Analyse Linéaire Gargantua

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Analyse linéaire Gargantua 1

Introduction :

Rabelais est connu pour être l’un des grands humanistes du XVIème siècle. Ce mouvement se caractérise par la foi en
l’homme qui est placé au centre de l’univers, et par un appétit de savoir. Rabelais en est le meilleur exemple car il est
un clerc toute sa vie, puis se tourne vers la médecine en 1530. Deuxième roman de François Rabelais écrit en 1534,
Gargantua raconte l’histoire du personnage éponyme. L’extrait soumis à notre étude est tiré du chapitre 17 de
Gargantua. Ce chapitre rompt avec la tradition en exploitant le thème du gigantisme. Après l’échec de l’éducation
menée par ses précepteurs sophistes, Gargantua part avec un nouveau précepteur, Ponocrates, qui représente les
idéaux humanistes de Rabelais. Mais, arrivé à Paris, Gargantua suscite l’intérêt des habitants.

LECTURE

Problématique : En quoi cet épisode héroïcomique met en scène un combat carnavalesque entre le géant
évangélique et le géant sorbonnien.

Pour cela, nous étudierons les 3 mouvements de l’extrait qui sont des l.1 à 8, l’introduction de la farce du géant
comprenant les premiers indices de la satire, des l.9 à 14, le gigantisme et l’héroïcomique de ce géant, puis nous
finirons par la revendication d’une étymologie fantaisiste des l.14 à 21.

I – Introduction de la farce du géant comprenant les premiers indices de la satire (l.1-8)

 Il faut d’abord rappeler que le narrateur de ce livre est Alcofribas Nasier, l’alter ego de Rabelais. C’est le
masque comique dont Rabelais se vêtit pour démasquer le mal et l’exposer au ridicule. Il s’agit donc tout à la
fois de Rire et savoir.
 En effet, dès la première phrase, Alcofribas Nasier nous fait sourire en introduisant le motif du gigantisme :
Gargantua aiguise la curiosité des Parisiens par son allure de géant qui est singulière, avec l’hyperbole « tout
le monde l’admira ».
 Le récit laisse alors place au commentaire du narrateur fait grâce à la gradation rythmique l.2 « si sot, si
badaud, et si inepte » qui ouvre pleinement la satire. Les trois adjectifs dépréciatifs « sot », « badaud »,
« inepte » mettent en valeur la bêtise du peuple de Paris.
 Le narrateur utilise le lexique du spectacle et de la fête qui provoque le sourire du lecteur, « un bateleur »,
« un mulet avec ses cymbales », « un joueur de vielle » pour dénoncer la sottise des Parisiens.
 Le GN « un porteur de reliques » (l.2) désigne un religieux qui porte des indulgences. Ces indulgences
représentaient un commerce lucratif pour l’église. C’est donc une satire de l’église qui profite de la crédulité
des Parisiens.
 Au-delà de cette critique, Rabelais révèle le conflit entre deux conceptions religieuses, la Sorbonne avec le
GN « un porteur de reliques » qui renvoie aux superstitions religieuses, et l’évangélisme le GN « un bon
prêcheur évangélique ».
 Le narrateur explique ensuite la réaction de Gargantua qui s’est réfugié sur les tours de l’église Notre-Dame,
et en explique la cause, le harcèlement des Parisiens, grâce au verbe « poursuivirent », la forme passive « il
fut contraint » qui montre qu’il est acculé, et le CC de cause « voyant tant de gens autour de lui ».
 Le passage au discours direct dynamise le récit et fait entendre la justification de Gargantua. Sa grossièreté,
mise en avant par le terme dépréciatif « maroufles » est motivée par le mauvais accueil des parisiens. Il
s’agit donc d’une vengeance.
 Cet extrait mêle bien « Rire et savoir » car Gargantua semble se ranger du côté de la raison avec l’expression
impersonnelle « C’est juste » mais le jeu de mot final « par ris » rappelle la plaisanterie.

II – Le gigantisme et l’héroïcomique de ce géant (l.9-14)

 Nous pouvons noter qu’à la violence du harcèlement des Parisiens s’oppose le sourire du géant, avec le
verbe au gérondif « en souriant ». Ce sourire se traduit par l’humour grivois et scatologique de Rabelais avec
l’hyperbole « sa belle braguette », l’image très évocatrice « tirant son membre » et le verbe « compissa ».
 Le narrateur met en place la parodie d’un épisode épique sur le mode héroïcomique. En effet, nous sourions
devant le flot d’urine qui remplace le flot de sang propre au combat épique des chevaliers du Moyen-Âge. Il
utilise pour cela l’hyperbole avec l’adverbe d’intensité « si » qui complète l’adverbe « énergiquement » qui
rappelle le gigantisme de Gargantua, et le chiffre « 260 418 » qui est exagéré.
 L’hyperbole « il en noya 260 418 » introduit une nouvelle parodie, celle d’un épisode biblique, le déluge. Elle
participe de l’héroïcomique puisqu’un géant urinant est associé à un épisode de la Bible. L’expression « Sans
compter les femmes et les enfants » est d’ailleurs récurrente dans la Bible.
 Après avoir insisté sur les noyés, Alcofribas Nasier oppose le nombre des victimes « 260 418 » à celui des
rescapés « Un certain nombre d’entre eux ». Ils sont peu et se distinguent par leur lâcheté comme le montre
la métaphore de la fuite « la légèreté de leurs pieds ».
 On peut ensuite relever « la montagne de l’université » qui est une périphrase désignant la Sorbonne et par
extension les prêtres qui enseignent, et qui met en valeur la lâcheté des prêtres.
 La succession de participes présents, et une allitération en « s » renvoient à la respiration haletante des
moine et contribuent à la satire des Sorbonnagres, accentuée par les termes « blasphémer » et « jurer », qui
montrent leur impiété.
 Les rescapés implorent des saints inconnus comme « sainte Mamie » ou profèrent des formules magiques
chassant les démons « Carimari Carimara ». La formule résonne de façon humoristique à l’oreille par les
assonances en « i » et « a ». Rabelais fait ici la satire des « Sorbonnagres » qui ont condamné Pantagruel
pour obscénité.
 On a l’impression qu’Alcofribas Nasier grâce à la métaphore du baptême « vous nous baignez par ris »,
plonge les Parisiens dans le récit d’un combat carnavalesque entre le géant évangélique et le géant
sorbonnien.

III- La revendication d’une étymologie fantaisiste (l.14-21)

 Tout d’abord, le narrateur parsème son explication de références farfelues. En effet, selon lui, le toponyme
« Paris » viendrait de la parole des parisiens « baignez par ris ». Ce calembour qui crée une étymologie
fantaisiste laisse transparaître la jouissance verbale de l’écrivain.
 Le narrateur s’appuie sur un argument d’autorité avec la référence au géographe grec « Strabon » pour
donner l’impression que son étymologie est vraisemblable.
 La collision entre la référence à une autorité reconnue et l’interprétation fantaisiste qu’en fait le narrateur
relève de l’héroïcomique. Strabon a existé mais n’a jamais fait dériver le nom « Lutèce » de « Blanchette, à
cause des blanches cuisses des dames du lieu ».
 Même si elles nous font rire, les étymologies du narrateur se rangent davantage du côté de la satire des
parisiens. En effet, ils sont présentés comme impies avec le verbe « jurèrent » associé aux « saints de leur
paroisse » (l.17/18).
 La paronomase finit de faire la satire de ces Parisiens car elle confond deux univers, celui du blasphème
« bons jureurs » et celui du droit, « bons juristes ».
 La dernière étymologie de Paris se veut tout aussi fantaisiste que les précédentes puisque selon Alcofribas
Nasier, le nom Parisien tirerait son origine du grec « Parrhesiens » qui signifie l.21 « hardis en paroles ». Les
parisiens parleraient trop et diraient n’importe quoi. Le narrateur suggère cette critique grâce à la répétition
de la conjonction de coordination « et » l.19, qui finit par un euphémisme ironique « quelque peu
vaniteux ».
 Le narrateur convoque encore une fois une autorité l.19/20, il s’agit cette fois de « Joanimus de Barranco »,
mais le livre et l’auteur sont imaginaires. Rabelais joue donc sur ses connaissances et mêle le vrai et le faux.

Conclusion :

Ainsi, cet épisode héroïcomique révèle une structure à deux niveaux : tout d’abord le sens littéral qui renvoie à une
histoire de géant dont l’objectif est de faire rire le lecteur, puis un sens plus profond qui permet de saisir la satire des
Parisiens. Rabelais met en scène avec humour, un combat entre le géant évangélique et le géant sorbonnien. Cette
satire des parisiens se poursuit avec la harangue de Janotus de Bragmardo, véritable parodie de la réthorique
sophiste, au chapitre 19.

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