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i

UNIVERSITE PROTESTANTE AU CONGO


FACULTE DE DROIT
Département de Droit Economique et Social
BP. 4745 KINSHASA II
Kinshasa-Lingwala

LA PROCEDURE DU REGLEMENT PREVENTIF COMME


MECANISME DE PREVENTION DES DIFFICULTES DES
ENTREPRISES EN DROIT DE L’OHADA

Par :
KIALU NKULU Juska
Graduée en Droit

Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention


du grade de Licencié en Droit.

Directeur : SAKATA M. TAWAB Garry


Professeur Ordinaire
Rapporteur : ENGWANDA ADJUBA Wickler
Chef de travaux

ANNEE ACADEMIQUE : 2022-2023


ii

DÉDICACE

A mes parents, Monsieur KAWAYA NKULU Justin et Madame


MUTONKOLE NGOY Aline.
A mes frères et soeurs. Pour leur indéfectible sollicitude et leur dévouement à
mon égard.
iii

REMERCIEMENTS

Au moment où ce travail arrive à terme, il m'importe


particulièrement d'adresser ma très vive reconnaissance à tous ceux dont le
concours a été d'un apport précieux pour sa réalisation.
Ainsi, ma gratitude va d'abord à l'endroit du Professeur Garry
SAKATA M .TAWAB, pour sa disponibilité constante malgré ses multiples et
lourdes occupations. J’ai bénéficié de ses sages conseils et de sa grande
sollicitude.
Ma gratitude s’adresse ensuite à l’assistant Yannick EBONZO
MPUTU qui n'a ménagé aucun effort pour diriger ce travail et dont la
disponibilité, l'expérience, les conseils et les critiques toujours bienveillants
m'ont été d'un profit inestimable.
J'exprime également ma reconnaissance à Monsieur Eric
NZEMBELA, pour ses conseils et son soutien permanent à mon endroit.
A mes très chers (e)s collègues et ami(e)s, votre amour, votre
aide et votre affection m’ont été bénéfiques.
A vous qui étiez toujours avec moi pour m’encourager, me
donner des bonnes initiatives pour l’évolution de mes études, à vous qui m’aidez
moralement et financièrement dans mes objectifs à atteindre.
Enfin, je pense à toutes les autres personnes, qui de près ou de
loin, ont contribué à son aboutissement.
KIALU NKULU Juska
iv

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Al. : Alinéa.
Art. : Article.
A.U . : Acte uniforme.
AUPC : Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif.
AUSCGIE : Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
Groupement d’intérêt économique.
AUDCG : Acte uniforme relatif au droit commercial général.
E : Economica.
Éd : Edition.
Ibidem : Au même endroit.
N° : Numéro.
OHADA : Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires.
Op. Cit. : Opere citatere (cité plus haut).
P. : Page.
Pp : Page .
Préc. : Précité.
PUA : Presse universitaire d'Afrique.
RCCM : Registre du commerce et du crédit mobilier.
RDC : République démocratique du Congo
TFC : Travail de fin de cycle.
TPI : Tribunal de première instance.
U.A. : Union Africaine.
UPC : Université Protestante au Congo.
v
1

INTRODUCTION
I. Problématique
Les entreprises sont des structures commerciales, qui, comme tout
être humain, naissent, vivent et meurent.1
Elles s’épanouissent sans encombre mais, elles sont souvent
victimes de pathologies c’est-à-dire, elles peuvent rencontrer de multiples
situations difficiles qui, si elles ne sont pas surmontées, peuvent les conduire à
leur disparition.2
En effet, l'activité des acteurs économiques a des répercussions
financières sur leur entourage familial et professionnel spécialement leurs
partenaires d'affaires avec lesquels ils nouent des relations contractuelles de façon
habituelle ou occasionnelle.3
Les signes visibles de ces difficultés sont extrêmement variés et
vont depuis leur apparition jusqu’aux reports d’échéances, un règlement tardif des
impôts, taxes, et cotisations sociales, l’inscription de privilèges de protêts, un
recours permanent au découvert bancaire, ou encore des cessions d’actifs, une
paralysie des organes des gestions etc. Chacune des causes spécifiques entraîne son
lot de conséquences, et l’accumulation des facteurs d’aggravation financière et
sociale désespérée.4
S’il arrivait que pour diverses raisons , une entreprise commerciale
se retrouvait dans une situation irréversible dans laquelle elle n’arrivait plus à
honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers et perdait ainsi la confiance
des personnes avec lesquelles , elle est censé interagir dans l’exercice de son
commerce, elle serait obligée de recourir à toutes les solutions disponibles , afin

1
https://guilaw.com cour commune de justice et d’arbitrage, chambre 3, Arrêt N °098 -2016 du 02 juin 2016 »
consulté le 3 juillet 2023.
2
EBONZO MPUTU (Y.), Analyse des procédures préventives en droit des entreprises en difficulté issues de l’OHADA,
mémoire de D.E.S ,UNIKIN, Kinshasa,2021, p. 1.
3
Ibidem.
4
MUKUKU MALEKELELE (E .), Le Règlement préventif comme solution à la dissolution de l’entreprise en difficulté,
travail de fin de cycle en D.E.S ,UPC, Kinshasa, 2020 ,p.2.
2

d’éviter que ses créanciers , ou l’Etat lui-même la force à mettre la clé à la porte
c’est-à-dire enclencher la procédure pour la dissolution. 5
Les conséquences économiques et sociales de l’ouverture des
procédures collectives à l’égard d’une entreprise en difficulté peuvent s’avérer
désastreuses, autant pour les débiteurs que pour les créanciers. Pour éviter cela, il
faut en amont, être en mesure de détecter à temps les difficultés de l’entreprise, car
la détection précoce des difficultés est le préalable à toute recherche de solution. 6
La détection efficace suppose que l’on connaisse les origines ou les
causes des difficultés des entreprises ,leurs manifestations et le déclenchement de
la procédure d’alerte ainsi que les moyens d’y faire face avant l’ouverture des
procédures collectives lorsque la situation de l’entreprise n’évolue pas. 7
Ces procédures collectives constituent donc le traitement prescrit
aux entreprises en difficulté. C’est l’ensemble des mécanismes juridiques
permettant de réunir les créanciers en vue de régler les difficultés financières et
économiques de leur débiteur. Ces procédures sont dites collectives en ce qu’elles
conduisent à réunir les créanciers en une masse d’une part et en ce qu’elles visent à
satisfaire collectivement les intérêts mis en péril par les difficultés de l’entreprise
débitrice d’autre part.8
Celles-ci comprennent d’une part, les procédures de prévention des
difficultés tendant à éviter la cessation de paiements il s’agit à cet effet, de la
procédure de conciliation9 et celle du règlement préventif. D’autre part, les
procédures curatives ou de traitement des difficultés à savoir, le redressement
judiciaire10 et la liquidation des biens.
5
BASHI RUDAHINDWA (J.), Notes du cours de droit commercial général, éd..justou, Kinshasa 2019, p.111.
6
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.1.
7
FILIGA SAWADOGO(M.), droit des entreprises en difficultés Bruylant, Bruxelles, 2002, p.25
8
FIDEGNON (J .), Le règlement des procédures collectives par le tribunal de première instance de première classe de
Cotonou, mémoire de fin du cycle 2 ,UAC ,2011,p.17.
9
Pour plus de commentaires à ce sujet, lire EBONZO MPUTU (Y.), « Brève esquisse de la procédure de conciliation
en droit des entreprises en difficulté issue de l’OHADA : Approche doctrinale et jurisprudentielle », in Cahiers
Africains des Droits de l’Homme et de la Démocratique ainsi que du Développement Durable, 25ème année, n°073,
volume 2, Octobre-Décembre 2021, Kinshasa, p.56.
10
EBONZO MPUTU (Y.), « La procédure de redressement judiciaire en droit des entreprises en difficulté issue de
l’OHADA : entre sauvetage et intervention agonisante », in Cahiers Africains des droits de l’homme et de la
démocratie ainsi que du développement durable, 26ème année, n° 77, volume 2, octobre -Décembre,2022, Kinshasa,
3

S’agissant de règlement préventif, qui fait l’objet de la présente


analyse est définit aux termes de l’article 2 alinéa 2 de l’AUPC comme étant :« une
procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des paiements de
l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un
concordat préventif ».11
On parle de prévention lorsque l’entreprise traverse des moments
difficiles mais elle n’est pas en cessation des paiements, elle essaie d’anticiper de
manière préventive afin d’éviter la cessation des paiements ou même avant
l’avènement d’un événement malheureux.12
Le terme « entreprise en difficulté » est celle qui présente quelques
indices de défaillance et celle qui est complètement en cessation de paiement. En
d’autre termes, c’est une entreprise soumise à une procédure collective ou dont
l’activité est arrêtée en attente de sa liquidation c’est-à-dire, une entreprise qui
n’arrive plus à faire face à ses engagements, mieux à payer ses dettes 13.
Pour Michel LE CANNU, ce concept suppose que l’entreprise a
cessé de fonctionner dans une perspective de développement, voire de survie.
Parfois, en fonction du contexte économique national ou
international, les entreprises peuvent passer des résultats florissants à une situation
de fragilité puis à la cessation des paiements et d'activités. 14
Le droit de l'OHADA retient une définition restrictive de
l'entreprise en difficulté dans le cadre d'ouverture des procédures collectives en
s'en tenant aux notions de cessation des paiements et de la situation difficile. 15
C'est donc dans cette logique que le législateur de l'OHADA a
instauré les procédures de prévention tendant à éviter la cessation des paiements..

p, 48.
11
Article 2al.2 de l’AUPC.
12
GUYON (Y.), Droit des affaires 2 : Entreprises en difficulté : Redressement judiciaire, faillite, économica, Paris, 7
ème
éd .n°1031.
13
KOM(J.) ,Droit des entreprises en difficulté OHADA : prévention –traitement- sanction,PUA ,Yaoundé ,2013 ,p.13.
14
Idem,p.14 .
15
Idem,p.15.
4

Cependant, lorsqu'une entreprise connait des difficultés, elle peut


tenter de les résoudre en recourant aux solutions extrajudiciaires et / ou aux
solutions judiciaire. Mais, plus les difficultés sont graves, plus le recours aux
solutions judiciaires peut s'avérer incontournable. Et dans ce cas, elle pourra
recourir aux solutions nécessitant l'intervention judiciaire, soit à la procédure de
conciliation, soit à celle du règlement préventif en se basant sur la gravité des
difficultés qu'elle traverse16.
Au regard de tout ce qui précède, nous vient à l’esprit les questions des faisabilités
suivantes :
 Quelles sont les conditions d’ouverture de la procédure du règlement
préventif ?
 Quels en sont les effets ?
I. Hypothèse
Lorsque les difficultés menacent de manière inquiétante
l’avenir de l’entreprise, il peut être salutaire de placer celle-ci « sous assistance de
justice ». Cela peut en effet, lui éviter le danger que représente l’état de « cessation
des paiements » tout en lui offrant la possibilité de résoudre ses difficultés. Mais, si
« les chances de redressement de l’entreprise dépendent pour une grande part de
l’intérêt que trouve le débiteur dans la procédure », il est cependant important de
remarquer que le bénéfice de la protection judiciaire est subordonné à la réunion
des conditions aussi bien de fond que de forme.
Pour les conditions de fond de l’ouverture de la procédure du
règlement préventif, ces dernières sont tout d’abord relatives aux entreprises
éligibles à la procédure du règlement préventif et les entreprises exclues. Ensuite,
aux difficultés qui frappent ces dernières.
Ainsi, pour les conditions de forme, elles sont donc relatives à la
demande introductive et au dépôt du dossier et de l’offre du concordat préventif.

16
Ibidem .
5

Quant aux effets, l’acte uniforme distingue les effets relatifs à


l’ouverture de la procédure du règlement préventif, des effets relatifs à
l’ordonnance qui homologue le projet du concordat préventif.
II. Choix et intérêt du sujet
Le choix que nous portons sur ce sujet, repose sur le fait que
l’actualité sociale et économique du pays est dominée par un problème d’ignorance
des règles relatives aux procédures collectives d’apurement du passif et par un
problème de vulgarisation. Nous voulons donner une marche à suivre aux
entreprises qui ont des difficultés et qui croient que plus rien ne sera possible, de
pouvoir sauver ces entreprises. Nous avons choisi cette étude parce que nous avons
compris l’importance capitale des entreprises dans le monde actuel.
III. Méthodes et techniques de recherche
a. Méthodes
Le concept méthode vient de deux mots grecs meta : suivant et
hodo : chemin, passage, donc « chemin suivant lequel ».
Une méthode est le cheminement cohérent de la pensée humaine en
vue de donner une solution définitive à une question de fond. 17
Ainsi, nous avons fait recours à deux types de méthodes :
 La méthode juridique, qui consistait à recourir aux différents textes de
lois qui cadrent avec notre sujet.
 La méthode exégétique, qui nous a permis à interpréter ces différents
textes. Interpréter un texte revient à dégager le sens exact et le contenu
réel de la règle de droit devant une situation donnée.
b. Technique
Pour notre travail, nous avons recouru à la technique documentaire
qui consistait à recourir aux ouvrages, aux notes de cours, aux articles et aux
consultations des sites internet contenant les informations recherchées.
IV. Annonce du plan

17
DJOLI ESENG’EKELI , Droit constitutionnel tome1 : principes fondamentaux , ,Éd .DJES,Kinshasa,2017,p.35.
6

Ce travail comprend deux chapitres successivement consacré aux


conditions d’ouverture de la procédure du règlement préventif (chapitre premier),
aux effets de l’ouverture de la procédure du règlement préventif
(chapitre deuxième).

CHAPITRE I. LES CONDITIONS D’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE


DU RÈGLEMENT PRÉVENTIF

Aux termes de l’article 2 alinéa 2 de l’AUPC : « le règlement


préventif est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des
paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au
moyen d’un concordat préventif 18».
En d’autre terme, « la procédure du règlement préventif permet à
un débiteur d’obtenir la suspension des poursuites individuelles en proposant un

18
Article 2al.2 de l’AUPC.
7

concordat préventif dont le but est d’éviter la cessation des paiements et de


protéger le créancier impayé19 ».
Cette procédure peut être ouverte à l’encontre d’une personne qui
n’a pas nécessairement la qualité requise pour être soumise, à une telle procédure
ou, qui n’est pas nécessairement en état de cessation des paiements. 20
En d’autres termes, Le règlement préventif est ouvert au débiteur
qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés financières
ou économiques sérieuses.21
Cependant, les procédures collectives produisent des conséquences
graves : elles restreignent les droits des créanciers et limitent les pouvoirs du
débiteur. Elles produisent des conséquences économiques et sociales. Dans une
certaine mesure, ce sont des procédures de sacrifice. C'est pourquoi, elles ne
peuvent être ouvertes que si des conditions précises de fond et de forme sont
réunies22.
Section 1 : Conditions de fond
Ces conditions sont tout d’abord, relatives à certains types
d’entreprises et ensuite, aux difficultés qui frappent ces dernières.

Paragraphe I : Entreprises éligibles et exclues


A. Les Entreprises éligibles à la procédure du règlement préventif
L’acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif prévoit en son article 5, deux types des procédures
préventives à savoir, la conciliation et le règlement préventif visant à sauvegarder
les entreprises en difficultés et à apurer leur passif avant la cessation des
paiements23.

19
MUKUKU MALEKELELE( E.) .,op,cit.,p.7.
20
Idem,p.8.
21
Art.6al.1 de l’AUPC.
22
https://biblio.Ohada.org procédure collective d’apurement du passif, formation des magistrats des Cours d’Appel
en Droit de l’OHADA. Consulté le 14 août 2023
23
Art.5 de l’AUPC.
8

A cet effet, toutes les entreprises ne sont pas éligibles à la procédure


du règlement préventif. Mais cependant, le législateur de l’OHADA ressort de
l’article 1-1 de l’AUPC avec précision quelles sont les entreprises éligibles ou
bénéficiaires à la procédure du règlement préventif.
La lecture de l’article 1-1 de l’acte uniforme portant organisation
des procédures collectives d’apurement du passif nous enseigne que : « La
procédure du règlement préventif est applicable à toute personne physique
exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale
ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu’à toute entreprise
publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé »24.
Elle s’applique par ailleurs, aux personnes morales qui exercent
une activité soumise à un régime particulier lorsqu’il n’en est pas disposé
autrement dans la réglementation spécifique régissant ladite activité. 25
Peuvent également bénéficier de la procédure de règlement
préventif. Les personnes morales de droit privé, commerçantes ou non, poursuivant
un but lucratif ou non26.
Il convient enfin de noter que les entreprises ci-dessus doivent faire
l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier au
préalable conformément aux dispositions pertinentes de L’AUDCG et de
l'AUSCGIE pour en être bénéficiaire27.
Ainsi, pour le professeur Y. Guyon, « l’expression personne morale
de droit privé est peu clair, car les frontières entre le droit public et le droit privé
sont assez fluctuantes ». L’objectif poursuivi par le par le législateur de l’OHADA
est très simple, il consiste en réalité d’éviter que cette catégorie d’entreprises ne
s’abrite derrière un statut public. Pour échapper au droit des procédures collectives

24
Art.1-1 Al.1 de l’AUPC.
25
Art.1-1 Al2 de l’AUPC.
26
MESMIN KOUMBA (E.), Droit de l’OHADA : Prévenir les difficultés des entreprises, l’harmattan, Paris, 2013, p.95.
27
Art44, 46 de l’AUDCG et 97, 98 de l’AUSCGIE.
9

d’apurement du passif en général et particulièrement au règlement préventif. Aussi


ces entreprises ne bénéficient pas du principe d’insaisissabilité de leurs biens. 28
B. Les Entreprises exclues de la procédure du règlement préventif
À l’instar de la procédure de conciliation, plusieurs catégories
d’entreprises sont exclues du champ d’application de la procédure du règlement
préventif. Il s’agit en effet :
 Des entreprises dépourvues de la personnalité juridique à savoir :
 La société en participation : « est celle dans laquelle, les associés
conviennent qu’elle n’est pas immatriculée au registre du commerce
et du crédit mobilier. Elle n’a pas la personnalité morale et n’est pas
soumise à publicité »;29
 La société créée de fait : « Elle est définie comme celle dans laquelle
deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent
comme des associés sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés
reconnues par l’acte uniforme 30»;
 La société de fait : « Elle celle dans laquelle deux ou plusieurs
personnes physiques ou morales ont constitué entre elles une société
reconnue par l’acte uniforme mais comporte un vice de formation non
régularisé ou ont constitué entre elles une société non reconnue par le
présent acte uniforme 31»;
 Les sociétés en formation et les sociétés constituées 32;
Dans les hypothèses ci-dessus, le professeur FILIGA SAWADOGO
estime qu’il faudrait rechercher derrière la personne morale, quelles sont les
personnes physiques qui les animent et ce sont ces personnes physiques qui
peuvent être atteinte par la procédure du règlement préventif.
28
Y. GUYON, cité par EBONZO MPUTU (Y.) « Analyse critique de la procédure du règlement préventif en droit des
entreprises en difficulté issue de l’OHADA »,in Cahiers Africains de Droit de l’Homme et de la Démocratie ainsi que
du Développement Durable ,25 ème année, n° 73,volume 3,octobre-décembre 2021,Kinshasa ,p199.
29
Idem , p.77.
30
Art.864 de l’AUSCGIE.
31
Art.865 de l’AUSCGIE.
32
Art .100 et 101 de l’AUSCGIE.
10

 Les entreprises relevant du secteur informel33 ;


 Des entreprises traversant des difficultés avérées et prévisibles. Ces
dernières sont assujetties à la procédure de conciliation conformément à
l'article 5-1 de l'AUPC;
Les personnes morales de droit privé qui exercent une activité
soumise à un régime particulier lorsqu’il n'en est pas disposé autrement dans la
réglementation spécifique régissant ladite activité 34.
Ainsi les activités soumises à un régime particulier 35 au sens du
présent acte uniforme et des textes les régissant sont, notamment, celles des
établissements de crédit au sens de la loi bancaire, des établissements de micro
finance et des acteurs des marchés financier ainsi que celles des sociétés
d'assurance et de réassurance des états parties au traité de l’OHADA.
Ainsi, les sociétés d’assurances et de réassurances qui seraient en
difficulté sur le territoire congolais, ne seront pas assujetties par l’AUPC, mais
plutôt, par la loi n° 15/005 du 17 mars 2015 portant code des assurances36.

Il en est également ainsi, des établissements de crédit qui seraient en


difficulté en RDC, ne seront pas assujettis par l’AUPC, mais plutôt, par la loi
bancaire n°22/069 du 27 décembre 2022 modifiant et complétant la loi n°03/2002
du 02 février 2002 relative au contrôle des établissements de crédit37.
À titre indicatif, l’on peut citer les cas de la BIAC et la FIBANK,
qui subissent à ce jour, la procédure de liquidation, sous la supervision de la
Banque Centrale du Congo.

33
MESMIN KOUMBA (E.),op.cit.p.96.
34
Le principe de l’insaisissabilité des biens publics justifie l’exécution des personnes morales de
droit public du champ d’application des procédures collectives. Pour l’affirmation de ce
principe, voir la CCJA, pourvoi n°013/2003, arrêt du 07 juillet 2005, affaire AZIABLEVI YOVO
et autres contre Société TOGO TELECOM ; Voir aussi ONANA ETOUNDI (F.), Grandes
tendances jurisprudentielles de la CCJA en matière d’interprétation et d’application du droit OHADA
(1997-2010), ERSUMA, 2011, pp. 425 et s.
35
Avis n°02/2000 EP/2000 EP de la CCJA du 26 avril 2000.
36
Loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant code des assurances.
37
Loi n° 22/069 du 27 décembre 2022 modifiant et complétant la loi n°003/2002 du 2 février 2002 relative au
contrôle des établissements de crédit.
11

Enfin, pour les sociétés de micro finance qui seraient en difficulté


en RDC, ne seront pas assujettis par l’AUPC, mais plutôt, par la loi n°11/020 du
15 décembre 2011 fixant les règles relatives à l’activité de la micro- finance en
RDC.38
 Les petites entreprises. En effet, les petites entreprises sont assujetties par
la procédure du règlement préventif simplifié. 39institué par L’AUPC
révisé. Elle est donc une innovation. A titre indicatif ou illustratif, il faut
comprendre par petite entreprise au sens de l'AUPC, « comme toute
entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé
dont le nombre des travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont
le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions(50.000.000) de
francs CFA, hors taxe, au cours des douze(12) mois précédant la saisine
de la juridiction compétente conformément au présent acte uniforme 40».

Paragraphe 2 : Les Types de difficultés que l’entreprise doit traverser


La définition donnée par l'article 2 de l'Acte uniforme relatif aux
procédures collectives montre que cette procédure s'adresse effectivement aux
entreprises connaissant des difficultés financières ou économiques sérieuses.
Dans la pratique par ailleurs, la jurisprudence africaine s'emploie à
clarifier difficilement le contenu de la situation économique ou financière sérieuse
des entreprises41.
Pour prétendre bénéficier de l'ouverture de la procédure de
règlement préventif, selon l'article 6 de l'acte uniforme, l'entreprise doit connaître
« ... une difficulté économique ou financière sérieuse mais sans être en état de
cessations de paiements».
38
Loi n°11/020 du 15 décembre 2011 fixant les règles relatives à l’activité de micro-finance en RDC.
39
Art.24 et suivants de l’AUPC.
40
Art.1-3, tiret 10 de l’AUPC.
41
EBONZO MPUTU (Y.)., op.cit. , p.78.
12

A. Difficultés financières ou économiques sérieuses


A partir de quand peut-on dire qu'une entreprise est dans une
situation économique ou financière difficile mais non irrémédiablement
compromise?
Sur ce point, l'Acte uniforme relatif aux procédures collectives n'est
d'aucun secours, dans la mesure où il ne donne aucune approche juridique
permettant de la cerner42. Selon la doctrine, il s’agit en effet de deux conditions
cumulatives exigées. Les difficultés financières peuvent se traduire sur le plan
monétaire, par une diminution inattendue de l’actif ou une augmentation du passif.
Il peut aussi s’agir d’une entreprise proche de la cessation des paiements compte
tenu de l’importance de la perte d’exploitation de l’encours à payer et de l’exercice
ou non du crédit bancaire.43
Par contre, les difficultés économiques, c’est lorsque l’entreprise
doit s’adapter à une modification du marché 44. En définitive, le concept «
difficultés financières économiques sérieuses » est une notion juridico-économique
qui correspond au constat de la non cessation des paiements et à celui du maintien
des chances de redressement45. Il n’existe pas encore de manifestations
dangereuses telles que l’arrêt matériel des paiements, des protêts et le crédit est
encore conservé par l’entreprise auprès de banques et de fournisseurs46.
L’objectif de la procédure du règlement préventif, est d’offrir à
l’entreprise en difficulté, avant de se trouver en situation de cessation des
paiements, un cadre de discussion avec ses créanciers, pendant le temps nécessaire
de sa restructuration financière et économique.
S'agissant du professeur Dominique VIDAL, il définit l'entreprise
en difficulté en fonction de son fonds de roulement. Il affirme que « si le fonds de
déroulement est supérieur au besoin en fonds de roulement, la trésorerie est
42
Idem, 203.
43
Ibidem.
44
MAMADOU ISMAILA KONATE, Guide des procédures collectives d’apurement du passif en droit OHADA, LGDJ,
Paris, 2019, p. 44.
45
HAEHL (J-P), « Les techniques de renflouement des entreprises en difficulté », BDE, 1981, pp.45-57.
46
EBONZO MPUTU (Y.)., op.cit.p.203.
13

positive et l‘entreprise semble à l'abri de la perspective de cessation des paiements.


A l'inverse, si le besoin en fonds de roulement est supérieur au fonds de
déroulement, la trésorerie de l'entreprise est négative, ce qui signifie que ses
découverts bancaires sont supérieurs à ses avoirs disponibles en banque ou en
caisse; ce n'est pas nécessairement la cessation des paiements, dans la mesure où
l'entreprise pourrait encore faire face.47
C’est malgré tout un signe préoccupant qui implique, à tout le
moins, une décision utile. Au regard des divergences doctrinales sur la définition
du concept « difficultés financières économiques sérieuses » de l’article 6 de l’acte
uniforme sous-examen, qu’en est-il de la jurisprudence ?
Depuis l’adoption et la révision de l’AUPC, certaines juridictions
des États membres de l’OHADA ont motivé le constat du concept « difficultés
financières ou économiques sérieuses» par l’absence de cessation des paiements
avec plus ou moins de rigueur.48
C’est ainsi que le tribunal de première instance d’Abidjan en Côte
d’Ivoire avait admis une société au bénéfice du règlement préventif au motif que :
« La santé financière déplorable de celle-ci a été confirmée par l’expert rapporteur
qui n’a toutefois pas conclu à la possibilité de redressement, qu’elle n’est ni en
cessation des paiements ni en cessation d’activité49 ».
Un an plus tard, le même tribunal revenait sur sa décision,
constatant la cessation des paiements de ladite entreprise, prononçait la résolution
du concordat préventif, en raison de ce qui contrairement à ses allégations, la
société ne disposait d’aucun financement et n’était pas en mesure d’honorer ses
engagements découlant du concordat.
C’est dans ce sens qu’un juge malien, dans une ordonnance de
référé, avait décidé que : « lorsqu’une entreprise à court de trésorerie établit qu’elle
détient plusieurs marchés susceptibles d’assurer sa survie, il y a lieu de lui accorder
47
VIDAL (D.), Droit des procédures collectives GUALINO éditeur, Manuels, Paris, 2006, n°46, p.39.
48
MESMIN KOUMBA (E.), op. cit, p. 100.
49
Jugement n°52/1ère Cp du 25 juillet 2000 du TPI d’Abidjan, règlement préventif de la société AIR CONTINENTAL
sa.
14

le bénéfice de la suspension provisoire des poursuites en vue d’un règlement


préventif50 ».
Ce qui est intéressant dans cette décision, c’est la définition retenue
par le juge africain pour apprécier le concept « difficulté financière de l’entreprise
». En effet, il est désormais acquis qu’une entreprise qui est à court de trésorerie,
rentre dans le périmètre de la situation financière et économique sérieuse mais non
irrémédiablement compromise. Et enfin, contrairement à la doctrine, le concept
situation financière et économique sérieuse ne connait pas nécessairement des
conditions cumulatives, mais plutôt complémentaires évaluées au cas par cas 51.
Ces deux exemples montrent le fait que les juges africains tentent
aujourd’hui, tant mieux que mal, de donner un contenu variable et varié à la notion
de « difficultés financières ou économiques sérieuses ». Encadrée par la loi et
définie par le juge, le concept ci-dessus est une notion à géométrie variable en droit
de l’OHADA. Dès lors, l’on peut légitiment se demander si ce concept permet
véritablement de mettre en marche une thérapie centrée sur une intervention
précoce de l’institution judiciaire ?52
Il sied de constater au regard de ce qui précède, que le critère
d’ouverture de la procédure de règlement préventif est une question épineuse et
peut, à cet égard être identifié comme source de difficulté de l’application et
d’interprétation du règlement préventif.53
B. Absence de la cessation des paiements
Aux termes de l’article 6 de l’AUPC, la procédure du règlement
préventif est ouverte aux entreprises qui connaissent des difficultés financières ou
économiques sérieuses, sans être en état de cessation des paiements.
L’on peut retenir par cessation des paiements au sens de l’article 1-
3 de l’acte uniforme sous-examen comme : « L’état où le débiteur se trouve dans
50
Ordonnance n°135/08 du 6 mars 2008 du président du tribunal de commerce de Bamako portant suspension des
poursuites individuelles dans l’affaire Société Industrielle des produits alimentaires.
51
Ibidem.
52
MESMIN KOUMBA (E.), op.cit., p. 103.
53
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.205.
15

l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à
l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiements dont
le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son
passif exigible 54»
Dans cette deuxième condition aussi importante que la première, le
débiteur tente d’affronter les difficultés de l’entreprise dès la manifestation de leurs
premiers symptômes, afin d’éviter la cessation des paiements. Comme pour le cas
d’une maladie dont l’évolution n’a pas encore atteint une phase critique.
Il s’agit donc de difficultés passagères dont l’accroissement peut
être freiné ou anéanti par une prise en charge efficiente et à bon escient. C'est donc
une notion de droit contrôlée par la juridiction de cassation qui vérifie que les faits
souverainement constatés par les juridictions du fond sont constitutifs de la
cessation des paiements. Elle est définie par l'AUPC comme : « la situation où le
débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif
disponible (article 25) ».
La doctrine estime que cette définition apparemment simpliste,
paraît difficile d’application. En effet, le législateur n’a pas précisé le sens exact de
l’expression « passif exigible ». La créance dont question doit présenter les
caractères certain (l’existence de la créance ne doit souffrir d’aucune contestation),
liquide (le montant de la créance est déterminable en somme d’argent) et enfin,
exigible (le montant de la créance est arrivé à l’échéance, et que le titulaire peut
exiger le paiement immédiat55
Pendant longtemps a prévalu une conception dualiste de la cessation des paiements
distinguant :
 la cessation des paiements ouverte qui se traduit par l'arrêt matériel du
service de caisse, autrement dit le non-paiement d'une ou de plusieurs dettes
54
Art .1-3 de l’AUPC.
55
EBONZO MPUTU Y.) « La procédure de redressement judiciaire de l’entreprise en droit des entreprises en
difficulté issue de l’Ohada : entre sauvetage et intervention agonisante », in cahier Africains de Droit de l’Homme
et de la Démocratie ainsi que du Développement Durable, 26ieme année, n° 77, volume 2, octobre -décembre 2022,
Kinshasa, p.51.
16

certaines, liquides, exigibles, de nature commerciale ou civile, et qui sert à


ouvrir la procédure;
 la cessation des paiements déguisée qui se traduit par l'utilisation de moyens
frauduleux, ruineux ou factices, en d'autres termes la gêne financière, et qui
sert à reporter dans le temps la cessation des paiements.
Seules les difficultés de preuve ont conduit à différencier ses deux
manifestations ou formes de la cessation des paiements (forme déguisée, forme
ouverte); l'évolution jurisprudentielle et surtout la définition légale. L'on pourrait
donc ouvrir une procédure collective sur la base de faits constituant antérieurement
la cessation des paiements déguisée56.
Cependant, pour savoir si le débiteur est en état de cessation des
paiements, il convient d’analyser non seulement l'état de la trésorerie mais
également ses possibilités d'obtenir rapidement des crédits de ses partenaires
d'affaires. Toute insuffisance de fonds ou de crédits ne doit pas être assimilée à la
cessation des paiements d'où la nécessité de distinguer la notion de cessation des
paiements avec des notions voisines telles l’insolvabilité, l’état de surendettement
et l’insuffisance d’actif.
En effet, L'insolvabilité est la situation d'une personne ou d'une
société qui ne peut pas payer ses dettes pour cause d'insuffisance d'actif. Tandis
que l'état de surendettement est la situation d'une personne physique non
commerçante, débiteur de bonne foi qui est dans l'impossibilité manifeste de régler
ses dettes et qui peut à ce titre bénéficier d'aménagements de ses paiements (report
ou rééchelonnement, réduction du taux d’intérêts, etc.57
Théoriquement, la cessation des paiements est différente de
l'insolvabilité, caractérisée, elle, par le fait que l'actif total est inférieur au passif
total. Dans les faits cependant, il arrive fréquemment que la cessation des
paiements recouvre une véritable insolvabilité, ce qui rend difficile et même
impossible le redressement de l'entreprise et le paiement des créanciers. D'une
56
KOM (J.), op.cit., p.80.
57
Idem, p.81.
17

manière générale, l'on peut estimer que la cessation des paiements, même
lorsqu'elle ne recouvre pas une véritable insolvabilité, correspond à une situation
qui est irrémédiablement compromise. De ce fait, le redressement de l’entreprise
est rendu très difficile, voire impossible, et les créanciers ont très peu de chance de
recevoir un paiement substantiel58.
Quant à l’insuffisance d’actif, elle a été définie par le professeur
FILIGA SAWADOGO d’une façon assez simple : « il y’a insuffisance d’actif
lorsqu’il n’y a pas d’actif du tout ou lorsque les frais de réalisation de l’actif
excèdent les recettes attendues ».
Section 2 : conditions de forme
La juridiction compétente et la saisine feront l’objet de cette
section.
Paragraphe 1 : De la juridiction compétente
La juridiction à laquelle est soumise la requête devra être celle
compétente matériellement (ratione materiae) et territorialement (ratione loci)
A. La juridiction matériellement compétente
Il ressort de la combinaison des articles 3 et 3-1 de l'AUPC que la
procédure du règlement préventif relève de la juridiction compétente en matière de
procédures collectives. C'est dans cette juridiction que la requête en règlement
préventif doit être initiée.
En effet, la juridiction compétente pour ouvrir une procédure de
conciliation, de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens c’est le tribunal de commerce ou le tribunal de première instance ou de
grande instance statuant en matière civile ou commerciale 59.
Dans plusieurs États membres de l’OHADA, il n’y a pas des
tribunaux de commerce et la compétence est attribuée aux tribunaux de première
instance ou de grande instance selon le montant de la demande. Mais ,s’il révèle
que la procédure ouverte devant une juridiction doit être étendue à plusieurs
58
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.51.
59
KOM (J.), op.cit., p.99.
18

personnes les unes civiles, les autres commerciales , le tribunal initialement saisi
reste compétent quelle que soit la qualité de la personne visée par l’action en
extension, le tribunal compétent sera toujours le tribunal ayant ouvert la procédure
qu’il s’agit d’étendre60
Cependant, en RDC, c’est le tribunal de commerce qui est
compétent car il connait en matière de Droit privé des faillites et concordats
judiciaires61. Le tribunal connaitra donc de toute demande d’ouverture d’un
règlement préventif. Il connaitra aussi de toutes les contestations nées du règlement
préventif ainsi que de celles sur lesquelles le règlement préventif exercera une
influence62.
B. La juridiction territorialement compétente
La compétence territoriale est réglementée par l’article 3-1 de
l’AUPC qui dispose que :
« la juridiction territorialement compétente pour connaître des
procédures collectives est celle dans le ressort de laquelle le débiteur a son
principal établissement si ce débiteur est une personne physique ou, si le débiteur
est une personne morale, c’est la juridiction du lieu de son siège social ou, à
défaut de principal établissement ou de siège social sur le territoire national, si le
siège social est à l’étranger, la procédure se déroule devant la juridiction dans le
ressort de laquelle se trouve le principal centre d’exploitation situé sur le
territoire national ».63
Cependant, le siège de l’entreprise doit s’entendre du centre de la
direction qui est souvent situé au lieu du principal établissement .Dans les
entreprises individuelles, lorsque le domicile commercial est distinct du domicile
civil du débiteur, seul le premier est attributif de compétence. Pour souligner
l’autonomie de l’entreprise dans le patrimoine du débiteur, la jurisprudence étend
60
Ibidem.
61
Article 3 de loi n° 002/2001 du 3 juillet 2001 portant création, organisation, et fonctionnement des tribunaux de
commerce.
62
Article 3 al.2 de l’AUPC.
63
Article 3-1 de l’AUPC.
19

la formule en usage dans les sociétés commerciales où la compétence territoriale


est attribuée au lieu effectivement considéré comme le centre principal des intérêts
du débiteur.
Le siège social d’une filiale est apprécié distinctement de celui de la
société mère lorsqu’elle dispose d’une autonomie indiscutable.
En revanche, lorsque plusieurs sociétés fictives font partie d’un
même groupe ou en cas de confusion de patrimoine de plusieurs sociétés, le
tribunal compétent matériellement et territorialement est celui de l’animateur
commun ou de la société chef de file64.
Paragraphe 2 : La saisine du tribunal de commerce par la requête du débiteur
Les règles de la saisine concernent la déclaration et dépôt de la
requête du débiteur, les dépôts de pièces accompagnant la déclaration du débiteur
ainsi que le dépôt du projet de concordat
A. La déclaration et dépôt de la requête du débiteur
Le débiteur seul ou par une requête conjointe de ce dernier ou
plusieurs de ses créanciers peuvent saisir la juridiction compétente afin d’obtenir
l’ouverture de la procédure du règlement préventif 65 .Les créanciers seuls ne
peuvent demander l’admission du débiteur au règlement préventif. Le juge ne peut
non plus se saisir d’office66.
Mais l’aptitude du débiteur à saisir la juridiction compétente est liée
à certaines conditions :
 Il doit être une personne physique exerçant une activité professionnelle
indépendante, civile, commerciale ou agricole. Ceci a pour effet, outre les
commerçants, d’ouvrir le règlement préventif aux artisans, aux agriculteurs,
à l’entreprenant, mais également aux professions libérales qu’elles soient ou
non réglementées67. Le règlement préventif est également applicable à toute
64
KOM (J.), op.cit., p.100.
65
Article 6al 1 de l’AUPC.
66
MUKUKU MALEKELELE E.),op.cit.,p.14.
67
KOUDADJE (E.) « http//www.academia.edu/36640223/.chapitre-2-LE RÈGLEMENT –PREVENTIF, consulté le 3
Juin à 17h17.P.1 ».
20

personne morale de droit privé ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la
forme d’une personne morale de droit privé 68. Les personnes morales de
droit privé désignent comme auparavant des sociétés commerciales ou
civiles et plus généralement tous les groupements de droit privé ayant la
personnalité morale ;
 Le débiteur ne doit pas être en état de cessation de paiement mais justifier
de difficultés financières ou économiques sérieuses69.

B. Les dépôts de pièces accompagnant la déclaration du débiteur


Le débiteur doit saisir la juridiction compétente par voie de requête
et non d’assignation. Cette requête doit exposer la situation économique ou
financière du débiteur et présenter les perspectives de redressement de l’entreprise
et d’apurement de son passif.
La requête du débiteur est accompagnée des documents suivants,
datant de moins de trente jours :
 une attestation d’immatriculation, d’inscription ou de déclaration d’activité à
un registre ou à un ordre professionnel ou, à défaut, tout autre document de
nature à prouver la régularité de l’activité exercée par le débiteur ;
 les états financiers de synthèse comprenant le bilan, le compte de résultat, un
tableau financier des ressources et des emplois, l’état annexé et, en tout état
de cause, le montant du chiffre d’affaires et des bénéfices ou pertes des trois
derniers exercices ou, à défaut, tout autre document de nature à établir la
situation financière et économique du débiteur si la requête est introduite par
un débiteur répondant à la définition de la petite entreprise conformément à
l’article 1‐3 ci‐dessus ;
 un état de la trésorerie et un état chiffré des créances et des dettes avec
indication des noms, qualités et adresses des créanciers et des dates
d’échéance ou, à défaut, tout autre document de nature à établir la capacité
68
Art 1-1 de l’AUPC.
69
Art 6 al.1 de l’AUPC .
21

du débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible si la
requête est introduite par un débiteur répondant à la définition de la petite
entreprise conformément à l’article 1‐3 ci‐ dessus ;
 un document indiquant le nombre de travailleurs et le montant des salaires et
des charges salariales à la date de la demande ou, à défaut, tout autre
document de nature à permettre d’identifier et de dénombrer les travailleurs
du débiteur et d’estimer le montant des salaires et des charges salariales si la
requête est introduite par un débiteur répondant à la définition de la petite
entreprise conformément à l’article 1‐3 ci‐dessus ;
 une attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne
pas être en état de cessation des paiements ;
 l’état détaillé, actif et passif, des sûretés personnelles et réelles données ou
reçues par l’entreprise et ses dirigeants;
 une attestation du débiteur indiquant qu’il ne bénéficie pas d’un accord de
conciliation en cours d’exécution et, en tout état de cause, qu’il n’est pas
soumis à une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire
ou de liquidation des biens, qui ne serait pas clôturée et qu’il remplit les
conditions du dernier alinéa de l’article 6 ci‐dessus ;
 l’inventaire des biens du débiteur avec indication des biens mobiliers soumis
à revendication par leurs propriétaires et de ceux affectés d’une clause de
réserve de propriété ou, à défaut, un inventaire provisoire si la requête est
introduite par un débiteur répondant à la définition de la petite entreprise
conformément à l’article 1‐3 ci‐dessus ;
 un document indiquant les noms, prénoms et adresses des représentants du
personnel ;
 s’il s’agit d’une personne morale, la liste des membres solidairement ;
 responsables des dettes de celle‐ci, avec indication de leurs noms, prénoms
et domiciles, ainsi que des noms et adresses de ses dirigeants;
22

 si le débiteur propose une personne à la désignation en qualité d’expert au


règlement préventif conformément au premier alinéa de l’article 8 ci‐
dessous, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de
cette personne et une attestation de cette dernière précisant qu’elle remplit
les conditions prévues aux articles et 4‐1 et 4‐2 ci‐dessus ;
 le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et
domiciles des personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en
trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de
l’article 11‐1 ci‐dessous, avec l’indication du montant de l’apport ou de la
valeur du bien ou du service ;
 un projet de concordat préventif ;
 le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domiciles des
créanciers qui se joignent à la demande du débiteur, et le montant de leurs
créances et des éventuelles sûretés dont elles sont assorties.
Tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par
le requérant.
Les documents visés aux numéros 1° à 5° ainsi qu’aux numéros 7°, 8°, 10° et 13°
doivent être fournis à peine d’irrecevabilité de plein droit de la requête.
Dans le cas où l’un des documents visé aux numéros 6°, 9° et 11° ne peut être
fourni, ou ne peut l’être qu’incomplètement, la requête doit contenir l’indication
des motifs de cet empêchement70.
C. Le dépôt du projet de concordat
Le projet de concordat préventif précise les mesures envisagées
pour le redressement de l’entreprise, notamment :71
 les modalités de continuation de l’entreprise, telles que la demande de délais
et de remises, la cession partielle d’actif avec indication précise des biens à
céder ; la cession ou la location‐gérance d’une branche d’activité formant un

70
Article 6 de l’AUPC .
71
Article 7 de l’AUPC.
23

fonds de commerce; la cession ou la location‐gérance de la totalité ou d’une


partie de l’entreprise, sans que ces modalités soient limitatives et exclusives
les unes des autres ;
 les noms, prénoms, qualités et adresses des personnes tenues d’exécuter le
concordat préventif et l’ensemble des engagements souscrits par elles et
nécessaires au redressement de l’entreprise ;
 les modalités du maintien et du financement de l’entreprise, du règlement du
passif né antérieurement à la décision d’ouverture du règlement préventif
ainsi que, s’il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l’exécution ; ces
engagements et garanties peuvent consister, notamment, en la souscription
d’une augmentation du capital social par les anciens associés ou par de
nouveaux, une conversion de créances en capital, l’ouverture de crédits par
des établissements bancaires ou financiers ou par toute autre personne, y
compris tout nouvel apport en trésorerie ou sous forme de nouveau bien ou
service dans les conditions de l’article 11‐1 ci‐dessous ainsi que le montant de
l’apport ou la valeur du bien ou du service ; la poursuite de l’exécution de
contrats conclus antérieurement à la requête, la fourniture de cautions ;
 le niveau et les perspectives d’emploi, ainsi que les licenciements pour motif
économique qui doivent intervenir dans les conditions prévues par les
dispositions du droit du travail ;
 le remplacement de dirigeants72.

Selon les prescrits de l’article 8 de l’AUPC, le président du tribunal


de commerce saisi rend une décision de nomination d’un expert au règlement
préventif. Cette décision a pour effet de suspendre les poursuites individuelles de
chaque créancier. Par cette décision, le juge demande aux créanciers du débiteur
de ne plus entamer des actions en ordre dispersé contre ce dernier 73. Malgré le fait
qu’elle suspende le cours des délais de prescription ou de résolution dont seraient

72
Article 7 de l’AUPC.
73
MUKUKU MALEKELELE (E.), op.cit., p.16.
24

assorties certaines dettes (article 9 de l’AUPC), elle ne suspend pas le cours des
intérêts légaux ou conventionnels, des intérêts moratoires et majoritaires, bien que
ceux-ci ne seront plus exigibles immédiatement74.
A l’issue de sa mission, l’expert soumet un rapport au président du
tribunal de commerce, qui prend une décision soit de constat d’absence d’accord
sur un concordat préventif en quel cas les créanciers recouvrent l’exercice de tous
leurs droits, soit d’homologation du concordat qui met fin à la mission de l’expert
et nomme les personnes chargées de contrôler l’exécution du concordat préventif
homologué.75
Il convient de noter qu’il existe aussi une procédure de règlement
préventif simplifié prévue à l’article 24 de l’AUPC pour les petites entreprises, à
savoir toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé
dont le nombre de travailleur est inférieur à vingt, et dont le chiffre d’affaires
n’excède pas cinquante millions de FCA, hors taxe, au cours des douze mois
précédant la saisine de la juridiction compétente76.
Cette procédure est applicable aux personnes visées à l’article 1-1
de l’AUPC.
Dès qu’il est informé de sa désignation, l’expert au règlement
préventif atteste qu’il remplit les conditions énoncées par les articles 4-4 et 4-5 de
l’AUPC. A tout moment, durant le déroulement du règlement préventif, s’il lui
apparait qu’il ne remplit plus ces conditions, il en informe sans délai le président
de la juridiction compétente, qui met fin à sa mission et nomme un remplaçant. Il
peut être remplacé sur demande du débiteur ou du créancier s’il tombe sous le coup
de ces incompatibilités77.
D. Les obligations spécifiques et dépôt du rapport de l’expert

74
Art.10 de l’AUPC.
75
Art.15 à 17 de l’AUPC.
76
Voir article 1-3 de l’AUPC ,cité par BASHI RUDAHINDWA (J.),Notes du cours de Droit commercial général ,
Kinshasa ,éd .Justou,2019,p.117.
77
Art.8-1 de l’AUPC.
25

Ces obligations sont pour l’essentiel énoncées au sein des articles 9-


1 et 12 de l’AUPC : elles sont les suivantes :
 Obligation de rendre compte régulièrement au président de la juridiction
compétente, de l’état d’avancement de sa mission et de formuler toutes
observations utiles ;
 Obligation d’informer sans délai le président de la juridiction compétente
s’il a connaissance de la survenance de la cessation des paiements du
débiteur ;
 Obligation d’apprécier la situation du débiteur. A ce titre l’expert au
règlement préventif n’est pas soumis au secret professionnel et peut donc
obtenir communication, auprès de tout organisme ou autorité quelconque, de
renseignements nécessaires à la présentation de la situation économique et
financière exacte du débiteur ;
 Obligation de signaler à la juridiction compétente la violation des
interdictions imposées au débiteur par l’article 11 de l’AUPC ;
 Obligation de se rapprocher du débiteur et de ses créanciers, de faciliter les
négociations entre ces derniers en vue de parvenir à la conclusion d’un
accord sur la base du projet de règlement préventif soumis lors de la requête.
Il s’agit d’une obligation de moyens ;
 Obligation d’informer le président de la juridiction compétente si l’adoption
d’un concordat préventif lui semble impossible.
Selon l’article 13 de l’AUPC, l’expert doit, outre la remise du
rapport au débiteur, déposer au greffe en double exemplaire, son rapport contenant
l’accord conclu entre le débiteur et ses créanciers ainsi que le projet de concordat
préventif. Ce dépôt doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de la
décision d’ouverture du règlement préventif. Un mois de prorogation peut lui être
accordé sur autorisation motivée du président de la juridiction compétente. Il peut
voir sa responsabilité engagée s’il ne respecte pas le délai qui lui est imparti.
26

Le législateur de l'OHADA a conféré au juge une large panoplie de


pouvoirs qui sont souvent discrétionnaires. Il a notamment le pouvoir de décider de
l'ouverture de la procédure du règlement préventif et le pouvoir d'y mettre fin. 78
Il sied de noter qu'aucune obligation n'incombe au juge de décider
de l'ouverture du règlement préventif initié par le débiteur ou conjointement avec
un ou plusieurs de ses créanciers malgré les difficultés traversées. Il ne peut
décider de l'ouverture du règlement préventif que si le projet de concordat initié
par le débiteur lui paraît sérieux.79
Le débiteur a tout intérêt de présenter au juge un concordat sérieux
de redressement étant entendu que l'ouverture du règlement préventif est
conditionnée par la fiabilité de son projet de concordat préventif.
Il sied de noter que le législateur de l'OHADA ne définit par le
concept « concordat ». Néanmoins, comme le concept l'indique, il s'agit d'un
accord des volontés entre parties, en l'occurrence le commerçant débiteur et ses
créanciers, par lequel ces derniers accordent au premier une remise de dettes ou un
délai de paiement afin de lui permettre de poursuivre l'exploitation de son
entreprise.80 Il peut également s’agir d’un contrat passé entre le commerçant
débiteur et ses créanciers sous le contrôle du tribunal compétent pour
l’homologuer81.
Il y a lieu de noter qu’après la révision de l’AUPC en 2015 et
conformément à son article 1-1, le concept débiteur a évolué. En effet, le débiteur
n’est plus forcément un commerçant tel que renseignent les deux définitions ci-
dessus. Il peut aussi s’agir d’une personne exerçant une activité professionnelle
indépendante, civile, artisanale ou agricole, etc.82

78
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.207.
79
Article 8 de l’AUPC.
80
CHIRIBAGULA NYUMPA-BASHIMBA (L.), Précis de droit commercial général, 1ère édition,
CEDI, Kinshasa, 2015, p. 198.
81
Article 59 et s. du décret du 27 juillet 1934 sur la faillite, cité par SAKATA M. TAWAB (G.) Droit commercial
congolais : Commerçants, actes de commerce, registre de commerce, capacité, fonds de commerce, concurrence
déloyale, faillite, PUK, Kinshasa, 2012, p.157.
82
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.208.
27

« Le concordat » peut être définit comme un accord entre le


débiteur et ses principaux créanciers dans lequel ces derniers accordent au débiteur
un report d’échéance, un rééchelonnement de dettes ou une remise partielle ou
totale de dettes afin de mettre fin à ses difficultés. Il peut s’agir également d’un
accord conclu entre un débiteur et ses principaux créanciers dans lequel les
derniers accordent au débiteur « un refinancement » ou un nouvel apport en
trésorerie dans l’hypothèse où ni le report d’échéance et le rééchelonnement de
dettes, encore moins la remise partielle ou totale de dettes n’arrivent à mettre fin
aux difficultés de l’entreprise. Il en est ainsi lorsque le débiteur est en besoin de
liquidité ou d’un fonds de roulement83.
En sus, « le concordat » peut être amiable lorsqu’il est l’émanation
d’un accord privé entre le débiteur et ses principaux créanciers et est judiciaire,
lorsqu’il est sous contrôle de la juridiction compétente qui l’homologue.

83
Ibidem.
28

CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA PROCÉDURE DU RÈGLEMENT


PRÉVENTIF

La procédure du règlement préventif ne peut être ouverte par le


président de la juridiction compétente que lorsque le projet du concordat préventif
du débiteur lui paraît sérieux. Si tel est le cas, le président de la juridiction
compétente ouvre la procédure et désigne un expert au règlement préventif pour lui
faire rapport sur la situation financière et économique de l’entreprise débitrice et
les perspectives de redressement84, compte tenu des délais et remises consentis ou
susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres mesures contenues dans le
projet de concordat préventif.
En effet, la demande de règlement préventif est un droit qui est
réservé à l'initiative exclusive du débiteur, qui saisit la juridiction compétente par
une requête. Le débiteur expose dans cette requête, ses difficultés et présente les
perspectives de redressement de l'entreprise et d'apurement du passif 85. Les
créanciers ou le ministère public ne peuvent demander l'ouverture de la procédure
préventive, car on considère que le débiteur est toujours in bonis dans cette
procédure. Ils n'ont donc, en principe, aucun intérêt à déclencher la procédure
préventive86.

84
Pour plus de commentaires sur le statut de l’expert au règlement préventif, lire les articles 4- 2, 4-4, 4-5,8, 8-1,
9-1, 12 et 13 de l’AUPC.
85
Article 5 de l’AUPC.
86
MESMIN KOUMBA (E.) .op.cit. p.105.
29

Aux termes des articles 6-1, 8 et 8-1 de l’AUPC, l’expert à la


procédure du règlement préventif peut être désigné soit sur proposition du débiteur
soit par le président de la juridiction compétente qui rend une décision de
suspension des poursuites individuelles et la désignation d’un expert dans un délai
datant de moins de 30 jours87 .

Section 1 : les effets de l’ouverture de la procédure du règlement préventif


L’ouverture de la procédure du règlement préventif produit
immédiatement des effets aussi bien à l’égard des créanciers, que du débiteur lui-
même88.
A. Les effets à l’égard des organes de procédure
Le règlement préventif s'ouvre par une requête du débiteur à l'issue de laquelle le
tribunal prononce une décision de suspension des poursuites. C'est le but principal
poursuivi par le débiteur à travers l'introduction de sa requête89.
Aux termes de l'article 8 de l'AUPC, « dès le dépôt de la proposition de
concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai, au président de la juridiction
compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles... »
Qui, en droit congolais, sera rendue sous forme d’ordonnance. Cette décision ne
peut toutefois être prise que si la requête du débiteur est recevable et surtout si le
projet de concordat préventif lui parait sérieux90.
Pour le débiteur, la suspension des poursuites est nécessaire en ceci qu'elle lui
permet de préparer un plan de redressement91.
En outre, la décision désigne un expert qui va faire un rapport qu'il soumettra à
la juridiction compétente. Toutefois, si le tribunal n'approuve pas le plan, il
prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens.92
87
Article 6-1 de L’AUPC.
88
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.93.
89
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit. .,p.63.
90
Article 8 de l’AUPC.
91
SAINT -ALARY-HOUIN (C.), Droits des entreprises en difficultés, 6e éd., Montchrestien, 2009.p.18.
92
Idem.p.19.
30

Aux termes de l'article 8 al.1er de l'AUPC, « ...le président de la


juridiction compétente... désigne un expert pour lui faire un rapport sur la situation
économique ou financière de l'entreprise, les perspectives de redressement compte
tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l'être par les créanciers et
toutes autres mesures contenues dans les propositions de concordat préventif »93.
L'expert est soumis aux dispositions des articles 41 et 42 de l'Acte
uni forme, relatifs à la nomination et à la révocation du syndic. Ainsi, il ne peut
s'agir ni d'un parent ni d'un allié du débiteur jusqu'au quatrième degré
inclusivement. Sa révocation peut être prononcée par la juridiction compétente,
soit d'office, soit sur les réclamations qui lui sont adressées par le débiteur ou par
les créanciers94. Il est informé sans délai de sa nomination et de sa mission par
lettre recommandée ou par tout moyen laissant trace écrite du président de la
juridiction compétente95 ou du débiteur dans le délai de huit jours suivant la
décision de suspension des poursuites individuelles.
Afin de bien assumer sa mission, l'expert a droit à une information
large. Il peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire,
obtenir communication par les commissaires aux comptes, les comptables, les
représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de
sécurité et de prévoyance sociales, les établissements bancaires ou financiers, ainsi
que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de
paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la
situation économique et financière du débiteur.96
La mission centrale de l'expert est de faciliter la conclusion d'un
accord entre le débiteur et ses créanciers sur les modalités de redressement de
l'entreprise et de l'apurement de son passif (délais de paiement, remises). A cet
effet, il entend le débiteur et les créanciers et leur prête ses bons offices.

93
Article 8 de l’AUPC.
94
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit., p.66.
95
Article 8 de l’AUPC.
96
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit., p.66.
31

Dans le cadre de sa mission principale, l'expert établit un rapport


contenant l’accord conclu entre le débiteur et ses créanciers ainsi que le projet de
concordat préventif97.
Ce rapport doit être établi dans les trois mois de la décision
d’ouverture du règlement préventif, ce délai pouvant être prorogé, à titre
exceptionnel, une seule fois pour une durée d’un mois, sur décision spécialement
motivée du président de la juridiction compétente à la demande de l’expert ou du
débiteur98.
L’expert est tenu de respecter les délais prévus à l’alinéa précédent,
sous peine d’engager sa responsabilité auprès du débiteur ou des créanciers99.
Dans le délai précité, l’expert remet un exemplaire de son rapport
au débiteur et en dépose deux au greffe de la juridiction compétente. Un des deux
exemplaires déposés est transmis au ministère public par le greffe 100.
L'expert engage sa responsabilité civile envers le débiteur ou les
créanciers en cas de non-respect du délai ci-dessus101.
L’article 8 al.2 de l’AUPC précise que l’expert au règlement
préventif est soumis aux dispositions et exigences du titre I de l’AUPC. Il s’agit
d’un titre exclusivement consacré aux mandateurs de justice. Il traite de l’accès aux
fonctions de mandataires judiciaires, des conditions d’exercice des mandataires
judiciaires, du contrôle de leur activité et de la discipline à laquelle ils sont tenus,
de l’obligation pour ces derniers de souscrire une assurance, de leur responsabilité
et de leur mode de rémunération102.
Il doit présenter les garanties d’indépendance et d’impartialité. Il ne
doit pas avoir ou tirer un intérêt personnel dans le mandat qui lui est confié. Par

97
Article 13 alinéa 1 de l’AUPC .
98
Article 13 alinéa 2 de L’AUPC.
99
Article 13 alinéa 3 de L’AUPC.
100
Article 13 alinéa 4 de L’AUPC.
101
FILIGA SAWADOGO(M.), op.cit., p.67.
102
Article 4 et suivants de L’AUPC.
32

ailleurs, certaines personnes ne peuvent être désignées expert au règlement


préventif de 1°) à 5°)103.
La mission d’expert au règlement préventif est incompatible avec
toute autre activité de nature à porter atteinte à son indépendance, son impartialité
et sa neutralité104.
Dès qu’il est informé de sa désignation, l’expert au règlement
préventif atteste qu’il remplit les conditions énoncées par les articles 4-4 et 4-5 de
l’AUPC. A tout moment, durant le déroulement du règlement préventif, s’il lui
apparait qu’il ne remplit plus ces conditions, il en informe sans délai le président
de la juridiction compétente, qui met fin à sa mission et nomme un remplaçant. Il
peut être remplacé sur demande du débiteur ou du créancier s’il tombe sous le coup
de ces incompatibilités105.
L’expert au règlement préventif rend compte régulièrement, au
président de la juridiction compétente, de l’état d’avancement de sa mission et
formule toutes observations utiles. S’il a connaissance de la survenance de la
cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction
compétente106.
B. Les effets à l’égard du débiteur
En effet lorsque le dirigeant de l'entreprise en difficulté saisit le
président du tribunal compètent afin de pouvoir bénéficier de la procédure au
règlement préventif, celui-ci rend, dans la foulé, une ordonnance de suspension de
poursuites et des voies d'exécution, c'est-à-dire une décision avant dire droit,
mieux une décision d'urgence. A son égard tendant à obtenir le paiement des
créances nées antérieurement à ladite décision pour une durée maximale de 3
mois107. Ce délai peut être prorogé d’un mois.

103
Article 4-4 de l’AUPC.
104
Article 4-5 de l’AUPC.
105
Article 8 -1 de l’AUPC.
106
Article 9-1 de l’AUPC .
107
Article 9 de l’AUPC.
33

Un débiteur qui demande l'ouverture de la procédure de règlement


préventif connaît, en principe, la situation financière ou économique de son
entreprise et doit, en l'occurrence, proposer des mesures tendant à la restructuration
de celle-ci.108
Plus fondamentalement, le législateur de l'OHADA demande
notamment au débiteur de déposer, à peine d'irrecevabilité de la requête, une offre
de concordat en précisant notamment les mesures et conditions présentées pour le
redressement de l'entreprise109
Ces mesures et conditions envisagées pour le redressement de
l'entreprise en difficulté, sous protection de la justice, sont envisagées par le
législateur de l'OHADA autour de quatre points110 :
 Les modalités de continuation de l'entreprise telles que la demande de délais
et de remises;
 la cession partielle d'actif avec indication précise des biens à céder; la
cession ou la location-gérance d'une branche d'activité formant un fonds de
commerce;
 la cession ou la location-gérance de la totalité de l'entreprise, sans que ces
modalités soient limitatives et exclusives les unes des autres;
 Les personnes tenues d'exécuter le concordat et l'ensemble des engagements
souscrits par elles et nécessaires au redressement de l'entreprise;
 les modalités du maintien et du financement de l'entreprise, du règlement du
passif né antérieurement à la décision prévue à l'article 8 ci-dessous,
Ainsi que, s'il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer
l'exécution; ces engagements et garanties peuvent consister, notamment, en la
souscription d'une augmentation de capital social par les anciens associés ou par
de nouveaux, l’ouverture de crédits par des établissements bancaires ou financiers,

108
MESMIN KOUMBA (E.), op.cit., p.108.
109
Ibidem.
110
Article 7 de l’AUPC.
34

la poursuite de l'exécution de contrats conclus antérieurement à la requête, la


fourniture de cautions;
Les licenciements pour motif économique qui doivent intervenir
dans les conditions prévues par les dispositions du droit du travail: Le
remplacement des dirigeants.
En effet, le législateur OHADA prévoit que le dépôt de l’offre de
concordat soit fait, soit en même temps, soit dans les trente jours qui suivent le
dépôt de la requête, le débiteur doit déposer une offre de concordat préventif qui
reprend les mesures et conditions envisagées pour le redressement de
l’entreprise.111
Pour éviter que leur demande de règlement préventif ne soit jugée
Irrecevable, les entreprises doivent, avant tout, élaborer leur offre de concordat.
Une fois l'offre de concordat déposée, le législateur OHADA
prévoit des mesures afin de venir en aide à l'entreprise en difficulté. Mais en
pratique, lorsque le débiteur dont l'entreprise est en difficulté saisit la juridiction
compétente, le président de cette juridiction rend une ordonnance de référé portant
suspension provisoire des poursuites individuelles et voies d'exécution, en
attendant le vote de l'offre du concordat par les créanciers.
La suspension des poursuites se traduit donc par un délai, accordé
par le législateur ou le juge au débiteur, en l'occurrence le dirigeant social, dans
l'intervalle duquel les créanciers ne peuvent poursuivre ce dernier, ou introduire
des actions à son encontre, afin d'obtenir le paiement de leurs créances ou encore
d'interdire les voies d'exécution. Il s’agit ici de mettre l’entreprise en difficulté à
l’abri des poursuites judiciaires et des voies d’exécution et surtout de protéger le
peu de trésorerie qu’elle dispose encore112 .

111
Article 7 de L’AUPC.
112
MESMIN KOUMBA (E.), op.cit., p.111.
35

Ainsi, pour Emmanuel PUTMAN, « ces délais ne sont en effet


qu’une forme bénigne du droit de ne pas payer ses dettes ».cette ordonnance limite
aussi certaines prérogatives du dirigeant l’auteur de la saisine113.
Enfin, il sied de noter que cette décision de suspension des
poursuites relève de l’ultime appréciation du juge lorsque le projet du concordat lui
paraît sérieux conformément à l’article 8 de l’AUPC.
La suspension des poursuites individuelles dont il est question
concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires, y
compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire. Durant cette période de
recherche de l’accord, le débiteur ne peut payer aucune dette des créanciers appelés
à la procédure du règlement préventif.
Cependant, l’on est tenté de penser que l’ordonnance de suspension
des poursuites individuelles et des voies d’exécution donne l’impression d’une
protection excessive du débiteur au détriment des créanciers qui ont pourtant
accepté de sacrifier une partie de leurs droits à son profit. C’est ainsi que le
législateur a limité les prérogatives du débiteur pendant cette période en mettant en
place « la cogestion entreprise-tribunal114 ».
Le législateur de l’OHADA a instauré le principe de la cogestion de
l’entreprise entre le tribunal et le débiteur 115 même si ce dernier reste à la tête de
son entreprise, car l’objectif du législateur est d’éviter que l’entreprise, déjà en
difficulté, ne soit en cessation d’activité. C’est ainsi qu’il conditionne
l’accomplissement de certains actes du débiteur sous peine de nullité de droit 116 :
 De payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision
d’ouverture de la procédure du règlement préventif ;
 De faire un acte de disposition étrangère à l’exploitation normale de
l’entreprise ou de consentir une sûreté ;

113
Ibidem.
114
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.211.
115
Ibidem.
116
Article 11 de l’AUPC
36

 Il est également interdit au débiteur de désintéresser les coobligés et les


personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un
bien en garantie lorsqu’elles ont acquitté des créances nées antérieurement à
la décision d’ouverture.
Par ailleurs, le non-respect des dispositions ci-haut prévues à
l’article 11 de l’acte uniforme sous-examen entraine :
- Au plan civil, l’inopposabilité de droit, qui permet d’ignorer l’acte irrégulier.
Par exemple le créancier qui a reçu paiement doit le117 restituer ;
- Au plan pénal, le débiteur est frappé des sanctions de la banqueroute
frauduleuse118.
C. les effets de la procédure à l’égard des créanciers
L’ordonnance de suspension des poursuites individuelles interdit
aux créanciers appelés à la procédure du règlement préventif de poursuivre le
débiteur pendant le délai prévu à l’article 9 de l’acte uniforme sous examen, ni
d’introduire des actions contre le débiteur afin d’obtenir le paiement de leurs
créances ou des voies d’exécution119 .
L’ordonnance ci-dessus s’applique :
 Principe
 A toutes les créances antérieures à la décision de suspension à
condition qu’elles aient été visées dans la requête du débiteur.
Celui-ci doit donc veiller à ne pas oublier de mentionner des
créances importantes dont la réclamation pourrait accroître les
difficultés de l’entreprise.
 Les procédures d’exécution sont également arrêtés tant sur les
meubles que sur les immeubles. Aucune voie d’exécution ne peut
être entreprise et celles qui étaient entamées sont arrêtées. Ce
117
FILIGA SAWADAGO (L.), op. cit., p. 65.
118
Article 233 in fine de l’AUPC.
119
CCJA, SAFCA et Société Africaine de crédit-bail dite SAFBAIL c/ Société Air continental, in POUGUE (P-G) et
KUATE (T.), Les grandes décisions de la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, l’Harmattan, Paris,
2010, p. 287.
37

principe est appliqué à toutes les saisies quelle que soit leur
nature, mobilière ou immobilière. Cette suspension concerne aussi
bien les saisies-attributions que les saisies conservatoire.
Tout ceci démontre que, le législateur de l’OHADA, qui a fait de la
sauvegarde de l’entreprise la finalité première de la loi, a véritablement voulu
laisser à l’entreprise le répit nécessaire pour lui permettre de rétabli les conditions
normales de fonctionnement sans permettre aux créanciers antérieures de saisir ses
éléments d’actif.
Néanmoins, la décision de suspension des poursuites individuelles
connait quelques exceptions. En effet, elle ne s’étend pas :
 Exception :
 Aux actions tendant à la reconnaissance des créances ou de droits contestés
ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires d’effets de
commerce, autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites
individuelles120 ;
 Aux créances de salaires et d’aliments ;
 Aux poursuites pénales en raison de l’autonomie du droit pénal ;
 Aux créances nées régulièrement après la décision de suspension des
poursuites. Celles-ci seront payées à leur échéance. Mais alors, qu’en est-il
si tous les créanciers postérieurs n’exigent un paiement au comptant au
débiteur? ;
La décision de suspension des poursuites ne s’applique pas également :
 Aux créances non-répertoriées (ou non mentionnées) dans le projet du
concordat préventif déposé par le débiteur121 ;
 enfin, sauf remise par les créanciers, les intérêts légaux et conventionnels
ainsi que les intérêts moratoires et les majorations continuent à courir mais
ne sont pas exigibles122. Ceci paraît évident d’autant plus que l’entreprise

120
Article 9 alinéa 4 et 5 de l’AUPC.
121
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.213.
122
Article 10 de l’AUPC
38

n’est pas encore en cessation des paiements. Il n’est donc pas question de
l’arrêt du cours des intérêts, règle que prévaut en cas de redressement
judiciaire et de liquidation des biens123.
Section II. Les effets de l’homologation du concordat préventif
L’homologation du concordat préventif rend celui-ci obligatoire
pour tous créanciers antérieurs à la décision d’ouverture du règlement préventif,
quelle que soit la nature de leurs créances, sauf disposition législative particulière
interdisant à l’administration de consentir des remises ou des délais.
L’homologation du concordat préventif rend celui-ci également
obligatoire pour les personnes coobligées ou qui ont consenti une sûreté
personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu’elles ont acquitté des
dettes du débiteur nées antérieurement à cette décision.
Les effets diffèrent selon qu’ils touchent l’expert, le débiteur et les
Créanciers.
A. Les effets à l’égard des organes de procédure
En vue d’assurer la mise en exécution du concordat préventif
homologué par le président de la juridiction compétente, la décision de
l’homologation du concordat préventif met fin à la mission de l’expert et à la
procédure du règlement préventif124. Cela est logique puisque sa mission consistait
à faciliter le débiteur et ses principaux créanciers à parvenir à la conclusion d’un
concordat préventif qui devrait faire l’objet d’une homologation par le président de
la juridiction compétente.
La juridiction compétente peut désigner pour la mise en œuvre de
l’accord à savoir, de manière facultative, le syndic et/ou des contrôleurs et, de
manière obligatoire, un juge-commissaire dont la mission est de contrôler les
activités du syndic ou des contrôleurs chargés de surveiller l’exécution du
concordat préventif homologué125 .

123
FILIGA SAWADOGO (M.), op. cit., p.64.
124
Article 16 de l’AUPC.
125
Article 16 de l’AUPC.
39

Le syndic ou les contrôleurs signalent sans faille tout manquement


au juge -commissaire126 . Ils rendent compte par écrit, tous les trois mois au juge-
commissaire du déroulement des opérations et en informent le débiteur. Ce
dernier, dispose d’un délai de quinze jours pour formuler, s’il y’a lieu, ses
observations et contestations.127
A son tour, le juge commissaire rédige un rapport à l’intention de la
juridiction compétente tous les trois mois ou à toute réquisition. L’expert au
règlement préventif peut être rappelé à l’effet d’assumer les fonctions de syndic 128.
La rémunération du syndic en qualité de contrôleur est fixée par la
juridiction qui l'a nommé. Lorsqu'il cesse ses fonctions, il doit déposer ses comptes
au greffe dans le mois suivant la cessation de ses fonctions129.
Quant au juge-commissaire, dont la nomination est obligatoire dans
tous les cas, son rôle consiste:
 à servir d'intermédiaire entre le syndic et / ou les contrôleurs d'une part, et le
tribunal d'autre part afin d'aboutir à la correcte exécution du concordat ou
d'en sanctionner les manquements;
 à exercer lui-même le contrôle de l'exécution du concordat et à dénoncer les
manquements qui s'y produisent à la juridiction compétente130.
En principe, le concordat homologué s'exécute tel quel sans aucune
modification. Toutefois, l'article 21 autorise la juridiction compétente à décider
toute modification de nature à abréger ou à favoriser cette exécution demande du
débiteur et sur rapport du syndic chargé du contrôle de l'exécution du concordat
préventif, s'il en a été désigné un.131
Le ministère public et le greffe sont informés de grandes décisions
prises par la juridiction compétente, c’est-à-dire, la décision d’ouverture du

126
Article 20 de L’AUPC.
127
Article 20 Al 2 de L’AUPC.
128
Article 16 Al 2 de L’AUPC.
129
Article 20 Al.3 et 4 de l’AUPC.
130
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit., p.72.
131
Idem.p.73.
40

règlement, celle y mettant fin dans les conditions de l’article 9-1 de l’acte uniforme
précité, et celle rendue en application de l’article 15 du même acte uniforme sont
notifiées par le greffe au ministère public et aux créanciers concernés 132.
B. Les effets à l’égard du débiteur
Il recouvre la liberté d’administration de son entreprise et la libre
disposition de ses biens dès que la décision homologuant le concordat préventif
passe en force de chose jugée.133
C.Les effets à l’égard des créanciers
En ce qui concerne les créanciers, le concordat homologué s’impose
obligatoirement à ceux-ci. Il s’impose à tous les créanciers antérieures à la décision
d’ouverture de la procédure du règlement préventif, quelques soient la nature de
leurs créances. C’est-à-dire que leurs créances soient chirographaires ou munis de
sûretés, dans les conditions de délais et de remises qu'ils ont consenties au
débiteur sauf, si le délai n'excédant pas deux ans, la juridiction l'a rendu opposable
même aux créanciers qui ont refusé tout délai et toute remise 134.
Il en est de même à l'égard des cautions qui ont acquitté des dettes
du débiteur nées antérieurement à la décision 135. Les créanciers munis de sûretés
réelles ne perdent pas leurs garanties mais ils ne peuvent les réaliser qu'en cas
d'annulation ou de résolution du concordat auquel ils ont consenti ou qui leur a été
imposé136.
Or une sûreté n'a d'intérêt que si elle garantit le paiement dans le
délai convenu. Mais l'on sait que l'exercice prématuré des sûretés aurait constitué
un frein ou un obstacle au redressement de l'entreprise. Néanmoins, la situation des
créanciers munis de sûretés ne se confond pas avec celle des créanciers
chirographaires137.

132
Article 17 de l’AUPC.
133
Article 18 Al.6.de L’AUPC.
134
Article .18 de l’AUPC.
135
Ibidem.
136
Article.18 Al.2 de l’AUPC.
137
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit., p.71.
41

Sont aussi frappés les coobligés et cautions lorsqu’elles ont acquitté


des dettes du débiteur nées antérieurement à cette décision. C’est-à-dire, ne
138
peuvent pas se prévaloir des délais et remises du concordat préventif. Ils peuvent
donc être immédiatement poursuivis pour le tout alors que, dans leurs recours
contre le débiteur, ils doivent respecter les dispositions concordataires 139.
C’est ainsi qu’il ressort de l’article 15 alinéa 7 de l’AUPC que
l’homologation du concordat préventif produits ses effets même à l’égard des
créanciers qui ont refusé de consentir des délais de paiement au débiteur
n’excédant pas deux ans, sauf si ce délai met en péril l’entreprise de ces créanciers.
Il y’a lieu de noter que, cette disposition quand bien même louable
viole l’article 63 du code civil livre 3 congolais qui dispose : « Les conventions
n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux
tiers140...».

138
Article 18 Al.3 de l’AUPC.
139
FILIGA SAWADOGO (M.), op.cit.p.71.
140
EBONZO MPUTU (Y.), op.cit., p.118.
42

CONCLUSION

La présente analyse a porté sur la procédure du règlement


préventif comme mécanisme de prévention des difficultés des entreprises en droit
de l’OHADA.
Le législateur définit la procédure du règlement préventif comme
étant, une procédure collective destinée à éviter la cessation des paiements de
l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un
concordat.
Son ouverture par le président de la juridiction compétente suppose
que l’entreprise, sans être en état de cessation des paiements, justifie des difficultés
financières ou économiques sérieuses susceptibles de la conduire à sa disparition.
Elle ne peut être enclenchée que par la requête du débiteur ou par une requête
conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers qui, expose ses
difficultés financières ou économiques ainsi que les perspectives de redressement
par le biais du dépôt d’un projet de concordat préventif qui doit être sérieux.
La décision d’ouverture du règlement préventif produit
immédiatement des effets aussi bien à l’égard du débiteur que des créanciers . En
effet, les droits de ces derniers sont restreints. Ils ne peuvent poursuivre le débiteur
pendant la période de la recherche de l’accord.En ce qui concerne le débiteur, le
législateur de l’OHADA conditionne certains de ses actes par l’autorisation
préalable de la juridiction compétente . A défaut de celle-ci, ce dernier sera frappé
de nullité de droit.
En outre, nous avons constaté que, la procédure du règlement
préventif s’applique également à toute personne morale de droit privé y compris
43

celles qui exercent une activité soumise à un régime particulier lorsque la


réglementation spécifiques régissant ladite activité n’en dispose pas autrement.Il en
est le cas , des établissements de crédit ,des microfinances , les sociétés
d’assurance et de réassurance. En d’autres termes, lorsque ceux-ci seraient en
difficulté en RDC, ils ne seront pas assujetties à l’AUPC, mais plutôt aux textes
leurs réglementants.
Il ressort de la présente analyse que malgré les difficultés que
traversent la majorité des entreprises en RDC, très peu d’entre elles saisissent le
tribunal de commerce pour l’ouverture d’une des procédures collectives
d’apurement du passif spécialement, le règlement préventif. Et cela notamment, à
cause de l’ignorance des règles organisant les procédures collectives d’apurement
du passif, ainsi que leur vulgarisation auprès du public.
Il serait donc préférable que les professionnels de droit et les
juridictions concernées de sensibiliser les dirigeants des entreprises en difficulté,
de recourir à ce mécanisme afin, de limiter tant soit peu le risque de la fragilisation
de l’économie nationale.
44

BIBLIOGRAPHIE
I. Textes juridiques
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement
du passif, révisé le 10 septembre 2015 ;
- Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique, révisé le 30 janvier 2014 ;
- Acte uniforme portant sur le droit commercial général, révisé le 15
décembre 2010 ;
- Loi n°22/069 du 27 décembre 2022 modifiant et complétant la loi n°
003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des
établissements de crédit ;
- Loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant codes des assurances ;
- Loi n°11/020 du 15 septembre 2011 fixant les règles relatives à l’activité de
la microfinance en République démocratique du Congo ;
- Loi n°002/2001 du 03 juillet 2001 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce.
II. Jurisprudences

- CCJA, pourvoi n°013/2003, arrêt du 07 juillet 2005, affaire AZIABLEVI


YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM ;
- Avis n°02/2000 EP/2000 de la CCJA du 26 avril 2000 ;
- Jugement n°52/1ère Cp du 25 juillet 2000 du TPI d’Abidjan, règlement
préventif de la société AIR CONTINENTAL sa ;
45

- Ordonnance n°135/08 du 6 mars 2008 du président du tribunal de commerce


de Bamako portant suspension des poursuites individuelles dans l’affaire
Société Industrielle des produits alimentaires.

III. Ouvrages
- CHIRIBAGULA NYUMPA BASHIMBA (L.), Précis de droit commercial
général, 1ère édition, CEDI, Kinshasa, 2015 ;
- DJOLI ESENG’EKELI (J.), Droit constitutionnel tome 1 : principes
fondamentaux ,édition DJES, Kinshasa,2017 ;
- FILIGA SAWADOGO (M.), Droit des entreprises en difficultés
,Bruylant,Bruxelles,2002 ;
- GUYON (Y.),Droits des affaires 2 :Entreprises en difficultés :redressement
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traitement -sanction, PUA, Yaoundé,2013 ;
- MAMADOU ISMAILA KONATE, Guide des procédures collectives
d’apurement du passif en droit OHADA, LGDJ, Paris, 2019 ;
- MESMIN KOUMBA (E.), Droit de l’OHADA, prévenir les difficultés des
entreprises , l’Harmattan, Paris, 2013 ;
- SAINT -ALARY-HOUIN (C.),Droits des entreprises en difficultés,6e
édition .,Montchrestien,2009 ;
- SAKATA M. TAWAB (G.), Droit commercial congolais : Commerçants,
actes de commerce, registre de commerce, capacité, fonds de commerce,
concurrence déloyale ,faillite, PUK, Kinshasa, 2012 ;
- VIDAL (D.), Droit des procédures collectives , GUALINO éditeur, Paris,
2006.
IV. Articles
- EBONZO MPUTU (Y.), « La procédure de redressement judiciaire en droit
des entreprises en difficulté issue de l’OHADA : entre sauvetage et
46

intervention agonisante »,in Cahiers Africains des droits de l’homme et de


la démocratie ainsi que du développement durable,26ème année, n° 77,
volume 2, octobre -Décembre,Kinshasa,2022 ;
- EBONZO MPUTU (Y.), « Brève esquisse de la procédure de conciliation en
droit des entreprises en difficulté issue de l’OHADA : Analyse doctrinale et
jurisprudentielle »,in Cahiers Africains des Droits de l’Homme et de la
Démocratique ainsi que du Développement Durable, 25ème année, n°073,
vol.2, Octobre-Décembre 2021 ;
- EBONZO MPUTU (Y.), « Analyse critique de la procédure du règlement
préventif en droit des entreprises issue de l’OHADA », in cahiers Africains
de Droit de l’Homme et de la Démocratie ainsi que du Développement
durable, 25eme année, n°73 vol.3, Kinshasa,2021 ;
- HAEHL (J-P), « Les techniques de renflouement des entreprises en
difficultés », BDE, 1981.
V. Autres Documents
1. Manuels d’enseignements
- BASHI RUDAHINDWA (J.), Notes du cours de droit commercial général, ,
édition Justou,Kinshasa,2019 ;
- LOBO Kwete (A.), Module de formation, Commission nationale OHADA
Kinshasa, novembre 2006.
2. Mémoires et TFC
- EBONZO MPUTU (Y.), Analyse des procédures préventives en droit des
entreprises en difficulté issue de l’OHADA, mémoire de D.E.S/UNIKIN,
Kinshasa,2021 ;
- FIDEGNON (J.), le règlement des procédures collectives par le tribunal de
première instance de Cotonou, mémoire de fin de cycle 2, UAC, 2011 ;
- MUKUKU MALEKELELE (E.), Le règlement préventif comme solution à
la dissolution de l’entreprise en difficulté, travail de fin de cycle /D.E.S,
Kinshasa, 2021.
47

VI. Sites internets


- « https : /guillaw.com.cour commune de justice et d’arbitrage, chambre 3,
Arrêt n°098-2016 du 02 juin 2016 » consulté le 3 juillet 2023
- « htpps://www.mémoireonline.com /08/08/1473m »réflexions -critiques -
système-prévention -difficultés -des entreprises -OHADA2.html,
mémoireonline ,consulté le 10 avril 2023.
- KOUDADJE(E.) « http//www.academia.édu/36640223/.chapitre -2-le
règlement -préventif, consulté le 3 juin à 17h17.P.1 ».
- https://biblio.ohada .org procédure collective d’apurement du
passif,formation des magistrats des cours d’Appel en Droit de l’OHADA.
Consulté le 14 août 2023.
48

TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE..........................................................................................................ii

REMERCIEMENTS............................................................................................iii

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS........................................................iv

INTRODUCTION................................................................................................1

I. Problématique.................................................................................................1

I. Hypothèse.......................................................................................................4

II. Choix et intérêt du sujet...............................................................................5

III. Méthodes et techniques de recherche..........................................................5

IV. Annonce du plan..........................................................................................6

CHAPITRE I. LES CONDITIONS D’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE DU


RÈGLEMENT PRÉVENTIF................................................................................7

Section 1 : Conditions de fond..............................................................................7

Paragraphe I : Entreprises éligibles et exclues....................................................8

A. Les Entreprises éligibles à la procédure du règlement préventif....................8

B. Les Entreprises exclues de la procédure du règlement préventif....................9

Paragraphe 2 : Les Types de difficultés que l’entreprise doit traverser...........12

A. Difficultés financières ou économiques sérieuses.........................................12

B. Absence de la cessation des paiements.........................................................15


49

Section 2 : conditions de forme..........................................................................18

Paragraphe 1 : De la juridiction compétente.....................................................18

A. La juridiction matériellement compétente....................................................18

B. La juridiction territorialement compétente...................................................19

Paragraphe 2 : La saisine du tribunal de commerce par la requête du débiteur


............................................................................................................................20

A. La déclaration et dépôt de la requête du débiteur........................................20

B. Les dépôts de pièces accompagnant la déclaration du débiteur..................21

C. Le dépôt du projet de concordat...................................................................23

D. Les obligations spécifiques et dépôt du rapport de l’expert..........................25

CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA PROCÉDURE DU RÈGLEMENT


PRÉVENTIF.......................................................................................................29

Section 1 : les effets de l’ouverture de la procédure du règlement préventif......30

A. Les effets à l’égard des organes de procédure..............................................30

B. Les effets à l’égard du débiteur....................................................................33

C. les effets de la procédure à l’égard des créanciers.......................................37

Section II. Les effets de l’homologation du concordat préventif.........................39

A. Les effets à l’égard des organes de procédure.............................................39

B. Les effets à l’égard du débiteur....................................................................41

C. Les effets à l’égard des créanciers................................................................41

CONCLUSION...................................................................................................43

BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................45

TABLE DES MATIÈRES..................................................................................49


50

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