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La charnière thoracolombaire est une région complexe de transition aussi bien morphologique que dyna-
mique. Elle permet le passage du rachis thoracique au rachis lombaire, mais aussi de la cavité thoracique à
la cavité abdominale. Elle présente plusieurs rôles : protéger le système nerveux mais également permettre
le passage d’éléments anatomiques majeurs tels que les vaisseaux (aorte et veine cave), le tube digestif,
le système végétatif, etc. Les deux cavités sont séparées par le diaphragme qui se comporte comme une
véritable barrière anatomique. Il s’agit d’un muscle en forme de dôme, avec des insertions périphériques
sur les côtes et le sternum, et des insertions vertébrales de T11 à L3. L’abord chirurgical de la charnière
thoracolombaire nécessite une connaissance anatomique précise de ces insertions, mais également des
rapports avec les éléments anatomiques majeurs. En effet, il est fréquent de réaliser une désinsertion
qui doit être maîtrisée afin de minimiser les risques chirurgicaux. Les voies d’abord antérolatérales per-
mettent de réaliser des gestes de décompression, de réduction et de stabilisation du rachis que n’offre pas
la voie postérieure. Ainsi, la première partie de cet article est consacrée à un rappel anatomique précis des
insertions et des rapports des différents éléments présents. Dans un deuxième temps, les différentes voies
sont abordées, avec une description initiale des voies classiques suivie par celle des voies mini-invasives.
L’évolution des techniques et l’utilisation d’endoscopes ont en effet permis la réduction des incisions et le
développement d’abords peu agressifs qui permettent une récupération précoce des patients.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 La jonction thoracolombaire (T10-L2) est une zone spécifique
■ Anatomie chirurgicale 2 et complexe qui permet le passage d’une cyphose thoracique peu
Diaphragme 2 mobile à une lordose lombaire mobile.
Muscles de la paroi thoracoabdominale 2 Initialement décrit par Hodgson [1, 2] , l’abord de la charnière tho-
Muscles paravertébraux 3 racolombaire par thoraco-phréno-lombotomie se généralise avec
■
l’utilisation d’une instrumentation antérieure pour la correction
Abords classiques 3
des scolioses [3] . Cette voie d’abord permet des gestes de décom-
Voie trans-pleuro-rétro-péritonéale 3
pression, de réduction et de stabilisation du rachis que n’offre pas
Voie rétro-pleuro-rétro-péritonéale 5
la voie postérieure. Ainsi, les indications se sont élargies : disco-
■ Chirurgie mini-invasive 6 pathie, infection, néoplasie, traumatologie, libération antérieure
Voie transpleurale 6 sur déformation, etc. [4–7] .
Voie rétro-pleurale-rétro-péritonéale 7 L’exposition de la face antérieure et latérale des corps vertébraux
■ Abords combinés 9 peut nécessiter de désinsérer le diaphragme. Il représente une
Voie endothoracique et rétropéritonéale combinée, véritable barrière anatomique entre les cavités thoracique et abdo-
transdiaphragmatique 9 minale. La maîtrise des structures anatomiques est indispensable
Voie endothoracique et rétropéritonéale combinée sans passage pour effectuer un abord antérolatéral de la jonction thoracolom-
diaphragmatique 9 baire et prévenir les éventuelles complications.
■ Conclusion 10 Les risques liés à l’abord thoracique doivent être connus (isché-
mie médullaire, atélectasie, chylothorax, etc. [1, 8, 9] ) ainsi que ceux
Anatomie chirurgicale
La jonction thoracolombaire est une région de transition mor-
phologique entre les vertèbres thoraciques et lombaires, mais aussi
topographique entre les cavités thoracique et abdominale.
Elle est composée d’une charpente ostéoarticulaire stabilisée
par des haubans musculaires. Elle protège un ensemble nerveux
radiculaire et végétatif complexe, et permet le passage d’éléments
vasculaires nombreux, notamment l’artère d’Adamkiewicz. Elle se
situe principalement entre T8 et L3, dans 50 % des cas en T9 ou
T10, et provient du côté gauche dans 75 % des cas [16] .
Les muscles sont des éléments prépondérants. Ils sont divisés en Figure 1. Rapport vasculaire de la charnière thoracolombaire. 1. Veine
trois : le diaphragme, les muscles de la paroi thoracoabdominale cave inférieure sus-hépatique ; 2. œsophage ; 3. racine interne de l’azygos ;
et les muscles paravertébraux. 4. pilier droit ; 5. citerne de Pecquet et canal thoracique passant der-
rière l’aorte retirée du schéma ; 6. veine cave inférieure ; 7. pilier gauche ;
8. douzième veine intercostale se joignant à la lombaire ascendante pour
Diaphragme (cf. Fig. 2) former la racine externe de l’hémiazygos à gauche et de l’azygos à droite ;
Il constitue une structure musculotendineuse prévertébrale 9. veine lombaire ascendante gauche ; 10. veine rénale gauche.
séparant les cavités thoracique et abdominale. Il s’agit d’un muscle
plat en forme de dôme à deux coupoles dont les sommets se
projettent, en expiration, en regard du quatrième espace inter-
costal à droite et du cinquième espace intercostal à gauche. Son
innervation motrice centrifuge est assurée par les nerfs phré-
niques droit et gauche provenant des racines C3, C4, C5. Ainsi,
un geste de désinsertion du diaphragme doit être préféré à une
section [17] .
Il est composé d’une zone centrale tendineuse (le centre phré-
nique) et d’une zone périphérique charnue d’insertion en deux
parties : sternocostale et lombaire [18] .
Insertion sternocostale
Dans sa partie antérolatérale, le diaphragme s’insère sur la face
postérieure du processus xiphoïde, à la face interne des cartilages
costaux VII à X et des côtes IX à XII. À ce niveau, les fibres muscu-
laires sont fusionnées aux insertions costales du muscle transverse
de l’abdomen.
Le diaphragme possède également une insertion sur le ligament
arqué latéral (tendu entre le processus transverse de L1 et l’apex
de la douzième côte) et sur le ligament arqué accessoire (entre les
onzième et douzième côtes).
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Abords antérolatéraux de la charnière thoracolombaire 44-136
Figure 10. Exposition du rachis. L’aorte est réclinée et les piliers sont Figure 12. Exposition de la charnière thoracolombaire après ouverture
sectionnés. de la plèvre pariétale prévertébrale, et ligature et section des vaisseaux
segmentaires. 1. Pilier gauche sectionné ; 2. psoas ; 3. carré des lombes ;
4. tronc du sympathique ; 5. poumon gauche récliné.
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Voie transpleurale
Voie endoscopique pure [21, 22]
L’abord endoscopique pur permet un abord limité de la char-
nière car le diaphragme est difficilement refoulé en thoracoscopie.
Sa forme en coupole et la position du foie dissimulent les corps
vertébraux de L1 et L2. Le disque T12-L1 marque la limite basse
Figure 14. Voie rétro-pleuro-rétro-péritonéale droite. Section des de cet abord, plus souvent indiqué pour des gestes concernant le
muscles de la paroi et écartement des muscles paravertébraux. 1. Muscle rachis thoracique.
transverse de l’abdomen ; 2. muscle oblique interne ; 3. muscle oblique Installation et incision (Fig. 16)
externe ; 4. muscle grand dorsal ; 5. muscle dentelé postérieur et inférieur ; Le patient est installé en décubitus latéral et une intubation
6. muscle iliocostal sectionné ou mieux écarté vers la ligne des épineuses ; sélective est réalisée.
7. muscle intercostal ; 8. ligament lombocostal de Henlé ; 9. apophyse Le premier trocart est mis en place entre les sixième et septième
transverse de T12. espaces intercostaux, sur la ligne axillaire postérieure. Afin d’éviter
une lésion du poumon, la peau est incisée sur 15 mm au bistouri
abord complet des corps vertébraux. En cas de brèche pleurale, froid et les muscles intercostaux sont disséqués avant l’insertion
celle-ci est suturée immédiatement et un drain thoracique est d’un trocart mousse. Un endoscope rigide de 0◦ ou 30◦ est inséré,
placé (nous préconisons un drain systématique en raison d’un ce qui permet le positionnement des autres trocarts sous contrôle
épanchement réactionnel). Le diaphragme doit idéalement être endoscopique en respectant le principe de triangulation (aspira-
réinséré sur la transverse de L1 au moment de la fermeture. tion, irrigation, dissection ou rétraction) (Fig. 17). Initialement
décrite pour les hernies discales thoraciques, les indications se
sont étendues aux fractures thoraciques (greffe antérieure).
Chirurgie mini-invasive Franchissement du diaphragme
Apres exploration complète de la cavité, le niveau pathologique
La chirurgie mini-invasive s’est développée afin de réaliser est repéré à l’amplificateur de brillance par la pose d’une broche
les mêmes gestes qu’en chirurgie classique sans compromis de Kirschner. Il est difficile de contrôler leur enfoncement dans
sur l’efficacité. Les avantages sont nombreux (diminution du le corps vertébral. L’utilisation de broches spécifiques permet un
saignement, de la morbidité postopératoire et de la durée enfoncement sécurisé. Deux broches peuvent être utilisées avec
d’hospitalisation) et les indications variées (fracture, hernie dis- une compresse pour refouler le diaphragme.
cale, déformation, pseudarthrose, etc.) Une fois le diaphragme refoulé, la plèvre est ouverte au bis-
Cette réduction des voies d’abord est intimement liée au déve- touri ou au crochet électrique en contrôlant le saignement. Les
loppement de matériel spécifique, notamment d’endoscopie. piliers sont désinsérés dans une direction céphalocaudale. Cette
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Figure 19. Mise en évidence de la vertèbre T12 (1) après résection des
disques T11-T12 (2) et T12-L1 (3).
Figure 17. Incision le long de la onzième côte. Une incision de 4 à 5 cm limitée » s’effectue en désinsérant partiellement les piliers sur les
est suffisante. corps vertébraux (Fig. 18). Cet abord permet d’accéder aux corps
vertébraux de T11, T12 et L1, par exemple pour permettre une
phrénotomie « limitée » complète l’abord et permet l’exposition libération sur scoliose (Fig. 19).
du niveau. Un drain thoracique est mis en place lors de la Abord transdiaphragmatique ou sous-diaphragmatique.
fermeture. L’incision du diaphragme est circulaire et se réalise sur 3 à 4 cm
le long de la paroi thoracique, en regard de l’arcade du psoas
Minithoracotomie vidéoassistée [13, 20, 23, 24] (Fig. 20) [25] . Cette fenêtre permet un accès à l’espace rétropérito-
néal, et le péritoine est ainsi décollé aux tampons montés et écarté
C’est l’abord qui tend à devenir le gold standard. vers l’avant. Le diaphragme est refoulé vers le haut. L’utilisation
Installation et incision d’un écarteur tubulaire ou de broches de Kirschner facilite la mobi-
La position du patient en décubitus latéral avec un billot sous lisation des structures. La plèvre pariétale est ouverte à la pince
le thorax est similaire à celle de la thoracoscopie pure. La mise bipolaire et le muscle psoas est écarté en postérieur. Les corps ver-
en place des champs stériles doit toujours prendre en compte une tébraux sont ainsi exposés et repérés à l’amplificateur de brillance.
possible conversion en thoracotomie classique. Lors de la fermeture, le diaphragme est suturé en périphérie avec
L’incision se fait à l’aplomb du niveau à traiter et est similaire mise en place de drain (Fig. 21).
à celle réalisée pour la voie rétropleurale, mais 4 à 5 cm suffisent
(Fig. 17). Les muscles sont disséqués sans être coupés et la côte est
réséquée sur 5 à 8 cm. La plèvre est incisée et l’abord devient trans- Voie rétro-pleurale-rétro-péritonéale [15, 26–29]
pleural. Le poumon est repoussé vers le haut à l’aide de compresses
Il s’agit de notre voie de choix en pratique quotidienne.
humides.
Le patient est positionné en décubitus latéral droit. Le chirur-
Un endoscope est introduit par un trocart situé à distance.
gien se place dans le dos du patient et son aide en regard de
D’autres trocarts peuvent être insérés sur la ligne axillaire médiane
l’abdomen (Fig. 22).
afin d’utiliser des rétracteurs et les instruments.
L’incision, de 4 à 8 cm, est oblique et centrée sur la ligne axillaire
Franchissement du diaphragme moyenne (Fig. 17). Elle longe le bord supérieur de la côte immé-
Abord sus-diaphragmatique. Comme en thoracoscopie, diatement supérieure du niveau à traiter (en général, la onzième
après avoir refoulé le diaphragme vers le bas par des broches ou la douzième côte). Les muscles sous-jacents sont incisés dans
transcutanées, la plèvre pariétale est ouverte et une « phrénotomie le sens des fibres, le bord latéral du grand dorsal est refoulé, les
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Figure 25. Voie rétropleurale avec respect de la plèvre (1). Mise en Figure 27. Corporectomie T12 avec mise en place de deux vis permet-
évidence du poumon sous-jacent (2) (droite de l’image). tant une fixation latérale. Les vis sont positionnées dans le corps de T11
et L1. L’espace vacant entre correspond à la corporectomie.
Figure 28. L’espace de la corporectomie T12 est comblé par une cage
spécifique de comblement antérieur.
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ou aux déformations thoracolombaires. Le diaphragme est res- [6] Bridwell KH. Indications and techniques for anterior-only and combined
pecté car chaque cavité thoracique et abdominale est abordée de anterior and posterior approaches for thoracic and lumbar spine deformi-
manière indépendante. ties. Instr Course Lect 2005;54:559–65.
[7] Fourney DR, Gokaslan ZL. Anterior approaches for thoracolumbar metas-
tatic spine tumors. Neurosurg Clin N Am 2004;15:443–51.
Conclusion [8] Ikard RW. Methods and complications of anterior exposure of the thoracic
and lumbar spine. Arch Surg 2006;141:1025–34.
[9] Nakai S, Zielke K. Chylothorax–a rare complication after anterior and
La charnière thoracolombaire est une zone complexe, notam- posterior spinal correction. Report on six cases. Spine 1986;11:830–3.
ment par la présence du diaphragme, dont la maîtrise est [10] Baker JK, Reardon PR, Reardon MJ, Heggeness MH. Vascular injury in
indispensable. anterior lumbar surgery. Spine 1993;18:2227–30.
Un passage thoracique ou rétropéritonéal se discute en fonction [11] Stulik J, Vyskocil T, Bodlak P, et al. Injury to major blood vessels in
de l’indication. Au-dessus de T12, la voie thoracique (rétro- ou anterior thoracic and lumbar spinal surgery. Acta Chir Orthop Traumatol
transpleurale) est la méthode de choix ; au-dessous de L1, la voie Cech 2006;73:92–8.
[12] Flynn JC, Price CT. Sexual complications of anterior fusion of the lumbar
rétropéritonéale fournit un accès adéquat.
spine. Spine 1984;9:489–92.
Ainsi, pour cette zone T12-L1, le mini-invasif tient une place [13] Le Huec JC, Tournier C, Aunoble S, Madi K, Leijssen P. Video-
prépondérante, permettant un espace de travail satisfaisant avec assisted treatment of thoracolumbar junction fractures using a specific
un abord limité. distractor for reduction: prospective study of 50 cases. Eur Spine J
Les voies classiques restent réservées aux abords extensifs dans 2010;19(Suppl. 1):S27–32.
certaines scolioses majeures ou des tumeurs primitives. [14] Beisse R. Endoscopic surgery on the thoracolumbar junction of the spine.
Eur Spine J 2010;19(Suppl. 1):S52–65.
[15] Litre CF, Duntze J, Benhima Y, et al. Anterior minimally invasive extra-
Toute référence à cet article doit porter la mention : Rigal J, Plais N, Cogniet A, Aunoble S, Le Huec JC. Abords antérolatéraux de la charnière thoracolombaire.
EMC - Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie 2016;11(1):1-10 [Article 44-136].
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Installation en décubitus latéral. Le chirurgien est dans le dos (droite), le deuxième chirurgien est son aide sur le versant abdominal
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