Vous êtes sur la page 1sur 9

Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

Bulletin de liaison
n°3
Regroupement 2

Correction du devoir maison n° 1

Correction du sujet de dissertation : le droit de propriété des personnes publiques

Plan proposé

1) Un droit de propriété publique en partie différent du droit de propriété privée en raison de la


personnalité publique du propriétaire
A. Un droit semblable à celui du droit de propriété privée

Cette assimilation a d’ailleurs été posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1986.
Plusieurs règles sont ainsi identiques et peuvent être mentionnées : acquisition identique (CG3P),
modes de cession identique (contrat de vente de droit privé), transfert de propriété identique,
application de la théorie de l’accession (à définir : la propriété du sol emporte la propriété du dessus
et du dessous), application de la voie de fait pour les propriétés publiques et les propriétés privées,
compétence du seul juge judiciaire en cas de contestation sérieuse sur la propriété d’un bien.

B. Un droit présentant des particularités car le bien appartient à une personne publique
propriétaire

Les étudiants devaient rappeler les deux principes propres à la propriété publique, les définir et les
expliquer : il s’agit du principe d’insaisissabilité et du principe d’incessibilité à vil prix (applicable
entre une personne publique et une personne privée, mais aussi entre deux personnes publiques,
(CE, 15 mai 2012, Hayart ; Cour administrative d’appel de Lyon, 3ème chambre, 9 juillet 2019).

2) Un droit de propriété publique en partie différent du droit de propriété privée, en raison de


l’affectation du bien

A. Un régime particulier de la domanialité publique se superposant au régime de la propriété


publique

-L’usus : nécessité d’une autorisation d’occupation privative, caractère précaire de l’occupation


privative lié au principe d’inaliénabilité du domaine public ; usage collectif libre ; interdiction des
droits réels sur le domaine public, sauf pour les servitudes conventionnelles lorsqu’elles sont
compatibles avec l’affectation du bien, protection pénale de certains biens, protection contre
l’occupation sans titre du domaine public au nom de l’intérêt général auquel est affecté le bien.

1
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

-Fructus : paiement d’une redevance obligatoire en cas d’occupation privative ; le caractère gratuit
de l’occupation privative est souvent lié à des considérations d’intérêt général.
- Abusus : le principe d’inaliénabilité interdit qu’un bien du domaine public puisse être cédé. Il est
nécessaire qu’il sorte du domaine public, par une désaffectation et un déclassement préalable, pour
protéger l’affectation du bien.

B. En l’absence d’affectation, l’application du droit privé au domaine privé

-Gestion privée des biens du domaine privé


-Expropriation possible des biens appartenant au domaine privé
-Cession de droit privé possible pour les biens appartenant au domaine privé

Correction du cas pratique

1) Le maire de la commune de Dabcourt souhaite rénover et redynamiser la zone de la gare routière


d’où partent les bus et où se trouvent quelques locaux appartenant à la commune. L’exploitation
d’un de ces locaux, affecté à un petit commerce de restauration rapide (sandwich, viennoiseries), a
été confiée à M. Michu en vertu d’un contrat conclu en 2019. Mais, depuis 6 mois, environ, M.
Michu, qui s’est fait quitter par sa femme, délaisse son commerce. Les clients se sont plaints en effet
auprès du maire des conditions d’hygiène qui ne cessent de se dégrader. Ils ont à plusieurs reprises
trouvé dans leurs viennoiseries des cafards morts. L’un d’eux a même vu un mulot sortir de l’arrière-
boutique. Après avoir demandé à M. Michu de s’expliquer, le maire met fin au contrat l’autorisant à
exploiter ce commerce. M. Michu résiste et a fait savoir qu’il n’entendait pas quitter les lieux.

Le maire s’adresse à vous pour savoir ce qu’il peut faire ? (5 points)

Qualification de la dépendance :
Rappel des critères directs d’appartenance d’un bien au domaine public énoncés dans le CG3P :
Propriété de la commune, affectation à un service public et nécessité d’un aménagement
indispensable
En l’espèce, le local n’est pas directement affecté à un service public mais à une activité économique
commerce de restauration rapide
On en conclut qu’en application des critères d’affectation directe, la dépendance n’appartient pas au
domaine public
Il faut alors vérifier les critères d’appartenance indirecte d’un bien au domaine public :
En vertu de la théorie du domaine public globale, un bien n’appartenant pas au domaine public mais
faisant partie d’une assiette foncière globale, d’une unité foncière, qui elle appartient au domaine
public (CE Avis 19 juillet 2012, Domaine national de Chambord) relève lui aussi du domaine public.
Tel est le cas en l’espèce de la gare routière qui constitue un ensemble foncier unique.
Ainsi, le local appartient au domaine public par application de cette théorie.

Question de droit : quels sont les moyens à la disposition de l’administration pour expulser un
occupant sans titre du domaine public ?

Enoncé des règles de droit :

2
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

La personne publique n’a pas la possibilité d’expulser de force l’occupant sans titre. Elle ne dispose
pas du pouvoir d’exécution forcée (TC 1902, Société immobilière Saint Just, GAJA) sauf si une loi le
prévoit, s’il y a une urgence ou si la personne publique ne dispose d’aucune autre voie de droit.
Or, la personne publique dispose d’autres voies de droit pour obtenir l’expulsion d’un occupant sans
titre.
1) L’Etat (le préfet) peut tout d’abord utiliser une action pénale qui peut être portée soit devant le
juge administratif (en cas de contravention de grande voirie) soit devant le juge pénal (en cas de
contravention de petite voirie). Cette action pénale ne joue que si un texte prévoit une telle
protection.
Rappel du champ et de la définition de la contravention de petite voirie (domaine public routier,
atteinte à l’intégrité physique et matérielle du domaine public ou atteinte ou gêne portée à
l’affectation du domaine public) et du champ et de la définition de la contravention de grande voirie
(domaine public maritime, aéronautique, ferroviaire, militaire.. et atteinte à l’intégrité physique et
matérielle du domaine public ou atteinte ou gêne portée à l’affectation du domaine public).

Y-a-t-il ici en l’espèce, contravention de grande voirie ou de petite voirie ?

Application au cas d’espèce : L’occupation sans titre du domaine public constitue bien une
contravention de voirie. Toutefois n’est pas ici en cause une CPV (puisque l’occupation ne porte pas
sur le domaine public routier).
On pouvait toutefois hésiter sur la qualification :
-soit retenir la CPV en estimant que la gare routière appartient au domaine public routier : dans ce
cas, compétence du juge pénal qui prononcera l’expulsion de l’occupant et une amende pénale.
-soit retenir la CGV : il est possible de considérer la gare routière comme faisant partie des domaines
publics protégés : dans ce cas, compétence du JA.

Qu’il y ait contravention de petite ou de grande voirie, le juge pénal comme le JA pourra alors
ordonner l’expulsion de l’occupant sans titre et condamner M. Michu à une amende pénale. Est en
effet prévu deux types de sanctions qui se cumulent : une amende pénale et une action en
réparation (qui consistera ici en l’expulsion de l’occupant sans titre)

Il était aussi possible d’estimer qu’il n’y avait ni l’un ni l’autre, et donc, dans ce cas, pas de possibilité
d’exercer une action pénale.

2) A côté de cette action pénale, la commune peut exercer un recours devant le juge en vue
d’obtenir l’expulsion de l’occupant sans titre.

Il convient de vérifier dans un premier temps devant quel juge elle peut exercer ce recours ?

Rappel de la règle de droit :

Il faut rappeler l'arrêt du TC 24 sept. 2001, Sté. B.E. Diffusion c/ RATP : « qu’il résulte de ces
dispositions que relèvent de la compétence des juridictions administratives les litiges relatifs à la
passation, à l’exécution ou à la résiliation de contrats comportant occupation du domaine public ;
que relèvent également des juridictions administratives, sous réserve de dispositions législatives
spéciales, et sauf dans le cas de voie de fait ou dans celui où s’élève une contestation sérieuse en
matière de propriété, les litiges nés de l’occupation sans titre du domaine public que celle-ci résulte

3
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

de l’absence de tout titre d’occupation ou de l’expiration, pour quelque cause que ce soit, du titre
précédemment détenu ».

Application au cas d’espèce : aucune des exceptions donnant compétence au juge judiciaire n’étant
remplie, il convient de se tourner vers le juge adm.

Quel recours peut être exercé devant le juge administratif ?

Rappel du référé mesures utiles prévu à l’article L. 521-3 du CJA

Article L. 521-3 du CJA : « En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en
l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres
mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative »

Rappel de son application par le CE dans son arrêt de Section 16 mai 2003, SARL Icomatex :
« Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une
demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où
il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation
sérieuse

Enoncé des deux conditions posées par l’arrêt du CE, Icomatex de 2003 :
- l’urgence : appréciation par le juge administratif de l’urgence en fonction de l’utilité des mesures
ordonnées par le juge (rappel de la jurisprudence : refus du seul intérêt financier et prise en compte
du bon fonctionnement du SP ou de l’affectation du domaine public ou de l’existence d’un projet
précis)

-l’absence de contestation sérieuse de la mesure demandée (expulsion) : il ne faut pas que la mesure
d’expulsion se heurte à une contestation sérieuse. Ce n’est jamais le cas si l’occupant n’a jamais eu
d’autorisation d’occupation du domaine public. Si l’occupant a eu une autorisation mais ne l’a plus, il
faut que la décision de mettre fin à cette occupation soit entachée d’une illégalité particulière, grave
(illégalité interne).

Application au cas d’espèce : il faut vérifier si les deux conditions cumulatives sont réunies :

1) Urgence : cette condition semble ici remplie, car la commune se prévaut de risques sanitaires, de
considérations d’ordre public. Les étudiants doivent discuter et prendre parti sur ce point

2) Sur l’absence de contestation sérieuse : ici la commune souhaite ne pas renouveler l’autorisation
à titre de sanction : l’occupant sans titre ne respecte pas les conditions d’hygiène, les conditions
d’occupation normale du domaine public. Le non-renouvellement est donc justifié, en outre, il est
mentionné dans le cas pratique que le maire a respecté les droits de la défense, puisqu’il a demandé
à M. Michu de s’expliquer. En toute hypothèse, cette illégalité externe ne devrait pas
nécessairement suffire à admettre une contestation sérieuse de la décision d’expulsion.

Conclusion : les deux conditions sont réunies, dès lors le juge administratif prononcera sans doute
l’expulsion de M. Michu.

4
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

2) Le maire, qui connait la qualité de ses sandwichs, propose à Thibault, qui gère le Camion de
Lourcines, de s’installer dans les lieux, à la place de M. Michu. Comme il sait qu’il est très apprécié
par les étudiants de l’université, il lui propose, pour le persuader de venir, de ne pas payer de loyer.
Thibault, qui voit là une véritable aubaine, accepte tout de suite. Un concurrent, M. Food, non
content, a fait savoir au maire qu’il allait contester cette décision.

Le maire peut-il agir de la sorte en signant directement un contrat avec Thibault et sans lui faire
payer de loyer ?

Rappel que le domaine public a déjà été qualifié

Il y a deux sous questions à distinguer

2A) le maire peut-il conclure un contrat d’occupation du domaine public pour l’exercice d’une
activité économique sans respecter aucune règle de publicité ou de mise en concurrence ?

Règles de droit : Il faut ici distinguer si l’occupation s’accompagne d’un contrat de la commande
publique (concession ou marché) répondant à un besoin de la personne publique ou s’il s’agit d’une
autorisation d’occupation du domaine public simple ou pure.

-Soit on considère qu’il y a occupation et commande publique : Ce qui ne me semble pas le cas ici.
Pas de réponse à un besoin précis et identifié de la commune. Dans ce cas, il faudrait faire
application du code de la commande publique qu’il y ait concession ou marché. La commune devrait
donc dans ce cas appliquer les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par ce code
avant de conclure un marché ou une concession.

-Soit on considère qu’il n’y a pas occupation du domaine public et commande publique, car
l’occupation ne répond pas à un besoin de la personne publique et dans ce cas, la commune doit
faire application des dispositions de l’ordonnance du 19 avril 2017, désormais codifiées dans le
CG3P.
Rappel de la procédure de droit commun mentionnée à l’article L. 2122-1-1, alinéa 1 du CG3P :

« Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à
son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique,
l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les
garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux
candidats potentiels de se manifester. »

Rappel de la procédure allégée et des exemples donnés

1°) à l’article L. 2122-1-1, alinéa 2 du CG3P :

« Lorsque l'occupation ou l'utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre


d'autorisations disponibles pour l'exercice de l'activité économique projetée n'est pas limité,
l'autorité compétente n'est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre,
de nature à permettre la manifestation d'un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels
sur les conditions générales d'attribution ».
2°) à l’article L. 2122-1-4 du CG3P :

5
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

« Lorsque la délivrance du titre mentionné à l'article L. 2122-1 intervient à la suite d'une


manifestation d'intérêt spontanée, l'autorité compétente doit s'assurer au préalable par une
publicité suffisante, de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente »
Rappel de certaines exceptions posées aux articles (pas forcément toutes)

1° Article L. 2122-1-2 du CG3P :

« L'article L. 2122-1-1 n'est pas applicable :

1° Lorsque la délivrance du titre mentionné à l'article L. 2122-1 s'insère dans une opération donnant
lieu à une procédure présentant les mêmes caractéristiques que la procédure déterminée par le
premier alinéa de l'article L. 2122-1-1 ; (dérogation du « doublon » : par exemple les concessions de
plage)

2° Lorsque le titre d'occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa
délivrance s'inscrit dans le cadre d'un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une
procédure de sélection ; (dérogation de la commande publique)

3° Lorsque l'urgence le justifie. La durée du titre ne peut alors excéder un an ; (dérogation de


l’urgence)

4° Sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l'article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour
seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle
prévue à l'article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement,
dans des conditions acceptables notamment d'un point de vue économique, des relations entre
l'occupant et l'autorité compétente ».

2° Article L. 2122-1-3 du CG3P : dérogations devant être motivées

« L'article L. 2122-1-1 n'est pas non plus applicable lorsque l'organisation de la procédure qu'il
prévoit s'avère impossible ou non justifiée. L'autorité compétente peut ainsi délivrer le titre à
l'amiable, notamment dans les cas suivants :

1° Lorsqu'une seule personne est en droit d'occuper la dépendance du domaine public en cause ;

2° Lorsque le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance
directe de l'autorité compétente ou à une personne privée sur les activités de laquelle l'autorité
compétente est en mesure d'exercer un contrôle étroit ;(exception in house)

3° Lorsqu'une première procédure de sélection s'est révélée infructueuse ou qu'une publicité


suffisante pour permettre la manifestation d'un intérêt pertinent est demeurée sans réponse ;
(échec de la procédure formalisée)

4° Lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques,


physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d'occupation ou d'utilisation, ou
les spécificités de son affectation le justifient au regard de l'exercice de l'activité économique
projetée ;

5° Lorsque des impératifs tenant à l'exercice de l'autorité publique ou à des considérations de


sécurité publique le justifient. (ordre public)

6
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

Lorsqu'elle fait usage de la dérogation prévue au présent article, l'autorité compétente rend
publiques les considérations de droit et de fait l'ayant conduite à ne pas mettre en œuvre la
procédure prévue à l'article L. 2122-1-1 ».
Application au cas d’espèce :
Aucune des exceptions ne peut jouer ici. La procédure allégée ne peut pas davantage être retenue.
Par conséquent, la commune devra appliquer les règles de la procédure de droit commun, c’est-à-
dire prévoir une publicité préalable et des conditions de mise en concurrence des candidats avant de
délivrer ces autorisations. Elle ne peut donc délivrer une autorisation d’occupation du domaine
public directement à Thibault

Question 2 B : Un occupant du domaine public doit il payer une redevance d’occupation du domaine
public ou peut-il en être dispensé ?

Sur la qualification de l’occupation et une définition : Il faut d’abord qualifier l’occupation : ici il s’agit
d’une occupation privative et non collective. Il s’agit, en effet, d’un usage privatif de ce domaine
public, excédant le droit d'usage appartenant à tous.
Or, en cas d’occupation privative, l’occupant doit payer une redevance d’occupation du domaine
public :
Les règles de droit

Rappel du principe : L’article L. 2125-1 du CG3P pose ce principe du paiement d’une redevance ainsi
que les exceptions à ce principe : « Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une
personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque
l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la
sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute
taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier ».

Sur les exceptions : « Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'autorisation
d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement :

1° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de


travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à
tous ;

2° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du


domaine public lui-même ;

3° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer l'exercice des missions
des services de l'Etat chargés de la paix, de la sécurité et de l'ordre publics ou du contrôle aux
frontières dans les aéroports, les ports et les gares ;

4° Soit lorsque l'occupation ou l'utilisation permet l'exécution de travaux relatifs à une infrastructure
de transport public ferroviaire ou guidé.

En outre, l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée


gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d'un intérêt général.

Lorsque l'occupation du domaine public est autorisée par un contrat de la commande publique ou
qu'un titre d'occupation est nécessaire à l'exécution d'un tel contrat, les modalités de détermination

7
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

du montant de la redevance mentionnée au premier alinéa sont fonction de l'économie générale du


contrat. Lorsque ce contrat s'exécute au seul profit de la personne publique, l'autorisation peut être
délivrée gratuitement »
Application au cas d’espèce : en l’espèce, aucune des exceptions ne peut jouer. Thibault devra donc
payer une redevance d’occupation du domaine public.

3) Dans le cadre de son projet de rénovation, le maire voudrait acheter un vieux bâtiment,
appartenant au département, qui était autrefois affecté au service public de l’aide sociale mais qui
est aujourd’hui hors d’usage. Il souhaiterait en effet le rénover et en faire une garderie pour enfants.
De cette manière, les habitants de la commune ou ceux qui y travaillent pourraient bénéficier d’un
lieu de garde pour leurs enfants, situé sur le chemin du travail.

Le Président du conseil départemental, très favorable à cette vente, dans la mesure où ce bâtiment
ne sert plus, lui propose de lui vendre à un euro symbolique.

Ravi que les choses se passent aussi bien, le maire vous consulte pour connaitre les conditions dans
lesquelles cette vente peut avoir lieu ?

Qualification du bien faisant l’objet de la vente :


Rappel des critères : Art. L. 2111-1 du CG3P : Bien appartenant à une personne publique
(département, collectivité territoriale), bien affecté autrefois au service public de l’aide sociale et
aménagement indispensable. Bien appartenant au domaine public.
Le bien n’est plus affecté ; il est hors d’usage.
Une nouvelle question de droit se pose alors qui est celle de savoir si sa désaffectation de fait (il ne
sert plus aujourd’hui) l’a fait sortir du domaine public.
Règle de droit : une désaffectation de fait ne suffit pas à faire sortir un bien du domaine public ; il
faut encore un déclassement (CE 1988, Dame Maron). Rappel de l’article L. 2141-1 du CG3P : « Un
bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou
à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte
administratif constatant son déclassement ».
Application au cas d’espèce : En l’espèce, il n’est rien signalé concernant ce déclassement. Il n’y en a
donc pas eu.
Le bâtiment du département appartient donc encore aujourd’hui au domaine public. Il n’en est pas
sorti.
Question de droit : Quelles sont les conditions de vente d’un bien appartenant au domaine public au
profit d’une autre personne publique ?
Tout d’abord, un déclassement est-il nécessaire pour une vente d’un bien entre deux personnes
publiques ?
Règle de droit : Article L. 3112-1 du CG3P : « Les biens des personnes publiques mentionnées à
l'article L. 1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l'amiable, sans déclassement
préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu'ils sont destinés à l'exercice des compétences de la
personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public »
Qualification future du bien : Application : ici le bien, une fois dans la propriété de la commune,
devrait servir à un service public : garderie pour enfant, service public de la petite enfance et
aménagement indispensable : donc domaine public
Le bien acquis est donc destiné à l’exercice de compétences de la commune
conclusion : Donc pas de déclassement préalable du bien nécessaire

8
Institut d’Études à Distance de l’École de Droit de la Sorbonne

question de droit : Ensuite, la vente peut-elle se faire à un euro symbolique ?

Le principe d’incessibilité à vil prix ne joue pas entre deux personnes publiques lorsque le bien va
rentrer dans le domaine public de l’autre personne publique

Cela résulte de la décision du CC n° 2009-594 DC du 3 décembre 2009, Loi relative à l‘organisation et


à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports :
« que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s'oppose pas à ce que le législateur
procède au transfert gratuit de dépendances du domaine public entre personnes publiques »

Application au cas d’espèce : donc la vente peut avoir lieu à un euro symbolique

4) Par ailleurs, quelques jours plus tard, le maire apprend que François a tagué l’abribus pour épater
Pénélope. Il a été pris sur le fait par un agent de police. Or, cet étudiant est le fils du maire adjoint,
chargé de la jeunesse.

Inquiet, le maire vous demande ce qui va arriver à François (5 points).

Comment peut-on qualifier l’action de François ?


D’abord, il faut qualifier le bien qui a été tagué : l’abribus
Ici il s’agit d’un bien appartenant à la commune, qui n’est pas affecté à un service public, mais qui
pourrait être regardé comme affecté à l’usage direct du public, ou encore par application des
critères indirects, comme un accessoire au domaine public routier (accessoire indissociable et utilité
pour l’usage de la voie publique). Il s’agit donc d’un bien appartenant au domaine public.
L’atteinte portée à l’intégrité physique d’un bien du domaine public peut être constitutive d’une CGV
ou d’une CPV selon le bien atteint.
Ici, s’agissant d’un bien appartenant au domaine public routier, l’atteinte est constitutive d’une CPV.
Le juge compétent est donc le juge pénal.
Celui-ci prononcera une amende pénale et ordonnera la remise en état du bien : nettoyage du tag
notamment sans aucune prescription.
Rappel de l’arrêt CE 30 septembre 2005, Cacheux, Rec., p. 407 qui pose une obligation de poursuite
devant le juge administratif mais solution admise aussi pour le juge pénal (CPV) :
les limites à cette obligation de poursuite ici exclues : « l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve
sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les
nécessités de l'ordre public ; qu'en revanche, elles ne sauraient légalement s'y soustraire pour des
raisons de simples convenances administratives. »
Ici le préfet ne pourra invoquer un motif d’intérêt général, ni des convenances personnelles (fils du
maire adjoint). François ne pourra donc pas échapper à une telle action pénale.

Vous aimerez peut-être aussi