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Explication de texte 4 : Marivaux, l’Ile des Esclaves

Eléments d’introduction (à l’oral, sélectionnez quelques informations !):

-Marivaux : dramaturge du XVIIIe, spécialisé dans les comédies, a travaillé avec la troupe
des Comédiens italiens (héritiers directs de la Commedia dell’arte). Comédies centrées
souvent sur les relations amoureuses contrariées, le déguisement apparaît comme un
passage obligé afin de découvrir la vérité sur soi et ses sentiments…
- L’Ile des esclaves : courte pièce en 1 acte, évoquant le naufrage de deux couples
maîtres/valets sur une ile abritant d’anciens esclaves rebelles. Le gouverneur oblige les
personnages à inverser leurs rôles afin que les maîtres découvrent leurs défauts et s’en
corrigent.
- La scène 3 : après l’exposition et l’énoncé des règles de l’ile par Trivelin, la scène 3 se
consacre à la présentation des personnages féminins : Euphrosine et Cléanthis. Trivelin
demande à Cléanthis de dresser le portrait de sa maîtresse devant celle-ci afin de lui faire voir
ses défauts, le projet du dispositif de cette scène est donc moral (selon le principe de Molière,
castigat ridendo mores = il faut corriger les mœurs par le rire). Il s’agit d’une scène très
dynamique, centrée sur la parodie de la maîtresse dans une suite de portraits satiriques de la
coquette. Cléanthis joue habilement de la mise en abyme théâtrale.

Problématique : En quoi Cléanthis dresse-t-elle une habile satire de sa maîtresse en


coquette ?

Définition de la coquette : personne, le plus souvent une femme, soucieuse de plaire par une mise
élégante, une toilette soignée. Type de personnage qu’on retrouve fréquemment en littérature et
en particulier au théâtre au XVIe et XVIIe siècle (ex. Célimène dans le Misanthrope de Molière).

I. La satire d’une coquette (l. 1-11)


Cléanthis dresse un portrait critique de sa maîtresse afin de la peindre en une véritable
coquette. Pour cela, elle construit son portrait en deux moments distincts : une Euphrosine
sûre de sa beauté ou au contraire une maîtresse inquiète de son apparence.

A. La parodie de la coquette sûre d’elle (1-6)


- « Madame se lève » : début du portrait d’E. à l a 3ème personne qui la montre dans sa vie quo. à
Athènes
• « madame » : rappelle la différence de statut, Cléanthis est la domestique d’Euphrosine
• se lève : présent de narration qui permet de décrire la scène comme si on y était
- Champ lexical de la séduction : « belle », « sémillant », « vif » => portrait valorisant d’Euphrosine
-Métaphore guerrière donne de l’importance à la séduction qui est vue comme une bataille pour
conquérir les coeurs : « les armes » « glorieuses » l. 2 « hardiment » l. 5 => idée de victoire d’EU. (sur
les autres femmes?)
- après avoir décrit physiquement E., Cléanthis fait entendre sa voix « Qu’on m’habille ! » l. 3 au discours
direct (voir usage des guillemets).
-la coquette cherche à séduire les autres, elle existe par les autres :
• « Madame verra du monde » = ref. à la société dans laquelle elle vit, à la vie sociale de Cléanthis
• énumération des sorties « spectacles, promenades.. » l. 4-5
• le visage représente Euphrosine toute entière comme si elle était réduite à sa seule apparence l. 4
–5
-Réponse encourageante de Trivelin « développe assez bien » : montre que le portrait est réaliste et
atteint son but.

B. Le portrait à charge (=dévaloraisant) de la beauté dégradée (7-11)

-Le deuxième portrait d’Euphrosine fonctionne en miroir inversé avec le premier.


- Même question rhétorique mais cette fois-ci pour annoncer un mauvais jour = « mal reposé » l. 7
-Insertion du discours direct mais cette fois-ci pour montrer la déception d’E. « comme me voilà
faite... » sous forme de phrases exclamatives.
-l’apparence disgracieuse est soulignée par le lexique dépréciatif : « yeux battus » (vs « vif dans
les yeux » l. 2), « teint fatigué » => on s’attend plutôt à une défaite qu’à une victoire
-contrairement à l’épisode précédent, elle veut se cacher du monde : cf négation « ne verra
personne » (vs « verra du monde » l. 3)
- elle veut éviter la lumière « sombre » « pas même le jour » (vs « soutenir le grand jour » l. 4 dans
le premier portrait)
- le visage n’est plus montré (cf l. 5) mais au contraire caché « il faut envelopper ce visage-là » l.
10 (tournure impersonnelle qui montre l’urgence à agir)
=> il s’agit du portrait inversé de l’Euphrosine rayonnante.

Transition : C’est une satire de la coquette très vive et réussie car c’est un portrait assumé par la
mise en abyme théâtrale (=théâtre dans le théâtre) de la servante Cléanthis qui parodie sa
maîtresse et la montre coquette, superficielle, hantée par le culte de l’apparence. Cette satire ne
s’arrête pas à la seule Eu., Cléanthis dresse un portrait plus général d’une société où règne
l’hypocrisie.

II. la coquette face au monde (l. 11-fin)


A. Une société fondée sur les apparences (l. 11 à 17)

- « cependant » l. 11 : il ne s’agit plus de décrire Eu. face à elle-même mais Eu. en société. Poursuite de
l’emploi du présent « il vient » : Cléanthis donne à voir la scène comme au début du texte.
- suite de questions l. 12-13 qui correspondent aux discours intérieur d’Euphrosine (au discours indirect
libre), Cléanthis retranscrit ses pensées qui tourne autour du regard que l’on va poser sur elle.
- remarque ironique de Cléanthis le « remède » inventé par Eu. n’en est pas un car il s’agit de mentir à
ses amies => ce qui est mis évidence ici est la fausseté des relations sociales, l’hypocrisie. Même
analyse pour « bonnes amies » = l’amitié est teintée de faux semblants.
-retranscription du dialogue entre les amies et Eu. (voir emploi de guillemets l. 13 à 15), Cléanthis joue
tous les rôles (Eu. + les amiies), on est vraiment dans le théâtre dans le théâtre : Eu. se justifie en
exagérant « 8 jours que je n’ai fermé l’oeil » (hyperbole)
-L’interprétation de Cléanthis met l’accent sur les relations hommes- femmes par l’apostrophe
« messieurs ». elle traduit l’attitude d’Eu. (« cela veut dire ») et analyse la situation. Portrait et
commentaire se mêlent.
-Accumulations de souhaits (verbes à l’impératif l. 16) avec gradation qui montre qu’Eu. a peur d’être mal
vue : image pathétique d’une femme soumise à sa beauté et au regard des autres

B. Les résultats de cette exposition du caractère d’Eu. (l. 18 à 25)

- Cléanthis manifeste une conscience de classe : elle s’inclut dans le groupe des esclaves « nous
autres esclaves ».
-Cl. démontre sa supériorité sur les maîtres: « nous sommes doués » l. 18, « pénétration » l. 18 (=
compréhension) => renversement des valeurs, moralement c’est Cl qui est supérieure à sa
maîtresse.
-ironie de la formule « de pauvres gens » l. 18. Les maîtres sont riches économiquement mais
moralement démunis qui ils ne sont pas doués d’empathie au contraire de Cléanthis.
- Trivelin approuve le portrait qui est fait et le voit comme une avancée positive : « profitez »,
« fidèle » l. 20-21
- Le portrait a fait son effet, a porté ses fruits : Eu. est déstabilisée, perdue « je ne sais où j’en
suis » l. 22
- la fin du texte augure d’une suite qui poursuivra le portrait mais achèvera aussi le formation morale
d’Eu. : « achevez, achevez » l. 25

Conclusion : Cléanthis, en mettant en scène sa maîtresse dans sa vie mondaine, peint le


quotidien mais aussi les travers d’Eu. Elle se présente comme une coquette centrée sur son
apparence et avide de séduire. La satire gagne en efficacité grâce au principe du théâtre dans le
théâtre qui tout en faisant rire fait aussi réfléchir selon le principe du « castigat ridendo mores ».
C’est ce même principe qu’applique Molière dans les mises en abyme du Malade imaginaire.

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