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Le Livre vert est un livre publié pour la première fois en 1975, dans lequel le colonel Mouammar

Kadhafi, « Guide de la Révolution libyenne », détaille sa vision de la démocratie et de la politique.


Il est divisé en trois parties respectivement parues en 1975, 1977 et 1979[1]. Mouammar Kadhafi
y expose les fondements de sa pensée politique et de sa conception du socialisme. La théorie
politique exposée dans cet ouvrage, est appelée « troisième théorie universelle » (d'autres
traductions françaises proposent « troisième théorie internationale ») par référence aux deux autres
idéologies universelles auxquelles l'auteur propose une alternative :
l'idéologie libérale du capitalisme et l'idéologie étatiste du communisme. Il est le manifeste d'un
modèle politique et d'une position internationale non alignée sur les deux empires hégémoniques
de l'époque : les États-Unis et l'URSS
La première partie du Livre vert s'intitule La solution au problème de la démocratie. Mouammar
Kadhafi y présente le problème de « l'appareil de gouvernement » comme « le plus important de
ceux qui se posent aux sociétés humaines ». Le Livre vert débute par une critique de la démocratie
représentative, dans laquelle l'auteur développe les idées suivantes :
la démocratie sous sa forme dominante n'est rien d'autre qu'une dictature de la majorité ;
la représentation est une imposture, car la démocratie suppose le pouvoir du peuple et non le
pouvoir d'un substitut du peuple ;
le parti ne représente que les intérêts d'une fraction de la population, il est donc de fait un
« appareil de gouvernement dictatorial ». Le multipartisme entraîne une lutte pour le pouvoir peu
soucieuse de l'intérêt général ;
la classe, comme le parti, est un groupe de personnes partageant les mêmes intérêts. La
domination d'une classe est donc contraire à l'intérêt général, et s'assimile à une dictature ;
le référendum est une illusion car il ne pose qu'une question fermée (choix entre oui et non) ce qui
en fait un moyen de museler la volonté populaire.
À la suite de cette critique, Mouammar Kadhafi interroge : « Quelle est alors la voie que doivent
suivre les sociétés humaines pour se délivrer définitivement des époques d'arbitraire et de
dictature ? ». La solution ne peut se trouver selon lui que dans un pouvoir du peuple sans substitut
ni représentation. Il élabore alors la « solution » suivante :
le « problème de la liberté de la presse » découle du problème de la démocratie : si toute personne
a le droit de s'exprimer il n'en demeure pas moins que son opinion n'est que personnelle. Ainsi la
propriété privée d'un journal est inadmissible car il ne ferait que diffuser l'opinion de ses
propriétaires. La seule presse démocratique possible est celle publiée par un comité populaire qui
permet l'expression de toutes les catégories sociales et donc de toutes les opinions.
Dans la deuxième partie, intitulée La solution du problème économique, Mouammar Kadhafi
reconnait que d'énormes progrès sociaux ont été accomplis depuis la Révolution industrielle.
Cependant, la généralisation du salariat qui en a découlé s'assimile selon l'auteur à de l'esclavage.
Une nationalisation de l'économie ne modifierait en rien l'asservissement du travailleur. La
troisième théorie universelle propose alors une troisième voie après le capitalisme et
le communisme : cette voie ne peut être qu'un retour à la « loi naturelle », référence unique pour
les rapports humains. L'auteur développe successivement les points suivants : La « loi naturelle »
ouvre la voie à un « socialisme naturel » fondé sur l'égalité ; L'accumulation outrancière de
richesses par un individu constitue une entorse à la loi naturelle. Elle est l'amorce d'une perversion
de la vie sociale et le signe avant-coureur d'une société d'exploitation ; La production est
redistribuée équitablement entre les travailleurs. C'est le caractère indispensable de chaque agent
de la production qui lui confère une égalité naturelle ; Le produit de l'activité économique doit être
répartie de façon égale entre les trois facteurs de production : matières premières, moyens de
production et travailleurs. La troisième et dernière partie du Livre vert a pour titre Les fondements
sociaux de la troisième théorie universelle. Mouammar Kadhafi insiste sur l'importance capitale
du lien social dans l'Histoire en insistant sur le caractère polysegmentaire des sociétés organisées.
Les liens familiaux, tribaux ou nationaux, sont constitutifs de la nature de l'homme et nécessaire à
sa survie. Parmi eux, la famille est la structure la plus forte et la plus naturelle. La tribu est une
sorte de famille élargie qui organise la transmission des valeurs et des traditions, tout en
garantissant une protection sociale pour ses membres. La Nation est une famille encore plus vaste.
Elle est une structure sociale vitale pour l'homme. Un État qui nierait ce facteur social, en
rassemblant plusieurs nations sous une même autorité politique, serait voué à l'éclatement.
L'auteur revient longuement sur le fait que la femme et l'homme sont égaux. Il écrit en
introduction de la section : « La femme est un être humain, l’homme est un être humain ; il n’y
a en ceci aucun doute ni divergence. Par conséquent il est tout aussi évident que la femme et
l’homme sont égaux. De ce point de vue, la discrimination entre l’homme et la femme est un
acte d’injustice flagrante et injustifiable ». Néanmoins, il défend l'idée conservative selon
laquelle l'homme et la femme auraient, en raison de leur différence naturelle, des rôles différents
attribués dans la société, « des rôles naturellement distincts ». L'auteur reprend l'argument
classique des menstruations féminines, qu'il qualifie d'« affaiblissement mensuel », des grossesses,
de l'allaitement, tandis que « l'homme au contraire ne conçoit ni n'allaite », pour justifier un rôle
différent des hommes et femmes dans la famille. L'auteur, tout en louant la femme comme
condition nécessaire à toute vie humaine, l'enferme néanmoins dans un rôle de reproduction, et
s'oppose aussi bien à la contraception qu'à toute interruption de grossesse, comme « négation de la
vie humaine ». De plus, le rejet de toute crèche ou du fait de confier son enfant à une tierce
personne par la mère amène l'auteur à rejeter l'idée du travail des femmes comme contrainte qui
l'empêcherait de remplir sa « fonction naturelle » à laquelle la femme doit être entièrement
dévouée. En réalité, le Livre vert, qui comporte toute une section sur les devoirs des femmes liés à
leur nature sexuée, mais non pas sur ceux des hommes, vise à confiner la femme dans la sphère
familiale derrière des justifications naturelles, prônant le droit des femmes d'accomplir leur rôle
naturel, mais faisant en réalité de la maternité la seule condition à laquelle elles auraient droit
d'aspirer. Il nécessite donc de lire entre les lignes avec précaution.
Le texte semble faire de la question de la répartition sexuée des rôles dans la société une question
clé, largement développée, et ne s'arrête pas à la définition du rôle des femmes dans la société
libyenne mais appelle à une révolution mondiale : « Il faut donc une révolution mondiale qui
mettra fin à toutes les situations matérielles empêchant la femme d’accomplir son rôle naturel
dans la vie et l’obligeant à effectuer les tâches de l’homme pour conquérir l’égalité des
droits ».
Cette troisième partie aborde en outre la question des minorités ; elles doivent être traitées comme
les égales du reste de la population. L'enseignement doit quant à lui se libérer de sa forme
obligatoire et standardisée : les écoles et les programmes officiels forment un instrument de
domination et d'abrutissement visant « l'orientation autoritaire des goûts, du jugement et de
l'intelligence de l'être humain ». La société doit, au contraire, fournir des écoles et des enseignants
en quantité suffisante afin que chacun puisse avoir accès librement au savoir, en choisissant ses
disciplines. Enfin, les pratiques sportives doivent cesser d'être privées et réservées à quelques
joueurs tandis que des milliers de spectateurs assistent passivement au jeu. Le sport n'a de sens
que si les foules envahissent les terrains et que chacun participe activement au jeu. Cet objectif ne
sera atteint que lorsque les tribunes auront symboliquement disparu.

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