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Revue juridique de l'Ouest

Transmission de l'entreprise familiale. Aspects juridiques et fiscaux.


Michel Deslandes

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Deslandes Michel. Transmission de l'entreprise familiale. Aspects juridiques et fiscaux.. In: Revue juridique de l'Ouest, N°
Spécial 2009. Entreprises patrimoniales et familiales. pp. 169-195;

doi : https://doi.org/10.3406/juro.2009.4214

https://www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_2009_hos_22_1_4214

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TRANSMISSION DE L'ENTREPRISE FAMILIALE


ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX

Michel DESLANDES
Professeur à l 'Université de Rennes 1

La transmission de l'entreprise familiale recouvre des transmissions


différentes. Il peut s'agir de la transmission d'une entreprise presque bicentenaire
à la sixième, ou septième, génération issue du fondateur1. Il peut s'agir de la
transmission d'une entreprise trentenaire aux enfants de son fondateur.

C'est à cette dernière, la plus fréquente dans la vague actuelle des


transmissions d'entreprises, que nous nous attacherons, non sans observer que
faisant passer l'entreprise de l'état d'entreprise personnelle à celui d'entreprise
familiale, cette transmission est une transmission familiale d'entreprise sans être
vraiment encore une transmission d'entreprise familiale2.

S'il arrive que le fondateur transmette à titre onéreux l'entreprise qu'il


a créée à ses enfants - ou à certains d'entre eux - il la leur transmet, plus
souvent, à titre gratuit.

Nous nous en tiendrons donc à la transmission gratuite de l'entreprise,


organisée par son fondateur3. . .

Une telle transmission résulte d'une part de la donation, par le


fondateur à ses enfants, de ses actions de l'entreprise sociétaire4. Par cette
donation s'opère la transmission du pouvoir actionnariat.

1 - «Emile HENRY met les petits plats dans les grands » Les Echos 9 février 2009 ; «Les casseroles
MAUVIELfont le tour du monde » Les Echos 4 février 2009 ; « Les frères ALLOT perpétuent la tradition
des ébénistes français » Les Echos 10 juin 2008.
2 - Nous entendons par entreprise personnelle non l'entreprise individuelle, écartée de nos propos, mais
l'entreprise sociétaire - plus précisément en forme de société par actions - dont la quasi-totalité du capital
social est détenue par son fondateur.
3 - Nous ne traiterons pas par conséquent de la transmission gratuite résultant du décès du fondateur donc
non organisée par lui de son vivant.
4-11 arrive que le fondateur donne une fraction de ses actions à ses enfants et leur vende l'autre fraction.
La transmission est alors mixte : pour partie à titre gratuit pour partie à titre onéreux.
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Une telle transmission résulte d'autre part de la dévolution de la


direction de l'entreprise sociétaire à l'un des enfants du fondateur. Par cette
dévolution s'opère la transmission du pouvoir managerial.

La dimension impartie à cette étude excluant d'étudier successivement


la transmission du pouvoir actionnarial et la transmission du pouvoir managerial,
nous nous bornerons, s'agissant de cette dernière, à quelques observations.

La transmission du pouvoir managerial implique le choix par le


fondateur de son successeur à la direction puis l'accession de celui-ci à la
direction générale de l'entreprise.

Le choix du successeur ne pose pas problème lorsqu'un enfant


s'impose à l'évidence comme successeur.

Mais le fondateur peut avoir plusieurs enfants travaillant dans


l'entreprise et sur les rangs pour lui succéder. Le choix du successeur peut être
alors difficile surtout si le fondateur penche pour le cadet de préférence à l'aîné
ou pour une fille de préférence à un fils. Il ne doit pas pour autant être
anormalement différé. Rien ne serait plus préjudiciable à l'entreprise qu'un décès
prématuré du fondateur avant le choix, trop longtemps retardé, de son successeur.
L'entreprise pourrait ne pas survivre à la bataille fratricide pour la direction ou, à
l'inverse, au partage paralysant de la direction qui en résulterait. Le fondateur,
garant en tant que chef d'entreprise, de la pérennité de celle-ci doit la préserver
d'une telle épreuve ce qui n'exclut pas, bien entendu, son devoir, en tant que chef
de famille, de déployer tous les efforts nécessaires à la prévention des
ressentiments qui pourraient découler de son choix5.

Une fois effectué, le choix du successeur ne saurait rester sans


conséquence sur l'organigramme de la direction.

Il doit être suivi de l'installation du successeur comme second du


fondateur, première phase du processus de transmission du pouvoir managerial.
L'installation du successeur comme second du fondateur ouvre une phase
importante du processus de transmission de la direction car le successeur va

5 - Pour un exemple de chef d'entreprise sensibilisé au problème C. MORIOU « Et si je donnais ma boîte


à mes enfants » L'Entreprise mai 2008.
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devoir y faite preuve de son aptitude à la direction générale et, ainsi, acquérir la
légitimité nécessaire à son intronisation comme patron.

L'intronisation du successeur comme patron est la seconde phase du


processus de transmission du pouvoir managerial. C'est une phase délicate car sa
réussite suppose que, même demeuré président non exécutif, le fondateur ait
accepté de passer réellement le témoin à son successeur6.

Nous ne reviendrons plus sur la transmission du pouvoir managerial,


la transmission du pouvoir actionnarial faisant seule l'objet du corps de cette
étude où nous en examinerons les outils juridiques (I) puis le coût fiscal (II).
Nous y verrons que les premiers sont nombreux et que le second est supportable.

I - OUTILS JURIDIQUES DE LA TRANSMISSION DU POUVOIR


ACTIONNARIAL

L'opération juridique principale par laquelle se réalise la transmission


du pouvoir actionnarial est une donation partage consentie par le fondateur -
ainsi éventuellement que par son conjoint - au profit de ses enfants et portant sur
la pleine propriété, ou seulement sur la nue propriété en conséquence d'une
réserve d'usufruit, de ses actions dans l'entreprise sociétaire qu'il a créée.

Cette opération juridique principale étant étudiée par Maître Jean-


Marie DELPERIER, nous nous attacherons à l'étude des opérations juridiques
annexes à la donation partage.

La nécessité d'opérations juridiques annexes résulte des deux objectifs


que doit atteindre un bon plan de transmission.
Le fondateur, en tant que chef d'entreprise, se doit d'assurer la
pérennité de celle-ci.
Pour cela, il doit donner à son successeur les moyens de diriger.
Mais le fondateur est aussi chef de famille et, en cette qualité, se doit
de garantir la cohésion de celle-ci.

6 - Sur les aspects juridiques de l'installation du successeur comme second et de son intronisation comme
patron : M. DESLANDES, H. HOVASSE « La société par actions simplifiée et la transmission gratuite
de l'entreprise » Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire 2008 n° 102.
172

Pour cela, il doit respecter une stricte égalité en valeur dans la


confection des lots qu'il attribue à ses enfants7.
Le fondateur peut régler de deux façons différentes le problème posé
par la nécessité d'atteindre ces deux objectifs.
Il peut transmettre à ses enfants un pouvoir actionnarial éclaté en
prenant des mesures pour protéger son successeur (A).
Il peut transmettre à son successeur un pouvoir actionnarial concentré
en prenant des mesures pour sauvegarder ses autres enfants (B).

A - Transmission d'un pouvoir actionnarial éclaté

Frédéric RATEL, âgé de 65 ans, détient 12001 actions, de 260 €


chacune de valeur vénale, sur les 12100 actions composant le capital social de la
SA CONSERVERIE RATEL qu'il a fondée il y a 35 ans.

Frédéric RATEL va transmettre 4000 actions, d'une valeur globale de


1 040 000 €, à chacun de ses trois enfants : Serge, son successeur ; Anne et
Bernard qui exercent leur activité professionnelle en dehors de l'entreprise.

Serge ne détiendra donc pas le contrôle de la société, étant minoritaire


en voix dans les assemblées générales d'actionnaires de la SA CONSERVERIE
RATEL8.
Ce n'est guère recommandable.

Octave GELINIER et André GAULTIER écrivaient dans leur livre


culte sur les entreprises familiales : « Le dirigeant de demain étant choisi et mis à
l'essai, il faut lui donner les moyens de bien diriger et avant tout un pouvoir

7 - On a parfois soutenu, non sans quelque raison, que le successeur prenant le risque de l'entreprise peut
être légitimement avantagé par rapport à ses frères et sœurs. Cette opinion est toutefois très minoritaire
auprès des chefs d'entreprise.
8 - Le contrôle visé ici est le pouvoir d'imposer ses vues dans les assemblées générales d'actionnaires. On
qualifie de contrôle simple le pouvoir d'imposer ses vues dans les assemblées générales ordinaires qui
notamment désignent les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance et affectent le résultat
de l'exercice. Ce pouvoir implique la possibilité d'exprimer 50 % + 1 voix dans les assemblées générales
ordinaires. On qualifie de contrôle absolu le pouvoir d'imposer ses vues dans les assemblées générales
extraordinaires qui adoptent les décisions entraînant modification des statuts. Ce pouvoir implique la
possibilité d'exprimer 2/3 des voix dans les assemblées générales extraordinaires.
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suffisant. Il faut éviter qu 'il soit toute sa vie un minoritaire devant arracher
toutes les décisions »... à ses frères et soeurs9. On ne saurait mieux dire.

Cela permet, du moins, de ne pas créer une situation difficilement


réversible, et qui peut donc s'avérer dommageable, si un événement imprévu, et
souvent dramatique, écarte le successeur de la direction.

Dans un tel contexte, le successeur, et à travers lui l'entreprise, doit


être protégé de ses frères et sœurs, qui, ayant tout naturellement tendance à
considérer l'entreprise comme une vache à lait, pourraient être portés à voter des
distributions de dividendes réduisant à la portion congrue le bénéfice affecté à
l'autofinancement voire à enjoindre au successeur de privilégier les intérêts
financiers de la famille sur ceux de l'entreprise - comme embaucher des neveux
ou nièces notoirement incompétents - sous la menace, plus ou moins voilée, de
son remplacement par un manager extérieur en cas de refus d'obtempérer.

Pour protéger son successeur, le fondateur peut avoir recours à des


clauses statutaires et à un pacte familial.

Le fondateur peut protéger le successeur par des clauses


statutaires

- Pour empêcher les frères et sœurs de contrecarrer la politique


d'autofinancement du successeur, le fondateur peut faire introduire dans les
statuts de l'entreprise, avant la transmission de ses actions, une clause obligeant
l'assemblée des actionnaires à affecter une fraction du bénéfice de l'exercice à
une réserve statutaire non plafonnée10.

Si l'entreprise est en forme de société anonyme, l'efficacité d'une telle


clause suppose que le successeur détienne la minorité de blocage (1/3 + 1 des
actions) afin d'empêcher l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de
retirer cette clause des statuts de la société.

9-0. GELINIER et A. GAULTIER, L'avenir des entreprises personnelles et familiales, éd. Hommes et
Techniques 1974, p. 73.
10 - Lorsque la donation des actions du fondateur est consentie avec réserve d'usufruit le problème est
sans doute reporté à terme. Il est toutefois recommandable de faire jouer une telle clause dès la donation.
Le fondateur s'y trouvera lui-même soumis montrant ainsi l'exemple à suivre.
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Si l'entreprise est en forme de société par actions simplifiée,


l'efficacité d'une telle clause peut être assurée quel que soit le pourcentage
d'actions détenu par le successeur, les statuts d'une société par actions simplifiée
pouvant prévoir que la modification, ou le retrait, de la clause devront résulter
d'une décision collective unanime.

- Pour empêcher l'éventuel chantage au remplacement du successeur


par un manager extérieur, les clauses statutaires sont de peu d'effet dans la
société anonyme, les actionnaires titulaires de la majorité des voix dans les
assemblées générales ordinaires étant maîtres de la composition du conseil
d'administration ou du conseil de surveillance et pouvant donc toujours
remplacer le ou les dirigeants.

Dans la société par actions simplifiée en revanche, une clause


statutaire peut priver de toute efficacité un tel chantage : la clause par laquelle le
président ne pourra être révoqué que par une décision collective unanime1 ' .

La société par actions simplifiée présente donc des avantages en cas


de transmission d'un pouvoir actionnarial éclaté ce qui n'exclut pas, même si
l'entreprise revêt cette forme sociétaire, le recours au pacte de famille.

Le fondateur peut protéger le successeur par un pacte familial

Dans un tel pacte, que le fondateur fera solennellement signer par tous
ses enfants, chacun s'engagera, notamment, à ne pas compromettre
l'autofinancement nécessaire à la pérennité de l'entreprise créée par le fondateur et à
ne jamais exiger du dirigeant qu'il fasse prévaloir des intérêts familiaux au
détriment de l'entreprise.

Si la valeur juridique d'un tel pacte est sujette à caution, sa portée


morale est grande et lui assure une efficacité non négligeable.

1 1 - La société par actions simplifiée présente, de ce point de vue, le même avantage que la société en
commandite par actions parfois utilisée naguère. Le successeur désigné gérant commandité ne pouvait, en
effet, être évincé de la direction par le seul vote de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires. Mais
la société en commandite par actions est une forme sociétaire autrement plus complexe que la société par
actions simplifiée.
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B - Transmission d'un pouvoir actionnariat concentré

Dans cette hypothèse, le fondateur transmet ses actions à ses enfants


en conférant au successeur la majorité des voix dans les assemblées
d'actionnaires donc le contrôle simple, voire le contrôle absolu, de l'entreprise,
sociétaire12.

La transmission d'un pouvoir actionnarial ainsi concentré au profit du


successeur est certainement préférable à la transmission d'un pouvoir
actionnarial éclaté. Mais elle pose deux problèmes : celui de ses modalités et
celui de son contrepoids.

1 - Modalités de la concentration du pouvoir actionnarial

Comment réaliser la concentration du pouvoir actionnarial au profit


du successeur alors que le respect d'une stricte égalité en valeur des lots attribués
à chacun des enfants du fondateur empêchera, le plus souvent, de donner au
successeur la majorité des actions composant le capital social de l'entreprise
sociétaire ?

Un dirigeant de PME ne dispose pas, en effet, d'une fortune suffisante


pour compenser la valeur de la majorité des actions de l'entreprise sociétaire
données au successeur par la donation d'autres biens aux frères et soeurs13.

Reprenons l'exemple de Frédéric RATEL qui veut transmettre 12 000


actions de la SA CONSERVERIE RATEL à ses enfants. Comment Frédéric
RATEL, qui n'inclura aucun autre bien dans la donation partage, peut-il assurer à
Serge la majorité des voix dans les assemblées générales ordinaires de la SA en

12 - On a indiqué que le contrôle absolu d'une SA implique la possibilité d'exprimer 2/3 des voix dans les
assemblées générales extraordinaires soit, si l'on considère que tous les actionnaires y sont présents ou
représentés, la possibilité d'exprimer 2/3 des voix attachées aux actions émises par la société.
Dans la SAS en revanche les statuts fixent librement la majorité qualifiée requise pour l'adoption des
décisions collectives extraordinaires. Ainsi peut-on détenir le contrôle absolu d'une SAS en pouvant
exprimer 52 % voire 5 1 % des voix attachées aux actions émises si les statuts le prévoient.
13 - Si confronté à un investissement immobilier pour son entreprise, le fondateur l'a fait réaliser par une
société civile immobilière constituée à cet effet plutôt que par la société commerciale qui sera donc
seulement locataire de l'immeuble, il pourra en revanche donner des parts de la SCI aux frères et sœurs
du successeur. Dans certains cas cela suffira au rétablissement de l'équilibre en valeur de leur lot avec le
lot attribué au successeur et comprenant la majorité des actions de l'entreprise sociétaire. C'est un intérêt
essentiel d'une organisation duale de l'entreprise.
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respectant une stricte égalité dans la valeur des lots attribués à chacun de ses trois
enfants ?

Cette concentration du pouvoir actionnarial au profit du successeur


peut être réalisée avant la donation partage ou être programmée avant la donation
partage mais réalisée après celle-ci.

a) Concentration du pouvoir actionnarial avant la donation partage

La concentration du pouvoir actionnarial est souvent réalisée avant la


donation partage, donc par le fondateur, qui peut, à cette fin, avoir recours à une
société holding de contrôle ou à des actions de préférence.

1.1 - Société holding de contrôle

Afin de concentration du pouvoir actionnarial le fondateur peut


constituer une société holding de contrôle.

Supposons que Frédéric RATEL apporte à une société, constituée à


cet effet sous la forme d'une SARL dénommée FINANCIERE RATEL, 6051
actions de la SA CONSERVERIE RATEL, soit 50 % + 1 des actions composant
son capital, et reçoive en rémunération de chaque action apportée pour une valeur
vénale de 260 €, une part sociale de 260 € de valeur nominale et vénale donc, au
total, 6051 parts sociales de la SARL FINANCIERE RATEL.

Frédéric RATEL pourra donner à Serge 3027 parts de la SARL


FINANCIERE RATEL soit la majorité (50 % + 1) des parts sociales de la SARL
puisque leur valeur vénale est de 3027 x 260 € = 787 020 € et que la valeur totale
des droits sociaux qu'il peut lui donner est de 4000 x 260 € = 1 040 000 €.

Or en recevant directement la majorité des parts sociales de la SARL


FINANCIERE RATEL, qui détient la majorité des actions de la SA
CONSERVERIE RATEL, Serge recevra indirectement la majorité des voix dans
les assemblées générales ordinaires de la SA. Il aura en effet le pouvoir de
désigner le gérant de la SARL qui ira, dans ces assemblées, exercer le droit de
vote attaché aux actions de la SA détenues par la SARL.
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En apportant la majorité des actions de sa société opérationnelle à une


société holding, un fondateur peut ainsi, en raison de ce qu'il est convenu
d'appeler l'effet de levier juridique résultant de la règle de la majorité, diviser par
deux la valeur du contrôle de la société opérationnelle qui peut alors, dans une
majorité d'hypothèses, être transmis au successeur sans rompre l'égalité en
valeur des lots transmis aux enfants.

1.2 — Actions de préférence

Afin de concentration du pouvoir actionnariat, le fondateur peut faire


créer des actions de préférence qui sont des actions conférant des droits différents
- en plus ou en moins - de ceux normalement conférés par les actions14.

- Si l'entreprise sociétaire revêt la forme d'une SA ou d'une SAS, il


est possible d'y créer, dans la limite de la moitié du capital social, en
rémunération d'apports ou par conversion d'actions existantes, des actions dites
de préférence sans droit de vote c'est-à-dire des actions qui se différencient des
actions ordinaires par l'absence de droit de vote dans les assemblées générales
d'actionnaires.

Attribuées aux frères et sœurs du successeur, ces actions accroîtront,


par contrecoup, le pouvoir de celui-ci dans les assemblées d'actionnaires.

Supposons que l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires


de la SA CONSERVERIE RATEL décide la conversion de 4102 actions
appartenant à Frédéric RATEL en 4102 actions de préférence sans droit de vote.

Frédéric RATEL pourra donner ensuite à Serge 4000 actions


ordinaires ; à Anne 1949 actions ordinaires et 2051 actions de préférence sans
droit de vote ; à Bernard 1949 actions ordinaires et 2051 actions de préférence
sans droit de vote. Serge pourra alors exprimer, dans les assemblées générales
ordinaires de la SA, 4000 voix représentant : (12 100 - 4102) = 50 % + 1 voix
alors qu'il n'aura reçu, comme son frère et sa sœur, que 4000 actions15.

14 - H. HOVASSE, M. DESLANDES, R. GENTILHOMME «Actions de préférence dans la


transmission familiale de l'entreprise » Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire 2006 n° 85.
15-11 faut pouvoir bien entendu considérer que la valeur vénale de l'action de préférence sans droit de
vote est égale à la valeur vénale de l'action ordinaire. Ceci est parfaitement admissible à une condition
toutefois. La fondateur doit faire signer par ses enfants un pacte de famille contenant une clause de sortie
conjointe dont l'efficacité juridique est incontestable et par laquelle le successeur s'engagera, pour le cas
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- Si l'entreprise sociétaire revêt la forme d'une SAS, il est possible d'y


créer, sans limite, en rémunération d'apports ou par conversion d'actions
existantes, des actions à droit de vote multiple c'est-à-dire permettant pour la
même valeur nominale que les actions ordinaires d'exprimer deux, trois, quatre,
cinq . . . fois plus de voix que ces dernières16.

Attribuées au successeur ces actions accroîtront, directement, son


pouvoir dans les assemblées d'actionnaires.

* *

II est tout à fait possible, bien entendu, de combiner le recours à la


holding de contrôle avec le recours aux actions de préférence.

La constitution d'une société holding de contrôle peut être ainsi


combinée avec la création par la société opérationnelle, et par conversion
d'actions de celles-ci appartenant au fondateur, d'actions de préférence sans droit
de vote.

La constitution d'une société holding de contrôle - nécessairement


alors sous forme de société par actions - peut encore être combinée avec la
création par la société holding, pour rémunérer l'apport par le fondateur d'actions
de la société opérationnelle, d'actions de préférence sans droit de vote.

L'effet de levier juridique produit par la société holding va se trouver


alors amplifié par les actions de préférence sans droit de vote ce qui permettra de
conférer, indirectement, au successeur le contrôle simple voire absolu de la
société opérationnelle en présence de quatre voire cinq frères et sœurs.

b - Concentration du pouvoir actionnariat après la donation partage

La concentration du pouvoir actionnariat peut être programmée avant


la donation partage mais réalisée, après celle-ci, donc par le successeur.

où il viendrait à vendre ses actions, à obtenir de l'acquéreur qu'il rachète, au même prix, les actions de
préférence sans droit de vote - et les actions ordinaires - de ses frères et sœurs. Si l'entreprise est en
forme de SAS, une telle clause peut figurer dans les statuts ce qui accroît son efficacité.
16 - La question de savoir si de telles actions relèvent de la catégorie des actions de préférence est
discutée mais on n'entrera pas ici dans ce débat.
179

On suppose que Serge, Anne et Bernard reçoivent de Frédéric


RATEL, par donation partage, chacun 4000 actions de la SA CONSERVERIE
RATEL.

Mais il a été convenu qu'après la donation partage Serge apportera les


actions qu'il a reçues à une société holding, constituée à cet effet sous forme de
société par actions simplifiée unipersonnelle, qui empruntera en banque les fonds
nécessaires au rachat de 1026 actions à Anne et 1026 actions à Bernard17.

Par l'intermédiaire de la holding - dite de rachat - Serge pourra


exercer le droit de vote attaché à 6052 actions de la SA CONSERVERIE RATEL
dont il détiendra indirectement le contrôle simple.

Ce mode de concentration présente l'avantage de permettre aux frères


et sœurs du successeur qui ne sont pas viscéralement attachés à l'entreprise
familiale d'être, indirectement et pour partie, gratifiés en argent à l'occasion de la
donation partage ce qui leur fera beaucoup plus facilement admettre leur situation
d'actionnaires minoritaires à raison des actions conservées.

Précisons que la société holding a besoin de dividendes pour faire face


à l'amortissement de son emprunt ce qui implique qu'elle détienne la pleine
propriété de ses actions de la société opérationnelle18.

C'est pourquoi, lorsque ce mode de concentration du pouvoir


actionnarial est retenu, la donation partage qui doit porter sur la pleine propriété
des actions données ne concerne pas, le plus souvent, la totalité des actions de la
société opérationnelle que le fondateur avait projeté de transmettre à ses enfants
- 12 000 actions s 'agissant de Frédéric RATEL - mais une fraction de celles-ci -
9000 actions CONSERVERIE RATEL par exemple. L'autre fraction sera, plus
tard, vendue par le fondateur à la holding de rachat du successeur. Le fondateur
pourra recevoir ainsi un capital compensant l'abandon de son droit à continuer de
percevoir des dividendes de la société opérationnelle.

17 - On se limite ici au rachat d'un nombre d'actions permettant l'acquisition du contrôle simple mais il
peut naturellement porter sur des quantités plus importantes permettant l'acquisition du contrôle absolu.
1 8 - Les dividendes perçus par la société holding sont exonérés d'impôt sur les sociétés pour 95 % de leur
montant au titre du régime fiscal des sociétés mères ce qui permet de les affecter en quasi-totalité à
l'amortissement de l'emprunt contracté en vue du rachat des actions. Pour cette raison le rachat par une
société holding est incontournable.
180

2 - Contrepoids à la concentration du pouvoir actionnariat

Puisque le successeur sera titulaire de la majorité des voix dans les


assemblées d'actionnaires de l'entreprise sociétaire, le fondateur doit s'attacher à
protéger les frères et sœurs du successeur en leur garantissant la perception d'un
revenu et en leur ouvrant une perspective de sortie.

Le fondateur doit prendre des mesures pour que le successeur, maître


de l'affectation du bénéfice social, ne puisse priver ses frères et sœurs de tout
revenu 19 .

- L'introduction dans les statuts de l'entreprise sociétaire d'une clause


rendant obligatoire la distribution d'un premier dividende peut ainsi être
envisagée20.

Il ne faut pas toutefois, si l'entreprise est en forme de SA, que le


successeur détienne alors le contrôle absolu de l'entreprise sociétaire. Il pourrait,
en effet, faire retirer cette clause des statuts. Si l'entreprise est en forme de SAS,
son retrait des statuts peut, en revanche, être bloqué par l'exigence d'une
décision unanime. Mais une telle clause oblige à distribuer un premier dividende
à toutes les actions ce qui n'est pas nécessairement souhaitable.

On préférera donc l'attribution par les statuts d'un premier dividende


aux seules actions destinées aux frères et sœurs ce qui en fera, si elles ne le sont
pas déjà par la suppression du droit de vote, des actions de préférence.

Même si le successeur détient la majorité qualifiée lui permettant


d'imposer les modifications statutaires, il ne pourra en effet supprimer le premier
dividende des actions de préférence sans l'accord de leurs titulaires21.

19 - Si le fondateur peut donner aux frères et sœurs du successeur des parts de la SCI propriétaire de
l'immeuble de l'entreprise il leur garantit ainsi un revenu.
D'où l'intérêt, sur ce plan encore, d'une organisation duale de l'entreprise.
20 - Si une société holding a été constituée afin de concentration du pouvoir actionnarial avant la donation
partage une telle clause pourra être également introduite dans les statuts de la holding.
21 - Dans la SA cet accord est donné par une assemblée spéciale des actionnaires titulaires des actions de
la catégorie concernée statuant à la majorité des 2/3 des voix dont disposent les actionnaires présents ou
représentés qui doivent détenir 1/3 au moins des actions de la catégorie.
Dans la SAS les statuts doivent prévoir les conditions d'obtention d'un tel accord les dispositions légales
relatives aux assemblées spéciales n'étant pas applicables à la SAS. En l'absence de clauses statutaires
l'unanimité des actionnaires titulaires des actions de la catégorie concernée paraît requise.
181

- La signature d'un pacte familial dans lequel le fondateur obtiendra


du successeur qu'il s'engage à assurer à ses frères et sœurs un dividende tenant
compte à la fois des besoins de l'entreprise et des aspirations de la famille
viendra utilement compléter, à raison de la portée morale de l'engagement, les
dispositions statutaires relatives à la distribution d'un premier dividende dont le
montant est nécessairement modeste22.

Le fondateur doit prendre des mesures pour ouvrir aux frères et sœurs
du successeur des perspectives de sortie.

A moins que l'entrée en bourse, constitutive en elle-même d'une


perspective de sortie, soit solennellement envisagée, le fondateur doit, dans un
pacte familial, obtenir du successeur qu'il s'engage à faire racheter, selon des
modalités et un calendrier dont les termes doivent être minutieusement pesés, les
actions de ses frères et sœurs qui souhaiteraient sortir du capital de l'entreprise
sociétaire familiale.
La perspective de demeurer indéfiniment actionnaire minoritaire
d'une société fermée ne peut en effet que générer, à la longue, des tensions
préjudiciables à la cohésion de la famille.

Il faut donc ouvrir aux frères et sœurs du successeur une perspective


de sortie qui ne sera d'ailleurs pas forcément concrétisée à moins que la
concentration du pouvoir actionnarial au profit du successeur soit résultée du
rachat, après la donation partage, par la holding qu'il aura constituée, d'actions
attribuées à ses frères et sœurs. La sortie totale des frères et sœurs du capital de
l'entreprise sociétaire est alors, en effet, dans la logique du processus de
concentration retenu.

22 - Le pacte pourra prévoir la réunion d'un conseil familial où sera évoquée la question du montant du
dividende susceptible d'être distribué au titre de l'exercice.
Bien que le problème soit reporté à terme lorsque les actions ont été données avec réserve d'usufruit, la
création et le fonctionnement d'un tel conseil familial peuvent être utilement envisagés dès la donation
partage afin de conférer aux réunions de ce conseil un caractère quasi institutionnel. Il faut alors bien
entendu que les enfants détiennent quelques actions en pleine propriété pour être intéressés par la réunion.
« Entreprises familiales : un pacte pour éviter les conflits », option Finance, 17 septembre 2007.
182

II - COUT FISCAL DE LA TRANSMISSION DU POUVOIR ACTIONNARIAL

On évoquera d'abord le coût fiscal principal de la transmission du


pouvoir actionnarial, (A), puis son coût fiscal collatéral (B).
A - Coût fiscal principal de la transmission du pouvoir
actionnarial

Le coût fiscal principal de la transmission du pouvoir actionnarial


résulte des droits de donation.

On examinera d'abord les droits de donation standard résultant de


l'application littérale du Code Général des Impôts.
On examinera ensuite leur optimisation.

1 - Droits de donation standard

Même en l'absence d'optimisation, les droits de donation ont


beaucoup baissé ces dernières années spécialement dans notre contexte d'une
donation partage d'actions d'un fondateur à ses enfants.

Cette baisse résulte tant de l'augmentation du montant de l'abattement


applicable à la valeur vénale des actions données - réfaction sur l'assiette des
droits - que de l'élévation des âges permettant l'application d'une réduction de
droits - réfaction sur le montant des droits - pour âge du donateur.

Elle résulte également, lorsque la donation est consentie avec réserve


d'usufruit, de la revalorisation de l'usufruit réservé par le fondateur.

a) Révision à la hausse des abattements et réductions

- Si les droits de donation frappent en principe la valeur vénale de tous


les biens faisant l'objet d'une donation, quelle que soit leur nature, l'article 779
du Code Général des Impôts prévoit des abattements dont l'existence et
l'importance sont fonction du lien de parenté entre le donateur et le donataire.
183

S 'agissant des donations de parent à enfant, cet abattement s'élevait à


50 000 € au premier semestre 2007. La loi TEPA du 21 août 2007 a triplé son
montant et prévu sa réévaluation annuelle23.
Il s'élève en 2009 à 156 359 €.

Revenons vers Frédéric RATEL, âgé de 65 ans, en considérant qu'il


transmet à chacun des enfants 4000 actions - ordinaires et de préférence sans
droit de vote - d'une valeur vénale unitaire de 260 €.

Chaque enfant reçoit donc des actions pour une valeur vénale globale
de 4000 x 260 € = 1 040 000 €. Après l'abattement de 156 359 €, la part taxable
de chacun s'établit à 883 641 €. L'application à cette somme des taux progressifs
par tranches prévus à l'article 777 du Code Général des Impôts pour le calcul des
droits de mutation à titre gratuit entre parents en ligne directe conduit à un
montant de droits de 209 1 16 €24.

- La réduction des droits de donation pour âge du donateur prévue à


l'article 790 du Code Général des Impôts - réfaction sur le montant des droits -
est applicable ici au taux de 50 % puisque Frédéric RATEL n'a pas atteint l'âge
de 70 ans. En effet la loi de finances pour 2006 a porté de 65 à 70 ans l'âge au
dessous duquel ce taux de réduction est applicable25.

23 - Cette loi a prévu l'actualisation annuelle de l'abattement dans la même proportion que la limite
supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
Dans le cas de donations successives entre mêmes personnes la règle du rappel fiscal des donations
antérieures empêche l'abattement de s'appliquer à chaque donation sauf si un délai de 6 ans s'est écoulé
depuis la donation précédente.
24 - Art. 777 CGI (Extrait).
Barème des droits de donation et succession en ligne directe

TARIF
N'excédant pas 7 922 €
5%
Entre 7 922 € et 1 1 883 €
10%
Entre 11 883 € et 15 636 €
15%
Entre 15 636 € et 542 043 €
20%
Entre 542 043 € et 886 032 €
30%
25 - Le taux de réduction tombe à 30 % si le donateur est âge de 70 ans révolus mais de moins de 80 ans
(au lieu de 75 ans avant la loi de finances pour 2006).
184

Après réduction, le montant des droits de donation s'élève pour chaque


donation à 104 558 € et pour les trois à 313 674 €.

Si la donation partage avait été effectuée en 2005 le montant des droits


à payer eut été de 175 210 € pour chaque donation et de 525 630 € pour les trois !
Le coût fiscal de la donation partage des actions d'un fondateur à ses
enfants est donc devenu beaucoup plus supportable.

b) Revalorisation de la réserve d'usufruit

Lorsque la donation partage des actions du fondateur est consentie


avec une réserve d'usufruit, qui lui permet, notamment, de continuer à percevoir
sa vie durant les dividendes distribués aux actions alors données en nue propriété,
leur valeur taxable doit évidemment être diminuée de la valeur de ce droit
réservé. Cette valeur de l'usufruit réservé, à retirer de la valeur vénale de la
pleine propriété des actions, est fonction de l'âge de l'usufruitier, l'usufruit étant
un droit viager. ~

Un premier barème résultant d'une loi de 1901, élaborée à partir des


tables de mortalité des compagnies d'assurances de la fin du XIXième siècle,
était toujours applicable un siècle plus tard. Il sous évaluait, on le comprend, la
valeur de l'usufruit réservé et, par contre coup, surévaluait considérablement la
nue propriété taxable.

L'administration est longtemps restée sourde aux demandes de


révision de ce barème, considérant que la donation avec réserve d'usufruit
procure déjà un avantage fiscal suffisant. L'usufruit réservé s'éteint en effet au
décès de son titulaire et la pleine propriété se reconstitue alors automatiquement
— donc sans droit de succession - entre les mains du nu propriétaire26.
Elle a finalement dû céder face aux politiques.

26 - Une donation partage avec réserve d'usufruit contient très souvent une clause dite de réversion
d'usufruit au profit du conjoint survivant du donateur. Dans ce cas au décès du donateur - premier
usufruitier - son usufruit est remplacé par l'usufruit du bénéficiaire de la clause de réversion. La pleine
propriété ne se reconstituera alors entre les mains du nu propriétaire qu'au décès du second usufruitier.
On notera qu'il n'est pas tenu compte de la clause de réversion pour le calcul des droits de donation
résultant de la donation partage.
185

La loi de finances pour 2004 a en effet introduit dans le Code Général


des Impôts un nouveau barème tenant compte de l'espérance de vie des
usufruitiers au début du XXIème siècle.

Le coût fiscal d'une donation avec réserve d'usufruit s'en est trouvé
d'autant plus significativement réduit.

Supposons que Frédéric RATEL, âgé de 65 ans, se réserve l'usufruit


des actions qu'il transmet par donation partage à ses enfants.

Selon le barème d'évaluation de l'usufruit figurant à l'article 669 du


Code Général des Impôts, la valeur de l'usufruit qu'il se réserve correspond à
40% de la valeur de la propriété entière soit pour chaque donation à :
1 040 000 € x 40 % = 416 000 € 27.

La valeur taxable de chaque donation tombe donc à 624 000 € puis,


après application de l'abattement de 156 359 €, à 467 641 €.

L'application du tarif progressif conduit à un montant de droits de


91 756 €. Même si le taux de la réduction de droits pour âge du donateur est
réduit à 35 % - en contrepartie de la réserve d'usufruit - le montant des droits à
payer n'est plus que de 59 641 € pour chaque donation et de 178 923 € pour les
trois.

Comparés aux 313 674 € rendus exigibles par une donation partage en
pleine propriété l'économie de droits apparaît substantielle. Il est pourtant
possible de faire beaucoup mieux.

2 - Droits de donation optimisés

Le montant des droits de donation peut être très significativement


diminué par une donation partage conjonctive et par des engagements de
conservation.

27 - Selon l'ancien barème, l'usufruit de Frédéric RATEL eût été évalué à 20 % de la valeur de la
propriété entière.
186

a) Donation partage conjonctive

Supposons que les 12 001 actions de la SA CONSERVERIE RATEL,


qui sont inscrites au nom de Frédéric RATEL sur les fiches de compte établies au
nom des actionnaires, relèvent d'une communauté existant entre Frédéric
RATEL et son épouse Monique, 62 ans, en conséquence d'un mariage contracté
il y a quarante ans, sous le régime de la communauté d'acquêts.

La donation partage de 12 000 actions de Frédéric RATEL à Serge,


Anne et Bernard - enfants communs du couple Frédéric et Monique - peut être
consentie par Frédéric seul avec l'autorisation de Monique.

Mais elle peut être aussi consentie par Frédéric et Monique intervenant
à la donation partage en tant que codonateurs. Or, une telle donation partage, dite
conjonctive, générerait des droits de donation beaucoup moins élevés28. Il n'y
aurait plus alors, en effet, seulement trois donations de 1 040 000 € chacune
consenties par Frédéric RATEL à Serge, Anne et Bernard mais six donations, de
520 000 € chacune. Frédéric et Monique RATEL donneraient en effet chacun la
moitié de la valeur des 12 000 actions. Or, une liquidation de droits de donations
sur six donations permet, notamment, d'appliquer six fois l'abattement de
156 359 €.

• Le montant total des droits de donation s'élèverait ainsi à 212 868 €


en cas de donation partage conjonctive portant sur la pleine propriété des 12 000
actions contre 313 674 € en cas de donation partage consentie par Frédéric
RATEL seul.

• En cas de donation partage conjonctive portant seulement sur la nue


propriété des 12 000 actions, en conséquence d'un usufruit réservé par chacun
des époux, le montant total des droits de donation serait ramené à 1 14 486 €
contre 178 923 € en cas de donation partage avec réserve d'usufruit consentie par
Frédéric RATEL seul.

Conseiller à Frédéric RATEL de préférer une donation partage


conjonctive à une donation partage consentie par lui seul ne relève pas vraiment

28 - La donation partage conjonctive présente d'autres intérêts que fiscaux notamment celui d'éviter le
problème des récompenses à la communauté de la valeur des biens communs donnés par un seul époux.
187

de l'optimisation fiscale s'il est marié sous un régime de communauté et que ses
actions en relèvent.
Il en va autrement si l'on suppose que Frédéric et Monique RATEL
sont mariés sous le régime de la séparation de biens, les 12 001 actions de la SA
CONSERVERIE RATEL inscrites au nom de Frédéric RATEL étant alors des
biens personnels à celui-ci.
Une donation partage conjonctive est, en effet, exclue en l'état.

Mais on peut conseiller à Frédéric et Monique RATEL de changer de


régime matrimonial en adoptant par exemple le régime de la communauté
d'acquêts dans laquelle Frédéric placera ses 12001 actions de la SA
CONSERVERIE RATEL qui pourront ensuite, alors, faire l'objet d'une donation
partage conjonctive. Une loi du 24 juin 2006 a beaucoup simplifié la procédure à
suivre pour un tel changement en supprimant - sauf en présence d'enfants
mineurs - l'obligation d'obtenir l'autorisation du tribunal de grande instance
pour signer le nouveau contrat de mariage. Alors qu'auparavant la procédure
rendait nécessaire l'intervention d'un notaire et d'un avocat elle ne rend donc
plus aujourd'hui nécessaire que l'intervention du notaire29.

b) Engagements de conservation

La loi, dite DUTREIL, du 1er août 2003 pour l'initiative économique a


institué une exonération de 50 % de la valeur des parts sociales ou actions
d'entreprises sociétaires transmises par donation en pleine propriété 30.

La loi du 2 août 2005 en faveur des PME a porté le pourcentage


d'exonération de 50 % à 75 % et étendu le dispositif aux donations consenties
avec réserve d'usufruit.

L'économie de droits de donation résultant de ce dispositif


d'exonération partielle est si considérable qu'elle appelle un examen sommaire

29 - On peut se poser la question de savoir si l'administration fiscale ne pourrait pas refuser de tenir
compte du changement de régime pour le calcul des droits de donation en écartant le nouveau contrat de
mariage sur le terrain de l'abus de droit par fraude à la loi.
Mais la réponse est certainement négative le remplacement d'un régime de séparation de biens par un
régime de communauté développant trop de conséquences autres que fiscales.
30 - Le dispositif ne concernait auparavant que les parts sociales ou actions d'entreprises sociétaires
transmises par succession.
188

des conditions d'application du dispositif, décrites à l'article 787 B du Code


Général des Impôts et, malheureusement, fort complexes.

L'article 787 B du Code Général des Impôts énonce des conditions


d'application qui sont constitutives, d'une part de contreparties contraignantes à
l'avantage fiscal accordé, d'autre part de garanties de stabilité de l'actionnariat et
de continuité de la direction de l'entreprise sociétaire dont les titres sont donnés
avec le bénéfice de l'exonération partielle.

On examinera seulement les conditions constitutives d'une garantie de


stabilité de l'actionnariat de l'entreprise sociétaire dont les titres sont donnés
avec le bénéfice de l'exonération partielle31.
- En principe, le bénéfice de l'exonération partielle est subordonné à la
conclusion, avant la donation partage, par le fondateur et, au moins, un autre
associé, d'un pacte d'actionnaires dans lequel le fondateur aura placé les actions
à donner qui, avec les actions placées par les autres signataires, doivent
représenter au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux
titres émis par l'entreprise sociétaire (20 % si la société est cotée).

Les signataires du pacte doivent y exprimer l'engagement collectif de


conserver pendant deux ans les actions qu'ils y ont placées ce qui vise à
empêcher, pendant cette période, leur transmission à titre onéreux à des
personnes non signataires.

La loi de finances rectificative pour 2006 a toutefois dispensé de


signature d'un pacte d'actionnaires le donateur qui, depuis deux ans au moins,
d'une part est dirigeant de l'entreprise sociétaire dont il donne les titres, d'autre
part détient 34 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux
titres émis par cette entreprise sociétaire32.

31 - S'agissant des conditions constitutives d'une garantie de continuité de la direction signalons


simplement qu'une personne ayant rendu possible l'application de l'exonération partielle - signataire
d'un pacte d'actionnaires ; donateur dispensé de signature d'un pacte - ou un donataire en ayant bénéficié
doit être investie pendant une durée minimum de trois ans suivant la donation partage d'une fonction de
direction dans l'entreprise sociétaire.
Pour une étude détaillée des conditions d'application du dispositif: J.F. DESBUQUOIS : «Les
engagements de conservation de titres sociaux » E.F.E. 2008 ; J. PRIEUR et P.J. SAINT AMAND,
« Engagement de conservation de titres : régime fiscal et sécurité juridique », Actes et Pratiques et
Ingénierie Sociétaire 2008 n° 89.
32 - M. GIRAY «Loi DUTRE1L : l'engagement de conservation « réputé acquis» JCPN 2007, Etude
1160.
189

Au lieu d'être voulu pour l'avenir dans un pacte d'actionnaires,


l'engagement collectif de conservation est alors réputé acquis par la loi pour le
passé33.

- Le bénéfice de l'exonération partielle est en outre subordonné à la


souscription par les donataires, dans l'acte de donation partage, d'un engagement
individuel de conservation des titres reçus, pour une période de quatre ans à
compter de l'expiration de la durée de l'engagement collectif de conservation
contenu dans le pacte ou à compter de la donation partage en cas de dispense de
pacte.

L'engagement de conservation étant ici individuel, il peut, dans un acte


de donation partage, avoir été pris par certains donataires qui recevront des titres
auxquels sera appliquée l'exonération partielle, alors que d'autres n'ayant pas
souscrit cet engagement recevront des titres sans le bénéfice de l'exonération
partielle.

Il peut être aussi pris par un donataire pour une partie seulement des
titres reçus.

Ainsi, s'il a été convenu que la concentration du pouvoir actionnariat


au profit du successeur interviendra après la donation, par rachat de titres à ses
frères et sœurs, ces derniers excluront les titres à vendre de leur engagement
individuel de conservation.

Le successeur pourra, en revanche prendre un engagement individuel


de conservation portant sur tous ses titres. Pour faciliter le rachat de titres par le
successeur, la loi de finances rectificative pour 2005 a en effet prévu que 1'
apport à une holding n'est pas constitutif d'une rupture de l'engagement
individuel de conservation pris par rapporteur si la holding de rachat s'engage à

33 - L'engagement de conservation ne peut être réputé acquis que pour des titres ayant vocation à être
placés dans un pacte soit des titres d'une entreprise sociétaire donc d'une société opérationnelle. Si le
fondateur a constitué une holding de contrôle les titres de cette société non opérationnelle ne peuvent
qu'indirectement bénéficier de l'exonération partielle dans la mesure où la holding est signataire du pacte
d'actionnaires et a placé dans ce pacte les actions de la société opérationnelle qu'elle détient... La
signature d'un pacte d'actionnaires est donc incontournable lorsque le fondateur a constitué une holding
de contrôle. Ce peut être un argument en faveur de la création d'actions de préférence sans droit de vote
au niveau de la société opérationnelle.
190

conserver les titres reçus en apport jusqu'au terme de l'engagement individuel de


conservation souscrit par rapporteur et si ce dernier conserve, jusqu'à ce terme,
les titres de la holding de rachat qui lui ont été attribués en rémunération de son
apport34.

Revenons vers Frédéric RATEL en écartant l'hypothèse où il


constituerait une holding de contrôle avant la donation partage.

Il est alors dispensé de conclure un pacte d'actionnaires. On suppose


que Serge, Anne et Bernard prennent, dans l'acte de donation partage,
l'engagement individuel de conserver quatre ans toutes les actions qu'ils
reçoivent, la concentration du pouvoir actionnariat au profit de Serge résultant de
l'attribution à Anne et Bernard d'actions de préférence sans droit de vote créées
avant la donation partage.
• Si Frédéric RATEL est seul donateur, en pleine propriété, de 12 000
actions de la SA CONSERVERIE RATEL le montant taxable de chacune des
trois donations comprises dans la donation partage tombe à :

1 040 000 € - 780 000 € (75 %) = 260 000 €


puis après l'abattement à
260 000 € - 156 359 € = 103 641 €

Le montant des droits de donation obtenu par application du tarif


progressif puis réduction de 50 % est pour chaque donation de 9 478 € soit pour
les trois donations de 28 434 €.

• Si Frédéric RATEL est seul donateur, en nue propriété seulement, de


12 000 actions de la SA CONSERVERIE RATEL le montant taxable de chacune
des trois donations comprises dans la donation partage tombe à :

1 040 000 € - 416 000 € (40 % réserve d'usufruit) = 624 000 €,


624 000 € - 468 000 € (75 % exonération partielle) = 156 000 €.

34 - M. DESLANDES « Dispositif d'allégement des droits de donation après les réformes de 2005 » JCP
N 2006 Etude 1221.
191

L'abattement fait disparaître la base taxable (156 000 € - 156 000 € =


0) et il n'y a donc pas de droits de donation à payer35.

• Si la donation partage des 12 000 actions est consentie par Frédéric et


Monique RATEL agissant en qualité de codonateurs, l'exonération partielle et
l'abattement font disparaître la base taxable de chaque donation même si la
donation porte sur la pleine propriété des actions :

I 040 000 €/2 = 520 000 € - 390 000 € (75 % exonération partielle) -
130 000 € ; 130 000 € - 130 000 € (abattement) = 0 €.

Le coût fiscal principal de la donation partage des actions du fondateur


à ses enfants ne peut donc plus être présenté comme un obstacle à la transmission
familiale de l'entreprise. Reste à s'interroger sur son coût fiscal collatéral.

B - Coût fiscal collatéral de la transmission du pouvoir


actionnariat

Le coût fiscal collatéral de la transmission du pouvoir actionnarial


résulte de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) que l'on évoquera au regard
du fondateur puis au regard des frères et sœurs du successeur.

1-L ISF et le fondateur

Tant qu'il est dirigeant de l'entreprise sociétaire, le fondateur est


exonéré d'ISF au titre des biens professionnels, en vertu de l'article 885 0 bis du
Code Général des Impôts, pour les actions de cette entreprise dont il est titulaire.

II est encore exonéré d'ISF au titre des biens professionnels, par effet
de ricochet en quelque sorte, pour la valeur des titres de la holding de contrôle
qu'il a éventuellement constituée et qui détient la majorité du capital de
l'entreprise sociétaire. Il est enfin, le cas échéant, exonéré d'ISF au titre des biens

35 - On signalera que dans ce cas l'exonération partielle suppose que les statuts de l'entreprise sociétaire
aient limité le droit de vote de l'usufruitier à l'affectation des bénéfices et a pour conséquence d'exclure
la réduction de droits pour âge du donateur.
192

professionnels pour la valeur des parts de la SCI qu'il a constituée et qui est
propriétaire de l'immeuble donné à bail à l'entreprise sociétaire36.

Le fondateur va perdre le bénéfice de ces exonérations en cessant


d'être dirigeant de l'entreprise sociétaire. On doit toutefois à la vérité d'écrire
que la notion de dirigeant, pour l'exonération ISF au titre des biens
professionnels, est très large puisqu'elle englobe non seulement les mandataires
sociaux investis de la direction générale mais encore le président du conseil
d'administration non exécutif et le président du conseil de surveillance.
Même en transmettant le pouvoir managerial à son successeur le
fondateur peut donc conserver longtemps une fonction lui permettant d'être
exonéré d'ISF au titre des biens professionnels.

Supposons cependant que le fondateur ait abandonné dans l'entreprise


sociétaire toute fonction de dirigeant lui permettant d'être, pour ses droits
sociaux, exonéré d'ISF au titre des biens professionnels.
A priori, la transmission du pouvoir actionnarial à ses enfants lui
permet de ne pas ressentir les effets de cette cessation de fonction au regard de
l'ISF puisqu'il leur aura transmis ses titres.

L'ISF serait donc plutôt un coût fiscal collatéral de la transmission du


pouvoir managerial pour un fondateur qui n'aurait pas transmis le pouvoir
actionnarial. Mais le fondateur peut ne pas leur avoir transmis la propriété de
toutes ses actions. Surtout, il peut les leur avoir transmis en nue propriété
seulement. Or en cas de démembrement de la propriété d'un bien par donation
avec réserve d'usufruit c'est l'usufruitier qui est redevable de l'ISF pour la valeur
de la propriété entière.

Dans ces hypothèses quelle est la situation du fondateur au regard de


l'ISF ?
Ecrivons d'emblée qu'elle n'est pas de nature à le faire renoncer à la
transmission de ses pouvoirs.

36 - L'exonération est totale si le pourcentage de la participation du fondateur dans le capital de SCI est
égal ou inférieur au pourcentage de sa participation dans le capital de la société commerciale. Elle est
partielle si le pourcentage de sa participation dans le capital de la SCI est supérieur au pourcentage de sa
participation dans le capital de la société commerciale qui fixe un plafond au pourcentage de
l'exonération.
193

Le fondateur peut en effet demander à être exonéré d'ISF pour 75 %


de la valeur des actions qu'il détient, en pleine propriété ou en usufruit, dans
l'entreprise sociétaire ainsi que pour 75 % des parts sociales ou actions qu'il
détient dans la holding de contrôle qu'il a pu constituer, au titre du régime
d'exonération partielle d'ISF des parts sociales ou actions détenues par les
salariés ou mandataires sociaux prévu à l'article 885 I quater du Code Général
des Impôts .

S'il a conservé un poste d'administrateur ou de membre du conseil de


surveillance, ce régime, qui génère l'obligation de conserver six ans les titres
partiellement exonérés, pourra lui être appliqué en sa qualité de mandataire
social. Mais même s'il n'a pas conservé un tel poste ce régime pourra lui être
appliqué en tant que dirigeant social retraité38.

Le fondateur peut emprunter une autre voie d'exonération, qui sera


toutefois en général moins favorable, s'il a transmis la seule nue de propriété de
ses actions à ses enfants. Il peut, dans ce cas, préférer demander, sur le
fondement de l'article 885 0 quinquies du Code Général des Impôts, à être
exonéré d'ISF au titre des biens professionnels pour la valeur de la nue propriété
des titres qu'il a donnée à son successeur ainsi éventuellement qu'à un autre
enfant occupant dans l'entreprise sociétaire une fonction de dirigeant
« assistant » du successeur39.

Cette exonération sera également applicable à la nue propriété des


titres de la holding de contrôle qu'il a pu constituer et qu'il a donnée à son
successeur et à d'autres enfants occupant une fonction de dirigeant social dans
r entreprise sociétaire
• r • 40 .

37 - L'exonération de 75 % ne sera pas applicable en revanche aux parts de la SCI dont le fondateur
aurait conservé la pleine propriété ou l'usufruit.
38 - La donation des titres demeure néanmoins possible à la condition que cette donation soit effectuée
avec charge pour le ou les donataires de conserver les titres donnés pendant la durée restant à courir du
délai de six ans.
39 - Pour l'application de ce dispositif, la donation avec réserve d'usufruit doit être effectuée en principe
alors que le fondateur est toujours dirigeant de l'entreprise sociétaire. Exceptionnellement elle peut être
effectuée après sa cessation de fonction si elle intervient avant le 31 décembre de l'année où pour la
dernière fois il est exonéré d'ISF au titre des biens professionnels en tant que dirigeant social en activité.
Rép. à G. GINESTA 4/1 1/2008 JO AN 4 nov. 2008 p. 9564 ; BR FL 57 08 p. 3.
40 - II en irait de même ici, selon nous, pour la nue propriété des parts de la SCI propriétaire de
l'immeuble loué à la société commerciale qui aurait été donnée à un enfant dirigeant. Mais en pratique
cette nue propriété aura été donnée à des enfants non dirigeants de l'entreprise sociétaire.
194

2 -L 'ISF et les frères et sœurs

Les frères et sœurs du successeur ont vocation à supporter le coût


fiscal collatéral de la transmission du pouvoir actionnariat représenté par l'ISF
pour les actions de l'entreprise sociétaire dont ils sont pleins propriétaires. En cas
de donation partage avec réserve d'usufruit, le problème sera donc pour eux
reporté après le décès du fondateur et même, très probablement, après le décès de
son conjoint bénéficiaire d'une clause de réversion d'usufruit.

L'ISF supporté par les frères et sœurs a longtemps été regardé comme
un mal répandant la terreur dans les entreprises familiales41.

Il risquait en effet de conduire à des distributions de dividendes


inconsidérées mettant en danger l'entreprise lorsque le pouvoir actionnarial était
éclaté et que les frères et sœurs pouvaient fixer le montant du dividende en
songeant au montant de leur ISF.

A l'inverse, lorsque le pouvoir actionnarial avait été concentré dans les


mains du successeur qui fixait donc seul le montant du dividende, l'ISF pouvait
constituer un danger pour la famille si les dividendes distribués étaient
insuffisants pour permettre aux frères et sœurs de payer l'impôt.

La situation a beaucoup changé.

La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique a permis aux


actionnaires non dirigeants des entreprises familiales de conclure entre eux et
avec au moins un actionnaire dirigeant, qui devra conserver sa fonction pendant
cinq ans, un pacte dans lequel sont placées leurs actions devant représenter avec
celles du dirigeant signataire 34 % au moins des actions émises par la société (20
% si la société est cotée).

Ce pacte doit contenir un engagement collectif de conservation pour


une durée de deux ans des actions qui y sont placées. Succédera à celui-ci, pour
chaque signataire, une obligation individuelle de conservation de ses actions
pendant quatre ans.

41 - Claude CHAMP AUD «Le syndrome de la tante Adèle» in Transmission et restructuration des
petites et moyennes entreprises, ouvrage collectif du CERGOR, Presses Universitaires de Rennes 2000 et
Mélanges en l'honneur de Elie ALFANDARI, p. 21 Dalloz 2000.
195

Même s'il est, pour ses propres actions, exonéré d'ISF au titre des
biens professionnels, le successeur ne va évidemment pas refuser de signer un tel
pacte avec ses frères et sœurs qui seront alors, sur le fondement de l'article 885 I
bis du Code Général des Impôts exonérés d'ISF pour 75 % de la valeur de leurs
actions42. La cohésion familiale en ressortira confortée par la fiscalité43.

Il est devenu plus difficile de présenter l'ISF comme l'ennemi mortel


des entreprises et des familles44.

42 - Le taux de l'exonération a été porté de 50 % à 75 % par la loi du 2août 2005 en faveur des PME.
43 - Cette exonération est également applicable aux titres d'une holding familiale qui auraient été données
aux frères et sœurs à condition que cette holding soit signataire du pacte. En revanche des parts d'une SCI
ne peuvent bénéficier de l'exonération partielle.
44 - A supposer que les frères et sœurs soient néanmoins redevables de l'ISF, ils pourraient obtenir une
réduction de leur impôt, à hauteur de 75 % des versements effectués pour souscrire à des actions émises
par l'entreprise familiale à l'occasion d'une augmentation de son capital. Et ces actions seraient exonérées
d'ISF !

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