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Ce chapitre introduit les mécanismes de base de l’intégration financière internationale d’une

économie et fournit des explications des instruments théoriques utilisés à cet effet et leurs
relations au concept du taux de change comme instrument de rééquilibrage externe.

CHAPITRE 1 LES TAUX DE CHANGE ET LA GLOBALISATION FINANCIÈRE :


CONCEPTS CLÉS ET RAPPEL DU CADRE FORMEL
Introduction

L'un des faits et des traits stylisés marquants de l’économie mondiale durant la dernière
décennie a sans doute été l’extraordinaire montée en puissance du processus de
globalisation financière internationale qui s’est traduit par une dynamique de
décloisonnement des marchés. Si dans le passé, la fonction du système financier
international était d’assurer le financement du commerce mondial et des balances des
paiements, la progression explosive actuelle des flux financiers est devenue sans commune
mesure avec les besoins de l’économie mondiale.
Les deux premières impulsions à cette nouvelle configuration de la finance internationale où
les facteurs financiers ont acquis une véritable autonomie ont été d’abord les mouvements
de recyclage des capitaux pétroliers ayant lieu simultanément avec l’éclatement du régime
de Bretton-Woods et le passage aux changes flottants marqué par l’instabilité et la volatilité
accrue des cours de change. La vague actuelle des mouvements de capitaux
(investissements directs étrangers (IDE), investissements de portefeuille, …………) est allée
de pair avec la progression enregistrée par les marchés de change.
Ainsi, la globalisation financière internationale est étroitement liée d’abord à la libéralisation
des systèmes financiers nationaux et à la prévalence de la finance de marché qui s’en est
suivie. Sa genèse et ses fondements renvoient inéluctablement aux métamorphoses de la
finance internationale qui s’est globalisée, en ce sens qu’elle est devenue un marché unifié à
l’échelle planétaire
CHAPITRE 1 : LES TAUX DE CHANGE ET LA GLOBALISATION FINANCIÈRE :
CONCEPTS CLÉS ET RAPPEL DU CADRE FORMEL
Section 1: Globalisation financière internationale et mesures des degrés d'intégration
L’intégration financière par les mouvements de capitaux privés

Autres méthodes et techniques de mesure

Plusieurs facteurs macro-économiques sont souvent invoqués à cet effet . Le premier


choc pétrolier de 1973, s’étant accompagné d’un mouvement de recyclage des excédents en
pétrodollars, a permis de financer massivement, via des placements auprès de banques
internationales, la dette souveraine des pays en développement.

Cette vague de surinvestissement des excédents courants des pays pétroliers s’est
renforcée avec l’avènement du deuxième choc pétrolier de 1979 qui a amplifié les déficits
courants des pays industrialisés mais aussi ceux des pays en développement dont la charge
de la dette a augmenté en partie, en raison, de la politique de renchérissement des taux
d’intérêt, initiée par les Etats unis. Aussi, avons nous assisté, et ce fût une première
mondiale, à la répudiation en 1982 de la dette par le Mexique, comme prélude à la crise
généralisée d’endettement des économies en développement. Une réorientation des flux
financiers s’en est alors suivie ainsi qu’une modification de leur nature. Les années qui
suivent ont, en effet, été dominées exclusivement par des transferts d’excédents courants du
japon et de l’Allemagne pour combler les déficits jumeaux (twin deficits), budgétaire et de
balance des paiements aux Etats Unis. Un développement massif de titres négociables émis
par les pays industrialisés s’est largement substitué aux crédits bancaires consortiaux
accordés précédemment aux pays en développement.

Dans le même temps, les vecteurs de la globalisation financière recouvrent la règle des
«3 D» (Décloisonnement, Déréglementation et Désintermédiation).

Le « décloisonnement » des marchés financiers a d’abord été l’ouverture des marchés


nationaux mais aussi, à l’intérieur de ceux-ci, l’éclatement des compartiments pré-existants.
Ainsi, aux Etats-Unis, par exemple, fût abolie la « loi Steagall » (Glass Steagall act) de 1933,
séparant les banques commerciales des banques d’investissement spécialisées dans le
placement des valeurs mobilières. Ce mouvement de dé-spécialisation s’est poursuivi en
Grande Bretagne avec le « big-bang » de 1986. En France, la dynamique de d’innovations
financières a conduit à la création du Marché à Termes d’Instruments Financiers (MATIF),
des billets de trésorerie (émis par les entreprises) et des certificats de dépôts (émis par les
banques). Ces nouveaux instruments de finance directe (ou désintermédiée) ont aussi
coïncidé avec les décisions nationales de libéralisation des opérations financières externes
et de suppression des contrôles de change.

La « déréglementation », née en fait d’abord aux Etats Unis, a concerné certaines


innovations financières telles la levée des distinctions entre les comptes à vue et les
comptes à terme. C’est ainsi que des comptes Now (Negociable Order Withdrawal)
permettent aux titulaires de comptes à termes de retirer des fonds avec solde minimum, et
des comptes Super Now qui autorisent, sous certaines conditions réglementaires, d’émettre
des chèques à partir de comptes à termes. A cela s’est ajoutée la nouvelle politique
monétaire aux Etats Unis, consistant à contrôler la base monétaire et à libéraliser les taux
d’intérêt (politique du benign neglect), qui a conduit à une volatilité accrue des taux d’intérêt
et des cours de change. De cela s’est vue crées des instruments de couverture telles les
facilités d’émission RUF (Revolving Underwriting Facilities) et NIF (Note Insurance Facilities),
les contrats à termes de taux d’intérêt, les options, les futures et les swaps.

La « désintermédiation » a été essentiellement marquée par la titrisation, i.e la conversion de


dettes en fonds propres ou le placement d’effets à court terme renouvelables qui donne à
l’emprunteur l’assurance d’un financement à long terme avec l’engagement par la banque de
racheter elle même ces effets en cas d’absence d’acquéreur sur le marché. En d’autres
termes, les banques limitent les créances douteuses en se faisant intermédiaire pour les
placer auprès d’emprunteurs finals sous forme d’effets renouvelables (factoring). A cela
s’ajoute nécessairement les instruments de titrisation de la dette externe de pays en
développement avec les plans Brady.

A cette intégration financière directe s’ajoute l’intégration indirecte par les euro-marchés ou
marchés d’euro-devises i.e des devises placées en dehors de leurs pays d’émission. En
particulier, l’élan donné au marché de l’euro-dollar dans les années 70 repose sur deux
séries de mesures : (i) la réglementation « Q » en 1958 plafonnant la rémunération des
comptes à termes aux Etats-Unis, d’où le recours des investisseurs à des marchés où les
rémunérations sont plus attractives à l’étranger, et (ii) la taxe d’égalisation des taux d’intérêts
(Interest Equalization Tax) de 1963 qui établissait une retenue à la source sur les intérêts des
capitaux prêtés par les résidents américains à l’étranger.

L’autre phénomène majeur de la métamorphose de la finance internationale durant ces


dernières décennies concerne vraisemblablement la question de l'intégration poussée des
économies émergentes dans les marchés financiers internationaux. Le cadre qui préfigure
ce mouvement de globalisation reste dominé par la libéralisation progressive des flux de
capitaux , en particulier les investissements directs et de portefeuilles , l'assouplissement des
dispositifs de contrôle des changes et l'instauration de la convertibilité des monnaies.

Les modèles macroéconomiques associent l’intégration financière internationale à deux


conditions de base, la mobilité des capitaux et la substituabilité des actifs financiers. Un
marché est d’autant plus intégré qu’il permet de réaliser la mobilité des fonds, qui peut ou
non, s’accompagner de la substituabilité des actifs.

Cette dernière implique de passer, soit au sein d’un même espace monétaire, d’un type
d’actif domestique à un autre, soit de faire jouer sur le plan international la substitution des
«habitats préférés» i.e de passer d’une devise à une autre. Plusieurs cas sont possibles: (i)
la délocalisation de la monnaie domestique, ce qui suppose l’absence de contrôle de change
et de restrictions à la libre circulation des mouvements de capitaux (articles 8 & 14 des
statuts du FMI) (ii) l’ouverture de comptes en devises étrangères pour des résidents (iii) les
placements sur des actifs libellés en monnaies étrangères (e.g les tésobonos mexicains ou
bons de trésor indexés sur le dollar) (iv)la substitution de monnaies (dollarisation) (v) la
souscriptions à des obligations étrangères et (vi) la création de certains produits financiers
spécifiques, tels les SICAV à compartimentage, permettant de changer de monnaie de
support selon les circonstances. En outre, la substituabilité des actifs permet l’élargissement
des choix d’investissement et l’optimisation des ré-allocations de portefeuilles. L’intégration
financière est d’autant plus forte que la substituabilité des actifs est parfaite i.e le choix
d’actifs équivalents se traduirait par une égalité de rendement net (le rendement corrigé par
les variations de change et les primes de risques ).

La libéralisation financière externe dans les économies émergentes a été essentiellement


induite par la mise en œuvre de mesures d’assouplissement tant des conditions de détention
par les résidents d’actifs libellés en monnaies étrangères que des modalités d’accès des non
résidents aux marchés financiers domestiques. Akyz.Y (1994)distingue trois types
d’opérations ayant renforcé l’intégration de ces économies dans le mouvement de
globalisation financière internationale:(i) les opérations à orientation interne à partir
desquelles les autorités monétaires autorisent les résidents à emprunter sans restrictions sur
les marchés financiers internationaux (ii) les opérations à orientation externe s’agissant des
autorisations de transfert de capitaux pour les résidents ainsi que la possibilité de détention
d’actifs financiers à l’étranger, mais aussi l’émission par les non résidents de titres
représentatifs de dettes et l’octroi de possibilités d’emprunt sur ces marchés financiers, et (iii)
les opérations purement internes en devises entre résidents tels que les dépôts bancaires ou
des prêts en monnaie étrangère.

L’évaluation du degré d’intégration ou d’ouverture des marchés financiers pose des


problèmes de mesures théorique et empirique. Si l’ampleur des flux de capitaux privés
fournit certes un indicateur fondamental du degré d’ouverture financière des économies
émergentes, d’autres approches « proxies » sont souvent avancées bien que parfois
contradictoires.

Les taux de change


Le taux de change nominal
Le taux de change réel

Le taux de change nominal


Le taux de change, défini comme le prix ou cours de conversion d’une monnaie nationale,
peut être évalué soit par rapport à une seule monnaie (ou devise) étrangère (on définit alors
le taux de change nominal bilatéral), soit par rapport à un panier de monnaies étrangères (on
définit alors le taux de change effectif nominal) .
Le taux de change nominal bilatéral (TCN)
Il est défini par le nombre d’unités de monnaie nationale (ou domestique) cédées pour
acquérir une unité de monnaie étrangère (définition à l’incertain), ou inversement, par le
nombre d’unités de monnaie étrangère cédées pour acquérir une unité de monnaie nationale
(définition au certain). Selon la première définition, toute hausse (respectivement baisse) du
taux de change correspond à une dépréciation (respectivement appréciation) de la monnaie
nationale, et inversement selon la seconde définition . L'indice du taux de change nominal
bilatéral (ITCN) d'une monnaie nationale (mn) vis à vis d'une monnaie étrangère (me),
exprimé pour une année de base (b) est mesuré selon la formule suivante:

Le taux de change effectif nominal (TCEN)


L'indice du taux de change effectif nominal (ITCEN) à une période (i) est calculé selon une
moyenne géométrique des indices de taux de change nominaux bilatéraux, exprimés pour la
même année de base, et pondérés selon les proportions relatives des différents pays
partenaires (j) dans les flux d'échange et de service extérieurs. Une augmentation
correspond à une dépréciation nominale :

Les déterminants des taux de change


la parité des pouvoirs d'achats

La parité des taux d'intérêts

Le taux de change se détermine en fonction de plusieurs déterminants, d’ordre réel (écart


d’inflation, déficit courant, productivités et termes de l’échange), monétaire et financier
(écart des taux d’intérêt, flux nets des capitaux, déficit public, encaisses réelles et
réserves de change. Pour simplifier, on fait généralement référence aux déterminants
fondamentaux des taux de change désignés par les relations de parité des pouvoirs
d’achat (PPA) et de parité des taux d’intérêt (PTI).
Section.4 Dynamique et volatilité des taux de change
la volatilité non conditionnelle

la volatilité conditionnelle

La volatilité non conditionnelle

La mesure de la volatilité dite « non-conditionnelle » du taux de change fait intervenir une


batterie d'instruments parmi lesquels on retient généralement: (1) la méthode de l'écart type
des observations passées du taux de change (2) la méthode de calcul à partir du
coefficient de variation qui rapporte l'écart type à la moyenne annuelle ou trimestrielle du
taux de change observé. Cette mesure fournit aussi un indicateur du risque de change, (3) la
méthode de l'écart absolu moyen par rapport à la moyenne mobile historique qui mesure le
trend (4) la méthode de l'écart absolu moyen par rapport à la moyenne mobile centrée
mesurant la variabilité du taux de change par rapport à une moyenne de sous-périodes ; ce
découpage est rendu nécessaire pour tenir compte d'un changement de structure dans le
choix des régimes des changes (5) la méthode du coefficient de volatilité relative qui
rapporte l'écart type du taux de change d'une devise donnée par rapport à la somme des
écarts types pour l'ensemble des devises étrangères considérées

La balance des paiements et les opérations externes

Les fonctions d'exportation et d'importation


Mécanismes d’ajustement et équilibres extérieurs
L’équilibre en économie ouverte
Les soldes et ratios significatifs

La balance des paiements d'une économie est définie comme étant un état statistique dont
l'objet est de retracer sous une forme comptable l'ensemble des flux réels, monétaires et
financiers entre les résidents d'un pays et ses non-résidents au cours d'une période
déterminée. La balance des paiements, toujours équilibrée, se compose de différentes
balances intermédiaires qui peuvent, quant à elles, faire apparaître des soldes positifs ou
négatifs (cf. Ben Marzouka.T et M. Safra pour des détails de présentation synthétique de
la balance des paiements et de la position extérieure). La structure de la balance des
paiements globale et donc de ses différents soldes se présente en détail comme suit :
 Balance commerciale (exportations et importations de biens)
 Balance commerciale + Balance des services (exportations et importations de
services)= Balance des opérations de Biens et Services
 Balance des Biens et Services + Balance des Revenus + Transferts
unilatéraux = Balance des Opérations ou Transactions Courantes
 Balance des Opérations Courantes + Balance des Capitaux de Long Terme
(Investissements Directs Etrangers, Investissements de Portefeuille, Crédits
bancaires à court terme, Prêts à plus d'un an)= Balance de Base
 Balance de Base + Balance des capitaux de Court Terme (flux de capitaux à
court terme du secteur privé non bancaire tels que les crédits commerciaux à moins
d'un an)= Balance des flux non monétaires ou Balance Globale
 Balance Globale + Flux monétaires du secteur bancaire hors Banque Centrale
= Balance des Règlements Officiels
 Le solde de la Balance des Règlements Officiels est compensé ou ajusté par
une modification des avoirs monétaires officiels ou variation des réserves de change
par la Banque Centrale, afin d'obtenir une balance des paiements équilibrée.
Dans une approche macroéconomique en économie ouverte, on adopte cependant une
présentation simplifiée dans laquelle les opérations avec l'extérieur peuvent être
synthétisées à partir des balances (et soldes correspondants) suivantes :
 La balance des opérations (ou des transactions) courantes, communément
appelée balance courante. On parle alors d'excédent courant (solde positif) ou de
déficit courant (solde négatif). Cette balance englobe les exportations et les
importations de biens, de "services non-facteurs" et de "services facteurs" liés aux
revenus du capital à titre des intérêts dûs ou payés tels les services des dettes
publiques et privées (intérieures vis à vis de l'étranger ou extérieures vis à vis de
l'économie nationale).
 La balance des capitaux englobant les mouvements de capitaux de long et
court terme de manière non différenciée. En effet, en matière d'endettement, la
différence entre les taux d'intérêt long et court réside uniquement dans la "prime de
risque", et il est alors concevable d'appréhender chaque espace économique,
domestique ou étranger, par un taux d'intérêt national représentatif et l'interaction
entre les deux espaces s'analyse alors en termes de différentiel ou écart d'intérêt
domestique et étranger, en fonction duquel sont évalués les mouvements de capitaux
à l'échelle internationale.
 La balance globale, étant l'agrégation des balances courantes et de capitaux,
son solde définit alors la variation de la position monétaire d'une économie vis à vis
de l'extérieur. A l'échelle de l'économie domestique, un déficit global correspond alors
à une sortie de monnaie nationale, et un excédent à une entrée de monnaie
étrangère. Dans les modèles simples en économie ouverte, on admet généralement
que les agents privés ne détiennent pas des devises étrangères, dans ces conditions
le solde de la balance globale peut être identifié à celui de la balance des règlements
officiels.
En plus de la balance des paiements, les relations externes sont aussi retracées par la
« position extérieure » qui est constituée de quatre rubriques :
- Les « investissements directs » qui comprennent essentiellement les capitaux propres
(capital social et bénéfices réinvestis).
- Les « investissements de portefeuille » qui comprennent les titres de participation et les
titres de créances
- Les « autres investissements » s’agissant des crédits commerciaux, prêts, placements
et autres investissements
- Les avoirs de réserve (bruts) qui comprennent l’or, les avoirs en droits de tirage
spéciaux (DTS), la position de réserve au FMI, les devises et les autres créances.

CHAPITRE 2 : LES MODÈLES EXPLICATIFS DU COMPORTEMENT DES TAUX DE


CHANGE

Objectif du chapitre
Ce chapitre est consacré aux théories et modèles explicatifs des comportements de change.
En régime keynésien, la flexibilité des taux et du régime de change assure l’efficacité de la
politique monétaire par rapport à la politique budgétaire. Cette première approche est par la
suite complétée par la théorie monétaire de détermination des taux de change, d’abord en
termes de prix flexibles avec l’approche monétaire de la balance des paiements puis à prix
fixes pour déduire l’approche du surajustement. Une dernière section ananlyse les théories
de change d’équilibre comme réponse à l’échec des théories traditionelles permettant entre
autres effets de valider certaines tentatives de réhabilitation de la PPA à long terme

Introduction

Ce chapitre est consacré aux théories et modèles explicatifs des comportements de change.
En régime keynésien, la flexibilité des taux et du régime de change assure l’efficacité de la
politique monétaire par rapport à la politique budgétaire. Cette première approche est par la
suite complétée par la théorie monétaire de détermination des taux de change, d’abord en
termes de prix flexibles avec l’approche monétaire de la balance des paiements puis à prix
fixes pour déduire l’approche du surajustement. Une dernière section ananlyse les théories
de change d’équilibre comme réponse à l’échec des théories traditionelles permettant entre
autres effets de valider certaines tentatives de réhabilitation de la PPA à long terme.

Section.1: Le comportement de change en régime keynésien

Régime de changes flexibles


Régime de changes fixes
Le théorème des élasticités critiques

Cette section est consacrée à la macroéconomie ouverte dans un cadre keynésien. Elle
permet de formaliser les schémas de desserrement de la contrainte externe en se plaçant
au niveau de la balance globale. En effet, selon la mécanique d’ajustement sous-jacente,
les mouvements de capitaux permettent de compenser le solde de la balance courante,
ce qui permet de rendre compatible l’équilibre externe et le plein emploi. Cela dépend de
l’efficacité des politiques économiques adoptées. Pour ce faire, Mundell et Fleming
étudient l’efficacité des politiques monétaire et budgétaire en régimes de changes
alternatifs, fixes ou flexibles, en fonction de la mobilité des capitaux à l’échelle
internationale. Le modèle développé est une extension de l’approche IS-LM en économie
ouverte. Il tente de répondre à la question suivante : Quelle politique économique en
économie ouverte peut garantir un niveau d’activité de plein emploi compatible avec
l’équilibre externe ?

Le modèle à prix fixes se compose en plus des équations (IS) et (LM), de l’identité de la
balance des paiements en économie ouverte ou contrainte externe notée (CE) :

(Identité de revenu national)


avec BC: solde de la balance courante = (en absence de transfert)

(Taux de Change Réel)

Sachant que :

(t=taux d’imposition)

(IS)

avec

On remarque qu’en plus des effets classiques des éléments de la demande effective étudiés
en économie fermée, s’ajoute l’effet taux de change sur la courbe IS.
La spécification de la courbe (LM) en économie ouverte repose sur la déterminantion du taux
d’intérêt. Pour cela deux situations macroéconomique doivent être distinguées :
- Mobilité parfaite des capitaux à l’échelle internationale.
- Mobilité imparfaite des capitaux à l’échelle internationale.
Dans ce contexte, le rapport entre mobilité des capitaux et substituabilité des actifs
devient fondamental. Les actifs domestique et étranger sont des substituts parfaits
lorsqu’ils sont évalués de façon indifférenciée sur la base de leur rendement anticipé
relatif, c’est à dire sur la base de leur taux d’intérêt respectifs. A l’équilibre du marché de
change, l’hypothèse de substituabilité parfaite rend compte de la condition de parité
ouverte (ou non ouverte) des taux d’intérêt:

Cette relation stipule que les actifs étrangers sont plus risqués que les actifs domestiques
dés lors que leur rendement effectif est influencé par les variations de changes. Pour rendre
les investisseurs indifférents entre les actifs domestique et étranger (ou neutres au risque de
change), les actifs étrangers doivent incorporer en plus une prime de risque(PR), ce qui
permet de déduire la condition de parité couverte (ou non ouverte) des taux d’intéret :

La mobilité parfaite des capitaux est une condition nécessaire à la substituabilité parfaite des
actifs financiers, les deux concepts sont en fait synonymes. Le tableau suivant retrace les
différents cas possibles de rapport entre les deux hypothèses de mobilité des capitaux et de
substituabilité d'actifs :

Substituabilité des actifs


Parfaite Imparfaite

Court terme Long terme Court terme Long terme


parfaite
Mobilité
des capitaux
Court terme Long terme Court terme Long terme
imparfaite
Absence de solutions

où:
r : rendement nominal des actifs domestiques

: taux d’intérêt nominal étranger

: rendement nominal anticipé des actifs étrangers (Parité non couverte)

: Parité couverte d'une prime de risque (PR)

: Anticipation de dépréciation du taux de change nominal (e)


Les fonctions de la courbe (LM) et (CE) sont alors données comme suit :

Section.2 Les modèles monétaires de détermination des taux de change

L'analyse à prix flexibles: l'approche monétaire de la balance des paiements


L'analyse à prix fixes: l'approche de sur-réaction

Dans les approches précédentes, la détermination du taux de change est définie par les
conditions d'équilibre de la balance courante. Les relations entre variations de revenu et
importations sont déduites à partir du concept de l'absorption. La balance des paiements est
analysée en situation de sous-emploi keynesien dans laquelle le rééquilibrage externe des
échanges internationaux détermine la valeur du taux de change qui permet aussi, par suite
d'une modification de la parité, de résorber les excédents et les déficits courants.
En recentrant l'analyse sur les opérations et la balance des capitaux, l'approche monétaire
de la balance des paiements porte, au contraire, l'argument sur les variations des encaisses
réelles qui conduisent à des réallocations de portefeuilles d'actifs. Le taux de change est
alors déterminé par l'effet induit des variations de la masse monétaire. Cette approche fût
élargie à la théorie des choix de portefeuille en intégrant la parité des taux d'intérêt (PTI) qui
considère le taux de change d'équilibre en tant que prix relatif d'actifs financiers.

Section.3 Les modèles de choix de portefeuille

Dans l’approche monétaire des taux de change, les actifs financiers sont supposés des
substituts parfaits. Cette hypothèse restrictive est levée dans les modèles de choix de
portefeuille où l’on considère, au contraire, que le taux de change est l’instrument d’arbitrage
entre les actifs monétaires et financiers transitant sur les marchés des changes. Il s’agit alors
d’analyser la répartition optimale des portefeuilles en fonction des rendements et des risques
relatifs aux placements, suivant en cela la théorie traditionnelle des choix de portefeuille
initiée dans les années 1950 par Tobin et Markowitz.

Section.4 Les modèles de substitution de monnaies


Dans les modèles déquilibre de portefeuille, la répartition de la richesse s’opère par suite
d’un arbitrage entre la détention d’actifs (ou encaisses) liquides ou monétaires (cash
balances), et la détention d’actifs financiers (interest-bearing assets). Cet arbitrage inter
temporel est formalisé dans la fonction de demande de monnaie.
Dans les modèles de substitution de monnaie se pose alors le choix supplémentaire ou
l’arbitrage entre la détention d’actifs libellés en monnaie nationale ou étrangère. En général,
les obligations domestiques et étrangères sont considérées comme étant des substituts
parfaits, i.e, les investisseurs qui sont donc supposés neutres au risque de change (absence
de prime de risque) sont confrontés à un rendement anticipé identique des actifs. Un
exemple théorique simple des mécansimes de sustitution de monnaies découle du modèle
monétariste . La détention par les résidents domestiques d’une partie de la demande de
liquidité sous forme de monnaie domestique conduit à une fonction de demande de monnaie
(ou d’encaisses réelles) telle qu’utilisée précedement:

et

: La part d’encaisses liquides que les résidents domestiques désirent détenir sous forme
de monnaie domestique. Si =1, il y a absence de substitution de monnaies.
La transposition logarithmique de cette fonction aboutit à l’écriture suivante :

avec:

: Elasticité-revenu de la demande de monnaie

: Elasticité-intérêt de la demande de monnaie


En revanche, la fonction de demande de monnaie étrangère par les résidents domestiques,
et qui représente la condition d’équilibre sur le marché de la monnaie, s’écrit alors :

Cependant dans ces modèles, et contrairement à l’approche de Dornbusch.R, le marché des


biens est en situation d’équilibre à court terme du fait de la vérification de la loi du prix
unique (PPA) :

En posant

(condition d’équilibre sur le marché des biens)

Sachant que la parité des taux d’intérêt (PTI) fournit la condition d’équilibre sur le marché
des actifs :
Plus se rapproche de (1), plus la préférence pour la monnaie domestique
augmente (et vis versa) et plus le revenu augmente, ce qui induit une baisse (ou
appréciation) du taux de change nominal (e).

Section.5 Les taux de change d’équilibre

Le modèle FEER
Le modèle NATREX
Un modèle de forme réduite

La littérature empirique se pose naturellement la question du "bon niveau" d'une monnaie,


sous-évaluation ou surévaluation?. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de
déterminer un niveau d’équilibre du taux de change. La théorie la plus connue et la plus
ancienne est la parité des pouvoirs d’achat (PPA), puisant ses origines dans la loi du prix
unique, qui stipule qu’en l’absence de coûts de transport et de barrières à l’échange
international, le prix d’un bien doit être le même partout lorsqu’on l’exprime dans une même
monnaie, la PPA l’étend à un panier de biens et avance qu’une unité monétaire doit
permettre d’acquérir la même quantité de biens dans tous les pays. A cette version extrême
de la PPA (dite "absolue"), on substitue fréquemment une version plus modérée (dite
"relative") qui stipule que les évolutions du change doivent compenser les différentiels
d’inflation. Des concepts plus sophistiqués des taux de change d’équilibre se sont par la
suite développés qui donnent une plus grande importance aux mouvements de capitaux.
Dans ce cadre, le taux de change d’équilibre est celui qui permet de parvenir simultanément
à l’équilibre interne (plein emploi et inflation maîtrisée) et externe (déséquilibre courant
soutenable, i.e. financé par des mouvements de capitaux structurels). Parmi ces modèles,
on trouve essentiellement le FEER (« Fundamental Equilibrium Exchange Rate »), le
NATREX (« Natural Real Exchange Rate ») et le BEER (« Behavioral Equilibrium Exchange
Rate »). A titre d’exemple, le tableau suivant établit quelques tentatives d’estimation du taux
de change d’équilibre de l’euro dans la littérature :

Estimation de la valeur externe de l’euro

Auteurs Méthodes/variables retenues Monnaies et Sous évaluation


période de implicite de
référence l’euro

Alberola et al Modèle d’équilibre interne /externe Dollar ; 7%


(2001) (actifs étrangers nets, ratio prix à la fin 1998
consommation /prix à la production)

Borowski et Modèle FEER Dollar ;1999SI 9%


Couharde (2000)

Chinn et Alquist Modèle monétaire Dollar ; 21%


(2001) juin 2000

Clostermann et Modèle BEER (taux d’intérêt réel, Dollar ; hiver 17%


Schatz (2000) ratio prix à la consommation/prix à 1999/2000
la production, prix du pétrole,
dépenses gouvernementales

Duval (2001) Modèle NATREX et BEER (ratio Dollar;2000 T3 21%


prix des biens échangeables /biens
non-échangeablies, propension à
consommer, productivité globale
des facteurs, taux d’intérêt réels)

FMI(2001) Approche d’équilibre Epargne Principaux 15%


/Investissement partenaires
commerciaux, été
2000
Dollar ;
été 2000 30%

Goldman Sachs Modèle BEER (productivité du Dollar ; mai 2000 14%


(2000) travail, taux d’intérêt réels, actifs
étrangers nets)

Hansen et Modèle d’équilibre inter / externe Principaux 15%


Roeger (2000) (actifs étrangers nets ratio prix à la partenaires
consommation /prix à la production) commerciaux ;
1999 T3

Lorenzen et Modèle d’équilibre interne /externe Dollar 15%


Thygesen (actifs étrangers nets ratio prix à la mi-2000
consommation / prix à la
production, ratio de dépendance,
dépenses en R& D)

OCDE: Koen et Modèle BEER (taux d’intérêt réels Principaux 9%


al. (2001) ratios prix à la consommation/ prix partenaires
à la production, PIB par tête, prix commerciaux ;
du pétrole) 2000S2
Dollar
15%

Teîletche (2001) Modèle BEER ( taux d’intérêt réels, Dollar ; juin 2000 15%
productivité globale des facteurs,
dépenses gouvernementales)

Wren-Lewis et Modèle BEER Dollar ; 2000 30%


Driver (1998)

Source : Koen et al. [2001].


Note : la sous-évaluation est calculée en rapprochant la différence entre taux de change
observé et taux de change d’équilibre estimé.
En fait, cette nouvelle grille de lecture a précisément pour objet de remédier aux
insuffisances des modélisations traditionnelles des comportements de change, et donne une
conception nouvelle au concept de rattachement monétaire entre zones d’inégal
développement. L’intérêt que suscite cette norme d’équilibre dans la conduite des politiques
de change a été essentiellement démontré à l’occasion des travaux de J.Williamson
(1983;1994) ainsi que J.Williamson et M.Mahar,1998 sur le concept du FEER mais aussi
dans l’analyse du NATREX suite aux travaux de J.Stein (1995;1996), R.Mc
Donald(1995;1997), R.Mc Donald et J.Moore (1996).

CHAPITRE 3 : LES CRISES FINANCIÈRES ET DE CHANGE

Objectif du chapitre
Les risques récurrents de l’intégration financière internationale sont souvent traduits en
termes de crises de changes dont l’origine peut être attribuée soit à des facteurs
économiques ou fondamentaux ou encore à des phénomènes purement spéculatifs. Dans ce
cadre, les taux de change subissent des attaques spéculatives défensives ou offensives qui
induisent des vulnérabilités et des fragilisations financières intrinsèques.

Introduction
L'intégration des économies émergentes dans les marchés financiers internationaux,
impulsée par la dynamique de libéralisation des flux de capitaux, l'assouplissement des
dispositifs de contrôle des changes et l'instauration de la convertibilité des monnaies, a
révélé des contextes de déstabilisation macro-économique d'un type nouveau qui ont été
sources de fragilités accrues de ces économies. Les turbulences financières et les crises de
change récentes depuis le mois de juillet 1997 au sud-est asiatique (Thaïlande, Malaisie,
Indonésie......), tout comme l'expérience passée au cône-sud d'amérique latine depuis les
crises du peso mexicain (1994), du real brésilien (1998), du peso argentin (2001 et 2002)
tout comme la crise du rouble russe (1999) et de la livre turque (2001), conduisent à
considérer que la nouvelle donne constituée par une finance internationale déréglementée et
par des régimes de change inadaptés traduit des risques récurrents qui ne sont plus
seulement d'origine fondamentale mais aussi spéculative. Ces turbulences financières ont
reposé la question des risques et des contraintes ou encore du potentiel déstabilisant que
peuvent induire les mouvements de capitaux sur le plan macro-économique. Le rappel des
faits stylisés de la globalisation financière a en effet amené à un constat liminaire s‘agissant
de l‘attractivité des marchés de capitaux émergents dans la dynamique globale des marchés
financiers internationaux. La part croissante des investissements de portefeuille en
participations dans le financement externe privé des économies en développement répond à
la fois aux nouvelles stratégies des investisseurs institutionnels mais aussi aux facteurs
macro-économiques sous-jacents (taux de change, taux d’intéret, taux de croissance,
inflation, réserves, soldes courants) i.e. aux performances enregistrées .

Section.1 Les risques récurrents de l'intégration financière


Dans cette nouvelle configuration de la finance internationale, l'afflux de capitaux externes
joue en particulier un rôle moteur dans l'appréciation du taux de change réel. Le risque de
déstabilisation macroéconomique est alors évident dés lors que l'accroissement de la masse
monétaire due à une hausse des réserves de changes soutenue par de fortes entrées de
capitaux peut conduire à un excès de demande interne provoquant un accroissement des
importations. Ce mouvement est accentué par l'appréciation de change et la perte de
compétitivité qui en découle, ce qui handicape, à termes, la croissance des exportations. En
définitive, on se retrouve dans un scénario où l'appréciation réelle et le gonflement de la
demande liées aux entrées de capitaux font creuser le déficit courant. L’exemple le plus
patent reste la crise mexicaine en 1994.

En fait, une logique combinatoire ou à géométrie variable s‘impose lorsqu’on étudie le


comportement régissant les financements privés en portefeuille . Le caractère hétérogène
des intervenants sur les marchés financiers internationaux a déjà été évoqué lors des crises
de changes du Système Monétaire Europeén (S.M.E) mais aussi du Mexique (SACHS.J,
TORNELL.A & A. VELASCO [1996]). En effet, les stratégies de gestion de portefeuilles
d’actifs à court terme répondent aussi à une logique d’opinion dominante sur l’évolution des
taux de change futurs qui peut déclencher des comportements spéculatifs auto-réalisateurs
(CARTAPANIS.A [1994-a]).

Comme le soulignent HALTIWANGER et WALDMAN [1985], les intervenants sur les


marchés de change (investisseurs internationaux et traders) adoptent deux logiques de
comportement (CARTAPANIS.A [1995]): (i) une logique rationnelle se méfiant des
comportements de foule et faisant reposer les anticipations de changes sur les
fondamentaux. Ce « comportement d’encombrement » produit un effet stabilisant (ii) une
logique irrationnelle ou d’imitation accordant une utilité plus élevée à l’émergence d’une
opinion dominante partagée par une majorité d’intervenants. Cette « contagion mimétique »
produit un effet déstabilisant, dès lors que l’équilibre du marché des changes devient
informationnel, et peut trouver un ancrage à partir d’informations dénuées de toute
justification économique.
La prédominance d’acteurs raisonnant à court-terme et la perte de référence aux facteurs
fondamentaux ou sous-jacents au profit d’une opinion dominante et d’une « myopie »
généralisée (GOODHART. C[1988]) a rendu les marchés de changes éminemment
spéculatifs en devenant de plus en plus des lieux de rencontres de rumeurs (noises). Faute
d’ancrage réel crédible des anticipations, le marché de change tombe sous l’emprise de
mouvements psychologiques et se trouve alors soumis à des dérives, voire des paniques
spéculatives (ORLEAN. A [1993]). D’ailleurs, les enseignements des données d’enquêtes
afférentes aux anticipations de change ont établi le caractère d’hétérogénéité et de
déconnexion des prévisions vis-à-vis des fondamentaux (CARTAPANIS. A [1996-c]. La
concomitance de la double logique fondamentaliste et spéculative sur les marchés des
changes est nécessaire dès lors que les déterminants fondamentaux n'interviennent
seulement que comme des « forces de rappel » (CARTAPANIS. A [1994-a]) ou des
« attracteurs » (BOURGUINAT. H [1989].
Un cas d’école en matière de crises financières et de change reste sans doute la crise
mexicaine. Dans ce cadre, ORLEAN.A [1996] a identifié les "prodromes" de cette crise du
peso mexicain dans l’évolution de la structure de financement de l’économie mexicaine par
suite, essentiellement, de l’adoption de mesures de libéralisation financière, qui ont démarré
avec les plans Brady de titrisation et restructuration de la dette externe. Ce mouvement s’est
poursuivi par un démantèlement des contrôles de change, une déréglementation et une
suppression des restrictions aux investissements étrangers.

Le développement massif des investissements de portefeuille, qui se sont substitués aux


investissements directs et aux crédits bancaires, est allé de pair avec l’objectif de
financement de la dette publique interne. L’innovation financière a été alors élargie au
marché des emprunts d’Etat. C’est ainsi que sont apparues d’abord les obligations Brady,
partiellement garanties par des obligations du Trésor américain, mais aussi des coupons de
dette publique titrisée à court-terme, libellés soit en pesos (cetes) soit indexés sur le dollar
(tesobonos) .
Au départ, cette libéralisation financière a non seulement permis de desserrer la contrainte
budgétaire mais aussi de stabiliser l’inflation et de relancer la croissance . Mais le
caractère extrêmement volatil des capitaux étrangers conjugué à une détérioration des
fondamentaux ont conduit par la suite à une contagion spéculative ayant entraîné
l’effondrement du peso. En effet, l’accroissement du déficit courant qui a atteint 8% du PIB
en 1994 et l’amenuisement continu des réserves de changes (7 milliards de dollars à la fin
de 1994), d'ailleurs largement imputables à la montée des taux d’intérêt aux Etats-Unis , ont
entraîné une revente massive des bons de trésor mexicains et une sortie de capitaux pour
se placer sur le dollar. La surévaluation réelle du peso par rapport au dollar qui s’en est
suivie a ruiné la crédibilité de la zone-cible fixant des marges étroites de fluctuation entre les
deux monnaies .
Une dévaluation initiale de 15% i.e. un relèvement dans la même proportion du plafond de la
bande de fluctuation du taux de change du peso vis-à-vis du dollar a entraîné une
réévaluation de la contrepartie en monnaie domestique de la dette publique interne indexée
(tesobonos), alors même que l’échéance moyenne sur la dette titrisée s’est nettement
raccourcie (PISANI-FERRY.J et J.SGARG [1996]). C’est alors que le besoin global de
refinancement s’ajoutant au déficit courant a rendu ce déséquilibre fondamental un élément
d’anticipation. En absence de repère objectif sur le nouveau cours d’équilibre, le taux de
change a perdu sa crédibilité, et les investisseurs étrangers ont procédé massivement à la
liquidation des portefeuilles de titres. L’anticipation d’effondrement du peso a entraîné une
contagion mimétique baissière alimentant les sorties de capitaux. La revente des obligations
a donc rendu les anticipations purement " auto-réalisatrices " en spéculant à la dépréciation
additionnelle du peso .
Plusieurs mécanismes de couverture contre l’effet déstabilisant des mouvements de capitaux
ont été proposés, tels que la taxe TOBIN de 0.5% sur les opérations financières afin de
limiter la prise de risque sur les marchés, ou encore l'imposition de réserves obligatoires sur
les engagements extérieurs, le plafonnement des engagements bruts en devises étrangères,
les restrictions sur les emprunts à l'étranger des institutions financières non-bancaires avec
réserves obligatoires sur leurs engagements externes ou des limitations pour les
participations des non-résidents aux marchés financiers domestiques.

Section.2 Attaques spéculatives défensives et crises de balance des paiements


(modèles de première génération)

Une première catégorie de modèles (dîts modèles de la première génération) considère les
crises financières et de change comme étant rationnelles traduisant un comportement
optimal des intervenants privés cherchant à se prémunir contre le risque de perte en capital
sur la détention de monnaie domestique en cas de dépréciation ou de dévaluation de celle-
ci.

La ruine de réputation des banquiers centraux peut être liée à des facteurs objectifs (e.g
amenuisement des réserves de changes) qui conduisent à une spéculation défensive des
agents privés. Cette spéculation qualifiée de rationnelle exerce un effet stabilisant sur le
marché des changes et produit généralement des crises de balance des paiements (ou de
dévaluations) . Dans cette approche classique, on suppose en effet que les spéculateurs
stabilisent les prix dés lors que <<...si un aléa fait baisser le prix d'équilibre, la spéculation
rationnelle achète pour profiter du retour du prix à la normale, ce qui réduit l'effet de l'aléa sur
le cours...>> (ARTUS.P,1996).

L'intervention stabilisante de la spéculation défensive est motivée par la prévention ou


couverture des investisseurs contre un risque de perte en capital. Les situations d'attaques
spéculatives rationnelles ou défensives sont généralement étudiées dans les modèles de
crises de balance des paiements. Dans leurs premières versions, ces modèles examinent
les effets d'une politique monétaire incohérente sur la position de balance des paiements
d'une "petite" économie ouverte. Il y a donc incompatibilité entre les changes fixes, la
mobilité parfaite des capitaux et la conduite d'une politique monétaire indépendante ou
autonomie de la politique monétaire, c'est ce que la littérature rend compte à partir du
triangle d'incompatibilité de Mundell. En déclenchant une crise spéculative, les opérateurs
privés accélèrent alors la sortie de la monnaie domestique du système de changes fixes.

En particulier KRUGMAN.P [1979] montre qu'en régime de changes fixes, une politique
monétaire expansionniste conduit à un amenuisement progressif des réserves de change
lorsque la création domestique de crédit est excédentaire par rapport à la croissance de la
demande de monnaie (Incohérence temporelle). Cet handicap de compétitivité conduit à une
perte rationnelle de crédibilité du taux de change de référence, et une attaque spéculative
contre la monnaie force la Banque Centrale soit à abandonner le régime de change fixe
-"Problème de Peso" (cf. KRASKER.W [1980])- et l'adoption d'un régime de change
flexible (Post collapse regime), soit à dévaluer la monnaie. L'attaque spéculative s'opère
cependant avant que la Banque Centrale n'ait épuisé totalement le stock de réserves de
change (attaque spéculative précoce). En d'autres termes, l'anticipation de dépréciation de la
parité pour stabiliser le niveau de réserves et restaurer la compétitivité incite les détenteurs
étrangers de la monnaie nationale à réaliser une attaque spéculative précoce afin de se
prémunir contre les pertes de change futures, en cédant leurs avoirs dans la monnaie
domestique. L'accentuation de l'épuisement des réserves force alors la Banque Centrale à
un changement de régime de change.

Cependant, le modèle générique de KRUGMAN.P [1979] ne permet pas de déduire la date


de l'attaque spéculative ; celle-ci est seulement "justifiée" par le recours de la banque
centrale "attaquée" à une politique monétaire expansionniste qui est incohérente avec une
position de déficit extérieur continu. En retenant une modélisation linéaire, FLOOD et
GARBER [1984] arrivent à déterminer une solution au problème du timing de la crise de
change, alors que d'autres modèles démontrent qu'une incertitude sur le processus de
création monétaire domestique rend cette date totalement aléatoire (cf. CLAESSENS.S
[1991], BUITER.W [1986] et DORNBUSCH.R [1987]). De même, l'approche KRUGMAN-
FLOOD-GARBER a été élargie pour introduire certains effets, notamment, la rigidité des prix
et la substituabilité imparfaite des actifs (cf. WILLMAN [1988]; FLOOD et HODRICK [1986])
ou encore, l'endettement externe et les contrôles de capitaux. Cette démarche a été
complétée dans la littérature par les travaux de AGENOR. P.R, BHANDARI. J.S et
R. FLOOD [1992] et plus récemment de GARBER.P.M et L.E.SVENSSON [1994].

On considère une "petite économie" ouverte où les agents consomment un seul bien
échangeable dont l'offre domestique exogène est fixée à ( ), et le prix en termes de
monnaie étrangère est normalisé à l'unité. Le prix en terme de monnaie domestique est donc
égal au taux de change nominal d'après la PPA. Les investisseurs détiennent trois formes
d'actifs monétaire et financiers - la monnaie domestique (détenue uniquement par les
résidents), des obligations domestiques et étrangères qui sont des substituts parfaits. La
mobilité des capitaux à l'échelle internationale est aussi parfaite. L'offre de monnaie est
égale à la somme de la création domestique de crédit par la Banque Centrale (absences de
banques de second rang), dont le taux de croissance est supposé constant, et de la valeur
en monnaie domestique des réserves de changes.

Le modèle standard se présente comme suit :


(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

Dans cette présentation Log-linéarisée, sauf pour les taux d'intérêt, ( ) définit le stock
nominal de monnaie, ( ) définit le niveau général des prix domestiques, ( ) les
encaisses réelles, ( ) le niveau des prix étrangers, ( ) le crédit domestique, ( ) le
stock des réserves de change en termes de monnaie domestique, ( ) le taux de change

nominal, ( ) le taux d'intérêt nominal étranger supposé constant, ( ) le taux d'intérêt


nominal domestique, ( ) le paramètre d'anticipation conditionné par l'état d'information
disponible à la période (t) de la dépréciation de change ( ) et ( ) le taux de croissance
constant du crédit.

L'équation (1) définit la condition d'équilibre sur le marché de la monnaie, de sorte que la
demande d'encaisses est une fonction positive du revenu et négative du taux d'intérêt. L'équ
(2) est une approximation Log-linéaire de l'identité présentant la décomposition du stock de
monnaie (ou base monétaire) entre le crédit domestique (en proportion ) et les réserves de
change (en proportion (1- )). L'équ (3) écrit le taux de croissance ( ) constant ( ) du
crédit domestique, les équations (4) et (5) définissent, respectivement, la PPA et la parité
ouverte des taux d'intérêt.

Sous l'hypothèse de prévision parfaite des taux de changes ( ) et supposant que

( ), la dynamique de change est déterminée comme suit :


(6)

Cette équation permet de comparer les propriétés opérationnelles des régimes de change
alternatifs, fixe ou flexible. En régime de change fixe au niveau ( ), l'anticipation de

dépréciation est nulle ( ),

et donc ( ) sera constante et égale à ( ). La Banque Centrale doit alors équilibrer tout
accroissement du crédit domestique par une baisse équivalente des réserves. Les autorités
accommodent donc la variation de la demande de monnaie par des opérations de
stérilisation des réserves. Sachant que ( et ), on aura:

(7)

(8)

avec

En d'autres termes, une offre de crédit domestique excédentaire par rapport à la demande
de monnaie fixe ( ) conduit à la baisse des réserves d'un taux proportionnel au taux
d'expansion du crédit. Il s'ensuit un amenuisement des réserves de changes en cas de stock
initial positif mais invariant, lorsque la Banque Centrale intervient sur le marché des
changes pour défendre la fixité du taux change courant.

Afin de se prémunir contre le risque de change, la Banque Centrale établit un niveau minimal
de réserves ( ), et annonce à une période -t- son engagement à défendre la parité fixe de
la monnaie alors que les réserves ont déjà atteint le seuil choisi. Les investisseurs anticipent
rationnellement l'éclatement du régime, et pour éviter des pertes en capital, les spéculateurs
forcent une crise de balance des paiements (attaque spéculative précoce ou défensive
contre la monnaie faible), qui aboutit soit à une crise de dévaluation soit au passage à un
régime de flottement généralisé.
Le "timing" d'éclatement du régime de change fixe ou le sentier de transition à un régime de
change flexible est calculé par un processus d'induction amont (Backward induction)
formalisé par FLOOD et GARBER [1984]. De la sorte, l'arbitrage des investisseurs sur le
marché des changes procède par la fixation du taux de change par suite de l'attaque
,comme étant égal au taux de change fixe prévalant au moment de l'attaque précoce qui
produit ultérieurement un éclatement du régime. Cependant, ce dernier n'a lieu que lorsque
les réserves de changes atteignent effectivement une barre minimale normalisée à l'unité (ou
en Log, = 0 )à partir de laquelle la banque Centrale tolère un flottement libre du taux de
change (shadow floating rate ), qui se détermine alors par les fondamentaux du marché
(e.g le stock nominal de monnaie). La date d'éclatement du régime de change fixe est située
au point d'égalisation du "shadow floating rate" au taux de change fixe prévalant au moment
de l'attaque.

En d'autres termes, un changement de régime a lieu lorsque le taux de change fixe devient
supérieur (ou déprécié) par rapport au "Shadow floating rate", ce qui se traduit par une perte
instantanée en capital des investisseurs sur les achats de réserves de changes. On suppose
que le "Shadow floating rate" ( ) est une fonction linéaire du stock nominal de monnaie :

(9)

En régime de change flexible, = 0, ce qui donne:

On aura alors :

(10)

Dans le "Post collapse regime", le taux de change se déprécie alors proportionnellement au


taux de croissance du crédit domestique :

(11)

On aboutit au système de solutions suivantes :

et
En notant , où désigne le stock initial de crédit domestique, on
obtient :

(12)

Le régime de change fixe éclate lorsque ( ) devient égal au taux fixe ( ), soit :

La date d'éclatement (collapse) du régime est donc résolue comme suit :

(13)

et sachant que :

où désigne le stock initial de réserves de change, on obtient en définitive:

(14)

L'éclatement du régime a lieu à une période ( ) d'amenuisement critique des réserves de


changes, et en absence de spéculation ( ) l'éclatement devient alors "naturel", pour
reprendre la terminologie de GRILLI.V [1986, p 154].

Section.4 Les modèles à équilibres multiples : hétérogénéité des acteurs et des


anticipations de change

Le recours à une hypothèse uniforme et homogène de rationalité des anticipations de


change se heurte à la difficulté de définition d'un taux de change d'équilibre et à l'échec
récurrent des modèles traditionnels qui formalisent les taux de change à partir des
déterminants fondamentaux ou réels.

Avec l'effondrement de l'approche monétaire et de la théorie des pouvoirs d'achat, le calcul


d'un taux de change d'équilibre à partir d'un écart d'inflation cumulé depuis une période de
référence choisie en fonction d'une situation d'équilibre antérieure a posé un problème de
validation empirique. L'échec des modèles privilégiant, soit un équilibre monétaire, soit un
équilibre de portefeuille est attribué à la non significativité des paramètres estimés qui
changent de signes en fonction des périodes d'analyse ou des définitions retenues de taux
de change (cf. CARTAPANIS. A [1996-c]).

L'instabilité des paramètres estimés touche aussi les modèles d'équilibre des marchés
d'actifs où le taux de change est un prix d'équilibre des structures désirées de portefeuilles
d'actifs multi-devises. En plus, les écarts persistants vis-à-vis de la parité des taux d'intérêt
ont suscité un renouvellement théorique consistant à tenir compte des changements de
régimes monétaire et financier et l'introduction du "problème du peso" quand un choc de
probabilité non nulle est intégré aux anticipations, créant une tension, sans que le choc ne se
confirme ex-post (CARTAPANIS. A [1994-b]). D'autres modélisations se sont heurtées à des
problèmes d'évidence empirique, c'est le cas notamment des modèles de "News" i.e de
redéfinitions des anticipations en réponse à l'afflux de nouvelles informations, mais aussi des
modèles de stérilisation des interventions des Banques Centrales, de substitution imparfaite
des capitaux ou d'introduction de primes de risques variables dans la parité couverte des
taux d'intérêt.

Comme le souligne PLIHON. D [1996-b], l'échec récurrent des déterminants fondamentaux


touche aussi des modèles d'optimisation intertemporelle (cf. OBSTFELD. M et K. ROGOFF
[1994]) d'inspiration néo-classique qui décrivent des comportements individuels
d'optimisation à court-terme. Le taux de change d'équilibre est la solution d'un modèle
d'équilibre général avec un seul agent "représentatif", ayant des anticipations rationnelles et
évoluant sur un marché de concurrence pure et parfaite. Or, cette modélisation considère
que la balance des paiements est toujours en situation d'équilibre stationnaire assuré par la
combinaison d'une hypothèse de rationalité des anticipations avec une hypothèse
d'équivalence Ricardienne. La constatation d'un déficit courant conduit à l'anticipation d'un
accroissement futur de l'imposition et l'agent "représentatif" augmentera à due concurrence
son épargne pour financer le déficit. Cette analyse est non seulement invalidée
empiriquement mais en plus, l'absence de déficit extérieur induit d'un excès de dépenses
publiques sur le long-terme apparaît totalement irréaliste.

Faute d'un ancrage crédible des anticipations que n'offre pas encore la théorie de change,
celle-ci dispose tout au moins à court-terme de nouvelles modélisations plausibles intégrant
l'hétérogénéité des acteurs et des anticipations, les microstructures du marché des changes
et les interactions entre opinions divergentes dont semble relever la dynamique de change.

Comme le souligne CARTAPANIS. A[1994-a], la faiblesse relative de l'hypothèse


fondamentaliste est liée à l'absence de "capacités cognitives" permettant aux opérateurs
d'identifier le vrai modèle de détermination des taux de change, de connaître les valeurs
présentes et futures de variables pertinentes "non bruitées" et d'estimer sans biais la
dynamique de change future, et cela face à des changements fréquents et brutaux de
régimes de politique économique (cf. ITHURBIDE. P [1992]).
Lorsque les opérateurs doivent réagir dans l'urgence à des volatilités permanentes des cours
de change, leur attitude répond plutôt à une "connaissance tacite" ou une "induction
mentale" (TORJMAN. H [1994]), en sélectionnant les informations les plus faciles à
interpréter. Une "logique de l'approprié" liée à l'expérience et l'intuition s'oppose alors à une
"logique de la conséquence" basée sur la prédiction d'un modèle de référence.

L'apprentissage de l'opinion dominante conduit à une rationalité instrumentale au sens de


WALLISER [1984], dès lors que des variables macro-économiques de référence censées
produire un impact fondamental exercent un rôle plus important par leur influence
psychologique, tels les taux d'intérêt qui répondent plutôt à la crédibilité des politiques
monétaires qu'aux écarts de rendements.

Il devient donc nécessaire de raisonner en termes de marché de change hétérogène où se


confrontent directement deux types d'opérateurs, des "chartistes" et des "fondamentalistes"
dont la logique de rencontre a été formalisée par FRENKEL. J et K. FROOT [1986] qui
analysent les mouvements du dollar en tant que bulle spéculative irrationnelle. Dans ce
renouvellement micro-économique de la théorie de détermination des taux de change, le
comportement "chartiste (ou graphiste)" est généralement associé à une logique de
spéculation définie déjà par KALDOR. N comme étant "... l'achat (vente) de biens avec
intentions de revente (rachat) à une date ultérieure, lorsque l'action est motivée par l'espoir
d'une modification du prix en vigueur...". En d'autres termes, la spéculation implique une
prise de risque i.e. une prise de position de taux de change motivée par l'anticipation d'une
plus-value liée à la variation des cours. Si l'on y ajoute l'imitation comme base de cette
anticipation, à l'image du concours de beauté, on retrouve la définition de la spéculation par
KEYNES (chap. 12 de la théorie générale).

La composante spéculative induite des modèles d'hétérogénéité des acteurs et des


anticipations est analysée par ARTUS. P [1992] qui distingue des "pure noisy traders" : les
"negative feedback traders" achètent à la baisse et les "positive feedback traders" achètent à
la hausse. Ces deux types d'agents irrationnels ou chartistes (noise traders) introduisent un
bruit, i.e. une information non rationnelle, en réagissant à des rumeurs qui déstabilisent la
dynamique de change.

C'est ainsi que l'hypothèse de dichotomie des anticipations de change et des catégories
d'acteurs, les uns se comportant de façon grégaire et les autres de manière rationnelle, a été
partiellement modifiée dans deux options théoriques différentes. La première se situe à la
frontière de l'hétérogénéité en ce sens qu'elle postule un seul agent représentatif combinant
deux sources d'anticipations, l'une de nature fondamentaliste liée à l'écart entre le taux de
change observé et le taux de change d'équilibre et l'autre d'origine chartiste, fondée sur une
marche aléatoire. La seconde combine l'interaction concurrentielle entre les deux catégories
à un effet de contagion d'un type nouveau où les "noise traders" peuvent même contaminer
les investisseurs rationnels. C'est ce que démontrent CARTAPANIS. A et P. LAURENT [1996]
dans un modèle où se confrontent deux catégories d'acteurs, les uns qualifiés de
"dissidents" négligent l'information donnée par l'intervention d'une Banque Centrale ou les
signaux qu'elle émet au marché des changes, les autres qualifiés de "conformistes" qui
restent "aveugles au désastre" et se conforment à la politique d'intervention jusqu'à ce que la
panique spéculative les convertisse à leur tour à la dissidence, ce qui accentue le potentiel
de déstabilisation du marché.

Dans ce cadre, l'hétérogénéité des anticipations couplée à un risque de diffusion de


l'irrationalité devient d'autant plus déstabilisante que les taux de change de référence ne sont
pas crédibles. En particulier, les distorsions durables vis-à-vis des fondamentaux et les
mouvements de défiance à l'égard des monnaies dépendent de la réputation qu'accordent
les opérateurs aux politiques d'intervention des Banques Centrales. CARTAPANIS. A [1994-
a] retient deux définitions des canaux d'intervention : (i) au sens de transactions de change
ou de déclarations officielles afin d'influencer la valeur du taux de change ou le stock de
réserves (définition extensive) ou (ii) au sens d'opérations d'achats ou de ventes officielles
d'actifs étrangers contre actifs domestiques (définition restrictive). Cependant, le mécanisme
d'influence prépondérant en matière de crédibilité découle des effets d'annonces (signaling
effects) à partir du moment qu'ils exercent un rôle déterminant dans la formation des
anticipations.

Section.5 Fragilité et vulnérabilité financière

Dans une étude publiée en 1996, Kaminsky et Reinhart recensent 25 crises bancaires et 71
crises de balances des paiements sur la période 1970-1995 pour un échantillon de 20 pays
développés et en développement. 56 % des crises bancaires sont suivies par des crises de
balances des paiements dans les trois années alors que 12 % des crises de balances des
paiements sont suivies par des crises bancaires. Lorsque l'horizon de référence est d'un an
ou moins, les pourcentages sont respectivement de 24 % et de 3 %. Parallèlement, dans 18
des 25 crises bancaires recensées, le secteur financier a été libéralisé dans les cinq années
précédentes.
Les résultats de Kaminsky et Reinhart sont importants en ce qu'ils montrent l'existence de
cette nouvelle forme de crises dont les faits stylisés peuvent se résumer en trois points
principaux : (i) une forte corrélation entre les crises bancaires et de balances des paiements ;
(ii) une augmentation conséquente des entrées de capitaux dans les périodes précédant la
crise et massives sorties après; (iii) une augmentation de l'activité des intermédiaires
financiers avant la crise à la suite de la libéralisation financière.
Traditionnellement, dans une logique de crise monétaire à la Krugman-Flood-Garber, la
dégradation des fondamentaux, alors que le système bancaire connaît des difficultés,
conduit à une attaque spéculative qui a d'autant plus de chance de réussir que la banque
centrale ne peut pas augmenter durablement les taux d'intérêt sous peine d’asphyxier
davantage les banques. Une telle interprétation est parfois mobilisée pour expliquer les
épisodes de dévaluation. Cependant, elle ne permet pas de rendre compte de la
concomitance des deux crises, bancaire et monétaire.
Kaminsky et Reinhart expliquent une telle concomitance en considérant les dynamiques
perverses des plans de stabilisation fondés sur une stratégie d'ancrage nominal du change.
Ces plans conduisent à l'existence de déterminants communs aux crises de balances des
paiements et aux crises bancaires. Les plans de stabilisation s'accompagnent généralement
d'un accroissement de la consommation et d'une appréciation du taux de change réel. Celle-
ci provient du fait que l'inflation ne s'aligne que progressivement sur le pays ancre : la
stabilisation du taux de change nominal s'accompagne d'une appréciation en termes réels
selon le jeu de l'écart d'inflation. Le déficit du compte courant résultant de la dégradation de
la compétitivité est financé par des emprunts extérieurs. Le boom de la consommation est
lui-même financé par l'accroissement considérable des crédits bancaires. La libéralisation
financière est le catalyseur de cette expansion du crédit. Non seulement une part croissante
des prêts accordés ne sont pas couverts par des garanties suffisantes, mais les banques
commerciales ont tendance à asseoir une partie de leur activité sur des emprunts liquides à
l'étranger. En conséquence, lorsque les sorties remplacent les entrées de capitaux, des
tensions bancaires ne manquent pas de se faire sentir. Ces tensions peuvent apparaître
avant le retournement des flux de capitaux dans la mesure où l'appréciation du taux de
change réel dégrade la situation des entreprises exposées à la concurrence internationale,
d'où il résulte une réticence croissante des banques à renouveler les prêts à ces firmes. Au
total, il semble exister des facteurs communs aux crises bancaires et monétaires qui
reposent d'une part, sur la libéralisation financière favorisant les entrées de capitaux et
l'expansion du crédit et, d'autre part, sur des facteurs externes tels que la baisse des taux
d'intérêt mondiaux.
En outre, l’intérêt d’établir un lien entre crise de change et crise bancaire est de montrer que,
contrairement aux modèles issus de la lignée de Mundell – Fleming qui ne considèrent que
la demande agrégée de monnaie, la structure financière exerce une influence sur le régime
de change. En particulier, trois approches permettent d’établir un lien entre taux de change
et fragilité financière. La première fait référence à l’hypothèse de l’aléa moral qui met
l’accent sur les effets de distorsion de la garantie implicite liée aux interventions des autorités
nationales et internationales pour soutenir les débiteurs publics et privés en difficulté. Ainsi,
lorsque les agents anticipent l’intervention des autorités en cas de difficultés, ils sous
estiment les risques qu’ils prennent dans leurs choix d’investissement. Le fait qu’ils prennent
trop de risque est alors à l’origine de la fragilité financière. La deuxième manière d’aborder le
lien entre taux de change et fragilité financière est l’hypothèse du pêché originel. L’accent
est mis sur le fait que les marchés financiers sont incomplets dans la mesure où la monnaie
domestique ne peut pas être utilisée pour emprunter à l’extérieur ou pour emprunter à long
terme même sur le marché domestique. Dès lors, la fragilité financière semble inhérente au
système économique dans la mesure où les investissements domestiques seront l’objet soit
d’un déséquilibre de devises, soit d’un déséquilibre de maturité (des investissements longs
sont financés à court terme). La troisième approche fait référence à l’hypothèse du
problème de l’engagement, en ce sens que la fragilité financière résulte de la faiblesse des
institutions.

Indicateurs précoces ou avancés de vulnérabilité et d'insoutenabilité macroéconomiques

Indicateurs Signaux de fragilisation potentielle

Surévaluation du change réel Distorsion synonyme d'handicap futur à la


compétitivité et de fuite des capitaux

Déséquilibre courant Fragilisation de l'équilibre externe et


endettement prospectif

Endettement Amenuisement des réserves de change,


risques d'illiquidité et d'attaque spéculative

Déséquilibre budgétaire Risque de reprise de l'inflation, anticipation


de mesures de seigneuriage actif,
anticipation de baisse de taux d'intérêt réel
(répression financière) et inefficacité des
instruments de stérilisation en cas d'afflux
de capitaux

Déséquilibre monétaire Non crédibilité de la politique monétaire,


sur-accomodation des crédits bancaires,
surinvestissement et anticipation de
gonflement de créances douteuses

Déséquilibre réel Risque d'endettement externe, faible


qualité des investissements domestiques

Chocs exogènes Déclin d'un secteur exportateur suite à un


boom sectoriel, perte de compétitivité
réelle d'un secteur productif, détérioration
de la balance commerciale et gonflement
de la charge réelle de la dette externe en
cas de variation brusque de taux d'intérêt
international de référence

CHAPITRE 4 : LES DÉTERMINANTS THÉORIQUES DU CHOIX OPTIMAL DES


RÉGIMES DE CHANGE

Objectif du chapitre
Un choix optimal des régimes de change permet de prémunir l’économie nationale des
risques de vulnérabilité et de fragilisation induites du processus d’intégration financière
internationale. Ce chapitre est alors consacré à la littérature théorique relative aux questions
de choix alternatifs entre fixité et flexibilité des taux de change suite aux crises et turbulences
constatées dans les économies émergentes durant la dernière décennie

Section.1 Les justifications théoriques du choix d’un régime de change fixe

La théorie de la crédibilité
La théorie des zones cibles et l’effet «lune de miel» de Krugman
La théorie des zones monétaires optimales

La proposition de rattachement d'une monnaie domestique à une monnaie étrangère


de référence procède, en principe, du même argumentaire qui fonde les concepts de
crédibilité et de réputation des Banques Centrales. Le rattachement à une monnaie
forte et stable est censé traduire un effet de discipline qui conduit à un transfert de
crédibilité (effet de débordement positif) lorsqu'une économie plus inflationniste que
la zone de rattachement "se lie les mains", pour reprendre la terminologie de
Giavazzi et Pagano [1988], en adoptant la fonction-objectif commune à cette zone
afin de corriger le biais d'inflation caractéristique de l'incohérence temporelle de sa
politique monétaire.

L'incitation à la discipline monétaire reflète alors une aversion pour l'inflation et une
préférence plus forte pour la stabilité des prix. En d'autres termes, le rattachement à
une monnaie est censé permettre aux autorités monétaires d'importer la discipline
désinflationniste, ce qui du reste est synonyme de coordination symétrique des
politiques de changes, et semble être la réponse adéquate aux problèmes nés des
asymétries de taille, de chocs et de cycles entre l'économie domestique et la zone de
rattachement.

Ces arguments théoriques ont été élargis par les approches relatives aux zones
cibles de change. Un ancrage externe est souvent adapté pour lutter contre le biais
inflationniste dans un pays où la Banque Centrale ne peut imposer un ancrage
nominal interne crédible (Wagner,1998). Les biais d'inflation étant généralement
source d'appréciation de la monnaie nationale en termes réels qui risque
d'handicaper la compétitivité et par là de la croissance, l'ancrage externe peut
devenir un facteur de crédibilité interne.

On retrouve aussi dans la littérature des fondements de la soutenabilité d’un


rattachement monétaire qui reposent sur les critères de création d'une Zone
Monétaire Optimale (ZMO) entre espaces économiques interdépendants mais
d'inégal développement.

Section.2 Les justifications théoriques du choix d’un régime de changes flexibles


L’analyse précédente de la question du rattachement monétaire uniquement sous l'angle de
la crédibilité des Banques Centrales n'est pas suffisante. Tout d'abord, une critique peut être
adressée aux travaux théoriques qui se sont trop centrés sur la seule crédibilité de la
politique monétaire, ignorant le fait que les politiques structurelles et budgétaires peuvent
ruiner la crédibilité d'une telle politique . Ensuite, la crédibilité des mesures visant à réduire
l'inflation est souvent liée au respect d'un objectif intermédiaire de taux de change à court
terme. Or, selon la "loi de Goodhart", le lien entre une variable-indicateur et un objectif final
s'affaiblit à partir du moment où l'indicateur est connu comme objectif intermédiaire. C'est
ainsi que plusieurs auteurs montrent le manque de fiabilité du lien entre le taux de change et
la parité des pouvoirs d'achat, et proposent d'ajouter à la cible de change deux autres cibles
intermédiaires de taux d'intérêt et d'agrégat monétaire interne (cf.Weber .A [1991]).
Dans le même temps, l’expérience récente a contribué à démontrer que les régimes rigides
d'accrochage au dollar se sont avérés incohérents aux fortes entrées de capitaux liées à la
libéralisation des systèmes financiers dans les pays émergents d'Asie du sud est, mais aussi
bien auparavant au Mexique, ce qui a remis en cause la crédibilité des régimes de changes
fixes.
Et d’ailleurs, les statistiques du FMI sur le poids relatif des différents régimes de change
confirment le net recul des régimes de changes fixes. Le nombre de monnaies déclarées en
régime de change fixe ou à flexibilité limitée a considérablement reculé. Symétriquement, le
nombre d'économies en régime de flottement libre ou de flottement géré a augmenté.
C’est ainsi que la littérature théorique justifie le choix d’un régime de changes flexibles dans
sa capacité à favoriser les ajustements face à des chocs réels. Dès le début des années 50,
M. Friedman a souligné les avantages de la flexibilité des changes en termes d’ajustement.
En effet, lorsque les prix varient lentement au cours du temps, il apparaît que l’ajustement du
taux de change nominal est moins coûteux qu’un ajustement des prix et des salaires
lorsqu’une variation du taux de change réel est requise pour retrouver l’équilibre.
Au début des années 60, R. Mundell reprend cette question en montrant que la flexibilité des
changes est particulièrement indiquée lorsque l’économie est frappée par des chocs réels
externes. C’est le cas des pays fortement exportateurs de produits primaires et des pays où
la dette externe est élevée. Ces deux caractéristiques correspondent à la plupart des
économies émergentes.
Cependant, au cours des années 90, une littérature remettant en cause les vertus
d’ajustement des changes flottants s’est développée. Elle peut se résumer par l’expression
de Calvo et Reinhart (2000) « la peur du flottement » (the fear of floating).

Des travaux empiriques récents (Hausmann et alii, 1999 ; Calvo et Reinhart, 2000) montrent
en effet que les économies émergentes ont une réticence certaine à utiliser les degrés de
liberté liés aux changes flottants. L’étude de Hausmann et alii porte sur l’expérience de
quelques pays d’Amérique Latine au cours des années 90. Trois principaux enseignements
émergent de cette étude. Tout d’abord, il apparaît que les expériences de décrochage de la
monnaie domestique dans le mécanisme de change européen (MCE) et en Amérique Latine
offrent des enseignements très différents. Ainsi, dans les pays du MCE, la dépréciation
monétaire s’est accompagnée d’une baisse des taux d’intérêt, d’absence de pressions
inflationnistes significatives et d’une croissance de la production. Au contraire, les
dépréciations en Amérique Latine ont été suivies d’une hausse des taux d’intérêt, d’une
croissance de l’inflation et d’une contraction de la production.

Ensuite, le comportement des autorités révèle une forte préférence pour de faibles
variations du taux de change. Ainsi, pour 11 pays et trois périodes (mai – novembre 1997,
contagion asiatique ; décembre 1997 – juillet 1998, chute des termes de l’échange ; juillet
1998 – octobre 1998, crise russe), trois faits stylisés peuvent être relevés :
 les autorités ont peu recouru à la flexibilité des changes en ce sens que les
dépréciations nominales ont compensé l’écart d’inflation sans entraîner de
dépréciation en termes réels ;
 les taux d’intérêt ont été utilisés pour défendre les taux de change (Brésil dans
les deux premières périodes) ; Chili, Mexique, Pérou et Venezuela dans les périodes
2 et 3 ;
 les taux d’intérêt ont moins varié dans les pays à régime de change fixe
(Argentine, Panama).
Enfin, la flexibilité est associée à des observations contre-intuitives, à savoir :
 la politique monétaire a une faible fonction de stabilisation, elle est même plutôt pro-
cyclique ;
 les taux d’intérêt réels sont plus élevés, les systèmes financiers moins profonds et les
taux d’intérêt domestiques sont plus sensibles aux taux étrangers ;
 il existe une forte incitation à l’indexation des salaires.
 et surtout, on n’observe pas de différence significative selon le régime de change. En
contrepartie, les réserves officielles et les taux d’intérêt ont une volatilité plus élevée.

Une autre remise en cause de la thèse du flottement libre des taux de change a été aussi
traduite par le problème des « flux – reflux internationaux de capitaux » (sudden stop
problem). C’est ainsi que Calvo et Reinhart (2000b) observent que les crises monétaires
dans les marchés émergents sont généralement suivies par un arrêt brutal des entrées de
capitaux se traduisant par une forte baisse des réserves officielles et un retournement rapide
du solde du compte courant.

Le retournement du compte courant est obtenu au prix d’une contraction de la demande


agrégée. Celle-ci peut se décomposer entre les biens échangeables et les biens non
échangeables. Si pour les premiers la baisse de la demande peut être compensée par un
accroissement des exportations, les prix des seconds doivent nécessairement baisser. En
supposant une stabilité des prix des biens échangeables, on en déduit une dépréciation de
la monnaie domestique en termes réels. La chute des prix de l’immobilier après les rrises de
change illustre ce type d’enchaînement.
Section.3 La classification des régimes de change
La nouvelle classification des réglementations officielles de change adoptée récemment par
le FMI depuis 1999 (IMF, 1999) a permis de distinguer les régimes effectifs des régimes
officiels. En effet, l'ancienne classification des régimes ne retient que les régimes "de jure"
officiellement déclarés, dont on distingue (i) les régimes d'accrochage de la monnaie
domestique à une devise étrangère ou au DTS (ii) les régimes de flottement administré (iii)
les régimes de flexibilité limitée à une seule devise (iv) les régimes de flexibilité limitée à un
groupe de devises dans le cadre d'un mécanisme de coopération monétaire (eg. le SME
avant l'avènement de l'euro) (v) les régimes de plus grande flexibilité du type flottement
dirigé et (vi) les régimes de flottement indépendant. La nouvelle classification, entrée en
vigueur depuis 1999, prend en compte les régimes de change "de facto" adoptés
implicitement par les pays membres. Il s'agit, pour les experts du fonds, d'une nouvelle
approche qui permet surtout d'évaluer les impacts du choix du régime de change sur le
degré d'autonomie de la politique monétaire. Dans cette nouvelle configuration, il est clair
qu'on se soucie d'avantage des performances macroéconomiques du choix d'un régime de
change, alors même que la politique de change est désormais analysée dans le cadre
général de la politique monétaire.
Aussi, on distingue (i) les régimes des pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte (ii) les
régimes de "currency board" (caisse d'émission ou comptoir monétaire) (iii) les autres
régimes conventionnels de parité fixe (iv) les régimes de rattachement à l’intérieur de bandes
horizontales (eg. la zone cible MCE avant l'avènement de l'euro et le MCE.II prévu
actuellement pour les PECO candidats à l'élargissement de l'UE) (v) Les régimes de
parités mobiles glissantes (crawling peg) ou pas (vi) les régimes de bandes de fluctuation
mobiles (ou zones cibles avec options de réalignement) (vii) les régimes de flottement dirigé
sans annonce préalable de la trajectoire du taux de change et (viii) les régimes de flottement
indépendant.
La Tunisie, par exemple, est ainsi passée d'un régime "de jure" de type flottement dirigé à
un régime "de facto" de type "parités mobiles" assorti d'un programme de politique monétaire
prévoyant des "seuils" pour les réserves de change et des plafonds pour les avoirs intérieurs
nets de la banque centrale limitant l'accroissement de la monnaie centrale par le jeu des
opérations de "seigneuriage" actif et passif. Il est clair que l'objectif assigné étant la
stabilisation du taux de change réel du dinar par la maîtrise des coûts inflationnistes.
Plusieurs facteurs expliquent cette nouvelle tendance (i) la couverture contre les risques de
change occasionnés notamment par les fluctuations des devises majeures du panier du
dinar et notamment entre l'euro et le dollar (ii) les risques de légères pressions inflationnistes
pouvant accompagner les reprises de l'activité, mais aussi (iii) une volonté affichée par les
autorités de laisser jouer les mécanismes du marché dans un contexte d'intégration
financière internationale, tirant en cela les leçons d'occurrence de crises de change dans des
systèmes d'accrochage rigides.
S. Fischer (1999) montre, à partir des données du FMI relatives à l’évolution des régimes
de change entre 1991 et 1999, que les économies émergentes semblent avoir tiré les
leçons des crises de change en abandonnant les régimes intermédiaires, et en adoptant
des solutions en coin "corner solutions", dont on distingue trois principaux types: (i)
l’ancrage dur qui regroupe les pays sans monnaie indépendante et les caisses
d’émission (ii) les systèmes d'ancrages fixes traditionnels, les régimes à bandes
horizontales et les différents systèmes de parités glissantes (iii) le flottement qui fait
référence au flottement géré sans parité centrale prédéfinie et au flottement libre.
D’une part, en suivant en cela J. Williamson (2000), le flottement dirigé s’apparente
davantage à un régime de change intermédiaire qu’à un régime de flottement. D’autre
part, un certain nombre d’études empiriques – fondées sur les régimes de change
effectivement pratiqués par les pays (les régimes dits de facto) – suggèrent que les
régimes intermédiaires perdurent. Dans cette perspective, afin d’identifier les régimes de
change de facto, E.L. Yeyati et F. Sturzenegger (2000) considèrent l’évolution de trois
variables : (i) la volatilité du taux de change nominal, (ii) la volatilité de la variation du taux
de change et (iii) la volatilité des réserves de change. Sur l’ensemble des pays membres
du FMI et pour la période 1990-1998, les résultats obtenus par ces auteurs montrent
l’absence de tendance claire vers les solutions en coin. Utilisant la méthode des moments
généralisés, A. Bénassy-Quéré et B. Coeuré (2000) estiment la stabilité du taux de
change effectif d’un certain nombre de monnaies par rapport aux trois principales devises
susceptibles de servir d’ancrage. Les résultats de leur étude ne confirment pas
l'accroissement du poids des régimes de changes flexibles. P. Masson (2000) considère
quant à lui que les régimes de change ne sont pas nécessairement stables au cours du
temps. On observe ainsi pour chaque économie l’alternance de différents régimes de
change en fonction de l’évolution des objectifs des autorités. La transition entre les
régimes de change est représentée comme un processus stochastique. Avec une telle
approche, P. Masson confirme que l’hypothèse de la prééminence des solutions en coin
n’est pas vérifiée empiriquement.
Par ailleurs, les liens théoriques entre les taux de change et les risques de vulnérabilité ou
de fragilisation financière ont longuement été débattus (Einchengreen.B et R.Hausmann,
1999) . Chang et Velasco (2000) ont développé une modélisation différente des liens entre
fragilité financière et taux de change en focalisant leur attention sur l’arbitrage entre stabilité
monétaire (liée à l’ancrage de la monnaie domestique sur une devise forte) et stabilité
financière (liée à l’action du préteur en dernier ressort, PDR), en montrant que la flexibilité
des changes est le régime le mieux susceptible de répondre à cet arbitrage. En effet, un
currency board empêche les autorités d’intervenir en tant que PEDR. Dès lors, le prix d’une
faible inflation (vertu disciplinante de la caisse d’émission) est synonyme d'une instabilité
financière.
De même, un régime de change fixe dans lequel la banque centrale peut jouer en tant que
PDR ne règle pas le problème. Plus précisément, un tel arrangement rend plus probable la
transmission d’une crise bancaire en crise de balance des paiements (perte de réserves de
change). A contrario, la flexibilité des changes peut conduire à davantage de stabilité
financière.

Les déterminants de l’inflation


Le ciblage de l'inflation

Le ciblage d’un agrégat de masse monétaire


4.1 Les déterminants de l’inflation

a) Déficit budgétaire et croissance monétaire

La croissance monétaire nominale ( ) ou création monétaire est endogène puisqu’elle


permet de financer une proportion ( ) de déficit budgétaire par rapport au PIB réel (Y). De
même le déficit budgétaire réel est aussi endogène dès lors que l’inflation affecte le niveau
réel des revenus. L’équilibre d’inflation est donc donné par l’équilibre monétaire (équ. 1) ou
relation d’équilibre entre le déficit budgétaire et la création monétaire:

(1)

Lorsque la vélocité, en tant que fonction linéaire de l’inflation ( ), est supposée


constante par suite de la condition de stationnarité , la solution d’équilibre monétaire est
transposée en une expression du taux d’inflation stationnaire (steady state inflation) :

(2)

Le déficit budgétaire est financé par une création monétaire à inflation constante. L’équ.(2)
donne en effet l’inflation comme fonction croissante mais non linéaire du déficit budgétaire,
ce qui constitue une spécification alternative de la forme standard de CAGAN (
). L’interaction entre les prix et le déficit budgétaire concerne à la fois leurs niveaux respectifs
et leurs taux de variations. Cette interaction, ou encore, les réactions adverses des déficits à
l’inflation sont traitées en termes de l’effet OLIVERA- TANZI (cf. TANZI.V, 1977, 1983).

Le déficit budgétaire, mesuré en tant que proportion du PIB devient une fonction aussi bien
de l’inflation mais aussi des réactions à l’inflation comme l’indexation ou les changements
des structures fiscales (ou d’imposition). Pour cela, on suppose outre une politique
monétaire accommodante ou passive de financement inflationniste (monétisation) du déficit
budgétaire, la possibilité de recours à une politique monétaire et fiscale active non
accommodante agissant par indexation fiscale i.e d’accroissement proportionnel du taux réel
d’imposition relativement à l’augmentation du déficit budgétaire réel. On considère que le
taux d’inflation ( ) et le taux d’imposition du revenu nominal (v) sont constants, de même
que l’existence d’une décomposition exponentielle avec un retard moyen ( ) de la fraction
des recettes fiscales (retard ou délai d’ajustement dans la collecte des taxes). Dans ce cas,
le ratio du déficit budgétaire est égal à :
(3)

où g = dépenses publiques réelles en tant que fraction du PIB

Plus ( ) est proche de zéro, plus la collecte fiscale est imminente et non retardée, et plus le
revenu réel est élevé. L’équ.(3) montre aussi que plus le taux d’inflation est élevé plus les
recettes fiscales sont faibles. Etant donné l’équation de vélocité et le déficit non inflationniste
(g-v), plus le retard moyen de la collecte fiscale est élevée, plus le taux d’inflation
stationnaire est élevé. En plus, même des accroissements faibles du déficit budgétaire
conduisent à des variations élevées de l’inflation.

En définitive, l’endogenéité du stock de monnaie est une composante de la dynamique de


l’hyper-inflation. Dans une économie, où la création monétaire est le seul moyen de
financement du déficit budgétaire, celui-ci devient le principal déterminant d’une croissance
monétaire agissant à la hausse sur l’inflation, qui rétroagit sur le déficit, d’où un problème de
circularité non linéaire. En bref, un déficit budgétaire financé automatiquement par
monétisation conduit les autorités à perdre le contrôle sur la croissance monétaire d’où
l’enclenchement du mécanisme de l’inflation extrême.

Dans une étude antérieure, DORNBUSCH.R (1988) avait proposé un diagnostic du


processus d’inflation inertielle à partir d’une équation classique qui rappelle la version de la
courbe de Phillips augmentée d’anticipations adaptatives (Friedmaniennes) :

(4)

ou encore :

(5)

En d’autres termes, l’inflation inertielle ( ) est expliquée par la position cyclique de

l’économie i.e de l’écart entre le taux de chômage courant et le taux naturel ( ):


l’inflation inertielle est alors définie par la rigidité (ou la chronique) d’une inflation classique
par la demande. Elle en diffère, cependant, par le mécanisme d’accélération et de
permanence de l’impulsion initiale. Les causes de cette accélération peuvent provenir d’un
financement monétaire du déficit budgétaire. Or, la spécification des différentes notions de
déficits permet de rendre compte d’un effet paradoxal : les effets inflationnistes du
financement monétaire du déficit opérationnel conduisent à une démonétisation de
l’économie re-provoquant elle même des accélérations inflationnistes.
En situation d’inflation élevée, le coût d’opportunité de détention de monnaie augmente et les
agents privés réduisent les encaisses réelles de transaction et reportent leurs préférences
sur des actifs liquides. Ce comportement adaptatif provient des anticipations inflationnistes
qu’un seul contrôle du déficit opérationnel ne parvient pas à réduire. En effet, l’inflation
totalement anticipée fonctionne comme une taxe sur les encaisses monétaires amenant le
public à réduire ses encaisses réelles (démonétisation) ce qui les expose aux coûts d’"usure
de semelle" (shoe - leather) liés à la moindre efficience des transactions, en plus des coûts
de " réétiquetage" dus aux changements périodiques des prix. L’inflation entretient aussi
d’autres effets variés, notamment le phénomène de "basculement des remboursements"
(repayment tilt) en termes réels contenus implicitement dans les contrats d’emprunts qui
prévoient des versements nominaux constants.

b) Règles de fixation des prix

La dynamique inflationniste découle aussi de son interaction avec la fréquence optimale de


l’ajustement par les prix qui dépend d’un “menu costs” que subissent les agents
économiques. La question des interactions stratégiques a été longuement développée dans
les modèles d’ajustement optimal des prix dans des économies à inflation stochastique (cf.
BARRO .R. (1972-b), MUSSA. D. (1981 - a), ROTEMBERG.J.J (1983), CECCHETTI. S. G
(1986). Plus le taux d’inflation augmente plus la fréquence d’ajustement par les prix est
élevée.

Considérons la fonction de perte quadratique (Z) d’une firme dans laquelle le coût fixe
d’ajustement des prix est noté -c. Les profits dépendent du prix relatif de l’output final

approximé par le ratio ( ).


où:

Taux d'inflation.
n = la fréquence d’ajustement

Soit : (6)

La fréquence optimale d’ajustement des prix par les firmes est donnée par :

(7)
Ainsi, plus le taux d’inflation est élevé, plus les firmes ont tendance à ajuster plus
fréquemment leurs règles de fixation des prix. En plus, l’horizon court des intervalles
d’ajustement nécessité par les accélérations inflationnistes peut aussi être interprété comme
une réaction des firmes aux situations d’incertitudes, dues à la variabilité de l’inflation, et

reflétées par le prix relatif ( ) en cas d’hyper-inflation.

Au contraire, en situation d’inflation modérée, les ajustements des prix ne sont pas
fréquents. Non seulement l’ajustement des prix par les firmes se transmet au taux
d’inflation mais produit aussi des " spill-over effects " sur les salaires ou le taux de change.

c) L’ajustement de la vélocité

L’instabilité du mécanisme inflationniste est aussi due à la "fuite devant la monnaie" (flight
from money). En effet, plus le taux d’inflation augmente, plus les encaisses monétaires
réelles se déprécient et plus le public substitue à la monnaie (actif monétaire) des actifs
financiers ou réels. Ou encore la substitution d’actifs non monétaires à la monnaie conduit à
l’accélération de la vélocité i.e une démonétisation qui est généralement conjuguée au déclin
des encaisses réelles dans les situations d’hyper-inflation. La fuite devant la monnaie rend
compte de l’adaptation des marchés financiers à partir du moment qu’elle est impulsée par
des choix de portefeuilles – refuges, tel un report de préférence sur les actifs étrangers
(monnaie étrangère ou actifs domestiques libellés en monnaie étrangère) ou les actifs
physiques ou réels.

La distinction entre les mouvements de demande réelle de monnaie et ses variations par
suite des effets de substitution relevés ci-dessus explique la dynamique courante des
encaisses réelles en situation d’inflation.
En effet, une augmentation de la vélocité de M1 peut être accompagnée d’une vélocité
relativement stable de l’offre nominale de monnaie au sens d’un agrégat plus large e.g M3
suite à une augmentation du taux d’inflation. En d’autres termes, l’hyper-inflation a entraîné
une démonétisation au sens de M1 et surtout une adaptation des marchés financiers qui
ajustent la dépréciation réelle (fuite devant la monnaie) par une action sur les taux d'intérêt
nominaux, sachant que les taux d'intérêt réels deviennent bas ou négatifs. Ainsi, une
libéralisation des taux d'intérêt nominaux, contre toute mesure de contrôle administré, fait en
sorte que la détention d’actifs ne ferait pas jouer l’effet de substitution menant la monnaie en
dehors du système financier , d’où la stabilité relative de la vélocité de M3 en cas de
réaction adaptée des marchés financiers.

d) Les relations externes

Ni l’approche traditionnelle de CAGAN ni celle de la nouvelle macro-économie classique de


SARGENT-WALLACE n’ont accordé une importance au taux de change et aux relations
externes dans l’explication de la dynamique inflationniste. En fait, l’endogéneisation de la
contrainte externe en Economie ouverte dans la formalisation de la dynamique inflationniste
remonte au débat théorique entre l’approche monétaire de la balance des paiements et la
théorie quantitative de la monnaie (cf. DORNBUSCH.R (1987) et MONTIEL P.(1989)).
L’extérieur affecte directement le taux de croissance de la monnaie selon trois canaux de
transmission : (i) le T.C.R est un déterminant du budget réel en fonction des réserves de
change induites des recettes d’exportation et des transferts dus sur les services de la dette,
et sur la base duquel varient leurs valeurs respectives en termes de prix domestiques. De
même les variations du T.C.R affectent le revenu réel induit des taxes "ad-
valorem" sur les importations ou les exportations (ii) pour des autorités pratiquant des taux
de change multiples, le déficit budgétaire est affecté par le différentiel entre les taux moyens
d’achat et de vente (iii) la dette publique interne est une fonction de l’endettement externe
(cf. COHEN.D [1986-1987]).

Soit l’équation suivante :

(8)

déficit budgétaire domestique


x = service de la dette publique externe
z = équilibre externe du secteur privé

fraction du service de la dette financé par création monétaire domestique

création (ou offre) réelle de monnaie

Le financement du service de la dette publique externe par une création monétaire


domestique est un facteur d’accélération inflationniste (cf. DORNBUSCH R. et J. C. PABLO
(de) (1989)). En effet la dépréciation des encaisses réelles due à l’inflation conduit à
l’augmentation de la valeur réelle du service de la dette externe ce qui entraîne par
conséquence une création monétaire. On assiste à un passage d’un financement externe du
service de la dette (e.g par les réserves de change) à un financement interne par création
monétaire qui devient hautement inflationniste.

Les relations externes peuvent aussi suggérer une relation entre le déficit budgétaire
(détérioration du revenu gouvernemental) et la détérioration des termes de l’échange. De
même les actifs étrangers jouent un rôle central dans la dynamique inflationniste. Le coût
alternatif de détention d’actifs domestiques est donné par les rendements des actifs
étrangers (actifs libellés en monnaie étrangère ou un simple actif monétaire au sens d’une
devise étrangère) incluant un taux d'intérêt plus une dépréciation monétaire. Ainsi,
l’opportunité de détention d’actifs étrangers réduit les coûts de transactions liés à la fuite
devant la monnaie dont la demande réelle devient plus sensible à une inflation élevée dans
une économie à « monnaie externe», pour emprunter la typologie de GURLEY et SHAW
[1960], caractérisée par une faible dynamique des marchés financiers domestiques.
Soit ( ) le taux de dépréciation anticipée, et supposons que la vélocité dépend du coût
alternatif de détention d’actifs domestiques – versus - actifs étrangers (sous forme de
monnaie étrangère), . Une dépréciation réelle anticipée devient alors un
facteur déterminant de l’inflation, d’où l’équation suivante:

(9)

L’anticipation de dépréciation réelle accroît la vélocité et donc le taux de création monétaire à


chaque taux d’inflation. Par ailleurs, l’existence d’actifs étrangers tend à accroître de la
valeur de ( ) et de ( ) (à partir du moment que la monnaie étrangère est supposée plus
liquide et donc constitue un meilleur substitut de la monnaie domestique que les biens
domestiques). Par ailleurs, l’interaction entre l’inflation et la dépréciation du taux de change
devient mécanique en présence d’une structure d’indexation explicite ou implicite des
salaires : Dans ces conditions une dépréciation du taux de change réel serait une source
automatique d’accélération inflationniste.

Supposons que la hausse courante des salaires est basée sur l’inflation retardée et sur le
niveau d’activité (Y). L’inflation présente est une moyenne pondérée de l’inflation par les
salaires (wage inflation) et de la dépréciation ( ) du taux de change nominal (TCN). Pour
un niveau donné d’activité (ou demande réelle), l’accélération de l’inflation dépend aussi bien
du niveau d’activité et du taux de dépréciation réelle ( ), soit:

(10)

Dés lors que les taux de change réels ne sont pas constants, et du fait des mécanismes
d’indexation formelle ou informelle, alors la dépréciation réelle conduit inéluctablement à une
accélération du taux d’inflation directement à partir des règles de fixation des prix et non pas
forcément à travers les effets de déficit budgétaire.
e ciblage de l'inflation

Au début des années 90, quelques pays développés (notamment le Canada, le Royaume-
Uni et la Nouvelle Zélande) ont renoncé à toute politique d’objectif intermédiaire et choisit de
cibler directement l’inflation. On parle alors de cible directe d’inflation. D’une manière
générale, la conduite d'une politique monétaire fondée sur la détermination d'une cible
directe d'inflation a trois caractéristiques particulièrement importantes.

En premier lieu, les autorités monétaires annoncent de manière explicite un objectif


quantitatif d'inflation, généralement sous la forme d'une bande d'évolution des prix . En
deuxième lieu, il n’existe pas d'objectif intermédiaire explicite. Cette caractéristique est la
conséquence de l'instabilité de la fonction de demande de monnaie qui conduit à considérer
qu'une relation directe entre l'inflation et les instruments de politique monétaire a une stabilité
supérieure relativement à celle de la relation agrégats de monnaie – instruments.

Dans le cadre d'une cible directe d'inflation, les retards qui affectent la transmission de la
politique monétaire signifient que l'inflation ne réagit pas immédiatement à la manipulation
des instruments de la politique monétaire. On en déduit la troisième caractéristique de cette
stratégie monétaire, essentielle du point de vue des variables informationnelles : la
démarche forward-looking est prépondérante. La conduite de la politique monétaire est
fondée sur la prévision de l'inflation. Il existe un consensus pour considérer qu'un horizon
minimal de deux ans est satisfaisant. Dans la perspective de l'identification de variables
informationnelles pertinentes, il en résulte qu'une telle variable doit pouvoir précéder
suffisamment à l'avance l'inflation (entre quatre et huit trimestres) pour être utilisable par les
autorités monétaires. Si l'anticipation est trop courte (un trimestre ou moins) ou trop longue,
elle ne peut constituer une variable informationnelle.

Appliqué dans les pays en développement, et surtout dans les économies émergentes, un
ciblage direct d’inflation repose sur un certain nombre de conditions préalables qui peuvent
rendre cette stratégie difficile à mettre en œuvre (Eichengreen et alii, 1999). Une cible directe
d’inflation repose sur la capacité de la banque centrale à mener une politique monétaire de
manière indépendante. C’est l’indépendance instrumentale qui est ici déterminante. Or, les
autorités monétaires ne peuvent manipuler les instruments en toute indépendance que si le
policy-mix est adéquat. Cela implique (i) une politique budgétaire qui assure une
soutenabilité de la position budgétaire de l’état ; (ii) un système fiscal suffisamment
développé pour diversifier les revenus de l’état ; (iii) un système financier suffisamment
profond pour permettre à l’état de financer les déficits budgétaires par emprunts obligataires,
(iv) l’absence de tout autre engagement envers un autre objectif nominal, en ce sens que la
banque centrale doit renoncer à cibler les salaires nominaux ou le taux de change sous
peine de devoir subordonner la politique monétaire à ces objectifs au détriment de la cible
directe d’inflation et (v) le respect des conditions de mise en œuvre de la cible directe
d’inflation.

Lorsque les deux premières conditions sont remplies, la cible directe d’inflation doit être mise
en œuvre en respectant les quatre éléments centraux suivants: (i) la définition d’un objectif
explicite d’inflation sur les périodes futures (ii) des indications claires et sans ambiguïté que
l’inflation est le seul objectif des autorités (iii) l’élaboration d’un modèle permettant de prévoir
l’inflation à partir de variables informationnelles (iv) une stratégie de politique monétaire
forward-looking dans laquelle la fixation des instruments dépend de l’estimation des tensions
inflationnistes futures.
Autrement dit, une cible directe d’inflation suppose que la banque centrale dispose de
l’expertise et des moyens techniques nécessaires à sa mise en œuvre. Cette question
technique, très importante pour que la cible soit crédible, est rendue plus compliquée par le
fait que l’environnement économique auquel sont confrontées les banques centrales dans
les pays en développement est plus complexe que celui des banques centrales des pays
développés.
En effet, elles doivent en général faire face à un système fiscal déficient. En outre,
l’existence de marchés financiers parallèles liés à la répression financière rend difficile
l’emprunt par l’Etat de ressources sur les marchés domestiques. Enfin, les systèmes
bancaires sont souvent dans une situation de fragilité avec un coût budgétaire très important
lorsque les autorités monétaires doivent intervenir pour contenir la crise bancaire.
Néanmoins, et bien qu’il paraît difficile de mettre en œuvre une politique monétaire fondée
sur une cible directe d’inflation, d’importants progrès ont été enregistrées pour l’adoption
d’une telle stratégie, notamment dans les pays d’Amérique latine (Brésil, Mexique).

Le ciblage d’un agrégat de masse monétaire

Jusqu’au milieu des années 80, une ancre traditionnelle était l’objectif intermédiaire
d’agrégat de monnaie (plus ou moins large). Mais compte tenu de l’instabilité de la fonction
de demande de monnaie, liée en partie aux mutations financières affectant tant les pays
développés que les PED, les liens entre la monnaie et les prix, voire aussi entre la monnaie
et le revenu agrégé, sont moins intenses. Dans ce contexte, il devient plus difficile de mener
une politique d’agrégat de monnaie pour atteindre une situation durable de faible inflation.

CHAPITRE 5 : LES PROJETS DE NOUVELLE ARCHITECTURE FINANCIÈRE


INTERNATIONALE

Objectif du chapitre
Les turbulences financières observées dans l’économie mondiale ont nettement renforcé
l'urgence d'une réforme du système actuel des paiements internationaux. C'est ainsi que des
projets de reconstruction d'une nouvelle architecture financière internationale ont envisagé
aussi bien l'instauration de mesures à caractère réglementaire (contrôles prudentiels,
mécanismes de surveillance renforcée des marchés financiers, transparence de l'information
financière) que des configurations relatives essentiellement aux choix des régimes de
change

Section.1 La nouvelle architecture financière

Libéralisation des mouvements de capitaux et choix optimal des régimes de change


La restructuration et la solidité des systèmes bancaires et financiers
Le taux de change d'équilibre fondamental au cœur de la nouvelle architecture
Comme le souligne Eichengreen.B (1999) , l'une des dispositions majeures de ces projets
de réformes repose visiblement sur la confirmation du rôle accru du FMI tant dans la
prévention des crises financières et de change que dans leur traitement. Auparavant
contesté, durant les crises de 1997 et 1998, le fond reste au cœur du dispositif de la nouvelle
architecture qui lui prévoit à ce titre des lignes de crédit à partir d'un mécanisme de
financement spécifique (contingency credit line) pour prévenir les crises financières. En
revanche, la surveillance des marchés financiers serait exercée par un comité permanent
chargé aussi bien de la régulation financière globale (en collaboration avec le FMI, la BRI et
la Banque Mondiale) que de l'élaboration d'un code de bonne conduite en matière de
politique financière et monétaire .
En matière de prévention des crises, il est vrai que le FMI avait pressenti la crise en
Thaïlande dix huit mois avant son déclenchement. La généralisation de ce type d'action
procède par l'anticipation de signaux précurseurs de déséquilibre (déficits courants,
appréciation des taux de change réels, bulles immobilières et boursières et, plus encore,
endettements excessifs en devises). Pour cela, le fond a prévu une batterie de mesures
suivantes :
 La réforme des modes d'observation statistique dans les Etats membres,
et en particulier, un mode de suivi permanent des interventions des banques
centrales sur les marchés de change, au comptant et à terme, ainsi que
l'endettement en devises des banques et des entreprises locales.
 Le renforcement de la surveillance exercée par le FMI en matière de
centralisation, harmonisation et standardisation des statistiques, notamment
des opérations relatives aux mouvements de capitaux.
 La restructuration bancaire dans les Etats membres et le renforcement de
la solidité des systèmes bancaires afin de disposer de systèmes d'alerte et
d'indicateurs précurseurs ou avancés à des crises bancaires. En particulier, la
solidité des systèmes financiers nationaux est un préalable à l'afflux de
capitaux dans les économies émergentes et à la libéralisation financière. Pour
cela, la mise en œuvre des dispositifs prudentiels déterminés par la BRI est
indispensable.
 La séquentialisation de la dynamique de libéralisation des mouvements de
capitaux qui doit être ordonnée et précédée par des réformes structurelles afin
d'éviter que des entrées massives et brutales de capitaux n'engendrent des
bulles spéculatives (Bourguinat.H, 1999) .
 Le rôle du FMI comme prêteur en dernier ressort est fondamental dans
le traitement des crises financières, d'où l'action exercée en faveur de
l'élargissement des quotes-parts, et la participation de créanciers privés pour
réduire l'aléa de moralité que pourraient induire les programmes de sauvetage
et les montages financiers reposant exclusivement sur des fonds publics.
L'ensemble de ces dispositifs, qu'ils soient nationaux ou émanant du FMI, a des lignes
d'action qui rejoignent celles du G.22 . Comité ad-hoc formé à la fois de pays
industrialisés et émergents, ce groupe préconise un programme en deux axes portant sur:

 La transparence des informations financières et le respect des standards


comptables. Les statistiques fournies permettent de suivre l'évolution de
l'exposition de change et le risque financiers des secteurs bancaires.

 Le renforcement des systèmes financiers et la gestion des crises à


travers les principes de supervision bancaire de la BRI, en matière de contrôle
interne, de ratios de liquidité, de gouvernement d'entreprises ou de
procédures en cas d'insolvabilité des institutions financières.
D'autres propositions individuelles de spécialistes de la sphère de la finance
internationale semblent techniquement s'agir de réponses adéquates à des points
particuliers, mais paraissent extrêmement diverses et en tout cas pas à la mesure des
dérèglements constatés. En effet, les causes profondes des dysfonctionnements
constatés peuvent être réduites à quatre niveaux interdépendants: (i) La libéralisation des
mouvements de capitaux et les contextes de déstabilisation (ii) le choix optimal des
régimes de change adaptés aux contextes de libéralisation financière externe (iii) la
restructuration et la solidité des systèmes bancaires et financiers comme préalable à la
libéralisation et (iv) le rôle du prêteur en dernier ressort à l'échelle internationale. Aussi,
ces ingrédients sont au cœur de la réforme du système des paiements internationaux et
cadrent parfaitement avec les expériences d'ouverture des économies émergentes.

Libéralisation des mouvements de capitaux et choix optimal des régimes de


change
Il semble maintenant admis, surtout après les crises et les turbulences financières et de
change qui ont secoué les économies émergentes, que les avantages susceptibles d'être
obtenus des mouvements de capitaux, en termes de financement de la croissance,
peuvent être érodés par des risques de fragilisation accrue et de vulnérabilité des
systèmes financiers domestiques, notamment bancaires, et des tendances à la
surévaluation réelle des taux de change de nature à précipiter des attaques spéculatives
contre les monnaies nationales. La libéralisation complète des mouvements de capitaux
et le desserrement de la contrainte de change ont révélé, dans les économies
émergentes frappées par les crises, des contextes de déstabilisation que peuvent induire
des supports de financements extérieurs qui reposent sur des capitaux de court terme
extrêmement volatils.

Ainsi, la question de la libéralisation financière externe et de levée du contrôle de change


dans les économies émergentes doit être relativisée par rapport aux projets de
reconstruction de la nouvelle architecture financière internationale qui repose sur la
nécessité de rééchelonnement de la libéralisation financière dans les pays émergents, en
attendant que ces dernières reconstruisent des systèmes bancaires solides et adoptent
des règles de change plus flexibles (cf. Cartapanis.A, 2000).

Néanmoins, une libéralisation et modernisation rapide des mouvements de capitaux et du


système financier et la convertibilité externe de la monnaie sont loin aujourd'hui de faire un
consensus. Les crises financières et de change récentes ont toutes contribué à démontrer
que la prise en compte de l'imperfection des marchés financiers, des aléas liés aux
asymétries d'information et des coûts liés à la réversibilité des investissements étrangers
sont autant d'arguments qui justifient la combinaison, d'une part, d'une libéralisation
progressive des mouvements de capitaux et un desserrement séquentiel du contrôle de
change, et d'autre part, la modernisation du système financier.
Par ailleurs, la vulnérabilité des régimes de change dans les crises financières qui se sont
déclenchées, tant au Mexique (1994-1995) qu'au cône sud d'Amérique latine (1996), en
Asie du sud-est (1997-1998) et même en Russie (1998) et au Brésil (1999), est à maintes
fois soulignée comme la cause la plus apparente des fragilisations encourues. Dans les
économies émergentes, l'ancrage strict et rigide des monnaies nationales à une devise de
référence, en l'occurrence le dollar, a été l'une des raisons des crises. En revanche dans
les pays industrialisés, les fluctuations et mouvements erratiques des monnaies
véhiculaires (yen contre dollar et plus récemment euro contre dollar) ont révélé que le
flottement ne fonctionne pas aussi de façon optimale. Ainsi, les choix binaires entre
régimes de change fixes ou flexibles sont non seulement réducteurs mais en plus
déstabilisants.
Mais, la non crédibilité des régimes de change fixe est surtout attribuée aux fragilisations
induites par les mouvements internationaux de capitaux. La multiplication des crises est
intimement liée à une libéralisation accélérée et sans précaution des comptes de
capitaux. Les effets déstabilisants des entrées de capitaux ont été patents dans le cadre
de systèmes bancaires faiblement dotés en instruments de gestion des risques de crédit.
Plus encore, le maintien de parités fixes devenant irréalistes compte tenu des
fondamentaux et l'absorption massive de capitaux courts motivés par des taux de
rémunération exorbitants ont été les causes majeures des crises de change.
Krugman.P et Rodrick.D , en particulier, proposent nettement un retour à une
politique de contrôle des changes qui leur semble une solution préférable à une politique
de libre admission des mouvements de capitaux. Ils préconisent un scénario constitué de
règles de bonne gouvernance suivantes en matière de mouvements de capitaux:

 Assainissement des structures bancaires et financières internes comme


préalables à la libéralisation progressive des flux de capitaux.

 Préférence pour les IDE et pour les financements longs qui sont en principe
générateurs de croissance;

 Articulation fondamentale entre libéralisation ordonnée des mouvements de


capitaux et flexibilité des régimes de change pour éviter les attaques
spéculatives et la pression sur les réserves de change.
Plus encore, les dysfonctionnements des régimes de changes fixes et flexibles purs ont
amené à des tentatives récentes de réactivation de la formule des zones cibles, dont
l'origine remonte aux travaux de Williamson.J, 1983 . En effet, en plus des volatilités à
court terme, les taux de change subissent généralement des mésalignements ou des
déviations persistantes par rapport à leurs niveaux d'équilibre de long terme. Ces écarts
ou distorsions sont appréciés selon Williamson relativement aux cours de change
d'équilibre fondamental, et peuvent être surveillés par un système de parités à bandes
élargies autour d'un cours pivot d'équilibre.

La restructuration et la solidité des systèmes bancaires et financiers


La levée des dispositifs de contrôle sur les mouvements de capitaux dans les économies
émergentes a eu pour effet l'accroissement rapide des crédits bancaires favorisant l'inflation
et la constitution de bulles spéculatives, ainsi qu'une surévaluation réelle des monnaies
nationales qui a freiné les exportations et ralentit la croissance. Dans les pays asiatiques
touchés par la crise, l'explosion d'une vague de surinvestissement financé par un
endettement excessif en devises étrangères a été la principale source d'incertitude sur les
marchés financiers.
Les suites de ce scénario ont naturellement mis en évidence la vulnérabilité intrinsèque de
la combinaison qui associe dérégulation financière et défaillance de la réglementation et de
la supervision bancaire. La formation d’un système prudentiel cohérent couvrant toute
l’activité bancaire est devenue par conséquent indispensable.
Le taux de change d'équilibre fondamental au cœur de la nouvelle architecture

Des différentes approches des taux de change d'équilibre, le concept de taux de change
d'équilibre fondamental (FEER) est apparu au centre des discussions sur la nouvelle
architecture financière internationale, en ce sens qu'il permet de mesurer le niveau
d'équilibre "fondamental" de la balance des paiements (cf. Mouley.S, 1998 ; Wren-Davis
et Driver,1998), et donc les flux de capitaux sous-jacents. En d'autres termes, l'évaluation
du flux de capitaux tendanciels nécessaires est ainsi déduit directement de l'estimation
même du taux de change d'équilibre fondamental.

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