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La fable de Lafontaine a de multiples interprétations, mais celle que j'ai choisie pour ce court essai est

celle de l'inégalité et de son rapport avec les pouvoirs de l'État. La séparation des pouvoirs a été un
thème fondamental pour la construction de la science politique, en particulier dans le contexte
français: Montesquieu dans L'Esprit des lois (1748) a mis les bases de ce que nous connaissons
aujourd'hui comme le pouvoir législatif (chargé de produire les lois), le pouvoir exécutif (chargé du
monopole de la violence ou de la coercition légitime) et le pouvoir judiciaire (juger et résoudre les
conflits de diverses natures sur la base du droit).

Beaucoup de critiques à l'égard de l'État et de sa forme d'organisation découlent de la prétendue


«objectivité » de cette séparation. Intitulé « checks and balances » aux États-Unis ; quand on étudie la
structure de l'État, il semble clair que la personne est protégée contre les infractions d'autrui, ainsi que
contre les infractions de l'État lui-même. Cependant, ce qui est de jure ne l'est pas toujours de facto;
les relations de pouvoir jouent un rôle fondamental dans l'explication des inégalités vis-à-vis des
institutions. Comme le suggère Lafontaine dans la fable, les associations humaines ne sont pas de
simples contacts « neutres » : le pouvoir des uns (le lion) favorise le culte des autres (le renard), soit
par instinct de survie, soit par culte du pouvoir. Et, ce qui est plus important, ceux qui ne font pas
partie du pouvoir, sont exclus du privilège devant les institutions (l'âne). De cette façon, la métaphore
indique que la justice, aussi impartiale soit-elle (rappelons-nous l'image traditionnelle de la justice aux
yeux bandés) a souvent des préjugés, et ces préjugés ne sont pas n'importe lesquels.

Lorsqu'en Espagne – mon pays – on a jugé une grande corruption de politiciens ou d'hommes
d'affaires puissants; des nombreux médias sont réduits au silence, les partisans reprochent au parti
adverse d'être également impliqué dans la corruption, même de nombreux électeurs sont capables
d'ignorer les faits pour ne pas remettre en question ou changer leurs attitudes politiques. Cependant,
lorsque l'État-providence doit agir, c'est-à-dire, lorsqu'il doit subvenir aux besoins de ceux qui ont le
moins, non seulement il échoue lamentablement dans certains cas, mais des mouvements sociaux
entiers se produisent pour protester contre une telle disposition. Bien que ces mouvements viennent
généralement (quelle surprise !) des « lions » et des « renards », en particulier des lions et des renards
d'extrême droite, on trouve des publicités dans le métro de Madrid pour protester contre le fait que
l'État espagnol fournit un logement, de la nourriture et une éducation aux MENA (Mineurs Étrangers
Non Accompagnés) –nos ânes.

Ainsi, dans une démocratie fonctionnelle, prospère mais encore pleine de fissures, les ânes se battent
pour leurs droits avec le peu de voix qu'ils ont, et pendant ce temps, les lions et les renards gagnent et
crachent, comme des brutes, sur des personnes dans le besoin –comme des enfants venus dans un
esprit pacifique.

Fournisseur pour droits solidarité.

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