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Explication linéaire de la scène III

I. Lignes 1 à 9 : La préparation de la leçon


Lignes 1-2
-le présentatif « voilà » annonce un but : celui de l’inversion des rôle, institution de cette Ile. Trivelin est l’incarnation
de Marivaux le portrait critique qui souhaite initier comme l’indique le verbe « interroger » et le type de phrase
« ? ». Il est le maitre du jeu =} « je ». Le maître du jeu interroge alors la servante sur la conformité de ce début de
portrait de la maîtresse, afin de l’inviter à compléter celui-ci (l’interrogation signifiant « cela lui ressemble-t-il ? »).
Celui-ci se fera en plusieurs étapes comme l’indique l’adverbe « d’abord ». Le pronom « la » est un complément
d’objet, il représente Euphrosine qui subit l’action. Elle est à la fois objet et spectatrice de cette description. La
parole est ici donnée à Cléanthis, pourtant esclave. C’est elle qui parle le plus dans cette scène, symbole de pouvoir.
Marivaux donne ici la parole à l’opprimé. Elle a de longues répliques et a le courage de s’adresser directement à
Euphrosine, sa maîtresse : pron pers vouvoiement «vous».
Lignes 3-4
- Cléanthis reprend ici mot pour mot le début du portrait } trois adjectifs dépréciatifs connotant la femme mondaine-
dressé par Trivelin dans la réplique précédente : « Vaine, minaudière et coquette ». Sa réponse révèle par l’effet de
répétition et de symétrie « si cela la regarde ? » qu’elle a compris le jeu et accepte volontiers de le jouer :
l’interrogation devient presque rhétorique, comme s’il s’agissait déjà, par le ton, de montrer que ce portrait est
parfaitement concordant et même sous-estimé.
La dimension péjorative et satirique du lexique révèle alors un portrait à charge d’Euphrosine, destiné à se moquer
des défauts de la maîtresse, en particulier de sa superficialité, de son peu de naturel et de son orgueil : « vaine »
signifie « vaniteuse » ; « minaudière » évoque ses manières et mines étudiées pour plaire ; enfin « coquette »
renvoie à son désir d’attirer le regard par sa toilette et, dans le sens du XVIIIe siècle, plus largement à sa
superficialité.
La suite de la réplique est ironique. Cléanthis acquiesce par une phrase nominale exclamative à sa propre question :
« Eh voilà, ma chère maîtresse ! ». L’emploi affectif du déterminant possessif « ma » et l’adjectif appréciatif « chère »
révèle l’ironie saillante de cette réplique. Cléanthis surenchérit ensuite par une comparaison hyperbolique dans la
suite de sa réponse : « cela lui ressemble comme son visage ». (l. 4)
Ligne 5
Euphrosine réagit en exprimant son malaise face à ce portrait sans complaisance et manifeste son rejet : « N’en
voilà-t-il pas assez,». L’inversion syntaxique signale une forme à la fois interrogative « ? » et négative, proche de la
question rhétorique, c’est-à-dire d’une affirmation déguisée : « en voilà assez ». Elle cherche donc à échapper à cette
obligation qu’elle voit comme une humiliation.
Euphrosine réagit ici en s’adressant ici directement à Trivelin « monsieur ? ». Elle tâche d’attirer l’attention du
meneur de jeu Trivelin sur la dimension douloureuse de cette épreuve, dont elle est la victime. Elle ne s’adresse
jamais à son ancienne suivante, signe qu’elle n’accepte pas la promotion de cette dernière et n’a pas encore évolué
dans son cœur. L’aristocrate qu’elle est ne peut s’abaisser à entendre les propos de sa domestique ni à lui parler
comme à une personne. D’ores et déjà, se dessine ici un personnage moins comique que pathétique.
c. Lignes 6-7
La réplique s’ouvre sur une interjection « Ah » qui exprime un certain contentement de la part de Trivelin. Il
s’adresse ici à Euphrosine, désignée par la deuxième personne (vouvoiement). Il utilise des termes en apparence
positifs, pour marquer sa bienveillance à son égard et l’encourager : « je vous félicite », « j’en augure bien ». Il
souligne sa capacité à sentir, verbe de percept° (« vous sentez »), c’est-à-dire à éprouver des sentiments et
émotions, ici l’humiliation et la honte (« petit embarras que cela vous donne »), sans lesquels la leçon ne pourrait
fonctionner. Il souligne l’efficacité de son projet à venir : une prise de conscience est en train de naître. D’où l’usage
de termes à valeur prescriptive : « c’est bon signe », « j’en augure », « pour l’avenir ». Trivelin joue ici son rôle de «
professeur » ou « médecin » devant guérir les maîtres. Le but est de corriger la position et l’attitude des maître vis-à-
vis de leurs valets, que les mêmes erreurs ne soient pas commises à l’« avenir ».
Néanmoins, on peut percevoir une nuance ironique dans cette réplique, qui transparaît dans le choix de l’adjectif «
petit » (« petit embarras ») et dans l’infantilisation mise en place ici, proche de la relation maître/élève. En effet,
Trivelin, ancien esclave devenu le maître de l’île et du jeu, fait ici de l’aristocrate son élève, faisant fi des origines
sociales. D’où ces termes empruntés au champ lexical de la relation éducative « je vous félicite », « c’est bon signe ».
La tonalité est ici didactique.
d. Lignes 7 à 9
Trivelin relance Cléanthis par l’adverbe d’opposition « mais », qui marque une rupture dans la phrase. Il reprend le
champ lexical du portrait (dessin ou peinture), avec les termes « grands traits » et le verbe « détailler ». L’antithèse
entre la grandeur et le détail souligne la nécessité que Cléanthis complète en le précisant le portrait d’Euphrosyne
précédemment esquissé. Trivelin l’y engage par l’intermédiaire de la modalité injonctive et de la première personne
du pluriel (« détaillons »), manière de l’inviter poliment tout en s’associant à elle dans ce projet «ce ne sont encore
là que « .
Enfin, la relance est encore plus explicite dans la dernière phrase : « En quoi donc, par exemple, lui trouvez-vous les
défauts dont nous parlons ? » La modalité interrogative et le pronom « vous » sollicitent ici directement Cléanthis, et
la conj° de coord° « donc » souligne là la fois la conséquence et l’insistance. La locution « par exemple » laisse
supposer qu’il y a encore maintes remarques à faire. Il s’agit pour la servante de continuer le portrait de sa
maîtresse, en osant donner son propre avis (verbe « trouver ») et des exemples à l’appui.
Aussi ? l’association des trois pronoms « lui » « vous » « nous » distribue clairement les rôles de chacun : 3è pers sg
« lui » le sujet dont-on parle, « vous » 2ème pers vouvoiement en signe de respect et égalité envers l’esclave et
« nous » =} ceux qui portent un jugement les esclaves et Trivelin le maitre du jeu.
« les défauts » : terme négatif } Trivelin attend un portrait critique/ péjoratif. Comme le suggère le « ? », Trivelin est
le maitre du jeu, il dirige le portrait comme bon lui semble. Son but étant que les maîtres se corrigent en se rendant
compte de leurs erreurs.

II. Lignes 10 à 17 : Le portrait de la coquette par Cléanthis


Ligne 10
La difficulté de Cléanthis à commencer le portrait d’Euphrosine est traduite par une première longue phrase [ … ],
qui diffère d’abord le portrait. Dominée par la juxtaposition, cette phrase révèle une expression spontanée, non
construite, une pensée presque désordonnée. Elle s’ouvre sur une question (« En quoi ? »), qui est, à nouveau, une
reprise de l’interrogation de Trivelin dans la réplique précédente : il s’agit de donner des détails ou des exemples des
situations dans lesquelles les défauts d’Euphrosine se révèlent. Dans une sorte de dialogue avec elle-même,
Cléanthis énumère des éléments de réponse sous la forme d’une suite de locutions adverbiales, évoquant le lieu ou
le temps : « partout, à toute heure, en tous lieux ». Chaque instant de vie partagée avec Euphrosine confirme le
portrait esquissé précédemment de la maîtresse par Trivelin. Ensuite, une proposition infinitive vient rappeler les
modalités de l’épreuve, sous la forme d’une leçon ou d’un interrogatoire mené par Trivelin :« je vous ai dit de
m’interroger ».
Lignes 11-12
Mais la servante est confrontée au doute, comme le montre cette interrogation : « mais par où commencer ? ». Elle
exprime ici moins son ignorance, qu’une difficulté à organiser sa pensée et son discours, en domestique peu
habituée à prendre la parole, d’autant qu’il s’agit ici de dresser le portrait de sa maîtresse. Les deux propositions qui
forment la réponse à la question précédente mettent en avant l’ignorance et l’incapacité : « je n’en sais rien », « je
m’y perds ». On observe donc une antithèse entre la faculté d’observation de la servante et l’incapacité à en rendre
compte (pour le moment). La deuxième partie de la phrase le confirme : l’anaphore de l’adverbe d’intensité « tant »
(« tant de choses, j’en ai tant vu, tant remarqué de toutes les espèces ») souligne l’abondance d’exemples des
situations révélant les défauts d’Euphrosine, mais l’emploi de termes indéfinis, comme « choses », « de toutes les
espèces », « cela », révèle pour le moment la difficulté à les identifier ou les nommer. Enfin le verbe « brouiller »,
dans la consécutive finale (« que cela me brouille ») confirme ses difficultés, de + appartient au langage familier.
Cette confusion, cette précipitation et ce désordre montrent enfin le ressentiment et les émotions mêlées qu’elle
éprouve. Le lecteur devine qu’il s’agit fort probablement d’une inhibition sociale — bientôt levée.
Dominance de la 1ère p du sg, « je » « j’ » en anaphore positionne la servante en 1 ère place, inhabituelle d’où aussi les
difficultés d’expression que peut avoir celle-ci.
Lignes 12-17
Cléanthis parvient dans la deuxième longue phrase de la tirade à canaliser sa parole et à maîtriser son nouveau
pouvoir. La phrase est encore plus longue que la précédente [+/- 5 lignes, l. 10 à 16]. Mais le portrait qu’elle
compose est un discours très construit, grâce aux procédés rhétoriques de l’anaphore et de l’antithèse, ainsi qu’à un
rythme travaillé (binaire ou ternaire). L’anaphore de l’appellatif « Madame » ou du pronom « elle » souligne leur rôle
d’appui rhétorique : ils permettent de structurer le portrait en dévoilant les différentes facettes d’Euphrosine. (Aussi,
son rang ne justifiant pas son attitude. « Madame » répété de nbses fois s’oppose à l’expression « nous autres
esclaves » que l’on trouvera vers la fin de la scène 3). Aussi, le terme «madame» peut être pris dans sa généralité et
désigne toutes les nobles ainsi Cléanthis ne décrit pas uniquement Euphrosine. De plus, les présentatifs qui
ponctuent le portrait permettent d’inviter les spectateurs (Trivelin et Euphrosine, mais aussi bien sûr les spectateurs
de la pièce) à regarder ce portrait animé et à pointer du doigt les défauts, tout en participant à une mise en
accusation :« c’est tout un», « c’est vanité muette », « c’est coquetterie », « c’est Madame», « voilà ce que c’est,
voilà par où je débute ». Elle semble s’être appropriée l’épreuve.

Mais d’un autre côté, Cléanthis est visiblement grisée par le nouveau pouvoir qui lui est donné, au point de laisser
l’émotion dominer son discours. En effet, un ton vengeur apparaît dans le rythme des phrases, essentiellement
binaires et rapides du fait de la brièveté des séquences syntaxiques, mais aussi dans les termes évaluatifs négatifs
« vanité », «fâchée » «babillarde », « jalouse » et les connotations ironiques du « Madame ». Cela montre d’une
certaine façon une Cléanthis incapable de parler de son ancienne maîtresse avec modération et retenue, d’où les
rappels à l’ordre ultérieurs de Trivelin. On remarque aussi l’omniprésence de la juxtaposition, qui donne l’impression
que Cléanthis déroule le fil de sa pensée de manière spontanée, par association d’idées, ou au gré de sa mémoire de
son quotidien passé avec Madame. La parataxe révèle son exaspération.
Dans la dernière partie de la tirade, elle retrouve enfin son rôle au sein de l’exercice conduit par Trivelin, avec le
pronom « je débute » en mettant à distance le portrait qu’elle vient de composer : « voilà par où je débute, rien
que cela. » Ce qui confirme en même temps l’ampleur du portrait.
Cléanthis semble composer une suite de tableaux ou de saynètes représentant sa maîtresse. Par l’omniprésence de
l’appellatif « Madame » et des pronoms personnels la désignant, elle construit l’image d’une personne égocentrique
et narcissique. Ce « Madame », repris par « elle », résonne indubitablement de façon ironique et révèle d’emblée le
ton vengeur et persifleur de Cléanthis. Dans ces brefs tableaux marqués par l’omniprésence de l’ antithèse se
révèlent la futilité de sa maîtresse et son caractère capricieux : « Madame se tait, Madame parle » ; « elle est triste,
elle est gaie », puis plus loin « contente ou fâchée », «jalouse ou curieuse », « vaine ou coquette » . On observe en
fait le retour des mêmes couples antithétiques à trois reprises, soit synonymes, soit dans une autre classe
grammaticale avec les noms « silence, discours », « tristesse, et joie » : Cléanthis, intarissable, semble prendre du
plaisir à répéter, insistant sur les défauts de sa maîtresse, à savoir ici sa versatilité. L’idée d’hypocrisie est enfin
soulignée par l’antithèse entre l’éventail des émotions « tristesse », « joie » et la dénonciation de leur fausseté : «
c’est tout un » (ou « tout est pareil »). Les défauts, personnifiés, désignent la personne tout entière, gommée par le
présentatif : « c’est vanité muette », « c’est coquetterie babillarde ». Même logique ici : l’énumération démultiplie le
défaut par son évocation sous différentes expressions, avec toujours un goût pour l’antithèse ( « muette » versus «
babillarde », c’est-à-dire bavarde) ou l’oxymore «vanité muette » , « coquetterie babillarde » . Les locutions
adverbiales soulignent sa versatilité : « l’un après l’autre, ou tous les deux à la fois ». Chaque élément de cette
longue énumération est donc une nouvelle attaque en direction de la maîtresse, signes de la rancœur de sa suivante.
Il s’agit donc d’un portrait à charge de la femme mondaine, hypocrite, versatile et superficielle, et totalement livrée
au jeu des apparences.
=} la société aristocratique : Le dramaturge donne ici la parole à la servante « je » : elle parle sans détour de sa
maîtresse et profite de cette liberté de parole qui lui est laissée pour se venger. En cela, Cléanthis s’inscrit dans la
tradition des servantes vives et impertinentes de la comédie (depuis Toinette, chez Molière, jusqu’à Suzanne, chez
Beaumarchais).
Mais le comique a ici une portée clairement satirique. Ce portrait d’Euphrosine est en l’occasion pour Marivaux de
railler, à travers la voix de Cléanthis, le comportement des femmes aristocrates galantes de son époque : elles
cherchent constamment à séduire sans jamais aimer, à se composer un visage tout en dissimulant leurs intentions
réelles, elles sont avides d’éloges. En fait, Marivaux s’en prend moins à Euphrosine qu’à ce qu’elle incarne : la vanité,
l’égoïsme et le culte de soi ; la futilité du paraître et le mépris des autres. Ici «couleur » prend 2 sens : celui des
tenues, des différentes toilettes mais aussi le sens de couleurs des sentiments, qui différent régulièrement.
Derrière ce portrait à charge d’une coquette se dessine donc une satire de la société mondaine de son temps (la
première moitié du XVIIIe siècle). Le dramaturge semble ici évoquer l’atmosphère de la cour ou de certains salons,
où dominent la parole « babillarde », le jeu des regards d’où ce champ lexical : « elle regarde », « regards » et des
apparences (« il n’y a que la couleur de différente ») trahit aussi par le restrictif, enfin l’artifice et le paraître. C’est
pourquoi le lexique des émotions « tristesse, et joie » se mêle à celui de l’artifice ou du jeu de rôle social « vanité », «
coquetterie », « jalouse ou curieuse ». Derrière la comédie de caractère, on devine donc ici la comédie de mœurs.
Enfin, la scène révèle un certain type de relation entre maître et serviteur, sous l’angle du langage et de la parole :
c’est en libérant sa parole et en faisant la démonstration de son éloquence « voilà » x2 que Cléanthis s’émancipe,
jusqu’à devenir l’égale de sa maîtresse.

III. Lignes 18 et 24 : Les conséquences


Ligne 18 – (Euphrosine)
Par la réplique très brève «Je n'y saurais tenir», Euphrosine, impatiente de faire cesser cette scène, interrompt le
discours de Cléanthis. En effet, l’ancienne maîtresse manifeste, par une formule assez soutenue à travers
notamment le conditionnel « saurais», son incapacité à supporter le spectacle de ses ridicules, d’où la forme
négative de la phrase (formulée par le simple adv « n’ ») qui signifie : « je ne peux plus supporter cela ». La
confrontation à ses défauts, exposés avec un plaisir vengeur par sa servante, lui est insupportable. Elle tente de se
repositionner en 1er plan avec le pron sjt « je », alors qu’elle n’était qu’objet du portrait.
Le sentiment d’humiliation évoqué par un euphémisme par Trivelin plus haut (« petit embarras ») est ici confirmé.
Elle exprime indirectement son désir de quitter les lieux : c’est d’ailleurs ce que semble indiquer la dernière
intervention de Trivelin. Après ce premier portrait à charge, particulièrement comique et satirique, Euphrosine peut
presque apparaître comme un personnage pathétique (tout dépend du jeu choisi par l’actrice).
Ligne 18 – (Trivelin) :
Au début de la scène, Trivelin a demandé à Cléanthis de brosser le portrait de sa maîtresse sans esprit de
vengeance. Meneur du jeu, il va continuer d’intervenir tout au long de cette épreuve imposée à l’ancienne
maîtresse. Par l’impératif « Attendez donc », il invite fermement Euphrosine à accepter cette confrontation qui lui
est insupportable.
En lui rappelant que « ce n’est qu’un début », il rappelle ici que la « cure d’humanité » est composée d’une série
d’étapes auxquelles il s’agit de se soumettre pour atteindre la prise de conscience et retrouver la liberté. Cette
phrase peut donc être interprétée comme une mise en garde, voire une menace, dans laquelle est trahie une
certaine cruauté (la négation restrictive « n’ …que » sous-entend en effet que la suite sera pire : plus violente et donc
plus difficile à supporter). On peut noter la fermeté de son ton et l’habilité avec laquelle il dirige à la fois la
comédienne et la spectatrice de la scène, puisqu’il s’agit ici aussi, indirectement, de dire à Cléanthis qu’elle doit
continuer son tableau.
Lignes 19 à 24 – (Cléanthis)
La description caricaturale faite par Cléanthis s’ouvre sur une longue question rhétorique des lignes 19 à 20 « ? »
insistant sur l’aspect superficiel des préoccupations d’Euphrosine comme en témoigne le champ lexical de l’oisiveté
« bien dormi, le sommeil » et de l’esthétique, qui sera d’ailleurs présent également tout au long de la tirade : «
belle », « yeux », « visage », « plaisir à voir ». En outre, les activités énumérées sont exclusivement mondaines
et envisagées dans le but de se montrer ; le visage est même personnifié, semblable à un être à part entière
qu’Euphrosine est fière de montrer : « elle ira aux spectacles, aux promenades, aux assemblés ; son visage peut se
manifester, peut soutenir le grand jour ». D’ailleurs le futur « ira » « verra » suppose une habitude dans les
préoccupations de Madame, un fait certain à venir. Par ailleurs, le comique de mots ne repose pas exclusivement sur
la description mais sur l’alliance d’une utilisation comique du vocabulaire militaire doublé d’une imitation visible par
l’emploi soudain et temporaire de la 1ère p du sg : « vite sur les armes ; la journée sera glorieuse ». Le but est de
souligner l’importance exagérée qu’accorde Euphrosine au paraitre « « Qu'on m'habille ! », cette prop°sub à valeur
d’impératif confirme l’importance qu’elle prête au paraître. : impératif, discours direct → autoritaire
Cléanthis résume les principales circonstances, sont brefs comme le suggère l’accumulation de juxtaposition « , »
« ; ». On peut supposer que, d'après l'intonation de Cléanthis, elle caricature sa maîtresse. Donc : regard
dévalorisant, mépris. Cela est confirmé par l’anaphore, encore de « Madame ». "son visage ne peut se manifester"
→ métonymie, Euphrosine n'est désignée que par sa beauté.
Théâtre dans le théâtre : Cléanthis imite sa maitresse en empruntant le langage soutenu « vif, du
sémillant », « hardiment», « glorieuse »
"son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à voir, il n'y a qu'à le promener hardiment, il
est en état, il n'y a rien à craindre."→ accumulation
« rien à craindre » } ce sont là ses seules préoccupation = Toute la vie d'Euphrosie repose sur sa beauté physique, il
n'y a aucune consistance. Euphrosine est un personnage qui prête à rire.

Intro :
- [contexte/auteur/œuvre] La comédie est un genre littéraire qui vise à corriger les vices des hommes par le
rire. Marivaux, célèbre dramaturge du XVIIIème siècle, l’a utilisée pour exprimer ses idées et pour remettre
en cause les préjugés sociaux de son époque. Dans sa pièce, L’île des esclaves, il critique la relation
dominant/dominé en utilisant une utopie. Il crée en effet une île sur laquelle l’ordre établi est remis en
question, les maîtres deviennent esclaves et les esclaves deviennent maîtres.
- [Extrait] La scène étudiée est la 3ème du 1er acte ; elle met en scène Trivelin, maître de l’île, Euphrosine, une
noble travestie en esclave, ainsi que Cléanthis, qui décrit son ancienne maîtresse Euphrosine.
- [Enjeu] Comment l’illusion théâtrale et la comédie peuvent révéler des vérités et ainsi dénoncer les vices de
la société ? / Quelles sont les cibles et les modalités de la satire dans le portrait brosse par Cléanthis de sa
maitresse ?
- [Mouvements] :
Lignes 1 à 9 : La préparation de la leçon
Lignes 10 à 17 : Le portrait de la coquette par Cléanthis
Lignes 18 et 24 : Les conséquences

Concl° :
- [Bilan]Le but de ce portrait est de corriger les mœurs des hommes par le rire, selon la fameuse citation
castigat ridendo mores*. (1) Sous la mise en scène de Trivelin, Cléanthis dénonce les ridicules de sa maîtresse
tout en faisant rire le spectateur (2) on peut imaginer la mise en scène avec la réaction d'Euphrosine qui ne
peut parler. Le jeu de surenchère est aussi très comique car plus Cléanthis en rajoute, plus Euphrosine va
mal. (3) Le but étant de faire prendre conscience aux maître de leur attitude.
* castigat midendo mores, la comédie corrige les mœurs :[rép enjeu] Le but de la comédie étant de corriger les
mœurs des hommes, on peut dire que Cléanthis et Trivelin en voulant corriger les mœurs d’Euphrosine, symbolisent
et représentent Marivaux qui à travers la comédie cherche à corriger tous les hommes.

- [ouverture] Au XXè siècle, Genet usera du même procédé, le théâtre dans le théâtre, pour amener à une
réflexion sur la relation maitre valet Claire jouera le rôle de la maitresse imbue de son apparence et de son autorité
(comme Euphrosine) et Solange celui de la domestique soumise.
Question de grammaire
Relevez dans ce texte les interrogations. Analysez leur forme.
— « si cela la regarde ? » (l. 3)
L’interrogation n’est pas ici marquée par l’inversion du sujet (on aurait : « cela la regarde-t-il ? »), mais seulement
par le point d’interrogation. Il s’agit donc d’une interrogation directe et d’une forme orale de l’interrogation (qui
serait signalée oralement par l’intonation montante). L’interrogation est totale : elle contient en elle-même tous les
éléments lexicaux de la réponse et demande seulement une validation de l’énoncé entier. L’interlocuteur y répond
généralement par « oui » ou par « non », avec éventuellement une reprise de la phrase entière, dans sa forme
affirmative (ce qui est presque le cas ici, même si certains termes changent : « cela lui ressemble comme son visage
»). Il s’agit presque ici d’une question rhétorique ou oratoire, qui n’attend pas de réponse, celle-ci étant connue de
Cléanthis et explicitée justement, par une phrase exclamative et affirmative (« Eh voilà ma chère maîtresse ! cela lui
ressemble »). N.B. : Le « si », au début, indique une reprise de l’interrogation formulée avant le début du texte (par
Trivelin) : « Cela la regarde-t-il ? ».
— « N’en voilà-t-il pas assez, Monsieur ? » (l. 5)
L’interrogation est marquée par le point d’interrogation et par la formule inversée du présentatif à la forme négative
(« n’en voilà-t-il pas »). Il s’agit à nouveau d’une question rhétorique, c’est-à-dire d’une affirmation déguisée, qu’on
peut reformuler ainsi : « en voici assez, Monsieur ». — « En quoi donc, par exemple, lui trouvez-vous les défauts dont
nous parlons ? »
— (l. 9) : Il s’agit d’une interrogation directe, exprimée par la locution interrogative « en quoi », mais aussi
l’inversion du sujet et du verbe (« trouvez-vous ») et le point d’interrogation final. L’interrogation est partielle : elle
formule une demande d’information et l’interlocuteur n’y répond pas par « oui » ou par « non » mais par une
réponse complexe (ici, Cléanthis y répondra en énumérant les défauts de sa maîtresse).
— « En quoi ? » (l. 10)
Il s’agit d’une reprise de l’interrogation précédente: « En quoi ? » reprend simplement le début de l’interrogation
précédemment analysée (l. 9), en la réduisant à la locution interrogative formée sur le pronom « quoi » et au point
d’interrogation. Ici, elle est moins une demande d’information que l’expression d’une insistance et d’une relance de
la question. La suite de la réplique est une réponse à cette interrogation.
N.B. : Dans ce texte, l’interrogation est très importante. Le verbe « interroger » est même utilisé explicitement par
Trivelin l. 72 (avant le début de l’extrait) puis par
Euphrosine l. 82 : « je vous ai dit de m’interroger ».

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