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Polydipsie-polyurie
A. Grimaldi

La soif participe aux moyens de l’organisme pour maintenir l’homéostasie hydroélectrolytique. Elle est
déclenchée par la baisse du volume intracellulaire et/ou par la baisse du volume extracellulaire. Le plus
souvent, la soif s’accompagne d’une polyurie dépassant 3 l/24 h. La première cause à rechercher est un
diabète sucré responsable d’une glycosurie avec polyurie osmotique. Une fois le diabète sucré éliminé, il
faut rechercher une autre cause de diurèse osmotique ou un diabète insipide avec polyurie hypotonique,
qui peut être d’origine centrale ou néphrogénique. Une fois toutes ces causes éliminées, restent les
polydipsies primaires dont la principale cause est la potomanie.
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Mots clés : Soif ; Polyurie ; Diabète sucré ; Diabète insipide ; Hormone antidiurétique

Plan Physiologiquement, dans la mesure où les réserves en eau de


l’organisme sont faibles et l’écart tolérable par rapport à
l’homéostasie réduit, le comportement dipsique peut être
¶ Rappels 1
extrêmement impérieux, venant, dans l’ordre des « exigences
¶ En pratique 1 vitales », juste après le maintien de la fonction respiratoire et
¶ Éliminer le diabète sucré 1 l’évitement de la douleur.
¶ Trois grandes étiopathogénies 2
■ En pratique
Le malade consulte donc pour soif impérieuse, fréquente, avec
■ Rappels sensation de sécheresse de la bouche. La soif interrompt le
malade dans ses activités et l’oblige à boire. Elle doit cependant
La soif participe aux moyens de l’organisme pour maintenir être distinguée de la sécheresse buccale (xérostomie), provoquée
l’homéostasie hydroélectrolytique. Soixante-dix pour cent à par les médicaments ayant une action anticholinergique (tels
75 % du poids corporel de l’homme (sans compter les dépôts de que les neuroleptiques et les antidépresseurs tricycliques, ou
graisse) sont composés d’eau. Lorsque le corps perd 0,5 % de certains antihypertenseurs centraux, etc.), voire par des patho-
son poids en eau, c’est-à-dire 350 ml pour une personne de logies rares (syndrome de Sjögren, sarcoïdose, etc.), qui ne
70 kg, le seuil de la soif est atteint. s’accompagnent pas à proprement parler d’une soif mais d’un
La soif est déclenchée par : besoin d’humidification des muqueuses.
• la baisse du volume intracellulaire, qu’elle soit secondaire à Le plus souvent, la soif s’accompagne d’une polyurie dépassant
une hyperosmolarité extracellulaire (hypernatrémie) ou à une 3 l/24 h, obligeant le malade à se lever la nuit. Il importe de
hypo-osmolarité intracellulaire (hypokalicytie). Les récepteurs distinguer la polyurie de la pollakiurie qui témoigne seulement
déclencheurs de cette « soif osmotique » sont les osmorécep- d’une augmentation de la fréquence des mictions, indépendam-
teurs diencéphaliques ; ment de leur volume.
• une baisse du volume extracellulaire responsable d’une Une fois la sémiologie des troubles précisée, il faut en noter
hypovolémie (hémorragie, déshydratation globale, hypovolé- le début, l’évolutivité, l’intensité, le retentissement sur l’état
mie efficace lors d’une inflation hydrosodée de l’espace général, en particulier l’existence éventuelle d’un amaigrisse-
interstitiel ou de la constitution d’un troisième secteur). Les ment, l’existence de signes associés tels que des crampes, les
récepteurs déclencheurs de cette soif hypovolémique sont les antécédents personnels (traumatisme crânien, antécédents
volorécepteurs situés à proximité du cœur. uronéphrologiques, etc.) et familiaux (en particulier diabète
Il convient toutefois de garder en mémoire que dans les sucré, diabète insipide, etc.). L’examen clinique est le plus
boucles de régulation physiologique mises en œuvre pour le souvent normal.
maintien de l’homéostasie, il existe une hiérarchie : la protec-
tion contre l’inflation hydrique intracellulaire (responsable
d’hypertension intracrânienne) passe avant la correction d’un
■ Éliminer le diabète sucré
déficit extracellulaire (ainsi s’explique l’absence de soif en cas Le premier geste consiste à rechercher la présence de glucose dans
d’hyponatrémie par déplétion hydrosodée), la correction de la les urines, qui permettrait d’affirmer le diagnostic de diabète
volémie passe avant le maintien de l’osmolarité extracellulaire sucré. Le seuil rénal du glucose se situe autour de 1,80 g/l. Un
(d’où l’hypersécrétion d’hormones antidiurétiques lors d’une syndrome cardinal associant polydipsie, polyurie, amaigrisse-
hyponatrémie avec hypovolémie efficace). ment et polyphagie est en effet fréquemment révélateur du

Traité de Médecine Akos 1

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desmopressine est positif. On recherche alors la cause de ce

“ À retenir
diabète insipide qui peut être familiale le plus souvent
autosomique dominante, tumorale (craniopharyngiome ou
germinome surtout avant 30 ans, métastases surtout après
Premiers examens à demander devant un 50 ans), granulomateuse (sarcoïdose, histiocytose), infec-
syndrome polyuropolydipsique tieuse, traumatique, auto-immune ou idiopathique ;
• Éliminer un diabète sucré par la recherche d’une C en cas de diabète insipide néphrogénique, lors de l’épreuve de
glycosurie à la bandelette restriction hydrique, la diurèse reste stationnaire, avec une
• Demander un ionogramme sanguin, une calcémie osmolarité urinaire basse, mais le test thérapeutique à la
associée à une albuminémie, une créatininémie. desmopressine est négatif. Parmi les causes de diabète
L’ionogramme urinaire n’est utile que si l’ionogramme insipide néphrogénique, on retrouve les diabètes héréditai-
sanguin est anormal. res, l’hypercalcémie, l’hypokaliémie, certains médicaments
(en particulier le lithium) et un certain nombre de néph-
ropathies. Notons que l’hypercalcémie est responsable
d’une stimulation directe du centre de la soif et que
diabète sucré. La mesure d’une glycémie capillaire à plus de 2 g l’hypokaliémie chronique intervient également par le biais
confirme le diagnostic. La question à laquelle doit répondre le d’une déshydratation intracellulaire ;
praticien est celle de la nécessité ou non d’une hospitalisation :
C quant au diabète insipide gestationnel, il est dû à un catabo-
• s’il existe une cétonurie, en particulier si le malade n’a pas de
lisme de l’hormone antidiurétique par une vasopressinase
surpoids et a moins de 40 ans, il s’agit très probablement
d’un diabète de type 1, réclamant une insulinothérapie d’origine placentaire. Survenant en général en fin de
justifiant une hospitalisation en centre spécialisé ; grossesse, il guérit avec l’accouchement. Il pose rarement
• de même, si on est en présence d’un sujet âgé, ayant une un problème thérapeutique, mais sa physiopathologie rend
glycémie à plus de 3 g/l avec une cause déclenchante compte de la fréquente nécessité d’augmenter les doses
d’hyperglycémie ou de déshydratation telle qu’un traitement d’hormone antidiurétique, lors de la grossesse, chez une
corticoïde ou diurétique, une infection ou une diarrhée, il femme ayant un diabète insipide d’origine centrale.
faut envisager une hospitalisation pour éviter l’évolution vers • Il reste les polydipsies primaires, dont la principale cause est la
le coma hyperosmolaire ; potomanie. Elle s’observe dans un contexte psychiatrique
• dans les autres cas, l’exploration, la mise en route du traite- particulier et peut être favorisée par la sécheresse buccale
ment et l’éducation du patient peuvent être envisagées en provoquée par des neuroleptiques. L’épreuve de restriction
ambulatoire, en ayant soin de demander au malade de hydrique et le test thérapeutique à la desmopressine permet-
supprimer les boissons sucrées, d’absorber de grandes quanti- tent le plus souvent le diagnostic. Cependant, une potomanie
tés d’eau et de revenir en consultation dès les résultats prolongée peut être responsable d’une mise au repos des
biologiques effectués. cellules hypothalamiques sécrétant l’hormone antidiurétique
et d’un déficit du gradient corticomédullaire rénal nécessaire
■ Trois grandes étiopathogénies à la concentration des urines. Le diagnostic d’un diabète
insipide central ou néphrogénique peut donc être difficile et
Une fois un diabète sucré éliminé, il faut envisager les trois nécessiter le recours à une épreuve thérapeutique en milieu
grands mécanismes étiopathogéniques de syndrome polyuropo- hospitalier. Enfin, signalons que la stimulation du centre de
lydipsique. la soif peut être provoquée par une sécrétion de rénine et
• Une autre cause de diurèse osmotique, avec en particulier perte d’angiotensine indépendamment de toute déshydratation
urinaire hydrosodée secondaire à une pyélonéphrite chroni- extracellulaire, ainsi que par certaines causes de diabète
que ou à une polykystose rénale, voire à une insuffisance insipide central, telle qu’une sarcoïdose ou un traumatisme
surrénale, mais dans ce cas, la soif est surtout secondaire à crânien, en l’absence de toute anomalie objectivable de la
une hypovolémie, limitant par ailleurs la polyurie. .
sécrétion de l’hormone antidiurétique.
Surtout, un diabète insipide avec polyurie hypotonique,
densité urinaire inférieure à 1 005, osmolarité urinaire
inférieure à 200 mOsm/l, tandis que l’osmolarité plasmatique
Pour en savoir plus
reste normale (supérieure à 280 mOsm/l). Il peut s’agir d’un Bichet DG. Diabètes insipides. In: Traité d’endocrinologie. Paris:
diabète insipide central par déficit de sécrétion en hormone Flammarion; 2007 (995p).
antidiurétique, ou d’un diabète insipide périphérique par Robertson GL. Dipsogenic diabetes insipidus: a newly recognized syndrome
défaut de réponse du tubule rénal à l’hormone. Le diagnostic caused by a selective defect in the osmoregulation of thirst. Trans Assoc
repose sur l’épreuve de restriction hydrique avec test théra- Am Physicians 1987;100:241-9.
peutique à la desmopressine (1-deamino-8-D-arginine vasopres- Rose BD, Bichet DG. Diagnosis of polyuria and diabetes insipidus. Waltham,
sin [dDAVP]) : MA: BD Rose, Up To Date; 2006.
C en cas de diabète insipide central, la diurèse est stationnaire, Thornton SN. Thirst and hydration: physiology and consequences of
l’osmolarité urinaire reste basse et le test thérapeutique à la dysfunction. Physiol Behav 2010;100:15-21.

A. Grimaldi, Professeur des Universités, praticien hospitalier (andre.grimaldi@psl.ap-hop-paris.fr).


Service de diabétologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Grimaldi A. Polydipsie-polyurie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-0920,
2011.

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