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REFLEXION SUR LA
PLACE DU DIVIN DANS LE NOUVEAU CONSTITUTIONNALISME
DES ETATS D’AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
Cyrille MONEMBOU,
agrégé des Facultés de droit, maître de conférences
Université de Yaoundé II
1
J. CARBONNIER, « La religion, fondement du Droit ? », in Droit et religion,
Archives de Philosophie du droit, t. 38, Paris, Sirey, 1993, p. 17.
2
C. ALBIGES, Introduction au Droit, Bruxelles, Paradigmes, 2014, p. 32.
3
J.-M. BIKORO, Le temps en droit constitutionnel africain. Le cas des Etats
africains d’expression française. thèse de doctorat Ph. D en Droit Public, Université
de Yaoundé 2, 2018, p. 388.
4
P. ROUBIER, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2005, p. 317.
5
J. CARBONNIER, « La religion, fondement du Droit ? », op. cit. p. 17.
6
Ibid. p. 19.
Cyrille Monembou
7
T. ONDO, Les fondements bibliques de la démocratie, Paris, Publibook, 2016,
186 p.
8
J. CARBONNIER, « La religion, fondement du Droit ? », op. cit. p. 19.
9
Idem.
10
Idem.
11
C. STARCK, La Constitution cadre et mesure du droit, Paris, Economica-PUAM,
1994, 159 p.
12
M. AHANHANZO GLELE, « La Constitution ou loi fondamentale », in
Encyclopédie Juridique d’Afrique. Tome premier, L’Etat et le Droit, 1982, p. 37.
13
F. DELPEREE, « Les rayons et les ombres de la Constitution », RFDC, n° 103, vol.
3, 2015, p. 583.
14
Idem.
15
D. ROUSSEAU, « Questions de Constitution », Politique et Sociétés, vol. 19, n° 2-
3, 2000, p. 13.
16
Ibid. p. 18.
420
Dieu dans les Constitutions africaines
Dieu dans les textes constitutionnels. Cette réflexion trouve son actualité du
fait de la montée en puissance de l’intégrisme religieux. Tout au plus, un
détour dans l’histoire constitutionnelle du continent rend intéressante une
telle étude. L’Afrique est en effet, la terre de toutes les expériences 17 qui pour
l’essentiel sont malheureuses. Après avoir souffert de l’esclavage 18, de la
colonisation19, de la misère et du malheur20, l’Afrique a aussi fait face au
présidentialisme21 à outrance dont le trait caractéristique était la toute-
puissance du président de la République. Loin d’établir l’équilibre entre la
liberté et l’autorité, le droit en vigueur durant les trois première décennies
postindépendance a plutôt tenu à placer le chef de l’Etat au centre de tout22
quitte à minorer les droits fondamentaux des citoyens et les valeurs de la
société. Il a donc fallu attendre le début des années 1990 pour qu’on assiste
au renouveau constitutionnel caractérisé par la célébration du
constitutionnalisme libéral et proche des valeurs divines.
Loin d’insister sur le renouveau constitutionnel, la présente réflexion
entend néanmoins l’analyser à partir du positionnement ou de la
considération dont bénéficie le divin dans les lois fondamentales africaines.
Il est donc permis de s’interroger sur la place réelle du Divin dans les ordres
constitutionnels africains. Autrement dit, quelle est la place de Dieu dans les
Constitutions des Etats d’Afrique noire francophone ? Le constat qui se
dégage à la lecture des textes constitutionnels africains est que le Divin est
au centre des préoccupations constitutionnelles. En effet, plusieurs textes
constitutionnels s’illustrent par l’invocation de Dieu dans les
Constitutions (I) et surtout par la protection de la croyance en Dieu (II).
17
C. ELOM NNANGA, « La pratique du droit et le respect de la loi de Dieu pour un
développement durable en Afrique », Revue d’éthique et de théologie morale, n°
248, vol. 1, 2008, p. 79.
18
C. ELOM NNANGA, « La pratique du droit et le respect de la loi de Dieu pour un
développement durable en Afrique », op. cit., p. 79.
19
Idem.
20
Idem.
21
J. GICQUEL, « Le présidentialisme négro-africain : le cas du Cameroun ». In le
pouvoir Mélanges offerts à Georges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977, p. 701-725.
22
G. CONAC, « Portrait du chef d’Etat », Pouvoirs, n° 25, 1985, p. 121.
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A. L’invocation expresse
Il y a invocation expresse lorsque les Constitutions font clairement
allusion au nom de Dieu dans leurs dispositions. C’est le cas dans
l’aménagement du pouvoir (1) et dans la définition de la forme de l’Etat (2).
23
G. BURDEAU, Traité de Science politique. Le Statut du pouvoir, Paris, LGDJ,
1969.
24
F. BORELLA, Eléments de Droit Constitutionnel, Paris, Presses de Sciences Po,
2008, p. 168.
25
M. PRELOT et J. BOULOUIS, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 6e éd.
Paris, Dalloz, 1975, p. 32.
26
Idem.
27
J.-M. BIKORO, thèse précitée, p. 203.
28
Art. 37 de la Constitution.
29
Art. 50 de la Constitution.
30
Art. 53 de la Constitution.
31
Art. 38 de la Constitution.
422
Dieu dans les Constitutions africaines
32
Lire la décision de la Cour constitutionnelle du Bénin.
33
J.-M. BIKORO, thèse précitée, p. 203.
34
Idem.
35
F. BORELLA, Eléments de droit constitutionnel, op. cit. p. 168.
36
M.-A. COHENDET, Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2015, p. 65.
37
Idem.
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38
L. COTE, L’Etat démocratique. Fondements et défis, Québec, Presses de
l’Université de Québec, 2008, p. 91.
39
Lire le préambule de la Constitution gabonaise.
40
E.-S. MVAEBEME, La République en Droit Public camerounais. thèse de doctorat
Ph. D en Droit Public, Université de Yaoundé 2, 2017, p. 52.
41
Idem.
42
P. COURTOT, « La portée de réviser la forme républicaine du gouvernement »,
RRJ, n°4, 2004, p. 1744.
43
E.-S. MVAEBEME, La République en Droit Public camerounais, op. cit. p. 54.
44
Idem.
424
Dieu dans les Constitutions africaines
La question qu’on peut se poser est de savoir si l’Etat qui se déclare être
laïc dans sa Constitution ignore le divin. A cette interrogation, on peut
affirmer que certes, la laïcité repose sur l’idée de la neutralité de l’Etat45 mais
sa consécration induit une prise en compte importante de Dieu dans l’Etat.
En effet, à travers la consécration de la laïcité, il faut entrevoir dans un
premier temps, la volonté de l’Etat ou du constituant de protéger la liberté
d’exercice des cultes46. En d’autres termes, en consacrant ce principe, les
textes constitutionnels protègent la liberté pour chaque citoyen de servir son
Dieu. Dans un second temps, on peut analyser la consécration de la laïcité
comme une volonté de faire prospérer la tolérance et le respect des
croyances47. La laïcité est ainsi une valeur de la République et constitue à
l’époque contemporaine une valeur reconnue48.
D’un point de vue quantitatif, quasiment toutes les Constitutions
d’Afrique noire francophone ont opté pour la laïcité de l’Etat. A titre
d’illustration, la Constitution congolaise du 6 novembre 2015 dispose que
« La République du Congo est un Etat (…) laïc »49. On peut identifier une
disposition analogue dans les textes constitutionnels du Cameroun50, du
Burkina-Faso51, de la Côte-d’Ivoire52, de la Guinée53 ou encore du Sénégal54.
Loin d’être exhaustif, ces illustrations témoignent de la volonté du
constituant de protéger la croyance en Dieu et surtout de permettre à chaque
citoyen de croire au Dieu de son choix et selon ses convictions.
A côté de l’Etat laïc qui fait l’objet d’une quasi généralisation, on retrouve
aussi en Afrique, la catégorie de l’Etat confessionnel. Il s’agit en fait de
l’opposé de l’Etat laïc. En effet, autant l’Etat laïc est neutre, autant l’Etat
confessionnel a la particularité de prendre position en faveur d’une religion.
C’est le cas de la Constitution mauritanienne qui donne à cet Etat
45
D. KOUSSENS, « L’Etat français et l’expression des convictions religieuses : entre
neutralité confessionnelle et neutralité référentielle », Politiques et Sociétés, n° 3,
vol. 29, 2010, p. 41.
46
S. GUERARD, « La liberté religieuse dans les lieux publics », CRDF, n° 4, 2005,
p. 51.
47
A. BERGOUNIOUX, « La laïcité, valeur de la République », Pouvoirs, n° 75, 1995,
p. 18.
48
Ibid., p. 17.
49
Art. 1er de la Constitution du 6 novembre 2015.
50
Art. 1er alinéa 2 de la Constitution du 18 janvier 1996.
51
Art. 31 de la Constitution.
52
Art. 49 de la Constitution du 8 novembre 2016.
53
Art. 1er de la Constitution.
54
Art. 1er de la Constitution.
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B. L’invocation tacite
Les Constitution africaines, sans faire référence à Dieu mentionnent dans
plusieurs dispositions, le vocable religion. C’est le sens qu’il convient de
donner à l’invocation tacite de Dieu dans les lois fondamentales africaines.
En effet, dans les textes constitutionnels des Etats d’Afrique noire
francophone, on peut faire le constat de la reconnaissance des communautés
religieuses (1) et l’attribution des missions aux communautés en
question (2).
55
Art. 1er de la Constitution.
56
Idem.
57
Idem.
58
D. ROUSSEAU, « Questions de Constitution », Politique et Sociétés, vol. 19, n° 2-
3, 2000, p. 13.
59
F. DELPEREE, « Les rayons et les ombres de la Constitution », op. cit., p. 584.
60
Idem.
426
Dieu dans les Constitutions africaines
61
Idem.
62
L.-P. RAYNAULT-ALLU et G. ZUCCHI, « Droit et religion. Concepts de religion
dans le droit. Etude éclectique des approches juridiques à la défense et au droit à la
liberté de religion », RJT, n° 46, vol. 3, 2013, p. 655.
63
Idem.
64
L.-P. RAYNAULT-ALLU et G. ZUCCHI, « Droit et religion. Concepts de religion
dans le droit. Etude éclectique des approches juridiques à la défense et au droit à la
liberté de religion », op. cit., p. 659.
65
Art. 1er alinéa 13 de la Constitution.
66
Idem.
67
Art. 23 de la Constitution du 11 décembre 1990.
427
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68
Art. 14 de la Constitution.
69
L.-P. RAYNAULT-ALLU et G. ZUCCHI, « Droit et religion. Concepts de religion
dans le droit. Etude éclectique des approches juridiques à la défense et au droit à la
liberté de religion », op. cit., p. 659.
70
E. TAWL, « Les relations conventionnelles entre l’Etat et les confessions
religieuses en Italie », CRDF, n° 4, 2005, p. 151.
71
Idem.
72
Idem.
73
Art. 14 de la Constitution du 11 décembre 1990.
428
Dieu dans les Constitutions africaines
74
Idem.
75
Idem.
76
Art. 10 de la Constitution du 8 novembre 2016.
429
Cyrille Monembou
77
P. ARDANT, « Les Constitutions et les libertés », Pouvoirs n° 84, 1998, p. 61.
78
Lire dans ce sens, l’article 16 de la déclaration universelle des droits de l’homme
et du citoyen de 1789.
79
L. FAVOREU et al., Droit des libertés fondamentales, 4e éd., Paris, Dalloz, coll.
Précis. Droit public, Science politique, 2007, p. 127.
80
J. OWONA, Droit constitutionnel et régimes politiques africains, Paris, Berger-
Levrault, 1985, p. 225.
81
G. KOUBI, « La liberté de religion entre liberté individuelle et revendication
collective », Les cahiers du Droit, n° 4, vol. 40, 1999, p. 722.
82
Ibid. p. 723.
83
B.-R. GUIMDO DOGMO, « Réflexion sur les assises juridiques de la liberté
religieuse au Cameroun », Les cahiers du droit, n° 4, vol. 40, 1999, p. 801.
430
Dieu dans les Constitutions africaines
conditions fixées par la loi »84. Elle ajoute que « toute forme d’intégrisme
religieux et d’intolérance est interdite »85. Dans la même logique, la
Constitution congolaise du 6 novembre 2015, après avoir consacré la liberté
religieuse dispose que « toute manipulation, tout embrigadement des
consciences, toutes sujétions philosophique, politique sectaire sont interdites
et punies par la loi »86. Enfin, sans retenir la même formulation, le texte
constitutionnel malien pose que « toute personne persécutée en raison de ses
convictions politiques ou religieuses, de son appartenance ethnique, peut
bénéficier du droit d’asile en République du Mali »87. Il y a comme une
extension de la liberté religieuse aux étrangers.
Dans les autres Constitutions, la liberté religieuse est consacrée sans que
soient pris en compte les cas d’intégrisme religieux. C’est le cas de la
Constitution béninoise du 11 décembre 1990 qui indique que « toute
personne a droit à la liberté (…) de religion »88. Sans retenir la même
formulation, la Constitution congolaise du 6 novembre 2015 s’inscrit dans
cette logique en précisant que « la liberté de croyance et la liberté de
conscience sont garanties »89. On retrouve une disposition consacrant la
liberté religieuse dans les textes constitutionnels du Cameroun90, du Gabon91
et du Sénégal92.
Enfin, il convient d’indiquer que dans les Constitutions africaines, on
note une adhésion aux grands textes internationaux relatifs aux droits de
l’homme en l’occurrence, ceux qui consacrent la liberté religieuse. A travers
cette internationalisation de la protection des droits fondamentaux93, on peut
aussi percevoir une volonté de protéger et de faciliter la croyance en Dieu. Il
en ressort que la croyance en Dieu n’est pas banalisée dans les Etats
d’Afrique noire francophone. En effet, l’affirmation de la neutralité de l’Etat
est en corrélation avec la consécration de la liberté religieuse. De sorte que
chaque citoyen est libre d’y croire seul ou en communion avec un groupe de
84
Art. 10 alinéa 1er de la Constitution du 31 mars 2016.
85
Art. 10 alinéa 2 de la Constitution du 31 mars 2016.
86
Art. 24 de la Constitution du 06 novembre 2015.
87
Art. 12 de la Constitution.
88
Art. 23 de la Constitution du 11 décembre 1990.
89
Art. 24 alinéa 1er de la Constitution du 6 novembre 2015.
90
Lire le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996.
91
Art. 1er alinéa 13 de la Constitution.
92
Art. 8 de la Constitution.
93
A. ONDOUA, « L’internationalisation des Constitutions en Afrique subsaharienne
francophone et la protection des droits fondamentaux », RTDH, n° 98, 2014, p. 442.
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citoyen. D’ailleurs, les lois fondamentales n’ont pas hésité à proscrire les
discriminations fondées sur la religion.
94
Art. 4 de la Constitution du 8 novembre 2016.
95
Lire le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996.
96
Art. 2 de la Constitution.
97
Art. 1er de la Constitution.
98
Art. 2 de la Constitution.
99
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, Paris, Armand Colin,
2001, p. 158.
100
Idem
101
Idem.
102
Idem
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Dieu dans les Constitutions africaines
103
F. LUCHAIRE, La protection constitutionnelle des droits et libertés, Economica,
1987, p. 501.
104
G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme. op. cit., p. 160.
105
A.-D. OLINGA, « Vers une garantie constitutionnelle crédible des droits
fondamentaux », op. cit., p. 331.
106
Préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
107
Idem.
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naissance, sont prohibées »108. C’est ce qui est également prévu dans les
Constitution du Burundi109, du Mali110 ou encore de la Guinée111. La volonté
de protéger la croyance en Dieu est clairement affirmée. D’ailleurs, pour
prolonger son action, le constituant a posé les bases de la garantie de ce
droit.
108
Art. 1er alinéa 3 de la Constitution.
109
Art. 13 de la Constitution.
110
Art. 2 de la Constitution.
111
Art. 1er de la Constitution.
112
Le juge judiciaire fait aussi partie des organes qui assurent la protection des droits
et libertés et peut être mobilisé en matière de garantie de la liberté religieuse. D’un
point de vue théorique, il est non seulement le gardien de la liberté individuelle mais
aussi du droit de propriété. La liberté religieuse ayant d’abord une dimension
individuelle, il n’est pas exclu que le juge judiciaire intervienne pour s’opposer à
toute forme d’atteinte. Tout au plus, il peut intervenir pour réprimer toute situation
de voie de fait ayant une coloration religieuse et garantir ainsi le droit reconnu aux
citoyens par la Constitution. Cependant, la dimension publiciste de l’étude nous a
conduits à insister davantage sur le rôle du juge constitutionnel et du juge
administratif.
113
Sur l’Etat de droit en Afrique, lire utilement : L. DONFACK SORENG, « L’Etat de
droit en Afrique », Afrique Juridique et Politique Revue du CERDIP, vol. 1, n° 2,
2002, p. 87-125 ; J.-L. ESSAMBO KANGANSHE, « Regard sur l’Etat de droit dans la
Constitution du 4 avril 2003 », Revue Juridique justice, Science et paix, n° 1, 2001 ;
F. MELEDJE DJEDJRO, « L’Etat de droit, nouveau nom du constitutionnalisme en
Afrique ? Réflexions sur les voyages d’un concept symbolique », F. J. AÏVO (dir.),
La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ?
L’Harmattan, 2014, p. 587-605.
434
Dieu dans les Constitutions africaines
partie de ce que Michel Troper appelle « l’Etat de droit matériel »114 c’est-à-
dire « un Etat tenu de respecter des prescriptions fondamentales, notamment
des règles énoncent des principes matériels de justice ou proclameraient des
droits fondamentaux »115. Il est important de relever que la finalité suprême
de l’Etat de droit est la garantie des droits et libertés des citoyens116, c’est
d’ailleurs ce qui a fait dire à Jacques Chevallier que l’Etat de droit a « un
soubassement libéral »117. Dans la construction de l’Etat de droit, il a été
démontré que les formes de régime l’ayant précédé étaient peu soucieuses
du respect des droits des citoyens. De l’Etat de police à la monarchie
absolue, en passant par l’Etat légal, les citoyens étaient laissés voire,
abandonnés au bon vouloir des autorités détentrices du pouvoir.
C’est contre le pouvoir arbitraire et autoritaire qu’a été élaborée la théorie
de l’Etat de droit. L’Etat de droit dérive d’une méfiance118 de ses théoriciens
vis-à-vis du pouvoir politique et son système oppressif. Dès l’Ancien régime,
la pensée philosophique va essayer de concevoir l’Etat, comme le fruit d’une
convention conclu par les hommes et qui assigne à l’Etat pour finalité, la
sécurité de l’ensemble des citoyens. En contrepartie, les citoyens s’engagent
à se soumettre au pouvoir. Il s’agit d’une conception de l’ordre politique qui
repose sur l’idée de consentement, et qui vise à protéger les citoyens contre
l’oppression du pouvoir politique. C’est dans le prolongement de cette
conception que vont s’inscrire les révolutionnaires de 1789. En effet, ceux-ci
vont « proclamer les droits inaliénables de l’homme face au pouvoir et
soumettre l’exécutif à la volonté de la Nation »119 .
Parce qu’il s’oppose à l’Etat despotique, l’Etat de droit offre de réelles
garanties à la protection des droits et libertés des citoyens. Il aboutit à un
encadrement de l’activité des autorités étatiques par le droit, et à une
soumission de celles-ci au droit dans leurs rapports avec les administrés. Le
but du droit étant la sécurité juridique, c’est davantage dans un Etat de droit
que cette sécurité est garantie. Les citoyens sont à l’abri à la fois, contre les
abus du pouvoir et contre l’abus de certains citoyens. C’est pour cela que
l’Etat de droit inspire à l’égard des individus, un sentiment de confiance.
D’un point de vue théorique, il convient de préciser qu’à l’époque
contemporaine, le juge constitutionnel se présente comme le garant par
114
M. TROPPER, « Le concept d’Etat de droit », Droits, n° 15, p. 58.
115
Ibid.
116
J. CHEVALLIER, L’Etat de droit, op. cit., p. 56.
117
Ibid., p. 54.
118
J. CHEVALLIER, L’Etat de droit, op. cit., p. 54.
119
Déclaration citée par J. CHEVALLIER : op. cit., p. 55.
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120
P. JAN, « Le conseil constitutionnel », Pouvoirs, n° 99, vol. 4, 2001, p. 72.
121
Idem.
122
La protection organisée de la Constitution est essentiellement juridictionnelle et
subsidiairement politique. Mais elle n’a pas l’exclusivité de la protection, car, à côté
de la protection organisée, il existe une double protection inorganisée : la résistance
à l’oppression et la révolution. Lire G. BURDEAU, Traité de science politique.
T. IV, LGDJ, 1969, p. 299.
123
O. GOHIN, Droit constitutionnel, Paris, Litec, 2010, p. 170.
124
M. TROPER, op. cit., p. 58.
125
J. CHEVALLIER, op. cit., p. 88.
436
Dieu dans les Constitutions africaines
126
G. BURDEAU, op. cit., p. 368.
127
Ibid.
128
Art. 117 de la Constitution du 11 décembre 1990.
129
Art. 84 de la Constitution.
130
G. LEISNER, « l’Etat de droit .Une contradiction », Hommage à Charles
Eisenmann, p. 67.
131
J. CHEVALLIER, L’Etat de droit, op. cit., p. 77.
132
Idem.
133
Ibid.
437
Cyrille Monembou
134
Idem.
135
D. LOCHAK, « Le droit administratif, rempart contre l’arbitraire ? », op. cit.,
p. 43-44.V. également G. BIGOT, « Les mythes fondateurs du droit administratif »,
op. cit. ; J. CHEVALLIER, « Le droit administratif, droit de privilège ? », op. cit.
136
L.-P. GUESSELE ISSEME, L’apport de la Cour Suprême au Droit administratif
camerounais, Thèse de doctorat en droit public, Université de Yaoundé 2, 2010,
p. 537.
137
Idem.
138
Art. 40 de la Constitution du 18 janvier 1996.
139
Art. 74 de la Constitution.
438
Dieu dans les Constitutions africaines
140
Art. 115 de la Constitution du 31 mars 2016.
141
Art. 149 de la Constitution du 8 novembre 2016.
142
A.-G. EWANE BITEG, La question préjudicielle en contentieux administratif
camerounais. Mémoire de DEA en droit public, Université de Yaoundé II, 2011,
p.11.
143
J. OWONA, Le contentieux administratif de la République du Cameroun. Paris,
L’harmattan, 2011, p. 47.
439