pour les tumeurs avancées de la base de langue pour lesquel-
les le risque de fausses routes graves est majeur en postopéra- combinée (s), éventuellement multiples [15].
toire, l’association à la glossectomie basilinguale d’une L’importance prise par l’utilisation des lambeaux libres en
pharyngolaryngectomie totale est préférable, notamment chez le carcinologie de la tête et du cou impose l’intégration par le
sujet âgé ou présentant une insuffisance respiratoire connue. chirurgien cervico-maxillo-facial des techniques de leurs
Pour les tumeurs latéralisées s’intéressant à la langue mobile prélèvements respectifs et des techniques microchirurgicales
mais également à la base de langue du même côté, une hémi- vasculaires permettant leur revascularisation cervicale.
glossectomie totale peut être réalisée (avec préservation du L’intervention chirurgicale menée à double équipe, l’une
larynx). L’exérèse enlève alors toute la langue mobile unilatérale dédiée à l’exérèse tumorale et ganglionnaire, l’autre dédiée aux
associée à toute l’hémibase. prélèvements et à la revascularisation microchirurgicale du
lambeau, semble être la meilleure solution pour diminuer le
Réparation de la perte de substance linguale temps opératoire global et, par conséquent, les complications
Objectifs [10] postopératoires, générales et infectieuses de ces interventions
lourdes.
Ce temps chirurgical est fondamental, d’une part pour éviter
les complications postopératoires précoces d’exérèses étendues L’intégration de ces techniques chirurgicales dans l’arsenal du
avec orostome iatrogène, d’autre part pour limiter les séquelles chirurgien cervico-maxillo-facial permet, en outre, une planifi-
fonctionnelles tardives de l’amputation linguale. cation facilitée de ces interventions sans nécessité de faire appel
Certaines exérèses de tumeurs linguales étendues, notamment à d’autres spécialités chirurgicales.
au plancher buccal, peuvent en effet créer une vaste communi- Dans le domaine de la réparation buccopharyngée, le lam-
cation entre cavité buccopharyngée et loges cervicales. Ces beau libre antébrachial (lambeau chinois) a pris une importance
communications peuvent être à l’origine de complications considérable liée à l’ensemble de ces qualités, notamment la
graves et précoces, hémorragiques ou septiques. En effet, les souplesse, la finesse, la surface disponible, son long pédicule
sécrétions buccopharyngées, septiques et caustiques, peuvent radial nourricier et de son calibre permettant son utilisation
être à l’origine d’érosions vasculaires cervicales, sources dans pratiquement toutes les indications rencontrées, y compris
d’hémorragies parfois cataclysmiques. Le passage de germes au dans la chirurgie postradique [16].
niveau cervical est à l’origine d’abcès, de fistules parfois Son utilisation sous forme bifoliée (Fig. 7) est particulière-
majeures pouvant mettre en péril le pronostic vital du patient. ment intéressante pour réparer les pertes de substances associant
Les séquelles tardives, fonctionnelles d’une glossectomie sont à la fois la langue et le plancher buccal car elle permet le
liées essentiellement au défaut de mobilité du moignon lingual maintien d’une mobilité optimale du moignon lingual restant
restant. Cette conservation de mobilité doit donc être l’objectif autonome et non bridé par rapport au plancher buccal
prioritaire dans ce domaine de la chirurgie réparatrice linguale. reconstruit [17-19] (Fig. 8, 9)
La restauration du volume lingual est importante dans les Dans la chirurgie buccopharyngée, impliquant une réparation
pertes de substances de base de langue en sachant qu’il faut du voile mou, le lambeau chinois peut être plicaturé sur lui-
éviter la surcorrection volumétrique préjudiciable aux résultats
même pour créer un néovoile et ainsi diminuer le reflux
fonctionnels [11].
nasopharyngé postopératoire.
Moyens Pour certains auteurs, la réinnervation sensitive de ces
Il faut disposer d’un arsenal chirurgical varié de procédés de lambeaux est un atout supplémentaire important pour le
réparation pour répondre aux différents types de pertes de résultat fonctionnel de ces patients, notamment en réparation
substances linguales. L’éventail est large, allant de la cicatrisa- basilinguale [20-22].
tion dirigée de certaines pertes de substances chirurgicales D’autres auteurs [23] insistent sur l’intérêt de l’utilisation de
limitées de langue à l’utilisation de lambeaux parfois complexes, plaques palatines à ancrage dentaire visant, par leur volume
combinés (cutanés et osseux plus ou moins musculaires) et prothétique, à compenser la perte de substance volumétrique
faisant appel, de plus en plus souvent, au transfert et à la linguale et ainsi favoriser la propulsion du bol alimentaire et les
revascularisation de tissus autologues prélevés à distance de mécanismes élocutoires.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Glossectomies ¶ 46-250

1
2

Figure 7. Prélèvement du lambeau antébrachial bifolié (avant-bras


gauche). 1. Veine céphalique ; 2. pédicule artérioveineux radial. Figure 9. Lambeau antébrachial bilobé pelvilingual.

L’utilisation de greffe de peau simple peut éviter ces compli-


cations mais elle a pour défaut de rallonger le temps opératoire,
et le maintien de ces greffes en place peut être difficile.
L’utilisation de la pointe de langue mobile est à éviter pour
combler les pertes de substance car elle entraîne des suites
fonctionnelles inutilement altérées.
Pelviglossectomies. Dans ces exérèses, l’objectif est de
maintenir une bonne mobilité de la langue restante ; le plus
souvent, la réparation doit passer par l’utilisation de lambeaux
locorégionaux ou à distance, pour maintenir l’autonomie langue
mobile – plancher buccal. Pour les petites pertes de substance
(T1-T2), il est possible d’utiliser la technique de greffe de peau,
simple à réaliser.
Les lambeaux utilisables dans cette même indication sont :
• le lambeau cutanéograisseux nasogénien ;
• le lambeau infrahyoïdien musculocutané ou musculaire pur ;
• le lambeau de platysma cervical (musculocutané) ;
• le lambeau muqueux artérialisé de face interne de joue (FAM
L FLAP).
1
Lorsque la perte de substance pelvilinguale est plus impor-
tante (T3-T4), l’utilisation des lambeaux libres fasciocutanés est
primordiale, notamment celle du lambeau antébrachial dans sa
P variante dite bifoliée.
Pelvi-glosso-mandibulectomies interruptrices. En dehors de
contre-indications générales, la reconstruction osseuse est de
2 mise, surtout lorsque la perte de substance est antérieure ou
Figure 8. Lambeau antébrachial bifolié (réparation d’une perte de latérale. Elle fait appel exclusivement aux transplants osseux
substance pelvilinguale). 1. Segment lingual ; 2. segment pelvilingual. vascularisés libres (TOVL), tous les autres procédés de recons-
truction ayant montré leur inefficacité dans cette indication
(matériaux étrangers, métalliques ou non, greffes osseuses non
revascularisées, etc.).
Indications
Le TOVL de fibula et le TOVL parascapulaire ont le quasi-
Glossectomies marginales. La suture directe muqueuse est le monopole de cette reconstruction, leurs avantages et inconvé-
procédé de choix sans nécessité d’apport de lambeaux locoré- nients respectifs sont traités dans un chapitre spécifique.
gionaux ou à distance. La cicatrisation dirigée, sans suture, peut La réhabilitation dentaire sur ces TOVL est possible ; elle
être discutée ; elle a pour avantage d’éviter toute bride cicatri- passe souvent par l’utilisation d’implants dentaires ostéo-
cielle mais elle peut être à l’origine de retard d’alimentation, de intégrés, dans le transplant osseux et la mandibule native
douleurs postopératoires ou de saignements. restante, même en terrain irradié au préalable [12].

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-250 ¶ Glossectomies

Glossectomies basilinguales. Pour les pertes de substances En cas d’adénopathie supérieure à 2 cm en rupture capsulaire
modérées, la suture directe muqueuse peut être envisagée dans ou fixée, un évidement selon le mode traditionnel, ou modifié
la mesure où elle ne pénalisera pas la mobilité linguale de type I ou II selon les conditions d’extension locale, est
antérieure. impératif.
Lorsqu’un lambeau est jugé nécessaire pour réparer une perte
de substance plus importante, les lambeaux libres fasciocutanés
sont les plus intéressants, leur réinnervation sensitive favorise-
rait la déglutition sans fausses routes [20]. ■ Conclusion
Dans les subglossolaryngectomies supraglottiques, la recons-
Passant de la simplicité de la glossectomie marginale à la
truction basilinguale se fait par pexie entre base de langue
complexité des glosso-pelvi-mandibulectomies interruptrices
restante et larynx sous-jacent.
nécessitant des procédés ardus de reconstruction, notamment
Glossectomies totales et transversale antérieure [24-28]. La
les transplants osseux vascularisés libres, l’exérèse linguale pour
réparation passe ici par l’utilisation de lambeaux relativement
tumeur exige précision et rigueur du geste pour autoriser une
volumineux pour combler l’orostome majeur ; le lambeau de
ablation complète et limiter des séquelles fonctionnelles
grand dorsal libre a pour intérêt d’éviter les inconvénients
particulièrement préjudiciables à la qualité de vie.
propres à l’utilisation du lambeau de grand pectoral [11] :
Très souvent associée du fait de l’essaimage lymphatique à
• bride cervicale séquellaire (pédicule musculaire) ;
l’évidement de plusieurs secteurs ganglionnaires du cou, il s’agit
• dégradation de la fonction respiratoire musculaire particuliè-
d’une chirurgie fiable, même en terrain irradié, assurant un
rement préjudiciable chez l’insuffisant respiratoire chronique.
contrôle fréquent et prolongé de l’évolution tumorale, même si
Le lambeau libre gastroépiploïque peut être retenu lorsqu’il y
l’organisation fasciculaire des muscles linguaux expose au risque
a nécessité de sacrifice cutané cervical majeur en terrain irradié.
de méconnaître et donc de laisser en place des foyers néoplasi-
La partie épiploïque apporte un tissu particulièrement vascula-
ques à distance de la localisation tumorale initiale.
risé et nourricier.
Dans les glossectomies transversales antérieures, les mêmes
procédés de réparation peuvent être retenus en soulignant ici la
nécessité de conserver le plus possible la mobilité du moignon ■ Références
basilingual restant ; les lambeaux libres fasciocutanés ont, ici,
une place privilégiée. [1] Prades JM, Schmitt T, Timoshenko A. Cancers de la langue. Encycl
L’utilisation du lambeau infrahyoïdien, en conservant son Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-627-A-
innervation motrice (ansa cervicalis du nerf grand hypoglosse), 10, 2004.
seul ou associé à d’autres lambeaux, semble apporter de bons [2] Po Wing Yuen A, Lam KY, Lam LK, Ho CM, Wong A, Chow TL, et al.
Prognostic factors of clinically stage I and II oral tongue carcinoma-A
résultats fonctionnels en reconstruction linguale étendue [29].
comparative study of stage, thickness, shape, growth pattern, invasive
front malignancy grading, Martinez-Gimeno score, and pathologic
Gestes ganglionnaires associés features. Head Neck 2002;24:513-20.
Morestin (1913) : « on ne saurait se lasser de répéter que [3] Khafif A, Lopez-Garza JR, Medina JE. Is dissection of level IV
l’évidement des gîtes ganglionnaires cervicaux, pratiqué de necessary in patients with T1-T3 N0 tongue cancer? Laryngoscope
bonne heure et avec une technique convenable, permet, dans 2001;111:1088-90.
un grand nombre de cas, d’assurer l’avenir du sujet et constitue [4] Bundgaard T, Rossen K, Henriksen SD, Charabi S, Sogaard H, Grau C.
une condition fondamentale de la cure radicale du cancer de la Histopathologic parameters in the evaluation of T1 squamous cell
langue » [30]. carcinomas of the oral cavity. Head Neck 2002;24:656-60.
Les métastases ganglionnaires cervicales sont un des facteurs [5] Lydiatt DD, Robbins KT, Byers RM, Wolf PF. Treatment of stage I and
pronostiques majeurs des cancers de la langue. La prévalence II oral tongue cancer. Head Neck 1993;15:308-12.
des adénopathies métastatiques pour les patients T1 N0 est [6] Morton RP, Ferguson CM, Lambie NK, Whitlock RM. Tumor thickness
élevée, de l’ordre de 35 % [1, 5, 7, 31]. Cependant, pour certains in early tongue cancer. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1994;120:
717-20.
auteurs, si la tumeur primitive (T1 N0) est peu infiltrante
[7] Greenberg JS, El Naggar AK, Mo V, Roberts D, Myers JN. Disparity in
(moins de 4 mm), le risque ganglionnaire chute de 35 à
pathologic and clinical lymph node staging in oral tongue carcinoma.
5 % [32, 33]. Implication for therapeutic decision making. Cancer 2003;98:508-15.
Mis à part le T1 N0 marginal et peu infiltrant du tiers moyen [8] Christopoulos E, Carrau R, Segas J, Johnson JT, Myers EN, Wagner RL.
de la langue mobile, et sous certaines conditions de surveillance Transmandibular approaches to the oral cavity and oropharynx. A
rapprochée, tous les cancers de la langue exigent d’une façon functional assessment. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1992;118:
absolue l’évidement des ganglions cervicaux correspondants, de 1164-7.
principe ou de nécessité [3]. [9] Azizzadeh B, Enayati P, Chhetri D, Maghami E, Larian B,
Pour certaines équipes entraînées, les lésions T1 N0 de la Blackwell KE, et al. Long-term survival outcome in transhyoid
langue mobile font actuellement l’objet de la recherche sélective resection of base of tongue squamous cell carcinoma. Arch Otolaryngol
du premier ganglion-relais du drainage lymphatique ou Head Neck Surg 2002;128:1067-70.
ganglion-sentinelle visant à réduire, à terme, l’étendue du geste [10] Urken ML, Moscoso JF, Lawson W, Biller HF. A systematic approach
ganglionnaire. to functional reconstruction of the oral cavity following partial and total
La propagation lymphatique cervicale des cancers de la glossectomy. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1994;120:589-601.
langue est donc précoce, d’abord unilatérale pour les lésions [11] Haughey BH. Tongue reconstruction: concepts and practice.
marginales de la langue mobile, souvent bilatérale d’emblée Laryngoscope 1993;103:1132-41.
pour les localisations de la base ou du tiers antérieur de la [12] Urken ML, Buchbinder D, Costantino PD, Sinha U, Okay D,
langue mobile. Lawson W, et al. Oromandibular reconstruction using microvascular
Les tumeurs T1 N0, T2 N0 de la langue mobile peuvent composite flaps: report of 210 cases. Arch Otolaryngol Head Neck Surg
1998;124:46-55.
bénéficier d’un curage ganglionnaire sélectif des secteurs I, II et
[13] Haughey BH, Wilson E, Kluwe L, Piccirillo J, Fredrickson J, Ses-
III (sus-omohyoïdien), selon le mode unilatéral pour les formes
sions D, et al. Free flap reconstruction of the head and neck: analysis of
marginales, ou bilatéral pour les formes infiltrantes ou qui 241 cases. Otolaryngol Head Neck Surg 2001;125:10-7.
atteignent la ligne médiane. [14] Su WF, Hsia YJ, Chang YC, Chen SG, Sheng H. Functional comparison
Si la tumeur est située au tiers antérieur de la langue mobile, after reconstruction with a radial forearm free flap or a pectoralis major
le curage sera bilatéral étendu aux secteurs IV (modifié type III). flap for cancer of the tongue. Otolaryngol Head Neck Surg 2003;128:
Les tumeurs de la base de la langue nécessitent un évidement 412-8.
cervical modifié (secteurs I à V) de principe, bilatéral. [15] Shpitzer T, Neligan PC, Gullane PJ, Freeman JE, Boyd BJ, Rotstein LE,
Les tumeurs T3 et T4 de la langue nécessitent un évidement et al. Oromandibular reconstruction with the fibular free flap. Analysis
bilatéral modifié de type III en monobloc avec la tumeur (pull- of 50 consecutive flaps. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1997;123:
through...) quel que soit le N. 939-44.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Glossectomies ¶ 46-250

[16] Haughey BH, Taylor SM, Fuller D. Fasciocutaneous flap reconstruc- [25] Barry B, Baujat B, Albert S, Nallet E, Depondt J, Guedon C, et al. Total
tion of the tongue and floor of mouth: outcomes and techniques. Arch glossectomy without laryngectomy as first-line or salvage therapy.
Otolaryngol Head Neck Surg 2002;128:1388-95. Laryngoscope 2003;113:373-6.
[17] Salibian AH, Allison GR, Armstrong WB, Krugman ME, Strelzow VV, [26] Gehanno P, Guedon C, Barry B, Depondt J, Kebaili C. Advanced
Kelly T, et al. Functional hemitongue reconstruction with the carcinoma of the tongue: total glossectomy without total laryngectomy.
microvascular ulnar forearm flap. Plast Reconstr Surg 1999;104: Review of 80 cases. Laryngoscope 1992;102(12Pt1):1369-71.
654-60. [27] Weber RS, Ohlms L, Bowman J, Jacob R, Goepfert H. Functional
[18] Aviv JE, Keen MS, Rodriguez HP, Stewart C, Gund E, Blitzer A. results after total or near total glossectomy with laryngeal preservation.
Bilobed radial forearm free flap for functional reconstruction of near- Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1991;117:512-5.
total glossectomy defects. Laryngoscope 1994;104:893-900. [28] Ruhl CM, Gleich LL, Gluckman JL. Survival, function, and quality of
[19] Urken ML, Biller HF. A new bilobed design for the sensate radial life after total glossectomy. Laryngoscope 1997;107:1316-21.
forearm flap to preserve tongue mobility following significant [29] Remmert SM, Sommer KD, Majocco AM, Weerda HG. The
glossectomy. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1994;120:26-31. neurovascular infrahyoid muscle flap: a new method for tongue recons-
[20] Urken ML. The restoration or preservation of sensation in the oral truction. Plast Reconstr Surg 1997;99:613-8.
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[21] Santamaria E, Wei FC, Chen IH, Chuang DC. Sensation recovery on [31] Nathanson A, Agren K, Biorklund A, Lind MG, Andreason L,
innervated radial forearm flap for hemiglossectomy reconstruction by Anniko M, et al. Evaluation of some prognostic factors in small
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[22] Kuriakose MA, Loree TR, Spies A, Meyers S, Hicks Jr. WL. Sensate Sweden. Head Neck 1989;11:387-92.
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Head Neck Surg 2001;127:1463-6. Ohishi M, et al. Primary neck management among patients with cancer
[23] Robbins KT, Bowman JB, Jacob RF. Postglossectomy deglutitory and of the oral cavity without clinical nodal metastases: a decision and
articulatory rehabilitation with palatal augmentation prostheses. Arch sensitivity analysis. Head Neck 2002;24:582-90.
Otolaryngol Head Neck Surg 1987;113:1214-8. [33] Kurokawa H, Yamashita Y, Takeda S, Zhang M, Fukuyama H,
[24] Tiwari R, Karim AB, Greven AJ, Snow GB. Total glossectomy with Takahashi T. Risk factors for late cervical lymph node metastases in
laryngeal preservation. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1993;119: patients with stage I or II carcinoma of the tongue. Head Neck
945-9. 2002;24:731-6.

O. Dassonville (olivier.dassonville@cal.nice.fnclcc.fr).
G. Poissonnet.
A. Bozec.
Centre régional de lutte contre le cancer, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice cedex 2, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dassonville O., Poissonnet G., Bozec A. Glossectomies. EMC (Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales
- Tête et cou, 46-250, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-330
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-330 (2004)

Adénoïdectomie. Amygdalectomie
R. Nicollas
J.-J. Bonneru
S. Roman
Résumé. – L’adénoïdectomie et l’amygdalectomie sont des interventions chirurgicales d’indication fréquente
J.-M. Triglia
chez l’enfant. Souvent pratiquées dans le même temps opératoire, ce sont deux interventions à finalités
différentes dont les indications et les suites opératoires sont distinctes. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une
indication réfléchie, prise en commun avec le médecin traitant ou le pédiatre qui connaît mieux l’enfant. Les
recommandations diffusées par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé ont permis de
bien préciser ces indications. L’information délivrée aux parents est un temps fondamental qui permet
souvent d’assurer des suites opératoires plus sereines. L’adénoïdectomie et l’amygdalectomie sont les
premières techniques chirurgicales enseignées au futur praticien oto-rhino-laryngologiste. Parfaitement
réglées et codifiées sur le plan technique, elles doivent être envisagées avec toute la rigueur nécessaire et ne
plus être considérées comme une chirurgie mineure, voire anodine. Les complications, dominées par les
hémorragies, peuvent être graves. C’est pourquoi une bonne installation de l’enfant, une anesthésie générale
adaptée, une technique précise avec hémostase réglée, une excellente surveillance postopératoire, sont les
seuls garants efficaces pour prévenir tout accident. De nombreuses techniques ont été récemment décrites,
toutes visant le concept de « chirurgie minimale invasive ». Enfin, la prescription systématique d’antalgiques
durant les premiers jours postopératoires contribue à assurer des suites opératoires de meilleure qualité.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Amygdalectomie ; Adénoïdectomie ; Hémorragie postopératoire ; Hémostase ; Voies aériennes

Bilan préanesthésique et préparation d’hématomes répétés par exemple. Il précise les thérapeutiques en
cours et s’assure de l’absence de médication récente à base d’aspirine
du patient ou de ses dérivés. Le bilan biologique comprend, dans tous les cas,
un bilan de l’hémostase avec taux de prothrombine, temps de
Les modalités de la consultation préanesthésique, des consignes de céphaline activée, fibrine. Les autres examens (numération formule
l’hospitalisation et de prise en charge de l’enfant au bloc opératoire sanguine, taux de plaquettes, électrocardiogramme, radiographie
jusqu’à l’induction anesthésique sont en tout point identiques qu’il pulmonaire, consultation spécialisée) ne sont généralement
s’agisse d’une adénoïdectomie ou d’une amygdalectomie et sont demandés qu’en fonction des résultats de l’examen clinique
envisagées dans un chapitre commun. Les éléments spécifiques à somatique. Ce bilan systématique de la coagulation permet de
chacune de ces chirurgies sont traités dans leurs chapitres respectifs. dépister ou de compenser un éventuel trouble de la crase sanguine,
et de permettre une adénoïdectomie et/ou une amygdalectomie
BILAN PRÉANESTHÉSIQUE chez les enfants hémophiles ou porteurs d’une maladie de von
Willebrand. Chez ces enfants, un traitement préventif par la
Dans la population pédiatrique, il est demandé le jour de la desmopressine (Minirint) permet d’élever la concentration des
consultation préanesthésique qui doit avoir lieu en présence des facteurs VIII C, VIII Ag et VII C. [1] Le protocole comprend une
parents dans les 15 jours environ qui précèdent l’intervention. injection intraveineuse lente de 0,3 µg/kg une heure avant
L’interrogatoire médical, complété par la consultation du carnet de
l’adénoïdectomie et/ou l’amygdalectomie, répétée à la même dose
santé, doit porter sur les antécédents médicaux, chirurgicaux et
12 heures après, puis les troisième et cinquième jours
anesthésiques à la recherche de notions de terrain allergique, de
postopératoires. Au cours de cette thérapeutique, les risques
syndrome d’apnées du sommeil, d’épisodes répétés de surinfections
d’hypotension imposent une surveillance tensionnelle, ainsi qu’une
oto-rhino-laryngologiques (ORL) ou bronchopulmonaires. Il
restriction hydrique jusqu’à la reprise de la diurèse. Ce traitement
s’attache aussi à dépister des antécédents d’hémorragie familiale ou
n’est pas dénué d’effets secondaires ; des convulsions et un arrêt
une tendance aux saignements sous la forme d’épistaxis ou
respiratoire ont même été rapportés. [2] L’administration d’un
antifibrinolytique ayant fait la preuve de son efficacité comme l’acide
tranexamique (Exacylt) [3] lui est généralement associée.
R. Nicollas (Praticien hospitalier) Le traitement préopératoire est habituellement commencé 4 jours
Service d’ORL pédiatrique et chirurgie cervicofaciale, France avant la date fixée de l’intervention. Adapté à l’âge et au poids de
J.-J. Bonneru (Praticien hospitalier)
Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique. Hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 l’enfant, il se résume à une antibiothérapie de type bêtalactamines
Marseille cedex 5, France ou macrolides.
S. Roman (Praticien hospitalier)
J.-M. Triglia (Professeur des Universités-praticien hospitalier, chef du service d’ORL pédiatrique et chirurgie Chez l’adulte, la consultation préanesthésique s’attache à retenir les
cervicofaciale)
Adresse e-mail: jean-michel.triglia@ap-hm.fr
mêmes éléments que pour l’enfant et le bilan paraclinique standard
Service d’ORL pédiatrique et chirurgie cervicofaciale, France est complété par un ionogramme sanguin, un électrocardiogramme
46-330 Adénoïdectomie. Amygdalectomie Techniques Chirurgicales

et un cliché thoracique. En cas d’anomalie de l’hémostase, le Adénoïdectomie


traitement préventif par desmopressine est contre-indiqué chez le
sujet âgé, les patients atteints de coronaropathie et la femme Elle consiste en l’exérèse des végétations adénoïdes. Le but de cette
enceinte. intervention est double : mécanique, enlevant l’obstruction
rhinopharyngée, et biologique, en ôtant un tissu altéré par une
inflammation chronique autoentretenue et susceptible d’abriter un
PRÉPARATION gîte infectieux chronique. Il n’existe pas d’âge limite pour réaliser
Elle correspond à l’accueil du patient depuis son admission dans la une adénoïdectomie, mais il n’est pas conseillé de la réaliser avant
structure de soins jusqu’à son installation en salle d’opération. 12 à 14 mois car d’une part le recul pour apprécier le caractère
récidivant de la rhinopharyngite est nécessairement faible et, d’autre
¶ Enfant part, les végétations adénoïdes se présentent avant cet âge beaucoup
plus sous la forme d’une lame lymphoïde que d’une hypertrophie
Celui-ci est hospitalisé le matin même de l’acte chirurgical. L’attitude localisée.
actuelle est de prescrire l’arrêt de nourriture solide et de lait six La technique « classique » consiste en un curocuretage, [4] l’action de
heures avant l’opération, mais de permettre la prise de liquide de l’adénoïdotome (curetage) étant complétée par celle du doigt
type eau ou de jus de fruits sans pulpe trois heures avant. À l’appel (curage) et s’effectuant à l’aveugle.
de l’enfant au bloc opératoire, une prémédication peut être prescrite Les indications et contre-indications de l’adénoïdectomie définies
avec des benzodiazépines de type midazolam (Hypnovelt, de 0,25 à par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
0,40 mg/kg par voie intrarectale) et à partir d’un poids de 20 kg de (ANAES) sont respectivement reportées dans les encadrés 1 et 2.
flunitrazépam (Rohypnolt, 0,03 mg/kg par voie perlinguale). Toute
prémédication doit être évitée chez les enfants apnéiques,
insuffisants respiratoires, myopathes. TECHNIQUE ANESTHÉSIQUE
En salle d’opération, l’enfant est allongé sur la table en décubitus Les indications d’intubation endotrachéale sont très larges, et nous
dorsal et les éléments de surveillance sont installés, avec un pouvons proposer l’organigramme suivant : sont intubés les enfants
cardioscope, un oxymètre de pouls, un appareil de mesure non ASA 2 et au-delà, les ASA 1 de moins de 1 an (à cause du réflexe
invasif de la pression artérielle et, pour les plus petits, une archaïque de fermeture du larynx), les ASA 1 de plus de 6 ans, et
surveillance de la température. d’une manière générale chaque fois que l’on peut penser à une
difficulté en terme d’airway.
L’induction anesthésique se fait par la technique d’inhalation. Elle
Dans le cas où l’enfant n’est pas intubé, la démarche est la suivante.
assure une induction plus rapide que chez l’adulte et une
Une fois l’induction anesthésique réalisée, ce n’est qu’après la
réversibilité à chaque instant. Le mélange O2-N2O, au début avec
disparition du réflexe palpébral que le chirurgien place l’ouvre-
des concentrations de 70–30 %, est rapidement amené à des
bouche et procède à l’ablation des végétations, après avoir placé
concentrations de 50–50 %. L’introduction de l’halothane
l’enfant sous oxygène pur et en déclive 15°, sur un léger billot sous
(Fluothanet) se fait de manière progressive, car de fortes
les épaules. La vérification préalable des deux aspirations, ainsi que
concentrations à 4 ou 5 % d’emblée sont généralement mal du débit rapide en oxygène, est indispensable
supportées car responsables de suffocations. À ce moment-là, une
voie veineuse périphérique est mise en place et une thérapeutique L’anesthésiste placé à la tête de l’enfant, table en déclive 15°, aspire
les débris de végétations à l’aide d’une aspiration rigide introduite
associant un antibiotique (bêtalactamine ou macrolide) et un anti-
jusqu’au contact de la paroi pharyngée postérieure et d’une seconde
inflammatoire stéroïdien à la dose de 0,5 à 1 mg/kg est commencée.
aspiration souple introduite par la fosse nasale jusqu’au contact du
La poursuite de l’anesthésie diffère selon le type de chirurgie et sera
cavum. L’adénoïdectomie terminée, l’enfant est mis en position de
donc envisagée en fonction de celle-ci.
décubitus latéral. Ce geste bref assure souvent un réveil rapide. La
liberté des voies aériennes est assurée par l’aspiration de la fosse
¶ Adulte nasale durant la phase de réveil. L’enfant retourne dans sa chambre
Il est hospitalisé la veille de l’intervention chirurgicale et doit être à au bout de quelques minutes après son passage en salle de réveil,
jeun depuis minuit. Il aura reçu, dans la soirée, une prémédication dès que l’on s’est assuré de l’arrêt du saignement et d’un réflexe de
orale à base d’une benzodiazépine ou d’un anxiolytique. Le matin toux efficace.
de l’intervention, une heure avant l’appel au bloc opératoire, la L’autorisation de sortie de l’hôpital est accordée, sauf terrain
même prémédication est prescrite par voie sublinguale. particulier, entre la quatrième et la sixième heure suivant
l’intervention, après visite de l’anesthésiste et du chirurgien.
En salle d’opération, une fois installés un cardioscope, un
monitorage de pression non invasif, un oxymètre de pouls et une
voie veineuse périphérique, l’induction anesthésique se fait par voie CHIRURGIE
veineuse avec un barbiturique ou un autre hypnotique de type
propofol (Diprivant). Un curare de durée d’action courte comme ¶ Matériel
l’atracurium (Tracriumt) permet l’intubation avec une sonde armée.
Il est fonction de la technique utilisée par l’opérateur. Dans le cas
Elle est placée en oro- ou nasotrachéal selon les habitudes du d’une adénoïdectomie par curetage à l’aveugle, il comprend sur une
chirurgien et la localisation du geste sur le cavum ou les amygdales. table prévue à cet effet et généralement située à la droite du
Une fois le patient placé en ventilation spontanée, l’entretien de chirurgien :
l’anesthésie est mené avec un halogéné de type halothane
(Fluothanet) ou isoflural (Forènet). Une injection de morphinique – un ouvre-bouche de Doyen ou de Jennings ;
est réalisée afin de limiter les décharges adrénergiques. – un abaisse-langue métallique coudé ;
L’antibiothérapie et la thérapeutique anti-inflammatoire sont
débutées par voie veineuse dès le début de l’intervention – un adénotome sans griffe ;
chirurgicale. – un adénotome de Moure à paniers dont les griffes retiennent les
Le réveil du patient et son extubation se font en salle de réveil où débris adénoïdiens ; la taille de ces adénotomes est choisie en
une surveillance postopératoire est instituée pendant au moins fonction de l’âge de l’enfant ; ils doivent pouvoir être introduits dans
1 heure. Puis le patient retourne dans l’unité d’hospitalisation, la le rhinopharynx sans blessure des amygdales ou des piliers
sortie se faisant 24 à 48 heures après, en fonction de son état clinique amygdaliens ;
et des habitudes du chirurgien. – une pince coudée dite « à débris » de type hémostase ;

2
Techniques Chirurgicales Adénoïdectomie. Amygdalectomie 46-330

Encadré 1 Recommandations de l’ANAES concernant les indications de l’adénoïdectomie


– L’otite moyenne aiguë n’est pas une indication d’adénoïdectomie.
– En cas d’otite moyenne aiguë récidivante (survenue d’au moins trois épisodes d’otite moyenne aiguë, en moins de 6 mois, séparés
chacun par un intervalle libre d’au moins 6 semaines), l’adénoïdectomie ne peut se concevoir qu’après échec des autres thérapeutiques
(antibiothérapie curative des épisodes aigus, fer en cas de carence notamment) et lorsque le caractère récidivant de l’otite moyenne aiguë
est mal toléré par l’enfant et/ou sa famille, ou lorsqu’il est responsable d’un retentissement scolaire, familial ou social notable.
– En cas d’otite séromuqueuse non compliquée, asymptomatique, sans retentissement fonctionnel significatif sur l’audition, il est inutile
d’engager une procédure thérapeutique médicale et/ou chirurgicale. Sauf cas particuliers, lorsqu’une otite séromuqueuse chronique n’est
pas compliquée et n’est pas récidivante, compte tenu de la probabilité croissante des résolutions spontanées avec l’âge et les mois
précédant l’été, une attitude attentiste est recommandée chez le grand enfant, en première intention. Lorsqu’une otite séromuqueuse est
d’emblée compliquée (perte d’audition avec retentissement sur la vie courante, surinfections fréquentes, rétraction tympanique), il est
recommandé de débuter une prise en charge thérapeutique médicale et/ou chirurgicale sans délai. Après échec du traitement médical, un
traitement chirurgical doit être envisagé chez un enfant ayant une otite séromuqueuse compliquée ou symptomatique responsable d’une
perte d’audition significative et d’un retentissement sur la vie courante (troubles du comportement, douleurs récurrentes, troubles du
langage, difficultés d’apprentissage, récidives d’otites moyennes aiguës). Chez l’enfant de plus de deux ans, la thérapeutique la plus
efficace en termes de résolution de l’épanchement est l’association adénoïdectomie + pose d’aérateurs transtympaniques. En l’absence de
données comparatives, d’autres choix sont cependant possibles et raisonnables : adénoïdectomie seule ou couplée avec une
myringotomie-aspiration, pose d’aérateurs transtympaniques seuls.
– En cas d’obstruction chronique des voies aériennes supérieures responsables de troubles fonctionnels persistants en rapport avec une
hypertrophie adénoïdienne, l’adénoïdectomie est recommandée.
– Sauf cas particuliers, en l’absence de preuves concernant les effets de l’adénoïdectomie sur certaines pathologies (troubles du développement
staturopondéral, troubles du développement orofacial, troubles dentaires, troubles de la mastication et du langage), l’adénoïdectomie n’est
pas recommandée en l’absence d’obstruction symptomatique des voies aériennes.
L’adénoïdectomie ne connaît que des contre-indications relatives (Encadré 2). L’intervention est reportée au cours d’une rhinopharyngite,
d’une otite aiguë et dans les suites d’une vaccination.

Encadré 2 Recommandations de l’ANAES concernant les contre-indications à l’adénoïdectomie


et l’amygdalectomie, et recommandations diverses
Contre-indications de l’adénoïdectomie et de l’amygdalectomie
Il n’existe pas de contre-indication absolue à l’adénoïdectomie ou à l’amygdalectomie. Les contre-indications relatives doivent être examinées
au cas par cas :
– les troubles de la coagulation peuvent être dépistés, en général, et ne sont pas une contre-indication lorsque la chirurgie est impérative ;
– les fentes palatines et les divisions sous-muqueuses doivent être recherchées cliniquement ; elles représentent une contre-indication
relative à l’adénoïdectomie à cause du risque de décompensation d’une insuffisance vélaire potentielle masquée par l’hypertrophie
adénoïdienne ; elles ne contre-indiquent pas l’amygdalectomie ;
– un état fébrile (température > 38 °C) reporte l’intervention de quelques jours.
Un terrain allergique et/ou un asthme préexistant ne constituent pas une contre-indication à l’adénoïdectomie ou à l’amygdalectomie.

Autres recommandations
Le groupe a insisté sur l’importance de l’examen clinique ORL, anesthésique et général préopératoire par rapport à toute autre considération
paraclinique ou biologique. Les informations nécessaires pour un suivi postopératoire de qualité après le retour à domicile doivent être fournies
au patient, à la famille et au médecin traitant.
La douleur postopératoire après une adénoïdectomie et surtout une amygdalectomie doit être prise en compte efficacement. Une prévention ou
un traitement des vomissements associés est éventuellement entrepris.

– une paire de ciseaux longs ; Une fois le masque facial retiré par l’anesthésiste, l’opérateur met en
– deux canules d’aspiration, une rigide pour le pharynx (type place l’ouvre-bouche en faisant attention aux dents de lait mobiles
Yankauer), une souple pour les fosses nasales et le cavum ; qui risqueraient d’être inhalées. L’abaisse-langue tenu dans la main
gauche expose largement la paroi postérieure du pharynx en
– une compresse humide, placée à portée de main pour nettoyer la aplatissant la base de langue (Fig. 1).
crépine de l’aspiration rigide tenue par l’anesthésiste.
L’adénotome, pris dans la main droite (index au-dessus, pouce en
dessous), est engagé sagittalement derrière le voile. Il prend contact
¶ Techniques avec le bord postérieur du vomer et remonte jusqu’à sa partie
supérieure pour atteindre le toit du cavum. Tandis que l’ensemble,
Chez un enfant non intubé réalisé par la main de l’opérateur et l’instrument, reste dans le
Il s’agit toujours dans ce cas d’une adénoïdectomie par curetage. prolongement l’un de l’autre, un mouvement de pivot est effectué
L’enfant est allongé en décubitus dorsal sur la table opératoire, un sans brutalité vers le bas, autour du poignet, ce qui permet la
champ étant placé autour du cou et sur le thorax. L’anesthésiste pénétration des crochets de l’adénotome dans la masse
placé à la tête de l’enfant maintient l’extrémité céphalique sur la adénoïdienne ; puis l’instrument glisse parallèlement à la paroi
ligne médiane grâce à une contention ferme au niveau du front. postérieure du pharynx, jusqu’à ce que l’adénotome chargé de la
L’opérateur est placé à la droite de l’enfant, l’infirmière se situant masse des végétations fasse son apparition au-dessous du voile
entre ce dernier et l’anesthésiste. (Fig. 2). Cette manœuvre est répétée de façon identique à l’aide d’un

3
46-330 Adénoïdectomie. Amygdalectomie Techniques Chirurgicales

Figure 1 Adénoïdectomie sur un enfant non intubé. Exposition de l’oropharynx


avec un adénotome introduit dans le rhinopharynx.

adénotome sans griffe, selon le même axe, mais aussi dans un axe
parasagittal droit et gauche afin d’éliminer des fragments résiduels
de végétations adénoïdes. Ces derniers sont alors instantanément
aspirés par l’aspiration rigide tenue par l’anesthésiste. À ce moment
de l’intervention, la deuxième aspiration souple est introduite par la
fosse nasale et l’index de l’opérateur reprend le chemin de
l’adénotome pour vérifier la vacuité du cavum et écraser les débris
adénoïdiens pouvant rester au contact des bourrelets tubaires. Dans
le cas où un fragment adénoïdien resterait pédiculé à la paroi
postérieure du pharynx par un filament de muqueuse ayant échappé
aux griffes de l’adénotome, la pince à débris s’en saisit, la
désinsertion se faisant soit par simple traction, soit par section aux
ciseaux.
Après une dernière aspiration pharyngée, l’enfant est basculé en
décubitus latéral jusqu’à son réveil tandis que l’aspiration placée
dans la fosse nasale entretient la vacuité pharyngée. L’enfant se
réveille généralement dans les 30 secondes, son visage est nettoyé, il
est rhabillé et remis dans son lit d’hospitalisation.
L’enfant est autorisé à boire de l’eau glacée 3 à 4 heures après
l’intervention, puis il est admis à retourner à son domicile en
l’absence d’hyperthermie. Un repas léger est autorisé le premier soir.
La prescription médicale comprend la poursuite de l’antibiothérapie
préopératoire pendant une semaine, une désinfection nasale, des
antalgiques (éliminant tout produit à base d’aspirine et
d’ibuprofène) pendant les 24 à 48 premières heures. Un rendez-vous
de consultation postopératoire est fixé dans le mois suivant.
Figure 2 Représentation sagittale des différents temps de l’adénoïdectomie.
Chez un enfant intubé A. L’adénotome est engagé derrière le voile et remonte au contact du vomer jusqu’à at-
Adénoïdectomie par curetage. L’intervention se déroule en position teindre le toit du cavum. B, C. L’adénotome pénètre dans la masse adénoïdienne et
s’abaisse jusqu’au plan du voile.
de Rose. L’exposition large du pharynx peut être menée en relevant
le voile soit à l’aide d’un petit écarteur, soit à l’aide de deux lacs
réaliser une adénoïdectomie partielle ou totale en contrôlant
passés par les narines. L’adénoïdectomie est réalisée à l’adénotome,
parfaitement le geste. Le système de « lavage-aspiration » facilite sa
tandis qu’une aspiration souple est introduite le long du plancher
réalisation sous un système optique.
de la fosse nasale jusqu’au cavum. Après que l’opérateur s’est assuré
de la vacuité du pharynx, un tamponnement pharyngé à l’aide D’autres lui préfèrent un électrocoagulateur. [6]
d’une compresse est maintenu le temps du réveil de l’enfant. Un système d’aspiration-coagulation, [7, 8] en quelque sorte un hybride
L’existence d’un trouble de la coagulation peut imposer un contrôle des deux systèmes précédents, est utilisé par d’autres équipes. Il
de l’hémostase à la pince bipolaire sous contrôle visuel. cumulerait, d’après les promoteurs de cette technique, les avantages
des deux systèmes précédents en permettant une exérèse très précise
Autres techniques apparues. Depuis l’avènement des systèmes
du paquet adénoïdien et une hémostase immédiate de bonne qualité.
optiques, il est possible de réaliser cette intervention sous contrôle
de la vue. Le patient doit alors être intubé afin que l’opérateur puisse Chez un adulte
s’installer comme pour une chirurgie endonasale vidéoassistée.
L’objectif de chacune de ces techniques est d’évoluer vers une L’adénoïdectomie se déroule sous intubation selon les mêmes
chirurgie réalisée sous contrôle visuel afin de permettre un geste modalités.
plus précis et une meilleure hémostase.
Plusieurs systèmes instrumentaux ont été proposés dans ce contexte. COMPLICATIONS LIÉES À L’ADÉNOÏDECTOMIE
Le microdébrideur, [5] déjà utilisé en chirurgie sinusienne, est prôné En fonction de leur moment de survenue, elles sont classées en
par certains auteurs. Ce matériel donne l’avantage de pouvoir immédiates, secondaires ou tardives.

4
Techniques Chirurgicales Adénoïdectomie. Amygdalectomie 46-330

¶ Complications immédiates cours de laquelle un curetage latéral trop appuyé a entraîné un


traumatisme de l’orifice inférieur de la trompe d’Eustache. Les
Hémorragie autres complications comme l’adénophlegmon, la septicémie, la
Elle représente la complication la plus fréquente, survenant bronchopneumopathie sont exceptionnelles, mais elles restent
généralement en postopératoire immédiat, mais elle peut aussi toutefois possibles dans la mesure où toute manipulation d’un foyer
débuter en peropératoire et passer inaperçue. Sa fréquence moyenne infectieux ORL peut engendrer une diffusion infectieuse régionale
se situe aux environs de 3 à 5 % et les causes en sont multiples. ou générale.
Les plaies vasculaires sont surtout celles de l’artère vomérienne, et
surviennent lors d’un curetage trop appuyé au contact du vomer et ¶ Complications à long terme
de sa jonction avec le toit du cavum. La lésion d’une artère
pharyngienne ascendante aberrante responsable d’une hémorragie Insuffisance vélaire
massive a été rapportée. [9] La possibilité d’une artère carotide L’opérateur doit s’attacher à reconnaître les enfants prédisposés qui
aberrante avec un trajet rétropharyngé postérieur doit être présent à présentent un voile court et des végétations adénoïdes
l’esprit en cas de patient porteur d’une microdélétion 22q-11, bien particulièrement volumineuses. C’est leur ablation qui révèle en
que l’adénoïdectomie ne soit pas recommandée très souvent dans postopératoire l’insuffisance vélaire avec l’apparition d’une
cette population de malades porteurs de fentes palatines ou de rhinolalie ouverte et d’un reflux pharyngonasal plus ou moins
divisions sous-muqueuses du voile. important. En cas d’indication formelle d’adénoïdectomie chez ces
La plaie de la paroi pharyngée postérieure est généralement enfants, le curetage par l’adénotome doit bien se garder de léser les
secondaire à un curetage descendant un peu trop bas ; elle peut au structures musculoaponévrotiques postérieures et en particulier le
maximum réaliser un décollement de la muqueuse pharyngée bourrelet de Passavant dont l’importance phonatoire est connue. Il
postérieure ; dans ces formes majeures, une réparation de la brèche faut toujours prévenir la famille du risque même minime
par des points résorbables associée à une hémostase locale à la pince d’insuffisance vélaire et de l’éventualité d’une rééducation
bipolaire ou par tamponnement de vasoconstricteurs suffit à tarir le orthophonique postopératoire. Dans les cas d’adénoïdectomie chez
saignement. des enfants « à risque », les techniques récentes permettant une
Enfin, l’exérèse incomplète du paquet de végétations adénoïdes peut adénoïdectomie partielle sous contrôle optique avec hémostase
être également source d’hémorragie ; compléter l’exérèse suffit alors peropératoire prennent tout leur intérêt.
à assurer l’hémostase.
Récidives
Parmi les causes générales, l’existence d’une coagulopathie sous-
jacente est un facteur prédisposant, mais la réalisation d’un bilan Elles ne sont pas à proprement parler des complications à long
systématique de la coagulation saura la découvrir, permettre une terme. Elles peuvent être la conséquence d’une intervention
préparation adaptée du patient et prévenir les complications incomplète ou réalisée sur un enfant avant l’âge de 12 mois. Dans
hémorragiques par un contrôle soigneux de l’hémostase. tous les cas, la réintervention ne peut être effectuée qu’après avoir
acquis la certitude de la récidive. La reprise de l’adénoïdectomie ne
Inhalation de sang avec asphyxie pose pas de problèmes chirurgicaux et s’apparente à l’intervention
Elle doit être toujours présente à l’esprit quand l’intervention est précédemment décrite.
réalisée sans étanchéité des voies aériennes inférieures. Cette
inhalation de sang mérite une attention toute particulière du fait du
risque de coagulation intrabronchique aux conséquences parfois très Amygdalectomie
graves par le risque d’obstruction d’une bronche-souche par
exemple. Cet incident est prévenu par la position de l’abaisse- Bien qu’intervenant dans le système de défense immunitaire, les
langue placé au contact de la paroi postérieure du pharynx afin amygdales palatines méritent souvent un traitement chirurgical à
d’isoler suffisamment les voies aériennes sous-jacentes et par une cause de leur infection chronique, des complications locorégionales
aspiration pharyngée continue. Pour cette raison, une tendance à qu’elles peuvent engendrer à type de phlegmon ou d’adénopathie,
protéger les voies aériennes dans cette chirurgie tend à se dégager et des complications à distance (rénales, cardiaques, articulaires). Les
chez les médecins anesthésistes (cf. supra). critères d’indication pour une amygdalectomie sont actuellement
bien définis par les recommandations de l’ANAES (Encadré 3). À
Plaies de la luette et du voile l’instar de l’adénoïdectomie, les contre-indications absolues
Les dilacérations uvulaires et vélaires surviennent généralement à n’existent pas (Encadré 2). Du fait de l’évolution récente du matériel
l’occasion de curetage appuyé à l’aide d’adénotomes à panier. et des techniques, nous distinguerons d’une part les
Leur survenue n’entraîne généralement pas de séquelles, mais la amygdalectomies par dissection extracapsulaire, et d’autre part les
vérification de l’hémostase au niveau de ces plaies est nécessaire. amygdalectomies intracapsulaires.

¶ Complications secondaires
AMYGDALECTOMIE AVEC DISSECTION
EXTRACAPSULAIRE
Hémorragie
Deux techniques sont possibles : l’amygdalectomie au Sluder chez
Les saignements retardés après adénoïdectomie sont bien moins
l’enfant et l’amygdalectomie par dissection chez l’enfant et l’adulte.
fréquents que dans les suites d’amygdalectomie. Dans 90 % des cas,
les hémorragies postopératoires surviennent avant la huitième
¶ Amygdalectomie au Sluder
heure. Leur persistance impose une révision du champ opératoire
sous anesthésie générale menée sous intubation. En effet, la L’exérèse chirurgicale des amygdales selon cette technique
persistance de reliquats adénoïdiens est souvent en cause. Il suffit correspond à une véritable énucléation amygdalienne en un seul
alors de compléter l’exérèse et de tamponner quelques minutes pour geste. Cette amygdalectomie est rendue possible par l’existence d’un
faire cesser le saignement. La localisation de l’hémorragie plan de clivage au niveau de la capsule amygdalienne dont
correspond à celle des hémorragies immédiates. l’hémostase spontanée est réalisée par les ligatures vivantes dues à
la contraction musculaire. Historiquement, il s’agit d’une
Complications infectieuses intervention réalisée depuis de nombreuses années par les ORL, qui
Elles sont généralement prévenues par une antibiothérapie pré-, per- a l’avantage d’être rapide, mais qui demande un bon « tour de
et postopératoire. Les otites moyennes aiguës se rencontrent surtout main ». Elle peut être menée chez les enfants dont l’âge est inférieur
après intervention sur des végétations adénoïdes surinfectées, au à 8-10 ans. Elle est toujours valable dans certains centres, tandis que

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46-330 Adénoïdectomie. Amygdalectomie Techniques Chirurgicales

Encadré 3 Recommandations de l’ANAES concernant les indications de l’amygdalectomie


– L’otite moyenne aiguë n’est pas une indication d’amygdalectomie.
– Les otites moyennes récidivantes (survenue d’au moins trois épisodes d’otite moyenne aiguë, en moins de six mois, séparés chacun par
un intervalle libre d’au moins trois semaines) ne sont pas une indication d’amygdalectomie.
– L’otite séromuqueuse n’est pas une indication d’amygdalectomie, sauf cas particulier de comorbidité pouvant l’imposer.
– En cas d’amygdalite aiguë récidivante ayant résisté à un traitement médical bien conduit et bien suivi, l’amygdalectomie est
recommandée.
– En cas d’amygdalite chronique (amygdalite dont les signes inflammatoires locaux et régionaux persistent 3 mois ou plus) ne répondant
pas à un traitement médical bien conduit et bien suivi, l’amygdalectomie peut être proposée.
– En cas de tuméfaction unilatérale d’une amygdale, suspecte de malignité, l’amygdalectomie s’impose sans délai pour réaliser les
examens histologiques nécessaires.
– Une hypertrophie amygdalienne bilatérale isolée, sans signe d’obstruction, sans phénomène inflammatoire et/ou infectieux récidivant
ou chronique, non suspecte de malignité, n’est pas une indication d’amygdalectomie.
– L’amygdalectomie n’est pas recommandée pour traiter les troubles du développement staturopondéral, les troubles du développement
orofacial, les troubles dentaires, les troubles de la mastication et du langage, s’il n’y a pas d’obstruction symptomatique des voies
aériennes.
– En cas d’abcès périamygdalien, le caractère systématique de l’amygdalectomie ne saurait s’imposer au décours ou à distance de
l’épisode aigu étant donné l’efficacité du drainage, de l’antibiothérapie initiale et le faible taux de récidives ultérieures.
– En cas de syndrome d’apnées obstructives du sommeil en rapport avec une hypertrophie adénoïdoamygdalienne, le traitement de
référence chez l’enfant est l’adénoïdoamygdalectomie. Si d’autres causes (malformations, troubles neurologiques, par exemple)
s’associent à l’obstacle que constitue l’hypertrophie adénoïdoamygdalienne, il s’agit d’un autre problème. L’adénoïdoamygdalectomie
peut être, alors, une des composantes d’un traitement médicochirurgical plus complexe.
– Des ronflements isolés sans signes d’obstruction ou de complication ne sauraient constituer à eux seuls une indication opératoire.
– Compte tenu du risque de complications postopératoires, la réalisation ambulatoire de l’amygdalectomie est contre-indiquée chez les
enfants atteints d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil.

d’autres l’ont complètement abandonnée. Guerrier résume bien les – un ouvre-bouche de Jennings ;
opinions vis-à-vis de cette méthode : la désaffection de – un abaisse-langue métallique coudé ;
l’amygdalectomie au Sluder est liée à l’anesthésie ; l’anesthésiste a
modifié sa technique et l’ORL a dû modifier la sienne. – une canule d’aspiration pharyngée rigide (type Yankauer) ;
– une pince à hémostase coudée ;
Anesthésie de l’enfant – une paire de ciseaux.
Nous citons la technique pour mémoire, un certain consensus s’étant Technique. Elle est représentée sur la figure 3.
dégagé pour déconseiller une amygdalectomie sans protection des Exposition amygdalienne. Après mise en place de l’ouvre-bouche,
voies aériennes. [10] l’amygdalotome, lame ouverte, est placé horizontalement dans la
Une fois l’induction anesthésique réalisée (cf. supra) et la voie cavité buccale. Il est introduit en direction de l’amygdale tout en
veineuse périphérique mise en place, l’anesthésie est délivrée (O2- jouant un rôle d’abaisse-langue. La progression de l’instrument vers
N2O, Sevoranet) jusqu’à ce que le réflexe palpébral disparaisse et l’arrière contribue à placer le pôle inférieur de l’amygdale en regard
que les pupilles reviennent en position centrale. Le masque est alors de l’orifice de l’amygdalotome.
ôté et le chirurgien réalise l’amygdalectomie. Pendant toute la durée Engagement amygdalien. Il correspond à un mouvement de rotation
du geste, qui dure environ de 15 à 30 secondes, l’anesthésiste aspire de l’amygdalotome qui va engager d’abord le pôle inférieur de
soigneusement le sang et les débris muqueux qui peuvent siéger l’amygdale, puis sa face libre médiale. La rotation d’environ 60° de
dans la cavité buccale et le pharynx. L’amygdalectomie réalisée, l’amygdalotome sur son axe contribue à le placer dans un plan
l’enfant est immédiatement placé en décubitus latéral où il continue verticofrontal. Un deuxième mouvement de l’instrument en dehors
d’être aspiré dans le pharynx sans traumatiser les loges va déprimer la commissure labiale controlatérale. À ce stade,
amygdaliennes et ce jusqu’au réveil. L’obtention rapide d’un cri l’engagement amygdalien est complété à l’aide de l’index de la main
contribue à une contraction des muscles pharyngés, complétant ainsi libre qui appuie de haut en bas sur la face antérieure du pilier
l’hémostase. antérieur de l’amygdale. La sensation tactile de l’engagement total
Faisant suite à l’amygdalectomie, il existe toujours une hémorragie, de l’amygdale est généralement nette, sous la forme d’un ressaut.
en général modérée, qui s’arrête au moment où l’enfant retrouve ses Toutefois, la poussée du doigt ne doit pas dépasser le plan de
réflexes de protection laryngée sous la forme d’un cri. Il est évident l’anneau délimité par l’amygdalotome, ce qui pourrait contribuer à
que la collaboration entre l’anesthésiste et le chirurgien doit être une déchirure du pilier antérieur au moment de l’ablation
parfaite afin que le réveil de l’enfant suive l’amygdalectomie de amygdalienne.
quelques secondes. Décollement extracapsulaire amygdalien. L’amygdale ainsi engagée
L’enfant est ensuite gardé en salle de réveil pendant 15 à 30 minutes, dans l’amygdalotome, le chirurgien fait glisser la lame au ras de la
puis rejoint sa chambre. Pendant les heures qui suivent face profonde du pilier antérieur de l’amygdale. La prise étant
l’intervention, l’enfant doit rester à jeun, autorisé seulement à sucer maintenue, un mouvement de torsion de l’instrument est réalisé en
quelques glaçons ou à boire de petites quantités d’eau fraîche. direction de la commissure homolatérale à l’amygdalectomie afin
de vérifier la bonne prise de l’amygdale et uniquement de
Chirurgie l’amygdale. Une fois l’amygdalotome ramené vers la commissure
controlatérale, l’opérateur glisse l’index de sa main libre entre
Matériel. Il comprend sur une table prévue à cet effet et
l’extrémité dure de l’amygdalotome et le fond de la loge
généralement située à droite du chirurgien :
amygdalienne au niveau de son pôle supérieur. Le cheminement de
– un amygdalotome de Sluder (il existe trois types de lames dont ce doigt prenant appui sur le contact dur de l’amygdalotome permet
l’orifice est de taille différente ; idéalement, la taille de la lame le décollement du plan capsulopharyngé. Il faut bien comprendre
choisie doit être légèrement inférieure au diamètre de l’amygdale) ; que c’est l’index, et uniquement lui, qui réalise un léger mouvement

6
Techniques Chirurgicales Adénoïdectomie. Amygdalectomie 46-330

Figure 3 Amygdalectomie au Sluder.


A. Exposition de l’oropharynx et engagement du pôle inférieur de l’amygdale gauche.
B. Engagement complet de l’amygdale grâce à un mouvement de rotation de l’amyg-
dalotome et à un massage-pression du pilier antérieur par l’index de la main libre. C.
Contention de l’amygdale dans l’amygdalotome dont la lame vient de glisser au ras du
bord médial du pilier antérieur, puis à sa face profonde. D. Vérification de la seule prise
de l’amygdale. E, F. Décollement extracapsulaire de l’amygdale : l’index recourbé en
crochet prend appui sur le bord convexe de l’amygdalotome.

de force au moment de la dissection extracapsulaire. Il faut en effet la réalisation de l’amygdalectomie. Quelquefois, des difficultés de
se rappeler que la lame de l’amygdalotome n’est absolument pas cheminement au pôle inférieur de l’amygdale incitent à accentuer le
tranchante et qu’il ne faut pas lui faire jouer un rôle de guillotine à phénomène de crochet de l’index et à ramener la traction de celui-ci
proprement parler. Tandis que l’index, toujours au contact de vers l’avant afin de libérer ce pôle inférieur de la muqueuse
l’amygdalotome, procède au décollement amygdalien, la main qui pharyngée adjacente à la muqueuse basilinguale. En cas
tient l’amygdalotome effectue une rotation de 30° en dedans qui a d’impossibilité, il est préférable de sectionner cette bande muqueuse
pour résultat de déplisser la muqueuse tendue entre l’amygdale et aux ciseaux en sachant qu’elle peut entraîner un petit saignement
le pilier antérieur. La progression vers le bas de l’index contribue à supplémentaire.

7
46-330 Adénoïdectomie. Amygdalectomie Techniques Chirurgicales

En pratique, cette amygdalectomie, telle qu’elle vient d’être décrite


avec ses différentes phases, doit être réalisée en un seul temps, selon
un mouvement continu sans aucun phénomène de traction
importante et sans relâcher la prise de l’amygdale par
l’amygdalotome. Le chirurgien, devant avoir toujours à l’esprit le
risque d’une amygdalectomie partielle, doit vérifier l’amygdale qui
vient d’être enlevée. Elle doit montrer la capsule sous la forme d’une
zone nacrée lisse.
Amygdalectomie controlatérale. Elle doit être faite très rapidement,
après la première amygdalectomie, dans une cavité pharyngée qui
n’est pas encore encombrée par le sang. « Si l’on est assez rapide, la
deuxième amygdale peut être déjà engagée et énucléée avant que la
petite hémorragie de la première ait commencé » (Guerrier).
Adénoïdectomie associée. L’anesthésiste aura prévu une anesthésie
plus longue d’une quinzaine de secondes, le chirurgien devant
réaliser l’adénoïdectomie comme décrite précédemment.

Période postopératoire
Faisant suite à l’amygdalectomie, il existe toujours une hémorragie,
en général modérée, qui s’arrête au moment où l’enfant retrouve ses
réflexes de protection laryngée sous la forme d’un cri. Il est évident
que la collaboration entre l’anesthésiste et le chirurgien doit être
parfaite afin que le réveil de l’enfant suive l’amygdalectomie de
quelques secondes.
L’enfant est ensuite gardé en salle de réveil pendant 15 à 30 minutes,
puis rejoint sa chambre. Pendant les heures qui suivent Figure 4 Installation de l’enfant intubé avant une amygdalectomie.
l’intervention, l’enfant doit rester à jeun, autorisé seulement à sucer
quelques glaçons ou à boire de petites quantités d’eau fraîche. La avec l’halothane et la ventilation est de type spontané sur un circuit
sortie de l’enfant est classiquement autorisée 6 heures après de Jackson-Rees. Si la durée d’anesthésie devait se prolonger au-
l’anesthésie, mais certains chirurgiens préfèrent différer la sortie de delà d’une demi-heure, l’enfant serait alors mis en ventilation
l’enfant au lendemain, surtout s’il habite hors de l’agglomération. contrôlée.
La douleur pharyngée avec l’otalgie-réflexe et la dysphagie sont Sur la voie veineuse périphérique est placée une solution de Ringer
surtout majeures les 2 premiers jours, et les jours suivants sont Lactatet et de l’atropine est systématiquement injectée à la posologie
marqués par la reprise d’une alimentation pâteuse et liquidienne de 10 µg/kg. L’antibiothérapie et la corticothérapie sont instaurées.
évitant les aliments solides et acides. Un traitement antalgique Il est rapporté dans la littérature internationale un effet bénéfique
associant paracétamol et codéine est prescrit systématiquement des corticoïdes en période périopératoire [11] et un effet plutôt
pendant la première semaine. Des corticoïdes tels la bêtaméthasone délétère des anti-inflammatoires non stéroïdiens. [13]
peuvent être prescrits pendant quelques jours avec un effet positif
sur l’évolution postopératoire. [11] Il semble que la technique Chirurgie
au Sluder soit significativement moins responsable de douleurs que Matériel. Il comporte (Fig. 5) :
les techniques en dissection. [12] C’est généralement au bout du
huitième jour que l’enfant peut reprendre une alimentation – un ouvre-bouche de Kilner ; par rapport à celui proposé pour
subnormale, date à laquelle il peut retourner à l’école même si les l’adulte, les formes pédiatriques semblent plus adaptées ; d’une part
loges amygdaliennes ne sont pas encore parfaitement cicatrisées. les mors se fixant au maxillaire supérieur sont diminués de volume
Celles-ci sont, en effet, recouvertes d’un enduit blanchâtre fibrineux pour être adaptés au palais de l’enfant, d’autre part les spatules
qu’il ne faut pas chercher à retirer au risque d’entraîner un linguales sont moins larges, plus longues et marquées d’une
saignement. La prescription médicale comprend la poursuite de empreinte moins profonde qui gênera d’autant moins le travail
l’antibiothérapie préopératoire pendant une semaine, une chirurgical en bouche ;
désinfection nasale et des antalgiques (éliminant tout produit à base – un bistouri long avec une lame no 15 ;
d’aspirine) pendant 48 heures.
– une pince muqueuse à disséquer longue ;
¶ Amygdalectomie par dissection sous intubation – une paire de ciseaux courts et longs d’Allaines ou de
Metzenbaum ;
Anesthésie
– une pince à hémostase bipolaire ;
Le monitorage et l’induction anesthésique sont identiques à ceux de
– un porte-aiguille long ;
l’amygdalectomie au Sluder. L’intubation est conduite sous
halothane (Fluothanet) ou associée à du propofol (Diprivant) aux – une spatule de Hurd ;
doses de 3 mg/kg chez l’enfant prémédiqué ou de 3,5 mg/kg s’il ne – une canule d’aspiration rigide (type Yankauer) ;
l’a pas été. L’enfant est intubé selon les préférences du chirurgien en
oro- ou nasotrachéal, la position orotrachéale permettant de libérer – une pince tractrice d’amygdale de type Portmann.
le cavum qui est généralement l’objet d’une adénoïdectomie Technique. Elle est illustrée par la figure 6.
associée. Tout type de sonde peut être utilisé, mais nous préférons, Exposition de la région opératoire. Elle doit être maintenue dans l’axe
dans notre expérience, avoir recours à une sonde préformée associée sagittal en fixant le crochet distal de la spatule linguale à un assistant
à un ouvre-bouche dont la lame, prenant appui sur la langue, est le muet avancé jusqu’à la région cervicale du patient. Une exposition
siège d’une échancrure acceptant la sonde. Le calibre de la sonde est rectiligne est primordiale afin de ne pas modifier les rapports
calculé selon la règle de : (âge + 16)/4. anatomiques entre les vaisseaux carotidiens et la région
L’enfant étant intubé et la position de la sonde contrôlée (Fig. 4), la amygdalienne.
tête de l’enfant est placée en hyperextension afin que le chirurgien Selon les habitudes de chacun, une infiltration des loges
puisse mettre en place l’ouvre-bouche. L’anesthésie est entretenue amygdaliennes peut être faite. Si c’est le cas, elle l’est à l’aide de

8
Techniques Chirurgicales Adénoïdectomie. Amygdalectomie 46-330

Figure 5 Matériel nécessaire à une amygdalectomie en


dissection.

Figure 6 Amygdalectomie en dissection.


A, B. Exposition de l’oropharynx : la traction médiale de l’amygdale laisse deviner sous le pilier antérieur la
région capsulaire et la localisation des points d’injection de la solution d’anesthésie locale. C. Incision de la
muqueuse le long du bord libre du pilier antérieur. D. Recherche et décollement du plan capsulaire. E, F. Li-
bération de l’amygdale dont il ne reste plus qu’à dégager le pôle inférieur par une coagulation bipolaire et une
section avec ciseaux.

sérum physiologique ou d’un anesthésique local adrénaliné bipolaire de ces derniers, puis leur section aux ciseaux permettent
associant une solution de Xylocaïnet à 0,5 % et une dose totale de libérer la totalité de l’amygdale qui ne reste plus pédiculée que
d’adrénaline ne dépassant pas 15 µg/kg. De 1 à 2 ml sont injectés par son pôle inférieur. Quelquefois, une coagulation soigneuse du
dans chaque loge dans le plan capsulaire. pôle supérieur est nécessaire pour détacher l’ogive amygdalienne.
Incision de la muqueuse pharyngée. Elle est menée au bistouri le long La libération du pôle inférieur se fait par une coagulation large
du bord libre du pilier antérieur, de l’ogive amygdalienne en haut pouvant atteindre la muqueuse basilinguale. La section aux ciseaux
jusqu’à la muqueuse basilinguale en bas. Des variantes existent, soit de ce plan muqueux préalablement coagulé permet l’exérèse de
aux ciseaux, soit avec le mors de la pince à disséquer. l’amygdale.
Recherche du plan capsulaire. L’amygdale est saisie à l’aide de la pince Le contrôle de l’hémostase de la loge amygdalienne doit être
tractrice et attirée médialement. La recherche du plan capsulaire, extrêmement soigneux. Il s’effectue à l’aide de la pince bipolaire par
ainsi déplissé, est exposée par des gestes de dissection aux ciseaux. attouchements successifs des zones hémorragiques. Tandis qu’un
La rencontre de la capsule nacrée est généralement facile et, dès lors fragment de compresse humide est placé dans cette loge
qu’elle est repérée, son exposition se fait vers le haut et vers le bas amygdalienne, l’amygdalectomie controlatérale est réalisée selon la
soit à l’aide des ciseaux, soit à l’aide d’un tampon monté ou de la même technique. En fin d’intervention, les deux loges amygdaliennes
canule d’aspiration rigide. sont à nouveau vérifiées au plan de l’hémostase. La rapidité de cette
Libération amygdalienne. Ayant ainsi délimité un couloir capsulaire intervention et le réveil tout aussi rapide du patient contribuent à faire
bridé par les plans muqueux antérieur et postérieur, la coagulation jouer un rôle aux ligatures vivantes dues à la contraction musculaire.

9
46-330 Adénoïdectomie. Amygdalectomie Techniques Chirurgicales

Modifications techniques. Une adénoïdectomie est généralement La radiofréquence consiste en un évidement ultrasonique de
associée à l’amygdalectomie chez l’enfant. Celle-ci est menée à la fin l’amygdale. Comme pour le microdébrideur, les phénomènes
de l’amygdalectomie à l’aide d’un adénotome, le chirurgien restant algiques postopératoires semblent moindres que dans le cas des
à la tête de l’enfant. amygdalectomies extracapsulaires. Le saignement peropératoire
Le contrôle de l’hémostase est assuré par un tamponnement à l’aide paraît également moindre dans la radiofréquence.
d’une compresse placée dans le cavum.
En cas d’antécédents infectieux particulièrement importants, voire COMPLICATIONS LIÉES À L’AMYGDALECTOMIE
de séquelles de phlegmon, la recherche du plan capsulaire peut être
rendue extrêmement difficile. Il est alors préférable d’essayer de le ¶ Complications anesthésiques
découvrir à la partie supérieure du pilier antérieur à l’aide d’une
dissection aux ciseaux qui s’attache à rester au contact du tissu Elles sont essentiellement périopératoires.
amygdalien. Le décollement vers le bas et en dehors doit être Des troubles du rythme et un bronchospasme peuvent apparaître si
extrêmement prudent sous contrôle permanent de l’hémostase. Dans l’anesthésie est trop légère. À l’opposé, une anesthésie trop profonde
ces cas, l’existence d’un saignement ne pouvant être contrôlée par au cours d’une adénoïdectomie ou d’une amygdalectomie au Sluder
l’hémostase bipolaire peut imposer la mise en place d’une pince peut contribuer à un risque d’inhalation et de bronchospasme
hémostatique pour réaliser une ligature à l’aide d’un fil résorbable secondaire.
lent type Vicrylt 4/0. Au réveil, ce sont les complications habituelles de l’extubation, avec
D’autres éléments sont apparus pour la réalisation le spasme laryngé, le risque d’inhalation avec passage de sang ou
d’amygdalectomies en dissection. de débris sur un malade extubé insuffisamment réveillé, la laryngite
Le bistouri à ultrasons ou les bipolaires à radiofréquence (employées sous-glottique toujours possible après une intubation chez l’enfant
en tant que bipolaires lors d’une technique en dissection et que l’on peut prévenir par une corticothérapie peropératoire.
conventionnelle), utilisés par certaines équipes, ne semblent modifier En postopératoire immédiat, ce sont les accès de toux, de nausées et
ni les suites opératoires ni la durée de l’intervention elle-même. [14, surtout de vomissements. La répétition de ces derniers doit être
15]
prise en considération car ils peuvent être la manifestation d’une
L’utilisation des lasers a également été proposée dans l’espoir acétonémie et contribuent à accentuer la déshydratation de l’enfant.
d’améliorer la morbidité en termes de saignement et de douleur. Le Un antinauséeux type ondansétron (ZophrenTM) peut être prescrit
laser KTP est très décevant car s’il paraît diminuer légèrement le chez l’enfant de plus de 2 ans à la dose de 0,1 mg/kg en injection
saignement en cours d’intervention il majore largement les douleurs intraveineuse lente unique (maximum 4 mg). Au-delà de 15 ans, 4
postopératoires. [16] Le laser argon, utilisé uniquement à visée mg par voie intraveineuse lente sont prescrits.
hémostatique, semble tenir ses promesses en diminuant
significativement les saignements peropératoires. [17] ¶ Complications chirurgicales
Pour mémoire, certains auteurs ont proposé la réalisation d’une Elles sont classées en immédiates, secondaires et tardives en fonction
cryothérapie en peropératoire visant à diminuer les phénomènes de leur moment de survenue.
douloureux grâce à l’application de deux aiguilles réalisant un
thermocouple faisant chuter la température des tissus en contact Complications immédiates
entre - 20 °C et - 32 °C pendant une minute. [18]
Hémorragie. Quel que soit son moment d’apparition, elle réalise la
Période postopératoire complication la plus fréquente et la plus redoutable. [21, 22] Il ne faut
absolument pas la négliger car elle peut être la source de
Une fois l’intervention terminée, l’extubation est réalisée sur table complications gravissimes qui peuvent conduire au décès. Son
d’opération dans les 5 minutes suivant une dernière vérification des évaluation est souvent hasardeuse car l’enfant est difficile à
loges amygdaliennes. La surveillance postopératoire se fait en salle examiner. Il ne coopère pas ou peu en fonction de la douleur et de
de réveil pendant une demi-heure environ, puis l’enfant regagne sa son état général, et il déglutit volontiers le sang pharyngé donnant
chambre. Il est autorisé à boire des liquides frais 3 heures après un aspect rassurant à l’examen. Chez l’adulte et l’adolescent, le
l’intervention. Une alimentation liquide ou pâteuse est permise le diagnostic est plus aisé, car la coopération est possible et la
soir de l’intervention. Les autorisations de sortie des enfants sont, déglutition sanguine peu importante. Plusieurs facteurs de risques
comme pour l’amygdalectomie au Sluder, variables selon les ont été notés comme l’âge, le sexe féminin, la longueur de
chirurgiens et les lieux de soins. Notre attitude actuelle est de garder l’intervention, mais les facteurs de risques essentiels sont les
les patients hospitalisés la nuit de leur intervention, la sortie étant hémostases incomplètes et les coagulopathies. [23]
autorisée le lendemain matin après visite du chirurgien et de
l’anesthésiste. La prescription médicale et les suites postopératoires Les hémorragies immédiates sont les plus fréquentes [22] et
sont identiques à celles de l’amygdalectomie au Sluder. surviennent alors que l’enfant est encore au bloc opératoire, soit sur
la table d’opération, soit en salle de réveil. Elles proviennent le plus
souvent des pédicules vasculaires de l’amygdale ; elles se révèlent
AMYGDALECTOMIE INTRACAPSULAIRE généralement par un saignement en jet qui impose une reprise
Ce type de technique consiste à réaliser un « évidement » chirurgicale immédiate. Ce peut être aussi un saignement en nappe
amygdalien sans toucher à la capsule. L’exérèse du tissu lymphoïde provenant des tranches de section muqueuse et sa persistance au
étant par définition incomplète, l’amygdalectomie intracapsulaire bout de quelques minutes impose ici aussi une reprise chirurgicale
n’est pas indiquée en cas d’intervention pour angines à répétition sous anesthésie générale avec intubation.
ou phlegmons périamygdaliens. Seules les indications respiratoires Traumatismes dentaires ou luxation des dents. Ces complications
sont concernées. L’objectif avoué de ce concept d’amygdalectomie sont la résultante de l’intubation ou de la mise en place de l’ouvre-
est de diminuer les complications douloureuses et hémorragiques. bouche, et sont plus fréquemment rencontrées lors des
Deux systèmes sont utilisés à ce jour : le microdébrideur [19] et la amygdalectomies en dissection que lors des amygdalectomies au
radiofréquence. [20] Dans les deux cas, le patient est installé en Sluder. Elles touchent essentiellement les dents de lait et doivent
position de Rose, comme pour une amygdalectomie extracapsulaire rendre particulièrement vigilant à ce que le fragment dentaire ne
sous intubation. migre pas dans l’arbre respiratoire.
L’utilisation du microdébrideur avec des lames adaptées à la Plaies vélaires ou vélopharyngées. Ce sont des incidents
chirurgie amygdalienne permet un évidement intracapsulaire avec généralement secondaires aux amygdalectomies au Sluder sous la
une irrigation continue. Le problème de l’hémostase est résolu par forme d’amputation de la luette, de déchirure ou perforation du
l’utilisation à la demande d’une pince bipolaire. pilier antérieur. Ces plaies peuvent être responsables d’hémorragies

10
Techniques Chirurgicales Adénoïdectomie. Amygdalectomie 46-330

et de cicatrices vicieuses. Leur réparation chirurgicale n’est pas Dans certains cas, une embolisation par angiographie peut être
systématique en l’absence de trouble de la voix. nécessaire. [25]
Effractions des espaces parapharyngés. Elles surviennent Complications infectieuses. Elles sont en principe prévenues par
essentiellement dans les cas d’amygdalectomie difficile, comme par l’antibiothérapie per- et postopératoire. L’infection des loges
exemple celle pour phlegmon où le plan de clivage entre amygdale amygdaliennes se traduit par une hyperthermie associée à des
et loge a disparu. Sa recherche peut entraîner une dilacération des douleurs et notamment des otalgies. Les phlegmons postopératoires
muscles pharyngés avec les risques hémorragiques que cela des espaces parapharyngés sont exceptionnels actuellement. Ils
comporte. Ce risque peut être contrôlé par une dissection soigneuse peuvent être rencontrés après des plaies des parois latérales de la
à l’aide de la bipolaire et d’une compresse humide. Si une hémostase loge et des dilacérations des espaces parapharyngés. Ici aussi,
est nécessaire, l’utilisation de points en croix avec un fil résorbable l’antibiothérapie locale et générale postopératoire peut les prévenir.
type Vicrylt est recommandée. Les bronchopneumopathies et abcès du poumon ont disparu. Ils
Complications secondaires étaient essentiellement le fait d’inhalations de sang à l’occasion
d’amygdalectomie au Sluder sans protection des voies aériennes.
Hémorragies. Il faut distinguer les hémorragies qui surviennent
dans les heures qui suivent l’intervention chirurgicale et celles ayant
lieu dans les jours suivants. En postopératoire immédiat, 90 % Complications à long terme
environ des saignements surviennent avant la sixième heure, mais Les modifications de la voix sont une séquelle inconstante liée à une
certains épisodes hémorragiques peuvent être notés jusqu’à la modification des résonateurs pharyngés. En dehors des problèmes
douzième heure. Ces saignements sont essentiellement le fait cicatriciels du voile et des loges amygdaliennes, il faut connaître
d’hémostases incomplètes imposant une reprise chirurgicale rapide. l’existence d’une rhinolalie postopératoire régressive après
S’agissant des hémorragies à distance, elles se situent généralement amygdalectomie ayant porté sur des amygdales particulièrement
entre les cinquième et quinzième jours, et sont dues à la chute volumineuses.
d’escarres. Un cas à 38 jours est même rapporté dans une série. [24] La sténose oropharyngée est une complication rare, surtout
Leur simple évocation par téléphone doit imposer de revoir le
rencontrée après l’amygdalectomie au Sluder qui a entraîné une
patient. L’épisode hémorragique peut avoir été peu important et
dilacération et une cicatrisation vicieuse des piliers. Son traitement
l’examen ne retrouver que des loges amygdaliennes en voie de
est chirurgical, reposant sur une pharyngoplastie d’élargissement.
cicatrisation ; mais il peut aussi révéler un caillot dans une loge :
L’insuffisance vélaire doit être séparée en insuffisance vélaire
– soit il est peu important, l’état général de l’enfant correct, et une
fonctionnelle transitoire, qui se rencontre en postopératoire
surveillance médicale doit être instituée, car si l’hémorragie se
immédiat et qui est le fait d’une contraction réflexe de la sangle
répétait il faudrait alors vérifier chirurgicalement les loges
musculaire vélopharyngée, et en insuffisance vélaire définitive,
amygdaliennes ;
résultant d’une résection excessive des piliers sur un voile
– soit il est très volumineux, obstruant le pharynx, et mieux vaut constitutionnellement court.
programmer une reprise chirurgicale immédiate, car l’hémorragie
classiquement entretenue par le caillot ne se tarira pas d’elle-même Les amygdalectomies incomplètes (exception faite des techniques
et exposera le patient à un tableau hémorragique grave intracapsulaires) existent essentiellement au cours des
secondairement. amygdalectomies au Sluder et portent surtout sur le pôle inférieur
Ces reprises sont généralement difficiles car elles portent sur des qui a échappé à la lame. Génératrices d’hémorragies dans les suites
tissus friables et sphacélés ; en cas d’échec avec la pince bipolaire, immédiates, les amygdalectomies incomplètes peuvent passer
les ligatures doivent être placées sans traction pour éviter toutes inaperçues et se révéler à distance par une reprise des angines.
déchirures musculaires, sources à leur tour de phénomènes Parmi les complications peu fréquentes, il faut citer les lésions du
hémorragiques. grand hypoglosse [26] et du nerf lingual. [27]

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double-blind randomised controlled trial comparing the post-tonsillectomy hemorrhage. J Otolaryngol 2002; 31:
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11
¶ 46-310

Chirurgie de l’insuffisance vélaire


A.-N. Naiman, F. Disant

L’insuffisance vélopharyngée est une entité clinique complexe qui apparaît quand le voile du palais et les
parois pharyngées latérales et postérieure ne produisent pas une séparation parfaite entre les cavités
nasale et orale pendant la phonation et la déglutition. La fermeture vélopharyngée est d’abord un
mécanisme sphinctérien avec deux composantes : vélaire et pharyngée. Le mouvement vélaire est
déterminé principalement par l’action du muscle élévateur du voile. Le mouvement pharyngé est
dépendant de la contraction du muscle constricteur supérieur et palatopharyngien. Quand une des deux
composantes est déficitaire, il en résulte un défaut de fermeture qui perturbe quatre grandes fonctions : la
phonation, la déglutition, la respiration et l’audition. L’approche diagnostique et thérapeutique doit être
un travail d’équipe multidisciplinaire. Trois examens sont indispensables dans l’évaluation préopératoire
de l’insuffisance vélopharyngée : le bilan phoniatrique, la fibroscopie nasopharyngée et la
vidéofluoroscopie. Les principales méthodes thérapeutiques disponibles à ce jour incluent traitement
médical et traitement chirurgical. Les techniques chirurgicales les plus utilisées actuellement sont la
pharyngoplastie par lambeau pharyngé postérieur à pédicule supérieur et différentes variantes de
sphinctéroplasties.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Insuffisance vélaire ; Rhinolalie ; Pharyngoplastie ; Rééducation orthophonique

Plan squelette musculoaponévrotique rigide et est en arrière pure-


ment musculaire. La lame fibreuse s’étend en arrière sur les
deux cinquièmes de la longueur du voile et est fixée au bord
¶ Généralités 1
postérieur du palais dur et aux apophyses ptérygoïdes. Les
Rappel anatomique : voile du palais 1
muscles intervenant dans la mobilité du sphincter vélopharyngé
Physiologie du sphincter vélopharyngé 1
incluent : les muscles vélaires (les muscles tenseurs [MTV], les
Physiopathologie de l’insuffisance vélopharyngée 2
muscles élévateurs [MEV], les muscles abaisseurs [MAV], le
Étiologie de l’insuffisance vélopharyngée 2
muscle uvulaire [MU]) et le constricteur supérieur du pharynx
¶ Évaluation de l’insuffisance vélopharyngée 3 (MCSP) (Fig. 1). Les orientations des muscles du voile du palais
Évaluation clinique 3 sont liées aux variations des insertions et permettent d’expliquer
Examens complémentaires 4 des configurations différentes de la valve vélopharyngée. Il
¶ Traitement 5 existerait, d’autre part, un recrutement progressif des différents
Traitement médical 5 muscles : muscle élévateur, puis palatoglosse, palatopharyngien
Traitement chirurgical 5 et constricteur supérieur.
¶ Conclusion 13

Physiologie du sphincter vélopharyngé


Un processus double réalise l’occlusion vélopharyngée :
■ Généralités premièrement, la contraction des muscles pharyngostaphylins et
du muscle constricteur supérieur a comme résultat l’effacement
Rappel anatomique : voile du palais [1] des gouttières pharyngées latérale et postérieure ; deuxième-
(Tableau 1) ment, la contraction des muscles élévateurs et tenseurs déter-
mine l’élévation et le recul du voile qui vient au contact de la
Le voile du palais représente la séparation entre le nasopha- paroi pharyngée postérieure (PPP) tandis que la luette se rétracte
rynx et l’oropharynx. C’est une structure musculomembraneuse et parfait l’occlusion (Fig. 2). C’est un mécanisme de type
contractile qui prolonge en arrière le palais dur et le plancher sphinctérien qui intervient dans la phonation, la déglutition, la
de la cavité nasale. Sa structure est représentée en avant par un respiration et indirectement dans l’audition. [2] Les ouvertures

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

Tableau 1.
Rappel anatomique du voile du palais.
Muscles vélaires 1. Muscle tenseur
2. Muscles élévateurs (péristaphylins)
3. Muscle abaisseur
- palatopharyngien (pharyngostaphylin)
- palatoglosse (glossostaphylin)
4. Muscle uvulaire
Vascularisation Artères Veines Lymphatiques
-Palatine ascendante - Face nasale : plexus ptérygoïdiens - Face nasale : ganglions cervicaux pro-
fonds supérieurs et ganglions rétro-
pharyngiens
-Palatine descendante
-Artère des canaux ptérygoïdiens - Face buccale : veines de la base de la langue - Face buccale et piliers : ganglions ju-
gulocarotidiens hauts
-Palatovaginale
Innervation Sensitive Motrice
V, IX V, X

Figure 2. Physiologie du sphincter vélopharyngé. Coupe frontale mon-


trant le mouvement de clapet vélaire résultant (R) des tractions exercées
Figure 1. Anatomie du pharynx. 1. Artère et nerf palatins antérieurs ; 2. par le muscle péristaphylin interne (PI) et le muscle pharyngostaphylin
artère et nerf palatins postérieurs; 3. tenseur du voile ; 4. crochet (hamu- (PS). 1. Repos ; 2. contraction. D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y,
lus) de la ptérygoïde ; 5. muscle palatoglosse ; 6. fosse amygdalienne ; 7. Morgon A, Freyss G. Pathologie fonctionnelle du voile du palais et sa
muscle palatopharyngien ; 8. tissu graisseux et glandulaire du voile ; 9. réhabilitation. Rapport de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de
amygdale. D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y, Morgon A, Freyss pathologie cervicofaciale, 1978.
G. Pathologie fonctionnelle du voile du palais et sa réhabilitation. Rapport
de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervicofa-
ciale, 1978. dépend de plusieurs facteurs, y compris de la sévérité de
l’insuffisance vélopharyngée, de l’articulation du patient et
souvent des stratégies compensatoires développées pour dimi-
vélopharyngées résiduelles de 0,05 cm2 à 0,1 cm2 sont considé- nuer la rhinolalie ouverte (le patient peut parler faiblement
rées comme normales. Les ouvertures résiduelles entre 0,1 cm2 pour diminuer le flux aérien nasal ou au contraire forcer la voix
et 0,2 cm2 aboutissent à des pertes de charge et des modèles de pour la projeter ou encore substituer des phonèmes).
flux d’air limités semblables à ceux associés à l’insuffisance
vélopharyngée (cliniquement, ces patients présentent une
rhinolalie ouverte). Une ouverture du sphincter vélopharyngé Étiologie de l’insuffisance vélopharyngée
résiduelle supérieure à 0,2 cm2 est considérée clairement comme
La dysfonction vélopharyngée inclut trois principales
pathologique et s’associe à une rhinolalie ouverte franche. [3] Il
notions :
n’y a pas de corrélation claire entre la surface résiduelle et la
• insuffisance vélopharyngée : il s’agit d’un défaut structurel, le
classification clinique de l’insuffisance vélopharyngée.
plus souvent un voile du palais trop court par rapport à la
paroi pharyngée postérieure ;
Physiopathologie de l’insuffisance • incompétence vélopharyngée : il s’agit d’un défaut physiolo-
gique (mouvement du voile du palais insuffisant) ;
vélopharyngée [2] • défauts d’apprentissage : il s’agit d’une résonance nasale
Les effets de l’insuffisance vélopharyngée sur la parole anormale et d’une émission nasale d’air sans avoir un défaut
incluent nasonnement, nasillement, souffle nasal audible, structurel ou fonctionnel du voile du palais.
ronflement nasal, manque d’éclat des consonnes, coup de Les deux premiers termes se confondent dans la littérature et
glotte, souffle rauque. La sévérité des modifications de la parole on retrouve plutôt le terme d’insuffisance vélopharyngée.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

Étiologie de l’insuffisance vélopharyngée : • défauts d’articulation ;


• fente vélopalatine opérée ; • type de langage ;
• fente sous-muqueuse ; • hypoacousie.
• syndromique : syndrome vélo-cardio-facial (VCFS), séquence
de Robin ;
• voile trop court congénital ou pharynx très profond dans les ■ Évaluation de l’insuffisance
malformations de la base du crâne ;
• iatrogène : postadénoïdectomie, postamygdalectomie, post- vélopharyngée
avancement maxillaire, postpharyngoplastie (chirurgie du
L’évaluation comporte une partie clinique et des examens
ronflement) ;
complémentaires (Fig. 3). C’est un travail d’équipe et l’évalua-
• obstacle mécanique : hypertrophie amygdalienne, tumeur ;
tion doit être complète car d’elle dépend la prise en charge
• régression adénoïdienne tardive avec début de l’insuffisance
thérapeutique.
à la puberté.
Étiologie de l’incompétence vélopharyngée :
• insertions musculaires anormales ; Évaluation clinique
• mobilité réduite de la paroi pharyngée latérale ou posté-
rieure ; L’évaluation clinique inclut les signes d’appel, l’interrogatoire,
• neurologique avec une origine variable : tumorale, vasculaire, l’examen oto-rhino-laryngologique complet au repos et en
infectieuse, dégénérative, traumatique ou musculaire (myo- dynamique et un bilan orthophonique. Le diagnostic clinique
pathie) : est simple car le patient présente une rhinolalie ouverte
C elles sont rarement isolées et souvent intégrées dans un évidente, associée ou non à d’autres modifications articulatoires
cadre plus vaste (syndromes d’Avellis, Schmidt, Jackson, compensatoires, dépendant de l’intervalle passé entre le début
de l’insuffisance vélopharyngée et le diagnostic. La prise en
Wallenberg, Babinski-Nageotte, Vernet, Collet-Sicard,
charge de ces patients est longue et la collaboration avec
Villaret qui associent des atteintes diverses du tronc
le patient et sa famille est très importante. Elle doit être
cérébral) ;
multidisciplinaire et l’équipe doit inclure obligatoirement :
C dysarthries qui peuvent apparaître dans le cadre d’un orthophoniste, pédiatre, chirurgien. Concernant l’évaluation
accident vasculaire cérébral, d’une myasthénie, d’une orthophonique, il est difficile de choisir la meilleure méthode.
dystrophie myotonique, d’une neurofibromatose, d’une L’Eurocleft Speech Project a utilisé des phrases spécialement
tumeur cérébrale ; élaborées dans cinq langues qui contiennent phonèmes compa-
• atteinte des nerfs crâniens, souvent post-traumatique (IX, X, tibles et vulnérables dans la phonation des patients avec fente
XI) ; palatine. Les résultats ont montré que l’examen orthophonique
• autres maladies à « risque » : trisomie 21, sclérose latérale peut être fait avec succès sans tenir compte de la langue du
amyotrophique, maladie de Parkinson. patient ou de la langue de l’analyseur. [4] Il est fondamental, lors
Défaut d’apprentissage : de l’examen de la phonation, de situer la période de survenue

Figure 3. Arbre décisionnel. IVP : insuffi-


sance vélopharyngée.
Symptomatologie clinique d'IVP
(le plus souvent rhinolalie ouverte)

Évaluation
(par équipe multidisciplinaire)

Examen clinique Examens complémentaires Bilan orthophonique

Diagnostic d'IVP

+ -

Rééducation orthophonique (6-24 mois) +/- Rééducation


autres traitements médicaux orthophonique

Amélioration insuffisante Amélioration satisfaisante

Traitement chirurgical Stop traitement

Rééducation
orthophonique

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

Tableau 2.
Bilan complémentaire de l’insuffisance vélopharyngée.
Techniques instrumentales directes Techniques instrumentales indirectes Examens audiologiques
1. Nasofibroscopie 1. Données des structures et de la cinétique vélopharyngées 1. Audiométrie
-nasofibroscopie avec photodétection
-électromyographie
-transduction de mouvement
2. Examens radiologiques 2. Données des effets de la fonction vélopharyngée sur d’autres 2. Impédancemétrie
paramètres physiologiques
-céphalométrie -tests aérodynamiques
-vidéofluoroscopie -test acoustique
-IRM -spectrographie
IRM : imagerie par résonance magnétique.

de l’insuffisance vélopharyngée par rapport à celle de l’appari-


tion du langage. Si elle apparaît avant la phase prélinguale, il Postérieur Postérieur
s’agit le plus souvent d’une pathologie du voile associée à une
fente vélopalatine. Tous les signes de l’insuffisance vélopharyn-
gée peuvent être observés. Dans le cas contraire, seuls le
nasonnement et le ronflement nasal peuvent être rencontrés
isolément.

Examens complémentaires Antérieur Antérieur


A B
Le bilan préopératoire doit être systématique. Les examens
complémentaires sont très nombreux (Tableau 2). Outre l’exa-
men clinique et le bilan orthophonique obligatoires, deux
explorations sont très importantes : la fibroscopie nasopharyn- Postérieur Postérieur
gée et la vidéofluoroscopie. Ces deux examens permettent une
très bonne évaluation préopératoire et structurent le plan
thérapeutique. Il est important de standardiser le système
d’évaluation de l’insuffisance vélopharyngée. La grande majorité
des auteurs utilisent la classification de Golding-Kushner. [5]

Fibroscopie nasopharyngée
Cet examen est indispensable dans le diagnostic et l’évalua- Antérieur Antérieur
C D
tion de l’insuffisance vélopharyngée. L’examinateur doit
analyser les mouvements des différents constituants du sphinc-
ter vélopharyngé. On peut ainsi établir le type de ferme- Figure 4. Types de fermeture vélopharyngée.
ture [6] (coronale, circulaire, circulaire avec bourrelet de A. Coronal.
Passavant, sagittale) (Fig. 4) ainsi que la contraction du muscle B. Sagittal.
azygos de la luette, sous forme d’un bourrelet médian. L’absence C. Circulaire.
de ce bourrelet est pathognomonique des fentes vélaires sous- D. Circulaire avec anneau de Passavant.
muqueuses. On évalue également le volume des végétations et
leur rôle dans la fermeture et le rapport entre le pôle supérieur
de l’amygdale et le nasopharynx. L’examen doit être enregistré pharynx. Sur l’incidence de Towne et l’incidence de face, on
afin de pouvoir le visualiser et effectuer des mesures. Des voit les mouvements des parois pharyngées latérales et le
limitations de la fibroscopie nasopharyngée ont été décrites [7]: caractère symétrique ou non de celles-ci. [2] Le degré de mouve-
la dimension de l’orifice vélopharyngé est exprimée le plus ment latéral pharyngé s’étend de 0 (aucun mouvement pendant
souvent en pourcentage ; l’incapacité d’identifier les petits
la respiration calme) à 5 (mouvement maximal). On peut alors
orifices vélopharyngés ou leur emplacement exact anatomique ;
mesurer, en fonction des mouvements des parois pharyngées
la collaboration du patient est un facteur critique qui limite
latérales, la largeur nécessaire d’un lambeau pharyngé (Fig. 5).
l’utilisation de la nasofibroscopie chez l’enfant. Le fibroscope est
Il existe une bonne corrélation entre les résultats de la vidéo-
indispensable et complémentaire de la fluoroscopie. [8, 9]
fluoroscopie et ceux de la nasopharyngoscopie, mais sans
atteindre une corrélation parfaite. Ces deux examens sont donc
Vidéofluoroscopie
indispensables dans le bilan d’une insuffisance
C’est un autre examen clé du bilan d’une insuffisance vélopharyngée. [13]
vélopharyngée. La radiographie « dynamique » a été introduite
dans le but d’étudier la mobilité du voile. Cette méthode a des Imagerie par résonance magnétique (IRM)
avantages : l’irradiation est 10 fois moindre que celle de la
cinéfluoroscopie ; il peut être enregistré et permet une évalua- Récemment, l’IRM a été proposée comme une approche
tion dans les trois plans de l’espace ; une vue dynamique alternative aux modalités standards de vidéofluoroscopie et
globale pendant la chaîne parlée est possible. [10-12] C’est fibroscopie nasopharyngée. [14-16] Une méthode comparable à
l’examen le plus fiable pour étudier le fonctionnement du voile celle développée pour l’image du cœur battant a été employée
en phonation et il permet de choisir une technique chirurgicale. pour étudier le fonctionnement du voile. [17] L’IRM ne délivre
Sur la vue latérale, on visualise la position du voile au repos et pas de radiations ionisantes. En revanche, l’acquisition de
en phonation, sa longueur, son épaisseur, le défaut de fermeture données est relativement longue. L’acquisition de l’image est
éventuelle du sphincter vélopharyngé, la taille des végétations faite en plan sagittal, axial du voile (alignée perpendiculaire « au
adénoïdes, le bourrelet de Passavant, la profondeur du rhino- genou » du voile), axial et coronale. Des reconstructions ont

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

efficace. [19] La rééducation orthophonique préopératoire est


généralement indiquée avec une durée maximale de 2 ans.
Quelques discordances avec ce principe ont été rapportées.
Ysunza, [20] dans une étude prospective, conclut que la durée
totale de rééducation orthophonique postopératoire est la même
pour les patients, qu’ils aient une rééducation préopératoire ou
non. Il souligne l’importance de la rééducation postopératoire.
Le patient et sa famille doivent être informés clairement que la
chirurgie doit être complétée par une prise en charge orthopho-
nique si on veut espérer un bon résultat fonctionnel. De même,
Orticochea [21] affirme qu’il n’est pas nécessaire de réaliser une
rééducation orthophonique avant la chirurgie. Il a son propre
algorithme pour les patients qui présentent une fente palatine :
il opère à 6 mois la fente labiale, à 2 ans la fente palatine et à
2,5 ans, il réalise systématiquement une sphinctéroplastie. Pour
notre part, nous pensons qu’une rééducation orthophonique
préopératoire est toujours nécessaire pour éliminer les troubles
articulatoires et les mécanismes compensatoires et pour renfor-
cer la musculature vélaire globalement.

Réactions contrôlées visuellement [18]


Dans les cas d’une hypoacousie associée, le contrôle visuel
Figure 5. Mouvements des parois pharyngées latérales (PPL) vers la peut aider l’amélioration de l’insuffisance vélopharyngée. Des
ligne médiane en vidéofluoroscopie, section frontale. Zéro représente outils simples (comme le miroir froid) peuvent servir pour
l’immobilité des PPL pendant la respiration calme et 5 représente le montrer au patient la fuite d’air nasal. D’autres dispositifs sont
mouvement maximal des PPL. D’après Johns DF, Cannito MP, Rohrich RJ, disponibles, comme le dispositif qui, placé au niveau du nez,
Tebbetts JB. The self-lined superiorly based pull-through velopharyngo- produit la formation d’une bulle objectivant le flux d’air nasal.
plasty : plastic surgery – speech pathology interaction in the management Une méthode plus sophistiquée est l’utilisation d’un nasomètre,
of velopharyngeal insufficiency. Plast Reconstr Surg 1994;94:436. qui objective graphiquement la proportion respective d’énergie
orale et nasale du son. La saisie visuelle peut être utile pour
développer des techniques compensatoires afin de réduire le
été utilisées pour obtenir des images tridimensionnelles dyna- nasonnement. Pour les enfants plus grands a été utilisé l’enre-
miques des mouvements du voile. Une méthode appropriée a gistrement vidéo de la fibroscopie nasopharyngée.
été développée pour la collection et la visualisation d’informa-
tion tridimensionnelle lors de la prononciation des monosylla-
Pression nasale continue positive
bes. Cette technique a permis une bonne visualisation en temps Cette technique est avantageuse pour les patients dont
réel de l’anatomie vélopharyngée normale pendant les mouve- l’insuffisance vélopharyngée semble liée aux déficiences motri-
ments du voile et est aussi capable de diagnostiquer l’anomalie ces orales ou à la faiblesse du voile plutôt qu’aux problèmes
anatomique spécifique dans le cadre des fentes palatines. structurels. La pression nasale continue positive est une
La critique potentielle adressée à cette technique est qu’elle a méthode fortifiant le palais. Elle inclut un masque nasal qui est
été appliquée seulement à l’image de phonèmes courts. Cette utilisé 8 semaines à domicile. Lorsque le masque est en place,
méthode peut être applicable pour les recherches physiologiques le patient répète une série de combinaisons de voyelles -
sur la voix et pour le processus décisionnel clinique préchirur- consonnes et des phrases types qui permettent au voile de
gical ou pour l’analyse des résultats postopératoires. s’ouvrir et se fermer contre la pression positive du masque
nasal. [18] Cette méthode a le désavantage de nécessiter la
collaboration du patient et est difficilement acceptée par les
enfants en bas âge.
■ Traitement
Prothèses
L’arsenal thérapeutique disponible à ce jour inclut : des
Ces dispositifs sont cités pour mémoire. Ils sont utiles
traitements médicaux (rééducation orthophonique, pression
quand la chirurgie est contre-indiquée : lorsque la cause de
continue positive [CPAP], prothèses) et chirurgicaux.
l’insuffisance vélopharyngée est neuromusculaire ou comme
une mesure temporaire avant que la chirurgie puisse être
Traitement médical envisagée. Deux types de prothèses sont disponibles. Les
obturateurs peuvent pallier une perte de substance vélaire. Les
Orthophonie élévateurs palatins sont employés quand la longueur palatine
est suffisante mais que le mouvement dynamique palatin est
L’orthophonie améliore la fonction vélopharyngée quand
pauvre (étiologie neuromusculaire). Ces dispositifs réduisent la
l’insuffisance vélopharyngée est modérée. L’articulation com-
distance que le palais doit réaliser pour produire la fermeture
pensatoire secondaire à l’insuffisance vélaire peut aussi être
adéquate. La compliance des patients à ce type de thérapie est
corrigée. Lorsque le tonus musculaire est diminué et observé en
médiocre.
fibroscopie, une période de traitement concentrée sur l’amélio-
ration globale des compétences orales et l’amélioration de la
force et de l’élévation du voile peut être capable de corriger
Traitement chirurgical
l’insuffisance vélopharyngée. [2] Cependant, dans le cas de Plus de 40 techniques chirurgicales ont été décrites dans le
défauts spécifiques anatomiques empêchant la fermeture traitement de l’insuffisance vélopharyngée. Plusieurs d’entre
adéquate du sphincter vélopharyngé, l’orthophonie ne peut pas elles sont des variations des techniques originales. La tendance
remplacer la chirurgie. [18] La rééducation orthophonique est est de développer les techniques les plus adaptées à la physio-
essentielle en postopératoire. Après que les anomalies structu- logie du sphincter vélopharyngé et d’être le moins invasibles
relles ont été corrigées, les patients auront besoin de rééduca- possible. Les techniques qui sont les plus utilisées actuelle-
tion pour obtenir la fermeture complète. Fréquemment, le ment sont la vélopharyngoplastie par lambeau pharyngé
mouvement des parois pharyngées latérales reste limité. Des postérieur à pédicule supérieur et différentes variantes de
exercices spécifiques pour promouvoir le mouvement latéral sphinctéroplastie. D’autres méthodes ont une utilisation limitée
pharyngé permettent d’obtenir une fermeture vélopharyngée à des cas spécifiques.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

contraction a comme effet l’élévation et le déplacement posté-

“ Point fort
rieur du voile. L’examen du palais, en cas d’insuffisance
vélopharyngée résiduelle après une réparation primaire, révèle
souvent un palais cicatriciel, des bandes de muscles élévateurs
Traitement médical. n’ayant pas été correctement réinsérées. De même, les patients
Rééducation orthophonique : essentielle en pré- et en qui présentent une fente palatine sous-muqueuse et une
insuffisance vélopharyngée symptomatique sont des candidats
postopératoire.
potentiels à la palatoplastie de Furlow à cause de l’orientation
Réactions contrôlées visuellement : très utiles en cas
sagittale de ce muscle. [28-30] Ces procédures réalignent les
d’hypoacousie. muscles élévateurs dans une meilleure position pour créer un
Pression nasale continue positive : difficilement applicable muscle plus fort avec une action plus physiologique. [31, 32] Il y
chez les enfants en bas âge. a aussi un allongement de voile du palais par une plastie en
Prothèses : en cas de contre-indication chirurgicale double Z sur les faces orale et nasale du voile. Les parois
temporaire. pharyngées latérales sont rapprochées, puisque une plastie en Z
augmentera la longueur en diminuant la largeur. Les indications
sont les suivantes [28]: l’insuffisance vélopharyngée marginale
indépendamment de l’âge du patient ; le jeune enfant avec un
Techniques : avantages, désavantages, problèmes défaut de fermeture sphinctérienne de moins de 5 mm indé-
techniques, résultats, complications pendamment du modèle de fermeture ; des bandes musculaires
mal placées dans un palais court avec bon mouvement des
Véloplasties
parois pharyngées latérales (plus de 0,375 mm). La technique ne
Les véloplasties sont des techniques chirurgicales qui agissent doit pas être utilisée chez les patients qui ont déjà été opérés
sur le voile du palais avec le projet d’allonger le voile par par cette procédure ou chez les patients qui ont un voile du
décalage des lambeaux vers l’arrière ou en utilisant le principe palais anatomiquement normal, car la plastie en Z sectionnerait
du push-back. Le grand désavantage de ces procédures est que transversalement et diminuerait la valeur fonctionnelle des
l’allongement obtenu est en grande partie annulé à moyen muscles palatins. Cette procédure a été utilisée initialement
terme en raison de la rétraction secondaire cicatricielle. La pour la réparation primaire des fentes palatines. Randall et
technique type push-back a été développée par Dorrance. al. [33] ont rapporté cette utilisation pour les insuffisances
L’efficacité de cette technique est limitée par l’effet d’attache- vélopharyngées résiduelles. La technique chirurgicale est
ment des vaisseaux palatins et par la cicatrisation secondaire. comparable à la technique décrite par Furlow (Fig. 6). [31, 32, 34]
Millard [22] a décrit un lambeau mucopériosté de la partie Le voile est incisé le long de la cicatrice de la staphylorraphie
antérieure du palais osseux en « îlot » avec un seul grand primaire ; cette incision correspond au bras central de la plastie
pédicule neurovasculaire palatin. Ce lambeau a été utilisé pour en Z ; les incisions latérales de la muqueuse orale s’étendent
couvrir la surface cruentée nasale après push-back. Moore et au-delà de l’hamulus ptérygoïdien. Les muscles sont inclus dans
Chong [23] ont décrit la technique « sandwich push-back » le lambeau buccal à base postérieure ; une contre-incision est
utilisant les lambeaux mucopériostés de Millard basés sur les conseillée à l’extrémité de l’incision latérale pour augmenter la
deux pédicules neurovasculaires palatins. Ces techniques sont mobilité du lambeau. Une image en miroir de la plastie en Z
actuellement très peu utilisées.
orale est créée sur le côté nasal. Du côté nasal, les lambeaux
L’inconvénient majeur concernant le palais osseux dénudé
sont plus grands que ceux de côté oral du fait d’une meilleure
avec son impact sur la croissance faciale a été surmonté par
élasticité. Les lambeaux nasaux sont transposés et suturés en
l’utilisation des lambeaux musculomuqueux de buccinateurs en
premier puis les lambeaux oraux. [35] Pour la technique de
« sandwich ». [24] L’anatomie et le potentiel clinique du lambeau
Furlow, les résultats varient. Sie [36] a obtenu dans 40 % des cas
musculomuqueux de buccinateur ont été décrits par Bozola. [25]
la résolution complète en contraste avec des taux de succès plus
Il a été utilisé pour la réparation primaire des fentes palatines
favorables publiés par d’autres auteurs. [28, 30] De même,
et pour la réparation des fistules. Hill [26] a préconisé l’utilisation
Chen [37] a obtenu chez 89 % des patients une correction
de cette technique dans la chirurgie secondaire pour la correc-
adéquate et a conclu que le défaut de fermeture du sphincter
tion des insuffisances vélopharyngées. On décrit cette technique
vélopharyngé préopératoire semble être le paramètre le plus
qui paraît avoir des avantages dans certains cas sélectionnés
(voile court). La jonction entre le palais dur et mou est divisée, important pour le succès chirurgical. Les avantages de cette
détachant le voile du palais vers l’arrière et créant un hiatus qui technique incluent le fait que : les procédures n’élèvent pas le
sera reconstruit avec des lambeaux bilatéraux de buccinateur. Ce mucopérioste et il n’y a aucune bande attachant le maxillaire
lambeau est vascularisé par l’artère buccinatrice, une branche de supérieur à la paroi pharyngée postérieure comme dans l’utili-
l’artère maxillaire interne. Le lambeau est prélevé dans la partie sation des lambeaux pharyngés postérieurs. La palatoplastie de
centrale de la joue, au-dessous de la papille parotidienne Furlow peut aussi éviter les problèmes d’obstruction des voies
incluant la pleine épaisseur du muscle buccinateur. Le premier aériennes en postopératoire. Aucune complication chirurgicale
lambeau levé est suturé avec la surface de la muqueuse vers le comme l’hémorragie postopératoire, la nécrose de lambeau, des
haut dans la partie nasale du defect. L’autre lambeau est suturé fistules oronasales ou des problèmes d’obstruction n’a été
avec la partie muqueuse vers le bas dans la partie orale du identifiée. L’effet à long terme est inconnu. Il y a eu quelques
defect. Les sites donneurs sont fermés directement par rappro- cas de détérioration de la fonction vélopharyngée. Il semble que
chement du muscle buccinateur restant. Le lambeau est visible les végétations adénoïdes subissant une involution aient
comme une île de muqueuse à la jonction du palais dure et du déterminé une détérioration de la fermeture vélopharyngée. [38]
palais mou. Ses avantages par rapport aux techniques les plus Pharyngoplasties
utilisées actuellement (lambeau pharyngé postérieur et sphinc-
téroplastie) sont : la fiabilité du lambeau bien établie, la Les pharyngoplasties sont des techniques chirurgicales qui
technique du prélèvement bien codifiée, l’absence de rhinolalie agissent uniquement au niveau des parois pharyngées, latérales
fermée postopératoire. Son avantage par rapport aux techniques et postérieures avec un double but : diminuer les diamètres de
préexistantes de push-back est que le palais est allongé sans l’oropharynx, particulièrement au niveau des gouttières latérales
aucune exposition de mucopérioste. En outre, la muqueuse rhinopharyngées, et créer un bourrelet au niveau de la paroi
palatine et nasale est remplacée par la muqueuse adjacente pharyngée postérieure. Deux grands types de pharyngoplasties
orale, permettant une cicatrisation sans contracture. ont été décrits : statique et dynamique.
Une autre technique de véloplastie toujours utilisée est la Pharyngoplastie statique ou d’augmentation. Il s’agit des
palatoplastie décrite par Furlow. Dans un palais anatomique- techniques d’implantation, dans la paroi pharyngée postérieure,
ment normal, les fibres musculaires de la partie centrale des de matériaux divers destinés à réduire la distance entre le voile
muscles élévateurs sont dans une position transversale. [27] Sa mou et la paroi pharyngée. Les matériaux inertes (Silicone®,

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

Figure 6. Technique Furlow.


A. Lambeaux muqueux du côté oral.
B. Lambeaux muqueux du côté nasal.
C, D. Fermeture des lambeaux nasaux.
E, F. Fermeture des lambeaux oraux.
D’après Chen PK, Jorie TH, Chen YR, Noordhoff MS. Correction of secondary velopharyngeal insufficiency in cleft palate patients with the Furlow palatoplasty.
Plast Reconstr Surg 1994;94:933.

Téflon®) ont été abandonnés en raison des complications ou de obstructive du sommeil, d’asthme et également dans les cas
leur effet à long terme. Les matériaux organiques (graisse, d’insuffisance vélopharyngée « syndromique » pour lesquels le
cartilage, collagène) sont d’utilisation limitée. Le principal clinicien peu avoir des réserves vis-à-vis d’un lambeau pharyngé.
reproche est la résorption à long terme. L’implantation de Pharyngoplasties dynamiques ou sphinctéroplastie. Les
cartilage costal garde quelques indications. La technique est sphinctéroplasties sont des techniques chirurgicales qui ont
assez simple. L’implantation est réalisée au niveau du point de comme projet la reconstitution d’un véritable sphincter oro-
contact du voile sur la paroi pharyngée postérieure qui est pharyngé de dimension réduite. Hynes [40] a décrit la première
déterminé en préopératoire. En cas d’implant solide, une simple intervention chirurgicale qui vise la création d’un nouveau
incision transversale est réalisée sur la paroi pharyngée posté-
sphincter. Un lambeau musculaire qui contient les muscles
rieure, la muqueuse est décollée et l’implant est introduit dans
salpingopharyngé, palatopharyngé et une partie du constricteur
le fourreau muqueux. L’incision est ensuite suturée. En cas
supérieur est transplanté et inséré dans un defect créé dans la
d’injection, celle-ci est réalisée au même endroit et la quantité
injectée est modulée en fonction de l’hiatus vélopharyngé. paroi pharyngée postérieure. Cette technique n’est pas une
Les auteurs utilisant comme matériel d’implantation le véritable pharyngoplastie dynamique. Elle est surtout un simple
cartilage costal homologue [39] ont souligné les avantages de épaississement postérieur statique. Orticochea est le premier qui
cette technique : il n’y a aucune modification de la voie a présenté le concept d’un sphincter dynamique avec le voile
aérienne nasale, de la physiologie du nasopharynx ou du antérieur, les parois pharyngées latéralement et le constricteur
mécanisme vélopharyngé. Les autres techniques restent une supérieur sur la paroi pharyngée postérieure. [41] Il réalise une
option si un résultat satisfaisant n’a pas été obtenu, le matériel transposition du muscle pharyngostaphylin inclus dans le pilier
d’implantation est aisément disponible et il y a peu d’infection postérieur de l’amygdale. L’entrecroisement et la suture des
et de résorption comparé à d’autres matériels. Cette technique piliers homologues sur la ligne médiane crée un véritable
peu invasive est souvent indiquée dans un contexte d’apnée sphincter dynamique (Fig. 7). Des différences importantes par

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

Figure 7. Technique de pharyngoplastie, Orticochea.


A. Tracé des lambeaux latéraux et postérieurs.
B. Mouvements des lambeaux. Les lambeaux latéraux sont amenés en dedans tandis que le lambeau
pharyngien postérieur est décollé en avant.
C. Suture des lambeaux. À la fin de ce temps, il reste trois orifices : l’un médian, deux latéraux.
D. Vue terminale après fermeture spontanée des orifices latéraux.
D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y, Morgon A, Freyss G. Pathologie fonctionnelle du voile du
palais et sa réhabilitation. Rapport de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie
cervicofaciale, 1978.

rapport à la technique de Hynes sont décrites. [42] Première- être modifiés pour s’adapter au besoin de chaque patient. Le
ment, l’insertion des lambeaux sur la paroi pharyngée posté- chirurgien détermine le niveau auquel le sphincter est créé. Un
rieure se fait beaucoup plus bas, au-dessous de site normal de lambeau unilatéral peut être utilisé dans le cas des patients avec
fermeture vélopharyngée. Deuxièmement, sur la paroi pharyn- une fermeture vélopharyngée asymétrique. Idéalement, le
gée postérieure, est réalisé un lambeau à charnière inférieure où niveau du sphincter doit être placé là où le voile entre en
les lambeaux latéraux sont suturés. En outre, Orticochea utilise contact avec la paroi pharyngée postérieure, en se basant sur les
cette technique systématiquement dans tous les cas de fente images latérales de la vidéofluoroscopie. Les études de Moss et
palatine, 6 mois après la réparation du palais dur. al. [45] et de Riski et al. [46] ont suggéré que la pharyngoplastie
Variantes techniques. Les variantes de pharyngoplasties sont d’Orticochea n’a pas donné initialement de très bons résultats
extrêmement nombreuses. parce que le sphincter était placé au-dessous du niveau présumé
Riski [43] utilise la technique d’Orticochea mais il fixe les de contact entre le palais et la paroi postérieure pharyngée.
lambeaux sur la paroi pharyngée postérieure beaucoup plus Riski [43] a obtenu 93 % de résolution de la rhinolalie ouverte
haut dans le nasopharynx, au niveau de la fermeture vélopha- quand les lambeaux ont été fixés au niveau du point de contact
ryngée. Une modification significative de la technique d’Ortico- vélopharyngé et 62 % de résolution quand le sphincter a été
chea a été rapportée par Jackson et Silverton. [44] Ils ont décrit créé au-dessous de ce point.
deux lambeaux bilatéraux à charnière supérieure qui contien- Il est très difficile de conclure au sujet de la méthode la plus
nent les piliers postérieurs amygdaliens et incorporent aussi les efficace car il n’existe pas de protocole d’évaluation préopéra-
muscles palatopharyngiens. Les auteurs considèrent que l’utili- toire standardisé et d’évaluation homogène des résultats. À
sation du petit lambeau pharyngé postérieur d’Orticochea l’exception de quelques études, le succès chirurgical a générale-
positionne le sphincter trop bas et trop en arrière. Ils proposent ment été défini en termes imprécis « d’amélioration » contre « la
aussi de suturer les lambeaux latéraux l’un à l’autre sur la ligne résolution complète » et sans avoir une rhinolalie fermée. Selon
médiane. Cette technique permet d’assurer un positionnement la technique utilisée, le taux de « succès » varie entre 50 % et
plus haut des deux lambeaux latéraux. 91 %. [44, 46-49]
Orticochea [21] décrit les facteurs influençant le succès de la Complications. Les complications postopératoires après
sphinctéroplastie : le degré de l’insuffisance et la mobilité du sphinctéroplastie (lâchage de suture, hémorragie) sont rares, peu
sphincter, l’âge du patient (plus efficace pour les patients graves et souvent liées à des défauts techniques. Dans la
jeunes) ; la compliance à la rééducation orthophonique ; la littérature, on ne trouve pas beaucoup de références au sujet de
langue elle-même (quelques langues ont beaucoup de phonèmes l’obstruction des voies aériennes après une sphinctéroplastie.
nasaux, par exemple le français) ; les dimensions du pharynx. Witt et al. [47] ont démontré que cette complication peut
Un des avantages de la sphinctéroplastie est sa flexibilité. [36] La apparaître après une sphinctéroplastie mais pour une catégorie
largeur, la longueur et la position des lambeaux latéraux ainsi de patients considérés comme à « haut risque » de développer
que le degré de superposition des lambeaux transposés peuvent des troubles respiratoires en postopératoire. Ces patients sont

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

Figure 8. Technique de vélopharyngoplastie, temps pharyngien.


A. Tracé du lambeau pharyngien postérieur à pédicule supérieur.
B. Section de la muqueuse, de la musculeuse et de la fibreuse externe du pharynx ; décollement du
lambeau du plan prévertébral.
C. Taille du lambeau pharyngé.
D. Suture du pharynx (facultative).
D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y, Morgon A, Freyss G. Pathologie fonctionnelle du voile du
palais et sa réhabilitation. Rapport de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie
cervicofaciale, 1978.

contre-indiqués pour le lambeau pharyngé postérieur mais sont Variantes techniques. Hogan [52] a introduit le concept de
des candidats potentiels pour la sphinctéroplastie. « contrôle » des orifices latéraux. Il a décrit un lambeau pha-
Un problème particulièrement discuté dans la littérature est ryngé postérieur suturé sur le voile et le placement de deux
celui de la mobilité postopératoire du sphincter. Witt et al. [50] cathéters de 4 mm d’un côté et de l’autre de ce lambeau pour
ont retrouvé une différence de mobilité postopératoire du calibrer les deux orifices latéraux. Shprintzen [53] a introduit le
sphincter quantifiable et significative. Les résultats fonctionnels concept de tailoring du lambeau pharyngé postérieur qui est
sont corrélés avec la mobilité du sphincter. Les patients qui mesuré et taillé en fonction du degré de mouvement des parois
présentent, en vidéofluoroscopie, un degré de fermeture de plus pharyngées latérales. Une des dernières techniques proposées
de 64 %, ont un très bon résultat fonctionnel postopératoire. actuellement est celle de Johns [54] qui consiste en un lambeau
Ceci est confirmé par d’autres études. [51] L’auteur explique ce
pharyngé postérieur à charnière supérieure (Fig. 11). La diffé-
fait par l’action différente musculaire : dans une position
rence vient de son raccordement au voile. Une incision trans-
anatomique normale, le muscle palatopharyngien agit comme
versale en pleine épaisseur est faite dans la partie postérieure du
un antagoniste des muscles élévateurs. Quand il est transposé,
les muscles élévateurs actionnent sans antagonisme et donc ont voile approximativement 1,5 à 2 cm en avant de la partie
une action plus importante. distale du voile. Le lambeau est passé alors dans cet espace et
fixé sur la base prenant le voile en « sandwich ».
Vélopharyngoplasties Comme pour la pharyngoplastie, les résultats de vélopharyn-
Ce sont des interventions qui agissent sur toutes les compo- goplastie sont variables selon la technique avec un taux de
santes du sphincter vélopharyngé associant au recul vélaire un succès maximal de 98 %. En général, le taux de succès, en
verrouillage de celui-ci par un lambeau pharyngé et un rétrécis- termes d’amélioration, est autour de 80 %. [55-59] Les auteurs qui
sement de l’orifice vélopharyngé. L’allongement du voile est ont utilisé les deux types de lambeaux (à charnière supérieure
assuré par la méthode classique du push-back. Le lambeau ou inférieure) n’ont pas retrouvé de différences entre les deux
pharyngé postérieur a pour but de retenir et de verrouiller le techniques. Utilisant la technique de lambeau postérieur en
voile vers l’arrière. Le plus souvent, on utilise un lambeau « sandwich », tous les patients ont bénéficié d’une amélioration
vertical : à pédicule inférieur dérivé de la technique de Rosen- de la rhinolalie ouverte et de la mimique faciale et 87 % ont
thal et à pédicule supérieur dérivé de la technique de obtenu une résonance postopératoire normale. [54]
Sanvenero-Roselli. Le plus utilisé actuellement est le lambeau à Complications. L’obstruction des voies aériennes est une
pédicule supérieur. La technique comporte trois temps chirurgi- complication bien reconnue avec une incidence d’environ
caux principaux : réalisation du lambeau pharyngé postérieur à
10 %. [60-62] En postopératoire immédiat, les patients peuvent
pédicule supérieur (Fig. 8), temps palatin qui a pour but
présenter des troubles respiratoires obstructifs mais la majorité
d’obtenir un recul maximal du voile (Fig. 9) et mise en place
des symptômes disparaissent à moyen terme. [63-65] Dans chaque
des lambeaux (Fig. 10).

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

Figure 9. Technique de vélopharyngoplastie, temps vélaire.


A. Incision de la muqueuse vélaire.
B. Découverte de la muqueuse nasale et isolement des pédicules.
C. Section de la muqueuse nasale.
D. Dissection du péristaphylin externe.
E. Section de la berge postérieure du canal palatin postérieur et section des crochets ptérygoïdiens.
F. Libération de l’aponévrose palatine.
D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y, Morgon A, Freyss G. Pathologie fonctionnelle du voile du palais et sa réhabilitation. Rapport de la Société française
d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervicofaciale, 1978.

étude, un petit pourcentage de patients a démontré un degré tive du mouvement des parois pharyngées latérales vers la ligne
d’obstruction suffisamment sévère pour déterminer une révision médiane. Les patients dont l’activité est limitée en préopératoire
chirurgicale. [66] Les autres complications sont rares, plus ou ont retrouvé en postopératoire une augmentation de cette
moins importantes. Les hémorragies sont rares mais elles activité, meilleure en présence d’un lambeau étroit qu’en
peuvent nécessiter une reprise ou une transfusion. Le décolle- présence d’un lambeau large. Au contraire, chez les patients
ment secondaire du lambeau palatin est un incident bénin. La présentant une activité des parois pharyngées latérales pronon-
pression linguale suffit pour sa réapplication spontanée en cée en préopératoire, le lambeau a créé un obstacle et l’activité
quelques jours. Le lâchage de sutures au niveau du lambeau a diminué, surtout en présence d’un lambeau large. Vande-
pharyngé est lié souvent à une faute technique conduisant à voort [68] a étudié le degré de rétraction postopératoire du
l’échec de l’opération et nécessitant une reprise chirurgicale. La lambeau et son effet sur le résultat fonctionnel. Il a montré que
perforation résiduelle antérieure après incision de Wardill et en le lambeau se rétracte et ne mesure, à 6 mois postopératoires,
cas de fente osseuse allant jusqu’au foramen incisif nécessite qu’environ 45 % de la largeur de la paroi pharyngée postérieure.
une reprise après l’éruption des incisives permanentes. Son étude a démontré qu’il n’y avait aucun rapport entre la
Un des problèmes très discutés concernant la vélopharyngo- largeur du lambeau résiduel et les résultats fonctionnels.
plastie est le principe de tailoring. Depuis que Shprintzen a lancé L’explication la plus probable est l’adaptation des mouvements
ce concept, plusieurs auteurs l’ont testé est ont obtenu de bons de la paroi pharyngée latérale à la largeur du lambeau. Ces deux
résultats, mais d’autres études ne le confirment pas. [48] Kar- dernières études suggèrent qu’il n’est pas nécessaire de tailler
ling [67] a étudié l’adaptation de mouvement des parois pharyn- très précisément le lambeau en fonction des mouvements de la
gées latérales après la mise en place d’un lambeau pharyngé paroi pharyngée latérale et le principe de tailoring n’est donc pas
postérieur. Il a montré une adaptation statistiquement significa- fondamental pour tous les auteurs.

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

Figure 10. Technique de vélopharyngoplastie, mise en place des lambeaux.


A. Suture vélopharyngée.
B. Suture latérale de la muqueuse palatine.
C. Aspect du pharynx 1 mois après l’intervention.
D’après Guerrier Y, Charachon R, Dejean Y, Morgon A, Freyss G. Pathologie fonctionnelle du voile du palais et sa réhabilitation. Rapport de la Société française
d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervicofaciale, 1978).

Indication thérapeutique
Le choix de la technique chirurgicale est difficile. Lors de la
phonation, le voile et les parois pharyngées latérales se dépla-
“ Point fort
cent de manière synchrone à un niveau spécifique pour séparer
les cavités orale et nasale. Le voile du palais se déplace vers le Indications du traitement chirurgical.
haut et en arrière pour prendre contact avec la paroi postérieure Véloplastie : défaut de fermeture < 5 mm, fente palatine
pharyngée au niveau de l’arc antérieur de C1. Le lambeau opérée ou fente sous-muqueuse, mouvement des parois
pharyngé postérieur détermine une occlusion de la partie pharyngées latérales normal.
centrale de l’isthme vélopharyngé. Quand il est nécessaire de Pharyngoplastie statique : maladies neurologiques,
séparer les cavités buccale et nasale, la contraction des parois syndromes complexes (rééducation difficile et trouble de
pharyngées latérales vient fermer les deux orifices latéraux créés motilité vélaire et pharyngée).
par la mise en place des lambeaux pharyngés. Logiquement, Pharyngoplastie dynamique : longueur et mobilité du
l’indication du lambeau pharyngé postérieur est l’association voile normales ; mouvement des parois pharyngées
d’un palais court et/ou hypomobile et d’un bon mouvement des
latérales limité.
parois pharyngées latérales. Le transfert musculaire est fait pour
rétrécir l’isthme vélopharyngé, produisant un sphincter dyna- Vélopharyngoplastie : voile du palais court +/-
mique. Cela permet à un voile du palais de longueur adéquate hypomobile ; mouvement de parois pharyngées latérales
et avec une bonne mobilité de s’élever. Cette technique est la normal.
plus appropriée chez les patients ayant des défauts de fermeture
latéraux du sphincter vélopharyngé en raison d’un mouvement
latéral pharyngé limité. Ce protocole thérapeutique est condi-
tionné par l’analyse sémiologique. La sélection des patients doit est assez subjective et basée sur la taille des amygdales et sur
être rigoureuse et en concordance avec les composantes défici- l’interférence de la fermeture vélaire. Les amygdales en place
taires du sphincter vélopharyngé et leur dégré de participation permettent de préserver le pilier postérieur amygdalien, qui est
dans la fermeture du sphincter. Ces critères sémiologiques sont utilisé pour créer les lambeaux dans la technique de sphincté-
obtenus en préopératoire pendant le bilan avec fibroscopie roplastie. En revanche, les amygdales peuvent obstruer les
nasopharyngée et vidéofluoroscopie. D’autres auteurs [69] orifices pharyngés latéraux, donc une amygdalectomie est
concluent dans leurs études que le choix idéal de la procédure souvent recommandée quand il existe une hypertrophie
n’est pas standardisé. Ces auteurs ont utilisé des critères notoire. Ce geste devra être pratiqué avec beaucoup de soin afin
endoscopiques de sélection préopératoires et leurs résultats ont de préserver les piliers postérieurs.
été comparables avec ceux des autres études qui n’ont pas
Autres considérations
utilisé ces critères.
Un autre facteur à considérer dans le planning préopératoire
Considérations préopératoires est l’obstruction respiratoire. Le placement d’un lambeau
pharyngé augmente le degré d’obstruction nasale et peut
Amygdalectomie et adénoïdectomie
aggraver une apnée du sommeil préexistante. Ceci est particu-
La nécessité de l’amygdalectomie et/ou de l’adénoïdectomie lièrement critique dans le syndrome de Pierre Robin ou syn-
est discutée. Dans le cas de pharyngoplastie, l’adénoïdectomie drome de Stickler, quand la rétrognathie peut entraîner une
facilite le placement des lambeaux latéraux pharyngés. Une obstruction des voies respiratoires. Ces patients sont considérés
contre-indication d’adénoïdectomie rend la suture des lambeaux à haut risque de développer une apnée obstructive du som-
à la paroi pharyngée postérieure très difficile. En général, le tissu meil. [47] L’examen pendant la période immédiate postnatale
adénoïdien a régressé à l’âge de l’indication chirurgicale. aussi bien que la présence d’anomalies congénitales peuvent
Les indications de l’amygdalectomie préopératoire varient et fournir des informations importantes prédictives quant au
sont dépendantes du degré d’obstruction. Cette considération potentiel des complications respiratoires après la chirurgie.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-310 ¶ Chirurgie de l’insuffisance vélaire

Figure 11. Techniques de Johns.


A. Lambeau pharyngé postérieur à pédicule supérieur et incision du voile (2 cm de la berge antérieure).
B. Le lambeau pharyngé postérieur est passé par l’incisure créée dans le voile.
C. Placement des sutures dans le lambeau qui va être roulé sur lui-même prenant en « sandwich » le voile démucosé.
D. Lambeau pharyngé en place suturé sur lui-même.
E. Incision très superficielle du lambeau pharyngé au niveau où il passe par l’incisure créée dans le voile mou.
F. Suture entre le lambeau pharyngé et le voile mou.
D’après Johns DF, Cannito MP, Rohrich RJ, Tebbetts JB. The self lined superiorly based pull-through velopharyngoplasty : plastic surgery-speech pathology
interaction in the management of velopharyngeal insufficiency. Plast Reconstr Surg 1994;94:436-445.

D’autres enfants avec des antécédents de difficultés respiratoires


et/ou d’alimentation périnatales sont particulièrement prédis-
posés à cela et les parents doivent être informés qu’une apnée “ Point fort
obstructive du sommeil aiguë pourrait apparaître en postopéra-
toire. Dans de tels cas, on pratique une pharyngoplastie plutôt À ne pas oublier en préopératoire.
que des lambeaux pharyngés. • Contrôler la taille des amygdales et des végétations ;
La situation anatomique des artères carotides internes peut décider si l’amygdalectomie ou l’adénoïdectomie sont
également créer un problème, particulièrement chez les patients nécessaires.
avec VCFS. Dans ce cas, l’artère carotide peut prendre une • Les antécédents familiaux d’insuffisance vélopharyngée
position plus médiane et il existe alors un risque de blessure ou de rhinolalie ouverte, les troubles d’alimentation ou
pendant la chirurgie pharyngée. L’évaluation préopératoire respiratoires néonataux, le syndrome d’apnée du sommeil
tomodensitométrique ou l’angiographie IRM peuvent clarifier
peuvent déterminer différents degrés d’obstruction
cette situation.
respiratoire en postopératoire.
• Si l’insuffisance vélopharyngée est associée à un
Particularités syndrome vélo-cardio-facial : réaliser une IRM pour
Insuffisance vélopharyngée après amygdalectomie déterminer le positionnement des artères carotides.
Une fente palatine sous-muqueuse est diagnostiquée chez
10-30 % des patients ayant une insuffisance vélopharyngée
postadénotonsillectomie. Le bilan complémentaire permet de qui n’ont pas été reconnues initialement et qui représentent
diagnostiquer d’autres maladies principalement neurologiques une cause réelle de l’insuffisance vélopharyngée postopéra-

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’insuffisance vélaire ¶ 46-310

toire. [70] Chez ces patients, le bilan orthophonique exige une


évaluation précise de la dysphagie ou de la dysphonie qui ne
peuvent pas être améliorées par la chirurgie.
Maladies neurologiques
Dans les insuffisances vélopharyngées d’origine neurologique,
les résultats fonctionnels sont très variables. Les auteurs
soulignent l’importance de la sélection des patients. [48] Dans le
cadre de l’insuffisance vélopharyngée neurogène, la mobilité
limitée des lèvres et de la langue a une influence très négative.
Par ailleurs, ceci va rendre la rééducation plus difficile.
Patients « syndromiques »
Dans la littérature, on trouve de nombreuses références
concernant le syndrome vélo-cardio-facial. [36, 71-73] Les résultats
rapportés sont contradictoires et variables. Les patients « syn-
dromiques » associant variations anatomiques, dysfonctionne-
ment neuromusculaire, surdité, retard de développement
psychomoteur ont naturellement une prise en charge beaucoup Figure 12. Type d’ostéotomie proposé pour la distraction osseuse chez
plus complexe. Compte tenu des résultats médiocres dans ces l’homme. D’après Carls FR, Jackson IT, Topf JS. Distraction osteogenesis
cas, la pharyngoplastie statique, qui ne nécessite pas une for lengthening of the hard palate : Part I . A possible new treatment
participation motrice du sphincter vélopharyngé, est concept for velopharyngeal incompetence. Experimental study in dogs.
recommandée. [39] Plast Reconstr Surg 1997 : 1635-47.

Échecs chirurgicaux séquence thérapeutique doit être : rééducation-chirurgie-


La plupart des articles relatent des échecs de pharyngoplasties rééducation. Concernant le traitement chirurgical, les techni-
concernant les lambeaux pharyngés, [74-76] tandis que très peu ques les plus utilisées sont la vélopharyngoplastie par lambeau
rapportent des échecs de sphinctéroplastie. [77] La plupart des pharyngé postérieur à pédicule supérieur, et différentes variantes
rapports contiennent très peu de cas. L’attitude commune est la de sphinctéroplastie. Les deux techniques ont donné de bons
reprise de la procédure initiale. [78, 79] Les causes identifiées [80] résultats. Le lambeau pharyngé postérieur est une technique
sont : l’indication incorrecte, un défaut technique (lambeau trop facile et la taille du lambeau peut être adaptée ; le principe de
étroit, trop bas, trop long ou asymétrique), les antécédents tailoring est discuté ; des complications postopératoires sont plus
familiaux de voix nasonnée sans fente palatine, une évaluation fréquemment rapportées, incluant des cas d’apnée obstructive
préopératoire incomplète. [48] Il faut aussi considérer que le du sommeil. La sphinctéroplastie est une technique flexible ;
résultat ne dépend pas uniquement de la taille du défaut de elle a peu de complications postopératoires et l’apnée obstruc-
fermeture vélopharyngée. La position de la langue, la taille des tive du sommeil est exceptionnelle. La sélection des patients
autres structures anatomiques faciales [81] et le synchronisme pour une technique est difficile. Les indications schématiques
déficitaire de la fermeture [82] ont une influence. sont les suivantes :
• les patients jeunes avec un défaut de fermeture inférieur
Nouvelles techniques à 5 mm, de bons mouvements des parois pharyngées latéra-
les, des antécédents de fente palatine opérée ou fente sous-
La distraction osseuse a été appliquée au maxillaire inférieur
muqueuse sont de bonnes indications pour la technique de
et supérieur dans plusieurs études animales ou humaines. Ce
Furlow ;
nouveau concept a été développé dans le traitement d’insuffi-
• les patients neurologiques, « syndromiques », avec des
sance vélopharyngée basé sur l’allongement du palais dur vers
antécédents périnataux de troubles respiratoires ou d’alimen-
la paroi pharyngée postérieure. Une étude expérimentale [83] a
tation et les patients avec troubles respiratoires obstructifs
été faite chez le chien montrant que l’ostéogenèse par distrac-
sont de bons candidats à la technique d’augmentation de la
tion est possible dans un os mince comme l’os palatin. Une
paroi pharyngée postérieure ;
technique applicable chez l’homme est proposée. Une ostéoto-
• pour les patients qui ont un défaut de fermeture supérieur
mie palatine séparerait le processus ptérygoïde de la tubérosité
à 5 mm, le choix entre le lambeau postérieur et la sphincté-
maxillaire comme dans l’ostéotomie de type Lefort I (Fig. 12).
roplastie dépend de la composante de la valve vélopharyngée
La partie caudale du processus ptérygoïde avec le crochet et la
déficitaire (voile ou parois pharyngées latérales ou les deux).
partie latérale du voile du palais ainsi que la musculature
D’autres facteurs peuvent influencer les résultats : l’âge,
pourraient être déplacées vers l’arrière. Si la distraction est
l’intégrité et les dimensions d’autres structures anatomiques,
envisagée chez des patients avec une fente palatine opérée, une
la capacité du patient à corriger les troubles de l’articulation,
tomodensitométrie 3D préopératoire est nécessaire dans le but
la richesse phonétique du langage.
de déterminer la position et les dimensions du défaut palatin
Les perspectives sont les suivantes : mieux connaître la
central. La conception des ostéotomies serait modifiée en
physiologie du sphincter vélopharyngé pour mieux adapter le
conséquence. Pour empêcher la souffrance de la muqueuse
traitement ; une nouvelle exploration d’avenir est l’IRM en
palatine, les vaisseaux palatins doivent être préservés, la
fenêtres rapides ; la tendance actuelle est de développer de
muqueuse ne doit pas être comprimée par le dispositif et la
nouvelles techniques « minimales » mieux ciblées. La distraction
distraction doit être lente. Chez l’homme, le dispositif peut être
osseuse du palais, encore expérimentale, est une des possibilités
fixé aux dents par des bagues orthodontiques selon l’âge du
qui doit être évaluée en clinique.
patient et son état dentaire. Les bénéfices possibles de cette
procédure seraient une chirurgie simple, l’absence de complica-
tions et de lésions cicatricielles du voile, la possibilité de
contrôle précis de la position du voile pour obtenir un résultat
■ Références
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Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


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A.-N. Naiman.
F. Disant (francois.disant@chu-lyon.fr).
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Hôpital Édouard Herriot, 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Naiman A.-N., Disant F. Chirurgie de l’insuffisance vélaire. EMC (Elsevier SAS, Paris), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-310, 2006.

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


¶ 46-320

Chirurgie de l’oropharynx
(buccopharyngectomies)
Y. Mallet, J.-L. Lefebvre

Les cancers de l’oropharynx surviennent chez des patients généralement en mauvais état général et sont
régulièrement diagnostiqués tardivement. Par conséquent, les traitements entrepris sont lourds avec une
place prépondérante pour la chirurgie lorsque le patient est opérable et la tumeur résécable. Les
buccopharyngectomies sont bien codifiées et ne justifieraient pas à elles seules un énième article. En
revanche, les techniques de reconstruction se sont considérablement développées. La pensée chirurgicale
qui précède l’éventuel geste de reconstruction s’appuie sur une approche méthodique dans l’indication et
le choix du lambeau, ce que nous développerons. L’environnement de ce geste s’est profondément
modifié. Ces gestes complexes sont encadrés par une prise en charge de plus en plus pointue de l’état
général du patient. De plus, ils s’insèrent dans un plan de traitement associant une radiothérapie souvent
couplée à une chimiothérapie dont les modalités ont, là aussi, fortement évolué cette dernière décennie.
La buccopharyngectomie et sa reconstruction sont essentielles dans la panoplie du chirurgien oncologue
offrant à nos patients les meilleures chances de guérison dans des conditions acceptables.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cancer oropharyngé ; Buccopharyngectomies ; Chirurgie reconstructrice

Plan améliorations techniques de la radiothérapie (modifications du


fractionnement), il est important de noter que de nouvelles
¶ Introduction 1 molécules, en particulier en thérapies moléculaires ciblées, sont
susceptibles de s’inscrire durablement en traitement des cancers
¶ Généralités 1 épidermoïdes de l’oropharynx. Si la recherche clinique tente de
Préparation du patient 2 définir les nouveaux protocoles de prise en charge de ces
Installation 2
cancers, la chirurgie garde un rôle important (en traitement
Trachéotomie 2
initial ou en rattrapage) avec une efficacité carcinologique
Curages cervicaux, place du ganglion sentinelle 2
incontestable tout en respectant les fonctions essentielles du
Soins postopératoires 2
carrefour oropharyngé.
Chirurgie en terrain irradié 2
¶ Buccopharyngectomies transmandibulaires 2
Buccopharyngectomie transmandibulaire non conservatrice
(« COMposite resection with MANDibulectomy Operation » :
■ Généralités
COMMANDO) 2
Cet article se propose de décrire les principales techniques
Buccopharyngectomies transmandibulaires conservatrices
documentées avec leurs indications actuellement bien codifiées.
(« mandibular swing ») 7
Une des principales difficultés rencontrées dans la chirurgie
¶ Autres approches chirurgicales 8 oropharyngée est la définition du volume tumoral pour en
Voile 9 déduire la zone à réséquer et par-là même la voie d’accès qui
Paroi pharyngée postérieure 9 assurera la qualité de l’exposition tumorale, difficile dans cette
Loge amygdalienne 9 région profonde des voies aérodigestives supérieures. Il est par
¶ Conclusion 9 conséquent impératif d’effectuer un bilan préopératoire exhaus-
tif de la tumeur (type histologique, extension locorégionale,
recherche de localisations secondaires essentiellement pulmo-
naires). Ce bilan concerne aussi le patient (bilan général,
■ Introduction notamment nutritionnel, recherche de localisations synchrones,
état buccodentaire). L’ensemble des éléments du bilan est
Le traitement des cancers de l’oropharynx a connu au cours discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire afin de
des deux dernières décennies des évolutions notables. En ce qui déterminer si le patient est opérable, si la tumeur est résécable
concerne la chirurgie, les techniques de réparation sont arrivées et si la chirurgie est le traitement de choix pour ce cas particu-
à maturité avec en particulier l’apport des transplants libres lier. Si la chirurgie est retenue, il faut ensuite définir sa place
permettant des exérèses plus larges, des exérèses dans le terrain dans la séquence thérapeutique puis ses modalités techniques
irradié dans de meilleures conditions et surtout des réhabilita- (voie d’abord, étendue de la résection, techniques de réparation
tions fonctionnelles plus satisfaisantes. En parallèle avec les le cas échéant). L’ensemble de ces éléments doit être clairement

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-320 ¶ Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies)

expliqué au patient. Cette discussion se fait à l’aune des Les curages sont régulièrement effectués avant l’exérèse
référentiels en cours ou des éventuelles études cliniques oropharyngée. Il est parfois nécessaire d’effectuer les exérèses
ouvertes. monobloc en emportant la pièce et les adénopathies en conti-
Le chirurgien dispose de différentes techniques chirurgicales. guïté immédiate.
Toutefois, l’ensemble de ces interventions présente des temps Le concept de ganglion sentinelle pour les petites tumeurs
communs. (T1, T2) de l’oropharynx sans adénopathie décelable par
l’examen clinique ou l’imagerie en coupe (cN0) est en plein
essor [3]. Compte tenu d’une valeur prédictive négative remar-
Préparation du patient quable (94-96 %) [3-5], cette technique serait susceptible d’éviter
Le principe d’une intervention ayant été retenu et le patient un grand nombre de curages à titre systématique pour les
l’ayant accepté, il convient de s’assurer de sa préparation à cN0 des patients traités pour des cancers limités de l’oropha-
l’intervention. Celle-ci comporte le contrôle des éventuels rynx. Cependant, cette technique, si elle est bien développée
désordres métaboliques (nutritionnels en particulier), la mise en pour les tumeurs de la cavité buccale, est encore en cours
état buccodentaire, l’assurance du sevrage alcoolotabagique. La d’évaluation pour l’oropharynx.
veille et le matin de l’intervention, les habituels soins d’hygiène
corporelle sont vérifiés avant l’admission au bloc opératoire. Soins postopératoires
Les drains aspiratifs sont retirés s’ils ont donné moins de
Installation 50 ml au cours des 24 dernières heures. L’antibiothérapie à visée
prophylactique est délivrée dès la prémédication et stoppée le
Le malade est installé sur la table opératoire en décubitus
lendemain de l’intervention (j1). Le patient est décanulé dès
dorsal. Il est intubé par voie classique (voie trachéale ou
qu’il tolère correctement la canule bouchée 24 heures d’affilée.
nasotrachéale) et l’anesthésie générale est conduite sous
La rééducation orthophonique est débutée à j5. La reprise de
ventilation contrôlée. Une sonde nasogastrique siliconée, de
l’alimentation a lieu aux alentours de j8. La sonde nasogastrique
petit diamètre, est placée de façon systématique et laissée en
est retirée dès que l’apport hydrique et calorique per os est jugé
siphonage durant l’intervention. Elle peut être fixée au seuil
suffisant.
narinaire à l’aide d’un fil. Elle est maintenue en place jusqu’à
la reprise d’une alimentation orale. Une sonde urinaire peut être
posée en fonction des antécédents du patient et de la durée Chirurgie en terrain irradié
prévisible de l’intervention. Les champs doivent être positionnés
en fonction des gestes à entreprendre. Les chirurgies de rattrapage ou pour une deuxième localisa-
tion métachrone sont désormais fréquentes après radiothérapie
exclusive ou radiochimiothérapie. Les techniques proposées
Trachéotomie dans cet article ne sont pas contre-indiquées dans ce cadre-là.
Cependant les suites opératoires sont plus délicates. En effet les
À l’exception des gestes très limités, l’intervention nécessite
risques d’œdème sont accrus, générateurs d’un rétrécissement de
la réalisation préalable d’une trachéotomie. Elle est justifiée par
la filière retardant la reprise de l’alimentation per os et le retrait
les risques de gêne respiratoire liée à l’œdème postopératoire du
de canule. Il peut exister un réel risque d’échec fonctionnel qu’il
carrefour oropharyngé, les difficultés d’expectoration dans les
faut prendre en compte. Enfin, les complications infectieuses et
suites opératoires immédiates et les possibles fausses routes lors
les souffrances de lambeau sont nettement plus fréquentes. Il est
de la reprise d’une alimentation orale. Le risque d’œdème est
nécessaire de prévenir les patients de ces risques et les informer
majoré en cas de chirurgie en terrain irradié ou de curage
d’une durée d’hospitalisation souvent prolongée [6].
appuyé uni- ou bilatéral. Une incision cutanée est dissociée de
l’incision cervicale des curages. Ceci permet de limiter significa-
tivement les décollements autour de la trachéotomie et donc les
risques d’infection du lit cervical à partir de cet orifice. Une ■ Buccopharyngectomies
sonde de Montendon est le plus souvent mise en place et sera
remplacée en fin d’intervention par une canule de trachéoto-
transmandibulaires
mie. La mise en place d’emblée d’une canule à ballonnet
Avec ou sans interruption de la continuité de l’arc mandibu-
amarrée à la peau permet d’éviter des manipulations trachéales
laire, ces interventions sont régulièrement proposées pour des
au réveil.
tumeurs développées aux dépens de la paroi oropharyngée
latérale.
Curages cervicaux, place du ganglion
sentinelle Buccopharyngectomie transmandibulaire
Les tumeurs oropharyngées ont comme caractéristiques non conservatrice (« COMposite resection
communes d’être très lymphophiles [1], en particulier dans les with MANDibulectomy Operation » :
régions les plus riches en réseau lymphatique, la base de langue COMMANDO)
et la loge amygdalienne [2].
Les différentes techniques d’exérèse tumorale proposées sont Indications
donc de façon quasi systématique associées à un curage cervical
uni- ou bilatéral. Si la lésion rejoint ou franchit une ligne Les indications de la COMMANDO sont essentiellement des
médiane (paroi pharyngée postérieure, voile, base de langue), tumeurs qui prennent naissance dans la loge amygdalienne et
un curage cervical bilatéral est régulièrement effectué. Les aires marquées par une infiltration des muscles masticateurs en
concernées sont : particulier les ptérygoïdiens latéraux et médians rejoignant la
• la région sous-mandibulaire (région Ib de la classification de face interne de l’angle mandibulaire. La tumeur est susceptible
l’American Academy of Otolaryngology – Head and Neck de s’étendre en haut dans le voile, franchir la charnière vélopa-
Surgery) ; latine, rejoindre en dehors la commissure intermaxillaire,
• l’aire sous-digastrique préspinale (région IIa) ; envahir en bas et en avant le sillon amygdaloglosse, le repli
• l’aire sous-digastrique rétrospinale (région IIb) ; amygdaloglosse et la partie postérieure du plancher. Vers la ligne
• l’aire sus-omohyoïdienne (région III) ; médiane, celle-ci est susceptible d’envahir en arrière la paroi
• l’aire sous-omohyoïdienne (région IV) ; pharyngée postérieure et plus en avant la base de langue
• l’aire spinale (région V). (Fig. 1). Il s’agit en règle de tumeurs volumineuses, infiltrantes,

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies) ¶ 46-320

Figure 2. Incision de la lèvre inférieure. 1. Homolatérale à la buccopha-


ryngectomie transmaxillaire ; 2. médiane ; 3. controlatérale à la bucco-
pharyngectomie transmaxillaire.

Figure 1. Buccopharyngectomie transmaxillaire non conservatrice : in-


dications. 1. Siège des points de départ tumoraux ; 2. siège des extensions
tumorales.

inaccessibles à un traitement conservateur de l’arche mandibu-


laire. Ces lésions souvent ulcérées et infiltrantes font préférer la
plupart du temps un traitement chirurgical premier. L’envahis-
sement mandibulaire n’est pas indispensable pour proposer une
résection mandibulaire et il s’agit d’ailleurs d’une situation assez
peu fréquente. Dans la plupart des cas, c’est l’importance de la
tumeur et sa proximité à l’os qui justifient cette voie d’abord
non conservatrice. En terrain prétraité, en particulier après
radiothérapie, cette chirurgie non conservatrice minimise les
risques de complications.

Contre-indications
Figure 3. Section osseuse en décalage avec la section de la muqueuse
Cette intervention ne peut s’inscrire que dans un projet de de recouvrement mandibulaire. Dans le cas d’un mandibular swing,
résection carcinologique in sano. Par conséquent, une tumeur l’émergence et le canal du pédicule alvéolaire inférieur sont soigneuse-
trop étendue dans les espaces parapharyngés, en particulier vers ment préservés. 1. Muqueuse de recouvrement gingival ruginée ;
la base du crâne, remontant dans le rhinopharynx ou infiltrant 2. section osseuse ; 3. pédicule alvéolaire inférieur ; 4. muqueuse de
trop massivement la paroi pharyngée postérieure est une contre- recouvrement gingival.
indication à une intervention chirurgicale. Une extension
massive dans la base de langue franchissant la ligne médiane,
une infiltration profonde du plancher rejoignant les apophyses mandibule. Elle est effectuée à la demande, en fonction de
géni ou une coulée tumorale hypopharyngée débordant la l’importance tumorale. Classiquement, elle est réalisée à hauteur
région des trois replis restent des contre-indications à cette de l’émergence du pédicule mentonnier, respectant ainsi la
intervention. Il est à noter qu’il peut être discuté une bucco- symphyse. Une section plus postérieure peut engendrer des
pharyngectomie transmandibulaire non conservatrice associée à troubles cicatriciels dus à la très mauvaise vitalité de l’extrémité
une laryngectomie totale dans certains cas très sélectionnés [7]. du moignon laissé en place (la partie située en arrière du
foramen mentonnier). Avant section osseuse, la muqueuse de
Technique chirurgicale recouvrement mandibulaire est incisée avec 1 cm de décalage
par rapport au trait de section osseux et décollée afin d’exposer
Exérèse
correctement l’espace de section osseuse (Fig. 3). Cet artifice
Celle-ci a pour objectif d’exposer correctement la tumeur afin permet de réaliser une fermeture muqueuse en décalage avec
que l’opérateur puisse intervenir dans les conditions carcinolo- l’extrémité du moignon mandibulaire, minimisant ainsi les
giques les plus satisfaisantes. Le plus souvent, il s’agit d’une risques d’infection osseuse. La section du mylohyoïdien homo-
incision cutanée de type Sébileau-Carrega démarrant sous la latéral la libère du plancher attenant permettant ainsi une
mastoïde en arrière et s’entendant jusqu’au menton pour bonne mobilisation. En fonction du degré de difficulté de la
remonter sur la lèvre en respectant au mieux les principales résection tumorale, cette hémimandibule peut être entièrement
lignes du visage. À hauteur du menton, l’incision est en général déshabillée et désarticulée séparément de la tumeur ou bien
verticale afin de minimiser les séquelles esthétiques (Fig. 2). S’il l’exérèse peut être faite en monobloc avec la tumeur. Il est
s’agit d’une résection majeure de la mandibule en région également possible de sectionner le col du condyle maintenant
symphysaire (cas exceptionnel), l’incision contourne le menton ainsi l’articulation mandibulaire en place, limitant le saigne-
du côté opposé à la tumeur. Après soulèvement du lambeau ment engendré parfois par la désarticulation.
myocutané, la table externe de la branche horizontale mandi- Ce premier temps permet d’exposer correctement la lésion
bulaire est exposée, permettant ainsi la section antérieure de la afin d’en effectuer l’exérèse dans les meilleures conditions.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-320 ¶ Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies)

Celle-ci nécessite une marge d’exérèse au moins centimétrique


dans toutes les directions. L’exérèse est à la demande en
fonction de l’étendue de la lésion. L’opérateur peut être amené
à démonter une partie conséquente du voile, de la base de
langue, de la langue mobile en arrière, du plancher et de la
paroi oropharyngée latérale. En bas, l’étendue des lésions peut
amener l’opérateur à sectionner l’os hyoïde afin d’effectuer une
exérèse dans les meilleures conditions dans la région des trois
replis, la vallécule et l’épiglotte sus-hyoïdienne. Il peut être
amené à effectuer le nombre de recoupes nécessaire avec au
besoin un examen extemporané pour s’assurer de marges
satisfaisantes. La pièce est adressée au laboratoire d’anatomie
pathologique de manière orientée.
Pour les lésions les plus étendues, il est parfois nécessaire
d’assurer en monobloc l’exérèse de la lésion et des premiers
relais ganglionnaires qui lui sont en continuité. Pour les lésions
les plus limitées, les exérèses de l’angle mandibulaire et de la
tumeur peuvent être faites en monobloc dans d’excellentes
conditions carcinologiques. Dans certains cas bien sélectionnés,
on peut réaliser une voie d’abord dissimulée. Elle correspond à
une simple incision de curage, sans incision labiomentonnière.
Les temps chirurgicaux sont comparables mais l’exposition
oropharyngée après mandibulectomie est strictement latérale et Figure 4. Reconstruction par lambeau grand pectoral ou grand dorsal
non antérolatérale comme décrit précédemment. La voie pédiculé. 1. Langue ; 2. palette cutanéograisseuse ; 3. muscle.
d’abord est par conséquent plus étroite et doit être réservée à
des tumeurs de taille limitée et tout à proximité de l’angle
mandibulaire. Si en cours d’intervention l’exposition n’apparaît
pas idéale, la transformation du geste en un abord classique mandibulaire homolatérale à la reconstruction offre un espace
s’impose. sécurisant pour ces lambeaux assez volumineux, susceptibles de
subir de fortes contraintes mécaniques, aggravées par l’œdème
postopératoire en cas de respect de l’arche mandibulaire. En
mode pédiculé, ces lambeaux se prêtent mal à une reconstruc-
tion haute (voile). Les trois principaux lambeaux sont les

“ Point fort
suivants.
Le lambeau musculocutané pédiculé de grand pectoral est
certainement le plus utilisé dans cet objectif. La palette est
• L’absence d’envahissement de la mandibule ne préjuge dessinée à la demande (cf. infra). Elle doit être assez distale sur
pas de sa conservation le muscle grand pectoral compte tenu de la hauteur à laquelle
• L’incision labiomentonnière n’est pas systématique le lambeau est monté au niveau cervicofacial [8]. Il est posi-
tionné de sorte qu’il puisse assurer la reconstruction des régions
• Les incisions muqueuse et osseuse sont décalées
amputées, en particulier la base de langue et la paroi oropha-
• La désarticulation n’est pas systématique ryngée latérale (Fig. 4). C’est un lambeau fiable dans cette
indication à condition que le pédicule ne soit pas en tension. Il
peut être prélevé en musculaire pur, permettant de reconstruire
dans de bonnes conditions une paroi oropharyngée latérale.
Fermeture par simple rapprochement Il offre également l’opportunité de couvrir les gros vaisseaux
cervicaux. Cependant, la fermeture musculomuqueuse est moins
Pour les exérèses limitées, en particulier pour les lésions de aisée avec risque de mauvaise étanchéité salivaire. Certains
petite taille développées au contact direct de la table interne de auteurs l’ont proposé en lambeau libre, mais la finesse des
la mandibule, la fermeture peut s’effectuer par simple rappro- branches du pédicule acromiothoracique n’est pas très favorable
chement de la muqueuse du plancher de bouche et de celle de pour cette utilisation.
la joue. La laxité des tissus, libérés de l’arche mandibulaire, Le lambeau musculocutané de grand dorsal, pédiculé ou libre,
permet une fermeture aisée avec une mobilité de langue et de est un bon deuxième choix. Ses propriétés sont comparables. En
voile conservée, et une rétraction cutanée en l’absence de mode pédiculé, il est nécessaire que le dessin de la palette
l’angle mandibulaire qui reste modérée. cutanée soit très distal par rapport au pédicule thoracodorsal
afin d’assurer une longueur de pédicule suffisante pour amener
Fermeture avec reconstruction des tissus mous
ce lambeau sans tension en paroi oropharyngée latérale [9-11]. Au
La deuxième option est l’utilisation d’un lambeau dont moindre doute, il est microanastomosé sur les vaisseaux
l’objectif est la reconstruction des tissus mous. Il s’avère cervicaux.
indispensable pour les tumeurs ayant nécessité une exérèse Le lambeau de trapèze est régulièrement utilisé par certains
importante des tissus mous, en particulier au niveau du voile, auteurs [12] dans cette indication. Il est particulièrement utilisé
de la langue et de la paroi oropharyngée. Il s’agit cependant de pour les reconstructions assez basses (base de langue). Ce
lambeaux dont l’inertie ne doit pas entamer le bon fonctionne- lambeau musculocutané pédiculé nécessite le respect du pédi-
ment des tissus préservés, ce qui nécessite une approche cule cervical transverse lors de la réalisation du curage cervical.
méthodique dans le choix et la réalisation de ces lambeaux. La longueur de son pédicule en limite ses indications dans
Lambeaux apportant surface et volume. Ces lambeaux sont l’oropharynx. Le site donneur nécessite le plus souvent une
très régulièrement utilisés par la plupart des équipes. Ce sont greffe de peau. Son prélèvement peut engendrer une limitation
des lambeaux musculocutanés. L’apport en surface cutanée de l’abduction brachiale.
permet de combler de grandes exérèses. L’épaisseur musculaire Lambeaux apportant de la surface. Ces lambeaux sont fins
améliore le résultat esthétique en comblant l’espace de l’angle et permettent de couvrir d’importantes surfaces. Moins classi-
mandibulaire réséqué. Pour les reconstructions de base de ques dans cette indication, ils sont cependant utiles pour des
langue, il offre un volume favorable au 1er temps de déglutition, reconstructions de voiles, des fermetures de communications
minimisant ainsi les séquelles fonctionnelles. La résection buccosinusiennes ou des couvertures palatines. Ce sont des

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies) ¶ 46-320

ostéosynthèse supérieure sur le condyle préservé, ce qui n’est


pas toujours possible. Un simple enfouissement dans la loge de
l’articulation temporomandibulaire de l’extrémité supérieure du
lambeau osseux est insuffisant.
La latérodéviation mandibulaire vers le côté opéré et en
arrière, classique dans les buccopharyngectomies transmandibu-
laires non reconstruites, est insuffisamment corrigée par la
reconstruction seule. Afin de lutter contre cette bascule exercée
par les ptérygoïdiens controlatéraux préservés, il est nécessaire
d’appareiller les patients par une prothèse-guide, assurant la
congruence dentaire en occlusion, ou bien d’effectuer un
blocage bimaxillaire le temps de la cicatrisation.
Type I Type II Type III Il est très régulièrement nécessaire d’apporter un lambeau
composite afin d’assurer la reconstruction des tissus mous, le
Figure 5. Dessin d’une palette cutanée. Type I : unilobé ; type II :
bilobé ; type III : trilobé.
simple rapprochement muqueux étant rendu très difficile par la
restauration de la continuité osseuse. Le lambeau de fibula
composite reste le plus utilisé dans cette indication. Le prélève-
lambeaux adaptés pour des résections étendues vers le haut. Les ment doit cependant être adapté à certaines contraintes propres
principaux lambeaux dans cette indication sont les suivants. à cette reconstruction, les reconstructions latérales étant les plus
Le lambeau antébrachial est régulièrement utilisé dans cette complexes au niveau de la mandibule [16].
indication par certains auteurs [13, 14]. Il apporte un tissu fin et Sous réserve d’un angioscanner des membres inférieurs qui
très facilement conformable. C’est un lambeau libre microanas- révèle une perfusion tibiopéronière de bonne qualité pour
tomosé ayant l’avantage d’apporter une bonne longueur de chacun des membres inférieurs, le choix du côté est important.
pédicule pour ces reconstructions souvent haut situées. Il est aussi en partie dicté par les habitudes du reconstructeur.
Le lambeau fasciocutané temporal peut également être utilisé En général, les ostéosynthèses sont effectuées sur la face
pour la reconstruction des tissus mous dans cette indication. Ses antéroexterne fibulaire, devenant ainsi la face externe de la
propriétés de plasticité et de finesse sont comparables au néomandibule reconstruite. La palette cutanée assure la couver-
lambeau antébrachial. Il présente comme avantage d’être ture osseuse et le comblement des zones d’exérèse. Un prélève-
pédiculé. L’absence de la branche montante du même côté aide ment au membre inférieur controlatéral à la lésion permet la
au bon positionnement de ce lambeau sans tension. Dans sa mise en place aisée de la palette en charnière buccopharyngée,
forme fasciocutanée, il nécessite cependant une greffe de peau si l’on souhaite l’émergence du pédiculaire péronier à hauteur
sur le site donneur qui entame le dessin du cuir chevelu [15].
de la néobranche montante. Un prélèvement homolatéral à la
Le lambeau de fascia temporal superficiel est une alternative
localisation néoplasique permet d’obtenir l’émergence du
intéressante dans cette indication. Elle amende l’opérateur d’une
pédicule en dessous de la portion osseuse assurant la recons-
résection cutanée, gardant ainsi intègre le cuir chevelu. Ce
truction de la portion horizontale mandibulaire tout en assurant
lambeau très fin est approprié à la reconstruction du voile. Ces
une mise en place aisée de la palette en buccopharynx.
lambeaux ne sont pas compatibles avec un évidement cervical
Une autre option est l’émergence du pédicule à partir de la
radical étendu avec ligature de la carotide externe.
portion fibulaire assurant la reconstruction de la branche
Dessin de la palette montante avec la palette en position basse le long de la
néobranche horizontale : c’est le cas d’un prélèvement homola-
Les zones à reconstruire nécessitent un dessin de la palette
téral (Fig. 6). Dans ce cas de figure, la palette peut être basculée
approprié à la reconstruction. Trois zones sont essentiellement
par en dehors pour reconstruire une joue tout en assurant une
concernées par cette reconstruction : la paroi oropharyngée
couverture osseuse (Fig. 6A). Elle peut aussi être basculée par en
latérale, le voile et la base de langue. Selon le nombre de zones
dedans assurant ainsi une reconstruction de plancher tout en
à reconstruire, il peut s’agir d’un lambeau unilobé, bilobé ou
assurant la couverture osseuse (Fig. 6B). Enfin, dans le cas d’une
trilobé (Fig. 5). La répartition du lambeau pour chacune des
résection transfixiante jugale large, le montage osseux peut
zones à reconstruire est proportionnelle à l’importance de la
nécessiter une juxtaposition de deux segments fibulaires,
résection pour chacune d’elles. Dans sa forme bi- ou trilobée, il
chacun porteur d’une palette. Chaque palette assurera ainsi la
offre un périmètre de suture cutanéopharyngé nettement plus
important que dans sa forme unilobée à surface de prélèvement reconstruction des tissus mous de part et d’autre de la recons-
identique. Il procure ainsi aux structures restantes (voile, truction osseuse, d’une part cutanée et d’autre part muqueuse
langue) un plus grand degré de liberté. Les tissus assurant la (Fig. 6C).
perfusion cutanée doivent être préservés lors du dessin de la Le choix de la hauteur du prélèvement de la palette cutanée
palette, conservant ainsi la fiabilité du lambeau. Pour les doit être dicté par la topographie de la zone à reconstruire.
lambeaux musculocutanés (grand pectoral, grand dorsal, Celle-ci est donc davantage centrée sur la baguette assurant la
trapèze) le redécoupage de la palette cutanée ne doit pas reconstruction verticale s’il est nécessaire de reconstruire des
concerner le lit musculaire. Pour les lambeaux fasciocutanés parties hautes oropharyngées (voile, paroi latérale). Elle est
(antébrachial, temporal), la lame porte-vaisseaux n’est pas davantage centrée sur la baguette qui assure la reconstruction de
concernée lors du remodelage de la palette cutanée. la branche horizontale s’il s’avère nécessaire de reconstruire
essentiellement des tissus mous aux dépens de la partie basse de
Fermeture avec reconstruction osseuse la charnière buccopharyngée (jonction de langue, base de
Le projet chirurgical peut inclure la reconstruction mandibu- langue).
laire par un lambeau libre composite microanastomosé. L’objec- La forme de la palette est fonction des impératifs de recons-
tif est la restauration de l’arche mandibulaire à visée esthétique truction des tissus mous précédemment décrits (Fig. 5).
(l’angle mandibulaire ainsi restauré comble le creux qu’aurait Le dessin des palettes doit également intégrer, outre la surface
laissé une buccopharyngectomie transmandibulaire non conser- à reconstruire et sa position par rapport à la baguette, la
vatrice et non reconstruite). Il est aussi fonctionnel puisque présence indispensable d’au moins une perforante septocutanée
limitant la déviation mandibulaire engendrée par la désinsertion et à défaut d’une ou plusieurs perforantes musculocutanées par
des muscles masticateurs du côté opéré. Toutefois, ces objectifs palette. Dans ce dernier cas, le volume musculaire prélevé aux
restent limités. dépens du soléaire est nettement plus important. Les contrain-
La restauration de l’angle mandibulaire suppose une suspen- tes mécaniques engendrées par la restauration de l’arche
sion efficace de la reconstruction osseuse. Elle nécessite une mandibulaire peuvent être à l’origine d’une souffrance de la

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-320 ¶ Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies)

Figure 6. Propositions de reconstruction des pertes de substance cutanéomuqueuses et leur situation par rapport au déficit osseux (A à C).

Figure 7. Représentation schématique des divers lambeaux composites


avec fibula (A à C).

palette via la compression des perforantes musculocutanées si la


portion musculaire du lambeau est trop à l’étroit.
Pour les reconstructions les plus complexes, il peut s’avérer
nécessaire de prélever deux palettes dont la hauteur par rapport
à l’os, les formes et l’orientation sont adaptées au projet
chirurgical (Fig. 5, 7). D’autre part, une seule palette peut Figure 8. Représentation schématique des angles nécessaires à la re-
permettre une double reconstruction muqueuse et cutanée, si construction mandibulaire latérale (A, B).
les zones à reconstruire sont en vis-à-vis. Pour cela, il est
nécessaire de désépidermiser une portion intermédiaire sur toute
sa longueur, dessinant ainsi deux palettes (Fig. 7B). Le dessin Il est nécessaire de s’assurer qu’il n’y a pas de compression
des portions latérales doit être adapté aux zones à reconstruire. trop importante exercée sur le pédicule principal par les tissus
Cette réflexion chirurgicale doit, de surcroît, intégrer la assurant la reconstruction et les tissus adjacents, lors du temps
nécessaire résection sur plusieurs centimètres de la partie microchirurgical [17]. La surveillance postopératoire immédiate
supérieure de l’os prélevé, dans les limites du projet de recons- repose sur l’examen visuel de la coloration de la palette cutanée
truction, permettant ainsi de libérer une longueur de pédicule et le monitorage Doppler sur le pédicule.
suffisante pour réaliser des anastomoses sans tension. Il est D’autres lambeaux peuvent être utilisés dans ce type de
parfois nécessaire d’effectuer une anastomose controlatérale au reconstruction osseuse comme un lambeau composite de
site opéré si l’exérèse a nécessité un curage étendu non conser- scapulaire ou de crête iliaque. Cependant dans cette indication,
vateur de la veine jugulaire interne ou avec ligature de la le lambeau de fibula présente de nombreux avantages. Le
carotide externe. réservoir d’os susceptible d’être prélevé est particulièrement
Les ostéotomies sont réalisées en fonction du defect osseux à important, permettant une reconstruction étendue et pluridi-
réparer. L’opérateur respecte une angulation de 120° entre la rectionnelle. La fiabilité et la taille du lambeau fasciocutané
branche montante reconstruite et la branche horizontale ; pour offrent beaucoup de souplesse lors de la reconstruction des
les reconstructions antérieures, un angle de 160° entre la tissus mous. Les séquelles sur le site donneur sont limitées
reconstruction horizontale et parasymphysaire (Fig. 8). essentiellement à la cicatrice.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies) ¶ 46-320

“ Point fort
• Dans de nombreux cas, la COMMANDO ne nécessite
pas de reconstruction particulière.
• L’absence de reconstruction entraîne régulièrement
une dépression cutanée marquée, accentuée par
l’attraction en dedans exercée par la langue réamarrée à la
joue.
• Les objectifs esthétiques et fonctionnels d’une
reconstruction des tissus mous restent limités dans de
nombreux cas.
• Le lambeau grand pectoral pédiculé reste un lambeau
de choix pour une reconstruction basse des tissus mous
et/ou le comblement de l’angle mandibulaire et/ou la
couverture des vaisseaux.
• Une reconstruction haute (centrée sur le voile) obéit à
une pensée chirurgicale similaire au mandibular swing.
• Les objectifs esthétiques et fonctionnels d’une
reconstruction osseuse ou composite restent limités dans
de nombreux cas.
• La reconstruction osseuse (ou composite) obéit à une
pensée chirurgicale complexe adaptée au cas par cas. Figure 9. Mandibular swing : indications. 1. Siège des points de départ
• Reconstruit ou pas, un patient denté doit pouvoir tumoraux ; 2. siège des extensions tumorales.
bénéficier d’une prothèse-guide, le temps de la
cicatrisation.
mentonnier. Pour cela, le lambeau labiojugal est soulevé
délicatement d’avant en arrière le long de la table externe de la
Buccopharyngectomies transmandibulaires branche horizontale jusqu’à découvrir le foramen mentonnier.
conservatrices (« mandibular swing ») Lorsque celui-ci est repéré, le pédicule alvéolaire inférieur est
préservé et le trait de section mandibulaire est défini en avant
Dans de nombreux cas, l’exérèse carcinologique oropharyngée du foramen, et l’on prend soin, pour les patients dentés, de ne
ne nécessite pas l’ablation de la mandibule en regard. Il s’agit pas léser les dents adjacentes. Dans certains cas, il peut néces-
donc d’une intervention au cours de laquelle celle-ci est siter l’extraction d’une dent de l’arcade inférieure. Le trait de
sectionnée dans le but d’exposer la tumeur. Une ostéosynthèse section peut être dessiné en « marches d’escalier » ou en
est réalisée en fin d’intervention afin de reconstituer la conti- « chevrons » (Fig. 10) ; ceci permet une excellente contention
nuité mandibulaire. lors de l’ostéosynthèse en fin d’intervention et minimise ainsi
Indications les risques de pseudarthrose [2].
Avant d’effectuer l’ostéotomie latérale, les deux plaques
Cette technique est appropriée pour les cancers de l’oropha- d’ostéosynthèse sont prédisposées et les orifices pour le vissage
rynx développés aux dépens des tissus mous non adhérents à la sont préalablement forés. Cette technique permet d’ajuster au
table interne mandibulaire et n’infiltrant que très modérément mieux les fragments osseux en fin d’intervention, intégrant
l’espace parapharyngé. Il s’agit donc essentiellement de tumeurs entre autres une perte osseuse liée à l’ostéotomie. C’est une
développées aux dépens de la zone de jonction linguale, approche particulièrement intéressante pour les patients dentés.
susceptibles de s’étendre dans le plancher postérieur ou la L’ostéotomie est réalisée après décollement muqueux sous-
langue mobile en avant, le sillon amygdaloglosse et la base de périosté des deux tables mandibulaires en regard du trait. Le
langue en arrière et de manière limitée sur la paroi oropharyn- plancher mylohyoïdien est sectionné sur toute sa longueur
gée latérale (Fig. 9). C’est une voie d’abord particulièrement permettant de libérer aisément la branche horizontale. La
appropriée pour les tumeurs bas situées dans l’oropharynx. section muqueuse est, au mieux, décalée d’environ 1 cm par
rapport au trait de section osseux au niveau de la muqueuse de
Contre-indications recouvrement gingival. Cela permet, lors de la fermeture, de
Les indications typiques d’une buccopharyngectomie trans- créer un décalage entre les sutures et l’ostéosynthèse minimisant
mandibulaire non conservatrice correspondent aux mandibular ainsi les risques d’ostéites (Fig. 3). Ce trait est poursuivi sur le
swing : tumeur adhérente à la table interne mandibulaire, plancher ; on laisse au moins 1 cm de muqueuse libre attenante
infiltration osseuse, envahissement de l’espace parapharyngé, à la muqueuse de recouvrement gingivale en dedans, afin
extension à la paroi oropharyngée latérale voire postérieure. Au d’effectuer des sutures dans de bonnes conditions lors de la
cas par cas, la chirurgie sur terrain irradié peut nécessiter la fermeture. Après écartement du moignon mandibulaire, l’exé-
réalisation d’une buccopharyngectomie transmandibulaire rèse tumorale obéit aux mêmes règles que pour une buccopha-
classique avec mandibulectomie même si la tumeur est très peu ryngectomie transmandibulaire classique (Fig. 4).
infiltrante latéralement, afin de minimiser les complications
postopératoires [6]. Fermeture
Compte tenu du respect de l’arche mandibulaire, l’espace créé
Technique chirurgicale
par l’exérèse tumorale est souvent difficilement contrôlable par
L’incision cutanée et le temps de curage obéissent aux règles simple rapprochement muqueux. Il est donc le plus souvent
précédemment décrites. nécessaire d’apporter un lambeau afin de combler cet espace.
Pour les résections limitées, les artifices locaux suffisent à
Exérèse effectuer une fermeture dans de bonnes conditions. Il peut s’agir
L’os est exposé du côté tumoral et l’on prend soin de préser- d’un simple rapprochement, ou de l’utilisation d’un lambeau
ver l’émergence du pédicule mentonnier à hauteur du foramen local pris aux dépens de la joue comme le lambeau buccinateur

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-320 ¶ Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies)

en profondeur de ce lambeau reste une limite à sa réalisation


dans cette indication. En effet, les contraintes mécaniques
engendrées par la mandibule sur le lambeau sont difficilement
appréciables avant ostéosynthèse. Il existe un risque réel de
compression de la portion musculaire du lambeau compte tenu
de l’étroitesse de l’arche mandibulaire, susceptible de provo-
quer une ischémie et la perte du lambeau.
• Le lambeau antérolatéral de cuisse [22] reste une excellente
alternative dans cette indication. L’importante épaisseur
du pannicule graisseux participe au remodelage de la base de
la langue, tout en conservant la fiabilité d’un lambeau de
surface. Ce lambeau fasciocutané n’apporte que très peu de
muscle du vaste latéral, ce qui le rend très étroit en profon-
deur, parfaitement compatible avec les contraintes exercées
par la mandibule préservée.
Reconstructions hautes (voile).
• Le lambeau pédiculé de fascia temporalis ou le lambeau libre
antébrachial sont particulièrement appropriés compte tenu de
leur finesse. Pour les petites résections de voile, le lambeau de
boule graisseuse de Bichat [23] peut s’avérer très utile dans ce
contexte.
• Dans certains cas, la fermeture nécessite une couverture
mandibulaire assez importante (tumeur de jonction de langue
étendue latéralement de manière superficielle sur la
muqueuse du trigone rétromolaire, commissure intermaxil-
laire, joue). Le projet de fermeture est davantage centré sur le
recouvrement osseux que sur la reconstruction pelvilinguale.
Dans ce cas, un lambeau fin comme le lambeau infrahyoïdien
ou le lambeau antébrachial est approprié.
En terrain irradié, la montée d’un lambeau de grand pectoral
de couverture vasculaire est fortement recommandée par de
nombreux auteurs [21, 24, 25]. L’utilisation de lambeaux libres en
terrain irradié n’est pas contre-indiquée mais certains auteurs
s’accordent sur le risque plus élevé de complications postopéra-
toires par rapport à cette même chirurgie sur terrain non
Figure 10. Mandibulotomies. irradié [26, 27]. Il faut noter que cette opinion est encore débattue
A. Verticale médiane. car d’autres travaux régulièrement publiés ne retrouvent pas
B. En « chevrons ». d’accroissement significatif des complications postopératoires si
C. En « marches d’escaliers ». le terrain reconstruit est préirradié [14, 28-33].

ou le lambeau facial artery musculomucosal (FAMM) [18]. D’autres


lambeaux peuvent s’avérer utiles dans ces indications, par
exemple le lambeau infrahyoïdien [19, 20]. “ Point fort
• La préservation de l’arche mandibulaire rend malaisée
une reconstruction par un lambeau musculocutané, libre
“ Point fort ou pédiculé.
• La voie d’abord (mandibular swing) crée un espace en
profondeur exagéré, fortement rétréci lors de
• Le pédicule mentonnier doit être repéré et préservé.
l’ostéosynthèse, dont l’opérateur doit tenir compte lors de
• Le trait de section mandibulaire ne doit pas concerner
son choix de lambeaux.
une dent.
• Une reconstruction centrée sur la base de la langue doit
• Le repérage des ostéosynthèses est effectué avant la
apporter une épaisseur utile à une reprise facilitée de
section osseuse.
l’alimentation per os et compatible avec la préservation
• L’incision osseuse est décalée de l’incision muqueuse.
mandibulaire.
• Une résection limitée ne nécessite pas de lambeau.

■ Autres approches chirurgicales


Pour les résections plus importantes, d’autres lambeaux
peuvent s’avérer nécessaires. Un certain nombre de tumeurs peuvent faire l’objet d’une
Reconstructions basses (paroi pharyngée latérale, base de résection simple par voie endobuccale. Ce sont des tumeurs
langue). limitées et facilement accessibles. Les sites privilégiés sont le
• Le lambeau grand pectoral est encore très utilisé. Le caractère voile, la paroi oropharyngée latérale, la paroi oropharyngée
assez bas situé de la reconstruction et l’axe de la palette qui postérieure, et dans certains cas bien sélectionnés la région
après reconstruction reste dans l’axe du pédicule rendent ce valléculaire. Dans chaque cas, il faut s’assurer du caractère bien
lambeau assez fiable dans cette indication. Il apporte par délimité et peu infiltrant de ces lésions. Elles doivent faire
ailleurs une couverture musculaire sur les vaisseaux, très utile l’objet d’une résection simple sans reconstruction. Il est
sur terrain irradié [6, 21]. Le volume importé par la palette peut également nécessaire d’apprécier leur bonne exposition lors de
s’avérer très utile dans le premier temps de déglutition pour les la réalisation de la laryngoscopie directe préalable. Ces lésions
reconstructions de langues. Cependant, le volume musculaire sont généralement accessibles à une exérèse par laser CO 2.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies) ¶ 46-320

Certains auteurs évaluent la pertinence d’une chirurgie robotisée [3] Stoeckli SJ, Pfaltz M, Ross GL, Steinert HC, MacDonald DG,
par voie endoscopique (TORS : Trans Oral Robotic Surgery) pour Wittekind C, et al. The second international conference on sentinel node
des tumeurs oropharyngées limitées difficilement accessibles à biopsy in mucosal head and neck cancer. Ann Surg Oncol 2005;12:
un geste endoscopique classique (sillon amygdaloglosse, base de 919-24.
la langue, etc.) [34]. [4] Nieuwenhuis EJ, van der Waal I, Leemans CR, Kummer A, Pijpers R,
Sauf cas particulier, le caractère hautement lymphophile de Castelijns JA, et al. Histopathologic validation of the sentinel node
ces lésions ne dispense pas le chirurgien de la réalisation d’un concept in oral and oropharyngeal squamous cell carcinoma. Head
curage cervical unilatéral ou bilatéral lorsque les lésions Neck 2005;27:150-8.
rejoignent la ligne médiane. [5] Tschopp L, Nuyens M, Stauffer E, Krause T, Zbären P. The value of
frozen section analysis of the sentinel lymph node in clinically N0
squamous cell carcinoma of the oral cavity and oropharynx.
Voile Otolaryngol Head Neck Surg 2005;132:99-102.
[6] Julieron M, Temam S. Récidives locorégionales des cancers ORL :
Les lésions de moins de 2 cm de diamètre et peu infiltrantes
place de la chirurgie. Bull Cancer 2004;91:863-9.
(T1) sont généralement accessibles à une exérèse laser simple.
[7] Luboinski B, Marandas P. Chirurgie de l’oropharynx
Une uvulectomie ou une uvulovelectomie pour les lésions de la
(buccopharyngectomies). EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techni-
charnière uvulovélaire n’entame pas significativement la
ques chirurgicales - Tête et cou, 46-320, 1994.
fonction du voile. Les lésions vélaires pures plus évoluées
[8] Ariyan S. The pectoralis major myocutaneous flap. A versatile flap for
justifient d’une approche thérapeutique différente (curiethéra-
reconstruction in the head and neck. Plast Reconstr Surg 1979;63:
pie, radiothérapie externe) compte tenu des séquelles fonction-
73-81.
nelles qu’engendrerait un geste chirurgical plus lourd.
[9] Olivari N. The latissimus flap. Br J Plast Surg 1976;29:126-8.
[10] Mendelson BC, Masson JK. Treatment of chronic radiation injury over
Paroi pharyngée postérieure the shoulder with a latissimus dorsi myocutaneous flap. Plast Reconstr
Surg 1977;60:681-91.
Une lésion « posée » sur la paroi pharyngée postérieure, bien [11] Saijo M. The vascular territories of the dorsal trunk: a reappraisal for
exposable, non infiltrante, est accessible à un geste d’exérèse par potential flap donor sites. Br J Plast Surg 1978;31:200-4.
laser CO2. Cette chirurgie ne nécessite pas de reconstruction [12] Escuder O, Pericot J, Piulachs P, Biosca J, Garcia-Rozado A, Gimeno J,
particulière. et al. Reconstruction orale, mandibulaire et de l’oropharynx avec le
lambeau pédiculé de trapezius. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998;
99(suppl1):17-21.
Loge amygdalienne [13] Lew DH, Choi EC, Tark KC. Standardization of flap design for
oropharyngeal reconstruction after cancer ablation surgery. Yonsei Med
Les lésions limitées de la loge amygdalienne peuvent justifier
J 2003;44:1078-82.
d’un geste d’exérèse chirurgicale par laser CO2 ou instrumenta-
[14] Klug C, Berzaczy D, Voracek M, Enislidis G, Rath T, Millesi W, et al.
tion classique. Il faut cependant souligner l’efficacité d’une
Experience with microvascular free flaps in preoperatively irradiated
radiothérapie externe exclusive pour ces lésions non infiltrantes.
tissue of the oral cavity and oropharynx in 303 patients. Oral Oncol
À noter qu’un traitement conservateur dans un tel cas couvre
2005;41:738-46.
dans le même temps les aires ganglionnaires cervicales homo-
[15] David JM, Paoli JR, Bejjani W, Bonnet F, Bachaud JM, Barthelemy I.
latérales. En revanche, un traitement par irradiation externe Le lambeau fascio-cutané temporal en îlot dans la reconstruction
premier limite, voire exclut les possibilités de réirradiation en muqueuse de l’oropharynx et de la cavité buccale après exérèse
cas de récidive, rare, mais surtout de deuxième localisation à carcinologique. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1994;95:313-8.
proximité, nettement plus fréquente dans ce cas précis. Une [16] Cariou JL. Transferts ou lambeaux libres de et avec péroné ou fibula.
chirurgie sur terrain irradié [6, 21] diminue significativement la Anatomie chirurgicale, techniques de prélèvement, indications en chi-
survie globale et la survie sans maladie. rurgie reconstructrice. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques
chirurgicales - Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique,
45-099, 2003.
■ Conclusion [17] Cariou JL, Payement G, Lambert F. Microchirurgie reconstructrice en
chirurgie maxillofaciale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Les buccopharyngectomies sont fréquemment réalisées dans Stomatologie, 22-324-A-10, 1998.
le cadre de la prise en charge des tumeurs oropharyngées et de [18] Pribaz J, Stephens W, Crespo L, Gifford G. A new intraoral flap: facial
la charnière buccopharyngée. Ce sont des interventions bien artery musculomucosal (FAMM) flap. Plast Reconstr Surg 1992;90:
codifiées dont les principales avancées récentes concernent les 421-9.
modalités de reconstruction. Ces interventions doivent s’inscrire [19] Wang HS, Shen JW, Ma DB, Wang JD, Tian AL. The infrahyoid
de manière cohérente dans le bon déroulement du plan de myocutaneous flap for reconstruction after resection of head and neck
traitement. Dans cet esprit, la préparation du malade est cancer. Cancer 1986;57:663-8.
essentielle avant le geste, en particulier au niveau nutritionnel. [20] Dolivet G, Gangloff P, Sarini J, Ton Van J, Garron X, Guillemin F, et al.
Des suites opératoires simples garantissent en règle générale la Modification of the infra hyoid musculo-cutaneous flap. Eur J Surg
réalisation du traitement complémentaire dans des délais Oncol 2005;31:294-8.
acceptables. La maîtrise des techniques de reconstruction et de [21] Rodriguez J, Point D, Brunin F, Jaulerry C, Brugère J. Chirurgie de
leurs indications s’inscrit dans ce projet thérapeutique. Elle doit l’oropharynx après radiothérapie. Bull Cancer Radiother 1996;83:
tendre vers des suites simples, combinant fiabilité du lambeau 24-30.
choisi, reprise facilitée de l’alimentation per os et délais [22] Song YG, Chen GZ, Song YL. The free thigh flap: a new free flap
d’hospitalisation optimisés. Outre l’amélioration des résultats concept based on the septocutaneous artery. Br J Plast Surg 1984;37:
. esthétiques et fonctionnels attendus, ces techniques offrent la 149-59.
possibilité d’exérèses larges susceptibles d’améliorer le contrôle [23] Dean A, Alamillos F, Garcia-Lopez A, Sanchez J, Penalba M. The
buccal fat pad flap in oral reconstruction. Head Neck 2001;23:
local postchirurgical.
383-8.
.

[24] Meyza JW, Towpik E. Surgical and cryosurgical salvage of oral and
■ Références oropharyngeal cancer recurring after radical radiotherapy. Eur J Surg
Oncol 1991;17:567-70.
[1] Licitra L, Bernier J, Grandi C, Merlano M, Bruzzi P, Lefebvre JL. [25] Pacheco-Ojeda L, Marandas P, Julieron M, Lusinchi A, Mamelle G,
Cancer of the oropharynx. Crit Rev Oncol Hematol 2002;41:107-22. Luboinski B. Salvage surgery by composite resection for epidermoid
[2] Shah JP. American Cancer Society. Atlas of clinical oncology: cancer of carcinoma of the tonsillar region. Arch Otolaryngol Head Neck Surg
the head and neck. London: BC Decker Inc; 2001. 1992;118:181-4.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-320 ¶ Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies)

[26] Disa JJ, Pusic AL, Hidalgo DH, Cordeiro PG. Simplifying [30] Hellner D, Schmelzle R. Microvascular anastomoses in irradiated
microvascular head and neck reconstruction: a rational approach to blood vessels in the area of the mouth, jaw and face. Laryngorhino-
donor site selection. Ann Plast Surg 2001;47:385-9. otologie 1994;73:202-5.
[27] Singh B, Cordeiro PG, Santamaria E, Shaha AR, Pfister DG, Shah JP. [31] Jones NF, Johnson JT, Shestak KC, Myers EN, Swartz WM.
Factors associated with complications in microvascular reconstruction Microsurgical reconstruction of the head and neck: interdisciplinary
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[28] Borggreven PA, Kuik DJ, Quak JJ, de Bree R, Snow GB, Leemans CR. 305 cases. Ann Plast Surg 1996;36:37-43.
Comorbid condition as a prognostic factor for complications in major [32] Kiener JL, Hoffman WY, Mathes SJ. Influence of radiotherapy on
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of postoperative complications and success of free tissue transfers [34] O’Malley BW Jr, Weinstein GS, Snyder W, Hockstein NG. Transoral
in head and neck cancer reconstruction. Am J Surg 1993;166: robotic surgery (TORS) for base of tongue neoplasms. Laryngoscope
326-30. 2006;116(8):1465-72.

Y. Mallet (y-mallet@o-lambret.fr).
J.-L. Lefebvre.
Département de cancérologie cervicofaciale, Centre Oscar Lambret, 3, rue Combemale, 59020 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mallet Y., Lefebvre J.-L. Chirurgie de l’oropharynx (buccopharyngectomies). EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-320, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


46-290
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-290

Chirurgie des diverticules pharyngo-


œsophagiens
J Trotoux

Résumé. – Le traitement des diverticules pharyngo-œsophagiens (diverticule de Zenker) a beaucoup évolué


ces dernières années par l’apport et le développement des techniques endoscopiques.
Ces techniques sont basées sur la section du mur muqueux et musculaire qui sépare l’œsophage et la poche
diverticulaire ; on réalise ainsi une sorte de marsupialisation du diverticule. Elles nécessitent une
instrumentation adaptée (diverticuloscope, laryngoscope de Weerda). La section proprement dite peut être
effectuée aux ciseaux, mais le plus souvent actuellement à l’aide du laser CO2 ou mieux à la pince
autosuturante GIA, qui rassure davantage vis-à-vis du risque de médiastinite.
La chirurgie traditionnelle par voie cervicale externe reste encore cependant la méthode la plus employée. Elle
permet de réaliser une exérèse complète de la poche diverticulaire (diverticulectomie), ou parfois une simple
suspension de celle-ci (diverticulopexie). L’apport des pinces autosuturantes permet dans le premier cas une
intervention beaucoup plus simple et plus rapide et constitue un élément important de prévention des
infections médiastinales, toujours redoutées bien qu’exceptionnelles.
La myotomie du cricopharyngien constitue pour beaucoup d’auteurs un temps essentiel de l’intervention
quelle que soit la technique choisie.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : diverticule pharyngo-œsophagien, Zenker, endoscopie, diverticuloscope, laser CO2 , pince


autosuturante GIA, myotomie, diverticulectomie, diverticulopexie.

Introduction qu’il ne saurait être question pour l’instant de méconnaître les


méthodes chirurgicales traditionnelles, et en insistant sur le fait qu’il
La chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens, habituellement peut être nécessaire de passer d’une technique à l’autre, soit en cas
désignés sous le terme de diverticules de Zenker, a beaucoup évolué de difficulté particulière à l’exposition endoscopique, soit surtout en
ces dernières années en raison de la place prise par les méthodes cas de perforation reconnue en peropératoire nécessitant une prise
endoscopiques de traitement. en charge chirurgicale cervicale immédiate.
Initialement, ces méthodes étaient réservées aux sujets dont l’état Il ne nous paraîtrait pas raisonnable d’entreprendre un traitement
général, l’âge, la dénutrition semblaient interdire une intervention endoscopique du diverticule de Zenker, sans être en mesure de
chirurgicale classique ; cette restriction a progressivement été levée réaliser une approche chirurgicale externe.
par un certain nombre d’auteurs qui font de ces méthodes la
thérapeutique initiale de choix. D’autres, au contraire, estiment que
la chirurgie par voie cervicale a fait ses preuves, et que nous n’avons Chirurgie par voie endoscopique
pas assez de recul pour que les méthodes endoscopiques soient
retenues systématiquement et à titre exclusif, préférant une exérèse Le traitement par voie endoscopique repose sur trois notions de
complète chez le sujet jeune et en bonne santé. base :
En fait, indépendamment de l’absence de recul nécessaire avancé, il
faut surtout analyser les réticences, à travers la crainte d’une – la section du mur muqueux et musculaire entre l’œsophage et le
infection médiastinale, dont le danger bien réel avait amené les diverticule. Il s’agit donc d’une véritable « marsupialisation » de la
premiers auteurs, et en particulier Mosher [13], à renoncer à cette poche diverticulaire dans l’œsophage ;
technique qui fut reprise en 1960 par Dohlman et Mattson [2] puis – la suppression du sphincter musculaire par myotomie du
modifiée par l’usage du laser (et du microscope), voire actuellement cricopharyngien ;
par l’utilisation d’une pince autosuturante.
– l’existence supposée d’une péridiverticulite avec fibrose
Nous exposons d’abord les méthodes endoscopiques en raison de considérée comme une protection vis-à-vis du risque d’infection
leur caractère original et spécifiquement ORL, estimant cependant médiastinale.
Parmi les promoteurs de ces méthodes nous avons déjà cité
Mosher [13] et Dohlman [2] considérés comme les véritables initiateurs
Jacques Trotoux : Professeur des Universités, oto-rhino-laryngologiste des hôpitaux de Paris, service d’ORL
et de chirurgie cervico-faciale, université René Descartes Paris V, hôpital européen Georges Pompidou,
de la méthode. En France, Lallemant [11] fut pendant longtemps le
20, rue Leblanc, 75015 Paris, France. seul à défendre une approche qui paraissait trop simple à ses

Toute référence à cet article doit porter la mention : Trotoux J. Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales - Tête et cou, 46-290, 2001, 9 p.
46-290 Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens Techniques chirurgicales

postérieure du larynx, c’est-à-dire le chaton cricoïdien. Il est adapté


à la section aux ciseaux, voire la section par coagulation
diathermique ou au laser CO2.
Le diverticuloscope de Van Overbeek, utilisé aussi par Remacle est
caractérisé par la division de son extrémité distale en deux lèvres
supérieure et inférieure (plus courte, fig 1B). Cette division permet
de « saisir » le mur diverticulo-œsophagien dans l’intervalle entre
les deux lèvres. Il apparaît ainsi tendu dès lors que la lèvre
supérieure introduite dans le pharynx soulève le larynx et que la
lèvre inférieure se glisse dans la poche. Ce diverticuloscope permet
bien sûr la section aux ciseaux, et en coagulation, mais est surtout
très adapté à l’utilisation du laser. Il est autostatique.
*
A Le laryngoscope de Weerda est une sorte de laryngoscope (en fait
hypopharyngoscope spéculum) constitué de deux valves pouvant
s’écarter en parallèle mais aussi à leur extrémité distale. La lame
supérieure est en position avancée par rapport à la lame inférieure ;
c’est elle est introduite dans l’œsophage, tandis que la lame
inférieure est placée dans le diverticule. L’instrument est introduit
en fermeture (ou en très légère ouverture) puis les lames
circonscrivant le mur sont écartées selon besoin sous contrôle de la
vue. Cet instrument permet toutes les techniques de section du mur
*
B diverticulo-œsophagien et en particulier l’usage de la pince
autosuturante GIA.
Tous les endoscopes utilisés doivent être suffisamment longs pour
permettre l’abord et l’exposition des volumineux diverticules et de
l’ensemble du mur (26 cm pour le diverticuloscope de Van
Overbeek, 21 cm pour le laryngoscope de Weerda hors manche).

¶ Instruments proprement dits


Il faut disposer bien entendu d’une aspiration métallique, qui peut
au besoin être utilisée pour la coagulation élective d’un vaisseau
tant en cas de section aux ciseaux, que de section au laser CO2 dont
on sait qu’il a peu de pouvoir coagulant.
Dans le cas de section aux ciseaux ou au laser, on utilise le
microscope opératoire avec une focale 400 mm au grossissement
× 10.
*
C L’utilisation de la pince autosuturante GIA (fig 2), n’est pas
compatible avec le microscope. Son introduction dans le
1 Endoscopes. laryngoscope de Weerda, en dépit des possibilités d’écartements des
A. Tube de Gehanno. lames, rend un peu aveugle le geste de « prise » du mur diverticulo-
B. Diverticuloscope de Van Overbeek.
œsophagien, et en particulier ne permet plus de situer (sinon de
C. Laryngoscope de Weerda.
façon tactile) la pénétration et la position de l’extrémité de la pince
par rapport au fond de la poche. Une pénétration trop profonde
collègues ORL, en tout cas trop dangereuse. Il fut relayé sans peut entraîner une perforation.
discontinuité par son élève Gehanno [4]. Mais c’est l’impressionnante
série de 545 patients publiée par Van Overbeek en Suède [23] qui, en C’est pourquoi on recommande, voire on juge indispensable, la
l’absence de complications réelles, justifie la méthode, très soutenue surveillance du geste par endoscope rigide 0 ou 30, suffisamment
en Belgique par Remacle [18] et Hamoir [6]. long bien sûr pour être placé dans le diverticule, ce qui va permettre
une surveillance vidéoendoscopique [15, 16, 17, 19, 20].
Progressivement les techniques évoluent, passant de la simple
C’est aussi grâce à l’endoscope qu’on peut préciser si le geste de
section aux ciseaux [11, 22], à la section par diathermie [2], puis au laser
section-suture a été assez poussé, avec dans le cas contraire la
[4, 6, 18, 23, 24]
, et plus récemment à l’utilisation de la pince GIA
possibilité de compléter par utilisation d’un deuxième magasin
autosuturante qui coupe et agrafe à la fois [15, 16, 17, 19, 20], solution
d’agrafes, voire d’un troisième (ceci est la règle dans les diverticules
intellectuellement beaucoup plus satisfaisante, même si les autres
volumineux).
méthodes avaient déjà fait preuve d’efficacité et de sécurité.
Ceci va imposer une modification de l’instrumentation, et en
particulier de la forme des endoscopes, pour s’adapter aux TECHNIQUE
techniques utilisées.
¶ Points communs
– Anesthésie générale par intubation. L’emploi du laser ne nécessite
INSTRUMENTATION pas ici d’utiliser une sonde protégée puisque la sonde n’est pas dans
le champ de travail.
¶ Endoscopes (fig 1)
– Position du malade classique à toutes manœuvres endoscopiques
Initialement les premières interventions se faisaient à l’aide d’un hypopharyngée et œsophagienne. Éviter en particulier une extension
hypopharyngoscope banal, mais il est vite apparu nécessaire de cervicale importante. L’introduction de l’endoscope doit se faire, tête
construire une instrumentation adaptée au geste envisagé, dont une légèrement fléchie vers l’avant, et sous contrôle de la vue. Lorsque
des contraintes est d’être autostatique. l’endoscope permet la vision du mur diverticulo-œsophagien, on
L’hypopharyngoscope initialement proposé par Gehanno a pour met en place la suspension et on règle la position de l’endoscope et
particularité essentielle d’être concave à l’extrémité distale de sa face de la tête du malade pour que le mur soit exactement à l’équateur
supérieure, de telle sorte qu’il permet de fixer et de bloquer la paroi de l’image.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens 46-290

*
B

*
A

2 Pince autosuturante pour usage endoscopique.


A. Pince Endo-GIA 30 autosuturante.
B. Extrémité de la pince GIA 30 (détail).

– Auparavant, il est recommandé de vérifier l’intérieur du


diverticule après avoir si besoin nettoyé la poche. On doit s’assurer
de l’absence de toute lésion suspecte. Le risque de cancer du
diverticule est faible mais a été signalé [5].
– Il paraît aussi prudent de s’assurer que l’orifice supérieur est bien
l’œsophage en introduisant une sonde, et en vérifiant son « arrivée »
dans l’estomac, comme on le fait lors des classiques poses de sonde
gastrique. Cette sonde peut être introduite par le nez si elle doit être
laissée en place, ou plus simplement par l’endoscope et
éventuellement retirée aussitôt après le repérage de certitude.

¶ Technique proprement dite


*
A *
B
Elle dépend de l’instrument utilisé pour diviser le mur diverticulo-
œsophagien et sectionner le muscle cricopharyngien, mais doit 3 Vue endoscopique.
A. Exposition du mur diverticulaire.
éviter deux écueils : B. Section du mur diverticulaire au laser.
– ne jamais perforer le fond de la poche diverticulaire ; ce qui oblige
à être prudent dans la hauteur de la section qui doit se limiter à la – Afin d’éviter à coup sûr une perforation, Hamoir [6] recommande
section de la hauteur du muscle cricopharyngien, de respecter un mur inférieur d’environ 1 cm.
– être trop incomplet dans cette section, ce qui peut aboutir à l’échec – Il est d’usage d’établir une antibioprophylaxie de 48 heures,
fonctionnel de la méthode. débutée au moment de l’intervention. Certains auteurs transforment
Ces deux écueils peuvent être évités par une bonne exposition du l’antibioprophylaxie en traitement potentiel étalé sur 8 jours.
mur, et par une bonne vision de la poche, soit grâce au microscope – La sonde digestive est discutée. Certains (Hamoir) ne mettent pas
opératoire (technique ciseaux et technique laser), soit par contrôle de sonde, et autorisent la reprise d’une alimentation mixée au
vidéoendoscopique (technique pince GIA). 3e jour. D’autres (Gehanno) maintiennent une sonde pendant 8 jours.
D’autres enfin posent la sonde en cas de besoin et l’enlèvent au bout
Section aux ciseaux de 24 heures en l’absence de toute complication (fièvre,
emphysème). Dans tous les cas la reprise de l’alimentation est
Cette technique ne demande pas de commentaire. Les ciseaux
progressive et débute par une alimentation semi-liquide ou mixée
utilisés sont les ciseaux de Seiffert ou dérivés. On en rapproche la
pour 8 à 10 jours.
section par diathermocoagulation.
Ces méthodes initiales sont actuellement abandonnées. Section-suture à la pince GIA
Section au laser (fig 3) – La pince utilisée est la pince Endo-GIA 30 Stapler (US Surgical
Corp). Cette pince présente trois rangées d’agrafes de part et d’autre
– On utilise le laser CO2, bien que certains auteurs aient proposé le d’une lame rétractable. La longueur coupante et suturante est de
laser YAG ou le laser KTP [9]. 32,5 mm. Le diamètre de la pince est à peu près de 12 mm.
– On règle la puissance à 10 W en tir continu avec un spot de – Le laryngoscope de Weerda est indispensable dans cette
700 µm. Certains recommandent de diminuer la puissance à 4 W, technique. Les lames sont placées de part et d’autre du mur
lorsque l’on arrive vers ce qui semble être les dernières fibres diverticulo-œsophagien et écartées pour bien exposer celui-ci (fig 4).
musculaires.
– On vérifie l’aspect et la longueur du diverticule à l’optique 0 ou
– On commence par une incision de la muqueuse qui est « brûlée » 30°.
sur à peu près 1 cm de large, ce qui fait parfaitement apparaître le
muscle cricopharyngien tendu transversalement. Le muscle est alors – Certains auteurs [19, 20] recommandent de placer une traction avec
à son tour vaporisé jusqu’à ce qu’on ne voit plus aucune fibre un fil de soie, aux extrémités latérales du mur, pour bien « prendre »
musculaire. Parallèlement et au fur et à mesure de la progression, et fixer le mur lors de la mise en place de la pince. Ils utilisent pour
on sectionne la muqueuse antérieure et postérieure du mur. On cela l’Endostitch autosuture Device (US Surgical Corp). Les fils sont
réalise ainsi une tranchée de 15 à 20 mm de hauteur sur 1 cm de enlevés après intervention.
largeur qui permet une large communication entre le fond – La pince est introduite déverrouillée, très légèrement ouverte, de
diverticulaire et l’œsophage (Gehanno). telle sorte que la lame qui contient les agrafes (la plus longue) soit

3
46-290 Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens Techniques chirurgicales

6 Position du malade.
Incision.

justifiées. Il faut savoir cependant que ces méthodes ne sont


vraiment applicables qu’aux diverticules moyens et volumineux et
sont mal adaptées aux petits diverticules inférieurs à 2 cm de
diamètre qui peuvent dans certains cas entraîner une
symptomatologie importante. L’autre remarque est qu’il s’agit d’une
marsupialisation et non d’une suppression du diverticule, de telle
4 Mise en place du laryngoscope de Weerda. sorte que les contrôles radiologiques risquent d’être très décevants
pour le chirurgien mais surtout pour le patient. Ils ne sont pas
nécessaires en l’absence de symptomatologie résiduelle après
traitement.

Chirurgie par voie cervicale


La chirurgie par voie cervicale constitue l’approche la plus classique
du traitement des diverticules pharyngo-œsophagiens. Il faut
cependant distinguer la diverticulectomie avec suppression du
diverticule et le plus souvent myotomie du cricopharyngien pour
éviter les récidives, et la diverticulopexie associée à une myotomie
du cricopharyngien, qu’on pourrait presque rapprocher des
techniques endoscopiques dans son principe, encore qu’il n’y ait
aucune section muqueuse.
Quoi qu’il en soit, toutes ces techniques ont en commun un certain
nombre de points et ne diffèrent que par la résection ou non du
5 Position de la pince Endo- GIA en situation. diverticule.

placée dans l’œsophage en haut, et la lame neutre (l’enclume) en


bas (fig 5). La pince GIA classique a d’ailleurs été modifiée pour cet POINTS COMMUNS À LA CHIRURGIE
usage, de telle sorte que la lame inférieure diverticulaire soit encore DES DIVERTICULES PAR VOIE CERVICALE
raccourcie et ne présente pas de prolongement sans agrafe. En effet,
ce prolongement peut être à l’origine de perforation de la poche dès ¶ Anesthésie
lors qu’on cherche à agrafer et couper le plus loin possible [15, 17]. – Anesthésie générale par intubation endotrachéale.
– Après activation, la pince est ressortie fermée et l’on vérifie à – Quelques auteurs [17, 18] utilisent l’anesthésie locale pour une
nouveau à l’endoscope l’effet de la section, son caractère complet simple myotomie du cricopharyngien.
(ou plutôt suffisant) ou non et l’absence de perforation diverticulaire.
Tous les gestes ont d’ailleurs été surveillés sous vidéoendoscope et ¶ Position du malade (fig 6)
en particulier la position de la pince.
– Décubitus dorsal, région cervicale rehaussée par un billot (une
– Dans les diverticules importants, ou si le geste initial a été trop
alèse roulée, glissée sous les épaules). Vérifier que la tête bénéficie
timide, on est contraint de recommencer l’intervention avec un
d’un appui suffisant chez des sujets âgés et arthrosiques.
deuxième chariot.
– Une sonde gastrique peut être mise en place mais elle n’est – En règle, l’abord cervical est effectué à gauche avec rotation de la
certainement pas indispensable. Il convient d’assurer une tête vers la droite. Cette rotation doit être modérée sans « forcer ».
alimentation parentérale pour 24 heures puis de reprendre une Dans certains cas, l’abord s’effectue à droite en fonction des données
alimentation semi-liquide pour une huitaine de jours. radiologiques. Nous avons proposé un abord bilatéral dans
L’hospitalisation recommandée par la plupart des auteurs ne l’éventualité de très volumineux diverticules, difficiles à isoler par
dépasse pas 2 ou 3 jours postopératoires. Une antibioprophylaxie de l’abord d’un seul côté.
48 heures est recommandée.
¶ Abord et isolement du diverticule (fig 7, 8)
Au total et quel que soit le procédé utilisé, les méthodes
endoscopiques ont désormais fait la preuve de leur efficacité et les – Incision de 10 cm environ, un peu en arrière du bord antérieur du
craintes de médiastinite souvent avancées ne se sont pas révélées sterno-cléido-mastoïdien. Cette incision doit être basse et son

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens 46-290

*
A

8 A. Identification du diverticule.
1 : Nerf récurrent ; 2 : plan préverté-
bral ; 3 : poche diverticulaire ; 4 :
7 Abord du diverticule. bord gauche de l’œsophage.
1. Lobe thyroïdien récliné ; 2. nerf récurrent ; 3. bord antérieur du sterno-cléido-
B. Diverticule de l’œsophage. Radio-
mastoïdien ; 4. veine thyroïdienne moyenne ; 5. veine jugulaire interne ; 6. artère caro-
graphie de profil.
tide primitive ; 7. artère thyroïdienne inférieure ; 8. muscle omohyoïdien.

extrémité inférieure se situe à 1 cm de l’articulation


sternoclaviculaire. Elle intéresse la peau, le tissu cellulaire sous-
cutané et le peaucier du cou.
– Exposition du bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien et
section de l’aponévrose cervicale superficielle.
– Repérage du muscle omohyoïdien et section de son tendon ou du
ventre postérieur du muscle.
– Ligature de la veine thyroïdienne moyenne.
– Le paquet vasculonerveux, carotide primitive, veine jugulaire et
nerf pneumogastrique sont réclinés en dehors avec un écarteur de
Farabeuf, le bloc laryngo-trachéo-thyroïdien est basculé au-dedans.
À ce stade de l’intervention, beaucoup d’auteurs recherchent le nerf
*
B
récurrent et l’isolent pour le protéger. Cette précaution ne nous
semble pas indispensable. En ce qui nous concerne, nous n’avons jamais recours à ce procédé
Nous recommandons de se porter d’emblée sur le plan prévertébral qui paraît pouvoir être évité par une attention prudente.
en dehors du bord externe de l’œsophage, c’est-à-dire à distance du En revanche, c’est à ce stade de l’intervention que nous mettons en
nerf. place une sonde nasogastrique si celle-ci est nécessaire, c’est-à-dire
C’est le plan prévertébral qui doit guider la recherche du diverticule, lorsque l’on envisage une diverticulectomie, impliquant une
de bas en haut, c’est-à-dire en identifiant d’abord l’œsophage et, à ouverture de la muqueuse. Assez souvent, le passage de la sonde
partir de celui-ci, le pôle inférieur de la hernie. apparaît difficile, traduisant peut-être une hypertonie de la bouche
– Isolement du diverticule : il s’effectue à la pointe des ciseaux de Killian. Cette difficulté justifie pour nous le choix de ce stade
mousses, ou même à la compresse, ou à la noisette de gaze montée d’intervention pour placer la sonde dans les meilleures conditions
sur pince. L’identification est souvent assez difficile au début et il de sécurité.
convient de ne pas confondre l’œsophage et la poche diverticulaire
¶ Myotomie du cricopharyngien (fig 9)
(ne pas créer de faux diverticule). Il convient aussi que l’isolement
de la poche ne dépasse pas les limites du collet, donc de ne pas Elle constitue pour beaucoup le temps essentiel de l’intervention et
« attirer » l’œsophage dans cette dissection. la meilleure prévention contre les récidives. Elle peut être réalisée à
Pour faciliter tout à la fois le repérage, la position de l’œsophage et titre isolé pour les petits diverticules (en règle inférieurs à 2 cm),
l’identification de sa paroi, certains auteurs proposent la mise en dont l’identification et l’isolement sont difficiles sinon impossibles
place d’une bougie dans la lumière œsophagienne. Celle-ci peut au repos, et qui, par conséquent, ne sont accessibles ni à l’exérèse ni
s’effectuer soit au début de l’intervention, avec le risque cependant à la suspension, et encore moins aux techniques endoscopiques.
de traumatiser la poche en cas d’erreur de trajet, soit lorsque la Certains auteurs cependant récusent son intérêt soit de principe, soit
poche est presque totalement isolée, c’est-à-dire sous contrôle visuel en s’appuyant sur les difficultés de mettre en évidence une
et surtout tactile de la progression. hypertonie par études radiologique et manométrique [12].

5
46-290 Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens Techniques chirurgicales

9 Myotomie du cricopharyngien.

Elle nous paraît tout à fait légitime sinon indispensable et l’on


rappellera à ce sujet que les diverticulopexies et surtout les
techniques endoscopiques reposent essentiellement sur son principe.
L’identification des fibres musculaires et leur section sont aisées
dans le cas où le muscle est manifestement hypertrophique et forme
une sangle plus ou moins épaisse. Le plus souvent, on identifie les
fibres musculaires qui sont disséquées aux ciseaux et prudemment
sectionnées jusqu’à voir la muqueuse, certains recommandent une
large résection musculaire (plus de 1 cm). Ce temps est grandement
facilité en cas de diverticulectomie par l’introduction d’un doigt 10 Isolement du diverticule. Lignes de section du collet.
dans l’œsophage à travers la brèche (manœuvre rendue impossible
par l’utilisation des pinces automatiques et sans objet dans les
diverticulopexies). Une bougie peut jouer ce rôle de soutien à 11 Section du collet
muqueuse fermée ou refermée. (détail).
Trois points sont importants :
– la section doit porter sur la totalité de l’épaisseur des fibres
musculaires ;
– elle doit s’effectuer en arrière de l’articulation cricothyroïdienne
(ce qui donne le niveau), ou mieux, porter le plus près possible de
la ligne médiane postérieure, ce qui évite tout risque pour le nerf
récurrent ;
– elle doit être étendue, intéressant les fibres du cricopharyngien, le
tiers inférieur du constricteur et le premier centimètre des fibres
musculaires de l’œsophage. En fait, l’identification précise des
muscles est souvent difficile.

POINTS SPÉCIFIQUES EN FONCTION


DE LA TECHNIQUE CHOISIE
À ce stade de l’intervention, et si l’on excepte le temps de myotomie
qui peut en effet se situer plus tard dans le déroulement de celle-ci,
la poche du diverticule est entièrement isolée, le collet identifié, ou
à tout le moins la jonction œsodiverticulaire reconnue.
¶ Diverticulectomies – Protection des espaces cervicaux par champs bétadinés.
Technique – Ouverture du diverticule : celle-ci s’effectue aux dépens de la
– Mise en place d’une sonde naso-œsophagienne si celle-ci n’a pas paroi antérieure du diverticule, correspondant en fait à son bord
été réalisée. gauche (si l’abord cervical s’est effectué de ce côté) (fig 11).
– La technique d’exérèse est dépendante du mode de fermeture. – Aspiration éventuelle des débris alimentaires résiduels.
• Fermeture classique par fil à résorption lente – Section de la paroi postérieure du diverticule : elle est effectuée de
– Il est commode de placer un point d’appui aux jonctions telle sorte que la résection muqueuse postérieure soit plus
supérieure et inférieure entre l’œsophage et le diverticule, étalé sur économique que la résection antérieure. Cet excès de muqueuse par
une compresse ou un champ (fig 10). rapport à la ligne de section théorique facilite grandement la suture

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens 46-290

12 Suture de la brèche
œsophagienne.

14 Suture à l’agrafeuse automatique.

13 Pince autosuturante. – La reprise alimentaire est en règle effectuée au 8e ou 9e jour, en


commençant par une alimentation semi-liquide ou pâteuse.
ultérieure qui se trouve ainsi décalée vers le bord gauche de
l’œsophage. Elle évite tout risque de sténose et n’apparaît pas – Un contrôle radiographique contrasté est généralement réclamé
comme un facteur de récidive. au préalable avant l’ablation de la sonde.
– La suture est réalisée au fil à résorption lente (fig 12), soit par Complications
points muqueux séparés, soit par surjet. Un deuxième plan
musculaire est effectué par points séparés (certains préfèrent une L’infection avec médiastinite est la complication la plus redoutable.
fermeture pas à pas, au fur et à mesure de l’ouverture de la brèche). Elle doit être prévenue par l’absence de décollement intempestif
rétro-œsophagien lors de l’intervention, les précautions d’asepsie,
• Fermeture par pince autosuturante (fig 13) les sutures étanches et une antibiothérapie suffisante. Elle se
manifeste par une élévation thermique et les images radiologiques
– On utilise la pince TA 30 le plus souvent, parfois la pince TA 55. d’élargissement du médiastin supérieur. L’existence d’une fistule
Ces pinces ne font qu’agrafer et la section se fait au bistouri. immédiate, d’une insuffisance ou d’un lâchage de suture peut être
– Elle évite toute ouverture muqueuse et réduit le risque de sténose. annoncée par un emphysème. On n’attend pas l’atteinte patente de
Le diverticule est présenté parfaitement étalé et la pince est l’état général pour traiter médicalement d’abord, voire par drainage
appliquée sur la ligne du bord de l’œsophage (fig 14). Fermeture et si nécessaire. En fait, cette complication apparaît désormais
section sont concomitantes et le temps de reconstitution s’en trouve exceptionnelle, et doit être encore mieux prévenue par l’usage de
d’autant allégé, sans risque de contamination salivaire, voire de plus en plus répandu de la pince autosuturante.
contamination par le contenu gastrique du champ opératoire. La constitution d’une fistule secondaire est aussi devenue rare. Elle
– Vérification de l’hémostase et mise en place d’un drain aspiratif est annoncée le plus souvent par une infection locale, la constitution
de Redon-Jost que l’on évite de placer au contact de la suture d’un abcès et l’apparition de salive à travers la plaie.
œsophagienne. La sténose est également bien rare. Elle est la conséquence d’une
– Fermeture cutanée en deux plans. exérèse muqueuse trop importante. Elle sera traitée par dilatations
progressives.
Suites opératoires Une paralysie récurrentielle est possible et généralement transitoire.
– Antibiothérapie, en règle débutée au cours de l’intervention. Nous avons vu les éléments de sa prévention.
– Drainage aspiratif sur 3 jours. La récidive est signalée dans un certain nombre de publications. Elle
peut survenir très tardivement. Encore faut-il distinguer la récidive
– Alimentation par sonde reprise à j1, et poursuivie jusqu’à j8. radiologique sans traduction clinique et la récidive vraie dont la
– Surveillance locale régulière (recherche d’emphysème, état de la reprise thérapeutique dépend de l’importance de la
peau, déglutition de la salive, etc) et générale par prise de symptomatologie. Un traitement endoscopique est possible en cas
température régulière. de récidive postchirurgicale.

7
46-290 Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens Techniques chirurgicales

suspension. Elle peut, le cas échéant, être transformée en


diverticulectomie en cas de brèche muqueuse accidentelle lors du
dégagement du diverticule, témoignant d’une fragilité tissulaire
impropre à une suture simple.

Techniques
La poche diverticulaire entièrement libérée est suspendue par
fixation du fond du diverticule au plan prévertébral, avec ou sans
suture du collet. Plusieurs points doivent être placés et
« l’accrochage » réalisé le plus haut possible, parfois à la pointe de
la mastoïde pour de grands diverticules, parfois au
sterno-cléido-mastoïdien.
La myotomie du cricopharyngien est considérée comme association
indispensable.
Il n’est pas nécessaire de mettre en place une sonde alimentaire.

Suites opératoires
La reprise alimentaire peut s’effectuer dès le premier jour
postopératoire.
Le temps d’hospitalisation peut être limité à l’ablation du drain de
Redon-Jost.

Complications
La persistance d’une image diverticulaire radiologique sans
traduction clinique ne saurait être considérée comme telle. Elle est
fréquente.
La récidive peut être en rapport avec un « lâchage » de la fixation.
Le problème du nerf récurrent est analogue à celui rencontré dans
les diverticulectomies.

¶ Invagination du diverticule
Pratiquement abandonnée par tous les auteurs à l’exception de
Bowdler et Stell [1] qui publient, en 1987, 20 cas d’invagination, cette
technique consiste à invaginer la poche dans la lumière
15 Suspension du diverticule : diverticulopexie. œsophagienne et à effectuer une suture séreuse de maintien en deux
plans.
¶ Diverticulopexie (fig 15)
Les auteurs, qui présentent par ailleurs un nombre de complications
La diverticulopexie présente l’avantage de ne pas nécessiter très important dans leur expérience de diverticulectomie, se félicitent
d’ouverture muqueuse, évitant ainsi tout risque d’infection, de de la simplicité des suites et ne notent que deux récidives sur 20, en
fistule ou de sténose [8, 10]. Elle paraît difficilement réalisable pour les soulignant l’absence de trouble de la déglutition, consécutif à
diverticules de très petite taille, qui ne se prêtent pas à une l’invagination muqueuse.

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des diverticules pharyngo-œsophagiens 46-290

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9
¶ 46-305

Chirurgie des orostomes


et des pharyngostomes
Y. Mallet, A. Kara

Les pharyngostomes et les orostomes sont des complications assez fréquentes en chirurgie cervicofaciale
avec effraction muqueuse. De nombreux facteurs de risque, bien souvent cumulés, ont été identifiés dans
la survenue d’une fistule salivaire. Dans une première partie, les principaux facteurs de risques, liés soit à
l’état général du patient, soit à l’état local sont rappelés. Une attention particulière doit porter sur
l’évaluation de la dénutrition et sur l’importance des risques liés aux antécédents de radiothérapie et/ou
de chimiothérapie. Les possibilités de prévention sont évoquées dans une deuxième partie. L’accent sera
mis sur l’amélioration de l’état général, partie intégrante du projet chirurgical. Dans bien des cas, le
chirurgien est amené à réintervenir afin de contrôler cette brèche cutanéomuqueuse. Une stratégie de
reconstruction est développée à travers la description de différents lambeaux dans la dernière partie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pharyngostome ; Orostome ; Complication chirurgicale ; Comorbidité ; Prévention

Plan peuvent cependant être soulignées et alimenter la réflexion, au


besoin la démarche de soins de l’équipe médicochirurgicale.
L’approche pluridisciplinaire, préventive et parfois curative
¶ Introduction 1
lorsque la chirurgie s’avère indispensable est un facteur déter-
¶ Facteurs de risques liés à l’état général 1 minant de cette prise en charge.
Dénutrition 1
Anémie 2
Autres 2 ■ Facteurs de risques liés à l’état
¶ Facteurs de risque liés à l’état local 2
Terrain irradié 2 général
Type de résection 2
L’identification des facteurs de risque de fistule est un
Reflux gastro-œsophagien (RGO) 2
élément essentiel avant toute chirurgie avec effraction
¶ Prévention 3 muqueuse. Elle doit aboutir, dans la mesure du possible, à une
Technique chirurgicale 3 prise en charge adéquate.
Antibioprophylaxie 3
Renutrition 3
Sonde nasogastrique 3
Dénutrition
Traitement du reflux gastro-œsophagien 3 L’incidence de la dénutrition est extrêmement élevée dans les
¶ Pharyngostomes 3 cancers des voies aérodigestives supérieures. Selon les publica-
Diagnostic 3 tions, 35 à 70 % des patients présentent une dénutrition sévère.
Prise en charge des fistules salivaires précoces 3 Elle est fonction de la localisation tumorale et du stade
Prise en charge des fistules retardées 4 d’évolution [2].
Techniques de fermeture chirurgicale 4 Cette dénutrition est principalement liée à une privation de
calories d’origine protéique, et plusieurs mécanismes intervien-
¶ Cas particulier des orostomes 4
nent dans sa pathogénie. Brièvement, l’apport excessif d’alcool
Orostome sans atteinte osseuse 6
entraîne une consommation calorique d’origine glucidique
Orostome incluant l’os mandibulaire 6
importante, source de malnutrition sévère. L’état dentaire
¶ Conclusion 6 défectueux associé aux troubles de déglutition d’origine tumo-
rale peut entraîner des dysphagies sévères. Elles sont fréquem-
ment aggravées par une anorexie secondaire à des troubles
■ Introduction anxiodépressifs. Celle-ci se traduit au final par une cachexie qui
est un véritable handicap dans la prise en charge, en particulier
Pharyngostomes et orostomes sont des événements bien chirurgicale.
connus des chirurgiens spécialistes de la tête et du cou. Leurs Quel qu’en soit le mécanisme, la dénutrition demeure un
incidences, variables selon les publications, restent non négli- facteur de complication postopératoire majeur et notamment
geables (9-23 %) [1]. De nombreux travaux ont porté sur les d’apparition d’orostomes ou de pharyngostomes. L’étude de van
causes et les remèdes à cette « plaie » cutanéomuqueuse sans Bokhorst-de van der Schueren [3] montre que les complications
qu’il s’en dégage un réel consensus. Certaines lignes directrices graves (principalement pharyngostomes et orostomes) sont

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-305 ¶ Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes

majorées en cas de dénutrition, et que le risque est directement tation des complications postopératoires et des fistules si
corrélé à la perte pondérale. Si la perte pondérale est inférieure l’intervalle entre la radiothérapie et la chirurgie est inférieur à
à 10 %, évaluée entre 10 et 15 %, ou supérieure à 15 %, le 12 mois.
risque de complications graves est de respectivement 12,5 %, Il semble également clair que les fistules après chirurgie
50 % et près de 75 %. postradique apparaissent de façon plus précoce, sont de plus
grandes dimensions et ont une durée de résolution plus lon-
gue [12, 13].
Anémie Un des points clés de la chirurgie buccopharyngée est la prise
Deux séries récentes [4, 5] ont établi qu’un taux d’hémoglo- en charge des structures osseuses, notamment mandibulaires.
bine inférieur à 12,5 g/dl en postopératoire immédiat est Les effets de la radiothérapie à long terme entraînent des aspects
susceptible d’augmenter l’incidence des fistules pharyngées par histologiques d’artérite, d’hypoxie tissulaire, de fibroses secon-
un facteur 9. La nécessité de transfusion de culot globulaire en daires génératrices d’hypoxie, d’hypovascularisation et d’hypo-
peropératoire a été également un facteur de risque incriminé [6]. cellularité osseuses.
Ces deux facteurs, directement liés à la perte sanguine peropé- Toutes ces modifications tissulaires expliquent les possibilités
ratoire, sont cependant le reflet d’une exérèse tumorale large et d’ostéonécrose mandibulaire, soit spontanément, soit après un
complexe, qui est en elle-même un risque de fistule. geste chirurgical local, quelle que soit son agressivité. Le risque
d’apparition d’une ostéite est avéré avec parfois une évolution
vers un orostome.
Autres La radionécrose est peu fréquente pour des doses d’irradiation
D’autres facteurs liés au patient sont parfois évoqués ou inférieures à 60 Gy et plus fréquente en cas d’utilisation de
suspectés comme le diabète, les hépatopathies, les artériopa- curiethérapie. La mandibule est l’os le plus fréquemment atteint
thies, les bronchopneumopathies chroniques obstructives et les en comparaison aux maxillaires et autres os de la face ou du
hypothyroïdies [1]. cou [14].

Type de résection
■ Facteurs de risque liés à l’état Il est évident que l’étendue de l’exérèse tumorale demeure un
important facteur de risque. Cependant, l’apport de lambeaux
local vascularisés a permis de modifier la prise en charge des patients.
Les limites des exérèses ont pu être élargies grâce aux recons-
Terrain irradié tructions complexes. Par ailleurs, il est établi que l’utilisation
presque systématique d’un lambeau musculaire de couverture
La radiothérapie est largement utilisée dans le traitement des dans la chirurgie pharyngolaryngée permet une meilleure
cancers des voies aérodigestives supérieures. Au-delà de leur cicatrisation secondaire bien que le nombre de fistules soit peu
efficacité antitumorale, les radiations ionisantes entraînent modifié [15].
différents effets retardés sur les tissus normaux. On retrouve L’étendue de l’exérèse au niveau hypopharyngé semble un
notamment une atrophie des muqueuses, une fibrose des tissus, facteur de risque important. Les différentes séries publiées
une altération des cellules endothéliales au niveau des vais- associent le plus souvent les laryngectomies et les pharyngola-
seaux, une fibrose de la média, une athéromatose et une ryngectomies, sans qu’il soit possible de déterminer des taux de
thrombose. fistules liés à chaque intervention. Cependant Redaelli de Zinis
Certaines publications suggèrent un rôle important de la a publié une série de 246 laryngectomies consécutives. Il a
radiothérapie dans la genèse des fistules [1] . En revanche, trouvé des taux de fistules de 26 % pour les pharyngolaryngec-
d’autres séries portant sur un nombre conséquent de patients ne tomies totales et de 13 % pour les laryngectomies totales avec
confirment pas ce critère [7, 8]. une différence significative (p = 0,02) [4].
L’analyse de la dose totale reçue et le type de fractionnement Cette même série ne montrait pas que la réalisation, dans le
(classique, hyperfractionné, accéléré) ne sont que rarement même temps opératoire, d’un évidement cervical augmentait le
rapportés. L’étude de Johansen et al. [9] retrouve un taux de risque de fistule. Dans la série de Ganly, la réalisation d’un
fistule de 25 % pour une dose totale de 57 Gy et de 92 % si évidement cervical radical ou radical modifié n’est pas un
celle-ci atteint 72 Gy. Cette équipe a également montré que le facteur de risque mis en évidence [7]. Au contraire, Mc Combe a
taux de fistule augmentait avec la taille des champs trouvé un risque relatif de fistule de 2,2 en cas de réalisation
d’irradiation. d’un évidement radical [12].
Les deux dernières décennies ont vu apparaître les protocoles Dans notre expérience, il semble que l’importance du décol-
de préservation laryngée associant une chimiothérapie à la lement tissulaire ou de la dévascularisation du pharynx restant
radiothérapie. L’adjonction de chimiothérapie induit également augmente le taux, la taille et la précocité d’apparition des
des modifications tissulaires sur les tissus sains. L’association de fistules. Ainsi en cas de doute sur la vitalité d’une muqueuse
la chimiothérapie et de la radiothérapie entraîne une augmen- restante, nous préconisons le sacrifice de celle-ci et le recours à
tation des lésions tissulaires, avec des taux de complications et une reconstruction du fût pharyngé par l’utilisation de lambeau
notamment de pharyngostomes plus importants. (cf. infra).
Weber [10] a publié en 2003 l’analyse de la chirurgie de La problématique est identique dans la chirurgie de la cavité
rattrapage de l’essai de préservation laryngée du groupe améri- buccale et de l’oropharynx, avec une élasticité insuffisante en
cain du RTOG 91-11 ; 517 patients ont été randomisés en trois cas d’exérèse importante ne permettant pas une fermeture
groupes. Le groupe 1 a reçu une chimiothérapie néoadjuvante, directe bord à bord. Le recours aux lambeaux vascularisés
le groupe 2 une radiochimiothérapie concomitante et le groupe permet de combler les espaces morts et d’éviter les désunions
3 une radiothérapie exclusive. Le taux de laryngectomie totale liées à une fermeture en tension.
de rattrapage est respectivement de 28, 16 et 31 % pour les
groupes 1, 2 et 3. Le taux de fistule pharyngée est de 15 % dans
le groupe 3 et de 30 % dans le groupe 2. Ganly [7] retrouve les Reflux gastro-œsophagien (RGO) [16]
mêmes résultats sur une série de 183 laryngectomies, avec un Le RGO est fréquemment cité dans la liste des facteurs de
taux de fistules pharyngocutanées de 31 % chez les patients risque de fistules. Très succinctement, son rôle est directement
traités au préalable par une radiochimiothérapie et de 15 % lié à ses capacités d’induire une réaction inflammatoire sur les
après radiothérapie seule. Cette différence (chimiothérapie ou muqueuses des tractus digestif et respiratoire. Au niveau
non) reste le seul facteur retrouvé en étude multivariée. laryngé, son rôle semble clair concernant la survenue de
Au-delà de l’incidence, le délai entre la radiothérapie et la laryngite, de granulome ou d’ulcération laryngée. Des modèles
chirurgie de rattrapage en terrain irradié est également à prendre animaux ont montré que l’action de la pepsine, seule ou
en considération. Sassler [11] a montré qu’il existe une augmen- conjuguée à l’acide chlorhydrique, entraînait des ulcérations

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes ¶ 46-305

muqueuses et des hémorragies sous-muqueuses [17]. De plus, sur Sonde nasogastrique


une série de 225 patients porteurs de cancers du larynx,
Koufman a montré l’existence d’anomalies sur les résultats des Classiquement, l’alimentation est assurée par une sonde
pH-métries faites de façon systématique [18]. nasogastrique laissée en place entre 7 et 10 jours. Des essais de
Les autres facteurs de risque sont difficiles à apprécier, réalimentation orale précoce et sans sonde nasogastrique ont été
d’autant plus que les différentes séries ne comprennent qu’un publiés sans modification péjorative du taux de fistules
nombre limité de patients et que les facteurs locaux sont pharyngée [1].
souvent intriqués avec les comorbidités.
Traitement du reflux gastro-œsophagien
■ Prévention Seikaly a rapporté son expérience d’un traitement antireflux
associant la ranitidine et le métoclopramide par voie intravei-
La reconnaissance des patients à risque de fistule doit neuse dans un groupe expérimental. Il a montré que le taux de
permettre d’instituer des mesures préventives. Celles-ci s’intè- fistules diminuait de 26 % dans le groupe témoin à 0 dans le
grent complètement dans le projet chirurgical en association groupe expérimental [16]. Notre attitude consiste à introduire un
avec tous les acteurs de la prise en charge du patient. traitement antireflux en cas d’antécédent connu ou de reflux
avéré en postopératoire.
Technique chirurgicale
Les hémostases doivent être minutieuses, le maniement des
muqueuses doit être le moins traumatique possible. Une
muqueuse ou les muscles périphériques de viabilité douteuse ne
doivent pas être laissés en place mais doivent être réséqués. La
“ Points forts
technique de fermeture de la brèche pharyngée doit permettre
d’obtenir une étanchéité suffisante mais doit éviter l’ischémie Avant intervention
muqueuse avec au mieux deux plans de couverture. Il n’est pas Évaluer et corriger l’état général du patient, en particulier
clairement démontré que le type de fermeture (points séparés, nutritionnel.
surjet ou pinces automatiques) modifie le risque de fistule de En cours d’intervention
manière significative. Éviter l’ischémie des muqueuses restantes (hypopharynx).
La myotomie du muscle cricopharyngien est fréquemment Évaluer la qualité des tissus restants et au besoin exciser
effectuée compte tenu du risque d’hyperpression pharyngée que toute muqueuse de vitalité douteuse.
son hypertonie pourrait provoquer, majorant ainsi le risque de
Éviter les fermetures pharyngées en tension sur sonde
fuite salivaire à travers la suture pharyngée.
Nous sommes attentifs à la bonne vitalité de la muqueuse nasogastrique.
restante, en particulier en chirurgie pharyngolaryngée. Le risque Choisir un lambeau adapté et fiable (en reconstruction
de souffrance veineuse est parfois élevé, en particulier lorsqu’il primaire).
est nécessaire de réaliser un curage bilatéral dans le même temps
que l’exérèse tumorale. Nous pouvons être amenés à différer
l’un des deux curages.
Le développement des techniques des lambeaux vascularisés ■ Pharyngostomes
pédiculés ou libres a permis d’élargir les possibilités de rattrapa-
ges chirurgicaux mais également de diminuer les complications Diagnostic
graves postopératoires [15].
Les lambeaux composites osseux vascularisés permettent une Le diagnostic d’une fistule salivaire doit être le plus précoce
chirurgie buccopharyngée élargie avec une diminution des possible. Il permet une prise en charge rapide et adaptée,
complications liées à la fragilisation de la mandibule. minimisant les risques de complications graves. La littérature est
L’utilisation courante de lambeaux musculaires de couverture très pauvre sur ce sujet. Cela reflète sans doute l’absence de
du pharynx, ou de comblement d’espace mort, ne diminue pas signes francs dans la plupart des cas.
l’incidence des fistules mais permet d’apporter un tissu de Friedman [22] a publié en 1999 une étude intéressante sur
soutien fiable et vascularisé permettant une cicatrisation 200 patients ayant bénéficié d’une suture pharyngée. Il retrou-
secondaire. vait une corrélation significative entre la survenue d’une
Dans notre expérience, nous privilégions en particulier la hyperthermie (supérieure à 38,5 °C) dans les 48 premières
pharyngolaryngectomie totale circulaire à la pharyngolaryngec- heures et la survenue d’une fistule salivaire. Larsen [23] recom-
tomie totale « élargie » lorsque la qualité et la surface de mande l’utilisation d’un test à l’amylase pour faire la part entre
muqueuse restante ne permet pas une fermeture dans des un drainage séreux ou salivaire. De manière plus classique, la
conditions optimales, c’est-à-dire sans tension excessive. modification de la coloration cutanée en particulier avec un
placard inflammatoire, la modification des résidus dans les
Antibioprophylaxie drains de Redon cervicaux et également la douleur à la palpa-
tion cervicale restent de bons signes annonciateurs d’une fistule
L’utilisation d’une antibioprophylaxie dans la chirurgie salivaire.
propre contaminée en cancérologie cervicofaciale est actuelle- Nous réalisons systématiquement à j7, pour les patients ayant
ment un standard. Elle a permis une très nette diminution des des suites simples, un transit pharyngo-œsophagien à l’aide
infections des sites opératoires, passant de 30-80 % à 15-40 %, d’un produit radio-opaque hydrosoluble. Les images d’addition
et parallèlement du taux de fistules [19]. cervicale sont très régulièrement annonciatrices d’une fistule
L’antibioprophylaxie doit couvrir un large spectre compre- retardée. À noter que cette imagerie est à l’origine d’un taux de
nant les germes aérobies et anaérobies de la flore oropharyn- faux négatifs non négligeable (14 %) [9] renforçant ainsi
gée [1, 9, 20]. l’importance de la surveillance clinique. Pour certains, cet
examen n’est pas systématique [1], il n’est réalisé que pour les
Renutrition patients fragiles avec un risque élevé de fistules précoces.
La dénutrition doit être prise en charge et au mieux corrigée
avant l’intervention, si besoin par pose d’une sonde nasogastri- Prise en charge des fistules salivaires
que ou d’une gastrostomie. Le plus souvent, les apports seront précoces
hyperprotidiques et hypercaloriques. Il semble que l’utilisation
des immunonutriments permette de réduire les taux d’infections Les fistules salivaires dans la chirurgie pharyngolaryngée
postopératoires [21]. surviennent en général entre 7 et 11 jours après la chirurgie [4,

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-305 ¶ Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes

5, 12].Cependant, certaines fistules surviennent très précocement restent les mêmes. Il s’agit de restaurer trois plans, l’un profond
après l’intervention (dans les 48 premières heures). Rares et pour la reconstruction de la muqueuse, le second intermédiaire
souvent liées à une faute technique, elles peuvent être à et le troisième au niveau cutané [26].
l’origine d’une infection cervicale majeure. En effet, elles
entraînent une contamination, en règle, de tout le champ Lambeaux locaux
opératoire avec un risque réel de rupture de l’un des gros Nous n’utilisons pas, en règle, de lambeaux locaux car ces
vaisseaux cervicaux. Ces fistules salivaires précoces nécessitent tissus ont été agressés par l’infection cervicale. Cependant
une reprise chirurgicale immédiate dans un double objectif : certains auteurs [27-29] proposent la réalisation d’un lambeau du
contrôler le flux salivaire en protégeant en particulier les gros muscle sterno-cléido-mastoïdien.
vaisseaux et laver abondamment la zone contaminée après Ces auteurs insistent sur l’importance du respect de l’artère
prélèvement à visée bactériologique. La mise en place d’un tube du sterno-cléido-mastoïdien, branche de l’artère occipitale,
de dérivation salivaire permet de mieux contrôler le flux pénétrant le muscle dans la partie antérieure de sa face pro-
salivaire [24]. Il tient une place primordiale dans la prise en fonde. Il est préférable, sur ces terrains difficiles, d’effectuer un
charge d’une fistule précoce hypopharyngée. La mise en place lambeau à charnière supérieure respectant cette artère. D’autre
de ce tube salivaire permet l’assèchement immédiat de la fistule part, il est intéressant de monter avec l’extrémité inférieure de
et semble indispensable lorsque les tissus ne se prêtent pas à ce muscle les fascias environnant les attaches sternoclaviculaires
une fermeture immédiate. Le tube étant mis en place, le afin d’obtenir un maximum de tissu disponible pour la recons-
traitement consiste ensuite en une prise en charge efficace de truction (Fig. 1).
l’infection cervicale. Après prélèvement à visée bactériologique, Le lambeau de platysma musculocutané a également été
un lavage cervical abondant et adapté au décollement souvent proposé pour ce type de reconstruction [30]. Bianchi propose une
important entretenu par la fistule salivaire précoce est effectué. greffe de peau sur la face profonde du platysma avant recons-
L’intervention se termine par la mise en place de lames de truction du pharyngostome dans un deuxième temps. Ainsi la
Delbet. En l’absence de tube de dérivation salivaire, il faut greffe de peau permet la reconstruction du plan muqueux, le
éloigner le flux salivaire des gros vaisseaux et du médiastin muscle platysma assure la couche intermédiaire et la palette
allant si nécessaire jusqu’à aboucher la muqueuse à la peau cutanée cervicale permet la fermeture cutanée (Fig. 2).
chirurgicalement [25]. Ce pharyngostome « chirurgical » sera
refermé dans un deuxième temps. Lambeaux régionaux pédiculés
L’intervention doit être encadrée par une prise en charge Le principal lambeau proposé dans ce type de reconstruction
médicale adaptée. L’alimentation entérale doit être poursuivie et est le lambeau musculocutané de grand pectoral [1, 31, 32]. C’est
un bilan nutritionnel doit être effectué régulièrement afin un lambeau très utile dans les larges defects pharyngocutanés et
d’éviter ou de corriger une éventuelle dénutrition. Dans un qui peut être aisément combiné avec une greffe de peau sur la
premier temps, une couverture antibiotique à spectre très large face musculaire profonde reconstruisant ainsi dans le même
est instaurée, relayée par une antibiothérapie plus ciblée après temps les defects cutanés cervicaux (Fig. 3).
retour de l’antibiogramme. Le pansement est refait deux fois par Dans cette indication, d’autres proposent un lambeau delto-
jour avec lavage abondant de la zone infectée. Sur certains pectoral ou grand dorsal [33, 34].
terrains (diabétiques, dénutris, irradiés) ou en cas d’infection
cervicale à anaérobie, la combinaison d’une antibiothérapie Place des lambeaux libres
adaptée à une série de séances d’oxygénothérapie hyperbare est Le transfert de lambeaux libres prélevés à distance du site
à préconiser. opéré et irradié permet d’apporter des tissus sains et bien
Patients et proches doivent être informés de cette complica- vascularisés, propices à une cicatrisation rapide. Comme
tion, de sa prise en charge et d’un éventuel risque hémorragique d’autres [35] nous privilégions cette technique lorsque le defect
malgré des soins appropriés. muqueux est très important. Sa principale limite reste la qualité
des vaisseaux receveurs, souvent très altérés dans ce contexte.
Prise en charge des fistules retardées De Vries [36] rapporte de très bons résultats sur une série de
18 patients traités par lambeaux libres de jéjunum.
Ces fistules surviennent au moins 1 semaine après l’interven- Nakatsuka [37] rapporte une expérience de fermeture de fistule
tion et sont nettement plus fréquentes (9-23 %) [1]. Le tableau pharyngo-œsophagienne complexe à l’aide de lambeaux libres
clinique est très différent du précédent. Évoluant à bas bruit, sur 15 patients. Leur taux de succès est de 93 %, avec un seul
elles s’organisent dans des tissus déjà en voie de cicatrisation. échec. Il utilise essentiellement un lambeau antébrachial qu’il
Elles peuvent être associées à une légère fébricule. Une poche de privilégie pour les reconstructions non circonférencielles et le
rétention est parfois palpable. Le plus souvent, le diagnostic est jéjunum pour les reconstructions circonférencielles.
porté à l’occasion d’un transit pharyngo-œsophagien aux Chun [38] présente une série de cinq cas reconstruits à l’aide
hydrosolubles réalisé 1 semaine à 10 jours après l’intervention. de lambeaux libres antébrachiaux ou de jéjunum. Son équipe
Une fistule borgne peut ainsi être objectivée. La reprise de met l’accent sur la qualité des reconstructions double palettes,
l’alimentation per os est alors différée. Le plus souvent la fistule ou plurisegmentaires pour le lambeau de jéjunum assurant ainsi
s’exprime dans les heures qui suivent le transit, sous la forme la reconstruction des différents plans. On retrouve cette
d’un jet de salive purulente. approche par d’autres auteurs [39, 40] (Fig. 4). Le segment de
Nous préconisons alors des soins locaux associés à la dégluti- jéjunum permettant la reconstruction cutanée est ouvert,
tion de Bétadine® diluée en petite quantité jusqu’à l’obtention désépithélialisé et recouvert par une greffe de peau.
d’un drainage propre. Entre les soins, un pansement compressif Dans notre expérience, l’utilisation de lambeaux libres dans
ajusté au trajet est appliqué sur la région cervicale. En général, un tel contexte reste tout à fait exceptionnelle. Compte tenu
les fistules retardées cicatrisent spontanément. des possibilités offertes, le projet de reconstruction doit être
adapté au cas par cas. Il doit prendre en compte une éventuelle
sténose sous-jacente en général à la charnière pharyngo-
Techniques de fermeture chirurgicale œsophagienne, justifiant la levée de cette sténose dans le même
Cinquante à 80 % des fistules ne nécessitent pas de fermeture temps chirurgical et une découpe du lambeau adaptée à cette
chirurgicale [4, 8, 13] . Cependant, dans le cas contraire, de éventualité. A fortiori, dans les defects très importants, la taille
nombreuses techniques ont été proposées à distance de l’infec- des lambeaux doit être suffisante pour éliminer tout risque de
tion et après bourgeonnement des tissus agressés. La réparation sténose postreconstruction.
tissulaire doit être adaptée à l’importance du defect cutanéomu-
queux. La prise en charge doit être adaptée à la qualité des
tissus, à l’état général du patient et enfin aux impératifs de la
■ Cas particulier des orostomes
mise en route d’une éventuelle radiothérapie complémentaire. La prise en charge des orostomes obéit aux mêmes règles que
Quel que soit le lambeau choisi, les principes de reconstruction celles des pharyngostomes. Il est nécessaire d’exciser la totalité

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes ¶ 46-305

Figure 1. Lambeau de sterno-cléido-


mastoïdien (SCM).
A. Place de la fistule pharyngée (1).
B. Fermeture de la fistule à l’aide d’un lambeau
de SCM à charnière supérieure avec respect de
l’artère du SCM (2).

Figure 2. Lambeau de platysma.


A. Greffe de peau en face profonde (1).
B. Palette cutanée dessinée et zone désépidermisée (2).
C. Tunnellisation sous-cutanée.
D. Comblement du pharyngostome, la greffe de peau en reconstruction
sur le versant muqueux.

des tissus nécrotiques ou fibreux des berges afin d’avoir la


meilleure vitalité possible du site receveur du lambeau. Il sera
également nécessaire d’effectuer une reconstruction plan par
plan. Cependant une nouvelle contrainte complique cette prise
en charge : la mandibule. Celle-ci présente un double problème.
Lorsqu’elle est exposée, une ostéite survient régulièrement et Figure 3. Lambeau grand pectoral.
complique la prise en charge. Par ailleurs, elle impose un relief 1. Palette cutanée assurant la reconstruction muqueuse ; 2. palette
qui doit être pris en compte dans le projet de reconstruction. musculaire sur laquelle est placée une greffe de peau.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-305 ¶ Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes

Figure 4.
A. Lambeau antébrachial double palettes. 1. Couverture muqueuse ; 2. couverture cutanée. Le
décollement mesuré du bord médian des deux palettes minimise la plicature du lambeau.
B. Lambeau de jéjunum plurisegmentaire. 1. Segment pour la reconstruction circonférentielle du
pharynx ; 2. segment ouvert, désépithélialisé, recouvert d’une greffe de peau. Il assure la fermeture
cutanée.

Orostome sans atteinte osseuse Orostome incluant l’os mandibulaire


Il peut survenir dans les suites d’une nécrose partielle ou Il s’agit du cas le plus fréquent où une partie de l’os mandi-
complète d’un lambeau visant à reconstruire une partie de bulaire participe à l’orostome. Il peut survenir à l’occasion d’une
langue ou de plancher. Cet incident postopératoire peut souffrance des tissus visant à recouvrir une portion d’os
entraîner un orostome de taille variable le plus souvent latéral. mandibulaire lors de la chirurgie primaire. Ainsi exposé, l’os
En général, un orostome de petite taille se referme spontané- s’infecte régulièrement. Le risque est accru en territoire irradié,
ment. Il nécessite des soins locaux appropriés calqués sur ceux avec une progression parfois spectaculaire. Cette ostéite néces-
site une prise en charge complexe, aggravée si elle participe à
que nous avons décrits dans le chapitre «Pharyngostomes ». Les
un orostome. Encadrée par une antibiothérapie à spectre large,
defects plus importants, en particulier à la charnière buccopha-
la résection de l’os infecté s’impose. Des prélèvements osseux à
ryngée, peuvent être à l’origine d’un orostome organisé qui ne
visée bactériologique sont ensemencés sur des milieux de
se referme pas spontanément, l’arche mandibulaire entretenant transports spéciaux (milieu de Rosenow, Portagerm®). L’antibio-
cette ouverture. De manière exceptionnelle, la débâcle salivaire thérapie sera aussi adaptée dans un deuxième temps à l’antibio-
cervicale latérale pouvant entraîner une rupture vasculaire, on gramme. Le geste peut également être encadré par une
peut être amené à effectuer l’exérèse de l’angle mandibulaire et oxygénothérapie hyperbare [42, 43]. Celle-ci semble indiquée en
de sa branche montante afin de libérer la partie postérieure de particulier sur les terrains irradiés lorsque l’ostéite est combinée
la joue et la charnière buccopharyngée de son armature osseuse à une ostéoradionécrose, afin de favoriser la prolifération
et permettre ainsi une application du lambeau jugal contre les vasculaire nécessaire à une bonne cicatrisation. À cela s’ajoute
tissus buccopharyngés. Ce rapprochement des tissus avoisinant une activité antianaérobie, le cas échéant. La fermeture de
l’orostome permet le plus souvent de fermer celui-ci avec succès. l’orostome obéit par ailleurs aux mêmes règles précédemment
Cependant, lorsque l’orostome est organisé, il faut la plupart du décrites. Les lambeaux prélevés en tissus sains non irradiés,
temps effectuer une fermeture chirurgicale obéissant aux mêmes libres ou pédiculés (lorsque leur pédicule n’est pas en tension)
règles de prise en charge que celles décrites dans le chapitre doivent être privilégiés.
« Pharyngostomes ». Le choix du lambeau doit tenir compte de
la situation anatomique de la zone à reconstruire. Une recons-
truction pharyngée nécessite une couverture verticale et bas ■ Conclusion
située qui s’accorde bien avec les lambeaux pédiculés type grand Le meilleur traitement des fistules salivaires reste leur
dorsal ou grand latéral. Une reconstruction en cavité buccale prévention. Elle repose sur une bonne préparation du patient
nécessite une couverture bien souvent horizontolatérale et haut avant l’intervention, en particulier sur le plan nutritionnel. La
située en région cervicale. Elle s’accorde mal avec les lambeaux bonne conduite de l’intervention primaire est déterminante
précités et offre une place intéressante aux lambeaux libres [38]. dans la survenue ou non d’une fistule salivaire. Les fermetures
Le lambeau faciocutané temporal superficiel tel qu’il est décrit serrées (dites « sur sonde ») après pharyngolaryngectomies
par Fabrizio [41] est un lambeau pédiculé séduisant pour les doivent être abandonnées, au profit d’une reconstruction
fermetures de ces fistules latérales haut situées (Fig. 5). primaire par lambeau libre ou pédiculé très fiable dans cette

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes ¶ 46-305

Figure 5.
A. Tracé du lambeau faciocutané temporal superfi-
ciel : orostome.
B. Mise en place d’un lambeau après tunnellisation
sous-cutanée et comblement de l’orostome.

[3] van Bokhorst-de van der Schueren MA, van Leeuwen PA,

“ Points forts
Sauerwein HP, Kuik DJ, Snow GB, Quak JJ. Assessment of
malnutrition parameters in head and neck cancer and their relation to
postoperative complications. Head Neck 1997;19:419-25.
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et al. Pharyngocutaneous fistula as a complication of total
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laryngectomy: review of the literature and analysis of case records.
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[10] Weber RS, Berkey BA, Forastiere A, Cooper J, Maor M, Goepfert H,
lambeau s’avère nécessaire en reconstruction primaire, il doit
et al. Outcome of salvage total laryngectomy following organ
être adapté à la taille et à la localisation du defect. Sa fiabilité
preservation therapy. The Radiation Therapy Oncology Group trial
entre les mains de l’opérateur reste un élément déterminant.
91-11. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2003;129:44-9.
La prise en charge des orostomes et des pharyngostomes obéit
[11] SasslerAM, Esclamado RM, Wolf GT. Surgery after organ preservation
à des règles assez simples. La décision d’intervenir et le choix du
therapy. Analysis of wound complications. Arch Otolaryngol Head
lambeau restent à l’appréciation de chaque opérateur et se font
Neck Surg 1995;121:162-5.
au cas par cas. La date d’intervention est déterminante. Elle doit
[12] McCombe AW, Jones AS. Radiotherapy and complications of
offrir la possibilité d’une fermeture spontanée, en général
laryngectomy. J Laryngol Otol 1993;107:130-2.
3 mois. Elle est encadrée par un bilan soigneux s’assurant de
[13] Virtaniemi JA, Kumpulainen EJ, Hirvikoski PP, Johansson RT,
l’absence de récidive, d’un statut nutritionnel favorable à la
Kosma VM. The incidence and etiology of postlaryngectomy
réintervention et d’un état général compatible avec celle-ci. Elle
pharyngocutaneous fistulae. Head Neck 2001;23:29-33.
ne doit pas interférer avec un éventuel traitement complémen-
[14] Teng MS, Futran ND. Osteonecrosis of the mandibule. Curr Opin
taire (radiothérapie ± chimiothérapie) si celui-ci augmente les
Otolaryngol Head Neck Surg 2005;13:217-21.
chances de guérison.
[15] Kara A, Dekeiser C, Fournier C. Complications post-opératoire chez
Prévenir, et au besoin traiter les pharyngostomes et orosto- les patients antérieurement traités par radiochimiothérapie. Expérience
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Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


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Y. Mallet (y-mallet@o-lambret.fr).
A. Kara.
Département de cancérologie cervicofaciale, centre Oscar-Lambret, 3, rue Combemale, B.P. 307, 59020 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mallet Y., Kara A. Chirurgie des orostomes et des pharyngostomes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-305, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


¶ 46-280

Pharyngectomies
et pharyngolaryngectomies
J.-L. Lefebvre, Y. Mallet

Les cancers de l’hypopharynx surviennent chez des patients souvent en mauvais état général et sont
habituellement diagnostiqués tardivement. Lorsqu’ils sont opérables, ils nécessitent le plus souvent une
chirurgie radicale. Les progrès de la chimiothérapie ont permis d’engager une recherche clinique visant à
éviter cette chirurgie mutilante, ce qui peut être réalisé dans un certain nombre de cas. La chirurgie
conserve toutefois de larges indications. La chirurgie endoscopique au laser CO2 permet dans des cas très
sélectionnés la résection de petites tumeurs haut situées. La pharyngectomie partielle latérale permet la
résection de tumeurs relativement limitées de la paroi externe de l’hypopharynx et les
hémilaryngopharyngectomies supraglottiques ou supracricoïdiennes celle de tumeur limitée du mur
pharyngolaryngé dans sa partie supérieure. La pharyngolaryngectomie totale reste, même si elle est
mutilante, un excellent traitement des tumeurs plus avancées ne pouvant faire l’objet d’une préservation
laryngée. Les pharyngolaryngectomies circulaires peuvent permettre l’exérèse de tumeurs plus évoluées
quand l’extension locorégionale et l’état du patient le permettent. Enfin, la chirurgie réparatrice a permis
d’effectuer de meilleures exérèses et a considérablement amélioré les suites de la chirurgie en terrain
irradié.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hypopharynx ; Chirurgie partielle ; Laser ; Chirurgie radicale ; Chirurgie reconstructive

Plan chirurgie endoscopique au laser CO2 est apparue intéressante,


même si ses indications sont moindres que celles des tumeurs
¶ Introduction 1 laryngées. En fait, le développement des stratégies de préserva-
tion laryngée a notablement modifié les attitudes thérapeuti-
¶ Généralités 1
ques au point de laisser penser que la chirurgie n’avait plus de
Préparation du malade 1
place que comme technique de rattrapage. Il est important de
Trachéotomie 2
souligner avec force que si la préservation du larynx est une
Curages cervicaux 2
démarche louable qu’il faut tenter chaque fois que possible, la
Soins postopératoires 2
chirurgie première reste un traitement efficace qui conserve une
Cas particulier de la chirurgie en terrain irradié 2
place indiscutable dans l’arsenal thérapeutique. De plus, les
¶ Pharyngolaryngectomies radicales 2 chirurgies partielles pharyngolaringées font partie intégrante
Pharyngolaryngectomie totale classique (PLT) 2 d’une stratégie de préservation laryngée.
Pharyngolaryngectomie totale avec shunt
trachéo-laryngo-pharyngé 4
Pharyngolaryngectomie totale circulaire 5
¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies partielles 7 ■ Généralités
Pharyngectomie partielle 8
Hémipharyngolaryngectomie horizontale supraglottique 8 Les pharyngectomies et pharyngolaryngectomies traitent un
Hémipharyngolaryngectomie supracricoïdienne 9 ensemble de tumeurs qui ont pour caractéristiques communes
leur proximité anatomique. Cet article se propose de décrire les
¶ Chirurgie endoscopique au laser CO2 10
principales techniques documentées avec leurs indications
¶ Conclusion 10 actuellement bien codifiées. Toutefois l’ensemble de ces inter-
ventions présente des temps communs.

■ Introduction
Préparation du malade
Le traitement des cancers de l’hypopharynx a connu au cours
des deux dernières décennies de notables changements. La Le malade est installé sur la table opératoire en décubitus
chirurgie réparatrice est arrivée à maturité avec les lambeaux dorsal. Dans un premier temps il est intubé par voie classique
musculocutanés et les transplants libres permettant soit des (orotrachéale ou nasotrachéale) et l’anesthésie générale est
exérèses plus larges, soit des exérèses en terrains irradiés dans de conduite sous ventilation contrôlée. Une sonde nasogastrique
meilleures conditions. Sous l’influence de l’école allemande, la siliconée, de petit diamètre, est placée de façon systématique et

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-280 ¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies

laissée en siphonage durant l’intervention. Elle est éventuelle- (PLT), ou pharyngolaryngectomie totale circulaire (PLTC). En
ment fixée au seuil narinaire à l’aide d’un fil. Elle sera mainte- général ces évidements sont effectués en monobloc avec la pièce
nue jusqu’à la reprise d’une alimentation orale. En fonction des opératoire. Les parathyroïdes sont conservées dans la mesure du
antécédents du patient et de la durée d’intervention une sonde possible.
urinaire peut être posée.
Les champs doivent être positionnés en fonction des gestes à Soins postopératoires
entreprendre. Ils doivent inclure les deux aires ganglionnaires
en cas de curage bilatéral. Ils doivent inclure l’hémithorax Le premier pansement est réalisé au deuxième jour (J2). Les
homolatéral en cas de reconstruction ou de couverture par un drains aspiratifs sont retirés s’ils ont donné moins de 50 cc au
lambeau grand pectoral. cours des 24 dernières heures. L’antibiothérapie à visée prophy-
lactique délivrée dès la prémédication est stoppée à J1 de
l’intervention.
Pour les chirurgies partielles, le premier change de canule
Trachéotomie s’effectue à 48 heures avec mise en place d’une canule fenêtrée.
Pour les chirurgies partielles pharyngées et pharyngolaryngées La canule est changée une fois par jour. Dès que le patient
nous débutons l’intervention par une trachéotomie. Nous tolère correctement la canule bouchée 24 heures d’affilée, il est
séparons ce temps opératoire du reste de l’intervention. L’inci- décanulé. La rééducation orthophonique est débutée à J5. La
sion cutanée elle-même est dissociée de l’incision principale reprise de l’alimentation a lieu aux alentours de J8.
nécessaire à l’exérèse tumorale et ganglionnaire. Nous considé- Pour les chirurgies radicales (PLT, PLTC) un transit pharyngo-
rons que les éléments compris dans l’aire de trachéotomie ne œsophagien aux hydrosolubles avant reprise de l’alimentation
sont pas concernés par les pharyngectomies partielles et est réalisé à J7. En l’absence de fistule décelable, la sonde
pharyngolaryngectomies partielles. Ceci permet de limiter nasogastrique est retirée et l’alimentation orale est reprise. La
considérablement les décollements autour de la trachéotomie et rééducation orthophonique (apprentissage de la voie œsopha-
donc les risques d’infection du lit cervical à partir de cet orifice. gienne ou de la voie trachéo-œsophagienne) débute dans le
La canule mise en place est systématiquement amarrée à la mois qui suit l’intervention.
peau. Un billot peut être positionné sous les épaules du malade.
Il n’est indispensable ni à la réalisation de la trachéotomie, ni Cas particulier de la chirurgie en terrain
au geste ultérieur, cela doit être adapté à la morphologie du irradié
patient.
En revanche, pour les chirurgies pharyngolaryngées radicales, Nous sommes amenés de plus en plus fréquemment à effec-
nous effectuons la trachéotomie en cours d’intervention, tuer des chirurgies de rattrapage après radiothérapie exclusive
profitant de l’incision cutanée de cervicotomie. Elle est réalisée ou radiochimiothérapie. L’ensemble des techniques proposées
après le ou les curages cervicaux et avant l’exérèse tumorale. dans cet article n’est pas contre-indiqué dans ce cadre-là.
Une sonde de type Montendon est positionnée par cet orifice Cependant, les suites opératoires des chirurgies partielles en
dans la trachée et est fixée à la peau. Cette trachéotomie particulier les chirurgies supracricoïdiennes sont plus délicates.
provisoire est modifiée en fin d’intervention par la réalisation En effet, les risques d’œdème sont accrus et générateurs des
d’un trachéostome, séparant de manière étanche et définitive difficultés de la reprise alimentaire. Il existe un réel risque
les voies respiratoires du lit cervical. d’échec fonctionnel dont il faut tenir compte. Dans un tel
contexte, le premier essai de reprise alimentaire orale ne doit
pas être retardé mais les patients doivent être prévenus du
risque d’une rééducation de la déglutition prolongée et d’un
Curages cervicaux risque de retrait de canule plus tardif après chirurgie partielle de
Les tumeurs pharyngolaryngées et hypopharyngées ont rattrapage. En cas de chirurgie radicale (PLT et PLTC) en terrain
comme caractéristique commune d’être très lymphophiles. [1, 2] irradié, le contrôle radiologique avant reprise de l’alimentation
Les différentes techniques d’exérèse tumorale proposées sont orale est effectué plus tardivement, vers le dixième jour. D’une
donc toujours associées à un curage cervical uni- ou bilatéral. manière générale le risque infectieux postopératoire immédiat
Si la lésion est bien latéralisée, nous réalisons systématique- est nettement plus élevé et justifie la montée d’un lambeau
ment le curage cervical homolatéral. Si la lésion rejoint ou grand pectoral musculaire pur de couverture pour doubler les
franchit une ligne médiane (paroi pharyngée postérieure, région sutures muqueuses, optimiser ainsi les délais de cicatrisation et
rétrocricoïdienne, vallécule et base de langue) nous effectuons pour protéger les axes vasculaires. Cette précaution a considé-
un évidement celluloganglionnaire cervical bilatéral dans le rablement diminué la morbidité postopératoire et, en particulier,
même temps opératoire. Les aires concernées sont : le risque de rupture carotidienne.
• l’aire sous-digastrique préspinale (région IIa de la classification
de l’American Academy of Otolaryngology-Head and Neck
Surgery) ; ■ Pharyngolaryngectomies
• l’aire sous-digastrique rétrospinale (région IIb) ; radicales
• l’aire sus-omohyoïdienne (région III) ;
• l’aire sous-omohyoïdienne (région IV) ; Elles ont en commun la réalisation systématique d’un tra-
• l’aire spinale (région V). chéostome définitif. Sauf dans le cas de la laryngectomie
En cas d’envahissement de la base de langue, la région sous- subtotale type Pearson, la totalité des structures endolaryngées
mandibulaire (région Ib) est emportée dans le curage concerné, sont sacrifiées. La résection pharyngée dépend de la localisation
plus pour permettre une protection des vaisseaux linguaux et du et de l’extension tumorale hypopharyngée.
nerf grand hypoglosse et assurer une section muqueuse à
distance des limites tumorales que pour réaliser l’évidement lui- Pharyngolaryngectomie totale classique
même qui est rarement envahi. (PLT)
Les curages sont effectués avant l’exérèse pharyngée ou
pharyngolaryngée. Parfois nous sommes amenés à effectuer des Il s’agit d’une laryngectomie totale avec une pharyngectomie
exérèses monoblocs emportant la pièce avec les adénopathies partielle.
qui sont en contiguïté immédiate.
On peut être amené à effectuer des curages récurrentiels et Indications
par conséquent des thyroïdectomies partielles ou totales en cas Les indications de la pharyngolaryngectomie totale sont
d’envahissement du fond des sinus piriformes et/ou de la région directement liées à la nécessité de préserver suffisamment de
sous-glottique. Il s’agit dans ces cadres-là d’interventions muqueuse pharyngée pour assurer une bonne alimentation à
radicales, laryngectomie totale avec pharyngectomie partielle l’issue du traitement. [1, 2]

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies ¶ 46-280

2
3

Figure 2. Pharyngectomie partielle avec laryngectomie totale. Exposi-


tion de la tumeur par bascule de la pièce opératoire du côté atteint après
Figure 1. Pharyngectomie partielle avec laryngectomie totale. 1. Libé- ouverture du pharynx du côté sain. 1. Bord postérieur de l’aile thyroï-
ration du sinus piriforme sain. 2. Constricteur inférieur. 3. Conservation de dienne du côté atteint. 2. Cricoïde.
la thyroïde.

La tumeur peut siéger dans l’un des deux sinus piriformes Le pédicule thyroïdien supérieur est repéré et préservé. Le
mais avec les limites suivantes : en bas elle n’atteint pas la pédicule laryngé supérieur est lié. Le muscle constricteur
bouche de l’œsophage, en arrière elle n’envahit pas de manière inférieur est sectionné très près de son attache sur le cartilage
massive la paroi pharyngée postérieure ou la région rétrocricoï- thyroïde libérant ainsi le bord externe de l’aile thyroïdienne sur
dienne, en haut et latéralement elle peut remonter vers une toute sa hauteur. Le geste poursuivi vers le haut permet de
loge amygdalienne à condition que l’infiltration ne soit pas libérer en totalité la corne supérieure de l’aile thyroïdienne puis
majeure. En haut et en avant la lésion peut envahir la base de son bord libre supérieur. Ce temps nécessite en particulier la
langue à condition que lors de la résection il soit possible de section de la membrane hyothyroïdienne à son attache thyroï-
préserver un des deux pédicules vasculaires linguaux. dienne. Ce temps préparatoire permet la libération du sinus
La deuxième grande indication de cette intervention est une piriforme sain dans sa portion rétrothyroïdienne. Elle nécessite
lésion du mur pharyngolaryngé. En bas, cette lésion peut l’utilisation d’un décolleur qui, de dehors en dedans et de haut
envahir le cricoïde vers l’étage sous-glottique, voire les premiers en bas, permet le décollement de toute la face externe du sinus
anneaux trachéaux (mais de manière limitée), et vers la bouche piriforme dans sa portion basse jusqu’à l’angle antérieur. Le plan
de l’œsophage. En haut, les limites sont les mêmes que pour la de clivage se fait entre périchondre interne et cartilage.
précédente indication. Latéralement la lésion peut envahir le Les muscles infrahyoïdiens peuvent être conservés. Ils sont
sinus piriforme homolatéral à condition de respecter les mêmes alors libérés de leurs attaches sur l’os hyoïde. Il faudra s’assurer
limites que pour la précédente indication. en fin d’intervention de la bonne vitalité de ces muscles,
Lorsque la tumeur atteint l’étage sous-glottique et/ou le fond nécessitant en particulier la préservation du pédicule thyroïdien
des sinus piriformes, il est nécessaire d’assurer dans le même supérieur, retour veineux compris, et l’absence de manipulation
temps opératoire un évidement ganglionnaire récurrentiel traumatique.
souvent bilatéral. Dans ce cadre, une hémithyroïdectomie, voire Du côté de la lésion
une thyroïdectomie totale, peut s’avérer nécessaire. Il faudra
s’efforcer de préserver les parathyroïdes. D’une manière générale la paroi latérale pharyngée de ce côté
Lorsque l’on est amené à traiter ce type de tumeur, il faut ne peut être conservée. On se contente, si cela est possible, de
toujours avoir présent à l’esprit le risque réel d’hypothyroïdie conserver le pédicule thyroïdien supérieur. La ligature du
même si la thyroïde est laissée en place. En effet, l’irradiation pédicule laryngé supérieur s’effectue de la même manière que
postopératoire quasi systématique, inclut l’aire thyroïdienne. du côté sain. Ce sont bien souvent les seuls temps préparatoires
nécessaires du côté lésionnel avant l’abord muqueux.
Préparation du bloc pharyngolaryngé
Ce temps opératoire suit le ou les curage(s) et la trachéotomie
Exérèse pharyngolaryngée (Fig. 2)
comme cela est précédemment décrit. Cette exérèse est en général effectuée de haut en bas, sauf
dans le cas d’un envahissement valléculaire ou basilingual.
Du côté sain (Fig. 1)
La section de la membrane hyoglosse étant déjà faite, la loge
Nous effectuons systématiquement l’incision des muscles préépiglottique est rabattue vers le bas progressivement au
suprahyoïdiens le long de l’os hyoïde, libérant celui-ci de ses bistouri électrique sans être pénétrée. Ce temps permet de
attaches supérieures. La membrane hyoglosse est également dégager largement la vallécule qui est systématiquement
sectionnée, sans entamer le contenu de la loge préépiglottique. franchie du côté sain. Après aspiration des mucosités, on
L’os hyoïde sera par la suite retiré en monobloc avec la pièce effectue un élargissement de cette section muqueuse en rejoi-
opératoire. Ce temps nécessite une attention particulière pour le gnant le repli aryépiglottique côté sain au bistouri électrique.
nerf grand hypoglosse (XII) et l’artère linguale qui de chaque Progressivement la muqueuse du sinus piriforme sain est libérée
côté doivent être préservés. Il est également nécessaire pour sur le mur pharyngolaryngé. Cette muqueuse avait déjà préala-
préserver le patient d’un risque d’ostéoradionécrose sur un os blement été libérée de ses attaches cartilagineuses au niveau de
hyoïde laissé en place mais fortement dévascularisé. [1] l’angle antérieur et de sa face latérale. Ce temps important

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-280 ¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies

permet de préserver l’essentiel de la muqueuse nécessaire à la Figure 3. Trajet de la


reconstruction pharyngée. Lorsque l’ouverture est suffisamment section muqueuse conser-
large et que la zone tumorale est particulièrement bien exposée vant les structures néces-
le geste est complété du côté lésionnel emportant avec la lésion saires à la confection du
une marge de muqueuse saine de 1 cm dans toutes les shunt.
directions.
La section muqueuse terminée, l’exérèse est poursuivie par
une section complète de l’anneau trachéal situé immédiatement
au-dessus de l’orifice de trachéotomie. En cas d’envahissement
bas situé en monobloc, le lobe thyroïdien homolatéral à la
lésion est emporté ainsi que le curage récurrentiel attenant.
La pièce est ouverte au ciseau le long de la paroi pharyngée
postérieure et des recoupes sont effectuées au moindre doute,
avec examen extemporané.

Fermeture du pharyngostome
Chaque fois que cela est possible (patient demandeur et
motivé, muqueuse de bonne qualité) une prothèse phonatoire
est mise en place. La fermeture pharyngée se fait par simple
rapprochement muqueux. [3] Nous pratiquons la fermeture de ce
pharyngostome par des points enfouissants essentiellement
sous-muqueux espacés d’environ 4 mm. Chaque extrémité de
cette fermeture en T peut nécessiter un point en bourse
enfouissant. Nous effectuons systématiquement un plan de
couverture à l’aide des muscles constricteurs du pharynx par un
surjet simple. Généralement les muscles infrahyoïdiens ont été
emportés dans la pièce opératoire du côté lésionnel. Leur
vascularisation est souvent compromise par l’importance du
curage effectué de ce côté, en particulier lorsqu’ils sont non
conservateurs de la jugulaire interne de ses branches. Du côté
sain, ces muscles sont en général préservés et peuvent participer
à la couverture.
Utilisation de lambeaux dans la fermeture
Il faut proscrire la « fermeture serrée sur sonde gastrique » une extension à la commissure postérieure, sur l’aryténoïde
consistant à créer un néofût pharyngé avec une surface insuffi- controlatérale sous-glottique ou présente un trouble de la
sante de muqueuse ce qui entraîne une sténose soit immédiate mobilité laryngée controlatérale. Pour les cancers à point de
soit à l’issue de la radiothérapie postopératoire. Afin d’avoir une départ du sinus piriforme, il n’est pas possible de réaliser cette
surface suffisante, on peut être amené à effectuer un lambeau intervention s’il y a une extension en région rétrocricoïdienne,
dorsal de langue. [2] Il est taillé aux dépens de la muqueuse en commissure postérieure, au sinus piriforme controlatéral ou
basilinguale préservant artère linguale et nerf grand hypoglosse. avec un trouble de la mobilité laryngée controlatérale. Elle
Il est ensuite rabattu vers le bas et suturé à la muqueuse restante conserve de plus les limites habituelles de la PLT.
hypopharyngée. Une reconstruction peut être également réalisée
avec un lambeau musculocutané grand pectoral. [4] La palette Trachéotomie
cutanée peut être conformée en fonction du defect muqueux, À l’issue du curage, une trachéotomie est systématiquement
prenant grossièrement un aspect en position anatomique effectuée sous le deuxième anneau trachéal. Cet orifice en fin
pectorale d’un triangle pointe en haut. Nous privilégions la d’intervention sera transformé en un trachéostome et les deux
réalisation d’une PLTC (cf. infra) avec reconstruction immédiate premiers anneaux trachéaux ainsi conservés serviront ultérieu-
plutôt que de tenter une fermeture à l’aide d’une bande rement d’appui lors de l’obturation du shunt au doigt.
muqueuse étroite dont la vitalité est compromise.
Exposition du pharyngolarynx
Fermeture de la cervicotomie
Elle est comparable aux premiers temps de la PLT. Les muscles
Après hémostase soigneuse et mise en place d’un ou deux infrahyoïdiens sont sectionnés et rabattus sur la pièce opéra-
drain(s) aspiratif(s), le trachéostome est créé fixant la trachée à toire. L’os hyoïde est libéré de ses attaches sus-hyoïdiennes, y
la peau. Le plan sous-cutané est fermé à l’aide d’un fil résorba- compris de la membrane hyoglosse, et rabattu sur la pièce
ble lent et le plan cutané en général aux agrafes. Nous n’effec- opératoire. On effectue une ligature du pédicule laryngé
tuons pas de pansement compressif, la simple aspiration des supérieur en le nerf laryngé supérieur du côté lésionnel. Du côté
drains bien positionnés suffisant à réappliquer les plans. Fils et sain l’hémilobe thyroïdien est préservé ainsi que sa vascularisa-
agrafes seront retirés à J10. tion, en particulier le pédicule thyroïdien supérieur. Le pédicule
laryngé supérieur est préservé avec le nerf laryngé supérieur.
Pharyngolaryngectomie totale avec shunt
Préparation du shunt
trachéo-laryngo-pharyngé
Ce temps débute par une thyrotomie antérieure sur toute la
Cette technique chirurgicale développée en 1980 par l’équipe hauteur au niveau de l’angle antérieur du cartilage thyroïde. Du
de Pearson [5] dérive de la PLT en maintenant le principe d’un côté sain, un décollement sous-périchondral interne de l’espace
trachéostome. Mais elle se distingue de la PLT par la possibilité paralaryngé est réalisé sur environ les deux tiers antérieurs de la
de reconstruire un shunt phonatoire avec une unité cricoaryté- surface interne de cette aile. Une section verticale de cette
noïdienne fonctionnelle. portion d’aile thyroïdienne côté sain est ensuite effectuée. Il
reste ainsi une baguette cartilagineuse postérieure sur laquelle
Indications
sont insérés les constricteurs et le sinus piriforme sain en
Les principales indications [5-8] sont très proches des indica- dedans (Fig. 3).
tions de la pharyngolaryngectomie totale. Cette technique n’est L’arc antérieur du cartilage cricoïde est libéré sur toute sa
pas réalisable si la lésion à point de départ endolaryngé présente largeur. L’espace muqueux sous-glottique est conservé et

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies ¶ 46-280

Figure 4. Présentation Figure 5. Tubulisation


des structures laryngées des structures laryngées
conservées pour la con- conservées, sans sonde de
fection du shunt. calibrage.

Fermeture (Fig. 6)
participe à la partie basse du shunt immédiatement au-dessus
des deux premiers anneaux trachéaux. L’arche cricoïdienne est Pour le pharynx, il s’agit d’une fermeture en T classique de
sectionnée des deux côtés près du chaton cricoïdien, prenant bas en haut commune à toute pharyngolaryngectomie totale
soin de ne pas léser le nerf récurrent côté sain. mais en prenant soin bien sûr d’inclure dans ce néofût pha-
La muqueuse est ouverte au niveau de la vallécule et l’épi- ryngé le shunt ainsi reconstruit. La fermeture de la cervicotomie
glotte est tractée en avant. Tenant compte de l’extension s’effectue de la même manière que pour la PLT classique.
tumorale, on débute le geste de section muqueuse du côté sain
Soins postopératoires
en débutant de haut en bas la section sur le repli ary-
épiglottique la partie antérieure de la bande ventriculaire et Les soins sont également les mêmes que pour une PLT
l’extrémité antérieure de la corde vocale. Si la tumeur franchit classique. Le shunt peut être testé à partir du 8e jour. Il peut être
la ligne médiane en avant, ce geste est effectué de la même ultérieurement aménagé à l’aide d’un kit mains libres afin de ne
manière mais le ciseau doit être reculé pour rester à distance du plus avoir à appliquer le doigt sur le trachéostome pour
débordement de la tumeur côté sain. La muqueuse sous- s’exprimer. Dans notre expérience, [10] la confection d’un shunt
glottique peut être entamée de manière limitée. En arrière on phonatoire ne rallonge pas le séjour hospitalier ni ne retarde la
effectue une section interaryténoïdienne en prenant soin de reprise alimentaire. C’est le cas pour les principales équipes
bien préserver l’unité cricoaryténoïdienne côté sain. La ayant publié dans ce sens. [11-13]
muqueuse cricoïdienne est ensuite sectionnée en paramédian du Le contrôle vocal s’échelonne selon les équipes [7, 12-18] entre
côté lésionnel tout en restant à distance de la lésion pour 83 et 95 %. Selon ces mêmes auteurs, le shunt est fonctionnel
rejoindre en avant l’extrémité antérieure de la corde vocale par dans une fourchette allant de 76 à 93 %.
sa face inférieure. Le chaton cricoïdien est sectionné sur toute
sa hauteur en regard de la section muqueuse. Le larynx s’ouvre Pharyngolaryngectomie totale circulaire
alors comme un livre et la résection pharyngée muqueuse Il s’agit d’une intervention assez proche de la PLT associant
s’effectue à distance de la tumeur selon les mêmes principes que cette fois une laryngectomie totale avec une hypopharyngecto-
lors d’une pharyngolaryngectomie totale conventionnelle. En mie totale. La difficulté principale réside dans la reconstruction.
fin de résection il reste une unité cricoaryténoïdienne fonction-
nelle et un hémilarynx dont il convient de vérifier l’intégrité Indications
ventriculaire pour éviter toute fuite d’air lors de l’utilisation du
Cette chirurgie est indiquée lorsque l’étendue de la lésion ne
shunt et l’éventuelle formation d’une laryngocèle. (Fig. 4)
permet pas de conserver suffisamment de muqueuses hypopha-
ryngées pour la reconstruction pharyngée. [2, 19, 20] Il s’agit donc
Fermeture du shunt (Fig. 5)
d’une lésion hypopharyngée concernant les deux sinus pirifor-
Les structures muqueuses hémilaryngées conservées sont mes ou bien un sinus piriforme mais étendu largement à la
libérées de leurs attaches cartilagineuses afin d’être tubulisées paroi pharyngée postérieure. La limite inférieure est l’atteinte de
sur elles-mêmes depuis la trachée jusqu’au sinus piriforme sain. la bouche de l’œsophage sans la franchir. En haut, la lésion
Nous effectuons des sutures au Vicryl® 3.0 sous muqueuse en peut envahir de manière limitée la base de langue et les loges
points séparés, de bas en haut. Il est important de préserver la amygdaliennes. Il faut s’assurer sur l’imagerie de l’intégrité de
mobilité aryténoïdienne en partie haute de cette fermeture. l’aponévrose prévertébrale et de l’espace intertrachéo-
Celle-ci assurera l’étanchéité à la déglutition. œsophagien.
Certaines équipes [9] proposent une reconstruction par Au moindre risque d’être amené à effectuer une PLT avec
lambeau, libre ou non, permettant d’éviter le trachéostome. reconstruction sur sonde, nous préférons d’emblée effectuer une

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-280 ¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies

Figure 6. Fermeture pharyngée en T selon la technique


habituelle.

PLTC. Mais un état général trop altéré et/ou un statut ganglion-


naire trop défavorable sont bien souvent des contre-indications
à cette intervention. [21, 22]

Préparation du malade
Elle est conforme à celle présentée dans les généralités mais
doit comprendre dans les champs opératoires l’aire du lambeau
qui sera choisi pour la reconstruction.

Curages cervicaux
1
Nous effectuons dans cette intervention systématiquement un
évidement celluloganglionnaire cervical bilatéral des aires IIa,
IIb, III, IV, Va, Vb. Généralement un évidement non conserva-
teur de la veine jugulaire interne est effectué du côté du plus
gros ganglion. Systématiquement au minimum, un évidement 2
récurrentiel est effectué du côté de la lésion avec hémithyroï-
dectomie associée mais bien souvent, il s’agit d’une indication
de thyroïdectomie totale avec un évidement récurrentiel
bilatéral.

Préparation du bloc pharyngolaryngé


Tout comme la PLT, l’ensemble des muscles suprahyoïdiens
sont sectionnés, rabattant ainsi sur la pièce opératoire l’os
hyoïde et ses attaches musculaires infrahyoïdiennes. Dans ce
geste la membrane hyoglosse est sectionnée permettant l’accès
à la muqueuse valléculaire mais en aucun cas la loge pré-
épiglottique n’est franchie. Latéralement, les deux pédicules
laryngés supérieurs sont ligaturés. Le pédicule thyroïdien
supérieur est lié du côté atteint ainsi que l’artère thyroïdienne Figure 7. Pharyngolaryngectomie totale circulaire. Exérèse de haut en
inférieure. Si l’hémithyroïde du côté sain ou le moins atteint est bas. 1. Aponévrose prévertébrale. 2. Œsophage cervical.
conservée, les axes vasculaires thyroïdiens sont évidemment
préservés de ce côté.
Les muscles infrahyoïdiens du côté sain peuvent être conser- Exérèse pharyngolaryngée
vés à condition que l’évidement cervical de ce côté soit conser- Généralement, l’exérèse de la pièce opératoire s’effectue de
vateur de la veine jugulaire interne et que le pédicule thyroïdien haut en bas par abord valléculaire puis section circulaire de la
supérieur ait été bien conservé. Dans notre expérience, nous limite supérieure muqueuse pharyngée. Celle-ci doit être à au
n’hésitons pas à réséquer la totalité des muscles infrahyoïdiens moins 1 cm au-dessus de l’extrémité supérieure de la lésion
afin d’éviter le risque de nécrose musculaire postopératoire. (Fig. 7). La pièce descend d’elle-même en partie basse cervicale,

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies ¶ 46-280

le mur pharyngé du plan prévertébral ayant été au préalable


décollé au doigt. En bas, la section s’effectue à hauteur de la
bouche œsophage n’hésitant pas à la franchir si cela s’avère
nécessaire pour assurer des marges d’exérèse d’au moins 1 cm
en dessous du pôle inférieur de la tumeur. L’exérèse est pour-
suivie par une section complète de l’anneau trachéal situé
immédiatement au-dessus de l’orifice de trachéotomie. Sont
emportés en monobloc le ou les lobes thyroïdiens concernés et
le ou les curages récurrentiels effectués.
La pièce est ouverte au ciseau au niveau de la paroi pharyn-
gée postérieure afin de vérifier la qualité des marges. Il ne faut
pas hésiter à effectuer des recoupes avec examen extemporané
si cela est nécessaire.
En cas d’atteinte de la base de langue, l’exérèse est réalisée de
bas en haut. Il est nécessaire de préserver au minimum un
pédicule lingual. En cas d’envahissement du tiers supérieur de
l’œsophage même limité, il faut réaliser une œso-PLTC associant
ce geste à une œsophagectomie en monobloc.
Certains auteurs [23] préconisent, quand cela est possible, la
conservation d’une bandelette muqueuse postérieure. Cette
technique peut poser des problèmes de vitalité de cette
muqueuse restante et nous préférons ne pas prendre ce risque.

Reconstruction
Figure 8. Mise en place du lambeau selon la technique de Spriano.
Les techniques de reconstruction sont variées et le choix du
lambeau doit respecter l’expérience de chacune des équipes
amenées à effectuer ce type de geste. Fermeture
Lambeau antébrachial libre microanostomosé La confection du trachéostome et la fermeture des plans sous-
cutanés et cutanés satisfont aux mêmes exigences que pour une
Lorsque ce lambeau est réalisable, nous privilégions ce pharyngolaryngectomie totale.
lambeau. Les résultats fonctionnels pharyngés sont bons tant
pour la voie œsophagienne que pour la déglutition. [24] Les Soins postopératoires
séquelles fonctionnelles de l’avant-bras sont acceptables. Dans
notre expérience, il s’agit d’un lambeau très fiable, facile à Ceux-ci diffèrent peu de ceux préconisés dans la partie
prélever mais qui nécessite un travail en double équipe. Nos Généralités avec cependant un protocole d’anticoagulation à
principales contre-indications à ce lambeau sont une contre- dose isocoagulante en cas de lambeaux microanastomosés. La
indication à une anesthésie générale longue (6 heures), un site reprise de l’alimentation est effectuée entre J7 et J10 après
donneur impropre à ce type de prélèvement, un site receveur transit pharyngo-œsophagien aux hydrosolubles.
incompatible avec un geste d’anastomose microvasculaire, le
refus du patient.
■ Pharyngectomies
Transplant libre de jéjunum
et pharyngolaryngectomies
Il s’agit d’un lambeau libre choisi par de nombreuses équi-
pes. [20, 25-27] Prélevé sur le 3e jéjunum, ce lambeau présente un partielles
pédicule constant, les séquelles digestives sont nulles, la
Les interventions décrites ci-dessous ont en commun la
reconstruction est aisée et les résultats fonctionnels sont
confection première d’une trachéotomie sans trachéostome
excellents. [28] Dans notre expérience, nous avons abandonné
définitif. Les tissus conservés permettront au patient d’assurer
progressivement ce lambeau au profit du précédent, le temps de
une phonation correcte associée à une bonne déglutition sans
microanastomose nous semblant plus délicat (en particulier
fausses routes.
l’anastomose veineuse) comparé au lambeau antébrachial avec
Dans notre expérience, le premier geste réalisé est une
des résultats fonctionnels comparables. trachéotomie et nous nous efforçons d’effectuer un abord séparé
Ascensions digestives pédiculisées de l’incision principale (cf. infra).
Le curage est effectué ensuite, parfois en monobloc avec la
Elles ne sont indiquées que dans le cadre de la reconstruction pièce opératoire lorsque cela s’avère nécessaire. Il est très rare
d’une œso-PLTC. De nombreuses équipes privilégient l’ascen- dans ce type d’intervention d’être amené à effectuer une
sion de l’estomac tubulisé ou pas. [29] Cette technique est lobectomie thyroïdienne avec un évidement récurrentiel car il
limitée par la hauteur de la résection initiale. s’agit de lésions haut situées.
Lambeau musculocutané grand pectoral (Fig. 8) Elles ont en commun une préparation du larynx quasi
identique (Fig. 9). Nous débutons ce temps par la libération de
La technique de reconstruction dite en « fer à cheval » [30-32] la grande corne de l’os hyoïde côté lésionnel, de ses attaches
permet la reconstruction d’une PLTC dans le même temps musculaires infra- et suprahyoïdiennes. Celle-ci est sectionnée et
opératoire et par une seule équipe. C’est une intervention réséquée. Les muscles infrahyoïdiens sont soigneusement
intéressante pour les patients fragiles car la durée d’intervention rabattus de haut en bas emportant en monobloc le muscle
est nettement plus courte que pour les techniques précédem- thyrohyoïdien, la membrane thyrohyoïdienne et le périchondre
ment décrites. de l’aile thyroïdienne attenante sur sa face externe. C’est un
Le lambeau grand pectoral musculocutané est rabattu par temps qui doit être réalisé avec soin car de la qualité et de la
voie sous-cutanée peau en dedans et celle-ci est suturée sur le vitalité de ce lambeau dépend une bonne cicatrisation par la
plan aponévrotique prévertébral sur toute la hauteur selon la suite. Le pédicule laryngé supérieur est soigneusement disséqué
forme d’une gouttière verticale ouverte en arrière. Les extrémités et lié avec conservation du nerf laryngé supérieur. La vasculari-
cutanées supérieures et inférieures sont suturées aux berges sation des muscles infrahyoïdiens dépend en grande partie du
muqueuses adjacentes. Certaines équipes disposent avant la pédicule thyroïdien supérieur qui doit être conservé. Il faut
fermeture d’une greffe de peau remise sur le plan prévertébral. s’attacher à rabattre au mieux en bas et en arrière ce lambeau

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-280 ¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies

située immédiatement au-dessus du bistouri. L’élargissement de


l’incision valléculaire permet de bien observer l’étendue de la
lésion au niveau muqueux. Puis, on effectue une résection à la
demande laissant dans toutes les directions une marge de
muqueuse saine centimétrique. De ce fait la quasi-totalité de la
paroi latérale du sinus piriforme peut être réséquée et il faudra
être très attentif à effectuer une incision médiane et assez haut
située au niveau de la vallécule s’il s’agit d’une lésion qui
déborde sur le repli pharyngoépiglottique en haut. Le temps de
résection nécessite une préservation constante du nerf laryngé
supérieur.

1 Fermeture du pharyngostome
Le plus souvent la fermeture s’effectue par simple rapproche-
ment. Pour les résections plus importantes, il ne faut pas exercer
de traction trop importante en particulier en remontant
artificiellement la bouche de l’œsophage car cela peut entraîner
des troubles de la déglutition prononcés et prolongés. Dans ce
cas précis le lambeau précédemment réalisé peut être très utile
pour combler le defect muqueux. L’étanchéité dans ce cas-là
sera assurée par des points périchondromuqueux rapprochés
tournés vers la lumière pharyngée.
Figure 9. Hémilaryngopharyngectomie supraglottique. 1. Confection
du lambeau myopérichondral. Variante de l’exérèse
Si la lésion est plus étendue en particulier en paroi pharyngée
postérieure, le lambeau constitué précédemment peut ne pas
Figure 10. Pharyngec-
suffire pour la fermeture. Dans ce cas précis, [21, 34, 35] on peut
tomie partielle par voie la-
envisager une fermeture de cette pharyngectomie par un
térale. 1. Aryténoïde. 2.
lambeau adapté. Nous privilégions dans ce cas la réalisation
1 Corde vocale. --- Ligne de
d’un lambeau libre antébrachial microanastomosé. Lorsque
résection.
celui-ci n’est pas réalisable, cette fermeture peut être réalisée par
2 un lambeau de grand pectoral. [36] Il s’agit d’une intervention
beaucoup plus lourde que celle décrite précédemment qui bien
souvent nécessite un évidement celluloganglionnaire cervical
bilatéral.

Hémipharyngolaryngectomie horizontale
supraglottique
Indications
Cette intervention est adaptée pour les lésions situées sur le
en limitant au maximum la dissection de sa partie la plus carrefour des trois replis. En haut, elles peuvent déborder sur la
latérale. Il s’agit d’un lambeau myopérichondral qui pour les vallécule mais de manière limitée. En bas elles ne doivent pas
gestes les plus limités type pharyngectomie partielle constituera rejoindre le fond du sinus piriforme. Au niveau laryngé, elles
un simple plan de couverture mais qui pour les gestes plus doivent impérativement laisser libre la totalité de la muqueuse
étendus assurera la fermeture pharyngée. aryténoïdienne et le plan glottique. Le larynx doit rester mobile
L’aile thyroïdienne ainsi exposée peut être réséquée à la et l’imagerie préalablement effectuée révèle tout au plus un
demande en fonction de la localisation et de la taille de la envahissement limité de l’étage sus-glottique sans envahisse-
lésion. Cependant la limite inférieure de cette section cartilagi- ment paralaryngé glottique ou sous-glottique. [37] L’envahisse-
neuse ne doit pas être située plus basse que le plan glottique. ment de la loge préépiglottique est pour nous une contre-
Un bon repère est l’angle antérieur du bouclier thyroïdien. Le indication à la réalisation de cette intervention.
plan glottique se projette à mi-hauteur de cette verticale partant
du fond de l’échancrure thyroïdienne en haut au bord inférieur Exérèse (Fig. 11)
du cartilage.
Celle-ci s’effectue après réalisation du lambeau myopérichon-
dral (cf. supra). On effectue un abord muqueux via le lit de
Pharyngectomie partielle section de la grande corne de l’os hyoïde côté lésionnel. Dans
C’est l’intervention dite de Trotter. ce temps, on prête une attention particulière au respect de
l’artère linguale et du XII. Cet abord muqueux doit être
Indications suffisamment haut situé par rapport à la zone des trois replis
pour ne pas être à proximité de la tumeur qui l’envahit fré-
Il s’agit d’une intervention permettant la résection d’une quemment dans ce type d’indications. On élargit l’incision
tumeur située sur la paroi latérale du sinus piriforme atteint. muqueuse au niveau de la vallécule permettant d’avoir un accès
C’est une tumeur de taille variable mais en général inférieure à direct et une bonne visualisation de l’étendue tumorale. Puis on
2 cm ne rejoignant pas le fond du sinus piriforme et n’attei- effectue une exérèse des tissus à la demande avec au niveau
gnant pas l’angle antérieur (Fig. 10). [21, 33] pharyngé des marges muqueuses centimétriques dans toutes les
directions. Au niveau laryngé, l’exérèse peut nécessiter une
Pharyngectomie section de la moitié voire de la quasi-totalité de l’épiglotte.
La pharyngectomie débute par une incision muqueuse qui est Cette section exigera un respect scrupuleux de la commissure
effectuée dans le lit d’exérèse de la grande corne de l’os hyoïde antérieure ce qui garantit le maintien de l’attache antérieure des
avec en général une section muqueuse à hauteur de la vallécule deux cordes vocales. Elle se poursuit d’avant en arrière le long
juste au-dessus du repli pharyngoépiglottique. Ce geste nécessite de la face supérieure de la corde vocale, au fond du ventricule
d’être attentif à la conservation du XII et de l’artère linguale de Morgani, du côté lésionnel. On rejoint en arrière les reliefs

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies ¶ 46-280

Figure 11. Hémilaryn-


gopharyngectomie hori-
zontale supraglottique.
Exérèse de la lésion. 1. Aile
2 thyroïdienne. 2. Corde
vocale. 3. Épiglotte. 4.
Loge préépiglottique.

2
1

1 3

3 4

Figure 13. Hémipharyngolaryngectomie supracricoïdienne. 1. Tumeur.


2. Lambeau myopérichondral. 3. Bord antérieur de l’aile thyroïdienne.

doit également être couverte par rapprochement muqueux.


Quelques points muqueux peuvent être effectués également
pour refermer partiellement l’ouverture pharyngée. Il persiste
une ouverture pharyngolaryngée nécessitant l’utilisation du
lambeau myopérichondral suturé en arrière à la muqueuse
pharyngée, en haut à la muqueuse pharyngée et aux muscles
suprahyoïdiens, en avant à la loge préépiglottique et aux
muscles infrahyoïdiens controlatéraux. L’utilisation optimale de
la portion périchondrale du lambeau permet une très bonne
étanchéité. Il faudra s’attacher à laisser libre l’épiglotte ou son
moignon restant, il est également important de ne pas forcer sur
la suture pharyngée au risque de remonter artificiellement la
bouche de l’œsophage ce qui peut entraîner des fausses routes
sévères et prolongées. La cervicotomie est alors refermée en
deux plans sur drainage aspiratif.
Variantes de la fermeture
Certains auteurs [9, 38] proposent une fermeture avec un
lambeau de Plathysma. On peut également envisager la ferme-
ture par un lambeau grand pectoral musculaire pur.

Hémipharyngolaryngectomie
Figure 12. Hémilaryngopharyngectomie horizontale supraglottique.
Rapports du laryngopharyngostome.
supracricoïdienne
C’est l’intervention dite de Paul André.
de l’aryténoïde qui sont préservés ainsi que sa muqueuse,
Indications
remontant ainsi verticalement sur le repli aryépiglottique. Le
temps laryngé précédemment décrit impose bien souvent des L’indication est rare dans notre expérience. Elle concerne les
marges de sécurité infracentimétriques dans une ou plusieurs tumeurs de la margelle laryngée latérale envahissant l’aryté-
directions. Cela impose un geste sûr parfaitement adapté à la noïde en arrière sans atteinte de la margelle postérieure. En
connaissance de la lésion et en particulier une bonne imagerie. endolaryngé, elles peuvent descendre sur le plan glottique sans
Des recoupes avec examen extemporané doivent être réalisées envahissement sous-glottique. En avant, elle n’envahit pas la
au moindre doute. L’espace pré-épiglottique est théoriquement loge préépiglottique et latéralement elle peut envahir le sinus
non concerné par l’envahissement tumoral. Toutefois s’il existe piriforme en laissant libre le fond du sinus piriforme et la paroi
un doute, il est préférable d’effectuer une épiglottectomie totale pharyngée postérieure. La mobilité pharyngée peut être dimi-
en prenant soin lors de ce temps de bien rabattre la totalité de nuée par effet de masse mais l’articulation cricoaryténoïdienne
la loge dans la pièce tumorale. doit être respectée. [2, 39] On doit s’assurer d’un envahissement
limité de l’espace paralaryngé en particulier de l’étage glottique
Fermeture du pharyngolaryngostome (Fig. 12) (imagerie).
Dans un premier temps, on prend soin de couvrir la tranche
Hémipharyngolaryngectomie (Fig. 13)
de section cartilagineuse épiglottique par simple rapprochement
muqueux sur la tranche. Cela s’effectue avec des points séparés. Celle-ci s’effectue après réalisation du lambeau myopérichon-
Si le cartilage aryténoïde est amené à être exposé voire sec- dral (cf. supra). Dans l’aire de résection de la grande corne de
tionné dans sa partie supérieure, cette mise à nu cartilagineuse l’os hyoïde, on effectue un abord valléculaire en prenant soin

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-280 ¶ Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies

de bien préserver l’artère linguale et le XII. Cette section photocoagulés mais au-delà il faut utiliser des microclamps
muqueuse est élargie afin de bien exposer la lésion. De haut en vasculaires. Inévitablement les tumeurs assez volumineuses
bas, on effectue une section emportant en général en avant la doivent être fragmentées.
totalité de l’épiglotte et rabattant soigneusement sur la pièce
d’exérèse la loge préépiglottique en cas de doute sur son
envahissement. En bas, la section se prolonge dans la commis-
sure antérieure en prenant soin de ne pas désinsérer la corde du ■ Conclusion
côté sain. On rejoint ainsi le bord supérieur de l’anneau
cricoïdien. En arrière on effectue une section démarrant dans Les cancers de l’hypopharynx sont le plus souvent diagnosti-
l’échancrure interaryténoïdienne en prenant soin de ne pas léser qués tardivement et surviennent fréquemment chez des patients
l’aryténoïde du côté sain rejoignant ainsi le bord supérieur du en mauvais état général. La chirurgie ne concerne donc qu’un
chaton cricoïdien. On effectue alors côté lésionnel une désin- nombre restreint de cas mais reste, même à l’aune de la
sertion de l’aryténoïde rejoignant ainsi d’arrière en avant préservation laryngée, un traitement efficace. La chirurgie
l’incision antérieure. Au niveau pharyngé, la résection est tumorale est indissociable du traitement des aires ganglionnai-
effectuée à la demande prenant soin d’emporter des marges res, le curage ganglionnaire uni- ou bilatéral étant réalisé dans
muqueuses saines centimétriques dans toutes les directions. Au le même temps opératoire. La chirurgie partielle est dans ce
moindre doute, des recoupes sont effectuées avec examen contexte réservée à des patients très sélectionnés. La chirurgie
extemporané. Lors de la résection de la lésion, on doit en endoscopique au laser CO2 n’a que de rares indications tandis
permanence rester attentif au respect du nerf laryngé supérieur. que la chirurgie partielle par voie externe permet l’exérèse, sous
couvert d’une trachéotomie provisoire, de tumeurs limitées de
Fermeture du pharyngolaryngostome la paroi externe hypopharyngée (pharyngectomie partielle) ou
de la partie haute du mur pharyngolaryngé (hémilaryngopha-
Dans un premier temps, si l’aryténoïde restante est exposée
on effectue un capitonnage muqueux soigneux. Si l’épiglotte a ryngectomie supraglottique ou supracricoïdienne). La pharyn-
été sectionnée, cette tranche de section cartilagineuse est golaryngectomie totale permet un bon contrôle local des cas
soigneusement recouverte par la muqueuse adjacente à l’aide de non éligibles pour les stratégies de préservation laryngées. Les
points séparés. On réapplique le lambeau myopérichondral en pharyngolaryngectomies circulaires avec œsophagectomie totale
prenant soin tout comme dans l’intervention précédente de ou partielle permettent dans des cas très sélectionnés l’ablation
laisser libre le moignon épiglottique éventuellement restant et de tumeurs plus évoluées mais dont le pronostic reste sombre.
de ne pas tracter la bouche de l’œsophage vers le haut. La
surface périchondrale du lambeau doit être exploitée au mieux
lors de cette fermeture pharyngée en particulier pour la ferme-
ture de la partie basse car elle assurera une très bonne étan-
■ Références
chéité dans cette zone. [1] Guerrier B, Giner R, Di Ruggiero JM. Épithéliomas du sinus piriforme :
étude rétrospective de 578 cas. Résultats comparés de la radiothérapie
Variante opératoire exclusive et de la chirurgie suivie de radiothérapie des facteurs
En cas de résection particulièrement large au niveau pha- pronostiques « TNM ». In: Cancer de l’hypopharynx. Actualités de
ryngé, on peut envisager tout comme pour l’intervention carcinologie cervico-faciale. Paris: Masson; 1989. p. 59-65 (tome 15).
précédente une reconstruction par un lambeau offrant une [2] Guerrier B, Barazer M, Maurice N. Pharyngectomies et pharyngo-
surface plus importante. Nous privilégions dans ce cas-là une laryngectomies. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Techniques
reconstruction par lambeau libre microanastomosé antébra- chirurgicales - Tête et cou, 46-280, 1993: 14p.
chial. [40, 41] En deuxième choix, nous réaliserons un lambeau [3] Cook DW, Canepa C, Winek T, Sasakit M. Laryngeal flap for
musculocutané grand pectoral. hypopharynx reconstruction. Head Neck 1991;13:318-20.
[4] Stafford ND, Matthews RN. Reconstruction of the pharynx after
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45-8.
Le lambeau cutané cervical est rabattu et suturé en deux [5] Pearson BW, Woods R, Hartman D. Extended hemilaryngectomy for
plans sur drain aspiratif. La principale difficulté de cette T3 glottic carcinoma with preservation of speech and swallowing.
technique réside dans la rééducation orthophonique. Celle-ci est Laryngoscope 1980;90:1950-61.
bien souvent prolongée avec des résultats médiocres les premiè- [6] Pearson BW. Subtotal laryngectomy. Laryngoscope 1981;91:1904-12.
res semaines. Ces résultats peuvent être aggravés par la radio- [7] Pearson BW, Desanto L, Olsen K, Salassa J. Results of near-total
thérapie postopératoire qui en aucun cas ne doit être retardée, laryngectomy. Ann Otol Rhinol Laryngol 1998;107:820-5.
si elle s’avère nécessaire. [8] Dumich P, Pearson BW, Weiland L. Suitability of near-total laryngo-
pharyngectomy in piriform carcinoma. Arch Otolaryngol 1984;110:
664-9.
■ Chirurgie endoscopique [9] Urken ML, Blackwell K, Biller HF. Reconstruction of the
laryngopharynx after hemicricoid/hemithyroid cartilage. Preliminary
au laser CO2 functional results. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1997;123:
1213-22.
Nettement moins développée que celle des tumeurs sus-
[10] Gael JF. Pharyngo-laryngectomie avec shunt trachéo-laryngo-
glottiques ou glottiques, elle est préconisée par certaines équipes
pharyngé selon Pearson. Technique et résultats préliminaires : à propos
allemandes pour le traitement de tumeurs manifestement de 30 cas. [thèse pour le Doctorat en Médecine], Faculté de Médecine,
sélectionnées de l’hypopharynx. Cette chirurgie endoscopique Lille, 2001.
est réalisée dans les mêmes conditions protocolaires, à savoir [11] Chandrachud H, Chaurania M, Sinha K. Subtotal laryngectomy with
qu’un évidement cervical uni- ou bilatéral est associé dans le myomucosal shunt. J Laryngol Otol 1989;103:505-7.
même temps ou le plus souvent dans un deuxième temps [12] Andrade P, Kowalski L, Vieira L, Santos C. Survival and functional
opératoire et qu’une irradiation postopératoire sur le site results of Pearson’s near-total laryngectomy for larynx and pyriform
primitif et sur les aires ganglionnaires est indispensable, en tous sinus carcinoma. Head Neck 2000;22:12-6.
cas pour les tumeurs avancées. [13] Hacquart N, Brasnu D. Laryngectomie et pharyngo-laryngectomie
Les auteurs [42, 43] insistent sur la nécessité d’une excellente avec shunt trachéo-Iaryngo-pharyngé type « Pearson ». Technique,
exposition de la tumeur dont les limites macroscopiques résultats préliminaires et indications : à propos de 29 cas. [thèse pour le
doivent être bien visibles et que l’exérèse doit passer à un Doctorat en Médecine], Faculté de Médecine Saint-Antoine, Paris,
centimètre de ces limites. En revanche, apparemment la majo- 1998.
rité des patients ne sont pas trachéotomisés de principe. La [14] Desanto L, Pearson BW, Olsen K. Utility of near-total laryngectomy for
résection se fait de proche en proche jusqu’à trouver du tissu supraglottic, pharyngeal, base-of-tongue, and other cancers. Ann Otol
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10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies ¶ 46-280

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J.-L. Lefebvre, Professeur des Universités, chef de département.


Y. Mallet, Chirurgien cervicofacial* (y-mallet@o-lambret.fr).
Département de cancérologie cervicofaciale, Centre Oscar Lambret, 3, rue Combemale, 59020 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lefebvre J.-L., Mallet Y. Pharyngectomies et pharyngolaryngectomies. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-280, 2005.

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Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


¶ 46-300

Reconstruction pharyngo-œsophagienne
P. Marandas, M.-A. Germain, D. Hartl

Les cancers du sinus piriforme sont des cancers fréquents en France. Lorsqu’ils atteignent un certain stade
de développement, ils envahissent largement la paroi postérieure de l’hypopharynx et la bouche
œsophagienne. La seule chirurgie possible est alors la pharyngo-laryngectomie totale circulaire qui
nécessite la reconstruction d’un tube pharyngé. Il en est de même pour les cancers de la région rétro-crico-
aryténoïdienne et les cancers de la bouche œsophagienne. Depuis 35 ans des techniques nombreuses
sont apparues. Aujourd’hui, quatre sont surtout utilisées : le lambeau musculocutané en U, le transplant
libre antébrachial tubulisé, la gastroplastie et le transplant libre de jéjunum. L’objectif est d’obtenir un
tube pharyngé autorisant une reprise rapide de la déglutition sans risque de sténose tardive et avec un
minimum de mortalité et de morbidité. Le choix de la technique de réparation dépend en très grande
partie des habitudes de chaque équipe qui dispose facilement ou pas d’un chirurgien rompu à la
technique des microanastomoses. L’important étant de permettre un retour à la maison rapide car il
s’agit d’un cancer dont le pronostic est réservé et qui doit ensuite être irradié dans un délai assez rapide.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Sinus piriforme ; Hypopharynx ; Bouche œsophagienne ; Lambeau musculocutané ;


Lambeau antébrachial tubulisé ; Gastroplastie ; Lambeau libre de jéjunum ; Pharyngo-laryngectomie totale
circulaire

Plan circulaire devait être réalisée, on se contentait, lors du temps


carcinologique, de fermer selon la technique des « trois trous »
¶ Introduction 1 (orostome en haut, trachéostome et œsophagostome en bas). La
réparation pharyngée était ensuite entreprise lorsque la cicatri-
¶ Historique 1
sation de ce premier temps était obtenue ou après la radiothé-
¶ Différentes techniques de réparation 2 rapie. Cette réparation utilisait des lambeaux locaux ou des
Lambeau deltopectoral 2 lambeaux à distance montés selon la technique des lambeaux
Lambeaux musculocutanés 3 bipédiculés. Ces techniques nécessitaient de très nombreux
Lambeau libre antébrachial radial ou lambeau chinois tubulisé 5 temps opératoires imposant des hospitalisations répétées et
Gastroplastie 7
prolongées, avec des résultats fonctionnels très mitigés.
Transplant libre de jéjunum 9
Le lambeau deltopectoral de Bakamjian, publié en 1965 [1, 2]
¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne en tissu irradié 13 et largement diffusé en France par Soussaline, [3] a marqué un
¶ Choix de la technique de reconstruction 13 tournant dans la réparation. De bonne fiabilité mais exposant
Choix de la technique de réparation 13 au risque secondaire de sténose, il nécessitait parfois des
retouches chirurgicales. [4] Presque abandonné aujourd’hui, il
peut rendre encore des services, [5] aussi nous le décrirons
rapidement.
■ Introduction Les lambeaux musculocutanés, dont le plus utilisé est le
lambeau de grand pectoral décrit par Ariyan [6] en 1978, se sont
Les cancers de l’hypopharynx ou de la bouche œsophagienne très vite imposés vers 1980. [7-11] Leur utilisation de façon
nécessitant une pharyngo-laryngectomie totale circulaire ne
tubulisée est encore de mise aujourd’hui mais la technique de
sont pas très fréquents. Ils posent toujours le délicat problème
suture en U ou en « fer à cheval » décrite par Fabian en 1984 [12]
de la reconstruction de la continuité digestive. Cette réparation,
a été remise à l’honneur par Spriano en 2002. [13]
pratiquée dans un second temps jusque vers 1975, est pratiquée
actuellement en un temps. Les procédés de réparation sont Les lambeaux digestifs pédiculés consistent à ascensionner un
nombreux. segment de tube digestif en conservant le pédicule vasculaire
dans l’abdomen. On distingue :
• la plastie par tubulisation gastrique qui a été diffusée dès
■ Historique 1951 par Graviliu reprenant une technique décrite en
1907 par Beck et Carrel. Ceux-ci utilisaient le tube gastrique
Autrefois, on ne disposait pas de technique de réparation en dans le sens anisopéristaltique en ascensionnant le pylore au
un temps, aussi, lorsqu’une pharyngo-laryngectomie totale cou. Cette technique a été abandonnée car la vascularisation

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 1


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

de l’estomac est variable. Elle a été remplacée par la techni-


que d’Akiyama qui a remis à l’honneur la gastroplastie avec
un trajet isopéristaltique et une tubulisation ;
• la plastie colique dont il existe plusieurs variantes.
Il existe deux grands types de lambeau libre qui nécessitent
tous deux des microanastomoses vasculaires :
• le lambeau tubulisé antébrachial dit « lambeau chinois » car
décrit en 1979 par Yang [14] et introduit en France en
1984 par l’école marseillaise de Pech avec Cannoni et Zana-
ret ; [15]
• le lambeau libre de jéjunum qui a été diffusé en France par
Germain et Trotoux. [16, 17, 18]
À ces deux grandes techniques il faut ajouter le transplant
libre gastroépiploïque dont l’utilisation est restreinte.

■ Différentes techniques
de réparation

Lambeau deltopectoral
Après l’ère des lambeaux cutanés de voisinage et l’ère des
lambeaux en « poignée de valise », un pas important a été
réalisé par le lambeau deltopectoral (LDP) dans la fermeture des
pharyngo-laryngectomie totales circulaires (PLTC). Sa technique
est simple. C’est un lambeau thoracique à pédicule médian tracé Figure 2. Lambeau deltopectoral tubulisé et ascensionné dans le cou.
au bord inférieur de la clavicule, diffusé en France par
Soussaline. [3]
Désépidermisation de la partie proximale
Description de la technique du lambeau
Une vaste partie proximale est désépidermisée, elle corres-
deltopectoral (Fig. 1)
pond à la zone secondairement enfouie du lambeau. On prend
Tracé et levée du lambeau deltopectoral soin de tracer la section externe de la désépidermisation selon
Il s’agit d’un lambeau rectangulaire à pédicule interne dont le un V ouvert en dedans.
bord supérieur est tracé parallèlement au bord inférieur de la Le tracé de désépidermisation en V permet d’obtenir un trajet
clavicule et à 2 cm sous elle et dont le tracé inférieur se situe digestif en S allongé favorisant le passage alimentaire.
au 3e espace intercostal. Le bord externe est à 4 cm en dehors
de l’acromion. Le lambeau est levé en commençant par la partie Tubulisation (Fig. 1)
externe, en passant au ras du muscle deltoïde et en prenant soin Elle est réalisée dans le sens de la longueur, le revêtement
de laisser l’aponévrose dans le lambeau. cutané créant la néomuqueuse.
La suture est réalisée en un plan soit par des points séparés,
soit par un surjet de façon à ce que le segment CB soit suturé
sur C’B’ et la partie AD sur A’D. On obtient un conduit à
bouche supérieure circulaire terminale BB’ et à bouche inférieure
latérale AA’-CC’.

Montée du lambeau dans le cou (Fig. 2)


Le LDP passe ensuite sous le pont cutané préclaviculaire et
fait issue à la face antérieure du cou. La ligne EF sur la face
cruantée se suture à la limite inférieure du pont cutané.

Suture du lambeau aux orifices digestifs


Après introduction de la sonde nasogastrique (SNO) dans le
LDP puis dans l’œsophage, on réalisera d’abord l’anastomose
haute terminoterminale en un plan « extramuqueux » en
B suturant la muqueuse pharyngée à l’épiderme du LDP. Ensuite
l’anastomose basse tube cutané-œsophage latéroterminale est
A C
réalisée.
E
D Recouvrement du lambeau cervical

B' Le néo-œsophage est ensuite recouvert par le lambeau


cervical de la voie d’abord. La peau est suturée en deux plans
A' C'
F sur des drains aspiratifs de Redon-Jost après amarrage de la
trachée à la peau.

Fermeture de la région thoracique


La fermeture de la région thoracique peut être obtenue en
Figure 1. Tracé du lambeau deltopectoral. En grisé : zone grande partie par un rapprochement des berges cutanées en
désépidermisée. utilisant les nœuds dits de Cabestan : « Loin – Près – Près

2 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

– Loin ». Cette technique de rapprochement limite au maxi-


mum l’utilisation des greffes de peau mince toujours source de
dysmorphie non négligeable.

Suites opératoires
Précoces
Elles sont en règle simples. Parfois peut survenir un pharyn-
gostome traduisant un lâchage au niveau de la suture supé-
rieure. Des pansements compressifs sont nécessaires pendant
plusieurs jours jusqu’à tarissement de la fistule.
Tardives
Le gros écueil est la survenue d’une sténose soit au niveau de
la suture supérieure, soit au niveau de la suture inférieure. Le
traitement de cette sténose nécessite des séances de dilatation
prudente de préférence en radiologie interventionnelle.
Avantages et inconvénients
C’est un lambeau mince se modelant bien en tube ; la zone
de prélèvement est proche et d’accès aisé dans le même champ
opératoire que le geste d’exérèse. C’est un lambeau dont la
réalisation est rapide, peu hémorragique, bien tolérée, n’expo-
sant à aucune complication abdominale ou médiastinale.
Ce lambeau néanmoins ne permet pas une réparation pha-
ryngée lorsque celle-ci remonte haut et surtout il n’est pas
souhaitable de l’utiliser en chirurgie de rattrapage ou alors dans Figure 3. Tracé de la palette cutanée du lambeau musculocutané de
un second temps après avoir utilisé la classique technique des grand pectoral.
« trois trous ».

Lambeaux musculocutanés
Lambeau musculocutané de grand pectoral
Il utilise le muscle grand pectoral qui est le muscle le plus
superficiel de la paroi thoracique antérieure et la palette cutanée
adjacente. Il est vascularisé par un pédicule principal : l’artère
du grand pectoral toujours dépendante de l’artère acromiotho-
racique. L’artère du grand pectoral est toujours accompagnée
d’une ou de deux veines et de branches nerveuses, sa longueur
est de 10 à 11 cm. Au pédicule principal s’ajoute deux pédicules
accessoires : la branche acromiale ou artère deltopectorale et la
branche pectorale de la mammaire externe.
Technique chirurgicale du lambeau musculocutané de grand
pectoral tubulisé
Tracé du lambeau (Fig. 3). La palette cutanée est tracée
parallèlement à la ligne acromioxyphoïdienne d’Ariyan. Elle a
de 7 à 8 cm de largeur. La partie basse est tracée de façon à ce
qu’elle atteigne la section de l’oropharynx. Il ne faut pas
dépasser en bas la 6e côte car, au-delà, la palette cutanée se
comporte comme un lambeau au hasard.
Il ne faut pas tracer de trait de refend allant jusqu’à la
clavicule mais un court trait de refend allant vers le creux
axillaire de façon à ne pas se priver de l’utilisation d’un
éventuel lambeau deltopectoral associé ou ultérieur. Figure 4. Levée de la palette myocutanée du lambeau musculocutané
Incision de la palette et sa levée (Fig. 4). L’incision intéresse de grand pectoral.
la peau et le tissu cellulaire sous-cutané, plus ou moins épais
jusqu’au plan du muscle grand pectoral.
Une fois le plan du grand pectoral atteint, on décolle de ce À la partie du thorax, là où il n’y a plus de palette cutanée,
muscle les berges cutanées situées en dehors et en dedans de la le muscle grand pectoral est sectionné à 2 cm de chaque côté
palette de façon à dégager l’ensemble de la face superficielle du du pédicule de façon à ce qu’il réalise un « manchon » de
grand pectoral. Ensuite : protection pour le pédicule. Cette section est réalisée jusqu’à
• repérage du bord inférieur du grand pectoral ; 1 cm environ de la clavicule.
• dissection de la face profonde du grand pectoral dans sa Réalisation du tube « digestif » (Fig. 5,6). Le lambeau est
moitié inférieure ; réappliqué sur le thorax.
• libération des attaches les plus inférieures du grand pectoral ; La tubulisation de la palette myocutanée est réalisée en
• section du muscle grand pectoral à 2 cm du tracé du lambeau suturant A sur A’ puis en remontant progressivement la suture
cutané de façon à ce que la palette musculaire soit nettement jusqu’à BB’.
plus large que la palette cutanée. Cette section se fait de bas Cette tubulisation n’offre pas de difficulté sauf lorsque le
en haut. pannicule adipeux est épais, rendant impossible cette tubulisa-
Ainsi le lambeau musculocutané est levé progressivement tion. Cette suture se fait à points séparés ou par un surjet, au
avec le pédicule vasculaire à sa face profonde. vicryl 00 ou même avec un fil non résorbable type Ethicrin®.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 3


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

B'
A'
B
A

Figure 5. Lambeau musculocutané de grand pectoral remis en place


pour être tubulisé.
Figure 7. Le lambeau musculocutané de grand pectoral tubulisé est
suturé au niveau du cou. Fermeture du thorax par le point « Loin – Près –
Près – Loin ».

Fermeture cutanée en deux plans sur deux drains aspira-


tifs après amarrage de la trachée à la peau au fil non
résorbable. La suture thoracique est réalisée après mise en place
de deux drains en rapprochant les berges cutanées de la zone de
prélèvement par la technique de point dit de Cabestan : « Loin
– Près – Près – Loin ». Avec cette technique de fermeture,
l’utilisation d’une greffe de peau mince n’est pas nécessaire. On
recouvre les cicatrices cutanées cervicales et thoraciques par une
feuille de Lumiderm® sans faire de pansement.
Suites opératoires du lambeau tubulisé. Elles sont simples
en règle générale. L’alimentation peut être reprise vers le 15e-
20e jour après avoir fait une « épreuve au bleu » de façon à
s’assurer de l’absence de désunion digestive. Si une désunion
apparaît, il est prudent d’instituer une compression très douce
sur la région cervicale. À distance, un rétrécissement des sutures
est souvent observé, obligeant à des dilatations itératives, très
douces. Ce type de fermeture donne un tube digestif assez
étroit, aussi peut-on utiliser le lambeau musculocutané (LMC)
de grand pectoral (GP) en suturant le versant cutané directe-
ment à l’aponévrose prévertébrale.
Lambeau musculocutané de grand pectoral suturé
Figure 6. Lambeau musculocutané tubulisé pour faire un tube digestif. en fer à cheval
Cette technique a été décrite par Fabian en 1988 [12] et a été
reprise par Spriano en 2002. [13] Elle utilise un lambeau muscu-
Montée du tube myocutané dans le cou. Cette montée se locutané de grand pectoral qui est suturé en U directement sur
fait en passant sous la peau de la partie supérieure du thorax, l’aponévrose prévertébrale en arrière, à l’oropharynx en haut et
puis devant la clavicule et dans un vaste tunnel réalisé à la face à l’œsophage en bas. [19]
profonde de la peau de la région cervicale inférieure. Tracé du lambeau. Le tracé du lambeau, sa levée et sa
Anastomoses digestives (Fig. 7). Après mise en place de la montée sont identiques au tracé du lambeau tubulisé en
SNO, la partie distale du lambeau (correspondant à la zone AA’) prenant soin que le côté qui est suturé en haut ait 2 cm de plus
est suturée à la partie basse de l’entonnoir oropharyngé qu’il que l’autre côté de façon à mieux épouser le calibre
oropharyngé.
faut rétrécir de façon importante pour que son calibre vienne
Suture au niveau du cou (Fig. 8). La suture est réalisée sur
épouser le calibre du tunnel myocutané ; ensuite on réalise la
l’aponévrose prévertébrale de chaque côté de façon à ce que la
suture inférieure correspondant à la zone BB’ à la bouche
palette cutanée constitue un U. Cette suture est faite en deux
œsophagienne.
plans au vicryl : un plan prenant la peau et l’aponévrose
Ces sutures pharyngomyocutanées et myocutanéo-œsopha- prévertébrale, puis un second plan suturant le muscle grand
giennes sont réalisées au fil de vicryl 00 à points séparés en pectoral aux structures restantes des muscles constricteurs ou
commençant par la partie postérieure de la suture. aux aponévroses de voisinage.

4 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

n’expose pas aux aléas de la chirurgie des lambeaux libres. De


rediffusion récente, elle devrait avoir un avenir certain.
Indications du lambeau musculocutané de grand pectoral
Le lambeau tubulisé n’est plus guère utilisé du fait du calibre
rétréci du tube digestif. Aujourd’hui, on lui préfère la fermeture
en U. Cette fermeture en U est particulièrement adaptée à la
situation difficile des « trois trous ». Dans cette situation, il a été
jugé préférable de reporter la reconstruction du pharynx à un
second temps et de réaliser un orostome et un œsophagostome.
La peau cutanée constitue alors la paroi postérieure du futur
tube digestif dont les parois latérales et antérieures sont
constituées par la palette cutanée doublée de son muscle grand
pectoral contenant le pédicule vasculaire.
Après suture de ce lambeau en U, on reconstitue un plan
cutané soit en greffant une greffe de peau mince sur le versant
musculaire du LMC, soit en utilisant un second lambeau pour
refaire ce plan cutané. Le lambeau deltopectoral, par sa minceur,
est bien adapté à la reconstitution de cette peau, ce qui impose
bien sûr de l’avoir préservé lors du tracé du LMC de grand
pectoral.

Lambeau musculocutané de grand dorsal [21, 22, 23]

Le lambeau musculocutané de grand dorsal peut également


être utilisé pour réparer le tractus pharyngo-œsophagien après
pharyngolaryngectomie totale circulaire. Il est utilisé soit
tubulisé (Fig. 10), soit suturé en U. Sa longueur plus importante
Figure 8. Reconstruction du pharynx en utilisant un lambeau musculo- que celle du lambeau de grand pectoral le rend intéressant
cutané en U, la palette cutanée étant suturée en dehors. Fermeture du lorsque le cou est longiligne ou lorsque l’exérèse est remontée
thorax par le point de rapprochement « Loin (1) – Près (2) – Près (3) – Loin haut. De même, on le préfère chez la femme. La longueur de
(4) ». son pédicule rend le lambeau musculocutané de grand dorsal
plus fragile que celui de grand pectoral.

On réalise d’abord une suture latérale (AB) (Fig. 9), puis la


suture haute AA’ avec l’oropharynx. Après la 2e suture latérale Lambeau libre antébrachial radial
A’B’, on termine par la suture basse avec l’œsophage après avoir
pris soin que la SNO était bien en place. En plus de la SNO,
ou lambeau chinois tubulisé
certains proposent de calibrer le tube pharyngé par une grosse Il a été décrit par Yang en 1979 [14] d’où son nom commun
sonde ou un tube de Montgomery remontant dans l’oropha- et diffusé en France par l’équipe marseillaise de Pech. [15]
rynx (Léon). [20] C’est un lambeau libre fasciocutané dont le pédicule est
Cette technique est très simple, rapide, n’exposant pas au constitué par l’artère radiale et la veine céphalique. [24]
sténose comme le lambeau tubulisé de grand pectoral, ainsi, la C’est un lambeau à flux vasculaire lent. Il est fin, souple et
qualité de la déglutition est bien meilleure que dans la techni- très fiable.
que des lambeaux cutanés tubulisés, le patient devant, en règle, Il impose, avant sa réalisation, de faire un test d’Allen [25] de
alors se contenter d’une alimentation mixée. De plus, elle façon à s’assurer de la suppléance par l’artère cubitale.

Figure 9. Lambeau musculocutané du


grand dorsal en U après pharyngo-laryn-
gectomie totale circulaire de rattrapage.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 5


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

Figure 10. Déglutition barytée après répa-


ration hypopharyngée par lambeau musculo-
cutané de grand dorsal.

Technique du lambeau antébrachial tubulisé [15, 26,


27]

Dessin du lambeau
La palette cutanée est rectangulaire, centrée sur l’artère radiale
repérée au doppler. Sa longueur est de 10 cm en moyenne. Sa
largeur est de 10 cm à la partie haute et de 8 cm à la partie
basse. La palette cutanée à son incision distale se situe à au
moins 1 cm au-dessus de l’interligne du poignet pour éviter une
gêne à la flexion radiale due à la cicatrice.
Temps opératoires du levée du lambeau Figure 11. Levée de la palette cutanée antébrachiale après ligature de
Les temps opératoires se décomposent comme suit : l’artère radiale et des veines satellites.
• incision du bord radial (ou latéral) comprenant la peau, le
tissu cellulaire sous-cutané et le fascia ;
• décollement cutanéoaponévrotique en veillant à passer de coaguler de nombreuses petites branches à destinée
au-dessous de l’artère radiale dans la vallée entre le long musculaire. L’artère, solidaire de la palette cutanée, est ainsi
supinateur et le grand palmaire ; relevée ;
• incision distale : celle-ci doit être très superficielle tant que • incision proximale limitée à la peau, ce qui permet de
l’on n’a pas repéré les branches sensitives du nerf radical et détacher la palette cutanée ;
la veine céphalique ; • incision à la face antérieure de l’avant-bras de la palette
• dissection précautionneuse aux ciseaux afin d’isoler les cutanée au pli du coude et décollement des berges en laissant
branches du nerf (en règle deux ou trois) et la veine ; un manchon graisseux autour du réseau veineux ;
• ligature et section de la veine céphalique à sa partie basse ; • dissection de ce manchon graisseux du plan musculaire :
• dissection au-dessus des branches du nerf pour décoller le muscle brachioradial et muscle fléchisseur radial du carpe ;
lambeau ; • dissection vers le haut de l’artère radiale après avoir écarté ces
• abord de l’artère radiale : dans un plan plus profond, dissec- deux muscles et en prenant soin à la branche sensitive du
tion entre le tendon du brachioradial et le fléchisseur radial nerf radial ;
du carpe au niveau de la gouttière du pouls : abord de l’artère • la dissection de l’artère et de la veine sera poursuivie vers le
et des deux veines qui sont liées et sectionnées (Fig. 11) ; haut selon la longueur du pédicule nécessaire (Fig. 12,13).
• incision cubitale (ou médiale) ; Si le réseau veineux superficiel est de mauvaise qualité, il faut
• dissection dans le plan situé immédiatement sous le fascia et poursuivre la dissection jusqu’à l’origine de la radiale car, à ce
décollement du lambeau des tendons et des muscles fléchis- niveau, on trouve la veine communicante du coude qui anas-
seur radial du carpe et du long palmaire. Le périmysium des tomose les réseaux superficiels et profonds.
tendons doit être respecté pour la prise de greffe ultérieure ;
• décollement de la palette cutanée de bas en haut en poursui- Tubulisation du lambeau à la face antérieure de l’avant-bras
vant la dissection sous le fascia et la dissection à la superficie La suture se fait en deux plans : un plan cutané profond aux
du nerf radial jusqu’à ce que celui-ci s’insinue derrière le points séparés éversants noués dans la lumière et un plan
muscle brachioradial ; superficiel aponévrotique réalisé à l’aide d’un surjet.
• poursuite du décollement du bord cubital jusqu’au médial du
fléchisseur radical du carpe, ce qui amène au septum inter- Libération du lambeau
musculaire. L’artère radiale est disséquée progressivement La libération du lambeau est effectuée après section le plus
dans l’interstice séparant ces deux muscles, ce qui nécessite haut possible de l’artère radiale et des veines.

6 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

n’est pas facile. Le premier test au bleu est réalisé au 15e jour
de façon à s’assurer de l’absence de fistule. Si le test est négatif,
on autorise une reprise progressive de l’alimentation orale.

Avantages de cette technique


Les avantages sont :
• une grande fiabilité due à une bonne vascularisation ;
• la finesse de la peau qui permet une tubulisation sans
difficulté et des sutures digestives hautes et basses correctes ;
• la suppression du temps abdominal dont on connaît les
Figure 12. Fin de la levée du lambeau et de la dissection du pédicule inconvénients et les risques.
radial.
Inconvénients de cette intervention
Micro-anastomoses vasculaires Les inconvénients sont :
En règle, on utilise l’artère faciale. • la durée de l’intervention nécessitant une double équipe avec
La suture artérielle terminoterminale est réalisée aux points un microchirurgien vasculaire ;
séparés au fil 9/0. • les séquelles disgracieuses au niveau de l’avant-bras [28] ;
En ce qui concerne les anastomoses veineuses : il est classique • le risque de sténose au niveau des sutures haute et basse. [29,
de se brancher directement sur la veine jugulaire interne en 30] Pour pallier ce risque de sténose, Bootz [31] propose de

terminolatérale et, par sécurité, une seconde anastomose en suturer le lambeau antébrachial selon la technique du U.
terminoterminale se branche sur le tronc veineux de Faraboeuf.
Sutures digestives Gastroplastie
Après mise en place de la SNO à travers le greffon radial
tubulé, on réalise la suture haute pharyngocutanée puis la
Gastroplastie pédiculée sans thoracotomie [32-35]

suture basse cutanéo-œsophagienne. Ces deux sutures digestives C’est une plastie isopéristaltique de l’estomac ascensionné au
se font aux points séparés avec du vicryl 3/0 ou 2/0 en prenant cou. Il est essentiel de tubuliser l’estomac pour permettre son
soin de commencer par la berge postérieure. passage dans le médiastin postérieur.
Mise en place d’une greffe La plastie gastrique pédiculée ou gastric pull up des auteurs
anglo-saxons est la technique la plus utilisée. Cette technique
On met en place une greffe de peau mince sur la zone de
pour réparer l’hypopharynx est dérivée de la technique utilisée
prélèvement de l’avant-bras et on effectue une suture cutanée et
un pansement bien appliqué pour favoriser la prise de greffe. par les chirurgiens digestifs pour réparer les lésions œsopha-
giennes seules qui anastomose l’estomac à la partie basse du cou
Suites opératoires (Akiyama).
Les suites sont habituellement simples. On tente de surveiller La reconstruction de l’œsophage et de l’hypopharynx est plus
la vitalité du lambeau en utilisant un nasofibroscope mais cela délicate en raison de la longueur à reconstruire, ce qui explique

Figure 13. Lambeau antibrachial, levée et dissection du pédicule.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 7


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

Figure 14. Début de la tubulisation de l’estomac à la pince mécanique.


Figure 15. Tubulisation de l’estomac terminée. Pyloroplastie.

les nécroses ischémiques du segment distal de l’estomac, et par


conséquent les fistules. De plus, le transfert de l’estomac au cou
n’est pas physiologique : le sphincter œsogastrique est supprimé
entraînant un reflux gastro-œsophagien.
Temps abdominal
1er temps : la gastrolyse. Elle se décompose comme suit :
• incision médiane sus- et sous-ombilicale avec résection de
l’appendice xiphoïde ;
• exploration de la cavité abdominale ;
• section du ligament gastrocolique en conservant soigneuse-
ment le pédicule gastroépiploïque droit qui vascularise la
grande courbure de l’estomac. Les vaisseaux gastriques courts
et le pédicule gastroépiploïque gauche sont sectionnés en
laissant la rate en place ;
• libération de la petite courbure gastrique et section du petit
épiploon ;
• section du pédicule coronaire stomachique avec curage
ganglionnaire.
Le pédicule pylorique peut être sectionné pour mieux ascen-
sionner le tube gastrique.
L’œsophage abdominal est libéré, les nerfs pneumogastriques
sont sectionnés.
2e temps : la tubulisation gastrique (Fig. 14,15). Elle est
nécessaire pour permettre l’ascension, jusqu’au cou, de l’esto-
mac à travers le médiastin postérieur. Elle est réalisée à l’aide des
pinces mécaniques GIA.
La première application de la pince mécanique débute à la
jonction des vaisseaux horizontaux et verticaux de la petite
courbure. Les applications de la pince se font de proche en
proche jusqu’au sommet de la grosse tubérosité.
Parallèlement, on réalise un curage ganglionnaire coronaire
Figure 16. Ascension du tube gastrique dans le médiastin postérieur. 1.
stomachique.
pédicule gastroépiploïque droit ; 2. pyloroplastie.
Une pyloroplastie courte extramuqueuse est réalisée
systématiquement.
De façon à faciliter l’ascension du tube gastrique, un décolle-
ment duodénopancréatique est réalisé. La dissection de l’œsophage cervical et thoracique supérieure
3e temps : la dissection de l’œsophage. Cette dissection est est réalisée par la voie cervicale à partir de la libération de la
réalisée par voie transhiatale après section du pilier droit du bouche œsophagienne de haut en bas jusqu’à la rencontre avec
diaphragme. Cette dissection se fait sous contrôle de la vue pour la dissection par voie basse.
sa partie inférieure. La pièce d’œso-PLT est extraite par le haut.
La dissection médiastinale se fait en avant le long du péri- 4e temps : passage du tube gastrique dans le médiastin
carde ; latéralement le long des plèvres et en arrière le long de (Fig. 16). La gastroplastie est ascensionnée à l’aide d’un tube de
l’aorte. Celerier : le sommet de la plastie gastrique est fixé à l’intérieur
Les doigts qui libèrent l’œsophage doivent rester au contact du tube : la jupe de ce tube recouvre entièrement la plastie
de celui-ci en particulier à droite pour passer entre l’œsophage gastrique. Ainsi celle-ci est ascensionnée jusqu’au cou à travers
et la veine azygos. le médiastin postérieur en veillant à éviter toute torsion.

8 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

5e temps : suture gastropharyngée. Elle se fait par points


séparés extramuqueux avec du vicryl 00 après avoir pris soin de
mettre en place la sonde naso-œsophagienne.
6e temps : la fermeture. La fermeture cervicale est faite en
deux plans sur drains aspiratifs après amarrage de la trachée au
fil non résorbable.
La fermeture abdominale se fait plan par plan.
Nous ne pratiquons plus de jéjunostomie systématique car cet
acte a des complications propres, en particulier le volvulus du
grêle autour de la jéjunostomie.
En cas d’effraction pleurale, un drainage de la cavité pleurale
est mis en place. Le bon positionnement de ce drain est vérifié
par une radiographie de thorax.

Coloplastie par plastie colique pédiculée [36]


Trois types de plastie colique sont réalisables :
• l’iléocoloplastie droite isopéristaltique ;
• la coloplastie transversale qui peut être iso- ou anisopéristal-
tique selon que le pédicule colique supérieur droit ou gauche
est conservé ;
• la coloplastie gauche.
Parmi ces trois types de coloplastie, l’iléocoloplastie droite est
préférée car, en cas d’échec ou de difficulté, elle laisse possible
la réalisation d’une coloplastie gauche alors que l’inverse n’est
pas vrai.
La technique de l’iléocoloplastie droite se déroule comme
suit (Fig. 17) :
• incision comportant une laparotomie médiane sus- et sous-
ombilicale ;
• exploration de la cavité abdominale ;
• décollement coloépiploïque ;
• libération du côlon droit et du côlon transverse ;
• section de l’iléon à 30 cm de la valvule iléocæcale de Bauhin ;
• section du côlon transverse à sa partie moyenne ;
• évaluation de la vascularisation iléocolique par transillumina-
tion ;
• clampage du pédicule iléo-œco-appendiculaire et de l’arcade
de Riolan pour s’assurer de la bonne vascularisation de la
plastie sur le seul pédicule colique supérieur droit qui est
habituellement de calibre plus important que le pédicule
colique supérieur gauche ;
• pédicules clampés sectionnés entre ligatures ;
• ascension de l’iléocôlon droit qui se fait alors en position
isopéristaltique à l’aide du tube de Celerier dans le médiastin
postérieur ;
• anastomose inférieure de la plastie réalisée entre le côlon
transverse et la face postérieure de l’estomac en terminolaté- Figure 17. Montage de l’iléocoloplastie droite après œsophagectomie
et pharyngo-laryngectomie totale circulaire (PLTC).
ral ;
• rétablissement de la continuité digestive par une anastomose
iléotransverse ;
• suture cervicale de l’iléon avec le pharynx. Technique chirurgicale [18, 38, 39]

Un des avantages de cette technique est la conservation de la Prélèvement de jéjunum


valvule de Bauhin. Le prélèvement est réalisé par une incision médiane sus- et
Les coloplasties sont des techniques plus complexes que les sous-ombilicale.
gastroplasties, ce qui explique que la morbidité ainsi que la Avant le prélèvement, l’exploration de la cavité péritonéale
mortalité soient plus élevées. [37] est réalisée : examen du foie, recherche de métastases, d’ascite.
Les suites opératoires des coloplasties comme celles des gastric La 3e anse jéjunale est recherchée dans la fosse lombaire
pull up sont assurées dans une unité de soins intensifs compé- gauche. Son sommet siège à 50-70 cm de l’angle
tents en chirurgie digestive. L’alimentation par la sonde naso- duodénojéjunal.
œsophagienne ou la jéjunostomie est débutée après la reprise du Une longueur de 20 à 25 cm de jéjunum est disséquée, le
transit intestinal. Quant à l’alimentation orale, on ne l’envisage pédicule du transplant est visualisé ainsi que son arcade
qu’à partir du 18e jour après s’être assuré de l’absence de fistule. bordante par transillumination réalisée à l’aide du scialytique.
On effectue une dissection très prudente du pédicule vascu-
laire du transplant, en particulier de la veine dont la paroi est
Transplant libre de jéjunum fine.
Des lacs en silicone isolent artère et veine jéjunale.
C’est une excellente technique de réparation après une perte Le repérage du sens du péristaltisme est effectué par un fil.
de substance circulaire de l’hypopharynx. C’est un segment On pratique la section entre ligatures du mésentère. Si le
digestif qui permet des sutures extramuqueuses. Il possède un mésentère est épais, il est nécessaire de l’amincir sur chaque
péristaltisme et une sécrétion qui facilite la progression du bol face ; il existe un plan de clivage entre le tissu graisseux et les
alimentaire mais il nécessite un temps abdominal et des vaisseaux jéjunaux. Ce clivage est réalisé de la profondeur vers
compétences en microchirurgie. la périphérie.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 9


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

Figure 18. Prélèvement de la troisième anse jéjunale.

Après, on effectue la section de cette anse jéjunale. Le


rétablissement de la continuité digestive dans l’abdomen est 3
pratiqué par une anastomose jéjunojéjunale réalisée manuelle- 4
ment ou à l’aide de pinces mécaniques : pince GIA 60 et
terminalisation de l’anastomose par application de la pince TA
55 (Fig. 18).

Préparation des vaisseaux au cou


Cette préparation est grandement facilitée par le temps
ganglionnaire. Il est indispensable de disposer d’une jugulaire 1
interne avec un tronc de Faraboeuf. La carotide externe est
disséquée ainsi que ses différentes branches.

Libération des vaisseaux jéjunaux


Cette libération est réalisée après préparation des vaisseaux du 5
cou et après avoir fait injecter une dose de Lovenox® 10 minu-
tes avant. Durant cette période d’ischémie du greffon jéjunal,
nous conseillons de le refroidir par application locale de glace
contenue dans un sac stérile. D’autres auteurs conseillent la 2
perfusion de sérum à 4 °C dans la lumière intestinale.

Sutures vasculaires
Figure 19. Jéjunum anastomosé avec l’oropharynx en haut, l’œso-
La revascularisation du greffon débute par l’anastomose
phage en bas après avoir réalisé les microanastomoses vasculaires. 1.
veineuse ; la veine jéjunale est anastomosée de façon termino-
jéjunum ; 2. œsophage ; 3. oropharynx ; 4. carotide externe ; 5. jugulaire
latérale sur la veine jugulaire interne ou de façon terminotermi- interne.
nale sur le tronc veineux de Faraboeuf. La suture est réalisée au
fil de nylon 9/0 ou 10/0 sous microscope opératoire. Certains
auteurs préfèrent les lunettes loupes. Une fois réalisée, l’anasto-
avoir taillé en biseau le jéjunum de façon à ce que son calibre
mose veineuse est immédiatement déclampée.
s’adapte à la brèche pharyngée supérieure : on commence par
La branche de l’artère carotide externe prévue pour la suturer la paroi postérieure de l’oropharynx à la paroi posté-
revascularisation est sectionnée après clampage. Après l’avoir rieure du jéjunum. Il est conseillé de faire des points extramu-
irrigué au sérum hépariné, l’artère jéjunale est anastomosée en queux rapprochés, ensuite la paroi antérieure est suturée de
terminoterminale par points séparés de nylon 9/0 ; la suture dehors en dedans.
vasculaire doit être faite de dedans en dehors pour être sûr de Après avoir réduit la taille du jéjunum de façon à ce qu’il soit
prendre l’intima. Le déclampage artériel est effectué. Ce strictement rectiligne, sans coudure, on réalise la suture
déclampage est suivi de la reprise rapide de la coloration rosée inférieure entre le jéjunum et l’œsophage (Fig. 20) ; la réduction
du greffon, du péristaltisme et de la sécrétion intestinale. Les de la dimension du jéjunum est rendue plus rapide par l’utili-
battements artériels sont perçus dans le mésentère. sation de pince automatique.
Anastomoses digestives (Fig. 19) Mésentère
Après avoir pris grand soin de respecter le sens du péristal- Le mésentère est attaché par quelques points aux structures
tisme intestinal, on met en place la sonde d’alimentation à de voisinage de façon à ce qu’il ne migre pas en position déclive
travers le tube jéjunal et on réalise la suture supérieure après et qu’il recouvre bien le greffon jéjunal et l’axe carotidien.

10 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

Figure 20. Lambeau libre du jéjunum après anastomose au cou.

Peau les anastomoses haute et basse (Fig. 21). La reprise de l’alimen-


Après irrigation de la plaie opératoire au sérum bétadiné, la tation par la bouche se fait vers le 9e-10e jour, permettant alors
peau est refermée en deux plans sur un drain aspiratif disposé l’ablation de la sonde naso-œsophagienne.
de chaque côté et après l’amarrage de la trachée à la peau. La radiothérapie postopératoire peut débuter dès la 4 e
semaine postopératoire.
Abdomen
Pendant le temps des sutures digestives au niveau du cou,
Avantages et inconvénients
l’abdomen est fermé après avoir pris soin de réaliser une L’avantage majeur du greffon jéjunal libre est la qualité de la
péritonisation soigneuse de chaque feuillet du mésentère. Aucun déglutition qu’il autorise [42, 43] car c’est un transplant digestif
drainage n’est nécessaire. La paroi abdominale est suturée plan animé de mouvements péristaltiques et lubrifié par les sécré-
par plan. tions digestives. Ses suites sont en règle très simples. Le taux
d’échec est très réduit dans les mains d’un chirurgien expéri-
Conditions de réalisation menté. [44, 45, 46] De plus, la radiothérapie postopératoire est
réalisable dans les délais normaux.
Cette intervention est réalisée par deux équipes travaillant Les inconvénients sont :
simultanément : tandis que l’une s’occupe du temps d’exérèse • la nécessité de disposer d’un praticien rompu à la technique,
carcinologique cervicale, l’autre s’occupe du prélèvement du ce qui rend difficile sa réalisation non programmée lorsqu’on
greffon jéjunal. Cette technique nécessite donc le recours à un se trouve en peropératoire devant une tumeur plus étendue
chirurgien digestif et à un microchirurgien expérimenté pour que prévue ;
réaliser les anastomoses vasculaires au cou. Il faut savoir que les • la très mauvaise qualité de la voix [42, 47].
vaisseaux du patient porteur d’un carcinome hypopharyngé
sont volontiers le siège, d’athérome favorisé encore par une Variante : le transplant libre de jéjunum
éventuelle radiothérapie première. Toute microanastomose en U (Fig. 22)
douteuse doit être immédiatement recommencée. L’examen
Cette variante est intéressante lorsque l’exérèse remonte
doppler peropératoire peut être utile dans certains cas difficiles,
particulièrement haut, entraînant une grande différence entre
de même que la surveillance de l’oxygénation du greffon par
les diamètres oropharyngé et jéjunal et exposant à des reflux
des sondes spéciales. [40]
massifs par le nez. Elle a été décrite par Germain. [48] Sur le plan
pratique, on utilise un segment jéjunal de 25 cm de long qui
Suites opératoires
est plicaturé en U, les deux branches devant être appliquées sur
Une couverture antibiotique est administrée les 48 premières leur bord antimésentérique. Ensuite, la section et l’anastomose
heures, période durant laquelle le patient est surveillé de façon latérolatérale est réalisée avec une pince mécanique GIA 80 :
minutieuse. Les anticoagulants sont poursuivis de 15 à 20 jours • l’orifice large proximal du transplant est dirigé vers l’oropha-
par voie transcutanée. Le transit intestinal, bien qu’il s’agisse rynx avec lequel il est suturé ;
d’un geste abdominal simple, s’effectue entre le 3e et le 5e jour. • le sommet du U est incisé sur le bord antimésentérique,
L’alimentation se fait par voie intraveineuse jusqu’à la reprise du permettant de réaliser la suture avec l’œsophage après avoir
transit puis à l’aide de la sonde naso-œsophagienne. mis en place la sonde d’alimentation.
La surveillance clinique comporte l’examen cervical, la
surveillance de la quantité de liquide dans les drains. Quant à Œsophagoplastie totale avec transplant libre
la surveillance du jéjunum, on peut la réaliser à l’aide d’un de jéjunum avec deux pédicules [49]
nasofibroscope mais l’importance des sécrétions digestives gêne Si après résection circulaire de l’hypopharynx et de la totalité
considérablement cet examen. L’examen doppler permet la de l’œsophage, il est impossible d’utiliser l’estomac, le côlon
surveillance des anastomoses. droit ou le côlon gauche comme plastie pédiculée, le transplant
Vers le 9e-10e jour, si l’état cervical est satisfaisant, on réalise libre de jéjunum, comportant deux pédicules vasculaires, peut
un test au bleu de méthylène de façon à s’assurer de l’absence résoudre des situations jugées insolubles :
de fistule. On peut également demander un transit à la Gastro- • un long transplant de jéjunum est prélevé avec deux pédicu-
graphine® qui visualise le greffon jéjunal [41] et permet d’étudier les vasculaires (60 cm de longueur) ;

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 11


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

Figure 21. Transit à la Gastrographine® après transplant libre du


jéjunum.

• le mésentère est sectionné entre les deux pédicules de façon


à allonger le transplant ;
• on repère le sens du péristaltisme ;
• on effectue le passage préthoracique sous-cutané du trans-
plant ;
• le pédicule jéjunal supérieur est revascularisé sur les vaisseaux
cervicaux à gauche ;
• le pédicule jéjunal inférieur est revascularisé sur les vaisseaux
thoraciques mammaires internes gauches ;
• le transplant de jéjunum est anastomosé à la partie proximale Figure 22. Lambeau libre de jéjunum en U.
au pharynx en haut, et à la partie distale, il est suturé au A. Plicature en U du jéjunum.
moignon gastrique résiduel. B. Section et anastomose latérolatérale.
C. Anastomoses avec le pharynx et l’œsophage après les microanastomo-
Transplant libre gastroépiploïque et transplant ses vasculaires.
colique libre
Le transplant libre gastroépiploïque est bien adapté pour la
reconstruction pharyngo-œsophagienne lorsqu’il faut recons- Le grand épiploon est utilisé pour combler les espaces morts
truire un conduit et combler une perte de substance. Ce et protéger l’axe carotidien.
transplant est prélevé avec les vaisseaux gastroépiploïques droits. En particulier, lorsque la peau cervicale doit être sacrifiée en
Ceux-ci ont un très long pédicule, de 30 cm en moyenne, raison de radiodermite, d’infection et de récidive tumorale,
permettant une revascularisation à distance du cou, sur les l’épiploon est utilisé pour recouvrir la reconstruction œsopha-
vaisseaux axillaires, lorsque les vaisseaux cervicaux sont gienne. L’épiploon est couvert par une greffe de peau dans la
inutilisables du fait de la radiothérapie. La partie gastrique
même séance opératoire.
proximale peut reconstruire la région oropharyngée, la partie
distale peut être façonnée en tube pour reconstruire l’hypopha- Quant au transplant colique libre, son utilisation est peu
rynx et l’œsophage cervical. répandue. [50]

12 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

Autres techniques Tableau 2.


Modalités de reconstruction pharyngo-œsophagienne dans 235 cas de
D’autres techniques de lambeau libre ont été décrites, comme pharyngo-laryngectomie totales circulaires du Gettec. [52]
le lambeau libre du muscle grand droit de l’abdomen proposé
par Nakatsuka. [51] Lambeau deltopectoral (LDP) 28 : 12 %
Lambeau musculocutané du grand pectoral 57

■ Reconstruction pharyngo- Lambeau musculocutané du grand dorsal 18


Lambeau libre de jéjunum 42 : 18 %
œsophagienne en tissu irradié Gastric Pull Up 25
Toutes les séries rapportant des réparations après pharyngo- Coloplastie 33
laryngectomie totale circulaire rapportent un certain nombre Autres 19
d’interventions réalisées après échec de la radiothérapie (28 chi- Pas de réparation 13
rurgies de rattrapage sur 71 réparations par jéjunum à l’Institut
Gustave Roussy [IGR]). [44] Ces patients doivent être sélectionnés
sur le plan carcinologique et sur le plan général. Sur le plan successivement plusieurs techniques de réparation. Une étude
carcinologique, si on peut envisager opérer une récidive locale du Gettec, [52] publiée à l’occasion du Congrès international
sans adénopathie évidente, l’existence d’une récidive locale d’oto-rhino-laryngologique (ORL) de Sydney en 1994 et portant
associée à une récidive ganglionnaire importante rend l’indica- sur 235 pharyngo-laryngectomies totales circulaires réalisées de
tion discutable car le pronostic est très péjoratif. Sur le plan 1975 à 1991, présente les procédés de réparation de plusieurs
général, le patient doit être apte à supporter des suites longues. centres français (Tableau 2).
Si l’utilisation d’un lambeau libre est projetée, l’état vasculaire
doit être acceptable. Pour notre part, dans ces cas, notre Choix de la technique de réparation
préférence va au lambeau libre de jéjunum.
Néanmoins, avant de réaliser une telle chirurgie, comme Actuellement, l’utilisation du lambeau deltopectoral et du
toujours, le patient doit être éclairé sur les risques encourus. lambeau myocutané tubulisé est devenue rare du fait des
Si la technique du lambeau libre n’est pas réalisable, on peut nombreux problèmes de cicatrisation observés et la qualité très
avoir recours soit au LMC en U, soit à la technique de gastrolyse. médiocre de la déglutition. Ces lambeaux étaient très faciles et
Dans ces interventions de rattrapage après échec de la rapides à réaliser et peu traumatisants. Cependant, le lambeau
radiothérapie, il peut être nécessaire de sacrifier une peau myocutané en U redécrit par Spriano [13] bénéficie à nouveau
cervicale de mauvaise qualité et de fermer cette perte de d’un regain d’utilisation (Morshed). [19]
substance cutanée à l’aide d’un lambeau musculocutané de En cas d’exérèse associée de l’œsophage, rendue nécessaire
grand pectoral ou d’un lambeau deltopectoral. pour une extension basse ou une deuxième localisation, le
choix de la réparation se fait entre la plastie gastrique tubulisée
dite « Gastric Pull Up » ou la coloplastie. Ces techniques sont des
■ Choix de la technique techniques lourdes bien que l’œsophagectomie soit réalisée à
de reconstruction thorax fermé. La mortalité n’est pas négligeable, mais elle baisse
avec l’expérience des équipes chirurgicales. Pour les Gastric Pull
Les cancers de l’hypopharynx sont des cancers assez fréquents Up, le taux de mortalité est de 11 % pour Harrison dans
en France. La France détient d’ailleurs le record mondial de 101 cas, [37] 15 % pour Surkin. [53] Pour Lam, [54, 55] elle est
fréquence des cancers du sinus piriforme. Il a été répertorié en passée de 31 % avant 1981, à 4,5 % de 1985 à 1987. Pour les
France, en 1995, 2 779 cancers de l’hypopharynx chez l’homme coloplasties, la mortalité est plus lourde encore mais baisse avec
et 92 cas chez la femme ; les deux départements les plus l’expérience de l’équipe ; [56] pour Elias [36] la mortalité est
touchés sont le Calvados et le Bas-Rhin. Jusqu’à une date passée de 33 à 10 %.
récente, le traitement standard des cancers du sinus piriforme L’inconvénient de ces deux techniques est la nécessité d’avoir
était la chirurgie d’exérèse, associée à un évidement ganglion- recours à un chirurgien digestif. Certains leur reprochent une
naire et suivie de radiothérapie. Aujourd’hui, on propose certaine difficulté pour remonter assez haut le transplant, ce qui
volontiers d’abord une chimiothérapie. En fonction de l’exten- serait dû, pour Chabolle, [57] à une imperfection dans la
sion et de la topographie du cancer, l’exérèse est soit une réalisation de la gastrolyse.
chirurgie partielle, soit une chirurgie de type pharyngo- La qualité de la déglutition est bonne et la voix obtenue dans
laryngectomie totale, soit encore une chirurgie plus élargie type les Gastric Pull Up est tout à fait satisfaisante. La bonne qualité
pharyngo-laryngectomie totale circulaire qui peut, dans certains de la voix serait due aux effets de la pression négative intratho-
cas, être associée à une œsophagectomie. Le nombre de ces racique sur la portion médiastinale du tube gastrique. [58]
différentes interventions réalisées en France est très mal connu. Lorsqu’il n’y a pas nécessité de sacrifier l’œsophage, deux
À titre d’information, il a été réalisé à l’Institut Gustave-Roussy, techniques sont en vogue : la réparation par lambeau libre de
de 1991 à 1994, 278 opérations pour des cancers hypopharyn- jéjunum ou par un lambeau libre antébrachial. Ces deux
gés dont la répartition est présentée dans le Tableau 1. techniques nécessitent un chirurgien spécialiste des micro-
En cas d’exérèse circulaire, la réparation idéale doit obéir à anastomoses vasculaires et un système artériel et veineux
différents critères : mortalité la plus faible possible, morbidité la plus acceptable, ce qui n’est pas toujours le cas des malades atteints
faible, hospitalisation la plus courte, meilleure qualité de déglutition, de cancer de l’hypopharynx. Ces deux techniques ont leurs
voix la plus acceptable, plus grande facilité de réalisation. avantages et leurs inconvénients (Tableau 3).
Aucun des procédés de réparation ne répond à tous ces Le taux des nécroses est très faible dans les mains de chirur-
critères. Souvent, dans une même équipe ont été utilisées gien expérimenté. Il est de 10 % dans le lambeau antébrachial
pour Zanaret, [59] de 4,5 % pour le transplant de jéjunum pour
Germain. [42, 45]
Tableau 1.
Le transplant libre de jéjunum a pour lui l’excellente qualité
Interventions réalisées à l’Institut Gustave Roussy de 1991 à 1994 dans
de la déglutition, la possibilité d’irradier à dose totale dans un
278 cancers hypopharyngés.
délai bref, la rareté des sténoses secondaires. En revanche, la
Hémipharyngo-laryngectomie 30 (10,79 %) voix obtenue est mauvaise en raison de la lumière importante
Pharyngectomie postérieure ou externe 14 (5 %) du transplant avec un faible effet vibratoire. Pour cette raison-
Pharyngo-laryngectomie totale 167 (60 %) Benazzo [60] propose la mise en place quasi systématique en
Pharyngo-laryngectomie totale circulaire 64 (23 %)
peropératoire d’une prothèse phonatoire type Provox® en cas de
transplant libre de jéjunum.
Pharyngo-laryngectomie totale circulaire 3 (1 %)
Ces deux techniques sont des techniques longues nécessitant
+ œsophagectomie
un spécialiste des microanastomoses et, outre la chirurgie

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 13


46-300 ¶ Reconstruction pharyngo-œsophagienne

Tableau 3.
Avantages et inconvénients principaux du lambeau libre de jéjunum et du lambeau libre antébrachial.
Avantages Inconvénients
Transplant libre de jéjunum – Suites simples – Temps abdominal
– Excellente qualité de déglutition – Voix mauvaise
– Hospitalisation 15 j
Transplant libre antébrachial – Suites plus longues – Cicatrice à l’avant-bras
– Déglutition ± – Fistule fréquente (Nakatsuka)
– Hospitalisation 20 j

Tableau 4.
Avantages et inconvénients des différentes techniques de réparation dans l’expérience des auteurs.
Mortalité Inconvénient Reprise de la Qualité de la Voix
déglutition déglutition
LMC de GP tubulisé – Fistule fréquente 20 j Médiocre Médiocre
Sténose
LMC de GP en U – Fistule fréquente 20 j Bonne Médiocre
Lambeau antébrachial 0,5-1 % Fistule 18 j Médiocre Médiocre
Sténose
Lambeau libre de jéjunum 2% Temps abdominal 10 j Excellente Mauvaise
Gastric Pull Up 7% Temps abdominal 14 j Excellente Bonne
Œsophagectomie
Coloplastie 20 % – 14 j Bonne Médiocre
LMC : lambeau musculocutané ; GP : grand pectoral.

abdominale, le transplant de jéjunum. Elles nécessitent donc [10] David JM, Bachaud JM, Cevreau CH, Vignaux JC. Pharyngo-
d’avoir été programmées à l’avance et de disposer au minimum laryngectomie totale circulaire reconstruite par le lambeau musculocutané
d’un doppler des vaisseaux du cou. de grand pectoral : à propos de 13 cas. In: Bataini JB, Leroux-Robert,
Pour ces raisons, la technique du lambeau musculocutané de editors. Cancers de l’hypopharynx. Paris: Masson; 1989. p. 202-8.
grand pectoral en U est utilisée du fait de sa facilité et de sa [11] Guedon C, Moisy N, Soussy T, Attal P, Depondt, Hay JM, Gehanno P.
rapidité d’exécution toujours possible lorsqu’on est face à une Pharyngo-laryngectomie totale circulaire. Analyse d’une série de 53
extension peropératoire imprévue. cas. In: Cancers de l’hypopharynx. Paris: Masson; 1989. p. 173-5.
Malgré l’absence de nécessité carcinologique de sacrifier [12] Fabian RL. Pectoralis major myocutaneous flap reconstruction of the
l’œsophage, certains (Mariette) [61] préconisent la technique du laryngopharynx and cervical oesophagus. Laryngoscope 1988;98:1227-31.
Gastric Pull Up pour assurer la continuité pharyngée. À l’Institut [13] Spriano G, Pelleni R, Roselli R. Pectoralis major myocutaneous flap for
Gustave-Roussy, nous avons réalisé en 5 ans 92 pharyngo- hypoharyngeal reconstruction. Plast Reconstr Surg 2002;110:1408-13.
laryngectomies totales circulaires ; la procédure de réparation a [14] Yang G, Chen B, Gao Y. Forearm free skin flap transplantation. Natio-
utilisé un transplant libre de jéjunum 53 fois, un lambeau libre nal Med J China 1981;61:139.
antébrachial dans quatre cas, la technique du Gastric Pull Up [15] Pech A, Cannoni M, Zannaret M, Collignon G, Thomassin JM,
chez 18 patients, une colonoplastie dans cinq cas et un lambeau Goubert JL, et al. Pharyngo-laryngectomie totale circulaire. Méthode
musculocutané de grand pectoral ou de grand dorsal dans de reconstruction par un lambeau cutané libre d’avant-bras. Ann
12 cas, ces lambeaux étaient tubulisés ou suturés selon la Otolaryngol Chir Cervicofac 1984;101:535-40.
technique du U. À partir de cette expérience, nous pouvons [16] Germain MA, Avci C, Roux M. L’œsophago-jéjunostomie au cou pour
donner les avantages et les inconvénients de ces différentes le rétablissement de la continuité dans le cancer de l’œsophage (après
techniques (Tableau 4). résection œsophagienne ou à titre palliatif). J Chir 1979;116:129-36.
[17] Trotoux J, Germain M, Lefebvre B, Margoloff B, Binel J. Pharyngo-
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14 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Reconstruction pharyngo-œsophagienne ¶ 46-300

[27] Germain MA, Trotoux J, Luboinski B, Schwaab G, Marandas P, [44] Julieron M, Germain MA, Schwaab G, Marandas P, Bourgain JL,
Mamelle G, et al. Le transplant libre antébrachial appliqué à la recons- Wibault P, et al. Reconstruction with free jejunal autograft after
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gectomy. Minerva Chir 1991;46(suppl 7):253-62. 2002;127:431-8.

P. Marandas, Professeur associé de l’université Paris XI, chef de service (marandas@igr.fr).


Département de chirurgie cervicofaciale et ORL, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France.
M.-A. Germain, Praticien hospitalier, chirurgien des Hôpitaux.
Département de chirurgie cervicofaciale et ORL, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France.
Service de chirurgie à l’hôpital Max Fourestier, 403, avenue de la République, 92014 Nanterre cedex, France.
D. Hartl, Chef de clinique à la faculté, assistante.
Département de chirurgie cervicofaciale et ORL, Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Marandas P., Germain M.-A., Hartl D. Reconstruction pharyngo-œsophagienne. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et Cou, 46-300, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 15


Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-340]

Traitement chirurgical de la rhonchopathie avec et sans


syndrome d'apnée du sommeil

Frédéric Chabolle : Professeur des Universités, chef de service ORL et chirurgie de la face et du cou
Xavier Lachiver : Chef de clinique-assistant
Service ORL et chirurgie de la face et du cou, centre médicochirurgical Foch, 92151 Suresnes
cedex France

Résumé

La rhonchopathie représente l'ensemble des symptômes provoqués par le ronflement


nocturne [9]. Le ronflement nocturne est un bruit inspiratoire que l'on rencontre :

soit, dans la rhonchopathie simple et il traduit la vibration de structures


anatomiques essentiellement le voile du palais ;
soit, dans le syndrome d'apnée du sommeil associé à une somnolence diurne et à
des réveils nocturnes, c'est un obstacle sur les voies aériennes supérieures qui
provoque obstruction et vibration, les structures anatomiques en cause étant
essentiellement vélaires et linguales.

Mais le traitement chirurgical d'un ronflement est différent tant d'un point de vue
technique chirurgicale que des résultats quand il s'agit d'une rhonchopathie simple ou d'un
syndrome d'apnée du sommeil.

Ces variations soulignent :

la nécessité d'une étude du sommeil systématique en préopératoire pour tous les


patients opérés pour rhonchopathie associée à des signes fonctionnels d'appel en
faveur d'un syndrome d'apnée du sommeil ;
la nécessité d'une étude morphologique précise avant tout traitement chirurgical
d'un syndrome d'apnée du sommeil.

La chirurgie de la rhonchopathie a été publiée dès 1964 par lkemasu ; elle a pour but
essentiellement de raccourcir le voile, élargir l'oropharynx et mettre en tension les tissus
musculomuqueux sous-jacents.

© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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STRUCTURES ANATOMIQUES IMPLIQUÉ ES DANS LA


RHONCHOPATHIE

Muscles du voile et des piliers (fig. 1)

Le voile est formé de trois structures :

l'aponévrose palatine en profondeur qui prolonge la voûte palatine et sur


laquelle s'insèrent de nombreuses fibres musculaires ;
la musculature du voile et des piliers en étroite relation avec celle du
pharynx ;
un tissu sous-muqueux et une muqueuse plus ou moins importante et
constituant au niveau du bord libre du voile le vélum muqueux.

La musculature est composée (fig. 1) :

du muscle palatostaphylin ou muscle azygos de la luette ;


des muscles péristaphylins externes et internes ;
du puissant muscle du pilier postérieur le pharyngostaphylin qui se
poursuit sur la paroi latérale du pharynx ;
du muscle glossostaphylin qui constitue un pilier antérieur beaucoup plus
grêle.

L'entrelacement physiologique des différentes fibres musculaires rend la


chirurgie du voile indissociable de celle des piliers et des loges amygdaliennes.

Eléments anatomiques de l'obstruction

Toute diminution du diamètre de la filière aérienne respiratoire supérieure va


favoriser le collapsus par diminution de la pression pariétale (loi de Bernouilli).
Les voies aériennes supérieures peuvent être divisées en trois segments contigus
[2]
:

un segment proximal rigide, indéformable par la pression inspiratoire,


comprenant les fosses nasales et le rhinopharynx. Déviation de cloison,
hypertrophie turbinale ou tumeur du rhinopharynx peuvent diminuer la
filière ;
un segment distal laryngé, cartilagineux, rigide, qui ne peut être déformé
lors du temps inspiratoire que chez le nourrisson malacique ;
un segment médian oropharyngé constitué de tissus mous susceptibles de
faire du bruit et de se collaber par diminution du diamètre de la filière
respiratoire antéropostérieure sous l'effet d'une pression négative
intraluminale. Ce segment est constitué de parois osseuses non
déformables (rachis, maxillaire, mandibule et denture) et de structures
déformables hyoïdolinguales.

Par ailleurs une hypertrophie du système lymphoïde amygdalien et une


hypertrophie des muscles pharyngostaphylins peuvent favoriser également le
collapsus par rétrécissement de la filière aérienne dans un diamètre transversal.

Lors de l'éveil, la musculature volontaire dilatatrice des voies aériennes


supérieures agrandit la filière oropharyngée et évite le collapsus. Lors du
sommeil, surtout profond et paradoxal, le relâchement musculaire ne permet plus
cette lutte contre l'obstacle et surviennent ronflements et apnées.

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UVULO-PALATO-PHARYNGOPLASTIE OU PHARYNGOTOMIE
POUR RONFLEMENT SIMPLE

[9]
L'uvulo-palato-pharyngoplastie (UPPP) peut se réaliser sous anesthésie locale
ou sous anesthésie générale [3].

Technique de l'UPPP sous anesthésie locale

Installation

Patient en position demi-assise, à jeun.


Prémédication par anxiolytiques, à faible dose.
Anesthésie de contact par gel de Xylocaïne® visqueuse, une cuillère à
soupe gardée dans la bouche pendant 5 minutes puis avalée.
Mise en place d'un champs de tête dégageant les yeux.

Matériel spécifique

Abaisse langue-aspirateur.
Seringue montée sur aiguille fine de 7 à 10 cm.
Bleu de méthylène.
Xylocaïne® 1 % adrénalinée 0,20 mg, bistouri électrique et matériel de
dissection d'amygdalectomie (ciseaux de Metzenbaum, pince sans griffe,
porte-aiguille long).

Technique opératoire (fig. 2 et 3)

Marquage au bleu de méthylène d'un point situé 2 mm sous le point de


contraction maximale du voile, éventuellement repéré en provoquant un
réflexe nauséeux ou le « a » en phonation.
Infiltration à la Xylocaïne® adrénalinée du voile, de la base de la luette, du
sommet des ogives amygdaliennes et des piliers antérieurs et postérieurs.
Après infiltration, la respiration sera essentiellement buccale.
Marquage au bistouri électrique de la zone du voile à réséquer, de forme
ogivale emportant la luette.
Résection de la portion flaccide du voile sans dépasser le repère réalisé
précédemment au bleu de méthylène.
Suture de la tranche de section du voile par 4 points de Vicryl 2/0 au
sommet des loges et sur le bord libre du voile, de part et d'autre du
moignon du muscle de la luette.

Variations techniques

Conservation du muscle azygos afin de constituer une néoluette.


Section du muscle du pilier postérieur après dissection muqueuse et
suture de la muqueuse du pilier postérieur à celle du pilier antérieur
permettant de retendre la muqueuse de la paroi pharyngée postérieure
sur le plan des constricteurs.

Indications

Ronflement simple sans apnée du sommeil chez les sujets présentant un


voile de type flaccide, déshabité, sans macroglossie.
Une contre-indication à l'anesthésie générale ne peut en aucun cas être
une indication à l'anesthésie locale. Le geste chirurgical doit être précédé
d'un bilan d'hémostase, d'un bilan cardiologique (adrénaline) et d'un bilan
d'intubation même sous anesthésie locale [11].

Technique de l'UPPP sous anesthésie générale

Installation

Même type d'installation que pour une amygdalectomie en dissection. Une


amygdalectomie est par ailleurs associée systématiquement à la
pharyngotomie, a fortiori si les amygdales sont volumineuses et donc
susceptibles de participer à la diminution du calibre pharyngé.
Les difficultés d'intubation rencontrées fréquemment en cas de syndrome
d'apnée du sommeil se rencontrent également en cas de ronflement isolé.
Cette constatation impose l'étude préopératoire des critères d'intubation
(ouverture buccale, macroglossie, obésité, cou court et fort, rétromaxillie
et ou rétromandibulie, laryngoscopie indirecte) afin de prévoir le cas
échéant une intubation fibroscopique orotrachéale.
Etant donné le terrain fréquemment multitaré (hypertension artérielle,
coronaropathie, bronchopneumopathie) le risque anesthésique est
souvent plus marqué que chez un sujet jeune non ronfleur.

Matériel spécifique

L'exposition du voile est assurée par un écarteur de type Boyle-Davis muni


de spatules fenêtrées pour le passage de la sonde d'intubation. Ces
spatules ont été modifiées avec une forme particulière. Rallongées et
évasées sur la base de langue, elles sont beaucoup plus étroites au niveau
de l'arcade dentaire inférieure.
Matériel d'amygdalectomie (pince à disséquer, pince coagulante, ciseaux
longs de Metzenbaum, porte-aiguille aspirateur).

Technique opératoire

Sous anesthésie générale, intubation orale.


En appliquant sans tension le voile mou sur la paroi postérieure du
rhinopharynx on détermine la hauteur maximale de l'exérèse du voile,
éventuellement repéré en préopératoire au cours d'un réflexe nauséeux.
Le tracé de l'exérèse est déterminé et marqué au bistouri électrique.
L'exérèse uvulovélaire est ensuite réalisée au bistouri électrique
horizontalement rejoignant le pôle supérieur des ogives amygdaliennes
(fig. 4).
L'incision est initialement transfixiante et parfaitement perpendiculaire
afin d'éviter les biais dans la section du voile.
L'amygdalectomie est réalisée au bistouri électrique dans le même temps
opératoire, pédiculisée sur le voile.
L'hémostase doit être soigneuse et progressive, aisée au niveau du voile,
elle peut être délicate au niveau du pôle inférieur de l'amygdale, étant
donné les conditions anatomiques et anesthésiologiques (hypertension,
troubles cardiovasculaires associés).
Suture des zones de section par 4 points au Vicryl 2/0 sur le sommet des
loges amygdaliennes et le bord libre du voile en rapprochant les
muqueuses nasales et buccales. Ces sutures ne doivent pas être réalisées
sans tension, mais doivent permettre de ne pas laisser de zone cruentée
en particulier à la jonction voile mou - paroi pharyngée latérale.

Variations techniques

Association avec un geste nasal de désobstruction.


Préservation du muscle azygos de la luette. Lors de la section du voile,
faire deux tranchées transfixiantes de part et d'autre de la base
d'implantation de la luette en dégageant le muscle sur 4 à 5 mm. Cette
variante présente des avantages :
diminution de la tension du voile ;
meilleure fermeture du nasopharynx lors de la contraction vélaire ;
intérêt esthétique final.
Réalisation d'une plastie pharyngée d'élargissement comme pour la
chirurgie du syndrome d'apnée du sommeil.

Indications

Ronfleur sans apnée du sommeil, pusillanime ou souhaitant l'anesthésie


générale.
Association à une amygdalectomie ou à un geste nasal.
Difficultés techniques de l'anesthésie locale (macroglossie, faible
ouverture buccale, réflexe nauséeux).

Suites opératoires

Les suites immédiates sont marquées par un syndrome algique important


associant dysphagie, otalgies, odynophagie. Ces douleurs peuvent persister 10
jours environ. Rhinolalie ouverte et sensation d'obstruction nasale sont des
troubles exceptionnellement rencontrés au-delà du 8e jour [21]. Antalgiques non
sédatifs, bains de bouche, antibiotiques et anti-inflammatoires par voie générale
permettent de diminuer l'importance des symptômes.

Les suites opératoires à distance sont parfois marquées par :

quelques difficultés pour rouler certains sons ;


la persistance de paresthésies pharyngées, de bâillement difficile, le plus
souvent s'estompant spontanément avec le temps.

Complications

Hémorragie postopératoire

Essentiellement secondaire à l'amygdalectomie, elle peut survenir


immédiatement ou à la chute d'escarre (8-10e jour), sa gravité tient
essentiellement aux difficultés d'intubation si une reprise chirurgicale
hémostatique était nécessaire. La prévention de ces accidents passe par une
hémostase soigneuse surtout polaire inférieure et une extubation prudente, en
l'absence de saignement.

Insuffisance vélaire par voile court

Une insuffisance vélaire passagère est parfois constatée dans les jours suivant
l'intervention, elle se corrige avec l'assouplissement progressif du voile.
Exceptionnellement cette insuffisance vélaire est définitive, elle correspond à une
faute chirurgicale par excès d'exérèse du voile. Seules des techniques
chirurgicales de vélopharyngoplastie associant recul du voile et lambeau de paroi
pharyngée postérieure à charnière supérieure peuvent corriger ce trouble.

Sténose du voile

Apparition dans les mois qui suivent l'intervention de rhinolalie fermée,


d'obstruction nasale à fosses nasales normales associées à une
réapparition du ronflement.
A l'examen, il existe une sténose circulaire fibreuse de la jonction
oronasopharyngée.
Une mauvaise suture des zones cruentées et une plaie sur la paroi
pharyngée postérieure favorisent la survenue de cette sténose.
Le traitement est très délicat :
au stade inflammatoire débutant non fixé, il repose sur les
injections locales de corticoïdes ;
au stade fixé, deux aspects sont à distinguer :
le voile du palais est encore trop long : reprise de la
pharyngoplastie par résection à la lame blanche des zones
fibrosées, plastie d'agrandissement latéral et suture de
toutes les zones cruentées ;
le voile du palais est court ou de longueur normale. De
multiples techniques sont proposées, associant le plus
souvent calibrage prolongé, section de la sténose et
lambeaux locaux.

Résultats

Les résultats des pharyngoplasties chez les ronfleurs ne présentant pas d'apnée
du sommeil sont bons et durables.

Selon Chabolle et coll., sur un groupe de 70 patients traités par cette méthode 78
% s'estiment satisfait de cette intervention. Sur le ronflement 5 % des patients
ont vu leur bruit inchangé, 51 % disparaître totalement.

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PHARYNGOPLASTIE POUR SYNDROME D'APNÉ E DU


SOMMEIL

Certaines précautions et certaines variations techniques sont nécessaires, voire


indispensables en cas de syndrome d'apnée du sommeil.

Particularités anesthésiques

L'association très fréquente de multiples tares (obésité, hypertension


artérielle, diabète, maladies cardiopulmonaires, troubles orthopédiques...)
rend l'anesthésie et l'hypotension difficiles.
La prémédication, notamment à base de benzodiazépines, doit être évitée
en raison du risque de décompensation apnéique.
Le bilan préintubation doit être soigneux étant donné la grande fréquence
des intubations difficiles (ouverture buccale, volume de la langue, mobilité
cervicale, degrés d'obésité, rétromaxillie et/ou rétromandibulie, cou court
et obèse, aspect du larynx en laryngoscopie indirecte doivent être
étudiés).
La ventilation en pression positive nocturne pré- et postopératoire permet
de prévenir les accidents de décompensation apnéique secondaire à
l'oedème chirurgical.

Installation et matériel

L'installation ainsi que les instruments utilisés sont identiques à la


pharyngoplastie pour ronflement simple. Les difficultés sont fréquentes et les
conditions anatomiques particulières exigent une spatule d'exposition spécifique.
Cou court, faible ouverture buccale, obésité, macroglossie et hypomobilité
cervicale rendent délicate l'exposition de ces malades et gênent
considérablement la réalisation de la technique chirurgicale.

Technique opératoire

La résection uvulovélaire est semblable à celle du sujet ronfleur simple étant


donné l'existence d'une limite de résection infranchissable. Les variations se
situeront au niveau de l'agrandissement latéral de l'oropharynx :

ablation impérative du pôle inférieur de l'amygdale jusqu'à la base de


langue ;
après exérèse de la pièce opératoire, le muscle pharyngostaphylin est
disséqué dans sa partie haute retrouvant en dehors le plan du constricteur
et en dedans la muqueuse pharyngée (fig. 5).

Le muscle est sectionné à la partie haute et le pilier est suturé en dehors et en


avant en s'aidant si nécessaire d'une encoche muqueuse sur le pilier antérieur
(fig. 6).

L'extubation ne peut être réalisée qu'en cas d'hémostase parfaite.

En cas de syndrome d'apnée du sommeil, un geste nasal sera très facilement


associé, car il facilite le flux aérien et améliore un traitement mécanique
secondaire éventuel.

Indications

Syndrome d'apnée obstructive du sommeil de l'adulte.

Résultats

Les résultats ne peuvent être appréciés que par un enregistrement


polysomnographique 3 mois après l'intervention. La guérison du syndrome
d'apnée du sommeil survient dans 35 à 45 % des cas. Le ronflement peut avoir
disparu alors que persistent les apnées, soulignant l'impérieuse nécessité d'un
enregistrement postopératoire systématique. Les résultats les meilleurs sont
obtenus pour des index d'apnée préopératoire inférieurs à 40 avec un index
pondéral moyen (poids/taille2) inférieur à 28. Des indications chirurgicales plus
précises sont impossibles tant que la détermination du site obstructif restera
aléatoire.

Suites opératoires et complications

Elles sont les mêmes qu'en cas de ronflement simple.


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LASER DU VOILE

Cette technique d'apparition récente a été largement diffusée, cependant le faible


recul et la pauvreté des résultats référencés incitent à la prudence. Sa validité
notamment sur le long terme nécessite d'être mieux appréciée.

Le principe est celui d'un traitement ambulatoire en une ou plusieurs séances


sous anesthésie locale, permettant une correction progressive et adaptée du
ronflement à l'individu.

Installation et matériel

Au fauteuil en position assise ou demi-assise.


Protection oculaire obligatoire par lunettes pour le patient comme pour
toute personne séjournant dans la salle opératoire.
Source lumineuse type miroir de Clar ou lumière froide.
Aspirateur et abaisse-langue en bois.
Laser CO2 permettant des puissances de 20 watts continues et pendant 10
minutes avec une pièce à main et au mieux un superpulse.

Technique opératoire

Anesthésie : anesthésie muqueuse de contact par spray de Xylocaïne® ou


gel visqueux, complétée par une anesthésie du voile au moyen de deux
injections de Xylocaïne® adrénalinée de part et d'autre de la base
d'implantation de la luette.
Laser CO2 : création de deux tranchées paramédianes transfixiantes de
part et d'autre de la luette du bord inférieur du voile à la jonction du
palais osseux (fig. 7 A). La séance est complétée par une vaporisation du
bord libre de la luette (fig. 7 B). La puissance utilisée varie de 12 à 20
watts en continu.
Techniquement, il faut se méfier de ne pas vaporiser la paroi pharyngée
postérieure.
En moyenne 4 à 5 séances sont nécessaires afin d'obtenir un résultat. Ces
séances sont espacées de 3 à 4 semaines. La satisfaction du patient et de
son entourage guident l'arrêt du traitement.

Suites opératoires et complications

Les suites sont marquées par un syndrome algique important, atténué


partiellement par la prescription systématique d'antibiotiques, d'anti-
inflammatoires, d'une désinfection locale et d'antalgiques.
Les complications sont exceptionnelles, de rares cas d'hémorragie
retardée ou de surinfections ont été décrits, ainsi que des difficultés
passagères aux roulements vocaux. Aucune insuffisance vélaire n'a été
observée.

Résultats

Le taux de succès de la pharyngotomie au laser est moindre que celui de


la pharyngoplastie chirurgicale. On constate environ 55 % des patients
satisfaits par le laser après 4 à 5 séances à comparer aux 80 % pour la
technique chirurgicale [24].
L'indication théorique de cette technique est celle de tout patient ronfleur
non apnéique. Les résultats peuvent être très sensiblement améliorés si
l'on sélectionne pour le laser uniquement les ronflements sur voile fin
(déshabité) sans hypertrophie amygdalienne.
L'absence de complication, le traitement ambulatoire et la possibilité
d'adapter le traitement à l'individu rendent cette technique séduisante.
Cependant, ceci ne doit pas faire oublier que ce traitement s'étale sur 4 à
6 mois, que le syndrome algique (principale cause d'abandon et donc
d'échec) est majeur et répété, que l'obstacle nasal n'est pas traité dans le
même temps, et enfin que les résultats sont inférieurs à la technique
chirurgicale d'autant que nous n'avons pas un recul suffisant pour en
apprécier la stabilité.

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CHIRURGIE DE L'OBSTRUCTION NASALE

Toute diminution de calibre de la voie aérienne va favoriser non seulement


apnées mais également ronflements .

Le traitement de la rhonchopathie devra donc inclure un geste nasal dès qu'il


existe une obstruction nasale partielle ou totale, permanente ou intermittente.

L'obstacle nasal est secondaire dans la majorité des cas à des cornets inférieurs
hypertrophiques ou à une déviation septale.

Sous anesthésie locale, une rétraction des cornets peut être obtenue par
cautérisation électrique ou chimique, ou par laser.

Chirurgicalement, deux types d'intervention sont couramment réalisés en


fonction de la symptomatologie, de la clinique et de la rhinomanométrie :

la septoplastie corrigeant une déviation de cloison : elle est indiquée seule


lorsqu'il existe une forte déviation notamment post-traumatique ;
la turbinectomie inférieure bilatérale, corrigeant l'obstruction secondaire
à une rhinite vasomotrice.

Fréquemment ces deux interventions sont associées. Les résultats sur


l'obstruction nasale sont excellents, les complications à type de synéchie sont
évitées par l'interposition d'un film de Silastic® dans la fosse nasale durant les 10
premiers jours postopératoires et les croûtes sont évitées par des lavages de nez
prolongés.

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CHIRURGIE DU PHARYNX RÉ TROBASILINGUAL DANS LE


SYNDROME D'APNÉ ES DU SOMMEIL

Cette chirurgie, plus lourde que la simple pharyngotomie s'adresse au syndrome


d'apnée du sommeil sévère, avec index d'apnées-hypopnées supérieur à 30. La
chirurgie des sites obstructifs spécifiques rétrobasilinguaux, tels que tumeurs de
base de langue, hypertrophie des amygdales linguales, anomalie du rachis
cervical, etc. ne sera pas évoquée dans ce chapitre.

En l'absence de site obstructif spécifique, il est actuellement admis que les


rétrécissements du segment oropharyngé des voies aériennes supérieures, se
situent à deux niveaux, isolés ou associés : l'étage véloamygdalien et l'étage
rétrobasilingual.
L'existence de ces deux sites explique certainement en partie l'échec fréquent de
la simple pharyngotomie dans le traitement chirurgical du syndrome d'apnée du
sommeil, en particulier lorsque l'index d'apnée est élevé.

Les différentes chirurgies proposées pour lever l'obstruction du pharynx


rétrobasilingual, sont basées sur la constatation d'anomalies céphalométriques :

anomalie des bases osseuses, avec essentiellement recul


maxillomandibulaire ;
déformation de l'appareil hyoïdolingual, avec affaissement majeur de l'os
hyoïde, et hypertrophie de la langue au niveau de sa base.

Ces déformations peuvent être isolées ou associées.

La chirurgie du pharynx rétrobasilingual repose sur trois principes :

soit un agrandissement avec antériorisation de la boîte osseuse dans


laquelle sont contenues les structures musculaires de l'oropharynx, en
particulier la langue et le voile du palais. Il faut réaliser une chirurgie
bimaxillaire d'avancement ;
soit diminution du volume de la base de la langue, avec repositionnement
de l'os hyoïde. Il faut réaliser une glossectomie par voie endoscopique au
laser ou une basiglossectomie par voie cervicale avec hyoïdoplastie [6] ;
soit, enfin, simple antériorisation des attaches antérieures et inférieures
de la langue et il faut réaliser une transposition génienne associée à une
suspension hyoïdienne.

Contrairement à la pharyngotomie, il faut souligner que ces interventions n'ont


fait l'objet que de petites séries de patients et que leur validation est en cours.

Basiglossectomies

Glossectomies endoscopiques au laser

Cette technique développée par Fujita permet de diminuer le volume de la base


de langue en réséquant son tiers médian.

Matériel

Spatule courte d'oropharyngoscopie avec suspension, microscope, laser CO2,


matériel de suture endoscopique.

Installation

C'est celle d'une oropharyngoscopie en suspension avec spatule courte placée


juste en avant du V lingual, après une anesthésie générale avec sonde
d'intubation protégée.

Technique

Elle consiste à amputer le tiers médian de la base de langue en partant du V


lingual sous couvert d'une trachéotomie. Une tranchée est créée avec hémostase
pas à pas. Cette tranchée descend jusqu'à la région valléculaire avec amputation
associée de la moitié supérieure de l'épiglotte sus-hyoïdienne (fig. 8 A).

L'exérèse doit être particulièrement prudente latéralement, afin de ne pas léser


en profondeur un pédicule vasculonerveux de la langue qui ne peut être contrôlé
par cette voie d'abord. Des points sont passés latéralement permettant d'éverser
la tranchée ainsi réalisée.

L'agrandissement du pharynx rétrobasilingual se fait surtout dans le sens


antéropostérieur (fig. 8 B).

Suites opératoires

Elles sont marquées par un syndrome algique important, et des troubles de la


déglutition qui sont prévenus par la mise en place d'une sonde naso-
oesophagienne pendant une dizaine de jours.

Pour son auteur, cette technique donne un résultat d'environ 50 % de succès


chez les patients déjà opérés d'une pharyngotomie. Elle est indiquée lorsque
l'examen endoscopique de l'oropharynx montre un rétrécissement
rétrobasilingual.

Basiglossectomie réductrice par voie cervicale avec hyoïdoplastie [5]

Le but de l'intervention est de diminuer le volume de la base de langue,


d'ascensionner l'os hyoïde et de verticaliser l'épiglotte (fig. 9 A).

Matériel

Boîte de cervicotomie, lacs pour repérage des pédicules vasculonerveux de la


langue, nylon no 9, aiguille de Reverdin, moteur avec foret, passe-fil.

Installation

Décubitus dorsal, tête en extension, sonde naso-oesophagienne, sous couvert


d'une trachéotomie.

Champ suivant le bord inférieur du menton et s'étendant jusqu'au creux sus-


claviculaire.

Technique opératoire

Incision sus-hyoïdienne de type arciforme, à mi-chemin entre le bord inférieur de


la mandibule et l'os hyoïde (fig. 9 B), suivant le bord inférieur de la mandibule,
ablation du tissu graisseux en excès fréquent chez ces patients obèses.

Repérage des muscles sous-hyoïdiens (fig. 9 C), libération des ventres antérieurs
des digastriques qui sont réclinés latéralement. Ouverture de la ligne médiane
mylohyoïdienne, les muscles étant réclinés latéralement et repérés sur fil.

Section médiane des muscles géniohyoïdiens.

Repérage de la base de langue (fig. 9 D), de la glande sous-maxillaire.

Libération du nerf grand hypoglosse, avec section des branches postérieures à


destinée basilinguale. Déroutement bilatéral de ce nerf.

Même technique pour le pédicule artériel qui est en position plus postérieure (fig.
9 E).

Ouverture du pharynx dans la vallécule (fig. 9 F). Résection basilinguale


remontant jusqu'au V lingual. La résection moyenne est d'environ 20 cm3 de base
de langue (fig. 9 G, H).

Verticalisation de l'épiglotte par 3 points.

Fermeture muqueuse entre vallécule et base de langue restante.

Suspension hyoïdienne par 2 points de nylon no 9 au bord inférieur de l'arc


mandibulaire au travers de deux trous créés au foret.

Reconstitution du plancher musculaire sous-hyoïdien.

Fermeture cutanée sur deux drains aspiratifs.

Les suites opératoires nécessitent une décanulation à J3, avec ablation de sonde
d'alimentation à J9 et sortie à J10.

L'agrandissement du pharynx rétrobasilingual se fait ainsi dans les sens


antéropostérieur et transversal.

Chirurgie maxillomandibulaire d'agrandissement

Elle consiste à associer une ostéotomie maxillaire de type Le Fort I à une


ostéotomie mandibulaire de type Obwegeser.

Matériel

Matériel habituel de chirurgie osseuse maxillomandibulaire.

Micro- et miniplaques titanes et matériel d'ostéosynthèse. Arc mandibulaire pour


blocage.

Installation

En décubitus dorsal, rétraction de la muqueuse des cornets. Pose d'arc avant


l'intervention, précédée éventuellement d'un traitement orthodontique.

Technique opératoire

Ostéotomie de type Le Fort I

Incision vestibulaire à distance du collet dentaire, rugination des fosses canines,


libération de l'orifice piriforme, décollement de la muqueuse du plancher des
fosses nasales et de la partie basse de la cloison.

Ostéotomies à la fraise coupante et à l'ostéotome.

Disjonction ptérygomaxillaire.

Mobilisation du plateau palatin au davier.

Avancement palatin. Fixation par microplaques en L. Suture muqueuse sur drain


aspiratif.

Ostéotomie d'Obwegeser
Incision vestibulaire. Libération des faces interne et externe de la branche
montante de la mandibule.

Ostéotomie sagittale à la fraise coupante.

Avancement mandibulaire en fonction des modèles préopératoires.

Fixation par microplaques vissées.

Sutures muqueuses. Drainage.

Blocage en fin d'intervention avec fil d'acier.

Suites opératoires

Alimentation liquide ou semi-liquide.

Ablation des drains à J2-J3.

Hospitalisation : 8 jours.

Blocage pendant 4 à 6 semaines.

Transposition génienne avec hyoïdoplastie

Transposition génienne

Le principe de l'intervention repose sur une antériorisation par translation des


tubercules génies.

Décrite initialement par Riley et Powel, la technique consistait à créer une


fenêtre au niveau de l'arc antérieur de la mandibule en regard des apophyses
génies. Cette traction était suivie d'une rotation de 90° puis fixation par deux vis.
L'inconvénient de cette technique repose sur l'existence d'un twist de ces
insertions et sur l'absence de translation des muscles géniohyoïdiens insérés sur
la partie basse des apophyses génies.

Il est préférable d'utiliser une technique de transposition plus


anatomophysiologique (fig. 10 A, B, C, D).

Matériel

Scie oscillante, ostéotomes, plaques vissées.

Installation

Décubitus dorsal en proclive. Extrémité cervicocéphalique horizontale.

Champ dégageant la région hyoïdienne et la cavité buccale.

Technique opératoire
Anesthésie générale, plus une anesthésie locale.

Incision vestibulaire à distance du collet dentaire, au niveau de la mandibule, de


prémolaire à prémolaire.

Rugination de la face antérieure de la mandibule après repérage prudent de


l'émergence des nerfs mentonniers.

Décollement poursuivi jusqu'au bord inférieur de la mandibule.

Création d'un volet osseux à la scie oscillante prenant l'os basilaire, de forme
trapézoïdale, à petite base antérieure et grande base postérieure.

Vérification prudente à l'ostéotome de la section afin d'éviter une fracture


irradiée.

Transposition antérieure.

Résection de la corticale antérieure, puis harmonisation à la fraise multipans.

Ostéosynthèse par vis ou microplaque vissée.

Suture muqueuse en un plan sur un drain aspiratif.

Suites opératoires

Elles sont simples, avec ablation du drain à J2, sortie à J4, alimentation pâteuse
ou liquide pendant 10 jours.

Hyoïdoplastie

Le principe repose sur l'antériorisation et la suspension de l'os hyoïde.

De nombreuses techniques ont été décrites. Elles sont souvent associées à


d'autres techniques chirurgicales de traitement de syndrome d'apnée du
sommeil. Le matériel de suspension est particulièrement important étant donné
les contraintes musculaires imposées à cet os.

Il est possible d'utiliser des fils d'acier, avec cependant des risques de rupture ou
de détachement. Il semble préférable d'utiliser des fils tressés plus élastiques, de
type nylon.

Matériel

Fil avec grande aiguille courbe ou passe-fil ou aiguille de Reverdin.

Moteur et foret. Rugine. Boîte d'abord vestibulaire.

Installation

Décubitus dorsal, proclive, tête en hyperextension.

Technique opératoire
Anesthésie générale, renforcée par une anesthésie locale.

Petite incision de cervicotomie de 2 à 3 cm en regard de l'os hyoïde.

Repérage du corps de l'os hyoïde.

Passage de deux fils en périhyoïdien.

Abord vestibulaire médian au niveau de la face antérieure de la symphyse


mandibulaire. Rugination sous-périostée.

Abord de la partie inférieure de la mandibule. Création de deux trous au bord


inférieur de la mandibule au foret no 14.

Passage des fils entre l'incision de cervicotomie et le bord inférieur de la


mandibule puis à travers les deux trous de foret.

Suspension de l'os hyoïde qui doit venir s'inscrire dans le bord inférieur de la
mandibule.

Suture muqueuse. Suture cutanée.

Suites opératoires

Tête fléchie pendant 24 heures. Reprise de l'alimentation à 48 heures.

Indications de la chirurgie du pharynx rétrobasilingual

Les indications de cette chirurgie lourde du syndrome d'apnée du sommeil sont


basées sur l'importance de l'index d'apnée, et les anomalies éventuelles
constatées en céphalométrie.

Index d'apnée

Cette chirurgie ne peut être réservée qu'au syndrome d'apnée du sommeil


sévères, avec un index d'apnée supérieur à 30. Lorsque l'index d'apnée est
inférieur à 30, le taux de succès de la pharyngotomie est suffisant pour se
contenter le plus souvent de ce traitement. De même il apparaît indispensable
que les patients sélectionnés aient déjà effectué un essai raisonné et raisonnable
de ventilation à pression positive avant d'envisager une chirurgie du pharynx
rétrobasilingual.

Analyse céphalométrique

L'étude céphalométrique repose sur la téléradiographie de profil et l'imagerie par


résonance magnétique (IRM) en coupes sagittales.

L'étude téléradiographique utilise l'analyse de Tweed et l'analyse de Delaire.


L'IRM analyse la surface de la langue, sa verticalisation et la position de l'os
hyoïde par rapport au plan de base mandibulaire.

Très schématiquement :

si les anomalies osseuses maxillomandibulaires avec recul manifeste


prédominent, il faudra envisager une chirurgie bimaxillaire d'avancement
;
si les anomalies céphalométriques linguales, avec hypertrophie
basilinguale, verticalisation de la langue et affaissement de l'os hyoïde
sont prédominantes, il faudra envisager une chirurgie basilinguale ;
en l'absence de ces deux anomalies, il est préférable de pratiquer une
simple antériorisation de la langue par translation génienne antérieure,
associée à une suspension hyoïdienne.

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CONCLUSION

Le traitement chirurgical de la rhonchopathie chronique est appelé à un


développement de plus en plus important, lié d'une part au nombre très
important de patients porteurs d'une rhonchopathie simple et d'un syndrome
d'apnée du sommeil, et d'autre part à la compliance plus ou moins grande au
traitement par ventilation à pression positive, des patients porteurs d'un
syndrome d'apnée du sommeil.

Le traitement de la rhonchopathie simple est relativement univoque, avec un


taux de succès important, cependant l'appréciation des résultats devra à l'avenir
se faire de manière objective, en quantifiant l'énergie et la fréquence du
ronflement, et en appréciant objectivement le sommeil du conjoint.

A l'opposé, le traitement chirurgical de la rhonchopathie chronique avec


syndrome d'apnée du sommeil est plus polymorphe, faisant appel à plusieurs
types de chirurgie. Cette complexité est liée à la difficulté de détermination du
site obstructif.

Le but de la chirurgie est de guérir ces patients en un seul temps chirurgical, car
il s'agit souvent de terrain fragile porteur de facteurs de risque cardiovasculaires
importants. Les progrès futurs dans la détermination du site obstructif devraient
permettre d'approcher un taux de succès important permettant de traiter ces
patients de manière définitive et moins coûteuse que la ventilation à pression
positive.

Références

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apnea. Laryngoscope 1987 ; 97 : 752-754
[2] CHABOLLE F Anatomie mechanism of snoring. Chronic rhonchopathy 1988 : 15
[3] CHABOLLE F, FLEURY B, DE CORBIERE S, PANDRAUD L, FRECHE CH Le traitement chirurgical
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[4] CHABOLLE F, FLEURY B, LACHIVER X, MEYER B, CHOUARD CH Therapeutical management in
60 cases of obstructive sleep apnea syndrome. 1er Congrès Européen d'ORL et Chirurgie
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[5] CHABOLLE F, FLEURY B, DUPUCH MARSOT, MEYER B, CHOUARD CH, FRECHE CH Traitement
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[6] CHABOLLE F, LACHIVER X, FLEURY B et coll Intérêt physiopathologique d'une étude
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© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Muscles du voile et des piliers - Vue postérieure.

1. Muscle péristaphylin externe.

2. Muscle péristaphylin interne.

3. Muscle azygos de la luette.

4. Muscle glossostaphylin (pilier antérieur).

5. Muscle pharyngostaphylin (pilier postérieur).

6. Muscle constricteur.

7. Choanes.

8. Amygdales.

9. Base de langue.

Fig 2 :
Fig 2 :

Technique de l'uvulo-palato-pharyngoplastie sous anesthésie locale.

1. Point de contraction maximale du voile.

2. Point de marquage au bleu de méthylène.

3. (---) zone de résection.

4. Points d'infiltration (*).

5. Jonction palais osseux-voile mou.

Fig 3 :
Fig 3 :

Uvulo-palato-pharyngoplastie sous anesthésie locale - Aspect postopératoire.

Fig 4 :
Fig 4 :

Technique de l'uvulo-palato-pharyngoplastie sous anesthésie générale pour ronflement.

1. Spatule « ronflement ».

2. Base de langue.

3. Pièce opératoire.

4. Zone cruentée.

5. Paroi pharyngée postérieure.

6. Moignon de muscle azygos.

Fig 5 :
Fig 5 :

Uvulo-palato-pharyngoplastie pour syndrome d'apnée de sommeil - Section du muscle


pharyngostaphylin.

1. Spatule « ronflement ».

2. Sonde d'intubation.

3. Muscle pharyngostaphylin.

4. Muscle constricteur.

5. Moignon de muscle pharyngostaphylin.

6. Muqueuse du pilier postérieur refoulée.

Fig 6 :
Fig 6 :

Uvulo-palato-pharyngoplastie pour syndrome d'apnée du sommeil - Plastie latérale


d'élargissement.

1. Moignon de muscle pharyngostaphylin.

2. Muscle constricteur.

3. Muqueuse du pilier postérieur.

4. Encoche muqueuse au sommet de l'épine amygdalienne.

5. Suture de l'ogive amygdalienne.

6. Point d'angle en X.

Fig 7 :
Fig 7 :

Laser du voile.

1. Palais osseux.

2. Tranchée paramédiane transfixiante.

3. Vaporisation du bord libre de la luette.

Fig 8 :

Fig 8 :

Glossectomie laser (d'après Fujita et coll.).

A. Tracé de l'exérèse.

B. Aspect postopératoire - Agrandissement antéropostérieur.

Fig 9 :
Fig 9 :

Basiglossectomie par voie cervicale.

A. Principes.

1. Chute postérieure basilinguale.

2. Zone d'exérèse.

3. Effondrement du plancher, os hyoïde affaissé et antériorisé.

B. Incision - Voie d'abord médiane.

C. Abord des muscles du plancher antérieur de la bouche.

1. Muscle digastrique.

2. Muscle mylohyoïdien.

3. Glande sous-maxillaire.

4. Os hyoïde.

D. Voie d'abord : la voie d'abord médiane permet de récliner l'ensemble des muscles du
plancher buccal, puis de repérer les pédicules linguaux.

1. Muscle génioglosse, masse musculaire linguale.

2. Glande sublinguale.

3. Nerf grand hypoglosse.

4. Muscle géniohyoïdien.

5. Muscle mylohyoïdien.

6. Ventre antérieur du digastrique.


E. Repérage des pédicules.

1. Muscles du plancher réclinés.

2. Muscle hypoglosse.

3. Nerf grand hypoglosse.

4. Artère linguale.

5. Muscle génioglosse.

6. Zone d'ouverture pharyngée.

7. Os hyoïde.

Fig 9 :

Fig 9 :

Basiglossectomie par voie cervicale (suite).

F. Ouverture pharyngée - Exposition de la base de la langue.

1. Base de la langue. 2. Paroi pharyngée postérieure. 3. Epiglotte.

G. Zone de résection basilinguale.

H. Aspect basilingual après résection et avant suspension.

Fig 10 :
Fig 10 :

Transposition génienne.

A. Ostéotomie pyramidale.

B. Antériorisation du fragment osseux.

C. Fraisage du fragment.

D. Fixation par deux vis.


¶ 46-270

Voies d’abord du pharynx


D. Stoll, V. Darrouzet, L. de Gabory

Conduit musculomembraneux, étendu de la base du crâne à la bouche de l’œsophage, le pharynx est


classiquement subdivisé en trois étages anatomiques par des repères théoriques que les nécessités
chirurgicales ignorent dans la plupart des cas. Cette subdivision en trois étages, le naso-, oro-, et
laryngopharynx mérite, pour des raisons didactiques, d’être conservée dans l’exposé des voies d’abord du
pharynx. Cette notion de voies d’abord exclut d’envisager les techniques propres d’exérèse ou de
réparation de cet organe, que ces techniques soient isolées ou, comme c’est souvent le cas, associées pour
des raisons carcinologiques ou fonctionnelles à des gestes sur l’organe adjacent, le larynx par exemple.
Conçues comme une description des accès en fonction de la paroi considérée, ces voies ne peuvent
méconnaître l’abord des régions voisines vers lesquelles sont susceptibles de se développer les lésions du
pharynx proprement dit. Ainsi défini, il est clair qu’existe une disproportion entre les voies d’abord de
l’oropharynx et surtout du rhinopharynx où, à la faveur de l’amélioration d’un environnement
technologique existe un foisonnement de possibilités d’accès, et celle de l’hypopharynx dont la voie
principale reste la laryngectomie totale qui ne sera d’ailleurs pas évoquée ici.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chirurgie du pharynx ; Degloving ; Paralatéronasale ; Mandibulotomie ; Tumeur pharyngée ;


Espace parapharyngé ; Fosse infratemporale ; Nasopharynx ; Oropharynx ; Hypopharynx

Plan La chirurgie purement endoscopique des fosses nasales et des


sinus connaît un développement considérable. Elle voit s’élargir
les indications aux tumeurs bénignes insérées sur la périphérie
¶ Voies d’abord du rhinopharynx 1
de l’arcade choanale ou dans le cavum y compris celles à
Voie naturelle endoscopique endonasale 1
développement infratemporal (modeste), ceci grâce à un
Voie buccale aidée ou transvélaire 1
matériel dédié, notamment des fraises montées sur des pièces à
Accès chirurgicaux au contenu du rhinopharynx 1
main adaptées (type microdébrideur). La chirurgie endoscopique
Voies d’accès aux parois latérale et postérieure du rhinopharynx 5
du fibrome nasopharyngien et celle de la paroi postérieure du
¶ Voies d’abord de l’oropharynx 7 cavum (sphénoïde et clivus) est très représentative de cette
Définition anatomique 7 évolution actuelle [1]. Elle bénéficie dans de nombreux cas de
Voie naturelle endorale 7 l’apport de la neuronavigation.
Aide à la voie endorale 7 Reste difficile ou hors d’atteinte la paroi postérieure du voile
Accès cervical de la paroi latérale de l’oropharynx et de la région qui, même avec une instrumentation dédiée, échappe à des
basilinguale 7 gestes suffisants au plan carcinologique.
Accès limité à la région médiane des parois antérieures
ou postérieures de l’oropharynx 9
Voie buccale aidée ou transvélaire
¶ Voies d’abord de l’hypopharynx 9
Voies naturelles 9 Elle sous-entend une incision transfixiante médiane ou
Voie percutanée 9 décalée du voile ou encore le désinsérer du palais dur, tel que
Voies chirurgicales 10 cela est pratiqué dans les vélopharyngoplasties. Cela permet
ainsi d’exposer la partie basse de la paroi postérieure du
nasopharynx. Il s’agit d’un accès étroit ne permettant pas de
chirurgie d’exérèse réglée et pouvant laisser des séquelles
■ Voies d’abord du rhinopharynx vélaires éventuelles. Elle est peu utilisée. Sa seule indication est
peut-être l’exérèse de lésions de l’espace para-amygdalien
pouvant remonter dans le cavum ou de quelques tumeurs
Voie naturelle endoscopique endonasale bénignes peu nombreuses.
Les moyens modernes d’endoscopie, souple ou rigide, ont
révolutionné pour l’ORL l’analyse clinique du cavum, autrefois Accès chirurgicaux au contenu
seulement explorable au cabinet par la rhinoscopie postérieure
au miroir.
du rhinopharynx
Au bloc opératoire il est possible de réaliser sous endoscopie Il s’agit essentiellement des voies d’abord transfaciales et
et sous anesthésie générale des prélèvements profonds et étagés. accessoirement de la voie transpalatine.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-270 ¶ Voies d’abord du pharynx

Voie sous-labiale transmaxillonasale bilatérale


ou « degloving »
Il s’agit d’une voie simple et rapide d’exécution posant peu
de problèmes techniques et permettant de traiter la quasi-
totalité des tumeurs nasosinusiennes. Utilisable pour le cavum,
elle nécessite des adaptations pour la chirurgie du nasopharynx
en fonction de la (ou des) paroi(s) à traiter.
Évoquée pour la première fois par Portmann et Retrouvey en
1927 dans le cadre des maxillectomies pour tumeurs malignes [2],
le procédé fut repris et codifié dans sa forme actuelle par Casson,
Bonnano et Converse pour traiter les lésions traumatiques du
plan osseux médiofacial [3]. Conley et Price ont été les premiers
à l’utiliser dans la chirurgie tumorale en 1979 [4-6]. Depuis de
nombreux auteurs ont contribué à l’évolution de la technique et
à l’élargissement de ses indications hors des limites des cavités
nasosinusiennes [7-9].
Elle se caractérise par la combinaison d’une incision endona-
sale circulaire bilatérale et d’une voie sous-labiale vestibulaire
supérieure. Le principe général est de déshabiller la structure
ostéocartilagineuse de la face de sa couverture musculocutanée Figure 1. Voie de degloving . Exposition de l’étage moyen de la face aux
en suivant un plan sous-périosté. limites externes marquées par les nerfs infraorbitaires. Conservation d’un
Incisions lambeau muqueux bipédiculé autour de l’orifice piriforme.

Le malade est installé en décubitus dorsal et en proclive. La


tête est en position neutre sauf si des éléments de la paroi Volet naso-ethmoïdo-maxillaire
latérale du cavum doivent être disséqués. Il est alors conseillé de
La réalisation du volet osseux doit être précédée par la
positionner le patient sur un cadre neurochirurgical afin de confection d’un lambeau mucocartilagineux bipédiculé consti-
stabiliser la tête et d’éviter les escarres d’appui. La tête est alors tué par la muqueuse laissée attenante à l’orifice piriforme par
fixée en lui imposant une rotation de 20° vers le chirurgien qui l’incision endonasale et le cartilage latéral supérieur qui la
se place du côté opposé à la tumeur. double en haut. Ceci est obtenu en sectionnant ces tissus au ras
L’incision vestibulaire supérieure sous-labiale est menée de l’orifice piriforme de l’épine nasale à la jonction
jusqu’à l’os, de la dernière molaire supérieure d’un côté à trianguloseptale.
l’autre, passant par la base du frein de la lèvre. Le décollement Le choix du côté pour la réalisation du volet dépend de la
sous-périosté met au jour l’épine nasale, la partie initiale du portion du cavum à exposer. Le volet osseux est alors découpé
bord caudal de la cloison et les deux fosses canines. Le décolle- au mieux à la microscie oscillante. La section est d’abord
ment est facilement mené vers le haut sur la face latérale des paramédiane sur l’os propre du nez jusqu’à la suture frontona-
orifices piriformes. sale puis horizontale (et difficile) à la jonction branche mon-
Les incisions endonasales nasales sont circulaires. Elles tante, os propre et os frontal. La section de l’os planum en
débutent par deux intercartilagineuses prolongées par une inter- arrière de la gouttière lacrymale ne pose guère de problèmes en
septocolumellaire réalisée au bistouri coudé de Claoué sur le dos raison de la fragilité osseuse. Le rebord orbitaire inférieur très
du nez et le long du bord caudal du septum. La partie initiale, résistant est sectionné à la scie à l’union deux tiers internes/un
externe, de l’intercartilagineuse est prolongée en direction de la tiers externe puis la paroi antérieure de la fosse canine, au
queue d’incision préseptale de l’interseptocolumellaire, en prorata des besoins en dehors, au ras du niveau du plancher
transfixiant à la lame 11 la jonction cutanéomuqueuse du sinusien maxillaire en bas pour terminer à l’orifice piriforme
vestibule vers la dissection sous-labiale. Les incisions nasales et (Fig. 2). Ce volet dont dépend la vision sur la partie postérieure
buccales sont rejointes. de la fosse nasale et du cavum, est extrait après section des
attaches muqueuses et osseuses, faibles, qui le maintiennent en
Exposition place.
Elle est poursuivie vers le haut exposant ainsi les orifices Exérèse des structures nasosinusiennes
piriformes, la face antérieure des fosses canines respectant les
Le sacrifice de la cloison intersinusonasale et du cornet
nerfs infraorbitaires, le rebord orbitaire inférieur dans ses deux
inférieur, la luxation du septum antérieur élargissent la vue sur
tiers internes, les branches montantes des maxillaires, le dos du
les choanes, vue, que le sacrifice du septum osseux postérieur,
nez cartilagineux et les os propres jusqu’à la suture nasofrontale
arcade comprise, optimise. Le fraisage du processus ptérygoïde
(Fig. 1).
augmente encore la visibilité en direction de la paroi latérale.
Le décollement de la face interne de l’orbite est amorcé, L’ethmoïdectomie améliore la vision vers le haut de la paroi
permettant d’isoler le sac et la voie lacrymale. Celle-ci sera postérieure du cavum.
sectionnée au ras du plancher de l’orbite. Le décollement de la Le choix du côté de la voie d’abord est crucial pour l’obten-
périorbite doit être soigneux pour éviter toute effraction. Le tion d’une plus grande vision latérale.
décollement vers le haut de la face interne de l’orbite va au-delà
de la poulie de réflexion du muscle oblique supérieur et amorce Qualité de l’exposition
le décollement de la partie interne du plafond orbitaire. La paroi L’exposition de la paroi postérieure du cavum est bonne dans
orbitaire interne est décollée au prorata des besoins et les artères sa partie médiane et centrale quel que soit le choix du côté du
ethmoïdales antérieures puis postérieures sont éventuellement volet osseux. Elle permet un abord confortable du clivus dans
coagulées. ses portions sphénoïdale et occipitale à l’exception de sa portion
En bas, l’amorce de la dissection sur le rebord orbitaire est haute clinoïdienne. Il est souvent possible de contrôler tout ou
souvent difficile en raison de l’insertion à ce niveau des fibres partie de l’atlas, en fonction de l’anatomie et de l’angle de
du muscle orbicularis oculi. Sa libération est importante, projection de la lame basilaire par rapport à l’étage antérieur.
préparant la confection, sûre et non traumatique pour le À l’opposé, en cas de lésion latéralisée du cavum, il semble
contenu orbitaire, d’un volet naso-ethmoïdo-maxillaire suffi- plus pertinent d’envisager un abord osseux controlatéral
samment important pour donner un jour sur la partie posté- positionnant l’axe de vue et de travail du chirurgien dans l’axe
rieure et latérale du cavum. de l’artère carotide et de la trompe. La limite latérale de

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Voies d’abord du pharynx ¶ 46-270

Figure 3. Incision paralatéronasale de Moure-Sébileau.

La contention de la pyramide nasale est obtenue comme dans


les techniques de rhinoplasties par des rubans adhésifs et un
plâtre.

Voie paralatéronasale de Moure et Sébileau [12-14]


Figure 2. Volet naso-ethmoïdo-maxillaire. Incision
Elle sectionne l’attache alofaciale à son origine, contourne
résection se situe au niveau du nerf mandibulaire et du foramen l’aile du nez dans le sillon alofacial, remonte ensuite dans un
ovale, structures qu’il est difficile de dépasser par degloving plan facial en direction du canthus interne en avant duquel elle
même après fraisage éventuel des processus ptérygoïdes [10, passe pour se terminer au-dessus de lui, verticalement, un peu
11]. Une extension de la tumeur au-delà de cette limite doit faire
au-dessous de l’arcade sourcilière, sans s’infléchir vers elle
préférer l’utilisation d’une voie latérale infratemporale (type
(Fig. 3).
Sekhar ou Fisch).
La section est menée jusqu’au plan osseux et suivie d’une
Les tumeurs pénétrant dans le sinus caverneux sans envahis-
sement et/ou dépassement de sa paroi externe, sont rares mais rugination sous-périostée exposant successivement la branche
accessibles par cette voie. Le large fraisage de la paroi antérieure montante du maxillaire, l’os propre du nez jusqu’à sa suture à
du corps du sphénoïde livre accès aux deux sinus caverneux et l’opposé en dedans, et en haut jusqu’à la suture nasofrontale, et
permet le repérage des artères carotides internes qui balisent enfin le contour de l’orifice piriforme. L’incision devient
latéralement cet espace anatomique. C’est le repérage de l’artère transfixiante le long du bord osseux de l’orifice piriforme, de sa
carotide interne qui représente le fil conducteur de ce temps partie basse jusqu’en haut médialement le séparant du cartilage
chirurgical délicat. Il peut être grandement facilité par l’utilisa- triangulaire supérieur. Cette incision permet de séparer les tissus
tion de techniques de chirurgie assistée par ordinateur (neuro- mucocartilagineux de la valve de leur support osseux.
navigation) [10]. La pénétration de dehors en dedans dans cet Par la suite, les différents temps chirurgicaux successifs sont
espace anatomique est réalisable quand la tumeur en efface le identiques à ceux déjà décrits plus haut pour la voie dite de
contenu veineux [10]. Une fois la tumeur enlevée, la libération degloving :
de la circulation veineuse provoque un saignement veineux • la dissection de la paroi interne et inférieure de l’orbite ;
caractéristique facilement contrôlé par tamponnement à l’aide • la dissection du sac et de la voie lacrymale ;
d’une gaze hémostatique. • la section du canal lacrymonasal au ras du plancher de
l’orbite ;
Fermeture
• la découpe du volet osseux naso-ethmoïdo-maxillaire (Fig. 4).
La zone d’exérèse de la lésion nasopharyngée est comblée De la même façon que pour un degloving, après ablation du
surtout en cas de brèche ostéoméningée par de la graisse volet, l’exposition sur les parois postérieure et latérale du cavum
abdominale et de la colle biologique. Une lame de Silastic® est dépend du sacrifice des différentes structures nasosinusiennes.
interposée entre la graisse et le méchage de la cavité opératoire En pratique, l’exposition obtenue est identique à celle d’un
pour éviter toute adhérence lors du déméchage. Après contrôle
degloving. Les extensions tumorales modestes à la région
de l’hémostase et fraisage des dernières esquilles osseuses pour
ptérygomaxillaire sont tout aussi accessibles par cette voie, après
harmoniser la cavité opératoire, les cavités nasales et les sinus
résection de la paroi postérieure du sinus maxillaire et du
ouverts sont méchés. Pour limiter les complications lacrymales
processus ptérygoïde.
fréquentes à type d’épiphora, une sonde bicanaliculaire de
calibrage du canal lacrymonasal est mise en place pendant Fermeture
2 mois. Le volet osseux nasomaxillaire est remis en place. Il doit
être fixé de manière stable quel que soit le procédé d’ostéosyn- Aménagement et méchage hémostatique de la cavité opéra-
thèse. Cette condition est nécessaire à sa pérennité. Le lambeau toire. Les nécessités réparatrices de la voie lacrymale et du volet
facial est rabattu. Les incisions endonasales et endobuccales sont osseux sont les mêmes que pour un degloving. Le lieu de
soigneusement suturées aux fils résorbables. Le repositionne- refixation du canthus interne est souvent difficile à déterminer,
ment du lambeau cutanéomuqueux nasal en regard des lam- même en cas de marquage préalable. L’œil rond qui résulte de
beaux muqueux restés en place autour de l’orifice piriforme son défaut de fixation est souvent absent ou discret dans les
demande une attention toute particulière et doit être sans suites opératoires. Sa fixation n’influence pas la fonction
décalage sous peine de sténose ultérieure. Ce réalignement lacrymale. La fermeture cutanée doit être aussi précise que
muqueux est crucial pour la préservation de la fonction respi- possible limitant la rançon cicatricielle faciale parfois discrète
ratoire. Un Mérocel® de calibrage est mis en place de chaque mais toujours présente par rapport aux incisions endonasales et
côté pour les 5 premiers jours. sous-labiale dissimulées d’un degloving.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-270 ¶ Voies d’abord du pharynx

Figure 5. Abord vestibulaire antronasal type Rouge-Denker.

Fermeture
Remarquablement simple au niveau du vestibule buccal après
repositionnement du septum nasal et méchage hémostatique de
la cavité.
Les indications de cette voie d’abord sont analogues aux voies
précédentes. Son choix est largement affaire d’écoles.

Voie transmaxillaire bilatérale extranasale [14]


Elle utilise le principe du tracé d’une fracture de type Lefort I
qui sépare l’infrastructure du maxillaire, représenté par le
plateau palatodentaire, de ses superstructures.
Incision
Figure 4. Volet naso-ethmoïdo-maxillaire par voie de paralatéronasale. Il s’agit de deux incisions vestibulaires situées à 1 cm
au-dessus du bord gingival, allant des canines aux dernières
molaires, à partir desquelles est réalisée une tunnellisation de la
Voie gingivo-sous-labiale transmaxillaire muqueuse du plancher nasal, de la face latérale du rail
de Rouge-Denker [14-16] prémaxillo-maxillo-vomérien et de la région du méat inférieur.
Cette voie procure en routine un jour analogue à celui de la Cinq ostéotomies sont réalisées par la suite, touchant la paroi
voie de degloving et paralatéronasale, sur le cavum, la région antéroexterne du sinus maxillaire, sa paroi interne et le rail
ptérygomaxillaire et éventuellement sur le corps du sphénoïde. septal.
Elle se distingue des précédentes par le fait qu’il s’agit d’une Une ostéotomie postérieure est réalisée, séparant de chaque
voie d’abord à os perdu donc plus génératrice de séquelles. côté le processus ptérygoïde de la tubérosité maxillaire. Ce geste
permet la bascule du plateau palatodentaire et donne, après
Incision découpe de la muqueuse du plancher nasal, d’un ou des deux
L’incision vestibulaire sous-labiale supérieure est différente de côtés, un jour sur la région du cavum. En fin d’intervention, le
celle d’un degloving dans la mesure où elle s’étend de la 2e plateau maxillopalatin est synthésé et un blocage maxilloman-
molaire supérieure du côté de la lésion, jusqu’à un point situé dibulaire est installé.
à plusieurs centimètres de la ligne médiane du côté Cette voie d’un usage peu courant dans notre spécialité ne
controlatéral. paraît pas offrir des avantages d’exposition suffisamment grands
pour justifier son usage préférentiel, notamment en matière de
Exposition fibrome nasopharyngien.
Dans le plan sous-périosté, est successivement exposée : la
fosse canine, jusqu’au nerf infraorbitaire en haut, l’orifice Voie transpalatine de Wilson [14, 17]
piriforme et l’épine nasale en dedans. La muqueuse nasale sur Malade installé en position de Rose, écarteur de Kilner.
le versant interne de l’orifice est également décollée. La
trépanation et l’ouverture du sinus maxillaire sont étendues à Incision
toute sa paroi antérieure, et de proche en proche à l’orifice D’emblée jusqu’au plan osseux palatin, débutant en arrière de
piriforme en respectant les apex dentaires et le nerf infraorbi- la partie la plus reculée du bord gingival supérieur, passant à
taire (la réalisation d’un volet est souhaitable mais il s’agit le 4 ou 5 mm de l’arcade dentaire, dessinant un V médian ouvert
plus souvent d’une résection à os perdu) (Fig. 5). en avant afin de respecter le canal palatin antérieur et attei-
Résection de la cloison intersinusonasale, du cornet inférieur gnant le côté opposé en un point symétrique (Fig. 6).
et moyen.
Décollement de la muqueuse nasale en sous-périosté et sous- Exposition
périchondral, à partir de l’orifice piriforme, désinsertion du Rugination du plan fibromuqueux, débutée au niveau de la
septum de son socle et luxation dans la fosse nasale controla- partie postérolatérale car la plus résistante, avec respect des
térale (modification de Rouge). On obtient ainsi un large abord pédicules palatins postérieurs. Décollement de l’ensemble du
sur le cavum, qui peut être étendu à la région ptérygopalatine grand lambeau palatin jusqu’au bord postérieur du palais
attenante par trépanation de la paroi postérieure du sinus osseux. Un jour plus important peut être obtenu par destruction
maxillaire quel qu’en soit le procédé. L’artère maxillaire et ses de la paroi postérieure du canal palatin postérieur à la fraise,
branches seront contrôlées. permettant de repousser le voile vers le fond de la cavité
Cette voie peut être élargie vers le haut à la demande en opératoire, après avoir sectionné le crochet de la ptérygoïde
réséquant la branche montante du maxillaire, une partie de l’os (Fig. 7).
propre du nez et l’ethmoïde, améliorant ainsi la vue sur le Décollement de la muqueuse du plancher des fosses nasales
sphénoïde. sur 2 cm vers l’avant.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Voies d’abord du pharynx ¶ 46-270

Figure 8. Voie transmandibulaire médiane : tracé de l’incision cutanée.

Cet accès est limité, suffisant pour des petits fibromes purement
choanaux (stade Ia de Sessions) [18].
Fermeture
En deux temps :
• fermeture des lambeaux nasaux ;
• suture de la fibromuqueuse palatine par des points espacés.
Figure 6. Voie transpalatine de Wilson. Position opératoire et tracé de
l’incision muqueuse.
Voies d’accès aux parois latérale
et postérieure du rhinopharynx [19]
Ces voies transbuccales ou basicrâniennes sont d’un usage
moins courant et réservées moins au rattrapage de certaines
petites lésions carcinomateuses du cavum qu’au traitement des
expansions, surtout latérales, des fibromes nasopharyngiens à la
fosse infratemporale lorsqu’elles ne paraissent plus accessibles
en sécurité vasculaire à des voies moins délabrantes telles que
le degloving. Certaines tumeurs, essentiellement basicrâniennes,
étendues secondairement à la paroi latérale du rhinopharynx ou
encore certaines récidives infratemporales des tumeurs paroti-
diennes peuvent justifier ces voies.

Voie transmandibulaire médiane [20-22]


Décrite initialement par Biller, elle permet l’abord de la paroi
latérale du rhinopharynx, via la région para-amygdalienne, et ce
jusqu’à la base du crâne, avec un jour d’importance moyenne,
qui peut être amélioré par l’adjonction d’une voie palatine
aisément réalisable. Elle permet, par définition, le contrôle
d’extension modeste ou moyenne à la fosse infratemporale.
C’est la moins traumatisante car la plus anatomique des voies
d’accès à la paroi latérale et postérieure du cavum. Elle a
l’avantage de ne pas nécessiter la dissection du VII, indispensa-
ble dans les voies décrites plus loin.
Incision
Le patient est en décubitus dorsal. Une trachéotomie préala-
ble est nécessaire. L’incision est de type Sébileau, de la pointe
de la mastoïde vers l’os hyoïde, étendue à la symphyse menton-
nière, qu’elle contourne avec section médiane de la lèvre
inférieure (Fig. 8).
Figure 7. Voie transpalatine de Wilson : levée du lambeau
fibromuqueux. Exposition
Le lambeau cervical est relevé, emportant le muscle platysma
coli, jusqu’au-dessus du rebord mandibulaire. Le rameau
Résection de la partie postérieure du palais osseux, sur la mentonnier du VII est respecté.
même distance, voire d’une partie du septum osseux. Par la suite, les obstacles à un écart latéral de l’hémimandi-
Incision de la muqueuse nasale au ras du bord postérieur du bule sont levés :
palais restant, permettant l’individualisation de lambeaux • section des attaches hyoïdiennes des muscles stylohyoïdien et
muqueux nasaux à charnières déclives, qui peuvent être réclinés digastrique, libération du bord inférieur de la glande sous-
en arrière, et qui donne accès à l’orifice choanal et au cavum. maxillaire ;

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-270 ¶ Voies d’abord du pharynx

Figure 9. Voie transmandibulaire médiane : mandibulotomie selon Figure 10. Coupe de l’espace para-amygdalotubaire et de la paroi
Biller et exposition du péripharynx. Variante : prolongation de l’incision latérale du cavum. Application à la voie de Biller (d’après Rouvière). 1. Nerf
sur la fibromuqueuse palatine. trijumeau ; 2. trompe d’Eustache ; 3. ligament ptérygoépineux de Civi-
mini ; 4. muscle péristaphylin latéral ; 5. muscle péristaphylin médial ;
• section de l’insertion hyoïdienne du muscle mylohyoïdien, 6. amygdale palatine ; 7. muscle constricteur supérieur du pharynx ;
puis du raphé médian qui l’unit à l’opposé. 8. muscle styloglosse ; 9. faisceau sphénoïdal du ptérygoïdien latéral ;
L’axe vasculonerveux du cou et ses efférents (nerf accessoire 10. aponévrose ptérygo-temporo-mandibulaire ; 11. faisceau ptérygoï-
et hypoglosse) sont repérés. dien latéral ; 12. artère dentaire inférieure ; 13. nerf dentaire inférieur ;
Section du plancher buccal sagittalement entre les caroncules 14. muscle ptérygoïdien médial ; 15. glande sous-maxillaire ; A : espace
salivaires, puis l’incision transfixiante s’incline pour courir dans para-amygdalotubaire ; B : espace para-amygdalien ; C : loge sous-
le plancher buccal jusqu’à la base du pilier antérieur, en laissant, maxillaire.
en dedans le nerf lingual, en dehors le canal de Wharton.
L’hémimandibule est alors écartée en dehors, au prorata de la
laxité du muscle ptérygoïdien médial. Après ligature de la Voie préauriculaire sous-temporale [22-25]
carotide externe qui gêne l’écartement, l’espace para-amygdalien
Décrite par Sekhar et reprise par Samy, il s’agit d’une voie
est ouvert et vidé de son contenu graisseux, découvrant en
d’abord utilisable en rattrapage de petites lésions carcinomateu-
dedans le péripharynx recouvert par le muscle stylopharyngien
ses de la paroi latérale du cavum et pour traiter les extensions
en arrière, le styloglosse en avant (Fig. 9).
infratemporales de certains fibromes nasopharyngiens. De
L’incision est poursuivie le long du pilier antérieur, jusqu’en
nombreux obstacles s’opposent à la pénétration vers le cavum
arrière de la dernière molaire, permettant d’ouvrir l’espace para-
qui, de la superficie à la profondeur, sont :
amygdalien en continuité avec l’espace para-amygdalotubaire.
• les branches supérieures du nerf facial ;
On individualise sur le ptérygoïdien médial le nerf lingual que
• les complexes musculo-osseux cervicocondyliens, coronoï-
l’on suit et qui indique, par définition, la fosse infratemporale
daux et zygomatiques ;
avec le foramen ovale (Fig. 10). La section du ptérygoïdien
• le surplomb du plancher de la fosse temporale ;
médial ouvre l’espace, donne accès à la paroi latérale du cavum,
• les branches du nerf mandibulaire, voire du nerf maxillaire.
tapissé par le muscle tenseur du voile au-dessus du constricteur
supérieur. La section du muscle tenseur, élévateur du voile et de Incision
la trompe permet de mobiliser le pharynx vers le côté opposé.
Le rapport avec la partie haute de l’espace rétrostylien, soit Le patient est en décubitus dorsal, tête tournée du côté
essentiellement avec la carotide interne, doit toujours être gardé opposé, d’environ 30° par rapport au plan sagittal. Il s’agit
à l’esprit. d’une incision classique de parotidectomie, prolongée en haut
et en avant vers la ligne médiane à la jonction des régions
Fermeture frontales et temporales (Fig. 11).
Elle s’apparente, dans son principe, à celle d’une voie de Exposition
Trotter (plancher et synthèse mandibulaire à l’aide d’une plaque
vissée). Le lambeau inférieur est celui d’une parotidectomie. À la
partie supérieure, il s’agit d’un lambeau cutané levé au ras du
Variantes fascia temporal, puis en sous-périosté à la limite antérieure de
La plus courante est la prolongation de l’incision du pilier ce fascia.
antérieur de l’amygdale en dedans et le long des collets dentai- Le paquet vasculonerveux est repéré et laqué. Le tronc du
res sur la fibromuqueuse palatine et jusqu’à la ligne médiane ; nerf facial puis ses branches supérieures sont isolées. Dès lors,
elle permet de décoller le lambeau palatin, en sectionnant rugination sous-périostée puis section de l’arcade zygomatique
l’artère palatine postérieure et, selon le procédé à os perdu décrit le plus loin possible en avant ; en arrière, en avant de l’articu-
à propos de la voie de Wilson, d’accéder aux choanes (Fig. 9). lation temporomandibulaire. Pédiculisation sur le masséter de
l’arcade qui est rabattue vers le bas. Section du coroné et du
Inconvénients muscle temporal qui s’y attache, le tout étant rabattu vers le
L’inconvénient cicatriciel labial n’est pas négligeable. Par haut. Éventuelle résection du condyle, toujours nécessaire pour
ailleurs, la section du muscle tenseur, élévateur du voile et de exposer la partie haute de l’espace rétrostylien, et donc le
la trompe entraîne une otite séreuse définitive, nécessitant la paquet vasculonerveux (et dégageant l’obstacle du ptérygoïdien
mise en place d’un aérateur transtympanique. latéral que l’on peut supprimer).

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Voies d’abord du pharynx ¶ 46-270

Voie infratemporale de Fisch type C [22, 26, 27]


Cette voie, qui se propose un abord infratemporal à partir
d’une pétrectomie subtotale et d’un sacrifice de l’oreille
moyenne, conduit en avant à des conditions d’exposition
analogues à la voie de Sekhar. Bien que Fisch l’indique pour de
gros fibromes nasopharyngiens, il semble bien que cette voie de
type C soit limitée en matière d’abord de la paroi latérale du
rhinopharynx, en raison des séquelles notamment auditives et
faciales, et de la longueur de l’exposition.

■ Voies d’abord de l’oropharynx [28, 29]

Définition anatomique
Communiquant en avant avec la cavité buccale par l’arche
Figure 11. Voie de Sekhar. Incision cutanée. des piliers antérieurs du voile du palais, qui constitue l’isthme
du gosier, il surplombe en arrière l’hypopharynx dont le sépare
un plan théorique horizontal passant par les grandes cornes de
l’os hyoïde. Il est, en outre, séparé du cavum par un plan tout
aussi théorique passant par le bord supérieur de l’arc antérieur
de la première vertèbre cervicale. Sur un plan pratique, cette
région comporte la région amygdalienne proprement dite, la
base de la langue, les vallécules et l’épiglotte sus-hyoïdienne. Les
voies d’abord afférentes permettent ou non un geste aux régions
immédiatement adjacentes et seront donc classées en accès
limités et en accès larges.

Voie naturelle endorale


Elle répond outre à l’endoscopie, soit à des interventions
réglées, amygdalectomie, véloplastie, etc., qui ne sont pas
évoquées ici, soit à des gestes d’exérèse atypique limités en
règles et adaptés à des circonstances non codifiables (tumeurs
bénignes, rattrapages carcinologiques).

Aide à la voie endorale


Figure 12. Schéma de la région interptérygoïdienne. 1. Artère ménin-
Ce sont essentiellement la technique de Sorensen et la
gée moyenne ; 2. muscle tenseur du voile ; 3. muscle constricteur supé-
commissurotomie de Jaeger. Leur usage est réduit en pratique.
rieur du pharynx ; 4. muscle ptérygoïdien médial ; 5. nerf mandibulaire ;
La première améliore l’accès endobuccal à la région de la base
6. muscle ptérygoïdien latéral ; 7. nerf lingual ; 8. nerf alvéolaire inférieur.
de la langue, la seconde en déplace latéralement l’axe de
travail [30].

Fraisage de la redondance de la fosse temporale qui fait un Technique de Sorensen


surplomb au-dessus de la fosse infratemporale et ce jusqu’à La protraction de la langue est améliorée par :
exposition de la dure-mère. Ce geste permet d’exposer le • la section complète des génioglosses, à l’aide d’un abord
foramen épineux (spinosum), repère de l’artère méningée transmuqueux transversal, en arrière des caroncules salivai-
moyenne, puis le foramen ovale (V3) (Fig. 12). Le fraisage de la res ;
racine de la ptérygoïde permet d’exposer le foramen rotondum • la section musculomuqueuse des piliers antérieurs de
(V2) si nécessaire. La carotide interne, à son entrée dans son l’amygdale.
canal, demeure en arrière des éléments précédemment décrits. Un fil de traction passé dans le corps de la langue permet, en
La paroi latérale du cavum est accessible, tapissée en haut par attirant l’organe libéré, de mieux voir la région de sa base.
les muscles tubaires et la trompe, masquée en avant par l’aile
externe de la ptérygoïde que l’on fraise. Commissurotomie de Jaeger
Fermeture Mettant à profit la zone de Friteau, théoriquement exempte
de branche du nerf facial, elle consiste à sectionner horizonta-
L’ouverture pharyngée est fermée par un lambeau musculo- lement la joue en partant de la commissure labiale. Ses résultats
aponévrotique du temporal, la cavité opératoire proprement dite esthétiques sont discutables, malgré les différents artifices de
est comblée par de la graisse abdominale. Le muscle temporal repérages des berges labiales ; elle est fort peu utilisée.
est reposé avec ostéosynthèse du coroné. L’arcade zygomatique
est aussi ostéosynthésée et le masséter qui s’y insère ainsi Accès cervical de la paroi latérale
repositionné.
de l’oropharynx et de la région basilinguale
Inconvénients
L’accès à cette région, qui comprend notamment l’amygdale
Ils sont essentiellement d’ordre masticatoire. Les séquelles palatine, la fosse amygdalienne, les piliers du voile du palais, le
auditives sont au prorata des dégâts occasionnés à la trompe et sillon glossoamygdalien et la base de la langue, peut se subdi-
à ses muscles. Le nerf facial reste un souci permanent. viser en accès limité et en accès large.

Indications Accès limité à la partie inférieure de la paroi


Ce sont les mêmes que la voie précédente, mais son choix latérale de l’oropharynx
procède de la nécessité d’un contrôle premier des structures Visant à atteindre la région basilinguale basse, la vallécule et
nerveuses et vasculaires de la région paracaverneuse. l’épiglotte sus-hyoïdienne, cet accès se heurte au mur théorique

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-270 ¶ Voies d’abord du pharynx

Fermeture
En deux plans, musculaire et muqueux pour la paroi pharyn-
gée. Mise en place d’un drain aspiratif de Redon, fermeture du
platysma coli et de la peau en deux plans séparés.

Accès large à la paroi latérale de l’oropharynx


et à la région basilinguale
Ces accès peuvent être subdivisés en trois types de voie
d’abord en fonction de l’attitude, définie au préalable et
confirmée en peropératoire, à laquelle on s’est arrêté vis-à-vis de
la mandibule.
Pharyngectomie sous-angulomaxillaire
La position opératoire, les incisions possibles et la dissection
sont tout à fait identiques à ce qui a été décrit à propos de
l’accès limité à la partie inférieure de la paroi latérale. La loge
amygdalienne est simplement décollée du plan du muscle
ptérygoïdien médial jusqu’au voile. On a alors sous les yeux la
paroi latérale de l’oropharynx, du repli pharyngoépiglottique en
bas jusqu’à l’ogive amygdalienne en haut, au sillon amygdalo-
glosse en avant. L’indication de ce type de voie d’abord
conservant le mur mandibulaire est restreinte à quelques lésions
carcinologiques très superficielles.
Pharyngectomie transmandibulaire
Elle supprime l’obstacle mandibulaire et donne un accès
direct et large sur la région para-amygdalienne et donc de la
paroi latérale de l’oropharynx. C’est la voie d’abord habituelle,
dont l’indication exclusive ou presque est carcinologique et
basée sur l’« a priori » de l’envahissement mandibulaire dans ce
Figure 13. Pharyngotomie latérale haute. 1. Nerf lingual ; 2. nerf type de lésions, ainsi que sur la nécessité toujours de la
hypoglosse ; 3. artère linguale ; 4. nerf laryngé supérieur. radiothérapie postopératoire.
Le patient en décubitus dorsal, billot sous les épaules, a la tête
tournée côté opposé à l’opérateur.
Incision. Le choix de l’incision tient compte du geste
hyoïdien. Il peut être étendu sans difficulté à la région des trois ganglionnaire constamment associé, il s’agit, soit d’une incision
replis, voire à la partie haute du sinus piriforme, au prix d’une de Paul-André, soit d’un Sébileau, prolongé ou non Latyshevsky
exérèse partielle de l’aile thyroïdienne. Les indications purement au menton et à la lèvre inférieure, à la clavicule selon Carrega.
oncologiques de ce type d’accès sont limitées, essentiellement Exposition. Il s’agit d’un lambeau cutané doublé du platysma
pour des raisons carcinologiques. La réalisation préalable d’une coli. Le rameau inférieur du nerf facial est, selon la nature du
trachéotomie est indispensable. Le patient, un billot sous les curage, respecté ou non. Ce lambeau est relevé jusqu’au bord
épaules, a la tête tournée du côté opposé. inférieur de la mandibule, de la région parotidienne à la
symphyse mentonnière.
Incision La face externe de la mandibule est ruginée de la symphyse à
Elle est largement fonction de l’intention du geste, allant l’angle, en contrôlant l’hémostase d’avant en arrière du pédicule
d’une cervicotomie droite présterno-cléido-mastoïdienne, mentonnier et des vaisseaux faciaux, puis en sectionnant au ras
centrée sur l’os hyoïde, à des incisions plus généreuses, fonction de l’os l’insertion massétérine ; puis repérage et ligature de la
des habitudes (L. de Paul-André, Sébileau). carotide externe.
On libère ainsi l’attache du vestibule buccal à la mandibule.
Exposition Chez le sujet denté, le fond du cul-de-sac vestibulaire est incisé
le long de la mandibule, d’arrière en avant, jusqu’à environ
Sous le platysma coli, la dissection se déroule en avant du 1 cm en avant de la première prémolaire. Une contre-incision à
sterno-cléido-mastoïdien, au travers du plan veineux du tronc l’aplomb de la deuxième prémolaire remonte sur la gencive vers
de Farabeuf dont les affluents sont ligaturés. En haut, le ventre le collet de cette dent et le suit jusqu’à la partie antérieure du
postérieur du muscle digastrique est repéré avec le nerf hypo- collet de la première prémolaire. On ménage ainsi un lambeau
glosse immédiatement sous-jacent. L’artère linguale, adjacente à charnière antérieure de muqueuse vestibulaire qui servira à
au nerf, doit être liée. asseoir la suture lors de la fermeture.
Le nerf laryngé supérieur est ensuite découvert dans la Après rugination du versant lingual de la région parasymphy-
bissectrice classique de l’angle formé par, en arrière, la carotide saire et extraction de la première prémolaire, la section mandi-
externe, l’artère linguale en haut. Le bord externe de l’omo- bulaire est effectuée à ce niveau. L’écart de l’hémimandibule est
hyoïdien complète en bas le triangle d’abord que limitent en alors possible et on sectionne le plancher buccal à une distance
haut le digastrique et en arrière le paquet vasculonerveux. convenable de l’os jusqu’à la région du trigone où la section de
la muqueuse buccale rejoint la section du vestibule, permettant
La grande corne de l’os hyoïde est déshabillée de ses inser-
de dégager la branche horizontale et d’accéder à l’angle interne
tions musculaires supérieures et inférieures au bistouri électrique
de la mandibule où l’on sectionne, au ras de l’os, les attaches
et il en est fait de même de la corne supérieure du cartilage
du muscle ptérygoïdien médial. La rugination se poursuit sur les
thyroïde. deux faces de la branche verticale mandibulaire ; l’insertion du
Cette exposition permet ainsi l’ouverture du pharynx vertica- muscle temporal sur le coroné est sectionnée. Le condyle est
lement entre le nerf laryngé supérieur en bas et le nerf hypo- alors luxé hors de la cavité glénoïde et, après section des
glosse en haut, en arrière de l’extrémité postérieure de la grande différents chefs du muscle ptérygoïdien latéral, la mandibule est
corne de l’os hyoïde (Fig. 13). On se retrouve alors situé facilement extraite. Il est ici nécessaire de faire l’hémostase des
au-dessus du repli pharyngoépiglottique repéré par le nerf veines ptérygoïdiennes, du pédicule dentaire inférieur et
laryngé supérieur qui en constitue l’essentiel. maxillaire.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Voies d’abord du pharynx ¶ 46-270

Chez le sujet denté, la cavité buccale est largement exposée, Fermeture


et le contrôle d’une éventuelle résection de l’oropharynx en est Elle s’effectue en trois plans sur un drainage aspiratif.
facilité. Chez l’édenté, le décollement des culs-de-sac vestibulai-
res et du versant gingival de la branche horizontale peut Variante
s’effectuer sans ouverture de la cavité buccale. Dans tous les cas, Il est possible de réséquer, provisoirement ou définitivement,
la paroi latérale de l’oropharynx est très largement exposée, l’os hyoïde, partiellement ou totalement, ou de le sectionner
recouverte par le nerf glossopharyngien et l’artère palatine simplement sur la ligne médiane. La trachéotomie n’est pas
ascendante. strictement indispensable dans cette intervention, sauf cas
Fermeture. Elle ne sera pas évoquée ici puisque largement particulier.
dépendante de la résection effectuée, et pouvant aller de la
fermeture bord à bord, très rarement possible, à l’usage habituel Voie transmandibulaire de Trotter [33]
de lambeaux, notamment myopectoraux. Son principe est de permettre d’accéder, dans un plan « avas-
culaire » et directement, à des lésions médianes de la paroi
Pharyngectomie transmandibulaire conservatrice
antérieure et postérieure de l’oropharynx. Cette voie offre un
Cette technique est largement dérivée de la précédente, et jour supérieur à la précédente, mais au prix de séquelles
caractérisée par une mandibulotomie unique et paramédiane inesthétiques sur la lèvre inférieure et le menton. Ces indica-
sans mandibulectomie. Cette mandibulotomie ménage la tions sont ainsi fortement limitées, pratiquement réservées aux
fonction masticatoire par la conservation de la plupart des grosses tumeurs bénignes de la base de la langue (thyroïdes
muscles masticateurs ainsi que de l’innervation mentonnière et linguales).
alvéolaire dans l’idéal [31]. La trachéotomie peropératoire est indispensable, tout autant
Elle procède de la constatation d’un faible envahissement que la mise en état au préalable de la cavité buccale.
carcinologique de l’angle mandibulaire osseux dans les cancers Incision
de la paroi latérale de l’oropharynx. Ses indications se calquent
Médiane et unique, elle court de la lèvre inférieure, qu’elle
sur celles de la précédente technique. Sa validation s’effectue en
transfixie après repérage soigneux des foramens mentonniers, au
peropératoire (Fig. 9).
bord supérieur du cartilage thyroïde.
Incision. Il s’agit volontiers d’une incision de Latyshevsky
classique ou modifiée, en circonscrivant la zone de l’hémimen- Exposition
ton. La faisabilité de l’intervention est immédiatement vérifiée L’hémostase des artères coronaires réalisée, l’incision se
en incisant le périoste le long du bord basilaire mandibulaire, poursuit d’emblée jusqu’à l’os mandibulaire, puis divise la
en région angulaire et en ruginant le muscle ptérygoïdien région sous-mentale, faisant apparaître le raphé médian mylo-
médial, puis en le refoulant avec le doigt. L’aisance de cette hyoïdien, puis le corps de l’os hyoïde et la ligne blanche
manœuvre valide le principe de la conservation. cervicale.
La mandibulotomie est réalisée dans l’idéal après un dépé- La mandibule est sectionnée sur la ligne médiane. La mise en
riostage vestibulaire et pelvilingual limité en avant du trou tension des deux fragments permet de sectionner, entre les deux
mentonnier. L’insertion mandibulaire du muscle mylohyoïdien ostia salivaires de Wharton, le plancher buccal, puis de section-
est sectionnée, et le plancher incisé à la demande. L’écart latéral ner, toujours sur la ligne médiane, la langue mobile (plan
de la mandibule ouvre la région para-amygdalienne et permet avasculaire théorique). L’écart progressif de la tranchée permet
une exérèse dans d’excellentes conditions de la paroi latérale de l’avancée translinguale jusqu’à la vallécule si nécessaire.
l’oropharynx et de la langue, voire de la paroi postérieure. Variante
Fermeture. Elle pose les mêmes problèmes qu’en cas de
Il est possible de sectionner sur la ligne médiane le corps de
suppression de la mandibule. La mandibule est ostéosynthésée.
l’os hyoïde pour améliorer l’exposition.
Fermeture
Accès limité à la région médiane des parois La langue est fermée aux points séparés, la mandibule par
antérieures ou postérieures de l’oropharynx une ou deux plaques galbées et vissées d’ostéosynthèse.

Ces accès sont une solution commode au traitement notam-


ment de tumeurs bénignes de la base de la langue et de la ■ Voies d’abord
vallécule. Leurs indications sont rares.
de l’hypopharynx [28, 29, 34]

Voie transhyoïdienne médiane [32]


Voies naturelles
Incision
Ce sont celles de l’hypopharyngoscopie, acte spécifique en
Transversale à hauteur de l’espace hyothyroïdien raison de l’usage du laryngoscope en ORL. Seul cet instrument
permet en effet l’inspection des sinus piriformes et surtout de
Exposition
la région rétrocricoïdienne, dans des conditions que n’offrent ni
Après contrôle des veines jugulaires antérieures, les muscles l’œsophagoscopie rigide, ni le fibroscope œsogastrique.
sous-hyoïdiens superficiels et profonds sont détachés de leur
insertion hyoïdienne. La membrane thyrohyoïdienne indivi- Voie percutanée
dualisée, on recherche latéralement les pédicules laryngés
Son principe est la mise en place d’une sonde d’alimentation
supérieurs.
entérale, minimisant les inconvénients d’une sonde nasogastri-
Latéralement, au-dessus de l’extrémité de la grande corne de
que classique. La technique est exécutée sous anesthésie
l’os hyoïde, le nerf hypoglosse et l’artère linguale sont repérés, générale et intubation à l’aide d’un laryngoscope de type
cette dernière pouvant être ligaturée à titre préventif. MacIntosh à lame droite et d’une sonde métallique rigide,
La section de la membrane thyrohyoïdienne donne accès aux courbe, creuse à son extrémité (en général une sonde utérine).
tissus graisseux de la loge hyo-thyro-épiglottique que l’on La sonde est placée au niveau de la paroi latérale de l’hypopha-
sectionne en direction du fond de la vallécule, que l’on dégage rynx et l’opérateur en fait « becquer » l’extrémité, au-dessous de
aux ciseaux sur la ligne médiane et latéralement à la demande. la grande corne de l’os hyoïde, en direction de la surface
L’ouverture de la muqueuse pharyngée permet une bonne cutanée, en avant du paquet vasculonerveux. Il est alors facile
vision des régions épiglottiques et de la base de la langue. d’inciser la peau sur l’extrémité creuse de la sonde utérine, de

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-270 ¶ Voies d’abord du pharynx

l’extérioriser, d’y introduire la sonde gastrique que l’on fixe, que l’on ouvre. Le lobe thyroïdien est récliné vers l’avant, après
l’ensemble étant retiré dans le pharynx. La sonde d’alimenta- section de la veine thyroïdienne moyenne, tandis que l’écarteur
tion est alors poussée sous contrôle pharyngoscopique dans protège l’axe jugulocarotidien en arrière. La région trachéo-
l’œsophage et dans l’estomac [35]. œsophagienne est facilement repérée, éventuellement le nerf
récurrent gauche, dans l’angle trachéo-œsophagien, le muscle
Voies chirurgicales [36] cricopharyngien est reconnu facilement à ses insertions cricoï-
diennes et ses fibres étalées en éventail à grande base vers
L’accès à l’hypopharynx est dans la plupart des cas médié par l’arrière. La myotomie se fait au bistouri dans le sens craniocau-
le larynx dans le cadre de la laryngectomie partielle ou totale. dal jusqu’à obtention du plan sous-muqueux.
Les voies d’accès limitées au pharyngolarynx sont en pratique .

réduites aux voies latérales qui permettent aussi l’accès à la Fermeture


paroi postérieure. Sans particularité.
.

Pharyngotomie latérale basse


Elle est la poursuite de ce qui a été décrit pour la pharyngo-
■ Références
tomie latérale haute avec des indications oncologiques de même [1] Nakamura H, Kawasaki M, Higuchi Y, Seki S, Takahashi S. Transnasal
nature. Position opératoire, incision sont identiques. Le centrage endoscopic resection of juvenile angiofibroma with KTP laser. Eur
de la dissection se porte vers le bas entre la grande corne de l’os Arch Otorhinolaryngol 1999;256:212-4.
hyoïde et le cricoïde en bas. [2] Portmann G, Retrouvey H. Le cancer du nez. Paris: Doin; 1927.
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Après incision de l’aponévrose cervicale superficielle au bord [4] Conley J, Price J. Sublabial approach to the nasal and nasopharyngeal
cavities. Am J Surg 1979;138:615-8.
antérieur du sterno-cléido-mastoïdien, les branches du tronc de
[5] Price JC, Holliday MJ, Johns ME, Kennedy DW, Richtsmeier WJ,
Farabeuf sont liées, notamment la veine thyroïdienne supérieure
Mattox DE. The versatile midface degloving approach. Laryngoscope
et la veine linguale.
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La section du ventre antérieur de l’omohyoïdien ouvre [6] Price J. The midfacial degloving to the central skull base. Ear Nose
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cartilage thyroïde. Artères et veines thyroïdiennes étant ligatu- Otolaryngol Head Neck Surg 1986;112:750-2.
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exposant l’aile thyroïdienne et, en arrière d’elle, la paroi latérale tumeurs de l’étage moyen de la face. J Fr ORL 1991;40:70-2.
de l’hypopharynx au-dessous du nerf laryngé supérieur mar- [10] Truilhe Y, Richaud P, Houliat T, Lagarde P, Demeaux H, Stoll D, et al.
quant le pli pharyngoépiglottique. Place de la chirurgie dans le cancer du cavum classé T4. Évaluation
Une exposition plus large de la paroi du sinus piriforme est préliminaire à partir d’une série de 18 cas. Ann Otolaryngol Chir
facilement obtenue en réséquant une partie de l’aile thyroï- Cervicofac 2002;119:138-45.
dienne après l’avoir débarrassée par rugination sous-périostée (à [11] Crumley RL, Gutin PH. Surgical access for chordoma: the University
partir d’une incision sur son bord libre postérieure et supérieure) of California San Francisco experience. Otolaryngol Head Neck Surg
du revêtement muqueux, sur sa face interne, et du revêtement 1989;115:295-300.
musculaire sur sa face externe. [12] Bebear JP, Stoll D, Darrouzet V. Total ethmoidectomy for malignant
tumor of anterior skull base. In: Surgery of the sellar region and the
L’accès à la paroi postérieure ne pose que le problème du
paranasal sinuses, Ivth International Congress of the skull base study.
décollement rétropharyngé s’effectuant au doigt.
New York: Springer-Verlag; 1989.
Variante [13] Bebear JP, Stoll D, Darrouzet V. L’ethmoïdectomie totale par voie
mixte rhinoneurochirurgicale pour les tumeurs malignes de l’étage
Cet abord peut être bilatéral, essentiellement dans la chirurgie antérieur : 14 ans d’expérience : 62 cas. Rev Laryngol Otol Rhinol
d’exérèse circulaire de l’hypopharynx. Les règles de cet abord (Bord) 1990;111:203-6.
sont les mêmes que dans l’abord unilatéral, et l’on se rappellera [14] Portmann M, Guerrier Y. Traité de technique chirurgicale ORL et
l’importance, pour la déglutition future, des nerfs laryngés cervico-faciale. Tome 2: Nez et face. Paris: Masson; 1978.
supérieurs. [15] Denker A. Zur radikal operation des chronischen kieferhöhlen
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Fermeture [16] Rouge. Nouvelle méthode pour le traitement chirurgical de l’ozène.
Sans particularité. Lausanne: Rouge-Dubois; 1873.
[17] Wilson CP. Observations on the surgery of the naso-pharynx. Ann Otol
Rhinol Laryngol 1957;66:5-40.
Accès à la région du muscle cricopharyngien
[18] Sessions RB, Wills PI, Alford BR, Harrel JE, Evans RA. Juvenile
Cet accès n’a qu’une fonction en pratique, soit la section du nasopharyngeal angiofibroma: radiographic aspects. Laryngoscope
muscle de la bouche de l’œsophage (diverticule de Zenker, 1976;86:2-18.
spasme de la bouche). [19] Carrau RL, Myers EN, Johnson JT. Management of tumors arising in
Le patient est en décubitus dorsal, tête tournée du côté droit, the parapharyngeal space. Laryngoscope 1990;100:583-9.
l’intervention s’effectuant à gauche pour des raisons [20] Biller HF, Shugar JM, Krespi YP. A new technique for wide field
anatomiques. exposure of the base of the skull. Arch Otolaryngol 1981;107:698-702.
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Exposition Resection of upper aerodigestive tract tumors involving the middle
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Après incision de l’aponévrose cervicale superficielle au bord [24] Samy LL, Girgis IH. Transzygomatic approach for nasopharyngeal
antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, on repère le fibromata extra-naso-pharyngeal extensions. J Laryngol Otol 1965;79:
muscle omohyoïdien et donc l’aponévrose cervicale moyenne 782-95.

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Voies d’abord du pharynx ¶ 46-270

[25] Sekhar LN, Janecka IP, Jones NF. Subtemporal infratemporal and basal [31] Gehanno P, CosteA, Depondt J, Guedon C, Viallard D. Pharyngectomie
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(Wien) 1988;92:83-92. oropharyngée latérale. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1990;107:
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1985 : 10p. pharyngeal wall. Head Neck Surg 1981;3:389-94.

D. Stoll (dominique.stoll@chu-bordeaux.fr).
V. Darrouzet.
L. de Gabory.
Hôpital Pellegrin, service d’ORL, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Stoll D., Darrouzet V., de Gabory L. Voies d’abord du pharynx. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-270, 2006.

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Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-380
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-380

Chirurgie des paralysies laryngées


M Makeieff
R Garrel
B Guerrier
Résumé. – Les paralysies laryngées sont un problème difficile de la laryngologie. On distingue les paralysies
unilatérales et bilatérales. Les paralysies unilatérales entraînent des problèmes phonatoires, alors que les
paralysies bilatérales déterminent des troubles respiratoires. Le traitement est différent selon ces deux cas. On
effectue une revue de toutes les techniques chirurgicales en insistant sur les techniques endoscopiques qui ont
beaucoup amélioré la prise en charge de ces problèmes difficiles.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : cordes vocales, paralysies, endoscopie.

Introduction
qu’elles sont complètes ou non, confrontent le praticien à un
Les paralysies laryngées posent des problèmes différents selon problème d’ordre respiratoire. Le traitement est donc différent selon
qu’elles sont unilatérales ou bilatérales. Dans le cas de paralysie ces deux cas, mais les problèmes occasionnés sont toujours difficiles
unilatérale, il s’agit de la prise en charge d’un trouble fonctionnel à résoudre, même si le développement de la chirurgie endoscopique
responsable de dysphonie, alors que les paralysies bilatérales, selon a beaucoup fait progresser les traitements.

Paralysies laryngées unilatérales


Étiologie chant. L’examen s’applique à visualiser la position plus ou moins
latérale de la corde vocale ; si la paralysie est installée depuis un
Les troubles de mobilité unilatéraux que l’on peut être amené à certain temps, on observe une diminution de la masse musculaire
traiter chirurgicalement sont le plus souvent d’origine périphérique. de la corde, une diminution de la tension cordale et une légère
La corde vocale se place en position médiane ou paramédiane ou en bascule antérieure de l’aryténoïde. Les deux champs glottiques sont
abduction complète. Les principales causes sont traumatiques, asymétriques et ne peuvent vibrer de façon synchrone en
accidentelles par traumatisme laryngé (intubation) ou lors d’un geste stroboscopie. Les interventions que l’on propose vont donc viser à
opératoire (chirurgie thyroïdienne, chirurgie nerveuse cervicale, limiter la fuite glottique en médialisant la corde vocale paralysée et
chirurgie thoracique pour les lésions du nerf récurrent gauche), ou éventuellement à augmenter la tension cordale.
volontaires par section délibérée du nerf récurrent ou du nerf vague
dans ses portions cervicales et thoraciques. On peut être amené à Évaluation préopératoire
prendre en charge des patients traités pour une affection cancéreuse
guérie ou stabilisée (cancer bronchique, thyroïdien). Il existe enfin Tous les patients doivent être bilantés de la manière la plus complète
d’autres causes beaucoup plus rares qu’il est difficile de prouver possible en préopératoire. Une évaluation laryngée par laryngoscopie
(atteintes infectieuses). directe et indirecte, complétée par des enregistrements de séquences
La symptomatologie est dominée par la dysphonie. La voix est vidéo, est devenue indispensable. Elle permet une appréciation
soufflée, peu sonorisée et constitue la principale sinon l’unique précise de la dynamique laryngée en phonation et de la fuite
plainte du patient. La compensation souvent partielle par la corde phonatoire. On pratique en plus actuellement une appréciation
vocale controlatérale entraîne un forçage vocal. Ces facteurs peuvent objective de la voix (amplitude, moyenne, fréquence fondamentale,
déterminer un handicap personnel ou professionnel important, jitter, temps maximal de phonation, débit d’air buccal).
entraînant une limitation des activités de communication ou de
Techniques chirurgicales
Marc Makeieff : Praticien hospitalier.
Renaud Garrel : Interne des Hôpitaux. MÉDIALISATION PAR VOIE EXTERNE : THYROPLASTIE
Bernard Guerrier : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Gui de Chauliac, 80, avenue Augustin-
La correction chirurgicale de la paralysie laryngée unilatérale
Fliche, Montpellier cedex 5, France. symptomatique a ses origines au début du XXe siècle, puisque dès

Toute référence à cet article doit porter la mention : Makeieff M, Garrel R et Guerrier B. Chirurgie des paralysies laryngées. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques
chirurgicales – Tête et cou, 46-380, 2001, 15 p.
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

Incision cutanée : horizontale ou légèrement curviligne, longue de


4 cm, latéralement à mi-hauteur de l’aile thyroïdienne.
1 Exposition de l’aile cartilagineuse thyroïdienne : le muscle sterno-
cléido-hyoïdien est sectionné le plus bas possible et récliné vers le
haut. Le muscle sternothyroïdien est légèrement décollé et récliné
1 vers l’arrière. Ainsi, l’aile thyroïdienne est exposée dans sa partie
15mm
1'
purement laryngée entre l’angle antérieur en avant, les bords
3,5mm supérieur et inférieur en haut et en bas, et en arrière la crête oblique.
2 Réalisation de la fenêtre cartilagineuse : de forme rectangulaire à grand
2 axe horizontal, la fenêtre cartilagineuse est tracée sur une ligne
située à mi-hauteur entre l’angle de l’échancrure thyroïdienne et le
*
A *
B bord inférieur du cartilage. Ses dimensions sont chez l’homme de
5 mm de largeur pour 12 mm de long et chez la femme de 4 mm de
large pour 10 mm de long. Le bord supérieur de la fenêtre doit se
positionner en regard du bord supérieur de la corde vocale, sur une
1'
ligne située à mi-chemin entre le fond de l’échancrure thyroïdienne
1 et le bord inférieur du cartilage.
2
Chez l’enfant et la femme, le cartilage peut être sectionné au bistouri
1 en prenant garde de ne pas léser le périchondre interne. On utilise
2
ensuite un décolleur mousse pour finir de libérer le volet
cartilagineux. Chez l’homme, l’ossification cartilagineuse peut
rendre nécessaire l’utilisation d’une scie fine ou d’un foret.
Une fois le volet totalement libéré, il est impacté à l’intérieur et
*
C *
D
maintenu par une ou plus volontiers aujourd’hui deux pièces
1 Repérage de la région glottique et thyroplastie type I. 1, 1’. Taquets cartilagineux ; cartilagineuses préalablement prélevées au bord supérieur de l’aile
2. aile thyroïdienne impactée. thyroïdienne. Les fragments cartilagineux sont placés verticalement
A. Tracé des incisions du cartilage et prélèvement sur l’aile thyroïdienne. en dehors du périchondre thyroïdien, l’un antérieur, l’autre
B. Fragments cartilagineux en place (1, 1’). postérieur bloquant en dedans l’aile thyroïdienne impactée. Le
C. Coupe frontale. fragment postérieur est taillé légèrement plus volumineux que
D. Coupe transversale.
l’antérieur pour avoir un effet plus important à la partie postérieure
1915, Payr [53] propose la première technique de laryngoplastie, en de l’espace paraglottique afin de bien médialiser l’aryténoïde.
réalisant sur l’aile thyroïdienne un lambeau cartilagineux à charnière Les muscles sous-hyoïdiens sont suturés et la fermeture effectuée en
antérieure qu’il impacte à l’intérieur du larynx pour médialiser la deux plans sur drainage aspiratif.
corde paralysée. Mais la technique n’est pas poursuivie car la
correction obtenue est insuffisante. Seiffert en 1942 [63] , puis ¶ Problèmes techniques
Meurman en 1952 [41] modifient la technique de Payr en utilisant un
La thyroplastie de type I, simple dans sa description, reste de
greffon cartilagineux prélevé sur cadavre frais pour le premier et
réalisation délicate, avec un résultat conditionné par plusieurs
autologue pour le second. Ce greffon est inséré entre l’espace
paramètres d’ordre technique.
paraglottique et l’aile thyroïdienne, en regard de la corde vocale,
par thyrotomie paramédiane. Des problèmes d’effraction muqueuse,
Repérage du niveau de la corde vocale
d’œdème laryngé nécessitant une trachéotomie en urgence,
d’infection et d’extrusion du greffon compliquent cette technique. Si le tracé de la fenêtre cartilagineuse est trop haut situé, l’impaction
Opheim en 1955 [49] publie une observation où il introduit un se fait au niveau du ventricule ou de la bande ventriculaire. Si ce
fragment cartilagineux, prélevé sur le bord supérieur de l’aile tracé est trop bas, la médialisation s’effectue en sous-glotte dans le
thyroïdienne, dans l’espace paraglottique, mais un hématome cône élastique. Plusieurs modèles de repérage anatomique ont été
postopératoire limite le succès de l’intervention. Guerrier, en 1962, proposés pour remédier à cette incertitude de situation du niveau
décrit la laryngoplastie telle que nous la pratiquons encore de la corde vocale. Isshiki [24, 25] situe la corde vocale sur une ligne
aujourd’hui [22] (fig 1). La médialisation de la corde vocale est horizontale passant à mi-chemin entre le fond de l’échancrure
obtenue en impactant dans l’espace paraglottique en sous- thyroïdienne et le bord inférieur du cartilage. Koufman [33] considère
périchondral un volet cartilagineux rectangulaire taillé dans l’aile cette ligne comme le repère du bord supérieur de la corde vocale et
thyroïdienne et maintenu en place par une pièce cartilagineuse situe à ce niveau la limite supérieure de la fenêtre cartilagineuse.
prélevée sur le bord supérieur de l’aile thyroïdienne. Meiteles [40], après une étude anatomique du larynx, donne comme
C’est Isshiki qui va formaliser les différentes techniques de repère une ligne qui s’étend de la mi-hauteur du cartilage sur la
laryngoplastie en 1974 [25, 26]. Quatre types de thyroplastie sont décrits ligne médiane jusqu’à la jonction des deux tiers supérieurs et du
en fonction du mécanisme de la dysphonie à traiter, le type I tiers inférieur du bord postérieur de l’aile thyroïdienne. En fait, il
correspondant à la médialisation de la corde vocale. La fixation de existe des différences anatomiques individuelles. Aussi, il a été
l’embarrure du fragment cartilagineux est réalisée au moyen d’un proposé de localiser la corde vocale au moyen d’aiguilles fines
implant en silicone. La thyroplastie de type I a été ensuite reprise et transfixiant l’aile thyroïdienne et dont le positionnement dans la
plus ou moins modifiée [32, 33]. lumière laryngée est contrôlé par nasofibroscopie souple [7]. Ce
système de repérage peut avoir un intérêt chez les patients aux
¶ Technique opératoire antécédents de thyrotomie ou de traumatisme laryngé.
Ce geste peut être réalisé plus ou moins facilement sous anesthésie
Situation et dimensions de la fenêtre cartilagineuse
locale avec une prémédication, mais on a assez souvent recours à
une anesthésie générale [13]. On reproche à l’anesthésie générale La hauteur et la largeur de la fenêtre peuvent être établies au moyen
l’intubation trachéale qui gêne la médialisation aryténoïdienne, d’une formule qui tient compte des dimensions de l’aile
empêche la vérification endoscopique peropératoire. L’opération thyroïdienne. Koufman retrouve habituellement les dimensions
peut être faite éventuellement sous jet ventilation. Le patient est placé suivantes : 5-6 mm sur 12-15 mm chez l’homme, et 4-5 mm sur 10-
en décubitus dorsal avec un léger billot sous les épaules, la tête 12 mm chez la femme [32, 33] . Selon la technique d’Isshiki, des
tournée du côté opposé à l’hémilarynx immobile. dimensions de 5 mm sur 10 mm, qui sont en rapport avec le type

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

d’implant en silicone, sont le plus couramment utilisées [24, 61]. La


limite antérieure de la fenêtre doit se trouver à 5-7 mm de la ligne
médiane [26]. Il n’est pas nécessaire de médialiser trop la partie
antérieure de la corde vocale et le décollement du périchondre
interne très fin à proximité de la commissure antérieure expose à
une déchirure. C’est principalement l’impaction du tiers postérieur
de la corde vocale qui corrige la fuite.
Médialisation de la corde vocale
Sous anesthésie locale, il est possible d’ajuster le degré d’impaction
du fragment cartilagineux en demandant au patient de vocaliser afin
d’obtenir la meilleure voix possible. On peut s’aider d’un
nasofibroscope relié à une caméra vidéo pour contrôler le résultat 2 Médialisation de la corde vocale par implant en silicone (Montgomery).
anatomique [39]. La tête du malade doit être en position neutre, le
larynx en position physiologique. Sous anesthésie générale, une satisfaits de la qualité de leur voix après thyroplastie [13, 36]. Les
vérification laryngoscopique apparaît indispensable sur larynx patients apprécient l’amélioration de l’intensité de la voix projetée,
extubé. la baisse de la fatigabilité vocale. Ces résultats assez favorables
Contention du fragment cartilagineux impacté contrastent avec les résultats d’analyse vocale. La persistance d’une
Elle est effectuée au moyen de deux autres fragments cartilagineux fuite glottique est retrouvée dans 79 % des cas, même si celle-ci n’est
prélevés au bord supérieur de l’aile thyroïdienne et dont les fonctionnellement gênante que pour 26 % des patients [13]. La mesure
dimensions sont adaptées à celles de la fenêtre [21]. L’épaisseur de ce du débit d’air buccal, qui mesure la compétence du sphincter
deuxième fragment est ajustée en fonction de l’importance de glottique, demeure abaissée dans la plupart des cas [13]. À long terme,
l’impaction à réaliser. Après décollement du feuillet périchondral on peut observer une certaine détérioration vocale quelques mois
interne, plus important à la partie supérieure de la fenêtre, le greffon après l’intervention, due à une rétraction progressive de la corde
est introduit en position verticale, en le poussant vers le haut. Une médialisée laissant réapparaître une béance postérieure [24]. Une
fois son extrémité supérieure totalement insérée, le greffon est résorption du cartilage thyroïdien au contact de l’implant pourrait
ramené vers le bas avec une pointe ou un microcrochet de façon à le aussi se produire et diminuer les résultats vocaux [39]. L’imagerie par
bloquer verticalement selon un dispositif en croix. Deux taquets résonance magnétique peut s’avérer, dans ces cas, utile pour
cartilagineux sont ainsi positionnés pour bien répartir la pression déterminer les causes et préciser les corrections à apporter.
d’impaction. Ce système empêche tout déplacement secondaire. Il
faut surcorriger l’adduction de la corde vocale paralysée car MÉDIALISATION PAR ADDUCTION ARYTÉNOÏDIENNE
l’œdème postopératoire, inévitable, augmente temporairement le
volume de l’hémilarynx. Cette technique vise à mobiliser le cartilage aryténoïde vers la ligne
médiane. En 1948, Morisson propose l’opération inverse de King qui
¶ Variantes techniques permet le déplacement et la fixation de l’aryténoïde en position
L’utilisation de fragments cartilagineux pour assurer le maintien médiane [46] . Par la suite, Montgomery décrit une technique
souffre quelques inconvénients : le volume et la forme des fragments d’arthrodèse cricoaryténoïdienne réalisée par thyrotomie
cartilagineux sont peu malléables, le positionnement et le blocage médiane [44]. Les problèmes liés à la fixation du cartilage font
du fragment peuvent être difficiles. D’autre part, il existe une abandonner ce procédé. En 1978, Isshiki, après analyse de ses échecs
certaine résorption dont on ne peut prédire l’importance. Mais ce de thyroplastie, met au point une technique d’adduction de
matériel a l’avantage d’être très bien toléré. Pour pallier à ces l’aryténoïde qui vise à la rotation médiale de l’aryténoïde [27]. Celle-ci
inconvénients, il a été développé des implants en silicone [32, 36, 39, 61]. lui permet de traiter des patients présentant une large fuite
De nombreux types, de forme et de taille variables, ont été mis au postérieure ou un décalage de hauteur des deux cordes vocales.
point ces dernières années [2, 33, 45]. Tous sont de forme asymétrique L’adduction de l’aryténoïde permet une remise en tension et corrige
triangulaire pour médialiser en priorité le tiers postérieur de la corde la différence de niveau en abaissant le processus vocal de la corde
vocale. Ils peuvent être préformés et s’utiliser avec une paralysée [24, 27, 64, 71]. Cette technique est toutefois d’exécution
instrumentation spécifique, ou découpés dans un bloc de Silastict délicate. De plus, l’irréversibilité du geste, par le traumatisme
en peropératoire. Des prothèses en silicone [45] sont utilisées en articulaire occasionné, et un taux de complications postopératoires
retirant le fragment cartilagineux de l’aile thyroïdienne ; la prothèse plus important qu’après une thyroplastie obligent à bien étudier
est insérée dans l’espace créé et maintenue emboîtée dans la fenêtre chaque indication.
cartilagineuse par son élasticité (fig 2). La taille de la fenêtre
cartilagineuse est prédéterminée en fonction de la grosseur du ¶ Technique opératoire (fig 3)
taquet en silicone que l’on souhaite mettre en place [45]. Ces implants L’intervention se déroule sous anesthésie locale, pour pouvoir
en silicone ont l’intérêt de pouvoir être retirés plus ou moins moduler l’importance de la médialisation aryténoïdienne en fonction
facilement, et ainsi de permettre la mise en place de la prothèse la de la voix en peropératoire. L’intubation trachéale interdit cette
plus adaptée [52]. intervention, l’appui de la sonde d’intubation empêchant la rotation
On peut rapporter l’utilisation de différents matériaux autres que le de l’aryténoïde. L’incision cutanée est pratiquée à la même hauteur,
silicone tels que des bandelettes de Gore-Text ou des implants en mais s’étend légèrement plus latéralement [24].
céramique ou en titane [18, 20, 60].
Exposition du bord postérieur de l’aile du cartilage thyroïde
¶ Complications
Les complications semblent peu fréquentes [26, 39]. Ont été rapportés Il est exposé après section de la moitié du muscle sternohyoïdien et
des œdèmes laryngés, des hématomes postopératoires, responsables réclinement du muscle constricteur moyen. Un crochet maintient
d’une dyspnée obstructive nécessitant rarement une trachéo- l’aile thyroïdienne en avant et le périchondre est incisé verticalement
tomie [33]. À distance de l’intervention, des cas de migration de le long du bord de l’aile thyroïdienne.
l’implant ou de laryngostome ont été rapportés [33]. Chez l’homme, où la largeur de l’aile thyroïdienne est importante,
on peut être obligé de sectionner la corne inférieure et supérieure
¶ Résultats du cartilage thyroïde ou toute l’aile thyroïdienne à 1 cm environ de
Plusieurs méthodes subjectives d’évaluation sont décrites. Sur une son bord postérieur. Ceci a pour objectif de ménager un abord de
échelle de qualité vocale, plus de 80 % des patients s’estiment l’aryténoïde suffisamment large. On peut recommander d’exposer

3
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

*
*
A

1 *
B *
C

1
4

5
2 6

*
D *
E *
F

3 Adduction aryténoïdienne (d’après Isshiki).


A. Principe de l’adduction aryténoïdienne.
B. Champ opératoire après section de l’articulation cricothyroïdienne.
1. Articulation cricothyroïdienne.
C. Localisation du processus vocal. 1. Bord postérieur de l’aile thyroï-
dienne sectionné ; 2. niveau de la corde vocale.
D. Environnement neuromusculaire de la face externe de l’aryténoïde
et de l’articulation cricoaryténoïdienne. 1. Muscle thyroaryténoïdien ;
2. nerf récurrent, branche antérieure ; 3. muscle cricoaryténoïdien
postérieur ; 4. muscle interaryténoïdien ; 5. nerf récurrent, branche
postérieure ; 6. muscle cricoaryténoïdien postérieur.
E. Mise en place des fils au travers de l’aryténoïde.
F. Mise en place du fil au travers du cartilage thyroïdien.
*
G G. Association à une thyroplastie type I.

l’articulation cricothyroïdienne, surtout si l’on pratique la section de maintenir durablement l’aryténoïde [ 2 4 , 7 1 ] . Si la béance est
la petite corne du cartilage thyroïde, car c’est un bon repère pour importante, on peut être amené à ouvrir largement la partie
localiser le processus musculaire. postérieure de l’articulation cricoaryténoïdienne pour accentuer la
médialisation [ 4 ] . La correction du déplacement vertical de
Localisation du processus musculaire de l’aryténoïde l’aryténoïde est difficile à apprécier mais semble être un facteur
important de la réussite fonctionnelle de l’intervention. Aussi, pour
Son repérage est difficile et Isshiki décrit quatre repères qui peuvent
favoriser la bascule de l’aryténoïde, il a été proposé un deuxième fil
aider à sa découverte [4, 27] :
de maintien, passé à la partie postérieure de l’aryténoïde et serré
– la projection de la corde vocale sur l’aile thyroïdienne, qui est au sur le cricoïde ou la corne inférieure du cartilage thyroïde [70, 71].
même niveau ;
Suture et traction
– l’articulation cricothyroïdienne, qui est située à moins de 1 cm ;
– le bord supérieur du cartilage cricoïde, qui indique son niveau ; Ces deux actions déterminent la position de l’aryténoïde. Il faut
déterminer au mieux la direction des fils et l’emplacement des deux
– la proéminence du processus musculaire, qui est palpable. Les orifices à faire dans le cartilage thyroïde. Il faut que l’un soit au tiers
fibres musculaires du cricoaryténoïdien postérieur et du antérieur et l’autre à la moitié de l’aile thyroïdienne (5 et 10 mm de
thyroaryténoïdien latéral, que l’on voit bien, convergent vers la ligne médiane), à 1 ou 2 mm en dessous du niveau de la corde
l’articulation cricoaryténoïdienne et aident ainsi au repérage [4]. vocale [64]. On doit veiller, lors du placement des pertuis à effectuer
Durant ce temps, il faut veiller à maintenir vers le haut le sinus dans le cartilage thyroïde, à ce qu’ils n’interfèrent pas avec une
piriforme qui peut recouvrir l’articulation. possible thyroplastie de type I.
L’aile thyroïdienne est remise en place médialement, un fibroscope
Ouverture de l’articulation cricoaryténoïdienne
est introduit par la narine, et la traction à exercer sur les fils est
L’ouverture de l’articulation met en évidence une structure d’aspect réglée au cours de la phonation, jusqu’à limiter la fuite glottique et
brillant et blanc. L’ouverture de l’articulation facilite le passage du améliorer la voix. On peut aider à la mobilisation en comprimant
fil au travers du muscle et du cartilage ; elle entraîne une ankylose l’aile thyroïdienne latéralement et en avant, ou en faisant une
de l’articulation qui maintient la position du cartilage après approximation cricothyroïdienne. Une tension excessive est
mobilisation. On utilise un fil de 3-0 ou 4-0, non résorbable, qui doit décelable en fibroscopie car la corde devient arquée, l’apophyse
être passé assez profondément dans le muscle et le cartilage pour vocale dépassant la ligne médiane.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

Si malgré une tension correcte il persiste une fuite, il faut coupler la


technique avec un déplacement médian de la corde vocale. Sinon, 4 Médialisation cordale endoscopique : points d’injection
(d’après Remacle).
les fils sont serrés sur un fragment de Silastict.

¶ Complications
Le repérage du processus musculaire de l’aryténoïde peut entraîner
quelques complications, en particulier l’ouverture du sinus
piriforme. Celui-ci peut recouvrir l’articulation cricoaryténoïdienne.
On doit donc veiller, avant d’ouvrir l’articulation, à bien palper le Les complications de cette technique sont rares, mais il a été
plan dur qui indique son emplacement. Le sinus piriforme doit, le rapporté des détresses respiratoires par obstruction laryngée due à
cas échéant, être maintenu récliné vers le haut. un œdème glottique ou à des volumes injectés trop importants, des
La qualité du cartilage thyroïde qui va assurer le maintien des fils granulomes qui semblent être la conséquence d’une injection trop
de traction est un élément important à prendre en compte. Une superficielle.
dislocation du cartilage thyroïde pendant son maintien en avant La voix, immédiatement après l’injection, retrouve une certaine
compromet l’intervention. Si le cartilage est trop large, il ne faut pas puissance, la fuite glottique est beaucoup moins importante. Ces
hésiter à le sectionner en avant de son bord postérieur. Cette résultats ont tendance à se dégrader ultérieurement par la résorption
manœuvre donne un accès suffisant à l’articulation crico- de la glycérine constituant la pâte du produit. Il est aussi reproché
aryténoïdienne et limite l’écartement. au Téflont de rendre la corde vocale rigide et de ne pas permettre
Il est important de ne pas surcorriger en amenant le processus vocal de bonnes vibrations en phonation.
au-delà de la ligne médiane, car le résultat vocal est alors mauvais.
Si l’on n’arrive pas à obtenir une voix satisfaisante en réglant la ¶ Injection de collagène (fig 4)
tension sur les fils, on peut avoir recours à trois méthodes : une
approximation aryténoïdienne qui médialise légèrement la corde Ce produit a suscité beaucoup d’intérêt. Il a été ces dernières années
vocale, une ouverture plus importante de l’articulation le produit de référence des injections intracordales. Les produits
cricoaryténoïdienne, ou la combinaison avec une thyroplastie [24]. commercialisés en France, d’origine bovine, ont été retirés en partie
à cause des risques liés aux injections de produits allogènes.
¶ Résultats Certains, d’origine bovine, restent commercialisés mais n’ont pas
Il existe peu de travaux rapportant des résultats sur des séries d’autorisation de mise sur le marché pour les injections
conséquentes. Il s’agit d’une intervention dont les indications sont intracordales. Ces restrictions peuvent être contournées en
assez rares, et elle est peu proposée en première intention. Mais les pratiquant des injections de collagène autologue obtenu à partir de
résultats rapportés semblent excellents pour des cas bien choisis la graisse du patient [54]. Mais le coût d’une telle mesure semble
[24, 27, 64, 70]
. Elle peut être couplée ou complétée avec des techniques interdire son utilisation en pratique courante. Les résultats rapportés
d’injection, surtout pour les cas où il existe une rétraction de la étaient bons, tous les patients étant améliorés, la plupart
partie membraneuse de la corde vocale [70]. considérablement [56]. Il pouvait exister des réactions allergiques qui
obligeaient à la pratique préalable de tests sous-cutanés, mais le
produit était en général bien toléré.
MÉDIALISATION PAR VOIE ENDOSCOPIQUE :
INJECTIONS INTRALARYNGÉES
¶ Injection de bioplastique
L’idée de médialiser la corde vocale paralysée est ancienne, datant
du début du XXe siècle. Bruning, en 1911, met au point une seringue Ce sont des particules solides de silicone élastomère
spéciale pour l’injection de paraffine. Cette méthode fut ensuite (polydiméthylsiloxane), en suspension dans un gel vecteur. Le
abandonnée à cause des effets secondaires, en particulier les produit s’emploie avec un pistolet adapté sur lequel on monte la
paraffinomes et les embolies qui survinrent. Différents produits seringue de 1,3 mL. L’injection se fait à la jonction du tiers postérieur
furent testés ensuite, en particulier le Gelfoamt qui a l’inconvénient et du tiers moyen de la corde vocale, en sous-muqueux et
d’être résorbé assez rapidement. On attend trois caractéristiques du éventuellement en intramusculaire à la partie antérieure de la corde,
produit à injecter : qu’il soit bien toléré par le tissu qui le reçoit, jusqu’à obtenir un bombement suffisant. Les résultats phonatoires
qu’il ne soit pas résorbé, qu’il soit suffisamment malléable pour être de ce produit sont identiques à ceux du collagène. Le produit est
injecté [43]. très bien toléré et devrait faire prochainement l’objet de publication
de résultats.
¶ Injection de Téflont
C’est le Téflont qui, à partir de 1960, fut utilisé. Ce produit composé ¶ Injection de graisse autologue [30]

de particules de 50 à 100 µm a l’avantage d’être inerte dans


Cette technique est d’introduction récente. C’est après des travaux
l’organisme qui le résorbe peu. Les résultats rapportés sont dans la
préliminaires chez le chien que son utilisation chez l’homme
majorité des cas corrects, mais des effets secondaires ont été
commence, en 1991 et 1992 [23, 42]. La graisse autologue peut être
observés, en particulier une inflammation chronique par corps
étranger, une tendance à la formation de nodules et la possibilité de transplantée dans n’importe quel endroit de l’organisme où elle
migration et d’obstruction respiratoire [37]. Le bord libre de la corde s’incorpore au tissu qui la reçoit sans entraîner de réaction à corps
vocale peut prendre un contour irrégulier, modifiant les vibrations étranger [ 6 ] . De petites quantités de produit injectées se
vocales. revascularisent rapidement au contact des tissus adjacents [6]. Ce
matériau autologue a donc l’intérêt d’entraîner très peu d’effets
L’injection se pratique plutôt sous anesthésie générale, à l’aide d’un
secondaires, mais il est en partie résorbé par l’organisme et il est
pistolet à piston cranté. Il est recommandé d’injecter en un seul
impossible d’en prédire l’importance. Des études ont montré la
point, à 2 mm en avant et en dehors de l’apophyse vocale, un
persistance d’environ 20 % du produit dans les cordes vocales de
volume de 1,5 à 3 mL. L’appréciation du volume à injecter est en
chien [43]. Pour compenser la résorption, il est donc recommandé de
fait empirique et sous contrôle visuel. On peut également injecter en
un deuxième point au tiers moyen. L’injection doit se faire dans le surcorriger.
muscle vocal. Il faut veiller à ne pas être trop en profondeur ou trop La graisse est prélevée au niveau abdominal par une canule à
superficiel et à ne pas transfixier la corde car le produit se dépose liposuccion ou une seringue de 14 G montée sur une seringue de
alors en sous-glottique. 50 mL qui permet une pression suffisante pour aspirer la graisse.

5
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

La pression ne doit pas être trop importante pour ne pas puisqu’il est rapporté 88 % de remobilisation, soit complète avec une
endommager les cellules, mais malgré ces précautions, environ la adduction et une abduction, soit partielle avec une adduction
moitié des adipocytes prélevés sont endommagés [6]. On peut constante [67, 68].
estimer à 90 % la viabilité des adipocytes prélevés non
traumatisés [6]. Il est nécessaire de prélever environ 4 cm3. La
graisse est placée ensuite dans le fût d’un pistolet à injection muni Indications
d’un piston cranté. On peut également prélever la graisse par
excision. Aucune étude n’a montré une meilleure conservation des Le traitement dépend du degré d’abduction de la corde vocale et de
cellules par l’une ou l’autre méthode [59]. l’étiologie. L’importance de la dysphonie est fonction de la fuite
L’injection est effectuée sous microlaryngoscopie en suspension, phonatoire et de l’atrophie cordale. En cas de dénervation, la corde
patient sous anesthésie générale et intubé ou sous anesthésie locale va progressivement s’atrophier et la dysphonie sera d’autant
avec sédation. L’injection est pratiquée en trois points dans le muscle augmentée. Il faut attendre au moins 6 mois avant d’envisager un
traitement chirurgical, que l’on n’entreprend qu’après une
vocal (thyroaryténoïdien) [42], jusqu’à obtenir un aspect concave du
rééducation.
bord libre de la corde qui est le témoin de la surcorrection [6]. Une
antibiothérapie peropératoire est prescrite. Aucune restriction vocale Il faut insister dans tous les cas sur la difficulté à évaluer le problème
postopératoire ne semble nécessaire. vocal, souvent multifactoriel lors du bilan préopératoire, et à prédire
les résultats d’une intervention. [64] . L’œdème postopératoire,
La qualité vocale obtenue est le plus souvent excellente, la corde l’atrophie ultérieure par la cicatrisation, la résorption des matériaux
vocale conservant de bonnes qualités vibratoires. La graisse, même implantés ou du cartilage de maintien rendent le résultat longtemps
si une quantité non négligeable est résorbée, peut être mise en incertain.
évidence histologiquement plusieurs mois après l’injection [1].
Le collagène, qui avait donné de bons résultats [56], ne peut plus être
utilisé. Le Téflont, malgré certains inconvénients (résultats vocaux
¶ Limitations des injections intracordales irréguliers, problèmes de migration, doutes sur une oncogénicité du
matériau) reste utilisé [11]. D’Antonio, lors d’une analyse objective
Ces méthodes rapides, simples, pratiquées sous laryngoscopie en
postopératoire des fonctions laryngées, compare la thyroplastie de
suspension, nécessitent cependant une exposition suffisante du
type I et l’injection de Téflont : une meilleure qualité vocale et des
larynx. Il existe quelques limites à leur emploi. La principale est données aérodynamiques plus proches de la normale après
l’impossibilité d’arriver à obtenir une fermeture postérieure thyroplastie sont rapportées [10]. Depuis quelques années, l’injection
suffisante. Même dans le cas d’injection satisfaisante, il persiste de graisse autologue est utilisée avec succès. Actuellement, c’est
toujours une béance postérieure due à la position en abduction de probablement la méthode la plus utilisée en première intention. Elle
l’aryténoïde. Elle peut être la cause d’une détérioration vocale bénéficie d’une technique de prélèvement simple, est bien tolérée,
ultérieure. Cette béance est éventuellement compensée par la bascule donne des résultats durables et la graisse, en permettant les
de l’aryténoïde saine, mais seule une technique d’adduction vibrations normales de la corde vocale, procure une bonne qualité
aryténoïdiennne peut complètement améliorer la configuration de vocale. Elle permet une résolution rapide et simple du problème
la glotte postérieure. vocal, elle peut être reconduite et la pratique de thyroplastie en cas
L’autre problème est la difficulté d’injecter le produit exactement d’échec ou d’insuffisance reste possible. D’autres techniques, en
dans l’espace voulu, surtout en cas d’atrophie cordale ou de perte particulier les injections de macroplastique, devraient se développer
dans l’avenir.
de substance due à une chirurgie. Dans ces cas, le tissu cicatriciel
peut empêcher la médialisation correcte, empêcher la répartition du La thyroplastie de type I est donc actuellement préconisée dans le
produit injecté dans la corde qui s’agglutine au point d’injection, traitement de la paralysie laryngée unilatérale non régressive, après
donnant un aspect bosselé au bord libre de la corde vocale. 6 mois de rééducation et après échec des techniques d’injection [24].
La thyroplastie est une technique idéale en cas de sacrifice nerveux
obligatoire, car elle peut être réalisée dans le même temps opératoire
RÉINNERVATIONS et minimise au mieux les inconvénients de la section nerveuse. Cette
technique reste peu efficace en cas d’atrophie cordale et de béance
¶ Anastomoses nerveuses postérieure importante. L’atrophie cordale entraîne une différence
de niveau des cordes vocales. Or, la thyroplastie corrige peu ce
Elles sont du domaine de la chirurgie expérimentale et n’ont pas défaut et les vibrations vocales ne sont pas améliorées. Une béance
pour l’instant d’implications cliniques en dehors de cas très postérieure importante est la limite principale des thyroplasties de
particuliers. type I. Même en plaçant la fenêtre le plus en arrière possible sur le
cartilage thyroïde, on agit mal sur l’espace interaryténoïdien. Dans
¶ Lambeau neuromusculaire ces cas, on est amené à proposer une adduction aryténoïdienne qui
est une technique assez spécifique de correction des béances
Dérivée de la description de Tucker, cette technique est surtout postérieures. En dehors de la remise en tension de la partie
utilisée pour les paralysies bilatérales, mais a été utilisée pour les membraneuse de la corde vocale, elle agit peu sur la partie
paralysies unilatérales en implantant le pédicule neuromusculaire antérieure des cordes vocales. Il peut être nécessaire de compléter
dans le muscle thyroaryténoïdien latéral. l’intervention par une injection intracordale ou une thyroplastie.
C’est plus particulièrement le cas s’il existe une atrophie cordale
Technique avec un aspect arqué [70]. Dans les paralysies anciennes, il a été bien
constaté que la correction de la béance postérieure n’amène pas
On repère le tendon du muscle omohyoïdien et sa branche motrice obligatoirement d’amélioration vocale, car il est difficile d’agir sur la
provenant de la branche descendante du XII. On peut effectuer un longueur de la corde atrophiée [70]. Mais l’adduction aryténoïdienne
test de stimulation du nerf à 1 mA pour vérifier la contraction est une intervention d’exécution délicate, à pratiquer sous anesthésie
musculaire. On prélève un fragment de muscle d’environ 2-3 cm, locale pour obtenir un réglage précis de la tension à appliquer sur
l’aile thyroïdienne est exposée et un fragment de cartilage et son les fils de rappel.
périchondre interne sont retirés en regard de la corde vocale. Le Les réinnervations, compte tenu des techniques à disposition et de
muscle thyroaryténoïdien latéral ainsi exposé, on suture le fragment leurs résultats (injection, thyroplastie et adduction) ne peuvent
neuromusculaire. Il a été montré par des prélèvements histologiques trouver d’indication en pratique courante, hormis des cas très
la réalité de la réinnervation. D’après Tucker, les résultats sont bons particuliers.

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

Paralysies laryngées bilatérales


La paralysie bilatérale des cordes vocales est une immobilité Paralysies laryngées en fermeture.
glottique bilatérale par atteinte des voies nerveuses motrices du
larynx. La paralysie des dilatateurs, ou syndrome de Gerhardt, en
Techniques chirurgicales
représente la forme la plus fréquente, caractérisée par une
TRACHÉOTOMIE
dyspnée inspiratoire d’intensité variable et une voix relativement
conservée. À l’inverse, le syndrome de Ziemsen, ou paralysie en Elle permet de résoudre rapidement, quelle que soit l’étiologie, une
ouverture, est plus rare et entraîne des fausses routes dyspnée aiguë et d’attendre une possible récupération motrice
laryngotrachéales et une dysphonie. Bien d’autres étiologies spontanée. L’adaptation d’une canule trachéale à clapet aboutit à un
résultat optimal, tant sur le plan respiratoire que phonatoire, mais le
d’immobilité glottique bilatérale (arthrite cricoaryténoïdienne,
caractère invasif de ce traitement incite à considérer d’autres
maladie de surcharge et lésions cicatricielles de la commissure
techniques. Il n’y a pas lieu ici de développer la technique de
postérieure) s’inscrivent dans la même problématique clinique et
trachéotomie.
thérapeutique [28]. Les techniques détaillées ici sont généralisables
au traitement de toutes les immobilités glottiques bilatérales, CHIRURGIE D’ÉLARGISSEMENT
exception faite des techniques de réhabilitation nerveuse, à DE LA GLOTTE POSTÉRIEURE
réserver aux atteintes neurogènes. Ces procédés visent à restaurer une filière respiratoire suffisante, au
prix d’une diminution des capacités phonatoires. Par voie cervicale
Nous décrivons les techniques indiquées dans les immobilités
ou endoscopique, les différents procédés doivent procurer de bons
glottiques bilatérales en ouverture, nous n’envisageons pas les
résultats respiratoires, avec un compromis acceptable sur le plan
techniques de correction de la béance glottique des immobilités
phonatoire. La voix est d’autant plus affaiblie que la corde vocale
en ouverture, qui sont très rares et posent des problèmes est impliquée dans la résection ou dans la latéralisation et que la
spécifiques. fuite postérieure est importante.
¶ Exérèse endoscopique par laser CO2
Avant de détailler les différentes interventions utilisant le laser CO2,
Évaluation préopératoire nous renvoyons le lecteur aux techniques de l’installation opératoire
et aux techniques anesthésiques adaptées à cette chirurgie [65]. Le
Actuellement, le traitement ne doit s’envisager qu’après un bilan laser CO 2 est utilisé en tir continu ou en superpulse avec un
morphologique et fonctionnel du larynx. L’examen en laryngoscopie microspot de 0,8 mm. Les gestes peuvent être réalisés sans
indirecte avec stroboscopie apprécie le degré d’atrophie musculaire, trachéotomie. L’intervention se fait sous intubation trachéale ou
sans, avec une Venturi Jet Ventilation. Aucun traitement
la dynamique laryngée en phonation, les vibrations cordales. Dans
antibiocorticoïde n’est nécessaire en postopératoire. Un tissu
le cas particulier des paralysies bilatérales, l’examen des paires
fibrineux recouvre le site opératoire dès le deuxième jour
crâniennes est soigneux, à la recherche d’une atteinte associée. Une
postopératoire et disparaît dans le courant de la troisième semaine,
endoscopie sous anesthésie générale peut être utile. Elle permet date à laquelle la cicatrisation est obtenue.
d’apprécier la mobilité de l’articulation cricoaryténoïdienne, de
rechercher une sténose sous-glottique associée. Le bilan Aryténoïdectomie endoscopique totale (fig 5) [50, 51]
électromyographique est d’un bon apport pour différencier une Pour cette chirurgie d’exérèse, Ossoff préconise le recours à une
paralysie d’une simple ankylose cricoaryténoïdienne et distinguer trachéotomie que nous ne pratiquons pas systématiquement. Le
les différents types d’atteintes nerveuses. larynx peut être exposé par un laryngoscope pour commissure

*
A *
B *
C

5 Aryténoïdectomie totale (d’après Ossoff).


A. Ablation de la muqueuse et du cartilage corniculé.
B. Diminution progressive de la hauteur de l’aryténoïde.
C. La base de l’aryténoïde reste en place.
D. Fin de l’intervention.

*
D

7
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

Les troubles de la déglutition après cette technique sont fréquents,


volontiers infracliniques, et peuvent nécessiter une prise en charge
orthophonique.

Aryténoïdectomie endoscopique partielle

• Aryténoïdectomie médiale
L’indication s’applique à des cas de dyspnée moins sévère et donc à
3 des patients non trachéotomisés. Ce geste est supposé diminuer la
1 2 1 rançon phonatoire de l’aryténoïdectomie totale. Le principe est
4 d’élargir sélectivement la glotte respiratoire sans modifier la glotte
phonatoire ni les insertions musculoligamentaires des cordes
3 vocales.
Après vaporisation du mucopérichondre aryténoïdien, la résection
est menée entre, en avant le processus vocal, et en arrière l’angle
6 Aryténoïdectomie subtotale (d’après Remacle). Limites de résection. postéromédial du cartilage aryténoïde. La résection prend une forme
semi-circulaire concave en dedans, de 1 à 2 mm de profondeur. La
postérieure (type Ossoff). Nous utilisons un laryngoscope durée opératoire est brève.
conventionnel de type Bouchayer, positionné pour exposer un Un geste controlatéral peut être réalisé 3 mois plus tard si le résultat
cartilage aryténoïde, la commissure postérieure, la fente respiratoire est insuffisant. Cependant, les suites fonctionnelles à
interaryténoïdienne et au moins la moitié de l’autre cartilage long terme sur des séries de patients conséquentes ne sont pas
aryténoïde. Pour ce faire, la sonde endotrachéale en caoutchouc, de documentées. Enfin, un geste d’aryténoïdectomie partielle après
5 ou 5,5 mm, est chargée par le laryngoscope et repoussée en avant. radiothérapie cervicale n’est pas recommandé, en raison du risque
Ceci permet de libérer le champ opératoire et d’avoir une bonne de chondronécrose aryténoïdienne [9].
vision de l’aryténoïde à opérer. Le microscope opératoire, couplé au
laser CO2, est équipé d’une focale de 400 mm, focalisé pour obtenir • Aryténoïdectomie subtotale (fig 6)
un microspot de 0,8 mm. Les cartilages corniculé et aryténoïde sont
En raison d’un risque de fausses routes définitives en cas
diminués progressivement de haut en bas. Deux modes de réglages
d’aryténoïdectomie totale, Remacle préconise la conservation du
laser sont utilisés alternativement : mode intermittent de 0,1 s, avec
versant pharyngé du cartilage aryténoïde [55]. L’exérèse débute par
une puissance approximative de 2 W/cm2 pour la vaporisation du
la section de la corde vocale au raz du processus vocal et se poursuit
mucopérichondre ; mode continu avec une puissance de plus de
en dehors et en arrière dans le plancher ventriculaire jusqu’à
3 W/cm2 pour la vaporisation du cartilage lui-même. Ce temps est
atteindre la face latérale du cartilage aryténoïde. La section passe
mené jusqu’à ne laisser que la base du cartilage aryténoïde. Puis, de
par le versant laryngé du cartilage aryténoïde, ce qui préserve un
dehors en dedans, le ligament latéral est sectionné et le restant du
versant pharyngé de 2 à 3 mm. La commissure postérieure est
cartilage aryténoïde est vaporisé jusqu’à atteindre le rebord du
épargnée, habituellement protégée par la sonde d’intubation
cartilage cricoïde en profondeur, mais le processus musculaire, ainsi
trachéale. La section du corps du cartilage aryténoïde laisse un mur
que l’insertion du muscle interaryténoïdien, sont préservés. Durant
postérieur de 2 mm et épargne le processus musculaire. Le geste
ce temps opératoire, il est pris soin de ne pas léser la muqueuse de
dure entre 25 et 30 minutes.
la fente interaryténoïdienne. En avant, le processus vocal, ainsi que
la partie adjacente du muscle vocal, sont vaporisés. La résection La survenue de synéchies postérieures est possible. Des fausses
muqueuse débute 2 à 3 mm en avant du processus vocal et prend routes liquidiennes sont courantes durant les premiers jours
une direction postérieure et latérale, ce qui produit une encoche dans postopératoires et sont rapidement compensées.
la corde vocale et l’espace paraglottique de forme triangulaire dont
la base répond à la fente glottique. Enfin, une encoche est réalisée • Variantes chirurgicales
dans la partie postérieure du plancher ventriculaire, procurant une Certains auteurs [12, 15] ont développé des techniques endoscopiques
cicatrisation favorable au maintien de l’ouverture néoglottique. de lambeaux muqueux pour traiter les synéchies glottiques
De rares cas de synéchies postérieures sténosantes ou de granulomes postérieures et les sténoses laryngées (fig 7). Ainsi, il a été proposé
ont été rapportés et la qualité vocale semble relativement altérée [50]. un lambeau à charnière antérieure afin de procéder à l’aryté-

7 Aryténoïdectomie, variante avec lambeau (d’après Rontal).

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

attaches ligamentaires et musculaires de la corde vocale qui


participent à l’adduction aryténoïdienne [58]. La glotte postérieure
s’ouvre après cette section, sous l’effet actif et passif (élastique) des
muscles cricoaryténoïdien latéral et cricoaryténoïdien postérieur,
ainsi que des autres structures élastiques du larynx. En effet, en
l’absence de l’action du ligament vocal, du muscle vocal, du muscle
thyroaryténoïdien latéral et du muscle interaryténoïdien, le cartilage
aryténoïde bascule en dehors pour peu que la liberté de l’articulation
cricoaryténoïdienne soit conservée. Cette intervention ne peut
s’envisager qu’après s’être assuré de l’absence de fixation de
l’articulation cricoaryténoïdienne (étude électromyographique et
laryngoscopie directe avec palpation laryngée).
La glotte postérieure est exposée par un laryngoscope et infiltrée
avec une solution de lidocaïne à 1 % et d’épinéphrine à 1/100 000.
8 Cordectomie partielle postérieure (d’après Dennis). Une incision arciforme à concavité médiale est tracée sur le versant
interne du cartilage aryténoïde, partant en arrière de la commissure
noïdectomie et la section des cicatrices sous-muqueuses postérieure avant jusqu’à la pointe du processus vocal [58]. La
interaryténoïdiennes. Le principe avancé est d’éviter toute lésion de muqueuse et le périchondre aryténoïdien sont relevés en dedans,
l’« angle postérieur », angle de raccordement du mur postérieur et découvrant le processus vocal et la face médiale du cartilage
du mur latéral [57]. aryténoïde (mur latéral de la glotte postérieure). Le muscle
interaryténoïdien et le fascia épais le recouvrant sont repérés et
Cordectomie détachés du cartilage aryténoïde. En avant, le processus vocal est
séparé du corps du cartilage aryténoïde, ce qui libère le muscle
thyroaryténoïdien médial (vocal) et le ligament vocal. Puis le muscle
• Cordectomie partielle postérieure [14] (fig 8)
latéral est décroché de son attache aryténoïdienne. Le lambeau
Cette technique est dite meilleure pour la voix et ne nécessite pas de mucopérichondral est rabattu en arrière afin de recouvrir le site
trachéotomie. opératoire et est maintenu en place par quatre à cinq points 5-0. Un
La résection emporte une pièce en forme de « C » de 4 mm de geste controlatéral mineur (sans section du processus vocal) peut
diamètre dans le bord libre de la partie la plus postérieure de la être réalisé en cas d’insuffisance de résultat.
corde vocale membraneuse. La section s’effectue en avant du Dans les cas rapportés, tous les patients étaient trachéotomisés [58].
processus vocal, sans exposition cartilagineuse. Un geste mineur Tous ont été décanulés, un geste bilatéral a été nécessaire dans un
peut être répété sur la corde vocale controlatérale en cas cas.
d’insuffisance de résultat 6 à 8 semaines plus tard [3, 34].
Latérofixation par voie combinée (cordopexie) (fig 10)
Latéralisation endoscopique par laser CO2 ou cordotomie Cette technique assure l’ouverture glottique par un fil de pexie qui
postérieure (fig 9) latéralise la partie postérieure de la corde vocale [17].
La ténotomie est une chirurgie de section et non d’exérèse. Elle Le geste est effectué sous anesthésie générale. Il combine un abord
permet l’élargissement de la filière laryngée par libération des latérocervical et une exposition laryngoscopique en suspension. Le

3
4

*
A *
C
*
B

9 Cordotomie postérieure (d’après Rontal).


A. Vue schématique de la glotte postérieure. 1. Muscle thyroaryténoïdien latéral ; 2. muscle interaryténoïdien pos-
térieur ; 3. muscle cricoaryténoïdien latéral ; 4. muscle cricoaryténoïdien postérieur.
B. Points d’impact laser.
C. Résultat : section de l’apophyse vocale, du ligament vocal, du cartilage aryténoïde latéral, de l’interaryténoïdien,
rotation externe de l’aryténoïde.
D. Exérèse bilatérale.

*
D

9
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

Ceci est une modification ultérieure à la description initiale de


l’intervention qui, chez l’adulte, accentue la latéralisation de
l’aryténoïde. La pexie est assurée par deux fils transfixiant le
cartilage thyroïde, prenant en avant le processus vocal et en arrière
le corps aryténoïdien. Ces fils sont passés par deux orifices pratiqués
dans l’aile thyroïdienne et serrés. L’aryténoïde est ainsi plaqué contre
la face interne de l’aile thyroïdienne. La fermeture est classique plan
par plan.
On peut vérifier le résultat par une fibroscopie. L’intervention ne
nécessite pas systématiquement de trachéotomie.
Le risque principal de cette intervention est la pénétration dans la
lumière laryngée, en particulier au niveau de l’apophyse vocale. La
rupture de l’aryténoïde en plusieurs fragments est l’autre
*
A complication qui compromet la suite de l’intervention.
*
B Les résultats sont conditionnés par la solidité et la flexibilité de l’aile
thyroïdienne, ainsi que par la mobilisation de l’aryténoïde. Elle doit
10 Cordopexie (d’après Ejnell).
être complètement désinsérée chez l’adulte pour assurer une
A. Points de transfixion du cartilage thyroïde. 1. Ligne oblique ; 2. points
de perforation du cartilage thyroïde. abduction suffisante.
B. Les fils tracteurs sont noués à l’extérieur, soit définitivement en sous-cutané,
soit temporairement sur un bouton. Aryténoïdectomie subtotale et pexie [69] (fig 12)
À la différence de la technique de King, Woodman résèque le corps
patient est ventilé par une sonde endotrachéale ou au moyen d’une du cartilage aryténoïde et réalise une pexie du processus vocal sur
jet ventilation par un cathéter transtrachéal. Le larynx est abordé la petite corne du cartilage thyroïde. C’est une technique à appliquer
directement par une incision cervicale de 3 cm après exposition de si l’aryténoïde se rompt lors d’une aryténoïdopexie [21].
l’aile thyroïdienne intéressée. Un cathéter de 1,2 sur 50 mm est
introduit à travers le cartilage thyroïde, 2 à 3 mm en dessous et 4 à Aryténoïdectomie par thyrotomie antérieure [62] (fig 13)
5 mm en avant du milieu de la crête oblique. Le contrôle Cette technique permet l’aryténoïdectomie et la pexie de la corde
endoscopique vérifie que le cathéter est positionné au-dessus du vocale membraneuse par voie transthyroïdienne. Elle est
plan glottique et juste en avant du processus vocal. Le second actuellement peu pratiquée, en dehors de certaines équipes qui la
cathéter est introduit 5 mm en dessous du précédent. Après s’être réservent aux cas pédiatriques (cf infra).
assuré du bon positionnement du second cathéter, un monofilament
Le larynx est ouvert par thyrotomie médiane. L’aryténoïde est incisé
non résorbable est passé par les cathéters, en boucle, autour de la
sur sa face antérieure, l’apophyse vocale sectionnée. La dissection se
corde vocale. Après retrait des cathéters, le fil, s’appuyant
fait de l’avant vers l’arrière, en suivant bien le cartilage qui doit être
directement sur le cartilage thyroïde, est serré à la demande en
manipulé avec précaution du fait de sa fragilité. La section des
fonction du contrôle endoscopique. Actuellement, il est proposé une
insertions musculaires des cricoaryténoïdiens, latéral et surtout
instrumentation spécifique type aiguille de Reverdin qui permet la
postérieur, permet de mobiliser le cartilage. L’aryténoïde est extrait
réalisation de cette intervention par voie purement endoscopique [38].
après section de l’articulation cricoaryténoïdienne.
La durée opératoire est de 30 minutes environ. Un geste
controlatéral peut être mené et une reprise ipsilatérale est possible. Réinnervation des muscles dilatateurs
Les résultats rapportés par Lichtenberger laissent apparaître 78 %
Les techniques de réinnervation doivent être pratiquées avant la
(46 patients sur 59) de résultats positifs à la première intervention
survenue de l’atrophie musculaire d’une ankylose crico-
(ablation de la canule de trachéotomie, respiration satisfaisante).
aryténoïdienne.
Certains patients ont nécessité un geste controlatéral (dix
patients) [38] . Une série de 11 patients évalués après 5 ans au
• Transfert de pédicule neuromusculaire (fig 14)
minimum a été rapportée [19] : deux ont dû être réopérés pour
dyspnée persistante et un pour problèmes vocaux. Cette technique a Cette technique a été décrite et développée par Tucker en 1976 [67].
l’avantage d’être peu traumatisante. Elle est reconductible en cas de Elle visait initialement à restaurer une adduction active dans les cas
sur- ou de sous-correction. de paralysie unilatérale avec mobilité cricoaryténoïdienne conservée.
Le pédicule neuromusculaire prélevé selon la technique décrite est
¶ Chirurgie par voie cervicale implanté à la surface du muscle cricoaryténoïdien postérieur du côté
où l’articulation cricoaryténoïdienne a conservé la plus grande
Aryténoïdopexie par voie cervicale (intervention de King) [31] amplitude articulaire. Le muscle cricoaryténoïdien postérieur est
(fig 11) exposé en maintenant en avant l’aile thyroïdienne, en incisant le
constricteur inférieur au contact du cartilage thyroïde. L’aryténoïde
Cette intervention consiste à libérer les attaches musculaires du et le muscle cricoaryténoïdien postérieur, dont les fibres sont
cartilage aryténoïde pour le mobiliser et le fixer à l’aile perpendiculaires au constricteur inférieur, peuvent être alors repérés.
thyroïdienne [21]. Cette intervention est à relier à l’intervention de Le pédicule neuromusculaire est alors suturé au muscle
Kelly assurant une aryténoïdopexie au travers d’une fenêtre du cricoaryténoïdien postérieur. Dans la série de 214 patients présentant
cartilage thyroïde en regard de l’aryténoïde [29]. Elle assure une une paralysie bilatérale, 89 % (180 patients) ont été décanulés. Des
rotation et un déplacement externe du cartilage aryténoïde. complications ultérieures à type d’ankylose cricoaryténoïdienne sont
Un abord postérolatéral du larynx par cervicotomie latérale est observées et ont conduit à recanuler 30 patients [68].
effectué. Le constricteur inférieur est incisé le long du bord
postérieur de l’aile thyroïdienne. L’aile thyroïdienne est réclinée en • Anastomose nerveuse
avant par un crochet et le sinus piriforme est refoulé en arrière. Le
cartilage aryténoïde est repéré au-dessus de l’articulation – Anastomose tronculaire. L’anse cervicale du XII est utilisée pour
cricothyroïdienne. On mobilise l’aryténoïde en sectionnant le muscle une anastomose avec le nerf laryngé inférieur déficitaire. Les
cricoaryténoïdien postérieur et interaryténoïdien au ras de résultats sont très inconstants, pouvant porter partiellement sur
l’apophyse musculaire, en prenant soin de ne pas ouvrir la l’abduction et l’adduction [8].
muqueuse laryngée. L’articulation cricoaryténoïdienne peut être – Neurotisation. Le segment proximal du nert récurrent est ici
ouverte et désarticulée par un instrument mousse de microchirurgie. directement implanté dans le muscle cricoaryténoïdien postérieur.

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

*
B

*
A

11 Intervention de King (d’après Guer-


rier).
A. Exposition de l’aile thyroïdienne.
B. Le sinus piriforme est refoulé vers
l’arrière.
C. L’apophyse aryténoïde, une fois
libérée des muscles posticus et inter-
aryténoïdien, peut être basculée en
abduction.
D. La pexie est réalisée à l’aide
de deux fils transfixiant l’aile thyroï-
dienne.

*
D

*
C

D’une manière générale, et particulièrement dans le cas de la La trachéotomie permet le traitement rapide et de façon sûre d’une
musculature laryngée intrinsèque, le transplant d’un nerf dyspnée importante. Mais le côté invasif, la nécessité de soins
directement au contact des fibres musculaires ne permet pas la quotidiens de cette thérapeutique, l’inconfort provoqué à long terme,
constitution d’un nombre suffisant de plaques motrices [8]. Ainsi, ce incitent à envisager d’autres procédés chirurgicaux pour permettre
genre de technique n’est pour l’instant pas utilisé en clinique. son ablation, et ce d’autant plus que l’espérance de vie est grande.
L’approche endoscopique a grandement simplifié la prise en charge.
Indications et synthèse Que ce soit une aryténoïdectomie complète ou partielle, une
cordectomie ou une cordotomie, une cordopexie, les suites
Les paralysies laryngées bilatérales surviennent le plus souvent dans fonctionnelles sont simples dans la majorité des cas. Certaines
un contexte clinique particulier. Les cas de paralysies bilatérales techniques, en particulier l’aryténoïdectomie totale, sont plus
postchirurgicales sont rares mais peuvent se rencontrer dans les volontiers envisagées si le patient est trachéotomisé. Un geste réalisé
suites de chirurgie du tronc brachiocéphalique. Mais dans la majorité d’un côté peut se révéler insuffisant. Si l’on a effectué une
des cas, il existe un contexte de pathologie neurologique souvent cordotomie ou une cordectomie partielle, on peut étendre le geste
complexe où la paralysie laryngée est intriquée à d’autres atteintes ou l’effectuer sur le côté controlatéral. Plus la résolution du
des paires crâniennes, rendant la résolution du problème d’autant problème respiratoire nécessite une exérèse étendue de façon
plus difficile. Afin d’adapter la thérapeutique à chaque cas, il faut unilatérale ou bilatérale, plus la sanction vocale va s’avérer
mettre en balance d’un côté l’espérance de vie du patient, les importante.
comorbidités, la nécessité de conserver une phonation, et d’un autre
côté le caractère plus ou moins invasif de la technique et ses Les études comparant les résultats fonctionnels entre
conséquences anatomiques et fonctionnelles. Le bilan préopératoire aryténoïdectomie totale [ 1 6 ] ou subtotale [ 3 5 ] et cordectomie
doit être le plus précis possible. postérieure concluent que l’efficacité respiratoire des deux

11
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

*
C

*
B
*
A

*
D

*
F

12 Intervention de De Graaf-Woodman.
A, B. Le bord postérieur de l’aile thyroïdienne est libéré, conduisant sur l’aryténoïde.
C. La corne inférieure du cartilage thyroïde est désarticulée. L’incision du périchondre laisse apparaître le cartilage
aryténoïde.
D. L’aryténoïde est disséqué et attiré en dehors.
E, F. Mise en place d’un fil de fixation sur l’apophyse vocale restante et amarrage à la corne inférieure du cartilage
thyroïde.

*
E

techniques est comparable. Ces deux techniques entraînent des PROBLÈMES PROPRES À LA PÉDIATRIE
troubles de déglutition, peut-être plus importants en cas La paralysie laryngée bilatérale, bien que rare chez l’enfant,
d’aryténoïdectomie totale. En ce qui concerne la voix, il n’a pas été représente néanmoins la deuxième cause de stridor. La récupération
mis en évidence de différence entre les deux techniques. Les autres spontanée survient dans 65 % des cas ; 90 % des récupérations
méthodes (cordotomies, cordectomies partielles et latérofixation par spontanées se font dans les 6 mois suivant le déficit, mais deux cas
voie combinée) apportent des résultats sensiblement équivalents du sont rapportés de récupération après 10 et 36 mois [66]. L’association
point de vue respiratoire, avec une attitude peut-être plus à un déficit neurologique central aggrave le pronostic vital et grève
conservatrice vis-à-vis de la voix. les chances de récupération spontanée [47]. Si la symptomatologie
Les cas où l’on ne parvient pas à résoudre le problème respiratoire reste modérée et qu’il y a des chances de récupération, une attitude
et à retirer la trachéotomie sont rares à l’heure actuelle où l’on attentiste doit être envisagée. Jusqu’à 35 % des cas sont traités
dispose des procédés endoscopiques. C’est ce qui fait que les autres ainsi [66]. Mais si l’obstruction respiratoire est sévère, une intervention
techniques par voie cervicale sont rarement pratiquées. On les est nécessaire. La prise en charge immédiate passe par une
réserve plus volontiers aux cas où la paralysie laryngée est associée intubation endotrachéale plus ou moins prolongée, puis une
à une sténose glotto-sous-glottique. trachéotomie ou une intervention de latéralisation. Il persiste des

12
Techniques chirurgicales Chirurgie des paralysies laryngées 46-380

*
B
*
A

13 Intervention de Sheer. Aryténoïdectomie par


voie antérieure couplée à une cordopexie.
A. Exérèse de l’aryténoïde.
B. Fermeture de la muqueuse.
C, D. Cordopexie réalisée à l’aide d’un fil en
Nylont.

*
D
*
C

controverses sur la durée de l’attente d’une récupération avant sur l’apophyse vocale. Les sutures sont juste serrées pour maintenir
d’envisager une intervention de latéralisation, mais la trachéotomie le cartilage aryténoïde en position, sans trop de traction. Toutes ces
n’est pas dénuée de risques chez l’enfant [5, 47]. Les techniques de interventions peuvent entraîner des troubles phonatoires et de
latéralisation comprennent, concernant l’enfant : l’aryténoïdectomie déglutition si l’ouverture glottique est trop importante. Le taux
laser, la latérofixation endoscopique et par voie cervicale. d’échec à long terme rapporté est de 30 % [47, 48].
L’aryténoïdopexie de King modifiée est préférée à l’intervention de
Les techniques d’aryténoïdectomie chirurgicale par laryngofissure et
Woodman [47, 48, 66]. La particularité de cette intervention chez l’enfant
par laser CO2 ont été évaluées [1]. La technique de Scheer par
doit être la conservation de l’articulation cricoaryténoïdienne, car le
laryngofissure paraît apporter un meilleur taux de succès
cartilage thyroïde est trop souple pour soutenir la pexie
respiratoire (84 % contre 56 % respectivement), avec des résultats
aryténoïdienne. L’aryténoïde est abordée de la même manière,
l’articulation cricoaryténoïdienne visualisée après avoir refoulé des vocaux comparables [1].
fibres du muscle cricoaryténoïdien. Il est aussi recommandé Enfin, la cordotomie laser semble être une alternative intéressante
d’effectuer l’intervention sous intubation endotrachéale, ce qui du traitement des paralysies en adduction. Ses résultats sont en
permet de positionner l’aryténoïde en bonne position [48]. Trois fils cours d’évaluation et devraient prochainement faire l’objet de
sont placés : deux autour du corps de l’aryténoïde et un troisième publications.

Figure 14 et Références ➤

13
46-380 Chirurgie des paralysies laryngées Techniques chirurgicales

*
A

*
B

14 Réinnervation. Intervention de Tucker utilisant un pédicule neuromusculaire du muscle omo-


hyoïdien.
A. Dissection du nerf de l’omohyoïdien, issu de la branche descendante du XII.
B. Le fragment neuromusculaire étant prélevé, on se porte en arrière de l’aile thyroïdienne afin
d’exposer le posticus.
C. Suture du pédicule au muscle posticus.

*
C

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15
46-420
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-420 (2004)

Chirurgie des plaies et traumatismes


du larynx et de la trachée cervicale
P. Clément
D. Barnabé
T. Briche
Résumé. – Les traumatismes laryngotrachéaux externes, ouverts ou fermés, peuvent être isolés, ou s’intégrer
M. Kossowski
dans un traumatisme cervical complexe ou un polytraumatisme. Leur traitement chirurgical précoce a pour
but de préserver le pronostic fonctionnel et d’éviter l’évolution vers une sténose. La thyrotomie permet
l’exposition et le traitement des lésions endolaryngées. La restauration de l’intégrité du plan muqueux est
primordiale. Les cordes vocales, les bandes ventriculaires et le pied de l’épiglotte sont réinsérés. En l’absence
de perte de substance, la réparation du cartilage thyroïde et du cartilage cricoïde fait appel aux différentes
techniques de chondrosynthèse. Les techniques de laryngectomie partielle sont parfois nécessaires en cas de
perte de substance du cartilage thyroïde. La réparation d’une perte de substance du cartilage cricoïde est
indispensable, soit par différentes techniques de comblement, soit par anastomose thyro-crico-trachéale. Les
désinsertions laryngotrachéales complètes sont traitées par anastomose cricotrachéale ou thyro-crico-
trachéale. Les traumatismes de la trachée sans perte de substance sont traités par suture ou anastomose. En
cas de perte de substance, les techniques de résection-anastomose sont utilisées. Les greffes de trachée sont
encore au stade expérimental. Les procédés de calibrage endolaryngé ou endotrachéal permettent le maintien
d’une filière respiratoire perméable et la contention interne des fragments cartilagineux. Leur maintien doit
être le plus court possible.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Larynx ; Trachée ; Traumatismes externes ; Plaies

Introduction Nous envisagerons la prise en charge en milieu hospitalier d’un


traumatisme laryngotrachéal externe isolé, après mise en place des
Les traumatismes laryngotrachéaux externes, ouverts ou fermés, mesures d’urgence sur les lieux de l’accident.
peuvent être isolés, ou s’intégrer dans un traumatisme cervical
complexe ou un polytraumatisme. LE BLESSÉ PEUT ARRIVER À L’HÔPITAL DÉJÀ INTUBÉ
Leurs aspects étiologiques, cliniques, diagnostiques et L’intubation aura été réalisée en cas de détresse respiratoire avec
thérapeutiques sont étudiés dans d’autres chapitres de ce traité. tirage, d’hémorragies dans les voies aériennes, d’anomalie manifeste
Nous décrirons les principes généraux de leur prise en charge et de de l’axe laryngotrachéal, d’hématome ou d’emphysème cervical. [23]
leur traitement chirurgical. Le traitement de chaque lésion laryngée L’erreur serait d’ôter la sonde d’intubation pour effectuer le bilan
ou trachéale sera décrit séparément. Ces techniques pourront être des lésions sans trachéotomie de sécurité. [8] En l’absence d’autre
réalisées concomitamment en fonction des associations lésionnelles urgence vitale, une imagerie par tomodensitométrie (TDM) aide au
rencontrées. Les traumatismes liés à la ventilation assistée et les bilan préalable, puis le bilan est réalisé au bloc sous couvert de la
brûlures thermiques ou chimiques par inhalation sont exclus de cette trachéotomie première.
étude.

CHEZ UN BLESSÉ NON INTUBÉ


Principes de la prise en charge L’attitude est guidée par l’état respiratoire.

La prise en charge des traumatismes laryngotrachéaux répond à des ¶ En l’absence de dyspnée


impératifs vitaux, immédiats, et fonctionnels, secondaires, visant à
prévenir le risque de sténose laryngée et à conserver une phonation. L’examen au nasofibroscope permet une première évaluation
Sur le plan vital, il faut préserver la fonction ventilatoire tout en clinique. Une intubation endotrachéale peut être pratiquée en cas de
assurant la protection des voies aériennes inférieures. Ce contrôle lésions endolaryngées mineures. Elle doit être réalisée par un
des voies aériennes est le préalable à la réalisation du bilan lésionnel. opérateur expérimenté, matériel de trachéotomie immédiatement
disponible. [8, 23, 32] La constatation d’un œdème ou d’ecchymoses,
notamment chez l’adulte où les cartilages sont calcifiés, impose la
réalisation d’une TDM.
P. Clément (Spécialiste des Hôpitaux des Armées)
D. Barnabé (Spécialiste des Hôpitaux des Armées) ¶ Chez un patient dyspnéique
T. Briche (Spécialiste des Hôpitaux des Armées)
M. Kossowski (Professeur agrégé) La trachéotomie sous anesthésie locale est la seule technique à
Adresse e-mail: orl.percy@free.fr
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou, Hôpital d’instruction des armées Percy,
utiliser. [16, 23, 32, 39, 41] Sa réalisation est difficile au sein de l’hématome,
101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France. de l’œdème et de l’emphysème. Chez le petit enfant, elle doit être
46-420 Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

précédée de la mise en place d’un tube rigide de – la fermeture de la thyrotomie est réalisée de façon la plus étanche
trachéobronchoscopie et être réalisée sur celui-ci. [32] La trachéotomie possible, par rapprochement à l’aide de points au niveau du
permet ensuite de réaliser une anesthésie générale et le bilan périchondre externe ;
endoscopique. – en cas de délabrement laryngé important, la chirurgie s’apparente
à la chirurgie partielle carcinologique.
¶ Dans certains traumatismes ouverts
L’introduction d’une sonde d’intubation ou d’une canule de
INDICATIONS
trachéotomie à ballonnet, directement au travers de la plaie, permet
la ventilation et évite l’inondation bronchique. Elle est suivie d’une Il s’agit de traumatismes laryngés importants avec lésions
trachéotomie réglée. muqueuses, dénudations cartilagineuses, fractures thyroïdiennes
multiples, instables, ou déplacées, fractures cricoïdiennes,
désinsertions ou luxations aryténoïdiennes, lésions même minimes
Principes et indications de la commissure antérieure. L’indication sera posée après bilan
endoscopique sous couvert d’une trachéotomie et/ou imagerie
du traitement chirurgical TDM.

Le bilan lésionnel, endoscopique et radiologique, décrit dans un


autre chapitre, [32] permet de distinguer les traumatismes relevant PLACE DU CALIBRAGE ENDOLARYNGÉ
d’un traitement médical des traumatismes nécessitant un traitement Le principe du calibrage endolaryngé ou endotrachéal répond au
chirurgical. souci de conservation de la perméabilité de la filière respiratoire.
Il s’agit des traumatismes laryngés de stades III, IV et V de la Toutefois, son indication est discutée et il est utilisé avec parcimonie.
classification de Schaefer [40] modifiée par Fuhrman [16] (Tableau 1), En effet, il nécessite le maintien d’une trachéotomie qui favorise les
et des plaies de la trachée. surinfections locales, et peut entretenir des lésions muqueuses
notamment lors des mouvements laryngés induits par la déglutition.
Les procédés de calibrage laryngé exclusif sont confectionnés à l’aide
BUTS
de feuilles de Silastict roulé, de tube de Silastict ou de doigtier
Les buts de la chirurgie dans les traumatismes laryngotrachéaux rempli de gaze ou d’éponge. Le calibrage est amarré en haut à la
sont de limiter le risque de sténose pour conserver la fonction membrane thyrohyoïdienne [10] ou aux ailes latérales du cartilage
respiratoire et de conserver la fonction phonatoire. Les sténoses sont thyroïde, [43] et en bas à la membrane cricothyroïdienne. Les fils
souvent de nature cicatricielle, soit du fait d’une atteinte muqueuse transfixient la peau et sont noués sur des boutons. Leur ablation se
isolée dont la cicatrice réduit la lumière, soit du fait de lésions fait par voie endoscopique après section des fils de rappel.
cartilagineuses, responsables de sténoses sévères, par défaillance de
Les procédés de calibrage trachéal font appel au tube de
l’armature. [24] Les fractures cartilagineuses associées à des plaies
Montgomery. Il s’agit d’un tube en Silastict qui présente une
muqueuses sont d’authentiques fractures ouvertes, avec des risques
branche horizontale qui sort par l’orifice de trachéotomie et une
de surinfection locale et de lyse cartilagineuse. Les sténoses peuvent
branche verticale asymétrique en T, avec une extrémité longue,
être également d’origine neurologique par lésion du nerf laryngé
inférieure, trachéale et une extrémité supérieure plus courte.
inférieur.
Les procédés de calibrage sous-glottique faisaient appel au tube en
Téflont d’Aboulker. En raison des difficultés d’utilisation, beaucoup
PRINCIPES d’auteurs préfèrent utiliser le tube de Montgomery pour calibrer la
Le premier grand principe est l’exploration précoce (dans les sous-glotte.
24 premières heures) des lésions, de la surface à la profondeur après Les procédés de calibrage endoluminal sont réservés aux fractures
une incision cervicale ou en utilisant les plaies, et la réparation de la instables, pour assurer une contention interne des fragments
profondeur à la superficie : cartilagineux ; en cas de délabrements muqueux importants pour
limiter le risque de synéchies ; en cas de désinsertion
– les lésions muqueuses sont réparées en premier afin de recouvrir laryngotrachéale car il existe souvent un délabrement cricoïdien
les cartilages en préférant des points extramuqueux inversés pour associé ; en cas de fracture de la trachée cervicale, par une
limiter le risque de surinfection locale, source de granulome et de trachéotomie réalisée au-dessus de la lésion. Le maintien ne doit
chondrite. [32] En cas de perte de substance, on peut avoir recours à pas excéder 15 jours, même si certains auteurs les conservent 3 à
des plasties de glissement, voire à des greffes muqueuses ou 6 semaines.
dermoépidermiques maintenues par un calibrage souple ;
– les fractures ou luxation cartilagineuses sont réduites afin de
restaurer au mieux l’architecture laryngée ; Plaies et traumatismes du larynx
– les structures désinsérées (pli ventriculaire, pli vocal, pied de
l’épiglotte) sont réamarrées comme dans les laryngectomies
EXPOSITION DU LARYNX
partielles verticales, en apportant un soin particulier à la région de
la commissure antérieure ; Elle nécessite une cervicotomie qui peut se faire par une incision
verticale médiane ou par une incision horizontale de type Kocher.
Elle peut utiliser le trajet d’une plaie par arme blanche en
Tableau 1. – Classification de Schaefer modifiée par Fuhrman l’agrandissant au besoin.
Stade I : hématomes ou lacérations endolaryngées mineures, absence de fracture L’incision verticale antérieure médiane permet un abord rapide du
laryngée décelable et altération minime de la filière respiratoire. larynx et un débridement des tissus infiltrés par l’emphysème ; elle
Stade II : œdème, hématomes ou plaies muqueuses mineures sans dénudation des
cartilages, altération de la filière respiratoire de degré variable, fracture non
permet aussi un abord plus large de la trachée si l’on suspecte une
déplacée. disjonction cricotrachéale. [4, 32, 41]
Stade III : œdème massif, lacérations muqueuses importantes, dénudation des car- La dissection se fait sous le plan du platysma. Les muscles sous-
tilages, fractures déplacées, immobilité laryngée, altération de la filière respiratoire
d’importance variable. hyoïdiens sont disséqués.
Stade IV : lésions identiques au stade III, associées à une rupture antérieure du La ligne blanche est incisée permettant d’exposer en haut l’os
larynx ou à des fractures laryngées instables.
hyoïde, en bas le cricoïde et latéralement les muscles
Stade V : désinsertion laryngotrachéale.
sternothyroïdiens.

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale 46-420

Figure 1 Thyrotomie médiane réalisée à la scie Figure 2 Amarrage de la bande ventriculaire et de la corde
oscillante. vocale au cartilage thyroïde.

S’il est découvert, ce cartilage doit être recouvert par une plastie
muqueuse locale à partir du sinus piriforme qui permet en plus
d’assurer sa stabilité.
L’isthme thyroïdien doit être lié afin de bien exposer les structures Si l’aryténoïde est instable avec tendance à basculer dans le larynx,
laryngées. il faut réaliser une aryténoïdopexie fixant l’apophyse vocale à la
partie postérieure de la bande ventriculaire.
EXPOSITION DES LÉSIONS ENDOLARYNGÉES En cas de fracture comminutive d’un aryténoïde rendant impossible
une reconstruction satisfaisante, une aryténoïdectomie peut être la
– Incision verticale médiane du périchondre s’il est intact, sans seule solution, avec confection d’un bourrelet muqueux postérieur.
rugination latérale.
– Incision verticale de la membrane cricothyroïdienne. ¶ Lésion des cordes vocales et des bandes ventriculaires
L’ouverture du larynx se fait par laryngofissure suivant un trait de Il est capital de remettre en tension ces structures si elles sont
fracture médian ou paramédian en cas de fracture du cartilage désinsérées.
thyroïde, à condition que ce trait de fracture ne soit pas à plus de 2
Ainsi, les bandes ventriculaires et les cordes vocales désinsérées sont
à 3 mm de la ligne médiane, [3, 42] ou bien par thyrotomie qui
amarrées par des points en U au Vicrylt 3/0, soit au périchondre
sectionne verticalement le cartilage thyroïde sur la ligne médiane.
externe s’il est intact, sinon à la face profonde des muscles sous-
La section cartilagineuse est effectuée : hyoïdiens ou aux ailes latérales du cartilage thyroïde (Fig. 2).
– soit à la cisaille crantée de bas en haut, un mors étant passé dans En cas de désinsertion antérieure de la corde vocale, celle-ci est
la lumière laryngée par l’incision de la membrane cricothyroïdienne, suspendue. [45]
l’autre appuyé sur la carène du cartilage thyroïde. La cisaille
sectionne ensemble les parties molles de la région commissurale ¶ Lésion de la commissure antérieure
antérieure et le cartilage thyroïde ;
En cas de perte de substance de la commissure antérieure, on peut
– soit à la scie oscillante (Fig. 1), la section des parties molles mettre en place un calibrage endolaryngé classique ou un tuteur de
endolaryngées étant réalisée aux ciseaux dans un second temps. cicatrisation type quille laryngée, afin d’éviter la formation de
Si la voie d’abord est un peu étroite vers le haut, il faut sectionner la synéchies, [45] de manière similaire à celle utilisée pour le traitement
partie basse de la loge hyo-thyro-épiglottique en suivant le bord des sténoses glottiques antérieures. [33]
latéral de l’épiglotte de façon à conserver cette structure
cartilagineuse qui pourra servir de matériau de reconstruction. ¶ Lésion de l’épiglotte
Le pied de l’épiglotte doit être amarré par un point en U à la
RÉPARATION DES LÉSIONS ENDOLARYNGÉES membrane thyrohyoïdienne.
Si le pied de l’épiglotte ne peut être fixé, il faut le réséquer et
¶ Réparation des tissus mous amarrer l’épiglotte sus-jacente à l’os hyoïde (Fig. 3) plutôt que de
prendre le risque de laisser une épiglotte flottante. [5, 8, 32]
Le traitement des lésions débute par la restauration de l’intégrité du
plan muqueux endolaryngé de l’arrière vers l’avant.
La suture des plaies muqueuses doit être réalisée sans tension au fil RÉPARATION DE L’OS HYOÏDE
fin résorbable 4/0 ou 5/0 type Vicrylt, à l’aide de points Le frottement des berges osseuses de la fracture peut être à l’origine
extramuqueux inversés afin d’éviter une surinfection locale source de douleurs locales, voire d’odynophagie.
de chondrite et de granulomes. [32, 34]
Le traitement consiste alors simplement à enlever un fragment
En cas de perte de substance, il faut recourir à des lambeaux osseux adjacent au site de la fracture.
muqueux de glissement ou à des greffes muqueuses prélevées au
Cependant, Kaufmann a publié trois cas de traumatisme cervical
niveau de l’hypopharynx ou de la cavité buccale. Des greffes libres
avec fracture de l’os hyoïde : si une trachéotomie a dû être réalisée
dermoépidermiques ont également été utilisées, mais plutôt en
dans les trois cas, les suites ont été simples, sans la nécessité de
deuxième intention, d’où l’importance d’un délai de réparation
réaliser un traitement chirurgical complémentaire. [22]
inférieur à 24 heures pour les éviter.
Il est important de recouvrir de muqueuse tout cartilage dénudé
afin de prévenir la formation de granulomes, source de fibrose et de RÉPARATION DU CARTILAGE THYROÏDE
sténose laryngée mais aussi de périchondrite.
¶ Traumatismes sans perte de substance :
¶ Déplacement aryténoïdien [32]
chondrosynthèses
Un aryténoïde luxé doit être repositionné : pour certains auteurs, Tout d’abord, le squelette laryngé doit être reconstitué par une
cette réduction peut être tentée par voie endoscopique si elle est réduction des fragments déplacés en ménageant le périchondre
isolée, mais pour d’autres, la thyrotomie s’impose dans tous les cas. externe qui assure la cohésion des fragments.

3
46-420 Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

Figure 3 Amarrage de l’épiglotte à l’os hyoïde Figure 5 Contention d’une fracture du car-
et à la membrane thyrohyoïdienne. tilage thyroïde par miniplaque métallique.

indications de calibrage endolaryngé. Lorsque le calibrage a été


nécessaire, il a été enlevé dans un délai de 7 à 14 jours. Ces plaques
sont bien tolérées et résistent à l’infection ; si nécessaire, elles
peuvent être enlevées après consolidation. [37]
Certains utilisent des plaques résorbables dans la stabilisation des
Il faut ensuite réaliser une contention par chondrosynthèse qui
fractures du larynx pour pallier les inconvénients des plaques
s’effectue classiquement, soit à l’aide de fils d’acier par points
métalliques. [6, 44] En effet, ces dernières interfèrent avec certains
transfixiants, soit à l’aide de fins fils d’acier sur des tubes émoussés
examens radiologiques ; elles peuvent aussi entraîner des séquelles
constitués par des segments d’aiguilles à injection (Fig. 4). Cette
à long terme comme gêne à la croissance, risque de mobilisation,
dernière technique présenterait un intérêt particulier chez les sujets
sensation palpable, thermosensibilité, risque d’extrusion. Les
jeunes au cartilage thyroïde faiblement minéralisé.
plaques de polymères d’acide lactique ont les avantages théoriques
Certains utilisent des miniplaques métalliques pour la contention des plaques métalliques sans leurs complications à long terme. Elles
des fractures du larynx (Fig. 5), d’autres prônent l’utilisation de sont malléables après trempage dans l’eau chaude à 55 °C pendant
plaques résorbables pour ce type de pathologie. 5 à 10 secondes. Elles sont fixées à l’aide de vis ou de petits clous
Les miniplaques en titane permettent d’obtenir de bons résultats résorbables qui permettent d’éviter un forage pouvant être
anatomiques et fonctionnels lors de la réparation des fractures responsable de fractures irradiées sur des zones chondro-osseuses
laryngées. Les techniques traditionnelles comme la suture avec fils fines et fragiles. Ces plaques sont complètement résorbées dans un
d’acier peuvent être inadaptées pour préserver l’alignement des délai de 18 à 36 mois ; elles sont biocompatibles, non toxiques, non
segments de fracture réduits. [12, 25, 34, 37] En effet, après simple fixation irritantes et apparaissent prometteuses pour améliorer la fixation des
au fil d’acier, les forces exercées par la musculature intra- et fractures.
extralaryngée pendant la déglutition et certains mouvements du cou Une fois la chondrosynthèse effectuée, le périchondre est suturé et
peuvent faire plier les fils d’acier et causer des déplacements des la contention est complétée par le rapprochement et la suture des
fragments. Il peut y avoir ainsi un déplacement des fragments muscles sous-hyoïdiens.
fracturaires d’une fracture de l’aile thyroïdienne ou bien, en cas de
Certains auteurs ne traitent pas chirurgicalement les fractures du
fracture médiane du cartilage thyroïde, un aplatissement avec
cartilage thyroïde non déplacées.
diminution du diamètre antéropostérieur.
La technique chirurgicale de mise en place des plaques « APF » ¶ Traumatismes avec perte de substance
(adaptation plate fixation) est celle utilisée pour la fixation des
ou fractures comminutives
fractures maxillofaciales. Le squelette laryngé peut cependant
manquer de rigidité lorsqu’il n’est pas complètement calcifié. Les techniques de chirurgie partielle laryngée peuvent être
Afin d’améliorer la bonne fixation des vis, il convient d’utiliser une appliquées au traitement chirurgical des traumatismes comminutifs
taille de foret inférieure à celle de la vis tout en considérant qu’il est glotto-sus-glottiques. [5, 8, 32, 34] Il s’agit des laryngectomies partielles
préférable d’utiliser une zone calcifiée comme point d’ancrage. Les supracricoïdiennes, supraglottiques, hémilaryngectomies.
vis sont autotaraudeuses et leur longueur est fonction de l’épaisseur Devant une perte de substance antérieure du cartilage thyroïde,
du cartilage (en général 4 à 6 mm). Le maximum de solidité est l’épiglotte libérée de ses amarres peut être abaissée selon la
obtenu avec un foret de 0,76 mm et des vis de 1,5 mm. Les plaques technique de Tucker jusqu’au bord supérieur du cricoïde, auquel
utilisées avec ces critères sont plus solides que les tubes d’acier, eux- elle est amarrée, ses bords latéraux étant fixés aux ailes
mêmes plus solides que les simples fils d’acier. [25] thyroïdiennes (Fig. 6).
Les « APF » restaurent la géométrie initiale de la charpente laryngée Devant une perte de substance antérieure du cartilage thyroïde
avec une stabilité telle que l’on obtient une diminution des et/ou du cartilage cricoïde, le procédé de Ward peut être utilisé. Le

Figure 4 Chondrosynthèse par fils d’acier sur segments


d’aiguilles à injection.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale 46-420

Figure 7 Technique de
Friedmann. Suture du lam-
beau myopériosté. Cali-
brage par tube en T.

Figure 6 Épiglottoplastie selon Tucker (A,B).

greffon osseux est constitué par le corps de l’os hyoïde


préalablement libéré des muscles sous-hyoïdiens et pédiculisé sur
les muscles sous-hyoïdiens.
Certains proposent l’utilisation des miniplaques pour combler une
perte de substance cartilagineuse. Par ailleurs, il est possible
d’utiliser des mailles métalliques d’épaisseur différente pour 4 mm pour obtenir une étanchéité satisfaisante. La zone de
combler de larges pertes de substance en cas de blessures par armes prélèvement périostée est recouverte par un lambeau de muscle
à feu ou de fractures comminutives. [12, 37] Selon des principes pectoral pour éviter la survenue d’une ostéite. Cette technique peut
techniques similaires, des mailles de plaques résorbables pourraient aussi être utilisée dans les pertes de substance cricotrachéales à
être utilisées dans certaines fractures comminutives. condition qu’il persiste une armature cartilagineuse latérale
suffisante pour éviter un affaissement. Un calibrage interne type
tube en T de Montgomery doit être mis en place si la perte de
RÉPARATION DU CARTILAGE CRICOÏDE
substance cartilagineuse est supérieure à 30 % de la circonférence
sous-glottique. À moyen terme, le périoste se transforme en os qui
¶ Traumatismes sans perte de substance
donne une rigidité suffisante pour maintenir une filière satisfaisante.
Les principes de la réduction et de la contention de ces fractures Greffons libres.
sont les mêmes que ceux décrits lors du traitement des fractures du
cartilage thyroïde. – Greffons cartilagineux de septum nasal ou de cartilage costal dont
la face endoluminale devra être recouverte d’une greffe de
En cas de suture des fragments cartilagineux, celle-ci est effectuée muqueuse libre.
en deux plans transcartilagineux extramuqueux et périchondral par
des points séparés avec du Vicrylt ou du fil d’acier. L’usage de – Lambeau mucocartilagineux septal : on réalise un abord classique
plaques métalliques ou résorbables est également possible. de septoplastie avec décollement sous-périchondral du côté où la
muqueuse est conservée. La taille du lambeau ne peut dépasser 3 cm
En cas de fracture-enfoncement de l’arc antérieur, l’exploration de
dans son plus grand axe. La fermeture de la brèche
l’endolarynx est pratiquée au travers des déhiscences de l’arc
mucocartilagineuse est assurée par une greffe de peau
antérieur du cricoïde mais une thyrotomie peut s’avérer nécessaire
rétroauriculaire. Le lambeau est positionné au niveau de la perte de
si l’exposition est insuffisante.
substance et le cartilage est recoupé à la demande en conservant un
Un calibrage endolaryngé est indiqué si la contention est instable en débord muqueux. La muqueuse est orientée vers la lumière et les
utilisant un tube en T dont l’extrémité supérieure reste à distance sutures sont effectuées en un seul plan par des points séparés, noués
du plan glottique. en dehors, prenant le cartilage et la muqueuse.
Procédé de Ward. Il a déjà été décrit. Suture du muscle
¶ Traumatismes avec perte de substance ou fractures
sternohyoïdien au périchondre du cartilage pour combler une perte
comminutives du tiers antérieur du cricoïde. [42]
La réparation de la perte de substance est indispensable, soit par Plaques métalliques ou résorbables. Elles peuvent être utilisées
comblement, soit par anastomose crico-thyro-trachéale. selon les mêmes modalités que pour le cartilage thyroïde, y compris
pour des fractures comminutives.
Procédés de comblement de la perte de substance
Anastomose thyro-crico-trachéale
Lambeau myopériosté selon la technique de Friedman [8, 15] (Fig. 7).
Ce lambeau est composé du muscle sterno-cléido-mastoïdien et de En cas de perte de substance plus importante, les techniques de
son insertion périostée sur la clavicule ; il permet de combler des comblement sont insuffisantes et il est nécessaire de réaliser des
pertes de substance allant jusqu’à 4 cm × 8 cm. Le muscle est exposé techniques de résection-anastomose comme une anastomose thyro-
depuis le niveau du cartilage cricoïde jusqu’à son insertion crico-trachéale conservant une baguette cricoïdienne postérieure
sternoclaviculaire. Une palette périostée dont la taille correspond à servant d’assise aux aryténoïdes. [8, 32]
celle de la perte de substance est découpée sur la clavicule. Le
lambeau périosté peut aller jusqu’à 7 heures en avant et 4 heures en
arrière où il est nécessaire d’être prudent à proximité des vaisseaux Désinsertions laryngotrachéales
sous-claviers. Après section de son chef sternal, le muscle est libéré
latéralement pour pouvoir amener la palette au niveau de la perte Elles sont le fait d’un traumatisme antérieur direct sur un cou en
de substance. Le périoste est suturé aux berges de la perte de hyperextension, ou d’un traumatisme endoluminal sur un axe
substance par des points séparés au fil résorbable, réalisés tous les laryngotrachéal déjà lésé.

5
46-420 Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

Elles associent systématiquement une lésion des nerfs laryngés de la lame du cartilage cricoïde (support des cartilages aryténoïdes).
inférieurs, une rétraction distale de la trachée vers le médiastin. À Pour cela, il faut réaliser une plicature trachéale dont le diamètre est
brève échéance, elles seront la source de chondrite et/ou d’une plus grand que le diamètre de la filière cricotrachéale. La suture de
cicatrice rétractile au niveau du hiatus laryngotrachéal. [24] la pars membranacea par deux ou trois points donne un aspect
triangulaire à sommet postérieur. L’anastomose est ensuite réalisée,
les points postérieurs fixent le cricoïde au premier anneau trachéal,
DÉSINSERTIONS PARTIELLES les points antérieurs et latéraux transfixient le cartilage thyroïde en
Elles sont traitées par la technique de la double suture : au fil tressé haut et passent sous le bord inférieur du premier anneau trachéal
résorbable 3/0, type Vicrylt. La suture intercartilagineuse est en bas.
réalisée par des points séparés noués en dehors et passant sous
l’anneau trachéal et au niveau du bord supérieur de l’arc cricoïde. ¶ Anastomose thyrotrachéale
Le périchondre du premier anneau peut être suturé au muscle Elle est indiquée en cas d’ablation subtotale de l’anneau cricoïdien.
cricothyroïdien. La résection cartilagineuse doit laisser un pont cartilagineux entre
les cartilages aryténoïdes, et la suture thyrotrachéale est réalisée
DÉSINSERTION CRICOTRACHÉALE COMPLÈTE
comme dans l’intervention de Pearson. [36]

Les dangers sont représentés par :


– la rétraction de la muqueuse qui dénude le cartilage cricoïde ;
Traumatismes de la trachée
– une fracture comminutive du cartilage cricoïde, seul anneau Le traumatisme interne occupe le premier rang des étiologies dans
complet du larynx et support des cartilages aryténoïdes, avec un les pays développés et pacifiques. L’intubation et les techniques de
risque vital et/ou fonctionnel majeur ; trachéotomies percutanées en sont l’étiologie la plus fréquente. [11, 13,
35, 47]
– des lésions des nerfs laryngés inférieurs.
Les traumatismes externes sont plus rares. En cas de rupture
La réparation consiste en une anastomose plus ou moins étendue. [24,
32] complète, le décès est quasi constant. Ces ruptures complètes
s’observent lors des traumatismes thoraciques responsables d’une
Les points suivants sont communs à chacune des interventions : hyperpression trachéale avec une glotte fermée. Il peut s’agir
– découverte et identification des nerfs laryngés inférieurs, mais de également d’un mécanisme direct sans plaie ouverte lors d’agression
manière atraumatique ; par technique particulière de « close combat » ou par plaie ouverte.
La reconstruction la plus précoce, si la survie est possible ou si la
– suture débutant par le plan postérieur avec des fils résorbables
lésion n’est que partielle, permet d’éviter les sténoses secondaires.
laissés sur pinces, placés du milieu vers la périphérie ; ils seront
noués secondairement ;
RUPTURES TRACHÉALES COMPLÈTES
– après suture du plan postérieur, il est possible de déposer de la
colle biologique sur les sutures. Une sonde d’intubation orotrachéale Rares, elles s’observent lors d’une exploration chirurgicale chez
[47]

peut alors être mise en place. un patient qui a pu survivre jusqu’à la structure hospitalière ou, le
plus souvent, lorsque la rupture s’est complétée secondairement.
Il est nécessaire de mettre en place une contention endolaryngée
avec un tube en T de Montgomery en cas de : La recherche du segment distal est l’impératif primordial. Celui-ci
est identifié au doigt, et ramené dans le champ opératoire à l’aide
– mobilité laryngée anormale ou douteuse avant anastomose d’une pince. Il est rapidement amarré par un fil tracteur à la peau
cricotrachéale ; pour permettre une ventilation adaptée tout en réalisant, idéalement,
– anastomose thyro-crico-trachéale. une suture terminoterminale, analogue à celle d’une résection-
anastomose de trachée.
¶ Anastomose cricotrachéale Il est impératif que les extrémités distale et proximale de la trachée
soient saines, sinon il faut réséquer un à deux anneaux.
Le premier anneau trachéal, qui est le segment distal, est tracté par
deux fils prenant le premier anneau sur ses faces latérales. Des
points transfixiants passent par le chaton cricoïdien en haut, la pars RUPTURES TRACHÉALES INCOMPLÈTES
membranacea en bas. ¶ Plaie de la pars membranacea
Les sutures des faces antérieures et latérales sont réalisées avec du
fil tressé résorbable de taille 2/0, fils noués à l’extérieur, placés sur Si elle n’excède pas 1 cm, elle peut être traitée par de la colle
pinces et noués secondairement. biologique, [21] sinon une suture par un fil résorbable s’impose, fil
tressé type Vicrylt ou monofil type PDSt dont les nœuds sont
La vérification de l’étanchéité se réalise en mettant du sérum éversants, en cas de granulome, ils sont ôtés lors d’une
physiologique tiédi dans le champ opératoire et en faisant dégonfler bronchoscopie au tube rigide.
le ballonnet ; l’absence de bulle est le témoin d’une bonne étanchéité.
Pour diminuer la tension au niveau des sutures, la suspension ¶ Lésions cartilagineuses (fracture, enfoncement)
trachéale consiste à suturer le périchondre trachéal aux muscles
La suture est réalisée au fil tressé résorbable, périannulaire,
cricothyroïdiens ou entre les anneaux trachéaux et les muscles sous-
idéalement en sous-muqueux, en points séparés.
hyoïdiens et le muscle sterno-cléido-mastoïdien.
Une contention interne par un tube en T de Montgomery réalise un
¶ Anastomose thyro-crico-trachéale guide pour la cicatrisation ; elle doit être largement utilisée, laissée
en place pour une durée d’au moins 2 mois.
Lorsque la muqueuse endolaryngée est rétractée laissant à nu le Un conformateur résorbable a été étudié sur un modèle animal, afin
cartilage cricoïde, le recouvrement est impératif. de guider la réparation des fractures de la partie antérieure de la
On peut réaliser une résection sous-périchondrale circulaire de trachée. [38]
l’anneau cricoïdien et réaliser une anastomose cricotrachéale comme
indiqué précédemment ; les fils sont noués prudemment pour ne ¶ En cas de perte de substance
pas scier l’anneau cricoïdien restant. Différents procédés ont été décrits, mais il convient dans un contexte
On peut réaliser une anastomose thyro-crico-trachéale s’il existe une traumatique de réaliser les techniques les plus fiables tout en
perte de substance large de l’arc avec conservation de la partie haute s’adaptant à la situation clinique.

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale 46-420

– Les defects muqueux sont l’objets de plastie locale. En cas – Pour certains auteurs, si la perte de substance ne peut être
d’exérèse d’anneau trachéal, on est économe de sa muqueuse si comblée, il est possible de préparer une réparation en deux
celle-ci est viable. temps, [ 2 0 ] en utilisant un lambeau musculaire du muscle
– Lorsque la perte de substance est plus importante, on utilise des sternohyoïdien qui apporte un tissu vascularisé avant la mise en
greffons composites, muqueuse et cartilage septal, pour des place d’une armature cartilagineuse obtenue par culture de
réparations limitées [7] et comportant systématiquement un calibrage chondrocytes ou par matériau synthétique. [1, 30] Ce procédé doit être
par tube en T de Montgomery. préféré à la simple cicatrisation dirigée sur tube de Montgomery.
– Le lambeau de Friedman [15] est une alternative à ce procédé. Il
peut être utilisé si la perte de substance est antérieure ou si elle Traitement des lésions associées
dépasse 30 % de la circonférence trachéale. Ce lambeau doit être
suturé sur un conformateur : un tube en T de Montgomery.
PLAIES PHARYNGÉES ET ŒSOPHAGIENNES
– En l’absence d’armature cartilagineuse suffisante, une résection-
anastomose est réalisée. Lorsque celle-ci est impossible (plus de Elles sont suturées avec ou sans lambeau musculaire d’interposition.
quatre anneaux ou plus de 6 cm de perte de substance), on peut L’alimentation est assurée par mise en place d’une sonde
employer des techniques d’abaissement du larynx : [24] nasogastrique.
– procédé de Dedo : celui-ci libère le larynx de l’os hyoïde avec
une section des muscles sous-hyoïdiens, de la membrane PLAIES DES NERFS LARYNGÉS INFÉRIEURS
thyrohyoïdienne et des cornes supérieures du cartilage thyroïde ; Une suture aidée par des lunettes-loupes ou un microscope
– procédé de Laccourreye : moins délabrant, il consiste à libérer opératoire doit être tentée, même si le résultat est constamment
le plus parfaitement possible la face postérieure du muscle sterno- décevant. Il a été décrit une réimplantation directe dans le muscle
cléido-hyoïdien, en l’associant à une libération trachéale analogue cricoaryténoïdien postérieur.
à celle réalisée prélablement aux pexies des laryngectomies
partielles. Cette technique peut être associée à la section du PLAIES VASCULAIRES ASSOCIÉES
cricopharyngien et du faisceau inférieur du constricteur inférieur Elles sont associées aux plaies du cou dans un tiers des cas. Elles
du pharynx. sont à rechercher de principe. Elles sont le plus souvent rencontrées
Ces techniques, qui visent à abaisser l’extrémité proximale de la dans la zone cervicale I qui va du rebord de la clavicule au cartilage
trachée, peuvent être utilement complétées par une libération de cricoïde.
l’extrémité distale de la trachée. Cette libération comporte, d’une
part une dissection prudente de la trachée au doigt dans le
LÉSIONS DU RACHIS CERVICAL
médiastin, d’autre part un clivage postérieur de la trachée d’avec
l’œsophage. Elles sont de principe recherchées lors de la prise en charge
préhospitalière. Le bilan d’imagerie systématique les confirme ou
– La greffe trachéale totale est un sujet actuel d’étude chez l’animal, non. Si une trachéotomie est indispensable, celle-ci précède le
et de réflexion éthique chez l’homme. [19] Les homogreffes aortiques traitement d’une éventuelle fracture.
ont été étudiées sur le chien et le mouton, [17, 18, 29] les allogreffes
trachéales complètes chez le singe et le lapin. [14] Le tissu aortique
provient de greffons cryogénisés. [27, 31] Le tissu aortique subit une LÉSIONS DE LA FACE
métaplasie en tissu trachéal ; [9, 26, 28] ce greffon est toujours bien Les données de l’examen clinique initial et de l’imagerie guident la
vascularisé en 1 semaine. [46] Cette greffe semble être une voie réparation des éventuelles fractures. Celle-ci intervient après
d’avenir. stabilisation et réparation des lésions aérodigestives. [2]

Références ➤

7
46-420 Chirurgie des plaies et traumatismes du larynx et de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

Références
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8
46-400
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-400 (2004)

Chirurgie des sténoses laryngées


chez l’enfant
T. Van Den Abbeele
V. Couloigner
P. Narcy
Résumé. – Le traitement chirurgical des sténoses laryngotrachéales chez l’enfant comporte actuellement
une grande variété de techniques opératoires. On peut les classer en deux catégories : les techniques de
laryngotrachéoplastie, où l’élargissement de la région sténosée est réalisé par des incisions du cartilage
cricoïde combinées à des greffons cartilagineux et divers procédés de calibrage ; la résection cricotrachéale,
qui consiste en une excision du segment rétréci suivie d’une anastomose thyrotrachéale. Dans tous les cas, il
s’agit d’une chirurgie difficile et dangereuse, nécessitant une équipe pluridisciplinaire rompue aux techniques
d’endoscopie, de chirurgie, d’anesthésie et de réanimation pédiatriques.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Sténose laryngée ; Enfant ; Laryngoplastie ; Laryngotrachéoplastie ; Résection cricotrachéale ;


Quadrisection du cricoïde

Introduction Premiers temps opératoires

La grande majorité des sténoses laryngées chez l’enfant peut POSITION DE L’ENFANT
maintenant bénéficier d’une correction chirurgicale sans Le patient est placé en décubitus dorsal, la colonne cervicale en
trachéotomie ou avec une trachéotomie de courte durée, ce qui légère extension grâce à un billot placé sous les épaules, la tête fixée
permet non seulement de raccourcir les durées d’hospitalisation, en position sagittale pour faciliter le repérage strict de la ligne
mais aussi et surtout de minimiser les complications souvent médiane. Le champ opératoire doit laisser accessible la région
dramatiques (accidents anoxiques mortels ou grevés de lourdes cervicale jusqu’au menton et, lorsqu’une prise de greffon costal est
séquelles neurologiques) [1] liées à la trachéotomie prolongée chez prévue, la paroi thoracique au moins d’un côté, jusqu’à l’appendice
l’enfant. Mais il s’agit d’une chirurgie difficile et dangereuse, pour xiphoïde. La disposition des champs opératoires doit permettre une
laquelle un certain nombre de conditions sont indispensables : laryngoscopie en cours d’intervention pour une intubation ou pour
contrôler la position du pôle supérieur du dispositif de calibrage.
– maîtrise parfaite de l’endoscopie laryngotrachéale chez l’enfant, y
compris le nouveau-né et le prématuré ;
VENTILATION PEROPÉRATOIRE
– collaboration étroite avec des équipes d’anesthésie et de soins Elle est parfois assurée par une intubation laryngotrachéale et ne
intensifs parfaitement rodées aux techniques de réanimation pose alors pas de problème particulier. Mais souvent l’enfant est déjà
pédiatrique. trachéotomisé ou nécessite de l’être en cours d’intervention, et la
Plusieurs techniques sont utilisables, en fonction de l’importance de meilleure solution est alors de remplacer la canule de trachéotomie
la sténose, de la mobilité aryténoïdienne et de l’âge de l’enfant. On par une sonde d’intubation à ballonnet, si possible armée pour
peut les classer en deux catégories : [2–4] pouvoir la recourber et la faire sortir sous les champs, vers le bas.
Les sondes coudées préformées sont souvent trop longues et
– les techniques de laryngotrachéoplastie, où l’élargissement de la
risquent d’entraîner une intubation sélective de la bronche souche
région sténosée est réalisé par des incisions du cartilage cricoïde
droite. Quoiqu’il en soit, la position de l’extrémité de la sonde doit
combinées à des greffons cartilagineux et divers procédés de
être soigneusement vérifiée par auscultation avant de la fixer par un
calibrage ; fil solide noué le plus près possible de l’orifice de trachéotomie.
– la résection cricotrachéale, qui consiste en une excision du
segment rétréci suivie d’une anastomose thyrotrachéale. INCISION CUTANÉE
Mais pour toutes ces interventions, les premiers temps opératoires
Elle doit toujours être horizontale, basicervicale, un travers de doigt
sont identiques.
au-dessus du manubrium sternal ou circonscrivant l’orifice de
trachéotomie chez un enfant déjà trachéotomisé. Plus rarement
(laryngotomie antérieure de décompression), elle est plus haut
située, en regard du cartilage cricoïde.

T. Van Den Abbeele (Professeur des Universités, Praticien hospitalier) EXPOSITION DU SQUELETTE LARYNGOTRACHÉAL
V. Couloigner (Praticien hospitalier)
P. Narcy (Professeur des Universités, Praticien hospitalier) Le lambeau superficiel, comportant le peaucier, est décollé jusqu’au
Adresse e-mail: philippe.narcy@rdb.ap-hop-paris.fr
Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale pédiatrique, Hôpital Robert Debré, AP-HP, Université Paris VII,
corps de l’os hyoïde en haut, jusqu’au troisième ou quatrième
48, boulevard Sérurier, 75939 Paris cedex 19, France. anneau trachéal en bas, sans aller trop loin latéralement.
46-400 Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant Techniques Chirurgicales

La dissection s’effectue ensuite sur la ligne médiane, en écartant


latéralement les muscles sous-hyoïdiens. L’isthme de la thyroïde est
sectionné sur la ligne médiane, en évitant de le décoller latéralement
pour ne pas compromettre la vascularisation du périchondre externe
du cricoïde et des premiers anneaux trachéaux. Une solution simple
est de le sectionner au bistouri électrique, l’hémostase étant assurée
par électrocoagulation à la demande des vaisseaux isthmiques. Il
suffit de repérer la ligne médiane en se basant sur l’échancrure
thyroïdienne et l’échancrure sternale, sans qu’il soit nécessaire de le
décoller latéralement.
Deux types d’intervention sur le squelette laryngotrachéal sont
ensuite possibles : laryngotrachéoplastie d’agrandissement ou
résection partielle cricotrachéale suivie d’anastomose thyrotrachéale.

Techniques de laryngotrachéoplastie

[5, 6]
LARYNGOTRACHÉOPLASTIE EN CRÉNEAUX
Décrite par Evans en 1974 pour des sténoses sous-glottiques pures
avec mobilité glottique normale, cette intervention comporte une
thyrotomie médiane verticale puis, après incision horizontale de la
membrane cricothyroïdienne, incision en créneaux de l’anneau
antérieur du cricoïde et des premiers anneaux de la trachée : chacun
de ces anneaux est sectionné horizontalement à mi-hauteur, ces
incisions horizontales étant ensuite réunies par des incisions
verticales alternativement à droite et à gauche, ce qui réalise une
série de languettes horizontales à pédicule alternativement droit et
gauche, chacune d’entre elles comportant la moitié de la hauteur de Figure 2 Laryngotrachéoplastie en créneaux : confection du tube de calibrage.
deux anneaux adjacents et une membrane interannulaire (Fig. 1A).
La fermeture de l’incision laryngotrachéale s’effectue en suturant
supérieure pour calibrer la commissure glottique antérieure. Ce
bout à bout les languettes horizontales (Fig. 1B), ce qui procure un
cylindre est maintenu en place par un fil monobrin non résorbable
agrandissement de la circonférence cricotrachéale, la thyrotomie
transfixiant la trachée et le cylindre de Silastict, et noué soit
étant refermée minutieusement pour éviter tout décalage en hauteur
transcutané sur des boutons de chaque côté, soit sous-cutané, devant
des deux hémi-larynx. Le plan cutané est fermé sur un drain non
les muscles sous-hyoïdiens (pour pouvoir le repérer facilement lors
aspiratif à laisser en place 48 heures.
de son ablation, il est prudent de le faire passer à travers un
Cette technique n’est plus utilisée actuellement, car difficile et grevée fragment de cathéter en polythène que l’on peut palper à travers la
d’un certain nombre d’échecs dus au bourgeonnement consécutif peau et qui guide l’incision cutanée).
aux zones cruentées créées par le procédé de fermeture.
Mais le mode de calibrage (Fig. 2) décrit par cet auteur reste
utilisable dans les autres techniques de laryngoplastie : il est LARYNGOTOMIE ANTÉRIEURE DE DÉCOMPRESSION
constitué d’une lame de Silastict mince (0,125 ou 0,250 mm) ou plus (« ANTERIOR CRICOID SPLIT ») [7–11]
épais, enroulée sur elle-même et taillée en bivalve à son extrémité Cette intervention est préconisée chez des nouveau-nés porteurs
d’une sonde d’intubation nasotrachéale, inextubables du fait d’une
sténose sous-glottique souvent inflammatoire, l’intervention visant
à éviter la trachéotomie.
Une incision médiane verticale est pratiquée à travers l’anneau
antérieur du cricoïde et la muqueuse sous-glottique pour exposer la
sonde endotrachéale. Cette incision est poursuivie vers le bas, à
travers les deux premiers anneaux trachéaux, puis vers le haut,
toujours strictement médiane, à travers le cartilage thyroïde et la
commissure glottique antérieure, jusqu’à 2 mm de l’échancrure
thyroïdienne (Fig. 3). Les berges de l’incision cricoïdienne sont
tranfixiées par deux fils qui sont passés à travers l’incision cutanée
et fixés sur le thorax, afin de permettre en urgence la mise en place
d’une canule de trachéotomie en cas d’extubation accidentelle et de
difficultés lors des tentatives de réintubation. Pour éviter ces
difficultés, certains préconisent la mise en place d’un greffon de
cartilage costal dans l’ouverture cricotrachéale. [12] L’incision cutanée
est alors fermée sur un drain non aspiratif. La sonde d’intubation
est laissée en place pour une durée de 7 à 15 jours, l’enfant étant
hospitalisé en unité de réanimation pédiatrique.

LARYNGOPLASTIE D’AGRANDISSEMENT ANTÉRIEUR


AVEC INTERPOSITION DE CARTILAGE COSTAL [13–16]
La technique originale décrite par Cotton en 1978 pour les sténoses
Figure 1 Laryngotrachéoplastie en créneaux. A. Tracé de l’incision. B. Technique sous-glottiques avec conservation d’une mobilité glottique normale
de fermeture. comporte les temps suivants :

2
Techniques Chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant 46-400

trachéale. Il est ensuite suturé aux berges de l’incision


laryngotrachéale par des points séparés de fil résorbable,
extramuqueux, prenant toute l’épaisseur du greffon, mais seulement
la moitié superficielle de celle des berges de l’incision
laryngotrachéale, pour éviter l’impaction du greffon dans la lumière
sous-glottique ;
– la cervicotomie est refermée sur un drainage non aspiratif.
De nombreuses variantes techniques ont été décrites ultérieurement
pour ce type de reconstruction laryngotrachéale avec
agrandissement antérieur.
La thyrotomie peut être complète, mais il faut alors utiliser un
calibrage postopératoire pour éviter une synéchie de la commissure
antérieure. [17–20]
Pour éviter la migration du greffon dans la lumière laryngée, on
peut tailler le cartilage costal en forme de « bateau » à deux
épaisseurs (Fig. 6). [21]
Au lieu d’utiliser un greffon de cartilage costal, on peut utiliser soit
le cartilage de l’aile thyroïdienne, ce qui a l’avantage de ne pas
nécessiter d’autre incision cutanée, [22–25] soit le corps de l’os hyoïde
pédiculé sur les muscles sous-hyoïdiens d’un côté (Fig. 7). [26–28]
Mais une avancée considérable est intervenue depuis le début des
années 1990 : la possibilité de réaliser cette intervention sans
Figure 3 Laryngotomie antérieure de décompression (anterior cricoid split).
trachéotomie, ou avec suppression de la trachéotomie préalable, le
calibrage postopératoire étant assuré par une intubation
– prélèvement d’un greffon de cartilage costal avec son périchondre
laryngotrachéale de courte durée, laissée en place pour une durée
antérieur au niveau de la huitième côte (Fig. 4), par une incision
ne dépassant pas 8 à 15 jours (« laryngoplastie en un seul temps »
sous-mammaire ; ce greffon est gardé dans du sérum physiologique
ou single stage laryngotracheoplasty). [19, 29–31]
et l’incision refermée ;
– section verticale médiane du cricoïde et du tissu fibreux
cicatriciel jusqu’à la lumière sous-glottique (Fig. 5A) ; cette incision LARYNGOPLASTIE AVEC AGRANDISSEMENT
POSTÉRIEUR
verticale médiane est poursuivie vers le haut sur le tiers inférieur
du cartilage thyroïde, jusqu’à un point situé immédiatement au- Lorsque la mobilité glottique est insuffisante, il faut procéder à un
dessous de la commissure antérieure qui n’est pas incisée ; elle est élargissement postérieur.
ensuite agrandie vers le bas, toujours strictement médiane, à C’est la technique de Rethi, [32] modifiée par Aboulker [33] et décrite
travers les deux à quatre premiers anneaux trachéaux, en fonction pour la première fois chez l’enfant de moins de 3 ans par Grahne en
de la hauteur de la sténose ; cette incision inférieure peut aller ou 1971. [34]
non jusqu’à l’orifice de trachéotomie ; le tissu cicatriciel Elle comporte (Fig. 8A), après laryngotomie antérieure, l’incision
endoluminal et la muqueuse sont incisés verticalement sur la ligne verticale médiane du chaton cricoïdien y compris le périchondre
médiane sur toute la hauteur de la sténose, sans aucune tentative postérieur. [35] Pour limiter la dysphonie séquellaire, si fréquente
d’exérèse, pour éviter de créer une surface cruentée, et sans mise après ce type d’intervention, il faut éviter de sectionner le muscle
en place d’un calibrage endoluminal ; interaryténoïdien chaque fois qu’il n’y a pas de sclérose à son
– le greffon de cartilage costal (Fig. 5B) est alors taillé en forme de niveau, comme c’est habituellement le cas dans les lésions purement
navette de dimension adaptée à l’incision laryngotrachéale, le sous-glottiques.
périchondre placé vers la lumière trachéale, les berges étant taillées Le maintien de l’écartement obtenu entre les deux hémichatons
en biseau pour éviter la migration du greffon vers la lumière cricoïdiens peut être réalisé par la fermeture de la laryngotomie

Figure 4 Laryngoplastie avec agrandissement anté-


rieur : prélèvement du greffon de cartilage.

3
46-400 Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant Techniques Chirurgicales

Figure 5 Laryngoplastie avec agrandissement anté-


rieur. A. Incision laryngotrachéale. B. Mise en place du
greffon.

Figure 6 Taille du greffon en forme de « bateau » à deux


épaisseurs.

Figure 7 Prélèvement et mise en place d’un greffon pédiculé d’os hyoïde.

antérieure sur un tube de calibrage endolaryngé supracanulaire


rigide comme le tube en Téflont d’Aboulker ou la nouvelle
prothèse en silicone décrite récemment par Monnier (Easy LT- Figure 8 Laryngoplastie avec agrandissement postérieur. A. Cricotomie posté-
mold). [36] On peut également utiliser une interposition de matériel rieure. B. Agrandissement antérieur et postérieur.
rigide, comme un fragment de cartilage costal avec son
périchondre disposé en avant, vers la lumière laryngée, et
maintenu en place par quatre points l’amarrant aux deux LARYNGOPLASTIES AVEC AGRANDISSEMENT
hémichatons. [37, 38] Dans cette éventualité, il est possible d’utiliser COMBINÉ, ANTÉRIEUR ET POSTÉRIEUR [29, 39–41]
un calibrage moins rigide, comme un cylindre de Silastict épais Dans les sténoses très sévères, avec une nécrose importante du
renforcé, ou un tube en T de Montgomery, ou, surtout, d’opérer cartilage cricoïde, ou une fibrose rétractile sous-commissurale
en un seul temps, grâce à une intubation de courte durée avec postérieure ou interaryténoïdienne entraînant une immobilité
suppression de la trachéotomie. glottique en fermeture, il peut être nécessaire de réaliser un

4
Techniques Chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant 46-400

Figure 10 Résection cricotrachéale : ligne de résection supérieure.


Figure 9 Quadrisection du cricoïde. A. Coupe axiale schématique du cricoïde. B.
Vue opératoire.
se fait en avant au bord inférieur du cartilage thyroïde.
Latéralement, le cricoïde est sectionné obliquement de haut en bas
agrandissement à la fois antérieur et postérieur. L’agrandissement et d’avant en arrière, pour rejoindre le bord inférieur du chaton, en
antérieur est réalisé par un greffon de cartilage costal auquel on peut avant de l’articulation cricothyroïdienne. Ceci permet l’excision de
associer un greffon postérieur (Fig. 8B). la totalité de l’arche antérieure du cricoïde, sans danger pour les
Le calibrage peut être réalisé par une prothèse supracanulaire ou récurrents qui sont toujours situés en arrière de cette articulation.
par une intubation laryngotrachéale de courte durée sans En arrière, la muqueuse est incisée au-dessous des articulations
trachéotomie. cricoaryténoïdiennes ou plus bas en fonction des lésions, et séparée
de la face antérieure du chaton cricoïdien jusqu’à son bord inférieur.
LARYNGOTRACHÉOPLASTIE AVEC QUADRISECTION On termine la résection du segment sténosé en séparant la
DU CARTILAGE CRICOÏDE [42–44] membraneuse trachéale de la paroi antérieure de l’œsophage.
Dans les sténoses très serrées ou les sténoses totales, pour obtenir Il faut ensuite libérer la trachée distale pour permettre de la
un diamètre antéropostérieur suffisant, il faut parfois recourir à une mobiliser vers le haut : la membraneuse postérieure est séparée de
quadrisection du cartilage cricoïde : à la laryngofissure antérieure et la paroi antérieure de l’œsophage sur une longueur équivalente à la
à la section verticale médiane du chaton cricoïdien, on associe une hauteur de la surface cruentée du chaton cricoïdien, pour permettre
section latérale de l’anneau cricoïdien de chaque côté, à mi-distance son recouvrement, les parois antérieure et latérales étant facilement
entre l’incision médiane postérieure du chaton et l’incision médiane séparées du tissu médiastinal.
antérieure (Fig. 9). Cette section doit aller jusqu’au périchondre
externe, mais sans intéresser le plan musculaire, pour ne pas léser le Pour améliorer la congruence entre les deux extrémités de la
récurrent. Cette quadrisection peut être combinée avec une résection, il faut élargir la lumière sous-glottique, d’un calibre
interposition de cartilage antérieure et/ou postérieure. Elle peut être toujours inférieur à celui de la trachée. On y parvient en amincissant
effectuée en un seul temps, avec calibrage postopératoire de 10 à 15 le cricoïde en arrière et latéralement à la fraise diamantée, et en
jours par une intubation laryngotrachéale, ou en deux temps, avec incisant le tiers inférieur du cartilage thyroïde sur la ligne médiane,
maintien d’une trachéotomie permettant un calibrage endolaryngé jusqu’à la face inférieure de la commissure glottique antérieure,
plus prolongé. l’écartement des berges de cette incision permettant un
élargissement de l’espace sous-glottique antérieur sans
compromettre la fonction vocale puisque la commissure glottique
Technique de résection cricotrachéale antérieure est respectée. L’espace triangulaire ainsi créé est comblé
par un lambeau cartilagineux taillé aux dépens du premier anneau
La résection du segment sténosé, comportant une partie du cricoïde de la trachée distale (Fig. 11).
et les premiers anneaux de la trachée et respectant le plan glottique, L’anastomose thyrotrachéale est ensuite réalisée, après ablation du
suivie d’une anastomose thyrotrachéale sans calibrage billot sous les épaules, en commençant par la suture de la
postopératoire, était, jusqu’à une date récente, déconseillée chez membraneuse postérieure avec des points de fil résorbable 5.0 ou
l’enfant en raison des risques qu’elle était censée comporter vis-à- 6.0 noués dans la lumière et des points 3.0 ou 4.0 noués à
vis de la croissance ultérieure du larynx. Depuis le début des années l’extérieur pour les sutures des parois antérieure et latérales. Pour
1990, plusieurs publications [45–54] ont prouvé, avec maintenant un soulager la tension de l’anastomose, lorsque la résection trachéale
recul suffisant, l’efficacité de cette technique, particulièrement dans est importante, on peut pratiquer un abaissement du larynx en
les sténoses totales ou très sévères. [55] désinsérant les muscles au niveau du bord supérieur de l’os
L’exposition du squelette laryngotrachéal est identique à celle hyoïde.
d’une laryngotrachéoplastie, sans chercher à exposer les nerfs
récurrents, puisque la dissection de la trachée se fait au contact du Après fermeture de l’incision sur un drain non aspiratif, on peut
cartilage, sans risque de blesser les récurrents. La dissection de sécuriser l’anastomose en passant des fils entre le menton et la paroi
l’arche antérieure du cricoïde se fait dans le plan sous- thoracique antérieure pour éviter l’extension de la colonne cervicale.
périchondral, allant latéralement jusqu’à l’articulation Il n’est habituellement pas nécessaire de laisser un calibrage
cricothyroïdienne de chaque côté. endolaryngé, la ventilation postopératoire étant assurée soit par une
On commence par l’incision trachéale inférieure, au pôle inférieur intubation de quelques jours lorsque la trachéotomie a été
de la sténose ou au niveau de l’orifice de trachéotomie si celui-ci supprimée au cours de l’intervention, soit par la trachéotomie
doit être réséqué dans le même temps. L’incision supérieure (Fig. 10) lorsqu’elle a été maintenue.

5
46-400 Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant Techniques Chirurgicales

Classification de à

Grade I

pas d’obstruction obstruction à 50 %

Grade II

obstruction à 51 % obstruction à 70 %

Grade III
Figure 11 Résection cricotrachéale : anastomose thyrotrachéale après élargisse- obstruction à 71 % obstruction à 99 %
ment du calibre sous-glottique.

Grade IV pas de lumière détectable


Indications

Il est difficile de les schématiser, d’autant que, bien souvent, la


Figure 12 Classification de Myer et Cotton.
décision n’est possible qu’au cours de l’intervention. Elles dépendent
de plusieurs facteurs dont les principaux sont l’importance de la
sténose et l’état de la mobilité des aryténoïdes. Précautions
On apprécie l’importance de la sténose en utilisant la classification Il s’agit d’une chirurgie d’autant plus difficile que l’enfant est plus
de Myer et Cotton, [56] dans laquelle le pourcentage d’obstruction est petit. Il est parfois nécessaire de recourir au microscope opératoire.
apprécié par le calibre de la sonde la plus grosse qui peut franchir Les risques d’obstruction de la canule, de décanulation accidentelle
sans frottement la sténose par rapport au calibre normalement utilisé ou d’obstruction des voies respiratoires sous-jacentes nécessitent une
pour un enfant du même âge (Fig. 12). surveillance minutieuse avec contrôle permanent de la fréquence
Les sténoses de grade I (moins de 50 % d’obstruction) n’entraînent cardiaque et de la saturation en oxygène, au moins dans les premiers
jours postopératoires. Une collaboration étroite avec un service de
pas de dyspnée et ne doivent pas être opérées.
réanimation pédiatrique est une condition préalable indispensable à
Dans les sténoses de grade II et de grade III modérées, une la prise en charge de cette pathologie.
laryngotrachéoplastie avec greffe de cartilage semble le meilleur L’état pulmonaire et cardiaque doit être suffisant pour que l’enfant
choix : c’est une intervention moins lourde que la résection n’ait plus besoin d’une assistance respiratoire. Pour les mêmes
cricotrachéale qui nécessite une mobilisation de la trachée, et la raisons, l’intervention doit être retardée si l’état de l’enfant nécessite
procédure en un seul temps, sans trachéotomie, permet une d’autres interventions sous anesthésie générale dans un proche
extubation rapide dans la majorité des cas. avenir, pour éviter qu’une nouvelle intubation ne vienne
Les sténoses totales (grade IV) et les sténoses de grade III sévères compromettre le résultat.
sont une excellente indication de résection cricotrachéale lorsque la Le reflux gastroœsophagien est une cause fréquente d’échec après
sténose est purement sous-glottique, à distance suffisante du plan reconstruction laryngotrachéale, entraînant granulations et récidive
glottique [57] avec une mobilité aryténoïdienne normale. de la sténose après ablation du calibrage. Il doit donc être
systématiquement recherché et traité avant l’intervention. [58–62]
Les sténoses sous-glottiques sévères étendues au plan cordal posent Une antibiothérapie pré-, per- et postopératoire est prudente pour
un problème très difficile. [2] Il est possible de combiner une résection éviter une chondrite sur un terrain habituellement septique en cas
cricotrachéale avec une cricotomie verticale postérieure et une de trachéotomie préopératoire.
interposition cartilagineuse. Mais c’est une intervention très difficile, Avant toute tentative de décanulation, une endoscopie
nécessitant le maintien d’une trachéotomie avec calibrage laryngotrachéale est indispensable, avec appréciation de la mobilité
supracanulaire prolongé. [54] Une laryngotrachéoplastie avec glottique, de la perméabilité supracanulaire et de l’absence de
agrandissement antérieur et postérieur, éventuellement associée à trachéomalacie. Il faut également toujours faire une épreuve
une quadrisection du cricoïde, semble plus adaptée, d’autant que ce d’obstruction de la canule, en utilisant une canule fenêtrée ou une
type d’intervention peut être réalisé en un seul temps, sans canule de petit calibre : on ne doit retirer la canule que si l’enfant
trachéotomie, sous couvert d’une intubation postopératoire de tolère cette épreuve sans aucune dyspnée, jour et nuit, pendant au
courte durée. [44] moins 48 heures d’affilée.

6
Techniques Chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngées chez l’enfant 46-400

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7
46-390
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-390

Chirurgie des sténoses laryngotrachéales


de l’adulte
M Menard
O Laccourreye
D Brasnu
Résumé. – Cet article a pour but de préciser les méthodes et les indications chirurgicales des sténoses
laryngotrachéales de l’adulte.
Les différentes techniques chirurgicales sont décrites.
L’évolution, le degré et le siège de la sténose interviennent directement dans le choix de l’indication
thérapeutique. L’intérêt d’une classification des sténoses en fonction du ou des siège(s) anatomique(s)
atteint(s) et précisant la mobilité laryngée a été souligné.
Les principes du traitement des sténoses en fonction de leur siège, en se référant à cette classification, ont été
exposés. Cet article souligne particulièrement l’intérêt des résections-anastomoses trachéales ou
cricotrachéales pour la fiabilité de leurs résultats et l’apport de la cordotomie transverse postérieure au laser
CO 2.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : sténose laryngée, sténose trachéale, traitement chirurgical des sténoses laryngotrachéales.

Introduction Rappel physiopathologique [71, 76, 82]

Les lésions responsables des sténoses laryngotrachéales sont de


La prise en charge des sténoses laryngotrachéales est difficile. Leur nature cicatricielle.
complexité explique la multiplicité des techniques chirurgicales
La constitution d’une sténose est directement en rapport avec la
décrites. Celles-ci se résument cependant à des procédés perte de la charpente cartilagineuse laryngée ou trachéale. Elle a
d’agrandissement, de calibrage, de résection-anastomose. Ces pour origine une surinfection puis une fonte cartilagineuse.
techniques s’adressent généralement à des lésions de siège
L’atteinte du cartilage peut être primitive comme dans les
anatomique bien précis, laryngé et/ou trachéal. Il faut connaître les
traumatismes externes où l’apparition d’une sténose est consécutive
différentes techniques, leurs indications, leurs avantages, leurs à une méconnaissance du traumatisme ou à un traitement inadapté.
inconvénients, leurs associations possibles en gardant à l’esprit Elle peut être secondaire comme dans les traumatismes internes :
qu’un échec chirurgical est toujours responsable de nouvelles l’intubation, qu’elle soit de courte durée ou qu’elle soit prolongée,
lésions, de plus en plus délicates à traiter [14, 82, 141]. et la trachéotomie constituent un traumatisme constant à l’égard du
Le but du traitement est de permettre en priorité une ventilation larynx et de la trachée. Elles occupent la première place des
normale par les voies naturelles sans trachéotomie [14, 57, 95]. Le étiologies des sténoses laryngotrachéales.
résultat immédiat est souvent satisfaisant, mais il existe une Les lésions laryngées sont directement liées au conflit sonde
tendance à la récidive, surtout après les laryngoplasties. Peu d’intubation ou canule de trachéotomie-muqueuse laryngée ou
d’articles dans la littérature analysent les résultats à long terme, ce trachéale et surtout à la pression exercée par les ballonnets.
qui rend encore plus difficile le choix entre les différentes techniques Supérieure au pouls muqueux laryngé ou trachéal, elle détermine
chirurgicales [14, 57]. des lésions muqueuses ischémiques qui ont une répercussion directe
sur la vascularisation du cartilage.
L’élargissement de la filière laryngée se fait souvent aux dépens de
Les lésions laryngées siègent préférentiellement au niveau de la
la fonction phonatoire. Il s’agit toujours d’un compromis entre la
partie postérieure du larynx : commissure postérieure, aryténoïdes,
respiration et la phonation. Le patient doit toujours être prévenu de
tiers postérieur des cordes vocales et au niveau du cricoïde.
cet inconvénient, d’autant qu’une amélioration secondaire de la
Les lésions trachéales secondaires à une intubation intéressent plus
qualité de la voix est en général bien difficile à obtenir [14].
volontiers les deuxième, troisième et quatrième anneaux trachéaux.
Les lésions secondaires à une trachéotomie sont potentiellement plus
complexes et plus sévères, associant des lésions liées au siège et au
type d’ouverture trachéale à des lésions liées au ballonnet et/ou au
bec de canule.
Madeleine Menard : Praticien hospitalier.
Olivier Laccourreye : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Les lésions évoluent en trois stades :
Daniel Brasnu : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervicofaciale, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue
– stade 1 : l’œdème et l’hyperhémie muqueuse sont très précoces
Leblanc, 75015 Paris, France. avec des lésions histologiques dès la 2e heure d’intubation ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Menard M, Laccourreye O et Brasnu D. Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et), Techniques chirurgicales - Tête et cou,
46-390, 2002, 15 p.
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

– stade 2 : des ulcérations macroscopiques se voient dès la 7e heure un respirateur ce qui permet de les laisser en place plus longtemps
d’intubation, pouvant intéresser la muqueuse et la sous-muqueuse ; avec potentiellement un résultat plus durable.
– stade 3 : atteinte du cartilage (chondrite). – Les bronchoscopes ont l’avantage d’être rigides. Leur extrémité
inférieure est biseautée et mousse, permettant une introduction plus
Toute ulcération muqueuse, toute dénudation du cartilage entraîne
facile. Ils sont largement ouverts à leur extrémité inférieure. Seuls
la formation d’un tissu granulomateux dont la cicatrisation peut
les bronchoscopes dotés d’un système permettant leur raccordement
d’autant plus aboutir à une sténose qu’il existe une surinfection.
à un respirateur par un canal latéral doivent être utilisés. Ils
Réduire l’infection est donc essentiel dans le traitement préventif de
permettent la ventilation du patient sous anesthésie générale et
la sténose.
laissent à l’opérateur la possibilité de poursuivre parallèlement son
Une atteinte muqueuse isolée peut évoluer vers une sténose examen. On utilise habituellement des bronchoscopes de diamètre
cicatricielle réduisant la filière respiratoire, mais elle est en général croissant jusqu’au 6,5 ou 7. Celui-ci peut alors être laissé en place.
limitée et de traitement facile, réversible sous traitement médical ou La durée de la dilatation ne dépasse en général pas 30 à 45 minutes.
accessible aux traitements endoscopiques.
L’atteinte cartilagineuse, lyse ou nécrose purulente, est à l’origine • Résultats
des sténoses sévères liées à la perte de l’armature laryngotrachéale, Ces dilatations ne constituent habituellement qu’un traitement
permettant aux tissus inflammatoires endoluminaux et pariétaux palliatif ou d’attente, la sténose se reconstituant plus ou moins
d’évoluer en quelques semaines à quelques mois vers une sténose rapidement [17, 61, 82].
rétractile plus ou moins serrée et étendue, relevant le plus souvent Elles sont largement utilisées dans le cadre de l’urgence. Elles
d’un traitement chirurgical. permettent d’une part chez un patient dyspnéique, d’obtenir une
Au niveau trachéal, la perte de la charpente cartilagineuse peut respiration satisfaisante et d’autre part, un bilan plus complet avant
aboutir à une sténose fibreuse ou à une trachéomalacie par de choisir une indication thérapeutique curatrice. Elles évitent dans
aplatissement des anneaux trachéaux. ce cas une trachéotomie en urgence, source de surinfection trachéale,
de péritrachéite et de chondrite compliquant un éventuel geste
Cependant, si les lésions anatomiques sont constantes après
ultérieur [73, 82, 108].
intubation, leur évolution vers la sténose reste rare [76].
Dans certaines sténoses inflammatoires granulomateuses, les
dilatations, isolées ou associées à d’autres traitements
endoscopiques, permettent d’attendre l’heure d’un éventuel
Méthodes traitement chirurgical.
Parfois, le calibre laryngotrachéal est satisfaisant, autorisant la mise
L’agrandissement, le calibrage, la résection-anastomose sont les trois en place d’un tube de calibrage : tube en T de Montgomery [18, 82, 100,
grands moyens utilisés dans le traitement chirurgical des sténoses 101, 102]
ou encore prothèse endotrachéale largable [13, 35, 114].
laryngotrachéales. Rarement, elles peuvent avoir un effet curatif dans les sténoses
limitées en diaphragme muqueux sans altération de la structure
cartilagineuse sous-jacente.
TECHNIQUES D’AGRANDISSEMENT
Elles sont de deux types : Laser et microchirurgie par voie endoscopique
Deux sources de laser (CO2 et YAG) sont couramment utilisées dans
– l’agrandissement par voie endoscopique utilisant les dilatations, le traitement des sténoses laryngotrachéales [124, 125].
le laser, la microchirurgie endolaryngée ;
Le laser CO2 est un laser à gaz qui émet dans l’infrarouge. Son
– l’agrandissement chirurgical par voie externe. rayonnement est invisible et n’est pas transmis par des fibres
Ces techniques sont fréquemment associées à un calibrage optiques. Cette absence de transmission par des fibres optiques rend
endolaryngé. son utilisation délicate dès lors que la sténose siège sous le plan des
cordes vocales.
¶ Agrandissement par voie endoscopique La laser YAG (ytrium-aluminium-néodyme) a un rayonnement
invisible. Sa transmission par fibre optique à quartz ou en silice
Dilatations [17, 59, 82, 130] permet de l’utiliser dans un bronchoscope ou dans un fibroscope.
Quel que soit le laser utilisé, l’effet thermique obtenu dépend de la
L’examen endoscopique est une étape importante du bilan des puissance utilisée, du mode d’utilisation (continu ou pulsé), de la
sténoses laryngotrachéales. Il constitue également un moyen durée d’émission et de la focalisation du rayon au point d’impact [82,
thérapeutique : en présence d’une sténose serrée ou inflammatoire, 124, 125]
.
les dilatations constituent souvent le premier geste réalisé [60, 82]. Elles
Les lasers permettent l’exérèse de granulomes, la vaporisation des
doivent toujours être pratiquées sous anesthésie générale. Elles
œdèmes, l’agrandissement de la sténose par incisions radiaires
peuvent être associées à d’autres techniques endoscopiques :
endoluminales [124, 125], l’aryténoïdectomie [26, 106], la cordotomie
microchirurgie aux instruments froids ou au laser, mise en place
partielle postérieure initialement proposée dans le traitement des
d’un calibrage endolaryngé.
paralysies récurrentielles bilatérales et proposée aussi dans les
sténoses glottiques postérieures [32, 53, 97] , l’épiglottectomie, la
• Moyens [82] vestibulectomie, la section de brides cicatricielles [14].
– Les bougies en gomme. Elles dérivent de celles mises au point Les lasers sont associés à la microchirurgie lors de la confection de
par Schroetter. Il en existe de différents calibres. Elles sont lambeaux muqueux de recouvrement au niveau des sténoses
introduites dans la sténose en utilisant des diamètres croissants. glottiques postérieures interaryténoïdiennes [30, 40], au niveau des
Elles sont pleines et ne peuvent donc être laissées en place que synéchies glottiques antérieures [96].
quelques secondes. Elles permettent cependant une dilatation rapide Les lasers peuvent intervenir à différents stades du traitement des
de la filière laryngée, éventuellement avant dilatation par d’autres sténoses laryngotrachéales de l’adulte [82]. Ils ne compromettent pas
moyens. un traitement ultérieur [95]. Il n’existe malheureusement pas de
– Les sondes dilatatrices creuses. Ce sont des sondes en matière résultats publiés à long terme sur un nombre suffisant de patients.
plastique, creuses, percées d’orifices latéraux à l’extrémité inférieure. L’effet curatif du laser peut être envisagé :
L’extrémité inférieure est conique afin de faciliter la mise en place. – dans les sténoses glottiques postérieures avec immobilité
Les dilatations s’effectuent par passages successifs de sondes de aryténoïdienne bilatérale où la cordotomie partielle postérieure
diamètre croissant. Elles ont l’avantage de permettre leur raccord à semble être la technique la plus simple et la plus séduisante ;

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

– dans les sténoses glottiques postérieures avec une synéchie


interaryténoïdienne isolée ; 1 Laryngoplastie d’agran-
dissement (intervention de
– et en présence d’un diaphragme muqueux ou glottique isolé Réthi). Cricotomie posté-
(synéchie). rieure avec section posté-
rieure de la membraneuse tra-
À l’opposé, l’effet curatif du laser est limité : chéale et section du muscle
– si la sténose laryngotrachéale est complexe ; interaryténoïdien.

– si la sténose est étendue (supérieure à 1 cm) et/ou


circonférentielle ;
– s’il existe une ankylose cricoaryténoïdienne bilatérale et/ou des
lésions fibreuses interaryténoïdiennes associées (stade IV de
Bogdasarian) ;
– s’il existe une surinfection associée ;
– et si des tentatives thérapeutiques préalables ont échoué [57, 82, 95,
.
116, 127]

Le laser peut être aussi utilisé comme temps complémentaire. Il


permet la section d’une synéchie avant la mise en place d’une quille
(keel) laryngée et l’agrandissement d’une sténose avant la mise en
place d’une prothèse de calibrage.

Traitement médical [68, 71, 76, 82, 115, 116]


Il ne constitue qu’une thérapeutique d’appoint dans les sténoses
encore évolutives ou en postopératoire.
Il occupe une place majeure dans les stades précoces des sténoses Résection des tissus sténosants
où il vise à réduire l’inflammation et la surinfection locale et à éviter L’attitude à adopter vis-à-vis des tissus sténosants est extrêmement
l’évolution vers une sténose fixée invalidante. variable d’une équipe à l’autre. L’exérèse des granulomes est
– Les corticostéroïdes sont les plus utilisés pour leur action anti- soigneuse. La résection du tissu fibreux et/ou des hypertrophies
inflammatoire et pour prévenir la fibrose sous-muqueuse. Ils cartilagineuses n’est pas systématique [14, 38, 82]. Elle doit toujours
agiraient en inhibant la synthèse du collagène et la multiplication préserver au maximum la muqueuse. Réthi a souligné que seuls les
des fibroblastes. Cependant, il n’y a aucun consensus dans la tissus cicatriciels qui réduisaient significativement le diamètre
littérature sur leur emploi. Ils peuvent réduire un œdème mais leur laryngotrachéal devaient être excisés [ 11 8 ] . Pour Simon, les
action reste hypothétique en cas de granulomes. Certains arguments interventions d’élargissement laissant en place la zone sténogène au
cliniques et expérimentaux laissent supposer une action défavorable potentiel évolutif inconnu, il convient d’associer un geste de
sur la cicatrisation et sur la charpente cartilagineuse ainsi qu’un rôle résection, soit segmentaire, soit endoluminal [126] . Les brides
possible d’aggravation de l’infection sous-jacente. Ils peuvent être interaryténoïdiennes sont toujours sectionnées. Divers auteurs ont
utilisés par voie générale, en aérosols, in situ lors du traitement proposé de recouvrir les zones cruentées par une greffe muqueuse
endoscopique ou associés à des dilatations. (jugale, septale) ou cutanée libre (dermoépidermique de 0,5 mm
d’épaisseur) [82]. En réalité, ces greffes risquent de nécroser au contact
– Les antibiotiques sont la base du traitement médical. Une du calibrage endoluminal et peu d’équipes les pratiquent.
antibiothérapie contre les germes aérobies et anaérobies apparaît
nécessaire dans tous les cas où il existe une réaction inflammatoire Agrandissement
granulomateuse ou une dénudation cartilagineuse.
Plusieurs techniques ont été décrites. Elles reposent sur la
– Le traitement antireflux gastroœsophagien semble indispensable combinaison de trois éléments : la cricotomie postérieure,
de principe bien que sa place ne soit pas encore bien définie. l’interposition de tissus de soutien pour maintenir l’agrandissement
– La mitomycine : récemment, Rahbar a proposé l’application locale et divers procédés de calibrage endoluminal.
de mitomycine (pour diminuer le potentiel évolutif sténogène) sur
– La cricotomie postérieure médiane est toujours effectuée avec
les incisions muqueuses en fin de traitement endoscopique ou sur
section complète du muscle interaryténoïdien jusqu’à la muqueuse
les zones vaporisées au laser. Il rapporte des résultats
pharyngée qui doit être respectée et faire hernie entre les deux
encourageants [115, 116] mais contestés par Hartnick [68]. Il n’existe
berges du chaton cricoïdien. Elle bénéficie d’une section associée de
cependant pas de consensus quant aux doses utilisées et à la durée
la membraneuse trachéale (fig 1) sur la ligne médiane, verticale, sur
d’application.
plusieurs centimètres. Le cricoïde est ainsi séparé en deux parties
¶ Laryngotrachéoplasties par voie externe qui s’écartent l’une de l’autre, augmentant ainsi la surface de la
lumière cricoïdienne [14, 82]. L’interposition de tissu de soutien n’est
Ces interventions ont pour but d’agrandir la filière laryngotrachéale. pas systématique chez l’adulte. Les cricotomies antérieure et
Elles comportent toutes, schématiquement, trois temps [57, 62, 79, 82, 118, postérieure associées à un calibrage endoluminal telles qu’elles ont
119, 141]
. été initialement décrites par Réthi peuvent à elles seules corriger la
sténose [118].
Exposition et bilan des lésions
– Pour éviter la fermeture de l’anneau cricoïdien, de nombreux
La voie d’abord doit permettre la ligature de l’isthme thyroïdien et procédés ont été proposés.
l’accès à l’axe laryngotrachéal, de l’os hyoïde au manubrium sternal.
Elle est arciforme ou verticale médiane. Le bilan des lésions – Pour Laccourreye [82], la cricotomie antérieure en biseau avec
s’effectue après section strictement médiane de la membrane résection d’un coin de cartilage à base antérieure permet à elle seule
cricothyroïdienne, du cartilage thyroïde et du cartilage cricoïde le maintien de l’agrandissement cricoïdien postérieur lors de la
(cricotomie antérieure). Cet abord permet l’exposition de la glotte suture (fig 2).
postérieure et le bilan exact des lésions après avoir mis en place, soit – De nombreux procédés d’interposition ont été décrits. Les
des écarteurs autostatiques, soit des écarteurs de Farabeuf, soit des interpositions postérieures sont rarement pratiquées en raison du
crochets de Gillies. manque de stabilité des fragments interposés et du risque

3
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

fil monobrin résorbable des fragments cartilagineux sectionnés.


Cette intervention a été proposée chez l’adulte dans les sténoses
secondaires à une chondroradionécrose cricoïdienne [33].
Enfin, en 1989, Gates et Tucker ont décrit une technique comportant
une résection cricotrachéale antérieure reconstruite par un lambeau
de translation trachéal (fig 5A, B, C) [56].

Techniques de renforcement trachéal


L’atteinte sténotique trachéale (chondrite) peut aboutir à la lyse
complète de plusieurs anneaux trachéaux et à une trachéomalacie
étendue. Divers procédés dont le but est de compenser cette perte
2 Intervention de Réthi. Cricotomie antérieure en biseau favorisant le maintien de de rigidité ont été décrits. Kohler et Rehn ont préconisé la mise en
l’agrandissement postérieur lors de la suture. place de greffons costaux suturés longitudinalement à la trachée
malacique [82].
d’asphyxie lié à leur possible déplacement secondaire. Les McComb a proposé un lambeau deltopectoral renforcé par un
interpositions antérieures peuvent être cartilagineuses, cartilage costal [82]. Gebauer a utilisé un greffon dermoépidermique
ostéomusculaires ou myocutanées : renforcé par un fil d’acier [82]. Kyrzeck et Kirchner ont décrit un
– l’interposition de cartilage costal, prélevé aux dépens de la lambeau bipédiculé présternal armé par un greffon cartilagineux
jonction chondrocostale de la sixième ou septième côte, taillé en septal [75]. Hirano a proposé d’utiliser des anneaux d’hydroxyapatite
navette (fig 3A), est largement utilisée, sa face périchondrale doit être préformés pour assurer un soutien rigide [70].
placée en endoluminal [3, 82, 119] ; Les nombreux procédés chirurgicaux décrits pour obtenir un calibre
– les interpositions de fragments cartilagineux prélevés au niveau laryngotrachéal satisfaisant traduisent les difficultés des indications
du septum nasal [39, 119, 131] ou de l’épiglotte [105] sont des procédés liées à la variété des lésions sténosantes et aux limites de chacun de
anciens, rarement employés à l’heure actuelle. Des greffons de ces procédés.
cartilage auriculaire ont également été utilisés [15, 103]. Weisberger a
proposé le maintien d’une greffe de cartilage de la conque par des CALIBRAGE ENDOLUMINAL
miniplaques de vitallium [141] ;
Il peut être utilisé dans trois circonstances :
– l’interposition de l’os hyoïde a été pratiquée par de nombreux
auteurs [1, 2, 3, 4, 5, 47, 91, 110, 138, 142]. Cette interposition peut être constituée – dans les sténoses inflammatoires après dilatation ;
aux dépens du corps de l’os hyoïde pédiculé sur les muscles sous- – dans les sténoses inopérables ;
hyoïdiens (fig 3B), à partir d’un montage utilisant les différentes
– après laryngotrachéoplastie d’agrandissement.
parties de l’os hyoïde (fig 3C) ou simplement en utilisant le corps de
l’os hyoïde ; Sa place reste discutée [90, 122, 128]. Il a pour but [6] :
– l’interposition d’un lambeau myocartilagineux de cartilage – le maintien et la stabilisation de la zone reconstruite ;
thyroïde a été proposée par Fry [52] dans les sténoses trachéales – la lutte contre le processus sténotique postopératoire.
étendues (fig 3D) ;
Le calibrage doit respecter la ventilation, pouvoir être retiré
– l’interposition d’un lambeau myopériosté prélevé aux dépens des rapidement et facilement, éviter toute compression des parois
insertions sternoclaviculaires du muscle sterno-cléido-mastoïdien a laryngotrachéales pour ne pas favoriser la récidive de la sténose et
été décrite par Tovi [133] et Friedman [49, 50, 51] (fig 3E). Cette technique être toléré pendant plusieurs mois [82, 122].
a été modifiée par Schuller [123] qui inclut dans le lambeau un Pendant longtemps, le tube en Téflont d’Aboulker [3] et le tube en T,
fragment d’os claviculaire (fig 3F) ; en silicone de Montgomeryt [100, 101, 102] (fig 6A, B) ont été les plus
– l’interposition d’un lambeau microanastomosé de crête iliaque [123] utilisés. Le tube en Téflont d’Aboulker présente un risque de
ou d’un lambeau ostéocutané microanastomosé de péroné [45] a migration et d’asphyxie mortelle. Il nécessite un maintien
également été proposée ; externe [113]. Le tube en T de Montgomeryt a plusieurs avantages :
– la mise en place d’un lambeau myocutané de grand pectoral a été – mise en place aisée ;
proposée par Fleischer [48] dans les sténoses trachéales tandis que – bon degré de rigidité (inférieure cependant au tube en Téflont
Casiano utilise un procédé de trachéoplastie d’agrandissement par d’Aboulker) et bonne tolérance ce qui permet de le maintenir en
lambeaux de muscles sous-hyoïdiens maintenus en place par des place pour une période prolongée (6 à 12 mois).
miniplaques en titane [16] ;
Il est disponible en différents diamètres et longueurs, peut être
– Eliachar a décrit un lambeau myocutané de rotation qui utilise le facilement retaillé aux dimensions voulues. Il permet un calibrage
plan des muscles sous-hyoïdiens et la peau en regard. Ce lambeau de sténoses laryngées et/ou trachéales. Il peut être positionné en
n’apporte pas de tissu de soutien osseux mais l’auteur considère transglottique. Il impose toujours une trachéotomie associée. Il joue
que le maintien du diamètre trachéal est assuré par la contraction à la fois le rôle d’une canule de trachéotomie et d’un calibrage
active du muscle sterno-cléido-hyoïdien lors de l’inspiration [41, 42, 43] ; endolaryngé et/ou trachéal. Son risque de migration est très réduit
– plusieurs auteurs [74, 121, 129] ont préconisé une interposition chez l’adulte grâce à la présence d’anneaux de sécurité. Il peut être
antérieure de cartilage épiglottique. Cette intervention s’inspire de fermé par un obturateur permettant la phonation.
l’intervention décrite par Sedcassek puis Kambic et popularisée par La durée du calibrage reste controversée. Les auteurs anglo-saxons
Tucker [134] pour reconstruire le defect laryngé existant après recommandent un calibrage de durée limitée : quelques semaines à
laryngectomie partielle verticale de type frontal antérieur (fig 3G). quelques mois [23, 141]. Nous pensons qu’il doit être maintenu en place
À côté de ces interpositions diverses et variées, Evans [46] a décrit au moins 6 mois, voire 1 an. Certes, la cicatrisation muqueuse est
une intervention séduisante pour traiter les sténoses sous-glottiques obtenue en quelques semaines, mais le but est d’obtenir une fibrose
congénitales de l’enfant. Cette laryngotrachéoplastie réalise un suffisante qui servira de charpente au larynx et à la trachée, assurant
élargissement antérieur. Elle comporte une thyrotomie verticale une filière satisfaisante et stable lors de l’ablation du calibrage, ce
médiane, une incision en créneaux du cricoïde et des trois premiers qui ne peut être obtenu qu’après plusieurs mois [14].
anneaux trachéaux [46] (fig 4), la mise en place d’un calibrage Depuis une quinzaine d’années, les progrès se situent dans le
endoluminal par un rouleau de Silastict et la suture bout à bout au développement et l’utilisation de prothèses largables endotrachéales,

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

3 Différentes possibilités
d’interpositions antérieures
dans les interventions
d’agrandissement laryngé.
A. Interposition d’un
fragment de cartilage
taillé en navette.
B. Interposition du
corps de l’os hyoïde pé-
diculé sur les muscles
sous-hyoïdiens.
C. Interposition d’un
montage utilisant les
différentes parties de
l’os hyoïde.
D. Interposition d’un
lambeau myocartilagi-
neux de cartilage thy-
roïde.
E. Interposition d’un
lambeau myopériosté
de muscle sterno-
cléido-mastoïdien.
F. Interposition d’un
lambeau ostéo-myo-
cutané de muscle
sterno-cléido-masto-
ïdien.
G. Interposition de car-
tilage épiglottique.

d’abord en silicone et plus récemment métalliques. Elles permettent réalisables du fait des caractéristiques de la sténose, de l’état général
un calibrage endotrachéal sans trachéotomie [13, 19, 35, 117]. du patient, de l’existence de facteurs de comorbidité [12].
Les prothèses métalliques, type Ultraflex ou Ducic présentent
l’avantage d’être incluses dans la paroi trachéale, d’être recouvertes
par un épithélium respiratoire fonctionnel ce qui évite la constitution RÉSECTIONS-ANASTOMOSES TRACHÉALES
ET CRICOTRACHÉALES
de bouchons muqueux et le risque d’obstruction aiguë. Ce risque
était important avec les prothèses en silicone. De plus, à cause de Les résections-anastomoses trachéales consistent en une résection
leur paroi pleine, elles avaient l’inconvénient de pouvoir entraîner circulaire d’un fragment de trachée cervicale avec anastomose
une obstruction aiguë des voies respiratoires en cas de migration. terminoterminale. Elles s’adressent aux sténoses trachéales pures,
Ces prothèses sont utilisées dans les sténoses trachéales lorsque la sans atteinte du bord inférieur du cricoïde, situées au-dessus du tiers
laryngotrachéoplastie et/ou la résection-anastomose ne sont pas inférieur de la trachée.

5
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

*
A *
B
5 Résection cricotra-
chéale antérieure avec lam-
*
A *
B beau de translation trachéal
(c : cricoïde).
4 Laryngotrachéoplastie d’agrandissement selon la technique d’Evans. A. Ligne de résection
A. Thyrotomie médiane, incision en créneaux du cricoïde et des trois premiers an- cricotrachéale.
neaux trachéaux. B. Création du lam-
B. Suture. beau de translation.
C. Suture.
La résection peut être plus ou moins importante et plus ou moins
basse, selon la configuration anatomique cervicale des patients [23].
Elle peut intéresser deux à huit anneaux sans entraîner de
retentissement important sur la vascularisation pulmonaire [77, 104].
Si la sténose est étendue au cricoïde, il est possible de réséquer le
cricoïde partiellement ou en totalité. L’anastomose peut être
trachéotrachéale, cricotrachéale ou thyrotrachéale [6, 7, 8, 12, 21, 22, 23, 24, 25,
26, 27, 28, 31, 37, 44, 54, 58, 60, 64, 65, 66, 67, 72, 77, 78, 79, 81, 82, 83, 85, 86, 87, 89, 90, 93, 98, 99, 104, 109,

112, 137, 139, 140]


.

¶ Techniques opératoires

Résection-anastomose trachéotrachéale [73, 82, 109, 111, 140] *


C
L’intervention est menée sous anesthésie générale, le patient en
décubitus dorsal, la tête en hyperextension.
La libération large des muscles sterno-cléido-hyoïdiens est une
Elle comporte trois temps :
notion fondamentale. Elle permet d’abaisser le larynx et de lui faire
– un temps d’exposition ; parcourir la moitié de la longueur réséquée et évite la section des
– un temps de résection en trachée saine ; muscles sus-hyoïdiens ou d’autres manœuvres d’abaissement du
larynx, à l’origine de troubles de la déglutition secondaires [81, 86].
– un temps d’anastomose terminoterminale.
L’isthme thyroïdien est libéré, lié et sectionné. Les deux fils de
ligature sont gardés sur pince ; ils serviront de tracteur pour libérer
• Abord la zone sténotique qui se situe, le plus souvent, en regard du lobe
L’incision cutanée est le plus souvent verticale, médiane, de l’os thyroïdien.
hyoïde à la partie basse du cou, environ 1 cm sous l’échancrure
sternale, de façon à bien exposer l’espace triangulaire de • Exposition de la sténose
Sébilleau [82].
Elle comporte la libération de la trachée et la libération de la sténose.
Cette incision longue est nécessaire pour permettre une large
exposition du bord interne des muscles sterno-cléido-hyoïdiens, de – Libération de la trachée médiastinale sous-sténotique : elle
leurs insertions hyoïdiennes à la fourchette sternale. Une incision consiste en la libération des faces antérieure et latérales de la trachée
cutanée arciforme médiocervicale (type Kocher) a été proposée [94]. en disséquant au contact du périchondre trachéal. Cette dissection
Elle est, certes, plus esthétique, mais le décollement sous-cutané est doit être douce, menée au doigt et aux ciseaux. Elle descend jusqu’à
plus important, source de surinfection locale. la bifurcation trachéale. Cette libération trachéale facilite l’ascension
ultérieure lors de l’anastomose et comble la moitié de la distance à
La face profonde des muscles sterno-cléido-hyoïdiens doit être
parcourir.
soigneusement dégagée de la face superficielle des muscles
thyrohyoïdiens et sternothyroïdiens (fig 7) de l’os hyoïde à la – Libération de la sténose : à ce stade de l’intervention, l’aspect
clavicule, afin de permettre une bonne mobilisation de l’axe extérieur de la trachée permet le plus souvent d’apprécier le siège
laryngotrachéal [17, 82, 94]. exact de la sténose : la trachée apparaît généralement comme

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

6 Techniques de mise en
place d’un tube de Montgo-
meryt.

7 Résection-anastomose 8 Résection-anastomose
trachéotrachéale. Libération trachéotrachéale. Ouver-
large des muscles sterno- ture trachéale au bord infé-
cléido-hyoïdiens du plan rieur de la sténose. Ventila-
des muscles sternothyroï- tion sur sonde de
diens et thyrohyoïdiens. Montandon. Résection de la
sténose de bas en haut.

effondrée. Dans certains cas, l’aspect extérieur de la trachée n’est Le niveau de la section trachéale inférieure doit être évalué avec
pas déterminant, on utilise les éléments fournis par les données de précision afin d’éviter toute exérèse inutile de trachée saine. Il vaut
l’endoscopie et de l’imagerie. mieux faire une recoupe plutôt que de réséquer d’emblée trop de
On peut également s’aider de la palpation transtrachéale de la sonde trachée. Un fil est passé au niveau de la trachée saine pour éviter
d’intubation qui bute sur la limite supérieure de la sténose. La qu’elle ne descende dans le médiastin. La libération des angles
libération de la zone sténotique au bistouri ou aux ciseaux se fait au postérolatéraux de la trachée est le temps délicat, surtout à gauche,
contact de la zone sténosée en libérant progressivement les deux pour éviter une blessure du nerf récurrent. Il vaut mieux libérer la
lobes thyroïdiens et/ou le tissu péritrachéal pour arriver sténose de bas en haut et de droite à gauche. On libère en premier
progressivement aux angles postérolatéraux de la trachée. Cette l’angle postérolatéral droit, loin du récurrent droit, on sectionne la
libération peut être rendue difficile par la péritrachéite, surtout chez face postérieure membraneuse de la trachée, puis on libère l’espace
le patient trachéotomisé ou ayant été trachéotomisé. L’utilisation du trachéoœsophagien (ce qui est en général facile) et on termine par
bistouri électrique facilite ce temps de libération. l’angle postérolatéral gauche de la trachée.
– Ouverture de la trachée : elle se fait au bistouri lame n° 11,
habituellement au bord inférieur de la sténose. La ventilation du • Anastomose
patient se poursuit en ventilation haute fréquence à l’aide d’une La suture trachéotrachéale, réalisée sans tension, commence par le
sonde descendue en transsténotique au travers de la sonde plan postérieur, après la mise en place de points d’angle
d’intubation ou à l’aide d’une sonde de Montandon (fig 8) [63, 69, 82, 94]. extramuqueux à droite et à gauche, à la jonction entre la pars

7
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

L’incision cutanée, le temps d’abord et le temps d’exposition de la


sténose sont identiques à ceux décrits pour la résection-anastomose
trachéotrachéale.
Le temps d’exérèse débute comme dans la résection-anastomose
trachéotrachéale par la libération de bas en haut de la sténose
trachéale jusqu’au bord inférieur du cartilage cricoïde, en restant
strictement au contact de la trachée. Une section médiane, verticale
de la sténose trachéale et la section horizontale au bord inférieur du
cricoïde permettent de faire le bilan des lésions cricoïdiennes.

• Le cartilage cricoïde est sain


Dans cette éventualité, l’anastomose est cricotrachéale. La suture est
réalisée entre l’extrémité de la trachée et le bord inférieur du cricoïde
intact.
*
A
• Le cartilage cricoïde participe à la sténose
Selon l’importance de la résection cricoïdienne réalisée, quatre types
de sutures peuvent être envisagés.
– La moitié inférieure du cricoïde a été réséquée : la partie
supérieure du cricoïde est conservée, circonférentielle, gardant toute
*
B sa rigidité. La suture est cricotrachéale, réalisée selon la même
technique que celle décrite précédemment.
9 Anastomose trachéotrachéale.
A. Mise en place des points d’angle, extramuqueux. – Une résection partielle et limitée de l’arc antérieur cricoïdien a été
B. Mise en place des fils postérieurs. Les fils 1 et 5 sont noués en premier (points pratiquée : la suture est cricotrachéale. On peut, si nécessaire,
d’angle). Les points postérieurs sont noués ensuite de dehors en dedans. interposer un fragment d’anneau trachéal pour combler la perte de
substance au niveau de l’arc antérieur de cricoïde et maintenir ainsi
membranacea et l’anneau cartilagineux. Cinq points extramuqueux une filière respiratoire satisfaisante.
postérieurs éversants sont nécessaires. Actuellement, on utilise des
fils tressés à résorption lente, type Vicrylt n° 3 (anc 00) sur aiguilles – La résection cricoïdienne est subtotale : seul un pont cricoïdien
courbes triangulaires de petit diamètre (fig 9A) [81, 82, 94]. postérieur, servant d’assise aux aryténoïdes, a pu être conservé [94,
107]
. La suture est cricotrachéale en arrière, mais thyrotrachéale en
Ces fils sont passés avant d’être noués. Ils doivent tous être noués
avant.
vers l’extérieur. Ils sont repérés sur pinces de sorte que les fils les
plus proches de la ligne médiane en arrière soient noués plus – La résection du cricoïde est totale (éventualité plus rare) :
profondément que les fils plus externes et soient donc noués en l’anastomose est thyro-aryténo-trachéale.
dernier. Les fils liés en premier sont les angles postérolatéraux. Ils En arrière, les aryténoïdes sont écartés et suturés aux angles
sont gardés sur pince : ils permettent de basculer la trachée pour postérolatéraux de la trachée. La commissure postérieure est suturée
lier les fils les plus médians, alternativement à droite et à gauche à la fibreuse trachéale postérieure.
(fig 9B).
Latéralement, la trachée est suturée au cartilage thyroïde et à la
À la fin de la suture postérieure, la sonde de Montandon peut être partie inférieure des cordes vocales.
enlevée et la sonde d’intubation est descendue sous la zone
d’anastomose. Si le patient est ventilé en ventilation haute fréquence, En avant, enfin, la trachée est suturée au cartilage thyroïde et à la
l’intervention se poursuit sous ce mode afin d’éviter la remise en région sous-commissurale antérieure ou à la membrane
place d’une sonde d’intubation sur la zone anastomosée. thyrocricoïdienne si cette dernière a été conservée en totalité ou en
partie.
La suture trachéale antérieure nécessite six à huit points de Vicrylt
n° 3 (anc 00), extramuqueux, noués vers l’extérieur, en cerclant un Dans ces résections cricoïdiennes, la libération du cricoïde est plus
anneau cartilagineux supérieur et inférieur. Ces fils sont également ou moins importante en fonction du type d’anastomose réalisé. Elle
passés et repérés avant d’être noués. Pour d’autres auteurs, est sans risque particulier lorsqu’il s’agit de l’anneau cricoïdien. Elle
l’anastomose peut être réalisée à l’aide de trois surjets au fil non est beaucoup plus délicate lorsqu’il faut libérer les parties latérales
résorbable type PDSt. et postérieures du chaton cricoïdien. Cette libération sous-
périchondrale externe (fig 10) se fait au bistouri simple, au bistouri
L’affrontement des deux extrémités de la trachée doit être soigneux
électrique, à la rugine, en désinsérant les muscles cricothyroïdiens,
afin d’éviter toute déhiscence ou tout chevauchement muqueux ou
cricoaryténoïdiens latéraux et postérieurs. L’importance de cette
cartilagineux qui rétrécirait secondairement le diamètre trachéal.
libération est fonction de l’importance de la résection du cricoïde.
Pour certains [94], l’étanchéité de la suture peut être vérifiée en
Elle peut être facilitée, si nécessaire, par la résection des petites
remplissant la cavité opératoire de sérum physiologique puis en
cornes thyroïdiennes.
faisant ventiler le patient ballonnet dégonflé. Une fuite d’air se
traduit par une issue de bulles. Cette technique permet de localiser La résection subtotale ou totale du cricoïde entraîne une immobilité
la fuite et de fermer la brèche par un point supplémentaire ou la laryngée liée aux désinsertions musculaires. Dans les suites
confection d’un petit lambeau musculaire de rotation aux dépens opératoires, une trachéotomie est toujours nécessaire. Dans un
des muscles sous-hyoïdiens [94]. second temps, il faut pratiquer une cordotomie partielle postérieure
Après contrôle de l’hémostase, l’intervention se termine par la au laser pour traiter l’immobilité cordale bilatérale en position
résection de la ligne blanche sur un drain aspiratif et une suture paramédiane.
sous-cutanée en un plan avec mise en place de Stéri-Stript sur la Certains auteurs recommandent de repérer et de libérer les nerfs
peau. Un pansement non compressif est utilisé par certains. récurrents jusqu’à leur entrée dans le larynx à la face postérolatérale
du cricoïde [61, 82, 108]. Cette libération est toujours difficile, surtout en
Résection-anastomose cricotrachéale [22, 23, 24, 25, 60, 66, 67, 78, 79, 82, 93, 94, 107, présence d’une péritrachéite associée. Pour notre part, nous pensons
108]
que ce repérage n’est pas nécessaire dès lors que la résection
Il s’agit d’une intervention préservant le cricoïde ou le réséquant trachéale est réalisée strictement au contact de la trachée. Lors des
partiellement ou en totalité avec les premiers anneaux trachéaux. résections cricoïdiennes, les insertions cricoïdiennes des muscles

8
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

10 Résection-anastomose cricotra-
chéale. Libération sous-périchondrale ex-
terne du cricoïde après libération sous-
périchondrale du muscle cricothyroïdien.

*
A

cricoaryténoïdiens et cricothyroïdiens sont désinsérées et refoulent


en dehors les nerfs récurrents. Le risque est certes important pour
les nerfs récurrents ; il est minimisé si le périchondre cricoïdien
externe est respecté lors du fraisage de la partie postérieure du
cricoïde ; mais l’immobilité laryngée est, en réalité, mécanique et
secondaire à la désinsertion des muscles cricoaryténoïdiens et à la
perte de soutien des cartilages aryténoïdes.

Cas particuliers [82]

• Sténoses étendues [132]


Divers procédés de mobilisation de l’axe laryngotrachéal ont été *
B
décrits dans les sténoses nécessitant une résection étendue [28, 29, 36, 60,
77, 82, 86, 88]
. 11 Techniques de mobilisation laryngotrachéale.
A. Abaissement du cartilage thyroïde par section du muscle thyrohyoïdien.
La libération de la trachée thoracique dans le médiastin jusqu’à la B. Abaissement du larynx par section des muscles sus-hyoïdiens (muscles génio-
carène et la libération des muscles sous-hyoïdiens, telles qu’elles ont hyoïdiens, mylohyoïdiens, poulies du digastrique).
été décrites ci-dessus, permettent la résection d’un total de six à huit
anneaux trachéaux selon les dimensions de la trachée. On peut y Ceci nous amène à rappeler que, lorsqu’une trachéotomie est
associer la section des muscles thyrohyoïdiens [82, 86]. nécessaire chez un patient porteur d’une sténose trachéale, elle doit
D’autres procédés ont été proposés : la section des muscles sous- être toujours pratiquée en transsténotique (ou au moins le plus près
hyoïdiens, la section de la membrane thyrohyoïdienne, la section possible de la sténose) [82, 94].
des grandes cornes hyoïdiennes [28, 29], la section des muscles sus-
hyoïdiens et du corps de l’os hyoïde [82] (fig 11A, B), la transposition • Sténoses basses [10, 82, 98]
de la bronche souche gauche (fig 12) [77] et la libération des hiles
Si la sténose est étendue assez loin vers le bas, une manubriotomie
(section des ligaments triangulaires des plèvres) [60, 84].
peut être nécessaire. Il s’agit alors d’une intervention à double
La section des muscles sous-hyoïdiens permet l’abaissement du équipe otorhinolaryngologique et thoracique. Il est recommandé de
larynx par abaissement du cartilage thyroïde. Selon nous, seuls les faire pratiquer la manubriotomie en début d’intervention. Elle
muscles thyrohyoïdiens doivent être sectionnés. La section des comporte :
muscles sterno-cléido-hyoïdiens n’a aucun intérêt. Il n’est pas
recommandé de libérer les constricteurs inférieurs et la grande corne – la dissection du médiastin antérieur au doigt ;
du cartilage thyroïde, ce qui risquerait d’entraîner des troubles de – l’agrandissement de l’incision cutanée vers le bas ;
déglutition [81, 86, 94].
– la section du manubrium à la scie oscillante (sternotomie
La section des muscles sus-hyoïdiens permet l’abaissement de partielle), et mise en place d’un écarteur autostatique de
l’ensemble du larynx. Plusieurs possibilités peuvent être combinées : sternotomie ;
la section des muscles géniohyoïdiens, la section des muscles
mylohyoïdiens, la section du corps de l’os hyoïde, la libération des – il faut alors récliner les culs-de-sac pleuraux, disséquer le tronc
poulies des muscles digastriques. Les muscles de la base de langue artériel brachiocéphalique (TABC) et le tronc veineux innominé
doivent être respectés. avant de réaliser la résection-anastomose.

• Sténoses à trachée ouverte [23, 82] ¶ Suites opératoires [12, 22, 23, 34, 60, 63, 82, 85, 89, 94, 114, 132]

L’intervention comporte une résection de la zone sténosée et de Un simple pansement non compressif est mis en place pour certains
l’orifice de trachéotomie, imposant une résection plus étendue et une sur la cicatrice cutanée jusqu’à cicatrisation. Le drain aspiratif est
anastomose plus délicate en tissu inflammatoire. La péritrachéite habituellement retiré au troisième jour postopératoire ou dès que la
associée gêne en effet la mobilisation de l’axe laryngotrachéal. quantité de liquide aspiré est inférieure à 10 mL/24 h. Il est conseillé

9
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

Indications thérapeutiques
Les indications thérapeutiques des sténoses laryngotrachéales de
l’adulte dépendent schématiquement de quatre paramètres :
l’évolutivité de la sténose, le degré d’obstruction de la sténose, le
siège de la sténose (qui conditionne la mobilité laryngée), la
complexité de la sténose [95].
L’âge, l’état général, l’état pulmonaire et neurologique (état de la
conscience, agitation, coopération, autonomie), l’étiologie entrent
toujours en ligne de compte [14, 23, 82, 84].

ÉVOLUTIVITÉ DE LA STÉNOSE
Une sténose laryngotrachéale évolutive ne relève pas d’un
traitement chirurgical curatif. L’existence d’une sténose
inflammatoire, granulomateuse doit faire différer l’intervention avec
mise en œuvre de procédés d’attente, permettant une ventilation
correcte. L’intervention chirurgicale doit, selon nous, être réalisée au
stade de sténose constituée, fibreuse, non évolutive, à distance de la
phase aiguë [14, 17, 78, 79, 82]. L’indication d’une résection-anastomose de
trachée est rarement posée en urgence.

DEGRÉ D’OBSTRUCTION DE LA STÉNOSE


Il est indispensable d’évaluer correctement le degré de la sténose.
Une sténose bien tolérée au plan respiratoire ne nécessite pas
12 Techniques de mobilisation laryngotrachéale. Transposition de la bronche souche d’intervention chirurgicale.
gauche.
Schématiquement, une dyspnée de repos traduit une sténose sévère
nécessitant une intervention chirurgicale.
au patient de garder la tête en flexion, pendant la durée de la
cicatrisation, afin de limiter les tractions au niveau des sutures. L’évaluation la plus simple d’une dyspnée d’effort consiste en
Une antibiothérapie à large spectre, active sur les germes aérobies et l’analyse de son importance et son retentissement après la montée
anaérobies, est débutée en peropératoire [23]. Elle est poursuivie une de deux étages par escalier. Si le patient ne souffre d’aucune
dizaine de jours. dyspnée, la sténose n’est pas invalidante et ne requiert aucun
traitement spécifique.
Une aérosolthérapie est systématiquement prescrite.
Certains examens permettent de quantifier le degré de l’obstruction.
La corticothérapie n’a pas d’indication en dehors de la période Il faut distinguer les examens permettant de visualiser la sténose et
périopératoire immédiate. la filière respiratoire de ceux qui évaluent le retentissement
L’alimentation per os peut être reprise dès le lendemain de fonctionnel du rétrécissement sur le plan ventilatoire.
l’intervention.
– La naso-vidéo-fibroscopie ou l’examen aux optiques rigides à 90°
Un contrôle de la zone d’anastomose par simple fibroscopie ou par
ou à 70° sont très utiles. L’interprétation doit cependant être
trachéoscopie sous anesthésie générale est habituel vers le 15e jour
prudente car ils fournissent parfois un aspect trompeur de la filière
postopératoire [23, 82].
laryngée en surestimant l’importance de la sténose [14].
Les suites opératoires sont habituellement simples. Cependant, un
certain nombre de complications ont été décrites : – L’imagerie permet de visualiser la surface de la filière respiratoire.
La tomodensitométrie hélicoïdale permet d’obtenir une
– rupture du TABC (surtout après manubriotomie et dissection reconstruction en trois dimensions.
vasculaire) : une dissection à distance du TABC et la réalisation de
myoplasties de protection en ont fait diminuer la fréquence [12] ; – L’endoscopie, toujours prudente en l’absence de trachéotomie,
sous anesthésie générale, permet de quantifier le degré de la sténose
– emphysème sous-cutané : il ne doit pas se produire si par rapport au diamètre externe de différents bronchoscopes. Elle
l’anastomose est étanche, sa persistance doit faire redouter un permet également de mesurer la hauteur de la sténose, ses limites
lâchage de suture ; supérieure et inférieure par rapport au plan glottique et à la
– hématome suppuré : il est évoqué devant l’association d’un carène [14, 78, 79, 82]. En présence d’une trachéotomie, la sténose peut
fébricule et d’un état inflammatoire local. Il nécessite un drainage être visualisée de façon rétrograde à l’aide d’un fibroscope,
après réouverture des plans superficiels ; permettant de mesurer la hauteur du segment sténotique.
– réapparition secondaire d’une dyspnée qui peut être liée : L’appréciation du degré d’obstruction de la sténose peut faire appel
à la classification de Cotton [20] :
– à la formation de granulomes sur la suture survenant plus
fréquemment lorsque les sutures sont faites avec du fil non – grade 1 : inférieure à 70 % ;
résorbable ou si les fils n’ont pas été noués vers l’extérieur. Il – grade 2 : entre 70 et 90 % ;
nécessite leur exérèse sous fibroscopie ou sous trachéoscopie sous
anesthésie générale, et l’ablation du fil responsable [23, 60] ; – grade 3 : supérieure à 90 % avec filière laryngotrachéale visible ;
– à la reconstitution de la sténose liée à une résection trop limitée – grade 4 : sténose complète.
ou à un épaississement secondaire d’une zone malacique laissée – Le retentissement fonctionnel de la sténose est mieux évalué par
en place qui nécessitent des dilatations. Si la sténose se constitue la réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) avec
malgré les dilatations, il faut discuter, en fonction de son aspect, courbes débit-volume et mesure du volume expiratoire maximal-
une reprise chirurgicale ou la mise en place d’un calibrage ; seconde (VEMS) et du volume inspiratoire maximal-seconde (VIMS).
– à la rupture de l’anastomose : urgence vitale qui conduit le plus Cet examen simple, non invasif, permet de mettre en évidence des
souvent à une trachéotomie définitive. lésions fixées extrathoraciques avec l’aspect inspiratoire et

10
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

expiratoire en plateau et une obstruction variable extrathoracique


avec plateau inspiratoire caractéristique dans les lésions purement 13 Sténoses glottiques.
Mise en place d’une quille
laryngées [14, 17, 92]. La réalisation de gaz du sang artériel permet (keel) laryngée.
d’évaluer indirectement la tolérance de la sténose sur le plan
ventilatoire. Dans le cas de sténose glottique antérieure, les EFR ont
moins d’intérêt, la sténose étant développée aux dépens de la glotte
phonatoire. L’évaluation de la qualité de la voix peut alors être
réalisée à l’oreille ou à l’aide de logiciels d’analyse spécifiques.

SIÈGE DE LA STÉNOSE ET CLASSIFICATION


La classification la plus répandue des sténoses laryngées distingue
les sténoses supraglottiques, glottiques, sous-glottiques et
trachéales [14, 79, 80, 82, 95]. Les sténoses sous-glottiques isolées sont rares
et s’intègrent habituellement dans le cadre de sténoses
laryngotrachéales plus étendues [38]. Cette classification repose sur la
division du larynx en trois étages et ne prend pas en compte les
structures anatomiques atteintes. Or, le choix de la technique
chirurgicale dépend essentiellement de l’évaluation du siège de la Le traitement par voie endoscopique avec résection de brides
sténose. C’est parfois facile dans le cadre des sténoses simples mais cicatricielles, épiglottectomie, vestibulectomie donne de bons
les sténoses plus étendues sont d’évaluation souvent difficile. C’est résultats [14]. Il doit être proposé en première intention. Le calibrage
pourquoi Laccourreye [80] a proposé une classification tenant compte n’est pas nécessaire mais doit être discuté en cas de brûlure
des structures anatomiques atteintes par le processus sténotique et caustique.
du caractère simple ou complexe de la sténose [79, 80]. Il distingue
Dans certains cas, notamment en présence d’un échec après
quatre grands types de sténoses laryngotrachéales :
traitement endoscopique, on peut réaliser une laryngectomie
– les sténoses laryngotrachéales simples : vestibulaire, glottique, partielle supraglottique, une laryngectomie frontale antérieure avec
aryténoïdienne, cricoïdienne, trachéale ; épiglottoplastie type Kambic-Tucker [134] ou même une laryngectomie
– les sténoses associées regroupant plusieurs sténoses simples : supracricoïdienne avec cricohyoïdopexie [136] si le plan glottique est
aryténocricoïdienne, cricotrachéale, aryténo-crico-trachéale, atteint. Le calibrage n’est alors jamais utilisé.
aryténotrachéale ;
Sténoses glottiques antérieures
– les sténoses complexes échappant à toute systématisation ;
Les aryténoïdes sont mobiles, la sténose correspond à une synéchie
– les sténoses totales. glottique antérieure, congénitale ou acquise (phonochirurgie,
Pour Brasnu, cette classification peut être simplifiée [14]. On distingue chirurgie laryngée externe...).
alors les sténoses supraglottiques, glottiques antérieures et Les sténoses congénitales sont fines et translucides. Leur traitement
postérieures (appelées aryténoïdiennes par Laccourreye), endoscopique au laser CO2 par simple incision comporte un taux de
cricoïdiennes, trachéales en sachant qu’une sténose peut être isolée récidive relativement élevé. La technique par voie endoscopique au
ou associée par contiguïté ou par atteinte à distance. laser CO 2 utilisant des microlambeaux de muqueuse cordale
Enfin, Laccourreye [79, 80] distingue : permettrait d’obtenir de meilleurs résultats [9, 14, 40, 96].
Les synéchies glottiques antérieures, épaisses et rigides, s’étendant à
– les sténoses à mobilité cordale et aryténoïdienne conservée
la sous-commissure antérieure, ne relèvent pas du traitement par
correspondant aux sténoses glottiques antérieures, aux sténoses
voie endoscopique. Leur traitement, par voie externe, a été codifié
cricoïdiennes pures, trachéales pures et cricotrachéales ;
par Montgomery [102] : une laryngofissure strictement médiane est
– les sténose avec fixité cordale et aryténoïdienne regroupant les réalisée, une quille (keel) en silicone (fig 13)est introduite en
sténoses glottiques postérieures, les sténoses glottiques postérieures endolaryngé et fixée en extralaryngé. Le matériel est enlevé après
et cricoïdiennes (aryténocricoïdienne), les sténoses glottiques un délai variable, habituellement 14 à 21 jours, sous anesthésie locale
postérieures et cricotrachéales (aryténo-crico-trachéales) et les par une courte incision cervicale. Plus récemment, Rahbar a proposé
sténoses glottiques postérieures et trachéales (aryténotrachéales). l’application locale de mitomycine sur les synéchies glottiques
L’association de la localisation anatomique du processus sténotique antérieures avec des résultats encourageants [115, 116] mais contestés
et de l’analyse de la dynamique laryngée permet d’orienter les par Hartnick [68].
indications thérapeutiques ; c’est l’immense intérêt de cette
classification. Sténoses glottiques postérieures (aryténoïdiennes)
Elles sont le plus souvent dues à un traumatisme par intubation
laryngotrachéale prolongée. L’examen met en évidence une
CLASSIFICATION ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
immobilité laryngée bilatérale souvent interprétée comme une
paralysie récurrentielle bilatérale en fermeture, mais l’immobilité
¶ Sténoses simples [78, 79, 82]
laryngée est mécanique et liée au blocage des aryténoïdes [14, 71, 82].
Elles atteignent un étage de l’axe laryngotrachéal : supraglottique, Le traitement « idéal » a pour but de permettre la récupération de la
glottique antérieur, glottique postérieur ou aryténoïdien, cricoïdien, mobilité des aryténoïdes.
trachéal. Pour Laccourreye, ces sténoses sont liées à trois facteurs qui peuvent
être associés :
Sténoses supraglottiques
– une synéchie interaryténoïdienne ;
Elles sont rares, secondaires soit à un traumatisme externe du larynx
fermé (ceinture de sécurité) ou ouvert, soit à un traumatisme interne – une fibrose sous-aryténoïdienne ou interaryténoïdienne s’étendant
par intubation ou à une brûlure par ingestion de produits sur la face antérieure du chaton cricoïdien ;
caustiques. – une ankylose aryténoïdienne ou cricoaryténoïdienne [14, 17, 82].
Selon l’étendue des lésions et leur retentissement sur la filière Bogdasarian a proposé une classification distinguant quatre formes
laryngée, différents traitements peuvent être utilisés. de sténoses glottiques postérieures :

11
46-390 Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte Techniques chirurgicales

– type I : fibrose glottique et interaryténoïdienne avec commissure les suites sont beaucoup plus longues, avec risque d’échec si les
postérieure normale ; lésions cartilagineuses sont importantes. Les résections-anastomoses
– type II : fibrose interaryténoïdienne et commissurale postérieure ; trachéales s’adressent aux sténoses trachéales à cordes vocales
mobiles, limitées en hauteur. Quatre à cinq anneaux peuvent
– type III : fibrose commissurale postérieure étendue à une habituellement être réséqués. Sept à huit anneaux apparaissent un
articulation cricoaryténoïdienne ; maximum réalisable [17, 23, 77, 104].
– type IV : fibrose bilatérale de l’articulation cricoaryténoïdienne [11]. Dans les sténoses trop étendues, il faut se contenter selon l’âge, l’état
Le traitement des sténoses glottiques postérieures bilatérales par général, soit d’un calibrage, soit d’une canule parlante trans-
voie endoscopique doit être selon nous entrepris en première sténotique, soit d’une trachéoplastie avec interposition de
intention. cartilage [13, 18, 19, 35, 60, 100, 101, 102, 117].
Ce n’est qu’en cas d’échec que l’on réalise un traitement par voie ¶ Sténoses associées [78, 79, 82]
externe [14, 55, 71, 120, 135].
La simple section au laser CO2 d’une synéchie interaryténoïdienne, Elles atteignent plusieurs étages de l’axe laryngotrachéal. Elles sont
sans calibrage endolaryngé, permet d’obtenir une récupération cricoïdiennes et glottiques postérieures, cricoïdiennes et trachéales,
complète de la mobilité aryténoïdienne et cordale en l’absence de cricotrachéales et glottiques postérieures ou glottiques postérieures
fibrose associée de l’articulation cricoaryténoïdienne. Si la synéchie et trachéales.
n’est pas isolée, la section simple de la bride conduit habituellement Sténoses cricoïdiennes et glottiques postérieures
à la récidive de la synéchie.
La sténose cricoïdienne s’accompagne d’une immobilité
La cordotomie transverse postérieure (CTP) par voie endoscopique
aryténoïdienne. L’indication est une laryngoplastie
au laser CO2, décrite par Dennis et Kashima dans le traitement des
d’agrandissement par voie externe avec calibrage. Le laser peut être
paralysies laryngées bilatérales en fermeture [32], est pour nous la
utilisé à titre palliatif pour élargir la filière laryngée et mettre en
technique à utiliser de première intention [53] . La CTP permet
place un calibrage [14].
d’augmenter la surface de la glotte respiratoire, « préserve » la
qualité de la voix et ne génère pas de fausses routes à la déglutition. Sténoses cricotrachéales
Il s’agit d’un acte simple, facile à réaliser, rapide, ne nécessitant pas
de calibrage laryngé. En cas d’échec, la réalisation d’une autre Les aryténoïdes sont mobiles. Si l’atteinte trachéale n’excède pas
technique par voie endoscopique ou par voie externe reste toujours deux anneaux trachéaux, une laryngotrachéoplastie peut être
possible. réalisée, avec éventuellement résection-anastomose secondaire en
cas d’échec [14, 23, 57].
D’autres techniques ont été décrites.
Dans les sténoses laryngotrachéales étendues au-delà des deux
– Par voie endoscopique : premiers anneaux trachéaux, la seule solution chirurgicale curative
– résection de la fibrose par incision interaryténoïdienne au laser est une résection-anastomose cricotrachéale (si la sténose atteint
CO2, dissection sous-muqueuse et couverture par un lambeau partiellement la partie inférieure du cricoïde). Elle peut parfois être
muqueux [9, 30] ; réalisée en deux temps après laryngotrachéoplastie. L’indication
dépend de l’âge, l’état général, l’étendue des lésions, la taille et la
– aryténoïdectomie au laser CO2 dont l’inconvénient est de conformation cervicale du patient.
réséquer le processus vocal [14, 106] ;
– aryténoïdectomie médiale pour Crumley [26] qui préserve le Sténoses cricotrachéales et glottiques postérieures
processus vocal évitant ainsi une altération de la qualité vocale. Les aryténoïdes sont fixés. La fixité des cordes vocales est secondaire
– Les traitements par voie externe ne sont entrepris qu’en cas à la sténose glottique postérieure. Le traitement repose sur une
d’échec des traitements par voie endoscopique. Plusieurs techniques laryngotrachéoplastie d’agrandissement avec calibrage complétée
ont été proposées : éventuellement dans un deuxième temps par une résection-
anastomose cricotrachéale.
– incision de la commisssure postérieure et résection de la fibrose
jusqu’à obtenir une remobilisation des aryténoïdes par thyrotomie Sténoses trachéales et glottiques postérieures
médiane [55, 71] qui permet de bien visualiser la commissure
Elles sont exceptionnelles et associent, à une immobilité
postérieure et la sous-glotte initiale postérieure et latérale.
aryténoïdienne, une sténose trachéale. Quelle que soit l’importance
Récemment, un abord translaryngé antérieur par une « fenêtre »
des lésions, il faut traiter en premier l’immobilité aryténoïdienne. Si
créée au bord inférieur du cartilage thyroïde a été proposé [135]. La
un calibrage est nécessaire, la trachéotomie est faite au niveau de la
couverture par un lambeau muqueux est nécessaire, de même
zone sténosée de la trachée. Secondairement, la sténose trachéale
que, le plus souvent, un calibrage endolaryngé ;
pourra éventuellement être traitée par résection-anastomose.
– laryngotrachéoplastie type Réthi avec section du chaton
cricoïdien, du muscle interaryténoïdien et calibrage
CAS PARTICULIERS
endolaryngé [118].
¶ Sténoses totales [78, 79, 82]

Sténoses cricoïdiennes [14, 82]


Elles peuvent être trachéales ou cricotrachéales. Le meilleur
Elles sont traitées par agrandissement-calibrage. Les aryténoïdes et traitement est la résection-anastomose, surtout si la sténose est
bien sûr les cordes vocales sont mobiles. La section du chaton limitée.
cricoïdien s’accompagne toujours d’une section strictement médiane Si la résection est impossible du fait de l’étendue de la sténose, il
et totale du muscle interaryténoïdien. Ne pas sectionner ce muscle faut, en fonction de l’âge, de l’état général, se contenter, soit d’une
est cause de récidive à l’ablation du calibrage. trachéotomie définitive, soit de la mise en place d’un calibrage après
Le laser peut être utilisé à titre palliatif pour élargir la filière avoir réséqué la zone sténosée. Autour de ce tube peut être
laryngée, mettre en place un tube en T de Montgomeryt [14]. envisagée une reconstruction trachéale au résultat bien aléatoire [31,
82, 139]
.
Sténoses trachéales
¶ Sténoses complexes [23, 78, 79, 82]
La résection-anastomose est le traitement idéal des sténoses fixées.
Les sténoses annulaires, très limitées, peuvent être traitées au laser Elles sont avant tout secondaires aux traumatismes externes (armes
avec des dilatations répétées ou mise en place d’un calibrage, mais à feu, armes blanches). Leur description échappe à toute

12
Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

systématisation. Les éléments anatomiques suivants peuvent être Conclusion


atteints : le larynx supraglottique, le plan glottique, les aryténoïdes,
le cartilage thyroïde, le cartilage cricoïde, la trachée. Des lésions
cutanées, pharyngées, œsophagiennes, nerveuses (récurrent ou Le traitement des sténoses laryngotrachéales repose sur une évaluation
autres paires crâniennes) sont souvent associées. Rappelons que précise de l’évolutivité de la sténose, de son siège et de ses extensions, de
l’immobilité laryngée peut être en rapport avec l’intubation, avec son retentissement fonctionnel.
une lésion des récurrents ou une lésion de la dixième paire L’évolutivité de la sténose intervient en premier. L’idéal est d’opérer
crânienne apparue après une intervention neurochirurgicale ou un une sténose constituée, non évolutive. En présence d’une sténose
coma. Enfin, fibrose et paralysie peuvent être associées. Le plus évolutive, il faut retarder l’intervention en utilisant les traitements
souvent, le patient a déjà été traité et est porteur d’une trachéotomie. médicaux (antibiotiques, aérosols, corticostéroïdes...), l’exérèse ou
Certaines sténoses en rapport avec des brûlures par caustiques lasérisation de granulomes, les dilatations (encore que ces dernières
entrent aussi dans le cadre des sténoses complexes. entretiennent souvent l’inflammation). Ce traitement médical peut
Dans ces lésions, il n’existe pas d’indication thérapeutique vraiment conduire à la guérison et éviter le passage au stade de sténose
précise. Il apparaît cependant que la majorité d’entre elles nécessite constituée. La mise en place d’un calibrage peut être une solution
une laryngotomie, prolongée souvent sur la trachée, une résection d’attente mais la trachéotomie risque de majorer les lésions
de la fibrose et un procédé d’agrandissement avec calibrage préexistantes.
maintenu longtemps. Dans les lésions les plus complexes, ce n’est L’étendue de la sténose, son siège, sa complexité, la mobilité laryngée, le
souvent qu’au prix de plusieurs interventions, de retouches, de degré d’obstruction, les lésions cartilagineuses interviennent
traitements au laser, que l’on peut parfois obtenir un résultat à peu directement dans le choix de la technique chirurgicale. Quel que soit le
près satisfaisant. traitement utilisé, il ne doit pas majorer les lésions initiales. Une
trachéotomie complique toujours le traitement, que le malade soit
¶ Sténoses avec fistule trachéoœsophagienne [17, 82, 94]
trachéotomisé d’emblée ou après intubation ou qu’un calibrage impose
Elles nécessitent dans le même temps la résection de la sténose et le cette trachéotomie. Elle majore toujours les lésions, même pratiquée en
traitement de la fistule œsophagienne. zone sténotique.
Le laser isolé ou en association avec un calibrage permet le traitement
¶ Traitement des échecs d’une sténose simple. Il ne majore pas les lésions initiales à condition de
ne pas étendre la vaporisation aux structures cartilagineuses saines. En
Les différents traitements précédemment décrits peuvent parfois
cas d’échec, il ne complique pas les techniques d’agrandissement ou de
aboutir à un échec (décanulation impossible) : 24 % des cas pour
résection-anastomose.
McCaffrey [95]. Il s’agit alors, le plus souvent, de sténoses complexes
Dans les sténoses à larynx fixé, l’indication opératoire est
où aux lésions initiales s’ajoutent les séquelles de l’intervention ou
des interventions précédentes. Ces sténoses sont difficilement
classiquement une laryngotrachéoplastie d’agrandissement avec
systématisables et atteignent volontiers tout l’axe laryngotrachéal. Il calibrage qui pourra, si nécessaire, être ultérieurement complété par une
est parfois possible de réaliser une nouvelle intervention résection-anastomose un fois réglé le problème de la filière laryngée.
d’agrandissement avec calibrage laryngé en utilisant un greffon Dans certains cas, l’association CTP-résection anastomose peut être
d’interposition différent, mais ailleurs, seul un traitement par voie proposée.
endoscopique au laser est possible avec vaporisation des Dans les sténoses à larynx mobile, il faut, dans la mesure du possible,
granulomes ou du tissu cicatriciel sténotique. Ceci permet parfois, préférer une résection-anastomose trachéotrachéale ou cricotrachéale,
après plusieurs retouches, d’obtenir une filière laryngée satisfaisante technique simple évitant une trachéotomie, à une laryngotrachéoplastie
et stable. La laryngomalacie et la trachéomalacie, réalisant un d’agrandissement avec calibrage laryngé qui doit être maintenu en
collapsus de la filière respiratoire par défaut de charpente, sont des place 6 mois ou plus et n’obtient jamais le même taux de succès et la
causes très fréquentes d’échec. Un traitement palliatif est la seule même qualité vocale.
possibilité : traitement par voie endoscopique avec élargissement au L’âge, l’état général, l’insuffisance respiratoire, les séquelles
laser de la filière respiratoire ou dilatation au bronchoscope et mise neurologiques doivent toujours être pris en compte, mais ne constituent
en place d’un tube en T de Mongomeryt ou d’une prothèse pas des contre-indications formelles.
trachéale largable. Ce tube de calibrage, à condition d’être maintenu Devant la multiplicité des techniques décrites dont les résultats sont
en place pendant plusieurs années, peut dans un certain nombre de variables, on ne peut que recommander d’employer les techniques les
cas donner de bons résultats et être enlevé définitivement [14, 18]. plus simples et celles dont on possède une bonne expérience.

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Techniques chirurgicales Chirurgie des sténoses laryngotrachéales de l’adulte 46-390

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15
¶ 46-410

Chirurgie des tumeurs bénignes


du larynx
C. Conessa, S. Hervé, E. Roguet, J. Gauthier, J.-L. Poncet

La chirurgie des tumeurs bénignes du larynx fait appel à deux types de voies d’abord, la voie
endoscopique et la voie cervicale latérale. Par la voie endoscopique, l’exérèse tumorale peut être réalisée
en utilisant soit le laser, soit les micro-instruments laryngés. Le choix d’une technique par rapport à l’autre
dépend essentiellement de la pratique de l’opérateur mais aussi de la facilité d’exposition de l’endolarynx,
ce dernier point étant fondamental pour l’utilisation du laser. La voie endoscopique permet ainsi de traiter
la majeure partie des tumeurs bénignes du larynx ; cependant, dans certains cas, elle s’avère insuffisante
et l’abord cervical s’impose. L’abord cervical latéral permet d’accéder au larynx en passant à travers la
membrane thyrohyoïdienne ou en passant à travers la lame du cartilage thyroïde par thyrotomie. La
connaissance de ces techniques d’abord latéral du larynx permet de réaliser le traitement des tumeurs
bénignes qui n’ont pu l’être par voie endoscopique. Le chirurgien doit donc bien connaître toutes ces
techniques, afin de traiter au mieux ce type de pathologie.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Larynx ; Tumeurs bénignes ; Microchirurgie ; Laser ; Chirurgie

Plan tumeurs que l’on peut scinder en trois sous-groupes d’incidence


décroissante :
• les tumeurs bénignes des cordes vocales, constituées par les
¶ Introduction 1
lésions dysfonctionnelles ou exsudatives, les lésions kystiques
¶ Microchirurgie endoscopique 1 et les cicatrices des cordes vocales ;
Préparation du patient 2 • la papillomatose laryngée ;
Techniques d’anesthésie 2 • les autres tumeurs bénignes du larynx, qui restent
Installation du patient 2 exceptionnelles.
Techniques opératoires 2 Le premier sous-groupe n’est pas abordé car le traitement
Indications 4 est décrit dans un autre article de l’Encyclopédie
Traitement postopératoire 4 Médico-Chirurgicale. [1]
¶ Abord cervical de la paroi latérale du larynx 4 Nous verrons donc le traitement du reste de la pathologie
Rappel anatomique 4 bénigne laryngée qui, bien que peu fréquente, nécessite une
Techniques opératoires 4 prise en charge spécifique. En nous limitant aux tumeurs
Variantes 6 bénignes, nous excluons toute la pathologie maligne, ainsi que
Suites opératoires 6 toutes les lésions précancéreuses.
¶ Indications 6 Ces tumeurs rares du larynx bénéficient essentiellement d’une
Papillomatose laryngée 6 chirurgie d’exérèse par microchirurgie endoscopique (laser ou
Kystes du larynx 8 micro-instruments), mais dans certains cas, lors de tumeurs
Laryngocèles 8 solides ou volumineuses, un abord cervical latéral est plus
Tumeurs vasculaires 8 adapté.
Tumeurs musculaires 9
Lipomes 9
Tumeurs glandulaires 9 ■ Microchirurgie endoscopique
Tumeurs nerveuses 9
Paragangliomes 9 La microchirurgie endoscopique est décrite depuis une
Tumeurs cartilagineuses 9 trentaine d’années, [2] mais elle a connu un réel essor au début
Dépôts amyloïdes 10 des années 1980, grâce à une meilleure compréhension de la
mécanique et de la physiopathologie glottique d’une part, et
¶ Conclusion 10
grâce au développement de plusieurs progrès techniques d’autre
part. Ces progrès sont : la laryngoscopie directe en suspension,
le microscope opératoire binoculaire, [3] les micro-instruments
■ Introduction dérivés de ceux utilisés en otologie, les progrès de l’anesthésie
et l’apparition du laser, notamment le laser CO2. Le choix entre
Les tumeurs bénignes du larynx correspondent à des néofor- micro-instruments et laser est souvent personnel, suivant les
mations tumorales représentant un groupe hétérogène de habitudes du chirurgien.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-410 ¶ Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx

Préparation du patient cuivre entourant la sonde et de cotonoïdes humides placés en


sous-glotte. Il est par ailleurs recommandé de gonfler le ballon-
Comme tout geste chirurgical, la chirurgie endoscopique des net de la sonde d’intubation à l’aide de sérum physiologique. [5]
tumeurs bénignes du larynx doit être indiquée, et le patient doit La chirurgie des tumeurs laryngées en ventilation spontanée
être loyalement informé des modalités, des risques et des sans intubation trachéale n’est pas répandue. Elle peut se
contraintes du geste pratiqué. Dans tous les cas, un bilan discuter pour les lésions commissurales postérieures. Elle dégage
exhaustif, éventuellement par imagerie mais surtout par laryn- totalement le champ opératoire et elle limite considérablement
goscopie directe et indirecte, permet une évaluation physique et le risque de brûlure des voies aériennes (par manque de com-
fonctionnelle de la tumeur, ainsi qu’un diagnostic anatomopa- bustible), mais elle s’adresse aux patients en bon état général,
thologique par le biais de biopsies. Le patient doit également aux poumons sains et impose une grande expérience de ce type
être présenté à un orthophoniste, qui organise la rééducation d’anesthésie. [6]
postchirurgicale. De même, le reflux gastro-œsophagien doit Dans tous les cas, la période postopératoire est dominée par
être dépisté et traité. le risque d’apparition de complications ventilatoires. Il s’agit le
plus souvent d’une dyspnée haute, qui peut survenir pour deux
raisons essentielles : l’obstruction par une tumeur non réséquée
Techniques d’anesthésie en totalité et l’œdème laryngé consécutif au geste chirurgical.
Ces complications doivent être systématiquement prévenues par
Techniques de ventilation la désobstruction des voies aériennes en fin d’intervention,
l’emploi exclusif de cotonoïdes avec fil de rappel, la corticothé-
La jet-ventilation est une alternative séduisante à l’intubation
rapie générale et par aérosols, l’oxygénothérapie normobare, la
orotrachéale, notamment lorsque l’intervention est brève. [4] position demi-assise et la surveillance durant 2 heures au moins
Cette technique consiste en l’introduction d’un cathéter protégé en salle de réveil.
dans les voies aériennes supérieures et relié à un système de
ventilation à haute fréquence. Une valve tronçonne un flux
gazeux à haute fréquence (de 50 à 600 C/min), haute pression
(de 2 à 5 bars) et petits volumes (de 50 à 200 ml). Le respirateur
Installation du patient
contrôle et règle la pression trachéale et le rapport inspiration/ Quelle que soit la technique choisie (micro-instruments ou
expiration. Il ralentit voire arrête automatiquement la ventila- laser), la position opératoire du patient est toujours la même :
tion en cas d’élévation de la pression trachéale (obstruction des décubitus dorsal, flexion cervicale et hyperextension de la tête
voies aériennes supérieures). Cette technique garantit l’oxygé- par rapport au cou. Cette position permet en effet de bien
nation, permet d’alterner ventilation et apnée si le geste dégager la commissure antérieure et de détendre les plis vocaux.
chirurgical le nécessite, libère le champ opératoire, mais elle ne Le laryngoscope, choisi le plus large possible, est introduit en
protège pas contre l’inhalation. Seuls les respirateurs mesurant prenant garde à ne pas léser les dents de l’arcade supérieure, qui
la pression téléexpiratoire sont autorisés. Le mélange gazeux sont de toute façon protégées par un protège-dents. L’exposition
inspiré est classiquement composé d’air et d’oxygène dans un laryngée doit être parfaite, notamment en ce qui concerne la
rapport deux tiers-un tiers. La jet-ventilation par voie intercrico- commissure antérieure ; aussi ne faut-il pas hésiter à passer du
thyroïdienne est celle la plus fréquemment utilisée. Ses avanta- temps à bien mettre en place le laryngoscope et à demander
ges sont nombreux : indépendance ventilation/ acte chirurgical ; une curarisation du patient au médecin anesthésiste. Le laryn-
goscope est ensuite fixé à un bras élévateur, que l’on place sur
gestion facilitée de l’intubation difficile ; mise en place aisée du
une tablette préthoracique ou sur le thorax du patient. La
cathéter ; création d’une pression positive résiduelle expiratoire
bonne exposition de la commissure antérieure peut nécessiter la
optimisant l’oxygénation. Le maximum d’efficacité est obtenu
mise en place d’un ruban adhésif appuyant sur les reliefs
lorsque le larynx est exposé, car cela ouvre la glotte. Cependant, laryngés et fixé à la table opératoire.
des risques existent : pneumothorax, traumatisme trachéal et Dans le cas particulier de la chirurgie au laser, le visage du
surtout emphysème cervical par fausse-route cervicale du patient doit être protégé par des linges humides fixés au
cathéter. Ceci peut s’avérer dramatique chez un patient déjà laryngoscope (Fig. 1). Tout le visage, notamment les yeux et les
difficile à intuber. Les contre-indications de la jet-ventilation sont lèvres, doit être complètement recouvert. De même, le thorax
l’infection cervicale, les troubles de l’hémostase et les extensions est recouvert par un champ. Enfin, tout le personnel présent
sous-glottiques des carcinomes. La jet-ventilation transglottique dans la salle opératoire doit porter des lunettes de protection
est une alternative préférée par certaines équipes. spéciales, la porte de la salle doit être fermée et un écriteau doit
prévenir les personnels à l’extérieur de la salle de l’emploi du
Chirurgie aux micro-instruments
laser.
Tout type d’anesthésie générale en ventilation contrôlée peut Le microscope opératoire, porteur d’une focale de 350 ou
être choisi. Néanmoins, quelques impératifs doivent être 400 mm, surmonté de la lentille du laser et de son micromani-
respectés : pulateur, est alors mis en place devant l’extrémité distale du
• la suspension laryngée est réflexogène ; une analgésie pro- laryngoscope (Fig. 2).
fonde est donc indispensable ; Les instruments de phonochirurgie sont bien connus. [1] On
• une bonne exposition laryngée peut nécessiter une curarisa- n’oubliera pas les cotonnettes avec fils de rappel, que l’on
tion ; humidifie pour protéger la sous-glotte, en cas d’emploi du laser,
ni une pince de coagulation bipolaire adaptée au larynx, pour
• l’intubation trachéale doit être réalisée avec une sonde de
faire face à une éventuelle hémorragie.
petit calibre, de manière à laisser au chirurgien le champ
opératoire le plus large possible.
Techniques opératoires
Chirurgie au laser
Il s’agit obligatoirement d’une anesthésie générale intravei- Chirurgie aux micro-instruments
neuse, dont sont impérativement exclus et ce, quel que soit le La chirurgie d’exérèse des tumeurs bénignes du larynx doit
mode ventilatoire choisi, une concentration partielle d’oxygène être la moins délabrante possible, cherchant à préserver le
inspiré (FiO 2 ) supérieure à 30 % (en raison des risques de maximum de muqueuse, ainsi que le ligament vocal et les
combustion), le protoxyde d’azote (entretien de la combustion) cartilages. La tumeur est saisie de façon fine, à l’aide d’une
et les anesthésiques halogénés (création de métabolites toxi- micropince en cœur de taille adaptée, et attirée sur la ligne
ques). Il est également impératif de protéger la sonde d’intuba- médiane. La section muqueuse s’effectue ensuite aux microci-
tion ou le cathéter de jet-ventilation contre le rayon laser, qui seaux au ras de l’implantation de la tumeur, sur la muqueuse
risque de l’échauffer, à l’aide d’une feuille d’aluminium ou de saine. Il faut essayer de ne pas entamer les cartilages, ni le

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx ¶ 46-410

nombreux ouvrages médicaux [1, 7, 8] et nous ne les reprendrons


pas en détail. Retenons que les effets du laser sont thermiques,
correspondant à la transformation de l’énergie laser en chaleur
à l’intérieur même des tissus. Or, aux environs de 70 °C, les
protéines sont coagulées. Cet effet peut être bénéfique si l’on
cherche à coaguler de petits vaisseaux (jusqu’à 0,5 mm de
diamètre environ), mais il peut aussi être néfaste en modifiant
les caractéristiques vibratoires de la muqueuse et en induisant
une cicatrice rigide. Aux environs de 100 °C, les cellules
explosent du fait de la vaporisation de l’eau intra- et péricellu-
laire. Cet effet peut donner un effet de coupe si le faisceau est
suffisamment fin. Or, les lasers actuels offrent des dimensions
de spot de 300 µm.
Au point d’impact du laser, les cellules explosent donc, ce qui
crée un cratère de destruction. La dimension de ce cratère
dépend des caractéristiques physiques du laser utilisé (puissance,
temps d’émission, taille du faisceau). Autour de ce cratère, on
peut trouver une étroite bande de tissu nécrosé, carbonisé, et
dont l’épaisseur ne dépend pas de la puissance utilisée mais du
type de laser, c’est-à-dire du type d’interaction avec la matière.
Avec le laser CO 2 , cette bande a une épaisseur de 50 µm
environ. Autour de cette zone s’étend une zone plus ou moins
large dans laquelle les protéines sont simplement coagulées. La
largeur de cette bande dépend moins de la puissance choisie
que du temps d’émission. Plus ce dernier est long, plus cet effet
est marqué. C’est pour cette raison qu’il est préférable d’utiliser
le mode pulsé, qui permet de délivrer l’énergie choisie pendant
des temps extrêmement courts. L’effet de section est alors
privilégié par rapport à l’effet de coagulation et ce, même à des
Figure 1. Protection du visage du patient à l’aide de linges humides, puissances de 10 W. Ainsi, la largeur de la bande d’effet
dans le cadre de la chirurgie laryngée au laser CO2. thermique ou de coagulation diminue considérablement,
notamment en profondeur, ce qui préserve la lamina propria.
Le faisceau du laser CO2 étant dans l’infrarouge (longueur
d’onde 10 600 nm), il est invisible. Il faut donc le coupler à un
laser visible de faible puissance (hélium-néon rouge), afin de
pouvoir le diriger vers la cible. La convergence de ces deux
faisceaux est importante à vérifier avant chaque intervention,
car elle conditionne la précision du geste opératoire. Par ailleurs,
le faisceau laser étant absorbé par le verre, il ne peut pas être
véhiculé par des fibres optiques. Pour la chirurgie laryngée, il
doit donc être utilisé à l’aide d’un microscope opératoire. Ainsi,
les deux faisceaux sont dirigés jusqu’à la cible grâce à un jeu de
miroirs semi-transparents et à un micromanipulateur. Le
faisceau laser est focalisé à la même distance que la binoculaire
opératoire, généralement à 40 cm, ce qui permet de bien voir
les lésions à traiter et de faire un point d’impact très précis.
Les accidents et les incidents du laser CO2 en oto-rhino-
laryngologie ont été parfaitement décrits par Romanet et
Morizot dans le rapport de la SFORL en 1983. [8] L’égarement du
rayon est dû à la réflexion du faisceau laser sur une surface
réfléchissante. Il peut alors atteindre le personnel présent dans
la salle opératoire ou l’axe aérien du patient à un endroit non
désiré. Il peut alors s’ensuivre des brûlures cutanées, labiales ou
oculaires, mais aussi un pneumomédiastin, un pneumothorax,
un emphysème cervical, voire une hémorragie par atteinte du
ligament thyrotrachéal. Ceci est évité en respectant les règles de
Figure 2. Installation type pour microchirurgie laryngée au laser CO2 précaution déjà décrites dans l’installation du patient.
par voie endoscopique. Un autre danger réside dans une trop grande puissance
délivrée, ce qui entraîne une vaporisation et une zone de
coagulation excessives, surtout en profondeur, et risque donc de
provoquer une synéchie entre muqueuse du bord libre et
ligament vocal. [1] L’hémostase de la tranche de section peut ligament vocal, ou encore une zone de rigidité muqueuse trop
être réalisée par application d’un cotonnoïde imbibé de sérum importante. Le moyen de prévention le plus efficace consiste à
adrénaliné ou par électrocoagulation bipolaire. La pièce opéra- utiliser les puissances les plus faibles possibles et selon un mode
toire est toujours orientée et adressée au laboratoire d’anatomo- pulsé. Un autre moyen consiste à bien étirer la lésion à extraire
pathologie, afin de s’assurer de sa bénignité. vers la ligne médiane de manière à bien sectionner en superfi-
cie. Cependant, le risque de lésion sous-glottique par traversée
du faisceau est plus grand et impose une protection de cette
Chirurgie au laser
région à l’aide de cotonnoïdes humides.
Le laser CO 2 étant le plus utilisé en laryngologie, nous Enfin, les inflammations sont dues à l’inflammation de la
n’exposerons que les modalités d’emploi de ce dernier. Les sonde d’intubation ou à l’utilisation d’un gaz explosif. Il peut
propriétés physiques du laser ont déjà été décrites dans de s’ensuivre des perforations et des brûlures graves de la trachée

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-410 ¶ Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx

et du larynx, ainsi que des contusions pulmonaires. [9] La En arrière de la ligne oblique du cartilage thyroïde et sur la
prévention de cet accident dramatique passe par la protection face postérolatérale du cricoïde se trouvent les insertions des
de la sonde d’intubation à l’aide d’aluminium et de compresses faisceaux du muscle constricteur inférieur du pharynx.
humides, par le remplissage à l’eau du ballonnet de la sonde C’est en dedans de ces différents plans que se situe la face
d’intubation et par l’utilisation d’une FiO2 de 40 % au maxi- latérale du larynx, dont la description retrouve de haut en bas :
mum. [10] En cas d’administration d’oxygène pur, celui-ci ne la membrane thyrohyoïdienne, le cartilage thyroïde, la mem-
doit pas être administré avant un laps de temps d’une dizaine brane cricothyroïdienne et le cartilage cricoïde.
de secondes après la fin du tir laser. L’abord chirurgical de la région présente comme principal
rapport dangereux le passage de la branche interne du nerf
laryngé supérieur et du pédicule vasculaire homonyme.
Indications Le nerf laryngé supérieur, né du ganglion inférieur du nerf
vague, passe tout d’abord en dedans des vaisseaux carotidiens
Le laser tend à supplanter la chirurgie aux micro- avant de pénétrer dans la région, et de se diviser en arrière et
instruments dans la prise en charge chirurgicale des tumeurs en dessous du tubercule de la corne supérieure de l’os hyoïde.
du larynx, notamment bénignes. Cependant, Benninger, [11] Il donne alors une branche inférieure qui descend le long et
dans une étude randomisée prospective sur une série de en avant du bord supérieur du constricteur inférieur et innerve
37 patients porteurs de polypes, de nodules et de kystes le muscle cricothyroïdien, et une branche supérieure dont
mucoïdes des plis vocaux, n’a montré aucune différence dépend la sensibilité de l’étage sus-glottique du larynx, ce qui
significative en termes de cicatrisation et de résultats fonc- fait toute son importance et la nécessité de le préserver dans
tionnels entre la microdissection et la chirurgie au laser. Le cette chirurgie.
choix entre ces deux techniques dépend donc des habitudes et Son trajet au sein de l’espace thyrohyoïdien et surtout la
du matériel dont chacun dispose. localisation précise de sa pénétration sont très différemment
décrits selon les auteurs.
Lors de son trajet, il décrit une courbe à concavité supérieure,
Traitement postopératoire parallèle à la corne supérieure de l’os hyoïde et pénètre, avec les
vaisseaux laryngés supérieurs, dans le larynx à travers la
Le traitement postopératoire est débuté immédiatement après
membrane thyrohyoïdienne. L’orifice de pénétration se situe
l’intervention. Il comprend :
verticalement à la jonction tiers moyen/tiers inférieur et
• une antibiothérapie par voie générale à large spectre (type horizontalement en regard du bord postéro-interne du muscle
amoxicilline/acide clavulanique), lorsque la résection a été thyrohyoïdien.
large ou lorsque l’on a traité une mucocèle ;
L’artère laryngée supérieure naît précocement de l’artère
• une corticothérapie générale en cure courte (méthylpredniso- thyroïdienne supérieure. Elle entre dans la région thyrohyoï-
lone : 1 mg/kg/24 heures durant quelques jours) ; dienne en regard de l’extrémité supérieure de la corne supé-
• une corticothérapie locale en aérosol ou en pulvérisations rieure du cartilage thyroïde et, après un trajet sensiblement
laryngées (Bécotide Spray®) durant une semaine ; horizontal, pénètre dans le foramen thyrohyoïdien, toujours en
• un repos vocal d’une semaine, en recommandant de ne pas dessous de la branche interne du nerf laryngé supérieur.
chuchoter, car la voix chuchotée nécessite une voix laryngée
pour être audible ;
• une rééducation orthophonique ensuite, jusqu’à récupération
d’une voix de bonne qualité.
Techniques opératoires
Le larynx peut s’aborder par voie antérieure ou par voie
latérale. Les interventions proposées vont de l’intervention la
plus simple, qui consiste en l’ouverture de la membrane
thyrohyoïdienne, à la laryngectomie totale, en passant par
“ Point fort toutes les chirurgies partielles laryngées réalisées dans la
pathologie maligne et qui sont parfois indiquées devant des
tumeurs bénignes récidivantes ou volumineuses. Notre but n’est
La chirurgie endoscopique peut être réalisée soit aux pas de décrire toutes ces interventions dont la plupart sont déjà
micro-instruments soit au laser, essentiellement CO2. Le parfaitement exposées dans le traitement des tumeurs malignes
choix entre ces deux techniques repose essentiellement du larynx. Nous nous limiterons donc à la description des voies
sur la pratique de l’opérateur. Par cette voie d’abord latérales du larynx qui permettent de réaliser l’exérèse
endoscopique, il est possible de traiter la majeure partie de la plupart des tumeurs bénignes développées dans l’espace
des tumeurs bénignes du larynx. paraglottique.
Deux techniques chirurgicales vont être décrites, l’abord
latéral du larynx par la membrane thyrohyoïdienne et par
thyrotomie.

Anesthésie
■ Abord cervical de la paroi
Elle est générale avec intubation orotrachéale si cela est
latérale du larynx possible. Sinon, une trachéotomie première est effectuée sous
anesthésie locale. Cette trachéotomie est réalisée devant des
Rappel anatomique [12, 13]
difficultés d’intubation, en particulier devant des tumeurs
volumineuses et solides, ou lorsque la résection tumorale risque
L’exérèse d’une tumeur bénigne du larynx par voie cervicale d’entraîner une détresse respiratoire postopératoire par œdème
nécessite l’exposition et l’ouverture du larynx. ou hémorragie.
Nous nous limitons dans ce rappel à décrire l’anatomie telle
qu’on la rencontre lors de l’abord de la face latérale du larynx.
Position opératoire
Nous trouvons ainsi de dehors en dedans : la peau, le tissu
cellulaire sous-cutané et le platysma, puis deux plans musculoa- Le patient est placé en décubitus dorsal, la tête légèrement en
ponévrotiques formés des muscles sous-hyoïdiens enveloppés hyperextension et tournée du côté opposé à la lésion. L’opéra-
par les feuillets de la lame moyenne du fascia cervical. Sterno- teur se place du côté de la lésion et l’aide en face. Avant de
hyoïdien et omohyoïdien forment le plan superficiel, le plan commencer l’intervention, une désinfection cutanée est réalisée
profond comprenant thyrohyoïdien en haut et sternothyroïdien et quatre champs opératoires sont positionnés afin de laisser
en bas. visible la région antérolatérale du cou.

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx ¶ 46-410

Figure 3. Abord latéral du larynx par la membrane thyrohyoïdienne. A. Exposition de


la région thyrohyoïdienne. B. Section des muscles sous-hyoïdiens et visualisation de la
membrane thyrohyoïdienne. C. Ouverture de la membrane thyrohyoïdienne.
1. Branche interne du nerf laryngé supérieur ; 2. branche externe du nerf laryngé
supérieur ; 3. pédicule artériel laryngé supérieur ; 4. artère thyroïdienne supérieure ; 5.
carotide externe ; 6. jugulaire interne ; 7. veine thyroïdienne supérieure ; 8. muscle
sterno-cléido-mastoïdien ; 9. carotide primitive ; 10. muscle constricteur inférieur du
pharynx ; 11. muscle sternohyoïdien ; 12. muscle sternothyroïdien ; 13. muscle omo-
hyoïdien ; 14. muscle thyrohyoïdien ; 15. lame thyroïdienne ; 16. membrane thyrohyoï-
dienne ; 17. os hyoïde ; 18. corne supérieure du cartilage thyroïde ; 19. plastysma ; 20.
espace thyrohyoïdien recouvert de lame du fascia cervical.

Interventions d’abord latéral du larynx Pour obtenir une meilleure exposition de cette région, les
muscles sternohyoïdien, omohyoïdien et thyrohyoïdien peuvent
Par la membrane thyrohyoïdienne (Fig. 3) être sectionnés sous le bord inférieur de l’os hyoïde et réclinés
L’intervention comporte quatre temps opératoires. vers le bas. Toute la partie antérieure et latérale de la membrane
Incision. Le tracé de l’incision est préalablement dessiné sur thyrohyoïdienne est ainsi exposée. La branche interne du nerf
la peau au crayon dermographique. laryngé supérieur doit être bien visualisée pour ne pas la léser.
L’incision est effectuée de préférence dans un pli naturel du La membrane thyrohyoïdienne est ouverte en regard de la
cou, légèrement arciforme allant du bord antérieur du muscle tumeur si celle-ci fait bomber la membrane, sinon on réalise
une incision horizontale au bord supérieur du cartilage
sterno-cléido-mastoïdien jusqu’à la ligne médiane en avant
thyroïde.
qu’elle dépasse légèrement. L’incision est située en regard de la
Exérèse tumorale. Un écarteur est placé à la partie supérieure
moitié supérieure de la lame thyroïdienne.
de l’incision de la membrane et un autre à la partie inférieure,
L’incision concerne la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, le
permettant de soulever l’os hyoïde et d’abaisser la lame thyroï-
muscle platysma homolatéral, jusqu’aux aponévroses des dienne. On ouvre ainsi largement l’espace paraglottique,
muscles sternohyoïdien et omohyoïdien. La dissection est rendant l’exérèse de la tumeur plus aisée.
ensuite menée au-dessus du plan de ces muscles, permettant La dissection se poursuit ensuite le long de la face médiale du
d’exposer la région thyrohyoïdienne. cartilage thyroïde et médialement dans l’espace paraglottique. Il
Exposition de la région opératoire. Les tissus conjonctifs et s’agit d’une dissection prudente pour ne pas ouvrir la muqueuse
graisseux situés en avant de la veine jugulaire interne sont laryngée.
libérés, puis le muscle sterno-cléido-mastoïdien est récliné en Devant un kyste, on réalise sa ponction une fois les deux tiers
dehors, ainsi que de l’axe jugulocarotidien. Ce geste permet de du kyste libérés afin de le décomprimer et de permettre une
dégager la paroi pharyngolaryngée latérale. dissection plus aisée de son tiers médial. Par cette technique, on
Le tronc thyro-linguo-facial et le pédicule thyroïdien supé- évite l’ouverture de la muqueuse laryngée. [14] Cette partie
rieur sont repérés, puis en profondeur le nerf laryngé supérieur. médiale est sectionnée après ligature ou coagulation à la pince

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-410 ¶ Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx

Fermeture. Les différents plans sont suturés : périchondre


interne puis externe ; muscles sous-hyoïdiens. La peau est
fermée sur drainage aspiratif pour éviter un hématome ou un
emphysème sous-cutané.

Variantes
D’autres techniques de thyrotomie ont été décrites et nous
avons rapporté les plus fréquentes sur la Figure 5. [18-21]

Suites opératoires
Le suites opératoires sont habituellement simples. Le drain
aspiratif est enlevé au premier ou au deuxième jour postopéra-
toire. L’orifice de trachéotomie peut être fermé au troisième ou
quatrième jour postopératoire. Le traitement postopératoire est
débuté immédiatement après l’intervention. Il comprend,
lorsque la muqueuse laryngée a été ouverte :
• une antibiothérapie par voie générale à large spectre (type
Figure 4. Abord latéral du larynx. Thyrotomie latérale avec résection de amoxicilline/acide clavulanique) ;
la partie supérieure de l’aile thyroïdienne. • une corticothérapie générale en cure courte (méthylpredniso-
lone : 1 mg/kg/24 heures durant quelques jours).

bipolaire. Dans le cas d’une laryngocèle, la décompression n’est


pas nécessaire et la dissection est poursuivie jusqu’au collet qui
est sectionné après ligature. Dans le cas d’une tumeur solide, la
traction de la tumeur en dehors permet de la cliver complète-
“ Point fort
ment de l’espace paraglottique.
Fermeture. La membrane thyrohyoïdienne est fermée, puis L’abord latéral du larynx peut se pratiquer en passant par
les muscles sont suturés pour reconstituer le plan musculaire la membrane thyrohyoïdienne ou par thyrotomie latérale.
sous-hyoïdien. Les plans superficiels sont fermés sur drainage Ces deux voies d’abord sont peu utilisées dans le cadre de
aspiratif. la chirurgie des tumeurs bénignes, mais elles deviennent
L’intervention se termine par une endoscopie laryngée si le nécessaires devant des tumeurs vasculaires, volumineuses,
patient n’a pas été trachéotomisé. Cette endoscopie permet de solides, et lorsqu’une exposition correcte endolaryngée ne
vérifier l’état de la filière laryngée et l’absence d’hématome de peut être obtenue.
l’espace paraglottique ou d’œdème laryngé trop important
nécessitant une trachéotomie de sécurité avant extubation.
Par thyrotomie (Fig. 4)
■ Indications
Nous prenons comme type de description la technique le
plus souvent rapportée. [13, 15-17] Cette intervention permet un Papillomatose laryngée
abord plus large de la région latérale du larynx par rapport à
l’intervention précédente et nécessite systématiquement une La papillomatose laryngée est à la fois une affection rare et
trachéotomie première sous anesthésie locale. la plus fréquente des tumeurs bénignes du larynx chez l’enfant.
L’incision est identique à celle de l’intervention précédente et Il s’agit d’une pathologie à prédominance masculine, dont les
nous décrivons donc cette intervention à partir de l’abord de la deux tiers des cas se voient chez l’enfant, réalisant la papillo-
région opératoire. matose laryngée juvénile, principalement avant l’âge de 10 ans,
Exposition de la région opératoire. Les muscles sous- parfois avant 5 ans. Les lésions disparaissent classiquement à la
hyoïdiens sont sectionnés et des fils peuvent être placés sur les puberté.
tranches de section pour faciliter leur écartement et leur suture Il existe une participation virale (human papilloma virus 6 ou
11) à sa pathogénie. Il s’agit d’une prolifération tumorale
en fin d’intervention. Le périchondre de la moitié supérieure de
malpighienne bénigne de type papillaire. La localisation de la
l’aile thyroïdienne est exposé de façon prudente pour ne pas le
papillomatose est laryngée dans 90 % des cas ; elle peut être
léser. Une incision est ensuite réalisée le long du bord antérieur
isolée ou associée à d’autres localisations trachéobronchiques,
du cartilage thyroïde qui se continue par une incision menée le
pulmonaires ou rhino-pharyngo-œsophagiennes. Au larynx,
long du bord supérieur de la lame thyroïdienne jusqu’à la base
l’étage glottique est constamment atteint, avec une extension
de la corne supérieure du cartilage thyroïde. Le périchondre
plus souvent sous-glottique que sus-glottique. Il existe un type
externe est ensuite ruginé en bas et en arrière jusqu’à la ligne
localisé à évolution lente et un type diffus à évolution
oblique de l’aile thyroïdienne. Le décollement du périchondre
rapide. [22]
interne de la lame thyroïdienne est ensuite effectué avec un L’évolution est imprévisible : formes bénignes aux récidives
décolleur. La lame thyroïdienne étant exposée, elle peut être espacées et guérison après quelques séances d’exérèse ; formes
réséquée soit par fragments à l’aide d’une pince à l’emporte- persistantes ; formes agressives entraînant des troubles respira-
pièce, soit en bloc après section horizontale de la lame à l’aide toires nécessitant parfois une trachéotomie responsable à son
d’une scie oscillante adaptée au larynx. L’exérèse du cartilage tour de prolifération papillomateuse [23] imposant des actes
étant réalisée, une voussure produite par la tumeur est souvent thérapeutiques multiples, des cicatrices et synéchies. Il existe des
visible à ce stade de l’intervention. formes révélées par une dyspnée laryngée aiguë. [24]
Exérèse tumorale. Incision horizontale du périchondre Les complications sont : l’asphyxie avec décès parfois ; les
interne permettant d’exposer la partie latérale de la tumeur, puis complications infectieuses pulmonaires et à distance ; les
dissection et exérèse de la tumeur selon les principes décrits complications iatrogènes, principalement synéchies commissu-
précédemment. rales antérieures du larynx ; les sténoses trachéales après
La cavité constituée par l’ablation de la tumeur est minutieu- trachéotomie prolongée, sources de dysphonie définitive et de
sement inspectée pour faire l’hémostase de tout saignement et dyspnée. [25] La transformation cancéreuse est possible chez
repérer une éventuelle brèche de la muqueuse laryngée qui est l’adulte, mais est très rare. [26, 27] La contamination du person-
suturée avec du fil résorbable décimale 3. nel de bloc opératoire a été décrite : ceci impose une protection

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx ¶ 46-410

Traitements médicaux
Ils sont de réalisation difficile : interféron ; immunothérapie
par autovaccin préparé à partir d’un extrait protéique obtenu à
partir de fragments de papillomes prélevés sous laryngoscopie
directe.
Traitement chirurgical
Il repose sur l’exérèse des lésions par voie endoscopique.
L’anesthésie générale est parfois délicate en cas d’obstruction
des voies aériennes chez l’enfant. La jet-ventilation tend à
remplacer l’intubation endotrachéale car elle permet une bonne
visibilité du champ opératoire, mais elle n’est pas dénuée de
risques, en particulier de barotraumatisme. [29] Certains réalisent
le geste en ventilation spontanée ou lors d’apnées. [29] L’éplu-
chage (exérèse à la pince) des lésions laryngées est la méthode
la plus simple. Elle permet le diagnostic histologique mais elle
n’est pas la plus efficace pour éviter la récidive. La technique est
hémorragique, gênant l’appréciation des limites exactes des
lésions. L’exérèse doit concerner le tissu tumoral friable sans
léser les tissus normaux avoisinants. Le ligament vocal est
menacé et il existe un risque de constitution de cicatrices
fibreuses : synéchies cordales antérieure ou postérieure ; sténose
laryngée.
Le traitement au laser CO2 est intéressant car moins hémor-
ragique que l’exérèse à la pince et moins pourvoyeur
d’œdème. [30] Le laser réalise une destruction sur place des
tissus, évitant leur dissémination vers l’arbre respiratoire. Il est
conseillé d’utiliser un système d’aspiration des fumées et des
produits de destruction dus au laser, afin de conserver un
champ de vision exempt de fumées et de prévenir l’infection
par les particules virales du personnel présent au bloc opéra-
toire, aussi bien que des tissus sains avoisinants. Le laser CO2
est utilisé à la puissance de 10 à 15 W en tir continu ou de 50
à 80 W en impulsions de 8 à 10 secondes. [31] L’utilisation de
microspots et d’énergies inférieures à 5 W, de modes de tir
fractionnés, permettrait de diminuer les séquelles et d’obtenir de
meilleurs résultats. La cicatrisation serait moins fibreuse, moins
pourvoyeuse de synéchies ou de sténoses. Certains utilisent le
laser véhiculé par une fibre orientable (lasers Nd-YAG ou KTP,
ou lasers à diode). [32]
Certaines équipes ont remplacé l’usage du laser par l’usage du
microdébrideur pour l’ablation des lésions papillomateuses chez
l’enfant. [29, 33]
L’emploi de substances antimitotiques, soit en badigeonnage
local, soit plutôt en injection sur le site d’exérèse après exérèse
laser ou exérèse instrumentale, peut être intéressant pour les
papillomatoses très récidivantes. [34-36] Les injections intracor-
dales de cidofovir augmenteraient le taux de réponse complète
ou l’intervalle entre les interventions chirurgicales (dans 61 %
de ces cas pour Schraff et al. [29] et 76,9 % des cas pour Lee et
Rosen [37]).
La trachéotomie peut être évoquée en cas de dyspnée : elle
doit être évitée à tout prix. Elle comporte un risque de diffusion
de la papillomatose à l’arbre respiratoire, au trajet de la
trachéotomie et à la peau, et un risque de sténose laryngée ou
trachéale. Il est préférable de réaliser une intubation et une
désobstruction, sachant que l’intubation peut également
favoriser une migration tumorale à l’arbre respiratoire.
Figure 5. Variantes des thyrotomies.
A. Selon Lewis, section verticale de la lame thyroïdienne. Indications
B. Selon Thome, résection d’un triangle cartilagineux à sommet inférieur.
C. Selon Malis, réalisation d’un volet cartilagineux à charnière inférieure. Papillomatose bénigne
D. Selon Netterville, réalisation d’un volet à charnière supérieure. L’exérèse au laser CO2 est la meilleure méthode.
Papillomatose extensive ou récidivante
du personnel par des masques adaptés à l’usage du laser, dotés
Un traitement médical adjuvant est nécessaire à l’exérèse
de pores extrêmement petits. [28]
endoscopique. L’exérèse endoscopique est réalisée à la pince
pour le prélèvement des formations papillomateuses bourgeon-
Traitement
nantes, et au laser pour la base d’implantation des papillomes,
Le but du traitement est double : désobstruction laryngée et en évitant une exérèse trop large pour éviter les séquelles
éradication du papillome. cicatricielles. La mitomycine C pourrait diminuer la fréquence
Les moyens thérapeutiques sont chirurgicaux (instrumentaux) des synéchies antérieures. [38] Il convient d’éviter la multiplica-
et médicaux. tion des exérèses au larynx, quitte à supporter une dysphonie

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-410 ¶ Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx

parfois importante. [39] Le laser est un instrument précis, mais


n’est pas curatif.
On évite la trachéotomie en réalisant des désobstructions
laser à la demande en fonction des récidives.

Résultats
Ils sont très variables : guérison totale dans 43 % des cas ;
amélioration significative dans 40 % des cas ; échecs dans 17 %
des cas, mais avec une disparition des lésions à l’âge de la
puberté pour un très grand nombre de ces échecs, et en parti-
culier sevrage de la trachéotomie chez 80 % des enfants
trachéotomisés.

Kystes du larynx [40]


Ils se répartissent en deux groupes.

Kystes de type canalaire ou rétentionnel


Ils peuvent se situer à tous les étages du larynx et provien- Figure 6. Vue endoscopique d’un granulome situé à la partie posté-
nent de l’obstruction des canaux des glandes muqueuses. Ils rieure de la corde vocale droite.
sont généralement de petite taille et superficiels. Leur traitement
se fait essentiellement par voie endoscopique. L’intervention
consiste à pratiquer une incision avec aspiration du contenu, externes (exceptionnelles) et mixtes, avec une composante
une marsupialisation ou une exérèse du kyste en totalité. interne et externe. Le traitement de ces lésions est chirurgical.
Pour la plupart des auteurs, [18, 41, 43, 47] la voie externe semble
Kystes sacculaires préférable à la voie endoscopique pour l’exérèse définitive, en
Ils se développent à partir du saccule laryngé, et peuvent être particulier chez l’adulte. La laryngocèle est disséquée au plus
congénitaux ou acquis. Ces kystes sont divisés en deux groupes près de son collet, puis sectionnée après ligature du collet. Un
selon la classification de Desanto et al., [41] les kystes antérieurs bilan endoscopique laryngé complet, en particulier du ventri-
et les kystes latéraux. Cependant, cette classification ne sépare cule avec biopsies, s’impose systématiquement avant de réaliser
pas les kystes congénitaux des autres. Forte et al. [42] proposent l’exérèse chirurgicale de la laryngocèle, afin d’éliminer un
donc une nouvelle classification pour les kystes congénitaux qui cancer responsable de la laryngocèle par blocage de l’ostium. La
repose sur leur étude histologique, embryologique et leur voie cervicale semble être la voie d’abord du traitement des
localisation. Cette classification divise ces kystes en deux laryngocèles, mais certains auteurs utilisent la voie
groupes, les kystes de type I (limités au larynx) et les kystes de endoscopique. [48-51] À signaler les laryngocèles postchirurgie
type II (étendus hors du larynx). partielle laryngée supracricoïdienne, dont le traitement repose
Cette pathologie se rencontre aussi bien chez l’enfant que sur la marsupialisation par voie endoscopique.
chez l’adulte. Historiquement, Holinger et al. [43] en 1978 pro-
posaient chez l’enfant l’aspiration à l’aiguille du liquide contenu Tumeurs vasculaires
dans le kyste comme traitement initial. Cependant, la récidive
était extrêmement fréquente, car l’oblitération complète du Granulomes [52, 53]
kyste était rarement obtenue, d’où l’idée de l’ouvrir largement.
Les granulomes sont les tumeurs vasculaires les plus commu-
Le laser était utilisé en complément de la marsupialisation. Ce
nes du larynx (Fig. 6). Ils sont secondaires à des facteurs
traitement nécessitait souvent plusieurs procédures avec la
d’irritation chronique de la muqueuse, ou à des traumatismes
réalisation d’une trachéotomie dans le même temps. En 1992,
laryngés après intubation ou après traumatisme. Le traitement
Civantos et Holinger [44] notaient que, sur neuf patients dont le
consiste à éliminer les facteurs irritants, en particulier le reflux
diagnostic de kyste latéral du larynx avait été posé, une
gastro-œsophagien. [54] Ces granulomes n’étant pas obstructifs,
moyenne de six traitements par voie endoscopique avait été
il n’y a pas de traitement endoscopique. Cependant, une
nécessaire. Devant ces récidives fréquentes après traitement
exérèse laser peut être effectuée afin de réaliser une examen
endoscopique, Ward et al. [14] proposèrent de réaliser, après un
anatomopathologique devant un aspect suspect du granulome.
ou deux échecs par voie endoscopique, un abord par voie
cervicale afin d’assurer la résection complète du kyste. Enfin,
Angiomes ou hémangiomes [55-57]
Forte et al. [42] proposent, dans le cas de kystes congénitaux,
une voie endoscopique pour les types I et une voie externe pour Angiome immature du nourrisson
les types II.
Son traitement est symptomatique, car ces angiomes invo-
Chez l’adulte, les différents auteurs restent favorables à un
luent de façon spontanée. Une corticothérapie est prescrite lors
traitement par voie endoscopique de ces kystes. De Santo et
des poussées évolutives. Lors de détresse respiratoire, une
al. [41] ne rapportent qu’un seul cas de récidive, après traitement
intubation est réalisée le temps de la crise. Le traitement par
de 29 kystes antérieurs chez l’adulte. De même, Holinger et
voie endoscopique ou chirurgical (intervention d’élargissement
al., [43] sur 22 patients, n’ont pas eu de récidive dans le traite-
du larynx, trachéolaryngofissure d’Evans) est à discuter
ment des kystes antérieurs par voie endoscopique, pour les
lorsqu’une extubation n’est pas possible et si l’angiome persiste
patients présentant des kystes latéraux ; ils préconisent néan-
au-delà de 18 à 24 mois.
moins une voie d’abord externe comme Thabet et Kotob [45] et
Malis et Seid. [20] En revanche, Hogikyan et Bastian [46] ont Angiome mature
traité sept volumineux kystes latéraux par voie endoscopique et
Il s’agit d’un angiome non involutif qui reste rare au larynx.
n’ont eu aucune récidive. En fait, il n’y pas de véritable
On préconise l’abstention thérapeutique pour les petits angio-
consensus dans la littérature et il semble qu’on puisse utiliser
mes, la chirurgie partielle laryngée après embolisation sélective
soit la voie endoscopique, soit la voie cervicale, pour traiter ce
s’il existe un pédicule artériel nourricier principal.
type de lésion.
Lymphangiomes
Laryngocèles Le lymphangiome isolé du larynx est rare. Il s’agit le plus
La classification retenue pour les laryngocèles est celle de souvent d’un lymphangiome diffus cervical qui s’étend au
Holinger et al. [43] Les laryngocèles sont classées en internes, larynx. Le traitement chirurgical est très difficile, car la récidive

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx ¶ 46-410

Figure 7. Vue endoscopique d’une tumeur musculaire : léiomyome


implanté sur l’épilarynx latéral droit. Figure 8. Chondrome du cricoïde, coupe scanographique axiale du
larynx passant par la tumeur.
est quasi systématique en cas de résection limitée. Les résections
totales sont difficilement réalisables, en particulier chez l’enfant, tumoral : thyrotomie latérale ou pharyngotomie latérale si la
car elles sont trop délabrantes. tumeur est étendue au récessus piriforme. La voie endoscopique
est réservée aux petites tumeurs.
Tumeurs musculaires [58, 59]

Neurofibrome
Rhabdomyomes Encore plus rare (0,5 %), à la différence du schwannome
Pour ce type de tumeur, le traitement consiste en une exérèse solitaire il survient dans le cadre d’une neurofibromatose de
complète, tout en étant le plus conservateur possible. La voie type I. Il s’agit d’une tumeur non encapsulée pouvant adhérer
cervicale est la voie la plus adaptée. aux muscles, avec risque de récidive. Dans 10 % des cas, une
transformation maligne en neurosarcome est observée. Une
.1
Léiomyomes et léiomyoblastomes (Fig. 7) chirurgie laryngée partielle s’impose et le type d’intervention
dépend de la localisation tumorale dans le larynx.
Ce sont des tumeurs exceptionnelles. Leur traitement repose
sur une exérèse complète par voie endoscopique ou externe. Tumeurs à cellules granuleuses d’Abrikossoff
Lipomes L’atteinte laryngée correspond à 0,4 % des tumeurs bénignes
du larynx. Ce sont des tumeurs d’origine schwannienne dont
Ils se développent essentiellement sur l’épilarynx et l’épiglotte l’aspect macroscopique est celui d’une masse polypoïde, sessile,
pour les tumeurs à développement extrinsèque, plus préféren- molle, à muqueuse normale. Le traitement repose sur l’exérèse
tiellement dans les bandes ventriculaires pour les tumeurs à locale, par voie endoscopique ou par voie cervicale selon la
développement intrinsèque. Le traitement chirurgical se fait soit localisation et la taille de la tumeur. Le taux de récidive locale
par voie cervicale, soit par voie endoscopique par résection au est de 2 à 8 % et impose une exérèse la plus complète possible.
laser CO2, [60] le but étant d’enlever la totalité du lipome afin
d’éviter la récidive. Paragangliomes [69, 70]
Ce sont des tumeurs neuroendocriniennes bénignes du
Tumeurs glandulaires [61, 62]
système parasympathique dérivant de la crête neurale.
Adénome pléomorphe Le traitement chirurgical de ces tumeurs par voie cervicale
s’impose, car c’est la seule voie qui permette l’exérèse complète
Seulement une trentaine de cas ont été décrits dans la et le contrôle du saignement par ligature première de l’artère
littérature. Ces tumeurs sont développées à partir des glandes laryngée supérieure. La résection par voie endoscopique ne
salivaires accessoires présentes dans le larynx. Le problème de ce permet pas un contrôle du saignement et la récidive est
type de tumeur est représenté par le risque de récidive lors de fréquente.
l’ouverture de la capsule et la transformation maligne sur le
long terme. Il faut réaliser une chirurgie large par voie externe,
impliquant de pratiquer des interventions type laryngectomie
Tumeurs cartilagineuses [71-74]
partielle. Le siège habituel de ces tumeurs (200 cas décrits dans la
littérature) se situe dans 70 % des cas sur le chaton cricoïdien
Oncocytome (Fig. 8), dans 20 % à l’épiglotte et le reste sur l’aryténoïde. Le
Du fait de l’absence de malignité et de son aspect kystique, traitement est chirurgical par excision complète du chondrome.
le traitement consiste en une simple exérèse, soit par voie L’abord classique est représenté par un abord antérieur avec
endoscopique, soit par voie cervicale. ouverture de l’arc antérieur du cricoïde et des premiers anneaux
trachéaux (Fig. 9). Après incision de la muqueuse en regard du
chondrome, celui-ci est enlevé par énucléation associée à un
Tumeurs nerveuses [16, 63-68]
curetage jusqu’en zone saine en conservant le périchondre et
l’armature du cricoïde. Un calibrage endolaryngé est nécessaire
Schwannome solitaire pour appliquer la muqueuse et le périchondre afin d’éviter une
Estimé à 1,5 % des tumeurs bénignes, son traitement est sténose. Si une résection du cricoïde est nécessaire, celle-ci ne
chirurgical par résection sous-muqueuse et extracapsulaire. La doit pas dépasser la moitié de l’anneau cricoïdien. Au-delà, une
clef du succès thérapeutique repose sur la résection complète de laryngectomie totale est la seule solution thérapeutique envisa-
la tumeur tout en préservant les fonctions du larynx. C’est geable. L’exérèse par voie endoscopique est possible pour les
l’abord cervical qui s’impose. Celui-ci est fonction du siège petits chondromes limités.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-410 ¶ Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx

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préservant les fonctions laryngées. L’exérèse se réalise par voie [21] Netterville JL, Coleman JR, Chang S, Rainey CL, Reinisch L,
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d’abord cervicale avec ouverture du larynx par voie latérale est [28] Kashima HK, Kessis T, Mounts P, Shah K. Polymerase chain reaction
nécessaire. Enfin, exceptionnellement, il faut réaliser des identification of human papillomavirus DNA in CO2 laser plume from
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C. Conessa, Médecin en chef, professeur agrégé.


S. Hervé, Médecin en chef, spécialiste.
E. Roguet, Médecin en chef, spécialiste.
J. Gauthier, Médecin principal, assistant.
J.-L. Poncet, Médecin chef des services, professeur agrégé* (orl.vdg@dial.oleane.com).
Service d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Conessa C., Hervé S., Roguet E., Gauthier J., Poncet J.-L. Chirurgie des tumeurs bénignes du larynx. EMC
(Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-410, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


¶ 46-375

Désobstruction laryngée au laser CO2


M. Ménard, D. Brasnu

Les différentes options thérapeutiques d’une tumeur obstructive du larynx comprennent la trachéotomie
pratiquée à distance de la tumeur, l’intubation orotrachéale par une petite sonde ou au bronchoscope
précédant la laryngectomie totale en urgence, la désobstruction au laser par voie endoscopique. La
trachéotomie d’attente avait plusieurs inconvénients : elle augmentait la fréquence de survenue des
récidives péristomales et aggravait la morbidité de la laryngectomie réalisée secondairement
(complications infectieuses et désunion pharyngée). La laryngectomie totale en urgence était en général
pratiquée après un bilan d’extension locorégional et métastatique limité, ainsi qu’un bilan préopératoire
insuffisant. L’utilisation du laser CO2 en laryngologie, dès la fin des années 70, a permis le développement
de la désobstruction laryngée. Cette technique est maintenant bien codifiée et d’utilisation courante. La
désobstruction laryngée au laser CO2 permet de rétablir une filière respiratoire satisfaisante et d’éviter
dans bon nombre de cas la trachéotomie. Elle peut être répétée si nécessaire et ne compromet pas le
traitement ultérieur. Elle peut être réalisée avant tout traitement, permettant alors la réalisation d’une
chimiothérapie, une meilleure préparation nutritionnelle et psychologique avant chirurgie et/ou
radiothérapie, mais aussi en palliatif avec une meilleure qualité de vie.
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Mots clés : Désobstruction laryngée au laser CO2 ; Cancer du larynx

Plan trachée ne permettaient pas la réalisation d’une trachéotomie à


distance de la tumeur. [4] La laryngectomie totale en urgence
était en général pratiquée après un bilan d’extension locorégio-
¶ Introduction 1
nal limité et un bilan préopératoire insuffisant. [5, 6]
¶ Technique anesthésique 1 Strong et Jako [7] développèrent les applications du laser CO2
Méthodes 2 à partir des années 70, parallèlement aux progrès de la micro-
Précautions liées à l’utilisation du laser CO2 2 chirurgie laryngée en suspension. [8] Le concept de la désobs-
Indications 2 truction laryngée pour assurer une filière respiratoire suffisante
¶ Technique opératoire 3 et permettre d’éviter une trachéotomie a été développé par
Instrumentation 3 Vaughan [9] dès la fin des années 70. Cette technique est
Installation du patient 3 maintenant bien codifiée et d’utilisation courante. Elle a pris
Complications 4 une dimension supplémentaire avec le développement de la
Traitement et surveillance postopératoires 5 chimiothérapie néoadjuvante, en particulier depuis l’utilisation
Règles de sécurité 5 des sels de platine et le développement des protocoles de
préservation d’organe. [1, 10]
¶ Indications 5
¶ Conclusion 6

■ Technique anesthésique
L’anesthésie générale avec curarisation est indispensable. [11]
■ Introduction On utilise des hypnotiques, curares et analgésiques morphino-
mimétiques à cinétique courte, pour obtenir un réveil le plus
Avant l’utilisation du laser CO 2 , les seules possibilités rapide possible.
thérapeutiques devant une dyspnée laryngée par cancer obs- Un abord trachéal est toujours nécessaire. Plusieurs solutions
tructif du larynx étaient la trachéotomie en urgence pratiquée de ventilation peuvent être adoptées : l’intubation orotrachéale
à distance de la tumeur ou la laryngectomie totale en et la ventilation classique ou des techniques faisant intervenir
urgence. [1] La trachéotomie d’attente avait plusieurs inconvé- des méthodes de ventilation par injection à haute fréquence.
nients : elle augmentait la fréquence de survenue des récidives Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients. Elles
péristomales [2] et aggravait la morbidité de la laryngectomie doivent être discutées entre l’anesthésiste et le chirurgien avant
réalisée secondairement (complications infectieuses et désunion l’intervention pour que la meilleure technique de ventilation
pharyngée). [3] Certains cancers sous-glottiques étendus à la soit utilisée en fonction du calibre de la filière glottique, de la

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 1


46-375 ¶ Désobstruction laryngée au laser CO2

ou des structures laryngées à exposer (plan glottique, vestibule Actuellement, une sonde métallique flexible sans ballonnet doit
laryngé, épilarynx), de l’état pulmonaire du patient et des être préférentiellement utilisée (type sonde d’Oswal). [12] Il est
habitudes de chacun. [4, 12] également possible d’utiliser une canule d’aspiration métallique
Une anesthésie locale préalable du larynx et de la trachée fine et longue, glissée dans le larynx, sous le plan glottique, à
cervicale est toujours souhaitable. [4, 13, 14] travers la spatule de laryngoscopie et solidarisée au
laryngoscope.
Méthodes Voie intercricothyroïdienne
Intubation orotrachéale [1, 4, 8, 15] L’importance de l’obstruction glottique peut conduire à
utiliser la jet ventilation par voie intercrico-thyroïdienne. [13, 24]
La ventilation classique nécessite la mise en place d’une La membrane inter-crico-thyroïdienne doit être saine pour que
sonde d’intubation de petite taille dans la filière glottique : n° la ponction ne soit pas réalisée en transtumoral afin d’éviter
6,5, [11, 13] voire n° 5, 5,5 ou 6. [4] toute dissémination des cellules cancéreuses. Un cathéter en
Dès 1973, Strong et Jako soulignaient la nécessité de protéger Téflon® 14G est mis en place, sous anesthésie locale, après
la sonde d’intubation en cas d’utilisation du laser CO2. [7, 8] Par repérage des structures anatomiques (cartilages cricoïde et
le passé, une sonde classique (par exemple, Portex® n° 6,5) était thyroïde, membrane intercricothyroïdienne). Cette technique de
enrobée d’une feuille d’aluminium. [1, 8, 15-17] Actuellement, ventilation est en pratique peu utilisée, car d’une part le
cette technique ne doit plus être utilisée. Différents modèles de cathéter de ventilation est en Téflon® et comporte un risque
sondes adaptées au laser sont disponibles sur le marché. [8, 15-18] d’ignition et, d’autre part, la ventilation alvéolaire est toujours
D’après l’étude de Sesterhenn et al., [15] les plus utilisées sont : insuffisante, [13] l’hypercapnie est fréquente dans les tumeurs
la sonde Laser Flex de Mallinckrodt, la sonde Laser Schield II de obstructives avec un retour de l’air injecté insuffisant au moins
Xomed, la sonde Laser Rüsch. Elles garantissent une sécurité tant que la désobstruction laryngée n’est pas efficace. [14] Il
supplémentaire mais au prix d’un coût supérieur. [15, 19] Aucune s’agit plus d’une méthode d’oxygénation à utiliser en prépara-
n’est garantie ininflammable et des complications sont encore tion en salle d’opération qu’un mode de ventilation sous
rapportées. [20-22] Cependant, la fabrication artisanale d’une anesthésie générale.
sonde « laser » ne répond pas aux normes actuelles de sécurité
et de traçabilité ; des blessures muqueuses peuvent survenir par Ventilation par injection préglottique
arrachage d’un fragment d’aluminium lors de la mobilisation de La ventilation par injection préglottique repose sur le principe
la sonde ; [15] des obstructions aiguës des voies respiratoires d’une jet ventilation par injection d’air pulsé en prélaryngé grâce
peropératoires ont été décrites par migration de fragments à un système d’injection fixé à la spatule de laryngoscopie.
d’aluminium. [23] L’avantage principal de la méthode réside dans l’absence de
Pour notre part, nous utilisons la sonde métallique flexible de sonde transglottique, mais le système d’injection obstrue
Mallinckrodt (Laser Flex). [1, 12] La sonde de Mallinckrodt (Laser partiellement le champ opératoire. [4] Cette méthode est en
Flex) possède de plus deux ballonnets de protection étagés, ce réalité peu employée car l’air pulsé bute sur la tumeur, entraî-
qui assure une sécurité supplémentaire. Le ballonnet supérieur nant une hypoventilation. Certains utilisent toutefois ce
est gonflé au sérum physiologique tandis que le ballonnet procédé en seconde intention, quand la filière laryngée obtenue
inférieur est gonflé à l’air pour certains, mais d’autres préfèrent après le premier temps de la désobstruction au laser permet
gonfler les deux ballonnets au sérum physiologique. [8, 15] Ossof l’ablation de la sonde endotrachéale et la ventilation prélaryn-
a proposé l’adjonction de bleu de méthylène au sérum physio- gée avec une filière et un retour gazeux satisfaisants. [4, 27, 28]
logique afin de visualiser immédiatement la perforation du
Contre-indication à la « jet ventilation »
ballonnet par le laser CO2. [8]
Il est d’autre part conseillé de placer le ballonnet de la sonde La jet ventilation à haute fréquence comporte de plus un
d’intubation loin dans la trachée afin de limiter le risque certain nombre de contre-indications : syndrome pulmonaire
d’impact laser et de le protéger par des cotonoïdes mouillés. [8, obstructif important, emphysème, cardiopathie sensible à
16] l’hypoxie, obésité. Elle est également contre-indiquée dans les
Dans les cas d’intubation difficile, une bronchoscopie préala- cas où l’exposition du larynx est difficile, voire impossible. [13]
ble permet la mise en place d’une bougie fine dans la trachée ; Elle comporte de toute façon un certain nombre de risques :
celle-ci sert ensuite de guide pour l’intubation. [1] Un hypopha- hypoventilation, pneumothorax, pneumomédiastin, emphy-
ryngoscope peut également être utilisé ; il est plus court et plus sème sous-cutané. [4, 8, 15, 26] Dans les tumeurs très obstructives,
maniable que le bronchoscope mais ne permet pas de franchir ces risques sont encore majorés par la gêne au retour gazeux
le plan glottique. imposant une désobstruction rapide.

Ventilation haute fréquence [6, 8, 13, 15, 16, 24, 25]


Précautions liées à l’utilisation du laser CO2
À partir de la seconde moitié des années 1970, des techniques L’utilisation du laser CO2 impose des précautions connues de
de ventilation par injection à haute fréquence (VJHF) se sont longue date, en particulier en ce qui concerne la composition
développées parallèlement au développement de la chirurgie des gaz anesthésiques. [5, 8, 13-16, 29] Lors de l’utilisation du laser,
laryngée au laser CO2. la ventilation doit se faire à l’air avec un enrichissement à
La ventilation est alors assurée par un jet pulsé à haute l’oxygène de 30 %, sans dépasser 40 % pour limiter le risque
fréquence. L’avantage principal de la méthode réside dans d’ignition de la sonde de ventilation orotrachéale. Certains ont
l’absence de ballonnet sur la sonde d’intubation, diminuant le proposé l’emploi d’un mélange gazeux associant hélium et
risque d’ignition. [4, 15, 20, 25, 26] Cette méthode a en outre pour oxygène ; l’hélium élèverait le point de combustion de la sonde
avantage de laisser la majeure partie du champ opératoire libre endotrachéale. L’adjonction de 2 % d’halothane au mélange
tout en évitant les inhalations. [4, 13, 15, 25] hélium-oxygène retarderait encore le point d’ignition de la
Il existe plusieurs techniques de ventilation par injection à sonde d’intubation. [8] Ces techniques sont actuellement peu
haute fréquence. utilisées.
« Jet ventilation » par sonde transglottique
La jet ventilation peut être utilisée après introduction d’une
Indications
sonde d’injection de calibre n° 10 ou 12 reposant sur la Schématiquement, la ventilation avec intubation orotrachéale
commissure postérieure et descendue en sous-glottique sur classique comporte moins de risques que la VJHF [1, 30] une fois
environ 4 cm. Au départ, la sonde d’injection était enrobée l’intubation réalisée. Cependant, il faut rappeler que le risque
d’une feuille d’aluminium de protection. La feuille d’aluminium d’échec de l’intubation elle-même dans les tumeurs volumineu-
de protection permettait d’une part l’utilisation du laser CO2 et ses et exophytiques n’est pas négligeable, nécessitant d’avoir
d’autre part évitait l’effet de fouet lors des injections. [13] préparé à portée de main le matériel de bronchoscopie et la

2 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Désobstruction laryngée au laser CO2 ¶ 46-375

boîte de trachéotomie. [6, 31] Il ne faut pas hésiter à demander l’effet de la vaporisation sur les tissus. [16] La puissance est
au chirurgien d’intuber le patient soit à l’aide d’un bronchos- ensuite augmentée selon les besoins. Elle ne dépasse pas, en
cope, soit à l’aide d’un hypopharyngoscope. L’examen préalable règle, 20 W. [1] Elle peut atteindre 30 à 40 W si l’obstruction
en laryngoscopie indirecte ou à l’aide d’un nasofibroscope aide laryngée doit être levée rapidement pour faciliter le retour
considérablement à la représentation dans l’espace de la filière gazeux ou pour permettre de changer le mode de ventilation.
respiratoire. L’utilisation de puissances élevées nécessite une vigilance
Les défenseurs de chaque méthode s’opposent en fonction de particulière pour éviter le risque de complications. [31] On utilise
leurs préférences et de leur expérience. [1, 6, 8, 10, 13, 15, 16, 24] habituellement le mode continu pour ne pas allonger le temps
Certains utilisent successivement les deux méthodes. [5] Les de l’intervention.
difficultés potentielles d’exposition, d’intubation et de ventila- Les instruments sont ceux de toute microchirurgie laryngée
tion chez les patients porteurs d’une tumeur obstructive des au laser CO2. Spatule de laryngoscopie, micro-instruments,
voies aérodigestives supérieures expliquent la multiplicité des canules d’aspiration, doivent être de couleur noire ou
techniques proposées pour l’abord trachéal. sablées pour éviter la diffraction du rayon laser et ne pas
L’avantage majeur de la VJHF réside sûrement dans l’absence absorber la lumière du microscope. [8, 10, 16, 34] L’utilisation
de sonde d’intubation ou le faible encombrement du système de d’aspirations puissantes et de filtres spécifiques est conseillée. [8]
ventilation, ce qui apparaît particulièrement appréciable pour Il est indispensable d’avoir à portée de main un bistouri
les tumeurs glottiques ou glotto-sous-glottiques, beaucoup électrique monopolaire avec des micropinces coagulantes
moins dans les tumeurs supraglottiques. [6, 13, 31] protégées ainsi que des porte-clips avec microclips.

Installation du patient
■ Technique opératoire L’installation du patient par le chirurgien est essentielle. Le
La désobstruction laryngée au laser CO2 doit toujours être patient est placé en décubitus dorsal, la tête ne doit pas être
réalisée par un opérateur entraîné, possédant une grande immobilisée mais placée sur un rond de tête. La table d’opéra-
expérience de la chirurgie endoscopique au laser, afin de réduire tion est installée en position légèrement déclive. La têtière de la
au maximum le risque de complications. Chaque membre de table d’opération doit être fléchie par rapport à l’axe du corps
l’équipe doit avoir reçu une formation spécifique et doit avoir et non pas en hyperextension (sniffing position). [35, 36]
une connaissance approfondie de la chirurgie laser et de ses Le chirurgien est assis à la tête du patient, au mieux dans un
complications potentielles. fauteuil avec accoudoirs ce qui permet de poser les avant-bras
lors de l’intervention.
L’utilisation d’un protège-dents est indispensable.
Instrumentation Quand une sonde d’intubation a été mise en place, elle est
L’instrumentation est celle de toute microchirurgie laryngée placée latéralement dans un sillon glossoamygdalien et calée au
en suspension au laser. niveau de la commissure labiale.
On utilise un microscope opératoire avec une focale de Le choix de la spatule de laryngoscopie est essentiel et
400 mm. La vision binoculaire est absolument indispensable. [6, fonction du degré d’ouverture buccale, de la position du larynx
8, 12, 16] au niveau cervical, de la région à exposer, de la rigidité du
Le laser (light amplificated by stimulated emission of radiation) pharyngolarynx. [12] La spatule de laryngoscopie doit posséder
utilisé pour la désobstruction laryngée est un laser CO2. [16, 32] une extrémité proximale la plus large possible pour faciliter le
Il correspond à une source de lumière particulière ayant pour passage des instruments. L’extrémité distale doit également être
propriétés d’être cohérente, monochromatique ; son faisceau aussi large que possible pour permettre une meilleure exposition
peut être transporté par de simples miroirs. Sa longueur d’onde et augmenter le champ de vision. Certaines spatules de laryn-
est de 10,6 µm, située dans le spectre des infrarouges. Son goscopie à valves mobiles permettent d’adapter l’ouverture du
faisceau est invisible, nécessitant sa matérialisation par un laser laryngoscope au patient et à la région à exposer. [10] Il en existe
coaxial hélium-néon de longueur d’onde 0,63 µm, situé dans le plusieurs modèles sur le marché : Steiner, Werda, Abitbol.
spectre visible (rouge). L’effet du laser CO 2 dans les tissus La spatule doit être introduite en douceur, par la bouche, en
correspond à une transformation de l’énergie véhiculée en restant strictement médiane et en veillant à ne traumatiser ni
énergie thermique (évaporation ou vaporisation) d’autant plus la langue, ni les lèvres, ni la muqueuse pharyngée ou laryngée.
importante que la concentration en eau est plus importante. Le repère essentiel est habituellement l’épiglotte suprahyoï-
Le bras optique du laser est branché sur le microscope dienne, qui doit être contournée par la spatule du côté opposé
opératoire. L’utilisation du laser CO2 fait appel à un microma- à la sonde d’intubation (quand une intubation a été réalisée),
nipulateur fixé au microscope. [10] Actuellement, on utilise un puis chargée de bas en haut.
réducteur de spot (micropoint ou acuspot) qui augmente la L’existence d’une tumeur obstructive peut modifier les repères
puissance au point d’impact. Le chirurgien doit choisir la anatomiques. Il est indispensable d’avoir examiné le patient en
puissance du tir, le mode continu ou discontinu, et la focalisa- laryngoscopie indirecte ou à l’aide d’un nasofibroscope souple
tion du spot du rayon laser. La puissance est habituellement avant d’entreprendre une désobstruction laser afin d’avoir une
affichée sur l’appareil en watts ou en joules. Elle est calculée à bonne représentation de la tumeur dans l’espace, des différents
la sortie du tube laser et non pas au point d’impact. La puis- repères anatomiques et de la région à désobstruer. La spatule de
sance effective sur les tissus dépend de plusieurs paramètres laryngoscopie ne doit jamais être introduite en force.
dont la surface du spot ; elle peut être réduite en utilisant une La mise en suspension est indispensable. Cependant, dans les
focale inférieure à 400 mm ou en défocalisant le microscope cas où l’exposition de l’endolarynx est insuffisante, il est inutile
opératoire. Les appareils récents possèdent une molette de d’espérer une meilleure exposition en augmentant la mise en
défocalisation sur l’adaptateur relié au microscope. Il est tension de la suspension. Celle-ci ne permet pas de mieux
indispensable avant toute utilisation du laser de vérifier que le exposer le larynx mais permet de libérer les deux mains de
laser coaxial est bien aligné avec le laser CO2 (un tir sur un l’opérateur. Dans ce cas, il est préférable d’accentuer la flexion
abaisse-langue en bois est une excellente méthode). de la tête du patient ou d’exercer une pression sur l’arc anté-
La désobstruction laryngée au laser se pratique en vaporisa- rieur du cricoïde. [35] Si l’exposition reste malgré tout insuffi-
tion et non pas en section. La vaporisation est effectuée à une sante, il faut savoir changer de spatule de laryngoscopie, et
puissance élevée avec un spot défocalisé [5, 33] pour augmenter utiliser des spatules de laryngoscopie de longueur et d’inclinai-
l’effet de vaporisation. son différentes.
Le choix de la puissance dépend aussi du degré de l’obstruc- Une fois l’exposition obtenue, on met en place le matériel de
tion laryngée. Une tumeur volumineuse obstruant massivement suspension raccordé à une tablette fixée à la table d’opération.
la filière nécessite une puissance plus élevée qu’une tumeur peu L’appui thoracique est, selon nous, à proscrire : il compromet
obstructive. Il est recommandé de commencer par des puissan- l’expansion thoracique lors de la ventilation et gêne l’abord du
ces relativement faibles, de l’ordre de 5 à 10 W, pour évaluer thorax par les anesthésistes en cas de nécessité. [12]

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 3


46-375 ¶ Désobstruction laryngée au laser CO2

Dès que l’exposition du larynx est satisfaisante, la désobstruc- Hémorragies per- et postopératoires
tion au laser peut commencer, après avoir prévenu l’anesthésiste
Une hémorragie peropératoire survient couramment dans les
qui doit modifier la composition des gaz de ventilation. [12, 13]
désobstructions importantes ; le sang masque le champ opéra-
L’opérateur doit définir les structures anatomiques devant être
toire et diminue la luminosité. L’aspiration permanente du sang
vaporisées en premier lieu pour agrandir le plus rapidement
est de toute façon indispensable car le laser CO2 est absorbé par
possible la filière laryngée (la désobstruction se fait le plus
la couleur rouge et devient alors inefficace. On utilise alors des
souvent aux dépens de la glotte postérieure).
aspirateurs de tailles différentes pour localiser l’artériole en
Le spot du laser coaxial doit être placé au centre du champ
cause. Le laser peut être employé pour la coagulation, mais il
opératoire pour éviter toute perte de puissance par déflexion du
faut en connaître les limites. Le laser CO2 sur le mode de la
rayon laser sur les parois de l’endoscope et augmenter ainsi la
section (focalisation maximale) coagule les artérioles jusqu’à
précision du tir. [37] Quand l’exposition du champ opératoire
0,5 mm de diamètre. [5, 14, 16, 33] Utilisé selon un mode défoca-
devient insuffisante, il faut arrêter momentanément la vapori-
lisé, il est possible de coaguler des artères jusqu’à 2 mm de
sation au laser et ne pas hésiter à modifier la position de la
diamètre en déplaçant rapidement le spot de part et d’autre du
spatule de laryngoscopie. Ceci évite la survenue de complica-
vaisseau avec une puissance faible. [44] Il faut souligner que seule
tions : brûlures de la face, des lèvres, des dents et ignition de la
une coagulation superficielle peut être obtenue ; les coagulations
sonde de ventilation endotrachéale. [38]
plus profondes ne sont pas accessibles au laser. Si l’hémostase
Le chirurgien doit reconnaître le tissu tumoral dont les
n’est pas satisfaisante avec le laser, il faut utiliser la coagulation
aspects sont très différents des tissus normaux. La muqueuse
monopolaire à l’aide d’une pince endolaryngée protégée couplée
saine et les muscles intrinsèques sains du larynx doivent être
avec un aspirateur [10, 16, 34] ou des microclips chirurgicaux. [16,
préservés. Il doit aussi à tout moment évaluer la profondeur de 40]
la pénétration du rayon laser et le siège précis de la
Des hémorragies postopératoires ont été décrites jusqu’au
vaporisation. [37]
dixième jour postopératoire ; [40] elles sont probablement
Le but de la désobstruction laryngée au laser est de rétablir
favorisées par l’utilisation du laser à forte puissance et l’infec-
une filière respiratoire suffisante pour éviter une trachéotomie
tion postopératoire.
ou une intubation prolongée. Il ne s’agit en aucun cas d’un
traitement carcinologique. Il est donc inutile de pratiquer une
Ignition de la sonde d’intubation
« désobstruction complète » (même si l’efficacité du laser est
telle que l’on a spontanément tendance à pratiquer une des- L’ignition de la sonde d’intubation constitue la complication
truction tissulaire trop importante pour obtenir un résultat la plus sérieuse. [16, 38] Elle est directement en rapport avec
anatomique « parfait ») et de dénuder les cartilages thyroïde ou l’impact du laser sur un « combustible » : sonde d’intubation
cricoïde afin d’éviter la survenue d’une chondrite ou d’une non protégée, ballonnet, etc. Elle est connue depuis les années
sténose laryngée secondaires. [14] 70, favorisée par l’utilisation de concentrations d’oxygène
La quantité de laser Plume (fumée) libérée par la vaporisation élevées dans les gaz de ventilation et des mesures préventives
au laser est très importante. Elle est secondaire à l’effet de ont été définies dès cette époque. [7, 8, 15, 38] En cas d’ignition
carbonisation et impose le plus souvent l’emploi d’au moins de la sonde d’intubation, il faut immédiatement pratiquer
deux aspirateurs puissants : un aspirateur pour la fumée et la l’ablation de cette dernière, et irriguer le larynx et la trachée au
vapeur, généralement intégré à la spatule de laryngoscopie, [1, 10] sérum physiologique. [8, 40] L’utilisation de matériel d’intubation
un autre pour le sang et le mucus, utilisé manuellement. Il est spécifique garantit une sécurité supplémentaire pour le patient,
indispensable de maintenir le champ opératoire sec pour que même si aucun tube spécifique laser n’est garanti inin-
l’effet de vaporisation n’ait pas lieu uniquement en surface mais flammable. [15]
puisse atteindre les tissus concernés. [16]
Les débris carbonisés doivent être constamment aspirés et Brûlures accidentelles
enlevés en utilisant des cotonoïdes imbibés de sérum ; ils Des brûlures accidentelles des yeux (brûlures cornéennes), des
élèvent la température des tissus, augmentent la dissipation de lèvres, du visage du patient ont été rapportées, de même que la
l’énergie dans les structures de voisinage, compromettant la brûlure des doigts du chirurgien. [1, 8, 16, 40]
cicatrisation ultérieure ; enfin, ils obscurcissent le champ
opératoire. [1, 8, 14, 16, 27, 39] Bronchospasme
Pendant toute la durée de l’intervention au laser, le chirur-
gien doit vérifier en permanence la sonde d’intubation ou le Un bronchospasme peut survenir en périopératoire. [1, 31]
cathéter de ventilation, surtout si la sonde est mobilisée à Rappelons à ce propos la nécessité d’une hémostase peropéra-
plusieurs reprises ou si la position du laryngoscope a été toire parfaite et de l’aspiration permanente de la fumée (laser
modifiée. En cas d’intubation, la protection du ballonnet par un Plume) et de la vapeur en cours de désobstruction. Robson et al.
cotonoïde mouillé est indispensable et sa position doit égale- recommandent une toilette bronchique par la réalisation d’une
ment être régulièrement contrôlée ; le chirurgien doit le changer bronchoscopie systématique au tube rigide en fin de désobs-
régulièrement ou le remouiller au sérum physiologique pour truction afin d’éliminer le sang, la fumée et les débris tumoraux
éviter la combustion d’un cotonoïde desséché par l’effet qui auraient pu malgré tout atteindre les bronches. [31]
thermique du laser. [29]
Pneumopathies d’inhalation
Une fois la désobstruction terminée avec une filière laryngée
évaluée comme suffisante, le patient est réveillé et, en règle, Des pneumopathies d’inhalation ont été rapportées. [1, 16, 31,
extubé en salle de réveil ou au plus tard le lendemain après un 40] L’élargissement de la filière laryngée peut favoriser les
séjour de moins de 24 heures en unité de soins intensifs. [40] troubles de déglutition en postopératoire par incompétence
glottique, d’autant plus que des troubles de déglutition exis-
Complications taient déjà auparavant.
Elles sont rares, comme l’ont souligné la plupart des
auteurs ; [1, 2, 6, 9, 25, 31, 40-43] cependant, l’incidence exacte des
Complications liées au mode de ventilation
complications n’apparaît pas clairement. Il ressort de l’analyse Les complications liées au mode de ventilation, surtout si une
d’un questionnaire envoyé par Fried aux praticiens ayant utilisé VJHF est utilisée, comprennent : hypercapnie, bradycardie,
le laser que seulement 49 % d’entre eux l’avaient utilisé sans hypotension artérielle, pneumothorax, etc. La survenue d’une
complications. [1, 38] complication impose de pouvoir interrompre à tout moment la
La plupart des complications peropératoires peuvent être vaporisation laser et de pouvoir recourir si nécessaire à un autre
évitées si les mesures préventives sont respectées. [16] Elles sont mode de ventilation.
dominées par les hémorragies (complication la plus fréquente) Des bronchoscopes de diamètres différents et la boîte de
et l’ignition de la sonde d’intubation (complication la plus trachéotomie doivent toujours être à proximité pour assurer une
grave). ventilation efficace en urgence. [6, 8, 31]

4 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Désobstruction laryngée au laser CO2 ¶ 46-375

Décès postopératoires et sans recourir à la laryngectomie en urgence, réalisée après


intubation préalable par une petite sonde d’intubation ou à
Des décès postopératoires de cause indéterminée ont été l’aide du bronchoscope.
rapportés. [1] Contrairement à l’attitude prônée par Vaughan [9]
qui considère un retour au domicile possible dès j1, nous La trachéotomie en urgence, dans un contexte de dyspnée
considérons que cette intervention ne doit pas être considérée aiguë, est un geste difficile, a fortiori s’il est réalisé sous
comme un acte chirurgical mineur et qu’une surveillance anesthésie locale. [5] Elle doit être réalisée à distance de la
postopératoire rigoureuse est indispensable. tumeur. Cependant, dans les tumeurs volumineuses, il existe un
risque de trachéotomie transtumorale soit par extension sous-
glottotrachéale, soit par extension prélaryngée : atteinte des
muscles sous-hyoïdiens, de la thyroïde, adénopathie prélaryn-
Traitement et surveillance postopératoires gée. [4, 5] La trachéotomie d’attente augmente la morbidité
Le traitement postopératoire est systématique, associant périopératoire en favorisant les infections du site opératoire et
antibiothérapie (pénicilline et métronidazole), corticothérapie les lâchages de sutures. [3, 45] Elle est associée à un taux de
dans le but d’éviter un laryngospasme et de diminuer l’œdème survie défavorable par augmentation du taux des récidives
laryngé, même si la chirurgie au laser CO2 entraîne habituelle- locorégionales et en particulier des récidives péristomales. [3, 5,
6, 45-47]
ment peu d’œdème. [1, 4, 33]
L’humidification de l’air inspiré par aérosolthérapie est La laryngectomie totale en urgence est le plus souvent
indispensable ; [1, 4, 31] l’effet du laser sur les tissus étant de réalisée après un bilan local, régional, métastatique et général
nature thermique, l’énergie est absorbée par les tissus et insuffisant. [5, 46] La préparation nutritionnelle et psychologique
transformée en chaleur. La carbonisation, la désintégration avec des patients ne peut pas être réalisée de manière satisfaisante, en
production de fumée et de gaz, et la destruction tissulaire particulier en matière d’information sur les modalités, les
surviennent à une température supérieure à 100 °C. [37] risques, les conséquences de l’intervention et les possibilités de
La surveillance postopératoire est celle de tout opéré : réhabilitation. [5, 6]
enregistrement scopique de l’électrocardiogramme, mesure Si la technique est utilisée par de nombreuses équipes, [2, 5, 10,
continue de la saturation en oxygène par oxymétrie de pouls et 14, 48-51] peu d’études ont été publiées dans la littérature [1, 6, 31]
mesure de la pression artérielle, contrôle du rythme respiratoire et les études publiées portent le plus souvent sur un nombre
et recherche de signes de dyspnée laryngée. Des gaz du sang limité de patients. [9, 24, 31, 52] Pour Laccourreye et al. [1], elle
artériel sont demandés au moindre doute. [4]
permettrait d’obtenir un taux de succès global de 92,8 % en
première intention et de 87,5 % en palliatif après échec du
Règles de sécurité [8, 16, 29]
traitement initial dans les cancers de l’endolarynx. Ces résultats
Le respect des règles de sécurité est indispensable pour la sont retrouvés par d’autres auteurs. [53]
protection du personnel de salle d’opération et du malade. Elles La désobstruction laryngée au laser CO2 est indiquée pour
sont actuellement bien définies (Encadré 1). toute tumeur obstructive du larynx. Elle peut être réalisée en
urgence en présence d’une dyspnée laryngée, mais elle peut
aussi être réalisée à titre préventif en l’absence de dyspnée, si la
■ Indications filière respiratoire apparaît étroite, de façon à pouvoir compléter
le bilan d’extension sans risquer l’apparition d’une dyspnée
La désobstruction laryngée au laser CO 2 consiste en la laryngée.
destruction partielle au laser CO2 de la partie obstructive d’une Si la dyspnée est inaugurale, une endoscopie complète est
tumeur laryngée. [1, 4, 5, 10, 14] C’est un geste actuellement bien réalisée dans le même temps, permettant d’évaluer précisément
codifié, précis, peu hémorragique, réalisé sous microlaryngosco- le siège et les extensions de la tumeur dans le cadre du bilan
pie avec une inflammation secondaire limitée, nécessitant une initial. L’utilisation du laser CO2 permet en outre de préciser
collaboration étroite entre le chirurgien, l’anesthésiste et le l’atteinte de certaines structures anatomiques, en particulier
personnel de salle d’opération. Elle a pour but de permettre une l’espace paraglottique, les cartilages thyroïde et cricoïde, la loge
ventilation satisfaisante en évitant la trachéotomie en urgence pré-épiglottique.

“ Règles de sécurité
• Port de lunettes obligatoire pour le personnel médical (le chirurgien n’est pas obligé de porter des lunettes s’il travaille avec un
microscope opératoire) et paramédical.
• Protection du visage et des yeux du patient par de larges champs imbibés de sérum physiologique installés par le chirurgien une fois
la spatule de laryngoscopie en suspension et le microscope opératoire mis en place.
• Pendant toute la durée de l’intervention, il faut contrôler le maintien de l’humidification des champs protecteurs et des cotonoïdes
protégeant le ballonnet de la sonde d’intubation (humidification des combustibles). [29]
• L’infirmière de bloc opératoire doit vérifier en permanence que le rayon laser est parfaitement centré dans l’endoscope pour éviter
la brûlure des lèvres ou du visage du patient.
• Débuter le laser avec de faibles puissances et une durée de tir courte à adapter ensuite en fonction de l’effet sur les tissus.
• Changer la position de l’endoscope et du laser aussi souvent que nécessaire.
• Utilisation d’aspirations puissantes et de filtres spécifiques.
• Tout le personnel de la salle d’opération doit porter un masque chirurgical de protection spécial filtrant le laser Plume. Il a été
démontré que le laser Plume est à l’origine d’effets secondaires sur la fonction respiratoire avec limitation des échanges gazeux et
diminution de la fonction mucociliaire. [27]
• Lors de l’utilisation du laser, la ventilation doit se faire à l’air avec un enrichissement à l’oxygène de 30 % sans dépasser 40 % pour
limiter le risque d’ignition de la sonde de ventilation orotrachéale. Certains ont proposé l’emploi d’un mélange gazeux
associant hélium et oxygène. La concentration en oxygène doit rester inférieure à 40 %.

Techniques chirurgicales - Tête et Cou 5


46-375 ¶ Désobstruction laryngée au laser CO2

Mais la dyspnée peut également apparaître secondairement : réalisation du traitement carcinologique. Elle a pour avantage de
• soit en cours de chimiothérapie néoadjuvante mise en œuvre permettre la réalisation d’un bilan d’extension complet avec
dans le cadre d’un protocole de préservation d’organe, une fonction respiratoire satisfaisante. Elle ne compromet pas le
témoignant alors d’une aggravation et devant faire remettre traitement ultérieur et a en outre pour avantage de pouvoir être
en cause la poursuite de la chimiothérapie au profit de la répétée si nécessaire. En effet, la trachéotomie d’attente aggrave
mise en œuvre du traitement curatif prévu initialement ; la morbidité de la laryngectomie réalisée secondairement : elle
• soit dans le cadre d’un échec après traitement préalable d’un favorise l’infection du site opératoire, augmente le risque de
carcinome épidermoïde du larynx et/ou de l’hypopharynx ; désunion de la suture pharyngée et augmente la fréquence de
dans les situations palliatives, la désobstruction laryngée au survenue des récidives péristomales. Elle permet en outre une
laser CO2 permet de préserver au mieux la notion de qualité meilleure préparation du patient tant sur le plan nutritionnel
de vie. que sur le plan psychologique, et une meilleure information du
Au plan général, la désobstruction laryngée au laser CO2 patient des modalités thérapeutiques et de ses conséquences
permet de compléter le bilan préthérapeutique (bilan métasta- potentielles. La désobstruction laryngée au laser CO 2 est
tique et préopératoire) avec une filière respiratoire satisfaisante. également intéressante après échec du traitement initial, dans le
Elle peut être facilement répétée si la première désobstruction cadre d’un traitement palliatif, offrant une meilleure qualité de
a été insuffisante [1, 14, 53] et ne compromet pas le traitement vie que la trachéotomie.
ultérieur. La (pharyngo-)laryngectomie totale est réalisée .

secondairement, sans trachéotomie préalable, avec ventilation


par intubation orotrachéale classique. [10] De plus, elle n’obère ■ Références
pas les possibilités de trachéotomie secondaire en cas d’échec
répété de la désobstruction, qui est évaluée à 4 % par Laccour- [1] Laccourreye O, Lawson G, Muscatello L, Biacabe B, Laccourreye L,
reye et al. [1] Brasnu D. Carbon dioxide laser debulking for obstructing
Certains considèrent que la désobstruction laryngée au laser endolaryngeal carcinoma: a 10-year experience. Ann Otol Rhinol
correspond à une cytoréduction précédant la radiothérapie Laryngol 1999;108:490-4.
administrée à titre exclusif. [27] Le bénéfice au plan carcinologi- [2] Davis RK, Shapshay SM, Vaughan CW, Strong MS. Pretreatment
que de cette cytoréduction n’a pas été démontré. [54] airway management in obstructing carcinoma of the larynx.
D’autres auteurs pratiquent la désobstruction laryngée avant Otolaryngol Head Neck Surg 1981;89:209-14.
[3] Laccourreye H, Beutter P, Brasnu D, Strunski W, Chabolle F.
la chimiothérapie néoadjuvante ; cette dernière complétera la
Trachéotomie dans le traitement chirurgical des épithéliomas du
réduction du volume tumoral. [1, 14]
pharyngolarynx. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1981;98:501-4.
Dans le cas où une trachéotomie d’attente a été réalisée
[4] Shapshay SM, Ruah CB, Bohigian RK, Beamis JF. Obstructing tumors
antérieurement, la désobstruction au laser, complétée ou non of the subglottic larynx and cervical trachea: airway management and
par chimiothérapie, autorise bien souvent la décanulation. [1] treatment. Ann Otol Rhinol Laryngol 1988;97:487-92.
Rappelons que, chez les patients refusant la laryngectomie [5] Bradley PJ. Treatment of the patient with upper airway obstruction
totale de rattrapage après échec de la radiothérapie exclusive, la caused by cancer of the larynx. Otolaryngol Head Neck Surg 1999;120:
désobstruction laryngée au laser CO2 est un traitement palliatif 737-41.
conservant les fonctions physiologiques laryngées, pouvant être [6] McGuirt WF, Koufman JA. Endoscopic laser surgery. An alternative in
répétée, évitant la trachéotomie et privilégiant la qualité de laryngeal cancer treatment. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1987;
vie. [1, 10, 14] 113:501-5.
La désobstruction laryngée au laser CO2 présente cependant [7] Strong M, Jako G. Laser surgery in the larynx. Ann Otol Rhinol
des inconvénients et des limites. Laryngol 1972;81:791-8.
Une vaporisation excessive entraîne une rupture des barrières [8] Ossof RH. Laser safety in otolaryngology-head and neck surgery:
anatomiques favorisant l’extension tumorale, en particulier au anesthetic and educational considerations for laryngeal surgery.
niveau du cartilage thyroïde avec effraction extralaryngée. Dans Laryngoscope 1989;99:1-26.
le but d’éviter cette complication, nous recommandons de ne [9] Vaughan CW, Strong NS, Jako GJ. Laryngeal carcinoma: transoral
vaporiser que la partie obstructive de la tumeur. [14] treatment utilizing the CO2 laser. Am J Surg 1978;136:490-3.
Les tumeurs exophytiques pour lesquelles l’obstruction est [10] Rudert HH, Werner JA, Höft S. Transoral carbon dioxyde laser
plus liée à la composante végétante qu’à l’infiltration en resection of supraglottic carcinoma. Ann Otol Rhinol Laryngol 1999;
profondeur de l’espace paraglottique sont les meilleures indica- 108:819-27.
tions de la désobstruction laryngée au laser CO2. Dans notre [11] Donnadieu S, Chanu D, Miller B, Brasnu D, Lacau-St-Guily J. Critères
expérience, le résultat de la désobstruction laryngée au laser de choix d’une technique anesthésique pour la microchirurgie laryngée
au laser de l’adulte. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1983;100:
CO2 dans les cancers du sinus piriforme étendus à l’espace
383-7.
paraglottique et de la région rétrocricoïdienne est décevant. La
[12] Brasnu D. Comment réaliser une laryngoscopie directe. Ann
filière respiratoire reste souvent insuffisante, même après une Otolaryngol Chir Cervicofac 1993;110:299-300.
désobstruction importante. L’obstruction glottique postérieure [13] Donnadieu S, Cazalla JB, Mauriat P, Neveux MH, Beutter P, Brasnu D.
est en fait indirecte, la fixité laryngée uni- ou bilatérale et la La ventilation par injection à haute fréquence dans la chirurgie du
masse tumorale pharyngée étendue à l’espace paraglottique ont larynx. Réalisation et indications. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac
un rôle prépondérant dans l’obstruction des voies respiratoires, 1982;99:431-4.
associé à la rigidité globale du pharyngolarynx. [14] Laccourreye H, Lacau-St-Guily J, Brasnu D, Donnadieu S, Popot B,
Les cancers de l’endolarynx à point de départ glottique, Gutton O, et al. Utilisation du laser CO2 dans le traitement d’urgence
glotto-sous-glottiques, supraglotiques et certains cancers de des dyspnées des cancers du larynx. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac
l’épilarynx sont les meilleures indications de la désobstruction 1984;101:39-42.
laryngée au laser CO2. [15] Sesterhenn AM, Dünne AA, Braulke D, Burkard ML, Folz JF,
Le laser CO2 employé en microlaryngoscopie ne permet pas Werner JA. Value of endotracheal tube safety in laryngeal laser surgery.
la désobstruction des tumeurs trachéales ou des tumeurs Lasers Surg Med 2003;32:384-90.
laryngées étendues à la trachée. La luminosité est insuffisante et [16] Fried MP. Complications of CO2 laser surgery of the larynx.
le rayon laser trop défocalisé pour être efficace. Il faut utiliser Laryngoscope 1983;93:275-8.
le broncholaser CO2, le laser Nd-YAG couplé avec un fibroscope [17] Sosis MB. Evaluation of five metallic tapes for protection of
ou le laser KTP. [4] endolaryngeal tubes during CO2 laser surgery. Anesth Analg 1989;68:
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[18] Norton ML, De Vos P. New endotracheal tube for laser surgery of the
■ Conclusion larynx. Ann Otol Rhinol Laryngol 1978;87:554-7.
[19] Jeckström W, Wawersi KJ, Werner JA. Anesthesia technique for laser
La désobstruction laryngée au laser CO 2 constitue une surgery in the region of the larynx. HNO 1992;40:28-32.
alternative intéressante à la trachéotomie réalisée en urgence [20] Borland LM. Airway management for CO2 laser surgery: Venturi jet
pour les patients porteurs d’un cancer obstructif du larynx avant ventilation and alternatives. Int Anesthesiol Clin 1997;35:99-106.

6 Techniques chirurgicales - Tête et Cou


Désobstruction laryngée au laser CO2 ¶ 46-375

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Otolaryngol 1984;110:31-4. preliminary report. Arch Otolaryngol 1983;109:240-2.

M. Ménard, Praticien hospitalier.


Hôpital européen Georges Pompidou, service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.
D. Brasnu, Professeur des Universités, praticien hospitalier (daniel.brasnu@hop.egp.ap-hop-paris.fr).
Hôpital européen Georges Pompidou, service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.
UFR Necker-Enfants Malades, Université René Descartes, Paris, France.

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Techniques chirurgicales - Tête et Cou 7


Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-360]

Laryngectomies partielles, subtotales et totales

Jean-Jacques Piquet : Professeur des Universités, praticien hospitalier


Service ORL, hôpital Claude-Huriez, 59037 Lille cedex France

Résumé

Les cancers de l'endolarynx présentent des particularités anatomocliniques spécifiques qui


expliquent la place importante des interventions partielles dans leur traitement.

Ils se développent à l'intérieur du cartilage thyroïde qui résiste longtemps à la


propagation néoplasique évitant ainsi l'infiltration tumorale dans les tissus
avoisinants.
Leur symptomatologie est précoce, ce qui explique qu'au moment du diagnostic la
tumeur n'ait qu'un petit volume.
La lymphophilie de ce type de cancer est faible ou modérée.
Toutes ces notions expliquent le relativement bon pronostic de ce type de tumeur
qui atteint 60 à 90 % de guérison suivant le siège ou le développement tumoral.

© 1993 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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CHIRURGIE PARTIELLE DES CANCERS DE L'ENDOLARYNX


Etage glottique

L'étage glottique comporte essentiellement 2 types de tumeurs.

Les tumeurs des cordes vocales qui représentent 95 % des cas. Elles sont
longtemps strictement unilatérales, envahissent assez tardivement le cartilage et
sont peu lymphophiles. Elles seront donc facilement traitées par une laryngectomie
partielle.
Les tumeurs de la commissure antérieure, représentent 5 % de cas. Elles sont
beaucoup plus graves car elles infiltrent très vite le cartilage thyroïde en avant, ce
qui compromet la chirurgie partielle.

Le bilan d'un cancer glottique doit toujours comporter une biopsie et une endoscopie sous
anesthésie générale avec optique droite et à 70° de façon à bien préciser les extensions de
la tumeur vers la commissure antérieure, la sous-glotte, le ventricule. La palpation de la
corde décèlera une éventuelle infiltration musculaire profonde latente qui peut entraîner un
changement d'indication opératoire.

Dès que la mobilité cordale est diminuée ou qu'il existe une atteinte de la commissure
antérieure, un scanner sera demandé.

Toutes les interventions que nous allons décrire sont proposées chez l'homme. Il faut être
beaucoup plus prudent chez la femme dont le larynx est petit. Il n'autorise pas de
résection cartilagineuse étendue sous peine de sténose.

Cordectomie

Elle correspond, après une thyrotomie médiane par voie externe, à l'exérèse de la corde
vocale muqueuse, membraneuse et musculaire.

Elle s'adresse essentiellement aux tumeurs strictement limitées au tiers moyen de la corde
parfaitement mobile.

Elle peut être effectuée sous anesthésie locale ou sous anesthésie générale avec une sonde
de 6,5 mm de calibre qui vient se bloquer entre les aryténoïdes. Elle n'est donc pas
gênante.

Incision (fig. 1 A)

Elle est arrondie, centrée sur la membrane cricothyroïdienne. Latéralement elle


remonte jusqu'à la hauteur de l'échancrure thyroïdienne. Après section du
peaucier, on récline un lambeau cutané vers le haut. Vers le bas, on décolle les
plans musculoaponévrotiques pour repérer l'isthme thyroïdien qui sera sectionné
après hémostase soigneuse. La face antérieure de la trachée est donc libérée.

La trachéotomie n'est pas indispensable au cours de cette intervention mais elle


doit être préparée pour pouvoir être effectuée rapidement en cas de nécessité.

Abord du larynx

Le tissu celluloadipeux situé entre les muscles prélaryngés est réséqué avec la
pyramide de Lalouette de façon à bien exposer le cricoïde, la membrane
cricothyroïdienne, l'angle antérieur du cartilage thyroïde. On réalise ensuite
l'hémostase de l'arcade laryngée antérieure et le prélèvement du ganglion
delphien.

Exérèse
de Moure crantée, à la scie de Gigli ou à la scie oscillante. Une moucheture au
bistouri dans la membrane cricothyroïdienne et dans l'échancrure thyroïdienne
permet l'introduction de la cisaille ou de la scie.

L'écartement des ailes thyroïdiennes donne une bonne vue sur la tumeur. A la
spatule, on rugine dans le plan sous-périchondral la corde vocale de la
commissure antérieure vers l'aryténoïde. On sectionne ensuite la face inférieure
de la corde horizontalement puis le plancher du ventricule jusqu'à l'apophyse
vocale de l'aryténoïde. La section postérieure de la corde, au ras de l'aryténoïde,
est réalisée au ciseau courbe (fig. 1 B).

L'hémostase des différents vaisseaux est effectuée à la pince bipolaire. L'arcade


profonde du larynx peut saigner parfois assez fortement, le plus souvent elle
n'est pas sectionnée puisque l'on conserve le périchondre interne de l'aile
thyroïdienne dans son tiers postérieur.

Le pied de l'épiglotte sera refixé aux parties molles prélaryngées par un point
transfixiant au fil résorbable.

La corde controlatérale sera fixée à l'aile thyroïdienne si elle a été désinsérée par
erreur.

Il n'est pas nécessaire de reconstruire la corde vocale car une néocorde fibreuse
se reconstitue en quelques mois.

Fermeture

Le cartilage thyroïde est refermé par deux points transfixiants au fil résorbable.

Les muscles prélaryngés sont rapprochés et la peau est suturée de façon non
hermétique sur un faisceau de crins afin d'éviter un emphysème sous-cutané.

Les suites sont le plus souvent extrêmement simples en l'absence de


trachéotomie. L'hospitalisation ne dépasse pas 5 jours.

Cordectomie double ou glottectomie extracartilagineuse [22]

C'est une intervention peu fréquente. Elle est indiquée en cas ce cancer du tiers
moyen de la corde développé sur une laryngite chronique avec dysplasie
atteignant l'autre corde [28].

Incision

Elle est identique à celle de la cordectomie, avec en plus une incision horizontale
basse pour réaliser une trachéotomie après résection de l'isthme du corps
thyroïde.

Abord du larynx

Après écartement des muscles prélaryngés et ablation du tissu cellulograisseux


antérieur, le cartilage thyroïde est exposé et la membrane thyrohyoïdienne est
sectionnée jusqu'aux grandes cornes.

A la scie oscillante ou diamantée, on réalise très progressivement une section


verticale médiane du cartilage thyroïde jusqu'au tendon de la commissure
antérieure qui ne doit pas être entaillée (fig. 2 A).

Les ailes thyroïdiennes sont ruginées dans le plan sous-périchondral interne puis
écartées permettant ainsi d'exposer le fût laryngé.
Exérèse

Au dissecteur mousse on découvre l'appendice du ventricule qui est ouvert des


deux côtés. Une section horizontale est réalisée aux ciseaux juste au-dessus de la
commissure antérieure. Une seconde incision horizontale est effectuée à la
hauteur du bord inférieur du cartilage thyroïde. Les deux cordes vocales sont
donc libérées et ne tiennent plus qu'à l'apophyse vocale des aryténoïdes (fig. 2
B). La section postérieure est alors réalisée aux ciseaux permettant d'enlever en
bloc les 2 cordes en continuité avec la commissure antérieure.

Fermeture

La muqueuse du ventricule est suturée à la muqueuse de la sous-glotte


permettant la descente des bandes ventriculaires qui ont été libérées par la
rugination des ailes thyroïdiennes. Le cartilage thyroïde est ensuite refermé par
des points de fils résorbables. Le point supérieur fixe le pied de l'épiglotte à
l'angle rentrant du thyroïde (fig. 2 C).

Une canule à ballonnet est mise en place durant 48 heures. La décanulation


définitive se fait le 8e jour.

L'avantage de cette technique est de ne nécessiter aucun calibrage endolaryngé


et d'obtenir une voie de bande ventriculaire puissante mais légèrement voilée.

Laryngectomie frontolatérale [17]

Cette intervention s'adresse au cancer des 2/3 antérieurs de la corde vocale


arrivant au voisinage de la commissure antérieure sans l'envahir.
L'envahissement sous-glottique doit être minime, le ventricule et la bande
ventriculaire doivent être sains.

Incision

Elle est identique à celle de la cordectomie mais comporte une incision basse
pour réaliser une trachéotomie.

Abord du larynx

Après élévation du lambeau cutané, on résèque le tissu cellulo-aponévrotique


antérieur et on écarte les muscles prélaryngés. Le cartilage thyroïde apparaît
alors. Une rugine courbe de Leroux-Robert est introduite sous le périchondre
interne de l'aile thyroïdienne à sa partie inférieure de chaque côté du ligament
conoïde. Elle va crées 2 tunnels obliques en haut et en dedans, qui se rejoignent
au niveau de l'échancrure thyroïdienne supérieure. La section du cartilage
permet de libérer un triangle cartilagineux antérieur (fig. 3 A). L'aile thyroïdienne
du côté malade est ruginée dans le plan sous-périchondral.

Exérèse

Le larynx est ouvert de haut en bas par section du côté sain à quelques
millimètres de la commissure antérieure. Le triangle cartilagineux et la corde
sont basculés en dehors. L'exérèse de la corde est effectuée aux ciseaux, par
section au fond du ventricule en haut et au ras du cricoïde en bas. La section
postérieure ampute l'apophyse vocale de l'aryténoïde (fig. 3 B). L'arcade
vasculaire profonde du larynx est souvent sectionnée à ce moment. Son
hémostase en coagulation bipolaire doit être méticuleuse.
Fermeture

La corde vocale controlatérale à la tumeur a perdu ses attaches antérieures, elle


est rétractée en arrière. Il est indispensable de la refixer au niveau de l'aile
thyroïdienne par des points transfixiants. Cette manoeuvre permet d'éviter
l'apparition d'un granulome de la commissure antérieure puis d'une palmure
entraînant des séquelles vocales importantes.

Les ailes thyroïdiennes sont rapprochées en avant après fixation antérieure du


pied de l'épiglotte, la peau est fermée.

La trachéotomie est laissée 5 à 6 jours, il n'est pas nécessaire de mettre une


sonde oesophagienne si l'on n'a pas amputé l'aryténoïde.

Hémilaryngectomie

Son but est de réaliser une exérèse de la corde vocale avec son support
cartilagineux en monobloc comme le conseillait Saint Clair Thomson. Elle ampute
souvent l'arythénoïde en arrière pour avoir une meilleure marge de sécurité à ce
niveau. Cette intervention est cependant beaucoup moins utilisée qu'autrefois du
fait de l'apparition des laryngectomies subtotales.

[11]
Hémiglottectomie de Guerrier

Elle s'adresse à une tumeur de toute la corde vocale respectant la commissure


antérieure mais atteignant l'apophyse vocale de l'aryténoïde. La sous-glotte doit
être libre et la corde mobile.

Incision cutanée et exposition du larynx

Elles sont les mêmes que pour une laryngectomie frontolatérale.

Le cartilage thyroïde est incisé sur la ligne médiane puis du côté de la tumeur à la
hauteur de la ligne oblique (fig. 4 A). Le larynx est alors ouvert sur la ligne
médiane.

Exérèse

Elle est réalisée aux ciseaux. La section longe en bas la membrane


cricothyroïdienne. Elle passe en haut au-dessus de la bande ventriculaire. Nous
conseillons de conserver 1 cm de la partie haute de l'aile thyroïdienne. Vers
l'arrière, l'aryténoïde est enlevé en bloc (fig. 4 B). Après hémostase soigneuse, la
muqueuse postérieure de l'aryténoïde est basculée en avant pour recouvrir le
cricoïde. Le pied de l'épiglotte est fixé au tissu prélaryngé. Il n'y pas de
reconstruction cartilagineuse.

Fermeture

Elle est assurée par les muscles prélaryngés doublés du périchondre externe qui
sont suturés sur la ligne médiane. La peau est fermée en 2 plans. La
trachéotomie est laissée une dizaine de jours, une sonde oesophagienne sera
mise en place car l'exérèse d'un aryténoïde entraîne des fausses routes durant
une quinzaine de jours.

Variantes
Certaines variantes ont été décrites :

reconstruction de l'aryténoïde par un fragment de cartilage thyroïde


pédiculé sur les constricteurs [27] ;
reconstruction de l'aile thyroïdienne par une greffe de cartilage de cloison
avec sa muqueuse [16].

En cas d'extension sous-glottique

L'hémiglottectomie ne peut plus être effectuée.


L'hémilaryngectomie type Hautant, qui enlève la moitié du cricoïde, n'est
plus utilisée car elle entraîne des sténoses.
L'hémilaryngectomie type Biller [4] est proposée aux Etats-Unis et en
Allemagne. Elle enlève en plus de l'aile thyroïdienne la moitié supérieure
de l'anneau cricoïdien et du chaton (fig. 5 A). Ce dernier est reconstitué
par un fragment de cartilage thyroïde pédiculé sur les muscles
constricteurs (fig. 5 B).

Reconstruction glottique

De nombreux auteurs ont tenté de réduire la dysphonie persistant avec une


laryngectomie partielle par des procédés plastiques. Beaucoup de techniques on
été décrites mais bien peu semblent efficaces. Les lambeaux cutanés ont été
abandonnés car générateurs de pilosité et de croûtes. Parmi les autres
techniques on distingue :

la greffe cutanée et périchondrale de cartilage auriculaire [26] ;


la greffe tendineuse d'omohyoïdien [9], de digastrique [20] ;
la greffe libre d'épiglotte [6] ;
les lambeaux musculaires et périchondraux ont été proposés par Bailey
[3]
, Calcaterra [7] (translation du sternohyoïdien) ;
la descente de la bande ventriculaire est une technique ancienne qui
donne d'assez bons résultats. Elle a été reprise récemment par Sala [25].

Glottectomie horizontale de Caléaro et Teatini [8]

Cette intervention réalise l'exérèse des 2 cordes en monobloc avec le cartilage


thyroïde sous-jacent et d'un aryténoïde. Elle s'adresse donc aux cancers
glottiques bilatéraux mobiles.

Exposition du larynx

Elle est assurée par un large lambeau en U en charnière supérieure. Les muscles
prélaryngés sont sectionnés au ras de l'os hyoïde et rabattus vers le bas. Le
cartilage thyroïde est largement exposé après section des muscles s'insérant sur
la crête oblique. Les grandes et les petites cornes du cartilage thyroïde sont
sectionnées.

Exérèse

On coupe la membrane cricothyroïdienne sur toute sa longueur au ras du


cricoïde. A la scie circulaire, le cartilage thyroïde est sectionné en pagode (fig. 6
A). La partie haute de cette section est située à 5 mm en dessous de l'échancrure
thyroïdienne. On ouvre alors le ventricule à travers la brèche cartilagineuse et
section passe en avant de l'apophyse vocale (fig. 6 B, C).

Fermeture

Elle est assurée par 4 points de catgut chromé no 3 qui passent sous le cricoïde et
à travers le cartilage thyroïde rapprochant ainsi ces deux éléments (fig. 6 D). La
trachéotomie est laissée entre 6 et 20 jours et la sonde oesophagienne entre 6 et
13 jours.

Laryngectomie frontale antérieure reconstructive

Cette intervention a été vulgarisée en France par Pech [21] après les publications
de Kambic [13] et de Tucker [29]. Elle s'adresse aux cancers glottiques unilatéraux
mobiles atteignant la commissure antérieure ou aux cancers bilatéraux
superficiels. Un aryténoïde peut être enlevé si nécessaire pour améliorer la
marge de sécurité postérieure.

Incision

On réalise une large incision en U à la charnière supérieure et une trachéotomie


basse. Après élévation du lambeau cutané, les muscles prélaryngés sont écartés.
Le périchondre externe du cartilage thyroïde est incisé sur la ligne médiane et
ruginé latéralement jusqu'à la ligne oblique. La membrane thyrohyoïdienne est
coupée horizontalement sur toute sa longueur de même que la membrane
cricothyroïdienne. Cette section basse longe le bord de l'anneau cricoïdien.

Exérèse

Les ailes thyroïdiennes sont coupées verticalement sur toute leur hauteur avec
une scie oscillante ou une cisaille. Cette section est située à environ 2 cm de
chaque côté de la ligne médiane (fig. 7 A). L'angle antérieur du cartilage thyroïde
est donc libéré.

L'ouverture du larynx peut se faire au bistouri dirigé un peu obliquement vers le


bas. Il sectionne le pied de l'épiglotte juste au-dessus des bandes ventriculaires.

La section est prolongée aux ciseaux en passant au-dessus des bandes


ventriculaires. Le larynx est ensuite basculé en avant et l'exérèse est faite à la
vue de haut en bas. La section postérieure passe en avant de l'aryténoïde du côté
sain, en arrière de lui du côté malade. Elle rejoint en bas la section de la
membrane cricothyroïdienne. L'exérèse peut aussi se faire par voie latérale. Les
ciseaux prolongent vers le haut la section de la membrane cricothyroïdienne. On
ouvre alors le larynx du côté sain en passant juste en avant de l'aryténoïde. Le
larynx est alors basculé latéralement et l'exérèse peut être réalisée à la vue
comme précédemment avec ablation de la bande ventriculaire, de la corde, de la
sous-glotte, d'une partie ou de la totalité de l'aryténoïde (fig. 7 B).

Fermeture

Elle est assurée par la descente de l'épiglotte. Son pied est saisi dans une pince à
griffe et attiré vers le bas. Aux ciseaux, le puissant ligament hyoépiglottique est
progressivement sectionné. La dissection de l'épiglotte est poursuivie
latéralement puis vers le haut jusqu'à la muqueuse de la face linguale de
l'épiglotte qui doit être identifiée. L'épiglotte descend alors sans effort jusqu'à
l'anneau cricoïdien. Elle est suturée en bas à celui-ci et latéralement aux ailes
thyroïdiennes par 6 à 8 points de fil résorbable (fig. 7 C, D). La fermeture cutanée
est assurée en 2 plans. La trachéotomie est laissée en place une dizaine de jours.
La sonde oesophagienne est enlevée entre le 12e et le 20e jour. Une rééducation
orthophonique est nécessaire pour obtenir une voix grave et puissante.
Laryngectomie subtotale avec crico-hyoïdo-épiglotto-pexie (CHEP)

Décrite par Piquet [23] en s'inspirant de Majer [18], cette intervention s'adresse
aux cancers glottiques étendus à toute la corde avec diminution de sa mobilité,
sans fixation de l'aryténoïde. La tumeur peut envahir la commissure antérieure,
le plancher du ventricule, la muqueuse aryténoïdienne. La sous-glotte doit être
libre. On peut néanmoins admettre une extension tumorale de 5 mm sous le plan
glottique. Un curage ganglionnaire de principe sera réalisé si la tumeur dépasse
le plan glottique.

Incision

Elle a la forme d'un U centré en bas sur la membrane cricothyroïdienne. Le


lambeau cutané est relevé vers le haut. Les muscles prélaryngés sont désinsérés
du cartilage thyroïde et écartés en dehors. L'isthme thyroïdien et les tissus
prélaryngés sont réséqués pour bien exposer le cartilage thyroïde. La membrane
cricothyroïdienne est palpée avec soin pour déceler une éventuelle infiltration
néoplasique passée inaperçue. Cette constatation conduirait à faire une
laryngectomie totale. La trachéotomie est réalisée au 4e anneau. Les grandes
cornes du cartilage thyroïde sont sectionnées de même que la membrane
thyroïdienne. Latéralement les constricteurs du pharynx sont coupés. La petite
corne du cartilage thyroïde est sectionnée du côté sain pour ménager le nerf
récurrent. On incise la membrane cricothyroïdienne et l'on rugine en sous-
périchondral interne l'anneau cricoïdien pour avoir une bonne marge de sécurité
du côté malade (fig. 8 A).

Exérèse

Le larynx est ouvert au niveau de l'échancrure thyroïdienne par le bistouri dirigé


obliquement de haut en bas. L'ouverture du larynx se fait donc juste au-dessous
du pied de l'épiglotte. Aux ciseaux, on coupe au-dessus des bandes
ventriculaires. Du côté sain cette section tourne en avant de l'aryténoïde
respectant l'apophyse vocale ; elle longe ensuite le bord supérieur du cricoïde
(fig. 8 B). Du côté malade, la section de la bande ventriculaire est prolongée
derrière l'aryténoïde dont la muqueuse postérieure est conservée. On coupe
ensuite la région interaryténoïdienne, puis, verticalement, dans la commissure
postérieure, en avant du chaton cricoïdien. Cette section rejoint, à angle droit
(découpe carrée), le tunnel sous-périchondral antérieur précédemment décrit.
Après rugination de la muqueuse sous-glottique postérieure, l'aryténoïde est
désarticulé permettant ainsi l'exérèse totale de l'espace paraglottique (fig. 8 C).
On termine en contrôlant l'absence de brèche du sinus piriforme ou d'hypertonie
du sphincter cricopharyngien qui sera éventuellement sectionné. La muqueuse
postérieure de l'aryténoïde enlevée est basculée dans l'endolarynx, pour
recouvrir le châton cricoïdien.

Fermeture

Elle est assurée par 3 points de catgut chromé passés sous le cricoïde dans le
bord inférieur de l'épiglotte, au-dessus de l'os hyoïde. Lors du rapprochement, il
faut apposer très précisément le cricoïde à l'os hyoïde afin d'éviter un recul du
cricoïde qui majore les troubles de déglutition.

Les muscles prélaryngés sont rapprochés et la peau est fermée en 2 plans. Du fait
de l'ascension de la trachée, l'orifice de trachéotomie se trouve juste en face de
l'orifice cutané. Cette intervention assure une grande sécurité carcinologique car
elle n'ouvre pas le cartilage thyroïde et réalise une exérèse très large de l'espace
paraglottique [15].

La trachéotomie est laissée jusqu'à disparition des troubles de déglutition. La


sonde oesophagienne est laissée entre 15 et 25 jours. Une rééducation vocale
précoce doit être entreprise pour améliorer la phonation et la déglutition.
L'occlusion du néolarynx est obtenue par la bascule en avant de l'aryténoïde et la
propulsion en arrière de la base de la langue (fig. 8 D).

Variantes

La conservation des 2 aryténoïdes, si elle est possible carcinologiquement,


raccourcit les suites fonctionnelles.

[12]
On peut conserver, comme le conseille Guerrier, la partie toute postérieure
des ailes thyroïdiennes (fig. 8 A).

Telles sont les principales interventions de chirurgie partielle utilisées pour le


traitement des cancers glottiques. L'exérèse chirurgicale doit être à elle seule
suffisante pour guérir le malade. Il n'est donc pas nécessaire d'envisager une
irradiation postopératoire sur l'ancien lit tumoral.

En présence de recoupes « limites », nous pensons qu'il est préférable de


surveiller le malade très régulièrement tous les 3 mois et de réintervenir au
moindre doute plutôt que d'effectuer une irradiation systématique un peu
aveugle qui risque d'entraîner un oedème et de gêner la surveillance ultérieure.

Etage sus-glottique

Particularité des tumeurs sus-glottiques

Tumeur de l'épiglotte et des bandes ventriculaires

Elle présente 4 caractères dominants qui sont :

multifocalité des foyers néoplasiques nécessitant l'exérèse complète du


vestibule :
respect du plan glottique très longtemps épargné par la tumeur [2]
;
fréquence de l'envahissement de la loge hyo-thyro-épiglottique ;
fréquence de l'envahissement ganglionnaire nécessitant un
traitement bilatéral des aires ganglionnaires cervicales.

Tumeurs du ventricule

Elles naissent sous la bande ventriculaire parfois dans une laryngocèle. Elles
évoluent en profondeur avec atteinte du cartilage thyroïde et infiltration sous-
muqueuse de la corde. C'est souvent un cancer des 3 étages, aussi la chirurgie
partielle est-elle rarement possible.

Laryngectomie horizontale sus-glottique

Elle s'adresse aux cancers de l'épiglotte ou du complexe pied d'épiglotte - bande


ventriculaire n'envahissant cette dernière que sur sa moitié antérieure, les 2
aryténoïdes étant libres et mobiles de même que les cordes vocales.

Incision cutanée

Il faut réaliser une incision en U large dépassant légèrement vers le bas le bord
bilatéral ou radical d'un côté et fonctionnel de l'autre suivant l'état ganglionnaire
du patient.

L'abord du larynx est effectué par voie antérieure après section de l'isthme
thyroïdien, trachéotomie basse et exérèse du tissu celluloadipeux prélaryngé.

Les muscles sus-hyoïdiens sont coupés au-dessus de l'os hyoïde à la pointe


coagulante fine. Les muscles sous-hyoïdiens sont sectionnés au niveau du
cartilage thyroïde.

L'os hyoïde est progressivement libéré de ses attaches et enlevé sur les trois
quarts de sa longueur. Il faut éviter au cours de ce temps de blesser l'artère
linguale ou le XII qui sont proches. La membrane thyrohyoïdienne est
soigneusement palpée. Latéralement les pédicules laryngés supérieurs sont
découverts. On ligature et on sectionne les pédicules artériels et veineux. On
isole soigneusement le nerf dont on conservera le plus possible de branche lors
de l'exérèse. La projection de la commissure antérieure des cordes vocales est
située à l'union du tiers supérieur et des deux tiers inférieurs du cartilage
thyroïde (fig. 10 A). Après rugination du périchondre externe, on sectionne le
cartilage à la cisaille ou à la scie. Cette section, taillée en V plus ou moins
oblique, doit être située en avant juste au niveau de la commissure antérieure au
bord supérieur des cordes. Il peut être utile de conserver une mince attelle de
cartilage thyroïde au niveau de cette commissure antérieure. Celle-ci sera coupée
au dernier moment lors de la vue des cordes vocales.

Exérèse

Le larynx est ouvert au niveau de la vallécule. Cette ouverture doit être très
progressive et méthodique. Il existe de nombreuses veines qui joignent la base
de la langue et l'épiglotte. Il faut les coaguler à la pince bipolaire afin d'éviter
une hémorragie gênante. La vallécule est ouverte. L'épiglotte est attirée par une
pince en avant. Aux ciseaux, on longe les replis aryépiglottiques. En arrière, on
sectionne la bande ventriculaire au contact de l'aryténoïde. Le ventricule est
repéré.

Les ciseaux changent alors de direction pour remonter vers le haut le long du
fond du ventricule au-dessus des cordes jusqu'à la commissure antérieure (fig.
10 B).

Fermeture

Après une hémostase soigneuse de la muqueuse valléculaire et de la tranche de


section laryngée, on vérifie l'intégrité des sinus piriformes et l'absence
d'hypertonie du cricopharyngien (section si nécessaire).

La fermeture consiste en une apposition du moignon laryngé à la base de la


langue. Les bords latéraux du pharynx sont rétrécis par 2 ou 3 points au fil
résorbable. La suture du larynx (fig. 10 C) est assurée par 3 points de catgut
chromé, passés sous le cartilage thyroïde, qui embroche largement la base de
langue sur 2 cm de hauteur. La descente de la langue et la montée du larynx
permettent cette suture.

La fermeture cutanée est assurée en 2 plans sur drainage aspiratif des aires de
curage.

La canule de trachéotomie est laissée en place une dizaine de jours. La sonde


oesophagienne peut être enlevée autour du 15e jour.

Variante
sus-glottique et une laryngectomie subtotale avec crico-hyoïdo-pexie (CHP).

Laryngectomies sus-glottiques élargies

Laryngectomie élargie vers le haut

La tumeur née de la face laryngée de l'épiglotte atteint la vallécule mais respecte


la base de langue. La lésion est strictement médiane. Il faut alors amputer en
plus du vestibule une partie de la base de la langue (fig. 11).

L'exérèse peut être réalisée de bas en haut.

Après section des ailes thyroïdiennes en V on recherche à la spatule les


ventricules qui sont ouverts. Aux ciseaux, on sectionne le larynx juste au-dessus
de la commissure antérieure. L'extrémité inférieure de l'épiglotte est saisie dans
une pince de Museux et tirée vers le haut. L'extrémité postérieure des bandes
ventriculaires est coupée au ras des aryténoïdes. La bascule épiglottique permet
de bien voir la limite supérieure de la tumeur et évite une résection trop large de
la base de langue. On peut aussi aborder directement la base de la langue et
opérer de haut en bas comme au cours d'une laryngectomie sus-glottique
classique.

Laryngectomie élargie latéralement

La tumeur née de la face laryngée tourne latéralement vers le carrefour des 3


replis où son extension reste peu importante. Dans ces cas, on peut discuter une
voie médiane élargie latéralement ou une voie latérale [1]. Nous préférons la voie
médiane si la tumeur a un point de départ nettement vestibulaire. Les premiers
temps sont identiques à ceux d'une laryngectomie sus-glottique normale. Seul
diffère le temps d'exérèse.

Exérèse : le larynx est ouvert au niveau de la vallécule du côté sain. La section


longe le repli aryépiglottique et coupe la bande ventriculaire (fig. 12). Le larynx
est ensuite basculé vers la tumeur de façon à permettre de réséquer à la vue
l'extension latérale vers le carrefour des 3 replis puis le repli et la bande. La
fermeture est habituelle avec une suture soigneuse de la brèche latérale de la
partie haute du sinus piriforme.

Laryngectomie sus-glottique étendue à une corde vocale

C'est la laryngectomie des trois quarts qui s'adresse aux tumeurs vestibulaires
étendues à l'aryténoïde ou aux cancers ventriculaires au début. Décrite par Ogura
[19]
, elle est surtout utilisée en Italie à la suite des publications de Bocca [5].

Exérèse : l'incision du cartilage thyroïde est asymétrique, plus basse du côté où


la corde sera enlevée. L'exérèse est réalisée de haut en bas conservant la corde
du côté sain. De l'autre, on ampute l'aryténoïde et la corde (fig. 13). La corde
enlevée doit être reconstituée par un lambeau de périchondre externe ou par un
fragment de cartilage.

La fermeture est difficile laissant un larynx asymétrique avec de gros troubles de


déglutition. Nous n'utilisons pas cette intervention préférant réaliser une
laryngectomie subtotale avec crico-hyoïdo-pexie (CHP).

Laryngectomie subtotale avec CHP


[14]
Cette intervention décrite par Labayle s'adresse :

aux cancers vestibulaires étendus vers l'aryténoïde sans trouble de


mobilité ;
aux cancers du pied de l'épiglotte et de la commissure antérieure sans
atteinte du cartilage ;
aux cancers du ventricule au début. Elle doit être réservée aux malades
jeunes sans adénopathie de plus de 3 centimètres. Un curage
ganglionnaire bilatéral est indiqué [24].

Incision

Elle est identique à celle d'une laryngectomie subtotale avec CHEP mais
l'évidement ganglionnaire est systématique.

Abord du larynx

Les muscles prélaryngés sont sectionnés au ras de l'os hyoïde et au niveau du


cartilage thyroïde. Au bistouri électrique, on libère le périoste de la face
postérieure de l'os hyoïde pour aborder la vallécule en sous-muqueux.

Latéralement les muscles constricteurs sont sectionnés. Le pédicule vasculaire


laryngé supérieur est lié. Le nerf laryngé supérieur est conservé avec soin. Vers
le bas, la membrane cricothyroïdienne est palpée, le ganglion delphien est
prélevé. Du côté sain, la petite corne du cartilage thyroïde est sectionnée pour
ménager le nerf récurrent (fig. 14 A).

Exérèse

Le larynx est ouvert au niveau de la vallécule après hémostase bipolaire des


vaisseaux muqueux. L'épiglotte est saisie et attirée en avant. Aux ciseaux, on
sectionne la muqueuse le long des replis aryépiglottiques. Au cours de ce temps,
on ménage les branches du nerf laryngé supérieur dont les branches antérieures
sont coupées mais on peut souvent conserver la branche postérieure. Du côté
sain, la section passe en avant de l'apophyse vocale de l'aryténoïde afin de
conserver une partie du muscle cricoaryténoïdien latéral. La section descend
ensuite le long du cricoïde (fig. 14 B).

Du côté malade, la section passe derrière l'aryténoïde puis descend le long du


cricoïde ou plus bas si nécessaire (cf. Laryngectomie subtotale avec CHEP) (fig.
14 C) jusqu'à la membrane cricothyroïdienne.

On a donc réalisé en monobloc l'exérèse du cartilage thyroïde avec l'épiglotte, la


loge hyo-thyro-épiglottique (HTE), les 2 bandes ventriculaires avec un aryténoïde
et les 2 cordes.

Fermeture

Après hémostase soigneuse, on bascule la muqueuse postérieure de l'aryténoïde


enlevé qui est suturé à l'aryténoïde restant et au chaton cricoïdien. Il faut
essayer d'obtenir un bourrelet muqueux le plus volumineux possible.

On contrôle ensuite la tonicité de la bouche de l'oesophage (section si


nécessaire) et l'absence de blessure des sinus piriformes.

Les bords de la brèche pharyngée sont suturés par 3 à 4 points pour assurer
l'absence de fuite latérale. La suture crico-hyoïdo-basilinguale est réalisée par 3
points de catgut chromé qui passent sous le cricoïde et traversent largement la
base de la langue. Il est indispensable que l'os hyoïde et le cricoïde soient dans le
prolongement l'un de l'autre. Si l'os hyoïde recouvre le cricoïde, le néolarynx est
trop large et ne peut se fermer lors de la déglutition. L'occlusion du larynx est
assurée par la bascule en avant de l'aryténoïde et le recul de la base de langue
(fig. 14 D). Il est donc indispensable de conserver une unité aryténoïdienne
parfaitement mobile et donc de ménager du côté sain le récurrent, le posticus et
le cricoaryténoïdien latéral. La fermeture cutanée est réalisée en 2 plans.

Variante

Les 2 aryténoïdes peuvent être conservés.

Les suites opératoires sont souvent assez longues. La reprise de la déglutition est
favorisée par une rééducation précoce et intensive. Si la déglutition n'est pas
rétablie entre le 30e et le 40e jour, une gastrostomie s'impose (10 % des cas).
Elle ne sera que transitoire. Elle permet le retour du malade au domicile et
améliore la qualité de la rééducation qui est toujours difficile si le malade est
nourri par sonde.

Les interventions partielles pour cancer vestibulaire doivent être suffisamment


larges pour guérir le malade. Une irradiation systématique du larynx ne nous
semble donc pas justifiée. En cas de recoupe « limite » une surveillance attentive
s'impose.

L'irradiation postopératoire ne doit être envisagée de façon systématique que sur


les aires ganglionnaires en cas d'envahissement de celles-ci. Les techniques
modernes d'irradiation permettent de limiter celles-ci à l'ensemble des chaînes
ganglionnaires en ménageant le larynx.

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CHIRURGIE PARTIELLE DES CANCERS DE LA MARGELLE

Particularité anatomoclinique des tumeurs de margelle

La margelle est située à cheval entre le larynx et l'hypopharynx dans une zone
qui n'entraîne que peu de gêne fonctionnelle pour le patient. Le diagnostic est
donc souvent tardif chez un malade en mauvais état général du fait de tares
viscérales multiples.

Du point de vue anatomique, il n'existe aucune barrière à l'extension du


processus néoplasique. Celle-ci se fait le plus souvent vers le haut pour atteindre
la base de la langue. La lymphophilie de ces tumeurs est grande, elle conduit
donc à réaliser un évidement ganglionnaire systématique le plus souvent
bilatéral.

Hyo-subglosso-épiglottectomie

Cette intervention sur laquelle Gaillard [10] a insisté s'adresse essentiellement


aux cancers de la face linguale de l'épiglotte ou de la vallécule respectant la loge
HTE.

Elle est réservée :

aux tumeurs ulcéreuses ;


infiltrant moins du tiers inférieur de cet organe car nous ne pouvons
amputer que la moitié de la base de langue sans entraîner des troubles
importants de déglutition.

Il ne doit pas y avoir d'extension latérale.


Incision cutanée

Une incision en U est indispensable, le lambeau cutané est relevé en avant très
haut pour dégager les 2 triangles sous-maxillaires. On réalise un évidement
ganglionnaire bilatéral enlevant les 2 glandes sous-maxillaires et les chaînes
jugulocarotidiennes. Une trachéotomie basse est réalisée.

Abord du larynx

Il est effectué par voie antérieure. On repère l'os hyoïde et la membrane


thyrohyoïdienne. Le ventre antérieur et postérieur du digastrique sont isolés de
chaque côté. Les muscles sus-hyoïdiens droit et gauche sont sectionnés à la
partie supérieure de l'os hyoïde.

L'artère linguale et le XII sont soigneusement refoulés vers le haut et ménagés.


Le plan musculaire profond de la base de la langue n'est pas entamé.

Vers le bas les muscles sous-hyoïdiens sont coupés au niveau des ailes
thyroïdiennes. Le paquet vasculonerveux laryngé supérieur est conservé avec
soin.

Exérèse

La membrane thyrohyoïdienne est ouverte horizontalement. On pénètre dans la


loge HTE qui est saine, la tumeur étant située au-dessus du ligament hyo-
épiglottique. On ouvre le larynx à la partie moyenne de l'épiglotte. La tranche
supérieure de celle-ci est saisie dans une pince et tirée vers le haut. Les
dernières attaches de l'os hyoïde sont coupées latéralement. La tumeur apparaît
dès la section de la muqueuse du carrefour. On palpe alors soigneusement la
base de la langue afin de préciser l'importance de la résection chirurgicale. Celle-
ci est effectuée au bistouri électrique à la pointe coagulante avec hémostase en
coagulation bipolaire de tous les vaisseaux musculaires (fig. 15).

Fermeture

Après hémostase soigneuse, la paroi pharyngée latérale est refermée par 2 ou 3


points de chaque côté. La tranche de section épiglottique est suturée à la base de
la langue par des points séparés. Les muscles sus- et sous-hyoïdiens sont ensuite
rapprochés.

Les suites opératoires de cette intervention varient en fonction de l'importance


de la résection linguale, la déglutition se rétablissant entre 15 et 30 jours.

Laryngectomie horizontale supraglottique par voie latérale

Elle dérive de l'opération d'Alonso [1] qui enlève, par voie latérale l'épiglotte, le
mur pharyngolaryngé sus-glottique et le carrefour des 3 replis (fig. 16 et 17 A).
Elle est très voisine de l'hémipharyngo-laryngectomie d'André si l'on conserve les
cordes vocales (fig. 16 et 17 B). Elle s'adresse donc aux cas suivants :

tumeur ulcéreuse du carrefour de moins de 2 cm de diamètre ;


tumeur du repli aryépiglottique restant au-dessus de l'aryténoïde qui
garde toute sa mobilité.

Incision cutanée
L'incision en L d'André peut être utilisée. Elle présente l'inconvénient de faire
communiquer la cicatrice de curage avec l'orifice de trachéotomie. Nous lui
préférons une incision verticale pour la trachéotomie et une incision arciforme à
convexité antérieure qui dépasse largement le bord du SCM en avant.

Un évidement ganglionnaire radical ou sélectif est réalisé.

Abord du larynx

A la pointe coagulante, les muscles sus- et sous-hyoïdiens sont sectionnés au ras


de l'os hyoïde qui est coupé sur la ligne médiane et enlevé.

Les muscles sous-hyoïdiens sont soigneusement disséqués vers le bas jusqu'à


l'aile thyroïdienne dont on rugine le périchondre externe sur la moitié de sa
hauteur. On réalise ainsi un lambeau musculoaponévrotique à charnière
postérieure qui sera utilisé pour la fermeture. La grande corne du cartilage
thyroïde est dégagée. Le pédicule laryngé supérieur - artère, veine, nerf - est
coupé.

Exérèse

L'aile thyroïdienne est sectionnée horizontalement. En ruginant légèrement sa


face interne, on ouvre le ventricule de Morgagni et l'on repère le plan glottique.
Les ciseaux, introduits de bas en haut, dans l'endolarynx, sectionnent l'épiglotte
sur la ligne médiane (fig. 17 B) ou en dehors de celle-ci (fig. 17 A). On coupe
ensuite la muqueuse valléculaire en haut et en bas le plancher du ventricule avec
la moitié supérieure de l'aryténoïde. L'endolarynx ainsi libéré est basculé en
dehors. La tumeur est alors bien visible, sa résection est facile avec une bonne
marge de sécurité dans le sinus piriforme.

Fermeture

Après hémostase soigneuse, la brèche pharyngée a une forme triangulaire à


sommet supérieur. Ce sommet peut être fermé au point séparé sans difficulté.

Vers le bas par contre, il ne faut pas remonter la muqueuse du sinus piriforme car
elle attire avec elle la bouche de l'oesophage créant une sténose. Le lambeau
musculopérichondral précédemment décrit est donc suturé au bord de la brèche
laryngée. Il assure la fermeture de la partie antérieure et basse du triangle.

La fermeture cutanée est assurée en 2 plans sur drainage aspiratif.

Les suites opératoires sont habituellement simples. La reprise de la respiration et


de la déglutition nécessite entre 10 et 15 jours.

Le pronostic assez défavorable des cancers de la margelle nous incite à proposer


une irradiation complémentaire systématique du larynx et des aires
ganglionnaires.

La radiothérapie ne doit être entreprise qu'après cicatrisation complète du larynx


soit environ 6 semaines après l'intervention. On n'hésitera pas à conserver une
canule fenêtrée bouchée s'il existe une filière laryngée un peu étroite.
L'irradiation doit être plus importante sur les aires ganglionnaires envahies que
sur le larynx. En général la dose de 50 grays est bien tolérée. Au-delà de ce
chiffre l'oedème, la fibrose, les troubles de déglutition peuvent survenir et être
définitifs faisant perdre au malade le bénéfice de l'intervention partielle.
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LARYNGECTOMIE TOTALE

Lorsque l'extension tumorale est trop importante pour que le chirurgien puisse
reconstruire un sphincter laryngé efficace, il faut recourir à la laryngectomie
totale qui sépare définitivement la voie aérienne de la voie digestive. Cette
intervention est le plus souvent associée à un curage ganglionnaire uni- ou
bilatéral suivant le siège de la tumeur et son volume.

Laryngectomie totale à champ étroit

Elle s'adresse aux cancers glottiques avec extension sous-glottique et fixation de


la corde. Elle peut aussi être utilisée comme chirurgie de rattrapage d'un cancer
de corde irradié à dose totale. Elle ne doit jamais être réalisée pour un cancer du
vestibule ou de la commissure antérieure (fig. 18).

Incision

Nous utilisons volontiers une incision en U descendant jusqu'au creux sus-


sternal. Cette incision permet de faire un évidement ganglionnaire si nécessaire.

Le lambeau cutané antérieur est relevé. L'isthme thyroïdien est réséqué pour
permettre d'aborder la trachée. Le tissu celluloaponévrotique antérieur est
enlevé.

Abord du larynx

Les muscles prélaryngés superficiels sont écartés. Le plan musculaire profond est
sectionné au contact de la ligne oblique du cartilage thyroïde.

Avec un crochet on bascule le larynx latéralement. On recherche le pédicule


laryngé supérieur qui est lié puis sectionné. On coupe la grande corne du
cartilage thyroïde ainsi que le plan musculaire des constricteurs. Vers le bas,
après hémostase du pédicule postéro-inférieur du larynx, on libère le corps
thyroïde du cricoïde et de la trachée. Le fût laryngé est donc complètement libéré
d'un côté, le même geste sera donc effectué de l'autre. Une trachéotomie basse
est effectuée au 3e ou 4e anneau.

Exérèse

La laryngectomie peut être effectuée de bas en haut ou de haut en bas. Etant


donné que les limites tumorales en sous-glotte sont difficiles à préciser, nous
choisirons donc une laryngectomie de haut en bas.

La membrane thyrohyoïdienne est coupée horizontalement sur toute sa longueur.


Les ciseaux ouvrent la loge hyo-thyro-épiglottique pour remonter vers la
vallécule. La muqueuse de la face linguale de l'épiglotte est toujours très
vascularisée. Il faut donc effectuer une hémostase méticuleuse à la pince
bipolaire de tous les vaisseaux. La muqueuse valléculaire est ouverte. L'épiglotte
est saisie dans une pince et attirée vers l'avant. Aux ciseaux, on longe le bord
supérieur des replis aryépiglottiques à droite et à gauche et l'on sectionne la
muqueuse à la face postérieure des aryténoïdes. On libère ainsi progressivement
la partie postérieure et latérale du cricoïde en refoulant en arrière la muqueuse
de la bouche de l'oesophage. Cette dissection postérieure est continuée jusqu'au
niveau de la trachéotomie. Ce temps est souvent assez hémorragique et
nécessite une hémostase soigneuse.

La partie postérieure de la trachée est sectionnée libérant ainsi la dernière


attache du larynx. Les bords de la trachée sont fixés à la peau par des points
transifixiants de gros fils à résorption lente.

Fermeture

La fermeture du pharyngostome est en général facile car toute la muqueuse


pharyngée a pu être conservée. Une suture verticale unique au point séparé
transfixiant tous les 3 mm est parfois possible si la muqueuse de la face linguale
de l'épiglotte a été conservée.

Le plus souvent, la suture a la forme d'un T avec une partie horizontale


comportant la base de langue et la paroi interne des sinus piriformes et une
partie verticale qui correspond à la région interaryténoïdienne. Là encore, la
suture est réalisée au point inversant tous les 3 mm au fil à résorption lente. Le
point central de la suture est renforcé par un point en X.

Les plans musculaires des constricteurs sont ensuite rapprochés sur la ligne
médiane pour faire un second plan et les muscles prélaryngés un troisième.

La fermeture cutanée est assurée en 2 plans sur un drainage aspiratif.

Variante

Chez les sujets à cou court, l'os hyoïde peut être sectionné sur la ligne médiane
pour donner un meilleur jour vers le haut.

Dans le cas d'une myotomie pharyngée, il peut être utile, si l'on doit mettre une
prothèse phonatoire, de faire une section postérieure des constricteurs et du
cricopharyngé depuis l'os hyoïde jusqu'à l'oesophage. Cette section doit aller
jusqu'à la muqueuse pour éviter les contractures musculaires qui gênent
l'émission vocale.

Laryngectomies totales élargies

Laryngectomie totale élargie à la loge HTE

Cette laryngectomie s'adresse aux tumeurs vestibulaires ayant envahi la loge


HTE. Elle emporte donc l'os hyoïde et les muscles prélaryngés qui limitent la
partie antérosupérieure de la loge (fig. 19).

Incision

Elle est en U comme pour la laryngectomie à champ étroit. Le curage


ganglionnaire bilatéral est réalisé. La trachéotomie peut être basse ou inter-
crico-thyroïdienne si l'on désire pratiquer une laryngectomie supracricoïdienne
qui permet d'éviter le port de la canule.

Abord du larynx

Les muscles sus-hyoïdiens sont sectionnés au ras de l'os hyoïde et les muscles
prélaryngés ne sont pas disséqués du fût laryngé. On réalise l'hémostase des
pédicules laryngés et une section des constricteurs en longeant le bord
postérieur du larynx.
Exérèse

Elle est souvent réalisée de bas en haut puisque l'atteinte du plan glottique est
exceptionnelle. La pince de Museux saisit le larynx juste au-dessus de l'orifice de
trachéotomie et le tire vers le haut. La trachée postérieure est sectionnée. On
sépare la trachée de l'oesophage puis progressivement la paroi interne du sinus
piriforme de l'aile thyroïdienne. L'incision muqueuse se fait au niveau de
l'incisure interaryténoïdienne puis suit les replis aryépiglottiques de chaque côté
pour se rejoindre au niveau de la vallécule.

Fermeture

Elle est effectuée après hémostase soigneuse. La muqueuse est fermée en un


plan au point séparé. Il est souvent intéressant de réaliser un lambeau
basilingual médian qui détend les sutures et évite la traction lors des
mouvements de déglutition. Au bistouri électrique, on sectionne horizontalement
la muqueuse de la base de la langue de ses attaches musculaires sur 2 cm de
hauteur. La muqueuse des sinus piriformes est suturée à la muqueuse de la base
de la langue et les constricteurs à la masse musculaire basilinguale (fig. 20).

Laryngectomie totale étendue à la base de la langue

Elle s'adresse aux cancers vestibuloépiglottiques qui ont envahi la vallécule et


mordu sur le tiers inférieur de la base de la langue. On l'appelle aussi subglosso-
laryngectomie totale. Ce type de laryngectomie nécessite toujours un curage
ganglionnaire bilatéral. La seule particularité technique est qu'elle doit être
réalisée de bas en haut. Le muscle digastrique avec le XII et l'artère linguale
doivent être ménagés avec soin. Ils seront écartés de l'os hyoïde et maintenus à
distance par des écarteurs. Les muscles sus-hyoïdiens sont sectionnés avec
précaution dans leur portion superficielle. La laryngectomie doit être effectuée de
bas en haut. La section de la base de langue est effectuée en dernier à la vue et à
la palpation.

Laryngectomie élargie au corps thyroïde

Elle doit être pratiquée pour les cancers des 3 étages avec fixité de l'hémilarynx.
L'extension à l'espace paraglottique de la tumeur l'amène au contact du corps
thyroïde qui sera enlevé pour avoir une bonne marge de sécurité.

On réalise donc une laryngectomie totale étendue à la loge HTE avec une lobo-
isthmectomie thyroïdienne. Il est nécessaire de palper avec soin la région inter-
trachéo-oesophagienne rétrosternale afin de percevoir les ganglions suspects de
la chaîne récurrentielle dont il faudra faire l'exérèse.

Laryngectomie carrée

Il s'agit d'une laryngectomie totale étendue vers l'avant au revêtement cutané


[11]
. Elle est indiquée en cas de suspicion de perméation antérieure des cartilages
laryngés :

cancer du vestibule ayant traversé la loge ;


cancer du ventricule ou de la commissure antérieure ayant détruit le
cartilage thyroïde ;
cancer de la sous-glotte ayant infiltré la membrane cricothyroïdienne.
Incision cutanée

Elle délimite un espace rectangulaire antérieur correspondant à la projection


cutanée du larynx (fig. 21 A). L'incision basse est horizontale au-dessus du
manubrium sternal, 2 incisions verticales sont branchées de chaque côté du
larynx. Elles se rejoignent vers le haut au-dessus de l'os hyoïde.

L'isthme thyroïdien est coupé pour permettre l'abord antérieur de la trachée et


effectuer la trachéotomie.

Abord du larynx

Il est effectué latéralement en coupant les muscles prélaryngés loin en dehors


pour atteindre les bords latéraux des ailes thyroïdiennes. Le corps thyroïde est
séparé du cricoïde et les constricteurs du pharynx sont coupés latéralement.
Aucun décollement antérieur ne doit être réalisé. Vers le haut, les pédicules
laryngés supérieurs sont coupés. Après avoir repéré l'os hyoïde, les muscles sus-
hyoïdiens sont sectionnés au ras de l'os dont on enlève la partie centrale avec les
petites cornes.

Exérèse

La laryngectomie est effectuée de haut en bas ou de bas en haut suivant le siège


de la tumeur (fig. 21 B).

Fermeture

La pharynx est fermé en 2 plans après hémostase soigneuse. La trachée est fixée
à la peau et la fermeture cutanée est réalisée verticalement par rapprochement.
La perte de substance cutanée étant compensée par la diminution de l'épaisseur
du cou.

Les laryngectomies totales s'adressent à des tumeurs volumineuses


s'accompagnant souvent d'adénopathies ce qui conduit à proposer une
irradiation postopératoire systématique sur l'ancien lit tumoral et les aires
ganglionnaires, en particulier dans les zones où l'exérèse chirurgicale est
impossible : médiastin supérieur pour les cancers sous-glottiques et
transglottiques, région sous-parotidienne et basicrânienne pour les cancers du
vestibule.

Références

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Otolaryngol Chir Cervicofac 1951 ; 68 : 689-696
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flap. Laryngoscope 1975 ; 85 : 960-977
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subglottic extension. Ann Oto Rhinol Laryngol 1977 ; 86 : 715-718
[5] BOCCA E Considerazioni sulla laringectomia conservativa orizzonto-verticale e resultati
personali. Tumori 1974 ; 60 : 523-526
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Otolaryngol Chir Cervicofac 1965 ; 82 : 421-424
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Otolaryngol Chir Cervicofac 1977 ; 94 : 134-136
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pharyngolaryngés. J Fr ORL 1957 ; 6 : 65-76
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[12] GUERRIER B, LALLEMANT JC, BALMIGERE G, BONNET Ph, ARNOUX B Notre expérience de la
chirurgie reconstructive dans les cancers glottiques. Ann Otolaryngol Chir
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[14] LABAYLE J, BISMUTH R Laryngectomie totale avec reconstruction. Ann
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sus-cricoïdiennes. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1987 ; 104 : 163-173
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partial laryngectomy. Laryngoscope 1981 ; 91 : 609-615
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© 1993 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

Fig 1 :
Fig 1 :

Cordectomie.

A. Incision cutanée arciforme : elle est utilisée pour la cordectomie mais aussi pour les autres
laryngectomies partielles verticales.

B. Exérèse de la tumeur en passant au contact du périchondre interne.

Fig 2 :

Fig 2 :

Glottectomie extracartilagineuse.

A. Section du cartilage thyroïde prolongée latéralement sur la membrane thyrohyoïdienne.


B. Exérèse en bloc des 2 cordes et de la commissure antérieure.

C. Suture de la muqueuse du ventricule à la sous-glotte. Noter le point transfixiant fixant le pied


de l'épiglotte.

Fig 3 :

Fig 3 :

Laryngectomie frontolatérale.

A. Résection cartilagineuse antérieure.

B. Résection tumorale dans le plan sous-périchondral interne.

Fig 4 :
Fig 4 :

Hémiglottectomie.

A. Résection cartilagineuse.

B. Résection tumorale avec le cartilage thyroïde sous-jacent.

Fig 5 :

Fig 5 :

Hémilaryngectomie type Biller.


A. Exérèse d'une aile thyroïdienne avec un hémicricoïde et un aryténoïde.

B. Reconstruction par un greffon d'aile thyroïdienne pédiculée sur les muscles constricteurs.

Fig 6 :

Fig 6 :

Glottectomie horizontale de Caléaro.

A. Incision du cartilage thyroïde.

B. Résection tumorale vue de profil.

C. Résection tumorale en coupe horizontale enlevant les cordes avec le cartilage.

D. Fermeture par suture cricothyroïdienne.

Fig 7 :
Fig 7 :

Laryngectomie frontale antérieure reconstructive.

A. Résection cartilagineuse.

B. Résection de la tumeur avec le cartilage sous-jacent.

C. Descente de l'épiglotte.

D. Suture de l'épiglotte.

Fig 8 :

Fig 8 :
Laryngectomie subtotale avec CHEP.

A. Incision du cartilage thyroïde et du pied de l'épiglotte.

B. Résection du côté sain passant au-dessus de la bande ventriculaire.

C. Résection du côté malade amputant l'aryténoïde et une partie de la sous-glotte.

D. Fermeture par suture crico-hyoïdo-épiglottique, nécessitant de prendre largement la base de


langue.

Fig 9 :

Fig 9 :

Incision bimastoïdienne en U permettant un curage bilatéral.

Fig 10 :
Fig 10 :

Laryngectomie sus-glottique.

A. Résection cartilagineuse. Hémostase des pédicules laryngés, conservation des nerfs laryngés
supérieurs.

B. Résection tumorale.

C. Suture entre la thyroïde et la base de langue.

Fig 11 :
Fig 11 :

Laryngectomie sus-glottique étendue à la base de langue. Exérèse tumorale.

Fig 12 :

Fig 12 :

Laryngectomie sus-glottique élargie latéralement vers le carrefour.


Fig 13 :

Fig 13 :

Laryngectomie des 3/4.

Fig 14 :

Fig 14 :

Laryngectomie subtotale avec CHP.

A. Résection antérieure.

B. Résection du côté sain.

C. Résection du côté malade.

D. Fermeture prenant largement la base de langue.

Fig 15 :
Fig 15 :

Hyo-subglosso-laryngectomie pour cancer de vallécule.

Fig 16 :
Fig 16 :

A. Laryngectomie sus-glottique par voie latérale Alonso.

B. Hémi-pharyngo-laryngectomie supraglottique.

Fig 17 :
Fig 17 :

A. Laryngectomie sus-glottique par voie latérale Alonso.

B. Hémi-pharyngo-laryngectomie supraglottique.

Fig 18 :
Fig 18 :

Laryngectomie à champ étroit.

Fig 19 :
Fig 19 :

Laryngectomie élargie.

Fig 20 :
Fig 20 :

Lambeau lingual.

1. Muscles de la base de la langue.

2. Lambeau lingual.

3. Muqueuse pharyngée.

Fig 21 :
Fig 21 :

A, B. Laryngectomie carrée.
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-360]

LARYNGECTOMIES PARTIELLES, SUBTOTALES ET


TOTALES
Traitement endoscopique des cancers du larynx

Dominique Chevalier : Professeur des Universités, praticien hospitalier


Jean-Jacques Piquet : Professeur des Universités, praticien hospitalier
Service d'ORL, hôpital Claude Huriez, place de Verdun, 59037 Lille cedex France

Résumé

Le laser CO2 est reconnu et utilisé largement pour le traitement des cancers limités de la
corde vocale. Il nécessite des laryngoscopes adaptés afin d'avoir une parfaite exposition
du plan glottique. L'indication principale est le cancer T1a de la corde vocale limité au tiers
moyen sans extension à la commissure antérieure ni à l'aryténoïde et avec conservation
d'une mobilité parfaite.

Les cancers de l'étage sus-glottique peuvent également être accessibles au laser CO2 dans
des cas particulièrement sélectionnés, âgés ou en mauvais état général, et sans extension
à la loge pré-épiglottique.

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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INTRODUCTION

Le traitement endoscopique de cancers des cordes vocales est très ancien. Dès 1886,
Fränkel l'avait utilisé avec succès en cas de tumeur très limitée de la glotte. Cette
technique d'exérèse aux ciseaux et au bistouri froid est encore largement utilisée par
Kleinsasser en Allemagne. L'apparition du laser a rendu cette chirurgie beaucoup plus
facile. Elle permet de réséquer la corde avec la tumeur sous microscope. On peut utiliser le
laser CO2 ou KTP, ce dernier a un meilleur pouvoir hémostatique.

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MATÉ RIEL

L'élément le plus important pour choisir un traitement endoscopique est de pouvoir


exposer de façon parfaite l'endolarynx. Il est donc indispensable d'avoir une excellente
ouverture de bouche, sans obstacle dentaire (avulsions parfois nécessaires). Le matériel
comporte des laryngoscopes à valves mobiles dont il existe plusieurs exemplaires sur le
marché (Steiner, Werda, Abitbol).

Ces instruments sont équipés d'une aspiration de fumée permettant une excellente vision
permanente. Le laser n'ayant pas toujours un pouvoir hémostatique suffisant, il est
indispensable de posséder des pinces à mors fins coudés à droite et à gauche pour
pratiquer si nécessaire, l'électrocoagulation d'une artériole.

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CANCER GLOTTIQUE

Il se présente bien pour un traitement endoscopique puisque la tumeur est souvent de


petit volume. Elle est vue de face, donc facile à exposer. Enfin la tumeur est peu
lymphophile ne nécessitant pas de traitement prophylactique des aires ganglionnaires.
L'utilisation d'un laser doté d'un micropoint permet de travailler à faible puissance (1 à 2
watts). Cet artifice permet d'éliminer la carbonisation des tissus et de faire des examens
histopathologiques des berges de la résection chirurgicale.

L'indication classique est représentée par le cancer du tiers moyen de la corde vocale
mobile respectant en arrière l'apophyse vocale de l'aryténoïde et restant à distance de la
commissure antérieure.

La technique nécessite une bonne vision de la tumeur, aussi réalisons-nous la résection de


la bande ventriculaire qui permet de voir la totalité de la corde.

La cordectomie endoscopique doit être aussi large qu'une cordectomie par voie externe.
Elle comporte une section perpendiculaire à la corde en arrière de la commissure
antérieure, puis une section musculaire profonde en passant au ras du périchondre interne
et enfin une section postérieure contre l'apophyse vocale libère la pièce opératoire.
L'hémostase est soigneuse. Un traitement antibiotique durant 10 jours est nécessaire.

Une corde fibreuse va se reconstituer donnant une voix de bonne qualité.

Les résultats carcinologiques obtenus dans cette indication sont équivalents à ceux des
autres techniques de traitement .

Le laser peut aussi être utilisé en rattrapage après irradiation d'un cancer glottique limité
[3]
.

Les contre-indications formelles à la chirurgie endoscopique sont l'extension sous-


glottique, l'atteinte de la commissure antérieure ou de l'aryténoïde, une diminution de
mobilité de la corde.
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CANCER DE L'É TAGE SUS-GLOTTIQUE

L'exérèse de l'épiglotte et des bandes ventriculaires par voie endoscopique nécessite une
parfaite exposition rendue possible par l'utilisation d'un laryngoscope à valve mobile.
Celui-ci est d'abord placé dans l'endolarynx, ses valves sont ouvertes pour bien dégager
les aryténoïdes. La section débute au sommet du repli aryépiglottique et descend en avant
sur les bandes ventriculaires pour libérer les aryténoïdes juste au-dessus des cordes
vocales.

Le laryngoscope est alors remonté dans la vallécule. Il est ouvert le plus largement
possible. On sectionne la muqueuse au fond de la vallécule. Après hémostase des
vaisseaux en électrocoagulation, on refoule l'épiglotte en arrière en ouvrant
progressivement la loge hyo-thyro-épiglottique (HTE). Ce temps est habituellement
avasculaire. L'épiglotte est alors versée latéralement et la section passe le long du repli
pour rejoindre la section postérieure en avant de l'aryténoïde à droite et à gauche.

On dégage progressivement le cartilage thyroïde en avant, sans le dénuder. La section


basse dans le ventricule est toujours délicate. On s'aide d'un coton introduit au début de
l'intervention dans le ventricule sous la bande ventriculaire. Cet artifice permet d'éviter
toute blessure accidentelle de la corde. La pièce est alors basculée à droite puis à gauche
pour sa libération basse.

L'hémostase des pédicules laryngés supérieurs est effectuée en électrocoagulation.

L'avantage de cette technique est de réaliser une exérèse voisine de celle d'une
laryngectomie horizontale sus-glottique sans faire de trachéotomie et avec des troubles de
déglutition très brefs (5 à 7 jours).

Les inconvénients sont représentés par l'ouverture de la loge HTE, l'absence de traitement
des aires ganglionnaires, une résection chirurgicale délicate en particulier dans la région
postérieure.

Cette intervention ne peut donc être proposée qu'en cas de tumeur limitée de la face
laryngée de l'épiglotte sans extension à la loge HTE, vérifiée au scanner (T1 T2 No) chez
des sujets âgés de plus de 70 ans ou particulièrement fragiles présentant une contre-
indication à une opération par voie externe. Le traitement des aires ganglionnaires se fera
par radiothérapie après cicatrisation du larynx. Les résultats obtenus par Zeitels [7] et
Rudert [6] semblent intéressants mais n'ont pas encore de recul très important.

Notons enfin la possibilité de faire des résections plus limitées de l'épiglotte sus-hyoïdienne
dans les petits cancers du bord libre. Là encore, un traitement prophylactique des aires
ganglionnaires devra être prévu.

Haut de page

CONCLUSION

Le laser est donc utile pour le traitement endoscopique des cancers du tiers moyen de la
corde mobile où il a remplacé la cordectomie par voie externe. Au niveau de l'étage sus-
glottique, son utilité est encore discutée. Complété par une radiothérapie postopératoire, il
peut apparaître comme une alternative pour les cancers T1 T2 No sans atteinte de la loge
HTE au scanner chez les malades âgés ou fragiles.

Références
[1] Davis RK, Kelly SM, Parkin JL, Stevens MH, Johnson LP Selective management of early glottic
cancer. Laryngoscope 1990 ; 100 : 1306-1309
[2] Eckel HE, Thumfart WD Laser surgery for the treatment of larynx carcinoma. Ann Otol Rhinol
Laryngol 1992 ; 101 : 113-118
[3] Kerrebijn JD, De Boer MF, Knegt PP CO2 laser treatment of recurrent glottic carcinoma. Clin
Otolaryngol 1992 ; 17 : 430-432
[4] Myers EN, Wagner RL, Johnson JT Microlaryngoscopic surgery for T1 glottic lesions. A cost-
effective option. Ann Otol Rhinol Laryngol 1994 ; 103 : 28-30
[5] Piquet JJ, Chevalier D Laser et exérèse glottique. Ann Otolaryngol 1993 ; 110 : 227-229
[6] Rudert HH, Werner JA Endoscopic resections of glottic and supraglottic carcinomas with the
CO2 laser. Eur Arch Otorhinolaryngol 1995 ; 252 : 146-148
[7] Zeitels SM, Koufman JA, Davis RK, Vaughan W Endoscopic treatment of supraglottic and
hypopharyngeal cancer. Laryngoscope 1994 ; 104 : 71-77

© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

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46-350
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-350

Phonochirurgie des tumeurs bénignes


des cordes vocales
A Giovanni Résumé. – La phonochirurgie est la chirurgie des cordes vocales effectuée dans le seul but d’améliorer la voix,
M Remacle à l’exclusion des interventions chirurgicales réalisées à visée biopsique. Son objectif est de rendre à la corde
D Robert opérée une anatomie la plus proche possible de l’anatomie normale pour que les conditions physiologiques
d’une vibration normale des cordes vocales soient remplies.
Lorsqu’elle est effectuée pour l’exérèse de lésions bénignes des cordes vocales, la phonochirurgie est
généralement effectuée sous anesthésie générale par l’intermédiaire d’une laryngoscopie en suspension. Le
phonochirurgien doit disposer d’une panoplie d’instruments microchirurgicaux. Le laser est l’un d’eux. Il
s’agit d’un instrument de section-coagulation dont il faut connaître les principes physiques du
fonctionnement et surtout les règles de sécurité qui doivent accompagner son utilisation.
Au total quelle que soit la technique utilisée, microchirurgicale ou laser, la phonochirurgie ne doit être
considérée que comme un des éléments de la stratégie thérapeutique d’ensemble qui doit toujours
comprendre la prise en charge de la dysfonction vocale, le plus souvent par une rééducation orthophonique.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : laryngopathies dysfonctionnelles, kystes du larynx, phonochirurgie, laser.

Introduction les conséquences « mécaniques » des gestes effectués [14]. Cette


préoccupation s’est traduite par des efforts pour adapter les
Il existe une grande variété de tumeurs bénignes au niveau des techniques disponibles dans le sens d’un respect toujours plus grand
cordes vocales et de nombreuses techniques chirurgicales ont été des cordes vocales. Le progrès le plus décisif a été réalisé au niveau
décrites. L’évolution vers une chirurgie de moins en moins invasive des indications chirurgicales sous l’impulsion de Bouchayer et
est manifeste et, à l’heure actuelle, la microchirurgie endoscopique Cornut qui ont clarifié la nosologie des principales lésions
représente la grande majorité des indications. rencontrées au niveau des cordes vocales et montré que l’indication
d’une chirurgie de ce type doit toujours faire l’objet d’une réflexion
La microchirurgie laryngée correspond, en fait, à la combinaison de
fonctionnelle approfondie, si possible en collaboration entre le
plusieurs techniques [38] : la laryngoscopie en suspension introduite
chirurgien et le médecin-phoniatre ainsi qu’avec l’orthophoniste
par Kirstein, le microscope opératoire binoculaire et les micro-
chargé de la rééducation [2, 38]. Dans tous les cas, la phonochirurgie
instruments dérivés des micro-instruments utilisés en otologie [17].
est un geste chirurgical conçu dans le cadre d’un projet
Les progrès récents sont de deux ordres : d’une part, la meilleure
adéquation du geste chirurgical à la lésion opérée grâce à la thérapeutique d’ensemble avec la rééducation orthophonique.
meilleure compréhension de la mécanique glottique par les L’apparition du laser CO2 dans les années 1970 a été un autre
chirurgiens et, d’autre part, le laser qui a maintenant conquis ses élément décisif de l’évolution des idées dans le domaine de la
titres de noblesse et qui ne présente plus les lacunes et les chirurgie des lésions bénignes du larynx. Les premières années ont
imperfections de ses débuts. été celles de l’engouement pour un instrument qui permettait
La prise en compte de la fonction laryngée et spécialement de la d’opérer dans un champ opératoire exsangue, ce qui est une des
fonction vocale est de plus en plus au centre des préoccupations des premières nécessités de la chirurgie endoscopique [18, 33, 35]. Introduit
chirurgiens. C’est dans cet esprit qu’est né le concept de en France par Frèche, le laser CO2 a été rapidement reconnu comme
phonochirurgie (littéralement « chirurgie du son de la voix ») créé un instrument indispensable dans la chirurgie endoscopique de
par analogie avec la cophochirurgie ou chirurgie de la surdité. Qu’il tumeurs comme les papillomatoses juvéniles ou le traitement
s’agisse d’une intervention phonochirurgicale ou d’une intervention endoscopique des laryngocèles, mais n’a pas cessé d’être au centre
d’exérèse à visée biopsique, le chirurgien doit connaître avec de polémiques en ce qui concerne son utilisation dans le cadre de la
précision l’anatomie chirurgicale fonctionnelle des cordes vocales et phonochirurgie et il a été l’objet de critiques sévères de la part des
le minimum de physiologie de la vibration cordale pour comprendre tenants de la microchirurgie instrumentale. Des progrès techniques
décisifs ont cependant permis de diminuer les effets indésirables du
laser et en particulier les dégâts thermiques latéraux causés par le
Antoine Giovanni : Ancien interne des hôpitaux de Marseille, ancien chef de clinique à la Faculté, praticien
dégagement d’énergie : diminution du diamètre du « spot »,
hospitalier oto-rhino-laryngologiste, professeur à la faculté de Médecine de Marseille. amélioration de la précision des puissances délivrées surtout dans
Marc Remacle :Professeur d’oto-rhino-laryngologie à l’université catholique de Louvain, hôpital universitaire
de Mont-Godinne, 5530 Yvoin, Belgique.
les faibles puissances, développement de lasers travaillant dans
Danièle Robert : Ancien interne des hôpitaux de Marseille, ancien chef de clinique à la Faculté, praticien d’autres longueurs d’onde, donc avec des effets différents. Surtout,
hospitalier oto-rhino-laryngologiste-phoniatre.
Fédération oto-rhino-laryngologique, centre hospitalier universitaire Timone, rue Saint-Pierre,
la clarification des techniques chirurgicales, encore par Bouchayer et
13385 Marseille cedex 5, France. Cornut, a permis aux tenants du laser de situer celui-ci dans leur

Toute référence à cet article doit porter la mention : Giovanni A, Remacle M et Robert D. Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Techniques chirurgicales – Tête et cou, 46-350, 2000, 16 p.
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

panoplie d’instruments chirurgicaux comme un simple instrument, de l’étirement longitudinal. La couche intermédiaire est également
à la fois tranchant et coagulant. C’est dans cet esprit que les travaux constituée de fibres d’élastine mais les fibres sont préférentiellement
récents ont été présentés [28] et, actuellement, ces polémiques tendent orientées dans le sens antéropostérieur et elle contient également
à disparaître, la plupart des phonochirurgiens pratiquant les deux des fibres de collagène. La couche profonde est surtout constituée
techniques suivant les cas. de fibres de collagène enchevêtrées dont la structure protéique est
Dans de rares cas, concernant surtout les patients présentant une moins favorable à l’élongation. Ces deux dernières couches
contre-indication à l’anesthésie générale, il est possible de réaliser correspondent à ce qu’il est habituel d’appeler le ligament vocal [14].
l’exérèse de petites lésions à la pince sous anesthésie locale et On voit donc qu’il existe une sorte de chevauchement entre le
laryngoscopie indirecte. Ces techniques connaissent encore quelques concept histologique de lamina propria et le concept « chirurgical »
partisans mais leur usage tend indéniablement à se marginaliser. de ligament vocal. En réalité, la notion d’espace de Reinke vide doit
Dans de très rares autres cas, il est nécessaire de recourir à la voie être abandonnée au profit de la notion d’un tissu « fluide » d’une
externe cervicale pour réaliser l’exérèse de certaines lésions bénignes importance vibratoire capitale car c’est lui qui permet le glissement
difficiles d’accès en raison de la conformation particulière du patient. de la muqueuse grâce aux modifications structurales progressives.
De même, le chirurgien doit connaître cette différenciation
progressive entre les différentes couches : il est préférable d’éviter
Notions de base d’anatomie et de dénuder de façon extensive la couche la plus résistante identifiée
comme le ligament vocal car la structure vibrante correspond en
de physiologie « phonochirurgicales » réalité à l’ensemble complexe des couches de la corde vocale.
Le chirurgien doit connaître également, pour ne pas les confondre
avec des formations kystiques, l’existence des macula flava. Il s’agit
ANATOMIE FONCTIONNELLE DES CORDES
de renforcements du ligament vocal responsables d’épaississements
La partie ligamentaire de la corde vocale est responsable de la localisés aux extrémités de celui-ci, là où s’exerce le maximum de
vibration de la muqueuse cordale grâce à une structure feuilletée [14] tension sur les fibres. Au cours de la croissance puis du
tout à fait particulière et que le phonochirurgien doit apprendre à vieillissement, ces zones sont modifiées par les contraintes
respecter. Il s’agit d’une sorte de feuilletage dont la superposition mécaniques qui s’exercent sur elles [30].
est à la base des caractéristiques vibratoires des cordes. Sur une
coupe frontale de la corde (fig 1), on peut voir les différentes
VIBRATION GLOTTIQUE
couches. La couche la plus superficielle est constituée par un
épithélium pavimenteux stratifié non kératinisé, d’une épaisseur de Après la mise en position phonatoire, lorsque les cordes vocales sont
0,05 à 0,1 mm qui encapsule le tissu plus fluide de la sous-muqueuse accolées, la vibration glottique est un phénomène cyclique caractérisé
à la manière d’un « ballon rempli d’eau » [34]. Cette zone correspond par un écartement et un rapprochement du bord libre de la partie
chirurgicalement à l’espace décollable de Reinke qui recouvre le ligamentaire des cordes vocales. La théorie myoélastique offre
muscle vocal. actuellement le modèle le plus pertinent de la vibration. Le principe
général repose sur la mise en vibration passive des cordes vocales
La sous-muqueuse ou lamina propria est constituée de plusieurs
sous l’influence de l’air expiratoire qui constitue la source d’énergie
couches de tissu : on distingue habituellement trois couches :
du système. La vibration glottique entraîne la vibration de l’air
superficielle, intermédiaire, et profonde. La couche superficielle a
transglottique et génère ainsi le son laryngé.
0,5 mm d’épaisseur et consiste en un enchevêtrement de fibres
d’élastine peu organisées dans une sorte de fluide interstitiel. Les L’image classique est une sorte de valve disposée dans le courant
fibres d’élastine ont une structure protéique adaptée aux contraintes aérien expiratoire. Lors de l’installation du phénomène vibratoire,
une impulsion sous-glottique met en branle le vibrateur : le
déséquilibre entre la pression sous-glottique et la tension de
1 Structure feuilletée de la corde fermeture donnerait l’impulsion pour la première oscillation. Les
1 vocale (d’après Hirano). films à grande vitesse ont montré que la muqueuse présentait en
1. Muqueuse ; 2. espace de Reinke ;
2 3. ligament vocal (partie superfi-
phonation un mouvement de vague se propageant à partir de la
cielle) ; 4. ligament vocal (partie sous-glotte et gagnant progressivement le bord libre puis la face
3 profonde) ; 5. muscle thyroaryténoï- supérieure de la corde vocale. Sur le plan phonochirurgical, on
dien. comprend l’importance cruciale à la fois de la souplesse de la
4 muqueuse du bord libre et de la structure en couche qui autorise un
certain degré de découplage entre muqueuse et ligament. On
5 comprend également que c’est la muqueuse du bord inférieur et du
bord libre de la corde vocale qui a le plus d’importance sur le plan
vibratoire (fig 2).
La voix est donc une vibration aérienne produite par la vibration du
bord libre des cordes vocales et il s’agit d’un phénomène périodique
théoriquement parfaitement stable. En réalité, même avec un larynx
strictement normal, certaines perturbations peuvent être observées

2 A, B. Coupes frontales d’une corde vocale. Schéma de la


vibration muqueuse.

*
A
*
B

2
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

car diverses irrégularités dans la géométrie des tissus et leurs


propriétés biomécaniques peuvent entraîner de légères différences
dans les forces exercées sur la glotte au cours du cycle et ainsi des
différences de fonctionnement. Lorsqu’il existe une hétérogénéité
marquée comme en cas de nodule, de polype ou de kyste dans la
corde vocale, ces différences de contraintes biomécaniques
deviennent plus importantes et sont responsables de perturbations
plus marquées du mouvement périodique. L’objectif du chirurgien
est donc, non pas seulement de reconstituer un bord libre rectiligne,
mais aussi de faire disparaître une hétérogénéité tissulaire.

Nosologie des lésions


« phonochirurgicales »
La phonochirurgie comprend donc un certain nombre de techniques
ayant toutes pour objectif de sauvegarder ou d’améliorer la voix des
patients. En dehors des interventions concernant les tumeurs
bénignes qui sont développées ici, il existe d’autres techniques
chirurgicales faisant partie de la phonochirurgie mais qui ne sont
pas développées : chirurgie de la hauteur de la voix, chirurgie de
médialisation d’une corde paralysée, chirurgie de réinnervation
laryngée, chirurgie reconstructrice du larynx.
4 Polype angiomateux.
Les indications de la phonochirurgie pour lésion bénigne peuvent
être classées, du point de vue physiologique, en trois types : les
lésions dysfonctionnelles, les lésions kystiques, les lésions
cicatricielles.

LÉSIONS DYSFONCTIONNELLES OU EXSUDATIVES


Elles correspondent à des tumeurs bénignes réactionnelles à des
anomalies du fonctionnement glottique associées ou non à des
agents irritants extérieurs comme le tabac [27]. Ce groupe comprend
les nodules (fig 3), les polypes (fig 4), les œdèmes en « fuseau » et les
œdèmes de Reinke (fig 5).
Dans certains cas, ce type de lésions est difficile à distinguer d’une
lésion suspecte, d’autant que les mécanismes et les facteurs de risque
sont voisins. En réalité, il est vraisemblable qu’il existe un véritable
continuum, même si les modalités de passage de l’une à l’autre
forme sont encore mal connues. La caractéristique histologique
commune de ces lésions est l’existence de phénomènes exsudatifs
dans l’espace de Reinke : œdème, fibrose, dépôt de fibrine et
développement d’ectasies vasculaires. Bien que les polypes, les
nodules et les œdèmes de Reinke soient connus pour avoir des
caractéristiques spécifiques [29], il n’est pas rare de trouver des lésions
intermédiaires qui rendent chaque groupe relativement hétérogène
(fig 6). Dans le modèle de Remacle, dérivé de celui de Michaels [24], 5 Œdème de Reinke.
les lésions sont organisées selon un arbre plus ou moins hiérarchique
mettant en parallèle les caractéristiques histologiques et les facteurs

3 Nodule. 6 Lésion « intermédiaire » dans le cadre des lésions exsudatives.

3
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

Fibrose Fibrose 7 Hiérarchie des lésions exsudatives (d’après Remacle).


Nodule Nodule Nodule VADS : voies aérodigestives supérieures.
œdémateux ectasies vasculaire fibro-œdémateux fibreux
Dysphonie dysfonctionnelle
Malmenage vocal + fibrine œdème
œdème - ectasie vasculaire
+ fibrose Nodule dépôt de fibrine
Sulcus angiectasique
Micropalmure

Microtraumatisme vocal
Infection VADS
Allergie Polype
œdémateux hémorragie Polype
Irritants respiratoires angiomateux
pseudokyste ectasie vasculaire
Déséquilibre hormonal
dépôts de fibrine
fibrose

Œdème de Œdème de
Tabac Laryngite Œdème de
Reinke type I Reinke type III
Alcool exsudative Reinke type II
Œdème en «fuseau»
fibrose Œdème Œdème
œdème fibrose fibrose
dépôt de fibrine dépôt de fibrine

8 Granulome. 9 Kyste épidermique.

étiologiques ainsi que les formes de passage. Cette classification est ces lésions sont particularisées par leur situation en regard de
d’importance décisive pour le chirurgien car l’existence de formes l’apophyse vocale : à leur niveau, le ligament vocal est remplacé par
intermédiaires entre deux pathologies classiques va l’obliger à le cartilage de l’apophyse vocale. Leur situation aryténoïdienne
adapter ses techniques et à sortir des schémas préétablis de façon explique également les difficultés rencontrées parfois du fait de la
trop simple. D’autre part, la prise en charge thérapeutique de ces présence de la sonde d’intubation. Ces patients représentent les
lésions dépasse manifestement la simple exérèse chirurgicale et les meilleures indications d’anesthésie sans intubation (cf infra).
facteurs étiologiques et favorisants doivent être connus et traités, en
particulier le forçage vocal. Nous reprenons ici le schéma de Remacle
(fig 7) [27]. LÉSIONS KYSTIQUES
Pour toutes ces lésions, le mécanisme de la dysphonie est dominé Il est d’usage de leur associer les sulcus glottidis qui sont considérés
par l’existence d’une lésion muqueuse et sous-muqueuse limitant comme des kystes épidermiques ouverts et les vergetures des cordes
les possibilités de vibration de la muqueuse et responsable d’une (ou sulcus larges). La nosologie de ces lésions a été clarifiée par
fuite glottique. Le ligament vocal est toujours intact et il n’existe pas Cornut et Bouchayer [2, 3, 4] à qui nous faisons de larges emprunts.
vraiment d’adhérence en dehors éventuellement des épisodes Les kystes épidermiques sont des formations plus ou moins arrondies,
inflammatoires les plus aigus. Au niveau de la sous-muqueuse, il situées dans le chorion sous-muqueux, infiltrant parfois les fibres
n’est pas rare que les phénomènes inflammatoires soient conjonctivoélastiques du ligament vocal qui peuvent être dilacérées
responsables d’une petite hémorragie en « nappe » au moment de la ou atrophiées au contact du kyste (fig 9). Le contenu du kyste est en
section chirurgicale. Dans la très grande majorité des cas, la général liquide ou caséeux, blanc nacré, correspondant à une
muqueuse de recouvrement est pathologique, atrophique ou au accumulation de squames et de cristaux de cholestérol dans la cavité
contraire hyperplasique, voire dysplasique et ne peut pas être mais il peut également être solide ou mixte, lui donnant une
conservée. consistance mollasse ou ferme. Sur le plan histologique, le kyste
Il faut également citer les lésions réactionnelles postérieures comme épidermique comporte une cavité bordée par un épithélium
les granulomes des cordes (fig 8) qui ont des mécanismes pluristratifié plus ou moins kératinisant, d’épaisseur variable,
pathologiques voisins mais prédominant au niveau du tiers croissant de façon centripète et reposant sur une membrane basale.
postérieur du larynx. Parmi ces facteurs, l’existence d’un reflux Le chorion autour du kyste est parfois le siège d’une réaction
gastro-œsophagien, parfois infraclinique, est le plus classique, de inflammatoire responsable d’adhérences, en particulier avec le
même que les antécédents de traumatisme de la corde vocale par ligament vocal. C’est souvent au niveau d’une telle zone
une sonde d’intubation, ainsi que le tabac [37]. Sur le plan technique, d’adhérence que, pendant l’intervention, la poche du kyste est

4
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

10 Kyste rétentionnel.
11 Sulcus.
rompue. La dissection entre le plan du kyste et le ligament vocal
peut être extrêmement difficile et expose à des résections abusives
de fibres ligamentaires.
Certains kystes épidermiques présentent une ouverture située le
plus souvent un peu en dessous du bord libre de la corde vocale, ce
qui peut permettre au contenu du kyste de se vider spontanément.
Ces formes sont à rapprocher des sulcus (cf infra). Ces kystes
s’observent à tout âge, y compris chez les enfants.
L’unicité des kystes est la règle mais Cornut et Bouchayer [3] ont
décrit des kystes multiples sur la même corde ou sur chaque corde.
Il est donc nécessaire d’explorer par la palpation la totalité des deux
cordes pour ne pas laisser en place un kyste méconnu. De même, un
kyste est associé dans 14 % des cas à un sulcus controlatéral.
Les kystes muqueux rétentionnels sont complètement différents
(fig 10). Il s’agit également de kystes vrais mais leur paroi est
constituée par un épithélium glandulaire avec un contenu
typiquement muqueux. Ici aussi, les réactions inflammatoires dans
le chorion sont fréquentes. Lors de la dissection, la paroi des kystes
muqueux est très fragile et se rompt aisément.
Les pseudokystes muqueux font en réalité partie des lésions
exsudatives et ne sont pas des kystes vrais. Ils ne correspondent 12 Vergeture.
qu’à une imbibition séreuse du chorion sans formation de
prolifération cellulaire ou kystique et, donc, sans réelle paroi. Les vergetures correspondent à un aspect de sillon atrophique plus
Le terme de sulcus a été utilisé dès le début du siècle pour définir ou moins étendu à la surface de la corde, en général un peu en
une lésion qui apparaissait en laryngoscopie indirecte sous la forme dessous du bord libre (fig 12). La corde vocale prend en phonation
d’un sillon blanchâtre courant parallèlement au bord libre de la un aspect arqué. La berge inférieure du sillon comporte souvent une
corde vocale et donnant un aspect de glotte ovalaire. En réalité, pour bride fibreuse, tendue et rigide alors que la berge supérieure est plus
Bouchayer et Cornut, le sulcus correspond à deux aspects souple. La muqueuse qui tapisse le fond de la poche est très mince,
anatomiques bien différents : les sulcus glottidis (ou kystes ouverts) atrophique et adhère intimement en profondeur au ligament cordal
et les vergetures. sur lequel elle ne peut plus coulisser [2].
Le sulcus glottidis proprement dit se présente sous la forme d’une Les ponts muqueux se présentent comme une bride muqueuse
invagination de l’épithélium de revêtement, réalisant une poche plus parallèle au bord libre, dont elle peut être détachée par une pince,
ou moins profonde située sous le chorion et qui s’enfonce en bas et avec une attache antérieure et une attache postérieure. Elle est
en dehors jusqu’au contact du ligament vocal. À ce niveau, la poche constituée par un épithélium pluristratifié croissant de façon
peut être très adhérente au ligament mais elle est le plus souvent centrifuge. Le pont muqueux est toujours associé à un sulcus, une
décollable, même si les fibres ligamentaires sont dilacérées ou vergeture ou un kyste épidermique et sa pathogénie est également
atrophiques. Sur le plan histologique, le sulcus réalise un véritable vraisemblablement congénitale. Pour Cornut, son explication serait
cul-de-sac dont les parois sont constituées par un épithélium l’ouverture d’une poche kystique en deux points, individualisant
pluristratifié d’épaisseur variable avec hyperkératose. Pour Cornut, entre l’ouverture supérieure et l’ouverture inférieure une bande
ces formes correspondent à des kystes ouverts dont ils partagent muqueuse saine plus ou moins large qui détermine le pont muqueux
vraisemblablement l’origine congénitale et l’essentiel des (fig 13).
caractéristiques histologiques. Sur le plan de la biomécanique de la
dysphonie, ces lésions se rapprochent également beaucoup des
kystes avec une dysphonie liée à la présence du kyste (hétérogénéité CICATRICES DES CORDES VOCALES
intracordale) ainsi qu’aux adhérences avec le ligament vocal en cas Il ne s’agit pas à proprement parler de tumeur bénigne des cordes
de réaction inflammatoire. Sur le plan de la technique d’exérèse vocales. Néanmoins, les indications thérapeutiques qui en découlent
chirurgicale, il n’existe pas de différence avec les kystes (fig 11). sont souvent la conséquence d’une chirurgie réalisée pour une

5
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

50 µm Largeur constante (50 µm)


Largeur variable en fonction du temps
d'action du laser

14 Effets tissulaires du laser (d’après Goubert).


Zone lésionnelle : I, due à l’absorption de l’énergie thermique ; II, due à la conduction
thermique.

13 Pont muqueux.

tumeur bénigne et dont la cicatrisation n’a pas été à la hauteur de la


demande de résultat vocal du patient. Elles sont un des domaines
où des progrès sont à attendre et qui constituent un des challenges
actuels de la phonochirurgie. Il peut s’agir d’encoches cordales
correspondant à une exérèse excessive muqueuse et parfois
ligamentaire. Il peut s’agir également d’une rigidité muqueuse avec
adhérences de la muqueuse au ligament cordal, lui-même plus ou
moins atrophique. Ce type de lésions peut être lié à une exérèse
abusive au niveau de l’espace de Reinke, à une dissection trop
agressive du ligament vocal ou, dans certains cas, à des dégâts 15 Installation du laser CO2 sur le micromanipulateur.
thermiques liés au laser. Sur le plan mécanique, ces lésions faisceau excédait parfois le millimètre alors que les lasers les plus
cicatricielles sont responsables d’une disparition de l’ondulation modernes offrent des dimensions de spot de moins de 300 µm. La
muqueuse. Il est parfois possible d’observer une vibration en largeur de coupe, c’est-à-dire de tissu détruit, est donc trois fois
stroboscopie dans le registre « lourd » qui met en vibration la totalité moins importante.
de la masse musculaire. Au total, il existe une grande parenté entre
Au point d’impact du laser, les cellules explosent et il existe un
les encoches et les cicatrices cordales d’une part et les vergetures
cratère de destruction. La dimension du cratère dépend des
d’autre part. Sur le plan technique, nous avons choisi de les traiter
caractéristiques physiques du laser utilisé (puissance, temps
ensemble.
d’émission), mais on vient de voir que les dimensions du cratère
dépendent surtout de la taille du faisceau. Autour de ce cratère, on
peut trouver une étroite bande de tissu nécrosé, carbonisé dont
Laser l’épaisseur ne dépend pas de la puissance utilisée mais du type de
laser, c’est-à-dire du type d’interaction avec la matière. Avec le laser
Nous n’entrons pas dans le détail des propriétés physiques des CO2, cette bande a une épaisseur de 50 µm environ. Tout autour de
lasers qui sont traitées ailleurs mais nous donnons uniquement les cette bande, s’étend une zone plus ou moins large correspondant
caractéristiques qu’il est nécessaire de connaître pour le chirurgien aux effets thermiques latéraux du laser, c’est-à-dire à une zone dans
qui souhaite utiliser le laser dans le cadre de la phonochirurgie [9, 13]. laquelle les protéines ont été coagulées. La largeur de cette bande
Le laser CO2 est le laser de référence utilisé en laryngologie, même dépend moins de la puissance utilisée que du temps d’émission
si des essais ont été effectués avec d’autres types de laser et en (fig 14). Plus le temps d’émission est long, plus cet effet est marqué.
particulier le laser KTP. Dans le laser CO2, l’émission laser se fait C’est pour cette raison que les lasers modernes disposent d’un mode
dans un mélange gazeux à partir des molécules du gaz. La longueur pulsé permettant de fournir l’énergie demandée pendant des temps
d’onde émise est de 10 600 nm (c’est-à-dire dans l’infrarouge et le extrêmement courts. Ces modes diminuent considérablement la
faisceau est invisible). Cette longueur d’onde est responsable du fait largeur de la bande d’effet thermique ou effet de coagulation autour
que le laser CO2 est absorbé par l’eau et par le verre. Les tissus du cratère de destruction. On peut dire qu’ils facilitent ainsi l’effet
vivants qui contiennent 70 % d’eau sont donc très absorbants et les de section aux dépens de l’effet de coagulation.
effets du laser CO 2 (coagulation et vaporisation) sont très
superficiels et visibles. MISE EN JEU PRATIQUE DU LASER CO 2
Les effets du laser sont donc toujours des effets thermiques Le faisceau est invisible et doit être couplé à un laser visible de faible
correspondant à la transformation de l’énergie laser en chaleur à puissance (hélium-néon) qui permet de diriger le faisceau laser CO2
l’intérieur même des tissus. Aux environs de 70 °C, les protéines sont vers la cible désirée. La convergence des deux faisceaux est
coagulées. Cet effet peut être bénéfique lorsqu’on cherche à coaguler importante à vérifier avant chaque intervention car elle est un
des petits vaisseaux (jusqu’à 0,5 mm environ). Il peut également être élément capital dans la précision du geste opératoire.
nuisible car la coagulation des protéines des tissus de la lamina Le faisceau laser est absorbé par l’eau et le verre et ne peut donc pas
propria est susceptible de modifier les caractéristiques vibratoires être conduit par des fibres optiques. En phonochirurgie, le faisceau
de la muqueuse et d’entraîner une cicatrice rigide. laser doit donc être utilisé avec l’aide d’un microscope opératoire
Aux environs de 100 °C, les cellules explosent du fait de la auquel le laser est couplé par l’intermédiaire d’un micromanipulateur.
vaporisation de l’eau intra- et péricellulaire. Cet effet destructeur Par un système de miroirs semi-transparents conçus dans des
peut correspondre à un effet de coupe si le faisceau est suffisamment matériaux spéciaux, les deux faisceaux peuvent être acheminés
fin. Sur les lasers CO2 de première génération, le diamètre du jusqu’aux cordes vocales à travers le laryngoscope (fig 15).

6
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

les plus faibles possibles avec le mode pulsé. Un autre moyen


1 2 3
consiste à étirer la lésion à enlever vers la ligne médiane de manière
à limiter la possibilité de lésion en profondeur. En revanche, il existe
là un risque de lésion de la région sous-glottique qui doit être
prévenu par l’utilisation de cotonnettes mouillées. Un rayon trop
puissant peut transpercer la paroi de la trachée sous-glottique en
entraînant un emphysème ou une hémorragie thyroïdienne. Ces
accidents restent rares, surtout aux puissances utilisées en
4 5 6 phonochirurgie et se rencontrent plutôt dans les cas de cordectomie
laser.
16 Coaxialité des faisceaux CO2 et hélium-néon.
1. Système optique du microscope ; 2. laryngoscope ; 3. cible ; 4. miroir du micro-
manipulateur laser ; 5. faisceau laser ; 6. faisceau laser dévié.
¶ Inflammations
Elles sont dues à l’inflammation de la sonde d’intubation et/ou à la
On a vu qu’une grande partie des progrès récents a consisté en présence d’un gaz explosif [7]. Le matériau des sondes n’est jamais
l’amélioration de la focalisation du faisceau pour obtenir des un gage absolu de sécurité et des accidents ont été décrits avec des
diamètres de spot les plus réduits possibles. Les lasers conduits par sondes en polychlorure de vinyle, en silicone, en Téflont et même
fibre comme le laser KTP et le laser Yag n’ont pas d’indication en avec des sondes gainées d’aluminium. Hirshman rapporte, par
phonochirurgie et leur utilisation n’est pas détaillée ici. Le laser KTP exemple, un cas d’ignition d’une sonde protégée par de l’aluminium
peut également être véhiculé par un micromanipulateur et son mais échauffée par des rayons réfléchis [15].
utilisation envisagée en laryngologie. Cependant, ses caractéristiques Les accidents peuvent être graves avec des explosions entraînant
physiques privilégient l’effet de coagulation et son usage en des déchirures et des brûlures graves de la trachée et du larynx ainsi
phonochirurgie reste très limité. que des contusions pulmonaires [7]. La prévention de ces accidents
passe bien sûr par la protection de la sonde et surtout du ballonnet
avec des compresses humides et/ou de l’aluminium. Elle passe aussi
DANGERS DU LASER EN PHONOCHIRURGIE par le remplacement de l’oxygène par de l’air au moment des tirs
Les incidents et accidents dus à l’emploi du laser pour une laser. Il est à noter que le chirurgien doit attendre une dizaine de
laryngoscopie en suspension ont été classifiés par Romanet (in [9]). secondes après que l’oxygène a été coupé. De même, l’anesthésiste
Ils sont le fait, soit d’un égarement du rayon, soit d’un rayon trop doit attendre un dizaine de secondes avant de réintroduire le gaz
puissant, soit encore de la coexistence du rayon avec un gaz explosif. explosif dans une sonde d’intubation potentiellement échauffée.

¶ Égarement du rayon
Indications
Il peut être dû à une réflexion du rayon laser sur des surfaces
réfléchissantes. Il peut alors atteindre le personnel ou le malade si le L’examen des cordes vocales est le préliminaire à toute discussion
rayon n’est pas renvoyé dans le champ du laryngoscope. La thérapeutique. Si les cordes vocales sont mal vues ou s’il n’est pas
réflexion peut également se faire à l’intérieur du laryngoscope et possible d’éliminer formellement une lésion suspecte ou maligne,
réaliser des impacts intempestifs sur l’axe aérien du patient. Parfois, un bilan sous anesthésie générale doit être prévu.
il s’agit d’un découplement des lasers hélium-néon et CO2. Dans ce Dans les cas de lésions parfaitement identifiées comme bénignes et
cas, la cible est éclairée au bon endroit par le faisceau de visée mais relevant de la phonochirurgie, il faut construire avec le patient un
le rayon actif n’est pas correctement collimaté et l’impact CO2 se fait véritable projet thérapeutique tenant compte des possibilités
à un autre endroit. Cet incident est généralement sans gravité, techniques chirurgicales mais aussi du caractère fonctionnel et bénin
surtout lorsque de faibles puissances sont utilisées. De même, la de ces lésions. L’objectif n’est pas de réaliser l’exérèse d’une lésion
coaxialité de l’axe optique du microscope et de l’axe du faisceau mais bien de prendre en charge un problème fonctionnel parfois
laser (objectivé par le laser hélium-néon) doit être vérifiée avant complexe. Dans ces conditions, la chirurgie doit rester en retrait par
toute intervention (fig 16). Ce défaut est plus grave que le précédent. rapport aux traitements rééducatifs, même en cas de lésion
En effet, une partie du faisceau laser peut être réfléchie en dehors parfaitement organique comme les kystes et les sulcus. En
du laryngoscope, sans que l’opérateur ne s’en aperçoive particulier, pour ce qui concerne les lésions nodulaires et assimilées,
immédiatement. la première place revient à la rééducation orthophonique. On voit
Les lésions chez le patient intéressent principalement la peau du donc que la rééducation orthophonique fait partie intégrante du
visage et en particulier la peau de la lèvre supérieure. Elles peuvent projet thérapeutique et qu’elle ne doit pas être proposée au patient
également intéresser les yeux. Pour ces raisons, le patient doit avoir après l’intervention pour tenter de corriger les cas dont la voix
les yeux fermés par un sparadrap et recouverts par des compresses postopératoire est médiocre.
humides. De même, le visage du patient doit être protégé par des L’interrogatoire permet de cerner la demande du sujet, personnelle
champs (type compresses intestinales) humides. On veille avec un ou professionnelle, de rechercher une demande implicite et de faire
soin particulier à bien plaquer ces protections contre le la part de ce qui revient à l’inquiétude quant à la nature de la lésion
laryngoscope, par exemple avec du ruban adhésif. et à la pression de l’entourage. Dans certains cas, le patient est en
effet parfaitement indifférent à son problème de voix et demande
Les lésions chez le personnel peuvent être des brûlures légères de la
simplement à être rassuré sur la nature de sa lésion. Il n’est pas rare
peau mais aussi des lésions oculaires [32] . Le port de lunettes
de voir des patients qui n’avaient même pas conscience d’une
spéciales doit donc rester une règle absolue, de même que le
anomalie de leur voix (cas des examens réalisés systématiquement à
maintien des portes fermées avec un avertissement spécial
l’occasion d’une autre affection). Dans la plupart des cas cependant,
concernant l’usage du laser dans cette salle opératoire.
il existe une véritable souffrance due à la dysphonie. Le fait est
évident chez les chanteurs et les comédiens mais il est également
¶ Trop grande puissance
réel chez tous les patients lorsque l’usage de leur voix est
Dans ce cas, la vaporisation est excessive et dépasse en profondeur indispensable pour leur profession ou leur activité principale. Il est
le site à détruire. Surtout, la zone de coagulation protéique (zone important, lors du bilan préopératoire, de chercher à mettre en
des dégâts « thermiques ») est plus étendue en profondeur et risque évidence et éventuellement à quantifier cette gêne, ce qui permet de
de contribuer à « solidariser » la muqueuse et le ligament vocal ou à mieux cerner le résultat [11, 31].
entraîner une zone de rigidité muqueuse trop importante. Le moyen Si la personne n’est pas motivée par sa dysphonie, ce qui est par
de prévention le plus efficace consiste à utiliser de faibles puissances, exemple le cas des enfants trop jeunes ou des personnes âgées, il

7
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

peut être préférable de proposer une simple surveillance. Du fait de 5 ans. L’usage de la vidéo permet d’interpréter plus aisément les
la bénignité de ces lésions, une surveillance annuelle est suffisante. examens, surtout en cas d’image fugace, chez les patients
Dans certains cas, quelques conseils d’hygiène vocale sont prodigués pusillanimes ou nauséeux. Le recours à l’examen sous anesthésie
afin de diminuer l’importance du forçage vocal. Si, à l’inverse, la générale à visée diagnostique doit être exceptionnel.
personne est motivée, nous proposons une attitude qui dépend du L’examen stroboscopique permet d’avoir une image artificiellement
diagnostic de la lésion présente sur les cordes vocales. ralentie du mouvement vibratoire des cordes et d’observer
En cas de lésions nodulaires, nous jugeons de l’évolution de la voix l’amplitude et la symétrie de la vibration ainsi que la qualité de
après une dizaine de séances de rééducation. Si l’amélioration vocale l’affrontement des cordes vocales. Cet examen nécessite quelques
est jugée faible après une rééducation bien suivie et bien comprise, secondes de phonation stable et il n’est pas toujours réalisable.
nous proposons une intervention de phonochirurgie suivie d’une L’examen retrouve des aspects variés correspondant aux lésions
nouvelle rééducation (12 à 20 séances). La taille de la lésion n’est cordales (nodules typiques, épaississements muqueux, etc) et aux
donc pas un élément déterminant de l’indication : chez les manifestations laryngées du forçage vocal (défaut d’affrontement
chanteurs, par exemple, on peut être amené à proposer parfois des postérieur des cordes, bascule antérieure des aryténoïdes, hypertonie
interventions pour des nodules de petite taille qui entraînent des et serrage des bandes ventriculaires).
modifications importantes de la voix chantée alors que la voix parlée Le bilan de la fonction vocale est idéalement réalisé par le médecin-
peut être normale. Si, au contraire, l’amélioration de la voix est jugée phoniatre mais le phonochirurgien doit en connaître les principales
satisfaisante, même avec des lésions persistantes sur les cordes étapes et être capable de la réaliser en l’absence de phoniatre. Cet
vocales, nous reposons le problème avec l’orthophoniste pour choisir examen est capital du fait que la phonochirurgie est une chirurgie
entre la poursuite des séances et une simple surveillance. fonctionnelle et que l’objectif thérapeutique du phonochirurgien
En ce qui concerne les polypes, on peut considérer que tout polype n’est pas l’aspect des cordes vocales mais l’amélioration de la
est justiciable d’une intervention de phonochirurgie car il est fonction vocale.
extrêmement rare qu’un polype disparaisse avec une rééducation L’écoute directe, à l’oreille, reste la plus précise et la plus fiable pour
orthophonique. Cependant, la rééducation orthophonique doit être un opérateur entraîné. La voix doit être enregistrée dans de bonnes
proposée et si possible commencée avant l’intervention. Enfin, conditions techniques (magnétophone de qualité, microphone
l’hypothèse d’une lésion de type kyste doit être évoquée : 15 % des électrostatique) et doit obéir à un minimum de standardisation
polypes, pour Bouchayer et Cornut, seraient la complication d’une (listes de mots et/ou phrases types) pour permettre des
lésion intracordale qu’il n’est pas toujours facile de mettre en comparaisons avant et après intervention [23]. La voix est altérée par
évidence lors de l’examen préopératoire. Cette hypothèse doit être la présence de la lésion et n’est que rarement spécifique d’une
évoquée au moment de l’indication de manière à décider avec le affection particulière. Elle est le plus souvent grave, rauque, plus ou
patient de la conduite à tenir en cas d’une telle découverte pendant moins voilée. Il existe souvent de brèves extinctions ou
l’intervention. La règle générale est, bien sûr, l’exérèse de ces lésions « désonorisations ». La dysphonie est la plupart du temps
associées. Mais elle peut être nuancée en cas de polype volumineux, permanente chez les patients justiciables d’un traitement
manifestement récent associé à un tout petit sulcus controlatéral. phonochirurgical. Elle est cependant souvent variable dans la
Dans ces cas, il est possible d’avertir le patient de l’existence de la journée avec un démarrage matinal difficile, une amélioration dans
lésion et de ne proposer qu’une simple surveillance. la matinée, puis une nouvelle aggravation en fin de journée, surtout
Les kystes et les sulcus (kystes ouverts) sont également des après le travail. Une dysodie (trouble du chant) est presque toujours
indications formelles de chirurgie mais il est important d’évoquer présente, avec amputation de la partie la plus aiguë de la tessiture.
avec le patient la possibilité d’une simple surveillance. Lorsque le L’observation du sujet en situation phonatoire doit accompagner
patient est suffisamment motivé et qu’une intervention chirurgicale l’écoute de la voix : état de crispation des muscles du cou, type
est prévue, la rééducation orthophonique préopératoire doit être respiratoire employé (thoracique, abdominal, mixte), posture
proposée car elle peut permettre une diminution du forçage vocal et générale. Ces renseignements font référence à la notion d’effort vocal
favoriser la reprise d’une bonne voix postopératoire. et doivent être surveillés lors de l’évolution. Si cela est possible, un
Les vergetures et les encoches doivent, en revanche, être opérées document vidéo est encore plus explicite et facile à comparer.
avec beaucoup de parcimonie car les résultats sont souvent Les mesures objectives concernant la voix sont plus rarement
décevants si la dysphonie préopératoire et l’inconfort vocal ne sont réalisées en pratique quotidienne mais sont appelées à se développer
pas assez importants. Dans tous les cas, la rééducation préopératoire rapidement, qu’il s’agisse de mesures acoustiques « classiques » ou
doit être longtemps poursuivie pour ne proposer une intervention de mesures aérodynamiques [11].
qu’après avoir épuisé tous les autres moyens thérapeutiques. En ce
qui concerne les encoches postopératoires, il est prudent de ne
jamais opérer moins de 1 an après l’intervention initiale. Anesthésie
De même, le caractère extrêmement récidivant des granulomes doit
être expliqué au patient avant l’intervention et l’indication ne doit La phonochirurgie est une chirurgie fonctionnelle à la limite de la
être posée qu’en cas de gêne très importante et uniquement après chirurgie esthétique, le risque opératoire doit donc être minimal et
échec de la rééducation orthophonique et des traitements à visée les contre-indications à l’anesthésie générale doivent être
étiologique (traitement médical du reflux gastroœsophagien en impérativement respectées [9, 10].
particulier) et dans tous les cas après suppression des facteurs de
risque [37].
RÈGLES GÉNÉRALES
En phonochirurgie, chirurgien et anesthésiste doivent se partager le
Bilan pré- et post-thérapeutique même champ opératoire mais les impératifs de l’un et de l’autre
doivent être respectés.
Le bilan oto-rhino-laryngologique doit toujours être complet lors du Pour l’anesthésiste, la préoccupation essentielle est le maintien d’une
bilan préopératoire, à la recherche de signes d’inflammation au hématose satisfaisante malgré une anesthésie générale qui doit être
niveau des muqueuses rhinopharyngées. L’examen des cordes profonde du fait du caractère très réflexogène du larynx. Une autre
vocales a bénéficié des progrès technologiques. La démarche préoccupation, compte tenu d’interventions généralement brèves
diagnostique initiale est facilitée par l’utilisation du fibroscope mais (< 20 min) est la rapide réversibilité de l’anesthésie. Pour le
l’épipharyngoscope offre une image plus grande et une meilleure chirurgien, la visibilité du plan glottique et son immobilité sont les
appréciation de la tumeur. Son utilisation ne pose pas de problème impératifs les plus importants. Si le patient est intubé, le calibre de
habituellement, y compris chez l’enfant « raisonnable » à partir de la sonde doit être suffisamment petit pour ne pas gêner l’acte

8
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

opératoire. L’immobilité du plan glottique impose le maintien d’une Installation


apnée (due à la dépression inspiratoire induite par l’anesthésie ou
par l’utilisation de curares). La ventilation assistée, manuelle ou
Le patient est allongé sur la table, la tête relevée par une têtière
mécanique, est donc indispensable. Les techniques permettant une articulée de manière à lui faire prendre la position du « guetteur ».
ventilation spontanée (neuroleptanalgésie, narcoanalgésie) ne sont Le cou est ainsi en légère flexion sur le tronc et la tête en
plus utilisées dans les équipes qui pratiquent régulièrement cette hyperextension sur le cou. Cette position permet de bien dégager la
chirurgie. En effet, l’immobilité parfaite du plan glottique et la commissure antérieure et de détendre la corde vocale. On peut fixer
stabilité de l’anesthésie pendant l’intervention sont une condition la tête sur la tablette à l’aide d’un ruban adhésif ou à l’aide d’un
essentielle du déroulement du geste opératoire. anneau de caoutchouc.
Le choix de l’accès trachéal ne fait pas l’objet d’un consensus entre La mise en place du laryngoscope (fig 17) nécessite un parfait
les artisans de la sonde trachéale de petit calibre et les tenants de la relâchement des muscles cervicaux et du larynx. La coopération avec
jet-ventilation. l’anesthésiste est ici cruciale ; par exemple, il peut être nécessaire de
L’intubation par sonde et la ventilation « conventionnelle » curariser le patient pour obtenir le relâchement musculaire désiré.
nécessitent des sondes de petit calibre mais suffisamment longues, Le laryngoscope est choisi le plus large possible parmi les
venant se caler entre les aryténoïdes. Il existe des sondes adaptées laryngoscopes disponibles. Il est introduit en prenant garde aux
au catalogue de toutes les grandes marques (Bivona, Mallinckrodt, dents et surtout aux incisives supérieures qui sont protégées par un
Portex). En cas d’usage du laser, il est nécessaire de protéger la protège-dents ou, au moins, par une compresse humide.
sonde avec du papier aluminium, des compresses humides ou de L’introduction du laryngoscope doit être bien dosée. Trop peu
choisir une sonde spécialement conçue. De même, comme on l’a vu, enfoncé, les cordes vocales restent masquées par les bandes
au moment des impacts, les gaz potentiellement explosifs doivent ventriculaires et la commissure antérieure n’est pas visible. Trop
être remplacés par de l’air. Les avantages de l’intubation sont la enfoncé, il met trop en tension les cordes vocales et la commissure
possibilité d’utiliser des circuits anesthésiques conventionnels antérieure n’est encore pas visible. La bonne exposition est parfois
convenant à d’autres types de chirurgie éventuellement réalisés dans difficile à réaliser et il faut passer du temps car une bonne exposition
la même salle d’intervention. Cet avantage est d’autant plus est nécessaire pour une bonne chirurgie. Lorsque l’exposition est
important que le geste de laryngoscopie au laser est en général correcte, le laryngoscope peut être fixé à une tablette préthoracique.
court. Un autre avantage est la présence du ballonnet qui protège la Celle-ci peut également être soulevée avec précaution pour
trachée de la chute de débris et de sang. contribuer à visualiser correctement la commissure antérieure.
La bonne exposition de la commissure antérieure nécessite souvent
La jet-ventilation à haute fréquence (JVHF) utilise l’injection de gaz
la mise en place d’un ruban adhésif au niveau de la face antérieure
sous pression à travers un cathéter de petit calibre (3 à 4 mm de
du cou, fixé à la têtière. Le ruban abaisse la commissure antérieure
diamètre) placé, soit entre les cordes vocales, soit directement dans
et permet de la visualiser dans le laryngoscope.
la trachée par ponction intercricothyroïdienne. Pour le chirurgien,
cette technique a l’avantage de dégager complètement le champ Le microscope opératoire est alors mis en place devant l’ouverture
opératoire mais a l’inconvénient de ne pas protéger la région sous- distale du laryngoscope, équipé d’une focale de 350 ou de 400 mm
glottique de la chute de débris ou de sang. Cet argument est faible suivant les habitudes de l’opérateur. L’axe optique du microscope
dans le domaine de la phonochirurgie. L’existence d’un petit (parallèle à l’axe de sa source de lumière et, bien sûr, parallèle à
mouvement des cordes vocales sous l’influence des courants aériens l’axe du laser) doit être aligné avec l’axe central du laryngoscope.
peut nécessiter l’arrêt de la ventilation au moment du geste Idéalement, cet axe forme un angle de 45° par rapport au plan de la
chirurgical lui-même. Pour l’anesthésiste, la JVHF permet le table opératoire.
maintien d’une hématose correcte et le risque de pneumothorax est Les instruments de phonochirurgie sont préparés et disposés sur une
faible. tablette. Ils sont dérivés de l’instrumentation de microchirurgie
otologique mais leur manche est plus long, environ 22 cm pour
l’instrumentation de Bouchayer (MicroFrance). Ils comprennent
NOTRE PROTOCOLE deux jeux, un pour chaque côté. De chaque côté, on trouve une
Le patient est installé sur une table munie d’une têtière réglable. micropince fine (dite pince de Kleinsasser) et une micropince en
Après mise en place d’une voie veineuse périphérique et d’un « cœur » contre-coudée (dite pince de Bouchayer). On trouve
monitorage (électrocardioscope, oxymètre de pouls, brassard à
tension), il est préoxygéné au masque, déconnecté avec une injection
intraveineuse de benzodiazépine (par exemple, 10 mg de diazépam
[Valiumt]).
L’induction est faite avec 2 à 2,5 mg/kg de propofol (Diprivant) et
éventuellement 0,5 à 1 mg/kg de vécuronium bromure (Norcuront).
Après une anesthésie locale soigneuse (Xylocaïnet spray à 5 %), le
patient est intubé avec une sonde orotrachéale (le chirurgien peut
en effet mieux déplacer à sa guise la sonde que par voie
nasotrachéale). Nous utilisons une sonde non armée à ballonnet, du
calibre le plus réduit possible pour ne pas obstruer le champ
opératoire.
Le maintien de l’anesthésie est assuré par l’utilisation d’halogénés
en ventilation assistée manuelle. Lors de la chirurgie au laser, on
remplace l’oxygène par de l’air en surveillant la saturation du sujet
en O2. Si la saturation descend en dessous de 95 %, le tir est arrêté
et le patient oxygéné à nouveau jusqu’au retour à la normale.
Le réveil du patient se fait en salle de réveil avec poursuite du
monitorage. La corticothérapie intraveineuse est systématique pour
prévenir tout risque d’œdème postopératoire. Les suites opératoires
sont en général peu ou pas douloureuses. Le cas échéant, nous
prescrivons du paracétamol injectable (Prodafalgant). 17 Mise en place du laryngoscope.

9
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

également un décolleur mousse et une paire de microciseaux


courbes. Enfin, on dispose d’un bistouri lancéolé et d’une canule 18 Principe de l’exérèse du polype.
d’aspiration. Lorsqu’on utilise le laser, il est pratique de disposer
d’un système d’aspiration de la fumée. Il peut s’agir d’une canule
d’aspiration supplémentaire, solidaire du laryngoscope, ou
d’instruments spéciaux comportant un fin canal d’aspiration intégré
(instrumentation de Remacle [Pouret]).
Les gestes ancillaires nécessitent également la préparation de
matériel. Un bistouri électrique doit être installé de manière à faire
face à toute situation hémorragique. Son extrémité distale est munie
d’une micropince analogue aux micropinces fines de Kleinsasser. On
dispose également de cotonnettes (0,5 × 0,5 cm) refroidies et
imbibées de vasoconstricteurs, de colle biologique pour certains
auteurs, de cotonnettes imbibées de sérum physiologique (0,5 ×
2 cm) pour protéger la sous-glotte en cas d’utilisation du laser.

Techniques opératoires
Quelles qu’elles soient, ces méthodes doivent préserver absolument
le ligament vocal et la commissure antérieure. Elles doivent de plus
respecter autant que possible la muqueuse du bord libre et de la
face inférieure de la corde ainsi que les tissus constitutifs de l’espace
de Reinke qui doit rester l’espace de glissement nécessaire à la
vibration de la corde vocale lors de la phonation.

INSPECTION
On commence par vérifier l’ensemble du larynx et en particulier du
plan glottique. On prête attention à la vascularisation superficielle
des cordes : des vaisseaux dilatés convergeant en un point précis de
la muqueuse font suspecter une lésion sous-jacente comme un kyste.
Convergeant vers la commissure antérieure, ils font évoquer une
micropalmure. Il peut être utile de vérifier la région de la
commissure antérieure ou certaines zones difficiles avec des optiques
droites et à 30°.

PALPATION
Elle complète l’inspection en écartant les bandes ventriculaires pour 19 Préhension du polype.
visualiser toute la face supérieure de la corde. Il est possible de faire
ou sans microvascularisation. La muqueuse de surface ne peut pas
légèrement tourner la corde vocale sur son axe antéropostérieur
être conservée car elle est, soit atrophique, indissociable du polype,
pour bien visualiser son bord libre et inspecter sa face inférieure. Il
soit au contraire hyperplasique, voire légèrement dysplasique. Le
est surtout possible de palper soigneusement la corde vocale à l’aide
geste chirurgical consiste donc à enlever la lésion en totalité sans
d’une pince fine pour vérifier l’absence d’induration en profondeur
léser le ligament vocal ni, de façon excessive, le tissu de l’espace de
qui pourrait faire évoquer un kyste intracordal.
Reinke au voisinage de la lésion (fig 18).

CHOIX DU LASER OU DES MICRO-INSTRUMENTS ¶ Technique


En 1984, dans le rapport de la Société française d’ORL sur la voix La palpation et l’inspection permettent dans certains cas de
humaine et ses troubles, Frèche fit le point sur l’état des indications retrouver une lésion non diagnostiquée avant l’intervention et en
du laser CO2. Il considérait le laser CO2 comme un « must » dans le particulier un kyste ou un sulcus. L’indication chirurgicale au sujet
cas des cordites vasculaires, des granulomes aryténoïdiens et des de ce type de lésions est discuté ailleurs (cf supra).
œdèmes aryténoïdiens postlaser ainsi que des mininodules des Le polype est saisi avec la micropince en « cœur » adaptée, tenue
cordes vocales et des synéchies. En revanche, il considérait que le par la main controlatérale. La préhension doit être la plus « fine »
laser était moins efficace que la microchirurgie instrumentale dans possible pour ne pas réséquer plus de muqueuse qu’il n’est
les cas des kystes et des sulcus glottidis. L’évolution de la nécessaire. Dans certains cas, on peut s’aider en faisant « tourner »
technologie laser, avec l’apparition de faisceaux mieux focalisés, la la corde vocale sur son axe antéropostérieur avec une pince fine
maîtrise des basses puissances et le mode pulsé, permet maintenant pour mieux visualiser la berge inférieure du polype (fig 19).
de réaliser une véritable dissection au laser CO 2 réglé pour
La section du polype est ensuite effectuée à l’aide de la paire de
privilégier la section au détriment de la coagulation. Il semble donc
microciseaux courbes au ras de l’implantation du polype sur la
que actuellement, ces distinctions ne soient plus valables et que le
muqueuse saine. Il est possible [5, 19, 39] de pratiquer un décollement
laser et les micro-instruments aient des indications et des résultats
entre la face profonde du polype et le ligament (micro-flap technique).
très comparables, la différence étant plutôt une question de
Ce décollement peut éventuellement être réalisé au laser. En fin
préférence technique pour chaque opérateur.
d’exérèse, il existe une zone cruentée qui apparaît relativement large.
Un tamponnement est réalisé avec une cotonnette imbibée de
POLYPES ET NODULES vasoconstricteur mise en place pendant quelques instants. Si
nécessaire, l’autre corde vocale peut être opérée dans le même temps
¶ Principe (fig 20).
La lésion correspond à une tuméfaction siégeant principalement au La résection d’un polype ou d’un nodule, surtout lorsqu’il est
niveau du chorion qui est le siège d’une inflammation localisée avec angiectasique, est très confortable au laser grâce à la diminution du

10
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

*
A

*
B
23 Principe de résection de l’œdème de Reinke.

pulsé n’est pas utilisé puisqu’il ne s’agit pas d’obtenir une section
20 Section du polype. mais un simple « blanchiment » des vaisseaux superficiels.

¶ Suites
Les suites sont généralement simples, surtout lorsque l’intervention
a été unilatérale comme dans le cas des polypes. Après le repos
vocal de 6 jours, la récupération vocale est en général déjà assez
satisfaisante, parfois de façon spectaculaire. Le résultat vocal définitif
n’est cependant obtenu qu’au bout de 1 mois environ. La
rééducation orthophonique n’est pas toujours facile à faire accepter,
surtout lorsque le résultat vocal a été obtenu rapidement. Il reste
cependant utile de la proposer dans tous les cas, surtout dans le cas
d’une dysfonction vocale importante risquant d’être responsable
*
A *
B d’une récidive.
21 Exérèse au laser du polype.
A. Polype. ŒDÈMES DE REINKE
B. Après résection.
¶ Principe
22 Pièce histologique Il s’agit ici d’une lésion siégeant principalement au niveau du
après résection au laser (col- chorion qui est envahi par un œdème généralement assez « fluide »
lection docteur Remacle). n’adhérant pas, ni au niveau du ligament vocal, ni au niveau de la
muqueuse qui est « soufflée ». En cas de dysplasie de surface, la
muqueuse doit bien sûr être réséquée pour analyse histologique,
mais elle peut être le plus souvent conservée. Le principe chirurgical
est alors l’aspiration de l’œdème à travers une section muqueuse
réalisée au niveau du bord supérieur de la corde (technique de
Gould-Hirano). La résection de la muqueuse en excès après cette
aspiration doit être parcimonieuse et permettre si possible de
recouvrir la zone cruentée de la corde vocale après redrapage
(fig 23).

¶ Technique
Il est possible de réaliser une coagulation des microvaisseaux avec
le laser pour diminuer le saignement souvent assez gênant
petit saignement en « nappe » parfois observé en microchirurgie
(cf supra chapitre Polypes et nodules).
conventionnelle. Le mode de travail que nous préconisons avec
Remacle [28] est : faisceau focalisé à 300 µm pour une focale de On réalise ensuite une section de la muqueuse au niveau du bord
350 mm, mode pulsé, 2 à 3 W, impacts de 0,1 seconde. La pince attire supérieur de la corde vocale, à la jonction du plancher ventriculaire.
la lésion vers la ligne médiane de manière à ce que les impacts laser La section est réalisée de façon indifférente avec des microciseaux,
agissent en quelque sorte tangentiellement par rapport à la corde un bistouri lancéolé ou le laser. Dans ce cas, le laser est réglé comme
vocale (fig 21). pour la résection d’un polype (faisceau focalisé à 300 µm pour une
focale de 350 mm, mode pulsé, 2 à 3 W, impacts de 0,1 seconde).
Le polype comme le nodule est ensuite adressé systématiquement Puis le bord libre de la muqueuse est attiré vers la ligne médiane
pour une analyse histologique. L’utilisation du laser ne contre- par une pince en « cœur » et l’œdème est aspiré. Enfin, la muqueuse
indique en rien l’analyse histologique des lésions, y compris au est redrapée sur le ligament vocal et la muqueuse en excès est
niveau de leurs limites (fig 22) [28]. réséquée. Certains préconisent de fixer le microlambeau ainsi défini
Dans certains cas, il existe une ectasie vasculaire associée qui peut par quelques gouttes de colle biologique. Suivant les habitudes de
bénéficier d’une cautérisation au bistouri électrique ou, mieux, au l’opérateur, la colle est préparée pour une prise rapide ou une prise
laser. Les microvaisseaux sont coagulés au coup par coup à une lente, cette dernière facilitant le positionnement précis du lambeau
puissance de 1 W, avec un temps d’impact de 0,1 seconde. Le mode (fig 24).

11
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

25 Principe de résection du kyste.

26 Principe de résection du sulcus.

*
A

dans le chorion. La muqueuse de recouvrement est, soit


parfaitement normale et peut être conservée, soit porteuse de
l’ouverture du kyste au niveau du bord libre ; dans ce cas, les deux
berges de l’ouverture du kyste doivent être réséquées comme dans
un sulcus. L’ablation de la poche kystique en monobloc est une
garantie contre les récidives (fig 25, 26).
¶ Technique
Nous reprenons les principales étapes de la technique décrite par
Bouchayer [2]. L’intervention commence par une incision de la face
supérieure de la corde vocale, menée parallèlement au bord libre de
la corde, en regard du kyste. L’incision (cordotomie) peut être
réalisée, soit avec des micro-instruments comme le bistouri lancéolé,
*
B soit avec le laser CO2 avec le maximum de focalisation possible et
une puissance de 1 à 2 W, si possible en mode pulsé pour privilégier
24 Technique de résection de l’œdème de Reinke.
A. Section-aspiration. l’effet de section.
B. Redrapage. Puis le kyste est décollé à la fois du ligament vocal et de la
muqueuse. Il est possible de faciliter cette dissection par une
Sauf cas particulier, les deux cordes vocales sont opérées dans la injection sous-muqueuse de vasoconstricteurs [5, 19]. Le plan est en
même séance mais on prend garde de toujours respecter la région général plus facile à trouver en avant et en arrière du kyste. Puis le
de la commissure antérieure pour éviter l’apparition d’une synéchie. décollement est effectué (fig 27). Les micro-instruments sont
¶ Suites l’instrument le plus adapté, sauf en cas d’inflammation périkystique
où l’utilisation du laser peut diminuer le saignement en « nappe »
Elles sont souvent spectaculaires avec une voix beaucoup plus claire
parfois gênant, qui risque d’obscurcir le champ opératoire et de
et plus haute. Elles peuvent cependant être plus difficiles, surtout en
gêner l’identification précise des fibres du ligament vocal (fig 28).
cas d’intervention bilatérale. Il est prudent de prévenir le patient, en
En effet, dans quelques cas, le pôle externe du kyste peut s’enchâsser
cas d’œdème de Reinke important, que la période de récupération
entre les fibres du ligament vocal qui peut être dilacéré. Après
vocale peut être longue (4 à 6 semaines dans certains cas). La durée
l’intervention, la logette du kyste doit être inspectée avec soin pour
de cette phase de cicatrisation doit être connue du patient et doit
ne pas ignorer un deuxième kyste plus profond, parfois dans
être considérée au moment de l’indication thérapeutique et du choix
l’épaisseur du ligament vocal. Cependant, il faut connaître la
du moment de la chirurgie.
ressemblance entre un kyste dans le ligament vocal et les macula
KYSTES ÉPIDERMIQUES ET SULCUS flava. Dans le doute, la plus grande prudence s’impose. Puis la
muqueuse est rabattue et peut être fixée avec un peu de colle
¶ Principe biologique.
La lésion correspond à une tuméfaction intracordale, limitée par une En cas de kyste ouvert, l’intervention commence par l’incision des
paroi relativement résistante entourée d’une certaine inflammation berges supérieure et inférieure, de manière à circonscrire l’ouverture

12
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

27 Technique opératoire du kyste.


A. Décollement.
B. Poche muqueuse restante.

*
A *
B

28 Sulcus complexe.
A. Sulcus remanié difficile à distinguer des fibres liga-
mentaires.
B. Après intervention, le bord libre est rectiligne.

*
A *
B

de la poche épidermique. L’incision est réalisée avec un bistouri


lancéolé ou au laser (maximum de focalisation, 1 W, mode pulsé).
29 Technique opératoire
du pont muqueux.
Puis, le fond de la poche est décollé du ligament cordal de la même
manière que dans le cas des kystes fermés. Le décollement entre le
fond de la poche et le ligament vocal peut également être réalisé au
laser comme l’a montré Remacle. Puis la muqueuse de la région
sous-glottique est libérée sur quelques millimètres, ce qui permet
aux berges muqueuses supérieure et inférieure de la zone de
résection de s’affronter pour recouvrir la zone cruentée laissée par
l’exérèse du kyste.
Les ponts muqueux, considérés comme des kystes ouverts en deux
points, doivent bénéficier théoriquement de la même technique. Au
niveau du fond de la poche, il n’existe effectivement pas de
différence notable. En revanche, au niveau du pont muqueux lui-
même, il est le plus souvent difficile de le dédoubler dans l’épaisseur
pour enlever la partie profonde en monobloc avec la poche kystique
en conservant la bandelette muqueuse superficielle comme le
recommande Bouchayer [2]. Dans la plupart des cas, si le pont vocales ayant un aspect satisfaisant avec des signes inflammatoires
muqueux est mince et si le fond de la poche n’est pas trop remanié, modérés et la cicatrice de cordotomie n’est même plus visible. Plus
il est possible de simplement réséquer la bandelette en sectionnant souvent, la corde opérée est inflammatoire et la vibration
(aux microciseaux ou au laser) ses attaches antérieure et postérieure stroboscopique est absente. La voix est souvent médiocre, voilée,
(fig 29). instable, facilement désonorisée, surtout à faible intensité. Même
avec la rééducation orthophonique, l’amélioration reste lente et très
En ce qui concerne les kystes muqueux rétentionnels, la technique
progressive.
est quasiment identique à celle des kystes épidermiques mais la
fragilité de la coque kystique doit être connue. La dissection en est
VERGETURES ET ENCOCHES
donc très délicate et il est rare que l’on puisse en réaliser l’exérèse
complète sans l’ouvrir. Mais il est en général possible de séparer ¶ Principe
cette membrane de la muqueuse d’une part et du ligament vocal
L’objectif est d’enlever la muqueuse pathologique, atrophique et de
d’autre part, de manière à enlever en totalité la poche kystique. En
supprimer une adhérence très intime entre la muqueuse cicatricielle
fin d’intervention, la zone d’exérèse est très soigneusement vérifiée
et le plan du ligament vocal pour retrouver une zone de décollement
pour être certain d’avoir enlevé la totalité de la poche. Puis la
(fig 30) entre muqueuse et ligament. Il peut être nécessaire d’obtenir
muqueuse est rabattue selon la technique habituelle.
une augmentation de volume du muscle vocal en cas d’atrophie
musculaire associée (fig 31).
¶ Suites
Les suites sont souvent simples mais il est prudent de prévenir le ¶ Technique
patient que la récupération vocale peut prendre plusieurs semaines. L’intervention commence, comme pour les kystes ouverts, par une
Le premier contrôle postopératoire montre parfois des cordes incision au niveau des berges supérieure et inférieure de la vergeture

13
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

zone d’exérèse. Certains [8] proposent de réaliser de petites incisions


30 Principe du décollement des vergetures.
de la berge inférieure perpendiculaires à l’axe de la corde vocale
(fig 32).
Une injection dans le muscle vocal a été proposée pour augmenter
le volume de la corde vocale. Il peut s’agir, suivant les disponibilités,
de graisse, de collagène ou d’autocollagène.
Ces lésions sont bilatérales et les deux côtés sont opérés dans le
même temps, sauf en cas de dissection très difficile du premier côté
où il peut être préférable d’attendre 6 mois entre les opérations des
deux cordes vocales.

¶ Suites
Lors du premier contrôle postopératoire, l’aspect de sillon reste
souvent présent et la vibration stroboscopique reste faible. La voix
reste médiocre, parfois un peu plus grave qu’avant l’intervention
mais très souvent désonorisée, voilée. Ce n’est que progressivement
au cours de la rééducation que l’on voit apparaître une amélioration
31 Augmentation de volume de la corde de la fermeture glottique et de la souplesse des cordes vocales.
vocale. Cependant, le résultat n’est qu’exceptionnellement parfait. Au fur et
à mesure de la rééducation qui doit être longtemps poursuivie, la
voix devient plus grave, plus forte et plus « confortable », même si
le timbre garde souvent un aspect voilé. La majorité des patients,
lorsque l’indication est bien posée, sont très satisfaits car l’ensemble
du schéma thérapeutique (rééducation et chirurgie) diminue la
fatigabilité et augmente le volume sonore, diminue le forçage vocal
et les paresthésies associées.
De même, dans les cas de lésions cicatricielles, les examens
stroboscopiques postopératoires assez tardifs (deuxième ou
troisième mois) montrent dans les meilleurs cas une reprise de
l’ondulation muqueuse avec une amélioration de la fermeture
glottique, témoignant de l’efficacité du geste chirurgical. Le confort
vocal et l’intensité vocale sont améliorés. Il est cependant
exceptionnel d’obtenir le retour à une voix normale.

GRANULOMES

¶ Principe
ou de l’encoche. Puis, à l’aide du bistouri lancéolé ou du laser, on
Le trouble de la voix est en rapport avec le volume du granulome
cherche un plan de décollement entre la muqueuse et le ligament.
qui empêche l’accolement des apophyses vocales et qui est
Cette dissection est toujours difficile car la muqueuse adhère très
responsable d’une voix soufflée. Le geste chirurgical doit permettre
intimement au plan ligamentaire et ne peut pas toujours être
de régulariser le bord libre des apophyses vocales et de limiter les
conservée. Il est possible de s’aider d’une injection (hydrotomie),
risques de récidive par une cautérisation laser des berges et fond de
soit de corticoïdes [2], soit de vasoconstricteurs [5] dans le plan de la
la zone d’exérèse (fig 33).
lamina propria. Au niveau de la berge inférieure, le danger est de
réséquer abusivement des fibres conjonctives et musculaires et le
¶ Technique
décollement doit être particulièrement prudent. Comme pour les
sulcus, il peut être utile de décoller la muqueuse de la région sous- Le premier problème à régler est celui de la visibilité de la lésion
glottique pour éviter de laisser une zone cruentée au niveau de la qui peut être masquée par la sonde d’intubation et il est possible de

32 Technique de Ford (d’après Ford).

*
A *
B

14
Techniques chirurgicales Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales 46-350

¶ Suites
33 Résection du granu-
lome. Les suites peuvent être marquées par quelques douleurs pharyngées
A. Granulome cicatri- le soir de l’intervention, nécessitant la prescription d’antalgiques.
ciel.
B. Après résection la- Lors du contrôle postopératoire, il n’est pas rare que la région opérée
ser. montre, soit un enduit blanchâtre du type pseudomembranes, soit
même une réaction granulomateuse. Un traitement anti-
inflammatoire associé au traitement du reflux gastro-œsophagien
doit être prescrit. En cas de récidive, la réintervention ne doit pas
être trop précoce (cf chapitre Indications).

*
A
Traitement postopératoire
Il n’est pas systématique. Il est possible de prescrire une association
antibiotique à large spectre et corticoïdes ainsi que des aérosols
et/ou des sprays de corticoïdes. Dans certains cas, il peut être
nécessaire d’associer des antitussifs par voie générale.
Le repos vocal est habituellement prescrit pendant 6 jours environ.
Une durée plus importante n’a pas fait la preuve d’une efficacité
plus grande et peut être pénible pour le patient. Dans certains cas,
on peut autoriser le patient à parler mais en sonorisant faiblement
plutôt qu’en voix chuchotée qui est génératrice de tensions laryngées
et cervicales. Le contrôle postopératoire doit être effectué à 7 jours
*
B pour rassurer le patient dont la voix est souvent médiocre au
moment de la reprise vocale et pour l’inciter à entreprendre la
recourir à une anesthésie sans intubation. Nous préférons repousser rééducation orthophonique postopératoire qui doit avoir été prévue
la sonde d’intubation en avant, avec le bec du laryngoscope. Cette avant l’intervention. Lors de cette consultation, il est inutile de
méthode a l’avantage de garder les cordes vocales écartées, ce qui réaliser des examens sophistiqués de la voix, sauf cas particulier,
permet de bien voir la face interne des apophyses vocales. mais il est utile de réaliser une laryngoscopie associée à une
stroboscopie pour éliminer un éventuel granulome au niveau de la
Puis l’exérèse est effectuée au laser, en utilisant des constantes de
zone d’exérèse. Dans ce cas, il est indispensable d’avertir le patient
type « coagulation » : spot légèrement défocalisé, mode non pulsé,
mais des puissances toujours faibles de 1 à 3 W. La pièce d’exérèse que la cicatrisation sera plus longue que prévu, de poursuivre le
ne doit pas être vaporisée au laser mais découpée de manière à repos vocal et d’administrer un traitement corticoïde par voie
pouvoir être analysée en histologie. En fin d’intervention, il est générale et par voie locale.
possible d’injecter des corticoïdes au niveau de la zone d’exérèse Si l’aspect des cordes vocales est convenable, il est possible de
afin de limiter la réaction inflammatoire postopératoire et de limiter commencer la rééducation orthophonique postopératoire aux
ainsi l’incidence des récidives. environs du 15e jour.

Références ➤

15
46-350 Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Techniques chirurgicales

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16
¶ 46-370

Techniques chirurgicales
de réhabilitation vocale
après laryngectomie totale
O. Choussy, K. Elmakhloufi, D. Dehesdin

La laryngectomie totale reste encore indiquée dans le traitement des carcinomes épidermoïdes
pharyngolaryngés étendus. Elle entraîne une mutilation importante, celle de la parole. Depuis plus de
20 ans, de nombreux spécialistes se sont intéressés à la réhabilitation vocale après laryngectomie totale.
Deux types de réhabilitation chirurgicale doivent être évoqués : soit prothétique, plus simple mais plus
onéreux, soit chirurgical, plus complexe, auquel nous rattacherons la technique de Pearson. Ils
comportent des risques propres et nécessitent de discuter les indications en fonction de l’extension
tumorale mais aussi en fonction du terrain, tant sur le plan physiologique que psychologique. Cette
réhabilitation vocale est d’une importance capitale pour ces malades dont le traitement passe par une
mutilation car elle a pour but de contribuer à une réinsertion sociale, voire parfois professionnelle,
nécessaire à la qualité de vie.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Réhabilitation vocale après laryngectomie ; Prothèse phonatoire ;


Shunt trachéo-œsophagien continent ; Hémilaryngectomie étendue de Pearson

Plan mies partielles, les protocoles de préservation laryngée et les


techniques non chirurgicales que sont la voix œsophagienne et
les prothèses vocales électroniques.
¶ Introduction 1
La réhabilitation vocale doit obéir à certains principes de
¶ Réhabilitation prothétique 1 base :
Principe 1 • elle ne peut être envisagée au détriment de la qualité de
Matériel 2 l’exérèse tumorale ;
Technique 2 • le protocole de prise en charge décidé en comité multidisci-
Section du muscle cricopharyngien 2 plinaire ne doit pas être modifié ;
Résultats 2 • elle ne doit pas retarder la cicatrisation ni les traitements
Complications 2 complémentaires ;
¶ Reconstruction chirurgicale : shunts trachéo-œsophagiens • elle ne doit pas retarder ni entraver la reprise alimentaire ;
continents 4 • elle ne doit pas allonger la durée d’hospitalisation ni aug-
Technique d’Asaï modifiée par Putney et Bagley 4 menter le coût de prise en charge des patients.
Techniques de Staffieri 4 Au contraire, elle a pour objectif de redonner une autonomie
Technique de Strome 5 et un moyen de communication au patient.
¶ Technique de Pearson 7
Technique
Soins postopératoires
7
8
■ Réhabilitation prothétique
Résultats 8 Cette réhabilitation vocale, introduite par Blom-Singer en
Complications 8 1980, [1] semble à ce jour être la technique de référence de la
¶ Autres techniques 9 réhabilitation vocale après laryngectomie totale. [2]
¶ Conclusion 9
Principe
Les prothèses phonatoires sont mises en place au travers
d’une fistule créée chirurgicalement entre trachée et œsophage
■ Introduction qu’elles vont calibrer. Elles sont constituées schématiquement
d’un tube unidirectionnel permettant le passage de l’air expiré
La laryngectomie totale entraîne, en l’absence de reconstruc- au travers de la prothèse sans risque d’inhalation lors de la
tion, la disparition de la fonction phonatoire. Afin d’améliorer déglutition. [3]
la qualité de vie de nos patients, différentes techniques de L’hyperpression trachéale réalisée par obstruction manuelle
réhabilitation vocale ont été proposées de longue date. ou mécanique du trachéostome lors de l’expiration chasse l’air
Dans ce chapitre de technique chirurgicale, ne seront déve- dans le pharynx via la prothèse ; la phonation est produite alors
loppés que les principes chirurgicaux de réhabilitation vocale par vibration des replis muqueux pharyngés en utilisant les
après laryngectomie totale. Sont d’emblée exclus les laryngecto- cavités de résonance habituelles bucco-vélo-pharyngées.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-370 ¶ Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale

Matériel la jonction cutanéomuqueuse sur la paroi postérieure du


trachéostome, se fera de la trachée vers l’œsophage, celui-ci
Il existe plusieurs types de prothèses. étant protégé par l’endoscope dont la lumière sera tournée vers
• Les prothèses amovibles que le patient ôte pour les nettoyer la paroi antérieure du pharynx. Un guide est introduit dans
et replace tout seul quotidiennement (Blom-Singer) ; ces l’orifice et récupéré par voie endoscopique ; la prothèse, fixée à
prothèses ont été quasiment abandonnées et remplacées par ce guide, est descendue au travers du tube rigide et positionnée
des prothèses permanentes. au travers de la fistule en s’assurant du passage complet de la
• Les prothèses fixes dont le nettoyage se réalise in situ et dont collerette trachéale.
le remplacement est assuré par le chirurgien en consultation. Le risque de cette technique est la perforation postérieure de
La majorité des prothèses phonatoires sont monoblocs l’œsophage qu’il est indispensable de protéger avec l’endoscope.
(nombreuses) (Blom-Singer, Provox, Groningen, Eska etc.) ; Pour certaines équipes, un traitement antibiocorticoïde sera
un certain nombre d’entre elles comportent diamètres et prescrit en postopératoire. [4]
longueurs différents ; seule la prothèse de Traissac-Vygon est
en deux parties pour adapter la longueur de la prothèse à Technique secondaire
l’épaisseur du mur trachéo-œsophagien à l’aide d’un
mesureur. La pose d’une prothèse peut être envisagée secondairement,
à distance du traitement initial, en cas d’échec de la voix
Technique œsophagienne, selon la technique dite secondaire.
La prothèse sera mise en place par voie endoscopique selon
Le choix de la technique est fonction du patient, du type la même technique que celle décrite pour la technique primaire
d’intervention et varie selon les équipes. différée.
La pose primaire d’une prothèse est à privilégier ; elle réduit
le nombre d’étapes chirurgicales et permet d’obtenir une
restauration vocale rapide, dès la cicatrisation, évitant ainsi de Section du muscle cricopharyngien
longs mois de rééducation ; cependant, la prothèse impose des
contraintes supplémentaires pour le patient et l’équipe chirur- La section du muscle cricopharyngien est réalisée par certains
gicale (entretien quotidien, changements de prothèse) et peut auteurs [1, 6] dans le but de diminuer la pression du sphincter
être source de complications. supérieur de l’œsophage. Pour ces auteurs, l’hypertonie du
Secondairement, une prothèse pourra être proposée en cas cricopharyngien entraîne une distension œsophagienne créant
d’échec de la voix œsophagienne chez un patient particulière- la fermeture de son sphincter supérieur. Pour d’autres, [7, 8]
ment motivé, mais la radiothérapie entraînant des séquelles l’hypotonie de celui-ci serait défavorable à la voix prothétique.
trophiques, la décision sera prise en fonction de la motivation Il nous semble intéressant de tester le sphincter supérieur de
du patient, de l’état trophique, des doses et champs de radio- l’œsophage au cours de la laryngectomie et en dehors de toute
thérapie afin de minimiser le risque d’élargissement de la fistule curarisation. Si celui-ci est aisément franchissable, sa section
œsotrachéale dont la prise en charge sera détaillée dans les n’est pas obligatoire ; au contraire, une hypertonie devra faire
complications. discuter sa section extramuqueuse.

Technique primaire Résultats


La prothèse phonatoire peut être proposée d’emblée au
patient ; elle sera posée lors de l’acte chirurgical, selon la Échecs et abandon
technique dite primaire.
Trente pour cent des patients ne se serviront pas de leur
La technique utilisée est identique quel que soit le type de
prothèse. Les principales causes de non-utilisation sont :
prothèse, sans allongement majeur du temps chirurgical
• le manque de motivation, élément essentiel ;
(15 min environ) ; certaines nécessitent un ancillaire spécifique
• les soins qui leur semblent trop importants ;
(Provox, Groningen, Hermann) ; les autres utilisent du matériel
• une mauvaise dextérité qui aurait dû être évaluée en préopé-
non spécifique. Une fois la pièce opératoire retirée, la ponction
ratoire ;
trachéale est réalisée de dehors en dedans et de bas en haut sur
• les complications à répétition ;
la paroi postérieure de la trachée, à environ 1 cm du bord
• le succès de la voix œsophagienne ou le mauvais résultat de
supérieur du trachéostome. Il est préférable de confectionner la
la voix prothétique.
moitié antérieure du trachéostome avant de débuter la
puncture.
Lors de cette puncture, la paroi postérieure de l’œsophage Résultats phoniatriques
doit être protégée à l’aide d’un écarteur ou d’une lame malléa- L’ensemble de la littérature s’accorde pour dire que les
ble. La position de l’orifice trachéo-œsophagien est importante : résultats de la voix œsotrachéale sont supérieurs à ceux de la
trop proche de la berge supérieure du trachéostome, la collerette voix œsophagienne, même si ceux-ci se dégradent dans le
viendra gêner la suture ou la cicatrisation de celui-ci ; trop basse temps. [2, 9]
elle nécessite alors de plus fortes pressions lors de l’expiration Précocement, on retrouve 80 % de bons résultats dans de
pour obtenir une émission vocale. [4] nombreux articles colligés en partie par De Raucourt. [10, 11] À
La mise en place de la prothèse se fait dans le sens œsotra- 5 ans, ce chiffre est de 70-75 % et semble peu à peu s’étioler
chéal, par voie rétrograde, en s’assurant du passage de la bien que les effectifs soient faibles.
collerette trachéale dans sa totalité. Pour la prothèse Traissac- Akbas [12] retrouve, sur sa série de 187 patients, un succès
Vygon, la collerette trachéale sera positionnée en tenant compte vocal prothétique chez 71 % ; Geraghty [13] retrouve un succès
de l’œdème postopératoire et devra donc être contrôlée ulté- immédiat de 70 % et un succès à plus de 3 ans de 66 %.
rieurement en cours de cicatrisation.

Technique primaire différée Complications


Dans certains cas, selon l’importance de la résection et des Perforation pharyngo-œsophagienne
techniques de reconstruction utilisées lors de l’acte chirurgical,
et surinfection [14]
la pose de prothèse sera différée ; une fois la cicatrisation
obtenue et avant l’irradiation postopératoire. Complication exceptionnelle, elle est plus fréquente lors des
Elle est réalisée par voie endoscopique, sous anesthésie poses secondaires. Elle met le pronostic vital en jeu avec risque
générale pour la majorité des équipes. [5] Le repérage du mur de cellulite cervicale, médiastinite, abcès. Le traitement repose
trachéo-œsophagien s’effectue sous œsophagoscopie ou hypo- sur l’antibiothérapie associée, si nécessaire, au drainage
pharyngoscopie, ainsi, la puncture, qui se situera à 1 cm sous chirurgical.

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale ¶ 46-370

Nécrose extensive à partir de la fistule


œsotrachéale [10, 15]
L’hygiène locale, les manipulations régulières, une prothèse
mal adaptée sont des facteurs favorisants de cette nécrose. Le
traitement repose sur des soins de nursing sous couvert d’une
canule de trachéotomie à ballonnet et par une fermeture de la
fistule œsotrachéale secondaire, nécessitant le plus souvent un
lambeau musculaire ou myocutané d’interposition.

Rétrécissement du trachéostome
Complication fréquente secondaire à l’obstruction digitale et
au processus de cicatrisation, elle est favorisée par la radiothé-
rapie. La conduite à tenir repose sur l’instauration d’un traite-
ment antibiotique et anti-inflammatoire, ainsi que sur le
calibrage par canule de trachéotomie. Ultérieurement, une
plastie d’élargissement du trachéostome pourra être proposée. Le
meilleur traitement repose sur la prévention : trachéostome
primaire large, utilisation d’un « nez » artificiel, bonne adapta-
tion de l’implant phonatoire. [16]

Fuite prothétique
La valve est endommagée, responsable de fausses routes à la
déglutition. Cette complication est la plus fréquente et provient
d’une dégradation de la prothèse. Cette dégradation est reliée,
pour de nombreux auteurs, [14-16] à une colonisation mycotique
dont Candida albicans serait le plus fréquent. [17] Cette coloni-
sation est favorisée par le reflux pharyngo-œsophagien qu’il
convient de traiter efficacement. Elle nécessite le remplacement
de celle-ci.
La prothèse Blom-Singer propose un kit de changement de
prothèse comportant une gélule dans laquelle on glisse la
prothèse ; la prothèse est glissée dans la fistule œsotrachéale à
partir de la trachée à l’aide d’un introducteur spécifique ; la
portion œsophagienne de la gélule se délite spontanément en
quelques secondes, on retire la capsule trachéale, si la prothèse
tourne sur 360°, cette dernière est en place.
La Provox 2 comporte un stylo introducteur. Après mise en
place de la prothèse dans le stylo, celui-ci est positionné au
niveau de l’orifice trachéal de la fistule œsotrachéale et la
prothèse poussée en place. Après vérification du bon position-
nement de la collerette trachéale, la prothèse est libérée.
Pour les prothèses Provox 1, Traissac-Vygon et Groningen,
après ablation de la prothèse, un guide spécifique est introduit
par l’orifice trachéal dans la fistule œsotrachéale et remonté
jusqu’à la bouche où il est récupéré, son extrémité distale étant
maintenue au niveau du trachéostome. La prothèse est fixée au Figure 1.
niveau buccal, la prothèse est ensuite descendue par traction sur A, B, C. Remplacement d’une prothèse de Traissac-Vygon. [4]

l’extrémité distale du guide puis vérification du passage de la


collerette trachéale ou positionnement de celle-ci (Traissac- la plus large des prothèses du marché ?) ou la réalisation d’un
Vygon) (Fig. 1). patch de Silastic,® technique décrite par Blom et Remacle, [18]
La durée de vie des prothèses est très variable d’un patient à qui permettrait la cicatrisation sous-jacente de la muqueuse
l’autre ; les facteurs influençant celle-ci sont la qualité du trachéale en 3 à 4 semaines. Une fine feuille de Silastic ®
nettoyage de la prothèse, le reflux gastro-œsophagien et la découpée en collerette est glissée, après anesthésie locale, entre
colonisation mycotique. la prothèse phonatoire et la paroi trachéale. Cette collerette est
de diamètre externe plus large que la prothèse, son diamètre
Fuite périprothétique interne étant réduit au maximum pour éviter sa chute et son
Elle est secondaire à un élargissement de la fistule œsotra- inhalation. Une fois positionnée, elle doit permettre l’étan-
chéale par traumatismes locaux (iatrogène, reflux gastro- chéité. Si tel est le cas, elle sera laissée en place 15 jours-
œsophagien, etc.) ou prothèse mal adaptée. 3 semaines, l’assèchement de la fistule permettant sa
La conduite à tenir varie selon les auteurs et schématique- cicatrisation.
ment, il existe des techniques visant à rétrécir la fistule œsotra- Les techniques de rétrécissement de la fistule peuvent faire
chéale et les techniques d’obstruction de celle-ci. appel à l’injection périfistulaire de divers matériaux. Prothèse en
La première chose à réaliser est la vérification de la bonne place, l’injection de collagène, [19] de graisse autologue [20] en
adaptation de la prothèse. Le mur trachéo-œsophagien va regard de la zone de déhiscence peut permettre le retour à la
s’amincir au fur et à mesure du temps (disparition de l’œdème continence. En cas d’échec, l’ablation de la prothèse est
post-thérapeutique etc.) et la longueur de la prothèse pourra ne nécessaire et donc temporairement la pose d’une sonde naso-
plus être adaptée. Le simple changement en utilisant une gastrique. L’ablation de la prothèse permet à la fistule, dans
prothèse plus courte ou la modification de la position de la biens des cas, de se refermer. Afin d’éviter la fermeture complète
collerette (prothèse Traissac-Vygon) permettra souvent de régler de la fistule, une fine sonde urinaire peut être maintenue en
le problème. son sein pour la calibrer.
Les techniques d’obturation sont à notre connaissance de Beaucoup plus rarement, elle oblige à la réalisation d’une
deux ordres : l’utilisation d’une prothèse plus large type fermeture chirurgicale de la fistule œsotrachéale avec plastie
Groningen (mais que faire une fois que nous avons opté pour locale ou régionale.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-370 ¶ Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale

Invagination de la prothèse Technique d’Asaï modifiée


L’extrémité trachéale de la prothèse n’est plus guère visible par Putney et Bagley
car recouverte par enfouissement au sein de la muqueuse de la
paroi trachéale postérieure. Le facteur favorisant principal est le Technique
port de la canule de trachéotomie (parfois rendu obligatoire en La laryngectomie totale est conduite de façon traditionnelle.
raison du risque de sténose du trachéostome). La conduite à La reconstruction est décrite en trois temps.
tenir consiste à ramener si possible l’implant en place en
effectuant son remplacement par un implant plus long. Temps muqueux
Une suture pharyngée partielle est réalisée sur la ligne
Chute, disparition de la prothèse et fistule borgne médiane afin de conserver un pharyngostome supérieur qui est
suturé à la berge cutanée correspondante. Le trachéostome est
La chute de la prothèse dans l’axe aérien conduit à un réalisé, étroit d’environ 1 cm, le plus près possible du pharyn-
syndrome de pénétration dont le diagnostic est souvent aisé. gostome. La trachéotomie est faite la plus basse possible.
L’extraction de ce corps étranger bronchique et la remise en À la fin de ce temps, il existe trois orifices, de haut en bas :
place d’une nouvelle prothèse sont nécessaires dans les un pharyngostome, un trachéostome et une trachéotomie.
meilleurs délais.
Temps de calibrage
Mais l’expulsion de la prothèse peut passer inaperçue au
cours d’un effort de toux ; le risque est alors une fermeture Une sonde gastrique est introduite par le nez dans le pharyn-
spontanée de la fistule qui se fait en règle en quelques jours. gostome puis le trachéostome, son extrémité restant au-dessus
La fistule borgne correspond à une fermeture de l’orifice de la trachéotomie.
œsophagien, premier temps de fermeture spontanée d’une Une seconde sonde nasogastrique est introduite pour calibrer
fistule œsotrachéale. S’il est impossible de recathétériser la le pharynx.
fistule, il sera nécessaire d’attendre la cicatrisation complète et Temps cutané
d’envisager une pose secondaire selon la technique décrite.
Un lambeau cutané est dessiné. Il englobe les deux orifices
Accidents rares [1, 5] supérieurs (pharyngostome et trachéostome) avec une marge de
0,5 cm de part et d’autre de ces orifices, pour une largeur de
• L’emphysème sous-cutané témoigne d’une mauvaise adapta- 2 cm. Par retournement, il va confectionner le tube phonatoire ;
tion de la prothèse à l’anatomie. Lors de la phonation, les berges sont suturées entre elles (Fig. 2).
l’hyperpression et la mauvaise adaptation prothétique entraî- La fermeture cutanée est assurée par deux lambeaux de
nent une diffusion de l’air dans les tissus sous-cutanés. Cette glissement.
complication est rare et nécessite l’ablation de la prothèse et En fin d’intervention, il ne reste plus que l’orifice de
une repose secondaire éventuelle. trachéotomie.
• La réaction allergique se traduit par une inflammation aiguë
Soins postopératoires
péritrachéostomale. De diagnostic difficile car rare, il sera
nécessaire d’utiliser une prothèse d’un matériau différent. Le tube de calibrage est laissé en place 15 jours.
• Des granulations peuvent apparaître devant la prothèse,
obstruant et masquant au moins partiellement celle-ci ; une Résultats
cautérisation chimique (nitrate d’argent etc.) permet une Sur une série de 72 patients publiée par Asai et rapportée par
disparition de celles-ci. Elles sont le fait en règle d’une Singer, [28] la qualité vocale est généralement bonne mais dix
colonisation mycosique ; un traitement par voie locale (bains sténoses et dix dysfonctionnements du shunt sont rapportés.
de bouche), voire par voie générale (antifungiques), peut être Avec la même technique, Miller [29] rapporte une qualité vocale
proposé. satisfaisante dans 20 % des 40 cas étudiés et une forte incidence
de fuite salivaire.
Rôle de la radiothérapie
Complications
Peu d’articles évoquent les complications liées à l’irradiation.
Ont été décrites des nécroses du pont cutané réalisant alors
Il semble, d’après les auteurs, que la radiothérapie n’influen-
un vaste pharyngostome, des sténoses pharyngées, des fausses
cerait pas le nombre de complications des prothèses phonatoires
routes par incontinence de la fistule, des décanulations
posées secondairement. [21-23] Dans notre expérience, elle
impossibles.
semble augmenter le risque de fuite périprothétique par élargis-
sement de la fistule œsotrachéale, nous faisant préférer la
technique primaire. Pour Coudray, [16] elle augmente les risques Techniques de Staffieri [30]
septiques et inflammatoires locaux.
Technique
Trois interventions ont été décrites par Staffieri, la néoglotte
■ Reconstruction chirurgicale : phonatoire réalisée dans le même temps que la laryngectomie,
le direct internal trachea esophageal shunt (DITES) et le retrograde
shunts trachéo-œsophagiens internal trachea esophageal shunt (RITES) réalisés secondairement.

continents [24, 25] Néoglotte phonatoire (Fig. 3)


La laryngectomie totale est réalisée de façon conventionnelle
Autrefois, les fistules trachéo-œsophagiennes se limitaient à mais elle devra conserver l’ensemble de la trachée avec une
un conduit muqueux ; elles comportaient un certain nombre de section de celle-ci en regard du premier anneau trachéal.
risques : fuite salivaire, infection, sténose. De nombreux auteurs Incision de la muqueuse pharyngée. Elle est réalisée verticale-
ont amélioré la technique [26] avec des résultats satisfaisants ment sur la ligne médiane à hauteur de la projection de l’étage
mais difficilement reproductibles. Ces techniques sont quasi- glottique. Elle mesure entre 6-7 mm et 1,5 cm selon les auteurs.
ment tombées en désuétude ; seule l’intervention de Pearson est Confection de la brèche pharyngée (Fig. 4). La muqueuse
encore réalisée avec des résultats vocaux qui semblent satisfai- pharyngée est éversée au travers de cette brèche et suturée à la
sants dans 80 % des cas. [27] couche fibreuse extrapharyngée.
La complexité de ces techniques, leur manque de fiabilité et Confection de la fistule en biseau. Afin que sa lumière regarde
les réserves carcinologiques liées à la conservation de structures en haut et en arrière, on suture la brèche pharyngée sur le
laryngées ont probablement limité leur développement. biseau trachéal. Pour vérifier la qualité de la fistule, on introduit

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale ¶ 46-370

Figure 2.
A, B. Technique d’Asaï : temps cutané (selon
Portmann et Guerrier).

Résultats
Ces trois techniques permettent d’excellents résultats vocaux
dans 60 à 90 % des cas rapportés mais de nombreuses fuites
salivaires chroniques sont à relever. [31, 32] Par ailleurs, pour les
patients nécessitant de la radiothérapie, des fistulisations et des
sténoses du shunt phonatoire sont à signaler.
Une étude fonctionnelle de la néoglotte de Staffieri a été
réalisée par Lecluse. [33] Cette étude retrouve une fonction
« cordale » à cette néoglotte qui ne se contente pas de régler le
débit d’air mais vibre également.

Complications
Si le shunt est trop large, des fausses routes vont apparaître ;
à l’inverse, celui-ci peut se sténoser, empêchant toute émission
vocale. Il peut se produire un prolapsus de la muqueuse
œsophagienne dans la trachée avec formation de polype
Figure 3. Néoglotte phonatoire de Staffieri (selon Portmann et entraînant une faiblesse de la fonction phonatoire et des fausses
Guerrier). routes.

le doigt dans l’œsophage, les bords de la fente doivent rester Technique de Strome [34-36]
jointifs. Si la fente s’ouvre, la fistule devra être modifiée en
complétant par des points musculaires aux extrémités. Les Technique
fermetures du pharyngostome et de la voie d’abord cervicale se
Dans cette technique décrite en 1986, l’objectif est d’assurer
font de manière classique.
la protection des voies aériennes par un mécanisme actif, la
DITES contraction du mur œsophagien.
Le principe est identique mais la technique différente puisque Laryngectomie
le patient est un laryngectomisé ancien.
Préparation de la fistule. Incision cutanée et sous-cutanée de La laryngectomie est réalisée de façon traditionnelle. La
2 cm au bord supérieur du trachéostome. Dissection de l’espace résection trachéale ne doit pas dépasser trois anneaux trachéaux
trachéo-œsophagien sur 1 cm vers le bas. afin que les sutures ne soient pas réalisées sous tension.
Confection de la fistule. Incision verticale au milieu du mur
postérieur trachéal à 1,5 cm de l’orifice du trachéostome. Confection du shunt (Fig. 5)
Ouverture antérieure de l’œsophage en regard de cette incision Décollement de l’espace intertrachéo-œsophagien sur 1 cm et
et confection de la fistule selon la même technique que celle
incision verticale de la musculeuse de l’œsophage sur 3 cm.
décrite ci-dessus. La muqueuse œsophagienne est attirée au
Décollement sous-muqueux des berges de cette incision sur
travers de la fistule et suturée à la muqueuse trachéale. Un
1 cm. Ce temps peut être facilité en plaçant une sonde d’intu-
calibrage (gros fil, fin cathéter) est placé dans le shunt.
bation, ballonnet gonflé dans l’œsophage afin de distendre
RITES l’œsophage.
La technique est identique à celle du DITES mais l’ouverture En regard de cette incision, confection d’un lambeau
œsophagienne se fait 2 cm en dessous de l’ouverture trachéale. muqueux œsophagien à pédicule inférieur de 2 cm de long et
Le trajet est couvert par la paroi œsophagienne, créant une 1,5 cm de large. Ce lambeau est tubulé sur lui-même. Un tube
fistule un peu plus longue pour diminuer le risque d’inhalation. de silicone peut être utilisé comme tuteur.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-370 ¶ Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale

Figure 4.
A, B. Néoglotte phonatoire de Staffieri : brèche pharyngée (selon Portmann et Guerrier).

Figure 5.
A, B, C. Technique de Strome : lambeau œsophagien et
confection du shunt. [35]

Le lambeau muqueux tubulé est passé au travers de la Suites postopératoires


musculeuse œsophagienne de façon à réaliser une sangle
musculaire circonscrivant la base du lambeau muqueux tubulé La sonde d’alimentation est conservée une dizaine de jours ;
œsophagien. elle sera ôtée en même temps que le tuteur ; les premiers essais
La fermeture œsophagienne est assurée au niveau muqueux phonatoires pourront être réalisés dès cette date.
par des points éversants séparés de quelques millimètres et par
un plan musculaire œsophagien. Résultats
Résection d’une pastille de muqueuse trachéale postérieure, Les articles sont rares, les séries petites, elles rapportent de
d’environ 0,5 à 0,8 cm de diamètre, à environ 1 cm de la bons résultats vocaux dans 50-60 % des cas. Ce score augmente
tranche de section trachéale. (80 %) lorsqu’on intègre les shunts ayant nécessité la mise en
Le tube muqueux est alors attiré au travers de cette bouton- place d’une prothèse phonatoire de calibrage pour sténose du
nière et suturé aux berges de celle-ci par des points éversants. shunt.
Un capitonnage œsotrachéal est réalisé pour diminuer ce plan La qualité de vie de ces patients, selon l’auteur, serait
de clivage, site d’éventuelle diffusion salivaire ainsi que pour améliorée par rapport au patient porteur d’une prothèse
diminuer la traction. phonatoire qui nécessite un entretien et des remplacements
Le pharynx est fermé, et le trachéostome constitué de façon réguliers.
traditionnelle. Le tuteur est fixé à proximité du trachéostome
d’une part et à l’orifice narinaire d’autre part ; il sera maintenu
Complications
une dizaine de jours.
Une myotomie du cricopharyngien semble nécessaire pour La nécrose du lambeau surviendrait dans 10 à 15 % des cas.
faciliter la phonation. La littérature rapporte 15 à 50 % de sténose et 15 % d’inconti-

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale ¶ 46-370

Figure 6.
A, B. Technique de Pearson : laryngectomie. [37]

nence avec retentissement pulmonaire du shunt. Ces deux sectionné en avant, cette section est oblique en bas et latérale-
complications sont traitées par mise en place d’une prothèse ment du côté de la lésion tumorale, elle prolonge la laryngoto-
phonatoire à l’intérieur du shunt. mie et rejoint la ligne médiane à la partie inférieure de l’arche
antérieure du cricoïde. Cette incision est prolongée suivant le
même axe pour emporter le tiers latéral homolatéral du premier
■ Technique de Pearson [37-40]
anneau trachéal. La résection endolaryngée doit conserver
l’aryténoïde controlatéral et une partie de la corde vocale. La
Cette technique n’est pas à proprement parler une réhabili- section postérieure est interaryténoïdienne ; elle peut être
tation vocale après laryngectomie totale mais une laryngectomie étendue en fonction de la tumeur à la muqueuse pharyngée ; en
subtotale avec shunt trachéo-laryngo-pharyngé préservant une
sous-glottique, elle sera parallèle à la section antérieure empor-
partie de l’anneau cricoïdien. Ne seront pas discutées ici ses
tant la moitié du cricoïde (jusqu’à l’aplomb de l’apophyse
indications, seule la technique chirurgicale est rapportée. Les
vocale controlatérale) et le tiers externe du premier anneau
contre-indications à la réalisation de ce shunt sont l’atteinte de
trachéal, homolatéraux à la lésion.
la région rétrocricoïdienne, de la commissure postérieure, du
En fin d’exérèse, il persiste :
sinus piriforme controlatéral et les troubles de la mobilité
laryngée controlatérale. • l’aryténoïde controlatéral ;
• une portion plus ou moins importante de corde vocale
controlatérale ;
Technique • la bande ventriculaire ;
Laryngectomie (Fig. 6) • le repli aryépiglottique ;
• la partie postérieure de l’aile controlatérale du cartilage
Trachéotomie thyroïde ;
Une trachéotomie première et définitive sera réalisée, basse, • la moitié du cartilage cricoïde.
entre le 3e et le 4e anneau trachéal.
Reconstruction
Exposition
Elle comporte deux temps, le shunt phonatoire trachéopha-
Au travers d’une incision cervicale traditionnelle basse, le
larynx est exposé, de l’os hyoïde en haut à la trachéotomie en ryngé et la fermeture pharyngée.
bas. Les muscles sus-hyoïdiens sont sectionnés au ras de l’os Shunt phonatoire trachéopharyngé
hyoïde ; l’attitude vis-à-vis des muscles sous-hyoïdiens rejoint
l’attitude vis-à-vis de ceux-ci lors de laryngectomie totale et Décollement sous-périchondral thyroïdien et cricoïdien de l’espace
dépend de la lésion tumorale et de son extension. paraglottique. Confection d’un lambeau muqueux pharyngé à
charnière inférieure, prélevé du côté de la résection tumorale sur
Exérèse tumorale le mur pharyngé latéral (Fig. 7). Ce prélèvement est facilité si le
La laryngectomie est dictée par la lésion. L’os hyoïde est mur latéral du sinus piriforme a été conservé. Ce lambeau
sectionné au ras de la petite corne controlatérale ; cette incision permet un élargissement de la lumière du néolarynx ; il s’étend
se prolonge vers le bas, verticalement au travers de la membrane en hauteur de la bande ventriculaire en haut au bord supérieur
thyrohyoïdienne en respectant le pédicule laryngé controlatéral du cricoïde en bas. Pour certains auteurs, il ne serait indispen-
à la tumeur. La laryngotomie est réalisée par incision paramé- sable que lorsque la résection emporte plus de la moitié de
diane du cartilage thyroïde. Cette incision rejoint l’incision de l’étage glottique et de l’espace paraglottique controlatéral. [13] Le
la membrane thyrohyoïdienne en haut et passe en avant de lambeau et les structures endolaryngées conservées sont tubulés
l’insertion du muscle cricothyroïdien en bas. Le cricoïde est sur un tuteur (sonde nasogastrique de taille 12 F à 14 F)

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-370 ¶ Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale

Figure 7.
A, B. Technique de Pearson : lambeau pha-
ryngé. [37]

Figure 8.
A, B. Technique de Pearson : shunt phonatoire trachéo-
pharyngé. [37]

afin que la lumière du shunt soit d’environ 6 mm, et suturés à Soins postopératoires
la membrane précricoïdienne et au muscle interaryténoïdien. [41]
La suture s’étend en haut jusqu’au sommet du cartilage aryté- Ablation du calibrage du shunt laryngé trachéopharyngé au
noïde (Fig. 8). 10e jour et de la sonde nasogastrique au 12e jour postopératoire.

Fermeture pharyngée Résultats


Dans un premier temps, suture de la paroi pharyngée posté- La voix est considérée comme bonne entre 82 et 100 %, avec
rolatérale à la muqueuse rétro-crico-aryténoïdienne de la bouche un contrôle carcinologique qui est entre 83 et 100 %.
de l’œsophage au pôle supérieur de l’aryténoïde, puis fermeture
classique en T comme dans toute laryngectomie totale ou
pharyngolaryngectomie totale. En cas de résection pharyngée
Complications
importante, le pharynx peut être augmenté de taille par les Les fuites salivaires et des surinfections cervicales ont été
différents lambeaux habituellement indiqués dans ces constatées dans 25 à 30 % des cas, principalement lorsque
situations. [20] l’exérèse a comporté une partie du sinus piriforme.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale ¶ 46-370

Des sténoses du shunt et du trachéostome peuvent être leur coût élevé. Les techniques chirurgicales sont séduisantes
constatées dans de faibles proportions (0 à 10 %) et traitées par mais leur faible diffusion est probablement liée à des techni-
soins locaux et recalibrage. ques compliquées, difficilement reproductibles et dont les
L’incontinence du shunt avec fuites salivaires est rapportée résultats vocaux sont souvent assez éloignés des résultats de la
dans 9 à 25 % des cas ou non rapportée. voie prothétique.

■ Autres techniques ■ Références


La littérature présente quelques curiosités. [1] Singer MI, Blom ED. An endoscopic technique for restoration of voice
• Chen [42] utilise un lambeau libre de jéjunum pour recons- after laryngectomy. Ann Otol Rhinol Laryngol 1980;89(6Pt1):529-33.
truire le pharynx et un shunt vocal. Ce lambeau est divisé en [2] Blalock D. Speech rehabilitation after treatment of laryngeal
deux parties mais avec un seul pédicule. Une partie recons- carcinoma. Otolaryngol Clin North Am 1997;30:179-88.
truit le pharynx de manière traditionnelle. La seconde partie [3] Traissac L. Les implants phonatoires : principes de fonctionnement.
Cah ORL 2000;35:14-5.
sert à créer le shunt phonatoire entre la trachée et l’autre
[4] Devars F. Les implants phonatoires : technique de mise en place. Cah
fragment de jéjunum. Le montage « pharyngé » crée une
ORL 2000;35:20-3.
valve antireflux. [5] Traissac L. Prothèses vocales ou implants phonatoires. In:
• Arslan et Serafini [43] proposent une technique proche de la Réhabilitation de la voix et de la déglutition après chirurgie partielle
technique d’Asaï mais sans le tube cutané ; 35 patients ont ou totale du larynx. Rapport de la Société française d’oto-rhino-
été évalués : tous présentent de bons résultats vocaux mais laryngologie et de pathologie cervicofaciale. Paris: Arnette; 1992.
également 30 % présentent des fuites salivaires. p. 297-348.
• Brandenburg [44] modifie la néoglotte de Staffieri et, sur une [6] Chodosh PL, Giancarlo HR, Goldstein J. Pharyngeal myotomy for
série de 45 patients, retrouve 95 % de bons résultats vocaux vocal rehabilitation postlaryngectomy. Laryngoscope 1984;94:52-7.
avec certains patients ayant nécessité une ou plusieurs [7] Perry AR. Effect of tracheoesophageal puncture on postlaryngectomy
révisions de leur néoglotte. Les complications postopératoires speech rehabilitation. Head Neck Surg 1988;10:S110-S117.
sont marquées par des pharyngostomes et des complications [8] Mahieu HF, Annyas AA, Schutte HK, van der Jagt EJ.
septiques cervicales. Enfin, dix shunts sont défectueux avec Pharyngoesophageal myotomy for vocal rehabilitation of
six sténoses et quatre fuites salivaires. laryngectomies. Laryngoscope 1987;97:451-7.
• Algaba [45] a décrit sa technique de fistuloplastie parlante qui [9] Pindzola RH, Cain BH. Acceptability ratings of tracheoesophageal
peut être réalisée de façon primaire ou secondaire. Après une speech. Laryngoscope 1988;98:394-7.
laryngectomie « économe » au niveau cricoïdien, une fistule [10] De Raucourt D, Rame JP, Daliphard F, Bequignon A, Le Pennec D,
œsotrachéale est réalisée suivie d’une musculoplastie à l’aide Goullet DE, et al. Les implants phonatoires : résultats phoniatriques.
des muscles cricopharyngiens. Les résultats vocaux rapportés Expérience du centre François Baclesse. Cah ORL 2000;35:33-7.
[11] Carding P, Welch A, Owen S, Stafford F. Surgical voice restoration.
par l’auteur seraient bons sans complication majeure.
Lancet 2001;357:1463-4.
[12] Akbas Y, Dursum G. Voice restoration with low pressure Blom-Singer
■ Conclusion
voice prosthesis after total laryngectomy. Yonsei Med J 2003;44:615-8.
[13] Geraghty JA, Wenig BL, Smith BE, Portugal LG. Long-term follow-up
of tracheoesophageal puncture results. Ann Otol Rhinol Laryngol 1996;
La réhabilitation vocale des patients devant subir une 105:501-3.
laryngectomie totale est, et doit rester la seconde priorité, le [14] Andrews JC, Michel RA, Monahan GP, Hanson DG, Ward PH. Major
premier objectif étant la qualité de la résection tumorale pour complication following tracheoesophageal puncture of the Provox
garantir le meilleur taux de survie et contribuer à l’améliora- voice prosthesis. Laryngoscope 1987;97:562-7.
tion de la qualité de vie postopératoire. Les différentes techni- [15] Laccourreye O, Menard M, Crevier-Buchman L, Couloigner V,
ques chirurgicales proposées et l’apparition des prothèses Brasnu D. In situ lifetime, causes for replacement and complications of
phonatoires témoignent de l’intérêt que suscite cette réhabili- the Provox voice prosthesis. Laryngoscope 1997;107:527-30.
tation. Concernant la réhabilitation prothétique, le faible taux [16] Coudray C, Rerolle S, Lienhardt PY, Trannoy P, Tamarelle JM, Brule R.
de complication, une technique simple et fiable ainsi que de Les implants phonatoires : suivi post-opératoire : incidents, accidents,
très bons résultats vocaux, au moins initialement, en ont fait abandon et changement d’implant phonatoire. Cah ORL 2000;35:
une technique de choix et de référence. La difficulté réside 24-32.
dans les résultats à long terme souvent décevants. Ces techni- [17] Bauters TG, Moerman M, Vermeersch H, Nelis HJ. Colonisation of
ques nécessitent un investissement important et soutenu de la voice prostheses by albicans and non-albicans Candida species.
part de l’équipe médicale et surtout une forte motivation de la Laryngoscope 2002;112:708-12.
part du patient, cause d’un nombre d’échec non négligeable à [18] Blom ED, Remacle M. Tracheoesophageal voice restoration. Problems
and solutions. In: Tracheoesophageal voice restoration following total
long terme. Leurs complications sont rares et souvent béni-
laryngectomie. London: Singular publishing group; 1998. p. 73-82.
gnes, leurs seuls handicaps étant la nécessité d’une équipe
[19] Remacle M, Declaye X. Gax-collagen injection to correct an enlarged
chirurgicale disponible pour en assumer le remplacement, et tracheoesophageal fistula for a vocal prosthesis. Laryngoscope 1988;
98:1350-2.
[20] Laccoureye O, Papon JF, Brasnu D, Hans S. Autogenous fat injection
for the incontinent tracheoesophageal puncture site. Laryngoscope

“ Points forts [21]


2002;112:1512-4.
Labruna A, Klatsky I, Huo J, Weiss MH. Tracheoesophageal puncture
in irradiated patients. Ann Otol Rhinol Laryngol 1995;104(4Pt1):
279-81.
• La réhabilitation vocale ne doit pas se faire au détriment
[22] Trudeau MD, Schuller DE, Hall DA. The effects of radiation on
de l’exérèse carcinologique qui doit rester l’objectif tracheoesophageal puncture. A retrospective study. Arch Otolaryngol
principal. Head Neck Surg 1989;115:1116-7.
• Le sacrifice laryngé imposé par l’exérèse carcinologique [23] Mehle ME, Lavertu P, Meeker SS, Tucker HM, Wood BG. Complica-
ne doit pas sacrifier la qualité de vie du patient et cette tions of secondary tracheoesophageal puncture: the Cleveland Clinic
réhabilitation vocale doit également être un des objectifs Foundation experience. Otolaryngol Head Neck Surg 1992;106:
principaux. 189-92.
[24] Traissac L. Les solutions de réhabilitation chirurgicale et prothétique.
• Quelle que soit la technique, la motivation du patient à In: Réhabilitation de la voix et de la déglutition après chirurgie par-
retrouver une fonction vocale doit être forte. tielle ou totale du larynx. Rapport de la Société française d’oto-rhino-
• Les bons résultats initiaux s’étiolent avec le temps. laryngologie et de pathologie cervicofaciale. Paris: Arnette; 1992.
p. 253-95.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-370 ¶ Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après laryngectomie totale

[25] Guerrier Y, Galy G. Les procédés de réhabilitation vocale après [35] Lacau St Guily J, Laccoureye H. Fistule trachéo-œsophagienne conti-
laryngectomie totale. In: Traité de technique chirurgicale ORL et nente par lambeau œsophagien après laryngectomie totale. Presse Med
cervico-faciale. Paris: Masson; 1977. p. 333-7. 1987;16:487-9.
[26] Amatsu M. A one stage surgical technique for post-laryngectomy voice [36] Lacau St Guily J, De Stabenrath A, Baril P, Julien N, El Bez M. Res-
rehabilitation. Laryngoscope 1980;90:1378-86. tauration vocale après laryngectomie totale par fistule trachéo-
[27] Laccoureye O, Crevier-Buchman L, Hacquart N, Naudo P, œsophagienne. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1989;106:360-3.
Muscatello L, Brasnu D. Laryngectomies et pharyngolaryngectomies [37] Pearson BW, Woods 2nd RD, Hartman DE. Extended
hemilaryngectomy for T3 glottic carcinoma with preservation of
avec fistules trachéolaryngopharyngées de Pearson. Technique, indica-
speech and swallowing. Laryngoscope 1980;90:1950-61.
tions et résultats préliminaires. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1996; [38] Pearson BW, De Santo L, Olsen KD, Salassa JR. Results of near-
113:261-8. laryngectomy. Ann Otol Rhinol Laryngol 1998;107:820-5.
[28] Singer MI. Tracheoesophageal speech: vocal rehabilitation after total [39] Pearson BW. Subtotal laryngectomy. Laryngoscope 1981;91:1904-12.
laryngectomy. Laryngoscope 1983;93(11Pt1):1454-65. [40] Kasperbauer JL, Thomas JE. Voice rehabilitation after near-total
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jejunum transfer. Plast Reconstr Surg 2003;111:336-40.
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Otolaryngol Head Neck Surg 1986;112:1168-71. Laryngol Otol Rhinol (Bord) 1987;108:139-42.

O. Choussy, Praticien hospitalier* (olivier.choussy@chu-rouen.fr).


K. Elmakhloufi, Interne.
D. Dehesdin, Professeur des Universités, chef de service.
Service oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Charles Nicolle, centre hospitalier universitaire de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen
cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Choussy O., Elmakhloufi K., Dehesdin D. Techniques chirurgicales de réhabilitation vocale après
laryngectomie totale. EMC (Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-370, 2005.

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10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


46-430
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-430

Trachéotomie
L Laccourreye
J Dubin

Résumé. – La trachéotomie est destinée à créer un court-circuit des voies aériennes supérieures. La technique
chirurgicale chez l’adulte et l’enfant est codifiée depuis le début du siècle. Les progrès de l’endoscopie ont
permis le développement des techniques moins invasives : trachéotomies percutanées. Les techniques, leur
complication et leurs indications sont étudiées.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : trachéotomie, trachéotomie percutanée.

Introduction 1 Tracé de l’incision.

La trachéotomie est l’ouverture de la trachée cervicale suivie de la


mise en place d’une canule. Elle est destinée à réaliser un court-
circuit des voies aériennes supérieures. Jadis intervention
chirurgicale d’urgence codifiée par Chevallier-Jackson, elle est
maintenant une intervention réglée, pratiquée dans la majorité des
cas sur un patient bénéficiant d’une intubation trachéale. Les
complications de la technique, la multiplication des indications en
milieu de réanimation ont permis le développement de techniques
moins invasives, ne nécessitant pas d’ouverture chirurgicale. Ces
techniques, dites de trachéotomie percutanée, ont connu un
développement important en milieu de réanimation. Elles sont
actuellement encore peu pratiquées par les spécialistes oto-rhino- Champ opératoire
laryngologistes (ORL). Les deux techniques sont étudiées avant Le cou et la région présternale sont désinfectés. Quatre champs sont
d’envisager leurs indications et les complications respectives. nécessaires. Ils doivent laisser libre la région médiane du cou depuis
le cartilage thyroïde jusqu’au sternum. Après avoir disposé le
matériel chirurgical sur la table, l’opérateur effectue le choix de la
Trachéotomie chirurgicale canule et vérifie son fonctionnement.
Technique opératoire
TRACHÉOTOMIE DE L’ADULTE [2, 8, 10]
• Incision cutanée
Deux types peuvent être réalisés.
¶ Trachéotomie réglée
– L’incision horizontale arciforme (fig 1) est pratiquée dans un pli du
Le type en est la trachéotomie réalisée chez un patient dont l’état cou. Elle est longue d’environ 4 à 5 cm à 3 cm au-dessus de la
clinique nécessite une assistance respiratoire pendant une durée telle fourchette sternale. Elle est actuellement la plus utilisée car elle laisse
qu’une intubation nasotrachéale ne peut être maintenue. une cicatrice peu visible. Elle permet un abord cervical aisé et peut
être prolongée en cas de geste chirurgical et viscéral associé (cancer
Position de la tête du malade pharyngolaryngé).
– L’incision verticale strictement médiane du cricoïde à la région
La déflexion de la tête et l’hyperextension cervicale sont nécessaires
sternale demeure utilisée surtout en cas de trachéotomie d’urgence
pour bien dégager la trachée. Un billot ou une alèse roulée est glissé
ou en cas de traumatisme laryngotrachéal ouvert. Elle laisse une
sous les épaules, après s’être assuré de l’absence de traumatisme du
cicatrice inesthétique, adhérant très souvent à la trachée.
rachis. Il faut toujours vérifier que l’occiput repose sur la table.
• Dissection chirurgicale
– Section des muscles peauciers.
Laurent Laccourreye : Praticien hospitalier. Les veines jugulaires antérieures sont repérées et les muscles sous-
Jacques Dubin : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, CHU, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 01,
hyoïdiens dégagés sur plusieurs centimètres. L’hémostase est
France. vérifiée (fig 2).

Toute référence à cet article doit porter la mention : Laccourreye L et Dubin J. Trachéotomie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou,
46-430, 2001, 9 p.
46-430 Trachéotomie Techniques chirurgicales

2 Exposition après sec-


tion des muscles peauciers.

3 Repérage et dissection
de l’isthme thyroïdien.

4 Section et ligature
de l’isthme thyroïdien.

5 Différents types d’incision de la trachée.

la sténose sous-glottique et une ouverture trop basse à des


complications vasculaires. L’incision peut être de plusieurs types
(fig 5) :
– incision verticale, simple, médiane qui favorise les risques de
fracture des anneaux trachéaux lors des changements de canule ;
– taille d’une pastille trachéale, médiane, à proscrire chez
l’enfant ;
– Dissection musculoaponévrotique. – taille de volets, soit en « H », soit à charnière inférieure. Les
La dissection qui jusqu’à ce temps est horizontale devient verticale. volets, surtout s’ils sont repérés par un fil transfixiant, facilitent
La loge viscérale est ouverte au niveau de la ligne blanche en restant les changements de canule (fig 6). Pendant l’ouverture, on protège
strictement médiane. Les muscles sous-hyoïdiens, sterno-cléido- les voies aériennes de tout passage sanguin grâce à l’aspiration.
hyoïdiens et sternothyroïdiens sont refoulés latéralement à l’aide des Les incisions verticales sont toujours réalisées de bas en haut et
écarteurs. non de haut en bas pour éviter toute blessure vasculaire au niveau
– Découverte et dissection de l’isthme. médiastinal supérieur.
Le bord supérieur de l’isthme est repéré dans la région sous- Mise en place de la canule (fig 7)
cricoïdienne. On décolle l’isthme de la face antérieure de la trachée
Dans ce type de trachéotomie, l’anesthésiste-réanimateur enlève la
(fig 3). Après avoir passé un dissecteur, l’isthme est sectionné de
sonde d’intubation et la canule de trachéotomie est mise en place.
haut en bas entre les deux pinces. L’hémostase est assurée par une
Le ballonnet en est gonflé. En l’absence de complication
ligature appuyée à l’aide d’un fil serti résorbable (fig 4).
hémorragique, il doit être dégonflé 6 à 8 heures après l’intervention.
– Ouverture trachéale.
La trachée est exposée, le corps thyroïde est refoulé, l’hémostase est Fermeture
complétée. L’ouverture doit être réalisée entre le deuxième et le Après révision de l’hémostase, elle est réalisée en un seul plan. En
quatrième anneau trachéal après s’être assuré du bon aucun cas elle ne doit être hermétique, afin d’éviter un emphysème
fonctionnement de l’aspiration. Une ouverture trop haute expose à sous-cutané.

2
Techniques chirurgicales Trachéotomie 46-430

tumorale laryngée en cas de cancer des voies aériennes supérieures,


6 Amarrage du volet tra-
rendent parfois l’intervention difficile, tant dans le temps
chéal.
anesthésique que dans le geste chirurgical.

Anesthésie

• Artifices d’intubation
L’intubation est presque toujours réalisable si l’équipe anesthésique
est entraînée et si l’on dispose d’un fibroscope bronchique, ou dans
certains cas, d’un bronchoscope rigide (tumeur laryngée ou
trachéale). En l’absence de ces deux éléments favorables, la
trachéotomie peut être réalisée sous anesthésie locale.

• Anesthésie locale
L’anesthésie locale a pour but d’éviter toute réaction liée à la
douleur. Deux zones sont douloureuses : la peau et le corps thyroïde.
Plusieurs boutons cutanés sont pratiqués : deux médians (cricoïde,
région sus-sternale), deux latéraux (à mi-chemin de la ligne cricoïde-
manubrium sternal et au niveau des bords antérieurs des muscles
sterno-cléido-mastoïdiens). Lorsque la dissection atteint l’isthme du
corps thyroïde, une nouvelle injection est pratiquée. Enfin, avant
l’ouverture de la trachée, et afin d’éviter un violent accès de toux,
une injection intratrachéale de 1 à 2 cm3 est nécessaire. Dans tous
les cas, la présence de l’anesthésiste est indispensable : il surveille le
malade (monitorage) et il peut l’oxygéner.

Temps chirurgical

• Règles
L’intervention obéit aux même règles que pour la trachéotomie
classique. Cependant, le caractère de l’urgence (asphyxie), les
anomalies acquises (antécédents d’irradiation) ou congénitales
(anomalie vasculaire, tronc brachiocéphalique barrant la trachée)
peuvent conduire à pratiquer une ouverture très haute, sous-
cricoïdienne. Dans ces cas, si la trachéotomie doit être laissée en
place pendant une période assez longue, il faut reprendre
l’intervention pour placer la canule dans une position correcte qui
évite les complications. Cette nécessaire reprise est discutée par
certains.

[12, 19]
TRACHÉOTOMIE DE L’ENFANT
Le faible diamètre de la trachée, sa mollesse et sa mobilité latérale
rendent l’intervention délicate.

¶ Anesthésie
Le geste chirurgical est presque toujours réalisé chez un enfant
intubé, soit par une sonde d’intubation, soit par un tube
bronchoscopique qui rigidifie la trachée et l’immobilise.

¶ Incision et dissection
L’enfant doit avoir la tête parfaitement immobile en position
médiane et en hyperextension légère. L’incision est verticale le plus
souvent. Après dissection des plans superficiels, plus épais que chez
l’adulte, commence la dissection des plans musculaires. Il faut dans
tous les cas rester strictement médian et pour ce faire éviter le
recours aux écarteurs qui entraînent une latéralisation. Ils sont
remplacés par une paire de pinces de type Kocher, qui soulève et
écarte chaque plan une fois qu’il a été repéré. Le repérage au doigt
de la trachée est indispensable tout au long de la dissection afin de
7 Mise en place de la canule de trachéotomie.
ne pas prendre un axe carotidien pour la trachée.
Ce type de trachéotomie, chez un patient longiligne, intubé, est un Chez l’enfant, l’isthme thyroïdien de petite taille peut être facilement
geste simple. Il n’en est malheureusement pas toujours ainsi. refoulé vers le haut ou vers le bas.

¶ Trachéotomie difficile ¶ Ouverture trachéale


Les conditions anatomiques : sujet obèse, cou court, affections Comme chez l’adulte, elle se fait entre le deuxième et le quatrième
rhumatismales limitant les mouvements du rachis, obstruction anneau. La résection trachéale est contre-indiquée. Une incision en

3
46-430 Trachéotomie Techniques chirurgicales

8 Canule à ballonnet basse pression. 10 Canule parlante en


polychlorure de vinyle
(PVC).
A. Canule fenêtrée +
clapet.
B. Chemise interne.

11 Canule parlante
acrylique.
A. Canule fenêtrée.
B. Chemise interne +
clapet.
C. Mandrin.

l’adulte, on utilise le plus souvent une canule avec une chemise


interne. Celle-ci rétrécit un peu le diamètre de la lumière
respiratoire. L’ablation en est aisée, sans aucun risque, et permet le
nettoyage des sécrétions qui viennent souiller la canule sans être
obligé de pratiquer une décanulation complète.
Les matériaux utilisés sont multiples ; les plus anciens sont en argent
ou en acrylique rigide. Actuellement, on leur préfère le PVC et la
silicone souple, mieux tolérés par la muqueuse trachéale.
9 Canule acrylique.
Canules fenêtrées (fig 10, 11)
« I » avec repérage des berges par un fil est la plus courante. La Elles sont destinées à permettre à l’air de passer par les voies
mise en place de la canule obéit aux même règles que chez l’adulte.
aériennes supérieures. Lorsqu’elles sont munies d’une soupape, l’air
On place une canule souple, moins traumatisante que les classiques
pénètre dans la trachée à l’inspiration par la canule et passe au
canules en argent. Ces canules ne comportent pas de ballonnet et
niveau des voies aériennes supérieures lors de l’expiration, ce qui
exigent une hémostase parfaite. Un examen fibroscopique permet
de vérifier que le tube de trachéotomie ne dépasse pas la carène. autorise la phonation. La soupape peut être obturée afin de vérifier
la bonne perméabilité des voies aériennes supérieures.
CANULES DE TRACHÉOTOMIE [3] Le risque majeur de ce type de canule est la formation de
granulomes inflammatoires au niveau de la fenêtre, et tout
Le choix de la canule de trachéotomie est un facteur essentiel dans
la prévention des sténoses. L’utilisation de nouveaux matériaux et particulièrement si celle-ci n’est pas bien en regard de la lumière
la réalisation de ballonnets basse pression ont permis une trachéale. Ce tissu de granulation peut d’ailleurs obturer la fenêtre
diminution importante des complications sténosantes. et gêner la mise en place de la chemise interne.
Les matériaux utilisés sont de même type que pour les canules non
¶ Types de canules fenêtrées.
Selon qu’il s’agit de réaliser un court-circuit des voies aériennes, de
permettre une ventilation assistée ou d’éviter des fausses routes en ¶ Choix de canules
cas de déglutition, le choix du modèle est différent.
Chez l’adulte
Canules à ballonnet (fig 8)
Le gonflement intratrachéal du ballonnet assure l’étanchéité pour En l’absence de nécessité de rendre les voies aériennes étanches, il
une ventilation assistée. Le risque majeur est que la pression exercée faut privilégier les canules avec une chemise interne.
par le ballonnet sur la paroi trachéale soit trop élevée, entraînant Le calibre doit être le plus grand possible afin d’éviter les
une ischémie, ou que le gonflement soit asymétrique, ce qui désaxe mouvements du bec de la canule à l’intérieur de la trachée.
la canule et peut provoquer une ulcération ou un granulome de la
paroi. La longueur doit être adaptée à l’anatomie du sujet. Un contrôle
fibroscopique est parfois utile afin de vérifier qu’une canule longue
La réalisation de canules en polychlorure de vinyle (PVC), en
ne traumatise pas la carène ou ne vient pas intuber la bronche
silicone, la mise sur le marché de ballonnets basse pression ont
souche droite.
permis de diminuer les accidents traumatiques.
Les variations anatomiques individuelles incitent à privilégier les
Canules sans ballonnet (fig 9) canules souples dont la courbure s’adapte à l’anatomie des sujets, et
Ces canules sont utilisées lorsque la ventilation assistée n’est pas ce d’autant que les canules souples ont souvent des collerettes
indispensable et qu’il n’y a aucun risque de fausse route. Chez réglables.

4
Techniques chirurgicales Trachéotomie 46-430

trachéale, la mise en place d’un fil dans la trachée et


12 Canule pour enfant :
l’agrandissement de l’ouverture trachéale selon plusieurs
silicone et polychlorure de
vinyle (PVC). techniques.

TECHNIQUE DE CIAGLIA :
DILATATION PROGRESSIVE (fig 14)
Ciaglia réalise une incision cutanée verticale et un repérage trachéal.
Après passage du fil guide, les tubes dilatateurs sont utilisés jusqu’à
ce que le diamètre de l’ouverture trachéale permette la mise en place
13 Canule parlante pour de la canule qui est alors insérée. Un kit prêt à l’emploi est
enfant : argent. commercialisé par Cook France.

TECHNIQUE DE GRIGGS :
DILATATION PAR FORCEPS (fig 15)
Une pince de Kelly, spécialement usinée, coulisse le long du fil
guide. L’ouverture de la pince permet de dilater les tissus sous-
cutanés et l’orifice trachéal. Une canule montée sur un obturateur
est passée dans la trachée. Le fil guide et l’obturateur sont retirés
Chez l’enfant (fig 12, 13) lorsque la canule est en place. Un kit est commercialisé par Portex
France.
Les canules souples en silicone ou en PVC sont utilisées de
préférence aux canules en argent. Du fait du faible diamètre de la Pour ces deux techniques, l’utilisation d’un contrôle fibroscopique
trachée, elles ne possèdent pas de chemise interne, ce qui implique au cours de l’intervention est devenue la règle [15]. Il permet de
une surveillance et des soins de canule très réguliers. vérifier le caractère médian de la puncture trachéale, sa position par
rapport au cricoïde, l’absence de traumatisme de la paroi postérieure
de la trachée.
Trachéotomie percutanée
TECHNIQUE DE FANCONI :
Shelden [18], en 1957, fut le premier à décrire une technique de
TRACHÉOTOMIE TRANSLARYNGÉE (fig 16)
dilatation progressive de la trachée à partir d’une puncture cutanée
et trachéale. Comme pour les autres techniques, un fil guide est inséré dans la
Ciaglia [1] en 1985, Griggs [7] en 1990, Fantoni [5] en 1985, reprenant le trachée. Celui-ci, après avoir été repéré par le fibroscope ou un
principe de la technique de Schelden, apportèrent des modifications bronchoscope, est extériorisé par la cavité buccale. Une canule de
que les fabricants de dispositifs médicaux commercialisèrent sous la trachéotomie avec dilatateur intégré conique est nouée au fil guide.
forme de kits. Toutes ces techniques ont en commun un repérage Une traction est exercée sur le fil au niveau cervical, un contre-
cutané des anneaux trachéaux, une puncture ou une incision appui permet d’extérioriser le dilatateur conique, un mandrin
cutanée, une puncture trachéale à l’aide d’une aiguille montée sur obturateur permet de positionner la canule de trachéotomie qui est
un cathéter, une vérification à l’aide d’une seringue de la pénétration alors fixée.

*
B *
D

14 Trachéotomie percutanée. Technique par dilatation


progressive : technique de Ciaglia.

*
A *
C

5
46-430 Trachéotomie Techniques chirurgicales

15 Trachéotomie percutanée.
Technique par dilatation for-
ceps : technique de Griggs.

*
A

*
B

*
D

*
C

*
A

*
B
16 Trachéotomie percutanée. Voie translaryngée : technique de Fanconi.

Incidents et accidents complications qui, pour certaines, peuvent mettre en jeu le pronostic
vital.
postopératoires [6, 16, 20]

¶ Hémorragie
PÉRIODE PÉRIOPÉRATOIRE L’hémorragie postopératoire est le plus souvent veineuse, le
Au décours de la trachéotomie et dans les 24 premières heures, une saignement étant favorisé par la toux. Une compression en cas de
surveillance rapprochée est indispensable afin de dépister des trachéotomie percutanée ou un méchage en cas de trachéotomie

6
Techniques chirurgicales Trachéotomie 46-430

*
C *
D

16 (suite) Trachéotomie percutanée. Voie translaryngée : technique de Fanconi.

*
E

chirurgicale est le plus souvent suffisant. En cas d’échec, une reprise place doit se faire dans d’excellentes conditions d’éclairage afin de
chirurgicale pour hémostase est indispensable. visualiser l’orifice trachéal. On peut s’aider d’un fibroscope qui
permet de voir la lumière trachéale et sert de mandrin à la canule.
¶ Emphysème sous-cutané cervical
Obturation de la canule
En cas de trachéotomie chirurgicale, il est provoqué par une
dissection trop large des tissus cervicaux, associée à une fermeture La canule est en place mais elle est obturée. Un bouchon est
hermétique. En cas de trachéotomie percutanée, il peut être vraisemblablement responsable de la dyspnée. Il peut siéger à
révélateur d’un faux trajet. l’intérieur de la canule. L’ablation de la canule interne permet de
lever l’obstacle. Il peut être trachéal et le diagnostic se fait lors d’une
¶ Reprise rapide de la dyspnée endoscopie à travers la canule. L’aspiration et la toilette trachéale
sont nécessaires.
Problème mécanique
Pneumothorax
La canule ne remplit pas sa fonction car elle n’est plus en place. Ce
fait n’est pas rare chez le sujet obèse au cou épais. La canule un peu Lorsque tout facteur mécanique a été éliminé, il faut évoquer un
courte s’est déplacée lors des mouvements cervicaux. Le diagnostic pneumothorax. Celui-ci est plus fréquent chez l’enfant que chez
repose sur des signes simples : le patient retrouve sa voix, l’adulte. Son incidence a beaucoup diminué depuis que le geste
l’aspiration est impossible, l’emphysème cutané se développe, la chirurgical a été pratiqué sous intubation.
dyspnée se majore. Il faut enlever la canule et la remettre en place Deux facteurs essentiels sont responsables : une ventilation à haute
en prenant soin d’utiliser une canule plus longue. Cette remise en pression, source de rupture alvéolaire, et la dépression médiastinale

7
46-430 Trachéotomie Techniques chirurgicales

importante liée à la dyspnée qui favorise la pénétration de l’air dans en période postopératoire, le taux de complications était plus
le médiastin lors de la dissection des plans trachéaux. Le diagnostic important pour les techniques percutanées [ 9 ] . Il s’agissait
repose sur l’auscultation pulmonaire et la radiographie ; une essentiellement de complications minimes. Dans tous les cas, la
exsufflation est nécessaire. morbidité est très faible dans les deux techniques.
PL MacCallum [13] a réalisé une comparaison des techniques
Dysphagie percutanées, chirurgicales et translaryngées. Il conclut à une plus
Une dysphagie est fréquente dans les premières heures. Elle régresse grande sécurité et un coût moins élevé en faveur des techniques
rapidement. percutanées ou translaryngées, ce qui est confirmé par M Heik-
kinen [11].
En l’absence de complication, si le patient est porteur d’une canule
à ballonnet, celui-ci doit être rapidement dégonflé afin d’éviter des
phénomènes ischémiques de la muqueuse trachéale, sources de
sténose ultérieure, mais aussi afin d’éviter une compression Soins postinterventionnels
œsophagienne qui aggrave la dysphagie.
Des soins infirmiers précis, tout particulièrement chez l’enfant, sont
le meilleur garant de l’absence de complication. L’ouverture de la
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE trachée entraîne une modification de la muqueuse trachéale
Pendant toute la période où le patient demeure trachéotomisé, des (destruction des cils vibratiles, métaplasie malpighienne) et une
complications peuvent se manifester. infection de la trachée. Ces deux phénomènes favorisent la
suppuration locale et la stagnation des sécrétions, sources de
bouchons trachéaux. Les soins locaux visent à minimiser les effets
¶ Hémorragie
de ces modifications.
Un saignement artériel rouge doit impérativement faire évoquer une
ulcération du tronc artériel brachiocéphalique par la canule. Le
HUMIDIFICATION
diagnostic est évoqué sur une expectoration sanglante par la canule
et la constatation de mouvements pulsatiles de cette canule. Elle est indispensable. Elle est assurée par des aérosols réguliers, le
L’association de ces deux signes est un facteur prémonitoire de recours éventuel à un nez artificiel, fourni avec certaines canules,
rupture. Il faut éviter l’inondation bronchique par la mise en place voire l’instillation de sérum physiologique.
d’une sonde à ballonnet, et discuter avec le chirurgien vasculaire
d’un geste chirurgical précédé d’une exploration radiologique. ORIFICE CUTANÉ DE LA TRACHÉOTOMIE
Il est nettoyé tous les jours, voire deux fois par jour, afin d’éviter la
¶ Reprise de la dyspnée
macération et la stagnation périorificielle des sécrétions.
La constatation de troubles respiratoires caractérisés par une
dyspnée aux deux temps traduit un obstacle trachéal. Un bouchon
ASPIRATION TRACHÉALE
est souvent responsable de ce phénomène. Plus rarement, la
formation de tissus de granulation vient obstruer le bec de la canule, Elle est indispensable. Elle est pratiquée avec le maximum d’asepsie,
ce qui justifie une ablation de ces granulations et le changement de en ayant recours à des sondes souples, non traumatiques. La
la canule. pression d’aspiration ne doit pas être trop élevée pour éviter de
traumatiser la muqueuse.
¶ Fistule œsotrachéale
Une toux lors de la déglutition, des épisodes infectieux bronchiques CHANGEMENT DE CANULE
à répétition, font évoquer une fistule. Cette complication est devenue Il est effectué à un rythme variable selon la technique utilisée : à la
rare. Liée à une nécrose ischémique de la paroi trachéale, elle 48e heure pour la technique chirurgicale, à une date plus tardive
apparaît chez des sujets qui ont été pendant une longue période pour les autres techniques, environ 7 jours pour la technique
porteurs d’une sonde à ballonnet gonflé. Le diagnostic est confirmé percutanée. Le rythme ultérieur de changement est fonction de
par la trachéoscopie et l’œsophagoscopie. Les fistules de petite taille l’importance des sécrétions et des épisodes infectieux. Ce
sont difficiles à mettre en évidence. L’utilisation de colorants peut changement doit être effectué la première fois par le chirurgien, dans
être d’un appoint certain. de bonnes conditions de visibilité. En cas de difficulté, il peut avoir
recours aux artifices précédemment décrits.
¶ Infection
Pendant toute la durée de la période où le patient est trachéotomisé,
des infections bronchiques peuvent apparaître, avec fièvre et opacité
Décanulation
pulmonaire à la radiographie. Des soins réguliers dispensés avec
une asepsie rigoureuse permettent de diminuer la fréquence des Celle-ci intervient lorsque tout obstacle sur les voies respiratoires a
infections qui relèvent d’un traitement antibiotique adapté. été levé et lorsque la ventilation peut être assurée par le patient.
Une canule fenêtrée avec clapet mise en place pendant 24 heures,
permet de s’assurer que la canule peut être enlevée. L’ablation est
INCIDENCE DES COMPLICATIONS SELON LES réalisée en début de journée, ce qui permet une meilleure
TECHNIQUES UTILISÉES surveillance. Un simple pansement sec est placé sur l’orifice. La
P Dulguerov et al ont réalisé en 1999 une méta-analyse comparant fermeture intervient en quelques jours. Dans les rares cas où il
les complications des trachéotomies chirurgicales et des persiste une fistule cutanéotrachéale, un geste chirurgical ultérieur
trachéotomies percutanées [4]. Dans la mesure où les groupes étaient permet de fermer cette fistule.
hétérogènes, les conclusions sont très nuancées : les techniques Chez l’enfant qui a été porteur d’une canule pendant de longs mois,
percutanées n’entraînent pas moins de complications opératoires et l’ablation de celle-ci est parfois responsable de syndrome
postopératoires que la technique chirurgicale. Cette méta-analyse a asphyxique, dit de panique. Il faut préparer l’enfant à la
été complétée par les mêmes auteurs, par une étude en double décanulation, grâce à une canule fenêtrée, et ne parler de panique
aveugle, comparant à nouveau la technique percutanée à la que lorsque l’on s’est assuré qu’il n’y a aucun obstacle
trachéotomie chirurgicale : que ce soit en période périopératoire ou laryngotrachéal.

8
Techniques chirurgicales Trachéotomie 46-430

Sténose post-trachéotomie Indications : trachéotomie


chirurgicale versus trachéotomie
Cette complication redoutable est devenue moins fréquente du fait
des améliorations du matériel, des conditions de soins et du geste percutanée
chirurgical mieux maîtrisé. Les facteurs responsables sont multiples.
Les progrès de la réanimation, l’amélioration de la qualité des
Les principaux sont :
matériels sont à l’origine de la diminution importante des
– un geste chirurgical mal conduit (ouverture trop haute, source de complications de la trachéotomie chirurgicale. Ces mêmes progrès
nécrose et de sténose cricoïdienne ; ouverture trop large ou ont permis le développement de méthodes de trachéotomie non
latéralisée, source d’effondrement des anneaux trachéaux) ; invasives. Ces deux techniques n’entraînent actuellement que peu
de complications [14, 17].
– des soins non adaptés (aspirations trop fréquentes, brutales, avec
des sondes rigides) ; L’augmentation de la demande de trachéotomie en milieu de
réanimation, la faible disponibilité des équipes chirurgicales, la
– une canule à courbure mal adaptée ou à ballonnet trop gonflé. nécessité du transport des patients, la facilité d’apprentissage font
préférer la trachéotomie percutanée qui aurait un coût moins élevé
que la trachéotomie chirurgicale dans les services de soins intensifs.
CIRCONSTANCES D’APPARITION
La trachéotomie chirurgicale garde cependant sa place dans des
La sténose peut se révéler dans deux circonstances : indications précises.
– elle est découverte lors d’un examen systématique laryngo-
trachéo-bronchique après décanulation, chez un sujet qui a été Indications de la trachéotomie chirurgicale
trachéotomisé pendant une longue période ; • Conditions anatomiques :
– elle est suspectée lorsque, à distance de l’ablation de la canule, le – enfant ;
sujet présente une dyspnée constante qui s’aggrave. – tumeur cervicale ;
– cicatrice cervicale ;
– obésité.
ASPECTS ENDOSCOPIQUES
• Urgence : détresse respiratoire aiguë.
Ils sont variés selon le siège de la sténose. Des associations • Patient non intubé.
sténotiques sont possibles.
Une sténose sous-glottique est secondaire à une trachéotomie trop En particulier, la trachéotomie percutanée ne doit pas être pratiquée
haute qui a entraîné une nécrose infectieuse du cricoïde avec en l’absence d’intubation et sur un patient vigile. La sécurité
réaction inflammatoire. ventilatoire est la condition essentielle pour pratiquer cette
Au niveau trachéal, la lésion peut être sus-canulaire, réalisant un technique.
éperon orificiel avec effondrement de l’anneau trachéal, sous-orificiel
au niveau du bec de la canule entraînant souvent une sténose en
virole.
Conclusion
Dans tous ces cas, le siège exact de la sténose et son étendue sont La trachéotomie chirurgicale est une intervention réglée dont les
précisés par l’examen endoscopique, avant tout traitement. Une complications sont devenues rares. Dans les milieux de réanimation, de
nouvelle trachéotomie doit être évitée à moins d’asphyxie, et un nouvelles techniques (trachéotomie percutanée) se sont développées. Les
geste chirurgical approprié tel qu’une résection-anastomose doit être indications de ces deux techniques se sont progressivement précisées.
pratiqué rapidement. Elles dépendent cependant de l’expérience des équipes et des opérateurs.

Références
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9
46-440
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-440

Traitement des fistules œsotrachéales


acquises
JG Lallemant
B Lallemant
B Girard
C Chapon Résumé. – Les fistules œsotrachéales correspondent à une communication anormale entre la trachée et
I El Sioufi l’œsophage. La prise en charge de cette pathologie rare, qui met en jeu le pronostic vital du patient, est
P Bonnin difficile. Les auteurs présentent les multiples étiologies, les modalités du bilan diagnostique et
préthérapeutique, à réaliser ainsi que les différents traitements médicaux et chirurgicaux à mettre en œuvre.
La conduite à tenir, dictée par de nombreux paramètres, est synthétisée au travers d’un arbre décisionnel.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : fistule œsotrachéale, arbre décisionnel thérapeutique.

Introduction Étiologies

Les fistules œsotrachéales (FOT) se définissent comme une BÉNIGNES


communication entre l’œsophage et la trachée, elles s’expliquent par
¶ Iatrogènes
la contiguïté de ces deux organes.
Le passage du transit digestif dans les voies aériennes est la Fistules secondaires à la réanimation respiratoire
conséquence essentielle de cette situation anatomique anormale, et L’intubation ou la trachéotomie peuvent chacune être à l’origine
rend compte de son extrême gravité. Les FOT peuvent être d’une FOT, mais c’est surtout la séquence intubation-trachéotomie
congénitales ou acquises ; nous excluons délibérément les fistules dans le cadre d’une assistance ventilatoire prolongée qui en est la
congénitales. cause principale [14].
Les FOT acquises sont rares. Les causes néoplasiques sont les plus Son incidence a été fortement diminuée depuis l’utilisation des
fréquentes, précédant les FOT secondaires à la réanimation ballonnets à basse pression, elle est appréciée à 0,5 % des patients
respiratoire, étiologie la plus répandue des FOT acquises non sous ventilation assistée au long cours [15].
néoplasiques. Les mécanismes physiopathologiques font intervenir :
Le diagnostic de FOT, évoqué par la clinique, sera confirmé et – du côté trachéal : une hyperpression du ballonnet qui crée une
précisé par les examens endoscopiques et radiographiques. hernie avec ischémie de la membraneuse trachéale ;
La prise en charge thérapeutique associe un traitement médical et – du côté œsophagien : la présence du rachis en arrière, d’une sonde
un traitement chirurgical, curatif ou palliatif. Les choix nasogastrique, d’un reflux peptique chez ces patients en décubitus,
thérapeutiques sont complexes, ils dépendent du terrain, de sont autant de facteurs favorisants (fig 1) ;
l’étiologie et des caractéristiques de la FOT, paramètres essentiels – sur le plan général : un patient en hypercatabolisme souvent
qui dictent le délai de prise en charge et la technique chirurgicale à infecté résiste d’autant moins qu’il existe une hypotension, un
mettre en œuvre. diabète, une imprégnation corticoïde, une immunodépression. Aussi
ischémie, ulcération, surinfection fragilisent et symphysent les deux
organes, ouvrant la voie à la nécrose qui apparaît en 30 jours en
moyenne [14].

Perforations instrumentales
C’est un accident exceptionnel qui survient volontiers sur un
œsophage pathologique : sténose postradique, sténose caustique,
diverticule. La fistule se fait habituellement en deux temps.

Jean-Gabriel Lallemant : Professeur des Universités. Chirurgie cervicomédiastinale


Benjamin Lallemant : Interne des Hôpitaux, DES ORL.
Benoit Girard : Chef de clinique assistant des Hôpitaux.
Christophe Chapon : Ancien chef de clinique assistant des Hôpitaux. • Chirurgie de l’œsophage
Imad El Siarfi : Praticien adjoint contractuel.
Patrick Bonnin : Praticien hospitalier.
Une FOT peut survenir d’emblée à la suite d’un traumatisme
Service ORL et CMF, centre hospitalier universitaire, 5 rue Hoche, 30029 Nîmes cedex 9, France. instrumental méconnu, ou plus souvent secondairement en regard

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lallemant JG, Lallemant B, Girard B, Chapon C, El Sioufi I et Bonin P. Traitement des fistules œsotrachéales acquises. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-440, 2002, 9 p.
46-440 Traitement des fistules œsotrachéales acquises Techniques chirurgicales

Bactériennes
1 Pathogénie des fistules
secondaires à la réanima- Ce sont :
tion : les facteurs d’attri-
tion. – la tuberculose : la fistule est générée par la détersion simultanée
dans l’œsophage et la trachée d’une adénopathie médiastinale au
stade de nécrose caséeuse [32] ;
– la syphilis.

Mycosiques
Ce sont : l’aspergillose et la candidose [47, 51].

Autres causes
Des cas de FOT ont été rapportés lors d’histoplasmose,
d’actinomycose, de toxoplasmose, d’abcès thyroïdien, d’herpès de
l’œsophage [40].

d’une suture œsodigestive. Les facteurs déclenchants sont alors : ¶ Inflammatoires


lâchage de suture, ischémie-nécrose par dissection extensive des
tissus périœsotrachéaux, reflux gastroœsophagien (RGO), abcès Des FOT peuvent être générées par des processus inflammatoires
médiastinal, irradiation [3, 25, 35]. nécrosants à point de départ trachéal comme dans la maladie de
Wegener [13], ou à point de départ œsophagien comme dans les
• Autres diverticules œsophagiens de traction, les diverticules
pharyngoœsophagiens, ou encore la maladie de Crohn [10].
Des cas de FOT ont été décrits après chirurgie trachéobronchique, et
plus exceptionnellement après chirurgie du corps thyroïde, du ¶ FOT congénitales révélées tardivement
diverticule de l’œsophage, et du rachis cervical par voie antérieure.
Cette cause doit être évoquée en l’absence de tout facteur étiologique
FOT délibérée dans le cadre de la réhabilitation vocale des retrouvé.
laryngectomisés
Depuis les années 1980, la restauration vocale par création d’une MALIGNES
fistule trachéoœsophagienne s’est largement répandue. Il s’agit, soit Les FOT d’origine néoplasique sont les plus fréquentes des fistules
d’une fistule continente musculomuqueuse dite « shunt », soit d’une acquises. Il s’agit de cancers de l’œsophage, plus rarement de
fistule appareillée d’une prothèse phonatoire dite « puncture cancers trachéobronchiques ou de lymphomes, hodgkiniens ou non.
trachéoœsophagienne » [28]. L’un et l’autre de ces procédés sont
L’incidence des fistules dans le cancer de l’œsophage est de 5 à 14 %,
susceptibles de devenir incontinents, réalisant la complication la
qu’il s’agisse d’une évolution spontanée ou d’une complication du
plus fréquente de ces réhabilitations vocales [8].
traitement [50].
¶ Traumatiques

Traumatismes cervicothoraciques fermés


Diagnostic
Le mécanisme supposé est une compression de la trachée et de
l’œsophage entre le sternum et les corps vertébraux. La perforation CLINIQUE
par chute d’escarre après nécrose limitée survenant quelques jours
après le traumatisme, est plus fréquente que la perforation ¶ Patient autonome
d’emblée [37]. La localisation est volontiers juxtacarinaire [44, 57]. Il s’agit d’un tableau sans spécificité étiologique, traduisant la
communication entre la voie digestive et l’axe trachéobronchique.
Traumatismes cervicothoraciques ouverts
– La toux, secondaire à la déglutition de la salive ou d’aliments, est
Il s’agit de plaies pénétrantes par balle ou arme blanche. Le risque le maître symptôme. Des particules alimentaires, des sécrétions
est de méconnaître initialement l’atteinte œsophagienne, dont la purulentes et parfois hémoptoïques sont rejetées par la bouche. Chez
symptomatologie s’efface derrière celle des lésions associées : le trachéotomisé, ces rejets se font par l’orifice de trachéotomie, ou
trachée, vaisseaux, nerfs [57, 58]. sont ramenés lors des aspirations trachéobronchiques.
Caustiques – Des épisodes infectieux bronchopulmonaires aigus itératifs
survenant de façon inexpliquée accompagnent rapidement ces
Elles sont parfois précoces et d’évolution dramatique, plus manifestations, aboutissant à un tableau de bronchorrhée profuse,
fréquemment tardives et secondaires à des manœuvres de d’atélectasie, de bronchectasie avec dyspnée.
dilatation [39].
– On note parfois l’apparition de signes digestifs : dysphagie
Corps étrangers douloureuse, météorisme et ballonnement abdominal.

Il s’agit de corps étrangers vulnérants. La fistule peut être immédiate – L’altération de l’état général est rapide.
ou plus souvent secondaire.
¶ Patient sous assistance respiratoire
¶ Infectieuses Chez ce malade souvent inconscient, une triade aérodigestive est
hautement significative, elle comprend :
Secondaires à des lésions œsotrachéales d’origine bactérienne,
mycosique ou virale, elles surviennent quasi exclusivement chez des – une désadaptation au respirateur, avec fuite aérienne par la
sujets immunodéprimés, et tout particulièrement dans le cadre du bouche et/ou autour de l’orifice de trachéotomie, ceci malgré un
syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), où les agents surgonflage du ballonnet et une augmentation des pressions du
infectieux en cause sont souvent associés [45, 52, 56]. respirateur ;

2
Techniques chirurgicales Traitement des fistules œsotrachéales acquises 46-440

– une distension gastro-intestinale, des bruits hydroaériques, des


mouvements abdominaux, le gonflement du sac de la sonde Tableau I. – Critères diagnostiques d’une fistule œsotrachéale [54].
nasogastrique, rythmés par le respirateur, sont très évocateurs [43] ; • Signes évocateurs
– la présence de nutriments ou de liquide gastrique dans les 1. Bruits hydroaériques synchrones au respirateur en regard de l’estomac malgré un
ballonnet bien gonflé.
aspirations trachéobronchiques devient de plus en plus fréquente,
2. Fuite aérienne malgré un ballonnet bien gonflé.
sans empêcher la survenue de bronchopneumopathies d’inhalations, 3. Perte de substance muqueuse en trachéoscopie ou en œsophagoscopie sans mise
volontiers lors d’un changement de canule (syndrome de en évidence de son caractère transfixiant.
Mendelson). 4. Passage anormal de bleu de méthylène ou de produit de contraste dans la trachée
ou l’œsophage, une fausse-route étant a priori exclue.
¶ Quel que soit l’état du patient 5. Passage de la sonde d’aspiration trachéale dans le tractus digestif.
• Diagnostic de certitude
La mise en évidence par l’orifice de trachéotomie de la brèche 1. Visualisation directe caractérisée :
œsotrachéale, matérialisée par la visualisation de la sonde - canule de trachéotomie vue en œsophagoscopie ;
nasogastrique, assure le diagnostic. - sonde nasogastrique vue en trachéoscopie ;
- berges de la fistule qui s’ouvrent et se ferment à la respiration ;
- visualisation de la muqueuse postérieure de l’œsophage au travers de la fistule.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES 2. Opacification œsophagienne ou trachéale objectivant formellement la fistule.
Ils ont pour objectif d’établir formellement le diagnostic, de conforter
l’étiologie, de fournir des éléments topographiques et
morphologiques précis, afin de pouvoir étayer les choix règle, devant toute FOT avérée. Ce geste est toujours encadré par
thérapeutiques. une prise en charge médicale, locale et générale. Les solutions
thérapeutiques très diverses dépendent de l’étiologie, des conditions
¶ Bilan endoscopique générales et de la situation locale, autant de facteurs qui déterminent
C’est la trachéoœsophagoscopie combinée, avec des tubes rigides et le moment et la technique les plus opportuns.
des optiques, qui est le moyen diagnostique le plus performant. Nous décrivons d’abord l’ensemble des modalités thérapeutiques,
médicales et chirurgicales, puis les indications sont synthétisées dans
Trachéoscopie le cadre d’un arbre décisionnel.
Elle est faite par voie haute ou par l’orifice de trachéotomie, au tube
rigide avec optiques droite et angulaire, ou au fibroscope. Elle
MÉDICAL
permet de visualiser la brèche au niveau de la paroi postérieure. Les
dimensions et la topographie de la brèche doivent être analysées Il doit être mis en œuvre dans tous les cas : soit comme préparation
avec précision par rapport au plan glottique, à la carène et à l’orifice à un geste chirurgical ultérieur, soit dans une attitude purement
de trachéotomie quand il existe. palliative, résumant alors à lui seul le traitement.
On peut dans le même temps effectuer les biopsies et prélèvements Il est sous-tendu par trois impératifs :
à visée étiologique, ainsi qu’une aspiration trachéobronchique.
– éviter toute possibilité de passage de la voie digestive vers l’arbre
Œsophagoscopie aérien ;
Si isolément, elle est nettement moins sensible sur le plan – lutter contre la surinfection bronchopulmonaire et l’infection
diagnostique, elle peut, grâce à certains artifices et couplée à la locale périfistulaire ;
trachéoscopie (diaphanoscopie, bleu de méthylène, insufflation), être – assurer la stabilisation clinique et biologique.
décisive en cas de fistules non évidentes.

¶ Bilan radiologique ¶ Local


La lutte contre l’inhalation est la préoccupation majeure.
Clichés simples
La protection des voies aériennes est assurée par une sonde à
L’abdomen sans préparation montre une distension gazeuse, mais ballonnet gonflée au-dessous de la fistule ; la détermination du siège
elle est peu spécifique chez ce type de patient. Les clichés adéquat du ballonnet s’aide de la fibroscopie. Dans les cas où la
cervicothoraciques, outre des signes de pneumopathie d’inhalation trachéotomie n’existe pas ou n’existe plus, elle peut être rendue
prédominant dans le territoire lobaire inférieur droit, peuvent nécessaire, ne serait-ce que pour une question de longueur de la
retrouver le signe du « ballonnet hypergonflé », l’empreinte de sonde [36].
celui-ci faisant saillie au-delà de la paroi trachéale, avec un diamètre
supérieur à 35 mm en incidence de profil [5, 55]. Des aspirations pharyngées répétées luttent contre la stagnation de
la salive au-dessus du ballonnet. L’aspiration pharyngée continue et
Opacification de l’œsophage l’utilisation d’atropiniques ne se discutent que si la protection des
voies aériennes, telle qu’elle a été envisagée, n’est pas totalement
Chez les patients conscients et capables de déglutir, elle fait le
satisfaisante.
diagnostic dans 70 % des cas [14].

Tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique ¶ Général


Elles n’apportent pas d’éléments supplémentaires au diagnostic La suppression de toute alimentation per os est une nécessité
positif. Leur intérêt est de fournir des éléments étiologiques et absolue.
d’analyser l’atmosphère tissulaire périfistulaire. L’alimentation est remplacée par une nutrition parentérale
On peut, comme l’a fait Thomas [ 5 4 ] , résumer les critères hypercalorique et/ou par une nutrition entérale par jéjunostomie.
diagnostiques (tableau I). Celle-ci est la voie la moins génératrice de reflux gastroœsophagien,
ce qui a conduit à abandonner la sonde nasogastrique comme la
gastrostomie d’alimentation. Certains associent à une jéjunostomie
Traitement d’alimentation une gastrostomie d’aspiration [38], alors que d’autres
Si quelques cas de fermeture spontanée ou après diverses montent en rétrograde, par la voie de la jéjunostomie, une sonde
manœuvres locales ont été rapportés, cette éventualité reste gastrique de déplétion [36]. La surélévation de la tête du lit n’est pas
exceptionnelle, et ne concerne que de petites fistules post- superflue [38].
traumatiques [14]. Aussi, un geste chirurgical curatif ou palliatif est la Le traitement de la surinfection pulmonaire comprend :

3
46-440 Traitement des fistules œsotrachéales acquises Techniques chirurgicales

*
C

*
B
*
A

2 Technique chirurgicale.
A. Voie d’abord. Exposition des lésions.
B. Suture de l’œsophage en deux plans. Suture de la trachée par lambeau musculaire sous-hyoïdien. Mise à distance des sutures : rotation axiale de l’œsophage.
C. Interposition d’un lambeau musculaire sous-hyoïdien.

– une antibiothérapie adaptée ; muscle sterno-cléido-mastoïdien, jusqu’à isoler le paquet


– des aspirations bronchiques régulières, stériles et atraumatiques ; jugulocarotidien. Ces éléments sont réclinés latéralement. La veine
thyroïdienne moyenne est sectionnée. L’omohyoïdien est libéré de
– une kinésithérapie de drainage bronchique active et passive. la gaine vasculaire, et récliné en haut et en arrière. Le lobe thyroïdien
Les éventuels désordres métaboliques et l’anémie, fréquente, seront est mis en traction médialement, ce qui met en tension l’artère
corrigés. thyroïdienne inférieure, et facilite le repérage du nerf laryngé
inférieur, en position le plus souvent rétroartérielle, dans l’angle
œsotrachéal.
CHIRURGICAL
Exposition des lésions
¶ Fermeture directe par voie latérocervicale L’artère thyroïdienne inférieure ou ses branches peuvent alors être
sectionnées. Le nerf laryngé inférieur gauche est libéré sur tout son
Anesthésie trajet cervical, de l’œsophage en arrière et du lobe thyroïdien en
avant, ce qui permet de compléter la bascule de ce lobe, et expose
Il s’agit d’une anesthésie générale qui n’a de spécificité qu’au travers
parfaitement œsophage et trachée. La topographie de la zone
du mode d’intubation. Le positionnement du ballonnet est essentiel,
fistulaire, préalablement fixée par les données de l’endoscopie, est
il doit se situer au-dessous de la zone fistulaire. Ceci peut être assuré
confirmée par l’existence d’une gangue inflammatoire, bien
par un repérage endoscopique précis de la topographie de la fistule,
perceptible par l’opérateur lors de la libération récurrentielle, qu’elle
l’introduction d’un fibroscope par la lumière d’une sonde
rend plus délicate à son voisinage. Il faut alors se porter en zone
transparente permet de vérifier la position correcte du ballonnet. La
saine, pour libérer trachée et œsophage de part et d’autre de la zone
situation la plus difficile est rencontrée en cas de fistule bas située,
fistulaire.
juxtacarinale [15]. Certains proposent alors l’utilisation d’une sonde
divisée sagittalement au-dessous du ballonnet [ 3 ] , ou bien Section-séparation de la fistule
l’intubation d’une seule bronche par une sonde à double courant [6], C’est un temps essentiel et délicat, dans la mesure où la séparation
ou encore la jet-ventilation à haute fréquence [40]. œsotrachéale se fait de dehors en dedans, sans avoir de visualisation
préalable de la fistule et au sein de tissus remaniés. Après avoir pris
Installation du patient ses repères en zone saine sus- et sous-jacente à la fistule, la section
Position en décubitus dorsal. Pour une cervicotomie gauche : mise se fait au plus près de l’œsophage, afin de conserver le maximum
en place d’un billot dorsal, laissant dans le vide le moignon de d’étoffe du côté trachéal. À ce temps, on a pu s’aider de la mise en
l’épaule gauche, avec extension cervicale et rotation droite de la tête, place de fils tracteurs sur le bord gauche de l’œsophage, afin de
pour ouvrir au maximun la région sus-sternoclaviculaire gauche [24]. bien mettre en tension les tissus de la fistule.
Sutures
Champ opératoire
• De l’œsophage
Il dégage largement la région cervicale antérieure, de façon bilatérale
et symétrique, et la partie haute du thorax jusqu’à la ligne La brèche est généralement assez franche et à grand axe vertical. La
bimamelonnaire. Un champ supplémentaire inférieur est bordé à suture se fait en deux plans avec des points invaginants : le plan
l’aplomb de l’angle de Louis. Il pourra être libéré à la demande si muqueux au fil synthétique non résorbable monofilament
une manubriotomie s’avérait nécessaire. (Prolènet), le plan musculaire au fil synthétique résorbable tressé
(Vicrylt), avec des points de capitonnage soulageant la tension du
Voie d’abord (fig 2A) plan muqueux. Si la perte de substance est importante dans l’axe
transversal, il est préférable d’horizontaliser la suture pour éviter
Il s’agit d’une cervicotomie antérolatérale gauche présterno-cléido- un effet de sténose [22, 33] (fig 3).
mastoïdienne s’incurvant en sus-sternal pour atteindre la ligne
médiane. L’incision, qui circonscrit l’orifice de trachéotomie s’il • De la trachée
existe, intéresse la peau, le platysma, et l’aponévrose cervicale La brèche trachéale est souvent contuse au sein d’un tissu de
superficielle. Les veines jugulaires antérieures sont sectionnées, et la mauvaise trophicité, et il est important de déterminer si la suture
veine jugulaire externe si nécessaire. On libère le bord antérieur du directe sans tension excessive est réalisable ou non.

4
Techniques chirurgicales Traitement des fistules œsotrachéales acquises 46-440

Fermeture
Après rinçage antiseptique, une fermeture classique en deux plans
sur drain aspiratif est réalisée.
L’utilisation, dans un champ opératoire exsangue, de colle
biologique à la seringue ou en vaporisation, nous paraît
recommandable, tant pour parfaire l’étanchéité des sutures que pour
exclure les espaces morts liés aux importants décollements.

En postopératoire
L’antibiothérapie par voie générale est maintenue pendant 10 jours,
parallèlement à l’aérosolthérapie et à la kinésithérapie. Un transit
pharyngoœsophagien réalisé au 10e jour, décide de la reprise de
l’alimentation. Celle-ci sera encadrée par l’orthophoniste, après
contrôle systématique de la mobilité laryngée.
*
A *
B ¶ Fermeture directe avec résection-anastomose
3 Suture de l’œsophage. trachéale
A. La perte de substance est importante dans l’axe transversal.
Cette méthode, largement utilisée [20, 22, 26, 38], a pour avantages :
B. Suture horizontale en deux plans (muqueux et musculaire).
– une exposition directe et large des lésions ;
– La suture directe est possible. Elle est effectuée en un plan par des – une moindre dévascularisation des zones de suture ;
points séparés (Vicrylt). L’exposition est facilitée par la rotation – le traitement concomitant de lésions trachéales associées
axiale droite de la trachée. Si l’accès postérieur s’avère insuffisant, fréquentes [48] ;
on peut recourir à la voie antérieure transtrachéale, sous la forme
d’une large incision horizontale pratiquée entre deux anneaux à – la disparition, de fait, de la perte de substance tissulaire par un
l’aplomb de la brèche [21]. Un refend vertical intéressant un ou deux simple effet de raccourcissement, tant au niveau de la trachée que
anneaux peut être nécessaire dans une brèche particulièrement de l’œsophage.
étendue.
Voie d’abord (fig 4A)
– La suture directe est impossible. De nombreux artifices ont été
décrits pour faire face à cette situation : – Cervicotomie en U de type Hautant circonscrivant, s’il existe,
l’orifice de trachéotomie.
– une collerette périfistulaire taillée aux dépens de l’œsophage
– Ouverture de la ligne blanche, les muscles sous-hyoïdiens sont
apporte une étoffe supplémentaire [16, 38] ;
réclinés, l’isthme thyroïdien est réséqué, la trachée cervicale est
– les lambeaux pédiculés musculaires sous-hyoïdiens retiennent largement dégagée à l’aplomb et au-delà de la zone fistulaire, en
l’attention de la plupart [54]. En effet, ces muscles sont dans le gardant un contact étroit avec le plan cartilagineux, afin d’éviter tout
champ opératoire, facilement disponibles, bien vascularisés, traumatisme des nerfs laryngés inférieurs.
rubanés [53] (fig 2B) ;
Résection de la trachée (fig 4B)
– l’utilisation d’un lambeau deltopectoral désépithélialisé [29], d’un
lambeau musculopériosté de sterno-cléido-mastoïdien [18], d’un Elle débute par une ouverture sagittale en regard de la fistule. Les
lambeau myocutané de grand pectoral [49] ou de grand dorsal limites horizontales supérieure et inférieure de la résection sont
moins épais, comme nous l’avons pratiqué. fixées en fonction des dimensions de la zone fistulaire, en prenant
Cependant, si la perte de substance trachéale n’a pu être garde que les berges de la future pexie soient de trophicité
suffisamment réduite, une surface importante de tissu musculaire convenable. Ainsi, la résection peut intéresser un éventuel orifice de
tient lieu de paroi postérieure, faisant alors courir un risque trachéotomie contigu. Il faut souligner qu’au cours de ce temps
sténotique [16, 21]. Pour éviter cet écueil, un calibrage systématique chirurgical, la sonde orotrachéale doit être reculée pour dégager la
par tube de Montgomery est alors licite. En fait, en cas de perte de zone incriminée. Une fois fixées les limites de la résection,
substance plus importante que prévue et qui nécessite un apport l’intubation se fait directement par l’orifice trachéal distal.
tissulaire conséquent, le risque sténotique est important. Il est alors
préférable d’opter, à ciel ouvert, pour une fermeture avec résection- Fermeture de la brèche œsophagienne (fig 4C, D)
anastomose trachéale. Un débridement des tissus œsotrachéaux de la fistule est réalisé,
avant fermeture plan par plan. On peut utiliser la pars membranacea
Mise à distance des sutures de la zone réséquée pour assurer la fermeture de l’œsophage [21, 24].
Elle nous paraît, comme à beaucoup, indispensable. En effet, laisser Interposition musculaire (fig 4E)
en regard les tissus fragilisés de deux organes creux avec, du côté
trachéal une surinfection constante, du côté œsophagien la présence Un lambeau musculaire peut matelasser la suture œsophagienne, il
de salive, expose à un risque important de récidive. est amarré au plan prévertébral, et produit de fait une rotation
œsophagienne et une mise à distance de la suture trachéale.
Cette mise à distance peut se faire dans deux plans :
– rotation axiale de l’œsophage. Deux points prenant appui sur la Anastomose trachéotrachéale (fig 4F)
musculeuse œsophagienne antérieure, de part et d’autre de la Elle débute par la suture de la pars membranacea, puis, la sonde
suture, seront noués sur le plan prévertébral (fig 2B). Seule une d’intubation orotrachéale précédemment reculée ayant été
fistule très haut située peut interdire une telle manœuvre [14] ; repositionnée, la suture de la trachée cartilagineuse est effectuée.
– interposition. Un tissu de bonne trophicité entre les sutures, même En cas de FOT très étendue verticalement et nécessitant une
si elles sont décalées, apporte indiscutablement une sécurité résection trachéale démesurée, on peut limiter la résection en deçà
supplémentaire. L’utilisation des muscles sous-hyoïdiens ou sterno- des dimensions de la fistule, la perte de substance postérieure
cléido-mastoïdiens est toujours possible, même lorsqu’on a eu résiduelle est suturée en T directement [26], ou en utilisant le tissu
recours à l’un d’eux pour réaliser l’étanchéité trachéale (fig 2C). œsophagien contigu [38].

5
46-440 Traitement des fistules œsotrachéales acquises Techniques chirurgicales

*
D
*
C

*
A
*
B

4 Technique chirurgicale avec résection-anastomose tra-


chéale (B Guerrier).
A. Voie d’abord antérieure transisthmique.
B. Résection de la trachée cartilagineuse en regard de la
fistule.
C. Confection d’un lambeau de retournement aux dépens
de la pars membranacea.
D. Le lambeau de retournement est suturé.
E. Interposition d’un lambeau musculaire en arrière de la
suture trachéotrachéale postérieure.
F. Anastomose trachéotrachéale.

*
F
*
E

En cas de fistule très haut située et de lésions laryngotrachéales d’alimentation et de drainage gastrique selon la technique de
immédiatement sous-glottiques, il est possible de réséquer l’arc Marzelle [36] est systématiquement associée. La persistance d’un
antérieur du cricoïde et la partie basse du châton cricoïdien, et de reflux gastroœsophagien alimentant la fistule, avec ses conséquences
réaliser une anastomose thyro-crico-trachéale préservant la fonction et ses risques sur le plan local et bronchopulmonaire, reste malgré
laryngée [41]. tout l’inconvénient majeur de cette technique [33]. Son avantage est
de permettre secondairement un rétablissement de la continuité
¶ Chirurgie d’exclusion relativement aisé, sous la forme d’une anastomose
Son principe est de tarir la communication œsotrachéale, en œsoœsophagienne facilitée par une résection-anastomose trachéale
interrompant son alimentation en amont (exclusion unipolaire combinée [26].
haute), ou en amont et en aval (exclusion bipolaire haute et basse).
Bipolaire
Unipolaire Elle associe à l’exclusion haute par voie cervicale une exclusion basse
C’est l’exclusion haute de l’œsophage. Elle se fait par voie cervicale. par voie abdominale : la section avec suture des deux moignons se
L’œsophage est extériorisé et sectionné au-dessus du niveau de la fait au-dessus du cardia par médiane sus-ombilicale. Gastrostomie
fistule. L’extrémité proximale est mise à la peau en pré- ou trans- et/ou jéjunostomie sont de mise. Un drainage aspiratif de la cavité
sterno-cléido-mastoïdien, l’extrémité distale est suturée en deux œsophagienne évite l’effet de poche, se déversant dans les voies
plans, et est abandonnée dans le médiastin. Une jéjunostomie aériennes lors des changements de position du patient [33].

6
Techniques chirurgicales Traitement des fistules œsotrachéales acquises 46-440

Traitement médical 5 Arbre décisionnel des indications thérapeutiques des


locorégional et général
fistules œsotrachéales (FOT).

PATIENT VENTILÉ ?

OUI NON

PRONOSTIC VITAL DÉSESPÉRÉ ? ÉTAT LOCAL ET GÉNÉRAL MAÎTRISÉ ?


NON
OUI NON
OUI
efficace
LÉSIONS TRACHÉALES ASSOCIÉES ? traitement médical intensifié
À court terme À moyen terme
inefficace
OUI NON

Traitement médical Chirurgie d'exclusion chirurgie d'exclusion


palliatif Résection TAILLE DE LA FOT ?
anastomose trachéale

Petite moyenne grande géante

fermeture lambeau de résection chirurgie d'exclusion


directe voisinage anastomose trachéale
rétablissement
de la continuité

Le rétablissement de la continuité par œsophagoplastie colique ou Ces attitudes, qu’apparemment tout oppose, démontrent bien qu’il
gastrique et la cure éventuelle de la fistule œsotrachéale sont remis s’agit de cas d’espèce, difficiles à schématiser, ce que cependant nous
à plus tard. tentons de faire.
L’exclusion temporaire de l’œsophage par agrafage sans section, à
la pince T A 55, est une solution élégante, non délabrante, dans le L’état local et général est-il satisfaisant ?
cas où un délai supplémentaire sous traitement médical est Pour que la réponse soit affirmative, il faut que trois conditions
susceptible d’améliorer les conditions avant une réparation directe. soient remplies :
Cette exclusion, qui peut être uni- ou bipolaire, est spontanément
– l’état local de la fistule et des tissus avoisinants est stabilisé ;
réversible en 3 ou 4 semaines.
La technique adoptée est dépendante du devenir présumé du – la surinfection pulmonaire est maîtrisée ;
patient, selon que la perspective est curative ou palliative. – l’état nutritionnel et biologique est correct.
Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, un taux d’échec trop
¶ Chirurgie endoluminale élevé doit faire écarter un geste curateur d’emblée, et mettre ou
Ses objectifs sont de rendre la déglutition possible, tout en évitant remettre en œuvre une préparation médicale performante. Si, malgré
les complications de l’inhalation par la mise en place d’une prothèse tout, ces conditions ne peuvent être réunies, il faut s’adresser à des
endoluminale œsophagienne étanche, éventuellement associée à une méthodes palliatives ou d’attente de type « exclusion ». Dans cette
endoprothèse trachéale. Ses avantages sont de ne comporter qu’un situation, une réparation en deux temps, œsophagienne puis
risque relativement faible (0 à 20 % de mortalité), et d’être une trachéale, a été proposée [48].
méthode peu invasive puisqu’elle peut être réalisée dans le cadre
d’une hospitalisation de courte durée [2, 50]. Existe-t-il des lésions trachéales associées ?
L’existence de lésions sténotiques ou malaciques associées à une
FOT est fréquente [48]. Ces lésions sont à traiter dans le même temps
INDICATIONS
que la FOT, et indiquent une réparation avec résection-anastomose
¶ Indications générales (fig 5) trachéale.

La prise en charge thérapeutique peut être menée suivant un Quelle est la taille de la fistule ?
algorithme répondant successivement à quatre questions. Les deux
premières permettent d’appréhender le délai et le type de prise en • Fistule de petite taille
charge avant le geste chirurgical. Les deux suivantes précisent la Elle correspond à une brèche, dont la fermeture directe peut se faire
technique chirurgicale à employer. sans tension ni risque sténotique
Le patient est-il sous ventilation assistée ?
• Fistule de taille moyenne
Il s’agit d’un cas de figure non exceptionnel particulièrement délicat, Les dimensions de la perte de substance sont telles, qu’une
et qui reste extrêmement discuté. fermeture directe se ferait sous tension et avec un risque sténotique
– Pour les uns, le sevrage du respirateur est la condition sine qua avéré. C’est l’indication d’une fermeture avec apport tissulaire de
non d’une réparation directe [4, 21, 55]. Les tenants d’une telle attitude voisinage.
prônent alors l’abstention chirurgicale, en prolongeant le traitement
dit conservateur (cf supra) dans l’attente du sevrage. Si le traitement • Fistule de grande taille
conservateur est inopérant (étanchéité des voies aériennes sous- La perte de substance notamment trachéale postérieure est telle,
fistulaires impossible) ou si la possibilité d’un sevrage dans un délai qu’un apport tissulaire de voisinage fait courir un risque important
raisonnable est exclue, ils optent systématiquement pour les de sténose secondaire. C’est l’indication d’une réparation avec
méthodes chirurgicales palliatives d’exclusion, remettant à plus tard résection-anatosmose trachéale.
le rétablissement de la continuité.
– Pour les autres, la dépendance au respirateur n’exclut pas une • Fistule géante
réparation directe, après une préparation intensive qui ne saurait L’indication est posée en fonction, d’une part des conditions locales
être prolongée sans risque majeur. et générales, d’autre part de l’étiologie. Si l’exclusion bipolaire de

7
46-440 Traitement des fistules œsotrachéales acquises Techniques chirurgicales

l’œsophage par voie double [55] ou par voie cervicale seule [30] paraît • FOT et cancer de l’œsophage
la méthode la plus raisonnable, la réparation primaire avec
Pour une telle étiologie, le traitement n’a de prétention que
résection-anastomose trachéale associée peut être envisagée dans les
palliative. Dans ce cadre, hormis l’abstention sous traitement
cas les plus favorables, chez un patient sevré du respirateur [20, 21, 26].
médical, ce qui aboutit au décès dans un délai inférieur à un
mois [12], deux solutions peuvent être envisagées :
¶ Indications particulières en fonction de l’étiologie
– le traitement endoscopique : il existe plusieurs types de prothèses,
FOT délibérées dans le cadre de la réhabilitation vocale les prothèses traditionnelles en plastique avec récemment
des laryngectomisés l’apparition de prothèses en mousse, gonflables, et les prothèses
Des méthodes conservatrices sont le plus souvent suffisantes : métalliques expansibles couvertes [11, 19, 27]. La survie est prolongée,
elle atteint 4 mois, et les conditions de fin de vie sont améliorées.
– en cas de shunt, c’est la mise en place d’une prothèse phonatoire [9, Des complications peuvent survenir : migration de la prothèse dans
;
28]
10 % des cas, perforation œsophagienne, agrandissement de la
– en cas de puncture avec prothèse, c’est l’ablation temporaire de la fistule, hémorragies peropératoire ou secondaire par ulcération de
prothèse avec éventuellement mise en place d’un cathéter l’œsophage, dysphagie, douleurs, et compression trachéale [19].
« calibrant » de plus petite taille [28] ; Celles-ci sont significativement diminuées par l’utilisation des
nouvelles prothèses métalliques, qui cependant restent plus
– dans les cas plus rebelles, une cautérisation du trajet fistuleux au
onéreuses [46] ;
nitrate d’argent ou électrique peut être proposée [1].
En cas d’échec des méthodes conservatrices, il faut réaliser, après – le traitement chirurgical palliatif : il est indiqué chez des patients
excision du trajet fistuleux, une fermeture soigneuse de la trachée et en état général convenable, et pouvant bénéficier d’un traitement
de l’œsophage. médical de la tumeur. Il s’agit soit d’une exclusion uni- ou bipolaire
En cas de cou irradié, il faut soit interposer un lambeau musculaire de l’œsophage, soit d’un pontage par gastroplastie ou coloplastie
local d’emblée ou un greffon libre cutané [8], soit réaliser une rétrosternale qui exclut la fistule, permet l’alimentation orale mais
ascension trachéale avec reposition du trachéostome [7]. aussi un traitement par radiothérapie et chimiothérapie.
La durée de vie est améliorée (3 à 9 mois), mais la mortalité
Caustiques périopératoire est élevée (25 à 40 %) [15].
Les FOT secondaires surviennent le plus souvent au décours de
manœuvres de dilatation. C’est l’indication d’une œsophagoplastie • FOT et cancer trachéobronchique
colique ou gastrique rétrosternale en un ou deux temps sans Dans ces cas, la survie excédant rarement 1 mois, on opte pour un
œsophagectomie [39]. traitement médical exclusif purement symptomatique, ou pour un
traitement endoluminal par endoprothèse trachéale éventuellement
FOT et sida associée à une prothèse œsophagienne [2].
Il s’agit toujours de patients à un stade avancé de leur affection,
pour lesquels, sur le plan chirurgical, on se limite à la mise en place • Lymphomes
d’un stent œsophagien visant à maîtriser l’inondation Il s’agit le plus souvent d’un lymphome hodgkinien en évolution,
bronchopulmonaire. dont le pronostic est bien meilleur que celui des FOT
carcinomateuses [43]. Une méthode conservatrice est donc de mise
FOT et tumeurs malignes puisqu’une fermeture sous traitement, radiothérapique et/ou
Il faut distinguer : les FOT secondaires à un carcinome à point de chimiothérapique, peut être attendue. Dans les cas de FOT
départ œsophagien, beaucoup plus rarement trachéal, et les FOT compliquant le traitement, une réparation directe est recommandée
secondaires à un lymphome. lorsque la tumeur est contrôlée [42].

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Techniques chirurgicales Traitement des fistules œsotrachéales acquises 46-440

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9
46-450
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-450

Traitement endoscopique et chirurgical


des tumeurs de la trachée cervicale
JC Pignat
M Poupart
A Cosmidis

Résumé. – Les tumeurs trachéales représentent une pathologie rare. Le traitement des tumeurs malignes est
avant tout chirurgical. Le développement de l’endoscopie thérapeutique, avec notamment l’apport récent du
laser et des prothèses endotrachéales largables, a permis la prise en charge de ces patients.
Le traitement des tumeurs bénignes repose essentiellement sur le laser. La chirurgie reste possible dans
certains cas particuliers.
La prise en charge des traumatismes trachéaux à traduction non sténosante dépend de la gravité de la lésion
elle-même et du retentissement de celle-ci sur une des fonctions vitales.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : tumeur de la trachée cervicale, traitement endoscopique, traitement chirurgical.

Prise en charge des tumeurs malignes 1 Tumeur maligne trachéale

TUMEURS PRIMITIVES
Il s’agit le plus fréquemment de carcinomes épidermoïdes, de
carcinomes adénoïdes kystiques, d’adénocarcinomes, et plus
rarement de lymphomes, de chondrosarcomes ou de
plasmocytomes... (fig 1, 2).
Le traitement doit être chirurgical. En cas de contre-indication, la
prise en charge de ces malades est effectuée par endoscopie à l’aide
du laser (YAG...) et des prothèses largables endotrachéales.

¶ Chirurgie

Moyens
2 Tumeur pédiculée trachéale.
Le traitement chirurgical des tumeurs malignes de la trachée
cervicale repose sur l’ablation de la tumeur [11]. La technique la plus
utilisée est la résection-anastomose trachéale. La technique est
décrite dans l’article « Sténose laryngée », tout comme les différents
procédés de libération du larynx utilisés dans les résections
étendues.
Certains auteurs [7, 13, 21] préconisent des reconstructions prothétiques
de la trachée.
Il s’agit de prothèse en Dacront. La technique de mise en place de
cette prothèse [7, 21] est la suivante : après avoir libéré la trachée et
pratiqué la résection de la tumeur suivant la technique classique, la
prothèse est mise en place, celle-ci étant cathétérisée par la sonde de
ventilation afin d’assurer la suture dans de bonnes conditions
ventilatoires.
La suture est réalisée au Prolènet 3/0, par points séparés, en
utilisant la même technique que celle employée pour les valves
Jean Christian Pignat : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
cardiaques. La prothèse se retrouve invaginée dans la trachée. Il faut
Marc Poupart : Praticien hospitalier. prévenir l’érosion du tronc innominé : une pièce de Dacront,
Alain Cosmidis : Praticien hospitalier.
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, hôpital de la Croix Rousse, 93, Grand-Rue,
doublée par du péricarde ou du muscle, est interposée entre la
69317 Lyon cedex 04, France. prothèse et le tronc. Lorsque seule la partie antérieure de la trachée

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pignat JC, Poupart M et Cosmidis A. Traitement endoscopique et chirurgical des tumeurs de la trachée cervicale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,
Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Tête et cou, 46-450, 2001, 5 p.
46-450 Traitement endoscopique et chirurgical des tumeurs de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

est touchée par la tumeur et ne permet pas une résection-


anastomose en un temps, la partie postérieure membraneuse de la 3 Trachée après laser YAG pour tumeur
maligne.
trachée est laissée en place. La reconstruction est effectuée alors par
mise en place de la prothèse entre le bout distal et le bout proximal,
fixée par des points séparés ne prenant la prothèse qu’en superficie.
Celle-ci est ensuite recouverte par les tissus avoisinants.
Sur une série de 40 patients [21], le résultat paraît satisfaisant : deux
sont décédés par érosion vasculaire au contact de la prothèse au 14e
jour et à 2 ans ; sept sont décédés entre le cinquième mois et la
deuxième année de causes intercurrentes, mais 31 sont vivants à
plus de 2 ans.
Il faut noter la fréquence des granulomes au niveau de la suture
traités par endoscopie rigide.
Cependant, des techniques plus conservatrices peuvent être utilisées
lorsque la taille de la tumeur le permet [4] : quand la résection n’a été TUMEURS MÉTASTATIQUES ET INFILTRANTES
que latérale en « fenêtre », la réparation est réalisable, soit par suture Il s’agit, le plus fréquemment, d’une métastase de mélanome, de
directe, soit par une plastie armée réalisée avec des autogreffes cancer du sein ou du côlon. Pour les tumeurs infiltrantes, viennent
(bronches, fascia lata, péricarde, peau, muscle intercostal, au premier rang la thyroïde, le poumon et l’œsophage.
diaphragme).
La technique de Gebauer avec de la peau armée d’un fil d’acier ¶ Traitement chirurgical
inoxydable est d’un maniement simple et efficace.
Cependant, au-delà de deux fois 4 cm, la solidité du montage Il est identique à celui précédemment décrit et est utilisé chaque fois
plastique est précaire. que cela est possible, ce qui est rare.
Enfin, lorsqu’il existe un envahissement du larynx, l’ablation de la ¶ Traitement endoscopique
tumeur trachéale s’associe à une laryngectomie totale et la
ventilation est assurée par le trachéostome. Il est largement utilisé dans ce type de tumeur. Il repose sur le laser
essentiellement YAG et les prothèses endotrachéales largables (fig 3).
Indications [4, 5, 9, 11, 20]
Elles dépendent de l’état général du patient, du type Matériel
anatomopathologique de la tumeur, de ses extensions, endoluminale Il s’agit du matériel classique d’endoscopie trachéobronchique
en hauteur et locorégionale. comprenant :
La panendoscopie sous anesthésie générale avec biopsie pour
– les trachéobronchoscopes, de diamètre variable, associés à des
préciser le type anatomopathologique de la tumeur est l’examen
optiques (0°, 30° et 90°) avec une source de lumière froide
fondamental pour poser au mieux les indications ; celle-ci
suffisamment puissante pour permettre un éclairage correct ;
s’accompagne d’un bilan d’ordre général avec examen fonctionnel
respiratoire (EFR) et scanner cervico-médiastino-thoracique pour – l’instrumentation nécessite différents types de pinces (curettes,
préciser l’extension exacte de la tumeur. crocodile, emporte-pièce...), droites ou latéralisées, avec un ou deux
« La chirurgie trachéale est facile et sûre, à chaque fois que la perte mors mobiles ;
de substance ne dépasse pas 4 à 6 cm en hauteur. » [4] Cependant, il – le porte-optique à canal opérateur est essentiel dans ce type de
faut toujours avoir à l’esprit que la tranche de section doit passer au traitement puisqu’il permet le passage des fibres laser YAG.
minimum à un anneau de la tumeur, ce qui signifie une extension
en hauteur d’environ 3 cm pour la tumeur. Laser
Les contre-indications chirurgicales d’ordre général (fonctions Le laser CO2 est utilisable au niveau trachéal, par le biais du
cardiaque, rénale et hépatique) sont rares. broncholaser CO2. Cependant, n’étant pas conductible par fibre, son
– En ce qui concerne les cylindromes [20], ils envahissent très loin la utilisation est en pratique peu commode [6].
sous-muqueuse, refoulant plutôt qu’ils n’envahissent les éléments Le laser YAG a l’avantage d’être transmissible à travers des fibres
du médiastin. Leur découverte est souvent tardive. Malgré ces flexibles à quartz, avec une gaine de plastique entourée d’un tube
éléments défavorables, le traitement doit lui aussi être chirurgical, Téflont par lequel passe un fluide d’air continu servant au
même si l’exérèse n’apparaît que palliative étant donné la faible refroidissement.
évolutivité de ce type de tumeur. Le laser KTP, lui aussi, peut être tout à fait utile. Il est utilisé en fibre
De même, l’existence de métastases pulmonaires ne contre-indique nue. Il faut des lunettes protectrices du fait de la lumière verte
pas forcément l’ablation chirurgicale de ces cylindromes. Pour la irradiée par ce type de laser. Celui-ci permet un travail au contact
plupart des auteurs, la radiothérapie doit être associée, avec parfois de la tumeur par la fibre. Il permet d’obtenir des sections du pied
curiethérapie endotrachéale [19]. des tumeurs pédiculées avec hémostase, en règle de qualité.
– Pour les carcinomes, les indications sont plus limitées par le Sur le plan de la pénétration, celui-ci est intermédiaire entre le laser
terrain souvent mauvais, l’évolution plus rapide : le médiastin est YAG et le laser CO2.
souvent envahi, ainsi que l’œsophage, par l’évolution postérieure La fibre souple peut être introduite, soit à l’intérieur du canal
de la tumeur. opérateur, soit dans le canal d’un fibroscope. Le laser YAG est
Tous ces éléments font que l’exérèse est en règle incomplète. utilisable de façon continue ou discontinue avec une énergie
L’envahissement tumoral du médiastin, et surtout de l’œsophage, réglable. Son action est surtout coagulante pour des puissances
représente une contre-indication largement admise par tous les modérées à long terme et au contraire destructrice à puissance forte
auteurs [4, 9]. et durée courte. Sa pénétration en profondeur est nettement plus
grande que celle du laser CO2.
¶ Traitement endoscopique
Sa transmission par fibre souple lui permet d’atteindre tout l’arbre
Celui-ci est réalisé chaque fois que la chirurgie est contre-indiquée trachéobronchique [6, 16]. Lors du tir laser, la fibre doit être à une
ou en attente de celle-ci. Les différentes techniques utilisées sont distance de 3 à 6 mm de la lésion, en restant dans l’axe de la lumière
détaillées dans le chapitre suivant. pour éviter tout risque de perforation. Son efficacité est faible sur les

2
Techniques chirurgicales Traitement endoscopique et chirurgical des tumeurs de la trachée cervicale 46-450

Une anesthésie locale soigneuse est pratiquée par l’opérateur [6].


4 Tube Aboulker modifié.
L’utilisation de sondes respiratoires (premier geste à pratiquer en
urgence devant toute pathologie sténosante de la trachée) permet
une dilatation et assure une ventilation tout à fait correcte du
patient.
Lorsque la tumeur est très sténosante, des dilatations successives
sous contrôle à l’optique, entre chaque bougie, permettent d’obtenir
une filière suffisante pour ventiler le malade.
Ce n’est que depuis l’utilisation du laser que l’endoscopie
trachéobronchique dispose d’un matériel thérapeutique adapté. En
effet, auparavant, seuls les morcellements à la pince ou les
tissus blanchâtres, ce qui peut être contourné par une coloration électrocoagulations par pointes protégées étaient possibles, avec de
préalable du tissu. Du fait du flux d’air nécessaire au nombreux risques (hémorragie, perforation, fistule secondaire...)
refroidissement, le tir laser peut être gêné par des projections de pour un résultat médiocre.
tissus carbonisés, de sécrétion, de gouttelettes. Les deux lasers le plus couramment utilisés sont le laser CO2, mais
Chaque tir ne doit pas dépasser quelques secondes, pour éviter les surtout le laser YAG.
risques d’échauffement du bout de la fibre, risquant d’altérer cette Le tir est effectué à différentes puissances, avec des temps plus ou
dernière et la lentille située au bout de l’optique. moins longs, essentiellement selon l’appréciation du chirurgien et
L’apparition des lasers à colorant est plus récente [17]. Ceci nécessite du but qu’il s’est fixé.
l’utilisation d’un sensibilisant type Photofrin. L’usage de ce produit Les séances peuvent être réitérées à la demande. Le laser YAG
est encore lourd (patient hospitalisé 48 heures avant le geste, absence permet une meilleure efficacité de coagulation et une résection
d’exposition à la lumière, contrôle 48 heures après l’utilisation du rapide, la fibre étant placée environ à 5 mm de la surface à détruire.
laser). Celui-ci est utilisé uniquement sur les petites lésions Que l’on utilise l’un ou l’autre laser, la résection se fait
(carcinome in situ et/ou petites lésions T1). progressivement, plan par plan, en restant parfaitement parallèle à
l’axe de la lumière trachéobronchique, avec tir immédiat lorsque
Prothèses endotrachéales largables [6, 15, 17] apparaît une petite hémorragie. Il ne faut surtout pas hésiter à
Il s’agit, dans le cadre de la pathologie tumorale maligne, des reprendre ces malades à distance, l’aspect étant souvent amélioré
prothèses de Cometh et d’Aboulker modifiées. Plus rarement, sont par rapport à la première séance. Il faut surestimer le résultat de la
utilisées les prothèses métalliques recouvertes d’un film de Silastict. première séance.
Les prothèses de Cometh sont des prothèses comportant des En postopératoire, les patients doivent être placés sous aérosols et
ventouses sur leur face externe, de calibre différent, parfaitement surveillés pendant 24 à 48 heures.
tolérées, pouvant être larguées au sein de la tumeur après résection Les risques principaux restent une hémorragie peu fréquente et un
laser pour permettre un calibrage. Leur inconvénient principal est risque de fistule en cas d’application trop importante. Une fois le tir
leur souplesse qui n’assure pas un calibrage correct à moyen terme. laser effectué, ce geste thérapeutique peut être utilement complété
Leur mauvaise application contre la muqueuse, du fait des par la mise en place de prothèse endotrachéale largable. Le choix de
ventouses, augmente le risque de rétention des sécrétions. la prothèse est dicté par la hauteur de la sténose et le calibre de
Le deuxième type de prothèse est représenté par les prothèses celle-ci. La mise en place s’effectue sous contrôle à l’optique, le plus
d’Aboulker modifiées. Il s’agit d’une prothèse d’Aboulker sur souvent par laryngoscopie en suspension. La prothèse est mise en
laquelle a été réalisée une striation sur ses faces externes. Cette place « en force » à travers la tumeur à l’aide d’une pince crocodile
striation permet d’« amarrer » la prothèse à la tumeur. Elle présente qui maintient le bout supérieur de la prothèse. Le franchissement
l’avantage d’être rigide, donc d’offrir un calibrage à moyen terme du plan cordal ne pose en règle pas de problème. Pour la prothèse
efficace (fig 4). type Cometh, il est préférable de cathétériser cette dernière sur une
sonde de dilatation, puis d’utiliser un poussoir afin de larguer celle-
Dans le cadre des compressions extrinsèques, dans certains cas
ci. En effet, la prothèse de type Cometh est souple et sa mise en
particuliers et de manière beaucoup plus rare, sont utilisées des
place peut poser des problèmes s’il n’existe pas un guide.
prothèses métalliques expansives de type Ultraflex. Le coût de ce
type de prothèses rend l’utilisation de celles-ci beaucoup plus rare. Dans le cadre des tumeurs malignes, le laser a pris une grande place
Leur mise en place est réalisable, soit à l’aide du bronchoscope, soit et s’intègre comme un traitement complémentaire, ou en alternative
plus aisément en laryngoscopie en suspension à l’aide d’une aux thérapeutiques conventionnelles [1, 3, 6, 10, 16].
optique. Il permet d’atteindre trois objectifs :
Dans les deux types de prothèses, la survenue de bouchon muqueux – la désobstruction de la trachée en première intention permet, dès
est prévenue par la mise en place d’aérosols. Le risque le diagnostic, de réaliser une réduction tumorale efficace avant
hémorragique lors de la pose est minime. Elles peuvent être retirées l’utilisation d’autres thérapeutiques. Ceci permet d’améliorer l’état
après traitement efficace (radiothérapie) et remplacées à la demande. respiratoire en reperméabilisant l’axe trachéobronchique et en
Les prothèses largables à paroi non pleine n’ont pas leur place dans supprimant les sécrétions purulentes toujours présentes en dessous
cette pathologie. de la lésion, cette amélioration contribuant à une meilleure tolérance
des traitements curateurs ;
Cadre de réalisation de la trachéobronchoscopie
– le deuxième objectif est surtout d’ordre palliatif et correspond en
Après avoir préparé le malade par un traitement antibiotique et fait au maximum d’indications. Il permet d’assurer un meilleur
corticoïde du fait de la dyspnée et de l’encombrement bronchique confort de vie aux patients ayant épuisé toutes les ressources
sous-jacent fréquents, le geste est réalisé sous anesthésie générale, thérapeutiques. Les résultats immédiats sont satisfaisants,
sans intubation, en ventilation spontanée. permettant d’éviter l’asphyxie en creusant littéralement la partie
La mise en place du bronchoscope ou de la laryngoscopie en endoluminale de la tumeur. Les résultats secondaires dépendent de
suspension permet une ventilation à travers la tumeur lorsque l’évolutivité propre du cancer et des thérapeutiques associées qui
celle-ci est franchissable. La prémédication est systématique. La ont pu être effectuées, la survie obtenue pouvant dépasser 1 an [6].
prénarcose comporte 0,1 mg/kg de midazolam et 0,001 de Il semble donc tout à fait licite de proposer ce type de traitement à
Sintamylt. La narcose est induite par de l’étomidate (0,3 à ces patients tant que l’évolution rend celui-ci raisonnable, en sachant
0,4 mg/kg). que les séances doivent éventuellement être renouvelées. La

3
46-450 Traitement endoscopique et chirurgical des tumeurs de la trachée cervicale Techniques chirurgicales

le traitement de choix. Le tir ne doit pas détruire la lésion, mais


5 Fibromyxome de la trachée.
d’abord l’affaisser par échauffement laser, sans léser la muqueuse.
Ce n’est qu’après quelques jours que le véritable « rabotage » de la
lésion devenue fibreuse est réalisé.
Les différentes techniques chirurgicales sont représentées par :
– la résection-anastomose trachéale ;
– la trachéofissure [8], qui permet une fois la trachée ouverte une
résection à la vue de la tumeur, soit en laissant intègre le squelette
cartilagineux, soit en réalisant une résection partielle avec, en
général, fermeture simple de la trachée.
En fait, comme cela a été dit précédemment, la majorité des tumeurs
bénignes peuvent bénéficier d’un traitement par laser, selon la
technique décrite au chapitre précédent.
désobstruction est utilement complétée par les prothèses de
calibrage largables. Si l’anesthésie générale est impossible, la Traumatismes trachéaux à traduction
vaporisation peut être réalisée au fibroscope, sous anesthésie locale,
avec cependant des résultats moins bons du fait des conditions, en non sténosante [2]

règle difficiles, de ce geste ;


Il s’agit, dans la majorité des cas, de plaies trachéales réalisant un
– le troisième objectif est lui d’ordre curatif. Il s’agit de l’utilisation emphysème sous-cutané ou un pneumomédiastin.
du laser à colorant (Photofrin) permettant de traiter les petites Les principales étiologies sont représentées par les accidents de la
lésions de type carcinome in situ et T1. Il s’agit d’une excellente voie publique (AVP), les causes iatrogènes (surtout intubation), les
alternative à la curiethérapie à haut débit de dose endotrachéo- plaies par arme blanche. La prise en charge thérapeutique de ces
bronchique, ainsi qu’à l’utilisation de la cautérisation par bistouri patients ne peut s’effectuer qu’après avoir éliminé un problème au
électrique et de la cryothérapie [12]. niveau du rachis cervical dans le cadre des AVP.
Le premier temps consiste en une exploration endoscopique qui doit
CONCLUSION être réalisée d’abord par fibroscopie. De toutes les manières, seule
une endoscopie sous anesthésie générale (obligatoire) permet de
La prise en charge des tumeurs malignes de la trachée cervicale doit faire le bilan des lésions. L’intubation doit rester très prudente en
être chirurgicale chaque fois que cela est possible, soit par résection- cas de traumatisme sur la trachée cervicale : en effet, la disjonction
anastomose, soit par résection limitée de la trachée avec cricotrachéale reste toujours possible et une intubation intempestive
reconstruction en un temps, soit par mise en place de prothèses, ce peut aggraver ou créer un pneumomédiastin.
qui reste du domaine expérimental.
Le traitement dépend de la gravité de la lésion et de son
En cas de contre-indication à la chirurgie ou en attente de celle-ci, le retentissement :
traitement endoscopique associant laser et prothèse endotrachéale
largable représente un élément nouveau et important de la prise en – si la lésion est punctiforme ou linéaire, sans grand retentissement,
charge thérapeutique de ce type de tumeur. une surveillance simple peut être instaurée en milieu hospitalier en
proscrivant les efforts à glotte fermée. Elle est réalisée par des
Les indications de la chirurgie dépendent essentiellement de l’état
contrôles fibroscopiques réguliers et par des radiographies
du patient, du type anatomopathologique de la tumeur, de son
pulmonaires et/ou un scanner thoracique permettant de juger de
extension en hauteur et locorégionale.
l’évolutivité médiastinale. Il est possible, lors du bilan sous
anesthésie générale au tube rigide, d’aider à la fermeture de la
brèche par application locale de colle biologique ;
Tumeurs bénignes
– dans les formes intermédiaires où la plaie apparaît plus large et
où l’emphysème s’aggrave progressivement, la mise en place d’une
Assez rares, elles correspondent à des types anatomopathologiques
trachéotomie avec une canule large permet, en général, d’aboutir à
extrêmement variés : adénome pléomorphe, neurinome, léiomyome,
une cicatrisation sans être amené à pratiquer un abord chirurgical
fibrome, granulome, lipome, angiome, papillome... (fig 5).
de la trachée ;
Le laser trouve ici une place de choix. Ces tumeurs se présentent
souvent sous une forme pédiculée, ce qui rend la résection complète – enfin, dans les formes graves où la plaie est importante et/ou le
presque toujours possible en un temps. Le tir laser doit surtout être retentissement est plus sévère, un abord chirurgical s’impose avec
concentré sur la zone d’implantation, permettant la destruction et suture trachéale.
l’ablation de la tumeur dans son entier pour examen
anatomopathologique [14].
Conclusion
Pour ce type de tumeur, les résultats sont toujours très satisfaisants,
liés à la nature de la lésion pour le risque de récidive locale. Les tumeurs de la trachée cervicale bénéficient des progrès des
Des séances même très espacées peuvent être réalisées à la demande traitements chirurgicaux. Les techniques chirurgicales sont issues de
en cas de récidive, notamment dans les papillomatoses [14]. celles utilisées pour les autres pathologies trachéales avec
La chirurgie devient ainsi moins nécessaire pour ce type de lésion développement récent de l’endoscopie interventionnelle.
[6, 8]
. Celle-ci reste disponible pour les récidives. Les tumeurs malignes sont du ressort, chaque fois que cela est possible,
d’une chirurgie par voie externe. Si l’endoscopie interventionnelle n’a
Les formes non pédiculées doivent bénéficier du traitement laser, dans ce cas le plus souvent qu’un rôle adjuvant, elle représente
soit en première intention, soit lorsqu’une intervention n’apparaît maintenant l’essentiel du traitement des tumeurs bénignes, surtout
pas souhaitable en fonction du contexte général. Là aussi, des endoluminales.
séances itératives permettent d’obtenir des résultats très Le laser à colorant représente une technique certainement d’avenir des
satisfaisants. Le scanner apporte des arguments de choix dans petites lésions malignes.
l’indication. Les traumatismes de la trachée à traduction non sténosante sont
L’angiome trachéal est une entité particulière, souvent non relativement rares. Leur prise en charge thérapeutique dépend des
pédiculée, mais rarement à extension extraluminale. Le laser en est dégâts locaux et du retentissement général.

4
Techniques chirurgicales Traitement endoscopique et chirurgical des tumeurs de la trachée cervicale 46-450

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5
46-490
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-490

Chirurgie de l’espace parapharyngé


C Beauvillain de Montreuil
P Bordure
ML Ferri-Launay
Résumé. – La chirurgie des espaces parapharyngés a des indications assez rares.
Elle est surtout proposée dans le traitement des tumeurs le plus souvent bénignes développées dans les trois
parties des espaces parapharyngés : espaces rétropharyngé, pré- et rétrostylien.
Les voies d’abord dépendent de la topographie, de la taille de la tumeur et de sa nature histologique.
Les abcès pré- et rétropharyngés sont drainés le plus souvent par voie endobuccale.
L’imagerie dominée par la tomodensitométrie et parfois l’imagerie par résonance magnétique sont
irremplaçables.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : espace parapharyngé, espace rétropharyngé, espace préstylien, espace rétrostylien, tumeur
parapharyngée, abord chirurgical de l’espace parapharyngé, abcès parapharyngé.

Rappel anatomique (fig 1) [3, 19, 20, 27, 29]


1 Coupe horizontale des
espaces parapharyngés (en
bleu : espace rétrostylien ;
La partie céphalique des espaces parapharyngés est séparée de la
en rouge : espace rétropha-
partie cervicale par le plan de l’os hyoïde. ryngé). 1. Ptérygoïdien mé-
dial ; 2. amygdale ; 3. ri-
LIMITES DES ESPACES PARAPHARYNGÉS deau stylien ; 4. masséter ;
5. mandibule ; 6. parotide ;
L’espace parapharyngé est limité : 7. carotide interne ; 8. jugu-
laire interne ; 9. sterno-
– en haut, par la base du crâne ;
cléido-mastoïdien.
– en arrière, par les trois premiers corps vertébraux avec les muscles
long du cou et grand droit antérieur, recouverts de l’aponévrose
prévertébrale ;
– en avant et en dedans, par l’aponévrose péripharyngée et les
muscles constricteurs supérieurs du pharynx.
On distingue la région rétropharyngée et les espaces
latéropharyngiens.

RÉGION RÉTROPHARYNGÉE
Elle est limitée :
– en arrière, par la lame prévertébrale du fascia cervical ;
– en avant, par le fascia pharyngobasilaire ;
– en haut, la limite supérieure est constituée par la partie basilaire
de l’occipital ; latéropharyngés. Ces cloisons sont absentes chez l’enfant et leur
existence est discutée chez l’adulte ;
– latéralement, classiquement, les septums sagittaux tendus entre
– en bas, cet espace ne présente aucune limite inférieure et il se
les deux aponévroses séparent l’espace rétropharyngé des espaces
continue par un espace rétropharyngé cervical et par l’espace
rétroviscéral.

Claude Beauvillain de Montreuil : Professeur d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale. ¶ Contenu


Philippe Bordure : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Cet espace est un espace quasi virtuel comprenant du tissu
Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, Hôtel Dieu, 44093 Nantes cedex 1, France.
Marie-Laure Ferri-Launay : Assistant-chef de clinique, avenue de la Créativité, 59650 Villeneuve d’Ascq, cellulograisseux et des éléments lymphoïdes, surtout développés
France. chez l’enfant (ganglion de Gillette).

Toute référence à cet article doit porter la mention : Beauvillain de Montreuil C, Bordure P et Ferri-Launay ML. Chirurgie de l’espace parapharyngé. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-490, 2001, 8 p.
46-490 Chirurgie de l’espace parapharyngé Techniques chirurgicales

Ces lymphatiques drainent le cavum, la paroi pharyngée et Loge parotidienne


postérolatérale, le tiers postérosupérieur des fosses nasales et des
Certains auteurs rattachent la loge parotidienne aux espaces
sinus.
parapharyngés. Cette région sera traitée dans un article différent.
ESPACES LATÉROPHARYNGIENS
Ils ont la forme d’une pyramide à sommet inversé dont la base se
situe au niveau de la base du crâne et le sommet au niveau de la
Tumeurs parapharyngées
grande corne de l’os hyoïde.
Ces tumeurs développées dans les espaces parapharyngés doivent
¶ Limite supérieure être distinguées des tumeurs métapharyngées situées dans
l’épaisseur de la paroi du pharynx.
Elle est constituée par la base du crâne : grande aile du sphénoïde
avec le foramen ovale et le foramen spinosum. CLINIQUE [20, 25, 29, 32]

¶ Paroi latérale Les tumeurs parapharyngées sont développées en dehors de la


région musculomuqueuse du pharynx.
Elle est constituée d’avant en arrière par : Les signes révélateurs sont dominés par une déformation cervicale
– le processus ptérygoïdien ; et/ou pharyngée.
– le ramus mandibulaire et le muscle ptérygoïdien latéral ; Les signes fonctionnels sont habituellement absents ou discrets.
L’existence de douleurs ou de paralysie des paires crâniennes doit
– le lobe profond de la parotide ;
faire craindre la possibilité d’une tumeur cancéreuse.
– une partie du ventre postérieur du digastrique. L’examen clinique comporte l’inspection et la palpation de
l’oropharynx et de la région cervicale.
¶ Paroi médiale
L’aspect clinique des tumeurs est différent selon la topographie.
Elle est constituée en haut par les muscles tubaires et en bas par le
constricteur supérieur du pharynx. ¶ Tumeurs rétropharyngées
¶ Constitution Elles soulèvent la paroi postérieure de l’oropharynx, médiane ou
parfois paramédiane.
Cet espace est divisé en deux parties (espaces pré- et rétrostylien)
par les éléments du rideau stylien. ¶ Tumeurs de l’espace préstylien
Ce rideau stylien est constitué de muscles et ligaments insérés sur
l’apophyse styloïde formant le classique « bouquet de Riolan » Elles refoulent l’amygdale en dedans, en bas et en arrière ; elles
auquel on adjoint le ventre postérieur du digastrique. soulèvent le pilier antérieur de l’amygdale ainsi que le voile
adjacent.
Ces formations musculoligamentaires ne sont pas disposées en un
seul plan mais en trois plans réalisant, sur une coupe, un trièdre. Le pilier postérieur est intact.
Ce sont les muscles stylopharyngien, styloglosse et stylohyoïdien La palpation de la région parotidienne retrouve inconstamment le
ainsi que les ligaments stylopharyngien, stylomaxillaire et prolongement de la tumeur.
stylohyoïdien.
¶ Tumeurs de l’espace rétrostylien
Espace rétrostylien Elles se situent au niveau du pilier postérieur de l’amygdale et
Il fut dénommé également espace sous-parotidien postérieur. Il refoulent l’amygdale en dedans et en avant : le pilier antérieur et le
communique en bas sans limite avec la région sous-digastrique et voile sont intacts.
en haut avec l’endocrâne par trois orifices : le foramen carotidien, le Une tuméfaction sous-digastrique profonde est habituellement
foramen jugulaire et le canal condylien antérieur. retrouvée à la palpation.
Il contient les éléments vasculonerveux principaux du cou : artère
carotide interne, veine jugulaire interne, IX, X, XI, XII et EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
sympathique cervical. L’imagerie est dominée actuellement par la tomodensitométrie
Il contient également les éléments paraganglionnaires satellites de la (TDM), mais mieux encore pour cette topographie par l’imagerie par
veine jugulaire interne, de l’axe carotidien et du X ainsi que des résonance magnétique (IRM) [ 2 2 ] puisqu’il s’agit de tumeur
relais lymphatiques supérieurs du cou. développée au niveau des parties molles.
Ces examens permettent de préciser la topographie exacte de la
Espace préstylien (partie médiane, parapharyngée des espaces
lésion et d’en préciser les connexions avec les axes vasculaires,
intermédiaires)
d’orienter éventuellement le résultat histologique (en particulier, un
Il correspond en fait à la région para-amygdalienne limitée : hypersignal en Tl et T2 est habituellement évocateur d’une tumeur
nerveuse).
– en dehors par le muscle ptérygoïdien médial et le ramus
mandibulaire ; L’angio-IRM, éventuellement complétée par l’artériographie,
orientée sur les données de l’auscultation cervicale, est souvent
– en dedans par la paroi pharyngée de l’oropharynx au niveau de réalisée dans les tumeurs de la région rétrostylienne du fait des
l’amygdale palatine dont elle est séparée par le muscle constricteur connexions possibles entre la tumeur et l’axe carotidien.
supérieur du pharynx ;
La biopsie de la tumeur doit toujours être évitée, même lorsqu’il
– au-dessus, par la trompe et les muscles tubaires ; s’agit d’une tumeur pharyngée saillante, facilement accessible à ce
– en avant, par le raphé ptérygomandibulaire. Cette région est geste.
appelée par certains auteurs « région para-amygdalo-tubaire ». En effet, cette biopsie favorise des inoculations de proximité et
Cette région contient le système artériel tonsillaire provenant de complique un geste chirurgical ultérieur.
l’artère faciale, du IX et du plexus nerveux pharyngien. La biopsie risque en outre d’entraîner un saignement important en
Cet espace peut être envahi par des tumeurs du prolongement cas de tumeur vasculaire.
pharyngé de la parotide qui s’engage entre les ligaments La ponction cytologique donne des résultats inconstants et est très
sphénomaxillaire et stylomaxillaire. « opérateur dépendant ».

2
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’espace parapharyngé 46-490

La meilleure solution comporte l’exérèse chirurgicale de la tumeur – une électrocoagulation monopolaire et bipolaire ;
avec examen extemporané.
– un aspirateur.
ÉTIOLOGIES DES TUMEURS PARAPHARYNGÉES En cas d’abord endobuccal, on utilise un ouvre-bouche de Boyle-
[1, 16, 20, 24, 25, 29]
Davis, le patient étant en position de Rose.
Afin de faciliter l’hémostase par coagulation lors de l’abord
¶ Tumeurs rétropharyngées transoral, on utilise une pince à disséquer de Debakey que nous
– Les chordomes sont des tumeurs exceptionnelles, développées aux avons fait isoler dans sa partie intermédiaire et des ciseaux longs à
dépens de la notocorde. bout mousse.
Sur le plan histologique, ces tumeurs sont bénignes. Elles présentent
toutefois une malignité locale et leur exérèse complète est quasi ¶ Abord transoral [11, 13]

impossible.
Il est proposé principalement dans les tumeurs bénignes
– Les adénopathies rétropharyngées peuvent être bénignes, mais
rétropharyngées et dans certaines tumeurs ectopiques de la parotide,
souvent malignes et métastatiques d’un cancer des voies
contrôlées par l’IRM (à distinguer des tumeurs du lobe profond).
aérodigestives supérieures (VADS), cavum en particulier ; leur
présence est toujours d’un pronostic très médiocre du fait de leur Le patient est installé en position de Rose : l’ouvre-bouche de Boyle-
inextirpabilité ou de leur exérèse incomplète. Davis est suspendu à un cerceau fixé sur les parties latérales de la
table. On marque le tracé de l’incision muqueuse située au sommet
– D’autres adénopathies métastatiques ont été décrites (cancer
papillaire thyroïdien) [31] ou des tumeurs très rares (lipome, de la convexité tumorale à l’aide de trois ou quatre applications
liposarcome). d’électrocoagulation de faible intensité. Une incision verticale est le
plus souvent préférée à une incision horizontale.
¶ Tumeurs de l’espace rétrostylien On incise la muqueuse au bistouri électrique monopolaire.
– Les chémodectomes : ils sont développés aux dépens du À l’aide de ciseaux à bout rond, on incise le muscle et on arrive au
corpuscule carotidien ou du X ; l’artériographie est indispensable contact de la paroi tumorale ; la dissection est souvent complétée à
pour en faire le diagnostic et guider le geste chirurgical. l’aide du doigt, les brides d’adhérence étant sectionnées aux ciseaux
après éventuelle électrocoagulation bipolaire.
– Les tumeurs nerveuses [15] : il s’agit le plus souvent de
schwannomes [18] , plus rarement de neurofibromes s’intégrant Il faut toujours prendre garde, au cours de tous ces temps, de ne pas
éventuellement dans le cadre d’une maladie de Recklinghausen. réaliser d’effraction tumorale.
Elles peuvent être évoquées sur l’existence d’un hypersignal en T1 L’hémostase est complétée au bistouri électrique à la fin de
et en T2 à l’IRM. l’intervention en électrocoagulation si possible bipolaire, ou
– Deux cas de kystes épidermoïdes ont été rapportés [10]. monopolaire mais alors avec la plus grande précision afin d’éviter
des nécroses tissulaires.
¶ Tumeurs de l’espace préstylien Le plan muqueux est fermé à l’aide d’un fil résorbable (type
Ce sont des tumeurs parotidiennes et, le plus souvent, des adénomes Monocrylt) sans drainage.
pléomorphes. En cas de tumeur vasculaire ou de tumeur maligne, si une indication
Ces tumeurs sont, soit développées aux dépens du prolongement opératoire est justifiée, l’abord de cette région parapharyngée se fait
pharyngé de la parotide, soit des tumeurs ectopiques indépendantes par une cervicotomie, habituellement unilatérale, du côté le plus
du lobe profond parotidien ; l’IRM retrouvant alors un plan séparant proche de la tumeur si celle-ci est latéralisée.
la tumeur de la parotide permet d’en évoquer le diagnostic.
Si la tumeur est haute, on fait une incision médiane verticale du
Au total, la plupart des tumeurs parapharyngées sont bénignes. Les voile qui sera reconstitué à la fin de l’intervention.
seules tumeurs malignes sont des adénomes pléomorphes
parotidiens dégénérés ou des tumeurs malignes primitives de la Il faut être prudent lors de la dissection latérale car l’axe carotidien
parotide ; plus rarement, des métastases ganglionnaires des cancers peut être en position très interne.
des VADS et exceptionnellement un chémodectome malin.
Dans ces trois sous-régions, des tumeurs rares, conjonctives bénignes ¶ Abord de parotidectomie [1, 12, 13, 27, 35, 36]

ou malignes, peuvent être rencontrées (lipome, liposarcome, Il est habituellement réservé aux tumeurs de l’espace préstylien qui
synovialosarcome, tumeurs nerveuses). sont le plus souvent des adénomes pléomorphes développés aux
dépens du prolongement pharyngé de la parotide.
VOIES D’ABORD CHIRURGICALES DES TUMEURS
Elles peuvent être schématisées selon quatre chapitres [4, 13] : Un abord externe est souvent suffisant dans ce type de tumeur.
On réalise tout d’abord une parotidectomie superficielle
– la voie transorale ; conservatrice.
– la voie de parotidectomie avec ou sans un abord transoral ; Le nerf facial est ensuite totalement libéré du lobe profond. L’artère
– la cervicotomie ; carotide externe est liée avant sa pénétration dans la glande.
– la voie transmandibulaire. C’est alors que la mandibule étant propulsée en avant, le doigt
parvient habituellement à disséquer sans difficulté la tumeur du
¶ Matériel chirurgical pilier antérieur de l’amygdale et de la muqueuse vélaire.
Le matériel utilisé dans ce type de chirurgie est le suivant : En cas de tumeur volumineuse, le nerf facial risque d’être soumis à
des tractions excessives et c’est dans ces cas qu’une incision du pilier
– pinces à disséquer : antérieur de l’amygdale est réalisée afin d’extraire le lobe profond et
– trois pinces d’Adson à griffe, sans griffe et à « dent de souris » ; la tumeur par la cavité buccale.
– une pince de Debakey ; Cet abord mixte est indispensable en cas de tumeur maligne ou
d’adénome pléomorphe récidivé.
– ciseaux fins de longueur moyenne à bout mousse ;
Som [32] propose dans les tumeurs volumineuses une ostéotomie de
– pinces hémostatiques de Kilner ; l’angle mandibulaire en arrière de la zone dentée et une dissection
– deux écarteurs de Farabeuf et un de Portmann ; au doigt du pôle inférieur de la tumeur ; cet abord complémentaire

3
46-490 Chirurgie de l’espace parapharyngé Techniques chirurgicales

*
A

2 Voie de cervicotomie. 1. Cervicotomie haute (en regard de l’os hyoïde) éventuelle-


ment prolongée : en haut et en arrière, en incision de parotidectomie ; en haut et en
avant, selon une incision fendant la lèvre inférieure ; 2. incision de Sébileau-Carrega.
Le sommet de l’incision se situe en regard du tiers moyen du cou. Cette incision est à
réserver aux volumineuses tumeurs intéressant toute la région cervicale.

ne nous semble pas justifié, sauf cas exceptionnel, du fait de l’abord


très limité qu’il procure.

¶ Voie de cervicotomie (fig 2)


Elle est utilisée surtout pour aborder les tumeurs de l’espace
rétrostylien.
– La cervicotomie haute, horizontale à deux travers de doigt sous la
mandibule, est souvent insuffisante pour une exposition satisfaisante
des tumeurs parapharyngées.
– L’incision habituellement utilisée par la plupart des auteurs est
l’incision de Sébileau-Carrega. Cette incision part de la pointe
mastoïdienne à la pointe du menton et s’inscrit si possible dans un
pli cutané, le sommet de la concavité se situant en regard du tiers
moyen du cou. Cette incision est éventuellement prolongée selon
une incision de parotidectomie ; les lambeaux cutanés sont alors
décollés dans le plan de l’aponévrose cervicale superficielle
dégageant en haut la glande sous-mandibulaire.
– On repère le bord du sterno-cléido-mastoïdien dont on décolle la
face profonde. *
B
– Dissection de la jugulaire interne avec ligature des éléments 3 Cas d’une volumineuse tumeur parapharyngée de l’espace rétrostylien. Il est in-
veineux souvent étalés verticalement, constituant le tronc dispensable de parfaitement repérer l’axe jugulocarotidien dont les éléments doivent
thyro-linguo-pharyngo-facial. être mis sur des lacs.
– On repère le XII et le X que l’on préserve durant l’intervention.
La principale difficulté est liée à l’importance des prolongements
– Les carotides primitives, interne et externe, sont mises sur des lacs. supérieurs de la tumeur. Dans ces cas, la dissection de l’axe
Les collatérales de la carotide externe ou son tronc sont liés à la jugulocarotidien est poursuivie en haut jusqu’à la base du crâne ;
demande. pour mieux l’exposer, une résection mastoïdienne est réalisée,
Le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien est repéré et l’axe éventuellement combinée, lorsque l’axe carotidien est parfaitement
jugulocarotidien disséqué. protégé, à une incision endobuccale complémentaire.
La tumeur se situe, soit au niveau de la bifurcation de la carotide Les tumeurs malignes sont souvent inextirpables et ce n’est que dans
interne dans le cas d’un chémodectome du corpuscule carotidien, des cas exceptionnels que l’on peut avoir recours à des greffes
soit dans le cas d’une tumeur nerveuse, à la face médiale de l’axe artérielles après résection de carotide interne.
carotidien. Nous ne ferons qu’évoquer les chémodectomes du X qui L’abord externe par cervicotomie des tumeurs rétropharyngées est
seront traités dans un article particulier de cet ouvrage : une indiqué en cas de tumeurs volumineuses mal limitées ou suspectes
artériographie préopératoire aura toujours été réalisée avec une de malignité ; il permet la dissection de l’axe jugulocarotidien et de
éventuelle embolisation. la tumeur éventuellement combinée à une incision transorale.
Dans le cas des tumeurs parapharyngées situées à la face profonde Trotoux [34, 35] a proposé, en particulier dans l’abord des chordomes
de l’axe jugulocarotidien, celui-ci est mis sur des lacs et manié avec cervicaux (C2-C3), un abord cervical bilatéral, après décollement de
la plus grande prudence (fig 3) ; la dissection de la tumeur est faite la paroi pharyngée postérieure permettant la dissection de
de proche en proche, le clivage en cas de tumeur bénigne de la paroi prolongements tumoraux de cette tumeur souvent inextirpable dans
pharyngée se faisant sans problème particulier. sa totalité.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’espace parapharyngé 46-490

au niveau de la branche horizontale, dans la région molaire


(Morfit [23] et Stell [33]).
Du fait de l’excellente exposition qu’elle procure, la plupart préfèrent
actuellement une incision parasymphysaire latéralisée du côté de la
lésion entre l’incisive latérale et la canine ou entre les deux incisives,
avec préservation des deux dents adjacentes.
L’incision cutanée antérieure est alors prolongée jusqu’à la ligne
médiane pour fendre la lèvre inférieure, en contournant la région
mentonnière de façon à masquer l’incision au niveau de la jonction
lèvre inférieure-menton.
L’ostéotomie est le plus souvent verticale ; Dubner [6] préconise une
ostéotomie mandibulaire selon un angle obtus ouvert du côté
opposé ; Som [32] préconise une ostéotomie en « marche d’escalier ».
Quand l’ostéotomie mandibulaire est réalisée, l’incision muqueuse
intéresse la région du plancher de la bouche le long du sillon
alvéololingual ; le nerf lingual et le XII sont repérés et disséqués.
La mandibule est alors luxée en dehors et l’abord de la région
4 Tracé des ostéotomies latérales. 1. Ostéotomie de Flood [8] ; 2. tracé de Som [32] ; 3, parapharyngée est alors simplifié.
4. ostéotomies en « marche d’escalier » de Stell [33], Morfit [23] ; 5. tracé de McGré- Si la réparation de la mandibule était au début assurée par des fils
gor [21] ; 6. ostéotomie paramédiane. d’acier bicorticaux, la plupart des auteurs préconisent actuellement
deux plaques de titane (fig 6) miniaturisées à quatre vis, fixées par
des vis suffisamment longues pour prendre les deux corticales, et
placées au-dessous du niveau des racines des dents. Les plaques
sont façonnées et positionnées avant l’ostéotomie pour faciliter leur
mise en place.
Afin d’obtenir une réduction osseuse parfaite, il apparaît plus
judicieux de mettre en place des plaques vissées avant de réaliser
l’ostéotomie, de les ôter, puis de faire l’ostéotomie ; on est alors
certain de l’excellente position des vis et donc de la contention, de
sorte que le blocage intermaxillaire de l’ordre de 15 jours préconisé
par certains, n’apparaît plus nécessaire.
La trachéotomie de sécurité proposée par Som [32] et Allison [1] n’est
pas justifiée lorsque la continuité mandibulaire est reconstituée.
Les complications de cette chirurgie sont dominées par les risques
infectieux impliquant, outre les précautions opératoires habituelles,
une couverture muqueuse de toute la région de l’os exposé et, en
particulier, de la zone d’ostéotomie, ainsi qu’une couverture
antibiotique prophylactique.
5 Tracé des ostéotomies symphysaire ou parasymphysaire. 1. Ostéotomie paramé-
Les autres complications sont les retards de consolidation, qui
diane nécessitant l’extraction de l’incisive inférieure latérale ; 2. ostéotomie en « V »
ouvert du côté opposé à la lésion [6] ; 3. ostéotomie en « marche d’escalier » [32]. impliquent la poursuite d’une alimentation mixée pendant plusieurs
semaines, et les malocclusions, conséquence d’une mauvaise
réduction de l’ostéotomie qu’aurait dû compenser un blocage
¶ Voie transmandibulaire (fig 4, 5) [5, 6, 8, 16, 21]
intermaxillaire.
L’abord des tumeurs des espaces parapharyngés par la voie
transmandibulaire est relativement exceptionnel : celle-ci est STRATÉGIE DES VOIES D’ABORD DES TUMEURS
RÉTRO- ET PARAPHARYNGÉES
proposée lors de volumineuses tumeurs, de plus de 10 cm de
Le choix de la voie d’abord dépend de nombreux facteurs :
diamètre, et lorsque la tumeur présente des signes de malignité.
Le tracé de l’ostéotomie a fait l’objet de nombreuses – topographie exacte : espaces rétropharyngé, pré- et rétrostylien ;
communications. – taille et rapports avec la base du crâne ;
Certains auteurs sont partisans d’incisions de la branche montante
[7] – connexions avec l’axe jugulocarotidien, la parotide et la paroi
au-dessus de l’épine de Spix, ménageant le nerf dentaire inférieur ; pharyngée (l’imagerie moderne précise au mieux ces éléments) ;
d’autres, Som [32], Pinsolle [28] ont proposé des incisions transversales – type histologique présumé en sachant que, le plus souvent,
de l’angle mandibulaire coupant alors le nerf dentaire inférieur ou l’examen extemporané le précise plus tôt qu’une biopsie.

6 Ostéotomie parasymphysaire. Double plaque d’acier maintenue


par des vis bicorticales.

5
46-490 Chirurgie de l’espace parapharyngé Techniques chirurgicales

La voie d’abord est unique si possible mais, dans les cas difficiles, la thermique à 39 ou 40 °C. Dès l’ouverture de la bouche, le diagnostic
voie combinée est indispensable pour disséquer la portion est évident devant le bombement de la paroi postérieure du
juxtapharyngée de la tumeur. pharynx, témoin de la collection suppurée. Très rapidement, la
dysphagie douloureuse s’aggrave, le bombement s’accentue et une
¶ Tumeur rétropharyngée contracture des muscles paravertébraux apparaît.
– Voie transorale : tumeur bénigne rétropharyngée bien limitée et À un stade précoce, un traitement antibiotique à large spectre peut
tumeur ectopique de la parotide (à distinguer des tumeurs du lobe venir à bout de cette suppuration.
profond). Mais c’est plus souvent au stade de collection confirmée qu’un geste
chirurgical s’impose, associé à un traitement antibiotique à large
– Abord cervical externe éventuellement associé à une voie
spectre.
transorale : tumeur volumineuse, mal limitée ou suspecte de
malignité. L’incision est habituellement faite sous analgésie ou sous anesthésie
générale (mais l’intubation peut y être hasardeuse) ; l’enfant est
– Abord cervical bilatéral pour les chordomes cervicaux. solidement immobilisé en position de Rose ; l’incision, après
ponction, est faite ; un aspirateur prévient le risque d’une inondation
¶ Tumeur de l’espace préstylien bronchique (un prélèvement bactériologique aura été réalisé dès le
– Abord cervical externe de parotidectomie dans les tumeurs départ).
bénignes développées aux dépens du prolongement pharyngé du L’incision de l’abcès est complétée par l’introduction d’un doigt qui
lobe profond de la parotide. permet d’effondrer les logettes et d’assurer un drainage satisfaisant.
– Abord externe plus abord direct dans les tumeurs volumineuses Un contrôle est réalisé les jours suivants afin de vérifier que la
récidivées ou suspectes de malignité. brèche muqueuse ne s’est pas fermée trop précocement et que
l’abcès ne récidive pas.
– Voie transorale (pilier antérieur) : tumeur ectopique de la parotide.
Ces abcès rétropharyngés de l’enfant peuvent prendre un caractère
¶ Tumeur de l’espace rétrostylien plus trompeur lorsqu’ils se situent derrière l’hypopharynx.
Le tableau clinique est évoqué par une attitude de torticolis fébrile
Penser à une tumeur vasculaire (chémodectome) et faire pratiquer avec dysphagie.
un examen angiographique.
C’est la radiographie de profil du pharynx qui retrouve le
– Abord cervical externe le plus souvent. bombement de la paroi postérieure pharyngée, parfois avec un
– Abord externe et transoral pour des tumeurs d’extériorisation niveau liquide.
juxtapharyngée. C’est sous anesthésie générale, avec une intubation qui ne pose alors
aucun problème, le larynx étant simplement refoulé en avant, que la
– Voie transmandibulaire parasymphysaire pour les tumeurs
tuméfaction est visualisée. L’incision est faite après ponction,
étendues et/ou suspectes de malignité (associée à une éventuelle
suffisamment large et suffisamment basse pour assurer un drainage
voie cervicale).
déclive et prévenir le risque de récidive de cet abcès.
Certains auteurs [2] préconisent un abord externe des abcès
rétropharyngés : cet abord peut être antérieur après une incision au
Abcès des espaces pharyngés bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien, ou postérieur après une
incision cervicale postérieure de 2 cm, à un travers de doigt sous la
Les causes de ces suppurations sont essentiellement dentaires ou pointe mastoïdienne et une dissection à l’aide d’un instrument
amygdaliennes. mousse en direction de l’apophyse latérale de C2 en arrière de l’axe
Ces suppurations peuvent être dues à des bactéries de rencontre non vasculaire. Bernard [2] rapporte 73 observations d’abcès traités avec
commensales habituelles ou être déterminées également par un succès selon cette méthode.
germe saprophyte de la cavité buccale devenu pathogène à L’avantage de l’abord latéral (fig 7) est d’éviter une communication
l’occasion d’une infection dentaire, d’un traumatisme, d’une entre le pharynx et les espaces parapharyngés ; l’inconvénient en est
exploration chirurgicale [8].
Ces suppurations péripharyngées sont dominées par des
streptocoques aérobies ; plus rarement, Staphylococcus aureus ou
Klebsiella [30] sont en cause.
Des anaérobies peuvent être associés aux germes aérobies
précédents ou même être isolés et sont responsables alors de
cellulites gangréneuses du cou particulièrement redoutables.
Un traitement antibiotique à large spectre (actif sur les germes à
Gram positif, à Gram négatif et sur les anaérobies) est mis en route
rapidement. À un stade précoce, ce traitement peut être suffisant ;
au stade de collection, il est nécessaire mais non suffisant et
n’empêche pas le drainage de cette collection suppurée.
La TDM constitue un examen de choix pour préciser la topographie
de l’abcès et son extension. Bien que non systématique (dans les
abcès rétropharyngés par exemple), il est souvent utile, voire
indispensable, en particulier dans les abcès rétrostyliens, pour
préciser les connexions de l’abcès avec l’axe jugulocarotidien.

[9]
ABCÈS RÉTROPHARYNGÉS

¶ Abcès rétropharyngés de l’enfant


Ils surviennent le plus souvent chez le nourrisson ou chez l’enfant
de moins de 5 ans.
L’abcès rétropharyngé se situe habituellement au niveau de 7 Abord externe des abcès rétropharyngés. 1. Abord rétrovasculaire ; 2. abord pré-
vasculaire.
l’oropharynx et se révèle par une dysphagie associée à une élévation

6
Techniques chirurgicales Chirurgie de l’espace parapharyngé 46-490

un trajet de drainage long, peu ou non déclive, avec un Lorsqu’il existe un bombement pharyngé rétroamygdalien, une
ensemencement possible des tissus sains et une fermeture ponction trouvant du pus guidera une incision prudente de la
prématurée favorisant la récidive. muqueuse et l’agrandissement de la collection à l’aide d’instrument
à extrémité mousse ou d’un doigt. En effet, la proximité de la
¶ Abcès rétropharyngés de l’adulte carotide interne incite la plus grande prudence dans l’abord de cette
Ils sont très rares. Rarement spontanés, ils sont le plus souvent région d’autant que ces phlegmons sont susceptibles de
consécutifs à une inoculation directe lors d’une fausse route complications hémorragiques.
instrumentale par exemple. L’abord externe est préféré par de nombreux auteurs [25] : il comporte
Nous ne faisons qu’évoquer ici les suppurations froides une incision cutanée, au-dessous de l’angle mandibulaire, à 1 ou
rétropharyngées qui s’intègrent dans le cadre du mal de Pott 2 cm de celui-ci de façon à préserver le rameau mentionnier. Un
occipital ou cervical supérieur. écarteur refoule le sterno-cléido-mastoïdien et l’écarte de la glande
sous-maxillaire en avant ; l’axe jugulocarotidien est repéré. Le
ABCÈS LATÉROPHARYNGIENS décollement est ensuite réalisé à l’aide d’un instrument non coupant
ou du doigt pour aboutir à la collection qui est incisée puis drainée
¶ Abcès préstylien ou para-amygdalien
par une lame.
Il complique habituellement une angine et représente souvent le
Les complications des collections parapharyngées sont maintenant
terme évolutif d’un phlegmon périamygdalien.
exceptionnelles mais viennent sanctionner un traitement insuffisant
Le tableau clinique est dominé par une odynophagie avec ou un diagnostic trop tardif.
hypersalivation et élévation thermique à 39-40 °C. Le trismus est
important mais il n’y a pas d’œdème de la luette ni de voussure de Ce sont les érosions carotidiennes [18], les thrombophlébites jugulaires
la partie haute du pilier antérieur ; c’est la paroi pharyngée tout avec foyer pulmonaire septique [14], les médiastinites suppurées
entière qui est refoulée en masse, refoulant l’amygdale en dedans et descendantes [7].
en bas. Les cellulites à anaérobies de la région cervicale sortent du domaine
La ponction exploratrice sous anesthésie locale, faite à l’aide d’une de notre exposé : le plus souvent d’origine dentaire, elles se
grosse aiguille sur une seringue étanche à usage unique, permet de caractérisent par un empâtement cervical diffus, une crépitation
confirmer la suppuration et d’évacuer l’abcès. Certains se contentent neigeuse et un syndrome infectieux sévère.
de ce geste éventuellement renouvelé les jours suivants ; d’autres
réalisent une incision en regard de la zone collectée sous anesthésie
locale ou générale, à l’aide d’un bistouri protégé, l’ouverture par
une pince de Lubet-Barbon assurant un drainage satisfaisant. Conclusion
¶ Abcès rétrostyliens La chirurgie des espaces parapharyngés s’adresse essentiellement aux
Ce sont en fait des adénophlegmons développés aux dépens des tumeurs et aux suppurations.
ganglions de la région sous-digastrique. Dans ces deux cas, les données de l’imagerie moderne (TDM et IRM)
Les signes cervicaux sont habituellement les premiers, la tuméfaction permettent de situer parfaitement la topographie de la tumeur et d’en
haute étant située juste au-dessous de la région parotidienne mais préciser les rapports avec le pharynx, la base du crâne et l’axe
refoulant parfois celle-ci. jugulocarotidien. L’abord des tumeurs cervicales dépend de leur
La température est élevée, la dysphagie importante, l’attitude de topographie exacte et de leur histologie présumée : abord transoral des
torticolis souvent évocatrice. Il existe un empâtement de la région tumeurs rétropharyngées, voie de parotidectomie des tumeurs de
jugulocarotidienne haute comblant l’espace rétromandibulaire. l’espace préstylien, cervicotomie des tumeurs de l’espace rétrostylien.
L’examen de l’oropharynx retrouve une voussure latérale et En fait, des voies combinées sont souvent nécessaires et l’abord
postérieure en arrière de l’amygdale. C’est dans ces cas que le transmandibulaire facilite la dissection et l’exérèse des tumeurs
recours à la TDM apparaît indispensable de façon à préciser la étendues ou malignes.
topographie de la collection, son importance et ses rapports de Les abscès des espaces parapharyngés dépistées par le scanner sont
voisinage. Un traitement antibiotique est mis en route le plus drainés, soit par voie transorale, soit par voie cervicale : le choix de la
précocement possible. voie d’abord dépend notamment de la topographie de l’abcès. Même
En cas d’une collection évoquée par les données de l’examen dans les abcès rétropharyngés, certains auteurs préfèrent l’abord
clinique et confirmée par la TDM, un drainage est réalisé le plus cervical à l’abord transoral, alors que dans les abscès latérocervicaux
souvent sous anesthésie générale avec intubation. l’abord cervical est toujours nécessaire.

Références ➤

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46-490 Chirurgie de l’espace parapharyngé Techniques chirurgicales

Références
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8
46-520
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-520

Chirurgie de la glande sous-mandibulaire


Chirurgie de la glande sublinguale
D Dehesdin
V Vinel

Résumé. – La glande sous-mandibulaire et la glande sublinguale sont, avec la parotide, les trois glandes
salivaires principales. Leur pathologie est infectieuse, inflammatoire ou tumorale. Si la pathologie tumorale
prédomine au niveau des parotides (63 %), à l’opposé les processus infectieux, lithiasiques ou non, et
inflammatoires sont l’apanage avant tout des glandes sous-mandibulaires et sublinguales dans 85 % des
cas [12]. Si la pathologie tumorale relève d’un acte chirurgical, d’autres techniques, non invasives, font partie
de l’arsenal thérapeutique à l’heure actuelle. La chirurgie des glandes sous-mandibulaires et sublinguales est
indiquée dans les pathologies lithiasiques, les plus fréquentes, et pour les tumeurs bénignes ou malignes. Si la
technique chirurgicale est bien codifiée, cette chirurgie n’est pas exempte de complications et nécessite de ce
fait une bonne connaissance de l’anatomie chirurgicale. D’autres techniques, telles que l’endoscopie et la
lithotripsie, doivent être discutées devant une lithiase sous-mandibulaire.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : sous-mandibulectomie, anatomie chirurgicale, technique, indications, complications,


endoscopie, lithotripsie.

Chirurgie de la glande 1 Situation générale de


sous-mandibulaire la loge sous-mandibulaire,
d’après Carpentier [6].
P : région parotidienne ; L :
RAPPEL ANATOMIQUE région linguale ; SL : région
sublinguale ; SM : région
La glande sous-mandibulaire occupe la loge sous-mandibulaire sus-
sous-mandibulaire ; C : ré-
hyoïdienne latérale, située sous les régions linguales et sublinguales, gion carotidienne.
en avant des régions parotidiennes et carotidiennes (fig 1). Celle-ci
est limitée en haut par le bord basilaire de la mandibule, en bas par
le tendon intermédiaire du muscle digastrique et l’os hyoïde.
La glande sous-mandibulaire envoie un prolongement profond
antérieur vers la glande sublinguale qui s’insinue entre le muscle
mylohyoïdien en superficie et le muscle hyoglosse en profondeur.
La face externe de la glande, superficielle, par laquelle la glande est
abordée chirurgicalement, est recouverte par la peau, le fascia sous-
cutané, le muscle peaucier et l’aponévrose cervicale superficielle
(fig 2). La veine faciale court à la face profonde de l’aponévrose, alors
que le rameau mentonnier du nerf facial chemine entre l’aponévrose
et le muscle peaucier, à une distance variable du bord basilaire de la
mandibule. arrière du muscle mylohyoïdien. Il remonte ensuite entre les muscles
La face interne de la glande (fig 3) repose d’avant en arrière sur les hyoglosse et mylohyoïdien. Il croise alors le trajet du nerf lingual,
muscles mylohyoïdien, hyoglosse, stylohyoïdien et le ventre passant tout d’abord en dedans puis en dehors de lui. Il gagne le
postérieur du digastrique. L’artère faciale court sur cette face plancher buccal où il chemine d’arrière en avant entre le muscle
profonde de bas en haut puis longe le bord supérieur de la glande. génioglosse en dedans et la glande sublinguale en dehors et
Le nerf lingual entre également en rapport avec cette face interne à s’abouche par un petit orifice saillant en dehors du frein lingual.
laquelle il est rattaché par des fibres sécrétoires parasympathiques ;
ainsi amarré à la glande, le nerf décrit une courbe à concavité
INDICATIONS CHIRURGICALES
supérieure. Le canal excrétoire de la glande, ou canal de Wharton,
émerge à la face profonde de la glande sous-mandibulaire juste en ¶ Pathologie lithiasique
La sous-mandibulite chronique lithiasique et la lithiase du canal de
Danièle Dehesdin : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Wharton sont de loin les indications les plus fréquentes de la
Valérie Vinel : Chef de clinique-assistant. chirurgie de la glande sous-mandibulaire et de son canal excréteur.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dehesdin D et Vinel V. Chirurgie de la glande sous-mandibulaire. Chirurgie de la glande sublinguale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46 520, 2000, 9 p.
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
46-520 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la glande sublinguale
cependant souvent laborieuse et hémorragique, du fait des
remaniements inflammatoires puis cicatriciels provoqués par chaque
poussée infectieuse.
Si les calculs siègent uniquement sur le trajet du canal de Wharton
et si la glande reste fonctionnelle, seul un geste sur le canal de
Wharton est proposé. Si la lithiase intéresse uniquement la glande
sous-mandibulaire, une sous-mandibulectomie est réalisée. S’il s’y
associe un ou plusieurs calculs sur la voie excrétoire, peu accessible
par voie cervicale, un geste endobuccal est conjointement réalisé.
La technique d’endoscopie peut être proposée pour une lithiase
intracanalaire.
La lithotripsie intra- ou extracanalaire doit être discutée pour les
lithiases non accessibles par la seule voie intrabuccale, et ce, quelle
que soit la taille du calcul [19] . Elle est réalisée sous contrôle
échographique [1, 16, 29]

¶ Pathologie tumorale
Elle est nettement moins fréquente : selon les auteurs, elle représente
5 à 25 % des indications de sous-mandibulectomie. Il s’agit avant
tout de tumeurs primitives de la glande, bénignes ou malignes. Par
rapport aux tumeurs parotidiennes, les tumeurs de la glande sous-
mandibulaire sont plus souvent malignes dans 40 à 60 % des cas
selon les séries [13, 14, 30, 31, 35] . Parmi les tumeurs bénignes, les
adénomes pléomorphes ou tumeurs mixtes représentent plus de la
moitié des cas ; on rencontre également des adénomes, des kystes,
des cystadénolymphomes papillaires.
Les tumeurs malignes sont avant tout des cylindromes, ou
2 Glande sous-mandibulaire, vue inféroexterne, d’après Carpentier [6]. carcinomes adénoïdes kystiques, et des tumeurs mucoépidermoïdes.
1. Parotide ; 2. veine jugulaire externe ; 3. axe carotidien ; 4. ventre postérieur Les adénocarcinomes, les épithéliomas, les lymphomes, les
du muscle digastrique ; 5. nerf grand hypoglosse ; 6. veine faciale ; 7. artère faciale ;
8. glande sous-mandibulaire sectionnée ; 9. muscle mylohyoïdien ; 10. aponévrose cer- sarcomes, les carcinomes anaplasiques sont plus rares.
vicale superficielle sectionnée réclinée. Quant aux métastases sous-mandibulaires, elles s’observent
essentiellement dans le cadre de tumeurs locorégionales qu’elles
soient mandibulaires, labiales, buccales ou pharyngées, par
extension de proche en proche, ou par voie lymphatique ou
hématogène.

¶ Pathologie infectieuse chronique


Il peut s’agir d’infections non spécifiques.
L’exérèse chirurgicale n’intervient qu’en cas de résistance aux
traitements antibiotiques ou de récidives subintrantes. L’idéal est
toujours de réaliser l’acte chirurgical à distance d’un épisode
infectieux.
Une localisation tuberculeuse n’est pas exceptionnelle de nos jours,
avec ou sans antécédent de tuberculose pulmonaire. Le traitement
chirurgical peut intervenir initialement en cas d’abcédation avec état
de préfistulisation ou pour obtenir une preuve bactériologique. En
règle générale, la chirurgie n’intervient qu’au décours d’un
traitement médical antituberculeux prolongé et bien conduit, sur
d’éventuels reliquats, tout en soulignant les difficultés de la
dissection chirurgicale dans ce cas et les risques d’une cicatrisation
prolongée et de mauvaise qualité sur le plan cosmétique.

¶ Pathologie inflammatoire et dysimmunitaire


Dans ces pathologies très diverses que sont la sarcoïdose,
l’histiocytose, le purpura rhumatoïde, les syndromes secs, l’atteinte
de la glande est généralement bilatérale et s’associe à d’autres
3 Glande sous-mandibulaire, vue interne, d’après Carpentier [6]. atteintes : glandulaires ou autres organes.
1. Canal de Wharton ; 2. glande sublinguale ; 3. nerf lingual ; 4. ganglion sous- Le traitement est avant tout médical. La chirurgie peut être proposée
mandibulaire ; 5. ventre antérieur du muscle digastrique ; 6. muscle mylohyoïdien ; pour préciser un diagnostic hésitant ou devant une tuméfaction
7. glande sous-mandibulaire ; 8. ventre postérieur du muscle digastrique ; 9. artère fa- résiduelle au décours de la thérapeutique médicale.
ciale ; 10. artère linguale ; 11. carotide interne ; 12. carotide externe.
¶ Voies d’abord sous-mandibulaires
La clinique, l’évolution, l’imagerie permettent assez souvent et transmandibulaires intérieures avec
d’établir le diagnostic. ou sans ostéotomies mandibulaires
Le traitement chirurgical intervient à distance d’un épisode Elles sont parfois nécessaires au traitement chirurgical des
infectieux afin de faciliter le geste. La dissection de la glande reste pathologies de la fosse infratemporale ou parapharyngée latérale

2
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
Techniques chirurgicales 46-520
Chirurgie de la glande sublinguale
haute, voire de la base du crâne. Une sous-mandibulectomie peut
être alors nécessaire pour faciliter l’abord de la lésion. 4 Technique de la sous-
mandibulectomie. Incision
cutanée.
¶ Hypersialorrhée
Certaines pathologies neurologiques, intéressant l’enfant comme
l’adulte, entraînent une hypersialorrhée très invalidante sur le plan
sociofamilial. Elles sont dues non pas à une hypersécrétion salivaire
mais à une incompétence de la musculature linguale et vélopalatine
entravant la déglutition. La glande sous-maxillaire produit à elle
seule 70 % des sécrétions salivaires.
Outre les thérapeutiques médicales, radiothérapiques habituellement
proposées, plusieurs procédés chirurgicaux ont été décrits pour
lutter contre l’hypersialorrhée, parmi lesquels la sous-maxillectomie
et la dérivation de son canal excréteur.

RISQUES DE LA CHIRURGIE DE LA GLANDE


SOUS-MANDIBULAIRE ET DU CANAL DE WHARTON

¶ Rameau mentonnier du nerf facial


C’est sans doute le danger principal de la sous-mandibulectomie. Le
nerf, situé entre le plan de l’aponévrose et du peaucier, court à une
distance variable du bord inférieur de la mandibule, classiquement
jusqu’à 4 cm sous le bord basilaire. Le rameau mentonnier peut être
lésé lors de l’incision ou lors de l’exposition de la face superficielle
de la glande.
L’incision doit donc être suffisamment basse, en regard de l’os
hyoïde ou au moins à 4 cm de la branche horizontale mandibulaire,
le patient étant en position opératoire, c’est-à-dire la tête en légère
hyperextension et rotation. Pendant la dissection même de la glande,
certains opérateurs ont proposé le repérage systématique du nerf à
la sortie de la glande parotide au moment où il précroise la veine
communicante intraparotidienne ; il semble plus fiable de ne pas
chercher à identifier le nerf en disséquant au contact de la capsule
de la glande, sous l’aponévrose cervicale superficielle et sous le plan
de la veine faciale, de façon à refouler le nerf superficiellement et
l’écarter ainsi de tout danger. Outre la section, le rameau mentonnier
du facial peut être lésé par l’écarteur de l’aide qui charge le lambeau
supérieur durant la dissection. La paralysie qui en résulte est
souvent régressive en quelques semaines. Parfois, le nerf doit être
délibérément sacrifié pour des impératifs carcinologiques.

¶ Nerf lingual
Il est exposé lors de la dissection de la face profonde de la glande
sous-mandibulaire, ou encore lors de l’abord du canal de Wharton 5 Technique de la sous-mandibulectomie.
par voie endobuccale. Dans les pathologies inflammatoires 1. Veine faciale sous le plan aponévrotique ; 2. berges cutanées ; 3. muscle peaucier in-
chroniques, les remaniements fibreux cicatriciels peuvent rendre son cisé.
repérage difficile et sa dissection délicate.
moins sous le bord inférieur de la branche horizontale de la
¶ Nerf grand hypoglosse mandibule (fig 4). Elle mesure environ 5 à 6 cm en moyenne,
s’étendant depuis la petite corne de l’os hyoïde en avant jusqu’au
La XIIe paire crânienne peut être exposée au cours de l’intervention
bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien en arrière.
au pôle inférieur de la glande, à son bord antérieur et lors de la
L’incision au bistouri intéresse d’emblée la peau, le tissu sous-
dissection de son canal excréteur, dans le plancher buccal.
cutané, le muscle peaucier du cou, sans décoller ce dernier du plan
profond (fig 5). On visualise alors l’aponévrose cervicale superficielle
TECHNIQUE CHIRURGICALE sous laquelle la glande apparaît nettement ainsi que la veine faciale.
Hémostase des berges de l’incision par électrocoagulation. La face
¶ Sous-mandibulectomie (fig 4 à 11) superficielle de la glande est exposée après ouverture de
l’aponévrose cervicale superficielle, en avant de la veine faciale qui
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale et intubation, par sera sectionnée après ligature au fil résorbable (fig 6). On récline en
voie nasale de préférence, pour permettre une éventuelle palpation haut et en arrière le lambeau cutanéopeaucier, en disséquant la face
endobuccale associée. Le malade est placé en décubitus dorsal, la superficielle de la glande au ras de sa capsule, sous l’aponévrose
tête en hyperextension, soit en abaissant la têtière, soit en plaçant un cervicale superficielle et la veine faciale : ceci est essentiel à la
billot sous les épaules, légèrement tournée vers le côté sain. préservation du rameau mentonnier du VII (fig 7). En avant et en
Le champ opératoire va de la pointe du menton et la commissure bas, la glande est libérée du ventre antérieur du digastrique en
labiale en avant au lobule de l’oreille en arrière, pour dégager toute ouvrant la gaine du muscle ; en avant et en haut, la glande est
la région cervicale antérieure et latérale. L’incision est tracée dans libérée dans la région sous-mentale puis séparée du bord postérieur
un pli naturel du cou si possible ; elle est curviligne, à concavité du muscle mylohyoïdien plus en profondeur, progressivement après
supérieure ; située à hauteur du corps de l’os hyoïde, à 4 cm au avoir électrocoagulé ou lié les pédicules artérioveineux

3
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
46-520 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la glande sublinguale

8 Technique de la sous-mandibulectomie.
6 Technique de la sous-mandibulectomie. Ligature de la veine faciale. Incision 1. Pince de traction ; 2. muscle mylohyoïdien ; 3. section des adhérences vasculaires
de l’aponévrose sur la face externe de la glande sous-mandibulaire. du muscle mylohyoïdien.
1. Veine faciale ; 2. muscle mylohyoïdien ; 3. glande sous-mandibulaire (face superfi-
cielle).

9 Technique de la sous-mandibulectomie.
1. Nerf lingual ; 2. ganglion sous-mandibulaire ; 3. pince tractrice sur la glande sous-
mandibulaire ; 4. canal de Wharton ; 5. muscle mylohyoïdien récliné par l’écarteur ;
6. nerf grand hypoglosse sous l’aponévrose de la loge.

Farabeuf de l’aide charge alors le muscle mylohyoïdien, un second


écarteur soulève la branche horizontale de la mandibule (fig 9).
7 Technique de la sous-mandibulectomie.
1. Veine faciale ; 2. artère faciale ; 3. glande sous-mandibulaire ; 4. muscle mylo-
Sont ainsi exposés : le prolongement interne et antérieur de la glande
hyoïdien ; 5. ventre antérieur du muscle digastrique sous l’aponévrose. vers le plancher buccal, le nerf lingual et le canal de Wharton qui
s’insinuent entre le muscle mylohyoïdien et le muscle hyoglosse. La
mylohyoïdiens au fur et à mesure afin d’éviter leur rétraction au direction du nerf lingual en forme de « V » est modifiée par la
sein du muscle (fig 8). Les écarteurs de l’aide, placés sous le plan traction d’éléments vasculaires et nerveux qui gagnent le ganglion
aponévrotique, dégagent ainsi en haut, à l’aplomb de la commissure sous-maxillaire qui relie le nerf lingual à la glande. Ces éléments
labiale, sur le bord basilaire de la mandibule, l’artère faciale qui vasculonerveux sont sectionnés après ligature au ras de la glande,
monte à la face profonde de la glande sous-mandibulaire ; selon les afin de ne pas léser le nerf lingual. Celui-ci, ainsi libéré, remonte
besoins, elle peut être disséquée et respectée jusqu’à son orifice sur sous le bord inférieur de la mandibule. La glande sous-mandibulaire
l’artère carotide externe ou sectionnée après ligature au fil non ne tient plus que par le canal de Wharton et par son prolongement
résorbable sous le rebord mandibulaire. La traction de la glande profond antérieur (fig 10). On sectionne entre deux pinces le canal
sous-mandibulaire vers le bas permet de dégager le pôle postérieur de Wharton, le plus près possible du plancher buccal, en visualisant
de la glande et sa face profonde d’arrière en avant. L’artère faciale correctement le nerf lingual qui doit être préservé. Le nerf grand
est dégagée près de son origine, en regard du ventre postérieur du hypoglosse est bien visible, accompagné des veines linguales, sous
muscle digastrique et liée puis sectionnée à ce niveau. L’écarteur de l’aponévrose profonde. La glande est adressée au laboratoire

4
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
Techniques chirurgicales 46-520
Chirurgie de la glande sublinguale
12 Coupe du plancher
buccal, d’après Guerrier
[15]
.
1. Muscle hyoglosse ; 2.
muscle mylohyoïdien ; 3.
nerf lingual ; 4. artère fa-
ciale ; 5. bassinet ; 6. nerf
hypoglosse ; 7. veine lin-
guale ; 8. glande sous-
mandibulaire.

10 Technique de la sous-mandibulectomie.
1. Nerf lingual ; 2. pince tractrice ; 3. canal de Wharton ; 4. muscle mylohyoïdien ;
5. nerf grand hypoglosse.

11 Technique de la sous-mandibu-
lectomie. Fermeture cutanée. Points sépa-
rés en surjet intradermique. Drain de
Redon.

13 Chirurgie du canal de
Wharton.

d’anatomopathologie systématiquement. On vérifie l’hémostase de


la loge sous-maxillaire, en particulier les ligatures des vaisseaux
faciaux. La fermeture de la voie d’abord se fait en deux plans après
mise en place d’un drain de Redon-Jost ; elle comporte un plan sous-
cutané prenant le peaucier par des points inversants au fil résorbable
et un plan cutané par des points séparés au fil résorbable ou par un
surjet intradermique (fig 11). Un pansement légèrement compressif,
non circulaire, est appliqué. Le drainage aspiratif est retiré à la 48e
heure, date à laquelle le pansement est enlevé. L’antibiothérapie de
principe, probabiliste, est discutable selon l’intensité des
phénomènes inflammatoires ou infectieux. Une antibioprophylaxie un fil tracteur transfixie la pointe de la langue pour traction de
est le plus souvent préconisée, en peropératoire. celle-ci vers le haut, du côté sain. On repère au doigt le calcul
palpable juste sous la muqueuse buccale. Si le calcul est très
¶ Évidement sous-mentomandibulaire postérieur, il peut être plus difficile à palper pour faciliter le repérage
lors de la dissection. Certains opérateurs cathétérisent le canal de
Il est réalisé dans le cas de tumeur maligne primitive ou
Wharton et bloquent le cathéter au contact du calcul.
métastatique de la glande salivaire ou de tumeurs ganglionnaires de
la loge sous-mandibulaire et est en règle associé à un curage cervical L’infiltration de Xylocaïnet adrénalinée du plancher buccal a été
complet fonctionnel ou radical. Cette technique est détaillée au proposée pour diminuer le saignement local, mais elle rend difficile
chapitre des évidements ganglionnaires cervicaux. Dans ce cas, et la palpation du calcul. On incise la muqueuse du plancher buccal
pour des impératifs carcinologiques, le nerf lingual et/ou le nerf antérolatéral, au bistouri, en regard du calcul, en veillant à respecter
grand hypoglosse doivent parfois être sacrifiés. la caroncule salivaire et en faisant bomber le plancher à l’aide de
deux doigts placés en « crochet » sous le bord inférieur de la branche
¶ Chirurgie de la lithiase du canal de Wharton (fig 12, 13, horizontale de la mandibule. Sous la muqueuse apparaît le canal de
Wharton que l’on incise à son tour, selon son grand axe. Le calcul
14) [26]
est alors expulsé facilement ou à l’aide d’une curette s’il s’agit plutôt
L’intervention est réalisée sous anesthésie locale, ou mieux sous de concrétions calcaires. On vérifie l’absence d’obstacle en aval et en
anesthésie générale avec une intubation nasale. Le patient est installé amont de l’incision à l’aide d’une pince mousse fermée ou d’un
en position de Rose. Un écarteur à bouche expose la cavité buccale, tuteur qui cathétérise la lumière du canal de Wharton.

5
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
46-520 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la glande sublinguale
Il se place tout d’abord à la tête du malade puis latéralement du
14 Chirurgie du canal de Wharton.
côté de l’intervention. Une incision fusiforme de 3 cm sur 1 cm
Incision du canal.
circonscrit au niveau du plancher buccal antérieur les deux
caroncules salivaires (fig 15A). On soulève le lambeau muqueux qui
est ensuite sectionné sur la ligne médiane de façon a obtenir deux
triangles muqueux identiques, centrés sur une caroncule salivaire.
Chaque lambeau est chargé par un fil tracteur. On procède d’un côté
puis de l’autre selon la même technique (fig 15B) : le canal de
Wharton est disséqué petit à petit de la pointe des ciseaux, d’avant
en arrière, jusqu’à exposer le nerf lingual, soit sur une longueur de
3 à 4 cm. Un tunnel sous-muqueux est créé dans le plancher buccal
postérieur en direction de la base du pilier antérieur de l’amygdale
où le lambeau muqueux et la caroncule sont réimplantés (fig 15C,
D).
Le drainage de la glande sous-mandibulaire est ainsi dérouté
directement vers l’oropharynx. Il est parfois nécessaire de réaliser
en même temps l’amygdalectomie pour éviter tout sepsis de
contiguïté. Les berges du lambeau muqueux sont suturées au fil
résorbable à la muqueuse du pilier antérieur de l’amygdale. On
termine en suturant l’incision du plancher buccal antérieur. Une
antibiothérapie per-et postopératoire est conseillée pour prévenir
une sous-maxillite postopératoire.
Certains opérateurs abouchent le canal de Wharton dans la loge
amygdalienne, c’est-à-dire en arrière du pilier antérieur, parfois
L’hémostase des berges est réalisée. La voie d’abord n’est pas après avoir réalisé au préalable une amygdalectomie.
suturée. Des soins de bouche sont prescrits pour quelques jours.
L’antibiothérapie peut être préconisée si la salive est puriforme.
TECHNIQUES NON INVASIVES
¶ Chirurgie de la lithiase du bassinet de la glande ¶ Microendoscopie
sous-mandibulaire
Préconisée par certains auteurs, elle est réalisée à l’aide
Cette intervention est indiquée quasi exclusivement pour de d’endoscopes de 2 à 2,7 mm de diamètre ; certains utilisent le
volumineux calculs uniques. matériel d’arthroscopie temporomandibulaire [ 3 6 ] . Certains
Rendue difficile par des adhérences postinfection ou du fait du endoscopes possèdent un canal opérateur de 1 mm [2].
repérage délicat du calcul, elle n’est pas dénuée de risques : L’endoscope est introduit après avoir réalisé une sphinctérotomie
hémorragie, blessure du nerf lingual. Il est ainsi parfois nécessaire de l’orifice du canal de Wharton. Le calcul peut ainsi être visualisé
de reculer pour envisager une sous-mandibulectomie par voie puis extrait par succion ou à l’aide d’une micropince « pannier »
externe. [19, 25]
.
Le patient est placé en décubitus dorsal, tête en légère extension ; le L’endoscopie permet également de réaliser un contrôle après
cathétérisme du canal de Wharton est indispensable, poussé avec lithotripsie pour rechercher des calculs résiduels, évaluer le calibre
prudence jusqu’au bassinet pour éviter toute fausse route. de la voie excrétrice ou déceler des anomalies de la muqueuse
L’anesthésie locale, inconfortable, rend le repérage délicat ; elle doit canalaire ou des polypes [25].
être menée loin en arrière dans le plancher lingual, jusqu’au contact Cet acte, atraumatique et sans complication, ne soulève guère de
du calcul. difficultés techniques ; il reste rarement irréalisable : cinq cas sur 46
L’anesthésie générale est préférable pour le confort du patient et du pour Nahlieli, 12 cas sur 39 pour Arzoz [2, 25].
chirurgien, avec intubation nasotrachéale.
¶ Lithotripsie
On incise la muqueuse du plancher buccal latéral, puis la dissection
s’effectue prudemment, par discision des fibres musculaires entre Cette technique peut être proposée quelle que soit la composition
muscles mylohyoïdien et hypoglosse ; l’hémostase des veines chimique des calculs.
linguales, profondes, s’effectue au mieux en électrocoagulation La lithotripsie intracorporelle est réalisée au laser pulsé, d’une
bipolaire pour préserver le nerf grand hypoglosse à leur contact. longueur d’onde de 504 nm ou par énergie pneumobalistique qui
Progressivement, la dissection douce, au contact de la face profonde serait plus efficace [2]. Elle nécessite un contrôle endoscopique
de la glande, aboutit au bassinet qui est incisé selon son grand axe, permanent [17]. Elle est indiquée dans les lithiases du bassinet où elle
après avoir repéré le canal de Wharton cathétérisé au préalable et le permet un traitement définitif et complet dans 50 % des cas ; dans
nerf lingual qui le contourne par en dessous. Le calcul est expulsé les autres cas, la fragmentation des calculs est telle qu’une expulsion
par la pression salivaire ou à la curette. spontanée est possible, rendant ainsi la lithiase asymptomatique [17].
La suture muqueuse, au fil résorbable, est partielle, volontairement La lithotripsie extracorporelle, utilisée pour la première fois en 1989
non étanche, en prenant garde de ne pas enserrer le canal de sur une lithiase parotidienne, doit être effectuée avec un matériel
Wharton dont le cathétérisme n’est retiré qu’en fin d’intervention. dédié aux glandes salivaires pour des raisons de puissance, de
focalisation, de positionnement du patient pendant la séance, pour
Les soins locaux par bains de bouche sont nécessaires en éviter d’endommager les tissus avoisinants [19]. Le lithotripteur
postopératoire ; l’antibiothérapie de principe est discutable en piézoélectrique semble le plus adapté [36] ; certains utilisent un
dehors d’une surinfection salivaire manifeste. générateur électromagnétique miniaturisé [19].
Un repérage est effectué par échographie à l’aide de sondes de 7,5 à
¶ Dérivation des canaux de Wharton [3, 4, 5, 8, 20, 28, 34]
10 MHz. La séance s’effectue en ambulatoire, sans anesthésie ;
L’intervention se déroule sous anesthésie générale et intubation certains auteurs préconisent une anesthésie locale du nerf dentaire
nasale, tête en position de Rose. Un packing est placé dans le fond inférieur pour améliorer la tolérance [1].
de la cavité buccale pour éviter toute inhalation de sang pendant le Un test préalable avec une gomme à mâcher permet d’évaluer
geste chirurgical. Le chirurgien peut se munir d’une lampe frontale. sécrétion et excrétion salivaires [36]. La mise en place de protections

6
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
Techniques chirurgicales 46-520
Chirurgie de la glande sublinguale
15 Dérivation du canal de Wharton.

*
A *
B

*
C *
D

dentaire et auditive est recommandée [29]. Grossesse et troubles de Paralysie du nerf lingual
l’hémostase sont des contre-indications au même titre que Elle entraîne une anesthésie gustative et sensitive de l’hémilangue
l’impossibilité du repérage échographique de la lithiase. La mobile correspondante et des paresthésies parfois douloureuses. Il
lithotripsie doit être réalisée à distance d’un épisode infectieux ou s’ensuit des brûlures et des morsures de langue. Elle est rapportée
inflammatoire. La source utilisée, de forme cylindrique ou conique, dans 3 à 6 % des cas [23, 32].
a une focale de 2,4 à 3 mm ; 1 200 tirs, en moyenne, sont réalisés par
séance sous une énergie moyenne de 12 kV, à raison de 0,5 à 2 tirs/s. Paralysie du nerf grand hypoglosse
Plusieurs séances sont en règle nécessaires.
Elle est responsable d’une paralysie motrice de l’hémilangue
Ses indications sont les lithiases non accessibles par la seule voie homolatérale. Elle est peu fréquente (0 à 6 %) [23, 32] et entraîne une
orale, quels que soient le siège et le volume du calcul [1, 19]. D’autres déviation de la langue du côté paralysé avec fasciculations et
auteurs réservent la lithotripsie aux lithiases de petite taille, de siège atrophie.
intracanalaire [29] ; pour Iro, une lithiase supérieure à 12 mm doit
bénéficier d’une exérèse chirurgicale. Hémorragie postopératoire
Selon les auteurs, 80 à 97 % des patients sont asymptomatiques ; D’importance variable, elle est redoutable lorsqu’elle provient de
dans 33 à 67 % des cas, le contrôle échographique et l’endoscopie l’artère faciale et nécessite une réintervention immédiate.
confirment l’absence de lithiase résiduelle [1, 19, 29]. L’hématome postopératoire, plus fréquent, doit être prévenu par une
hémostase soigneuse de la loge avant fermeture.
COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES
Infection postopératoire
¶ Après chirurgie de la glande sous-mandibulaire [24]
Elle est peut-être plus fréquente dans le cadre d’une pathologie
Paralysie du rameau mentonnier infectieuse chronique. L’idéal est d’intervenir à distance d’un
épisode aigu ; une antibiothérapie prophylactique systématique doit
Transitoire, elle est fréquente et se manifeste par une paralysie de la dans ce cas être proposée.
commissure labiale, de l’hémilèvre inférieure et des muscles
peauciers du cou homolatéraux. Elle entraîne une gêne à l’élocution ¶ Après chirurgie du canal de Wharton
et à l’alimentation, et est responsable d’une asymétrie inesthétique à
l’ouverture de la bouche ou du sourire. Selon les auteurs, elle Sous-mandibulite aiguë précoce
s’observe dans 7 à 18 % des cas [23, 32]. Elle est traitée par antibiothérapie et soins locaux ; le passage à la
Rappelons que son traitement est préventif, lors de l’abord chronicité amène à réaliser une sous-mandibulectomie
chirurgical de la glande. secondairement.

7
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
46-520 Techniques chirurgicales
Chirurgie de la glande sublinguale
Grenouillette sublinguale
16 Chirurgie de la grenouillette.
C’est une complication clinique observée dans 5 à 20 % des cas. Elle
se développe dans les 6 mois qui suivent l’intervention.
Elle s’explique du fait du drainage multiple de la glande
sublinguale : en partie dans le Wharton et en partie directement au
niveau de la muqueuse buccale. Compte tenu de sa fréquence
relative, certains opérateurs réalisent d’emblée la dérivation du canal
de Wharton et l’ablation de la glande sublinguale.

Chirurgie de la glande sublinguale

RAPPEL ANATOMIQUE
La glande sublinguale est la plus petite des trois glandes salivaires
principales. Elle est située au niveau du plancher buccal latéral, juste
sous la muqueuse, dans la fossette sublinguale qui marque son
empreinte à la face interne de la branche horizontale de la
mandibule. La glande reste en rapport avec le prolongement antéro-
interne de la glande sous-mandibulaire en arrière, son homologue
controlatéral en avant, le muscle mylohyoïdien au niveau de son
insertion mandibulaire en bas, la face interne de la mandibule en
dehors et le muscle génioglosse en dedans, dont elle est séparée de
haut en bas par le nerf lingual, le canal de Wharton et le nerf grand
hypoglosse. Le drainage de la glande se fait par de multiples canaux
excréteurs qui s’abouchent pour une part dans le canal de Wharton 17 Marsupialisation du kyste et suture
aux berges de la muqueuse.
et pour une autre part directement au niveau de la muqueuse
gingivolinguale. On individualise parfois un canal excréteur plus
important, le canal de Bartholin, qui se termine soit dans le canal de
Wharton, soit à proximité de son abouchement au niveau de la
caroncule salivaire.

INDICATIONS CHIRURGICALES
La pathologie de la glande sublinguale est beaucoup moins courante
que celle des deux autres glandes salivaires principales et se résume
aux grenouillettes et aux tumeurs bénignes et malignes. Ces
dernières ne sont pas évoquées car leur traitement est identique à
celui des tumeurs malignes du plancher buccal.

¶ Grenouillette
C’est un kyste rétentionnel mucoïde acquis dont le contenu
muqueux est extraglandulaire. Le kyste se localise au niveau du
plancher buccal, mais peut s’étendre vers la région cervicale. Il est
en règle unilatéral. Ces kystes résultent soit de traumatismes locaux,
en particulier dentaires ou chirurgicaux, soit encore de l’obstruction
partielle des canaux excréteurs de la glande. Sur le plan
histologique, il est important de distinguer les kystes épidermiques
ou kystes simples, les moins fréquents des pseudokystes développés
à partir d’une extravasation muqueuse. Les premiers peuvent TECHNIQUE CHIRURGICALE
relever d’une simple marsupialisation alors que les seconds L’intervention est en règle réalisée sous anesthésie générale avec
imposent la résection de la glande sublinguale sous peine de intubation nasale, parfois sous anesthésie locale. Le patient est
récidiver. Dans les plus petits kystes (inférieurs à 1 cm) apparus en installé en position de Rose, avec un écarteur à bouche et un fil
dehors de tout contexte traumatique, il est conseillé une exérèse du tracteur sur la pointe de langue (fig 16).
kyste plutôt qu’une marsupialisation et une exérèse de la glande en
cas de récidive. Pour les kystes plus volumineux (supérieurs à 1 cm) ¶ Marsupialisation du kyste (fig 17)
ou à développement cervical ou favorisés par des traumatismes, on
préconise plutôt d’emblée l’exérèse du kyste et de la glande [8, 9]. On incise la muqueuse du plancher buccal puis du kyste selon son
Les grenouillettes à extension cervicale, c’est-à-dire à localisation grand axe avec un bistouri. Son contenu mucoïde s’évacue et permet
sublinguale et sus-hyoïdienne, forment des lésions en « bissac » dont alors de réséquer la partie superficielle du kyste ; si cette paroi est
l’isthme se situe au niveau du muscle mylohyoïdien. Les kystes sont fine, une résection simultanée en « quartier d’orange » de la paroi
parfois complètement contrôlés par voie cervicale après du kyste et de la muqueuse peut être réalisée. On suture ensuite les
élargissement de l’isthme. Sinon, il faut associer au temps cervical berges du kyste à la muqueuse du plancher buccal au fil résorbable.
un temps endobuccal pour l’exérèse du contingent buccal. Des soins de bouche sont conseillés pendant quelques jours.

¶ Tumeurs bénignes ¶ Exérèse d’un kyste (fig 18)


Il s’agit essentiellement de tumeur mixte, ou de tumeur Ce geste est délicat car les parois du kyste sont extrêmement fines et
mucoépidermoïde. Leur traitement est l’exérèse complète de la fragiles. Le risque est donc l’ouverture accidentelle du kyste et
glande sublinguale. l’exérèse incomplète de celui-ci.

8
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire
Techniques chirurgicales 46-520
Chirurgie de la glande sublinguale
Le nerf lingual et le canal de Wharton situés en dedans de la glande
18 Dissection sous-muqueuse des parois
sont progressivement refoulés à l’aide d’un instrument mousse ou
du kyste.
d’un tampon monté.
On termine en vérifiant l’hémostase de la loge, notamment des
vaisseaux sublinguaux ; une suture muqueuse non hermétique est
réalisée au fil résorbable.
Les bains de bouche sont nécessaires après l’intervention.

COMPLICATIONS

¶ Hémorragie
Aux dépens de l’artère sublinguale ou de l’hématome, l’hémorragie
est exceptionnelle.

¶ Plaie du canal de Wharton


Elle est peu fréquente, moins dangereuse que la striction par un fil
de suture ; le cathétérisme préalable du canal de Wharton prévient
cette complication.
¶ Exérèse de la glande sublinguale
Certains proposent l’infiltration préalable du plancher buccal et le ¶ Lésion du nerf lingual
cathétérisme du canal de Wharton pour faciliter son repérage.
Elle est liée à une faute technique qu’une dissection prudente et
L’incision muqueuse du plancher mesure 4 à 5 cm de long, selon le douce permet d’éviter.
grand axe de la glande, et respecte la caroncule salivaire. On
dissèque ensuite la muqueuse de part et d’autre de l’incision, de ¶ Récidive de la grenouillette
façon à exposer et à isoler petit à petit la glande. Celle-ci est saisie à
l’aide d’une pince atraumatique pour faciliter la dissection. Elle peut survenir en cas de marsupialisation insuffisante.

Références
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9
Techniques chirurgicales - Tête et cou
[46-535]

Chirurgie des cellulites cervicomédiastinales

Pierre Gehanno : Chef de service


Joël Depondt : Praticien hospitalier
Service ORL et chirurgie cervicofaciale, groupe hospitalier Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-
Huchard, 75877 Paris cedex 18 France

Résumé

Les cellulites cervicomédiastinales sont la conséquence d'une inoculation septique de la


cavité buccale ou de l'oropharynx. Ces infections sont habituellement mixtes aéro-
anaérobies. Deux formes cliniques peuvent être distinguées : la forme myonécrotique avec
gangrène gazeuse d'extension extrêmement rapide, et la forme pseudophlegmoneuse
d'évolution plus lente. La prise en charge du patient consiste en son transfert en unité de
soins intensifs, la réalisation d'un scanner cervicothoracique si cela est possible, une
intubation et une antibiothérapie couvrant les germes aéro- et anaérobies. Si l'indication
opératoire est évidente dans la forme gangreneuse, elle dépend des signes de gravité
généraux et hémodynamiques dans les formes pseudophlegmoneuses. Elle consiste en
une large cervicotomie permettant l'ouverture de toutes les loges anatomiques, une mise
en évidence des zones de suppuration et des prélèvements bactériologiques, l'excision des
tissus nécrotiques jusqu'aux tissus sains. Le défilé cervicothoracique doit être
systématiquement exploré au cours de l'intervention.

Après lavage, un large drainage est institué, le lambeau cutané étant juste posé sur la
région cervicale. Le pansement est systématiquement refait sous anesthésie générale le
lendemain de l'intervention, la poursuite des nécroses tissulaires justifiant de nouvelles
résections itératives, l'amélioration de l'état local permettant la réalisation de pansements
simples en réanimation. La décision de fermeture hermétique de la peau cervicale sera
prise en fonction de l'amélioration de l'état local et général. Il faudra toujours garder à
l'esprit la nécessité d'une thoracotomie en cas d'apparition d'une complication
médiastinale septique.

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INTRODUCTION

Les cellulites cervicomédiastionales sont des affections fort heureusement rares, mais
d'une extrême gravité potentielle ; cette gravité dépend en partie du retard à la mise en
oeuvre du traitement dont la chirurgie reste un point essentiel.

Il est donc indispensable de connaître cette pathologie afin de prendre, au moment


opportun, la bonne décision thérapeutique sous peine de mettre en jeu la vie du patient.

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RAPPEL CLINIQUE ET ANATOMOCLINIQUE

Les cellulites cervicomédiastinales succèdent à une inoculation septique, rarement


cutanée, le plus souvent muqueuse, au niveau de la cavité buccale ou de l'oropharynx. Au
niveau de la cavité buccale, les circonstances infectantes sont multiples, ce qui explique la
difficulté d'une prévention rationnelle généralisée. En effet, les abcès apicaux, les avulsions
dentaires sont loin de représenter l'exclusivité des causes dentaires. De simples soins à
type de détartrage, des soins de carie pour lesquels une anesthésie locale intragingivale a
été effectuée, sont susceptibles de déclencher ces accidents infectieux majeurs. Au niveau
de l'oropharynx où des étiologies iatrogènes sont possibles comme au niveau de la cavité
buccale, ce sont surtout les angines qui sont à l'origine des cellulites. Le « transit » de
l'infection par une collection locale n'est pas une obligation, et la cellulite cervicale peut
apparaître dans le cadre d'une angine banale sans qu'il y ait eu constitution d'un phlegmon
périamygdalien [6].

Investigations bactériologiques

Elles montrent que ces infections sont habituellement mixtes aéro- et anaérobies. Toutes
les variétés de germes anaérobies à Gram positif et à Gram négatif y sont représentées
sans prédominance, mais le germe aérobie le plus fréquemment retrouvé est
Streptococcus pyogenes . Dans certains contextes, chez des patients alcoolotabagiques
notamment, il peut y avoir une surinfection secondaire par des bactéries à Gram négatif
qui sont devenues, sur ce terrain, des commensaux de la cavité buccale.

Propagation de l'infection

Le gîte infectieux extramuqueux primitif est péribuccal (région sous-mentale, loge sous-
maxillaire) ou péripharyngé (région parapharyngée préstylienne ou parapharyngée
rétrostylienne). La zone primitivement infectée peut être également rétropharyngée, elle
succède alors souvent à une inoculation septique vulnérante. à partir de points de
faiblesses anatomiques, les loges contiguës sont envahies, la gouttière jugulocarotidienne
est précocement concernée à partir des régions péribuccales et péripharyngées.
Finalement, l'infection va gagner toutes les loges anatomiques du cou, y compris les loges
glandulaires thyroïdiennes, parotidiennes et sous-maxillaires [1].

Les constatations opératoires associent, à des degrés divers, des épanchements


franchement purulents, séropurulents, mais dans tous les cas très nauséabonds, des
lésions de myonécrose et des thromboses veineuses.
Présentation clinique

Il est apparu, dans notre expérience, que deux situations cliniques devaient être
distinguées [4] : la forme avec myonécrose massive réalisant une gangrène gazeuse, et la
forme plus torpide, sans myonécrose importante, d'aspect pseudophlegmoneux. Dans les
deux cas il existe un état général infectieux sévère avec une fièvre aux alentours de 40°C,
souvent des troubles hémodynamiques faisant craindre un choc septique et des
manifestations fonctionnelles aérodigestives supérieures : dyspnée plus ou moins sévère
ayant pu nécessiter une intubation en urgence, trismus parfois, douleurs cervicales
toujours.

Dans la forme avec gangrène gazeuse, on constate une augmentation de volume


du cou qui n'est pas inflammatoire et dont la palpation perçoit une crépitation
neigeuse. L'extension de la zone de crépitation témoin de l'épanchement gazeux
sous-cutané, lui-même reflet de la myonécrose, est un bon indice de la gravité
évolutive de l'affection. Cette extension est extrêmement rapide si l'on marque sur
la peau les bords de la zone de crépitation, on va pouvoir constater qu'elle s'étend
d'environ 10 cm/h depuis la face latérale du cou jusque vers le côté opposé et la
face antérieure du thorax.
Les formes gangreneuses de cellulites cervicales présentent une double
caractéristique : leur rapidité évolutive qui justifie un diagnostic et une
intervention de drainage et d'excision de la nécrose extrêmement urgente, dans
l'heure ou les heures qui suivent l'arrivée au centre hospitalier.
Leur gravité potentielle, ce sont les formes avec myonécrose massive gazogène qui
comportent le plus grand risque évolutif avec extension médiastinale, circonstance
dans laquelle on observe le taux de mortalité le plus important.
La deuxième présentation clinique est celle que nous avons distingué sous
l'appellation de forme pseudophlegmoneuse. Il n'y a pas de crépitation sous-
cutanée, mais une tuméfaction latérocervicale, rouge, tendue, douloureuse, qui
évolue plus lentement que la forme précédente pour atteindre, en 24 ou 48
heures, le creux sus-claviculaire et passer la ligne médiane. Il existe des formes de
transition qui vont apparaître sur l'imagerie cervicale si elle a pu être pratiquée,
soit radiographie standard, à rayons mous, soit tomodensitographie. Elle montre
des petites bulles aériques sous-cutanées et intramusculaires.

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PRISE EN CHARGE GLOBALE

Le diagnostic de cellulite cervicale de forme gangreneuse ou pseudophlegmoneuse est


posé sur l'aspect général du patient, les signes physiques locaux, les signes fonctionnels
respiratoires et douloureux, la notion d'une voie d'inoculation dentaire ou pharyngée. Le
patient doit être placé en unité de soins intensifs. Sil n'y a pas de troubles
hémodynamiques contre-indiquant un transport, même de courte durée, vers le service de
radiologie, un scanner cervicothoracique doit idéalement être pratiqué. Il aura l'avantage
de confirmer le diagnostic à l'échelon cervical en montrant des zones de décollement,
d'épanchement, éventuellement des signes de myonécrose. Par ailleurs, il permettra
éventuellement de découvrir une extension thoracique sous forme d'un épanchement
médiastinal, d'un épanchement pleural ou péricardique. Dans l'attente de l'intervention
puis de la réanimation postopératoire, le patient sera intubé, s'il ne l'a pas déjà été pour le
transport primaire, et l'antibiothérapie couvrant les cocci à Gram positif aérobies et les
bactéries anaérobies à Gram positif et négatif sera instituée.

L'oxygénothérapie hyperbare est discutée dans ces indications. Son rôle n'a pas été
clairement établi, elle est de toutes façons très rarement réalisable, compte tenu des
problèmes de transport et de mise en place en caisson de patients à l'hémodynamique
instable, intubés et ventilés .

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INDICATION OPÉ RATOIRE

L'indication opératoire est une grande urgence s'il s'agit d'une forme gangreneuse compte
tenu de la rapidité évolutive de cette variété et surtout de sa possibilité d'extension plus
particulière vers le médiastin. Le moment du drainage d'une forme pseudophlegmoneuse
dépendra plus des signes de gravité générale du patient, et notamment de l'existence
d'une intolérance hémodynamique, qui est toujours un signe de gravité et doit inciter à
une intervention précoce.

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TECHNIQUE OPÉ RATOIRE (FIG 1 ET 2)

Quel que soit l'aspect, gangreneux ou pseudophlegmoneux, le traitement


chirurgical d'une cellulite cervicofaciale ne doit en aucun cas être limité à un
simple geste d'incision-drainage. Il doit s'agir d'une intervention chirurgicale
large menée sous anesthésie générale .

L'incision est rarement limitée à une cervicotomie unilatérale si la lésion est très
limitée ; dans la grande majorité des cas il s'agit d'une incision bimastoïdienne
permettant d'exposer toute la région cervicale. Le geste opératoire doit avoir
trois buts :

mettre en évidence des zones de suppuration et de nécrose tissulaire,


permettant des prélèvement à visée bactériologique ;
ouvrir largement tous les espaces celluloaponévrotiques pour ne laisser
ignorer aucun foyer septique ou nécrotique ;
exciser tous les tissus nécrotiques jusqu'aux tissus sains et réaliser des
instillations lavages des loges anatomiques.

Ouverture des loges aponévrotiques (fig 3, 4 et 5)

Gouttières vasculaires jugulocarotidiennes.


Libération de tout l'axe rétropharyngé allant de la région oropharyngée au
défilé cervicothoracique. Celle-ci est menée après section-ligature des
pédicules thyroïdiens permettant de récliner les lobes thyroïdiens vers
l'avant, d'ouvrir les loges thyroïdiennes et d'avoir accès à l'espaces
rétropharyngé. L'exploration et le drainage de l'espace rétroviscéral sont
alors aisés, dans le plan séparant l'aponévrose prévertébrale des muscles
pharyngés (aponévrose cervicale profonde).
Ouverture des espaces sous-mento-sous-maxillaires, justifiée
principalement pour une cellulite à point de départ dentaire ou
pelvilingual. La libération des faces inférieure et profonde de la glande
sous-maxillaire est menée après incision de l'aponévrose cervicale
superficielle au bord inférieur de la glande, après ligature de la veine
faciale.
En cas de cellulite à point de départ postérieur, une ouverture le la loge
parotidienne par libération du pôle inférieur de la glande doit être
réalisée. L'espace sous-parotidien postérieur doit être ouvert par
dissection de la face profonde du ventre postérieur du digastrique et de la
face profonde de la parotide.
Le défilé cervicothoracique (fig 6) doit être exploré tant en prétrachéal
qu'en rétrooesophagien afin d'éliminer tout développement du processus
infectieux dans le médiastin supérieur. Le décollement à ce niveau se fait
au doigt jusqu'au tronc artériel brachiocéphalique. Si l'atteinte
médiastinale est limitée au médiastin supérieur et accessible par voie
cervicale, un nettoyage et un drainage pourront suffire.
Excision des tissus nécrotiques, lavage et drainage de la région cervicale
(fig 7, 8, 9 et 10)

Parallèlement à l'ouverture des espaces celluleux du cou, les tissus nécrotiques


sont excisés jusqu'aux tissus sains, saignant sous les ciseaux. Sont
principalement concernés : les tissus musculaires, peauciers, sterno-cléido-
mastoïdiens, muscles sous-hyoïdiens, mais aussi les tissus glandulaires. Les
veines thrombosées y compris éventuellement la jugulaire interne sont ligaturées
et excisées.

Les excisions réalisées, tous les tissus cervicaux sont lavés à l'eau oxygénée
bétadinée, les tissus étant frottés à la compresse, les espaces celluleux sont
rincés largement à l'aide de seringues de 50 cm3.

Ces espaces sont drainés par mise en place de lames multitubulées passant de
part et d'autre de l'espace rétropharyngé, d'autres lames étant glissées sous le
sterno-cléido-mastoïdien, contre l'axe vasculaire, drainant éventuellement la
région sous-maxillaire. Enfin, deux gros drains thoraciques sont placés, en «
canon de fusil », dans le défilé cervicothoracique en prétrachéal et
éventuellement en rétroviscéral.

Il n'est pas réalisé de suture des plans cutanés et sous-cutanés ; quatre fils de
type Mersuture sont placés sur le lambeau cervical, ils faciliteront les
manipulations opératoires ultérieures. Ce lambeau cervical est rabattu sur des
compresses imbibées d'eau oxygénée bétadinée. La peau cervicale étant elle-
même recouverte par des compresses imbibées d'eau oxygénée bétadinée, des
compresses sèches et des champs Tétra. Ce pansement est recouvert d'un champ
jetable stérile collé à la peau cervicale et thoracique.

Dans les suites de l'intervention, des lavages au sérum ou à l'eau oxygénée


bétadinée sont réalisés en réanimation toutes les 8 heures, le pansement étant
systématiquement refait sous anesthésie générale, de préférence au bloc
opératoire le lendemain. La poursuite des nécroses tissulaires nécessitera des
résections itératives pouvant aboutir à des délabrements musculaires et
glandulaires majeurs.

Par la suite, l'espacement de ces pansements sera discuté en fonction de


l'amélioration de l'état général et septique, l'absence d'aggravation de la nécrose
et l'apparition de tissu de granulation .

On pourra alors décider la fermeture hermétique de la peau cervicale ; celle-ci est


réalisée en un plan, compte tenu de la fragilité des plans sous-cutanés, et de la
très importante épaisseur des tissus cutanés et sous-cutanés générée par la
cellulite. Elle s'effectue par points séparés ou agrafes cutanées.

Malgré le caractère très imparfait de cette fermeture, la cicatrisation est


finalement d'excellente qualité. Parfois une nécrose cutanée aura dû être excisée
qui nécessitera une greffe ultérieure.

Chez certains patients, malgré une cervicotomie correctement réalisée et des


pansements répétés, l'état septique se prolonge ou s'aggrave. Dans de telles
circonstances, une vérification attentive du médiastin supérieur est de nouveau
nécessaire, aidée par la réalisation d'un scanner ou d'une imagerie par résonance
magnétique (IRM) cervicothoracique lorsque cela est possible. Lorsque l'état
hémodynamique du patient nécessitant la perfusion continue de drogues
vasopressives n'autorise pas le déplacement vers le scanner, la décision d'une
thoracotomie sera fondée sur la conjonction de cette intolérance hémodynamique
avec un état septique persistant et la notion d'une extension médiastinale
constatée lors de la cervicotomie primaire ou lors des réinterventions. La
suspicion d'une complication médiastinale septique justifie une thoracotomie de
drainage. Cette atteinte médiastinale grève lourdement le pronostic.

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Fig 1 :

Fig 1 :

Vue préopératoire.

Fig 2 :
Fig 2

Fig 3 :

Fig 3

Fig 4 :
Fig 4 :

Décollement au doigt de l'espace rétroviscéral.

Fig 5 :

Fig 5

Fig 6 :
Fig 6 :

Exploration au doigt du médiastin externe.

Fig 7 :

Fig 7 :

Excision.
Fig 8 :

Fig 8 :

Lavage.

Fig 9 :

Fig 9 :
Lames multitubulaires : mise en place.

Fig 10 :

Fig 10 :

Disposition des drains (A, B), et pansement postopératoire (C).


¶ 46-465

Chirurgie des glandes parathyroïdes


N. Guevara, L. Castillo, J. Santini

La chirurgie des hyperparathyroïdies représente la quasi-totalité de la chirurgie des glandes


parathyroïdes. Les connaissances de bases embryologiques, anatomiques et histopathologiques
nécessaires à sa mise en œuvre sont rappelées. La stratégie chirurgicale de référence était l’exploration
bilatérale de la loge thyroïdienne avec contrôle systématique des quatre glandes. Néanmoins, la prise en
charge de l’hyperparathyroïdie primaire a nettement évolué ces dernières années grâce à l’amélioration
du diagnostic de localisation préopératoire. Ceci a permis de réaliser de plus en plus de gestes unilatéraux
et de chirurgie ciblée dite minimale invasive et ainsi de diminuer coût et morbidité. Les différents temps
opératoires de la technique chirurgicale de référence sont précisément décrits et illustrés. Les indications et
techniques chirurgicales d’abord unilatéral et de chirurgie ciblée, l’utilisation de l’anesthésie locale et
l’apport du dosage peropératoire de parathormone (PTH) sont discutés. La prise en charge des cas
particuliers (récidive, cancer, ectopie) est également envisagée.
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Mots clés : Parathyroïde ; Chirurgie ; Hyperparathyroïdie ; Adénome ; Hyperplasie ; Scintigraphie ;


Échographie

Plan • celui de l’endocrinologie chirurgicale qui impose une parfaite


connaissance de la pathologie endocrinienne, des méthodes
¶ Introduction 1 spécifiques de diagnostic et des procédés de localisation, et
qui implique un comportement chirurgical original où ce que
¶ Rappels des données de base pour la chirurgie
l’on laisse est aussi important que ce que l’on enlève.
des hyperparathyroïdies 1
La chirurgie des parathyroïdes est, pour celui qui la pratique,
Embryologie 1
Anatomie 2
d’une grande exigence ; chirurgie minutieuse et délicate elle
Histopathologie 3 nécessite une précision microchirurgicale ; des indications bien
pesées et des actes opératoires bien pensés, servis par une
¶ Diagnostic et indication opératoire 5
technique rigoureuse, sont essentiels à sa réussite.
Diagnostic positif d’hyperparathyroïdie primaire 5
Diagnostic de localisation dans l’hyperparathyroïdie primaire 5
Conclusion 5
Hyperparathyroïdie secondaire 5 ■ Rappels des données de base
¶ Techniques chirurgicales
Technique de base
6
6
pour la chirurgie
Variantes de la technique de base 11 des hyperparathyroïdies
Techniques complémentaires 14
Gestes complémentaires 14
Suites opératoires et surveillance 15
Embryologie (Fig. 1)
Complications 16 La connaissance du développement embryonnaire des para-
¶ Conclusion 16 thyroïdes est essentielle pour la prise en charge chirurgicale des
Hyperparathyroïdies primaires 16 hyperparathyroïdies. Elle explique les différentes localisations
Hyperparathyroïdies secondaires 16 glandulaires possibles, notamment celles liées à des anomalies
de migration embryologique qui sont présentes chez 2 à 5 %
des sujets et qui expliquent un bon nombre d’échecs
chirurgicaux.
■ Introduction Le développement embryonnaire de la tête et du cou est
La chirurgie des glandes parathyroïdes se confond avec celle marqué par l’apparition entre la quatrième et la cinquième
des hyperparathyroïdies et s’inscrit dans deux grands cadres : semaine de l’appareil branchial constitué d’arcs, séparés par des
• celui de la chirurgie de la loge thyroïdienne ; elle partage à ce sillons, formant sur le versant externe les poches ectoblastiques
titre les bases anatomiques et embryologiques, et les principes et sur le versant interne les poches endoblastiques (Fig. 1).
chirurgicaux de toute chirurgie de cette loge, notamment de L’embryon humain possède cinq paires de poches ; les
la plus fréquente d’entre elles, celle du corps thyroïde ; troisième et quatrième poches sont à l’origine des parathyroïdes.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

tissu thymique ou ganglionnaire permettant, en cas de doute


peropératoire, d’orienter le chirurgien sur la nature du prélève-
ment par un simple test de flottaison.

Topographie et rapports [3-7]


En dehors des cas d’ectopies, les parathyroïdes sont situées
dans l’atmosphère cellulograisseuse comprise entre la gaine
périthyroïdienne et la capsule du corps thyroïde, classiquement
le long ou au voisinage des bords postéro-internes du lobe
thyroïdien.
Parathyroïdes supérieures (P4)
Elles sont généralement situées dans une zone relativement
limitée, centrée sur la jonction des tiers supérieur et moyen du
bord postéro-interne du lobe thyroïdien, en situation posté-
rieure par rapport au nerf récurrent, juste au-dessus de la
branche la plus craniale de l’ATI.
La localisation des parathyroïdes supérieures est le plus
souvent symétrique.
Les parathyroïdes supérieures sont retrouvées :
• en position moyenne dans 75 % des cas, à la hauteur du
deuxième anneau trachéal dans les branches de division de
l’ATI, au niveau du croisement avec le nerf récurrent ;
• en position haute dans 25 % des cas, en rapport avec la petite
corne du cartilage thyroïde, le muscle cricopharyngien, et la
zone de pénétration récurrentielle.
Figure 1. Embryologie des glandes parathyroïdes. Représentation sché- Parathyroïdes inférieures (P3)
matique des trajets de migration habituels (flèches A1 et B1) et ectopiques
(flèches A2 et B2). 1. troisième poche endoblastique (P3) ; 2. pénétration Elles ont une aire de dispersion plus importante que les
de l’artère thyroïdienne inférieure (ATI) ; 3. thymus ; 4. quatrième poche parathyroïdes supérieures, au-dessous de l’ATI, en position
endoblastique (P4) ; 5. trachée ; 6. œsophage. En bleu : trajet de migra- prérécurrentielle, leur répartition entre les deux côtés est
tion des parathyroïdes inférieures. En rouge : trajet de migration des souvent asymétrique.
parathyroïdes supérieures. Les parathyroïdes inférieures sont retrouvées :
• en position basse, dans la majorité des cas, c’est-à-dire, au
niveau des quatrième et cinquième anneaux trachéaux, à la
Dès la sixième semaine, la troisième poche va donner l’ébau- limite du pôle inférieur du lobe thyroïdien, ou au sommet de
che de la parathyroïde inférieure (P3) ainsi que le thymus ; l’aire la loge thymique ;
de dispersion possible de la parathyroïde inférieure sera com- • en position moyenne, dans 20 % des cas, entre les branches
prise entre : en haut, le tiers moyen de la face postérieure des de division de l’ATI.
lobes thyroïdiens, et, en bas, la loge thymique dans le médiastin
antérosupérieur. Ectopies
La quatrième poche est à l’origine de la parathyroïde supé- Deux types d’ectopies sont rapportés [8-11]:
rieure (P4) qui migre avec la thyroïde jusqu’au point de • les ectopies congénitales, conséquences de migrations
pénétration, dans cette dernière, de l’artère thyroïdienne embryonnaires pathologiques, elles concernent le plus
inférieure (ATI), son aire de dispersion est plus limitée, mais son souvent les glandes P3 ;
mécanisme de migration favorise les ectopies acquises. • les ectopies acquises par migration secondaire par un méca-
Au moment de la déflexion du cou et de la descente du cœur nisme de gravité. Elles concernent le plus souvent les glandes
et des gros vaisseaux, P3 entraîné par l’ébauche thymique va P4 et sont favorisées par l’augmentation de leur poids liée à
croiser P4, ce croisement embryologique explique le groupe- la pathologie.
ment plus ou moins serré des parathyroïdes supérieures et
inférieures. Localisations ectopiques des parathyroïdes supérieures
Les localisations décrites sont :
Anatomie (Fig. 2) • rétro- et sous-artérielles, par étirement du pédicule et descente
de l’adénome sous l’ATI ;
Caractéristiques glandulaires [1, 2] • rétro-œsophagiennes et intertrachéo-œsophagiennes ;
Les parathyroïdes sont des glandes endocrines situées dans la • latéropharyngées ou rétropharyngées ;
région cervicale, de part et d’autre de l’axe viscéral, aux bords • intercricothyroïdiennes ;
postéro-internes des lobes thyroïdiens. • artérielles thyroïdiennes supérieures, satellites du pédicule
À l’état normal elles mesurent de 4 à 6 mm de long, 2 à vasculaire ;
4 mm de large et 1 à 2 mm d’épaisseur. Le poids moyen de • intrathyroïdiennes : classiques mais rares (1,5 % des
toutes les glandes avoisine 120 mg (± 3,5 mg) chez l’homme et ectopies) [12].
142 (± 5,2 mg) chez la femme ; le poids moyen d’une parathy- Localisations ectopiques des parathyroïdes inférieures
roïde normale variant entre 25 et 40 mg. Au-delà de 60 mg la
glande est considérée comme pathologique. Elles sont habituel- Les localisations décrites sont :
lement au nombre de quatre mais ce nombre est variable : trois • thymiques : dans la lame thyrothymique ou le thymus
glandes dans 3 à 6 % des cas, cinq dans 2,5 à 17 % des cas ; cervical (la plus fréquente) ;
leur forme est également variable, souvent ovales ou sphériques • prétrachéales (rares) ;
aplaties, elles peuvent être oblongues, bi- ou multilobées ; leur • préthyroïdiennes : à la face antérieure du pôle inférieur
couleur est classiquement ocre jaune chamois, différente de la thyroïdien ;
graisse, laissant parfois apparaître la vascularisation sous- • intrathyroïdiennes (rares) ;
capsulaire en nervure de feuille. La densité tissulaire du paren- • sous-angulomandibulaires, par absence de migration (excep-
chyme parathyroïdien est supérieure à celle de la graisse et du tionnelles) ;

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

Figure 2. Anatomie macroscopique : vues opératoires de glandes parathyroïdes normales.


A. Vue d’ensemble de la région rétrothyroïdienne droite, les deux glandes sont discernables après extériorisation du lobe thyroïdien.
B. Vues rapprochées centrées sur chaque glande illustrant leur rapport avec le nerf récurrent ;
B1. parathyroïde supérieure ;
B2. parathyroïde inférieure. 1. thyroïde ; 2. nerf récurrent ; 3. arcade artérielle ; 4. artère thyroïdienne inférieure ; 5. parathyroïde supérieure (P4) ; 6.
parathyroïde inférieure (P3) ; 7. muscle constricteur ; 8. trachée ; 9. veine thyroïdienne inférieure des parathyroïdes supérieures.

• médiastinales : dans le médiastin antérieur et moyen, elles se • la parathyroïde inférieure en situation basse peut être
dispersent jusqu’à la limite de la face antérieure de la crosse vascularisée par une branche venant de la crosse de l’aorte
de l’aorte, en arrière du plan veineux (exceptionnelles). (artère thyroïdienne moyenne), du tronc artériel bra-
chiocéphalique ou de l’artère mammaire interne homo-
Vascularisation des parathyroïdes (Fig. 3) latérale [16].
Vascularisation artérielle [2, 13] Drainage veineux
De façon synthétique et dans une optique chirurgicale, elle Il est assuré par un réseau superficiel sous-capsulaire qui
présente les particularités suivantes : conflue vers le hile et un réseau profond de distribution plus
• elle est de type terminal unique, l’artère glandulaire pénètre variable, non systématisé.
la glande au niveau d’un hile, où elle peut se bifurquer ou se Les parathyroïdes supérieures se drainent vers les veines
trifurquer ; thyroïdiennes moyennes, ou vers le corps thyroïde.
• la longueur de l’artère glandulaire est variable : courte ou Les parathyroïdes inférieures se drainent le plus souvent dans
flexueuse (1 à 40 mm) ce qui favorise sa dissection ; les veines thyroïdiennes inférieures.
• le système de l’ATI est prépondérant dans la majorité des cas
(80 à 90 %), l’artère glandulaire provient de l’ATI ou de
l’arcade marginale postérieure d’Halsted et Evans, tendue au
Histopathologie (Fig. 4)
bord postéro-interne du lobe thyroïdien, entre l’ATI et la
Hyperparathyroïdies primaires [17-20]
branche de trifurcation postérieure de l’ATS, dans ce cas
l’artère glandulaire naît de cette arcade près du tronc de Les trois lésions fondamentales responsables des hyperpara-
l’ATI [14, 15]; thyroïdies primaires (adénomes, hyperplasies et carcinomes)
• le plus souvent, l’artère glandulaire naît d’une branche de peuvent être parfois difficiles à caractériser du fait du manque
division de l’ATI, quelquefois directement du tronc de l’ATI, de spécificité des lésions anatomopathologiques qui permettent
elle est alors courte ; de les distinguer les unes des autres.
• la parathyroïde supérieure peut être vascularisée par la
Adénomes
branche de division la plus postérieure de l’artère thyroï-
dienne supérieure (5 à 10 %), l’artère glandulaire dans ce cas Ce sont des tumeurs bénignes, composées de cellules princi-
est toujours très courte ; pales, de cellules oncocytaires, et de cellules claires, un type

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

Figure 3. Vascularisation des glandes para-


thyroïdes, schéma de la distribution vasculaire
habituelle. 1. Veine jugulaire interne ; 2. artère
carotide primitive ; 3. parathyroïde supé-
rieure ; 4. arcade artérielle ; 5. artère thyroï-
dienne inférieure ; 6. veine thyroïdienne laté-
rale ; 7. parathyroïde inférieure ; 8. œso-
phage ; 9. nerf récurrent ; 10. corne thymi-
que ; 11. artère parathyroïdienne ; 12. veines
parathyroïdiennes.
A. Vue d’ensemble.
B. Vue rapprochée (parathyroïde inférieure).

Figure 4. Histopathologie des hyperparathyroïdies.


A. Vue macroscopique de trois glandes hyperplasiques.
B. Vue macroscopique d’un adénome.
C. Vue microscopique d’un adénome avec clocheton. 1. Tissu adénomateux ; 2. clocheton de tissu normal.

cellulaire prédominant le plus souvent ; l’adénome à cellules asymétrique ; on en décrit trois types : l’hyperplasie à cellules
principales est le plus fréquent [21, 22]. claires, l’hyperplasie à cellules principales, l’hyperplasie
lipomateuse [23].
Hyperplasies primitives
Carcinomes
Pour la majorité des auteurs elles représentent 5 à 10 % des
hyperparathyroïdies primaires et peuvent être définies par Entité rare, ils représentent environ 1 % des tumeurs para-
l’existence de quatre glandes augmentées de volume. Selon thyroïdiennes et doivent être suspectés devant un syndrome
certains auteurs, la plupart des lésions des parathyroïdes d’hyperparathyroïdie clinique et biologique sévère. Le diagnostic
étiquetées adénomes seraient en réalité des lésions d’hyperplasie histopathologique, difficile, est toujours évoqué sur des critères

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

macroscopiques : consistance dure, aspect nodulaire, contours unilatérale ou chirurgie minimale invasive). En effet, nous
irréguliers, taille supérieure à 3 cm, poids supérieur à 12 g [24]. rappelons que l’hyperparathyroïdie primaire est liée à la
présence d’un adénome unique, d’une hyperplasie diffuse des
Kystes parathyroïdiens glandes parathyroïdes, d’un double adénome ou d’un adénocar-
Ce sont des lésions bénignes très rares et exceptionnellement cinome parathyroïdien dans, respectivement, 88,9 %, 5,74 %,
à l’origine d’une hyperparathyroïdie primaire. Il pourrait s’agir 4,14 % et 0,74 % des cas [33].
d’adénomes parathyroïdiens nécrosés [25].
Échographie
Hyperparathyroïdies secondaires Simple, peu agressive et peu coûteuse, elle est à proposer en
Le degré d’hyperplasie est très variable d’un patient à l’autre première intention, malgré sa faible spécificité et ses insuffisan-
et les glandes, souvent volumineuses, peuvent présenter dans les ces dans l’exploration de certains sites anatomiques (médiastin,
cas évolués un aspect nodulaire ou nécrotique pseudokystique. région rétrotrachéale et rétro-œsophagienne) ; sa sensibilité varie
Il s’agit en règle d’hyperplasie à cellule principale. de 50 à 90 % selon l’équipement, l’opérateur, la localisation et
le volume tumoral [34] ; le seuil de détection actuel est de
3 mm ; en cas d’hyperplasie, sa sensibilité est moindre (40 à
■ Diagnostic et indication 60 %) [35-38].
En explorant la pathologie nodulaire thyroïdienne éventuel-
opératoire lement associée, l’échographie permet de prévoir un geste
chirurgical thyroïdien alors nécessaire ; de plus, elle aide à
Diagnostic positif d’hyperparathyroïdie l’interprétation du MIBI : nodule thyroïdien donnant une fausse
image pathologique, goitre multinodulaire rencontré dans
primaire [26] certains cas de scintigraphie non contributive [35].
L’hyperparathyroïdie primaire est singulière par son poly-
morphisme clinique, sans spécificité de la plupart des symptô- Scintigraphies
mes. Les signes cliniques révélateurs de l’hyperparathyroïdie Elles sont basées sur le caractère hyperfonctionnel des glandes
primaire sont très fréquemment ceux de l’hypercalcémie [27], ce pathologiques, et sont particulièrement indiquées pour la
qui justifie un dosage de la calcémie complété par le dosage de recherche des lésions ectopiques, notamment médiastinales.
la parathormone (PTH) intacte au moindre doute, chez tous La scintigraphie de soustraction au 201Tl- 99mTc est remplacée
patients présentant des signes même frustes compatibles avec aujourd’hui par la scintigraphie au 99mTc-Sestamibi, plus fiable,
une hyperparathyroïdie primaire. Les formes asymptomatiques plus simple et plus sensible. Le MIBI est l’examen le plus
ne sont pas rares : 10 à 20 % des cas selon les séries [28, 29]. efficace pour la localisation préopératoire de l’adénome para-
Certaines formes asymptomatiques d’hyperparathyroïdie thyroïdien, devant les autres techniques d’imageries : échogra-
primaire sont caractérisées par une calcémie normale associée à phie, autres types de scintigraphie, tomodensitométrie (TDM) et
une PTH élevée. Ce diagnostic est retenu lorsqu’il n’existe pas imagerie par résonance magnétique (IRM). La performance des
de cause d’élévation secondaire de la PTH et que le dosage scintigraphies est nettement moins bonne pour la localisation
sanguin de 25-OH vitamine D n’est pas inférieur à la limite des glandes hyperplasiques que pour celle d’un adénome [39].
physiologique (20 ng/ml). Cette variante normocalcique peut L’association MIBI et échographie apparaît comme la plus
représenter la manifestation précoce d’une hyperparathyroïdie rentable pour la plupart des études, notamment en termes de
primaire. rapport bénéfices/coûts [35].
Les diagnostics différentiels comprennent les hyperparathy-
roïdies provoquées par les diurétiques thiazidiques ou le lithium Autres examens
et l’hypercalcémie hypocalciurique familiale [30]. Ils sont à réserver au cas de récidive après une première
L’indication opératoire est formelle devant tout patient chirurgie. En cas d’hyperparathyroïdie persistante ou récidi-
symptomatique (lithiase rénale, manifestations osseuses, vante, il faut chercher à obtenir deux examens positifs, en
fatigabilité musculaire proximale). Néanmoins, 80 % des commençant par le binôme MIBI et échographie, et en réalisant
patients sont asymptomatiques. Un guide de recommandations si nécessaire une TDM ou une IRM.
publié en 2002 a proposé certains critères cliniques et paracli-
niques d’indication chirurgicale [31]. Ces critères sont synthétisés Tomodensitométrie
dans le Tableau 1. Le scanner de la loge thyroïdienne pour hyperparathyroïdie
primaire nécessite des coupes jointives de 5 mm et une injec-
Diagnostic de localisation tion iodée. La sensibilité est de 54 à 81 % selon les auteurs,
dans l’hyperparathyroïdie primaire [32] l’interprétation restant difficile pour des glandes de poids
inférieur à 500 mg.
L’échographie et la scintigraphie au 99mTc-Sestamibi (MIBI :
méthoxy-isobutyl-isonitrile) sont les deux examens d’imagerie Imagerie par résonance magnétique
systématiquement réalisés dans le diagnostic de localisation Elle permet une bonne exploration de la région basicervicale
d’une hyperparathyroïdie primaire. Ces examens vont orienter et du médiastin ; le seuil de détection est de 5 mm, et son
le type de chirurgie employé (exploration cervicale bilatérale, interprétation nécessite une grande expérience [40].

Tableau 1.
Conclusion
Indication opératoire et hyperparathyroïdie primaire asymptomatique. La stratégie chirurgicale est actuellement guidée par les
résultats de l’échographie et du MIBI [41]. Le but recherché est :
Critères d’indication opératoire devant une hyperparathyroïdie
• l’exérèse de la glande pathologique dans la chirurgie ciblée
primaire asymptomatique
minimale invasive ;
Calcémie totale > 1,0 mg/dl au-dessus de la normale • l’exérèse de la glande pathologique et la biopsie de la
(> 2,8 mmol/l) deuxième glande homolatérale dans l’abord unilatéral ;
Calciurie des 24 heures > 400 mg • l’exploration des quatre glandes dans l’abord bilatéral.
Diminution de la clai- 30 % Cette stratégie est synthétisée dans la Figure 5.
rance de la créatinine
Densité osseuse Score T < - 2,5 (vertèbre lombaire ou hanche Hyperparathyroïdie secondaire
ou 1/3 inférieur du radius)
Elle est le résultat d’une stimulation parathyroïdienne
Âge < 50 ans
chronique chez des sujets atteints d’insuffisance rénale au stade

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

Figure 5. Arbre décisionnel. Stratégie chi-


rurgicale dans l’hyperparathyroïdie primaire.
Hyperparathyroïdie NEM : néoplasie endocrinienne multiple ;
primaire MIBI : méthoxy-isobutyl-isonitrile.
- Suspicion clinique
d'hyperplasie
(NEM-formes familiales)
- Pathologie nodulaire
Échographie et MIBI
thyroïdienne diffuse

Échographie + et MIBI + Échographie - et MIBI + Échographie - et MIBI -

Chirurgie ciblée Exploration cervicale Exploration cervicale


minimale invasive unilatérale bilatérale

Figure 6. Incision et décollement cutané.


A. Tracé de l’incision.
B. Exposition du plan musculaire sous-cutané.
C. Limites du décollement sous-cutané.

de la dialyse. L’importance de la masse glandulaire hyperplasi- placé sous les épaules, de manière à défléchir le cou, alors que
que explique que les taux de PTH observés sont de 20 à 30 fois la tête sera discrètement surélevée par un anneau en
supérieurs à la normale. caoutchouc.
L’échographie est le seul examen de localisation réalisé de Le premier aide fait face au chirurgien et le second se met à
façon systématique, permettant dans le même temps une la tête de l’opéré.
évaluation thyroïdienne. L’instrumentation nécessaire est celle utilisée pour toute
chirurgie cervicale, complétée par un écarteur autostatique de
■ Techniques chirurgicales Joll et une coagulation bipolaire.

Incision et décollement cutané (Fig. 6)


Technique de base
Tracé de l’incision
Installation et anesthésie L’incision, dite de cervicotomie horizontale basse, doit être
Le patient est installé en décubitus dorsal, l’intervention est tracée de façon très rigoureuse, environ 2 cm, ou un travers de
menée sous anesthésie générale avec intubation oro- ou naso- doigt, au-dessus du relief de la tête des clavicules. Son dessin au
trachéale et assistance ventilatoire ; en cas de contre-indication crayon est indispensable afin de la réaliser aussi symétrique que
à l’anesthésie générale, il est envisageable de réaliser une possible. Transversalement, elle déborde de 1 à 2 cm, de chaque
cervicotomie sous anesthésie locale. Un billot transversal est côté, sur le relief des muscles sterno-cléido-mastoïdiens.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

Lorsqu’il existe un pli cutané, il est de bonne pratique de


l’utiliser afin de diminuer encore la visibilité de la cicatrice à
distance. Une erreur souvent réalisée est de tracer cette incision
trop bas, sur un cou en hyperextension, et qui se retrouverait
ensuite chez le sujet en position debout en situation présternale.
Dans le contexte particulier de la chirurgie des glandes parathy-
roïdes, l’incision mesure habituellement de 6 à 8 cm, elle sera
d’autant plus large que l’on suspecte l’existence d’un goitre
multinodulaire associé qu’il faudra relever pour avoir un jour
suffisant sur les aires parathyroïdiennes que l’on doit explorer.
La peau est incisée au bistouri froid, lame n° 21, qui traverse
la peau et le tissu graisseux sous-cutané ; après mise en traction
de la berge supérieure sur pince d’Allis, nous avons l’habitude
de poursuivre le décollement sous-cutanéograisseux au bistouri
électrique, utilisé en mode de coagulation et à puissance
modérée (20 W). Latéralement, le bistouri électrique est égale-
ment utilisé pour inciser sur environ 20 mm de chaque côté les
bords internes des muscles peauciers du cou. Figure 7. Ouverture de la loge thyroïdienne, coupe horizontale (les
flèches montrent le plan de la dissection).
Relèvement des lambeaux cutanéograisseux
Le lambeau supérieur est relevé avec sa couche graisseuse en
monobloc ; les veines jugulaires antérieures sont découvertes et L’écarteur de Joll est utilisé pour maintenir écartés de façon
laissées en place à la face superficielle des muscles sous- autostatique les lambeaux supérieurs et inférieurs, donnant à la
hyoïdiens ; ce décollement est mené jusqu’au bord supérieur du plaie opératoire une forme losangique.
cartilage thyroïde.
Le décollement du lambeau cutanéograisseux inférieur se fait
Ouverture de la loge thyroïdienne (Fig. 7, 8)
dans le même plan, jusqu’au bord supérieur de la fourchette En l’absence d’antécédents chirurgicaux thyroïdiens, la loge
sternale. thyroïdienne est toujours ouverte par incision verticale de la

Figure 8. Ouverture de la loge thyroïdienne.


A. Exposition du plan musculaire et de la ligne
blanche médiane.
B. Relèvement des plans musculaires et découverte
du corps thyroïde.
C. Section du muscle sternothyroïdien.
D. Ligature de la veine thyroïdienne latérale.
E. Extériorisation du lobe thyroïdien : vue du pôle
supérieur et d’une veine thyroïdienne latérale su-
périeure.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

ligne blanche ; cet abord médian permet de mener, à l’identi-


que, la dissection de chaque hémiloge en débutant par le côté
gauche ; pour ce faire le muscle sternohyoïdien gauche (l’opé-
rateur étant à droite) est saisi par deux pinces d’Allis et main-
tenu en traction ; sa face profonde est progressivement libérée
soit au bistouri électrique, soit aux ciseaux à disséquer, ce qui
permet de découvrir la face antérieure de l’isthme thyroïdien ;
en progressant latéralement, on découvre le deuxième plan plus
profond des muscles sous-hyoïdiens représenté par le muscle
sternothyroïdien, ce dernier est à son tour saisi dans les pinces
d’Allis et tracté ; la libération sur toute sa hauteur de la face
profonde du muscle sternothyroïdien met au jour la totalité des
faces antérieure et externe du lobe thyroïdien homolatéral.
Afin de poursuivre, dans de bonnes conditions d’exposition,
l’ouverture latérale de la loge thyroïdienne, il faut s’aider
d’écarteurs de Farabeuf qui sont positionnés l’un en dehors sur
les muscles sous-hyoïdiens et l’autre en dedans sur le lobe
thyroïdien ; entre les écarteurs, dans le fond du champ opéra-
toire, on devine alors le paquet vasculaire jugulocarotidien. Au
cours de cette progression, un seul élément anatomique vient
habituellement barrer le passage, il s’agit de la veine thyroï-
dienne moyenne ou latérale qui sera sectionnée et ligaturée.
À ce stade de l’intervention, le lobe thyroïdien peut le plus
souvent être mobilisé et extériorisé, il n’est pas rare que le
muscle sternothyroïdien vienne cravater la partie supérieure du
Figure 9. Aires de recherche des glandes parathyroïdes. 1. Limite de
lobe, masquant ainsi une partie de la loge ; il ne faut pas hésiter
l’aire de recherche en première intention (environ 80 % des glandes s’y
dans ces cas à sectionner, dans un but d’exposition, cet élément
trouvent) ; 2. limite de l’aire de dispersion des glandes parathyroïdes
musculaire gracile et profond afin de baliser le mieux possible
(environ 98 % des glandes s’y trouvent).
l’aire de dispersion des glandes parathyroïdes où va s’effectuer
la recherche des glandes ; nous préconisons dans le même but
un large effondrement du feutrage conjonctif qui recouvre le
tronc artériel carotidien primitif, ce dernier est exposé sur toute
la hauteur de la loge thyroïdienne et va représenter la limite
latérale de la zone de recherche première des glandes
parathyroïdes.
Le tronc carotidien est également un repère extrêmement
fiable pour la recherche du nerf récurrent (ce dernier abordant
toujours la loge thyroïdienne à sa partie basse, après avoir croisé
à sa face profonde le tronc artériel).
Ces différents gestes nous amènent donc à exposer un espace
où se dispersent, dans l’immense majorité des cas, les glandes
parathyroïdes ; les balises de cet espace sont en dedans le lobe
thyroïdien et l’axe aérodigestif représenté par la trachée et,
derrière elle, l’œsophage, en dehors par le tronc artériel caroti-
dien primitif doublé sur sa face antéroexterne par la veine
jugulaire interne, en haut par l’artère thyroïdienne supérieure
(Fig. 9) ; en bas, la loge thyroïdienne est largement ouverte sur
le médiastin antérosupérieur et la loge thymique.

Recherche des glandes parathyroïdes (Fig. 10, 11, 12)


Celle-ci ne pourra démarrer que si l’on a obtenu un champ
opératoire complètement exsangue.
La recherche des glandes parathyroïdes est indissociable de
celle des autres éléments contenus dans la partie profonde de la
loge thyroïdienne et qui croisent la face postérieure du lobe
thyroïdien, à savoir le nerf récurrent et l’ATI ; les autres
éléments de la loge (ganglions lymphatiques, tissu graisseux,
éléments veineux, corne thymique) sont importants à reconnaî-
tre ne serait-ce que pour les distinguer du tissu glandulaire Figure 10. Stratégie de recherche des glandes parathyroïdes. 1. Para-
parathyroïdien. thyroïdes « thyroïdiennes » (en bleu) ; 2. parathyroïdes « récurrentielles »
Il n’y pas de stratégie univoque de recherche des glandes (en jaune) ; 3. parathyroïdes « thymiques » (en rouge).
parathyroïdes, et la conduite adoptée varie selon les opérateurs
mais aussi, et pour beaucoup, selon les conditions anatomiques
propres du patient ; de façon extrêmement pratique, nous avons ainsi de parathyroïde « thyroïdienne », de parathyroïde « récur-
l’habitude de découper schématiquement et virtuellement l’aire rentielle », ou de parathyroïde « thymique » (Fig. 10).
de recherche en trois zones qui vont être successivement
explorées et qui sont :
Recherche des glandes parathyroïdes « thyroïdiennes »
• la face postérieure du lobe thyroïdien ;
• le trajet du nerf récurrent ; Elle se fait sur la face postérieure du lobe thyroïdien après
• la loge thymique. extériorisation, et il faut rechercher les glandes parathyroïdes
L’immense majorité des glandes parathyroïdes sera décou- pathologiques au niveau de leurs sites anatomiques habituels
verte au niveau de l’une ou l’autre de ces zones, et l’on parle tels que nous les avons rappelés.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

Figure 11. Adénome inférieur droit (A), ectopie acquise (P4), vue opératoire latérale droite (B, C). 1. Thyroïde ; 2. nerf récurrent ; 3. artère thyroïdienne
inférieure ; 4. œsophage ; 5. plan vertébral ; 6. adénome extériorisé.

Figure 12. Hyperplasie, vues opératoires. 1. Thyroïde ; 2. parathyroïde ; 3. trachée ; 4. œsophage ; 5. nerf récurrent.
A. Parathyroïde inférieure gauche.
B. Deux glandes en position moyenne.

Les glandes parathyroïdes pathologiques sont, de façon qui permet le plus souvent de porter, dès l’examen macroscopi-
logique, plus facilement reconnues que les glandes normales du que réalisé par le chirurgien, le diagnostic d’adénome
fait de leur augmentation de volume. Cependant, l’existence de parathyroïdien.
suffusions hémorragiques sous-capsulaires ou de phénomènes de
nécrose, qui accompagnent souvent les adénomes quand ils Recherche des glandes parathyroïdes « récurrentielles »
augmentent rapidement de volume, leur donne quelquefois une
coloration proche de celle du corps thyroïde, ce qui peut Dans les cas où l’on n’a pas reconnu de glandes parathyroïdes
compliquer leur discernement ; lorsque le doute persiste pour lors de l’exploration de la face postérieure du corps thyroïde, il
ces lésions juxtathyroïdiennes, c’est l’existence d’un plan de faut engager la dissection de l’espace cellulograisseux qui
clivage entre la formation nodulaire et le reste du corps thyroïde entoure le trajet du nerf récurrent, cette dissection est balisée

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

par la découverte et la reconnaissance de deux éléments éléments ganglionnaires des chaînes lymphatiques récurrentiel-
anatomiques essentiels (ATI, nerf récurrent lui-même). les, et est traversé par les veines thyroïdiennes inférieures et de
L’ATI est habituellement très facilement retrouvée, se présen- façon inconstante par l’artère thyroïdienne moyenne.
tant sous la forme d’un élément transversal, globalement Les deux nerfs récurrents représentent les limites à la fois
perpendiculaire au tronc artériel carotidien primitif, qu’elle postérieures et latérales de cet espace au niveau duquel se
croise à sa face profonde. L’identification de l’ATI amène au retrouvent des reliquats thymiques. On prendra un grand soin
chirurgien deux types d’informations : elle permet d’une part de à isoler et à identifier d’éventuelles cornes thymiques, car c’est
découper, dans un but de systématisation de l’exploration, à leur contact que sont retrouvées les glandes parathyroïdes
l’espace rétrothyroïdien en un étage sus-artériel et un étage ectopiques les plus fréquentes. L’examen doit être attentif et le
sous-artériel ; elle peut d’autre part être utilisée comme un fil chirurgien doit prendre un soin particulier à ne pas traumatiser
conducteur menant aux glandes parathyroïdes qu’elle vascula- les tissus afin de ne pas gêner l’identification d’une éventuelle
rise dans l’immense majorité des cas. glande parathyroïde qui se fait par la reconnaissance d’une
L’exploration complète et attentive de l’espace cellulograis- petite zone de coloration différente, orangée pour la glande
seux latérotrachéal ne peut se faire sans le repérage du nerf parathyroïde qui tranche sur un aspect grisâtre ou rosé pâle du
récurrent, aussi est-il hautement recommandé de réaliser, dès le thymus ; la parathyroïde est également individualisée grâce à
début de cette dissection, l’identification et la découverte de ce l’existence d’une capsule qui permet de la mobiliser et de la
nerf ; sa recherche est tout à fait classique, et le plus simple est séparer du tissu avoisinant, thymique ou graisseux ; on peut
de reproduire la méthode utilisée dans toute chirurgie thyroï- souvent reconnaître à sa surface son réseau vasculaire superficiel
dienne qui consiste à découvrir le nerf au niveau de la partie en forme de nervures de feuille.
basse de la loge, en arrière du pôle inférieur du corps thyroïde, Exérèse parathyroïdienne
dans l’angle ouvert en bas et en dehors que forme l’ATI et le
bord latéral de la trachée ; de façon schématique, mais très L’exérèse d’une ou de plusieurs glandes parathyroïdes ne peut
souvent vérifiée en pratique, le nerf récurrent est dans la démarrer qu’au terme d’une exploration complète qui aura
position de la bissectrice de cet angle du côté droit, alors qu’il permis de réaliser un bilan précis des lésions, et de faire autant
est beaucoup plus vertical à gauche, globalement parallèle au que possible le diagnostic de la forme d’hyperparathyroïdie à
bord latéral de la trachée. laquelle on est confronté : adénome ou hyperplasie primaire.
L’exploration de l’espace latérotrachéal va se poursuivre de Dans les cas les plus simples qui sont aussi heureusement les
façon progressive, du bas vers le haut avec la découverte du nerf plus fréquents, l’adénome parathyroïdien a été reconnu, nous
récurrent comme fil d’Ariane. en réalisons alors l’exérèse pour une étude histopathologique
extemporanée (BE). Le principal piège à éviter est celui d’une
À la partie basse, sous-artérielle, il est fréquent de retrouver
exérèse partielle qu’entraînerait la poursuite de la dissection
une glande parathyroïde au bord postérieur du nerf venant se
dans un faux plan de clivage ; il est donc particulièrement
mouler sur elle et qui doit donc en être séparée avec beaucoup
important de ne pas traumatiser cette glande pathologique, et
de précaution, il s’agit là d’un site privilégié pour les glandes
d’identifier sa capsule au contact de laquelle se fait la dissection
parathyroïdes supérieures (P4) qui, alourdies par l’existence d’un
qui doit être particulièrement prudente au niveau des zones de
adénome, viennent se ptoser dans cet espace celluleux qui offre
contact entre l’adénome et le nerf récurrent.
peu de résistance. En l’absence de glande reconnaissable à ce
Cette libération de proche en proche aboutit à la mobilisation
niveau, il est utile de réaliser un palper digital explorant à la
de l’adénome qui reste pédiculé sur son hile vasculaire qui sera
fois le bord latéral de l’œsophage et la face postérieure de
sectionné ; lors de cette libération il est nécessaire de réaliser la
l’artère carotide primitive.
coagulation des veines parathyroïdiennes qui se drainent
La poursuite vers le haut de la découverte du nerf récurrent souvent vers des veines capsulaires thyroïdiennes. Outre cette
amène à disséquer la zone de croisement du nerf et de l’ATI ; glande nous adressons au laboratoire un fragment ou la totalité
pour bien mener ce temps, souvent plus difficile en raison des d’une deuxième glande homolatérale dans le but de discerner
risques hémorragiques, il est indispensable de visualiser et adénome et hyperplasie primaire. L’association d’une glande
d’identifier les branches de division de l’ATI, avant de réaliser, macroscopiquement tumorale à une glande macroscopiquement
si cela s’avère indispensable à la dissection, des ligatures normale autorise, de façon très simple, le chirurgien à porter le
ultrasélectives de ses branches. Lorsqu’elle est située à ce niveau diagnostic d’adénome ; il est des cas douteux, ne serait-ce que
la glande parathyroïde, le plus souvent une glande P3, se trouve parce que le volume de l’adénome est modéré, où seule l’ana-
à la face profonde du plan artériel, il faudra donc très progres- lyse histopathologique confirmant la coexistence de tissu
sivement l’accoucher et l’extérioriser, ce qui se fait soit en pathologique et de tissu normal, permet le diagnostic. La mise
l’amenant à contourner les branches artérielles par le bas, soit en évidence du tissu normal pourra se faire au niveau de la
en l’extériorisant progressivement entre deux branches de glande malade où une collerette de glandes normale a pu être
l’artère. préservée, c’est ce que l’on appelle le « clocheton » ; en
La dissection de la partie supra-artérielle du trajet du récur- l’absence de ce dernier au niveau de la glande pathologique,
rent se fait en dernier ; dans cette portion, le nerf se rapproche c’est au niveau de l’autre glande parathyroïde qu’il faudra
habituellement de la capsule thyroïdienne à laquelle il peut rechercher du tissu parathyroïdien normal.
adhérer, il est très souvent longé par l’arcade artérielle qui, du
fait des manœuvres d’exposition réalisées, vient se placer Fermeture et drainage
au-dessus de l’élément nerveux. Les éléments anatomiques à Le temps d’exploration et d’exérèse étant terminé, la plaie
identifier à ce moment de la dissection sont : la corne inférieure opératoire va être largement lavée au sérum tiède afin de
du cartilage thyroïde et le muscle cricothyroïdien, et en arrière pouvoir vérifier la qualité de l’hémostase qui doit être parfaite.
d’eux, l’œsophage et le muscle constricteur inférieur du pha- Un ou deux drains de Redon-Jost® sont mis en place dans la
rynx. Une glande parathyroïde supérieure (P4) est souvent loge thyroïdienne, sortis dans la région supraclaviculaire latérale
retrouvée à ce niveau, se projetant à la face latérale du muscle après une courte tunnellisation sous-cutanée, assurant un
constricteur inférieur du pharynx, représenté ici par son faisceau drainage aspiratif. Les muscles sous-hyoïdiens sont suturés sur la
cricopharyngien, au-dessus et/ou en arrière de la pénétration ligne médiane par un fil résorbable de monobrin de diamètre
laryngée du nerf récurrent. 3/0. Cette suture est menée de haut en haut et respecte une
zone triangulaire, d’environ 3 cm de hauteur, dite triangle de
Recherche des glandes parathyroïdes « thymiques »
sécurité qui fait donc communiquer la loge thyroïdienne avec
L’absence de découverte des deux glandes parathyroïdes au le plan de décollement sous-cutané ; l’intérêt de cette commu-
niveau des zones que nous venons de décrire amène le chirur- nication est d’éviter d’enfermer un hématome dans la loge
gien à explorer la partie basse de la loge thyroïdienne et son profonde. La fermeture cutanée se fait en deux plans : profond
prolongement vers le médiastin supérieur ; cet espace péritra- au fil résorbable et superficiel par un surjet intradermique avec
chéal est occupé par du tissu graisseux, contient de nombreux un fil nylon de diamètre 4/0, qui sera retiré le cinquième jour

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

La différence porte sur le temps d’exploration et sur le temps


d’exérèse. L’exploration de la loge thyroïdienne et la recherche
des glandes parathyroïdes se doivent d’être, dans tous les cas,
très larges lorsqu’on traite une hyperparathyroïdie secondaire ou
lorsque les constatations peropératoires font suspecter le
diagnostic d’hyperparathyroïdie par hyperplasie primaire ; la
découverte des quatre glandes parathyroïdes est ici systémati-
que, et il est recommandé d’identifier précisément les glandes
et leur système vasculaire avant tout geste d’exérèse.
Dans les cas favorables, où l’on a pu mettre en évidence les
quatre glandes parathyroïdes, le premier choix à faire pour le
chirurgien est celui de la glande que l’on souhaite conserver, ce
choix se fait sur trois types de critères :
• l’analyse de la vascularisation qui doit pouvoir être conservée
afin d’assurer la viabilité de la glande et sa fonctionnalité ;
• la situation et les rapports de cette glande, qui doit être à
distance du nerf récurrent, en situation la plus superficielle
Figure 13. Abord de la loge thyroïdienne. Abord traditionnel (rouge). possible, et ce afin de simplifier une éventuelle réinterven-
Abord latéral réalisé pour la chirurgie minimale invasive (bleu). tion ;
• l’aspect macroscopique de la glande que l’on veut conserver,
il est toujours préférable de choisir une glande aussi peu
postopératoire. On met en place un pansement occlusif, non modifiée que possible par la pathologie et que l’on pourra
compressif, qui doit permettre une surveillance cervicale. soit garder en totalité (ce qui est assez rare), soit réséquer
dans une proportion variable (schématiquement de un tiers
Variantes de la technique de base à deux tiers).
.1

La vitalité du fragment conservé sera attentivement observée


Chirurgie ciblée minimale invasive sous anesthésie dans les minutes qui suivent. Nous réalisons de plus, chaque
locale fois que cela est possible, une fixation de la glande à la capsule
Les objectifs de cette technique sont de diminuer la morbi- du lobe thyroïdien homolatéral dans le but de la maintenir à
dité, le temps d’intervention, la durée d’hospitalisation, et la distance du nerf récurrent. Les trois autres glandes pathologi-
séquelle cicatricielle. Les indications sont réservées aux hyper- ques sont enlevées en totalité, en prenant ici particulièrement
parathyroïdies primaires sans pathologie nodulaire thyroïdienne garde à ne pas les fragmenter pour ne pas risquer de laisser du
diffuse associée, dont l’étiologie suspectée est un adénome tissu hyperplasique en place, et sont adressées au laboratoire
parathyroïdien unique localisé à l’échographie haute résolution avec une double demande : d’une part de confirmation de
et à la scintigraphie MIBI, chez des patients non pusillanimes. nature du tissu parathyroïdien hyperplasique, d’autre part de
L’anesthésie locale est pratiquée à l’aide de Xylocaïne adréna- mise en réserve et en cryopréservation d’un fragment du tissu
linée® à 2 % par une infiltration sous-cutanée tout autour de la glandulaire. La chirurgie des hyperplasies parathyroïdiennes est
zone d’incision dessinée au préalable. Il faut éviter d’infiltrer plus facile pour les hyperparathyroïdies secondaires que pour les
trop en profondeur sous peine d’imprégner le nerf récurrent. Un hyperparathyroïdies primaires ; dans ce dernier cas, l’atteinte
bloc cervical superficiel peut être réalisé en injectant le point de glandulaire est souvent plus limitée avec une hétérogénéité et
réflexion des branches transverse et sus-claviculaire au niveau une asymétrie dans les glandes touchées et l’on peut tout à fait
du bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Un des voir coexister des glandes relativement volumineuses et des
avantages supplémentaires de l’anesthésie locale est de pouvoir glandes macroscopiquement subnormales. Il est souhaitable de
contrôler la fonction du nerf récurrent pendant l’intervention laisser un petit peu plus de tissu glandulaire quand on a affaire
en faisant parler le patient. à une hyperparathyroïdie primaire, car le potentiel de croissance
L’incision cutanée est pratiquée latéralement, elle mesure et donc les risques de récidive sont ici bien moindres alors que
environ 3 cm, elle est horizontale légèrement arciforme à le risque d’hypoparathyroïdie postopératoire n’est pas du tout
mi-distance du cartilage cricoïde et de la fourchette sternale. Il négligeable.
n’y a pas de décollement sous-cutanéoplatysmal, la loge Dans les cas moins favorables où l’exploration standard
thyroïdienne est directement abordée latéralement en dehors du décrite (Cf. supra) n’a pas permis la mise en évidence des quatre
muscle sterno-cléido-hyoïdien le long de l’axe vasculaire glandes parathyroïdes, il faut :
jugulocarotidien (Fig. 13). • laver et réviser de façon très minutieuse le champ opératoire ;
La zone d’incision et de dissection est maintenue ouverte par • faire le point sur les glandes trouvées et confirmées histolo-
deux ou trois écarteurs de Farabeuf, lorsque la loge thyroïdienne giquement ;
est exposée l’un de ces écarteurs est utilisé pour charger le lobe • adresser au laboratoire (pour BE) toutes les lésions douteuses
thyroïdien. qui auraient pu être initialement identifiées comme du tissu
À cet instant il faut se porter directement sur la zone où a été ganglionnaire, thyroïdien ou thymique ;
localisé l’adénome. Une fois repéré, il sera disséqué au contact • reprendre la dissection pour rechercher la quatrième glande
de sa capsule, sans jamais la rompre jusqu’à libération complète. du côté où elle manque, et dans son aire de dispersion, en
Le nerf récurrent ne sera pas disséqué de façon systématique, il adoptant une attitude probabiliste (Fig. 14).
ne le sera qu’en cas de contact étroit avec l’adénome. L’endo- Si la première glande identifiée est une P4, l’exploration se
scopie, par son effet de magnification, peut aider à la dissection poursuit à la recherche d’une glande P3, et l’on explore succes-
de l’adénome. sivement le médiastin supérieur et la loge thymique, le pôle
L’hémostase doit être soigneuse, ce qui permet, du fait de supérieur de la glande thyroïde et la gouttière vasculaire, le lobe
l’absence de dissection extensive, la fermeture en deux plans thyroïdien.
sans drainage. Si la glande manquante est une glande P4, on va à la recher-
che d’une parathyroïde supérieure qui aurait migré, et on
Chirurgie des hyperparathyroïdies explore successivement la gouttière vasculaire, l’axe viscéral et
par hyperplasie [42-44] le défilé cervicothoracique en direction du médiastin postérieur.
On distingue deux types d’hyperparathyroïdies par hyperpla- Quelle que soit la glande manquante on pourra être amené à
sie : les hyperparathyroïdies primaires et les hyperparathyroïdies réaliser une lobectomie thyroïdienne lorsque, au terme des
secondaires. Le geste chirurgical réalisé dans ces indications manœuvres déjà décrites, seules trois glandes parathyroïdes ont
diffère quelque peu de celui habituellement réalisé dans le pu être identifiées, et que le corps thyroïde est augmenté de
traitement des hyperparathyroïdies par adénome. volume.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

Figure 14. Stratégie de recherche de la parathyroïde inférieure (P3) (A, B, C) et (P4) (D, E).
A. Aire habituelle (80 % des glandes).
B. Aire incluant les ectopies classiques (98 % des glandes).
C. Aire incluant les ectopies exceptionnelles (100 % des glandes).
D. Aire habituelle.
E. Aire incluant les localisations ectopiques.

Toutes les informations recueillies au cours de ce geste double, d’autre part la méconnaissance des formes de passage
chirurgical doivent être notées dans le compte-rendu opératoire, entre adénome et hyperplasie. La réintervention est dans cette
et nous avons l’habitude d’y associer un schéma synthétique pathologie toujours précédée par un bilan extrêmement complet
qui facilite l’interprétation de cette première intervention dans avec réalisation d’une imagerie spécifique qui, lorsqu’elle a été
l’optique d’une éventuelle reprise chirurgicale. contributive, est particulièrement décisive pour guider le
L’absence de découverte des quatre glandes ne fait jamais chirurgien qui s’orientera d’emblée vers la loge thyroïdienne
pratiquer pour nous une sternotomie ou une médiastinoscopie marquée. Nous recommandons de ne réaliser, sauf cas particu-
dans le même temps, son indication est toujours remise à plus lier, qu’une exploration unilatérale afin de prévenir tout risque
tard et ne sera posée qu’après confirmation de l’hyperparathy-
de iatrogénie grave, récurrentielle ou parathyroïdienne. La
roïdie résiduelle (certains patients peuvent ne posséder que trois
situation la plus facile est celle où l’on intervient du côté
glandes parathyroïdes) et la réalisation de nouvelles explorations
opposé à la loge déjà explorée et où l’on retrouve un adénome
d’imagerie.
ou deux glandes hyperplasiques. La résection glandulaire sera,
Chirurgie des récidives d’hyperparathyroïdies de plus, adaptée aux constatations peropératoires et aux gestes
La situation est ici fort différente ; en fonction du contexte et précédemment réalisés : ablation de l’adénome seul si l’autre
du geste initialement réalisé, deux cas de figures peuvent être glande homolatérale est normale et si l’on avait déjà exploré
distingués. complètement le côté opposé, ablation des deux glandes
hyperplasiques si l’on a la notion de conservation d’au moins
Récidive après traitement d’un adénome parathyroïdien une glande de l’autre côté. Dans les cas où l’information
C’est une situation relativement rare et il y a deux grandes manque, il est utile de prévoir la conservation de tissu parathy-
causes d’échec : d’une part la méconnaissance d’un adénome roïdien par cryopréservation.

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

Figure 16. Chirurgie sur loge thyroïdienne déjà opérée, abord latéral de
Figure 15. Chirurgie du cancer parathyroïdien. 1. Abord latéral de la l’espace rétrothyroïdien (la flèche montre le bon plan de dissection à
région rétrothyroïdienne ; 2. abord paramédian, transisthmique, du nerf suivre).
récurrent ; 3. cancer parathyroïdien.

En dehors du risque de paralysie laryngée, qui est ici plus


Récidive d’une hyperparathyroïdie par hyperplasie important, les suites opératoires sont peu différentes de celles
(le plus souvent dans le cadre de la pathologie secondaire des autres chirurgies pour hyperparathyroïdie.
à une insuffisance rénale)
Chirurgie des hyperparathyroïdies
Ici encore l’imagerie diagnostique spécifique préopératoire a
après thyroïdectomie (Fig. 16)
une grande importance car le souci du chirurgien sera presque
toujours de limiter le plus possible son geste d’exploration, et On est de plus en plus souvent confronté à des interventions
donc de s’orienter d’emblée sur la glande laissée en place qui est pour hyperparathyroïdies survenant chez des patients ayant subi
presque toujours à l’origine de la récidive d’hypersécrétion de un abord de la loge thyroïdienne pour thyroïdectomie partielle
PTH. Dans ces reprises la découverte du nerf récurrent n’est pas ou subtotale. Au plan technique, l’une des particularités est ici
systématique, la dissection se faisant au contact de la glande la difficulté d’ouverture de cette loge thyroïdienne du fait de la
parathyroïdienne hyperplasique. Nous réalisons une exérèse disparition du plan de clivage naturel qui existe entre la face
totale du tissu parathyroïdien pathologique et une autotrans- profonde des muscles sous-hyoïdiens et la capsule
plantation dans le même temps chirurgical, soit au niveau du thyroïdienne [47].
muscle supinateur de l’avant-bras, soit au niveau de la paroi Après avoir levé les lambeaux cutanéograisseux de façon
antérieure de l’abdomen. habituelle, nous nous orientons presque systématiquement vers
un abord latéral direct des régions récurrentielles et parathyroï-
Chirurgie du cancer parathyroïdien (Fig. 15) diennes. Le muscle sterno-cléido-mastoïdien étant libéré à sa
face profonde et récliné par un écarteur de Farabeuf, on voit se
L’intervention d’exérèse réalisée est une intervention élargie
tendre le plan des muscles sous-hyoïdiens et la progression va
de façon modérée, sans être jamais mutilante [24, 45, 46].
se faire au bord externe du muscle sterno-cléido-hyoïdien qui
Très souvent, dès l’ouverture de la loge thyroïdienne, on sera refoulé en dedans par un écarteur de Farabeuf. On va ainsi
remarquera l’adhérence du plan musculaire profond à la face pouvoir ouvrir la loge par section de l’aponévrose cervicale
latérale du lobe thyroïdien et à la masse rétrothyroïdienne qui moyenne entre le muscle omohyoïdien et le muscle sterno-
correspond au cancer ; le muscle sera donc laissé adhérent et cléido-hyoïdien, ce qui expose d’emblée le paquet vasculaire
l’on choisira un plan de dissection plus superficiel ou un abord jugulocarotidien. L’effondrement de la gaine vasculaire donne
latéral. L’extériorisation de la masse tumorale peut être difficile, d’emblée accès à la région latérotrachéale rétrothyroïdienne ;
elle vient le plus souvent adhérer au lobe thyroïdien homolaté- dans les bons cas, s’il n’y a pas eu dissection au préalable de
ral et il ne faut pas réaliser de clivage entre la thyroïde et le cette région, il existe un reliquat thyroïdien qui doit être
cancer parathyroïdien. La principale difficulté est de repérer le identifié, ce qui permet de reprendre la recherche des glandes
nerf récurrent ; afin de faciliter sa découverte, nous réalisons parathyroïdes selon la méthode déjà décrite, sans difficulté
deux gestes qui vont faciliter la mobilisation du complexe supplémentaire ; dans les moins bons cas, il y a déjà eu dissec-
tumoral thyroïde-parathyroïde et qui sont : la ligature du tion de cette gouttière ; la progression chirurgicale est beaucoup
pédicule thyroïdien supérieur et l’isthmectomie. plus prudente, et on sera surtout attentif à déceler le plus vite
À ce stade de l’intervention, la masse est le plus souvent possible la glande pathologique (ce qui pose peu de problèmes
mobilisable et on va donc rechercher le nerf récurrent à la si elle est volumineuse puisque la loge thyroïdienne est totale-
partie basse du cou pour le disséquer ensuite de proche en ment vide). Il faut s’aider du palper digital qui est ici d’un
proche ; si l’individualisation du nerf n’est pas possible selon ce intérêt tout particulier.
procédé, on aura recours soit à une dissection rétrograde du En fin d’intervention, le drainage se fait par voie latérale et
haut vers le bas, soit à une dissection menée du dedans vers le nous réalisons une résection de la cicatrice précédente.
dehors au contact de la trachée.
L’ablation de la masse tumorale parathyroïdienne en mono-
Chirurgie des parathyroïdes médiastinales
bloc avec le lobe thyroïdien est systématique, un plan de clivage
existe toujours dans notre expérience avec l’œsophage, mais il Si l’exploration du médiastin supérieur peut se faire par voie
peut être difficile à initier et la dissection à ce niveau doit être cervicale, celle-ci est forcément limitée, et il est des cas où il
particulièrement prudente. faudra recourir à une sternotomie ou à une médiastinoscopie ;
Un évidement ganglionnaire latérotrachéal médiastinorécur- l’exploration chirurgicale du médiastin se fait dans un contexte
rentiel homolatéral à la lésion est associé de façon systémati- très différent selon qu’il s’agit d’une cervicotomie première ou
que ; un évidement ganglionnaire cervical latéral d’une réintervention.
jugulocarotidien est indiqué lorsqu’il existe des adénopathies à L’exploration médiastinale supérieure conduite par voie de
ce niveau. cervicotomie intéresse les espaces pré- et latérotrachéaux, ses

Techniques chirurgicales - Tête et cou 13


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

limites sont celles que l’on donne à l’évidement médiastinoré- Plusieurs méta-analyses récentes ont démontré une efficacité
currentiel réalisé dans le cadre du traitement des cancers de la certaine. La première publiée en 2005 [33] proposait une revue
thyroïde. On explore systématiquement en progressant du haut de la littérature concernant 225 références et 20 225 parathyroï-
vers le bas, un côté après l’autre, la gouttière située entre, en dectomies. Seules 30 études concernant le rôle de la PTH rapide
dedans l’axe trachéo-œsophagien, et en dehors le tronc caroti- étaient analysables. Les résultats ont montré une hypercalcémie
dien primitif ; la dissection est menée vers le bas jusqu’à la face persistante après chirurgie dans 1,34 % des cas utilisant la PTH
antérieure de la crosse de l’aorte ; la reconnaissance du nerf rapide contre 5 à 8 % des cas sans utilisation.
récurrent et son contrôle visuel permanent sont bien entendu La stratégie d’exploration unilatérale n’a pas été modifiée par
essentiels lors de cette exploration qui va permettre de découvrir cette technique dans 94,5 % des cas. Cependant, elle a permis
les reliquats thymiques, remontant plus ou moins haut dans le dans 5,46 % des cas de convertir une chirurgie unilatérale a
priori satisfaisante (lésion localisée en préopératoire, adénome
cou. Un adénome éventuel est progressivement remonté avec le
ou hyperplasie découverte en peropératoire) en une exploration
thymus, sous la capsule duquel on peut l’individualiser. Chemin
bilatérale avec une efficacité de 60 % (chute du taux de PTH de
faisant, on aura lié les veines thyroïdiennes inférieures et, si
plus de 50 %) pour les patients « convertis ». L’utilisation de la
nécessaire, l’inconstante artère thyroïdienne moyenne. PTH rapide a permis de retrouver 98,4 % de vrais positifs,
Un doigt passé dans la loge de dissection, reconnaît la crosse 3,37 % de faux positifs (chute du taux de PTH de plus de 50 %
de l’aorte et confirme l’absence de masse palpable, susceptible mais persistance d’une hypercalcémie en postopératoire) et
de correspondre à un adénome situé plus bas. 1,94 % de faux négatifs (patients guéris mais PTH rapide
L’exploration médiastinale postérieure se fait en suivant la n’ayant pas diminué de 50 %).
direction du nerf récurrent, le long du bord externe de l’œso- Aucune étude ne compare la PTH rapide versus l’analyse
phage ; à ce niveau, le tissu celluleux se laisse aisément effon- extemporanée afin de dépister une éventuelle hyperplasie
drer et l’exploration au doigt permet quelquefois d’isoler le pôle parathyroïdienne. L’avantage théorique de la PTH rapide
supérieur d’un adénome qui peut être volumineux, mais qui ne concernerait la présence d’un double adénome où l’analyse
pose habituellement pas de difficulté à son extériorisation vers extemporanée serait dans tous les cas prise en défaut.
le haut. Une seconde méta-analyse [48] a proposé un algorithme
La nécessité de réaliser une sternotomie est une situation rare décisionnel intégrant la PTH rapide dans la chirurgie ciblée
et dont la fréquence diminue avec l’expérience du chirurgien. minimale invasive (Fig. 17).
La sternotomie peut être limitée en hauteur au niveau du
troisième espace intercostal, ce qui autorise un jour suffisant Rôle de la gamma-caméra peropératoire
tout en simplifiant la fermeture et les suites opératoires. Après De nombreuses équipes utilisent de façon régulière la gamma-
séparation des culs-de-sac pleuraux, l’exploration du médiastin caméra pour localiser en peropératoire la glande pathologique.
antérieur est extrêmement facile, et il n’y a le plus souvent Cette technique est réalisable si l’adénome fixe à la scintigraphie
aucune difficulté à reconnaître un adénome en position intra- Sestamibi. L’injection du produit radioactif est pratiquée
thymique médiastinale ; dans les cas où l’on ne retrouve pas 2 heures avant la chirurgie et une sonde portable est utilisée en
aisément la glande parathyroïde, il faut reprendre la dissection peropératoire pour guider le chirurgien. Les principaux avanta-
qui aboutit à l’exérèse du thymus et du tissu celluloganglion- ges de son utilisation sont de détecter rapidement en peropéra-
naire qui l’entoure, jusqu’au niveau du bord inférieur du corps toire l’adénome, notamment ceux qui sont localisés dans une
thyroïde. Actuellement la sternotomie est remplacée par une position ectopique ou dans une région profonde du cou, de
médiastinoscopie permettant des suites opératoires identiques à permettre le contrôle de l’exérèse complète de l’adénome par
celle obtenues après cervicotomie. L’abord est réalisé par une l’absence de radioactivité résiduelle et de mesurer directement
incision cervicale sus-sternale pouvant correspondre à l’incision ex vivo sur la pièce opératoire la radioactivité [49]. Bien que
de cervicotomie. Après avoir dissocié les muscles sous-hyoïdiens, certaines équipes utilisent cette technique de façon systémati-
l’espace prétrachéal est abordé et disséqué au doigt avant d’y que, la plupart des chirurgiens de la loge thyroïdienne considè-
plonger le médiastinoscope (valve métallique et optique 20 mm rent que ce procédé apporte peu d’informations par rapport à
une scintigraphie MIBI préopératoire de qualité. Elle pourrait,
de diamètre sur 15 cm de longueur). La trachée est ensuite
en revanche, présenter un intérêt qui reste à évaluer en cas
disséquée sur sa face antérieure en refoulant les gros vaisseaux
d’échec d’une première chirurgie.
en avant. Cette exploration chirurgicale de l’espace péritrachéal
peut être poussée jusqu’à l’origine des deux bronches souches,
ainsi que dans l’espace sous-carénaire. Gestes complémentaires
Autotransplantation des parathyroïdes [10]
Techniques complémentaires
L’autotransplantation de tissu parathyroïdien est une inter-
Rôle du dosage peropératoire de PTH vention simple et séduisante qui est habituellement associée à
une parathyroïdectomie totale ; le principe en est de greffer des
La PTH rapide est la mesure rapide du taux sanguin de PTH. fragments de glande parathyroïde dans du muscle ; le site
Cette technique est réalisable pour deux raisons : receveur le plus souvent utilisé est le muscle long supinateur de
• l’existence de tests fiables et rapides de mesure ; l’avant-bras qui ne porte pas de fistule. Le tissu parathyroïdien
• la très courte demi-vie de la PTH sanguine (entre 3 et à autotransplanter est choisi au niveau d’une glande hyperpla-
10 minutes selon les séries). sique dont la nature aura préalablement été vérifiée histopatho-
Son utilisation a été développée en parallèle des nouvelles logiquement et que l’on aura choisi du fait de l’absence de
remaniement nodulaire ou hémorragique ; une dizaine de petits
approches chirurgicales dans le traitement des hyperparathyroï-
fragments, d’environ 2 mm de côté, sont enfouis dans des
dies primaires. Elle est considérée notamment par certains
logettes musculaires réalisées par simple séparation des fibres
auteurs anglo-saxons comme une technique indispensable pour
musculaires ; une hémostase soigneuse est indispensable pour
réaliser une chirurgie ciblée. C’est l’unique manière de savoir s’il éviter des suffusions hémorragiques qui empêcheraient la prise
existe encore, après l’exérèse d’une lésion, du tissu parathyroï- du greffon ; les logettes sont ensuite refermées par un fil de
dien hyperfonctionnel (hyperplasie asymétrique, double adé- couleur non résorbable qui pourrait être repéré en cas de
nome). Le temps nécessaire pour obtenir une réponse du nécessité de réintervention pour récidive de l’hyperparathyroï-
laboratoire est compatible avec le protocole chirurgical, sans die. La masse totale transplantée correspond à celle de deux
rallonger l’intervention de façon inadaptée (sous réserve de la glandes parathyroïdes normales, soit environ 60 mg. D’autres
disponibilité d’un laboratoire à proximité réalisant cette sites musculaires peuvent être utilisés, notamment au niveau de
technique de dosage rapide). la paroi abdominale ou du cou.

14 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

Figure 17. Arbre décisionnel. Algorithme


intégrant la parathormone (PTH) rapide dans
Parathyroïde pathologique localisée
la chirurgie ciblée minimale invasive.
en préopératoire

Induction
Dosage
de base PTH

Individualiser la parathyroïde pathologique


par une chirurgie ciblée

Exérèse de la glande

Attendre 10 min

Dosage de la PTH

Résultats

Chute > 50 % Chute < 50 %

STOP Nouveau Analyse


dosage PTH anatomopathologique
en extemporané

Recherche de la
parathyroïde
homolatérale

Résultat
de la PTH

Chute > 50 % Chute < 50 %

STOP Exploration
cervicale
bilatérale

Cryopréservation [10] La réimplantation se fait, selon la technique habituelle, dans


les mois qui suivent le prélèvement. Le taux de réussite est
Les parathyroïdectomies totales avec autotransplantation et difficile à chiffrer du fait du petit nombre de patients qui
les chirurgies des récidives d’hyperparathyroïdie font courir un finalement font l’objet de cette thérapeutique, mais il serait de
risque important d’aparathyroïdie définitive. C’est dans l’opti- plus de 50 %.
que de couvrir partiellement ce risque que l’on réalise dans ces
situations une cryopréservation de tissu parathyroïdien. Nous
utilisons la technique la plus simple de congélation instantanée
Suites opératoires et surveillance
dans de l’azote liquide ; le fragment est congelé dans un La surveillance postopératoire immédiate est réalisée avec le
cryotube après immersion dans un milieu protecteur (diméthyl- souci de diagnostiquer un éventuel hématome de la loge
sulfoxyde, DMSO 10 %). La demande de cryopréservation est thyroïdienne, qui peut évoluer vers un hématome compressif et
faite au laboratoire d’histopathologie en même temps que celle nécessiter une évacuation en urgence. La surveillance porte sur
de l’examen extemporané, et c’est donc le pathologiste qui les éléments généraux : pouls, tension artérielle, état respiratoire,
choisit, après identification, le fragment glandulaire qui sera douleur, agitation, et sur des éléments locaux (drains et la
conservé. région cervicale antérieure).

Techniques chirurgicales - Tête et cou 15


46-465 ¶ Chirurgie des glandes parathyroïdes

Les drains sont enlevés le deuxième jour postopératoire. réduction globale du tissu sécrétant, indiqués dans les
Une laryngoscopie est systématiquement réalisée en postopé- hyperplasies primaires et les hyperparathyroïdies primaires
ratoire pour confirmer la bonne motricité laryngée. entrant dans le cadre des néoplasies endocriniennes multi-
La surveillance biologique comporte un dosage quotidien de ples ;
la calcémie durant les 3 ou 4 jours que va durer l’hospitalisa- • les gestes chirurgicaux élargis à la glande thyroïde et aux aires
tion ; en cas de chute importante et rapide, et dès l’apparition ganglionnaires cervicales latérotrachéales et éventuellement
des premières manifestations cliniques, à type de fourmille- jugulocarotidiennes indiqués dans les carcinomes para-
ments de la face et des extrémités et d’un signe de Chvostek, thyroïdiens.
une thérapeutique vitaminocalcique est mise en place. La mortalité opératoire est extrêmement faible, moins de 1 %
dans toutes les grandes séries de la littérature [10, 12].
Complications La morbidité opératoire est essentiellement représentée par
On distingue les complications locales, inhérentes à toute l’hypocalcémie et, dans une moindre proportion, par les
chirurgie de la loge thyroïdienne, et les complications générales paralysies laryngées, les hématomes et les abcès cervicaux.
en rapport avec l’hypocalcémie. L’hypocalcémie est la complication la plus fréquente, et son
risque de survenue augmente avec :
Complications locales • l’état de déminéralisation du squelette du malade ;
L’hématome de la loge thyroïdienne est une complication • le type d’exploration chirurgical (un abord unilatéral diminue
rare après chirurgie de l’hyperparathyroïdie, mais qui peut le risque d’hypoparathyroïdie séquellaire) ;
survenir ; les situations particulièrement à risque sont celles où • la pathologie en cause (le risque d’hypoparathyroïdie est plus
l’on a effectué une large dissection pour une hyperparathyroïdie important pour les hyperplasies) ;
par hyperplasie, et tout particulièrement chez les patients • la réalisation, dans le même temps, d’une thyroïdectomie ;
dialysés. L’intervention doit être décidée rapidement, sans • des biopsies parathyroïdiennes multiples.
attendre les signes de détresse respiratoire, sur la surveillance de Le risque récurrentiel est faible, mais ne doit jamais être sous-
l’état cervical et des flacons de drainage ; des drains de Redon® estimé (moins de 1 % pour des opérateurs entraînés), celui de
ramenant plus de 100 ml/h font poser l’indication d’une la survenue d’un abcès ou d’un hématome cervical est égale-
réintervention immédiate. ment faible (de l’ordre de 0,5 % des cas).
La paralysie laryngée par atteinte du nerf récurrent est une Les échecs se présentent selon deux tableaux différents qu’il
complication rare des cervicotomies premières. Le contrôle importe d’analyser :
systématique de la motricité laryngée permet de porter le • l’hyperparathyroïdie résiduelle, définie par la persistance
diagnostic. Le plus souvent ce trouble est transitoire avec une d’une hypercalcémie et d’une altération de la parathormoné-
récupération qui se fait presque toujours dans les deux premiers mie, dans les 6 mois qui suivent le geste opératoire ;
mois qui suivent l’intervention ; dans tous les cas, il faut • l’hyperparathyroïdie récidivante, définie par la récidive d’une
démarrer une rééducation orthophonique précoce, afin de hyperparathyroïdie après 6 mois de calcémie et de parathor-
limiter les conséquences de cette paralysie. monémie normalisées.
La fréquence des hyperparathyroïdies persistantes est mal
Hypoparathyroïdie postopératoire connue, elle est directement corrélée à l’expérience de l’opéra-
La tétanie est la complication la plus fréquente de la chirurgie teur et à sa connaissance des différents aspects de la pathologie
des hyperparathyroïdies ; elle se limite souvent aux manifesta- des parathyroïdes (dans la plupart des cas les échecs sont dus à
tions discrètes de fourmillements déjà décrites, mais peut aller un adénome parathyroïdien passé inaperçu lors de la
jusqu’aux crampes musculaires périphériques et abdominales cervicotomie).
qu’il faut prévenir par un traitement substitutif énergique. Nous
proposons de traiter, dès l’apparition des premiers signes
cliniques, chaque fois que la calcémie descend au-dessous de Hyperparathyroïdies secondaires
80 mg/l (soit 1,9 mmol/l). Le traitement associe la prise de
calcium par voie orale (6 sachets de phosphate neutre de L’exploration complète de la loge thyroïdienne avec décou-
carbonate de calcium) associée à 1 à 3 mg d’alphacalciférol (Un- verte des quatre glandes parathyroïdes est la règle.
Alpha®). Dans les formes les plus sévères annoncées par une Deux types d’intervention peuvent être réalisés : la parathy-
chute très rapide de la calcémie, il faut administrer le calcium roïdectomie subtotale et la parathyroïdectomie totale avec
intraveineux sous forme de glubionate de calcium (2 à autotransplantation ; dans les deux cas la cryopréservation
3 ampoules/j). d’une partie du tissu parathyroïdien est systématique.
Cette thérapeutique associant calcium per os et Un-Alpha® L’importance de la morbidité liée à l’hypocalcémie postopé-
est instituée pour 15 jours, et est éventuellement prolongée en ratoire après parathyroïdectomie totale fait préférer à nombre
fonction des données de la surveillance biologique. d’auteurs la parathyroïdectomie subtotale, sauf en cas de geste
Les hypoparathyroïdies vraies et définitives sont exception- large et bilatéral associé sur la glande thyroïde, ou dans les cas
nelles, et viennent habituellement compliquer les interventions de récidive cervicale de l’hyperparathyroïdie. L’exploration
difficiles et les réinterventions pour hyperplasie. chirurgicale antébrachiale sous anesthésie locale d’une récidive
d’hyperparathyroïdie sur greffon représente un avantage
■ Conclusion théorique de la parathyroïdectomie totale avec autotransplanta-
tion [42, 57, 58].
La surveillance cervicale postopératoire doit être particulière-
Hyperparathyroïdies primaires ment stricte car le risque d’hématome cervical chez ces patients
La stratégie opératoire a varié au cours de ces dernières insuffisants rénaux hémodialysés est élevé.
années, la technique classique d’exploration systématique de En cas de persistance ou de récidive de l’hyperparathyroïdie
tous les sites parathyroïdiens, et de vérification histopathologi- secondaire, la stratégie chirurgicale et la qualité de l’exploration
que de toutes les glandes parathyroïdes, a laissé la place à une lors de la première intervention sont déterminantes (découverte
stratégie opératoire adaptée aux données du bilan de localisa- des quatre glandes, exploration de tous les sites ectopiques,
tion et à la pathologie rencontrée [12, 50-56]. thymectomie bilatérale et repérage du moignon restant).
On distingue : Les récidives rapides sont dues à l’oubli d’une glande volumi-
• les gestes a minima unilatéraux, éventuellement uniglandu- neuse (environ 10 % des cas selon les séries) alors que les
laires (chirurgie ciblée minimale invasive), indiqués dans les rechutes à distance, plus ou moins sévères, s’expliquent par la
adénomes solitaires ; persistance du mécanisme causal : l’insuffisance rénale ; l’indi-
• les gestes chirurgicaux « traditionnels » avec exploration cation d’une réintervention, difficile mais curatrice, est fonction
systématique bilatérale de tous les sites parathyroïdiens et du terrain et de la tolérance clinique.

16 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des glandes parathyroïdes ¶ 46-465

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N. Guevara, Chef de clinique-assistant.


L. Castillo, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
J. Santini, Professeur des Universités, praticien hospitalier, Chef de service (santini.j@chu-nice.fr).
Centre hospitalier universitaire de Nice, 30, avenue de la Voie romaine, BP 69, 06002 Nice cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guevara N., Castillo L., Santini J. Chirurgie des glandes parathyroïdes. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-465, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

18 Techniques chirurgicales - Tête et cou


¶ 46-480

Chirurgie des malformations


congénitales du cou chez l’enfant
R. Nicollas, S. Roman, J.-M. Triglia

Les malformations congénitales du cou peuvent être séparées en malformations de la ligne médiane
(kystes du tractus thyréoglosse, kystes dermoïdes et fissures mentosternales), et malformations
latérocervicales. Ces dernières peuvent être, soit d’origine branchiale (première et deuxième fentes,
troisième et quatrième poches, kystes thymiques) soit non (lymphangiomes kystiques). À part, les fistules
préauriculaires. Exception faite des lymphangiomes kystiques et du traitement endoscopique des
quatrièmes poches, l’exérèse doit impérativement être complète afin d’éviter la récidive.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Kystes du tractus thyréoglosse ; Appareil branchial ; Lymphangiomes kystiques ;


Fissure mentosternale

Plan pour lesquels la volonté de réaliser une exérèse absolument


complète serait source d’une iatrogénie trop importante.
¶ Introduction 1
¶ Bilan préanesthésique et préparation du patient 1
■ Bilan préanesthésique
¶ Malformations de l’appareil branchial 2
Malformations de la première fente 2 et préparation du patient
Malformations de la deuxième fente 3
Les modalités de la consultation préanesthésique, des consi-
Kystes thymiques 5
gnes de l’hospitalisation et de prise en charge de l’enfant au
Malformations de la région du sinus piriforme 5 bloc opératoire jusqu’à l’induction anesthésique sont très
Fistules préauriculaires 6 voisines quelle que soit la malformation à opérer, à l’exception
¶ Lymphangiomes kystiques 7 des volumineux lymphangiomes kystiques. Ces derniers doi-
Lymphangiomes kystiques cervicaux 7 vent, chez le tout-petit, faire prévoir la période postopératoire
Lymphangiomes kystiques cervicoparotidiens 8 immédiate en unité de soins intensifs pédiatriques. Le condi-
Complications et séquelles de la chirurgie des lymphangiomes tionnement anesthésique de l’enfant fait alors l’objet d’une
kystiques 9 concertation entre les équipes chirurgicale et anesthésique.
Schématiquement, deux cas de figure sont à envisager. Le
¶ Malformations de la ligne médiane 9 premier est celui des lymphangiomes englobant, ou tout au
Kystes du tractus thyréoglosse 9 moins se trouvant au contact des gros vaisseaux : une voie
Kystes dermoïdes 11 veineuse centrale (fémorale de préférence) et un abord artériel
Fissures mentosternales 11 sont préconisés afin de pouvoir assurer un remplissage dans
l’urgence si cela s’avérait nécessaire. Une poche de sang est mise
en réserve. Dans le deuxième cas, où il n’y a pas de risque
vasculaire majeur, deux voies veineuses périphériques suffisent,
■ Introduction avec toujours une poche de sang en réserve du fait de la très
faible masse sanguine circulante d’un nourrisson.
Que ce soit dans le cas de lymphangiomes ou d’autres
La pathologie cervicale congénitale peut être subdivisée en
malformations comprimant ou déplaçant les voies aériennes, le
pathologie latérale et pathologie de la ligne médiane. Dans la
problème de l’intubation risque de se poser. Dans notre expé-
pathologie latérale, les arcs branchiaux sont largement incrimi-
rience, l’induction s’effectue alors quasiment selon les mêmes
nés. Les malformations du système lymphatique, les lymphan- modalités que pour une endoscopie laryngotrachéale. Elle est
giomes kystiques sont aussi largement représentés. Dans la progressive, inhalée, et l’anesthésie locale y joue un rôle capital,
pathologie de la ligne médiane, ce sont respectivement la l’enfant devant garder une ventilation spontanée et ne pas
migration thyroïdienne et les phénomènes de fermeture qui spasmer. Une intubation sous guidage fibroscopique pourra être
sont en cause. Le point commun à la chirurgie de toutes ces prévue. Exceptionnellement, une trachéotomie première pour-
malformations est la nécessité d’une exérèse d’emblée complète rait avoir sa place.
de la malformation sous peine de récidive. Deux cas dérogent à Pour les autres malformations congénitales, la prise en charge
cette règle et concernent certains cas particuliers de malforma- anesthésique ne diffère en rien du reste de la chirurgie des
tions de la quatrième poche endobranchiale lorsque le traite- lésions bénignes cervicales et ne nécessite pas de mesure
ment en est endoscopique, et certains lymphangiomes kystiques particulière.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 1


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

Concernant la préparation du patient, il s’agit essentiellement


d’une préparation anti-infectieuse, la particularité des fistules
congénitales étant la propension à de fréquentes surinfections.
Un traitement antibiotique à large spectre de type amoxicilline-
acide clavulanique doit être prescrit en cas de surinfection. La
date de l’intervention doit être repoussée jusqu’à un « refroidis-
sement » de la lésion afin, d’une part de diminuer la souffrance
et donc le sacrifice cutanés lors de l’intervention, d’autre part de
permettre une dissection dans de meilleures conditions.
L’installation du malade est spécifique à chaque malforma-
tion. Toutefois, certains éléments sont communs à toutes les
installations. Il s’agit d’un décubitus dorsal avec en général un
billot sous les épaules. Nous avons pour habitude de faire
monter la table d’instruments sur une table en pont qui est
passée par les pieds et remontée jusqu’à l’aplomb du thorax.
Cela permet à l’infirmière instrumentiste d’accéder facilement à
tous les éléments mais aussi à l’opérateur de pouvoir le faire en
cas de problème urgent en cours d’intervention. Le chirurgien
se place typiquement du côté de la malformation à opérer, ou
à droite en cas de lésion médiane. L’aide opératoire se place en Figure 1. Forme kystique d’une malformation de la première fente
face de lui et l’instrumentiste entre lui et la table en pont. Un gauche. L’incision est représentée en pointillés.
deuxième aide peut être utile dans certains cas et peut se placer
à la tête du patient. L’équipe d’anesthésie est décalée vers les
pieds.

“ À retenir
Concepts généraux.
• Retentissement de la malformation sur l’airway :
concertation anesthésiste-opérateur.
• Distinction entre les gros lymphangiomes kystiques et
les autres malformations.
• Nécessité de commande de sang dans le cas de masses
volumineuses ou présentant un risque vasculaire.
• Prévoir une surveillance postopératoire en soins
intensifs pédiatriques pour les gros lymphangiomes
kystiques.
Figure 2. Forme fistuleuse d’une malformation de la première fente
gauche. L’incision est dessinée sur la peau au feutre dermographique.
L’orifice de la fistule est circonscrit dans le « quartier d’orange » inclus à la
partie distale de l’incision.

■ Malformations de l’appareil
branchial l’enfant : au plus l’enfant est jeune, au moins la pointe de sa
mastoïde est développée, donc au plus le nerf facial sortira vite
Malformations de la première fente et tôt. Ces deux écueils peuvent donc se résumer en une
phrase : attention au caractère plus superficiel du nerf facial
Techniques dans la chirurgie des malformations de la première fente.

S’agissant de malformations localisées à la région paroti- Formes avec fistule


dienne, la base de cette chirurgie est la parotidectomie. Deux
La fistule, située dans la région cervicoparotidienne, peut
grandes formes anatomiques sont distinguées, les formes
avoir des rapports variables avec le nerf facial. Ceux-ci ont fait
kystiques pures et les formes avec fistules. Les rapports, varia-
l’objet de plusieurs travaux, notamment celui de Work [2] qui
bles, que la lésion entretient avec le nerf facial rendant sa
reconnaît deux types : le type I purement ectodermique, qui
dissection difficile, ainsi que la localisation faciale de ces
malformations avec un risque de rançon esthétique particuliè- serait exofacial, et le type II réunissant des dérivés des trois
rement visible, rendent impératif le refroidissement premier de feuillets embryonnaires qui serait sous-facial. En fait, si l’on
la lésion en cas de surinfection. reprend la plus grande série de malformations de la première
fente publiée par Triglia et al. [3] , il apparaît que le bilan
Formes kystiques clinique associé à l’imagerie est plus utile que les classifications
Concernant les formes kystiques, il s’agit du traitement d’une dans la prise en charge. Quelle que soit la position de la fistule,
tumeur parotidienne et l’abord ainsi que la procédure repren- les principes opératoires seront les mêmes. L’incision cutanée,
nent ceux de la parotidectomie. L’incision est pratiquement la comme pour les formes kystiques, est celle d’une parotidecto-
même que celle décrite par Adson et Ot en 1923 et modifiée par mie. L’orifice cutané de la fistule peut, selon sa situation, être
Redon en 1955 [1] (Fig. 1). La dissection du système musculo- inclus dans l’incision afin d’être emporté dans le même temps
aponévrotique superficiel (SMAS) est effectuée d’emblée. On comme représenté dans la Figure 2. S’il est très à distance du
repère ensuite le tronc du facial. Deux écueils sont alors à éviter. trajet habituel de l’incision cutanée, il fait l’objet d’une excision
Le premier tient à la pathologie qui peut être en situation sous- en « quartier d’orange » séparée. Guidée par l’imagerie (Fig. 3),
faciale et soulever le nerf facial. Le deuxième tient à l’âge de l’intervention commence en règle par une recherche du tronc

2 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant ¶ 46-480

Figure 4. Incisions étagées lors du traitement d’une fistule du deuxième


arc. Le trajet est repris et poursuivi par l’incision du haut.
Figure 3. Vue opératoire montrant les rapports d’une fistule de la
première fente droite (F) avec le nerf facial (TF) sous lequel elle passe.
Secondaires et retardées
Des hématomes peuvent survenir essentiellement en cas
du nerf facial (93 % pour Triglia et al.) [3]. Celui-ci peut être très d’obstruction du système de drainage aspiratif. Un pansement
superficiel par rapport à sa position habituelle du fait d’une compressif est alors utile. Dans certains cas, une évacuation
fistule qui serait en situation sous-faciale. La fistule peut suivie d’une hémostase par reprise chirurgicale peut être
également être exofaciale ou cheminer entre les branches de nécessaire.
division du nerf [3]. Une fois le nerf repéré et disséqué, ce qui Une paralysie faciale d’apparition secondaire peut être
sous-entend la réalisation d’une parotidectomie, l’attention se observée mais est en règle de bon pronostic car ne correspon-
porte alors sur le trajet fistuleux à partir de son orifice cutané. dant pas à une section nerveuse.
Il est disséqué au contact en gardant les éléments nerveux dans Le syndrome de Frey peut être observé si la fistule, de par son
le champ de vision (Fig. 3). Lorsqu’on se porte à la partie de la trajet, a nécessité une parotidectomie totale. Des artifices
fistule qui est au contact du conduit auditif externe, il est chirurgicaux tels que la réalisation d’un lambeau de SMAS
pourrait en diminuer l’incidence [6]. Concernant le lambeau de
fondamental d’emporter une pastille de cartilage afin d’éviter la
sterno-cléido-mastoïdien, les avis sont partagés, une récente
récidive. Il est préférable de faire une brèche cutanée dans le
étude randomisée n’ayant pas retrouvé de différence entre les
conduit plutôt que de laisser un reliquat. En cas de fistule dans populations avec lambeau et sans lambeau [7].
le conduit, son orifice est emporté comme l’est celui de l’abou-
chement cervical. Dans ces cas de figure où la peau du conduit
a été ouverte, il faut prendre garde de ne pas suturer trop serré
afin d’éviter une sténose secondaire. Dans cette même optique,
un calibrage du conduit avec une lame de Silastic® roulée et un
pope-oto-wick est fortement conseillé. La fermeture cervicale est “ À retenir
effectuée selon les mêmes modalités que pour une parotidecto-
mie, en deux plans (SMAS et peau) avec un drainage aspiratif Malformations de la première fente.
laissé en place 48 heures. • Position plus superficielle du nerf facial.
• Opérer uniquement quand la lésion est refroidie.
Complications • Rapports variables de la fistule avec le nerf facial.
Immédiates
La complication la plus redoutée est une lésion du nerf facial,
que ce soit du tronc ou de ses branches. La survenue de cette
complication est favorisée par le caractère inflammatoire local
lié à une surinfection de la malformation et par le trajet très Malformations de la deuxième fente
aléatoire et non prévisible de la fistule par rapport au nerf facial. Deux formes anatomiques très distinctes sont revêtues dont
Dans la série de Triglia [3] , il était retrouvé 50 % de trajet les modalités du traitement sont différentes. Il s’agit des fistules
exofacial, 39 % de trajet sous-facial et 11 % de trajet entre les de la deuxième fente et des kystes branchiaux, parfois dénom-
branches du nerf. Dans cette même série multicentrique, six cas més kystes amygdaloïdes [8].
de paralysie dans le territoire du facial inférieur étaient relevés
dont cinq cas transitoires. Concernant l’apport du monitoring Fistules de la deuxième fente
peropératoire du nerf facial, des publications parmi les plus
Leur abouchement se fait au bord antérieur du sterno-cléido-
récentes [4, 5] démontrent son intérêt. A contrario, d’autres
mastoïdien. L’exérèse en est aisée et pratiquement sans risque
séries [6] retrouvent 0 % de paralysies faciales définitives. Ce
chirurgical. Le patient est installé en décubitus dorsal, billot
dispositif de monitoring, s’il est utile, ne nous paraît pas devoir
sous les épaules, tête en rotation vers le côté opposé à la fistule
être imposé mais au contraire laissé à l’appréciation des opéra- opérée. Dans les formes bilatérales, les deux fistules peuvent être
teurs en fonction de leur expérience et des conditions particu- opérées au cours de la même anesthésie. L’incision est en
lières de chaque patient. « quartier d’orange », circonscrivant l’orifice de la fistule. La
Les hémorragies sont toujours possibles lors d’une parotidec- fistule est suivie le long de son trajet. Une seconde incision
tomie par plaie carotidienne externe ou de la veine communi- horizontale est réalisée en projection du trajet à hauteur de l’os
cante intraparotidienne par exemple. À notre connaissance, hyoïde, par où la fistule est récupérée et sa dissection poursuivie
aucune hémorragie importante n’a été rapportée dans le cadre (Fig. 4). Le trajet passe sous le muscle digastrique et au-dessus
du traitement d’une malformation de la première fente. du nerf hypoglosse et du glossopharyngien, ce dernier n’étant

Techniques chirurgicales - Tête et cou 3


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

Figure 5. Aspect tomodensitométrique d’un kyste branchial gauche


type II sur une coupe axiale en fenêtre parenchymateuse avec injection de
produit de contraste. Le contact avec les vaisseaux est très net.
Figure 7. Vue opératoire d’un kyste branchial droit. Il est au contact du
bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien (SCM).

Figure 6. Aspect en imagerie par résonance magnétique (IRM) d’un


kyste branchial gauche type IV sur une coupe axiale en T1. Le kyste (K)
passe en arrière du pharynx.

que très rarement visualisé. Guerrier [9] a noté des cas de


dédoublement du ventre postérieur du digastrique dans lequel Figure 8. Vue opératoire d’un kyste branchial droit type IV. La masse
passe le trajet. La fistule est suivie jusqu’au-delà de la bifurcation passe entre la veine jugulaire interne (VJI) et la carotide primitive (CP) en
carotidienne. Là, elle est liée sur un nœud de meunier effectué arrière de laquelle il se poursuit.
avec un fil résorbable serti, et sectionnée en aval.

Guerrier [9] conseille de le repérer sur le flanc externe de


Kystes branchiaux (kystes amygdaloïdes)
l’apophyse transverse de l’atlas. Le kyste est ensuite séparé de la
En fonction de leur extension, quatre stades, décrits par veine jugulaire interne et du tronc de Farabeuf, puis de la veine
Bailey dès 1922 [10], sont reconnus qui sont : type I superficiel faciale, des veines linguales et de l’hypoglosse vers l’avant. La
(entre l’aponévrose cervicale superficielle et le sterno-cléido- dissection par rapport aux vaisseaux doit être très prudente car
mastoïdien), type II prévasculaire (en avant et en dehors de le kyste adhère parfois fortement aux différents éléments
l’axe jugulocarotidien auquel le kyste adhère parfois) (Fig. 5), vasculaires (type II).
type III intervasculaire (entre les carotides interne et externe Le kyste est ensuite poursuivi vers l’axe carotidien duquel il
avec parfois un prolongement vers la base du crâne), type IV est séparé, soit entre les carotides externe et interne (type III),
rétrovasculaire (le kyste se prolonge entre l’axe jugulocarotidien soit en arrière de l’axe carotidien (type IV) (Fig. 8). Dans cette
et le pharynx) (Fig. 6). région, le pneumogastrique doit être repéré et disséqué avec
La technique opératoire va être décrite progressivement prudence.
depuis celle de l’exérèse d’un type I jusqu’à celle de l’exérèse
d’un type IV.
L’enfant est installé en décubitus dorsal, billot sous les
épaules, tête en rotation vers le côté opposé à la malformation.
L’incision cutanée est de préférence horizontale chez l’enfant.
Après avoir passé l’aponévrose cervicale superficielle, le kyste est
“ À retenir
exposé. La dissection est menée au contact de la paroi en Malformations de la deuxième fente.
essayant de ne pas la rompre ce qui peut parfois gêner la • Formes fistuleuses : incisions étagées et suivre le trajet
dissection à venir. Le kyste est séparé du sterno-cléido- au-delà de la bifurcation carotidienne.
mastoïdien (type I) (Fig. 7). • Formes kystiques : masse adhérente aux éléments de
Sont ensuite repérés et respectés successivement la glande voisinage, notamment vasculaires.
sous-maxillaire et le nerf spinal vers le haut. Pour ce dernier,

4 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant ¶ 46-480

Figure 9. Pièce opératoire d’un kyste thymi-


que. La flèche matérialise l’empreinte laissée
par la clavicule. “ À retenir
Kystes thymiques.
• Kyste cervicomédiastinal.
• Compression de voisinage habituelle.
• Masse clivable sans trop de problèmes.
• Rôle immunitaire du thymus avant l’âge de 1 an mais
pas d’infections plus fréquentes en cas de thymectomie.

Kystes thymiques
Ce sont des anomalies de la troisième poche branchiale. De
ce fait et du fait de la migration du thymus au cours de la vie
intra-utérine, ces kystes sont localisés dans une région latérocer-
vicale et/ou dans le médiastin [11] . On semble noter, dans
certaines grandes séries, une légère prédominance à gauche [12].
Le diagnostic étant le plus souvent histologique, il est excep-
tionnel que l’opérateur se trouve dans la situation d’opérer un Figure 10. Malformation de la quatrième poche gauche s’étant abcé-
« kyste thymique » ; il est habituellement dans celle d’opérer dée. La fistule acquise est bien visible.
« une masse cervicale ou cervicomédiastinale de l’enfant ou de
l’adolescent ».
L’enfant est installé en décubitus dorsal, billot sous les Malformations de la région du sinus
épaules, tête en extension et rotation vers la droite (en cas de piriforme
kyste localisé à gauche). Ces lésions, contrairement aux autres
malformations congénitales du cou, ne sont habituellement pas Situées dans la région thyroïdienne et du sinus piriforme, à
l’objet de surinfections. Leur dissection par rapport aux diffé- gauche dans 90 % des cas, on leur reconnaît deux formes
rents éléments alentour est donc aisée, un plan de clivage étant anatomiques : kystiques pures et avec fistule. Les premières ne
sont accessibles que par voie de cervicotomie, les autres (celles
facilement retrouvé [12]. Comme toujours chez l’enfant, les
avec une fistule) sont également accessibles à un traitement
incisions horizontales sont privilégiées, une deuxième incision
endoscopique.
étagée pouvant être réalisée. Les régions abordées étant identi-
ques, au plan cervical, à celles qui le sont dans les kystes Voie externe
branchiaux et dans les lymphangiomes kystiques, elles ne sont
Elle est utilisable quelle que soit la forme anatomique de la
pas détaillées à nouveau. Il faut toutefois souligner la possibilité
malformation. Nous décrivons la technique du côté gauche du
d’adhérences aux nerfs pneumogastrique, récurrent ou phréni-
fait de la prédominance gauche de ces lésions (90 %) [8, 15] mais
que ainsi qu’à l’axe carotidien et à la thyroïde [11]. Les kystes une localisation à droite est toujours possible, et la technique
thymiques sont également connus pour les compressions de serait alors transposée de l’autre côté. L’enfant est installé en
voisinage qu’ils occasionnent, en particulier de l’œsophage et de décubitus dorsal, billot sous les épaules, tête en extension et
l’axe aérien. rotation vers la droite de façon à dégager la région cervicale
À sa partie basse, le kyste peut passer en arrière de la clavicule gauche. Si l’opérateur en dispose et s’il le juge utile, il peut
et du sternum. La dissection par rapport aux vaisseaux sous- mettre en place un monitorage du nerf récurrent par un
claviers doit être très prudente. Dans ces cas, lorsque la pièce est dispositif inclus dans une sonde d’intubation. L’incision cutanée
enlevée, on y note l’empreinte de la clavicule (Fig. 9). En cas est cervicale antérieure, horizontale réalisant quasiment la partie
d’extension médiastinale importante, une thoracotomie ou une gauche d’une incision de thyroïdectomie pouvant circonscrire
sternotomie peut être proposée d’emblée [13]. Selon nos habitu- une fistulisation secondaire postinfectieuse (Fig. 10). La dissec-
des, si un tel abord est nécessaire, la chirurgie est réalisée en tion se fait ensuite de la même façon que pour une thyroïdec-
double équipe avec des chirurgiens thoraciques. Aucune récidive tomie, en réclinant les muscles sous-hyoïdiens. Arrivé au
contact de la masse, le premier souci est la sécurisation du nerf
n’a à ce jour été rapportée.
récurrent. Dans les formes très inflammatoires, une lobectomie
Au plan des conséquences d’une thymectomie avant l’âge de thyroïdienne gauche peut être nécessaire afin de repérer et
1 an, il est noté une diminution de la population des lympho- préserver le récurrent. En effet, le clivage entre le kyste et la
cytes [14] T sans, semble-t-il, aucune conséquence clinique glande est quelquefois impossible. Dans certaines formes où
retrouvée en termes d’infections secondaires [12] . Certains l’errance diagnostique a été particulièrement longue, la fibrose
auteurs proposent donc, sans qu’il y ait là un caractère formel, qui englobe toute la zone périlésionnelle est telle que la
une résection partielle de la masse après examen histologique dissection y est impossible ainsi que l’identification du nerf
extemporané quand cela est possible [11, 12]. récurrent dans ce bloc fibreux [8]. La fistule, si elle existe, est

Techniques chirurgicales - Tête et cou 5


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

Figure 11. Installation en laryngoscopie en


suspension en vue du traitement endoscopi-
que d’une fistule de la quatrième poche. Sur la
photo de gauche, la lame du laryngoscope est
nettement visible à la partie antérieure du sinus
piriforme.

ensuite suivie vers la région du sinus piriforme où elle est Fistules préauriculaires
sectionnée au ras de la muqueuse sur un nœud de meunier. La
différence de trajet permet théoriquement de différencier les Il s’agit en fait d’une fistule se poursuivant par un kyste. Ce
malformations de la troisième poche où la fistule est superfi- dernier peut être le siège d’une abcédation et dans ce cas, du
cielle par rapport aux nerfs laryngé supérieur et récurrent, des fait de la souffrance cutanée, la réalisation d’un lambeau peut
fistules de la quatrième poche qui passent entre les nerfs laryngé être justifiée.
supérieur et récurrent [16]. Pour atteindre le sinus piriforme, il
est nécessaire, dans les malformations de la troisième poche, de Fistule simple
passer au travers de la membrane thyrohyoïdienne [16]. Dans les Cette technique peut, chez l’adolescent, être réalisée sous
malformations de la quatrième poche, il faut ruginer le muscle anesthésie locale. Chez le plus petit, l’intervention est menée
constricteur inférieur du pharynx à son insertion sur le bord sous anesthésie générale.
postérieur de l’aile thyroïdienne. Il arrive que le trajet fistuleux Tout commence par une incision en croissant circonscrivant
passe à travers la petite corne du cartilage thyroïde ; celle-ci doit l’orifice cutané de la fistule. La berge postérieure de l’incision est
alors être sectionnée afin de permettre la dissection de la fistule parallèle au bord antérieur de l’hélix. La fistule est disséquée de
jusqu’à la muqueuse du sinus piriforme. Il est conseillé de proche en proche et on la pédiculise sur l’hélix. On poursuit en
suspendre l’alimentation orale pendant 4 à 5 jours sous couvert disséquant le kyste qui est au contact de la fistule. On recherche
d’une sonde nasogastrique. Une antibiothérapie à large spectre le repère de profondeur qui est le plan de l’aponévrose tempo-
active sur la flore pharyngée peut être prescrite du fait du rale superficielle et on ramène en monobloc le kyste vers la
caractère septique de la lésion et de sa communication avec le fistule. Afin de terminer l’exérèse, on emporte la zone du
pharynx. cartilage hélicéen qui est adhérente à la fistule. Après une
hémostase soigneuse, on procède à la fermeture. Un point
Voie endoscopique résorbable peut plaquer la sous-peau au plan profond afin de
diminuer le risque de collection secondaire. Des crins de
Dans les formes avec une fistule dans le fond du sinus Florence peuvent être mis en place pour une durée de 48 heures
piriforme, il a été proposé de cautériser l’orifice fistuleux [17]. Le afin d’assurer un drainage. La fermeture cutanée est facilitée par
postulat est qu’un épithélium malpighien non kératinisé n’est la forme de l’incision en croissant, laissant une cicatrice dans le
pas sécrétant. Une fois la lésion refroidie par un traitement sillon préhélicéen.
antibiotique, l’enfant est installé pour une laryngoscopie en
suspension. La lame du laryngoscope est introduite dans le Fistule avec kyste abcédé et réalisation d’un
sinus piriforme de façon à exposer nettement l’orifice fistuleux lambeau
(Fig. 11). Une pointe coagulante est alors introduite dans
l’orifice qui est ainsi cautérisé. D’autres moyens de cautérisation En cas de souffrance cutanée importante en regard du kyste,
ont également été proposés et ont fait l’objet de publications, la fermeture par rapprochement peut s’avérer impossible. Un
notamment l’acide trichloracétique [18]. Les auteurs rapportent procédé de reconstruction est donc nécessaire. Dans notre
expérience, un lambeau musculocutané mastoïdien à pédicule
toutefois quatre échecs sur 16 patients traités (25 %), ce qui est
musculaire temporal est une technique simple et fiable. La
largement supérieur aux autres modalités, aucun cas de récidive
palette cutanée est prélevée en rétroauriculaire et un pédicule
n’étant rapporté dans la majorité des séries lorsque le diagnostic
musculaire sous-cutané est réalisé comme indiqué sur la
et le traitement étaient adaptés [8-16, 18].
Figure 12. Des points de fil résorbable type Vicryl® 4/0 solida-
risent la peau de la palette au plan musculaire afin d’éviter les
cisaillements. Le pédicule doit être le plus large possible pour
éviter la nécrose secondaire du lambeau. Une fois le pédicule
réalisé, la palette cutanée est en place. Elle est ensuite suturée à
“ À retenir la périphérie du site d’exérèse par de nombreux points rappro-
chés d’un fil monobrin non résorbable 5/0 (Fig. 13). Le site de
prélèvement est refermé en points séparés avec un fil monobrin
Malformations de la quatrième poche. non résorbable 3/0. De la vaseline pommade sous un Tulle Gras
• Risque récurrentiel dans les abords externes. est mise sur le lambeau pour le pansement. Celui-ci est refait
• Lobo-isthmectomie de nécessité. tous les jours avec du gras sur la zone du lambeau. Les points
• Traitement endoscopique par cautérisation de l’orifice sont enlevés au 7e jour sur le lambeau et entre le 10e et le
dans le sinus piriforme. 15e jours sur le site de prélèvement et la cicatrice d’exérèse de
la fistule.

6 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant ¶ 46-480

Figure 14. Lymphangiome kystique sous-hyoïdien. L’incision est tracée


Figure 12. Réalisation du lambeau mastoïdien à pédicule temporal. Le en pointillés.
siège du prélèvement est dessiné au feutre dermographique sur le patient.
Le pédicule est matérialisé par les pointillés, le bord postérieur du pédicule
étant dessiné en noir, le bord antérieur en rouge. cervicaux eux-mêmes subdivisés en lymphangiomes sus-
A et B représentent respectivement les sites donneur et receveur du hyoïdiens et sous-hyoïdiens [19]. Chaque lymphangiome est
lambeau. La flèche matérialise le mouvement du lambeau. spécifique et les variantes sont si nombreuses que vouloir
décrire la technique chirurgicale de traitement des lymphangio-
mes cervicaux dans leur ensemble est pratiquement impossible.
Chacune des formes topographiques relève d’un concept
thérapeutique général qui sera ainsi développé, sans prétendre
à l’exhaustivité.

Lymphangiomes kystiques cervicaux


Lymphangiomes kystiques sous-hyoïdiens
Ce sont des formes plutôt macrokystiques dont la taille est
souvent importante, le diagnostic pouvant être fait in utero.
Leur extension est variable, pouvant aller jusque dans le
médiastin, et leur évolutivité est grande. Il ne faut donc pas
attendre, s’ils sont présents à la naissance, avant de les opérer
et leur exérèse doit souvent être réalisée chez un nouveau-né ou
un nourrisson, quelquefois même dans un contexte d’urgence
respiratoire par compression trachéale ou envahissement
laryngé [20, 21]. Une ponction décompressive, une intubation,
Figure 13. Lambeau mastoïdien. La palette cutanée est suturée. voire une trachéotomie peuvent être indiquées [20]. La chirurgie
d’exérèse, à visée curative, répond aux règles de la chirurgie
ganglionnaire.
En cas de nécrose du lambeau, une cicatrisation dirigée est L’incision cutanée est autant que possible horizontale
alors nécessaire. (Fig. 14), les incisions cervicales verticales étant à éviter chez
l’enfant. Elle est pratiquée dans un pli du cou à cheval sur la
lésion. Le lymphangiome, s’il est volumineux, a souvent
fortement aminci le muscle peaucier du cou. La dissection est

“ Fistules préauriculaires
menée au contact de la masse en prenant garde de ne pas la
percer à ce stade de l’intervention, ce qui aurait pour effet de
compliquer la dissection. Les éléments nobles (nerf spinal, axe
• Résection de la partie de cartilage hélicéen adhérente à jugulocarotidien, pneumogastrique, hypoglosse) doivent être
la fistule. repérés le plus tôt possible. La masse continue à être disséquée
• Utilisation d’un lambeau musculocutané pédiculisé en en ayant à l’esprit que si elle a fait l’objet de réactions inflam-
cas de souffrance cutanée. matoires, tant par infection que par tentatives de sclérose, elle
colle davantage aux éléments de voisinage et la dissection peut
• Pansement très gras sur le lambeau.
s’avérer plus difficile. La particularité des lymphangiomes
kystiques cervicaux est le branchement de ces lésions sur la
veine jugulaire interne ou sur le tronc de Farabeuf. Il est donc
logique de pédiculiser la lésion sur cette communication
■ Lymphangiomes kystiques lymphangioveineuse (Fig. 15). À ce niveau, la séparation du
lymphangiome et de l’axe veineux s’avère impossible et la
Deux grandes formes topographiques sont à distinguer : les ligature vasculaire est la seule solution. Il ne faut prendre aucun
lymphangiomes cervicoparotidiens et les lymphangiomes risque fonctionnel au cours de la chirurgie, quitte à laisser des

Techniques chirurgicales - Tête et cou 7


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

Figure 15. Vue opératoire d’un lymphangiome kystique sous-hyoïdien


pédiculisé à la partie basse de la jugulaire interne. On note au-dessus
l’ensemble des éléments vasculonerveux qui ont été disséqués.

Figure 16. Aspect clinique d’un lymphangiome kystique sous- et


îlots de lymphangiome en place. La plupart du temps, ces sus-hyoïdien.
éléments résiduels, coupés de leur afférences, auront tendance
à involuer spontanément [22].
Après l’exérèse, une vérification minutieuse de l’hémostase est Concernant les formes à extension cervicale à la fois sus- et
effectuée ainsi que la recherche d’une lymphorrhée particuliè- sous-hyoïdiennes, les principes chirurgicaux sont identiques à
rement dans la région du canal thoracique ou de la grande ceux précédemment exposés. Toutefois, le problème de la
veine lymphatique. En cas de lymphorrhée ou de doute, un surveillance postopératoire de ces formes extensives avec
capitonnage de la région avec un fil résorbable serti est effectué. atteinte pelvilinguale ou juxtalaryngée doit être souligné. Dans
Le drainage postopératoire n’est pas aspiratif, mais est assuré notre expérience, un séjour en soins intensifs pédiatriques sous
par une lame de Delbet. En effet, un drainage aspiratif est couvert d’une intubation est souvent souhaitable. La constitu-
presque toujours la cause d’une lymphorrhée secondaire très tion rapide d’un œdème important peut entraîner une détresse
difficile à contrôler et à tarir. Un pansement compressif est respiratoire pour laquelle une intubation peut s’avérer impossi-
ensuite mis en place. ble du fait de l’infiltration basilinguale et de la modification des
rapports anatomiques.
L’exérèse d’un très volumineux lymphangiome chez un
nouveau-né peut être la cause d’une hypokaliémie très difficile Une infiltration de la langue mobile peut être responsable de
saignements à répétition, de troubles occlusaux avec apparition
à contrôler et pouvant aboutir au décès. Une surveillance
d’une béance antérieure et d’un handicap relationnel majeur
hématologique et ionique très étroite est donc nécessaire. La
avec une langue sortant en permanence de la cavité buccale. En
période postopératoire est initialement effectuée en unité de
pareil cas, une glossoplastie de réduction peut être indiquée. Un
soins intensifs pédiatriques.
V ouvert vers l’avant est dessiné sur le tiers antérieur de la
langue mobile. Celui-ci est réalisé à la monopolaire en mode
Lymphangiomes kystiques sus-hyoïdiens coagulation et intéresse toute l’épaisseur de la langue. Après
Même si leur point de départ est sus-hyoïdien, leur extension réalisation d’une hémostase soigneuse à la bipolaire, la suture
est effectuée en trois plans. Le milieu de la langue ainsi que le
peut se faire tant en sous- qu’en sus-hyoïdien (Fig. 16). Ces
plan sous-muqueux sont affrontés par des points séparés de fil
formes sont plus volontiers microkystiques donc infiltrantes et
tressé à résorption lente. Le plan muqueux est suturé en points
l’envahissement de certaines régions telles que la base de
inversants avec un fil à résorption rapide. Dans notre expé-
langue, le plancher buccal, les espaces parapharyngés ou la
rience, si la radiofréquence n’entraîne pas de diminution de
région infratemporale les rend pratiquement inextirpables. volume des lésions lymphangiomateuses de la langue mobile, la
Des lymphangiomes particulièrement extensifs et infiltrants glossoplastie effectuée après les trois ou quatre séances nous
peuvent compromettre gravement la liberté des voies aériennes paraît bien moins hémorragique.
et l’alimentation. Une trachéotomie et une gastrostomie sont
alors parfois indispensables [20], que ce soit avant un traitement
à visée curative ou après celui-ci.
En cas d’envahissement hypopharyngolaryngé, un traitement Lymphangiomes kystiques
endoscopique à type de marsupialisation au laser CO2 peut être cervicoparotidiens
indiqué. L’enfant est installé en laryngoscopie en suspension et
Outre la composante cervicale précédemment évoquée,
sous microscope opératoire, avec un laser CO 2 , en mode certains lymphangiomes ont une extension et un développe-
superpulse à une puissance de 1 à 1,5 watt ; les lésions sont, soit ment parotidiens. Deux cas de figure peuvent être rencontrés
pulvérisées s’il s’agit de microkystes, soit marsupialisées s’il s’agit selon qu’ils sont ou non exofaciaux purs.
de kystes plus volumineux afin de décomprimer le larynx et/ou En cas de développement exofacial, une parotidectomie
de libérer les voies aériennes. conventionnelle permet de les contrôler sans trop de difficultés.
En cas d’atteinte du plancher buccal, la dissection doit y être Cette chirurgie étant exposée dans le paragraphe consacré au
très minutieuse car elle peut être la source d’une brèche de la traitement des malformations de la première fente, elle ne l’est
muqueuse et d’une communication orocervicale. Cette brèche pas ici. Dans le cas où il y a infiltration des deux lobes de la
doit être suturée aussi étanche que possible, la zone la plus parotide, la dissection du nerf facial est beaucoup plus difficile
difficile (et celle où les brèches se produisent le plus souvent) (Fig. 17) et le caractère complet de l’exérèse devient plus
étant la jonction avec la gencive adhérente. aléatoire si l’on s’attache à la préservation de la fonction faciale.

8 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant ¶ 46-480

“ À retenir
Lymphangiomes kystiques.
• Formes macrokystiques sous-hyoïdiennes : branche-
ment sur la veine jugulaire interne ou le tronc de Farabeuf.
• Refoulement laryngotrachéal possible.
• Trachéotomie parfois nécessaire.
• Formes sus-hyoïdiennes infiltrantes, parfois inextir-
pables.
• Attention aux plaies de la muqueuse buccale.
• Attention aux détresses respiratoires postopératoires.
• Savoir être incomplet pour éviter des séquelles.
• Fréquentes séquelles nerveuses.
• Attention aux troubles ioniques potentiellement
mortels dans les formes volumineuses chez les nouveau-
Figure 17. Vue opératoire après exérèse d’un lymphangiome kystique nés.
de la région parotidienne qui occupait toute la parotide.

Complications et séquelles de la chirurgie


des lymphangiomes kystiques kystes du tractus thyréoglosse ou KTT) et les anomalies de
Séquelles nerveuses fermeture que sont les inclusions ectodermiques (kystes dermoï-
Ce sont les complications les plus fréquentes de la chirurgie des) et les defects (fissures mentosternales).
des lymphangiomes kystiques de localisation otorhinolaryngo-
logique. Les plus fréquentes sont les atteintes du rameau
mentonnier du facial [14, 16] suivies du nerf spinal. Tous les Kystes du tractus thyréoglosse
autres nerfs présents dans la zone de la lésion peuvent être
lésés : pneumogastrique et ses branches, hypoglosse, sympathi- Seul le traitement des KTT sans foyer carcinomateux est
que cervical, phrénique, glossopharyngien ou tronc du facial. détaillé ici. Succinctement, la présence d’un carcinome papillaire
dans le KTT modifie la prise en charge. S’il n’y a pas d’envahis-
Séquelles cicatricielles
sement de la paroi du kyste, un traitement freinateur associé à
Elles sont constantes dans la chirurgie des lymphangiomes l’exérèse telle qu’elle est décrite ci-dessous peut suffire, sinon,
extensifs même si elles s’estompent un peu avec le temps. une thyroïdectomie totale associée à une irathérapie pourrait
Lymphorrhées être indiquée [23]. La technique décrite concerne les formes à
expression cervicale. Un paragraphe distinct concerne les rares
Toute chirurgie du système lymphatique peut être suivie
d’une lymphorrhée dans les suites opératoires. Elles sont plus formes à expression linguale.
fréquentes en cas de forme cervicale sous-hyoïdienne et favori-
sées par la mise en place d’un drainage aspiratif. Leur traitement Traitement des formes à expression cervicale
fait appel à des compressions du creux sus-claviculaire, voire à Technique
une reprise chirurgicale visant à en rechercher la source et à y
réaliser une suture avec un capitonnage par les tissus mous L’installation du patient consiste en un décubitus dorsal,
adjacents. Un drainage par lame de Delbet et un pansement billot sous les épaules avec la tête maintenue en hyperexten-
compressif sont pratiqués lors de la fermeture. sion. La bouche est laissée libre, et pour cela, une intubation
nasotrachéale est préférable.
Pneumothorax Historiquement, la première technique décrite fut celle de
Rares, ils peuvent se rencontrer dans les suites du traitement Schlange en 1893 [24] qui consistait en une exérèse du kyste et
des formes cervicomédiastinales. de la partie moyenne de l’os hyoïde. Sistrunk, en 1920, modifia
cette procédure pour décrire ce qui est toujours la technique de
Dyspnées et détresses respiratoires
référence [24-26].
Comme précédemment exposé, elles sont essentiellement le
L’incision est cervicale antérieure horizontale au pôle infé-
fait de formes sus-hyoïdiennes. La « prévention » consiste à ne
rieur de la tuméfaction. Lorsque la peau est le siège d’une
jamais opérer simultanément les deux côtés dans les formes
altération importante liée aux épisodes infectieux, ou lorsqu’il
bilatérales et à laisser les enfants en surveillance dans une unité
de soins intensifs pédiatriques intubés pendant quelques jours. n’existe plus de plan de clivage entre la peau et le kyste, une
Une trachéotomie première peut dans certains cas être proposée. incision en « quartier d’orange » emportant la zone pathologi-
que est réalisée (Fig. 18). Dans ce cas, il est préférable d’élargir
Troubles ioniques la cicatrice latéralement afin de diminuer les tensions lors de la
Il s’agit essentiellement d’une hypokaliémie incontrôlable fermeture. De plus, les kystes infectés faisant plus souvent
rencontrée dans l’exérèse du troisième secteur que constitue le l’objet de récidives [8, 27, 28], il est bon que l’opérateur ait un
lymphangiome chez un enfant de petit poids et qui peut aller champ opératoire le mieux exposé possible.
jusqu’au décès [21]. Le contrôle de l’ionogramme peropératoire La ligne blanche est ouverte et le bas du kyste est dégagé. On
par l’équipe anesthésique est fondamental ainsi que le suivi en poursuit alors vers le bas pour identifier la thyroïde et confirmer
réanimation dans les heures qui suivent. que le KTT n’est pas en fait un kyste de la pyramide de
Lalouette. Une fois cette vérification effectuée, la dissection du
■ Malformations de la ligne kyste est poursuivie sur chacune de ses limites en évitant de
rester trop au contact. Le trajet fistuleux, lorsque le kyste n’est
médiane pas au contact direct de l’os hyoïde, est disséqué à distance.
Deux grandes familles de malformations sont rencontrées sur Arrivé sur l’os hyoïde, les muscles sous- et sus-hyoïdiens en
la ligne médiane : les anomalies de migration de la thyroïde (les sont désinsérés à la monopolaire. Le corps de l’os hyoïde est

Techniques chirurgicales - Tête et cou 9


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

Figure 18. Vue opératoire d’un kyste du tractus thyréoglosse. La peau


pathologique est emportée en « quartier d’orange ».

Figure 20. Vue opératoire d’un kyste du tractus thyréoglosse. Un point


rapproche les deux tranches de section de l’os hyoïde marquées par une
flèche, reconstituant une néoarche.

Une vérification minutieuse de l’hémostase est fondamentale.


Tout saignement est contrôlé à la pince bipolaire.
Le temps de fermeture commence par un rapprochement sans
tension excessive des tranches de section de l’os hyoïde par un
point au Vicryl® 3/0, le but étant de reconstituer une « néoar-
che » hyoïdienne sur laquelle pourront être réinsérés les muscles
sus- et sous-hyoïdiens (Fig. 20). Un drainage aspiratif est alors
mis en place dont l’extrémité va jusque dans la base de langue.
Les muscles de la base de langue sont suturés en bourse pour
être amarrés à l’os hyoïde. Cette modalité de suture a l’avantage
d’avoir un certain effet hémostatique. Les muscles sous-
Figure 19. Vue opératoire d’un kyste du tractus thyréoglosse. Le corps hyoïdiens sont à leur tour refermés et réinsérés sur l’os hyoïde.
de l’os hyoïde a été réséqué et ses tranches de section, blanches, sont bien La ligne blanche est refermée et la peau refermée en deux
visibles et sont signalées par les flèches. plans.
Complications
dégagé sur chacune de ses faces. Concernant la face profonde, Complications immédiates. L’hématome du plancher buc-
un tampon monté est utile afin de la dégager sans sectionner cal, heureusement exceptionnel, peut revêtir un caractère
accidentellement le tractus qui pourrait s’y trouver. Il est dramatique car se manifestant par une dyspnée aiguë. L’ineffi-
conseillé de sectionner l’os hyoïde à au moins 5 mm de part et cacité du drainage, que ce soit par non-tenue du vide ou par
d’autre du trajet du tractus. Dans notre expérience, nous avons obstruction liée à des caillots, est très souvent associée. L’intu-
pour habitude, surtout si l’enfant est petit (donc l’os hyoïde bation est pratiquement impossible dans certains cas car la base
étroit), d’emporter l’os entre les deux petites cornes, donc la de langue est très distendue et dure, empêchant une exposition
totalité du corps (Fig. 19). La dissection se poursuit au-delà de adéquate du larynx. Une trachéotomie peut être nécessaire. Une
l’os hyoïde en emportant en monobloc une bonne partie de reprise chirurgicale s’impose avec décaillotage et réalisation
tissu musculaire entourant le trajet fistuleux supposé (car d’une bonne hémostase.
celui-ci n’est pas toujours très nettement visible) en se dirigeant Une atteinte d’un, voire des deux nerfs hypoglosses, par
vers la région du foramen cæcum. Afin d’apprécier la distance diffusion de la chaleur de la monopolaire lors de la dissection
à la muqueuse linguale et d’assurer d’une part une exérèse de la base de langue si l’opérateur s’est « égaré » latéralement,
complète, et d’autre part une intégrité de ladite muqueuse, la peut être rencontrée.
manœuvre de Sistrunk est réalisée. Elle consiste à introduire un Complications secondaires. La récidive est la complication
doigt dans la bouche et à le placer au contact de la langue, dans la plus fréquente puisqu’elle survient dans 10 % des cas en
la région du foramen cæcum, et d’aller à sa rencontre par voie moyenne des différentes séries, dans les formes de première
cervicale, réalisant un palper « bidigital ». Dans notre habitude, main jamais infectées. Le taux de récidive est quasiment trois
l’anesthésiste introduit un doigt en bouche tandis que l’opéra- fois plus élevé chez les patients dont la lésion a été plusieurs
teur place le sien par voie cervicale. fois surinfectée [8, 26].
Un fil résorbable tressé serti type Vicryl® 3/0 (ou 4/0 s’il s’agit
d’un petit enfant), permet la réalisation d’un nœud de meunier Traitement des formes à expression linguale
autour de la partie pédiculisée par la dissection, nœud
au-dessous duquel l’ensemble sera sectionné. Il peut arriver que Il s’agit de cas où le kyste est situé dans la région du foramen
le trajet soit rompu lors des manœuvres de dissection. Il faut cæcum et s’expand vers la cavité buccale. Après une échogra-
alors très vite rattraper la région où le tractus s’est rétracté et phie qui cherche une composante cervicale passée inaperçue, le
tenter de l’identifier. Au cas où cela s’avérerait impossible, un traitement endoscopique est envisagé.
large point de meunier le plus près possible de la muqueuse L’enfant est installé comme pour une laryngoscopie en
linguale avec résection des tissus situés en aval est réalisé. suspension mais la lame du laryngoscope s’arrête sur la langue

10 Techniques chirurgicales - Tête et cou


Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant ¶ 46-480

en avant du V lingual afin de bien exposer la lésion. Le geste


s’effectue enfant intubé avec une sonde nasotrachéale. Au laser
CO2, à 1,5 watt de puissance, en superpulse continu faisceau
focalisé, on réalise une marsupialisation en découpant le kyste
“ À retenir
à la partie visible la plus large. Une coagulation à la pince Fissures mentosternales.
bipolaire peut être nécessaire.
.

• Exérèse de tous les tissus pathologiques.


• Incision variable : horizontale, étagée, plastie en Z.

“ À retenir
.

■ Références
Kystes du tractus thyréoglosse. [1] Bozzetti A, Biglioli F, Salvato G, Brusati R. Technical refinements in
• Passer au large de la lésion à cause des ramifications. surgical treatment of benign parotid tumours. J Craniomaxillofac Surg
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celui-ci et le foramen cæcum. [2] Work WP. Newer concept of first branchial cleft defects. Laryngoscope
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[3] Triglia JM, Nicollas R, Ducroz V, Koltai P, Garabedian EN. First
branchial cleftAnomalies: a study of 39 cases and a review of literature.
Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1998;124:291-5.
[4] Brennan J, Moore EJ, Shuler KJ. Prospective analysis of the efficacy of
continuous intraoperative nerve monitoring during thyroidectomy,
Kystes dermoïdes parathyroidectomy, and parotidectomy. Otolaryngol Head Neck Surg
2001;124:537-43.
Ce sont des tumeurs touchant essentiellement la ligne
médiane bien que des cas latérocervicaux aient été rapportés [29]. [5] Makaeieff M, Venail F, Cartier C, Garrel R, Crampette L, Guerrier B.
La forme typique est une tuméfaction cervicale de la région Continuous facial nerve monitoring during pleomorphic adenoma
médiane. Elle est prise comme technique de référence. Les recurrence surgery. Laryngoscope 2005;115:1310-4.
kystes dermoïdes du dos du nez ne sont pas abordés car sortant [6] Gaillard C, Perie S, Susini B, St Guily JL. Facial nerve dysfunction
du cadre de la région cervicale. after parotidectomy: the role of local factors. Laryngoscope 2005;115:
L’enfant est installé en décubitus dorsal, tête en extension, 287-91.
billot sous les épaules. Une incision horizontale est pratiquée au [7] Kerawala CJ, McAloney N, Stassen LF. Prospective randomised trial
pôle inférieur de la tuméfaction. Une dissection au contact est of the benefits of a sternocleidomastoid flap after superficial
réalisée, et la tuméfaction peut être enlevée en totalité sans être parotidectomy. Br J Oral Maxillofac Surg 2002;40:468-72.
rompue. En cas de kyste en situation préhyoïdienne pouvant [8] Nicollas R, Guelfucci B, Roman S, Triglia JM. Congenital cysts and
faire évoquer un KTT, il nous paraît plus raisonnable de réaliser fistulas of the neck. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2000;55:117-24.
une technique de Sistrunk plutôt que de laisser en place un [9] Guerrier Y. Chirurgie des maladies malformatives du cou. In: Traité de
reliquat de KTT. Hormis ces cas, la fermeture est réalisée en technique chirurgicale ORL et cervico-faciale. Tome 4. Paris: Masson;
deux plans et après une vérification soigneuse de l’hémostase, 1988. p. 285-320.
aucun drainage n’est en règle nécessaire. [10] Bailey H. The clinical aspects of branchial cysts. Br J Surg 1922;10:
Après une exérèse complète, les récidives sont généralement 565-72.
absentes [30]. [11] Kelley D, Gerber ME, Willging JP. Cervicomediastinal thymic cysts.
Int J Pediatr Otorhinolaryngol 1997;39:139-46.
[12] Khariwala SS, Nicollas R, Triglia JM, Garabédian EN, Marianowski R,
Fissures mentosternales Van DenAbbeele T, et al. Cervical presentations of thymic anomalies in
children. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2004;68:909-14.
La longueur et la largeur de la fissure sont variables. La [13] Hendrickson M,Azarow K, Ein S, Shandling B, Thorner P, DanemanA.
plupart des auteurs décrivent une absence de recouvrement Congenital thymic cysts in children – Mostly Misdiagnosed. J Pediatr
cutané cervical médian, pouvant être étendu à des niveaux Surg 1998;33:821-5.
variables entre la pointe du menton et le manubrium sternal.
[14] Ramos SB, Barcia AB, Viana SR, Voltarelli JC, Falcaõ RP. Phenotypic
Dans les cas les plus sévères, une corde fibreuse située sous la
and functional evaluation of natural killer cells in thymectomized
fissure est décrite, pouvant limiter l’extension cervicale [31].
children. Clin Immunol Immunopathol 1996;81:277-81.
Le traitement chirurgical consiste en l’exérèse complète des
[15] Nicollas R, Ducroz V, Triglia JM, Garabédian EN. Fourth branchial
tissus pathologiques. La fissure cervicale, le trajet fistuleux, le
pouch anomalies. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 1998;44:5-10.
bourgeon cutané, ainsi que la corde fibreuse sur toute sa
longueur doivent être réséqués. Le defect tissulaire cervical [16] Pereira KD, Losh GG, Oliver D, Poole MD. Management of anomalies
médian est aisément comblé par les tissus cervicaux adjacents à of the third and fourth branchial pouches. Int J Pediatr
la résection et la fermeture cutanée ne présente généralement Otorhinolaryngol 2004;68:43-50.
pas de difficulté. Plusieurs auteurs [31-33] utilisent une plastie en [17] Jordan JA, Graves JE, Manning SC, McClay JE, Biavati MJ.
Z pour la fermeture du plan cutané cervical médian. Celle-ci Endoscopic cauterization for treatment of fourth branchial cleft sinuses.
prévient la formation d’une bride cicatricielle fibreuse pouvant Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1998;124:1021-4.
limiter l’extension du cou. [18] Kim KH, Sung MW, Koh TY, Oh SH, Kim IS. Pyriform sinus fistula:
En fonction de l’étendue et du type des lésions, des variantes management with chemocauterization of the internal opening. Ann Otol
peuvent être adoptées, par exemple telles que : Rhinol Laryngol 2000;109:452-6.
• en cas de peau normale sur une malformation allant du [19] Gehanno P, Pessey JJ. Tumeurs congénitales cervicales. In:
menton au sternum, deux incisions horizontales étagées Tuméfactions cervicales de l’adulte et de l’enfant (parotide et thyroïde
permettent d’accéder à l’ensemble de la lésion en limitant la exclues). Rapport de la Société Française d’ORL et de pathologie
rançon cicatricielle ; cervico-faciale. 1998. p. 97-135.
• en cas de fistule avec une peau de recouvrement saine sur [20] Hartl DM, Roger G, Denoyelle F, Nicollas R, Triglia JM,
une malformation peu étendue, une exérèse de l’orifice en Garabédian EN. Extensive lymphangioma presenting with upper
« quartier d’orange » avec dissection et exérèse de la lésion airway obstruction. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2000;126:
peut suffire. 1378-82.

Techniques chirurgicales - Tête et cou 11


46-480 ¶ Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant

[21] Triglia JM, Lombard B, Castro F, Richard-Vitton T. Les [27] Ducic Y, Chou S, Drkulec J, Ouelette H, Lamothe A. Recurrent
lymphangiomes kystiques cervico-faciaux chez l’enfant. Cah ORL thyroglossal duct cysts: a clinical and pathological analysis. Int
1995;30:221-7. J Pediatr Otorhinolaryngol 1998;44:47-50.
[22] Riechelmann H, Muehlfay G, Keck T, Mattfeldt T, Rettinger G. Total, [28] Brousseau VJ, Solares CA, Xu M, Krakovitz P, Koltai PJ. Thyroglossal
subtotal, and partial surgical removal of cervicofacial lymphangiomas. duct cysts: presentation and management in children versus adults. Int
Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1999;125:643-8. J Pediatr Otorhinolaryngol 2003;67:1285-90.
[23] Belnoue A, Poupart M, Pignat JC. Intérêt de la thyroïdectomie dans la [29] Rosen D, Wirtschafter A, Rao VM, Wilcox Jr. TO. Dermoid cyst of the
prise en charge des kystes du tractus thyréoglosse dégénérés. Ann Chir lateral neck: a case report and literature review. Ear Nose Throat J
2004;129:523-5.
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[24] Conessa C, Briffod J, Sissokho B, Michel G. Les kystes du tractus
[30] Pryor SG, Lewis JE, WeaverAL, Orvidas LJ. Pediatric dermoid cysts of
thyréoglosse : chirurgie et histologie. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord)
1999;120:13-8. the head and neck. Otolaryngol Head Neck Surg 2005;132:938-42.
[25] Righini CA, Mouret P, Blanchet C, Piolat C, Dyon JF, Reyt E. Traite- [31] Derbez R, Nicollas R, Roman S, Estève A, Triglia JM. Congenital
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l’enfant : à propos de 99 cas. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord) 2001; Otorhinolaryngol 2004;68:1215-9.
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Pediatr Int 2004;46:77-80. Case report and review. Ann Otol Rhinol Laryngol 1995;104:808-11.

R. Nicollas, Praticien hospitalier (richard.nicollas@ap-hm.fr).


S. Roman, Praticien hospitalier.
J.-M. Triglia, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’otorhinolaryngologie pédiatrique et chirurgie cervicofaciale, Hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Nicollas R., Roman S., Triglia J.-M. Chirurgie des malformations congénitales du cou chez l’enfant. EMC
(Elsevier SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-480, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

12 Techniques chirurgicales - Tête et cou


46-500
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-500

Chirurgie des paragangliomes cervicaux


JM Thomassin
A Deveze
P Laurent
Résumé. – La chirurgie des paragangliomes cervicaux s’adresse à des tumeurs rares dominées par les
A Esteve
tumeurs du corpuscule carotidien.
A Branchereau
Ces lésions ont bénéficié des progrès de l’imagerie diagnostique qui permettent de prévoir une chirurgie
réglée.
La chirurgie d’exérèse doit être adaptée à la tumeur.
Le choix des voies d’abord dépend du site tumoral mais surtout de ses différentes extensions.
C’est pourquoi, en cas de paragangliome carotidien de stade III ou de paragangliome vagal enserrant la
carotide interne, une équipe de chirurgie vasculaire doit être prévenue.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : paragangliome carotidien paragangliome, vagal.

Introduction uniquement fonctionnelles, le système APUD doit être abandonné


pour lui préférer le SNED. Les cellules du SNED sont diffuses dans
Les paragangliomes sont des tumeurs rares et en règle générale l’organisme, ont une origine embryologique variable, exercent une
bénignes. Elles sont développées aux dépens des paraganglions fonction de contrôle sur d’autres types cellulaires via les amines et
physiologiques. Leur incidence est faible, entre 1/30 000 et peptides produits (neurotransmetteurs, hormones, action paracrine
1/100 000 [3, 20] . Deux formes cliniques sont à distinguer : les locale). Les tumeurs en dérivant peuvent être divisées en deux
paragangliomes carotidiens dont l’exérèse se heurte à la dissection groupes :
carotidienne, et les paragangliomes vagaux volontiers – les tumeurs d’origine neurale (neuroblastomes,
parapharyngés et à extension haute basicrânienne. phéochromocytomes et paragangliomes) ;
– les tumeurs d’origine épithéliale (tumeurs carcinoïdes, tumeurs
neuroendocrines éparses).
Généralités
EMBRYOGENÈSE
TERMINOLOGIE
Les paraganglions physiologiques dérivent tous des cellules
De nombreux synonymes sont utilisés pour qualifier les tumeurs neuroépithélioïdes de la crête neurale. Les cellules
paraganglionnaires en fonction des considérations paraganglionnaires céphaliques sont soumises au développement
histopathologiques ou anatomiques (glomus, chémodectomes, des arcs branchiaux pour se situer finalement le long de la crête
tumeurs non chromaffines). neurale rhombencéphalique postérieure ou glosso-pharyngo-vagale,
Actuellement, seul le terme de paragangliome est validé par parallèlement aux neuvièmes et dixièmes paires crâniennes (traînée
l’ensemble des histologistes. La nomenclature utilise le terme de de Terracol et Guerrier) [35].
paragangliome suivi de sa localisation : paragangliome carotidien,
paragangliome vagal...
DISTRIBUTION DES PARAGANGLIONS
Deux systèmes anatomofonctionnels ont été définis pour tenter de
regrouper et classer les paragangliomes : le système amine precursor Les paraganglions cervicocéphaliques se distribuent en rapports
uptake and decarboxylation (APUD) et le syndrome neuroendocrinien étroits avec les gros axes vasculaires depuis la crosse de l’aorte
diffus (SNED) [30]. Parce qu’il est fondé sur des considérations jusqu’à la base du crâne. Leur migration suit celle des branches
nerveuses du glossopharyngien (IX) et du nerf vague (X). On cite :
– les paraganglions intercarotidiens ;
Jean-Marc Thomassin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service, fédération – les paraganglions vagaux ;
d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervicofaciale.
Arnaud Deveze : Interne. – les paraganglions laryngés ;
Pascal Laurent : Assistant-chef de clinique.
Anne Esteve : Interne. – les paraganglions orbitaires et nasosinusiens ;
Alain Branchereau : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de chirurgie vasculaire.
Groupe hospitalier de la Timone, 264 rue St Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France. – les paraganglions sous-claviers et médiastinaux supérieurs ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Thomassin JM, Deveze A, Laurent P, Esteve A et Branchereau A. Chirurgie des paragangliomes cervicaux. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris,
tous droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-500, 2002, 14 p.
46-500 Chirurgie des paragangliomes cervicaux Techniques chirurgicales

– les paraganglions tympanojugulaires dont la prise en charge n’est – la chaîne sympathique cervicale et son ganglion cervical supérieur,
pas développée ici. responsable, en cas de lésion (tumorale ou chirurgicale), du
En pathologie, toutes ces localisations peuvent devenir des sites de syndrome de Claude Bernard-Horner.
développement tumoral.
CLASSIFICATION DES PARAGANGLIOMES
PHYSIOPATHOLOGIE DES PARAGANGLIONS
Leur fonction précise est longtemps restée méconnue. Ils ¶ Classification des tumeurs du corpuscule carotidien
fonctionneraient comme des chémorécepteurs, sensibles aux La principale classification utilisée reste celle décrite et modifiée par
variations de pression partielle artérielle en oxygène, en CO2 ainsi Shamblin en 1971. Elle distingue trois stades anatomocliniques [34] :
qu’au pH artériel [27]. La conséquence de leur stimulation (hypoxie,
hypercapnie, acidose) est une augmentation de la fréquence – les tumeurs du stade I sont de petite taille, facilement extirpables
respiratoire via les afférences glossopharyngiennes. Certaines sans lésion artérielle ;
situations cliniques ou pathologiques corroborent le rôle des – les tumeurs du stade II engainent tout ou partie de l’artère
paraganglions carotidiens, isolément ou en relation avec les carotide interne mais elles sont clivables par le biais de la dissection
barorécepteurs : sous-adventicielle ;
– une plus forte prévalence de paragangliomes carotidiens chez des – les tumeurs du stade III sont volumineuses, enserrant globalement
populations soumises à une hypoxie chronique : sujet vivant à de l’axe carotidien et nécessitent une résection carotidienne avec
hautes altitudes, insuffisants respiratoires chroniques [27, 29, 33] ; pontage dans le même temps.
– un dysfonctionnement des paraganglions a été avancé pour Le stade III a été divisé en stades IIIa et IIIb en distinguant les
expliquer les conséquences hémodynamiques des sujets souffrant de tumeurs sans contact avec la base du crâne (IIIa) et en contact avec
syndrome d’apnées du sommeil ; la base du crâne (IIIb), ne laissant pas de segment de carotide
– des anomalies histologiques du paraganglion carotidien accessible [10].
(hypoplasie ou défaut du nombre de cellules de type I) ont été
relevées lors d’autopsies d’enfants victimes du syndrome de mort ¶ Classification des tumeurs d’origine vagale
subite du nourrisson [15]. Les paragangliomes vagaux ont une plus forte propension à
l’extension basicrânienne que leurs homologues carotidiens [42].
RAPPEL ANATOMIQUE - RAPPORTS CHIRURGICAUX Netterville et Glasscock rapportent une classification en trois stades
Les paragangliomes latérocervicaux se développent initialement selon l’extension vers la base du crâne [26] (fig 1) :
dans la gouttière jugulocarotidienne et les espaces parapharyngés. – stade A : tumeur localisée à la région cervicale ;
Ils s’étendent ensuite vers la base du crâne en haut en traversant les
espaces sous-parotidien postérieur et rétrostylien. Ces zones riches – stade B : tumeur en contact avec la base du crâne et le foramen
en éléments vasculonerveux expliquent d’une part la présentation jugulaire, responsable d’un déplacement antérieur et/ou d’un
clinique des tumeurs latérocervicales mais aussi les risques et enveloppement de l’artère carotide interne ;
séquelles attendus ou éventuels de leur exérèse. – stade C : tumeur pénétrant dans le foramen jugulaire, avec
Au niveau de ces espaces latéraux du cou, les principaux éléments fréquemment extension intracrânienne.
en rapport avec la tumeur sont : Fisch [8] propose une classification sensiblement identique en trois
– des éléments artériels : l’artère carotide primitive en bas et les stades également :
artères carotides internes et externes. Les tumeurs issues du – stade I : tumeur essentiellement parapharyngée, sans invasion du
corpuscule carotidien, se développant entre les deux branches, foramen jugulaire ;
refoulent de part et d’autre les deux artères carotides. À l’inverse,
les tumeurs issues du vague se situent plus médialement dans les – stade II : tumeur parapharyngée avec invasion du foramen
espaces parapharyngés ; elles repoussent la bifurcation carotidienne jugulaire sans lyse osseuse ;
en avant et en dehors. Les principales branches de la carotide – stade III : tumeur parapharyngée envahissant le rocher, l’oreille
externe en rapport sont l’artère occipitale qui précroise la veine moyenne et s’associant éventuellement à une atteinte de la carotide
jugulaire interne, l’artère auriculaire postérieure et l’artère interne.
pharyngienne ascendante ; Ces classifications sont importantes car les stades I et II réclament
– des éléments veineux : la veine jugulaire interne qui sort du un abord purement cervical alors que le stade III doit être abordé
foramen jugulaire, et dont l’hémostase est délicate en cas de brèche par une voie infratemporale.
haut située ;
– des éléments nerveux : le nerf vague (X) en arrière de l’axe HÉRÉDITÉ DES PARAGANGLIOMES
vasculaire, la branche descendante du grand hypoglosse (XII), les
rameaux du glossopharyngien (IX) et la chaîne sympathique Les recherches les plus récentes en matière de développement
cervicale. tumoral expliquent la transformation des paraganglions
physiologiques en tumeurs par l’inactivation d’un gène suppresseur
L’espace sous-parotidien postérieur prolonge la région sterno-cléido- de tumeur (PGL1) situé sur le bras long du chromosome 11 au
mastoïdienne à hauteur de l’angle de la mandibule jusqu’à la base niveau du locus 11q22-q23 [4, 40]. Chez un sujet normal, une double
du crâne. Au niveau de cette région, les tumeurs glomiques sont en mutation est donc indispensable afin d’initier le développement
rapports avec : tumoral. En revanche, si un sujet est déjà porteur d’une anomalie au
– les quatre derniers nerfs crâniens : le nerf glossopharyngien (IX), niveau d’un de ses allèles (hétérozygotie), il suffit d’une mutation
issu du trou déchiré postérieur, le nerf pneumogastrique (X) avec sur l’allèle sain restant pour que la tumeur se développe : c’est la
son ganglion plexiforme, le nerf spinal (XI) se divisant en deux « perte de l’hétérozygotie ». La prédisposition génétique de certains
branches, une externe traversant le muscle sterno-cléido-mastoïdien, sujets à développer des paragangliomes ou d’autres types de cancers
l’autre interne s’anastomosant au nerf vague dans le ganglion par double mutation succède à la perte de l’hétérozygotie pour
plexiforme. Enfin, le nerf grand hypoglosse (XII), issu du canal l’antioncogène PGL1. Le mode de transmission particulier des
condylien antérieur, restant en arrière de l’artère carotide interne paragangliomes se fait de façon dominante (toutes les générations
pour se diriger en bas et en dedans, vers le plancher buccal en peuvent être atteintes) avec inactivation génomique maternelle
passant médialement à la veine jugulaire interne ; (seuls les descendants d’hommes atteints développent la maladie).

2
Techniques chirurgicales Chirurgie des paragangliomes cervicaux 46-500

*
A *
B *
C

1 Paragangliome vagal : classification de Netterville-Glasscock [26].


A. La tumeur est cervicale à distance du foramen jugulaire.
B. La tumeur est en contact avec la base du crâne et le foramen jugulaire.
C. La tumeur s’étend au travers du foramen jugulaire.

Les enfants d’une femme atteinte ne développent pas de 2 Tomodensitométrie in-


paragangliomes mais en transmettent l’anomalie génétique [4, 39, 40]. jection : tumeur du corpus-
cule carotidien bilatéral
avec extension péricaroti-
IMAGERIE DES PARAGANGLIOMES dienne autour de la bifurca-
tion.
Le diagnostic ainsi que le bilan préthérapeutique des
paragangliomes reposent sur l’imagerie. L’examen
tomodensitométrique et l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
permettent de discuter les principaux diagnostics différentiels et de
préciser l’extension locorégionale, indispensable pour définir la
tactique chirurgicale. L’angiographie peut, en cas de doute, apporter
des éléments diagnostiques mais sa place est actuellement restreinte
au bilan préopératoire et à un éventuel geste d’embolisation, de
moins en moins réalisé en pratique [31, 42] . Les examens par
scintigraphies sont utiles pour un bilan plus général de ces tumeurs
en dépistant d’autres localisations synchrones.
3 Paragangliome du X.
Tomodensitométrie injec-
¶ Échographie tion. Volumineuse forma-
tion très rehaussée par le
Sa spécificité est médiocre et n’autorise pas à différencier un produit de contraste, refou-
paragangliome d’une adénopathie. L’effet doppler caractérise lement en avant de la caro-
l’hypervascularisation de ces tumeurs et restreint le diagnostic tide interne et externe.
différentiel aux autres tumeurs solides très vascularisées comme les
adénopathies métastatiques des cancers de la thyroïde ou du rein.

¶ Tomodensitométrie
La tomodensitométrie assure une analyse précise de la tumeur en
définissant des caractéristiques morphologiques et topographiques.
Le paragangliome apparaît comme une masse tissulaire homogène,
à contours nets, de densité tissulaire moyenne. Lors de l’injection
iodée, la prise de contraste est rapide, intense et fugace du fait de par un liseré graisseux, il est parfois difficile d’individualiser les
phénomènes de lavage vasculaire. C’est l’analyse topographique, en artères carotidiennes d’une tumeur du corpuscule.
localisant la tumeur par rapport aux espaces parapharyngés et à la L’examen tomodensitométrique précise l’extension tumorale vers la
bifurcation carotidienne, qui est l’élément fondamental de l’étude base du crâne et le foramen jugulaire, et recherche des adénopathies
tomodensitométrique. Toutefois, les tumeurs du corpuscule de plus ou d’autres tumeurs cervicales synchrones.
de 5 cm ont fréquemment un prolongement parapharyngé. Les principaux diagnostics différentiels seront les tumeurs
Le paragangliome est une tumeur vascularisée de l’espace vascularisées de l’espace rétrostylien :
rétrostylien. Les tumeurs du corpuscule se situent entre le sterno-
– les anévrismes artériels dont les parois sont épaisses et calcifiées
cléido-mastoïdien en avant et en dehors, et le scalène en arrière
et dont la cinétique de prise de contraste est similaire à celle des
(fig 2). Les tumeurs vagales sont plus hautes et plus médiales,
paragangliomes ;
jouxtant les espaces parapharyngés. Celles-ci refoulent la bifurcation
et l’artère carotide interne vers l’avant (fig 3) alors que les – les schwannomes qui miment volontiers un paragangliome vagal,
paragangliomes carotidiens, se développant au niveau de la mais dont la prise de contraste est moins intense et surtout
bifurcation, écartent celle-ci en déplaçant la carotide externe vers prolongée ;
l’avant et l’interne vers l’arrière (fig 4). De plus, alors que les – les adénopathies inflammatoires qui prennent le contraste en
paragangliomes vagaux restent séparés des vaisseaux carotidiens périphérie ;

3
46-500 Chirurgie des paragangliomes cervicaux Techniques chirurgicales

4 Tomodensitométrie in- 6 Angiographie carotidienne. Aspect


jection. Paragangliome du typique d’un paragangliome du X avec
corpuscule carotidien ; ca- refoulement de la carotide externe et in-
rotide interne refoulée vers terne vers l’avant et le dehors.
l’arrière.

– les métastases ganglionnaires hypervascularisées des cancers du


rein ou de la thyroïde qui posent le plus de difficultés diagnostiques
et justifient la réalisation d’une IRM ou d’une angiographie.

¶ Imagerie par résonance magnétique


Elle donne une évaluation précise de l’extension locorégionale par l’existence d’une invasion de la paroi artérielle (signe de la morsure,
la réalisation de coupes dans les trois plans de l’espace. rétrécissement artériel), la distance de carotide accessible entre le
pôle supérieur de la tumeur et la base du crâne et enfin la
Ces tumeurs demeurent homogènes, avec un signal intermédiaire
fonctionnalité du polygone de Willis par une épreuve de clampage
en séquence pondérée en T1 sans gadolinium et en T2. Un aspect
de 30 minutes ;
hétérogène avec des zones hyperintenses peut se rencontrer et
traduit une nécrose ou une hémorragie intratumorale. L’existence – lorsqu’une embolisation est envisagée.
de signaux serpigineux linéaires, hypo-intenses, d’allure vasculaire L’artériographie met en évidence le blush vasculaire caractéristique,
est très évocatrice du diagnostic, donnant à la tumeur un aspect intense, avec un lavage du contraste très rapide. Pour les tumeurs
« poivre et sel » caractéristique [21, 42] (fig 5). cervicales, l’effet de masse sur la bifurcation carotidienne affirme le
La réalisation d’une angio-IRM apporte une bonne définition des diagnostic topographique. Les paragangliomes du X sont situés plus
rapports vasculaires mais ne peut que partiellement remplacer haut que la bifurcation et refoulent en bloc les vaisseaux carotidiens
l’angiographie sélective en cas de contre-indication. L’IRM serait en vers l’avant et le dehors selon une courbe harmonieuse (fig 6). Les
effet moins sensible dans le bilan de la vascularisation que tumeurs du corpuscule font diverger la bifurcation en lui donnant
l’angiographie [38]. le classique aspect en « lyre » (fig 7).
Indications de l’embolisation tumorale : l’embolisation préopératoire est
¶ Angiographie restée longtemps un sujet de controverse, facilitant pour beaucoup
L’angiographie sélective n’est plus indispensable pour confirmer le le geste chirurgical en minorant le saignement peropératoire et en
diagnostic de paragangliome. Elle conserve néanmoins certaines diminuant la taille tumorale. Actuellement, la plupart des auteurs
indications : s’accordent pour ne pas réaliser d’embolisation préalable, inutile,
voire même source de difficultés opératoires pour certains du fait
– diagnostiques, pour « trancher » devant un cas douteux, tels les d’une réaction inflammatoire péritumorale [18]. Pour limiter cette
petits paragangliomes pour lesquels l’IRM ne retrouve pas les complication, l’exérèse devrait être pratiquée dans les 24 à 48 heures
images serpigineuses évocatrices ou les paragangliomes de après l’embolisation [6].
topographie atypique, laryngés, sinusiens, orbitaires... ;
– dans le dépistage des formes multifocales de plus petites tailles et ¶ En conclusion
chez les collatéraux de sujets atteints d’une forme familiale Devant un paragangliome, on doit réaliser un bilan qui permet :
(angiographie des quatre axes) ;
– en préopératoire, lorsqu’un geste de plastie vasculaire est à – le dépistage d’une forme multifocale ou d’une autre tumeur de la
envisager : l’angiographie doit répondre aux questions du chirurgien crête neurale synchrone ;
concernant le nombre de pédicules nourriciers de la tumeur, – le diagnostic d’une forme familiale et les cas collatéraux ;

*
C
*
A *
B

5 A. Imagerie par résonance magnétique séquence pondérée en T1.


B. Séquence pondérée en T2 qui montre un hyposignal hétérogène de la tumeur.
C. Association paragangliome du corpuscule et du vague homolatéral.

4
Techniques chirurgicales Chirurgie des paragangliomes cervicaux 46-500

7 Angiographie carotidienne. Paragan- 8 Installation de l’équipe.


gliome carotidien, aspect classique en
« lyre » de la bifurcation carotidienne.

– la réalisation du bilan d’opérabilité de cette tumeur.


Les limites sont principalement la sensibilité des examens
paracliniques, leur coût et leur disponibilité et la morbidité
secondaire qu’ils engendrent.
En pratique, un bilan minimal doit inclure :
– le bilan topographique de la tumeur : tomodensitométrie, IRM ;
– la recherche d’une autre localisation : examen clinique (tension
artérielle), audiogramme et impédancemétrie, dosages hormonaux 9 Incisions. a : incision
urinaires sur 24 heures (métanéphrines, acide vanilmandélique, habituelle ; b : extension
acide homovanillique, acide 5-hydroxy-indol-acétique [HIAA]), vers le haut ; c : extension
scintigraphie corps entier (123I-méta-iodo-benzyl-guanidine [MIBG] vers le bas.
ou au mieux 111 In-pentétréotide), tomodensitométrie et IRM
cervicale ;
– le bilan préopératoire : l’artériographie reste indispensable pour
les tumeurs latérocervicales.

Traitement

TRAITEMENT CHIRURGICAL

¶ Chirurgie du paragangliome carotidien


La réalisation correcte de la voie d’abord et la qualité de l’exposition
sont les premières des conditions nécessaires pour permettre ligature. L’aponévrose cervicale superficielle est incisée au niveau
l’exérèse de la tumeur en toute sécurité. du bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, permettant
ainsi de récliner ce dernier vers l’arrière.
Abord de la bifurcation carotidienne pour un paragangliome Dans la partie supérieure de l’incision, il faut détacher ses
carotidien adhérences avec le muscle, et rétracter vers le haut et en avant la
glande parotide, après ligature de la communicante
• Installation intraparotidienne jusqu’à la pointe de la mastoïde.
Le patient est installé en décubitus dorsal, la tête tournée du côté – Les plans moyens (fig 10) : le muscle sterno-cléido-mastoïdien
opposé à celui qui doit être opéré. Une légère extension cervicale est maintenu vers l’arrière par un écarteur, on met en évidence la
obtenue par un billot de taille moyenne glissé sous les épaules. Le tumeur sous la forme d’une masse rougeâtre, hypervascularisée,
patient est placé en léger proclive à 25°. centrée sur la bifurcation carotidienne, débordant plus ou moins
Le chirurgien est assis en regard de la bifurcation carotidienne à selon le volume tumoral.
aborder, l’aide est placé à la tête et l’instrumentiste aux pieds du L’intervention se poursuit avec l’incision de l’aponévrose cervicale
patient (fig 8). moyenne. Elle permet de mettre en évidence dans le haut de
La possibilité d’aborder la veine saphène interne au niveau de la l’incision le ventre postérieur du muscle digastrique qui constitue la
cuisse homolatérale à la lésion à traiter est généralement ménagée. limite supérieure de l’exposition dans ce type de tumeur, et vers le
bas, le tendon du muscle omohyoïdien. Il faut, dans un premier
• Incision cutanée temps, libérer la veine jugulaire interne afin de pouvoir la récliner
vers l’arrière, ce qui implique de repérer sur son bord antérieur le
L’incision cutanée est oblique et suit le bord antérieur du muscle
tronc veineux thyro-linguo-facial de Farabeuf.
sterno-cléido-mastoïdien selon une ligne qui va de l’extrémité de
Dans un nombre relativement important de cas, ce tronc veineux
l’apophyse mastoïde en arrière du lobe de l’oreille jusqu’à
n’est pas bien individualisé. Il existe en effet deux ou trois veines de
l’extrémité médiale de la clavicule (fig 9).
taille variable venant se jeter sur la face antérieure de la veine
Elle a une longueur variable de 12 à 15 cm ; elle peut être plus ou jugulaire interne et qu’il faut prendre le soin de disséquer et de
moins prolongée vers le haut, remontant sur la base du crâne. ligaturer individuellement. Il faut également, vers le haut, repérer le
nerf grand hypoglosse et sa branche descendante ; son dégagement
• Exposition de la bifurcation carotidienne impose la séparation de la glande sous-maxillaire en remontant le
– Les plans superficiels : le muscle peaucier du cou est incisé au long du bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. On
bistouri électrique, la veine jugulaire externe sectionnée après prend aussi la peine de repérer le nerf spinal.

5
46-500 Chirurgie des paragangliomes cervicaux Techniques chirurgicales

*
A

10 Exposition des plans moyens.


A. Dégagement du bord antérieur du sterno-cléido-
mastoïdien.
B. Libération de l’amas ganglionnaire sous-
digastrique.

*
B

– Le plan vasculaire (fig 11) : la dissection proprement dite artérielle Sa rétraction vers le haut par une valve permet de voir les éléments
débute par la libération de l’artère carotide commune qui est du rideau stylien. Cette rétraction est indispensable mais doit être
aisément disséquée dans la partie basse de l’incision en dedans de prudente pour éviter de traumatiser le rameau cervicofacial du nerf
la veine jugulaire interne, en prenant soin d’identifier, sans le facial. Il est ainsi possible de gagner 1 à 2 cm d’exposition vers le
traumatiser, le nerf pneumogastrique et la partie basse de l’anse de haut en dégageant les éléments du rideau stylien, en réséquant avec
l’hypoglosse. Vers le haut, on isole une artère carotide interne et ses une petite pince-gouge la pointe de l’apophyse styloïde et les
branches en dedans ; on effectue une libération de l’artère carotide muscles qui s’y rattachent (bouquet de Riolan). Le nerf grand
interne en aval de la zone pathologique, ce qui nécessite le plus hypoglosse est mobilisé ; il faut sectionner avec prudence les
souvent la dissection et la ligature de l’artère occipitale ou de l’une adhérences qui le relient au gangliome plexiforme du X, cette
de ses branches. libération pouvant être à l’origine de paralysie des cordes vocales.
À la fin du temps d’exposition : les lacs sont mis en place sur l’artère Afin de ne pas traumatiser le tronc nerveux du XII lui-même, on
carotide commune, l’artère carotide interne en aval de la lésion et de sectionne sa branche descendante à 1 cm au-delà de son origine et
l’artère carotide externe après identification des différents éléments on utilise le moignon de branche descendante comme tracteur. On
nerveux X, XI, XII et le sympathique. arrive ainsi, de proche en proche, à isoler l’artère carotide interne
au-dessus de ce dernier (fig 12).
Variantes techniques [17] Lorsque l’on a affaire à des tumeurs du corpuscule carotidien de
stade III enfouies sur la base du crâne, il faut utiliser un abord
Dans les tumeurs corpusculaires de stade II et celles à expression
infratemporal antérieur permettant le contrôle de la carotide interne
parapharyngée, il est nécessaire d’étendre vers le haut la dissection
à son entrée au niveau du canal carotidien [35, 36].
de l’artère carotide interne dans l’espace sous-parotidien postérieur.
Cette extension nécessite vers le haut de prolonger en La technique est décrite avec l’abord des paragangliomes vagaux.
cervicoparotidectomie l’incision cutanée qui doit s’infléchir en L’exposition de l’artère carotide interne dans son segment
arrière le long du bord postérieur de l’apophyse mastoïde. intrapétreux peut se faire par d’autres approches ; il existe deux
Le ventre intermédiaire du muscle digastrique est sectionné, sa variantes : les voies infratemporales de Fisch [8] :
partie postérieure est libérée puis récliné en arrière par un fil – la voie de type A permet l’abord de la portion verticale et du
tracteur. coude de l’artère carotide interne intrapétreuse ; elle comporte le

6
Techniques chirurgicales Chirurgie des paragangliomes cervicaux 46-500

11 Découverte du plan artériel.

déroutement de la deuxième et de la troisième portion du nerf facial tumorale et devant son volume, on peut effectuer une section entre
et le sacrifice de l’oreille moyenne. Malgré cela, elle ne donne qu’un deux ligatures de la carotide externe au-dessus de l’artère
jour limité en avant au niveau de l’artère carotide interne ; thyroïdienne supérieure [9] ; cet artifice permet de mobiliser la
– la voie de type B expose la portion horizontale de l’artère carotide tumeur et d’aborder plus facilement la face postérieure de la
interne intrapétreuse. Elle comporte l’abaissement du condyle bifurcation.
mandibulaire après désinsertion du muscle temporal, le fraisage de
¶ Chirurgie du paragangliome du vague
l’oreille moyenne et le déplacement du nerf facial. Le fraisage par
rapport à la voie A est poursuivi au niveau de la fosse mandibulaire Les paragangliomes vagaux peuvent naître de trois paraganglions
et de la grande aile du sphénoïde. La section de l’artère méningée décrits sur le vague (supérieur moyen ou inférieur). Ils sont moins
moyenne et du nerf mandibulaire rend possible l’abaissement fréquents et ne représentent que 5 % de paragangliomes
supplémentaire du condyle à l’aide d’un écarteur afin de gagner de cervicocéphaliques. En fonction de leur orientation supérieure ou
l’espace. Il faut veiller à ne pas trop tendre le tronc rétroparotidien inférieure, se pose le problème de l’envahissement de la base du
du nerf facial. Le fraisage ainsi terminé, on visualise la portion crâne, soit de l’atteinte de la carotide interne cervicale.
horizontale de l’artère carotide interne jusqu’au niveau du foramen C’est pourquoi, compte tenu de la situation de la tumeur, presque
lacerum (trou déchiré antérieur). toujours incarcérée sous la base du crâne, l’abord que nous
conseillons est celui utilisé dans l’exposition du segment vertical
Dissection de la tumeur corpusculaire intrapétreux de la carotide interne [36].

• Principe Installation
L’exérèse d’une tumeur du corpuscule carotidien repose sur le Le patient doit subir un shampooing avec de la Bétadinet avant de
principe d’une dissection sous-adventicielle avec contrôle de procéder à un rasage soigneux, périauriculaire, large de 4 cm au-
l’hémostase à la pince bipolaire [22]. L’intervention, quel que soit le dessus et en arrière de l’oreille. En salle d’opération, un nouveau
volume tumoral, est menée de façon concentrique en terminant shampooing à la Bétadinet est nécessaire. Les mèches de cheveux
l’exérèse de la tumeur par la région rétrobulbaire qui constitue une sont rabattues en dehors du champ opératoire et gominées. Le
zone à risque d’effraction de la paroi artérielle [23]. En effet, les malade est couché en décubitus dorsal de préférence, la tête dans
ruptures surviennent presque toujours à ce niveau et il faut, dans une têtière ou plus simplement sur le plan de la table d’opération.
tous les cas, que l’exérèse soit pratiquement terminée pour que le Compte tenu de la durée moyenne de l’intervention, il est capital de
temps de clampage des axes vasculaires se limite au temps de la protéger tous les points d’appui avec des sacs d’eau ou de gel de
réparation. silicone. Un matelas chauffant peut être utile. La tête est tournée
vers le côté opposé. La région mastoïdienne est directement placée
• Technique (fig 13, 14, 15, 16, 17) sour le regard du chirurgien qui est assis à la tête du patient, du
Afin d’éviter des réactions neurovégétatives délétères, on injecte côté à opérer. Le champ opératoire est temporal et
quelques centimètres cubes de Xylocaïnet en arrière de l’origine de cervicomastoïdien.
la carotide interne, à proximité du nerf pneumogastrique. L’artère
carotide commune est aisément disséquée en commençant 2 cm sous Incision cutanée (fig 18)
la tumeur ; la dissection est menée en sous-adventiciel, en s’aidant Elle suit un tracé à double courbure de la région temporale jusqu’au
de la coagulation bipolaire. Le dégagement est concentrique de bas cou (fig 18A). La partie essentielle de l’incision est sus- et
en haut à la pointe des ciseaux courbes mousses en mettant à nu la rétroauriculaire ; elle descend en bas dans le cou pour atteindre le
média. Le cheminement va de proche en proche pour remonter bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien jusqu’en regard
jusqu’au niveau de la bifurcation carotidienne. On effectue cette de la grande corne de l’os hyoïde ; vers le haut, elle suit à 3 cm
même dissection à partir des branches, à savoir : en amont de la au-dessus et en arrière le sillon sus- et rétroauriculaire. Au niveau
tumeur au niveau de la carotide interne, dissection toujours menée temporal, le décollement se fait d’emblée jusqu’à l’os pour récliner
en sous-adventiciel qui est effectuée du haut vers le bas, de même en bloc les parties molles en direction du méat auditif externe. Ce
au niveau de la carotide externe de façon à terminer l’exérèse au dernier est sectionné et le décollement est poursuivi vers l’avant
niveau de la bifurcation. Parfois, devant la consistance dure jusqu’à l’aplomb du condyle mandibulaire. Ainsi, l’opérateur

7
46-500 Chirurgie des paragangliomes cervicaux Techniques chirurgicales

*
A

12 Extension haute, les éléments du rideau stylien sont


réclinés par une valve malléable fine.
A. Exposition du rideau stylien. 1. Nerf glossopharyn-
gien ; 2. pointe de l’apophyse styloïde.
B. Exposition après résection de l’apophyse styloïde.

*
B

dispose d’une large voie d’abord. Les parties molles libérées sont rainure et refoulé vers l’avant. La glande parotide, au niveau de son
maintenues vers l’avant par des fils de traction et sont couvertes pôle inférieur, est libérée tout en contrôlant le rameau mentonnier
d’une compresse humidifiée. du nerf facial qui est mobilisé vers le haut. L’apophyse styloïde est
Il existe une variante à ce type d’abord cutané qui consiste à réaliser sectionnée après avoir été ruginée à la pince-gouge. Le rideau des
une voie préauriculaire qui rejoint ensuite le bord antérieur du muscles styliens est dégagé en faisant attention de ne pas
sterno-cléido-mastoïdien (fig 18B). traumatiser le nerf glossopharyngien. On réalise ensuite la luxation
de l’articulation temporomandibulaire. Cette manœuvre commence
Exposition des vaisseaux par le dégagement de la face antérieure du méat auditif externe et
de l’arcade zygomatique. À l’aide d’une rugine de Tessier, on
Le dégagement du bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien ouvre
la gouttière carotidienne. Au préalable, on pratique sa désinsertion effectue une dissection sous-périostée de la cavité glénoïde au-
de l’extrémité de l’apophyse mastoïde, après avoir réalisé un dessus et en arrière du ménisque de l’articulation
lambeau musculopériosté mastoïdien à pédicule postérosupérieur temporomandibulaire. Ce temps chirurgical est parfois
permettant, en fin d’intervention, son réamarrage. L’identification hémorragique ; il est cependant essentiel si on veut obtenir une
des gros vaisseaux se fait en amont de la zone pathologique en luxation maximale ouvrant au mieux l’accès à l’espace interjugulo-
même temps que les nerfs crâniens X, XI, et XII sont repérés. carotidien. Pour maintenir cet écart, on met en place un écarteur
spécial à crémaillère (XOMED). Au cours de cette manœuvre, il faut
Le tronc rétroparotidien du nerf facial est mis en évidence dans
faire très attention à ne pas étirer le tronc du nerf facial (fig 19).
l’angle dièdre qui se dessine entre la face antérieure de la mastoïde
et la face inférieure du méat auditif externe. Il est disséqué dans la On peut ensuite commencer l’exposition de la fosse infratemporale.
parotide jusqu’à sa bifurcation. On poursuit de même cette Le tronc du nerf facial est dégagé jusqu’à sa sortie du trou
dissection au niveau de sa branche inférieure cervicofaciale. La veine stylomastoïdien. La partie sous-faciale de la glande parotide est
intraparotidienne est sectionnée. On aborde ensuite l’espace sous- enlevée. La dissection dégage la partie inférieure du méat auditif
parotidien postérieur. Le muscle digastrique est désinséré dans sa externe puis se porte au niveau de l’apophyse vaginale en avant qui

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Techniques chirurgicales Chirurgie des paragangliomes cervicaux 46-500

13 Exposition de la tu- 16 Pédiculisation de la


meur. tumeur sur la région de la
bifurcation carotidienne.

17 Aspect peropératoire
après exérèse de la tumeur
de la bifurcation caroti-
dienne.

"
A1 "
A2 "
A3

*
B

14 Principe de l’exérèse en sous-adventiciel le long de l’axe carotidien interne de haut


en bas et de bas en haut.
18 Tracé des incisions. a. Cervicomastoïdienne à double courbure ; b. verticale préau-
riculaire.

15 Dissection rétrograde un

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