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7e ÉDITION
12 000
ires
exempla
vendus
Éditorial : Innocentia Agbe, Sandrine Paniel, Manon Houset
Fabrication : Pauline Riou
Couverture : Studio Dunod, Elizabeth Riba
Mise en page : Belle Page
Préface1
Introduction3
V
2 • L es motifs stratégiques défensifs 27
•• Consolider ses positions dans des secteurs à maturité 27
•• S’adapter aux évolutions technologiques 28
•• Acquérir une taille critique 29
•• Entraver les actions d’un concurrent gênant 30
•• Limiter les entrées au sein du secteur 31
3 • L a recherche de synergies opérationnelles 32
•• Synergies de coûts liées aux effets de volume 33
•• Synergies de coûts liées au partage de ressources 34
•• Synergies de croissance 34
•• Synergies : motifs ou justifications ? 35
VI
Table des matières
VII
5 • Finaliser la transaction 226
•• La rédaction du protocole d’accord 227
•• L’obtention des autorisations administratives nécessaires
et l’information des parties prenantes concernées 228
•• La signature du contrat définitif 231
VIII
Table des matières
Conclusion325
Postface327
Glossaire329
Bibliographie335
Index349
IX
R É FA C E
P
Le livre d’Olivier Meier et Guillaume Schier nous fait pénétrer au cœur des motiva-
tions des opérations de fusions-acquisitions, de leurs avantages, mais aussi de leurs
difficultés de mise en place.
D’opérations soigneusement élaborées dans une liste d’acquisitions prévues à celles
isolées réalisées dans l’urgence du fait d’une forte contrainte stratégique (modifica-
tion subite de la taille d’un marché), toute la palette des situations envisageables est
passée en revue. Les différentes motivations sont également étudiées en détail. En
effet, ce mode de croissance, tout de même exceptionnel, est aujourd’hui utilisé par
tous les groupes de sociétés pour gagner du temps, s’adapter, capter un marché,
développer des synergies ou renforcer et défendre leur position.
Mais si la puissance de l’outil fusion-acquisition est reconnue par tous comme offrant
à l’entreprise un degré de liberté supplémentaire au niveau de sa stratégie, si ses
modalités juridiques de mise en œuvre sont maîtrisées, il reste à réaliser l’intégration
des deux entités co-contractantes, et là, beaucoup d’efforts doivent y être consacrés.
En effet, les fusions-acquisitions engendrent leurs propres risques, et il n’est pas
évident de réussir à améliorer les résultats du nouvel ensemble.
Pour tenter de mener à bien ces projets de regroupement, Olivier Meier et Guillaume
Schier nous proposent une démarche qui devrait faciliter l’occurrence d’un résultat
satisfaisant. D’un point de vue très pragmatique, ils mettent en relief les étapes cru-
ciales de mise en œuvre du dispositif « fusion-acquisition », qu’ils présentent à l’aide
d’une logique de processus.
Durant la phase de préparation, ils mettent l’accent sur la sélection et l’évaluation des
cibles potentielles, puis lors de la phase de négociation, sur la création de valeur et
l’organisation de la prise de contrôle.
1
Suit alors la phase d’intégration où l’on constate souvent que si les effets de volumes
sont immédiats, la réalisation d’économies d’échelle et la mise en œuvre de synergies
demandent beaucoup d’efforts et d’ingéniosité. Les auteurs signalent enfin les
erreurs les plus courantes à éviter lors de ces trois périodes.
Une annexe traitant trois cas complets termine leur exposé. Au total, parmi les ouvrages
consacrés aux opérations de fusions-acquisitions, celui d’Olivier Meier et Guillaume
Schier, très bien documenté et émaillé d’exemples concrets, constitue une excellente
synthèse de l’état des connaissances, ce qui en fait sans aucun doute un manuel de
référence à destination d’un public varié (étudiants, responsables d’entreprises).
Patrick NAVATTE
Président honoraire de l’université Rennes I
2
C T I O N
IN TRODU
Cet ouvrage trouve son origine dans le rôle et l’influence grandissants que connaissent
les opérations de fusions-acquisitions dans le cadre de la politique de développe-
ment des firmes. En effet, si la croissance par fusions-acquisitions est depuis la fin
des années 1960 un objet d’attention, la libéralisation des mouvements de capitaux,
le développement des marchés financiers, l’internationalisation de l’économie et la
déréglementation ont été propices au développement de ces opérations.
Ces opérations concernent aussi bien les groupes cotés qui s’orientent actuellement
vers des logiques de recentrage et de consolidation de leurs activités au plan mon-
dial, que les entreprises non cotées devant faire face à des problèmes de croissance
ou de succession. Elles constituent par conséquent l’un des principaux modes de
développement à la disposition des entreprises pour améliorer leur position straté-
gique au sein de leur environnement respectif.
Pourtant, les opérations de fusions-acquisitions continuent de susciter de nom-
breuses interrogations sur leur efficacité économique. En effet, s’il existe incontesta-
blement un intérêt pour ce type de rapprochement, la réalité des opérations montre
une difficulté pour les entreprises d’améliorer les performances du nouvel ensemble.
Dans un grand nombre de cas, estimé à près de 50 % des transactions opérées, les
fusions-acquisitions se révèlent des manœuvres décevantes sur le plan économique,
sans compter les plans de restructuration et de licenciement qui accompagnent géné-
ralement ces regroupements.
Ces différentes questions posent par conséquent le problème de la gestion stratégi-
que de ces opérations et de la nécessaire maîtrise des processus de croissance
externe. En effet, quelles sont les logiques économiques sous-jacentes aux fusions-
acquisitions ? Dans quelle mesure peut-on évaluer et mesurer leur performance ?
3
Quelles sont véritablement les actions permettant d’améliorer l’efficacité et la renta-
bilité de ces opérations ? Quelles sont les spécificités à prendre en compte lorsque
l’on cherche à acquérir des PME/TPE ? Comment revenir sur une acquisition par ces-
sion ou par scission ? Autant de questions qui imposent aujourd’hui d’analyser les
enjeux et les risques associés aux différentes phases du processus, en associant
autant que possible la stratégie, la finance et le management.
Les pages qui suivent tentent de répondre à ces interrogations. Elles mettent en par-
ticulier l’accent sur les étapes critiques d’un processus de fusion-acquisition, de la
phase de préparation à sa mise en œuvre opérationnelle. Ainsi, la première partie du
livre est consacrée à l’analyse des caractéristiques et motivations de la croissance par
fusion-acquisition et à la présentation des principaux aspects financiers et juridiques
de ces opérations. La deuxième partie est essentiellement orientée sur la conduite de
ces opérations à partir d’un examen attentif des pièges et critères à prendre en
compte dans le montage et la mise en œuvre d’une fusion-acquisition.
Cet ouvrage offre par conséquent une présentation globale du traitement des opéra-
tions de fusions-acquisitions, à la fois sous un angle théorique et pratique. Il forma-
lise les enseignements dispensés par les auteurs depuis plusieurs années et leurs
expériences de la pratique de ces opérations. Il se révèle ainsi un guide utile pour les
dirigeants qui souhaitent initier une politique de fusions-acquisitions, pour les cadres
et responsables amenés à gérer ou à vivre la réalité de ces opérations, et pour les
étudiants en gestion et en économie qui souhaiteraient approfondir le thème de la
croissance externe.
4
A RT I E 1
P X ET
ENJEU RI
A C T É
CAR U E S
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1
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2
Le développe giques
ns straté
et motivatio Chapitre
3
Objectifs ns
-acquisitio
logie des fusions 4
n ce et typo nciers Chapitre
Performa tages fina
ridique s et mon
Formes ju
Le développement par fusions-acquisitions constitue, aujourd’hui, l’un des modes de
développement les plus répandus. La partie 1 propose de rendre compte de la com-
plexité de ce mode de croissance et se divise en quatre chapitres.
Le chapitre 1 porte sur les propriétés de ce mode de développement et ses
différences avec la croissance interne et la croissance par alliances/coopération. Il se
termine par une synthèse des principaux fondements théoriques associés à la crois-
sance externe.
Le chapitre 2 traite des objectifs et motivations stratégiques des fusions-acquisitions.
Il recense, à l’appui d’exemples et d’illustrations, les différentes raisons qui conduisent
les firmes à opter pour ce mode de croissance.
Le chapitre 3 concerne les liens entre croissance par fusions-acquisitions et création
de valeur. Il resitue la nature et la performance des opérations sous un angle histo-
rique. Il met enfin l’accent sur la répartition de la valeur, en distinguant les gagnants
et les perdants de ce type d’opération.
Si la croissance externe constitue une option essentielle dans le développement de
la firme, ses pratiques n’en sont pas moins multiples. En effet, il existe à la disposition
de l’entreprise initiatrice différentes formes juridiques et montages financiers asso-
ciés à ce type d’opération. Ce repérage fait l’objet du chapitre 4.
6
1• P E M E N T
E L O P
LE DÉV N S -
I O
PAR FUS N S
I T I O
ACQUIS
Le développement par fusions-acquisitions s’inscrit en général dans le champ de la
croissance externe. Il est proposé de clarifier les différentes définitions relatives à ce
mode de croissance et à ses principales pratiques. En particulier, ce chapitre aborde
les avantages et inconvénients de la croissance externe par rapport aux autres formes
de développement que sont la croissance interne et la croissance conjointe. Une
attention est également accordée aux différentes classifications existant dans le
domaine de la croissance externe et plus particulièrement des fusions-acquisitions.
Le chapitre se termine par une présentation des fondements théoriques associés à
cette manœuvre stratégique.
1 • FUSIONS-ACQUISITIONS :
PRATIQUES DE LA CROISSANCE EXTERNE
7
indirectement par l’acheteur à travers la détention d’actions qui définissent son droit
de propriété sur la cible. En tant que telles, ces opérations constituent l’une des
principales pratiques de la croissance externe. On entend par croissance externe, un
mode de développement fondé sur la prise de contrôle de moyens de production
déjà organisés et détenus par des acteurs extérieurs à l’entreprise. Selon cette
perspective, la croissance externe provoque le passage de l’entreprise cible sous la
coupe d’un nouvel acteur économique, l’acquéreur, qui détient une autorité de droit
sur la structure acquise (droits de propriété).
Les fusions-acquisitions sont avant tout des pratiques de réalisation (à connotation
juridique) permettant de mettre en œuvre une stratégie de croissance externe. Elles
ne constituent donc pas une stratégie1 en soi. Elles sont essentiellement un moyen au
service du développement de l’entreprise. On peut d’ailleurs noter qu’il existe d’autres
modalités de croissance externe à la disposition des entreprises, comme l’achat direct
d’actifs en ordre de fonctionnement (achat d’une usine). Il est à noter que les opéra-
tions de fusions-acquisitions ne sont pas des pratiques exclusives de la croissance
externe et peuvent par conséquent servir d’autres objectifs. C’est le cas par exemple
d’une fusion entre deux sociétés d’un même groupe, dans le but de rationaliser la
gestion des activités aux plans administratif et juridique. Dans ce cas, le regroupement
relève d’une logique de fusion, sans qu’il y soit pour autant question d’une politique
de croissance externe. Il s’inscrit avant tout dans une perspective de réorganisation
interne, où l’entreprise cherche à combiner des ressources déjà en sa possession.
Dans cet ouvrage, les fusions-acquisitions sont abordées essentiellement sous l’angle
de la croissance externe. Pour des raisons de commodité, il peut nous arriver d’em-
ployer les termes de fusions-acquisitions pour désigner la croissance externe, même
s’il convient en théorie de dissocier la stratégie et ses pratiques. Le développement
par fusions-acquisitions demeure un objet d’interrogation, en raison d’une gestion
particulièrement délicate à orchestrer pour l’entreprise initiatrice. Comme toute opé-
ration de croissance, ce mode de développement est soumis à des incertitudes stra-
tégiques. Le risque associé à ces manœuvres mérite toutefois d’être souligné, en
raison de résultats très décevants et de la faible maîtrise de ses caractéristiques :
–– la moitié des opérations de fusions-acquisitions sont considérées comme des
échecs par les parties concernées et induisent généralement des coûts élevés pour
les organisations, très souvent difficiles à rattraper. On peut généralement estimer
à environ 50 % le taux d’échec pour ce type d’opérations, situant la croissance
externe comme l’une des options les plus difficiles à valoriser sur le plan
économique ;
1. On entend, par stratégie, l’ensemble des choix qui mettent en jeu les grandes orientations de l’activité et les
structures même de l’entreprise. Les décisions stratégiques concernent généralement des décisions relatives
aux métiers de l’entreprise (et à ses domaines d’activité), à son organisation interne (type de structure/mode de
fonctionnement) et à ses relations avec l’extérieur (actionnaires, clients, fournisseurs, partenaires).
8
Le développement par fusions-acquisitions
9
d’insatisfaction et de désillusion. Il est proposé ci-après une analyse comparative des
différentes formes de développement utilisées par l’entreprise, à savoir : le dévelop-
pement par fusions-acquisitions (croissance externe), le développement interne
(croissance interne), le développement par alliances (croissance conjointe).
2. Dans la pratique, en fonction des événements et des circonstances, il peut arriver qu’une des options
s’impose à l’entreprise, sans qu’il y ait eu nécessairement besoin d’une analyse stratégique approfondie
(contraintes spécifiques, opportunités à court terme…).
10
Le développement par fusions-acquisitions
atouts et faiblesses doivent par conséquent être appréciés au regard des objectifs et
contraintes de l’entreprise étudiée. Bien qu’il s’agisse de logiques différentes, on peut
souligner que ces deux options ne sont en rien incompatibles et sont même très
souvent associées.
Types d’entreprises
Avantages Inconvénients principalement
concernées
Absence de réorganisation
ou de restructuration
3. Cette forme de développement est parfois désignée sous le nom de croissance conjointe (Paturel, 1997).
11
ntreprises, en vue de réaliser un projet ou développer conjointement une activité
e
spécifique en coordonnant les compétences, les moyens et les ressources. L’alliance
n’est donc pas associée à une catégorie juridique déterminée et peut par conséquent
recouvrir différentes situations possibles, depuis la coopération commerciale (sous-
traitance, accords de licence, franchise) à la création ex nihilo d’une structure juri-
dique nouvelle (filiale commune ou consortium)4.
Il est proposé ici de s’intéresser plus particulièrement à la forme d’alliance la plus proche
des opérations de fusions-acquisitions, à savoir le développement par deux entités d’une
nouvelle société (filiale commune) en vue de réaliser un objectif stratégique commun5. Il
s’agit par conséquent ici d’alliance stratégique (avec apport de capital), et non pas
d’accord ponctuel comme pour une sous-traitance. Ce mode de développement rap-
pelle en effet celui de la croissance par acquisition, en inscrivant la relation dans un
cadre formel et en offrant aux deux partenaires des avantages liés à la taille de la
nouvelle entité (réduction des coûts/économies d’échelle) et à la coordination com-
mune de ressources. L’alliance stratégique permet à des entreprises de faire ensemble
ce qu’elles ne pourraient pas réaliser seules. Elle peut également modifier la position
des acteurs au sein de l’environnement et est par conséquent soumise à différents
mécanismes de contrôle (information des autorités de marché, protection des intérêts
des actionnaires minoritaires). Enfin, à l’instar de la croissance externe, ce mode de
croissance constitue un important moyen d’adaptation et de transformation des
entreprises face à l’évolution des marchés.
En dépit de cette proximité, l’alliance par création d’une filiale commune se distingue de
l’opération de fusion-acquisition :
–– l’alliance par création d’une filiale commune s’appuie sur une combinaison de
moyens apportés par les parties dans le but de développer une nouvelle activité,
alors que les opérations de fusions-acquisitions se caractérisent par la prise de
contrôle de moyens de production déjà en fonctionnement ;
–– l’alliance par création d’une filiale commune est caractérisée par l’absence d’un
système d’autorité unique. Dans une alliance avec filiale commune, les partenaires
participent à la direction de la nouvelle entité et contribuent de manière signi
ficative aux décisions par leur droit de vote. L’existence d’un contrôle partagé peut
dès lors poser des problèmes de management en cas de désaccords entre les par-
tenaires. En effet, les possibilités d’arbitrage sont rendus plus délicates, compte
tenu du positionnement de chacune des firmes au sein de la relation (position
d’alliés). Ceci explique d’ailleurs que pour des alliances hautement stratégiques,
4. À distinguer de la reprise commune d’une société existante devenant après achat la propriété commune
des deux partenaires (dans ce cas, ce mode de croissance est un cas particulier de croissance externe).
5. On peut citer à titre d’exemple l’association qui a été réalisée entre Ericsson et Sony (avec la création d’une
filiale commune à 50-50) pour la fabrication des combinés mobiles en octobre 2001.
12
Le développement par fusions-acquisitions
une attention particulière soit accordée aux modalités et limites d’utilisation des
ressources et au sort qui leur sera réservé à la sortie de l’accord ;
–– la résolution des conflits d’intérêts demeure plus délicate à traiter dans le cas
d’alliances avec filiale commune. En effet, dans le cadre d’une alliance stratégique,
il n’y pas nécessairement renoncement à des intentions opportunistes ou
concurrentielles. L’alliance peut même dans certains cas s’apparenter à une forme
de compétition déguisée, une arme concurrentielle destinée à attirer le partenaire
dans un piège6. Dans l’hypothèse d’un conflit stratégique, il appartient donc aux
parties de mettre en place une procédure de « divorce » permettant de préserver
la valeur créée par l’alliance (mise en place de dispositions capables de résoudre
les conflits) et de protéger les positions respectives des partenaires concernés.
Cette situation est moins problématique lors d’une opération de croissance externe,
même de nature coopérative. En effet, en cas de difficulté, quelle qu’en soit
l’origine, l’autorité de droit de l’acheteur s’exerce et peut amener ce dernier à
reprendre intégralement le management de la relation ;
–– une autre caractéristique de l’alliance avec filiale commune est que chaque allié
conserve une certaine indépendance et peut continuer, malgré l’accord, à faire
concurrence aux autres parties sur les marchés ;
–– enfin, les alliances avec structure commune donnent la possibilité à chacune des
parties de se désengager librement. En effet, malgré les coûts générés par la
cessation de l’accord, le degré de liberté laissé aux parties en dehors de l’alliance
rend plus aisé la sortie des partenaires.
6. Voir Hamel G., Doz Y.L. et Prahalad C.K., « S’associer avec la concurrence : comment en sortir gagnant ? »,
Harvard l’Expansion, n° 54, 1989, p. 24-32.
13
–– la taille (coût de la transaction), le secteur et le degré d’internationalisation (pays
concernés) de l’opération de croissance réalisée, en vue de mesurer l’envergure de
la transaction et ses conséquences économiques et sociales.
La classification la plus courante est issue de la « Federal Trade Commission » des
États-Unis. Elle vise essentiellement à analyser le degré de proximité professionnelle
entre les firmes regroupées et à renseigner sur la position recherchée par la nouvelle
direction au sein du secteur considéré. Cette approche conduit à distinguer quatre
types de rapprochements :
–– les fusions-acquisitions horizontales : ces opérations concernent les fusions-
acquisitions entre firmes concurrentes (champs d’activités proches) à l’image de
Mercedes et Chrysler ou du rapprochement entre Carrefour et Promodès. Ce type
de rapprochement est le plus courant et représente plus de la moitié des cas de
prise de contrôle réalisés sur les marchés américains et européens. Ces opérations
visent généralement à la spécialisation et au contrôle d’une partie importante du
marché ;
–– les fusions-acquisitions verticales : il s’agit de fusions-acquisitions entre firmes
situées à des stades différents d’une même filière. C’est le cas par exemple de
GDF qui poursuit sa politique d’intégration de la chaîne gazière en rachetant des
sociétés d’exploration et de production de gaz, comme TCIN. Ce type de rappro-
chement peut par conséquent prendre la forme d’une politique d’intégration en
amont de la filière (achat de fournisseurs). Il peut également se faire en aval par
l’acquisition de réseaux de distribution. C’est l’option prise par le groupe Walt
Disney qui a procédé à une intégration avale en rachetant la chaîne de télévision
ABC, en vue d’y augmenter la diffusion des émissions Disney. Les fusions-acqui-
sitions verticales peuvent par conséquent permettre de contrôler l’ensemble de
la chaîne économique, des matières premières au produit fini (contrôle des
sources d’approvisionnement et des débouchés), en inscrivant la stratégie dans
une logique de filière ;
–– les fusions-acquisitions concentriques : elles concernent les opérations de regrou-
pement entre firmes de métiers complémentaires, en vue d’étendre la gamme
d’offre et la base de clientèle. On parle dans ce cas de diversification de type
concentrique, c’est-à-dire d’une logique de complémentarités par l’entremise des
produits, du savoir-faire ou de la clientèle (achat d’Orangina par le groupe Pernod-
Ricard, acquisition de Bossard Consultants par Cap Gemini) ;
–– les fusions-acquisitions conglomérales : elles concernent le rapprochement de
firmes dont les métiers sont sans lien les uns avec les autres. On parle alors de
diversification conglomérale. Ce type de rapprochement peut avoir plusieurs objec-
tifs et donner lieu à des politiques d’acquisitions différentes (voir « Diversification
conglomérale » p. 124).
14
Le développement par fusions-acquisitions
15
ossibilité de minimiser le coût d’accès aux marchés de capitaux ou de diminuer
p
le coût du capital ;
–– les synergies managériales correspondent au transfert de connaissances et de
savoir-faire de l’acquéreur vers la cible et vice versa. Ces synergies peuvent être
importantes dans les domaines de la recherche, de l’innovation technologique ou
commerciale ou lors du changement d’échelle de l’activité de la cible, comme l’in-
ternationalisation de ses activités qui peut profiter de l’expérience de l’acquéreur
en la matière.
Il faut cependant noter que la notion de synergie est un concept aux contours flous
qui est surtout appréhendé au travers de ses effets supposés, à savoir un accroisse-
ment de l’efficacité économique, commerciale ou financière du nouvel ensemble à la
suite de l’opération de fusion-acquisition. Il n’en demeure pas moins que la mesure
des effets de synergies reste difficile à réaliser.
Les études empiriques menées sur le sujet sont en effet peu probantes. Analysée
sous l’angle comptable8, l’existence de synergie n’est pas clairement démontrée.
Sous l’angle de la productivité, les résultats obtenus sont assez divergents9. On peut
se reporter au chapitre 2 de cet ouvrage pour une analyse approfondie du concept de
synergie et de son application concrète dans le cadre d’une politique de croissance
externe. Le chapitre 3 présente de façon plus détaillée les résultats des études empi-
riques portant sur l’efficacité des opérations de fusions-acquisitions.
16
Le développement par fusions-acquisitions
L’évolution du rapport de force peut ne pas se traduire par une évolution significative
de la position concurrentielle, mais par son maintien, qui n’aurait pas été possible
sans un rapprochement avec un autre acteur. Ces approches ont ainsi le mérite de
mettre les enjeux de pouvoir au sein d’une filière ou d’un secteur au centre des
motivations stratégiques des opérations de fusions-acquisitions (voir chapitre 2).
17
l’opération de fusion-acquisition, de manière à refléter cette nouvelle information.
Cette interprétation doit être nuancée selon le type d’information privée détenu.
Dans le cas 1 (où l’acquéreur possède une information privée sur la valeur intrin-
sèque réelle de la cible), on peut noter que l’écart de valeur estimé n’est pas lié
spécifiquement à l’acquéreur. Aussi, au fur et à mesure que l’acquéreur révèle des
informations privées par le biais de l’opération d’acquisition, le marché va avoir ten-
dance à réévaluer l’entreprise visée, au profit quasi exclusif des actionnaires de la
cible. Dans ce cas, il apparaît dès lors difficile de pouvoir exploiter à son profit une
information privée.
Dans le cas 2, l’écart de valeur estimé est pour partie spécifique à l’acquéreur. Il est
fondé sur des projections faites par le management de l’acquéreur, en fonction de la
valeur future espérée de l’opération globale (Wensley, 1982). La répartition de la
valeur créée entre les actionnaires de la cible et les actionnaires de l’acquéreur peut
alors être plus équilibrée. Il devient possible dans ce cas d’exploiter à son profit une
information privée.
18
Le développement par fusions-acquisitions
existantes dans l’entreprise. Une relation d’agence existe lorsqu’un mandant (les
actionnaires) mandate un agent (le dirigeant) pour gérer leurs intérêts, sans avoir la
possibilité d’observer les efforts réels déployés par les dirigeants (cf. non prévisibilité
de l’environnement économique, déterminant exogène des performances et asymé-
tries d’information). Selon Jensen et Meckling (1976), un problème d’agence peut
exister lorsque les dirigeants d’une entreprise ne possèdent qu’une petite fraction du
capital. Les dirigeants peuvent alors être enclins à poursuivre leurs intérêts propres au
détriment des intérêts des actionnaires. Ce comportement des dirigeants peut se tra-
duire par un problème de sous-investissement ou par la concrétisation d’un risque
d’opportunisme. Les coûts d’agence résultant de cette situation comprennent :
–– des coûts directs liés aux systèmes de contrôle mis en œuvre par les
actionnaires ;
–– des coûts directs liés aux systèmes d’information et de reporting mis en œuvre par
les dirigeants à destination des actionnaires ;
–– des coûts indirects liés à l’utilisation sous-optimale des ressources.
Dans cet esprit, les opérations de croissance externe peuvent être interprétées
comme un moyen de résoudre et de minimiser les coûts d’agence en mettant sous
pression les dirigeants qui, s’ils n’agissent pas dans l’intérêt des actionnaires, peuvent
faire l’objet d’une opération hostile.
Une extension de la théorie de l’agence, appelée théorie de l’enracinement (Shleifer et
Vishny), vise quant à elle à expliquer les mécanismes mis en œuvre par certains diri-
geants pour contrer les mécanismes de contrôle. Parmi les stratégies d’enracinement,
on trouve la mise en œuvre d’investissements spécifiques, dont le processus de valo-
risation est directement lié aux savoir-faire et compétences spécifiques des dirigeants.
La mise en œuvre de certaines opérations de fusions-acquisitions s’inscrit d’ailleurs
dans cette logique.
19