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de Besançon
Crampon Monique. Salve lucrum ou L'expression de la richesse et de la pauvreté chez Plaute. Besançon : Université de
Franche-Comté, 1985. pp. 5-371. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 319);
doi : https://doi.org/10.3406/ista.1985.2592
https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1985_mon_319_1
Volume 63
Monique CRAMPON
SALVE LUCRUM
OU
L'expression de la richesse
et de la pauvreté chez Plaute
I Les objectifs
II Etat de la question
II faut maintenant situer notre étude parmi les travaux qui se sont
donné pour tâche d'examiner des sujets proches de celui de la possession
chez les auteurs latins de l'époque républicaine.
Nous relevons d'abord des études un peu anciennes , ainsi une
dissertation de W. Meyer : Laudes Inopiae , Diss. Gottingen , 1915 ,8^ p.,
ou des articles assez rapides , comme celui de V.d'Agostino : Sul concet-
to di povertà e di richezza negli scrittori antichi , Rivista di Studi
Classici, Τ V, 1957, p. 236-2V7 , ou encore des travaux assez ambitieux
et traitant d'une manière un peu superficielle de très vastes problèmes,
comme l'ouvrage de P.Shaner Dunkin : Post aristophanic comedy, Studies
in the social outlook of middle and new comedy at both Athens and Rome,
Urbana , The University of Illinois Press, 192 p.
Si nous considérons maintenant les études plus récentes traitant
de l'expression des problèmes sociaux sous la République , nous devons
mentionner avant tout l'ouvrage de J. Hellegouarc'h : Le Vocabulaire
Latin des relations et des partis politiques sous la République (Paris
Les Belles-Lettres , 1972 ) . Dans cette étude très documentée et dont
le sujet par son ampleur dépasse notre champ d'investigation réduit à
la richesse et à la pauvreté , nous rencontrons de nombreux termes
classés dans le vocabulaire social et politique mais qui font également
partie du lexique de la possession ainsi diues et diuitiae , opulentus,
locupletee , pauperes ... Cela n'est d'ailleurs pas surprenant puisque
chez les Anciens richesse et puissance politique ont partie liée ,
notamment à cause de la gratuité des magistratures (6). Toutefois , la
démarche de J. Hellegouarc'h est assez différente de la nôtre puisque son
propos est de situer tous ces termes dans un contexte politique donné , celui
de la République et notamment celui de l'époque cicéronienne.
En 1968 , une thèse de Doctorat d'Université a été soutenue à la
Faculté des Lettres de Strasbourg par P. Brind 'Amour sur : La Richesse et
la Pauvreté chez Plaute et Térence . Cette étude , même si elle examine les
termes de possession , réserve toutefois la plus grande part à l'aspect
littéraire de la question . L'auteur montre en effet comment "Plaute a
exploité pour lui-même et pour son public les éléments sociaux que lui permettaient
ses modèles grecs " (7)· Ainsi , comme la visée de P. Brind 'Amour est
essentiellement àirschronique , le tableau synchronique de l'expression de
la possession no peut être traité avec toute l'ampleur qu'il mérite ,
notamment dans ses aspects thématiques.
Enfin , en décembre 1980 , L. Nadjo a soutenu une thèse de Doctorat
d'Etat sur : L'argent chez Plaute , Etude d'un vocabulaire technique et
de son utilisation littéraire chez les comiques et satiriques latins de
l'époque républicaine . Dans cet ouvrage , L. Nadjo ne pratique pas
l'analyse sémique des différents termes désignant l'argmt ni ne considère les
prolongements thématiques de leurs emplois mais étud.e de façon
traditionnelle , notamment par le recours à l'étymologie , les vocables latins et
grecs qui , dans la palliata , ont trait à l'argent.
Ainsi nous nous trouvons devant deux sortes d'ouvrages : les uns
s'attachent , du point de vue de la littérature et tout particulièrement
de l'histoire littéraire , à éclairer la position de Plaute et de Térence
dans le domaine social , les autres étudient un vocabulaire plus ou moins
vaste qui concerne , de près ou de loin , le thème de l'argent. A quoi
bon dès lors consacrer une nouvelle étude à un sujet déjà traité et de
deux manières différentes ?
Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour justifier la démarche
que nous entreprenons .
D'abord notre ouvrage a l'ambition de traiter d'une manière plus
exhaustive la description lexicologique abordée de manière
nécessairement rapide dans la thèse de P. Brind 'Amour . En effet , pour donner un
exemple , dans notre travail , chaque terme est étudié avec toutes ses
occurrences , et pas seulement avec celles qui sont jugées les plus
significatives. Notre étude sera donc sur ce point plus approfondie (8).
Ensuite , pour légitimer notre démarche par rapport aux ouvrages
axés essentiellement sur le vocabulaire , nous répondrons d'abord que
notre étude est menée selon des critères scientifiquement reconnus , ceux de
la décomposition sémique . D'autre part , notre description des champs
- 12 -
albus
candidus
niger
ater
Nous apercevons alors que les termes se définissent les uns par
rapport aux autres ; ainsi ater se différencie de niger à cause de
l'éclat, de même albus et candidus, tandis qu' albus et ater se dis-
- 15 -
PAUVRETE
Parasitus
RICHESSE
I Termes appartenant au seul champ de la richesse:
Fortunatus
Luculentus
Beatus
Rex
Res
Bona
Opes
Copiae
Argentum
Aurum
Pecunia
Lucrum
RICHESSE vs PAUVRETE
hauteur vs bassets*1
lumière vs obscurité
- 24 -
PAVPER
LES OCCURRENCES
A) Dans 1 'Aululaire
L'emploi de l'adjectif pauper dans l'Aululaire de Plaute est
particulièrement intéressant, d'abord à cause de ses occurrences
relativement nombreuses puisqu'elles sont au nombre de 15 (2.5), ensuite
parce que le personnage principal, l'avare Euclion, veut se faire
passer pour pauvre alors qu'il ne l'est pas, et par conséquent exagère
dans ses paroles et dans son attitude les différents traits inhérents
à cette caractérisation. Enfin, l'intrigue utilisée par Plaute oppose
à ce pseudo-pauvre un homme riche, Mégadore , qui veut épouser sa
fille. Les deux types d'homme sont donc plusieurs fois confrontés et se
définissent l'un par rapport à l'autre.
Identités positives
Pauper "qui possède une maison, sale et vide",
identité obtenue à partir des vers 82 sqq.:
Staphyla: "Ego intus seruem? an nequis aedes auferat?
Nam hic apud nos nihil est aliud quaesti furibus
Ita inaniis sunt oppletae atque araneis "
Ain tu te ualere ?
Pol ego haud perbene a pecunia
Pol si est animus aequus tibi, sat habes , qui bene uitam
colas"
Identités négatives
Pauper " qUi n«a dans sa maison rien qui puisse tenter le voleur"
identité obtenue à partir du passage déjà évoqué des vers 83
sqq.:
" Nam hic apud nos nihil est aliud quaesti furibus"
" Qu'est-ce que les voleurs pourraient y gagner
d'autre ?"
Pauper " qui n'a pas trouvé de trésors"
identité obtenue à partir du vers 240 :
" Eo dico , ne me thesauros repperisse censeas "
" Je te le dis pour que tu n'ailles pas te figurer
que j'ai trouvé des trésors "
Pauper " Qui n'a pas de bien caché à la vue du public"
identité comparable qu'établissent les vers 5^3-5^ :
" Neque Pol, Megadore, mihi neque cuiquam pauperi
Opinione melius res structa est domi "
"Chez moi, Megadore, et chez tous les pauvres comme
moi, il n'y a pas , sois-en sûr, plus d'aisance
qu'on ne croit "
2) v. 2V7 sqq.
" Nam si opulentus it petitum pauperioris gratîam,
Pauper metuit congrediri; per metum maie rem gerit"
" Qu'un riche aille de lui-même solliciter les bonnes
grâces d'un plus pauvre, le pauvre n'ose pas rentrer
en rapport avec lui; sa timidité lui fait manquer
l'affaire"
' * ^" Et illae malam rem metuant quam metuunt magis"
" Et elles (les filles des pauvres) craindraient plus
nos rigueurs que ne le font les filles des riches ".
30 -
une victime. Une autre série d'associations peut être établie si nous
nous référons aux affirmations du riche Megadore :
Pauper "qui est respectable"
d'après le vers 174:
"Scio quid dictura es : hanc esse pauperem. Haec pauper
placet"
" Je sais ce que tu vas me dire : qu'elle est pauvre.
Pauvre elle me plaît".
Ici , c'est la fille d' Euclion que Megadore déclare apprécier
assez pour en faire sa femme; d'ailleurs , la bonne réputation de
toute la famille est suggérée par le nom même d' Euclion qui
signifie "Bienfaraé" (27)· De là à poser que tout pauvre est par nature
honnête et respectable , il n'y a qu'un pas.
Au respect du riche vis-à-vis du pauvre (28) s'ajoute parfois une
condescendance bienveillante , comme le montre l'emploi du diminutif
à valeur affective au vers 171 (c'est Megadore qui parle à sa soeur):
"Nostin hune senem Euclionem ex proximo pauperculum"
permettant d'établir l'association :
passivité (1)
faiblesse (2)
innocence (3)·
'
Cette expression est amusante car en parodiant 'ordo sénatorial
elle suggère que les pauperes constituent une sorte de groupe social
organisé, une classe (30).
:
Pauper " qui est méprisé par le riche"
ou bien
de riche rendre pauvre
( ce qui l'infirmerait) ?
La réponse à cette question sera donnée par l'examen des
emplois de pauperare , dans la série des mots de la famille de pauper
que nous abordons maintenant.
46 -
PAVPERARE
Fr. I d'Acharistio :
" Quam ego tanta pauperaui per dolum pecunia "
" Elle que j'ai dépouillée frauduleusement de tant d'argent "
Mi. 729 :
" (quae probast mers pretium ei statuit, pro uirtute ut ueneat,)
quae improbast, pro mercis uitio dominum pretio pauperet ; "
" (les bonnes marchandises, il en règle le tarif de manière
qu'elles soient vendues pour ce qu'elles valent) ; et les
mauvaises, pour qu'elles appauvrissent leur propriétaire
à proportion des défauts qu'elles présentent. "
Sur les trois emplois, le fragment est le plus net mais le moins sûr :
paupero signifie alors "ruiner", c'est-à-dire "de riche rendre pauvre".
Mais de toutes façons, il est imprudent de tirer des conclusions trop
précises d'un fragment, c'est-à-dire d'un vers dépourvu de contexte.
PAVPEECVLVS
"(east... quam )
Pauperculara raemini coraprimere "(Ερ.5^·Ο c)
11 (C'est ) il m'en souvient , cette pauvre fille
à qui je fis violence "
11 Nostin hune senem Euclionem ... pauperculum "(Au. 171)
" Tu connais Euclion, ce pauvre vieux ...".
2) Rencontre -t-on alors cette valeur diminutive dans les deux autres
exemples ? „
"... quamquam sumus pauperculi
. .
Est domi quod edimus" (Poe 536-7)
PAVPEHTAS PAVPEKIES
PAVPERTAS
et de
Paupertas " état qui suscite chez autrui une réaction
d'assistance"
comme l'indiquent les vers cités à la page précédante , Ep.556 et
Ru. 918 , ( avec les séquences "paupertatem leuare " et " paupertatem
tolerare" ) .
Ces deux relations s'appuient sur le sème virtuel:
PAVPERIES
PAVPERIES PAVPERTAS
état de celui qui possède peu
état dont on se état qui accable
plaint vivement le patient
EGERE
I TRAITS DE SIGNIFICATION
" Quia tute ipse eges in patria nec tibi qui uiuas domist"
" Parce que dans ton pays tu n'es qu'un -&\\ '.>'.:;; et que tu
n'as pas chez toi de quoi vivre ",
" Qui quidera nusquam per uirtutem rem confregit atque eget"
(Tri. 336)
"...festo die si quid prodegeris
Profesto egere liceat, nisi peperceris " (Au.380,38l)
"Et per nos quidem hercle egebit qui suum prodegerit"
(Mer. 1020).
II MANIFESTATION SYNTAXIQUE
"...egentes opum".
A) EGESTAS
Cette relation se tire par exemple du contexte des vers 683 sqq.
du Trinummus. En effet , dans ce passage , egere s'oppose à in ditiis
esse et à agrum habere (vers 682,3 ) . Or , quelques vers après,
egestatem exsequi s'oppose à agrum habere (vers 686,7). Il est clair
par la similitude de l'élément antithétique agrum habere que
egestatem exsequi a pratiquement le même sens qu' egere. Il s'y ajoute , certes,
l'idée de l'entrée dans l'état ( exsequi = obtenir) , mais l'état en
question est le même dans les deux cas , celui d'une grande nécessité.
Dans ces vers, 1 'egestas est vue comme une force qui torture
l'homme. Son rôle actif est nettement mis en valeur par sa fonction de sujet
d'un verbe d'action ou de volonté dans la phrase (68).
" Qui quidem nusquam per uirtutem rem confregit atque eget".
Indigeo
Ce verbe, relativement rare, (4 occurrences seulement) est toujours
complété par un mot au génitif qui désigne un conseil ou un secours
espérés . Ainsi lisons-nous au vers 642 du Rudens:
" Non edepol piscis expeto quam tui sermonis sum indigons"
" Ce n'est pas du poisson que je te demande parbleu !
C'est d'une conversation avec toi que j'ai besoin ".
Notons que sur ces 4 emplois , esse indigens est employé 2 fois,
indigens seul une fois et l'infinitif indigere , une fois seulement.
Le sens des deux expressions , indigere et esse indigens semble le
même, comme il apparaît dans le parallélisme des vers 29 et 31 de la Cis-
tellaria ( cf. supra ). L'emploi presque identique des deux tours
rappelle le parallélisme de egere/ esse egens.
Les deux périphrases , esse egens et esse indigens , tendraient
donc à supplanter egere et indigere. C'est bien la preuve qu' egens et
indigens sont de plus en plus sentis comme des adjectifs au même titre
que pauper et inops.
Indigus
Egenus
Quant à l'adjectif egenus, il ne se trouve que deux fois chez
Plaute. Dans les deux cas , il se rapporte au substantif res qu'il qualifie
d'ailleurs avec d'autres épithètes (74) :
- 71 -
". . .res. . .
Dubias, egenas, inopiosas consili"
"...affaires douteuses, pauvres d'argent , démunies de plan"
(Poe. 130)
"Rébus in dubiis , egenis " (Cap.4o6)
" dans mes périls et dans ma détresse "
L'association d'egehas à dubias n'est d'ailleurs pas gratuite; c'est
probablement parce que le personnage n'a pas d'argent ou que sa
situation est critique qu'il est obligé de recourir à n'importe quel moyen
pour soulager son indigence , réalisant ainsi des affaires mal préparées,
res inopiosas consili (75)·
INOPS
I Traits sémiques
Ici inopem est coordonné à innoxium , " qui n'a pas de ressources et n'a
pas d'intention de faire du mal ".
Nous relevons le même écho négatif au vers 689 du Trinummus :
Nous pouvons aussi parler de blâme moral encouru par 1' inops
lorsque son dénuement est entraîné par les exigences de l'amour. Nous
relevons en effet les oppositions suivantes ( qui rappellent ce qui a déjà
été noté à propos des conséquences de l'association egere/amare cf.
supra p. 55) i l'amator devenu inops (Tri. 255b) est méprisé ( parui sit
preti vers 257) tandis que les bons citoyens jouissent de la richesse et
de la considération:
type social nettement caractérisé est fournie par le fait que le terme
s'applique à toutes sortes de personnages, à savoir :
Inopia
Une autre équivalence est fournie par les vers 51k- et 519 :
Inopia est donc vue volontiers comme un fléau résultant des débordements
de l'amour. Nous avons déjà fait une remarque analogue à propos d'inops
"( . . .ueneror. . .)
Miseras, inopes, aerumnosas ut aliquo auxilio adiuuet"
- l'amour (Mer .(
- l'argent (As. 72^, Cu_.33^, Ps.3OO)
egere inops
inopia egestas
de complément chez Plaute. C'est sans doute parce que le terme indique
lui-même de quoi il y a privation, par sa composition : inops "qui n'a
pas d'opes" (de ressources). Il est certain en effet qu'à l'époque de
Plaute la composition des mots de cette famille est bien sentie , à
preuve le rapprochement assez fréquent des deux termes antithétiques
comme inpps et copia (86) .
En principe, inopia devrait se construire absolument puisque le
terme est composé du radical de la famille d'opes et du préfixe privatif.
Or , il se trouve qu' inopia admet un complément déterminatif . Comme la
signification du préfixe négatif n'est pas sujette à variation, nous
devons nous demander si le radical contenu dans inopi» ne renvoie pas
à une autre valeur de cette même famille. Il apparaît alors que les mots
de cette famille renvoient à deux valeurs fondamentales ; la première est
celle d'abondance ( = grande quantité de ) quel que soit le point
d'application ; c'eût iiulumment la valeur de copia au vers 671 du Trinummus,
(voir le vers cité en note page précédente); la seconde , plus dense,
est celle de ressources pour vivre ; c'est ainsi que nous verrons chez
Plaute opes avoir parfois le même sens que diuitiae. Ainsi , l'absence
d*un complément avec inops se rattache à la seconde de ces deux valeurs:
inops "qui n'a pas de ressources", tandis que la présence d'un
complément avec inopia renvoie à la première : inopia "manque (de quelque
chose)" (87).
2) Nous avons déjà fait remarquer (p. 78) qu' egestas , à cause du
suffixe -tati correspond essentiellement à un état , celui de 1* egens. Or,
cette valeur d'état est difficilement compatible avec celle de fléau.
L'examen d'un passage précis , le prologue du Trinummus , fournit
le dernier élément. Deux allégories sont en scène, Luxuria , la mère,
et Inopia la fille (90) . Le lexème inopia semble avoir été préféré à
egestas pour deux raisons, d'une part à cause du parallélisme
morphologique du suffixe en -ia , et d'autre part à cause de l'opposition
sémantique, luxuria signifiant essentiellement abondance ou excès ( le
sens de débauche , quoique fréquent , n'est que secondaire ) , et inopia
désignant le manque , le dénuement .
MENDICVS
TRAITS DE SIGNIFICATION
" De mendico maie meretur qui ei dat quod edit aut bibat"
" C'est rendre un mauvais service à un pauvre que de lui
donner à boire ou à manger " .
( A vrai dire , la traduction d'Ernout par "pauvre" est faible . On
aurait préféré un terme plus fort, tel que "miséreux" par exemple ;
aussi bien les termes qui qualifient le personnage en question sont-ils
89 -
" (...potius )
Quam te me uiuo umquam sinam egere aut mendicare "( Mo. 230)
- 91
" Potius quam illi, ubi minime honestumst, mendicantem uiuere "
(Cap. 323)
" Plutôt que de me voir , pour notre honte , vivre en
mendiant chez vous "
Une dernière preuve que le mendicus est bien le dernier des indigents
est la formule du vers 514 des Bacchis , qui renchérit encore sur ce
caractère extrême :
" Mendicum malim mendicando uincere "
" J'aimerais mieux être plus misérable que le dernier des
mendiants ".
La phrase ne prend en effet toute sa valeur hyperbolique que parce
que le mendicus est déjà un homme dont le dénuement est extrême.
" Vosne ego patior eum mendicis nuptas me uiuo uiris ?"
( St. 132)
" Je souffrirais moi, que ,de mon vivant, vous ayez des
mendiants pour maris ? "
" Sed quid tibi nos tactiost, mendice homo ? (Au. 423)
Le cuisinier Congrion injurie ainsi Euclion qui l'a battu; il
voudrait , ea le vexant , l'empêcher de recommencer. Cet emploi de mendicus
appliqué à l'avare Euclion aurait pu être cité pour l'établissement du
premier trait ( indigence) ; en effet , si Euclion peut à la limite être
qualifié de mendicus , c'est que son habillement , son genre de vie
sont ceux d'un misérable : tout en ayant un trésor, il vit en homme
dénué de tout .
" Vosne latrones et mendicos homines magni penditis "
(St. 135)·
Dans ce vers, le père des deux femmes dont les maris sont partis
faire fortune sur mer assimile ses gendres à des latrones et il s'étonne
- 94 -
que ses filles estiment encore ( magni penditis ) des gens de cette
espèce.
Méprisés par les hommes , les mendici ne semblent pas l'être par
les dieux , comme l'attestent par exemple les vers 830, 831 du
Trinummus :
"... Hoc dis dignumst,
Semper mendicis modesti sint " (99) ·
Ce passage permet de déceler une faible trace de l'antique
bienveillance avec laquelle on devait traiter les mendici. Au contraire, à
l'époque de la palliata , les mendici sont le plus souvent méprisée ,
voire insultés. De plus , on y traite de mendici des gens qui n'en sont
pas.
Cela apparaît encore plus nettement au vers 323 des Captifs , car la
passion amoureuse ne joue alors aucun rôle :
" (Decere ...magis ...me saturum seruire ...)
Potius quam illi , ubi minime honestumst , mendicantem
uiuere "
,
Au terme de l'analyse sémique de mendicus , il faut préciser sa
situation dans le champ sémantique de la pauvreté. Il se trouve évidemment
à l'extrémité de l'axe quantitatif , après egere . Ainsi au vers 230 de
la Mostellaria , la place de mendicare après egere , tend à prouver, par
la loi de progression , que mendicare désigne un dénuement plus grave
qu' egere :
" Potius quam te me uiuo umquam sinam egere aut
mendicare ".
En plus de la gravité de l'indigence , ce qui distingue la famille de
mendicus de celle de pauper et d'inops , c'est l'activité que déploie
le personnage .
Ainsi , plus démuni que 1' egens et le pauper , déployant une
activité plus intense ( quête errante), le mendicus se distingue aussi par la
manifestation de son dénuement. Il est en effet vêtu de haillons ( inducu-
la mendicula ) et il quémande auprès des autres . Il se signale ainsi
à l'attention d'autrui d'une façon toute particulière. D'ailleurs ,
Plaute l'oppose non à ditissimus , mais à opulentissimus (Tri. 493) : or ce
dernier qualificatif insiste , nous le verrons (I0l)jsur
l'extériorisation de la richesse. C'est ce qui explique que le mendicus désigne un
personnage au théâtre , auprès du rex , lui aussi nettement caractérisé,
comme le montre le vers 76 des Ménechmes :
" (Modo hic agitât leno, modo adulescens , modo senex)
Pauper, mendicus , rex , parasitus hariolus ".
PARASITVS
I Parasitus "goinfre"
Les propos des parasites déjà cités sont la plupart du temps très
imagés. (Rappelons simplement le parallèle établi entre les parasites et
les rongeurs au début du Persa , ou l'assimilation du naufrage du Rudens
à une boisson froide et salée qu'on aurait été contraint d'avaler , ou
encore la perspective d'un bon repas comparée à un cortège de vivres
quittant le port à destination ... du ventre du parasite , dans les
Captifs et la Bacaria ) .
activité un quaestus.
Curculio , dans la pièce qui porte son nom , c'est dire qu'il
constitue un rôle particulièrement actif dans cette comédie , est envoyé
par son " bienfaiteur " chercher de l'argent en Carie. Arrivé là- bas,
il réussit à escamoter un anneau au rival de son bienfaiteur; cet anneau
servira à obtenir de l'argent auprès du banquier. Ainsi la mission est
accomplie grâce à la ruse de Curculio.
Dans ce métier , il faut en effet déployer une grande adresse.
Cette habileté , parfois voisine de la malhonnêteté, a pu faire comparer
des parasites à Ulysse , ainsi aux vers 901 1 902 des Ménechmes. Ce savoir-
faire n'est pas étonnant si l'on pense à la virtuosité du parasite dans
son langage émaillé de mots d'esprit.
D'autres missions sont confiées au parasitus. Dans le Miles , le
parasite de Pyrgopolinice est chargé d'emmener près du roi Séleucus les
soldats qu'il a recrutés ( Mi. 9^8-9). Dans les Bacohides , aux vers
573 sqq. , le militaire a confié à son parasite une commission , qui
consiste à demander à son amie quelles sont ses intentions:
Cette déclaration est ainsi commentée par le pauvre par .site aux
vers 636-637 :
ETUDE DE DIVES
I TRAITS SEMIQUES
" (A^f-atem meam scis ) . Scio esse grandem , item ut pecuniam "
11 Je sais qu'il est grand ( ton âge) comme ta fortune " (v.2l4)
" Ego uirtute deum et maiorum nostrum diues sum satis "
" Pour moi, grâce aux dieux et à mes ancêtres , je suis
bien assez riche " (128).
Le mariage avec une femme riche peut aussi être très lucratif (Au.
166 sqq.) , de même que les héritages (As. 529) ?
" Quadrilibrem aulam auro onustam habeo: quis me est ditior ?"
( vers 809)
"J'ai dans la marmite quatre bonnes livres d'or. Y a-t-il plus
riche que moi ?"
II MANIFESTATION SYNTAXIQUE
DIVITIAB
Diuitiae
" " " biens possédés par un seul ou par une
famille".
Ce sème virtuel est réalisé par exemple dans les Captifs au vers
281 ; dans ce passage en effet, un personnage demande à un autre si un
troisième possède de grands biens :
b) Le second sème virtuel peut être tiré par exemple du vers <->52 du
Persa :
" Diuitiae tu ex istac faciès ...".
" Quid illurn ferre uis, qui , tibi, quoi diuitiae domi maxumae
sunt,
Is nummum nullum habes nec sodali tuo in te copiast "
" Quelle aide veux- tu qu'il ( un esclave) apporte , quand
toi, qui as dans ta maison de telles richesses , tu n'as
pas un sou vaillant , tu ne peux être d'aucun secours à
ton ami ".
- 124
Non seulement les diuitiae sont mobilisables mais elles sont aussi comp-
tabilisables, c'est-à-dire que ce sont souvent des biens en espèces ;
certes les diuitiae devaient être des richesses surtout foncières. En
effet, d'après ce que nous pouvons savoir de l'économie antique, ce
devait être la possession foncière qui fondait la richesse d'un individu
(148) ; cependant, il reste que, dans le corpus plautinien , ce sont
surtout les richesses monétaires qui sont mises en valeur et désignées par
le vocable diuitiae. Considérons donc les valeurs désignées par les di-
uitiae lorsqu'elles sont précisées. Dans un passage du Miles, aux vers
1063 sqq. , on apprend que Pyrgopolinice a plue de mille boisseaux
d'or en philippes :
...Praeter thensauros.
Tum argenti montis , non massas habet. Aetna mons non aeque
altust ".
" Huic homini dignum est diuitias esse et diu uitam dari"
" Voilà un homme digne d'être riche et de vivre longtemps".
C'est encore un bien que l'on associe souvent à la liberté , par
exemple au vers 1213 du Miles :
OPVLENTVS
joues
qui est important en corps
Opulentus est employé 1^ fois par Plaute ( y compris les deux cas
que nous venons de citer ) (171). Le lexème.est donc moins utilisé que
diues dont les emplois sont au nombre de 32 (172). Cependant il est
parfois employé concurremment avec diues :
les notables et en suscitant même leurs hommages. Certes, chacun des deux
traits , rapacité et ostentation , est grossi car le personnage qui
parle ne fait pas partie de cette catégorie des opulenti ; il y a sans doute
che?, lui un désir de revanche qu'il fait passer dans la personne de son
ami à qui il promet de gros bénéfices dans sa carrière de leno .
Toutefois, cette analyse du passage du Persa est peut-être contestable. En
effet, on pourrait objecter que cette arrogance n'est pas le fait de l'o-
pulentus , mais qu'elle s'explique par le caractère traditionnel du leno
dans la palliata, homme absolument sans scrupule et détesté de tous.
Mais un autre passage présente cette attitude arrogante de 1 'opu-
lentus , sans que l'état de leno soit mentionné . Il s'agit de l'opulen-
tus à table aux vers 473 sqq· du Trinummus.
Une fois sur deux, opulentus est adjectif épithète : avoc cette
fonction , il s'applique à des individus déterminés , dieux ( Jupiter,
Ops ) ou mortels , (adulescens, miles ) ou indéterminés ( homo , uir )
Dans le premier cas , avec les individus déterminés , opulentus
suit le substantif, ce qui est l'ordre non banal ; il semble qu'alors
l'adjectif désigne une caractéristique essentielle du personnage ainsi
décrit. En ce qui concerne les mortels , le seul exemple est celui du
militaire de 1 'Epidique , personnage tout cousu d'or et qui fait trembler
les ennemis , raptor hostium (vers 300). Nous voyons donc clairement
que la qualification d'opulentus n'est pas un simple trait qui enjolive
le portrait du personnage , elle résume au contraire toute son attitude.
Dans le eat. des dieux, puissance et capacité de répandre leurs
dons sur les mortels sont essentielles aux deux divinités que sont
Jupiter et Ops. Jupiter n'est-il pas le dieu suprême , c'est -à-dire celui
qui possède la toute puissance et de qui viennent tous les bienfaits
accordés aux mortels (179)? Quant à Ops , nous avons déjà noté que les
Anciens voyaient en elle le symbole de la Terre , mère de toutes choses;
c'est assez dire que la puissance créatrice et distributrice est la
principale caractéristique d'Ops , ce que souligne l'allitération d'Ops
opulenta. D'ailleurs , l'ouvrage récent de Pierre Pouthier sur la déesse
Ops porte un titre suggestif : Ops ou l'abondance divinisée jusqu'à
l'époque d'Auguste.
Mea pecunia est mis sur le même plan que meis opulentus ; il
semble donc que le terme ait ici une valeur plus déterminée , plus
concrète qu'au vers 490 du Trinummus. Il ne s'agit pas en effet de la faculté
de distribuer mais de cette distribution elle-même ; le pluriel serait
alors bien justifié et l'ensemble signifierait les dons . Ainsi , avec
opulentia , on hésite entre une valeur abstraite "don de manifester
richesse et puissance " et une valeur concrète ( peut-être par
contamination avec diuitiae ) " les richesses elles-mêmes , quand elles sont
distribuées ".
LOCVPLES
vible dans cet exemple de la Cistellaria. En effet, deux vers après spon-
sa locuples , le locuteur caractérise la fortune d'Alcésimarque d'opes
ualidae ; on objectera que la fortune du prétendant n'est pas celle de
la fiancée, certes, mais c'est une banalité que de faire remarquer que
les mariages tels qu'ils sont présentés dans les comédies de Plaute se
font toujours entre gens de la même catégorie, c'est-à-dire du même rang
social et de la même fortune (187).
Ainsi donc, si la fortune d'Alcésimarque est solide, c'est là le
sens de ualidae, celle de sa future femme l'est aussi.
De toutes façons, même sans recourir à cette démonstration indirecte,
nous pouvons prouver que la fortune de la Lemnienne est sûre puisqu'elle
provient de sa dot et non de bénéfices plus ou moine hasardeux tels que
ceux que procure par exemple le commerce, notamment le commerce sur mer
(188).
L'exemple du Trinummus confirme lui aussi nos propositions ; le
jeune Lesbonicus qui a gaspillé (totalement, croit-il) les biens que lui
avait laissés son père, formule un souhait :
Nous savons par ailleurs qu'il ne lui reste plus de ses anciennes
possessions qu'un petit champ (v.5O8-51O). Pour Lesbonicus, être locuples
signifie Jonc avoir d'autres biens que ce champ et précisément posséder
de grands domaines. Dans ce passage, on peut trouver piquant le contraste
entre la réalité de la possession et la vanité du souhait formulé.
L* exemple du Rudens offre un emploi assez comparable de locuples utilisé
alors ironiquement ; de misérables pêcheurs, qualifiés au vers J11 de
"famelica hominum natio", déplorent leur pitoyable condition au vers
293 :
la imiue que leurs seuls biens sont des fileta et des hameçons qui leur
cervenc à tirer leur subsistance de la rner. Ainsi, à défaut de biens
réels sur la terre, ils n'ont, pourrait-on dire, que la jouissance de
la mer. Voilà qui nous introduit à la nature des biens possédés par· un
individu qualifié de locuples ; la nature de ces biens apparaît-elle
chez Piaule ? Autrement dit, trouvons-nous dans notre corpus une
illustration de l'étymologie ancienne, telle que la rapporte Higidius ap. Gell.
10 - 5,2 :
FORTVNATVS
Nous avons écrit volontairement "qui jouit des biens matériels "
et non "qui possède ces biens "; en effet, fortunatus a une valeur assez
différente de celle de diues. En effet , diues ( ou opulentus )
caractérisent volontiers l'individu qui possède en bonne et due forme les biens
matériels. Or, ici , avec fortunatus, il ne s'agit pas de possession
mais de jouissance grâce aux faveurs de la fortune. C'est bien le cas
au vers 101 6 du Rudens oà les biens contenus dans la valise trouvée par
hasard peuvent enrichir momentanément le malheureux qui l'a découverte.
Au vers *+9 de la Mostellaria , l'esclave urbanus ne possède pas
vraiment les biens dont il jouit , mais il a la chance qui; son maître les
lui fasse partager , pendant un temps du moins; car il est bien évident
que la fortune est changeante et que ses dons ne sauraient être éternels;
c'est ce que note l'esclave rusticus qui annonce précisément à son
compagnon le châtiment qui l'attend (vers 50).
Nous pouvons nous demander si le sème virtuel du sentiment offre
la même instabilité due au hasard. C'est assez net au vers 993 des Captifs:
le vieillard a eu la chance qu'il n'espérait plus de retrouver son fils, .
ce qui cause son bonheur.
Au vers **9 de la Mostellaria , on admettra facilement que le
bonheur de l'esclave urbanus ne sera pas plus durable que sa jouissance des
biens matériels, les deux étant soumis au bon vouloir de son maître .
Mais la nuance est moins nette dans les autres passages, Ci. 80 et Per»5^9,
que le contexte explicite moins.
- 155
LVCVLENTVS
D'après les associations qui vont suivre , nous pouvons poser les
deux sèmes :
- rayonnement
- puissance de séduction.
Ces sentiments peuvent aussi être créés par l'évocation d'un amas
de richesses , comme au vers 1320 du Rudens :
" Papae ! Diuitias tu quidem habuisti luculentas "
" Bigre! Tu avais , ma foi, une jolie fortune ".
Mais dans les autres cas , l'éclat impliqué par luculentus n'est-
il pas dû aussi à l'aisance matérielle ?
BEATV3
Parmi les polysémiques se trouve beatus ou plus exactement le vrr-
be beare conjugué. En effet le verbe apparaît au moins 8 fois chez Plaute
(211).
Décomposons sa signification à partir des associations données
par les contextes .
La première association peut s'écrire :
REX
"Per epistulam aut per nuntium quasi rege adiri eum aiunt'
¦
" Nr dit-on pas qu'on ne le touche que pn supplique
ou par ambassadeur , comme un roi ".
,
Renverser un rex qu'on rencontre sur son chemin est alors une
action extraordinaire qu'un seruus currens ne redouterait pas d'accomplir,
étant donné la gravité , feinte bien sûr , des nouvelles qu'il apporte,
comme le montre, entre autres, le vers 287 du Stiehus :
Nous observons donc que rex est un type ou encore , dans l'optique
de Plaute , un rôle , comme il apparaît dans l'énumération du vers 76 a
des Ménechmes :
" ( Modo hic agitât leno, modo adulescens , modo senex)
Pauper , mendicus , rex , parasitus , hariolus ..."
Avec la regina , le rex constitue le modèle du couple , comme on
le voit au vers 153 du Stiehus :
" Placet ille meus mihi mendicus : suus rex reginae placet"
" Mon mendiant me plaît à moi , comme un roi plaît à sa
reine ".
Telle est la réponse que fait à son père la jeune femme dont le
mari est parti faire fortune sur les mers .
RES
A) les séquences rem esse ou rem habere sont assez rares. Rem esse
se rencontre deux fois , au vers 167 du Pseudolus :
" Vbi id audiuit quam pênes est mea omnis res et liberi ?"
" Où a-t-elle appris cela , cette belle qui a entre ses
mains toute ma fortune et mon enfant ?".
Rem habere est un peu plus fréquent avec 5 occurrences.
Au vers 745 du Truculentus, le groupe est placé en antithèse avec
un verbe de sens très fort, egere (223) :
C'est la preuve que rem habere exprime encore plus nettement que
res esse (alicui) l'importance de la possession, ou plutôt sa solidité
U24).
L'emploi au vers 733 du Trinummus constitue une variante du vers
858 du Truculentus cité page précédente :
pans les deux cas, le bien ne se trouve pas entre les mains du
possesseur véritable ; c'est pourquoi le locuteur éprouve le besoin de
préciser qui détient la fortune possédée par un autre (225) ·
" (Je rends grâces aussi) à Mercure qui m'a favorisé dans
mon négoce et m'a quadruplé par mes gains ma fortune ".
C / La bonne gestion :
rem tutare (Am.650; Men.968)
rem seruare (Mi. 724; Ru. 1374; Tru.l40,342)
rem curare (Cap. 632; Mo. 26)
rem procurare (St. 200)
rem accurare (Per .449, 451)
rem bene gerere (Tru.965)
rem melius gerere (Tri. 139)
rem constabilire (Cap. 452)
rei suae studere (Ps.175)
rei parcere (Tru,375)
D / La mauvaise gestion
A côté des tours banals comme rem maie gerere (Tru.223), perdere
(Cu_.504,706; Ep_.220; Mo. 20; Tri. 330, 332; Tru_.58,139), disperdere (Cas.
248), ou des expressions déjà plus recherchées comme le tour actif de
res périt (Tru.45) , nous rencontrons des expressions imagées. Ainsi,
celui qui gaspille sa fortune est dit la briser (confringere St.630; Tri.
336) ou la dévorer (comedere Tri.4l7).
Quant au bien lui-même, res étant sujet du verbe, il glisse (St.
521 : res laxe labat, la fortune est faible et chancelante), ou se
liquéfie, les deux images étant réunies au vers 243 du Trinummus :
"Eum rem fidemque perdere, tam etsi nil fecit, aiunt" Cu.504
"Vbi fidemque remque seque teque proporat perdere" Ep.220
"Boni sibi haec expetunt, rem, fidem, honorem" Tri. 272
"Extemplo et ipsus periit et res et fides" Tru.45
"Quom rem fidemque nosque nosmet perdimus" Tru.58.
L'idée exprimée est la même mais la nuance est dans la variation que
l'on prête à la res qui est d'abord firma puis laxe labat. Ce tour
qui considère le processus en cours est à l'origine du rapprochement assez
audacieux : comme glisse ( = se perd ) le bien , glissent aussi les amis.
Ainsi , la fuite des amie accompagne celle du patrimoine. La situation
contraire , les amis qui restent dans le malheur , ne se rencontre qu'une
fois , au vers 655 du Persa :
"... Nam etsi res sunt fractae amici sunt tamen "
" ... Car si sa fortune est détruite , il a pourtant des
amis ".
U faut noter d'autre part le cas où res et fides sont dissociées,
ainsi au vers 576 des Ménechmes :
BONA
" Virtus omnia in sese habet, omnia adsunt bona quem penest
uirtus "
" La valeur renferme tout en elle, c'est avoir tous les biens
qu'avoir la valeur "
" Vbi id audiuit quam pênes est mea omnis res et liberi ? "
manière :
" Video eccum qui amans tutorem me optauit suis bonis "
" Justement, j'aperçois celui qui par amour pour moi m'a
choisie pour gérer la tutelle de ses biens ".
" Mea bona mea morte cognatis didam, inter eos partiam "
11 Je distribuerai, à ma mort, mes biens à mes parents, je les
leur partagerai ".
- 182 -
Le don des bona peut aussi se faire en dehors d'un héritage, comme
il apparaît aux vers 711-2 de la Casina :
Ensuite, les bona sont comparés à des êtres vivants à qui on livre
bataille (oppugnare) ou que l'on pique pour les dépecer (di.stimulare) ,
enfin que l'on tue (caedere) et, image audacieuse;, à propos de qui on chante
le cantique des morts (dicere neniam de bonis).
Cette assimilation des biens à un être vivant est révélatrice de
la solidité de l'attachement du Romain pour sa fortune. Lorsque son bien
disparaît, happé par un autre, il se sent atteint comme dans son propre
corps. Nous verrons d'ailleurs que cette façon de ressentir le bien
possédé dépasse l'emploi du lexème bona et constitue une des constantes de
l'expression de la possession dans le corpus plautinien (236).
Enfin, nous trouvons l'image du gouffre avec bona inhiant ; le
verbe inhiare, qui signifie "ouvrir une gueule béante", est toujours
chez Plaute employé métaphoriquement et cinq fois sur six (237)
caractérise l'être qui convoite ardemment la fortune d'un autre, l'image étant
parfois soulignée par l'assimilation de l'être dévorent à un loup (238).
Ces différentes expressions du don ou de l'usurpation appartiennent
en propre à l'emploi de bona. Elles nous semblent établir un sème virtuel,
celui de la mobilité des bona, en vertu de la relation
SEME CONSTANT
Avantages en général
Sèmes virtuels
avantages matériels biens mobiles
(susceptibles de passer d'un
possesseur à un autre)
- 184 -
OPES
Mais c'est sous sa forme plurielle que le lexème entre vraiment dans
le champ sémantique de la possession , avec 28 occurrences dans le corpus plau-
tinien ( 2V5) .
Dans le premier type d'emploi , opes désigne les facultés que l'on met
en oeuvre dans un but déterminé. Se trouve donc établie la relation :
compléments d'objet direct d'un verbe signifiant " déchirer" et tous les
deux interviennent en général dans des contextes similaires ( possession ,
gestion, usurpation ). Ainsi res mea et opes auraient une signification
comparable , celle de ¦ fortune" , res mea restant toutefois davantage dans la sphère
du sujet possédant ( à preuve le groupe lié intimement me meamque rem du vers
670 des Captifs ) .
Si opes signifie "fortune", son sens est voisin de celui de diuitiae.
En réalité, la notion de finalité des biens distingue les deux lexèmes : alors
que diuitiae désigne des biens abondante qui souvent constituent le
patrimoine d'une famille ( c'est oe que souligne l'association fréquente de diuitiae
et genus ) , opes concerne des richesses dont on dit ou prévoit l'utilisation,
comme dans l'expression française " mes moyens ne me le permettent pas ".
Ces moyens désignés par opes sont matériels maie ils sont souvent cités
avec d'autres moyens d'ordre social , les factiones , qui désignent les appuie
que constituent les relations politiques (249).
La finalité des opes apparaît aussi dans le tour stéréotypé pro opibns,
"selon les moyens" , comme au vers 690 du Stiehus :
"( . . . hoc eonuiuiunet )
Pro opibus nostris satis commodule , nucibus , fabulis , fi
culis"
" (-Voici un festin qui ) répond assez bien à nos ressources:
noix, petites fèves, olives ".
SEME CONSTANT
moyens personnels
Sèmes virtuels
COPIAE
La relation
Copiae " biens matériels"
est établie par des passages tels que le vers 647 des Bacchis :
- 189 -
celle de
Copiae " biens dont on dispose personnellement",
par un passage du Rudens , aux vers 664 sqq. :
" Nunc id est eum imnium copiarum atque opum,
Auxili, praesidi uiduitas nos tenet "
" C'est maintenant que toute ressource , tout secours , tout
appui , toute assistance nous fait défaut ".
Dans ce passage , les deux jeunes filles abandonnées sur le rivage
désert se plaignent amèrement , premièrement de n'avoir personnellement pas de
ressources pour subsister, puisqu'elles sont rescapées d'un naufrage et ne
possèdent ni nourriture ni argent ( uiduitas copiarum) , et deuxièmement de
ne voir aucune possibilité de ressources dans le voisinage ( uiduitas opum).
Cette aide qui manque cruellement se trouve ensuite reprise de façon plus
abstraite par auxili et praesidi .
Ainsi la différenoe de valeur entre copiae et opes semble apparaître:
opes définissant plutôt les ressources qu'on attend des autres , comme dans
le tour proverbial de Vbi ami ci , ibidem opes ( Tru?885) (252) , et copiae
celles qui sont dans la sphère de la personne. C'est d'ailleurs là un point
qui est conforme à l'étymologie puisque le préfixe eum présent dans copia
suggère une idée d'abondance qui fait corps avec la personne.
L'autre trait qui distingue opes de copiae est quantitatif : opes désigne
des biens qui ne sont pas nécessairement abondante , comme il apparaît au
vers k$k de la Cietellaria :
" Neque opes nostrae tam sunt ualidae quam tuae ..."
" Nous n'avons pas une fortune aussi solide que la tienne..."
Cette remarque peut aussi être faite à propos des vers 253 sqq. du Persa:
"Ioui opulento, inoluto, Ope gnato
Supremo, ualido, uiripotenti,
Opes , spee bonas , copias commodanti "
" Opulent Jupiter, glorieux file d'Ope, dieu suprême , dieu fort,
dieu tout puissant , dispensateur des biens , des espérances , de
l'abondance ?
Opes cité en premier lieu dans cette invocation pourrait en effet
- 19?
Opes biensautrui
par donnée
non définie +
biens dont on
éprouve le manque
Copiae L.
Diuitiae -4- -L
193 -
ABONDANCE
soulignée affirmée
copiae opulentus inops
opulentia ae inopiosus
opes
opulentitas
opiparus
optimus
ARGENTUM
en contraste avec le noir des ténèbres ? Mais il n'est pas sûr que l'étymolo-
gie d'argentum ait été encore sentie à l'époque et nous préférons la leçon
exterebronides , tout à fait conforme par ailleurs à l'usage plautinien
d'exprimer très vigoureusement ces manoeuvres financières (263).
"Tum argenti montis , non massas habet. Aetna mons non aeque altust"
" Et quant à l'argent , il en a , non par monceaux , mais par
montagnes... L'Etna n'atteint pas une pareille hauteur ".
Ailleurs, c'est l'indigence qui est exprimée avec le tour inopia argenti
au vers 334 du Curculio .
AVRVM
Dans une autre série d'emplois , aurum , comme argentum , désigne d'une
manière vague une somme élevée qui est utilisée dans les tractations. Nous
retrouvons là le vocabulaire du commerce et nous découvrons celui de la
thésaurisation avec des tours comme aurum condere , accipere , auferre , dare ,
credere , reddere (268) .
La structure sémique d' aurum chez Plaute peut donc s'établir ainsi :
PECVNIA
nique. Nous pouvons toutefois faire deux remarques qui vM-t en sens contraire.
L'une , qui va dans le sens de la position d 'E.Benveniste, c'est que le
rapprochement pecunia- pecu n'est pas fait chez Plaute, qui pourtant pratique
souvent le jeu de mots à base étymologique ; l'autre remarque confirme
l'hypothèse traditionnelle : nous notons en effet un parallélisme d'évolution dans
les emplois d'argentum , aurum et pecunia , les termes désignant d'abord l'objet
que l'on vend ou achète et ensuite toute monnaie utilisée dans les tractations.
Si nous restons sur le plan synchronique , pecunia désigne chez Plaute
d'une part ( et le plus souvent ) l'argent utilisé dans les tractations, et
d'autre part (et c'est peut-être son sens premier ) la fortune personnelle
d'un individu , sans considération de son importance . En effet , pour évoquer
une fortune rondelette , on emploie pecunia grandis (Au.214).
- 2?1 -
LVCRVM
Avec ses 41 emplois, le lexème est en bonne place dans la série des termes
qui ont un rapport avec la richesse ou plus précisément avec l'enrichissement.
En effet , il désigne l'argent qu'on gagne dans une affaire qui n'est pas
toujours exposée et qui fait accéder à un état de plus grande richesse. Voyons les
emplois pour en tirer les traits sémiques.
Presque une fois sur trois , il est associé au verbe facere , qu'il soit
à l'accusatif (271) ou au génitif (272). La fréquence du tour facere lucrum
"faire du bénéfice " , ou de celui de facere aliquantum lucri , "faire
quelque chose en fait de gain " , c 'est-à-dire"faire un gain de " , semble
suggérer l'activité du personnage qui en est bénéficiaire , activité qui est en
revanche gommée dans les expressions qui font intervenir les dieux , comme les
vers très proches du Persa 470 et Curculio 531 :
" Quoi homini di propitii sunt , aliquid obiciunt lucri "
" Quoi homini di sunt propitii, lucrum ei profecto obiciunt".
Mais les tours les plus originaux par rapport au latin sont dus à la
réalisation effective du sème marquant la nature de l'avoir. On distingue
en effet dans le système français contemporain le capital et les revenus. Le
capital est suggéré par les formules : il a du bien / des biens / de la fortune,
et les apports périodiques par les expressions : il a des ressources / des
revenus/ un gros salaire... Cela semble un trait de civilisation. Le nombre
et la fréquence de ces expressions correspondent à un état de fait qui est le
suivant : la richesse des individus semble due aux apports réguliers constitués
204 -
par les traitements ( qui sont d'ailleurs eux-mêmes désignés par un assez grand
nombre de termes selon la fonction accomplie par l'individu). Or cette forme
de richesse n'existait pas à Rome , ou du moins pas de façon aussi systématique.
Plus exactement , le monde que nous montre Plaute n'est pas un monde de
salariés au revenu régulier , mais un univers d'esclaves et de serviteurs plus ou
moins soumis au bon plaisir de leur maître , ou encore celui de commerçants
avides d'amplifier leurs gains , selon les occasions offertes.
Toutefois l'étude des emplois latins qui aboutit aux traits distinctifs
des différents lexèmes mat en valeur deux critères : un critère d'entassement,
parfois désigné par le terme quantité des biens ( que cet entassement soit étalé
ou non ) , et un critère de mobilité des biens, lorsque les biens sont vus comme
des moyens servant à tel ou tel usage. Or cette mobilité (275) suggère une
certaine circulation des biens , qui n'est pas sans évoquer les faits de langue
et les réalités qu'offre justement le monde moderne des s^' -aires. Sans doute , 1«
double visage du bien possédé/entassé/ étalé et mobilisable/ servant à
acheter est-il une composante universelle de l'apprénension de la richesse
par l'homme ?
- 205
Dans notre première partie, nous avons essayé de décomposer les lexèmes
en traits sémiques, en distinguant à partir des contextes des éléments
constitutifs, appelés sèmes constants, des éléments moins essentiels nommés sèmes
virtuels. Les lexèmes qui font partie du champ sémantique de la possession se
distinguent donc par leur configuration particulière en traits sémiques ,
notamment en traits virtuels. Nous avons d'ailleurs à l'issue dé certaines
études analytiques esquissé des rapprochements entre les divers lexèmes à
partir de leur composition sémique. Mais une étude d'ensemble reste à mener , qui
se proposerait de situer les lexèmes les uns par rapport aux autres , c'est-
à-dire de structurer le lexique de la possession. Cela ne signifie pas que
nous introduirons à tout prix un ordre complexe là où il n'existe pas, cela
implique seulement que nous essaierons de discerner les rapports qui existent
entre les différents lexèmes en fonction.
L'étude systématique de ces relations sera menée grâce aux résultats
obtenus dans la première partie , c'est-à-dire à partir des sèmes constants et
virtuels des lexèmes. Il faudra en même temps recourir au texte plautinien
lui-même. Ce va-et-vient constant entre les résultats de la première partie
et le texte lui-même , d'une part évitera un développement trop abstrait,
d'autre part surtout permettra une recherche plus fructueuse des éléments
communs aux divers lexèmes et qui n'étaient pas apparus très clairement lors
de la démarche analytique qui morcelait la signification.
Après avoir mis en lumière les oppositions réalisées par les lexèmes
antithétiques sur le plan syntagmatique et au niveau de la connotation, nous
essaierons de cerner les rapports qui unissent tous les lexèmes du champ de la
possession. Nous les situerons sur l'échelle de la quantité des biens possédés
grâce à l'axe quantitatif qui constitue l'articulation principale du champ et
qui est obtenu par les données des sèmes constants. Cet axe est évidemment
essentiel puisque c'est l'existence ou la non-existence des biens de possession
qui articule le champ.
Mais d'autres systèmes plus subtils se greffent sur le premier , fondés
sur le jeu des sèmes virtuels. Il s'agit essentiellement des catégories de
l'activité (du possédant), de la manifestation ( du bien possédé) et de la
permanence (du bien possédé), chaque terme occupant une situation particulière par
rapport à ces catégories.
L'étude des lexèmes antithétiques désignant le sujet possédant constituera
notre première partie ( composée des chapitres I,-II et III ) .La structuration
de tout le champ de la possession (Chapitre IV ) formera un second ensemble.
Il restera désormais à éclairer d'une manière nouvelle la série des lexèmes
désignant le bien possédé , res , diuitiae , bona , opes , copiae, argentum et
aurum (Chapitre V ) .
Nous rappellerons dans quel cadre d'emploi ces lexèmes apparaissent le
plus souvent , pour mettre en lumière l'importance de schéma dynamique selon
lequel le bien n'est pas vu comme immobile , en la possession du sujet , mais
en mouvement , que le sujet soit en train de l'acquérir , de l'usurper ou de
le quémander. Ces lexèmes , ß 'ils sont utilisés dans des cas comparables , ont
toutefois des particularités d'emploi, liées à leur profil sémique. Mais au-
delà de ces particularités se rencontrent des éléments fondamentaux , commune
à tous les lexèmes et qu'une étude stylistique permettra de mieux cerner , grâce
aux procédés qui soulignent les effets de sens .
- 207 -
CHAPITRE I
ETUDE DES ANTITHESES
1) Effet de priorité
Dans tous les cas , opulentus ou diues est cité avant pauper dans la
phrase, quelles que soient les fonctions syntaxiques , ce qui suggère que
- 2O9 -
l'initiative est plutôt prise par le diues , le paupoi ne faisant que réagir.
Nous pouvons citer les exemples suivante :
" Non temerariumst, ubi diues blande appel! at pauperem "(A
" Nemini credo qui large blandust diues pauperi " (Au. 196).
Dans les deux cas , le lexème qui désigne le pauvre est cité en fin do
phrase et de vers. On imagine alors qu'Euclion ( car c'est lui qui parle dens
les deux cas ) termine sa phrase sur un soupir en prononçant les mots de
pauperem et pauperi. Mais on peut objecter que dans ces cas précis la priorité
accordée à diues par rapport à pauper est attendue à cause de sa fonction de
sujet du verbe da la phrase.
Un autre exemple sera plus probant ; il s'agit des vers 226 et 227 de
l'Aululaire :
" Venit hoc mihi, Megadore , in mentem , te esse hominem diuitem,
Factiosum, me item esse hominem pauper um pauperrimum ".
Il y a là effet stylistique car l'usage se trouve transgresse; en effet,
en latin , celui qui parle se cite le premier , c'est-à-dire qu'on trouve
habituellement ego et tu et non tu et ego. Or dans l'exemple de l'Aululaire que
nous venons de citer , Euclion commence par te et poursuit par me. La même
disposition se rencontre dans les vers suivants avec :
" Nunc si filiam locassim meam tibi, in mentem uenit
Te bouem esse et me esse asellum ...".
Si les deux lexèmes sont rapprochés dans la phrase , ce n'est qu'au prix
d'un artifice. En effet, la souplesse dans l'ordre des mots en latin permet des
déplacements à valeur stylistique. Il existe un ordre banal et cet ordre est
souvent bouleversé. Ainsi , la séquence habituelle sujet-verbe se trouve
modifiée au vers 196 cité au paragraphe précédent. Dans ce cas , le sujet diues
est placé après le verbe qu'il gouverne et ainsi se trouve rapproché
artificiellement du complément. On peut d'ailleurs aller plus loin à propos de cet
- 210 -
Himip! ..ï Ε;- effet , l'expression normale aurait été "nemini diuiti credo qui. '' .
■
C est- i - ri ;-:> que Plaute ( peut-être aussi pour des raisons métriques maie F,;n;"
loute aussi vcc une autre intention ) a choisi d'employer diuer- à côté de jp&u-
pcri au prix d'une structure un peu compliquée, en tout cas asse?, inattendue ,
et qU:? cel'i l'a amené au.isi à donner à diue_s la fonction de sujet. Νου fi
étudierons à part les procédés d'ordre syntaxique , mais cet exemple nous fait
sentir que les procédés dans l'ordre d *.·;.. mots et dans la syntaxe sont liés.
L'artifice de ce rapprochement entre le riche et le pauvre est d'ailleurs
très bien mis en valeur dans l'apologue du boeuf et de l'Sne qui se termine par
ce vers :
" Hoc magnum est periclum, me ab asinis ad boues transcendere"
(v.235) (279).
L'aspect artificiel du rapprochement diues / pauper suggère donc que,
danc la réalité , c'est un fossé qui sépare les deux individus , d'ailleurs le
préverbe trans- suggère une distance réelle. La même distance se manifeste au
vers 18^ , cité lui aussi précédemment. Ici , le groupe blande appellat unit
diues et pauperem mais cette union est précaire comme l'indique le début du
vers suivant non temerariumst qui implique une intention maléfique de la part
du diues.
Au couple antithétique pauper/ diues ressemble celui de pauper/opulentus,
dont la manifestation dans la phrase est similaire et présente notamment le
même rapprochement artificiel.
Ainsi aux vers ^60 et *+6i , le rapprochement opulento pauper est lui
aussi placé sous le signe du danger , puisque le début de la phrase est "facinus
audax incipit" . Ce risque entrevu aux vers 46Ο-Λ61 engendre la crainte aux
vers 2^7-2^8 :
"Nara si opulentus it petitum pauperioris gratiam,
Pauper metuit congrediri "
Mais revenons aux vers ^60-461 qui offrent un bon exemple de l'effet
d'annexion.
- 2U -
3) Effet d'annexion
Tout repose sur la disposition des lexèmes dans le groupe cum opulento
pauper homine . Après avoir rappelé la réalisation dans cette séquence des
deux effets étudiés précédemment ( priorité et rapprochement artificiel) ,
nous pouvons noter qu 'opulento et homine se trouvent disjoints , ce qui
permet l'inclusion de pauper entre les deux ; il semble alors que le pauper est
victime d'une véritable annexion par le riche. D'ailleurs l'effet n'est pas
gratuit car, deux vers plus loin, Euclion compare les riches à des pieuvres :
"Vbi manum inicit bénigne , ibi onerat aliquam zamiam.
Ego istos noui polypos qui ubi quicquid tetigerunt tenent "
( Au. 197, 8).
Etudions aussi le décalage produit grâce à l'ordre des mots dans les
vers 226 et 227 :
" Veiiit hoc mihi, Megadore, in mentem te esse hominem diuitem,
Factiosum, me item esse horainem pauperem pauperrimum ".
Apparemment, nous avons ici un parallélisme , c'est-à-dire que les
expressions hominem diuitem factiosum et hominem pauperem pauperrimum sont
mises sur le même plan. Or, nous pouvons remarquer que le groupe consacré au
riche ( hominem diuitem factiosum) empiète sur le vers consacré au pauper ,
de par le rejet de factiosum. Ainsi , la disposition des termes semble-t-elle
suggérer que le domaine du pauper est "rogné" par les agissements du riche.
Cette image nous est , croyons-nous , permise par Plaute lui-même qui compare,
nous l'avons-vu , les diuites à des pieuvres qui étouffent lentement mais
sûrement les pauperes qu'elles attaquent (280) .
Ces effets de "réduction" du pauper par le diues évoquent une image
très plautinienne , celle qui fait du bien que l'on escroque un aliment dont
on se repaît (281). Mais ces procédés basés sur la souplesse dans l'ordre
des mots ne sont pas isolés; ils sont soulignés par d'autres effets , d'ordre
syntaxique .
b) Effets syntaxiques
au lieu du datif attendu (283)· Une seule fois , diues est à l'accusatif mais
en tant qu'agent dans la proposition infinitive (28*0.
A deux reprises , pauper est sujet du verbe mais il s'agit d'un verbe de
crainte avec :
11 Pauper metuit congrediri "(Au.
ou dan s une proposition qui implique une certaine méfiance ressentie par le
pauper :
" ... facinus audax incipit
Qui cum opulento pauper homine rem habere aut negotiura "
(Au.460,1).
Les mêmes remarques peuvent être faites à propos des vers ^79 et
480 de la même comédie :
" (si idem faciant ceteri)
Opulentiores pauperiorum filias
Vt indotatas ducant uxores domum
(Et multo fiât ciuitas conoordior. . .)" .
Sans ce passage , le groupe filias indotatas est complément d'objet
direct de ducant tandis que dix vers plus loin l'expression diuites dotatae
est sujet du verbe nubent .
Toutes ces remarques tendent à suggérer que, dans l'intrigue plautini-
enne du moine, le riche agit et le pauvre subit (285).
- 213 -
a) Pauper/ diues
Un emploi analogue à ceux de l'Aululaire se trouve au vers 532 de la Ci.·--
tel.laria :
11 Postremo quando aequa lege pauperi cum diuite
Non licet , perdam operam potius quam carebo filia ".
Ici encore , grâce au début de vers qui fait illusion avec aequa lege
et à la fin de la même proposition qui détruit brutalement l'illusion avec
le coupant non licet en rejet , nous sentons qu'est trompeuse l'assimilation
des deux personnages du diues et du pauper.
C'sst d'ailleurs toujours le même décalage qui est suggéré entre les
deux catégories antithétiques, grâce aux deux attitudes que l'on évoque chez
l'homme de bien qui pratique ce qui est juste , ainsi au vers 829 du Trinum-
—- ' " Pauperibus te parcere solitum , diuites damnare atque domare".
La différence de traitement , indulgence d'un côté et condamnation de
l'autre, condamnation dont la dureté est marquée par le redoublement produit
par damnare atque domare , correspond à la différence de nature entre les deux
catégories .
Mais dans l'exemple du vers 220 du Trinummus , l'antithèse s'accompagne
d'une relation de complémentarité:
" Nos diuitem istum meminimus atque iste pauperes nos ".
Dans ce passage, la suivante de la courtisane se félicite de voir
l'amant de sa maîtresse absolument ruiné par cette dernière. Il s'agit alors
plutôt que d'une opposition entre deux catégories antithétiques , d'une sorte
de glissement , de retournement de situation; d'ailleurs l'expression sese
uerterunt memoriae suit immédiatement le vers 220. Une telle possibilité de
changement est paradoxale. Elle semble en effet contredire l'opposition
essentielle entre pauper et diues, deux types d'hommes dont nous avons dit
qu'ils étaient permanents. Il serait en effet inconcevable que le diues
devînt un pauper du jour au lendemain et vice versa mais la structure comique
- 214 -
b) Mendicus /opulentissumus
L'écart entre le riche et le pauvre est encore plus grand lorsque
d'autres lexèmes sont employés à savoir opulentissimus et mendicus , comme
aux vers ^93 »^9^ du Trinummus :
" Aequo mendicus atque ille opulentissumus
Censetur censu ad Accheruntem mortuus ".
L'emploi de mendicus évoque l'indigence extrême et celui de la forme
superlative de l'adjectif, soulignée par le laudatif ille , ainsi que par
le volume de l'expression tout entière avec ses sept syllabes en face des
trois de mendicus , la richesse la plus immense. A vrai dire , le
rapprochement qualifié d'artificiel pour les exemples cités plus haut (288), ne l'est
plus ici , et les deux termes aequo censu enserrent de la même manière itenr
dicus atque ille opulentissumus. En effet , la situation évoquée est celle
des enfers où précisément il n'y a plus aux yeux des juges de différence de
nature entre le riche et le pauvre. Ainsi , la situation évoquée au vers
532 de la Cistellaria :
" Aequa lege pauperi cum diuite ( non licet)"
ne s'oppose pas à la constatation faite à propos du vers ^93 du Trinummus ,
mais la complète ; si dans les enfers règne la véritable jtistice , c'est
peut-être parce que sur la terre elle ne se réalise pas (289) ·
c) Oppositions secondaires
A ces oppositions qu'on pourrait qualifier d'essentielles ( puisqu'il
s'agit d'espèces d'hommes qui s'opposent en tout dans leur attitude comme
dans les réactions qu'elles inspirent à autrui ) s'ajoutent des antithèses
moins importantes. On oppose ainsi un état momentané de possession à une
situation de dénuement comme avec le couple rem habere/egere (Tru.7^5 )
ou avec le couple copia / inopia.
L'état de besoin que marque inopia n'est pas nécessairement permanent,
c'est un dénuement parfois provisoire car il peut être comblé par la
générosité des autres qui possèdent l'abondance , la copia . Ainsi trouvons nous
au vers 8? de la Vidularia :
- 216 -
CHAPITRE II
ETUDE THEMATIQUE : LES IMAGES STATIQUES
3) Enfin, les thèmes doivent être étudiés par paires. Il est impossible
d'affirmer que la richesse en soi sous-tend des images de force et de poids
écrasant. En effet , notre corpus contient également des expressions selon
lesquelles la pauvreté est ressentie comme un fardeau écrasant. En fait, la
richesse est assimilée au poids qui accable le pauvre et les deux éléments
doivent être présents au moins implicitement. Nous trouvons donc ici une
manifestation de l'aspect structural de l'expression , selon lequel les éléments
ne prennent tout leur sens que lorsqu'ils sont intégrés dans un ensemble.
218 -
I Série dimensionnell e
a) l'altitude
dere pour désigner ce passage de la catégorie des ânes à celle des boeufs,
autrement dit de celle des pauperes à celle des diuites. Le choix du verbe
implique en effet une montée d'un point inférieur à un supérieur, c'est-à-dire
une ascension à proprement parler. D'ailleurs l'âne en butte aux attaques des
puissants boue,i est représenté comme gisant dans la boue , ce qui souligne
son infériorité , aux vers 229-?30 :
" ... ubi tecurr. couiunctus siem
Vbi onus nequeam ferre pariter, iacef*m ego asinus in luto ".
L'homme riche qui se ruine connaît une décadence au sens propre. C'est
ce que suggèrent les aveux de Tyndare , dans la comédie des Captifs, aux vers
298 sqq. Ce fils de famille ( il parle en effet au début de sa tirade de
meam nobilitatem, genus , diuitias meas ) a perdu la liberté et tous ses
biens puisqu'il est devenu prisonnier de guerre; il caractérise ainsi cette
double transf orm^4""* or au vers 305 ·'
" Me y.n liber fueram seruum fecit, e sum rie ir.fimum "
" (La fortune) de moi qui étais libre , a fait un esclave, du
plus haut rang, elle m'a précipité au plus bas ".
La première pirtie du vers est à rapprocher de genus du vers 299 et
la seconde avec l'image de chute de diuitias du même vern. Dans cet exemple
également , l'élévation du riche ne prend son sens que par rapport à
l'abaissement du pauvre (296).
La hauteur semble également liée à la richesse lorsqu'on envisage les
biens en eux- mêmec , vus indépendamment de leur possesseur. Ainsi au début
du Stiehus , Panégyris évoque les richesses légendaires des rois de Perse :
" . . .Persarum
Montis qui esse aurei perhibentur "(v.25).
La présence de l'or et l'image de la montagne soulignent le caractère
fabuleux de ces richesses telles qu'Hérodote les évoque dans les fables sur
les Gryphons et les Arimaspes ( _K. IV 13) (297), fables auxquelles fait
allusion l'esclave Strobile dans l'Aululaire, aux vers 701 et 702 :
- 22? -
b) la surface , le volume
D'une manière générale , noue pouvons dire que chez Plaute l'homme
qualifié de pauper occupe une place limitée , tandis que celui qui est
réputé diues s'étale avantageusement.
Ainsi alore que le diues prend des initiatives vie à vis du pauper ,
ce dernier n'ose pas axancer , reste comme paralysé , replié sur lui-même,
comme le reconnaît Euclion aux vers 248 et 249 de l'Aululaire :
" Nam si opulentus it petitum pauperioris gratiam,
Pauper metuit congrediri ; per me tum maie rem gerit ".
Dans la même ligne , lee pauvres parasitée sont qualifiée de nnisub-
eelli niri en deux endroits , aux vers 471 des Captifs et 489 du Stichue.
Toutefois il faut dire que dane les deux cas les éditeurs anciens lisent
imi aubselli , du bas bout de la table , ce qui nous ramène à la catégorie
précédente , celle de la baeeesse qui s'oppose à l'altitude (298)· Plaute
semble avoir forgé cette expression d ? unisubsellium ou "tabouret pour un"
car les parasites n'étaient pas admis à prendre place sur les lits de
table· On les isolait et on leur donnait une place restreinte.
En revanche, le diues , ou mieux enoore 1' opulentus , s'étale ,
notamment dane lee banqueté , alors que le pauvre et le parasite sont serrée.
Par exemple , aux vers 468 sqq. du Trinummue , on évoque un banquet auquel
aeeiete un opulentus , et la place qu'il oeoupe se manifeste par
- 221 -
d'un jeune homme ruiné par la débauche , Lesbonicus , au nom évocateur (300),
le fils d'une riche famille dont le nom est également significatif , puisqu'il
s'appelle Lysitélès (301). Or cette entreprise "matrimoniale" est ainsi
évoquée à deux endroits de la pièce, au vers 605 '·
" ...Sine dote ille illam in tantas diuitias dabit "
et au vers 1133 :
"Eum sororem despondisse suam in tam fortem familiam".
L'équivalence - in tantas diuitias = in tam fortem familiam - saute aux yeux,
puisqu'aussi bien sont équivalents d'une part les personnes en question (sujet
et objet ), (ille , illam correspondent en effet à eum et sororem ) , d'autres
part le verbe désignant l'action ( dare in faisant écho à despondisse ) .
Mais avons-nous vraiment le droit d'affirmer qu'il y a image avec
l'emploi de fortis ? E. fait , il semble que dès les origines , l'adjectif ait
désigné à la fois la force physique et la force morale , autrement dit la
robustesse et la puissance (302) .
II Plénitude
a) Le plein
Les possessions du riche sont vues comme un tout rempli. Ainsi sont
qualifiés les trésors des riches amants qui ne sont pas encore grugés par la cour'
tisane au vers 245 du Trinummus :
" (Semper datores nouos opartet quaerere)
Qui de thensauris integris demus danunt ",
et plus nettement encore au vers 725 de la même pièce :
" Integrum et plénum adortast thensaurum ...".
La cassette d'Euclion est plenam (auri) ( Au. 709 et 821) et la ville
- 224 -
b) le lourd et le léger
Tout près du thème du plein et du vide , nous rencontrons celui du
lourd et du léger.
Le bien lui-même est décrit comme un ensemble pesant , ainsi la
marmite lourde d'or dans l'Aululaire au vers 809 ·
" Quadrilibrem aulam auro onustam habeo ..."
Le riche est caractérisé par des adjectifs qui impliquent le poids de
ses possessions . Ainsi dans le Pseudolus , les riches amants de la
courtisane Xytilis sont-ils qualifiés de tam probe oleo onustos au vers 21 8 .
Un certain nombre d'expressions qui désignent l'enrichissement
utilisent des termes évoquant l'idée de poids. Ainsi le tour opplere ou onerare
aliquem dans le Pseudolus au vers 588 :
" Inde me et simul participis omnis meos praeda onerabo atque
opplebo".
Il s'agit bien entendu d'un tour imagé et le butin à enlever désigne plaisant
ment les vingt mines que le servus callidus doit se procurer. Mais l'image
du butin pesant sur les épaules des guerriers victorieux évoque la solidité
du magot escompté.
Un autre tour pour exprimer le fait d'enrichir quelqu'un révèle aussi
cette manière de sentir la richesse. A deux reprises , les personnages emploient
une tournure qui a bien l'air d'être proverbiale. Les circonstances sont les
suivantes : un personnage refuse de donner de l'argent à quelqu'un et il
exprime energiquement ce refus. Aux vers 512 et 513 des Bacchis , c'est l'amant
éconduit qui déclare ne plus vouloir donner quoi que ce soit à sa maîtresse
en disant :
" Verum quam illa umquam de mea pecunia
Bamenta fiât plumea propensior
( Mendicum malim mendicando uincere)".
Le jeune homme affirme donc qu'il ne veut plus avec son propre argent rendre
tt tt
sa belle littéralement plus lourde d'un fétu . Un peu plus loin , dans la
même comédie , nous retrouvons trois vers comparables qui ont dû être
interpolés car ils constituent une redite :
- 228 -
Le riche chez Plaute est donc un être pesant , et le bien possédé une
réalité solide (315)» tandis que le pauvre ect vide et sans doute chancelant
(316). Nous pouvons dès lors imaginer des rapports d'écrasement entre les deux
espèces, ce qui ne manque pas de se réaliser. Ainsi, au vers 813 du Poenulus,
les colères des diuites sont-elles qualifiées de plumbeas :
" (Verum ita sunt isti nostri diuites :
Si quid bene facias, leuior pluma est gratia ; )
Si quid peccatumst, plumbeas iras gerunt ".
C'est encore un écrasement qu'évoque Euclion parlant de l'attitude du
riche devant le pauvre au vers 197 de 1 'Aululaire :
" (Nemini credo qui large blandust diues pauperi)
Vbi manum inicit bénigne , ibi onerat aliquam zamiam ".
L'emploi de onerare est ici révélateur et l'accusation portée par Euclion
plus grave que celle qui est mentionnée dans le Poenulus : en effet, c'est
seulement dans le cas d'une faute commise par le pauper que dans le Poenulus
- 230 -
on note les plumbeas iras des diuites , tandis qu'Euclion voit dans toute
démarche du riche , quel que soit le comportement du pauper , une manoeuvre
destinée à l'écraser.
Mais si la richesse évoque le poids qui peut écraser le pauvre , il ne
faudrait pas associer absolument richesse à poids et pauvreté à légèreté. En
effet , nous trouvons des cas où la pauvreté est elle-même comparée à un lourd
fardeau que le pauvre doit traîner. Dans ce cas , le poids est lié à la
pauvreté et la richesse à la légèreté. La pauvreté est ainsi qualifiée de grauior,
"assez pesante" au vers 3^8 du Persa . Un personnage parle de leuare pauperta-
tem "rendre plus léger le fardeau de la pauvreté", au vers 556 de l'Epidicus.
La même image est employée aux vers 918-919 du Rudens avec le tour pauperta-
tem tolerare .
L'emploi d'aerumna va dans le même sens . Ce terme a en effet pour
valeur première celle de charge , fardeau (317), valeur qui se trouve parfois
soulignée par l'adjectif grauis , ainsi au vers 557 de l'Epidicus. Souvent
et notamment dans le cas de l'amant que l'amour force à trouver de l'argent,
la disette est comparée à un fardeau écrasant. Le vers 1^2 du Curculio souligne
cette image :
" . . .Edepol qui amat, si eget , misera adficitur aerumna ".
Le sens de durs travaux qu'on s'impose , notamment dans le tour aermmnae
Herculis , est second, mais les deux valeurs semblent présentes dans le début
du Persa :
" Qui amans egens ingressus est princeps in Amor-is uias,
Superauit aerumnis suis aerumnas Herculi .
Nam cum leone, cum excetra, cum ceruo, cum apro Aetolico,
Cum auibus Stymphalicis, cum Antaeo deluctari mauelim
Quam cum Amore : ita fio miser quaerendo argento mutuo "
(vers 1 sqq.)
Dans les exemples qui précèdent , nous avons montré que le poids
accompagne souvent l'idée de pauvreté. Or nous avons souligné auparavant les rapports
existant entre richesse et poids- solidité. Les deux remarques sont-elles
contradictoires ? Pas nécessairement. En effet , cette constatation nous amène une
fois encore à souligner le caractère structural du langage. Les mots n'ont pas
vraiment de sens fixe isolément mais au sein d'un ensemble , remarque qui vaut
- 231 -
c) le gras et le sec
III Eclat
CHAPITRE III
LES IMAGES DYNAMIQUES
1 ) Le bestiaire plautinien
-la rapacité
-l'habileté jointe à l'hypocrisie.
Bien sûr, dans les emplois que nous venons de citer , le désir du
gain n'émane pas forcément d'un homme riche mais les exemples combinent
l'emploi du verbe inhiare et celui d'un animal précis , ce qui tend à suggérer
que ce verbe contient en germe la comparaison animalière.
D'autres animaux sont évoqués dans l'Aululaire : les diuites sont
comparés à des pieuvres (329) qui ne lâchent pas leur proie , au vers 198:
" Ego istos noui polypos qui ubi quicquid tetigerunt tenent"
précédé au vers 196 par la formule générale :
" Nemini credo qui large blandust diues pauperi " (330) .
Avec cette assimilation des riches aux pieuvres , Euclion souligne
l'habileté du diues ainsi que son obstination à exploiter le pauper. Il nous
semble aussi que l'emploi du pluriel polypos tend à suggérer que les riches
se liguent pour étouffer le pauvre ou tout au moins que cette exploitation
du pauvre par le riche est très fréquente , toujours dans la pensée d 'Euclion.
Dans cet exemple , le pauper ne se trouve pas , pour sa part , comparé à un
animal précis , ce qui souligne à notre sens , l'inanité du personnage qu'il
constitue aux yeux de la société . Mais si l'on veut absolument , pour filer
la métaphore, imaginer l'animal auquel le pauper pourrait être comparé, on
pourrait proposer un petit poisson. Il faut en tous cas que ce soit un
animal de taille réduite et qui soit susceptible de servir d'aliment à la
pieuvre. Dans ce registre , une comparaison faite par Plaute lui-même est
tentante : c'est celle qui assimile un être à une araignée d'eau, tippula .
Dans ces cas-là, c'est la légèreté et l'inanité de la bête que retient Plaute.
Malheureusement, nous ne rencontrons dans notre corpus que deux emplois de
cette métaphore anirralière. Dans le Persa , au vers 244, un personnage
évoque le manque de poids de la parole d'un leno :
" Neque tippulae leuius pondust quam fides lenonia ".
L'autre emploi est celui du Fragment II , 39 ( ex Non. 18O) . Dans ce
cas , on peut évidemment tout supposer :
" leuior es quam tippula ".
Dans ce passage , la constatation s'applique -t-elle à un homme sans foi
ou à un homme démuni ? Il semble toutefois plus vraisemblable d'adopter la
- 240 -
b)Le riche est comparé à une proie facile ou à une bête de rapport.
Deux cas se présentent. Le plus fréquent est le suivant : le riche
amant est assimilé à un poisson ou à un oiseau que capturent les courtisanes.
Un autre cas se rencontre qui met aux prises des hommes riches et sots avec
des esclaves rusés.
Dans le premier cas , celui de la "capture" de l'amant par la meretrix,
dans l'Asinaire, aux vers 178 sqq. , l'amant est comparé à un poisson qui,
une fois péché et accommodé, sera dévoré par la meretrix :
" Quasi piscis itidemst amator lenae ; nequam est nisi recens.
Is habet sucum , is suauitatem ; eum quouis pacto condias,
Vel patinarium, uel assum ; uerses quo pacto lubet.
Is dare uolt, is se aliquid posci, nam ibi de pleno promitur".
L'expression de pleno promitur indique bien que l'amant est alors abondamment
pourvu de richesses puisqu'on puise "à plein sac" dans ses biens .
Un peu plus loin dans l'Asinaire, aux vers 215 sqq., la maquerelle
expose avec verve son métier : c'est le même que celui des oiseleurs. Elle
capture en effet les jeunes amants qui se laissent gruger peu à peu :
" Non tu scis ? hic noster quaestus aucupi simillimust,
Auceps quando concinnauit aream , offundit cibum;
Aues adsuescunt ...
Saepe edunt ; semel si sunt captae, rem soluunt aucupi.
Itidem hic apud nos ; aedes nobis area est , auceps sum ego,
Esca est meretrix , lectus inlex est , amatores aues ".
Ainsi tous les éléments de l'oisellerie sont réunis ici pour filer la
métaphore ( l'aire , l'appât). Notons aussi que, dans ce passage de l'Asinaire , ce
n'est pas la meretrix qui capture , c'est l'entremetteuse , la courtisane ne
servant que d'appât. Mais dans les autres exemples , c'est la courtisane elle-
même qui appâte et qui capture (334) . Dans tous ces passages , toutefois , il
- 243
est fait allusion seulement è l'activité de la rr< retrix et ?ap riche tirant
n'est paf) décrit de façon très développée.
Le second cas met en scène des escrocs qui n'ont rien à voir avec le
tronde des courtisanes. Il s'agit essentiellement des servi callidi au service
de leurs jeunes maîtres amoureux et demunie.
Dans les Bacchides , les vieillards ont été dupés par l'esclave Chrysale.
Ce dernier se prépare à escroqufr le vieux Nicobule et présente ainsi son
entreprise :
" Adibo hune, quem quidem ego hodie faciam hic arietem
Phrixi ; itaque tondebo auro usque ad uiuam cutem " (v.241-2).
Le vieillard n'est pas comparé à n'importe quel mouton que l'on tond maie sa
richesse est suggérée par le choix du bélier fabuleux à la toison d'or. Le
choix de ce bélier permet aussi à Chrysale de ee mettre en valeur en se
comparant à Jason , qui a subi victorieusement un certain nombre d'épreuves.
Cette façon de se mettre en avant , au moins en paroles , est un des traits
de caractère de Chrysale et plus généralement du servus callidus.
L'escroquerie une fois réalisée sera par Nicobule lui-même , le vieillard dupé ,
comparée à une tonte , aux vers 1094 et 1095 :
" Chrysalus me hodie lacerauit , Chrysalus me miserum spoliauit
Is me scelus auro usque attondit dolis doctis indoctum±ut lubi
tumst".
Dans la scène finale des Bacchis , cette escroquerie est encore évoquée
par les deux courtisanes qui se moquent des deux vieillards en les comparant
à de vieilles brebis :
" Attonsae hae ambae usque sunt ( v.1125)
et
" Pol hodie altéra iam bis detonsa certo est " (v,1128).
En effet , Nicobule a été escroqué à deux reprises par Chrysale .
Nous retrouvons encore l'image de la brebis que l'on tond dans un
passage du Mercator aux vers 524, 5, 6 . Cette fois , c'est la meretrix qui
escroque le vieillard :
"- Ouem tibi eccillam dabo , natam annos sexaginta
Peculiarem . - Mi , senex, tam uetulam ? - Generis graecist.
Eam si curabis , perbonast. Tondetur nimium scite "
"- Il y a là une brebis de soixante ans que je te donnerai; ce
sera ton pécule. - Si vieille que cela , bon vieillard ?
- Elle est d'espèce grecque. Si tu la soignes , c'est une
excellente bête; elle se laisse tondre admirablement."
- 244 -
La traduction littérale est : " il veut attraper l'homme avec un coup de filet'
Notons pour cet exemple en particulier la place spéciale accordée à bolo ,
disjoint du verbe tangere et mis en valeur par se position en fin de proposition
et de vers.
Mais quel est le sens précis de bolus ? Il semble qu'à partir de l'idée
de coup de filet, on en est arrivé à celle de chose prise au piège et en
particulier d'argent dérobé comme par miracle à quelqu'un de faible. Bolus devient
alors synonyme de praeda. Et son évolution d'emploi passe nécessairement par
la comparaison animalière. Toutefois ,on pourrait objecter que bolus implique
l'idée du coup de dés et non celle du coup de filet. Dans ce cas évidemment,
la comparaison animalière s'efface et un autre domaine d'investigation s'ouvre
à npus, qui est celui des relations entre les hommes et les dieux, puisque le
coup de dés nest pas celui du hasard , mais la manifestation de Fortuna , ce
qui nous ramène à nos considérations sur l'origine de la richesse chez Plaute
(338). Il reste que l'emploi conjoint de bolus et de tangere souligne plutôt,
à notre avis , l'interprétation par le coup de filet.
2) Diuites et Di
Nous pouvons déduire de la seconde proposition que les dieux sont les
modèles du riche. Nous sommes par ailleurs fondée à opérer cette déduction
lorsque nous nous livrons à une étude thématique qui fait apparaître les
points de convergences entre la sphère du diues et celle du deus. Nous verrons
en effet que , toujours selon l'imagerie plautinienne, H ches et dieux se
meuvent :
- en altitude
- dans la lumière
- au milieu des festins joyeux.
Ainsi le parallélisme thématique vient-il confirmer la seconde
proposition qui se trouve par ailleurs renforcée par l'étymologie varronienne de
djues.
A) Les dieux comme distributeurs de richesses
Certains dieux semblent spécialisés dans ce don du gain aux mortels.
Ce sont d'abord Mercure , puis Copia , Jupiter, Fortuna ainsi que le Lar
Familiaris.
I) Mercure
En plus de son rôle de messager de Jupiter, Mercure a la spécialité de
favoriser le commerce. Alors que les deux fonctions de messager et de
distributeur de bénéfices commerciaux semblent avoir connu la même importance chez
les Grecs (342) , les Latins ont développé la seconde mission de distributeur
de biens , comme le montre d'ailleurs l'étymologie de Mercurius à rattacher
à merx (343) · En tous cas , dans notre corpus plautinien , la qualité de nun-
tius apparaît deux fois seulement alors que celle de protecteur du commerce
se manifeste quatre fois (344) .
- 248 -
Dans le Stiehus au vers 404, il s'agit du grand commerce par mer grâce
auquel se sont enrichis les deux maris :
" ( Quom bene re gesta saluus conuortor domum,
Neptuno gratis habeo et Tempestatibus, )
Simul Mercurio , qui me in mercimoniis
( luuit lucrisque quadruplicauit rem meam )".
Notons que la présence de quadruplicauit souligne le caractère substantiel de
ces bénéfices.
Enfin dans le prologue d'Amphitryon, Mercure se présente lui-même comme
le protecteur du commerce en général dans une longue tirade où sa faconde
habituelle se donne libre cours. Il faut citer ici les seize première vers de la
comédie pour les traits stylistiques qui corroborent notre point de vue :
" Vt uos in uostris uoltis mercimoniis
Emundis uendundisque me laetum lucris
Adficere atque adiuuare in rébus omnibus,
Et ut res rationesque uostrorum omnium
Bene expedire uultis peregriquo et domi,
Bonoque atque amplo auctare perpetuo lucro
Quasque incepistis res quasque inceptabitis
Et uti bonis uos uostrosque omnis nuntiis
Me adficere uultis , ea adferam , ea uti nuntiem,
Quae maxime in rem uostram communem sient
249 -
II ) Copia
La déesse est seulement mentionnée dans dis expressions figurées. A
trois reprises , un personnage , au comble de la joi·;.· , croit se trouver
devant Copia en personne à laquelle il assimile plaisamment le personnage qui
vient lui apporter la bonne nouvelle ou plutôt les subsides escomptés.
Dans les Bacchis, un ami du héros , voyant approcher le sc.uveur de son
compagnon, l'annonce en ce? termes :
" ...Tu? m Copiam ecear·1 Chrysi-lum uideo "
" ...Voici ta oroviùence oui vient en la personne de Chryssle"
( v.639).
Chrysale , qui a copieusement dépouillé son vieux maître pour servir les
amours du fils, est donc comparé à la déesse Copia , à couse de ses facultés
distributrices. Remarquons qu'en plus ici l'association Copiam Chryswlum est
assez plaisante car elle évoque un? réalité bénéfique qui ressemble à une
pluie d'or.
Un effet semblable est obtenu dans le Pseudolus au vers 736 :
" Di immortales ! non Charinus mihi quidem sed Copiast "
" Dieux immortels ! Ce n'est pas Charinus que je l'appellerai
mais l'Abondance ".
Le roué Pseudolus , content de la proposition de Charinus , fait ici de
l'esprit sur son nom et lui fait remarquer qu'il aurait mieux valu qu'il
s'appelât Copia , c'est-à-dire l'abondance , que Charinus , c'est-à-dire , en vertu
d'une dérivation fantaisiste bien sur , le "manquant ".
Ces deux exemples , tout à fait plautiniens par leur verve bouffonne,
se rapportent à la faculté distributrice de Copia. Mais Plaute la montre-t-il
avec son attribut par excellence , à savoir le cornu ? Toujours dans le
Pseudolus ,au vers 671 , Pseudolus rend grâces aux dieux de lui avoir donné, «par
le vol de la lettre , une idée pour berner le leno. Il remercie donc Cpportu-
nitae (vers 669) et Fortuna ( vers 679 ) de lui avoir permis d'entrer en
possession de cet objet. A cause des possibilités qu'elle lui offre , il compare
cette lettre au cornu inépuisable de la déesse Copia :
- 251 -
" Nam haec allata cornu Copiaest, ubi inest quidquid uolo **
< v. 671)
Copia est donc présente cher Plaute avec ses facultés distributrices
symbolisées par son cornu (346). Nais noua pouvons noua demander ai les
personnages prennent au sérieux cette divinité puisqu'elle n'est Mentionnée que
dans des plaisanteries. Tel n'est pas le cas de Jupiter.
III) Jupiter
Jupiter se voit également doté de cette faculté distributrice, comme
il apparaît dans un vers qui n'est qu'une boutade lancée par Euclion dans
l'Aululaire à sa servante Staphyla qui lui a reproché l'état aiaérable de
sa maison. Euolion lui répond alors :
" Nirua quin tua causa me faeiat Xupiter
Philippum regem aut Dareum , triuenefiea " ( v. 8j, 86).
Cette répartie fait sans doute allueion â la toute puissance de Jupiter maie
cette toute puissance s'applique particulièrement au domain· de la
générosité par rapport aux mortels. Cette générosité de Jupiter eat d'eilleura
présente dane l'étymologie de 1 'épithète fréquemment appliquée à Japiter,
celle d' optimus (347).
IV Fortuna
Fortuna eat aueei caractérisée comme distributrice d· profita. N'eat-
elle pas appelée plaisamment luerifera au ? ver s 91$ du Peraa t
N ( neaeia)
Neque quam tibi Fortuna faeulan luerifera adlueere toit N
" (Tu ne aaié)
quelle bonne étoile ( littéralement quelle petit· tarait·)
la fortune lucrifère veut faire briller pour toi".
Portuna eat donc , par le choix dea termes de lumière (faeulaa , adluooro)
et par la reseenblanee 4 une lettre près de son épithète avec «elle d· l*é-
toile du matin ( luerifera - lueifera ), présentée par Plaute comme un·
divinité qui par eea dona illumine la vie dea mortels (5%8).
V
Ces différents dieux , Mercure, Copia , Jupiter «t Fortuna , ont
pour rôle de répandre leurs présenta aur lea mortel· maie il eet un· di-
- 252 -
VI
D'une manière plus générale , On évoque parfois chez Plaute les
bienfaits que les dieux accordent aux mortels. Or , au nombre de ces bienfaits se
trouve la richesse matérielle. C'est ainsi que dans le Rudens au vers 1229
le propos de Gripus " Habeas quod di danunt boni " s'applique évidemment à
la valise qu'il a trouvée dans la mer et qu'il aimerait conserver.
De même dans les Bacchis , aux vers 1188 et 1189, il s'agit entre autres
de profit matériel :
" Etiam tu, homo nihili , quod di dant boni caue culpa tua amissis.
Dimidium auri datur; accipias potesque et scortum accumbas".
Mais dans le Poenulus , au vers 1253, avec cette même formule stéréotypée
de " quod boni mihi di danunt " , il s'agit d'un bien plus spirituel , celui
que constituent les retrouvailles d'un père et de ses filles.
Nous observons., aussi une malédiction qui relève du même type dtnc 3 e
Rudens aux vers 1345 et 1346 :
" Si fraudassis , die ut te in quaestu tuo
Venus eradicet caput atque aetatem tuam ".
Les mortels qualifient aussi les dieux de propitii à cause des gaine
qu'ils leur prodiguent . C'est ainei que dans le Curculio au vers 531 le
riche leno est tout heureux de la protection divine qui lui a assuré des
bénéfices substantiels :
" ( ego argentum habeo )
Quoi homini di sunt propitii , lucrum ei profecto obiciunt "
La même constatation reconnaissante est faite dans le Persa au vers 470
par un autre leno , Dordale :
" Quoi homini di propitii sunt , aliquid obiciunt lucri ".
Il est curieux de constater que les termes sont presque les mêmes d'une
pièce à l'autre ; seule varie légèrement la place des mots dans le vers.
Enfin il faut mentionner un dernier type de formulation , base sur la
toute puissance des dieux en général. Il est assez fréquent puisqu'on le
rencontre sept fois ( 349) , et bâti sur un double schéma que nous simplifions
de la façon suivante :
a) - Je suis riche , grâce aux dieux ( et à mes ancêtres )
b) - Grâce aux dieux , je suis assez riche pour ...
a) DeUx vers utilisent exactement les mêmes mots dans le même ordre , il
s'agit des vers 166 de l'Aululaire et 324 des Captifs :
" Ego uirtute deum et maiorum nostrum diues sum satis ".
b) Le deuxième schéma est représenté entre autres par le vers 676 du Miles;
" Deum uirtute est te unde hospitio accipiara apud me comiter"
et par le vers 679 de la même pièce :
" Nam mihi deum uirtute dicam propter diuitias meas
( licuit uxorem ...ducere ).
Le vers 355 du Trinummus présente la même structure :
" Deum uirtute habemus et qui nosraet utanur , pater,
(Et aliis qui comitate simus beneuolentibus )".
- 254 -
lier, qui semblent appartenir au premier chef à cette catégorie des di_
diuites. Cette appartenance peut transparaître d'ailleurs dans 1 'épithète
de culte opulentus . Il s'agit essentiellement de Jupiter et de son
aïeule Ops (352) .
Dans des formules d'action de grâces ou de serments , Jupiter
qualifié d'opulentus est cité avec d'autres dieux et avec Ops elle-même.
C'est le cas dans le Persa aux vers 251 sqq. :
" Ioui opulento , incluto , Ope gnato,
Supremo , ualido , uiripotenti,
Opes , spes bonas , copias commodanti
lubens uitulorque merito,
Quia meo amico amiciter hanc commoditatis copiam
Danunt , argenti mutui ut ei egenti opem adferam ."
Dans ce passage , le personnage qui parle loue Jupiter et les
autres dieux pour leurs bienfaits. Certes la distribu' des richesses
¦
accompagne ici la po. session de ces mêmes richesses et pour cette raison
ce passage aurait pu être examiné dans la rubrique précédente mais les deux
aspects de la richesse et de la distribution des biens sont complémentaires.
Il est curieux au premier abord seulement de constater que d'une manière
générale , quand il s'agit des hommes ou des dieux , la possession n'est
totale que si elle s'accompagne d'une distribution ( ou d'une ostentation ). Cette
situation paradoxale semble propre à la mentalité des Anciens que nous
pouvons illustrer par un comportement comme celui de l'évergétisme.
Dans deux autres endroits où Jupiter accompagne son aïeule Ops ,
la richesse des dieux n'est pas exprimée ( Ba.893 , Ci .515 ) , mais elle
est suggérée dans le Miles au vers 1082 :
" Postriduo natus sum ego , mulier , quam Iuppiter ex
Ope natust "
Or Pyrgopolinice se vante ailleurs (353) de posséder de
fabuleuses richesses. Il les devrait peut-être alors à la chance qu'il a eue de
naître presqu'en même temps que Jupiter d'Ops !
Quant à la déesse Ops elle-même , elle apparaît en même temps
que Jupiter dans tous les cas (354) . L'abondance qu'elle implique est
parfois soulignée par le qualificatif opulenta , l'ensemble Ops opulenta eons-
ti tuant une sorte de figure étymologique.
- 257 -
Les dieux sont donc vus chez Plaute d'une part comme distributeurs de
richesses , d'autre part comme riches et seuls véritables riches. Le lien
semble donc étroit entre les jii^ et les diuites. C'est ce qui explique l'éty-
mologie varronienne. Même si elle est scientifiquement contestable , cette
étymologie reflète l'idée que les anciens se faisaient des relations entre
les jdi et les diuites. Varron écrit en effet :
" Diues a diuo , qui , ut deus , nihil indigere uidetur" (359)
Nous savons en effet que la condition du diues est définie par le
critère d'abondance et nous avons essayé de montrer que le deus est souvent
remercié ou sollicité pour les dons qu'il dispense. Bien entendu, le premier
terme selon la proposition de Varron reste le deus. D'après deus se serait
forgé diues. comme aies, eques ou pedes, d'après al a , equus ou jsesj qui
sont au départ des adjectifs dérivés de noms . Ce rapport d'antériorité
logique nous semble d'ailleurs concorder avec la constatation que nous faisions
au début du chapitre, selon laquelle le diues est une pâle imitation du deus.
Il en serait un reflet atténué puisqu'aussi bien cette abondance n'est pas
durable dans le cas du mortel comme le rappelle le passage du Trinummus cité
précédemment .
- 258 -
DI DIVITES
Çaeljtes
Caelipo tentes ALTITUDE Summates
le nom propre de Jupiter issu de Diew-pater " Père- jour" (cf. Pic t. étym.
p. 329). Enfin il y a une allusion au séjour céleste de la divinité dans le
passage plaisant de Per.515 :
" (Nescis) ... quam tibi Fortuna faculam lucrifera adl\i-
cere uolt ".
%t _
Bien entendu , le rapprochement entre lucrifera et adlucere est erroné du
point de vue de l'étymologie , mais il n'empêche que du point de vue non
de la science mais du sentiment linguistique des Anciens , un rapport est
établi entre les trois éléments :
la divinité de la les gains la luœière -.
Fortune qu'elle procure
adjectifs (parfois
substantivés) inops pauper
qualifiant la mendicus pauperculus
personne
substantifs re
désignant les biens op
de la personne
- 264 -
3ona semble avoir la marrie valeur que res sur le pl~.n de la quantité
du bien possédé , à preuve l'équivalence de Tru . 858 et Tru.859 (371).
Toutefois nous n> disposons pas d'exemples qui prouveraient que les bons
peuvent recouvrir des biens minimes - Mais nous relevons des bona multa
(Tri. 3^7 par exemple ) où mult" souligne l'abondance des biens exprimés par
le seul bons. Il faut donc le situer un peu plus à droite sur la voie de la
possession.
Opes contient le sème virtuel de richesses matérielles (372), sans
qu'on en souligne l'ampleur. Au contraire , le lexème est souvent employé
dans des formules qui marquent la proportion , du type pro opibus , "selon
mes moyens ".
Copiae semble aller plus loin qu'opes dans la voie de l'abondance des
biens possédés (37° , c'est ce que suggère la progression de Per.253:
" Ioui opes , spes bonas , copias commodanti"
ou l'expression ' thensaurus copiarum du vers 655 de l 'Asinaire .
Ces quatre lexèmes ont d'ailleurs fait l'objet d'un tableau comparatif sur
deux points dont celui de la quantité des biens , l'autre étant celui de
leur mobilité (37*0.
Parmi les adjectifs qui désignent la possession abondante , diues et
opulentus s'appliquent à celui qui possède beaucoup. Assez souvent , ces
deux lexèmes ne se distinguent pas sur le plan quantitatif , comme le montre
l'équivalence de Am.i66 et 170 , dans lesquels diues et opulentus
caractérisent la même personne , idéale , celle du maître riche et exigeant imaginé par
l'esclave Sosie.
Mais il existe dans l'emploi de diues et diuitiae le même décalage que
celui que nous avons noté à propos de pauper et paupertas. Diuitiae souligne
l'abondance de l'avoir. Or diues ne suggère pas nécessairement la grande
abondance de cet avoir; aussi bien peut -on être plus ou moins diues, autrement dit
la quantité maximale de l'avoir n'est pas donnée avec diues comme c'est le
cas avec opulentus ( le terme opulentiores désignant la classe des riches en
face de celle des nauvres ) .
- 266 -
riche milliardaire
indigent démuni pauvre des biens nanti
des ressource richissime
nécessiteux prolétaire fortuné magnat . . .
des revenus bourgeoi;
miséreux
Les deux extrêmes de cet axe ( que nous ne prétendons en aucune manière
exhaustif mais qui figure ici à titre de comparaison commode), sont
constitués par des termes renvoyant à dos notions qui appartiennent à la catégorie
de l'être , alors nie la partie centrale groupe des vocables renvoyant à des
notions qui appartiennent à la catégorie de l'avoir.
3) Du côté de la richesse , nous notons de nombreuses cases vides. Il
s'agit essentiellement des verbes et des substantifs marquant l'état. En effet
nous ne rencontrons pas chez Plaute de verbe de la famille de diues ou
d'opulentus avec le sens d'être riche. En revanche, le corpus abonde en tours tels
que diues esse ou diuitias habere , qui ont une signification analogue. Du
côté des substantifs, opulentitas très satisfaisant pour le sens et la
formation ne se rencontre qu'une seule fois dans tout le corpus (Mi. 1171)·
La colonne des verbes factitifs est elle aussi très lacunaire puisqu'el-
ne ne comprend que le verbe pauperare .Nous savons que ces lacunes lexicales
seront par la suite comblées puisque Térence présente un conlocupletare et
que ditesco est fréquent à partir de Lucrèce ( 375) .Mais nous ne devons pas
conclure que cette catégorie n'est pas exprimée chez Plaute. Elle est au con-r
traire extrêmement fréquente mais elle est rendue par des tours imagés dont
nous verrons plus loin la complexité.
Il n'ect pas pocsible de situer touc les lexèmes le long d'autrec axi
orientés. En effet, tous ne se définissent pas par rapport eux autres co-
tégories que nous allons étudier. Mais les termes e'oppocent plutôt dtux
à deux, réalisant ainsi des systèmes binaires.
PAUVRETE RICHESSE
De l'autre côté, parmi les lexèmes qui soulignent l'ostentation des richesses,
nous trouvons d'abc-·"1 opulentus . En effet, c'est par ce ^me d'ostentation
que c? terme s 'oppose- souvent à diues. Ainsi un diues qui se vante ou mène un
train de vie fastueux devient-il par là même un opulentus (3?1)·
L'ostentation .-apparaît aussi dans d'autres lexèmes , notamment avec
luculentus qui suggère un rayonnement de la richesse sur toute la personne (382) .
Dans le cas de fortunatus , nous avons noté parmi les sèmes virtuels
celui de " qui jouit des biens matériels " et non " qui les possède". Ceci
montre bien que l'accent est mis sur l'apparence et non sur la réalité solide de
la possession.
Du côté de la pauvreté , il est a priori plus délicat de classer les
termes sur le plan de la manifestation. Toutefois , nous relevons des
oppositions qui peuvent entrer dans la catégorie de la manif «'-*-ation . Ainsi , la
pauvreté peut se c :. c.u ·.-;· ou s'étaler , rester digne ou supplier.
Il nous semble alors que s'opposent sur ce plan pauper qui contient les
sèmes virtuels de dignité et de résignation (383) et inops qui implique une
tendance à l'exhibition (384) , tout comme inopia qui fait figure dans le
cortège des maux (385) ·
qu'il lui faut aller à la distribution publique - ce qui n'est certes pas un
travail- regrette d'être obligé de le faire parce qu'il devra subir
certaines questions de la part de ses amis , qui lui demanderont notamment comment
vont ses affaires (391) · Mais on ne sait exactement de quelles affaires il
s'agit : " Quid rerur.i geram" est en effet fort vague et Is signification peut
être tout simplement " comment je vais ". Néanmoins , il peut s'agir
d'opérations commerciales ou plus vraisemblablement de la gestion de son petit
domaine (cf. Au. 13, 1*» ) . En effet , il ne faudrait pas mettre en parallèle la
situation des pêcheurs du Rudens et celle d'Euclion. Les pêcheurs sont sans
doute des hommes libres mais de condition beaucoup plus modeste que la
famille d'Euclion.
A l'intérieur de la famille de pauper , nous pouvons noter que
paupertas et pauperies s'opposent sur ce terrain même de l'activité et de la
passivité. En effet nous avons feit remarquer dans les études analytiques de ces
lexèmes que la paupertas pousse à agir tandis que la pauperies accable.
A la mendicité que pratiquent 1 'egens et le mendicus , à la vie
besogneuse que mène le pauper, s'oppose la passivité de l'être qualifié d'inops.
Le lexème inops s'applique en effet à l'homme qui est absolument incapable de
réagir , qui a perdu tout ressort , et le personnage frappé d'inopi« se
déclare parfois à l'article de la mort (392).
Y a-t-il des éléments qui , entrant dans la composition sémique de nos
lexèmes , ne figurent pas dans le tableau comparatif ? Nous pensons en
particulier au sème du mépris et de la considération. Nous ne l'avons cependant
pas intégré à notre tableau pour les raisons suivantes. D'abord il semble
difficile a priori de définir la position à cet égard de certains lexèmes.
Nous avons vu par exemple que le pauper est tantôt méprisé ( notamment par
le riche) , tantôt respecté ( notamment par les dieux )( 393) et tout cela dans
l'optique d'Euclion. En effet , les dieux n'ont pas à cet égard la même
attitude que les mortels (394). De sorte que , si nous restons chez les hommes ,
il semble que tous les lexèmes du champ de la richesse impliquent que le père
sonnage ainsi désigné est entouré de soins et de respect , alors que de
l'autre côté les lexèmes recouvrent des réalités qui suscitent le mépris. Il appa-
- 273 -
CHAPITRE V
II) Ensuite nous verrons comment chaque lexème du groupe diuitiae , bona
res , opes , copiae , semble entretenir des rapports particuliers avec les
catégories évoquées plus haut ( possession , acquisition, gestion ).
275 -
RES
Possession
rem esse Ps.1b7 ; Tru.858
rem nullam esse Ba.194
res pauperculas esse Per. 345
rem habere Am.928; Men.584 ; Tri. 330 ( 2 fois ); Tru.745
Bonne gestion
rem commendare Tri.114, 1083
rem constabilire Cap. 452
rem credere Tri. 621
rem credere Tri. 621
rem curare Am.499 ; Cap. 632; Mo. 26
rem explicare Poe. 750
rem bene gerere Tri. 956
rei parcere Tru.375
rem procurare Men. >67; S t. 200
rem quadruplicare St.405
rem seruare Am.651; Mer. 909; Mi. 724; Per.560 ; Ru. 1374 ; Tru.140,342, 347
570
rem (res) tutari Am.650; Men. 969; Mer. 935
rei pbsequi Tri. 230
res salua Au. 207; Poe.1083 ; Tri. 376, 610
Mauvaise gestion
rem animam agere Tri .1092
rem absumi Cu.600 ; Mo. 235
rem comedere Tri.417
rem confringere St.630; Tri. 108,336
rem deserere Mo.l44
rem disperdere Cas. 248
- 277 -
Usurpation
rem ad exulatan abire Mer. '+3
rem auerrsre Tru.19 ( mais ms Β C D donnent auferat)
rem corrumpere Mo. 28; Tri. 11^
rem dilacerare Cap. 670
rem distrahi Tri.617
rem diuexare Per.780
rem habere perditui et praedatui Ci. 365
rem lacerari Mer. ^8
Acquisition
rem accipere Tru.738
rem cogère Tru.310
rem expetere Tri. 272
rem obtinere Ci.81
rem parare Vien^Qk; Ru. 38; St. 520; Tri. 73if
rem quaerere Ps.197
rera_st£uere Au . 5 'f ^
N.B.
Certains emplois sont contestables car re_s peut avoir en même temps la
valeur plus générale d'intérêt à défendre. Notre liste serait donc plutôt
lacunaire car nous n'avons retenu que les emplois nets , c'est-à-dire
ceux dans lesquels res désigne clairement le bien possédé.
- 278 -
DIVITIAB
Possession
diuitias confiteri Cap.JH2
diuitias esse Cap.28i, 318 5 Ep.329 ; Men.59 ? Mi. 723 ; St. 693
diuitias habere Ba.333 ; Çu_.178 ; MiT1C63 ; Ru>.132P
diuitias occultare Gap. 299
prognatum (esse) summis ditiis Cap. 170
esse summis ditiis Poe.cO
esse alicui adfatim diuitiarum Mi.980
superare aliquem diuitiis Au. 701
Tours prépositionnels : propter diuitias Carj.286 ; Mi . 679
esse in diuitiis |T.7O3 ? sT7i3'+ : Tri ,68a
Aoquieition
diuitias adportaro dornum SJt.^12
diuitias conruer^ Ru. 5^2
diuitias euenire Men . 67
diuitias facere Per.652
diuitias secum ferre Tri. ^55
diuitias indipisci ΕρΛ51
diuitias merere Men.217
diuitias quaerer» Tri. 339
diuitias reperire Au. 821
Don
diuitias dare M. 1213
aliquam in diuitias despondere Ci. 601
aliquam in diuitias dare Tri.605
aliquem in diuitias uenire Cap. 1010
aliquem ad diuitias uocare Ci .559
in diuitias aliquem adoptare Poe.90*f
Usurpation
prohibere aliquem diuitiis Ci.305
- 279 -
30NA
Acquisition
bona aggerere Tru.112
bona euenirs Ru.*fOO
bona parère Mer. 78 ; Ru.506 ; Tri. 3^7
Transmission à autrui
bona connendare Tri. 877, 1095
bona ( cognatis ) didere Mi. 707
( patorna ) bona ( filio ) rcddi Poe.1080
Mauvaise gestion
bona ( sua ) pro stercore habere Tru.556
bona perdere Tru.729
Usurpation
oppugnare aliéna bona Ρθγ.7^
boni.-? elauare As. 135
aliquem euortere bonis suis Tri. 21^
aliquem facere exheredem bonis Mo. 23^
priuare aliquem bonis suis ΤΓυ·57^
dicere neniam alicui de bonis suis Tru.213
- 280 -
OPES
Acquisition
opum copiam comparare Cas.62*t
Usurpation
opes delacerare , deartuare Cap.o72
opes argentarias exenterare alicui Ep.672
Gestion
opes augere Cap. 768
opes commendare alicui Cap. kk$
Besoin
egere oputn R\x.2?k
esse orbas opum Ru. 3^9
Don
opes commodare Per.253
COPIAE
Don
Copias commodare Per.253
copias regias of ferre Ba.6V7
- 281 -
ARGENTUK
Possession
Thésaurisation
Acquisition découverte
argentum comparare As. 250
argentum exstruere Ps.1ô2
argenti facere copiam As. 75, 8^8 ; Cu.33O
argenti facere aliquantum Ko. 35^
argentum facere Fr.III 6 ( ex Don ad Ph.IV 3,30 )
argentum inuenire As. 252 ; Ps.50
argentum paratum As. 728 ; Per.133 ; Ps.299
Bonne gestion
argento papci Cas. 501
Usurpation
argentum abuti Per.262
argentum auferre Cu^O^ ; Ep.160, 193,352 ; Per.326
argentum capere Men.219
aliquem argento ou argenti circumducere Poe. 128? ; Ps.^31, 63*t
decutere tantum argenti Ep.3O9
aliquem argento interuortere As. 359 î Ps.5^1
Opérations commerciales
credere fenus argenti Mo. 629
fidem argenti habere Per.785
sumere in dies minasque argenti singulas nummis Ep.5^
argento haec dies praestitutast Ps.37^,623
argentum accipere As_.87,765 ; Cap. 989 ; _Οΐ|ΐΛ58,46θ ; Ep.319,37O,if63,646;
Mo. 269; Per. 162,^12 (2 fois) ,*M*f, 526, 676,716; Ps.627,99^,
1011 , 1122,11^8 ; Tri. 993
argentum denumerare As. ^53 î Ep.71
argentum enumerare Per.531
- 283 -
Demande , besoin
AVIÎVM
Possession
aurum esso ou inesse Au_.608 ,765 ; Poe. 777,782 ; Ru. 396, 926,1257
cum Philippis aureis Poe. 732
cum auro Poe.77'-f
uidulum curn auro Su. 1295, 1309, 13^0
aurum esse in marsuppio 2u.1313
aurum habcre domi Au. 110,185; Βα.2ΰ9·; Men.jV? ( 2 foir ) ; Tru.$19
Thésaurisation
Acquisition découverte
Bonne gestion
Demande , besoin
Opérations commerciales
Perte , gaspillage
Remarques préliminaires
Il existe d'autres tours que ceux qui utilisent les substantifs pour
désigner les différents domaines que nous avons distingués. Ainsi la
possession peut être exprimée par diues sum par exemple, ou l'usurpation par inferre
in paupertatem. Ces emplois sont toutefois quantitativement inférieure à
ceux qui font intervenir nos lexèmes res , diuitiae , bona ...
Les lexèmes étudiés ont d'autres emplois que ceux qui sont répertoriés
dans les listes mais ces emplois sont assez peu nombreux et n'entrent pas
très nettement dans les catégories que nous avons distinguées. C'est pourquoi
les décomptes que nous venons d'effectuer à propos des lexèmes sont inférieurs
à ceux qui ont été faits lors de l'étude analytique.
Remarques essentielles
Il semble préférable de laisser de côté momentanément les deux
derniers lexèmes argentum et aurum , qui faussent l'étude statistique de par
la grande quantité des emplois correspondant aux opérations commerciales.
Nous les examinerons par la suite.
Si nous considérons donc les cinq lexèmes res , diuitiae , bona , opes
et copiae , il apparaît que l'expression dynamique ( acquisition , bonne ou
mauvaise gestion , usurpation , don et demande ) l'emporte largement sur
l'expression statique , celle de la possession. Plus précisément , l'expression
dynamique est au moins deux fois plus fréquente que la statique.
Cette constatation n'est absolument pas inattendue. Elle correspond
parfaitement à l'intrigue typique de la comédie plautinienne : une fois qu'un
personnage constate son indigence ( = absence de possession ) , toute la
pièce se passe à la recherche de tours pour demander , acquérir , au besoin en
usurpant , les fonds nécessaires à la conduite des opérations projetées ,
essentiellement amoureuses.
Pouvons-nous faire les mêmes remarques en ce qui concerne les deux
termes "spécialisés" aurum et argentum ?
D'abord les deux lexèmes ont en commun les particularités suivantes:
- Ils sont bien plus employés que les autres lexèmes répertoriés.
- Ils sont présents dans toutes les catégories.
- Ils sont extrêmement nombreux dans les catégories qui étaient
289 -
peu représentées avec les autres lexèmes et qui sont celles des opérations
commerciales. Ainsi pour ces deux lexèmes également la catégorie de la
possession est bien moins représentée que celle de l'expression dynamique.
Quantitativement , argentum est surtout très employé dans le
Pseudolus ( environ un emploi sur six répertoriés ) et aurum dans 1 'Aulu-
laire ( environ un emploi sur six ) et les Bacchides ( environ un emploi
sur trois ) .
Etudions maintenant les affinités qui existent entre les lexèmes
et les catégories.
Nous avons déjà noté que les lexèmes res , diuitiae 4. bona ,
opes et copiae n'ont pratiquement pas d'emplois correspondant aux
catégories commerciales. C'est que les tractations se font avec des quantités
limitées d'argent , non avec des fortunes entières ou des biens
quantitativement très importants.
La catégorie de la thésaurisation , curieusement , n'est pas
représentée avec ces mêmes lexèmes. C'est là encore un autre élément qui
différencie les premiers lexèmes des seconds ( aurum et argentum ) .
Les catégories de gestion , bonne ou mauvaise , sont assez
bien représentées dans le cas de bona et surtout de res , au point qu'elles
leur semblent liées. Rappelons l'étude analytique (399) et les remarques
faites sur l'activité du sujet possédant la res : le bien désigné par res
n'est pas un bien obtenu par un coup de baguette magique , c'est une
possession qui s'acquiert lentement , qui augmente aussi lentement, si le
sujet possédant est vigilant , ou qui s'amenuise progressivement s'il est
négligent .Les images de construction et de destruction du bien sont à ce
sujet très instructives.
Diuitiae est employé plus d'une fois sur deux dans le cadre
de la possession. Ce sont notamment les richesses que le possédant
contemple avec béatitude. Ce sont aussi les biens dont on décide de faire
profiter autrui dans le cadre de la famille par le sang ou par alliance. Notons
que les diuitiae ne s'appliquent jamais au bien géré patiemment. Elles ne
sont jamais vues comme un tout que l'on fait fructifier mais plutôt comme
une masse inerte . D'ailleurs les diuitiae sont le plus souvent constituées
par l'or et nous verrons qu'une des particularités d'emploi d ' aurum et
d'argentum est la thésaurisation.
- 290
Bona est comparable dans une certaine mesure à res. Comme res , ce
lexème marque la possession et encore plus souvent le mouvement des biens :
l'acquisition, la gestion et surtout l'usurpation. Il est d'ailleurs à noter que
des 5 lexèmes res , diuitiae , bona , opes et copiae , c'est bona qui est
employé le plus souvent dans un contexte d'usurpation. La valeur originelle
du terme peut être à invoquer ici : les biens (au sens propre) sont sentis
comme tels surtout lorsqu'ils sont arrachés.
Quant à opes et copiae , ces lexèmes semblent se comporter comme diuitiae,
avec un nombre d'occurrences inférieur toutefois. Comme diuitiae, ils ne se
trouvent jamais dans un contexte de gestion mais ils peuvent entrer parfois
dans la catégorie du don. En revanche, ils peuvent , rarement il est vrai ,
être employés dans le contexte de l'usurpation. L'emploi d'opes lorsqu'il
s'agit d'une demande n'est pas étonnant lorsqu'on considère la valeur
première de ce polysémique (400) .
En résumé , il semble que nous ayons , du point de vue des emplois, deux
classes de lexèmes : d'une part res et bona spécialisés dans la gestion ,
l'acquisition et l'usurpation , et d'autre part diuitiae , opes et copiae ,
spécialisés dans la possession et le don.
Nous avons déjà noté la prédominance quantitative écrasante des opérations
commerciales dans le cas d'argentum et d ' aurum . Pour ces mêmes lexèmes , les
autres catégories sont assez faiblement représentées. Que conclure de cet état
de fait ? D'abord que la particularité d· aurum et d'argentum réside dans la
tractation commerciale. En effet , même des emplois classés dans les autres
rubriques pourraient se ramener à la catégorie -commerciale. Celui qui affirme
qu'il possède de l'argent le dit souvent en vue d'une opération commerciale.
Il en est de même pour celui qui en a trouvé quelque part ou qui en demande
de tous les côtés. Il n'y a guère que la thésaurisation qui échappe à cette
vaste structure dans laquelle argentum et aurum représentent des outils
commerciaux ( comme l'est d'ailleurs pecunia ). En effet , lorsque l'or est
thésaurisé, des tournures comme massae. . .auri (401 ) rappellent certains des emplois
de diuitiae. Dans ce cas, l'or n'est pas vu comme une monnaie d'échange mais
comme une richesse en soi en tant que matière précieuse.
- 291 -
Ain3i des trois séries de lexèmes considérés dans leurs emplois , l'une
souligne l'intimité des rapports possédant / possédé : c'est le groupe res ,
bona qui exploite surtout la veine de la gestion ; l'autre , le groupe
diuitiae , opes et copiae , considère tantôt le bien possédé , c'est-à-dire
inhérent à la personne , tantôt le bien à acquérir ou à offrir ; quant à la
troisième série , argentum et aurum , elle fait du bien une simple monnaie d'échange
et par Conséquent extérieure au possesseur.
Nous pouvons suggérer schématiquement ces rapports , le grand cercle
représentant la sphère du sujet possédant et le petit cercle le bien lui- même.
292
que des quantités limitées donc déjà des fractions en quelque sorte.
Evidemment c'est dans le cas de la disparition du bien par gaspillage ou
par usurpation que cette cohésion interne de la fortune est sensible.
(scio)
Dulce atque amarum quid sit ex pecunia "
La phrase est prononcée par un homme qui a tellement dépensé qu'il
s'est ruiné. Il regrette d'être privé du bonheur ( littéralement de la
douceur ) de jouir de son bien. Or nous devons remarquer que l'adjectif
latin est dulce qui signifie au départ "doux au goût ", par opposition
à amarum "amer " ( cf. E.M. p.l86).
Dans le second cas , celui de l'usurpation , nous approchons plutôt
de l'autre grande série imagée , celle de la personnification du bien.
Nous pouvons citer ici deux emplois.
Le premier est celui du vers 705 de 1 'Epidique . Dans ce vers ,
un personnage se glorifie d'avoir berné son adversaire puisqu'il a
réussi à lui soutirer trente mines :
" Iste ab ore tetigi triginta minis "
" Je l'ai touché ( en lui faisant cracher littéralement )
de trente mines "
Toutefois la leçon ab ore est contestée et certains lisent ob eam rem (4l0).
L'autre emploi annoncé est beaucoup plus pertinent. Il s'agit du
vers 194 de l'Aululaire :
" (Megadorus) inhiat aurum ut deuoret "
" (Megadore ) guette l'or ( d'Euclion ) pour le dévorer ".
La phrase évoque la lutte entre deux animaux , l'un guettant l'autre
comme sa proie (411). Deuorare implique en effet l'avidité de l'escroc.
Et il n'y a pas là indication d'une perte du bien ( pour celui qui le
mange bien entendu ) : le bien qu'il a mangé deviendra sa propre substance et
nous touchons alors le domaine de la personnification du bien possédé.
Faut-il ici tenir compte des nombreux emplois de la formule imagée
os sublinere (412) , littéralement "barbouiller le museau " pour dire
"duper quelqu'un" ? Cette expression pourrait être utilement rapprochée
du français rouler quelqu'un qui s'expliquerait en " rouler quelqu'un
dans la farine". En effet , il s'agirait alors dans les deux cas d'une
image empruntée au registre de la cuisine et rouler quelqu'un dans la farine
comme lui barbouiller le museau évoquerait la phase qui précède la cuisson.
Ainsi avant de dévorer la victime , on la ferait cuire après l'avoir enduite,
298 -
Les biens sont encore comparés à des personnes avec le tour opes ualidae
de la Cistellaria au vers 494 . La famille de ualeo ne s'applique pas toujours
à la force physique d'une personne ; elle peut désigner la violence d'une
chose ou l'efficacité d'un procédé. Mais pour ce qui est de l'adjectif ualir;
dus, il ne s'applique chez Plaute qu'à des personnes sauf dans notre opes ua-
lidae (419). Nous sommes donc en droit de penser qu'il y a là
personnification.
Il est tentant de rapprocher opes ualidae de res salua que l'on trouve
opposé à res perdita dans le Trinummus au vers 810 . Toutefois , l'usage
plautinien semble donner à saluus la valeur générale de "entier, intact", la
spécialisation dans le domaine de la bonne santé ne s'étant produite qu'assez
tard.
Notons aussi la personnification que contiennent les vers 338 et 339 de
1 'Epidique :
" ... hoc (désignant le sac d'argent ) quidem iam periit.
Ni quid tibi hinc in spem referas ; oppido hoc pollinctum
est "
Il s'agit ici de la mort du bien, puis de son embaumement ou plus
précisément de la toilette du cadavre en vue du bûcher. Toutefois ,
pollinctum est une conjecture de Goetz , les manuscrits portant politum (B). D'autres
proposent alors polluctum qui signifie "offert en sacrifice ". Cette dernière
leçon est pour nous moins intéressante car elle n'implique que la comparaison
animalière. Pollinctum présente l'avantage de constituer avec periit une
métaphore filée : après la mort , la toilette mortuaire.
Nous trouvons ailleurs le procédé de la personnification du bien mais
il s'agit alors , comme dans l'exemple de 1 'Epidique que nous venons
d'évoquer, du bien contenu dans un objet précis , le sac dans 1 'Epidique , la
marmite dans l'Aululaire. En effet, au vers 576 de cette comédie , Euclion évoque
le changement de résidence de sa chère marmite , plaisante façon de déclarer
qu'il craint qu'on la lui vole ! :
" Post hoc quod habeo ut commutet coloniam ".
Il s'adresse ailleurs à sa marmite comme à une personne qui doit lutter
contre des ennemis personnels , au vers 580 :
"Edepol , ne tu aula , multos înimicos habes ".
302
parce que dans le premier cas la détresse est plus manifeste. C'est alors que
l'on comprend mieux l'image du Rudens , uiduitas opum et copiarum , qui
s'applique à la détresse de deux jeunes filles rescapées d'un naufrage et ayant
perdu tous leurs biens.
Un emploi comparable est celui d'orbas opum. Orbus signifie "privé de
ses parents" ou "privé de ses enfants " et s'applique de façon cocasse aux
brebis dont on tue les agneaux dans les Captifs au vers 818 :
" Tum lanii autem qui concinnant liberis orbas ouis " .
L'autre emploi est notre orbas opum du Rudens au vers 349- Il s'agit du
même contexte que celui que nous décrivions précédemment. Les deux jeunes
filles sont comparées à des mères privées de leurs enfants ou à des enfants
privés de leurs parents , ces derniers étant leurs biens, opum. Ainsi le
petit nombre total des emplois , deux seulement , l'un au sens propre et
l'autre au sens figuré , ne peut faire conclure à une prédominance d'emploi dans
un sens ou dans un autre. Notons cependant qu'orbitas est employé , une
seule fois malheureusement , dans les Captifs au vers 763 avec sa valeur propre:
" Quasi in orbitatem liberos produxerim ".
Il s'agit ici de la situation des enfants privés de leurs parents.
Avec ces deux types d'emploi, uiduitas et orbus , le bien est donc
montré comme un être proche , de la famille de celui qui parle et qui
constate amèrement son absence. Ce sont alors les liens de mari à femme et vice
versa , ou ceux de parents à enfants et vice versa , qui sont plus que
suggérés ici. Ils sont même nettement indiqués dans une image comparable aux vers
973 sqq. des Bacchides. Dans ce passage , les 400 philippes que l'esclave
Chrysale va dérober à son vieux maître sont comparés par lui au fils de Priam:
" Sed Priamus hic multo illi praestat: non quinquaginta modo
Quadringentos filios habet, atque equidem omnis lectos sine
probro :
Eos ego hodie omniè contruncabo duobus solis ictibus ".
L'argent du vieux maître est donc complaisamment comparé aux fils de
Priam et la personnification est soulignée par le fait que les verbes contrun-
co et surtout obtrunco sont presque toujours utilisés dans un contexte
militaire et désignent alors la destruction de l'ennemi , comme au vers 252 de
l'Amphitryon.
- 304
Les liens précis entre conjoints ou entre parents et enfants ne sont pas
nettement indiqués dans trois autres cas qui suggèrent pourtant des rapports
étroits, familiaux ou amicaux. L'exemple de dicere de bonis neniam dans le
Truculentus au vers 213 est assez étonnant : les biens sont alors comparés
aux morts pour qui les gens de la famille ou les amis chantent des
lamentations funèbres. Malheureusement , Plaute emploie toujours cette expression
avec un sens figuré , suggérant la fin de quelque chose , fin des jeux dans le
Pseudolus au vers 1278 , ou fin de la toilette des courtisanes au vers 231 du
Poenulus. Toutefois, nous pouvons supposer que l'image existe dans l'exemple
du Truculentus. En effet , elle s'intègre bien à toute une imagerie de
l'escroquerie qui met en scène la mort du bien qu'on attaque. Dans ce cas , si
la métaphore est filée ( d'une pièce à l'autre bien entendu ) , pourquoi ne
chanterait-on pas sur les biens une fois morts la lamentation funèbre après
avoir fait la toilette mortuaire ?D'ailleurs Festus , qui reconnaît ici
l'image , la loue en 154,25 ·
Nous aurions pu classer cette image dans la rubrique précédente , celle
de la simple personnification. En effet , un point obscur subsiste encore
pour nous : Qui chantait cette lamentation funèbre ? les amis et les
membres de la famille ou les pleureuses engagées à cet effet ? S'il s'agit de
femmes étrangères à la famille , il faudrait évidemment classer cet emploi i'
dans la rubrique précédente. Mais ce déplacement ne nuirait en rien à
l'originalité de l'image.
Avec les derniers emplois de la série , rem seruare , tutare , sospita-
re et commendare , la personnification est a priori moins évidente que dans
les cas précédemment examinés. Cependant si nous considérons les emplois
plautiniens de seruo et de commendo , il ressort que dans la majorité des
cas ces verbes ont pour sujet des individus qui protègent un être cher ou
le confient à un ami . Examinons en détail ces emplois.
Seruare est très fréquent chez Plaute puisque nous en notons 135
emplois. Sur ce total , 59 exemples donnent à seruare un complément d'objet
direct désignant une personne et souvent dans des formules de souhait ou
des prières comme di me seruent. Dans les autres cas , lorsque le complément
d'objet direct n'est pas une personne , il s'agit du bien possédé ( 12 fois
dont 6 fois avec res ) (422) ou de notions morales comme fama ou fides(423) .
305
Nous pouvons ranger avec seruare le verbe qui a un sens assez voisin
et qui est le déponent tutari . En effet, tutari est à peu près une fois sur
deux employé avec un nom de chose qui est toujours res , désignant le bien
possédé (424) .
Un verbe de sens assez proche , sospitare , est employé par Plaute de
la même manière. Le corpus en présente deux occurrences. Dans un cas , il
s'agit pour un esclave de sauver son maître avec le tour erum sospitari de As.
683 · Dans l'autre , c'est la fortune que les dieux sont appelés à préserver,
au vers 546 de l'Aululaire :
" Plus plusque istuc eospitent (di) quod nunc habes"
Nous voyons donc qu'il y a pour le second emploi une personnification
puisque la plupart des emplois de ce verbe archaïque s'appliquent à quelqu'un
qui revient de voyage ( cf. les exemples rassemblés par Pedersen , MSL 22,10
sqq.)
Le verbe commendare présente des emplois analogues. Il est employé à
peu près une fois sur deux avec un nom de personne comme complément d'objet
direct. Tous les autres emplois présentent en complément d'objet direct un
nom qui désigne le bien possédé (425).
Nous constatons donc que le bien possédé est assimilé implicitement ,
par le choix des vocables , à un être cher sur qui il faut veiller et qu'on
n'hésite pas en cas de départ à confier à un ami intime.
d) Nous avons considéré successivement la personnification pure et
simple et l'assimilation du bien à un être cher. Il nous faut maintenant aller
plus loin et considérer le quatrième groupe d'images. Elles font du bien
possédé la substance même du possédant , un élément indispensable à sa vie.
Cet élément nécessaire n'est pas identifié mais il est bien réel dans la
tournure du Truculentus aux vers 46 sqq. :
" Si ira tum scortum fortest amatori suo,
Bis périt amator, ab re atque ab animo simul ".
Dans cet exemple , res est mis sur le même plan qu ' animus . Comme son
coeur , sa fortune fait partie du possédant et il ne saurait vivre sans elle.
Les autres emplois fournissent des identifications plus précises. Le
bien est assimilé à une substance organique particulière qui n'est pas nommée
- 306 -
mais qui se dégage du verbe utilisé . Tels sont les tours argentum egurgita-
re et uomere, auro emungi , auro attondere aliquem .
Examinons ces emplois. Il s'agit à chaque fois d'exprimer une usurpation.
L'exemple de 1 'Epidique au vers 582 :
" Quid ? ego lenocinium facio, qui habeam aliénas domi
Atque argentum egurgitem domo prosus ?..."
implique que le leno considère son argent comme une partie de son corps dont
il lui faut douloureusement se séparer. Le verbe egurgitare est en effet à
rapprocher de gurges qui signifie tantôt "gouffre" "abîme" , tantôt "gosier".
Cette seconde valeur qui semble appartenir à la langue populaire (426) est
celle que nous avons reconnue dans notre exemple. Mais si Plaute avait
présenté d'autres emplois d 'egurgitare , l'interprétation du passage aurait
peut-être été plus simple (427 )· Malheureusement , le verbe n'apparaît
qu'ici. En revanche , Plaute utilise dans le Curculio au vers 126 le verbe
ingurgitare ( faucibus ) qui évoque la gloutonnerie du parasite. Ainsi c'est
probablement le sens de vomir, littéralement " cracher par la gorge " que
contient le verbe egurgitare. Nous pouvons d'ailleurs évoquer ici le tour
français "faire rendre gorge à quelqu'un " pour signifier lui prendre de
force ce dont il s'est emparé par des moyens illicites .
L'image est plus vite identifiée avec le verbe uomere. En effet , sur
les quatre emplois du corpus , trois présentent le sens propre de vomir
(428), et le quatrième est l'exemple du Curculio au verbe 688 :
" Atque argentum propere propera uomere ..."
L'image apparaît donc bien nettement. Avec ces deux verbes ,
egurgitare et uomere , l'argent est comparé en quelque sorte aux entrailles du
possédant. Avec les autres verbes , l'élément vital n'est pas tout à fait le
même. Il s'agit d'abord des humeurs ou mucosités contenues dans le nez avec
l'emploi de emungere. Ce verbe emungere est utilisé 5 fois par Plaute ,
presque toujours au sens figuré. Il implique seulement la duperie dans 1 'Epidique
au vers 494 et dans la Mostellaria aux vers 1109,1110, mais à deux reprises,
dans les Bacchides, il s'agit précisément d'un détournement de fonds. Cette
usurpation est en effet évoquée aux vers 701 et 1101. Au vers 701, l'escla-
- 307 -
ve Chrysale annonce avec verve son désir d'escroquer son vieux maître :
" Emungam hercle hominem probe hodie ..."
Le projet est mis à exécution ainsi qu'on le relate *K)0 vers plus loin
et le vieillard dupé déplore amèrement la machination dont il a été l'objet :
" ( . . . hoc est demum quod percrucior
Me hoc aetatis ludificari , immo edepol sic ludos factum)
Cano capite atque alba barba , mi sérum me auro esse emunc-
tum" .
Dans ce cas , l'élément arraché à la personne apparaît, c'est auro , et
auro emungi signifie "être mouché de son or ". L'image est rendue plus
comique par les détails donnés au début du vers cano capite atque alba barba ;
peut-être en effet le vieux Nicobule oppose-t-il sa vieillesse chenue à
l'état des petits enfants qu'il faut moucher ? Il est d'ailleurs à remarquer que
dans les autres duperies exprimées grâce à emungere , ce sont toujours les
vieillards qui sont escroqués. Simple coïncidence ou recherche comique (^29) ?
Entrailles et mucosités sont des éléments intérieurs , inhérents au
corps de l'individu. Une nouvelle substance , qui n'est pas intérieure , est
évoquée dans les Bacchides. Toutefois , elle est assez précieuse et fait corps
avec l'individu : c'est sa peau. Dans ce cas , il ne s'agit pas à proprement
parler de personnification mais plutôt d'assimilation au monde animal. En effet,
les deux vieillards des Bacchides à qui on a extorqué de l'argent sont
comparés à des brebis tondues. Avant que l'opération ne se réalise, le seruus calli-
dus présente ainsi son projet d'usurpation en raffinant sur l'expression et en
la parant notamment d'une allusion mythologique :
" Adibo hune, quem quidem ego hodie faciam hic arietem
Phrixi ; itaque tondebo auro usque ad uiuam cutem "
(v. 2^1,2^2 ).
L'escroquerie une fois réalisée , la victime se plaint en utilisant la
même image au vers 1095 '
" Is me scelus auro usque attondit dolis doctis indoctum
ut lubitumst ".
Ce vers est précédé d'une expression qui prépare en quelque sorte l'image;
"... Chrysalus me miserum spoliauit ".
- 308 -
Nous constatons que cette imagerie avec ses divers paliers s'articule
sur deux axes.
1 ) Un axe d'animation progressive selon lequel le bien est vu
successivement comme :
- un entassement
- un tout bien agencé
- un corps doué d'une sorte de vie
- un animal
- un être humain .
Nous avons montré à partir des textes eux-mêmes que chez Plaute le
bien possédé était édifié ou démoli , avalé ou arraché à autrui. Mais ce
même bien ne possède-t-il pas , toujours chez Plaute , un autre aspect,
également sensible à partir des données de l'expression ?
Nous voulons parler ici de la richesse -don. En effet, dans un grand nombre
de passages , Plaute présente des personnages qui répandent leur fortune en
cadeaux. Ce gaspillage , quand il s'exprime grâce à des verbes comme dilace-
ro, diuexo (Mt-2) , s'intègre bien sûr dans cette vision traditionnelle du
bien possédé selon laquelle , comme nous l'avons montré , le bien est un
ensemble solidement construit. Mais quand nous examinons de plus près les
données , nous constatons que le gaspillage par les cadeaux est différent de
celui qui concerne les mets luxueux , les vins ou les parfums qui se
dissipent par nature. Les cadeaux , s'ils entraînent la ruine de l'amant , font
la prospérité de la meretrix. L'emploi du verbe dare et du substantif dona
montre l'importance chez Plaute de la catégorie du don dans l'expression de
la richesse.
Les emplois les plus significatifs de dare sont ceux dans lesquels le
complément de verbe n'est pas exprimé ; ils s'appliquent alors à la
possibilité ou l'impossibilité de donner , et par là à la richesse et à la pauvreté.
Presque tous ces emplois se situent dans des contextes qui évoquent les
relations entre les meretrices et leurs amants. Nous relevons ainsi à titre
d'exemple As. 52? : illos qui dant , Tru.217 : Dédit; nunc nil habet , Ps.257 :
Dedi , dum fuit ... et Pe.258 : Dabo, quando erit .
Le pouvoir de donner semble même constituer une sorte de programme, une
base indispensable aux futures relations entre les amants et les courtisanes,
comme le montre le vers 260 du Stichus. En effet , dans ce passage , le verbe
dabo est comme investi d'un pouvoir magique :
" (Nullan tibi lingua est ?)
Quae quidem dicat "dabo" .
Relevons encore le tour habere quod + subjonctif de dare qui constitue
une des manières d'exprimer la richesse , un des substituts en quelque sorte ,
317
usurpé par un tiers, on dit qu'il est avalé. Cette image de la manduca-
tion est révélatrice. Elle évoque d'abord le désir violent , quasi
organique, de s'emparer du bien d'autrui ou de jouir du sien. Enfin et surtout,
elle contient en germe cette assimilation fondamentale selon laquelle le
bien une fois mangé sera la substance même de l'être : il y a alors
fusion entre le bien et le possesseur.
Telle nous semble donc être l'originalité du système latin de la
possession dans le corpus plautinien : les termes et les tournures utili*
ses mettent l'accent sur la qualité plutôt que sur la quantité , sur le
quomodo plutôt que sur le quantum. Peut-être cette grande tendance
trouverait-elle une illustration dans l'etymologie latine du mot très courant
dans les langues romanes pour désigner l'argent , le mot sou venant de
solidus , massif. Il n'implique pas en effet au départ une quantité
précise mais une qualité de la possession. C'est donc la preuve que cet
aspect qualitatif est essentiel chez les Latins (444).
- 322
CONCLUSION GENERALE:
BILAN ET PERSPECTIVES
Tout au long de cette étude de l'expression de la richesse et de la
pauvreté chez Plaute , nous avons utilisé concurremment deux voies
d'approche :
- La description des emplois dans le contexte a débouché sur une
analyse sémique situant les termes les uns par rapport aux autres sur des
clivages quantitatif et qualitatifs.
- L'étude des images toujours à partir des contextes précis a fondé
une thématique antithétique de la richesse et de la pauvreté.
Ces deux méthodes se complètent. La première a pu paraître aride par
le recours à toutes les occurrences mais c'était là un gage d'exhaustivité.
Elle fournit le substrat indispensable à l'étude stylistique. Peut-on en
effet imaginer une étude thématique de la richesse et de la pauvreté dans
un corpus donné, qui ne soit pas basée sur une définition précise des dif-
-férents lexèmes?
D'un autre côté , l'analyse sémique des différents termes trouve son
point d'aboutissement dans l'étude stylistique et thématique puisque le point
de départ de notre recherche était un ensemble littéraire, celui des
comédies de Plaute.
C'est donc la puissance inhérente aux mots employés par Plaute, c'est-
à-dire leur signification dans le corpus , que nous avons essayé de dégager.
Il était alors intéressant de rapprocher ces significations des opinions des
grammairiens anciens , qu'elles soient ou non fondées scientifiquement,
puisque l'important était pour nous de pénétrer le sentiment linguistique
des contemporains de Plaute.
Si Plaute a pu en effet utiliser à partir des vocables existants des
images originales souvent doublées de jeux de mots , ou mettre en scène des
situations où s'affrontent dramatiquement les types sociaux du diues et du
pauper par exemple , c'est parce que son public partageait le même sentiment
- 323 -
NOTES
39· Cf. Men. 76 : " Modo hic ( l'acteur ) agitât leno, modo adules-
cens, modo senex
Pauper, mendicus, rex , parasitus , hariolus ".
40. Cf. l'étude stylistique p. 202 sqq.
41 . Pauper comme adjectif attribut : Au.88,174 ; Men. 576 ; Poe. 515;
Ru.283, 1234 ; Tru. 220, 373; Vi.111 ; Fr. II, 53 ·
42. Cf. étude stylistique du couple diues/ pauper p. 212 sqq.
43. Mais ditare est employé par Horace Epode I vers 32 et Epitre I ,6'i
69- A deux reprises seulement (Au. 598 , Tri. 687) , tolerare figure
sans egestatem . Mais dans les deux cas , une autre leçon de ms donne
tolleret. Dans un cas , le sens est plus satisfaisant si on lit de cette
manière ; en effet, c'est la valeur de soulever qui est sensible en Au.
598 . Mais dans le vers du Trinummus , la leçon toleret semble la
meil eure car tolerare moenia ( = munia les devoirs ) paraît plus satisfaisant que
tollere moenia pour signifier "satisfaire à ses obligations ".
70. Sur les sentiments respectifs qu'inspirent à autrui egestas et
paupertas cf. Servius auct. Georg. I, 446 : "Peior est egestas quam pauper-
tas : paupertas enim honesta esse potest ; egestas etiam turpis est ".
'
87. Cf. E.M. p. 463- Une troisième valeur est également donnée , celle
d'aide , assistance.
88. Cf. Supra p. 54.
89. Pacuvius : fr. 52-301
Cicéron : Rep.3;34.
Sallust" : Jug. 14, 23 etc...
90. Tri. 8, 9 :
"Primum mihi Plautus nomen Luxuriae indidit;
Tum hanc mihi gnatam esse uoluit Inopiam ".
91. Mendicus: Au. 423; Ba.5l4; Men. 76 ; Per .396 ; Ru. 485,1306; St.
132;133,135 ; Tri .339 7^31.
92. Mendicare : Am.1032; Ba.508, 514,950 ; Ca£.323; Mo.
T~ 230.
Mendicarier ( en fin de vers comme beaucoup d'archaïsmes : Cap. 13; Vi.110.
93- Mendicitas : Men.204; Ru.5l4
Mendiculus : Ep.223»
Mendicabulum : Au. 703 ·
94. En réalité, regilla est rapproché de rex par une étymologie
populaire ( cf. E.M. p.567). L'opposition dans l'esprit de l'auteur et des
spectateurs reste cependant la même.
95 «Voir en Cap.15 une façon analogue de désigner les riches par la
fortune qu'ils déclarent au censeur . Ceux qui.n'enont pas ne déclarent
évidemment rien d'où la formule : Vos qui potestis ope uestra censerier . Le
chef de la troupe , dans le prologue, s'adresse ainsi aux spectateurs des
premiers rangs.
96. Traduction personnelle.
97· Traduction personnelle.
- 333
108. Dans la pièce qui porto son nom , le parasite s'appelle Curculio,
c'est-à-dire Charançon. Or , ce nom , dans l'usage commun , désigne un
rongeur infect , ce qui rappelle les mures évoqués par Saturion. Mais le
terme Curculio semble ne pas évoquer seulement l'idée de rongeur. En effet,
il se trouve dans le Dictionnaire E.M. p. 285 rapproché de Gurgulio qui
signifie gosier ( voir Tri. 1016 où ce terme est employé ) . Nous pouvons dès
lors traduire Curculio par Grosgoulu .
109· Le titre d'un film récent nous a suggéré cette traduction peu
orthodoxe. . .
110. Notons dans la même comédie du Rudens des comparaisons analogues
aux vers 585 sqq. et 544.
111. Voir aussi dans le Curculio l'énumération des mets au vers 323·
112. Le métier de parasite est encore vu comme héréditaire dans le
Persa aux vers 55 sqq. Il semble bien alors que la "profession" était
pratiquée de père en fils. Cependant , certains commentateurs ont émis des
opinions différentes. Ainsi P. Grimai, dans l'introduction de son ouvrage
consacré au théâtre latin , Comédies de Plaute et de Térence , La Pléiade, p.
XXI , explique l'aisance verbale des parasiti par leurs antécédents. Ils
seraient alors souvent d'anciens riches ruinés et réduits à un état de
dépendance.
113· Les attici logi passaient pour supérieurs aux siculi logi. Voir
aussi , à propos des recueils de bons mots , le passage de Cap. 472.
- 335
" les gens du bas bout de la table " . Quant à l'appellation de Lacones,
elle renvoie peut-être à la coutume des Spartiates de manger isolés sur
un tabouret, ou plus vraisemblablement à leur endurance proverbiale. Le
terme renforcerait alors le composé plagipatidas.
120. Dans plusieurs passages , parasitus est suivi d'un nom au
génitif désignant le protecteur : Ba. 573, 631 j~Men.222. Dans un plus grand
nombre de cas , parasitus est accompagné d'un adjectif possessif
impliquant la même idée d'appartenance du parasite à un autre individu ,
avec noster : Men. 76
meus: Mi .948; Men.28l,285
tuus : Çu.277; Men. 281 ,389,505-
121 .Même si par ailleurs il est libre d'agir à sa guise, cf. supra
p. 100.
122. En St. 454-5 , le parasite Gélasime craint de perdre son rex
si ce dernier rencontre des hommes plus spirituels que lui :
"Libros inspexi, tam confido quam potis
Me meum optenturum regem ridiculis logis ".
123- Sur les rapports entre rex et parasitus : à l'origine , le rretpei.
tfiTej est celui qui participe au banquet des dieux et qui a donc une
fonction sacrée. Plus tard , le riche qui protège un parasite est comme l'égal
d'un dieu.
124. Cf. les caractéristiques très particulières du personnage dans
la comédie grecque voir supra note 105 ·
125. Emplois de diues : Ajl.167,170; As. 330, 499, 529 ; Au. 166, 184,196,
226,489,809 ; Ba. 331 ,338; Cap. 324; Ci. 532; Çu. 178, 373, 472, 485; Men. 577;
Mo_.228; Poe. 73, 516, 517,811; Ps. 1 323 ;Ru· 55 ; Tri .428,490, 829 5 Tru. 220.
126. Ditior Au. 809
dites Çu.472, 475, 485 ; Tri. 829.
127. Le tour diuitem fieri apparaît deux autres fois , au vers 529
de l'Asinaire et au vers 55 du Rudens.
128. Cap. 324 est jugé interpolé par Ritschl à cause de nostrum ( qui
à notre avis n'est pas plus déplacé ici qu'en Au.166).
129. Cf. étude de parasitus supra p. 98.
130. Cf. l'étude thématique p. 241 sqq.
131 · Cf .l'ouvrage de M.I. Finley L'économie antique.
132. Voir par exemple dans le livre de M.I. Finley des exemples de
cet état de fait empruntés à l'histoire de Rome et de la Grèce ( p. 125
sqq. notamment ).
133. " Est interdum praestare mercaturis rem quaerere , nisi tam pe-
riculosum sit , et item fenerari , si tam honestum sit...Et uirum bonum
- 337 -
274 . Notons ici qu'Arnobe (IV 9 ) évoque l'existence des Lucrii Dii.
275. Sur ce critère de la mobilité comme une des constantes du bien
possédé ( avec celui de l'entassement auquel il s'oppose ) , voir M. M. Mac-
toux qui distingue à propos de$ot>Âoj une possession appartenance et une
possession rupture ( par laquelle l'esclave est vu comme un objet qui circule)
( Douleia , esclavage
~~ et pratiques discursives dans l'Athènes classique ,
Paris 1980 ) .
276. Les références seront données à propos de l'étude de chacun des
couples antithétiques.
277. Drues sans pauper : Au. 1 66,809.
diues avec pauper : Au_. 1 84, 196,226,489 .
opulentus avec pauper : Au;24?,46i ,479»
278. Cf. J.Marouzeau , Traité de stylistique latine , Paris 1962,
p. 332 sqq.
279. Cf. infra l'étude thématique avec le thème de l'altitude ,
p. 212 sqq.
280. Cf. Au. 198.
281. Nous étudions infra p. 290 sqq. les expressions qui font du bien
un véritable aliment .
282. Au. 184, 196, 226, 489.
- 346 -
Indications bibliographiques
I) Lexique , Dictionnaires
Salât (P.) : L'adjectif miser, ses synonymes et ses antonymes chez Plaute
et Térence , R.E.L. 45 ,1967 , 252-275.
Schacht (J.) : Anthropologie culturelle de l'argent , le masque mortuaire
de Dieu , Paris 1973.
Schilling (R.) : Les dieux dans le théâtre de Plaute , Actes du IXène
Congrès Ass. G. Budé , I, Rome , 1973, 342-353.
Schutter (K.H.E.) : Quibus annis comoediae plautinae primum actae sint
quaeritur , Groningue 1952.
Segal (E.) : Roman laughter , the comedy of Plautus , Cambridge ,1970.
Serbat (G.) : Théâtre et société au second siècle avant J.C. , Actes du
IXème Congrès Ass. G. Budé , 1973, 394-403.
Svendsen (J.T.) : Goats and monkeys , A study of the animal imagery in
Plautus , diss. Univ. of Minnesota , Minneapolis , 1971 .
Taladoire (B.A.) : Essai sur le comique de Plaute , Monaco , 1956.
Veyne (P.) : Le pain et le cirque , Sociologie historique d'un pluralisme
politique , Paris 1976.
Wortmann (E.F.) : De comparationibus Plauti et Terentii ad animalia spectan-
tibus , Marburg ,1883.
- 36?
52 Egere
I) les traits de signification:
être dans un état de grande nécessité
qui provoque l'aide d'autrui
qui entraîne une douleur
qui résulte du gaspillage
qui est cause du mépris d'autrui
58 II) la manifestation syntaxique
importance du participe
présence ou non d'un complément
60 III) la famille d' egere:
A) egestas : état de dénuement absolu qui suscite
l'aide d'autrui ou son mépris
B) autres mots de la famille :
indigeo : même emploi qu'egeo avec valeur plus
déterminée
egenus
66 Inops
I) les traits sémiques:
qui est indigent
qui exhibe cette indigence
qui est méprisé
69 II) le manifestation dans la phrase
pas d'emploi substantive
pas de complément
70 Inopia
A) analyse sémique : dénuement absolu
qui entraîne une impuissance totale et qui est
senti comme un fléau
qui résulte de la malchance ou de la luxuria
et qui est suivi dans ce cas d'un blâme moral
75 B) manifestation dans la phrase : possibilité d'un
ment désignant l'argent
78 Comparaison des deux familles egere/ inops:
inopia, inops : situation de manque , vue comme un résultat
fléau entraînant la passivité du sujet
- 362
,
dénuement complet
recherche active de la subsistance
infamie
souffrance
91 Parasitus
I) goinfre
II) bouffon
III) qui s'acquitte d'une charge
IV) qui est misérable
106 Conclusion de l'étude analytique des termes du champ de la
pauvreté
107 Diues
I) les traits sémiques
qui possède beaucoup et qui a des appuis ( les
facteurs d'enrichissement )
qui est situé au sommet de la hiérarchie sociale
qui est inactif , dépensier , ingrat
qui méprise et exploite le pauvre
qui mérite d'être châtié
113 II) la manifestation syntaxique
adjectif épithète avec substantifs évoquant les
origines de la richesse
adjectif attribut
substantive , définissant dans ce cas un type d'homme
opposé au pauper
116 Diuitiae
biens accumulés
considérés comme une masse / comptabilisables
gagnés personnellement / hérités
état de richesse
- 363
126 Opulentus
la formation de l'adjectif
la composition sémique :
qui étale sa richesse et sa puissance
pour les dieux , en distribuant leurs
bienfaits aux mortels,
pour les hommes , en éclaboussant les
autres de leur faste
134 manifestation syntaxique : comparable à celle de diues,
sauf en ce qui concerne la variation
quantitative
136 mots de la famille :
opulenter
opulentia
opiparus
opimitas
opitulor
optimus
140 Locuples
traits sémiques:
qui possède fermement de grands biens
manifestation syntaxique : toujours adjectif
145 les polysémiques de la possession
Fortunatus
analyse sémique :
qui est favorisé par la chance
qui jouit du bonheur
qui jouit des biens matériels
149 manifestation syntaxique : la plupart du temps
jectif attribut
150 Luculentus
qui rayonne
qui séduit
qui est favorisé par la chance
qui est riche ou apporte la richesse
- 364
155 Beatus:
rempli
rempli de contentement
comblé de chance
comblé de biens matériels:
158 Rex
ses différents emplois :
A) véritable roi dans la fiction plautinienne
B) roi de la légende
C) personnage très important
D) protecteur attitré du parasitus
165 Res
ses différents emplois
A) possession ( res esse , rem habere )
B) acquisition ( rem parare , struere ...)
C) gestion ( rem seruare , tutari ...)
D) mauvaise gestion ( rem perdere , res labi )
169 1& res comme un bien solide qui confère le crédit ( res
et fides )
les différents emplois de res font ressortir deux élément!
solidité de la possession
activité du sujet possédant
173 Bona
biens (de toute nature)
biens matériels ( qu'il s'agisse de la catégorie de
possession , d'acquisition ou de celle de la
transmission par héritage ou don , ou encore de celle de l'ur
surpation )
importance de la mobilité des bona
178 Opes
le singulier *ops : le secours
la déesse Ops , mère de Jupiter
le pluriel opes :
- facultés mises en oeuvre dans un but déterminé
- biens matériels , transmis ou usurpés
comparaison res mea/ opes meae
diuitiae/ opes
365 -
1 82 Copiae
le singulier copia : faculté de faire quelque chose
Copia : déesse de l'abondance
le pluriel copiae : biens matériels
comparaison entre opes et copiae:
opes : ressources qu'on attend d'autrui
copiae : biens dont on dispose personnellement et plus a-
bondants que ceux désignés par opes
?d5 Tableau comparatif des polysémiques de la possession mettant
en lumière la situation des termes sur le plan des emplois
typiques , de la quantité des biens et de leurs mobilité .
19O Argentum
les divers emplois:
1) métal brillant
2) sommes précises utilisées dans les tractations
3) richesse ( en numéraire )
192 Aurum
les emplois :
1) le métal spécifique
2) la matière première des bijoux et des statues
3) les sommes précises utilisées dans les tractations
4) la richesse d'un personnage
193 Pecunia
les emplois:
1) somme utilisée dans les tractations
2) situation financière d'une personne
les rapports pecunia / pecu
194 Lucrum
signification : bénéfice que l'on obtient par son activité
et qui épanouit le bénéficiaire
197 Conclusion sur l'expression de la richesse:
variété de l'expression
absence de la distinction , comme en français, entre
le capital et les revenus
366 -
48. A. Deroc. Les monnaies gauloises d'argent de la vallée du Rhône, 1983 (volume
281).
50. P. Brun. Eisphora. Syntaxis. Stratiotika. Recherches sur les finances militaires
d'Athènes au IV e s. av. J.C, 1983 (volume 284).