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Résumé :
Abstract:
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Rodreli KOUMBA PEYENENI
Introduction :
De ce fait, « les Africains (…) doivent renoncer à mimer les pays riches en
s’obstinant à maintenir des institutions d’enseignement supérieur qu’ils sont
incapables de gérer, faute de ressources et de compétences. » (F.-M. Affa’a et T.
Des Lierres, 2002, p.9)
Ce faisant, la formation reçue dans une université africaine, de nos jours, est
remise en cause à la fois par les locaux et par les étrangers. Parce que, dans une
certaine mesure, les locaux préfèrent s’inscrire dans des universités européennes
et/ou américaines, souvent équipées, afin de bénéficier tout le confort en matière
de formation académique. Les étrangers, quant à eux, non seulement évitent de
permettre à leurs étudiants de s’inscrire dans nos universités (africaines),
accordent avec mépris peu d’estime à nos diplômes universitaires, compte tenu
de la qualité de la formation et de l’équipement des lieux de formation. Pourtant,
il est bien là question d’un même système. Mais, les conditions d’accueil et de
travail diffèrent sans complaisance. En effet, « l’Afrique doit revenir au vieux
rêve colonial de l’école de village, afin de mieux investir dans l’alphabétisation
et l’éducation de base. »
Le pays de Descartes, par exemple, obligerait un finaliste ‘scientifique’
africain de passer par un test, une manière de jauger son niveau. En Afrique,
cependant, aucun test ne serait envisageable pour un finaliste européen ou du
pays de l’oncle Sam qui souhaiterait se positionner chez nous, tout simplement
parce que nous avons des « produits importés à partir des programmes élaborés
dans les pays d’Occident ». En ce sens, le choc réside dans la manière dont les
universités africaines s’approprient ce système sacralisé, nous avons cité le
système LMD importé. Déjà, l’entrée des universités africaines dans un système
qui leur est étranger, par rapport à leurs pratiques universitaires actuelles et leurs
besoins, nous rappelle en quelque manière les balbutiements de la démocratie
dans nos espaces politiques. Tout va de soi apparemment.
Dans cet humble texte, il est question de montrer que les tâtonnements des
politiques de nos espaces universitaires ne contribuent en aucune manière à la
résolution de nos problèmes les plus immédiats. Ainsi, l’intention fondatrice de
cette étude est de dire que l’immunisation et l’assainissement de nos institutions
académiques ne sont possibles que tant et si bien que nos universités retrouvent
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leur lettre de noblesse. A partir d’une approche analytique et critique, deux (02)
parties s’ouvriront à l’élucidation de cette thèse. En ce sens, il sera question de
montrer dans la première partie, la diligence d’une nécessaire immunisation des
espaces universitaires africaines (1), c’est-à-dire, revoir l’enseignement
supérieur en Afrique. La seconde partie, quant à elle, consistera prouver, tant
soit peu, le nécessaire assainissement des administrations universitaires
africaines (2).
Dans les récents rapports publiés, il est souvent notifié qu’aucun espace
universitaire subsaharien ne figure parmi les meilleures universités africaines et
du monde. Si ce score schématise le mauvais état de ces institutions, les
conditions d’apprentissage précaires, ainsi que le niveau douteux de certains
enseignants, rien ne porterait donc obstacle à la nécessaire immunisation que
doivent assumer nos espaces universitaires. Mais pourquoi ?
« Que propose l’université pour améliorer les images des sociétés ravagés par la faim,
la pauvreté, la maladie et la mort des enfants ; des images d’une Afrique subsaharienne
en proie à la désertification, à la surexploitation des ressources naturelles et des
populations par des oligarchies insatiables, des images des pays où règnent la
corruption, la torture, le népotisme et les guerres tribales ? Quelle contribution propose
l’institution universitaire pour atténuer les faits et les maux à l’origine de ces clichés
qui nous collent à la peau comme des stigmates ? »
Toutes ces plaintes qui placent les universités africaines devant le tribunal de
la raison prévoient en ces termes le fonctionnement de nos institutions
académiques au profit de nos sociétés. A la question : « comment l’université
africaine peut-elle prétendre répondre aux attentes des sociétés africaines ? »,
toutes les réponses jetteraient l’anathème au gouvernement.
En ce sens, l’enseignement supérieur perd peu à peu son rang prestigieux, du
simple fait que ses débouchés au lieu de permettre l’évolution des sociétés
jouent plutôt à l’« inefficacité » et le bouc-émissaire c’est le gouvernement. Delà,
la valeur de la formation est tirée vers le bas. Puisqu’avec des amphithéâtres
bondés, pléthoriques, surpeuplés, des manques d’enseignants, des équipements
obsolètes – restes des legs de la colonisation –, il est fort malheureusement triste
de constater qu’en dépit du revenu national de certains pays, les étudiants
d’Afrique subsaharienne sont, sans répit, confrontés à de nombreuses difficultés
et ce, les universités deviennent des lieux de distraction. Ainsi,
« la ruée vers l’enseignement universitaire est en effet difficile à gérer parce qu’elle se
trouve à aller de pair avec un déficit énorme d’encadrement et de structure d’accueil :
bibliothèques, salles de cours, laboratoires, équipements informatiques, capacité
d’accueil des restaurants et des résidences universitaires sont tous à la fois saturés et
sous-équipés. » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 19)
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comme s’il ne faut pas se mettre sur le podium de la modernité ou de braver
l’autorité de la nature. L’Etat ne songe jamais à améliorer les conditions de
travail en vue de tolérer toutes les différences, c’est-à-dire permettre aux
asthmatiques, myopes, personnes à mobilité réduite, etc., de travailler comme
des vrais universitaires. La faute incombe aux retouches intermittentes. Ainsi,
« l’obligation des ajustements structurels des années 1980 et, aujourd’hui, les
injonctions de réforme faites aux Etats africains n’ont qu’augmenter leurs difficultés et
celles de leurs universités (…) en matière d’éducation. » (H. Ben Hammouda et M.
Kasse, 2002, p. 256-257)
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humains qui l’accompagnent ; il y a aussi les critiques qui concernent les
interrelations sociales qui se nouent dans l’espace universitaire : entre les
étudiants eux-mêmes, dans le cadre des associations diverses et multiformes ;
entre les étudiants et l’autorité universitaire, dans le cadre de l’administration de
la vie universitaire. A en croire F.-M Affa’a et T. Des Lierres (2002, p. 10),
« Si l’on veut accorder une attention privilégiée à la vie réelle des étudiants dont les
familles sont incapables d’assurer les coûts de formation en Europe ou en Amérique
du Nord, il faut montrer la preuve qu’il est possible d’acquérir des hauts niveaux de
compétence et d’expertise dans les lieux de production et de diffusion des savoirs
enracinés dans les réalités du continent. »
Une telle lancée peut décidément réduire, sinon freiner l’intensification des
fuites de compétence dans nos Etats qui souhaitent, par tous les moyens,
atteindre l’émergence. Il suffirait aussi de résoudre ces problèmes avec des
solutions applicables au marché de l’emploi.
« Après avoir raconté un mythe, le conteur était disposé à devenir l’auditeur de ce que
son auditoire avait pensé du mythe ; le conteur admettait par là même que son
auditoire puisse présenter une explication éventuellement meilleure que la sienne (…)
Je te conte ce récit, mais dis-moi ce que tu en penses. Médite-le et peut-être pourrais-tu
m’en donner une version différente. »
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d’autres termes, ils clabaudent « n’importe quoi au point d’en être risible » (A.
Egger, 2003, p.51) pendant les cours. Conséquemment, ces jérémiades
n’ajouteraient rien d’inédit au savoir des étudiants.
Ce paradoxe est d’emblée fort. Car, la plupart des pays africains au moment
où ils lancent des cris d’alarme dû au manque de ressources humaines, ils
refusent paradoxalement volontiers de recruter les diplômés et intensifient
encore des concours d’entrée à la fonction publique. Delà, sous la cadence de ce
système dit LMD, le modèle actuel de production des productions en Afrique ne
correspond pas aux besoins éprouvés dans le marché du travail et du
développement. Voilà pourquoi l’issue du calvaire universitaire en Afrique
subsaharienne est couronnée par le chômage. Ainsi, en lisant les ambitions de
F.-M. Affa’a et T. Des Lierres lorsqu’ils parlent des universités africaines, la
veule aspiration au développement surgit, compte tenu de la discordance entre la
« production » et la « nécessité ». Généralement,
« on la qualifie même d’institution budgétivore qui produit à coût élevé des diplômés
que l’économie nationale ne peut absorber et dont la contribution à l’effort collectif de
développement demeure incertaine. Il est établi en effet que les diplômés universitaires
éprouvent des difficultés énormes à s’insérer dans le marché de l’emploi ou à créer
leurs propres structures de production ou de services. » (2002, p. 20-21)
Comme tel, un diplômé BAC+5, équivaut à un Master plein, peut vendre des
vêtements, écrire des articles pendant la journée et être sentinelle le soir. Tout
simplement parce que dans les secteurs publics, le recrutement est devenu un
mirage, un véritable miracle divin. L’on devient désespérer si et seulement si on
n’a pas eu la chance d’être dans un institut de formation. Pourtant, « tout Master
doit permettre une insertion professionnelle, soit immédiate, soit après
l’obtention du diplôme. » (Charte du Master de l’Université Marien Ngouabi,
2014, p. 8)
Par-delà, les universités africaines s’en félicitent et s’en réjouissent, malgré
toutes les incertitudes du lendemain des étudiants, lorsqu’elles adhèrent au
système LMD. Si cela donne à douter, il importe d’analyser les situations qui
caractérisent ces universités !
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kyste exogène, une tumeur maligne dans le corps social. » (J. Ki-zerbo, 1990, p.
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Sans parler des animaux, voitures circulant dans les espaces universitaires en
toute liberté, les cours d’un semestre en Afrique ne peuvent avoir lieu qu’en
deux mois, ou, pire encore, en un mois. Puisque, l’enseignant présente un cours
pour enseigner un autre, l’incompétence arpente à pas de géant les universités
africaines avec ses formations abrégées. Comme constats, nous noterons :
l’incapacité de certains enseignants d’expliquer les cours ; l’accaparement
exagéré des modules universitaires par un seul enseignant, par manque de
nouvelles recrues ; les harcèlements sexuels des enseignants envers les
étudiantes, causant parfois l’échec de certaines d’entre elles, si seulement elles
ne se soumettent pas à la volonté de l’enseignant ; l’arrogance et l’orgueil de
certains enseignants. A vrai dire, face à ces problèmes de « gestion » (I. Shivji,
2005, p. 3) et d’immoralité, le mieux « serait de se taire. » (G. K. Dessinga,
2018, p. 24) pour celui qui veut valider ses semestres, du simple fait que
l’enseignant à l’université, peu importe les tribunaux, « n’a jamais eu tort ».
Pour des exploits au sein des espaces universitaires africains, l’heure est, dit
G. K. Dessinga (2018, p. 25), d’une « vraie culture de la dissidence et de la
contestation. » En ce sens, l’on n’est plus obligé de répéter le maître pour être
son disciple. Il ne serait non plus question de commenter et clarifier uniquement
les arguments et positions de l’enseignant ou mieux d’appartenir à une même
ethnie et/ou un même village que l’enseignant pour être son ami. Ces antivaleurs
favorisent le tribalisme en milieu universitaire, car, certains enseignants et
étudiants se permettent de créer des groupes ethnicites et régionalistes au sein de
l’université. L’étonnement est bien fort, en ce sens que le fétichisme et les coups
bas jouissent d’une véritable ubiquité à l’université. Une retrouvaille de ceux qui
sont plus représentés à l’université suffit pour « souhaiter la mort de l’autre » et
« dresser des peaux de banane sur les sentiers des autres. »
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tribales ont malheureusement pris toutes les directions. En ce sens, il s’en suit
une « sélection sévère » de ceux qui peuvent/doivent soutenir leurs mémoires et
leurs thèses de doctorat à l’université. Les copies corrigées en suivant les noms
des étudiants défavorisent avec autorité certains étudiants innocents, lesquels
constatent les oscillations de leur avenir entre échec et abandon. Pour justifier
cela, une partie de ceux qui cessent de poursuivre leur rêve à l’université ont
pour motif : « le comportement ethniciste de l’enseignant envers eux. »
Sans être misogyne, comment voulez-vous que des femmes qui transportent
dans les lieux de service les affaires de la maison et de la rue travaillent pour
satisfaire ? Maintes fois, nous sommes estomaqués, quand elles manquent de
déférence à l’égard des « futurs cadres » et s’énervent parfois contre nous
lorsque nous tentons d’interrompre leurs jérémiades pour poser rapidement notre
problème, afin de retourner en classe.
2.2. L’acharnement universitaire et les tourments estudiantins
Nous l’avons dit, « être étudiant, ce n’est pas facile ». Faire les études à
l’université, au lieu d’être d’un ouf de soulagement, ressemble plutôt à un enfer,
là où la souffrance est au trône. Les résultats semestriels tardent toujours, le
retrait des diplômes est un casse-tête, la corruption atteint son paroxysme dans
un endroit qui devrait plutôt être neutre, les relevés de notes sont établis par eux-
mêmes les étudiants, l’admission au concours a deux critères : soit on travaille
« très très bien » soit on achète le concours, les phénomènes des « cases vides »
et de « notes éliminatoires » non justifiées sévissent de plein fouet nos espaces
universitaires, le non-paiement des stages, la fraude pendant les examens,
appelés « sessions » sont parmi tant d’autres des dénis des universités
subsahariennes.
Il est vrai que tous ces grincements sont causés par le phénomène de
« sureffectif » dans les espaces universitaires africains. La légalisation des
documents académiques se fait sous un soleil torride en file indienne. Pour
certains, les rendez-vous avortent, c’est-à-dire sont souvent reportés sine die.
Même son de cloche pour l’établissement des cartes d’étudiant. Au demeurant,
ces mauvaises organisations « reflètent sans aucun doute un manque flagrant de
planification stratégique dans la gestion de ce système social pourtant de
première ligne. » (F.-M. Affa’a et T. Des Lierres, 2002, p. 20)
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2.3. Les intermittents ratés en matière de réclamation
Conclusion :
A travers cette thèse que nous avons épaulée, en fait, je crie mon ras-le-bol
sous une forme d’appel au changement. De facto, la formation théorique suivie
par des étudiants dans nos espaces universitaires les prépare à être des
handicapés sociaux et des perroquets. Autrement dit, à l’université, on forme des
récitants. A comprendre le sens que je donne à l’expression « acharnement
universitaire », il importera alors de dire qu’en Afrique noire, de façon générale,
l’enseignant du supérieur est un « dieu » et n’a jamais « eu tort ». Le simple
motif de présenter des recherches aux antipodes de son exposé, d’être avec celle
qui fait battre son ‘cœur’ – même dans le cadre d’une simple amitié –, de ne pas
être obligé de le répéter, le commenter et/ou l’aduler,…suffit là pour ne pas
valider le semestre et pour ne pas être son impétrant.
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De leurs retards systématiques, dont les étudiants ne se plaignent plus, les
enseignants du supérieur ont toujours « raconter leur vie » et leurs « expériences
personnelles » pendant les cours. Ce sont ces genres d’enseignants qui n’ont
jamais fixé les objectifs de leurs cours, ceux-là qui inventent des paroles inutiles,
ambiguës et obscures, ceux-là qui rendent l’université en espace de « hobbies »,
là où les étudiants viennent se détendre, rire et passer leur temps. Pour eux, la
science est synonyme d’obscurantisme et non de clarté, ce serait aussi de
complexité et de mystification et non de simplicité. Ils méprisent le fameux
principe d’Occam, ce que nous appelons : rasoir d’Occam, consistant à éliminer
des êtres inutiles. Tout ceci n’est guère une analyse qui manque de flegme,
puisqu’ils ont toujours fourni des efforts pour compliquer leur manière de
transmettre le savoir.
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Karl Popper, 2006, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir
scientifique, Paris, Payot.