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La poésie
Re
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Calligrammes
Poèmes de la paix
et de la guerre
(1913-1916)
Guillaume Apollinaire
Édition d’Isabelle Schlichting

Prenez des lettres, des mots, des phrases. Disposez-


les sur une feuille blanche de façon que les phrases,
les mots, les lettres composent des figures… Alors que
la guerre de 14-18 accable le monde, dans le même
temps, l’esprit nouveau surgit et souffle sur la poésie
avec enthousiasme. Le poète-soldat Apollinaire
ouvre des horizons : du jamais vu et du jamais lu.
ISBN 978-2-7011-4881-6
128 pages - 5,50 e

livret pédagogique

Arrêt sur lecture 1


p. 65-70

Un quiz pour commencer p. 65-66


1 Étymologiquement, que signifie le mot « calligrammes » ? Belles lettres.

2 Dans ce recueil, comment les poèmes sont-ils disposés sur la page ? Ils mêlent textes et dessins.

3 Les poèmes de Calligrammes sont-ils construits en vers réguliers (vers qui comportent toujours
le même nombre de syllabes) ? Parfois.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

4 Comportent-ils des signes de ponctuation ? Jamais.

5 Quelle est l’attitude du poète à l’égard des objets et inventions de la modernité ? Il les admire et
les met en scène.

6 Dans quel poème Apollinaire évoque-t-il l’entrée en guerre de la France ? Dans « La petite auto »
(p. 51).

7 Comment Lou, la femme aimée, apparaît-elle dans le dernier poème de la section


« Étendards » ? Cruelle.

1
Ca l l i gra m m e s

Des questions pour aller plus loin p. 66-68


* Repérer les innovations poétiques du recueil

Poèmes à lire, poèmes à voir


1 Observez les différents poèmes de cette partie du recueil : pourriez-vous les classer en trois ou
quatre catégories selon la façon dont ils sont disposés sur la page ? On peut proposer un classe-
ment en trois grandes catégories : les poèmes disposés linéairement (par exemple « Les fenêtres ».
On peut distinguer poèmes en vers libres et en vers réguliers) ; ceux qui sont composés d’un ou plu-
sieurs dessins, tantôt figuratifs (« Paysage », « La cravate et la la montre »), tantôt plus énigmatiques
(« Voyage ») ; et ceux qui mêlent vers libres et dessins (« Lettre-océan », « 2e canonnier conducteur »).
2 « Lundi rue Christine » (p. 29). Pourquoi, selon vous, Apollinaire a-t-il parlé de « poème-conver-
sation » à propos de ce texte ? Le « je » des vers 13 à 17 est-il celui du poète ? « Lundi rue Christine »
serait né de fragments de propos recueillis par Apollinaire dans un café. Ce poème est donc un collage
de bribes de conversations dont la seule unité réside dans le lieu et le moment indiqués par le titre.
Les différences de thèmes et de registres permettent de distinguer plusieurs échanges. Le « je » qui
apparaît à quatre reprises entre les vers 13 et 17 ne se confond pas avec celui du poète. Il ne renvoie
d’ailleurs pas à une seule personne mais à deux, voire trois locuteurs (celui qui ne veut pas payer sa
propriétaire, celui qui partira à 20 h. 27 et qui n’est pas forcément le même que celui qui craint les
embrouilles). On n’entend avec certitude la voix du poète, en un clin d’œil malicieux, qu’au vers 10 : « Ça
à l’air de rimer ».
3 Repérez différents niveaux de langue utilisés dans ce poème en donnant un exemple pour cha-
cun d’eux. Le poème s’ouvre sur des vers qui relèvent du niveau de langue courant mais dès le vers
3 les niveaux de langue se brouillent : « un type » est familier quand « maintînt » (subjonctif imparfait)
est soutenu. Ces changements de niveau de langue caractérisent tout le poème (ainsi, le vers 13 est
familier et même argotique quand le « Cher monsieur » du vers 18 est soutenu).
4 « Le musicien de Saint-Merry » (p. 36). Le personnage qui joue de la flûte et entraîne toutes les
femmes ne vous rappelle-t-il pas un personnage légendaire ? L’« inconnu à la flûte », le « mélodieux
ravisseur » de ce poème peut évoquer la figure d’Orphée mais rappelle surtout le légendaire joueur de
flûte qui fut appelé par les habitants de la ville de Hamelin pour faire œuvre de dératiseur. Il joua de
la flûte et attira ainsi tous les rats jusqu’à la rivière de la ville où ils se noyèrent. Malgré cette réussite,
les habitants de Hamelin refusèrent de le payer. Il revint donc plus tard, prit sa flûte et, cette fois, ce
sont les enfants du village qui le suivirent jusqu’à une grotte qui se referma sur eux, ou, selon d’autres
versions de la légende, jusqu’à la rivère où ils se noyèrent.
5 En quoi ce texte dépeint-il un monde qui « vit et varie » (v. 54) ? Cette évocation un peu fantas-
tique du musicien de Saint-Merry se mêle à un thème élégiaque (l’absence de la femme aimée) mais
aussi à l’évocation d’autres scènes qui ont eu lieu dans le passé (le roi qui s’en allait à Vincennes) ou
bien qui se passent « ailleurs au même instant » : un train qui part, les pigeons des Moluques, une mis-
sion catholique en Afrique, une jeune fille en Allemagne… On peut ici parler, en empruntant un terme
forgé par Apollinaire lui-même, de « simultanisme » : le poème saisit scènes et émotions simultanées,
restituant ainsi l’abondance et la diversité d’un réel qui « vit et varie ».
6 « Lettre-Océan » (p. 31). Quels sont les éléments qui signalent que ce poème est aussi une lettre,
adressée par Apollinaire à son frère parti au Mexique ? « Lettre-Océan » est le premier « idéogramme
lyrique » publié par Apollinaire. Le titre constitue bien sûr la première indication : ce poème est une
« lettre-océan » adressée à son « frère Albert » qui « partit pour le Mexique » et se trouve à Mexico. Le
poète le dit clairement : « je t’envoie cette carte aujourd’hui » – c’est-à-dire, selon l’indication postale, le
29 mai 1914. Le poème reproduit d’ailleurs divers cachets postaux.
7 Trois champs lexicaux dominent dans ce poème : le Mexique, la modernité et les bruits de la
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

modernité. Relevez les mots et expressions qui appartiennent à chacun d’eux. Champ lexical du
Mexique : Mexique, Vera Cruz, Coatzacoalcos, Republica mexicana, tarjeta postal, Correos Mexico 4
centavos, Ypiranga, les Mayas, Chapultepec. Champ lexical de la modernité : TSF, gramophone, auto-
bus, sirènes, cablogramme. (On peut ajouter à cette liste l’évocation de la tour Eiffel.) Champ lexical
des bruits de la modernité : gramophone, « Hou ou ou » des sirènes, « roo oo ro ting ting » des auto-
bus.
8 Trouvez l’indice qui vous permettra de comprendre à quel monument parisien célèbre renvoie
chacun des deux dessins circulaires. Ces dessins ne peuvent-ils évoquer autre chose encore ? Les
deux dessins circulaires renvoient à la tour Eiffel, située « sur la rive gauche devant le pont d’Iéna » et
« haute de 300 mètres ». Elle est dessinée en plan, comme vue d’en haut. Sa capacité à transmettre

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Ca l l i gra m m e s

des messages grâce à la TSF est évoquée. Le poète semble chercher à établir le contact avec son frère
par tous les moyens modernes de communication (câble, lettre-océan, TSF). Mais ces dessins à douze
rayons peuvent aussi évoquer d’une part une montre, renvoyant au thème du temps si présent dans
l’œuvre d’Apollinaire, d’autre part le soleil et donc le poète solaire lui-même. Car c’est aussi par la puis-
sance de sa création poétique (« cré crré cré » font ses chaussures neuves) qu’il espère transmettre
un message à son frère.

9 Le titre de la première partie de ce recueil est « Ondes ». Expliquez en quoi ce poème joue sur
les différents sens de ce mot (c’est ce qu’on appelle un mot « polysémique »). L’onde c’est d’abord
l’eau de l’océan – que doit franchir cette lettre pour parvenir à son destinataire. Mais cet océan est
également parcouru de vagues, c’est-à-dire d’ondes figurées, peut-être, par les triples lignes ondulées
du poèmes. Enfin des ondes sont transmises depuis la tour Eiffel.

Les poèmes-dessins
J Essayez d’identifier tous les poèmes-dessins des deux sections « Ondes » et « Étendards ». Dans
« Paysage », on identifie une maison, un arbre, un cigare, une silhouette. On a déjà évoqué les motifs
circulaires de « Lettre-océan », qui renvoient aussi bien à la tour Eiffel qu’à une horloge ou un soleil.
« La cravate et la montre » représente… une cravate et un cadran de montre ! Les figures de « Voyage »
sont plus énigmatiques : le nuage, l’oiseau et le train sont aisément identifiables mais la partie infé-
rieure est plus mystérieuse : le texte (qui exige lui-même un déchiffrage) laisse à penser qu’il s’agit
d’un ciel étoilé. Aucun mystère en revanche pour « Cœur couronne et miroir », « Il pleut » et « La man-
doline, l’œillet et le bambou », « La colombe poignardée et le jet d’eau ». Dans « La petite auto », le
dessin inséré dans le texte représente vraisemblablement une auto… mais on peut imaginer qu’il s’agit
d’un char aussi. Cigarette ou cigare dans « Zone ». Dans « 2e canonnier conducteur », on reconnaît un
fusil (ou une mitrailleuse), une botte (évoquant les « pas pesants aux pieds boueux »), la tour Eiffel. Les
deux autres figures sont plus énigmatiques : sac et obus ?
On note que la plupart des dessins sont identifiables et que le titre permet souvent de lever toute
ambiguïté. Cependant, certains demeurent sujets à interprétation.
K Quelles sont les questions que le lecteur est amené à se poser en découvrant un poème-dessin ?
En quoi ses habitudes de lecture sont-elles perturbées ? On ne commence pas par lire un poème-des-
sin mais par le saisir du regard dans sa globalité pour l’identifier et se poser une première question : de
quelle figure s’agit-il ? On s’attache ensuite au texte, ce qui amène à se poser d’autres questions : dans
quel sens lire le texte ? Pour plusieurs poèmes en effet, la lecture ne se fait pas de gauche à droite
mais de droite à gauche ou bien de haut en bas ou de bas en haut… et il y a souvent plusieurs sens de
lecture pour un même poème, ce qui perturbe d’autant plus nos habitudes de lecture. Lorsqu’il y a plu-
sieurs figures, d’autres questions s’imposent : par quelle figure commencer la lecture ? Doit-on cher-
cher à établir un lien entre ces figures ? Ce lien est-il prévu par le poète ou bien sommes-nous libres de
l’établir ou non ? Autant de questions qui prouvent que ces poèmes ne sauraient s’accommoder d’une
lecture passive. Le sens n’est pas donné : le lecteur doit le construire et peut-être l’inventer.
L « Paysage » (p. 17). Que représentent les dessins qui composent ce poème ? Pouvez-vous deviner
pourquoi dans la maison « naissent les étoiles et les divinités » ? Dans « Paysage », chaque figure
est comme élucidée par le texte (la maison, cet arbrisseau, un cigare) même si la dernière est moins
claire : s’agit-il de la silhouette d’un amant ou du poète (« mes membres ») ? La maison désignée dans
la première figure (« voici la maison ») est celle dessinée par les lettres du poème et non une maison
réelle : dans cette maison de poésie peuvent donc naître étoiles et divinités. C’est du pouvoir créateur
du poète qu’il s’agit.
M « La cravate et la montre » (p. 40). Le remontoir de la montre (« Comme l’on s’amuse bien »)
invite au jeu : le texte se présente comme un rébus. En le lisant dans le sens des aiguilles d’une mon-
tre, essayez de comprendre les liens entre les mots du cadran et l’heure à laquelle chacun d’eux est
associé (exemple : « semaine » pour 7 heures). La montre présente plusieurs rébus : on n’a qu’un cœur
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

mais on a deux yeux ; l’enfant n’existe pas sans père et mère : le trois est donc comme figuré par cette
trinité familiale ; Agla est un prénom de quatre lettres et c’est un mot sacré composé des lettres initia-
les de quatre mots hébreux (Athab gabor leolam Adonaï : « vous êtes puissant et éternel, Seigneur ») ;
la main a cinq doigts ; le prénom Tircis comporte six lettres et fait entendre « six » ; la semaine a sept
jours ; le signe de l’infini (`) redressé est bien un huit ; les Muses sont neuf (et Apollinaire évoque sou-
vent les neuf portes du corps de ses maîtresses dans sa correspondance mais on n’est pas obligé de
le préciser aux élèves !) ; dix lettres dans « bel inconnu » (référence au roman médiéval Le Bel inconnu
de Renaud de Beaujeu ?) ; les œuvres de Dante sont en grande partie composées en hendécasyllabes
(vers de 11 syllabes) et les heures sont au nombre de douze. On peut noter la variété de la culture à
laquelle Apollinaire fait appel pour composer ce rébus.

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Ca l l i gra m m e s

N Comment comprenez-vous le rapprochement entre la cravate et la montre ? Que peut donc vou-
loir dire le poème ? La cravate et la montre peuvent représenter deux aspects de l’existence humaine :
la première renvoie à une dimension sociale, jugée contraignante (la cravate est « douloureuse ») ; la
seconde évoque le temps, thème omniprésent chez Apollinaire. L’évocation d’un vers « cadavérique »
et d’un moment où « tout sera fini » laisse affleurer la dimension tragique d’un temps qui nous voue
à la mort. Mais ces aspects sombres de la vie (contraintes sociales, perspective de la mort) sont pris
dans une dynamique plus joyeuse : la cravate est aussi un « ornement » qu’on peut enlever ; la montre
invite à jouer (« comme l’on s’amuse bien »), évoque l’amour (« mon cœur »), la naissance (« l’enfant »),
l’art (Tircis, « les Muses », Dante) et affirme que « la beauté de la vie passe la douleur de mourir ». En
somme ce poème reprend plusieurs thèmes chers à Apollinaire et les met en œuvre de manière à la
fois mélancolique et ludique.
O « Cœur couronne et miroir » (p. 46). Déchiffrez et reconstituez le texte de ce calligramme. Vous
en préparerez ensuite la lecture à haute voix. « Mon cœur pareil à une flamme renversée » ; « Les rois
qui meurent tour à tour renaissent au cœur des poètes » ; « Dans ce miroir je suis enclos vivant et vrai
comme on imagine les anges et non comme sont les reflets ».
P Quel univers littéraire les trois objets représentés évoquent-ils ? Comment Apollinaire parvient-il
à évoquer ici le pouvoir de la poésie ? Le cœur, la couronne et le miroir évoquent l’univers des contes
de fées (on pense en particulier à Blanche-Neige). Ce calligramme met en scène le pouvoir de création
et de vérité de la poésie : elle peut faire renaître des rois morts, susciter des images vraies et vivantes
et non de simples reflets. On peut rapprocher ce thème de la maison « où naissent les étoiles et les
divinités » de « Paysage ». Les dessins, tous symétriques, jouent aussi sur la figure du renversement
(le cœur, si on le renverse, devient une flamme ; on lit le miroir de bas en haut puis de haut en bas),
illustrant ainsi le pouvoir de transfiguration de la poésie.
Q « La colombe poignardée et le jet d’eau » (p. 58). La mise en page de ce calligramme est l’une des
plus construite : décrivez-la. Ce calligramme est composé de trois éléments qui s’étagent sur la page,
créant un effet de verticalité. En bas le bassin d’une fontaine d’où jaillissent des jets d’eau qui touchent
une colombe. Celle-ci est représentée, ailes écartées, par des caractères de différentes tailles. Le « C »
initial figure sa tête penchée. En bas de la page le « O » en gras figure le centre du bassin dont les jets
sont représentés par une série de vers disposés en courbes symétriques.
R Recopiez le texte du jet d’eau en le disposant de façon à obtenir 14 vers. Que remarquez-vous
concernant ces vers ?
Tous les souvenirs de naguère
Ô mes amis partis en guerre
Jaillissent vers le firmament
Et vos regard en l’eau dormant
Meurent mélancoliquement
Où sont-ils Braque et Max Jacob
Derain aux yeux gris comme l’aube
Où sont Raynal Billy Dalize
Dont les noms se mélancolisent
Comme des pas dans une église
Où est Cremnitz qui s’engagea
Peut-être sont-ils morts déjà
De souvenirs mon âme est pleine
Le jet d’eau pleure sur ma peine
Ces 14 vers (on pense à un sonnet) sont tous des octosyllabes.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

S Que symbolise habituellement la colombe ? Pourquoi ici est-elle « poignardée » ? En quoi cela
éclaire-t-il le texte du poème ? La colombe (depuis le récit biblique du déluge) symbolise la paix : si elle
est poignardée, c’est évidemment que la guerre a éclaté, suscitant l’évocation de toutes les femmes
aimées et de tous les amis partis au front, peut-être « morts déjà ». La mélancolie de ce poème se fait
de plus en plus poignante car elle ne naît pas seulement du sentiment du temps qui passe mais aussi
de la mort qui menace (et emportera en effet René Dalize à qui le recueil est dédié).

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Ca l l i gra m m e s

De la lecture à l’écriture p. 69
Des mots pour mieux écrire
1 Dites à quel champ lexical appartiennent ces adjectifs tirés du poème « Les collines » (p. 18) et
employez chacun d’eux dans une phrase de votre invention : solaire, incandescent, ardent, radieux,
flamboyant, lustré, ensoleillé, doré. Ces adjectifs appartiennent au champ lexical de la lumière.
2 Cherchez le sens de ces termes qui apparaissent dans « Ondes » et précisez à quel « ailleurs » (lieu
ou époque) ils renvoient : spleen, mânes, talisman, pavoiser (pour un navire), pastoral, saltimbanques.
Le spleen est une sorte de mélancolie. Le terme est un emprunt à l’anglais et apparaît en français à
partir du xviiie siècle. Il connaît une fortune nouvelle sous la plume de Baudelaire.
Mânes : le terme, toujours au pluriel, est emprunté au latin Manes qui désignent les esprits des morts
qu’on essaie de se concilier. Parler de « Mânes », en général par figure de style, c’est donc toujours se
référer à l’antiquité.
Un talisman est un objet auquel on attribue des pouvoirs magiques de protection. Le terme est un
emprunt à l’arabe moderne (le terme arabe tilsam dérivant lui-même du grec telesma, rite religieux).
Pavoiser signifie au sens propre « parer le bateau de ses pavois », c’est-à-dire de pavillons le plus sou-
vent décoratifs (voir dans « Les Collines », le « grand navire pavoisé »). Le verbe a pris le sens figuré
d’afficher sa joie ou son triomphe. Les termes « pavois » et « pavoiser » au sens propre rappellent sou-
vent, comme dans ce poème, un univers de roman médiéval.
Pastoral signifie champêtre. Il est dérivé du latin pastor (berger, pasteur) et connote souvent un uni-
vers bucolique (la pastorale est un genre littéraire depuis le xvie siècle).
Saltimbanque est emprunté au xvie siècle à l’italien saltimbanco (saute-en-banc) pour désigner un
bateleur qui se produit sur les places publiques.

Du texte à l’image p. 70
(Image reproduite en couverture)

Lire l’image
1 Réussissez-vous à déchiffrer tout le texte de ce calligramme ? Recopiez ce que vous parvenez à
lire. Le texte est malaisé à déchiffrer. On peut lire :
Pourquoi il y a… des fleurs…
Et des fleurs toujours ouvertes
L’amour…
Et tout finit dans les parfums
Revenez… pleurez…
Souvenez-vous en
Laisse s’ouvrir la fleur et laisse pourrir le fruit et laisse germer la graine tandis que soufflent les tempêtes
2 Ce calligramme reprend des motifs et des thèmes traditionnels de la peinture comme de la poé-
sie. Lesquels ? Apollinaire reprend ici un motif classique de la nature morte : le bouquet de fleurs dans
un vase. Il décline des thèmes tout aussi classiques de la poésie lyrique : l’amour, la beauté des fleurs,
les pleurs – mais aussi, et c’est plus inattendu, le cycle de la vie et de la mort. Même si l’on ne parvient
pas à déchiffrer tout le texte, donc, ce calligramme paraît à la fois élégiaque et optimiste.

Comparer le texte et l’image


© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

3 Comparez ce calligramme avec « Cœur, couronne et miroir » (p. 46) : qu’ont-ils en commun ?
Qu’est-ce qui les distingue visuellement ? Le point commun entre le calligramme reproduit en conver-
ture et « Cœur couronne et miroir » est bien sûr qu’il s’agit de deux calligrammes : la disposition du
texte dessine une figure nettement identifiable et dont il est question dans le texte. Mais outre que
d’un côté on a un dessin unique (le bouquet de fleurs) et un texte manuscrit et de l’autre trois figures
et un texte typographié, ce qui distingue nettement ces deux calligrammes, c’est l’usage de la couleur
pour celui destiné à l’exposition d’Irène Lagut.
4 Ces différences ne peuvent-elles pas s’expliquer par les circonstances de création de ce calli-
gramme ? Les touches de couleurs font en effet écho à une exposition de peinture, d’autant qu’Irène
Lagut était principalement aquarelliste.

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Ca l l i gra m m e s

Arrêt sur lecture 2


p. 120-126

Un quiz pour commencer p. 120-121


1 Où et quand l’ensemble des poèmes de « Case d’armons » a-t-il été édité pour la première fois ?
Directement sur le front, de manière manuscrite.
2 Quelle est la particularité de « Lueurs des tirs » par rapport aux autres sections du recueil ? Elle
ne comporte pas de poème-dessin.
3 L’une des occupations favorites des soldats entre les combats est évoquée plusieurs fois par le
poète. Laquelle ? Ils confectionnaient des bagues pour les offrir aux femmes.
4 L’un de ces objets apparaît dans de nombreux poèmes. Lequel ? L’obus.
5 Quel sentiment domine selon vous chez le soldat-poète Apollinaire ? Le patriotisme.
6 Qui est « le servant de Dakar » ? Un jeune sénagalais servant sous le drapeau français.
7 Comment le spectacle de la guerre est-il caractérisé dans ces poèmes ? Il est magnifique et hor-
rible à la fois.
8 Que désigne l’expression imagée : « le palais du tonnerre » ? La tranchée.
9 Dans ces sections apparaît une nouvelle figure féminine. Qui est-ce ? Madeleine.

Des questions pour aller plus loin p. 122-123


* Percevoir les multiples facettes de l’évocation de la guerre

Une évocation réaliste de la guerre


1 Relisez « SP » (p. 74), « 14 juin 1915 » (p. 82) et « Le palais du tonnerre » (p. 104) et relevez tous les
renseignements que ces poèmes nous livrent sur la vie réelle des soldats au front. « SP » mentionne
la fameuse case d’armons qui contenait souvent de quoi se protéger contre le gaz ypérite (lunettes,
masque). « 14 juin 1915 » évoque les changements de secteur (qui étaient assez fréquents et tenus
secrets) ainsi que le courrier, attendu avec impatience par les soldats. « Le palais du tonnerre » décrit
assez bien les tranchées : boyaux humides, souvent infestés par les rats, pleins de fils de fer. Les vête-
ments bleus des soldats y sont énumérés (manteau, musette, casque, vareuse).
2 « Les soupirs du servant de Dakar » (p. 86). Analysez le sens et la valeur du mot « blanchi » dans
le vers : « Je suis soldat français on m’a blanchi du coup » (v. 54). Relevez, dans ce poème, des vers
qui dénoncent le colonialisme. « Je suis soldat français on m’a blanchi du coup » : ce vers joue évidem-
ment sur le double sens du participe « blanchi ». Le servant sénégalais, enrôlé dans l’armée française,
en est devenu comme « blanc » de peau car il est traité de la même manière que les soldats blancs.
Il a été aussi « blanchi » au sens figuré : on lui a pardonné sa faute qui est naturellement d’être noir.
Le jeu de mot est ironique comme le sont les vers qui précèdent : « Je ne sais pas mon âge / Mais au
recrutement / On m’a donné vingt ans ». Plus loin, la question de la hiérarchie des valeurs instaurée
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

par le colonialisme est posée : « Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir / Pourquoi ne pas
danser et discourir / Manger et puis dormir ».

La transfiguration de la guerre par l’imaginaire


3 « De la batterie de tir » (p. 83). Quelle est la particularité des contrées évoquées dans les vers 2
et 3 du poème ? Quelle est la tonalité de ce texte ? Toutes ces contrées sont imaginaires. Le « nous »
collectif et héroïque, l’apostrophe à la France, les images et l’emphase du « ô » contribuent à donner à
ce poème une tonalité épique.
4 « L’adieu du cavalier » (p. 103). Essayez d’expliquer d’où provient l’ironie du poème. Comment
peut-on interpréter le passage de « Ah Dieu ! » (v. 1) à « Adieu ! » (v. 5) ? L’ironie de ce poème résulte

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Ca l l i gra m m e s

du contraste entre un ton à la fois badin et légèrement mélancolique, le rire de la jeune femme et la
fin tragique du soldat. La guerre est « jolie », on y polit des bagues, on y pense à des femmes rieuses
mais on y meurt aussi. Le calembour sur « Ah Dieu ! » / « Adieu » souligne légèrement ce passage du
jeu à la mort.

L’ambivalence de la guerre
5 « Fête » (p. 90). Relevez les termes qui sont inattendus dans ce texte sur la guerre. Comment ce
poème exprime-t-il l’ambivalence de la guerre, horrible et belle à la fois ? Le premier terme à relever
est le titre : « Fête ». S’y rattachent « feu d’artifice », « charmant éclairage », « artifice d’artificier ». Mais
on peut aussi noter les termes liés à l’évocation de l’amour : « seins », « roses », « hanche », « cares-
sent ». La dimension spectaculaire de la guerre, qui ressemble à un feu d’artifice, ainsi que la pensée
de l’amour, semblent en adoucir le tableau… mais la présence de la mort n’en est que plus terrible :
évocation d’une épitaphe, terme « mortification ».

6 « Les saisons » (p. 92). Quel effet produit la répétition, à quatre reprises, du même quatrain ? Dites
quel est le niveau de langue de ces vers en précisant s’il correspond à celui des autres strophes. Ce
quatrain, répété quatre fois, produit l’effet d’un refrain – refrain d’une joyeuse chanson de soldat (avec
l’argotique « artiflot »). Il contraste nettement avec le niveau de langue soutenu des autres strophes
qui sont, en outre, construites en alexandrins.

7 « La nuit d’avril 1915 » (p. 95). Sur quelle métaphore le début du poème est-il fondé ? Montrez que
la suite du texte introduit des images plus inquiétantes. Le début du poème repose sur la métaphore,
déjà vue, de la fête : ciel étoilé, forêt merveilleuse, bal, musique – mais d’emblée la mitrailleuse est
présente, le mot demandé est qualifié de « fatal » et le cœur comparé à un « obus éclaté ». La mort est
omniprésente (« mourir », « sang », « périr », « morts »).

8 « Fusée » (p. 111). Que remarquez-vous dans la mise en page de ce poème ? Montrez que le poète
mêle différents tons, différents thèmes et diverses sources d’inspiration. La mise en page de ce
poème est très libre : vers libres, un quatrain initial puis alternance de vers isolés et de distiques.
Le poème s’ouvre sur des vers plutôt lyriques mais mêle ensuite description prosaïque de la réalité
des soldats (« Le mégaphone crie / Allongez le tir »), allusion à une ritournelle enfantine (« une sou-
ris verte »), retour de la pensée de l’amour (hanches, « chérubins fous d’amour »). Il s’achève enfin
à la manière d’un psaume ou d’un cantique. Poésie amoureuse ou biblique, réalisme militaire, chan-
son enfantine : diverses veines se mêlent dans ce poème, comme dans toute l’œuvre d’Apollinaire qui
refuse de distinguer entre une haute et une basse culture.

L’amour à la guerre
9 Les sept premiers poèmes de « Lueurs des tirs » sont une évocation de l’amour passé entre
Guillaume Apollinaire et Marie Laurencin. En quoi ces poèmes constituent-ils une unité du point
de vue de la forme (nombre de syllabes par vers et rimes) ? Relevez images et expressions qui
renvoient à l’amour perdu. Chacun de ces sept poèmes est constitué de deux quatrains – à l’excep-
tion de « La boucle retrouvée » qui en comporte trois. Les vers sont tous des octosyllabes. Tous évo-
quent l’amour perdu : départ et exil dans « La grâce exilée », appel à la mémoire et au souvenir dans
« La boucle retrouvée », passé simple ou imparfait mélancoliques dans « Refus de la colombe » et
« Tourbillon de mouches », dédains, regrets et braise dans « Les feux du bivouac », adieu et mort dans
« L’adieu du cavalier ».

J Pourquoi, à votre avis, Apollinaire consacre-t-il un poème à une photographie (p. 107) ? Dans
ses lettres de guerre, Apollinaire demande souvent des photographies à ses correspondantes : il
les demande, les attend puis les commente abondamment. On imagine facilement l’importance
de ces clichés pour les soldats en temps de guerre : ils les rattachaient à leur vie d’homme, au
monde civil.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

K La « petite voyageuse alerte » (« L’inscription anglaise », p. 108, v. 8), à qui Apollinaire écrivit
des dizaines de lettres passionnées, est à nouveau évoquée dans le poème « Dans l’abri-caverne »
(p. 109). Quelle place et quelle fonction l’amour semble-t-il avoir pour le soldat dans ce texte ? La
« petite voyageuse alerte » est Madeleine. Dans ce poème, on lit la passion d’Apollinaire (premiers
vers) et l’on comprend la place que l’imagination prenait dans un tel amour (rappelons qu’Apollinaire a
écrit des dizaines de lettres enflammées à Madeleine et s’est fiancé avec elle alors qu’il ne l’avait que
croisée dans un train – leur rencontre réelle, lors d’une permission du soldat en Algérie, fut sans doute
très décevante et Apollinaire cessa peu à peu de lui écrire). L’amour à la guerre est largement le fait
d’une imagination qui a besoin de « se rattacher », comme il le dit, à la beauté. Le poète ici n’est pas
dupe de la part illusoire de cet amour : « existes-tu mon amour ».

7
Ca l l i gra m m e s

De la lecture à l’écriture p. 124-125


Des mots pour mieux écrire
1 Voici quelques végétaux ou animaux cités dans « Case d’armons ». En vous aidant d’un diction-
naire, relevez ceux qui ont un double sens et renvoient aussi à l’univers de la guerre : cheval, cra-
paud, rossignol, couleuvre, girafe, lilas, rose, coquelicot, grenade.
Le cheval peut être un cheval de frise (barrière défensive).
Le crapaud pouvait aussi désigner un canon trapu.
La couleuvre est une pièce d’artillerie allongée.
La grenade est le fruit du grenadier et par métaphore, le mot désigne aussi un projectile léger et
explosif.
2 À l’aide des mots suivants, complétez ce texte sur Apollinaire, poète-soldat : épistolaires, tran-
chées, grade, téméraire, ambivalente, pseudonyme, argot, front, infanterie, naturalisation.
Dans l’ordre : pseudonyme, naturalisation, grade, infanterie, téméraire, épistolaires, tranchées, argot,
ambivalente.

Du texte à l’image p. 126


(Images reproduites en début d’ouvrage, au verso de la couverture.)

Lire l’image
1 Rédigez une description précise de la photographie du poilu. Quels sont les détails qui peuvent
permettre de dater ce cliché ? La vareuse, le casque et la tranchée sont les éléments qui permettent
de dater ce cliché. On distingue en outre une moustache habituelle dans les premières décennies du
siècle (à la Clémenceau).
2 En quoi cette image nous parle-t-elle à la fois de l’histoire collective et d’une histoire indivi-
duelle ? Les éléments de cette photographie sont typiques de la Première guerre mondiale, parfois
appelée « la guerre des tranchées ». La photographie nous renvoie donc à une imagerie habituelle et
collective : telle était la condition de milliers de soldats à l’époque et ce poilu pourrait aussi bien être
Apollinaire… Mais il est saisi en train d’écrire une lettre ou un journal : moment d’intimité qui nous rap-
pelle que ce poilu n’est pas seulement un soldat mais aussi un homme (un fils qui écrit à ses parents,
un père qui écrit à ses enfants…).
3 Nous avons ajouté à cette photographie d’un poilu anonyme un portrait de Madeleine, la fiancée
d’Apollinaire pendant la guerre : quel effet le rapprochement de ces deux clichés crée-t-il à votre
avis ? Le portrait d’une jolie jeune femme accompagnant la photographie d’un poilu en train d’écrire
nous laisse bien sûr imaginer qu’elle est sa correspondante et sans doute la femme qu’il aime.

Comparer le texte et l’image


4 Cherchez, dans les poèmes des deux sections « Case d’Armons » et « Lueurs des tirs », des vers
qui pourraient accompagner cette photographie. Les choix possibles sont nombreux. Ainsi plu-
sieurs vers du poème « Photographie » pourraient servir de titre au portrait de Madeleine. Exemple :
« Photographie tu es l’ombre / Du Soleil / qu’est sa beauté ». On peut également citer « Mutation » :
« Et tout / A tant changé / En moi / Tout / Sauf mon Amour ».
La photographie du poilu pourrait s’accompagner de vers tirés du poème « 14 juin 1915 ».
Et s’il fallait des vers pour les deux photographies, on pourrait les tirer de « Dans l’abri-caverne »
(exemple : « Les autres jours je me console de la solitude et de toutes les horreurs / En imaginant ta
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

beauté / Pour l’élever au-dessus de l’univers extasié »).

8
Ca l l i gra m m e s

Arrêt sur lecture 3


p. 172-178

Un quiz pour commencer p. 172-173


1 Dans l’ensemble du recueil, à quoi la guerre est-elle souvent comparée ? À une fête.
2 De quel conte célèbre de Charles Perrault l’expression « couleur de lune » est-elle inspirée ? Peau
d’âne.
3 À quoi fait référence le titre de la dernière section, « La tête étoilée » ? À la tête blessée du
poète.
4 Quelle est la « seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise » d’après le poète ? La beauté.
5 Qu’est-ce que le poète appelle de ses vœux dans « La victoire » ? Un nouveau langage.
6 Quelle femme aimée est évoquée de nouveau dans « Chevaux de frise » ? Madeleine.
7 Qui sont ceux qui « quêtent partout l’aventure » dans « La Jolie rousse » ? Les poètes modernes.
8 Quel est le seul poème dessin de la dernière section de Calligrammes ? « Éventail des saveurs ».

Des questions pour aller plus loin p. 174-175


* Identifier des procédés d’écriture variés

Les multiples figures des poèmes et du poète


1 « Merveille de la guerre » (p. 127). Les fusées étaient des dispositifs fixés sur les obus et desti-
nés à les faire exploser. Relevez les comparaisons et les métaphores grâce auxquelles le poète les
évoque de façon imagée. Les fusées des obus sont comparées à des fusées de feux d’artifice (elles
« illuminent la nuit ») mais aussi, de manière plus inattendue, à des dames (Bérénices, danseuses ou
jeunes accouchées).
2 Montrez que les images merveilleuses du début de ce poème cèdent la place à des images plus
inquiétantes. Les enfants dont accouchent ces belles danseuses n’ont « que le temps de mourir » :
ces enfants sont les lueurs qui s’éteignent rapidement bien sûr mais comment ne pas penser aux jeu-
nes soldats, eux aussi souvent condamnés à mourir, d’autant que des « mourants » sont évoqués plus
loin ? De même, l’image du banquet, d’abord festive, devient terrifiante lorsqu’on comprend que c’est
la terre qui a faim et qu’elle est « cannibale », « anthropophage » et attend que le feu « rôtisse le corps
humain » (noter l’humour noir de cette image).
3 Quelle caractéristique de Guillaume Apollinaire le poète met-il en avant dans la seconde moitié
du texte où il se dépeint lui-même ? Guillaume Apollinaire est présenté ici à la fois comme soldat pré-
sent dans sa tranchée, avec sa compagnie – et comme poète capable d’« être partout ». Imagination,
vision, empathie : tels sont les pouvoirs du poète.
4 « Exercice » (p. 130). En quoi le poème donne-t-il un double sens au titre ? On pense évidemment
d’abord à un exercice militaire mais le dernier vers apporte un nouvel éclairage au titre : les quatre
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

bombardiers, tels des philosophes stoïciens, se préparent à la mort.


5 Montrez que ce poème dit à la fois l’horreur de la guerre tout en prétendant l’adoucir, et qu’il
fonctionne ainsi comme une litote. Le début du poème ressemble presque à une chanson populaire.
On imagine les quatre bombardiers devisant joyeusement – mais les obus « toussent » : la personnifi-
cation est également un euphémisme. Toute crainte semble avoir disparu. D’ailleurs le poème précise
que les soldats ne se retournent « qu’à peine », laissant entendre qu’ils se sont habitués à l’idée de la
mort. Ils sont du reste presque morts, déjà, car ils n’ont plus d’avenir et ne peuvent plus parler que
« d’antan ». Le niveau de langue soutenu de ce dernier mot tend aussi à adoucir l’idée pourtant terri-
ble de jeunes gens résignés à la mort.

9
Ca l l i gra m m e s

Collages, tradition et modernité


6 « Il y a » (p. 138). Quels sont les différents domaines évoqués dans l’énumération ? Montrez que
ce texte relève de l’esthétique du collage, en relevant en particulier des termes inattendus dans un
poème et 7 Pourquoi peut-on parler de simultanéité à propos de ce poème ? Plusieurs domaines
sont évoqués dans cette énumération : principalement la guerre (« sous-marin ennemi », « fantassin »,
« gaz asphyxiants »… avec des termes assez surprenants dans le cadre d’un poème) et l’amour (« ma
bien-aimée », « mon amour », la mention de l’Algérie car Madeleine était en Algérie…) mais le poète,
comme dans « Le musicien de saint-Merry » semble aussi s’intéresser à ce qui se passe « ailleurs à ce
moment » : femmes mexicaines, Gulf Stream, hommes dans le monde, Hindous… On peut donc parler
de simultanéité. Le poète reste celui qui tout en étant à la guerre, « sait être partout ». Ce poème est
donc une sorte de collage mêlant réalités de la guerre, pensées amoureuses et images d’ailleurs.
8 Comment comprenez-vous l’expression : « l’art de l’invisibilité » du dernier vers ? « L’art de l’invisi-
bilité » renvoie aux stratégies militaires visant à ne pas se faire voir (ainsi a-t-on abandonné l’uniforme
rouge pour un uniforme bleu-horizon plus discret) mais constitue également un euphémisme pour
dire la mort.
9 « Du coton dans les oreilles » (p. 145). Faites l’inventaire de tous les procédés typographiques
utilisés dans ce poème. Ce poème use de multiples jeux typographiques : caractères en majuscules
ou minuscules, de tailles et de graisses différentes (les lettres de l’omégaphone vont en rétrécissant),
caractères romains et italiques, disposition en vers (lecture traditionnelle de gauche à droite et de
haut en bas) ou en diagonale (et lecture de bas en haut), effet de cadre autour des « cénobites tran-
quilles ». Le poème semble s’assagir ensuite avec une disposition en strophe plus classique et s’achève
sur de discrets italiques qui soulignent la nostalgie finale.
 En quoi ces procédés soulignent-ils les changements de niveau de langue et de ton et le mélange
de tradition et de modernité ? Ces changements typographiques soulignent une variété de styles
frappante : exclamations familières, quatrain soutenu en octosyllabes, calembours de corps de garde,
vers mélancoliques. Le poète peut dans un vers intégrer des termes argotiques à une construction
symétrique on ne peut plus classique : « Et sans pinard et sans tacot ».
K « Chevaux de frise » (p. 158). Sur quelle opposition la première strophe de ce poème est-elle
construite ? Retrouvez cette même opposition dans les vers 9 à 19. La première strophe est construite
sur l’opposition entre le sinistre hiver à la guerre et la renaissance amoureuse du poète (comparée
au printemps, comme dans les « reverdies » médiévales). Dans les vers suivants, le poète continue à
opposer « le blanc et nocturne novembre » qui ne produit que des fleurs mortes à son inlassable acti-
vité de jeune amoureux écrivant tous les jours à Madeleine.
 Que deviennent les chevaux de frise à partir de « Et je les anime tout soudain » (v. 20) ? Les
chevaux de frise sont des barrières défensives (« entourés de vagues de fils de fer ») mais à partir du
vers 19, le poète les « anime » et les transforme en « troupeau de jolis chevaux pies ». Le texte nous
présente une sorte de transfiguration par l’imagination poétique : nous assistons nous-mêmes à cette
transformation de barrières sinistres en jolis chevaux qui se transforment à leur tour en « blanches
vagues » qui emportent le poète vers Madeleine.
 Relevez les termes appartenant aux champs lexicaux de la guerre et de l’amour : que constatez-
vous ? C’est aussi le poème lui-même qui se transforme : la description d’un paysage désolé par l’hiver
et par la guerre cède la place à un cantique amoureux (très influencé par le Cantique des cantiques
biblique). Le lexique de la guerre (chevaux de frise, artillerie, fils de fer, obus, mortelles, barbelés) est rem-
placé par le lexique de l’amour et du corps de la femme aimée (mon amour, yeux, bouche, roses…).
 « Chant de l’honneur » (p. 160). Sur quel jeu de mots repose le titre ? À quel autre type de texte
ce poème vous fait-il penser ? Le « chant de l’honneur » est un jeu de mot sur le « champ d’honneur »
qui est une image pour le champ de bataille. Ce poème adopte la forme d’un dialogue et peut faire
penser à un texte théâtral.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

 En quoi la forme de ce poème s’inscrit-elle dans la tradition classique ? Préciser en particulier


quel est le type de vers choisi ici par le poète. Ce texte est en alexandrins construits de manière très
classique : césure à l’hémistiche le plus souvent et fréquentes diérèses qui renforcent le registre sou-
tenu (in-di-en, Cha-ri-ot, an-xi-eux…).
 Montrez que le poète mêle description réaliste de la guerre et tranfiguration par l’imaginaire. En
quoi cela répond-il à l’intention annoncée dans la première strophe ? Le poète désire que « la beauté
ne perde pas ses droits / Même au moment du crime » – et c’est là encore par le travail de transfigu-
ration de l’imagination qu’il va opérer. Ainsi la description des quatre soldats « morts et très crânes /
Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes » : le jeu de mot un peu macabre, la métaphore des tours
pisanes contribuent à gommer l’horreur de cette mort. Ainsi de l’évocation d’une nuit de combat et

10
Ca l l i gra m m e s

de peur – « si belle » pourtant tandis que « la balle roucoule », qu’un « fleuve d’obus s’écoule », que les
fusées ressemblent à des fleurs qui s’ouvrent et les balles à des abeilles. Là encore les métaphores,
inattendues, transfigurent une réalité sinistre en moment de beauté.

L’étoile, une image polysémique


 Pourquoi la tête du poète est-elle « étoilée » ? Appuyez-vous sur le poème « Tristesse d’une
étoile » (p. 165) pour répondre. Ce titre ne peut-il cependant pas signifier autre chose ? La tête étoi-
lée, si l’on se rapporte à « Tristesse d’une étoile », désigne la tête blessée du poète parce que le sang de
la blessure s’est comme étoilé… mais évidemment l’image est riche d’autres suggestions : les étoiles,
souvent célébrées en poésie, renvoient aussi au ciel des poètes (on peut rappeler aux élèves que des
poètes de la Renaissance française s’étaient eux-mêmes appelés « La Pléiade »). La tête étoilée, c’est
donc aussi l’imagination poétique. C’est aussi selon ce poème une couronne qui orne « à jamais » le
front du poète.
 Dans « À l’Italie » (p. 131), on peut lire : « Notre armée invisible est une belle nuit constellée /
Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux » (v. 71-72). En quoi ces vers permettent-ils
de donner un autre sens encore à « la tête étoilée » ? L’image de l’étoile s’enrichit encore d’une
autre signification dans ces vers : chaque soldat est un astre et Apollinaire est celui qui porte la
mémoire des morts (« Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure » écrit-il dans « Chant
de l’honneur »).
 Montrez que, dans cette dernière section, tous les thèmes du recueil sont repris en écho comme
dans le bouquet final d’un feu d’artifice. Dans cette section réapparaissent tous les grands thèmes
du recueil : la guerre et sa réalité sinistre, ses blessés et ses morts, l’amour, vécu essentiellement par
l’imagination durant la guerre, puis dans une rencontre vraie au retour (« La jolie rousse »), le travail
et la mission de la poésie, voix d’un seul pour tous, morts et vivants, quête de « l’aventure » et « de
vastes et étranges domaines ». « La jolie rousse » fait d’ailleurs le bilan à la fois de sa vie de soldat et
de sa vie de poète.

De la lecture à l’écriture p. 176-177


Des mots pour mieux écrire
1 Voici quelques mots tirés des deux dernières parties des Calligrammes. Recherchez-en l’éty-
mologie (et si nécessaire la définition) et rédigez, pour chacun d’eux, une phrase qui en éclairera le
sens : lacrymogène, versicolore, phonographe, sinistre, enchanteur.
Lacrymogène : terme composé du latin lacrima (larme) et de –gène, qui apparaît dans de très nom-
breux termes et vient du verbe grec genos (naissance, engendrement). – gène peut avoir un sens
passif (qui est produit par, exemple : endogène / exogène) ou un sens actif (qui produit) comme dans
« lacrymogène » : qui provoque la sécrétion des larmes.
Versicolore : de couleur changeante ou de couleurs variées – du latin versicolor, lui-même composé de
vertere (changer) et color (couleur).
Phonographe : appareil qui enregistre et reproduit les sons par un procédé mécanique – du grec phonê
(la voix) et graphein (écrire).
Sinistre : qui annonce ou accompagne la mort – adjectif issu du latin sinister (gauche). Les présages
qui venaient du côté gauche étaient considérés comme favorables chez les Romains mais défavora-
bles chez les Grecs ou les Étrusques et c’est cette valeur négative qui semble l’avoir emporté.
Enchanteur : au sens propre et fort signifie : qui captive par un pouvoir magique. Le mot est issu de
incantare (chanter des formules magiques, ensorceler).
2 Les Calligrammes développent largement le champ lexical de l’armée et de la guerre. Voici quel-
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

ques-uns des termes qu’on peut y trouver. Attribuez à chacun d’eux la bonne définition, en vous
aidant d’un dictionnaire si nécessaire
Artillerie : matériel de guerre comprenant canons et obusiers ; corps d’armée affecté au service de ce
matériel.
Bivouac : installation provisoire en plein air de troupes en campagne.
Canonnade : décharge simultanée d’armes ­­­­feu ou coups de canon successifs.
Cavalerie : ensemble des troupes à cheval.
Dragon : soldat de cavalerie.
Fantassin : soldat d’infanterie.

11
Ca l l i gra m m e s

Grenadier : soldat spécialisé dans le lancement des grenades.


Infanterie : autrefois, ensemble des soldats qui allaient combattre à pied. Plus moderne : corps d’ar-
mée chargé de la conquête et de l’occupation du terrain.
Salve : décharge simultanée de plusieurs coups de canon.
Vaguemestre : officier ou sous-officier chargé du service de la poste dans un régiment.

Du texte à l’image p. 178


(Image reproduite en fin d’ouvrage, au verso de la couverture.)

Lire l’image
1 Faites une description ordonnée et précise de ce tableau, connu pour être le premier collage
de Pablo Picaso qui répondait lui-même au premier collage de Georges Braque. Ce tableau repré-
sente plusieurs objets : dans le quart supérieur gauche, un compotier contenant quelques fruits
(une pomme, une poire, un coing sans doute : chaque fruit semble avoir été dessiné sur un papier
ensuite collé sur la toile) ; au centre un violon ; sur la droite, un verre ; au premier plan, le bord de la
table et, sans doute, le dossier d’une chaise. Les objets sont représentés de manière géométrique
et fragmentée. Ainsi le violon est-il représenté sur quatre plans, saisi sous des angles différents.
Derrière cet instrument et le verre, sous les fruits aussi, de grandes pages de journal ont été insé-
rées. La teinte dominante est le brun. L’ensemble du tableau ne serait composé que de couleurs
chaudes sans le plan bleu au centre.
2 Ce tableau de Picasso représente des objets et des fruits. Comment appelle-t-on ce type d’œuvre
dans la tradition picturale ? Il s’agit d’une nature morte. Picasso reprend d’ailleurs des objets assez
classiques dans cette tradition picturale : fruit, instrument de musique, verre.
3 En quoi cette représentation se distingue-t-elle cependant de cette tradition ? Le livre tradition-
nel est remplacé par un journal mais c’est surtout la composition du tableau qui marque une rupture
avec le système de représentation classique. Ni effet de réel ni perspective dans ce tableau mais une
juxtaposition de plans représentant des parties d’objets souvent soumis aux déformations géométri-
ques propres au cubisme. Dans cette vision fragmentée, dénuée d’un point de vue fixe, sont introduits
des éléments en principe étrangers à la peinture: lettres de journal, toile cirée, papiers collés.

Comparer le texte et l’image


4 Les techniques, à l’époque extrêmement novatrices, employées dans ce tableau rappellent
certains procédés utilisés par Apollinaire. Lesquels ? Appuyez-vous, pour répondre, sur « Lundi
reu Christine » (p. 29) et sur un calligramme de votre choix. On l’a vu, Picasso insère du texte
dans ce tableau (le journal) tandis qu’Apollinaire introduit des dessins dans ses poèmes. Mais
surtout, le renoncement à un point de vue fixe et l’éclatement des angles de vue qui en résulte
rappellent la disparition d’un « je » unique et unifiant dans « Lundi rue Christine ». La réalité,
visuelle ou sonore, est saisie dans son immédiateté et sa fragmentation. Le « simultanéisme »
d’Apollinaire et ses bribes de conversation saisies et retranscrites sont une sorte d’équivalent
poétique des collages de Braque ou de Picasso qui introduisent des fragments de matière brute
dans leurs œuvres.
On peut rapprocher ce tableau de « Lettre-océan » par exemple : insertion d’éléments en principe
étrangers à la poésie ou à la peinture, fragmentation du sujet.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

12
Ca l l i gra m m e s

Arrêt sur l’œuvre


p. 179-182

Des questions sur l’ensemble du recueil p. 179-180


Un poète à la guerre
1 Quels rapprochements peut-on établir entre les titres des six parties du recueil ? Quels titres
révèlent la vision ambivalente de la guerre d’Apollinaire ? À l’exception de « Ondes », tous les titres
sont une évocation de la guerre. C’est évident pour « Étendards », « Case d’armons », « Lueurs des
tirs » et « Obus couleur de lune » – mais on a vu que la « tête étoilée », désignant le front blessé du
poète, renvoyait aussi au combat. Les trois derniers titres cependant semblent opérer une sorte de
transfiguration de l’univers guerrier : les tirs émettent des lueurs assez mystérieuses et poétiques,
les obus, tels l’une des robes de Peau d’âne sont « couleur de lune » et la blessure « étoile » la tête du
poète. Le champ lexical de la guerre se mêle au champ lexical des astres, soulignant la profonde ambi-
valence de la vision de la guerre dans ce recueil.
2 On a reproché à Apollinaire d’avoir vanté la beauté de la guerre. Cette idée vous choque t-elle ?
Avez-vous le sentiment que le poète s’en tienne à cet aspect de la guerre ? Appuyez-vous sur des
vers précis pour étayer votre réponse. « Ah Dieu que la guerre est jolie ! » trouve-t-on dans ce recueil
qui, en outre, compare souvent le champ de bataille à un spectacle ou à une fête. Cela a pu choquer
mais on peut aussi penser qu’Apollinaire d’une part fait partie de ces auteurs qui ne nient pas la beauté
de la guerre (voir le groupement de textes et le point de vue de Baricco), p. 201, d’autre part que, en
tant que poète, il sait faire surgir la beauté là où on ne l’attend pas (qu’on relise « Zone » dans Alcools).
En outre, le recueil ne nie pas pour autant l’horreur de la guerre. Quelques vers pour le prouver : « je
me console de la solitude et de toutes les horreurs / en imaginant ta beauté » (« Dans l’abri-caverne ») ;
« l’épouvantable cri profond » (« Désir ») ; « Il y a à minuit des soldats qui scient des planches pour des
cercueils » (« Il y a ») ; « les atroces lueurs des tirs » (« Simultanéités »).
3 « Je lègue à l’avenir l’histoire de Guillaume Apollinaire / Qui fut à la guerre et sut être partout »
lit-on dans « Merveille de la guerre » (p. 129) : quel est le ton de ces vers ? En quoi peuvent-ils s’ap-
pliquer à l’ensemble des Calligrammes ? En dissociant le « je » de « Guillaume Apollinaire », le poète
fait de ce dernier une sorte de figure supérieure, de prophète, d’autant qu’elle est « léguée à l’avenir ».
On peut donc parler de ton épique, renforcé par le parallélisme entre « fut » et « sut », « à la guerre »
et « partout ». Ces vers reflètent bien un recueil qui a tenté de restituer une sorte d’expérience totale
de la guerre (l’attente et le combat, le départ et le retour, l’horreur et la beauté) tout en n’oubliant pas
que le monde continue de vivre et varier ailleurs…
4 Pendant tout le temps qu’Apollinaire passe à l’armée et à la guerre (de décembre 1914 à mars
1916), jamais il ne cesse d’écrire. Selon vous, quelles peuvent être les fonctions de la poésie en
temps de guerre ? L’essentiel de ce recueil a en effet été écrit à la guerre : c’est qu’Apollinaire, depuis
l’enfance, n’a jamais cessé d’écrire. La poésie est à la fois une façon de témoigner de cette expérience
extraordinaire et des sentiments variés qu’elle suscite (patriotisme, fascination, dégoût, solidarité,
attente…), de porter la mémoire des morts, mais aussi d’en faire une matière poétique qu’on peut
transfigurer. Le recueil porte l’image d’un poète-soldat courageux et patriote mais aussi d’un amou-
reux exalté, parfois mélancolique mais désamorçant cette mélancolie par l’humour et le jeu.
5 Montrez que le dernier poème du recueil, « La jolie rousse » (p. 170), constitue à la fois un bilan de
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

la vie d’Apollinaire en 1916 et un art poétique pour l’avenir. La première strophe constitue une sorte
de bilan de l’expérience d’homme d’Apollinaire (ses voyages, ses amours, la guerre et sa blessure).
C’est ensuite du poète qu’il est question et il affirme se situer résolument du côté des modernes, des
quêteurs d’aventure qui vont vers le nouveau et l’inconnu : la « contrée » de la poésie est ouverte aux
possibles, d’autant qu’arrive le temps de « la Raison ardente » (expression presque oxymorique qui
nous renvoie à l’ardeur d’Apollon) incarnée par la « jolie rousse » (en fait Jacqueline qu’Apollinaire
épousera peu de temps avant de mourir). La fin est assez mystérieuses : quelles sont ces choses que
le poète n’ose dire ? L’appel à la pitié n’est pas sans rappeler « La Ballade des pendus » de François
Villon.

13
Ca l l i gra m m e s

Un poète-peintre
6 Apollinaire sait se faire peintre en écrivant et pas seulement en dessinant : les notations visuelles
abondent dans ses poèmes. Relisez « Les Fenêtres » (p. 15) ou « Chant de l’horizon en champagne »
(p. 115) et relevez termes et expressions qui sont des indications de couleur ou de lumière. Les nota-
tions de couleurs et de lumière dans « Les fenêtres » : rouge, vert, jaune, blanche, la lumière, pâleur,
insondables violets, couchants, jaunes, éticelant, blanc de neige, rouge, vert, jaune, orange, lumière. On
pourra faire remarquer aux élèves que l’ensemble crée une sorte de tableau très vif et lumineux.
Dans « Chant de l’horizon en Champagne » : rose, blanc, la nuit l’azure, lueur, tranchée blanche, bois
vert et roux, passepoil jaune, roux, bleu-de-roi, mauves, bleu-horizon, éclairante, blonds, blanche, blan-
ches vagues, bleu, lueurs, allumées.
7 Recopiez le poème « Voyage » (p. 44-45) et préparez-vous à en faire une lecture à haute voix en
classe. Vous devriez constater que plusieurs choix de lecture sont possibles. Plusieurs itinéraires
sont possibles dans ce « Voyage » qui pose plusieurs problèmes de lecture. Doit-on lire séparément ou
ensemble le nuage et l’oiseau, par exemple, car grammaticalement le sujet de « qui fuis » ne saurait
être le même que celui de « n’a pas chu » ? On peut proposer : « Adieu nuage qui fuis, refais le voyage
de Dante, oiseau qui laisse tomber ses ailes partout et n’a pas chu ». Le « pluie fécon » est coupé.
Pour la phrase centrale : « où va donc ce train qui meurt au loin dans les vals et les beaux bois frais du
tendre été si pâle ? ». Le sens de l’itinéraire du bas ne se donne guère d’emblée : il faut jouer pour en
trouver un. Proposons : « C’est ton visage je ne vois plus que la douce nuit lunaire et pleine d’étoiles ».
Il n’y a pas que Dante, l’oiseau, le nuage, les messages télégraphiés, les trains et les étoiles qui voya-
gent dans ce poème : le regard et l’imagination du lecteur sont aussi appelés à inventer des chemins
et des liens.
8 Recopiez le poème « Il pleut » (p. 50) en le disposant en strophes et en vers. Vous établirez éga-
lement une ponctuation. Là encore nous nous bornons à faire une proposition :
Il pleut des voix de femmes
Comme si elles étaient mortes,
Même dans le souvenir.
C’est vous aussi qu’il pleut,
Merveilleuses rencontres
De ma vie, ô goutelettes.
Et ces nuages cabrés
Se prennent à hennir
Tout un univers de villes
Auriculaires.
Écoute s’il pleut tandis que
Le regret et le dédain
Pleurent une ancienne musique.
Écoute tomber les liens
Qui te retiennent
En haut et en bas.
9 En réfléchissant à partir de ces deux poèmes (« Voyage » et « Il pleut ») mais aussi de tous les
poèmes-dessins du recueil, dites ce qu’ajoute la mise en dessin d’un poème : que crée-t-elle de dif-
férent et de nouveau ? La mise en dessin d’un poème lui confère une dimension visuelle qui est géné-
ralement absente de la poésie classique qu’on lit, qu’on dit ou qu’on écoute mais qu’on ne regarde
pas. Ici, on perçoit le poème d’une manière différente car on commence par le regarder et parfois
par y trouver un véritable plaisir esthétique (citons « La colombe poignardée et le jet d’eau »). On s’y
promène un peu sans entrer dans le texte, pour identifier les figures. La démarche est active, ludique
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

aussi, et elle crée un effet d’attente : le texte confirmera-t-il qu’il s’agit bien d’un oiseau, d’une pluie
fine ? et qu’en dira-t-il ? Il s’agit ensuite de lire le texte : dans quel sens ? Le poème ne nous est pas
donné : il nous revient de le reconstruire, avec une marge de liberté plus ou moins grande (on n’a
guère le choix de la lecture dans « Il pleut », contrairement au « Voyage »). Il y a de l’esprit d’enfance
dans ce jeu mais pas seulement : c’est aussi une ouverture de l’espace du poème vers « l’illimité et
l’avenir » pour reprendre des termes de « La jolie rousse ».

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Ca l l i gra m m e s

Des mots pour mieux écrire p. 180-182


Lexique de l’écriture
Replacez les termes du lexique de l’écriture à leur juste place dans le texte suivant. Faites les accords
qui conviennent. Dans l’ordre : pictogrammes, hiéroglyphes, idéogrammes, alphabet, alphabet, lettres,
calligraphie, typographie, caractères, calligrammes.

Lexique de la lumière
Retrouvez les mots du lexique de la lumière dans les énigmes suivantes. Vous aurez éventuellement
à les accorder ou à les conjuguer.
– L’extrêmité d’une cigarette allumée l’est : incandescente.
– Pour des yeux, plus poétique que « marrons » : mordorés.
– Le ciel fait cela dans « Ne me quitte pas » de Jacques Brel : il flamboie.
– On peut en faire preuve au travail : ardeur.
– Une vive joie peut nous donner cet air-là : radieux.
– Ce que font certains vers : ils luisent.
– La couronne blanche de la lune : halo.
– La lumière ou la beauté peuvent l’être : éblouissantes.
– Ce que le soleil fait de ses rayons : il les darde.
– D’agréables paroles ou un joli sourire peuvent faire cela d’une journée : l’illuminer.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard, 2008.

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