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Explication de Texte Dom Juan
Explication de Texte Dom Juan
Explication de Texte Dom Juan
Au cours de l'acte IV Dom Louis, le père de Dom Juan vient l'avertir de ce qu'il risque du
point de vue de son rang s'il ne se corrige pas. L'acte V s'ouvre sur une scène où Dom
Juan déclare à son père qu'il a changé. Devant la joie de son valet Sganarelle qui croit à
la conversion de son maître, le libertin explique son stratagème.
L 5 à 8 : Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la
liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main,
ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine.
Ce passage explique la supériorité de l'hypocrisie sur les autres vices et pourquoi elle
peut passer pour vertu. « Censure » et « attaquer » renvoient à l'attitude des moralistes
Explication de texte : Molière, Dom Juan, V, 2, 1665. 2
qui combattent les vices qui se voient clairement. Le pronom indéfini « chacun »
reprend le « on » de la ligne 5 mais est plus précis puisqu'il renvoie à l'attitude, non
pas d'un groupe, mais d'un individu isolé (le nom « liberté » renvoie d'ailleurs au libre
arbitre, c'est à dire au choix que l'on doit faire entre le bien et le mal). L'expression
« tout le monde », en revanche, montre que l'hypocrisie ne peut laisser de place au
libre arbitre : ce qui en fait un « vice privilégié » (qui a des avantages que les autres n'ont
pas). L'éloge se clot par l'adjectif « souveraine » qui met en valeur la position de
supériorité.
Après les généralités sur l'époque, Molière vise plus précisément ceux qu'il a pu observer
(c'est la qualité première d'un auteur de comédie comme le rappelle Boileau dans son art
poétique), et le pronom « on » désigne n'importe quel hypocrite (mais aussi les libertins
qui se cachent derrière cette hypocrisie, puisque Dom Juan est un libertin).
L 8 à 10 : On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti (1).
Qui en choque un, se les jette tous sur les bras ;
L 10 à 13 : et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît
pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils
donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes
de leurs actions.
Les subordonnées relatives substantives « ceux que l'on sait... » et « que chacun
connaît.. » définissent les vrais dévots ( qui ne sont pas hypocrites) en reprenant les
deux pronoms indéfinis « on » et « chacun » (ce qui signifie que ce sont les mêmes que
ceux qui remarquent l'hypocrisie, ceux qui font preuve de discernement). Le nom « dupe »
signifie (qui se laisse facilement trompé) explique le résultat explicité au dessus (les
« autres » sont ceux qui ne sont pas touchés – par la grâce, donc les hypocrites) : les
deux adverbes « hautement » et « aveuglément » sont une moquerie de Dom Juan
envers les vrais dévôts, victimes des hypocrites, des « grimaciers », des « singes »
(métaphore qui renvoie aux imitateurs – sens du verbe « singer »), mais c'est aussi la
justification de Molière qui estime que ceux qui ont fait interdire sa pièce ont été
victimes d'un stratagème.
Explication de texte : Molière, Dom Juan, V, 2, 1665. 3
L 13 à 16 : Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé
adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la
religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du
monde ?
Cette phrase est une question rhétorique : Dom Juan n'attend pas de réponse de
Sganarelle, mais le public comprend qu'il fait référence (ainsi que Molière) à beaucoup de
personnes, puisque c'est un « vice à la mode » (Le prince de Conti, membre de la famille
royale libertin dans sa jeunesse, est devenu membre de la Compagnie du Saint sacrement
et a condamné dans un livre les pièces de Molière. Il attaquera Dom Juan en qualifiant la
pièce d'« école d’athéisme »). Le mot stratagème est ici à prendre au sens fort : il
s'agit d'une stratégie pour échapper aux punitions éventuelles (il s'agit de jeunes
nobles, libertins, qui risquent de perdre leur place en étant déshérités), comme le souligne
le substantif « permission ». « désordres » et « méchants » renvoient aux libertinage. La
métaphore du vêtement (« rhabillé » « manteau de la religion ») est une référence au
rôle que joue l'hypocrite qui, comme l'acteur au théâtre, porte un costume. Le
superlatif « les plus méchants hommes du monde » souligne l'efficacité du
stratagème.
L 16 à 20 : On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne
laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un
soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent
faire.
L 20 à 22 : C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes
affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et
me divertirai à petit bruit.
Dom Juan prend à son compte les avantages explicités dans la première partie de
sa tirade. « sans me remuer », c'est à dire sans avoir besoin de se défendre par lui-
même : faisant partie d'un groupe, c'est celui-ci qui prendra sa défense (le futur marque sa
certitude) : la cabale est le parti des faux dévots qui doivent faire corps pour se protéger,
comme le souligne la tournure passive : « je serai défendu ». L'opposition entre « je » et
« tous » place l'hypocrite en position de force, ce que signifie la deuxième phrase du
passage : « impunément » reprend le lot « permission » de la ligne 16 (ce qui est valable
pour les uns est aussi valable pour Dom Juan). Le but du stratagème est le « bon
plaisir » du libertin : « tout ce que je voudrai ».
L 31 et 32 : C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit
s’accommode aux vices de son siècle.
La conclusion de cette tirade met en avant la psychologie de l'hypocrite (et du libertin)
en tant que stratège. Le verbe « falloir » et l'expression « sage esprit » reprend l'idée
Explication de texte : Molière, Dom Juan, V, 2, 1665. 5
d'une contre-morale (il n'y a rien de nécessaire ici et le libertin ne peut pas être considéré
comme un sage esprit). Le stratagème s'appuie sur les « faiblesses » des hommes,
c'est à dire que le stratège use de sa supériorité pour les manipuler.