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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la

relation thérapeutique
Karine Danan
Dans Actualités en analyse transactionnelle 2019/3 (n° 167), pages 26 à 40
Éditions Institut français d'analyse transactionnelle
ISSN 1377-8935
DOI 10.3917/aatc.167.0026
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L a vulnérabilité
du thérapeute :
un potentiel dans
la relation thérapeutique

La vulnérabilité du praticien est une réalité qu’il s’agit d’apprivoiser, pour la transformer en
ressource. Facile à dire ; mais encore faut-il être outillé pour le mettre en œuvre ! C’est sur ce point
que Karine Danan offre une contribution originale. Elle expose un protocole structuré et abouti pour
aider le praticien à identifier ses vulnérabilités, les accueillir, et les mettre au service de la relation
d’aide. Cet article se propose donc résolument en outil de guidance à la pratique. CL

Vos réactions à cet article sont les bienvenues.


Envoyez-les à aatcomitelecture@gmail.com
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L a vulnérabilité est une fragilité qui risque de s’activer
et est inhérente à tout système sensible. Lorsque j’étais
étudiante, j’avais la croyance qu’un bon thérapeute
était nécessairement solide en toutes circonstances, sans failles,
ayant réglé la majeure partie des strates de son scénario. Je
n’avais pas pris en compte que la prédisposition psychique à se
trouver fragilisé par des événements dépend de notre niveau de
vulnérabilité et des événements passés qui ont contribué à cette
vulnérabilité. En d’autres termes, si vous vous balancez sur une
chaise, les pieds vont s’abîmer. À force de vous balancer, un pied
va probablement céder et vous, tomber. Fragilisé, mais résilient,
vous allez vite vous en remettre. Une nouvelle chute pourrait
réactiver l’ancienne douleur et s’associer à la nouvelle de manière
factorielle, renforçant votre vulnérabilité.
Selon les études menées sur la compréhension des troubles
psychopathologiques, il a été montré le rôle de l’interaction entre
la vulnérabilité et les facteurs de stress sur le développement
Karine Danan de la pathologie1 et des troubles psychiques2. Même sorti du
C.T.A-P scénario, des événements inattendus peuvent agir sur nos failles
Saint-Nazaire – colmatées comme quand on se blesse à l’endroit d’une ancienne
France fracture.

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

Nous sommes donc tous vulnérables à un certain degré et sur


certains thèmes. Les événements nous rendent plus ou moins
fragiles et le thérapeute n’est pas immunisé.
Alors que je connais ma vulnérabilité, j’ai méconnu pendant un
certain temps l’importance de celle-ci et les conséquences qu’elle
avait sur moi. En tant que thérapeute, j’ai longtemps pensé que
cette vulnérabilité était un risque pour la thérapie du patient.
J’ai découvert, suite à un événement ayant ravivé ma fragilité
que cette vulnérabilité n’était pas seulement un risque, mais
pouvait devenir un potentiel exploitable propice à la réussite du
contrat. Cet article s’inscrit dans cette ligne de réflexion autour
des risques et des potentiels de la vulnérabilité du thérapeute
pour le succès de la thérapie du patient à partir du tableau des
méconnaissances3 de Ken Mellor & Éric Schiff et du tableau des
prises de conscience4 de Michèle Benoit.

N
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ous ne pouvons attendre du thérapeute qu’il soit invulné- La relation
rable. Cela serait méconnaître l’humanité qui est la sienne. au cœur
D’ailleurs, s’il était invulnérable, comment pourrait-il avoir les
compétences d’intuition, d’empathie authentique, d’ajuste- du processus
ment… nécessaires au fondement de l’alliance thérapeutique. – Compétences
Comme le soulignent Hargaden & Sills, la relation d’empathie thérapeutiques
est le cœur et la pierre angulaire de la thérapie relationnelle5. La
relation thérapeutique nécessite un positionnement OK+/OK+
de la part du thérapeute. Berne insiste sur l’authenticité de ce
positionnement. Il distingue le fait de « jouer » au thérapeute et
d’être thérapeute. Il suggère là d’utiliser son moi au profit du rôle
et non simplement de manifester le rôle. Cela implique un travail
d’élaboration et de traitement sur lui-même et pour lui-même,
pour le patient et pour la réussite du contrat thérapeutique.
L’évaluation des compétences devient un travail multi-axial et
régulier qui prend en compte le patient, la relation thérapeutique
et le thérapeute dans sa globalité (moi + rôle).
La relation thérapeutique est un espace potentiel6 de créativité
propice à l’émergence de l’individualité. Chacun a ici quelque
chose à gagner à condition de savoir utiliser ce qui se passe pour
l’objectif fixé. Plusieurs recherches dont celles de Krupnick,
Sotcky et coll. en 1996 ou de Lambert7 (2002) ont montré
que la qualité de la relation thérapeutique était déterminante
dans la réussite de la thérapie quelle que soit la méthode Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

Questionnaire des compétences – Tableau A


Compétence Questions Oui/Non
Fiabilité : Capacité d’offrir Est-ce que j’offre au patient une certaine sécurité matérielle,
au patient une atmosphère physique et psychique pour qu’il se sente en confiance ?
de sécurité et de confiance Est-ce que je suis apte à un soutien positif et une alliance
chaleureuse par une avec mon patient même quand celui-ci me confronte dans
conscience éthique manifeste. mes valeurs, mes points de vue ou mes sentiments ?
Authenticité bienveillante : Suis-je authentique et bienveillant ici et maintenant avec
Capacité d’être authentique, mon patient ?
dans une relation franche et Est-ce que j’entends et accepte la réalité de mon patient avec
non défensive respect et ouverture ?
Empathie : Capacité de Ai-je ici et maintenant la capacité de dégager suffisamment
sentir avec le patient d’espace en moi pour entrer en empathie avec le patient afin
ce qu’il vit de favoriser ma compréhension de lui-même et favoriser
son élaboration à propos de lui-même ?
Est-ce que je peux choisir ce que j’exprime au patient ?
Interprétation : Capacité Mon état intérieur me permet-il de penser, de confronter et
d’interprétation et de mise de choisir mes interventions thérapeutiques ?
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en lumière des éléments Est-ce que je me sens capable de penser des interprétations
clefs du scénario et choisir de les partager ou non au patient ?
Stimulation émotionnelle : Suis-je apte à recevoir les émotions du patient dans l’objectif
Capacité de stimuler d’un travail de perlaboration ?
le patient sur ses émotions Suis-je prêt à choisir de partager ou non ce que je ressens
pour étayer le patient ?
Cadre : Capacité à gérer le Suis-je capable de gérer le temps de la séance, de poser des
cadre limites, de suggérer des procédures ?
EDM : Capacité à ajuster Si je fais mon égogramme, est-ce qu’il ressort que l’Adulte
ses états du moi est au premier plan, suivi du Parent nourricier et de l’Enfant
libre ?
Est-ce que je peux choisir quel état du moi accompagne le
patient ?
Puissance : capacité à être Est-ce que je me manifeste clairement, avec puissance pour
puissant faire aboutir mes confrontations ?
Conscience claire : capacité Est-ce que je peux utiliser mon intuition en m’appuyant sur
de prendre la distance des hypothèses partageables avec le patient ?
nécessaire à un retour sur Est-ce que je peux choisir mes interventions thérapeutiques ?
soi et d’utiliser en conscience Est-ce que je suis conscient des liens et des différences entre
des outils thérapeutiques moi et mon patient ?

utilisée. Norcross (2002) a également montré l’importance des


capacités relationnelles du patient dans cette réussite (résistance,
style d’attachement, étape de changement8). L’ensemble des
paramètres qui participent à la réussite de la thérapie montre
l’importance des apports de chacun dans la relation, qu’il s’agisse

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

des connaissances du thérapeute, sa conviction en sa théorie,


sa confiance en la thérapie, les compétences de savoir-faire et
de savoir être, sa capacité d’ajustement au profit de l’alliance
thérapeutique et les apports et le rôle du patient dans le processus
de co-création.
Notre vulnérabilité a des effets sur nos compétences surtout
quand nous rencontrons des événements qui dépassent notre
capacité à faire face. Le questionnement et l’évaluation régulière
de nos compétences nous permettent de trouver des ressources
pour rétablir celles-ci. David A.Steere inventorie ces différentes
compétences qu’il définit comme « l’ensemble des qualités
susceptibles d’amener la réussite du traitement9 ». Elles permettent
de créer un espace sécurisant et confortable où le patient peut
s’exprimer avec la plus grande liberté en se sentant accueilli dans
la possibilité de dire sans que cela « fasse un drame ». J’ai regroupé
ces compétences dans le tableau A sous forme de questionnaire.
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L a vulnérabilité corrélée aux facteurs de stress a un impact sur
la Triade (patient, thérapeute, relation thérapeutique). Cet
impact peut être évalué et élaboré sur plusieurs niveaux (existence,
Les risques de
la vulnérabilité
importance, sens…) et dans plusieurs zones (le thérapeute : soi – Méconnais-
+ rôle ; l’autre : le patient ; la situation thérapeutique : la relation sances
thérapeutique).
Selon Ken Mellor & Éric Schiff : « les manifestations externes
de la méconnaissance sont les comportements passifs, le double-
fond dans les transactions et les jeux.10 » Le risque de ne pas
prendre en compte la vulnérabilité du thérapeute est comme pour
toute méconnaissance le risque d’un parasitage, de la passivité
qui débouchera probablement à un instant sur des transactions
à double-fond, des jeux et des malheureuses confirmations de
scénario. Si le traitement consiste à aider le patient à l’autonomie,
comment le thérapeute pourrait l’y aider si lui-même se trouve
dans la passivité (ne rien faire avec sa vulnérabilité, s’y suradapter,
s’incapaciter, se faire violence, être violent avec l’autre) ?
À l’aide du tableau des méconnaissances11 (Ken Mellor & Eric
Schiff), j’ai répertorié quatre niveaux de risques, dans les trois
zones de la triade afin de montrer l’importance de ces risques sur la
réussite du traitement et dynamiser la motivation des thérapeutes
à traiter leurs vulnérabilités en prenant en compte la triade. Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

Méconnaissance -- Le thérapeute pense qu’il n’est pas vulnérable.


de la vulnérabilité Risque : Se montrer invulnérable, tout puissant, dogmatique
chez le thérapeute créant une distance défavorable à l’alliance thérapeutique.
-- Le thérapeute pense que le patient n’est pas vulnérable
Risque : Être indifférent aux blessures du patient. Renforcer
ses défenses. En subir le parasitage dans le transfert.
-- Le thérapeute pense que la relation thérapeutique n’est pas
vulnérable c’est-à-dire qu’elle ne peut être fragilisée et qu’elle n’a
pas d’impact sur la réussite de la thérapie.
Risque : Dégradation de la relation faisant échouer la
thérapie du patient (et la carrière du thérapeute).
Méconnaissance -- Le thérapeute reconnaît qu’il est vulnérable, mais ne sait pas ce
du sens de la qui provoque cela.
vulnérabilité chez Risque : Les injonctions et des drivers auxquels se soumet
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le thérapeute le thérapeute l’empêchent de les voir actifs chez le patient
pour le guider vers la redécision.
-- Le thérapeute méconnaît la signification de la vulnérabilité du
patient.
Risque : Le thérapeute ne cherche pas à comprendre ce
qui a provoqué cette vulnérabilité. Il ne se distancie pas du
vécu émotionnel du patient. N’aidant pas le patient à sortir
de la passivité.
-- Le thérapeute méconnaît l’impact des constituants relationnels :
transfert, contre-transfert, type d’attachement, scénario... sur le
processus thérapeutique
Risque : Participer à l’échec d’une bonne alliance
thérapeutique. La relation est rigide, le patient abandonne,
arrête la thérapie ou accroche le thérapeute dans un jeu
psychologique.
Méconnaissance -- Le thérapeute part du principe que la vulnérabilité est inhérente
des actions possibles à tout être humain et que c’est comme ça. Il méconnaît ici la
sur le niveau de possibilité d’agir sur son niveau de vulnérabilité.
vulnérabilité Risque : Il ne fait rien pour se solidifier et finit par
développer un trouble psychique. Le thérapeute n’est pas
immunisé contre le burn-out, la dépression...

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

-- Le thérapeute méconnaît la possibilité de changement du


patient.
Risque : Le thérapeute ne propose pas d’intervention
développant l’autonomie du patient, l’amène à stagner,
voir à entrer dans une dépendance néfaste pour la réussite
du traitement.
-- Le thérapeute pense que la relation ne peut se solidifier, il
méconnaît la possibilité de changer le processus relationnel.
Risque : Le thérapeute ne fait rien (passivité) pour améliorer
la relation thérapeutique.
-- Le thérapeute se sent incapable d’agir sur sa vulnérabilité, il Méconnaissance
méconnaît sa puissance. de son aptitude à agir
Risque : Il devient impuissant et n’est plus ouvert au vécu sur la vulnérabilité
différent du patient. Ce qui amène le patient à partir ou à
rester lui-même figé.
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-- Le thérapeute pense que le patient ne peut pas changer son
niveau de vulnérabilité, il méconnaît les capacités de changement
du patient.
Risque : Renoncer, rester dans un contrat flou, se perdre.
-- Le thérapeute pense que l’action sur la vulnérabilité ne
changera pas la relation thérapeutique, il méconnaît ici l’impact
de la relation sur la vulnérabilité.
Risque : Le thérapeute n’utilise pas ce qui se passe dans
la relation au profit du diagnostic ou du traitement. Il ne
choisit pas ses interventions thérapeutiques et navigue au
hasard provoquant confusion et passivité.

L a vulnérabilité comme inhérente à notre condition


humaine12, nous montre notre composition sensible et en
éveil. Elle est une source d’information de ce qui se passe au-
Des risques
aux potentiels
dedans et en dehors tel un signal permettant de nous ajuster à
notre environnement. C’est l’écoute que nous en avons, le sens
que nous lui donnons et l’action que nous menons qui participe
à notre avancée et non le rejet même de ces signes qui participent
à la méconnaissance.
Si la vulnérabilité est regardée comme un stimulus plutôt
que comme un problème à éliminer, la question est de savoir Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

comment nous pouvons tirer profit de cette vulnérabilité dans


notre pratique. La vulnérabilité peut devenir un potentiel de
réussite, un générateur de créativité et de résilience. Développer
sa résilience consiste à utiliser ses ressentis, libérer son intuition,
exploiter ses ressources, sublimer ses fragilités.
J’ai élaboré un algorithme qui me sert de guide, en dehors des
moments de supervision, de formation ou de thérapie, pour
déployer ou redéployer mes compétences et dynamiser le
processus thérapeutique quand je suis dans le doute, freinée dans
mon travail par ma vulnérabilité.

Étape 1 : « l’Homme est Homme par et à travers cette vulnérabilité


Reconnaissance et se croire par essence non vulnérable serait marque du déni
de sa propre de sa nature biologique et de sa nature mortelle13 »
vulnérabilité
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S’il semble évident que tout thérapeute reconnaît sa vulnérabilité,
il l’est moins qu’elle soit toujours reconnue et sur tous les sujets
qu’il va rencontrer dans sa pratique et dans sa vie. Il arrive que
nous soyons aveugles à notre souffrance répondant à un driver
« Sois fort » ou encore « Sois parfait ».
La non-reconnaissance de la part du thérapeute de sa propre
vulnérabilité peut être un risque pour la thérapie du patient, mais
elle peut également être un potentiel à la réussite du traitement.
Pour cela, le thérapeute a intérêt à se mettre à l’écoute de ses
sensations internes, des pensées et émotions qui le traversent
pendant qu’il écoute le patient. Vulnérable ou fragilisé par ce que
le patient lui renvoie de sa propre fragilité, il va pouvoir se saisir
de son vécu ici et maintenant pour reconnaître sa vulnérabilité et
l’utiliser à son profit et au profit du traitement.
Quelles sont mes sensations ici et maintenant, à quelle
émotion cela me fait penser ?
-- Thérapeute : Je sens une boule au ventre. Cela me fait penser
à la peur.
Est-ce que ce que je sens ou pense appartient au passé du
patient ou à mon propre passé ?
-- Thérapeute : Cela me renvoie à cet événement qui m’a fait
mal. J’ai peur que le patient s’aperçoive de la douleur que cela fait
naître en moi et qu’il pense que je ne le soutiens pas.

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

Qu’évoque ma réaction au patient ? De quoi cela parle


dans son histoire ?
-- Thérapeute : Comment ont réagi vos parents ?
-- Patient : Ma mère, elle ne me soutenait pas !
-- Thérapeute : Ici et maintenant, vous sentez-vous soutenu ?
-- Patient : Non, j’ai l’impression que vous avez peur et du coup je
ne me sens pas soutenu !
Comment puis-je utiliser cela au profit du contrat du
patient, de moi-même et de la relation ?
-- Thérapeute : Et si nous utilisions ce qui se passe ici et maintenant
pour résoudre quelque chose du passé, cela serait quoi ?
-- Patient : Que vous me montriez du soutien comme je l’attendais
de ma mère, mais en disant cela, je me rends compte que je ne
peux pas vous demander de ne pas avoir peur !
-- Thérapeute : Que pouvez-vous me demander alors ?
-- Patient : De m’aider à résoudre ce sentiment d’abandon. Je
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veux grandir ! Apprendre à me détacher de la peur de l’autre.
Apprendre à me soutenir moi-même ! Je peux me sentir soutenu
même s’il y a de la peur.
Le patient renvoie au thérapeute un sentiment qu’ils connaissent
tous les deux. Grâce à la prise en compte de sa vulnérabilité,
le thérapeute utilise celle-ci au profit du patient. Celui-ci peut
réparer ici quelque chose qu’il n’a pu réparer dans le passé
en prenant conscience de son ambivalente impuissance/
omnipotence, de sa volonté de faire autrement et de la possibilité
de le faire.
Reconnaître sa vulnérabilité ne signifie pas savoir pourquoi nous Étape 2 :
sommes vulnérables. Reconnaître le sens de notre vulnérabilité, Reconnaissance
c’est se remémorer ce qui nous a faits et nous fait encore souffrir. du sens de sa
C’est faire face à nos besoins déchus, aux manques et aux vulnérabilité
manquements. C’est reconnaître ce qui n’a pas été et ce que nous
aurions eu besoin qu’il soit en osant se laisser à nouveau sentir ce
qui nous a rendus vulnérables.
-- Ai-je souffert ?
-- Puis-je faire une liste de ce qui m’a fait souffrir ?
-- Qu’est-ce qui se passe ici et maintenant en contact du
patient qui me renvoie à des éléments de cette liste ?
-- Est-ce que mon expérience peut servir au patient ou à
l’alliance thérapeutique ? Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

Ce qu’amène le patient peut venir toucher la vulnérabilité du


thérapeute et vice-versa. Le thérapeute qui se laisse impacter
par cet écho et qui a expérimenté un vécu similaire à celui du
patient pourrait se laisser prendre au jeu de « Psychiatrie » en
croyant savoir pour le patient au risque de prendre une position
dogmatique. La méconnaissance du sens empêche le thérapeute
qui peut se sentir impuissant ou indifférent selon qu’il se
positionne dans une relation + /- ou -/+ Cela va probablement
appuyer sur les défenses du patient et avoir un impact sur la
relation thérapeutique. Si je puis « combiner mes fragilités et mes
lumières pour donner quelque chose qui ait du corps14 », j’offre
au patient un espace sécure et créatif propice à l’élaboration et la
perlaboration. En utilisant la relation thérapeutique comme un
espace collaboratif à l’élaboration, aux prises de conscience et au
traitement, je dynamise le travail de sens. La curiosité tutélaire est
une voie d’accès à l’Enfant créatif. En me montrant curieux, dans
une position OK+ /OK+ , j’ouvre l’espace du questionnement
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propice aux prises de conscience.
-- Qu’est-ce qui fait que (je me sens vulnérable) ?
-- Comment cela se passe (quand je suis vulnérable) ?
-- Quand est-ce que cela a commencé (cette vulnérabilité) ?
Vis-à-vis du patient :
-- En quoi ma vulnérabilité peut aider le patient ?
-- Qu’est-ce que j’ai besoin de savoir du patient pour comprendre
ce qu’il vit ?
-- Mon expérience peut-elle être un agent modélisant pour le
patient ?
Vis-à-vis de la relation :
-- Notre vécu commun peut-il amener une certaine complicité
dans la relation propice au traitement ?
-- Le fait que je ne sache pas peut-il être bénéfique au patient ?
Étape 3 : À ce stade, « Les objectifs des prises en charge peuvent notamment consister
Action possible à tenter de travailler sur des paramètres tels que : l’estime de soi, la confiance,
sur son niveau l’optimisme, le sentiment d’espoir, la sociabilité. Ou encore, l’autonomie et
de vulnérabilité l’indépendance, l’endurance, la capacité à combattre les stress. Il peut s’agir
d’accompagner l’émergence des attitudes positives pour faire face à des
problèmes, les résoudre, prévoir leurs conséquences…15 »
En proie à sa vulnérabilité, fragilisé, le thérapeute a tendance à
se dévaloriser, méconnaître ses compétences, dans une position

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

-/+ vis-à-vis de ses pairs parce qu’il sent le décalage entre ce qu’il
présente à voir et l’archétype du thérapeute qu’il voudrait être. Il
cherche souvent des solutions dans la raison discursive au lieu de
déployer son intuition au profit de la créativité imaginative. Il peut
également prendre une position + /- en pensant qu’il sait ce qu’il
faut faire. Le risque étant qu’il ne prenne plus en compte la réalité
du patient et qu’il le presse provoquant une suradaptation néfaste
à l’autonomie. Quel que soit son positionnement, le thérapeute
ne peut oublier qu’il ne peut savoir pour l’autre, mais qu’il peut
savoir avec l’autre.
Pour agir sur sa vulnérabilité, le thérapeute a besoin de développer
ou redynamiser le processus de résilience. Cela implique une
capacité à sentir et mettre du sens tout en se laissant imaginer des
solutions. Il s’agit alors de mobiliser l’Adulte, mais aussi l’Enfant
libre pour qu’ils s’associent le temps d’une re-création.
Issue de l’analyse régressive, j’utilise avec mes patients un exercice
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dans lequel il s’agit, grâce aux techniques de pleine conscience de
créer à partir d’un souvenir, un scénario secondaire dans lequel la
personne se sort de la situation avec brio. Comme dans le rêve,
j’invite le patient à recréer les moindres détails du scénario initial
puis à imaginer des actions différentes pour une autre fin.
-- Vous êtes dans cette forêt, il fait nuit, vous avez peur et envie
de vous enfuir. Imaginez maintenant que vous ayez toutes les
ressources possibles, même les plus magiques, ésotériques,
divines, farfelues… Vous pouvez imaginer ce que vous voulez,
comme le font les enfants quand ils jouent à faire semblant.
Qu’est-ce qui pourrait vous aider à surmonter cette peur ?
-- Je pourrais avoir une armure qui éclaire mon passage, une
armure infranchissable.
-- Ok, imaginez ça. Vous marchez dans cette forêt dans cette
armure lumineuse infranchissable. Sentez ce que ça fait de
marcher dans cette armure dans cette forêt. Prenez le temps de
sentir. Comment c’est maintenant ?
-- Je me sens rassuré, fort. Je n’ai plus peur.
-- Gardez ça. Vous allez reprendre la machine à voyager dans
le temps en emportant cette sensation avec vous. Revenez à la
scène qui vous a rendu vulnérable. Comment vous vous sentez
quand vous y repensez ?
-- Je me sens mieux, je me sens plus fort. Je veux dire que je peux
avoir cette image en moi sans que cela me détruise. Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

La solution envisagée n’est plus de trouver un moyen de fuir


de la forêt (défense initiale), mais d’utiliser l’apaisement né de
cette expérience pour faire face à la forêt (résilience). Grâce à la
notion de réalité subjective, le patient comprend qu’il a en lui les
ressources pour envisager la situation à partir d’un autre point de
vue et qu’il peut s’ouvrir à de nouvelles solutions.
Le thérapeute peut aussi s’offrir ce cadre contenant dans lequel
il se soutient, est curieux et ouvert à tout ce que son imaginaire
lui soumet. Il donne la liberté aux processus inconscients de
se frayer un chemin vers la conscience comme dans le rêve. Il
se sent acteur de ses processus mentaux, comprend le langage
symbolique qui est le sien et cela lui redonne la force de faire
face parce qu’il dispose d’un pouvoir qu’il n’avait pas avant. La
résilience est la capacité de revenir à ses forces alors qu’elles nous
ont abandonnées. L’histoire nous montre, et m’a montré que
cette force se trouve au cœur de notre esprit et de notre capacité
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à sentir ce que notre esprit fabrique pour l’actionner ensuite.
Étape 4 : Se sentir apte à mettre en place les solutions imaginées est un
Aptitude à mettre travail difficile qui nécessite de se dégager des enjeux relationnels
en place les options présents et passés et d’oser apprendre et utiliser ses nouvelles
connaissances. Le changement bouleverse la dynamique
relationnelle et pose un risque relationnel. Quand je change,
j’induis un changement dans la relation. Ce qui était en équilibre
se rompt. La posture du thérapeute peut changer en fonction
de la vulnérabilité dans laquelle il se trouve. Affaibli, fatigué, en
proie au stress ou aux angoisses, il peut perdre certaines de ses
compétences pour un temps. C’est le temps du changement
relationnel qui va faire émerger la glaise du transfert. Le thérapeute
va pouvoir en tirer profit peut-être après coup, une fois qu’il aura
retrouvé sa solidité psychique pour mener une réflexion autour
des enjeux liés au changement.
« Le recours à des ressources internes et externes peut (lui)
donner l’occasion d’expérimenter ses capacités à rebondir,
les exercer, les consolider et les améliorer. Ils peuvent
aussi révéler une insuffisance fondamentale à les mettre
en œuvre et (lui) faire prendre conscience d’une nécessité
d’en faire l’apprentissage.16 »
La méconnaissance du thérapeute de sa faculté à mettre en place
les options envisagées peut trouver un écho dans les craintes du

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

patient et vice-versa. Ce travail demande une capacité à se mettre


d’une certaine manière à côté de soi, observateur et contenant de
la part qui est dans la méconnaissance au profit de la posture du
thérapeute. il arrive que dans notre vulnérabilité nous manquions
de l’énergie nécessaire pour garder cette posture. Cela peut
redonner au patient la puissance de choisir pour lui sans avoir à se
justifier ou à sentir un avis de la part du thérapeute. Il me semble
que garder en tête que nous n’avons pas à savoir pour le patient,
ni à vouloir pour lui ou encore à être fort ou plus sachant, permet
de nous remettre à notre place d’analyste.
Notre posture invite le patient à travailler autour des permis-
sions à :
-- Demander de l’aide
-- Parler autour de soi de ses projets ou de ses difficultés
-- S’informer
-- Recevoir les idées comme des invitations à élaborer
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Engager le patient vers l’autonomie et la responsabilité de lui-
même est une priorité pour moi. Je garde en tête qu’à chaque
instant, s’il m’arrive de me trouver vulnérable, mon objectif reste
toujours que le patient sente qu’il est dans un lieu où il peut être
lui-même avec ses besoins et ses désirs tout en lui apprenant à
exporter cela dans son monde social, en lui montrant que ses actes
ont des conséquences sur la relation qui sont des boomerangs
qui reviennent inévitablement à celui qui les a lancés. La thérapie
peut alors devenir un lieu de collaboration gagnant/gagnant où
patient et thérapeute grandissent ensemble vers le meilleur de
chacun.

À chaque étape des prises de conscience, les risques et les


potentiels sont envisagés comme des espaces d’élaboration
au profit de soi, de l’autre et de la relation. La collaboration
La
vulnérabilité,
consiste à être avec ce que je suis et mon bagage de compétences
une force
plus ou moins ébranlées par ma vulnérabilité. Je reste le contenant, thérapeutique
important aux yeux du patient par ma présence certaine qui reçoit
patiemment et sans transaction de jugement.
La vulnérabilité nous apprend à renoncer, à regarder ce que nous
avons plutôt que ce que nous n’avons pas. Ce que nous savons
plutôt que ce que nous devrions savoir. L’espace thérapeutique est
le lieu où la parole et les émotions peuvent se libérer et s’entendre Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


37
Karine Danan

tout en apprenant à prendre la responsabilité de ce qui se donne


à voir. Le patient est assuré que quels que soient ses ressentis, ses
colères vis-à-vis du thérapeute dans le transfert, ce dernier est là,
prêt à entendre, à accueillir, à en faire quelque chose. Il montre
au patient sa capacité à être vulnérable tout autant que résilient,
sa capacité à différencier l’état de l’être, la personne de son acte,
l’idéal surhomme de l’humain sensible. Ainsi, le patient peut se
distinguer de ce qu’il sent ou pense, se donnant le droit d’être ce
qu’il est pour lui-même.
La vulnérabilité peut participer à l’alliance thérapeutique. Face
à la vulnérabilité de l’autre, je me trouve face à ma propre
vulnérabilité17 et vice-versa. Cette situation agit sur le contre-
transfert, créant un écho qui va libérer des pensées, des émotions
et des comportements sur lesquels nous nous devons de réfléchir
pour en tirer profit, à la fois pour le patient et pour nous-mêmes.
Le travail que nous effectuons sur notre contre-transfert nous
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renseigne sur le patient et son vécu, sur nos limites et nos zones
d’ombre tout autant que sur nos compétences. Ce travail nous
aide à nous positionner et nous repositionner sans cesse dans une
juste distance propice à l’alliance et au processus thérapeutique.
Le travail avec nos pairs, en supervision, la formation sont autant
d’éléments qui nous aident à nous ouvrir à d’autres possibilités,
d’autres points de vue pour ne pas rester seul face au miroir
dans cette difficulté ou cette souffrance qui nous traverse. La
collaboration autour du sens par la curiosité, la recherche de
connaissance, l’investigation permettent d’ouvrir de nouvelles
perspectives et créer une dynamique que le thérapeute peut
réinjecter dans la thérapie du patient.
Notre capacité à regarder notre propre vulnérabilité va catalyser
le transfert et le contre-transfert et nous permettre de travailler à
la différenciation avec finesse pour faire émerger des potentiels.
C’est en observant ma vulnérabilité personnelle qui influence
mon état d’être face au patient que je peux me distinguer de son
vécu. Partager le sens qu’a pour moi ce que je vis du problème
du patient (forme collaboratrice d’interprétation) permet au
patient de ne pas rester dans le silence propice aux projections,
au renforcement des sentiments parasites et de ses décisions de
scénario. Je peux dire au patient mon émotion en la replaçant
dans le contexte de son scénario. La collaboration consiste à

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La vulnérabilité du thérapeute : un potentiel dans la relation thérapeutique

créer un espace qui alterne entre des situations d’émergence du


transfert grâce à ma vulnérabilité et le traitement de ce transfert
grâce à ma résilience. Cette possibilité doit rester authentique et
c’est le contre-transfert qui va nous porter vers cette possibilité.
Le thérapeute utilise ses compétences sans calcul : il travaille par
algorithme sans pré-calculer son intervention auquel cas il n’est
plus à l’écoute de ce qui se vit ici et maintenant, mais dans une
prise de pouvoir néfaste au développement de l’autonomie du
patient.

L ’instauration d’une relation d’équité permet au patient de se


sentir acteur de son changement. Il apprend avec le thérapeute
à prendre soin de ses vulnérabilités en voyant faire le thérapeute,
Conclusion

à utiliser ce qu’il sent et ce qu’il pense pour activer sa curiosité et


sa créativité. Accepter sa vulnérabilité tout en se laissant impacter
par le vécu du patient est une posture qui dynamise le processus
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thérapeutique vers l’autonomie. Cela nécessite un soutien autour
du thérapeute qui ne peut s’asseoir sur ses compétences et ses
connaissances au risque de rigidifier le processus thérapeutique.
En reconnaissant sa vulnérabilité et ses fragilités, il devient un
agent modélisant parce qu’il se place dans son statut d’humain
face à l’univers si vaste qui nous rappelle à notre fragilité et notre
finitude. Il montre au patient sa responsabilité à regarder avec
bienveillance ce qu’il est dans cet univers pour développer ses
compétences.
Cette alliance autour de la reconnaissance des potentiels de
notre vulnérabilité permet à mon sens la construction du soi, la
confiance en soi, l’affirmation de soi. C’est en travaillant notre
vulnérabilité et en sachant l’utiliser que nous permettons à notre
patient de l’envisager, de l’élaborer et de l’agir en se construisant
une identité d’humain vulnérable et résilient qui a la capacité
d’œuvrer pour ce qu’il veut et vers ce qu’il veut malgré sa
condition humaine.
Si le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre (Nelson
Mandela), la résilience n’est pas l’absence de vulnérabilité, mais la
capacité de la transformer en force.

Karine Danan

Juin 2019 - n° 167 - La vulnérabilité du praticien


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Karine Danan

notes
1
Ingram, R.E & Luxton D.D, Vulnerability-stress models. In B.L Hankin & J.R.Z, Abela (Eds.), Development
of psychopathology: A vulnerabilité-stress perspective. New-York : Sage
2
Colliez, A., Thèse de Doctorat : De l’importance de « traiter » la stigmatisation des troubles psychiques : aspects
théoriques et pratiques, Université de Lille, Faculté de médecine Henri Warembourg, 2018
3
Mellor, K. & Schiff, E., Méconnaissance, C.A.T. 2 page 151
4
Benoit, M., Eureka : Le tableau des prises de conscience, A.A.T n°73, Janvier 1995, p. 27
5
Hargaden, H., & Sills, C., Transactional Analysis: A relational perspective, Routledge, 2014, p. 31
6
Winnicott, D., Jeu et réalité, ed. Gallimard, reed. 2002
7
Lambert A. et Barley D. (2002), Research summary on the therapeutic relationship and psychotherapy outcome,
in Psychotherapy Relationships that Work: Therapist Contributions and Responsiveness to Patients, Norcross, J.,
New York, Oxford University Press
8
De Roten, Yves, Ce qui agit effectivement en psychothérapie : facteurs communs ou agents spécifiques, Bulletin de
psychologie, vol. numéro 486, no. 6, 2006, pp. 585-590
9
Steere, D.,A., La compétence thérapeutique, C.A.T 4, p. 179-183
10
Mellor, K. & Schiff, E., Méconnaissance, C.A.T. 2, p. 151
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11
Mellor, K. & Schiff, E., Méconnaissance, C.A.T. 2, p. 151
12
Valadier, P., Apologie de la vulnérabilité. Etudes 2011/12 (Tome 4/4), p. 199-210
13
Debroca, Alain, Vulnérabilité, éditorial Éthique & santé (2013) 10, p. 1-2
14
Steiler, D., Conférence force et vulnérabilité, TEDX, Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=pILPBc-YsyE
15
Anaut, Marie, Le concept de résilience et ses applications cliniques, Recherche en soins infirmiers 2005/3 (n° 82),
p. 4-11
16
Richard, J., Résilience et vulnérabilité, De l’ajustement des concepts en psychogérontologie, Gérontologie & société
2004/2 (vol.27/109), p. 109-125
17
Valadier, loc. cit.

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