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N.

Termondjian – Cours de français 1ère

LL Cléomire

La préciosité, mouvement littéraire en vogue au XVIIème siècle, permet aux femmes


issues du milieu privilégié de l'aristocratie de prendre part activement aux préoccupations
intellectuelles de l'époque. C'est dans ce cadre que Mlle de Scudéry fréquente l'Hôtel de
Rambouillet, un salon à la mode. Elle y croise de nombreuses personnes représentatives de
la bonne société française et écrit Artamène ou le Grand Cyrus, dans lequel elle fait l'éloge
de la marquise de Rambouillet, à peine déguisée sous les traits de « Cléomire ». Nous
verrons en quoi ce texte est un portrait laudatif de la grandeur, physique, morale et
intellectuelle de Cléomire. Grandeur => cornélienne. Portrait typique car double dimension :
phys et psy. On part du phys et on va vers le psy.

I. Une beauté physique qui est synonyme d’une beauté de l’âme (paragraphe 1)

Le nom de l’héroïne est indiqué d’emblée. Typique d’une précieuse. Construction


savante (cleo vient du grec) : kleos = gloire, mais rappelle surtout cléopatre.
« mire » = viendrait du latin : Le prénom Mira provient du latin "mirabilis", qui
signifie "merveille". Latin mirari = lien que les objets regardés entretiennent avec
le regard. La merveille, c’est ce que l’on regarde. Les objets regardé le sont soit
parce que nous y trouvons du plaisir, soit parce que nous admirons leur vertu.
Double dimension de ce portrait : 1) portrait de la grandeur 2) lien prégnant au
regard
Série de propositions juxtaposées ( ;) qui sont une juxtaposition de propositions
élogieuses à l’égard de Cléomire. Adjectifs mélioratifs qui lui sont attribués (structure
attributive) « grande » l.1 / « admirables » l.2 + polyptote « admirables » l.2/ l. 3 « digne
d’admiration » = portrait de la grandeur (on est dans la grand siècle, le 17ème) + tout passe
par le regard. Grandeur est exprimée avec termes mélioratifs = délicatesse l .2, majesté
(grandeur), admiration l.3, belle, noble L.5, etc. mais aussi avec dét indéfini « tous » l.1 et 4 :
rien n’est disgracieux sur son visage, tous ses traits sont admirables + elle fait l’unanimité
auprès de ses contemporains, de « ceux qui la regardent » l.4. grandeur exprimées aussi
avec la litote « ne se peut exprimer » l. 2 = ensemble créent l’hyperbole. D’où la grandeur de
cette héroïne.

L.3 « je ne sais quel éclat » = le je-ne-sais-quoi. On est dans le champ de l’esthétique.


C’est un charme indéfinissable qui s’empare littéralement de son destinataire. Champ lexical
du regard : outre le polyptote, on a les termes « éclat de ses yeux »l.3/ l.4 « regardent ».
Deux superlatifs coordonnés l.5 « la plus belle et la plus noble ». Caractère hyperbolique de
ce portrait accentue sa dimension laudative : il est partout, même avec l’adv « jamais » qui
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suit et qui est dans la même tonalité que les autres marqueurs hyperboliques de
l’extraordinaire ici et que nous avons relevés.

Glissement vers les lignes 5 et 6 vers la tranquillité des passions, tranquillité de l’âme,
qui est caractéristique de l’honnête homme. Croyance qu’il y a accord entre le physique et
l’âme. Répétition du verbe voir marque cette croyance = elle fait intervenir encore le regard
« on voit même en la voyant seulement » l.6-7 = syllepse (cf.le roseau pensant). = on
apprend même en la regardant. Ses passions sont soumises à raison = topique du
jansénisme. Pas de passion violente : « colère »l.10, « déréglement de l’âme » = d’ailleurs la
passion est vue comme telle. Rappel étymologique = passion vient du latin patior qui signifie
souffrir. Cléomire = heroine de la constance l.11 et 12 toujours également tranquille, toujours
également belle : constance rendue par ce parallélisme. Egalement a le même sens ici que
d’humeur égale. Signifie constamment. Accord idéal phys/psy

II. Un portrait intellectuel élogieux (paragraphe 2)

Transition avec connecteur « au reste » => passage à l’esprit. « L’esprit et l’âme »


l.13 = l’intellect et le moral. Le mot est lâché : « merveilleuse » => que l’on regarde.
Verbe « surpasser » , hyperbolique => si l’on avait trouvé que sa beauté était
extraordinaire, il se trouve que son intelligence et sa moralité le sont davantage…

Dvpt le confirme : le premier/l’autre : l.14 « n’a point de bornes … » => est infini =
elle a des connaissances infinies, l’autre => même chose car « n’a point d’égale » =
est supérieur à tout le monde + accumulation de valeurs morales : « générosité,
constance, bonté, justice et pureté » l.15. générosité = cornélienne, c’est la grandeur
morale, au 17eme. Elle ne souffre aucune comparaison car supérieure à toutes. De
plus, elle est cultivée : l.15-17 : n’a pas laissé son esprit en friche, en jachère, pour
reprendre la métaphore de la nature, elle l’a cultivé soigneusement. Belle association
entre les dons, l’inné et la culture, créée par l’homme => c’est-à-dire l’éducation (cf.
premier extrait de la princesse de clèves sur l’éducation de mlle de chartres). L.18
elle a acquis toutes les connaissances les plus belles. L.18-19 : polyglotte, sait tout =
omnisciente l.19, n’est pas cuistre l.19-20. Modeste = alliance idéale du savoir et du
savoir-être = typique de l’idéal de l’honnete homme. Maîtrise les sciences les plus
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élevées/ les arts les plus difficiles = parallélisme avec superlatifs, hyperboles pour
décrire cet être extraordinaire.

Ainsi, Mlle de Scudéry fait-elle dans ce texte un portrait laudatif de Cléomire.


C'est en effet un éloge de sa grandeur auquel le lecteur accède. L'héroïne y est en
effet décrite comme une femme parfaite dans un portrait qui est traditionnel puisque
le lecteur y retrouve sa double dimension typique phys et psy.

L'oeuvre de Mlle de Scudéry a certainement influencé celle de Mme de Lafayette,


notamment le portrait élogieux de Mlle de Chartres qui se trouve dans les premières
pages de La Princesse de Clèves, annonçant ainsi une héroïne parfaite.

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