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L’IMMUNISATION ET L’ASSAINISSEMENT DES

« ESPACES UNIVERSITAIRES AFRICAINS ».


Rodreli KOUMBA PEYENENI
Etudiant à l’Université Marien N’Gouabi (Congo-Brazzaville)
rodrelikoumba67@gmail.com

Résumé :

Il est de notoriété humaine que l’université est tributaire de l’universalité, de


la science, de l’exemplarité et de la compétence. Seulement, en Afrique, les
espaces universitaires se laissent à la portée des syndromes politiques,
idéologiques, ethnicistes et internationalistes et de l’incompétence. L’on devrait
pourtant espérer que les espaces universitaires africains désinfectent la mentalité
et les jugements de certains chercheurs, en proposant des solutions dignes de ce
nom, afin de résoudre les problèmes spécifiquement africains. Mais, le paradoxe
est fort malheureusement méphitique, à telle enseigne qu’ils prêtent toujours aux
foyers de favoritisme, d’incompétence et de légèreté. De ce point de vue, par
faute d’exemplarité, les activités universitaires en Afrique connaissent les
mêmes dérives que les activités gouvernementales.

Mots clés : Afrique, enseignants, espaces universitaires, étudiants, système


LMD.

Abstract:

It is common knowledge that the university is dependent or universality,


science, exemplarity and competence. However, in Africa, university spaces
leave themselves within the reach of political, ideological, ethnicist and
internationalist syndromes and of incompetence. One should however hope that
African university spaces disinfect the mentality and the judgments of certain
researchers, by proposing solutions worthy of the name, in order to solve the
specifically African problems. But, the paradox is very unfortunately mephitic,
to such an extent that they always lend themselves to hotbeds of favoritism,
incompetence and levity. From this point of view, for lack of exemplarity,
university activities in Africa experience the same excesses as government
activities.

Keywords: Africa, teachers, university spaces, students, LMD system.

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Rodreli KOUMBA PEYENENI
Introduction :

Face aux malaises que connaissent nos institutions universitaires, l’on ne se


gênera plus pour dire que la « décision prise par les universités du Sud du
Sahara d’entrer dans le système LMD » rencontre des difficultés à la fois
contraignantes et fatidiques. De ce point de vue, tout part de la qualité des
bâtiments dans lesquels la science devrait être déversée. En d’autres termes,
l’état délabré de nos espaces universitaires ne favorise pas l’installation de ce
système. Puisque, dans une condition d’effectifs toujours croissants dans des
salles incapables de contenir un nombre important d’étudiants, ces universités
qui vivotent à la lisière de la logique ne sauraient relever des grands défis fixés
lors de l’instauration de ce système dans nos espaces universitaires.

De ce fait, « les Africains (…) doivent renoncer à mimer les pays riches en
s’obstinant à maintenir des institutions d’enseignement supérieur qu’ils sont
incapables de gérer, faute de ressources et de compétences. » (F.-M. Affa’a et T.
Des Lierres, 2002, p.9)

Ce faisant, la formation reçue dans une université africaine, de nos jours, est
remise en cause à la fois par les locaux et par les étrangers. Parce que, dans une
certaine mesure, les locaux préfèrent s’inscrire dans des universités européennes
et/ou américaines, souvent équipées, afin de bénéficier tout le confort en matière
de formation académique. Les étrangers, quant à eux, non seulement évitent de
permettre à leurs étudiants de s’inscrire dans nos universités (africaines),
accordent avec mépris peu d’estime à nos diplômes universitaires, compte tenu
de la qualité de la formation et de l’équipement des lieux de formation. Pourtant,
il est bien là question d’un même système. Mais, les conditions d’accueil et de
travail diffèrent sans complaisance. En effet, « l’Afrique doit revenir au vieux
rêve colonial de l’école de village, afin de mieux investir dans l’alphabétisation
et l’éducation de base. »
Le pays de Descartes, par exemple, obligerait un finaliste ‘scientifique’
africain de passer par un test, une manière de jauger son niveau. En Afrique,
cependant, aucun test ne serait envisageable pour un finaliste européen ou du
pays de l’oncle Sam qui souhaiterait se positionner chez nous, tout simplement
parce que nous avons des « produits importés à partir des programmes élaborés
dans les pays d’Occident ». En ce sens, le choc réside dans la manière dont les
universités africaines s’approprient ce système sacralisé, nous avons cité le
système LMD importé. Déjà, l’entrée des universités africaines dans un système
qui leur est étranger, par rapport à leurs pratiques universitaires actuelles et leurs
besoins, nous rappelle en quelque manière les balbutiements de la démocratie
dans nos espaces politiques. Tout va de soi apparemment.

A vrai dire, les implications paternalistes françafricaines sont toujours


omniprésentes en Afrique, puisque tout s’était fait comme à la Baule : « Ne
serait reconnue avec ses diplômes que cette université qui affranchirait
courageusement le pas vers le système LMD. » De ce point de vue,
l’imprégnation de ce système par nos universités reste à désirer – compte tenu
des multiples imperfections qui sautent aux yeux. – En effet, en partant du
‘‘frétillement’’ de nos universités publiques face à ce modèle sacro-saint à la
prolifération des institutions universitaires privées en Afrique, tout se décline en
termes de « mode », c’est-à-dire que nos espaces universitaires ne se battent que
pour des soucis d’être à jour dans leurs relations avec les institutions étrangères.
Sinon, manifestement, « nous devons nous affranchir des paradigmes et des
rhétoriques à la mode. » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 10)

Dans cet humble texte, il est question de montrer que les tâtonnements des
politiques de nos espaces universitaires ne contribuent en aucune manière à la
résolution de nos problèmes les plus immédiats. Ainsi, l’intention fondatrice de
cette étude est de dire que l’immunisation et l’assainissement de nos institutions
académiques ne sont possibles que tant et si bien que nos universités retrouvent

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leur lettre de noblesse. A partir d’une approche analytique et critique, deux (02)
parties s’ouvriront à l’élucidation de cette thèse. En ce sens, il sera question de
montrer dans la première partie, la diligence d’une nécessaire immunisation des
espaces universitaires africaines (1), c’est-à-dire, revoir l’enseignement
supérieur en Afrique. La seconde partie, quant à elle, consistera prouver, tant
soit peu, le nécessaire assainissement des administrations universitaires
africaines (2).

1. La diligence d’une nécessaire immunisation des espaces universitaires


africains :

Dans les récents rapports publiés, il est souvent notifié qu’aucun espace
universitaire subsaharien ne figure parmi les meilleures universités africaines et
du monde. Si ce score schématise le mauvais état de ces institutions, les
conditions d’apprentissage précaires, ainsi que le niveau douteux de certains
enseignants, rien ne porterait donc obstacle à la nécessaire immunisation que
doivent assumer nos espaces universitaires. Mais pourquoi ?

Tout le poids de ce constat se trouve allongé dans cette plainte de F.-M.


Affa’a et T. Des Lierres (2002, p. 13), lorsqu’ils disent :

« Que propose l’université pour améliorer les images des sociétés ravagés par la faim,
la pauvreté, la maladie et la mort des enfants ; des images d’une Afrique subsaharienne
en proie à la désertification, à la surexploitation des ressources naturelles et des
populations par des oligarchies insatiables, des images des pays où règnent la
corruption, la torture, le népotisme et les guerres tribales ? Quelle contribution propose
l’institution universitaire pour atténuer les faits et les maux à l’origine de ces clichés
qui nous collent à la peau comme des stigmates ? »

Toutes ces plaintes qui placent les universités africaines devant le tribunal de
la raison prévoient en ces termes le fonctionnement de nos institutions
académiques au profit de nos sociétés. A la question : « comment l’université
africaine peut-elle prétendre répondre aux attentes des sociétés africaines ? »,
toutes les réponses jetteraient l’anathème au gouvernement.
En ce sens, l’enseignement supérieur perd peu à peu son rang prestigieux, du
simple fait que ses débouchés au lieu de permettre l’évolution des sociétés
jouent plutôt à l’« inefficacité » et le bouc-émissaire c’est le gouvernement. Delà,
la valeur de la formation est tirée vers le bas. Puisqu’avec des amphithéâtres
bondés, pléthoriques, surpeuplés, des manques d’enseignants, des équipements
obsolètes – restes des legs de la colonisation –, il est fort malheureusement triste
de constater qu’en dépit du revenu national de certains pays, les étudiants
d’Afrique subsaharienne sont, sans répit, confrontés à de nombreuses difficultés
et ce, les universités deviennent des lieux de distraction. Ainsi,

« la ruée vers l’enseignement universitaire est en effet difficile à gérer parce qu’elle se
trouve à aller de pair avec un déficit énorme d’encadrement et de structure d’accueil :
bibliothèques, salles de cours, laboratoires, équipements informatiques, capacité
d’accueil des restaurants et des résidences universitaires sont tous à la fois saturés et
sous-équipés. » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 19)

Par-dessus tout, les conditions de travail sont loin de s’imprégner des


exigences de la modernité, à telle enseigne que, dans des amphithéâtres qui
datent de l’époque coloniale et croupissent dans le sureffectif, les étudiants sont
forcés à se lever très tôt pour obtenir une place dans ces amphis. C’est dans ce
même ordre d’idées qu’ils ajoutent : « Les étudiants doivent venir investir le lien
plusieurs heures avant le début de la cérémonie pour jouir du privilège d’une
place assise. » (2002, p. 20) Dans ce sens, en dépit des problèmes sécuritaires,
au moment où les « microbes », les bandits sèment la terreur, certains étudiants
sont obligés de se soumettre à la gymnastique routinière. Ainsi, ils s’exposent
aux attaques, aux embuscades, etc. A vrai dire, « il faut vraiment être en mal
d’instruction et de réussite personnelle pour accepter de suivre un cours dans
cette ambiance survoltée au sein d’une enceinte chaude et humide de
transpiration ».

Dès l’arrivée de certains étudiants, nouvellement admis au baccalauréat, le


sureffectif (la pléthore) est la première réalité à laquelle ils sont confrontés. Delà,
le découragement les envahit et le dégoût de l’école s’installe. Tout se fait

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comme s’il ne faut pas se mettre sur le podium de la modernité ou de braver
l’autorité de la nature. L’Etat ne songe jamais à améliorer les conditions de
travail en vue de tolérer toutes les différences, c’est-à-dire permettre aux
asthmatiques, myopes, personnes à mobilité réduite, etc., de travailler comme
des vrais universitaires. La faute incombe aux retouches intermittentes. Ainsi,

« l’obligation des ajustements structurels des années 1980 et, aujourd’hui, les
injonctions de réforme faites aux Etats africains n’ont qu’augmenter leurs difficultés et
celles de leurs universités (…) en matière d’éducation. » (H. Ben Hammouda et M.
Kasse, 2002, p. 256-257)

Ce texte nous illumine grandement, en ce sens que les conditions précaires


des études dans les espaces universitaires subsahariens prouvent justement
une « baisse notoire de la qualité de la formation dispensée. »

1.1. Le malheur d’être étudiant en Afrique


Il ne s’agit pas pour ainsi dire d’une malédiction comme le diront certains.
Mais, il faudrait plutôt le comprendre en termes d’une vie qui épouse les
tourments, le sacrifice et les problèmes. En effet, à côté du terrible souci du
surpeuplement dans les amphithéâtres, il s’ajoute aussi un manque criant
d’enseignants. Tel est le problème qui fait que les étudiants payent le lourd tribut
dans les universités africaines. De ce fait, plus de 500 étudiants par année
universitaire sont à la charge d’un seul enseignant. Tout se fait à l’envers des
recommandations de l’UNESCO qui disposent 25 à 45 étudiants par enseignant.

Par ailleurs, l’acharnement universitaire infligé aux étudiants teinte de façon


draconienne tout le cursus universitaire de ces derniers en Afrique subsaharienne.
En fait, la démographie estudiantine élevée favorise la « fuite » des compétences.
Dans cette fuite, la difficulté des étudiants réside ainsi dans le manque
d’enseignants en nombre et en qualité. Qu’est-ce que donc la « fuite des
compétences » ?
Ce vocable est illico presto clair, puisque cette fuite s’inscrit dans le cadre
des exils d’études ou professionnels, en allant vers des universités du Nord ou
vers d’autres institutions où ces élites ont la possibilité de réaliser leur projet
professionnel et se construire un avenir dans les conditions matérielles
acceptables. La fuite des compétences concerne aussi, de plus en plus, des
étudiants partis généralement au Nord pour des études aux frais du budget de
leurs Etats, et qui ne retournent plus jamais dans leur pays, malgré les clauses
implicites ou explicites de leur départ à l’étranger.

En outre, les universités africaines ont opté pour des politiques de


développement, souvent influencées, voire imposées, de l’extérieur, à cause
d’un environnement mondial où les interventions bilatérales et multilatérales
sont complexes. Etre étudiant (subsaharien) est loin d’être de nos jours un
prestige ou un honneur, en ce sens qu’il est souvent considéré comme une
personne tourmentée. Il poursuit ses études dans des systèmes de manipulation,
là où l’octroi des bourses (d’études étrangère ou nationales) ne demeure qu’un
simple souvenir dans sa mémoire. Il se trouve dans un espace qui méprise la
valeur de l’« orientation ». Le plus souvent, les orientations et les politiques
d’enseignement supérieur qui en découlent, n’atteignent pas les résultats
escomptés. Nul besoin de ne pas dire qu’il y a un problème sérieux qui remet en
cause la finalité de l’enseignement supérieur pour ceux qui y parviennent, et en
même temps qu’il angoisse ceux qui se préparent à y entrer. C’est tout le sens
que donne A. Nyamba dans ce texte, lorsqu’il écrit que :

« Le lieu de sélection et de formation de l’élite est l’enseignement supérieur. Il


accueille en principe les jeunes pour les équiper en compétences techniques et
caractérielles en vue de leur insertion sociale par le travail. »

A comprendre la teneur de ce texte, A. Nyamba nous décalque la logique


méprisée d’un espace universitaire. Ainsi, parmi les critiques qui reviennent le
plus souvent de la part des étudiants, il y a principalement celles qui portent sur
le système de formation même, avec ses contenus et les moyens matériels et

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humains qui l’accompagnent ; il y a aussi les critiques qui concernent les
interrelations sociales qui se nouent dans l’espace universitaire : entre les
étudiants eux-mêmes, dans le cadre des associations diverses et multiformes ;
entre les étudiants et l’autorité universitaire, dans le cadre de l’administration de
la vie universitaire. A en croire F.-M Affa’a et T. Des Lierres (2002, p. 10),

« Si l’on veut accorder une attention privilégiée à la vie réelle des étudiants dont les
familles sont incapables d’assurer les coûts de formation en Europe ou en Amérique
du Nord, il faut montrer la preuve qu’il est possible d’acquérir des hauts niveaux de
compétence et d’expertise dans les lieux de production et de diffusion des savoirs
enracinés dans les réalités du continent. »

Une telle lancée peut décidément réduire, sinon freiner l’intensification des
fuites de compétence dans nos Etats qui souhaitent, par tous les moyens,
atteindre l’émergence. Il suffirait aussi de résoudre ces problèmes avec des
solutions applicables au marché de l’emploi.

En Afrique subsaharienne, on se sent parfois sans avenir quand on se


retrouve à la faculté, du fait qu’il se trouve une inadéquation entre le contenu
proposé et les besoins du marché du travail. Ainsi, la faculté et même les écoles
et instituts de formation traduisent une profonde lassitude, voire une inquiétude,
devant les lendemains incertains.

1.2. Le délabrement des espaces universitaires africains

Dans sa structuration administrative, l’institution universitaire compte parmi


ces instances une bibliothèque, en vue de permettre la « recherche » aux
étudiants ainsi qu’aux enseignants ; des résidences universitaires afin d’héberger
quelques étudiants et enseignants, pour ne citer que ces instances. Seulement, les
bibliothèques et les résidences universitaires de nos universités subsahariennes
ont une maladie chronique, elles ne sont jamais équipées. L’accès gratuit à
l’internet et la numérisation des livres demeurent une culture absente aux
espaces universitaires qui veulent épouser l’émergence, ou, pour mieux dire, le
système LMD. A défaut d’une telle évolution, les étudiants sont parfois forcés à
s’inscrire dans des bibliothèques les plus équipés de la place pour avoir accès
aux livres dont ils ont besoin. Mais pourquoi ?

Les bibliothèques universitaires sont souvent exiguës et ne disposent pas


toujours d’ouvrages spécialisés récents. Autrement dit, les bibliothèques
universitaires ne sont jamais à jour en matière de livres, elles n’ont que
d’ouvrages à exemplaires et éditions uniques. Et ce, faut-il notifier aussi qu’il
s’agit des bibliothèques ayant des places insignifiantes, incapables de contenir
plus de 10.000 étudiants de filières différentes par jour. En ce sens, il en résulte
un gâchis énorme dans tous les secteurs de l’université et une perte accrue
d’efficacité qui affecte gravement l’enseignement et la recherche (F.-M. Affa’a
et T. Des Lierres, 2002, p. 8).

Quid des laboratoires ? A cette question, il importe de dire que les


laboratoires dans les institutions universitaires subsahariennes sont souvent
vétustes et inexistants. Car, même dans ces lieux sacro-saints, certains
enseignants, par faute de matériels appropriés, ne s’interdisent pas d’enseigner la
théorie dans les laboratoires. D’où, les étudiants se sentent incapables de « créer
des connaissances ». Tout se fait aux antipodes à la déclaration de K. Popper
(2006, p. 192-193), lorsqu’il déclare :

« Après avoir raconté un mythe, le conteur était disposé à devenir l’auditeur de ce que
son auditoire avait pensé du mythe ; le conteur admettait par là même que son
auditoire puisse présenter une explication éventuellement meilleure que la sienne (…)
Je te conte ce récit, mais dis-moi ce que tu en penses. Médite-le et peut-être pourrais-tu
m’en donner une version différente. »

A comprendre le souci de K. Popper, les universités se veulent être stricto


sensu des lieux initiatiques, permettant aux hommes de façonner leurs propres
connaissances, puisque, « la vérité ne se trouve toujours pas dans le livre du
maître », dirait-il. Dans ces conditions, les cours ne seront que des clés et ce,
chaque étudiant devrait ouvrir n’importe quelle porte avec ces clés. A contrario,
certains enseignants se permettront de « raconter leurs vies » lors des cours. En

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d’autres termes, ils clabaudent « n’importe quoi au point d’en être risible » (A.
Egger, 2003, p.51) pendant les cours. Conséquemment, ces jérémiades
n’ajouteraient rien d’inédit au savoir des étudiants.

1.3. Le paradoxe des diplômés sans emploi et du manque de main


d’œuvre qualifiée

Ce paradoxe est d’emblée fort. Car, la plupart des pays africains au moment
où ils lancent des cris d’alarme dû au manque de ressources humaines, ils
refusent paradoxalement volontiers de recruter les diplômés et intensifient
encore des concours d’entrée à la fonction publique. Delà, sous la cadence de ce
système dit LMD, le modèle actuel de production des productions en Afrique ne
correspond pas aux besoins éprouvés dans le marché du travail et du
développement. Voilà pourquoi l’issue du calvaire universitaire en Afrique
subsaharienne est couronnée par le chômage. Ainsi, en lisant les ambitions de
F.-M. Affa’a et T. Des Lierres lorsqu’ils parlent des universités africaines, la
veule aspiration au développement surgit, compte tenu de la discordance entre la
« production » et la « nécessité ». Généralement,

« on la qualifie même d’institution budgétivore qui produit à coût élevé des diplômés
que l’économie nationale ne peut absorber et dont la contribution à l’effort collectif de
développement demeure incertaine. Il est établi en effet que les diplômés universitaires
éprouvent des difficultés énormes à s’insérer dans le marché de l’emploi ou à créer
leurs propres structures de production ou de services. » (2002, p. 20-21)

Comme tel, un diplômé BAC+5, équivaut à un Master plein, peut vendre des
vêtements, écrire des articles pendant la journée et être sentinelle le soir. Tout
simplement parce que dans les secteurs publics, le recrutement est devenu un
mirage, un véritable miracle divin. L’on devient désespérer si et seulement si on
n’a pas eu la chance d’être dans un institut de formation. Pourtant, « tout Master
doit permettre une insertion professionnelle, soit immédiate, soit après
l’obtention du diplôme. » (Charte du Master de l’Université Marien Ngouabi,
2014, p. 8)
Par-delà, les universités africaines s’en félicitent et s’en réjouissent, malgré
toutes les incertitudes du lendemain des étudiants, lorsqu’elles adhèrent au
système LMD. Si cela donne à douter, il importe d’analyser les situations qui
caractérisent ces universités !

Le contraste devient très inquiétant dans ce cadre, puisqu’au moment où les


diplômés de nombreuses institutions d’enseignement supérieur d’Afrique
demeurent sans emploi, il n’en reste pas une importante pénurie de main
d’œuvre qualifiée. Comment peut-on cautionner que les institutions
d’enseignement supérieur d’Afrique subsaharienne produisent des cadres pour
les délaisser sans avenir, au moment où le pays croupit dans l’incapacité de
répondre aux besoins immédiats de l’Etat ?

1.4. Pourquoi l’inadéquation entre l’offre et la demande ?

Le vrai problème réside en effet dans l’inconfort du système LMD, en ce


sens qu’il ne parvient pas à épouser les demandes et réalités africaines. En
Afrique, on forme pour ne pas utiliser, c’est-à-dire on forme les chômeurs et on
sacrifie ces générations. Cela devient bien évidemment le cycle productif de
l’université. Mais comment se fait-il qu’on forme pour abandonner… ou, pour
dire mieux, qu’on soit formé pour être abandonné ?

Plus loin, les systèmes d’enseignement supérieur d’Afrique manquent de


spécialisation régionale adéquate. En d’autres termes, les universités
subsahariennes manquent des politiques qui puissent solutionner les problèmes
locaux. Tout est forgé sur le modèle occidental, comme si on avait les mêmes
problèmes et qu’on devrait atteindre la même émergence. Ainsi, toutes les
reformes constatées se sont inscrites dans le cadre de la continuité du mimétisme
occidental. « L’Afrique est le seul continent qui ne dispose pas d’un système
contrôlé d’autoreproduction collective. L’éducation scolaire apparait comme un

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kyste exogène, une tumeur maligne dans le corps social. » (J. Ki-zerbo, 1990, p.
16)

C’est ce triste constat qui justifie l’installation de certains enseignants ailleurs


et l’intéressement de certains étudiants aux universités étrangères.

1.5. Le sacerdoce d’enseignant dans les espaces universitaires africains


et les relations socio-académiques entre « étudiants-enseignants »

En Afrique, sauf ailleurs, l’étudiant est un véritable ‘ennemi’ de l’enseignant.


L’enseignant du supérieur dans nos espaces universitaires, souvent appelé
« catcheur », du simple fait qu’il s’investit pour l’échec de ses étudiants, nous
rappelle le passé, là où le maître était un dieu, très craint.

« La science est déjà compliquée, inutile de la compliquer encore ! », dirait


mon oncle. En effet, c’est ce comportement de complexification ou de
mystification de la science qui anime nos enseignants. Ils ont toujours aimé
revêtir de rigidité la science au lieu de la rendre facile aux yeux des étudiants.
Sans pourtant évoquer le dégoût qui les animent, eux les enseignants et les
étudiants, dû aux mauvais traitements que leur inflige l’Etat, les institutions
académiques africaines connaissent une sincère « fuite de compétence ». C’est
ce qui justifie l’installation de certains enseignants ailleurs et l’intéressement de
certains étudiants aux universités étrangères. Sur ce, les faibles salaires des
enseignants, le manque de financement et d’équipement consacrés à la recherche,
ainsi qu’une autonomie limitée sont autant d’obstacles à la rétention des
enseignants des universités africaines. Du reste, les perturbations universitaires
dues aux mouvements de grève du personnel et/ou des étudiants, causés par
plusieurs facteurs, constituent le surplace de l’enseignement supérieur en
Afrique. Ce faisant, « les revendications et les grèves répétées annoncent un
véritable naufrage de ces universités. » (J.-M. Ela, 2005, p. 73)
Elles sont souvent en effet marquées par des turbulences politiques et des
remous sociaux à répétition (grèves incessantes, ‘‘années blanches’’) qui
constituent de remettre en cause les structures actuelles d’enseignement et qui
interpellent l’incapacité des universités à répondre aux attentes des secteurs
productifs.

Ce faisant, rien n’incite à ce sacerdoce, ni les salaires ni les conditions de


travail des enseignants. Aussi, convient-il de souligner les complications et
l’acharnement universitaires de certains enseignants ethnicistes sur les étudiants,
les empêchant ainsi de soutenir leurs thèses de doctorat. Tout se fait par
« affinité » et « parrainage ». Ceci a pour impact, le nombre insignifiant
d’enseignants actifs, lesquels sont toujours en deçà des besoins, surtout face au
phénomène de la « surpopulation estudiantine. » Aussi, « la noblesse du métier
d’enseignant » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 14), valeur liée au
système colonial, est en train de devenir un concept obsolète. Les raisons sont
multiples. Du moins, nous parlerons plus de la rivalité qui existe entre les
étudiants et les enseignants, rivalité souvent causée par les enseignants.

Généralement, dans les espaces universitaires subsahariens, il est « interdit


d’avoir une amie ou d’être le complice d’une fille ». En d’autres termes,
l’enseignant éprouve une hargne très désastreuse pour « quiconque signera une
amitié avec sa cible. » Dans des salles qui n’ont pas été nettoyées auparavant ;
retards presque systématique de certains enseignants, dont les étudiants ne se
plaignent plus ; ou encore la transformation de l’espace universitaire en lieu de
petits commerces informels, animés parfois par les étudiants eux-mêmes, les
universités africaines sont devenues des « bombes à retardement » (J. Ki-zerbo,
1990, p. 50) Rien de sérieux ne se constate. Ce que l’on ose appeler encore
« campus universitaire » sert souvent de lieu de passage ou de séjour régulier
pour toutes sortes de marginaux (fous, drogués, gosses affamés en guenilles et
en mal de scolarisation.)

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Sans parler des animaux, voitures circulant dans les espaces universitaires en
toute liberté, les cours d’un semestre en Afrique ne peuvent avoir lieu qu’en
deux mois, ou, pire encore, en un mois. Puisque, l’enseignant présente un cours
pour enseigner un autre, l’incompétence arpente à pas de géant les universités
africaines avec ses formations abrégées. Comme constats, nous noterons :
l’incapacité de certains enseignants d’expliquer les cours ; l’accaparement
exagéré des modules universitaires par un seul enseignant, par manque de
nouvelles recrues ; les harcèlements sexuels des enseignants envers les
étudiantes, causant parfois l’échec de certaines d’entre elles, si seulement elles
ne se soumettent pas à la volonté de l’enseignant ; l’arrogance et l’orgueil de
certains enseignants. A vrai dire, face à ces problèmes de « gestion » (I. Shivji,
2005, p. 3) et d’immoralité, le mieux « serait de se taire. » (G. K. Dessinga,
2018, p. 24) pour celui qui veut valider ses semestres, du simple fait que
l’enseignant à l’université, peu importe les tribunaux, « n’a jamais eu tort ».

Partant de ce point de vue, les enseignants par incompétence se mettent à


« raconter leur vie » pendant les cours, font des cours trop théoriques et ne fixent
pas les objectifs du cours. Tout se fait comme s’ils n’étaient pas passés par là. A
côté de ce bricolage pédagogique, la divinisation du maître reste notre coutume.
Dans cette veine, nous nous permettons de notifier l’incapacité de certains
enseignants de s’en débarrasser de leurs auteurs de prédilection ou leurs thèses
de doctorat. Comme dirait un grand-père, « à l’université, on a tous constaté que
les enseignants ne parviennent pas à descendre des dos des auteurs. » Tout se
fait au mépris de l’étiquette de la transdisciplinarité et de l’interdisciplinarité
voulues par C. Z. Bowao. Telle est en fait la définition qu’il donne de
l’universitaire.

Pour des exploits au sein des espaces universitaires africains, l’heure est, dit
G. K. Dessinga (2018, p. 25), d’une « vraie culture de la dissidence et de la
contestation. » En ce sens, l’on n’est plus obligé de répéter le maître pour être
son disciple. Il ne serait non plus question de commenter et clarifier uniquement
les arguments et positions de l’enseignant ou mieux d’appartenir à une même
ethnie et/ou un même village que l’enseignant pour être son ami. Ces antivaleurs
favorisent le tribalisme en milieu universitaire, car, certains enseignants et
étudiants se permettent de créer des groupes ethnicites et régionalistes au sein de
l’université. L’étonnement est bien fort, en ce sens que le fétichisme et les coups
bas jouissent d’une véritable ubiquité à l’université. Une retrouvaille de ceux qui
sont plus représentés à l’université suffit pour « souhaiter la mort de l’autre » et
« dresser des peaux de banane sur les sentiers des autres. »

Du moins, le libéralisme scientifique ou l’anarchisme épistémologique de P.


Feyerabend dans la boîte estudiantine devrait être la clé de voûte.

Aussi, dans cette relation, des différends de moindre importance concernent


les rapports entre les étudiants et les enseignants : par exemple, « si tu ne
connais personne ici à l’université, tu ne t’en sortiras jamais et on verra
comment tu vas valider tes semestres ! » Et, entre eux-mêmes : « Je suis plus
compétent que toi, je suis plus gradé que toi… ! », ainsi, l’un dira : « Je suis
Professeur-titulaire (P.T) et toi Maître-assistant ! » et l’autre : « Je suis Maître de
conférences (M.C) et toi un piètre Assistant ! ». La lutte sans raison ne s’arrête
pas là, en raison des propos provocateurs de certains enseignants lorsqu’ils
s’adressent aux étudiants : « Après avoir fait ce cours, tu peux alors bien
engager un débat houleux avec les collègues dans la salle des profs. » Etonnant !

En suivant ces débats autour de la compétence et du grade, il se constate bien


comment les enseignants africains se fourvoient dans des litiges inutiles et bas.

1.6. L’ « ethnicisation » et le tribalisme dans les universités africaines

L’université, on le sait, est le siège de l’universalité, de la tolérance et de


l’acceptation des différences sociales. Une telle approche demeure jusque-là une
sorte de salut pour les universités africaines. Mais, les implications ethnicistes et

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tribales ont malheureusement pris toutes les directions. En ce sens, il s’en suit
une « sélection sévère » de ceux qui peuvent/doivent soutenir leurs mémoires et
leurs thèses de doctorat à l’université. Les copies corrigées en suivant les noms
des étudiants défavorisent avec autorité certains étudiants innocents, lesquels
constatent les oscillations de leur avenir entre échec et abandon. Pour justifier
cela, une partie de ceux qui cessent de poursuivre leur rêve à l’université ont
pour motif : « le comportement ethniciste de l’enseignant envers eux. »

2. Le nécessaire assainissement des administrations universitaires


africaines
2.1. L’apogée de l’absentéisme, du retard et de la fainéantise du
personnel non enseignant

Les travailleurs des universités subsahariennes se sont toujours comportés en


« patron ». Non seulement parce qu’ils viennent avec un grand retard au lieu de
service, mais bien plutôt parce qu’ils s’absentent à leur guise. Cela est sans
sanction. Parlant de la qualité du service rendu aux étudiants, d’eux, nous
retiendrons des engueulements sur les étudiants et la fameuse formule magique :
« Rien n’est encore prêt, repasse demain… ! » De la disparition des dossiers
administratifs des étudiants à la cupidité de certains d’entre eux, certains
étudiants sont appelés ainsi à refaire leur dossier académique et à les corrompre
pour voir leur diligence au travail.

Sans être misogyne, comment voulez-vous que des femmes qui transportent
dans les lieux de service les affaires de la maison et de la rue travaillent pour
satisfaire ? Maintes fois, nous sommes estomaqués, quand elles manquent de
déférence à l’égard des « futurs cadres » et s’énervent parfois contre nous
lorsque nous tentons d’interrompre leurs jérémiades pour poser rapidement notre
problème, afin de retourner en classe.
2.2. L’acharnement universitaire et les tourments estudiantins

Nous l’avons dit, « être étudiant, ce n’est pas facile ». Faire les études à
l’université, au lieu d’être d’un ouf de soulagement, ressemble plutôt à un enfer,
là où la souffrance est au trône. Les résultats semestriels tardent toujours, le
retrait des diplômes est un casse-tête, la corruption atteint son paroxysme dans
un endroit qui devrait plutôt être neutre, les relevés de notes sont établis par eux-
mêmes les étudiants, l’admission au concours a deux critères : soit on travaille
« très très bien » soit on achète le concours, les phénomènes des « cases vides »
et de « notes éliminatoires » non justifiées sévissent de plein fouet nos espaces
universitaires, le non-paiement des stages, la fraude pendant les examens,
appelés « sessions » sont parmi tant d’autres des dénis des universités
subsahariennes.

En Afrique, précisément dans nos espaces universitaires, les calendriers des


rattrapages peuvent être affichés sans les résultats des « examens ordinaires », et
ce, tous les étudiants sont obligés de passer aux rattrapages, même si la situation
de chacun d’entre eux est tout à fait particulière. Au pire des cas, on décrète « la
session unique ». Ainsi, parlerait-on d’appropriation du système LMD au
moment où les autorités universitaires font d’un poids deux mesures ?

Il est vrai que tous ces grincements sont causés par le phénomène de
« sureffectif » dans les espaces universitaires africains. La légalisation des
documents académiques se fait sous un soleil torride en file indienne. Pour
certains, les rendez-vous avortent, c’est-à-dire sont souvent reportés sine die.
Même son de cloche pour l’établissement des cartes d’étudiant. Au demeurant,
ces mauvaises organisations « reflètent sans aucun doute un manque flagrant de
planification stratégique dans la gestion de ce système social pourtant de
première ligne. » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 20)

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2.3. Les intermittents ratés en matière de réclamation

Avant tout propos, il importe d’abord de signaler que le manque de


communication et de sensibilisation est le sacré défaut des espaces universitaires
subsahariens. Ils ont refusé de gré les avancées numériques. Aucune plateforme
ne sensibiliserait les étudiants et ce, toutes les réclamations et/ou les recours se
feront en sourdine et en catimini. Seuls les avertis seront alertés et les déplacés
seront sacrifiés et doivent revenir aux rattrapages. Au pire des cas, certaines
autorités mettent tous leurs poids dans la balance afin d’annihiler tous les
recours des étudiants.

Conclusion :

A l’issue de notre analyse, il importe de souligner, avant de déposer la plume,


que le vrai problème des naufrages de nos espaces universitaires réside dans la
manière dont la science est vulgarisée. Tantôt elle est vulgaire, tantôt
« populiste » (G. K. Dessinga, 2018) et théorique. En fait, l’enseignement en
Afrique subsaharienne devrait être rationalisé. « L’enseignement à la rationalité
est le refus de l’arbitraire et de la résignation dans l’enseignement. Elle permet
(…) de lire la réalité des choses et à l’interpréter de façon libre, mais rationnelle,
intelligente et compréhensible. » (M. E. Mankessi, 2019, p. 46)

Seulement, avec des amphithéâtres surpeuplés ; un manque criant des


enseignants à cause du syndrome de l’ « ethnicisme scientifique » dont les
débouchés sont la sélection sévère, non par compétence, mais, par ethnie, par
parrainage de ceux qui veulent soutenir leur mémoire de Master et leur thèse de
doctorat ; des équipements obsolètes, il est triste de constater le surplace et les
naufrages des espaces universitaires subsahariennes. Voilà pourquoi les
enseignants avec leurs langages des extraterrestres ne font que livrer aux
étudiants des enseignements scellés, difficiles à déballer.
Par-delà, les conditions de travail refusent d’épouser la modernité et le
fameux guide : le « système LMD ». Tous les cours se font dans des enclos qui
datent de l’époque coloniale, lesquels se trouvent incapables de contenir les
étudiants. De ce point de vue, les étudiants prennent souvent le chemin de
l’université à 04 heures du matin, afin de ne pas rater la messe de 07 heures 30.
Ainsi, se livrent-ils à l’insatiabilité sécuritaire qui sévit nos pays, où des
« microbes » sèment la terreur.

De cette qualité de formation, nous retiendrons le paradoxe des diplômés


sans emploi et du manque évident de main d’œuvre qualifiée. Tout se fait dans
la continuité du mimétisme occidental, puisque nos universités calquent nos
types de formation sur des modèles occidentaux. Ainsi, avec des bibliothèques
incomplètes et des laboratoires vétustes, les universités subsahariennes forment
des chômeurs, des désespérés de la société. A vrai dire, ce constat n’est pas un
hasard, tout simplement parce qu’en Afrique, les étudiants sont formés non pas
pour travailler en Afrique mais pour se chercher ailleurs. L’enseignement
supérieur semble tourner le dos aux réalités proprement africaines.

A travers cette thèse que nous avons épaulée, en fait, je crie mon ras-le-bol
sous une forme d’appel au changement. De facto, la formation théorique suivie
par des étudiants dans nos espaces universitaires les prépare à être des
handicapés sociaux et des perroquets. Autrement dit, à l’université, on forme des
récitants. A comprendre le sens que je donne à l’expression « acharnement
universitaire », il importera alors de dire qu’en Afrique noire, de façon générale,
l’enseignant du supérieur est un « dieu » et n’a jamais « eu tort ». Le simple
motif de présenter des recherches aux antipodes de son exposé, d’être avec celle
qui fait battre son ‘cœur’ – même dans le cadre d’une simple amitié –, de ne pas
être obligé de le répéter, le commenter et/ou l’aduler,…suffit là pour ne pas
valider le semestre et pour ne pas être son impétrant.

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De leurs retards systématiques, dont les étudiants ne se plaignent plus, les
enseignants du supérieur ont toujours « raconter leur vie » et leurs « expériences
personnelles » pendant les cours. Ce sont ces genres d’enseignants qui n’ont
jamais fixé les objectifs de leurs cours, ceux-là qui inventent des paroles inutiles,
ambiguës et obscures, ceux-là qui rendent l’université en espace de « hobbies »,
là où les étudiants viennent se détendre, rire et passer leur temps. Pour eux, la
science est synonyme d’obscurantisme et non de clarté, ce serait aussi de
complexité et de mystification et non de simplicité. Ils méprisent le fameux
principe d’Occam, ce que nous appelons : rasoir d’Occam, consistant à éliminer
des êtres inutiles. Tout ceci n’est guère une analyse qui manque de flegme,
puisqu’ils ont toujours fourni des efforts pour compliquer leur manière de
transmettre le savoir.

Un autre fait, avant de clore mon propos, les enseignants du supérieur en


Afrique subsaharienne sont toujours très contents quand leurs étudiants échouent
aux partiels et reviennent, sans partage, aux rattrapages. Un autre cours est
enseigné et on en interroge sur un autre, c’est-à-dire un cours qui n’a pas été
enseigné et qui n’a ‘jamais’ constitué le fond de l’étude fera l’objet des partiels.
Ces enseignants ne transcendent pas très tôt les périmètres de leur thèse de
doctorat. Pour eux, toute la science trouve son résumé dans leurs thèses de
doctorat. D’autres diront que la sociologie commence et s’arrête avec E.
Durkheim. C’est le refus consenti de s’ouvrir à l’universalité.

De telle façon, veulent-ils sincèrement l’émergence de l’Afrique ? – Faux


rêve, en ce sens que tout se fait comme si l’université n’était plus le lieu de
formation de l’élite, sinon de règlements de compte et de publicités de grade
universitaire. – Ainsi, devrait-on damner avec rigidité la fuite de compétence ? –
« Qui vivra verra ! », diraient les anciens.
Bibliographie :

Abdoulaye Niang, 2004, « Le système LMD, une entreprise d’innovation


académique à parachever : de la suppression de la thèse d’Etat à la suppression
de l’agrégation et à l’instauration de règles de bonne gouvernance
universitaire. », Paris, Le Monde Diplomatique.

Anne Egger, 2003, Les surréalistes, Paris, Editions Le Cavalier bleu.

Ben Hammouda Hakim et Kasse Moustapha (dir.), 2002, Le NEPAD,


nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, Paris, Maisonneuve et
Larose.

Charte du Master de l’Université Marien Ngouabi, adoptée par le Conseil


Technique du 31 mars 2014.

Félix-Marie Affa’a et Thérèse Des Lierres, 2002, L’Afrique noire face à la


laborieuse appropriation de l’universalité : les cas du Sénégal et du Cameroun,
Laval (Québec), Presses Université Laval.

Giscard Kevin Dessinga, 2018, Eloge de la dissidence. Six leçons sur


l’histoire de la philosophie, Paris, L’Harmattan.

Giscard Kevin Dessinga, 2018, J’enseigne, mais comprennent-ils ?, Paris,


Mon Petit Editeur.

Issa Shivji, « Où va l’université ? », in « Les universités africaines »,


Bulletin du CODESRIA, n°1-2, 3-4.

Jean-Marc Ela, 2005, Guide pédagogique de formation à la recherche pour


le développement en Afrique, Paris, L’Harmattan.

Joseph Ki-zerbo, 1990, Eduquer ou périr, Paris, Editions UNICEF-


UNESCO.

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Karl Popper, 2006, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir
scientifique, Paris, Payot.

Michel Emile Mankessi, 2019, Quels sont les défis de la famille


aujourd’hui ?, Paris, Editions Publibook.

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