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2008 11:02 Uhr Seite 26

HIGHLIGHTS Forum Med Suisse 2009;9(1–2):26–27 26

Neuropédiatrie: Les nouveaux antiépileptiques


Beaucoup de bruit pour peu de chose?

Jürg Lütschg
Abteilung für Neuropädiatrie, Universitäts-Kinderspital beider Basel

La résistance aux médicaments antiépileptiques sous-unités de ces récepteurs. Ceux-ci deviennent


représente un grand défi dans le traitement de dès lors plus facilement excitables, ce qui accroît
l’épilepsie. Chez plus de 30% des patients épilep- la probabilité des crises épileptiques dues à de
tiques, les antiépileptiques classiques ne par- faibles stimulus ou à des effets de synchronisa-
viennent pas à supprimer les crises d’épilepsie. tion [2, 4].
Même combinés entre eux, ils ne font, tout au En analysant les mécanismes d’action des anti-
plus, que réduire légèrement la fréquence de ces épileptiques, on observe que certains médica-
crises. D’autre part, si une monothérapie avec ces ments bloquent avant tout les canaux Na+, resp.
médicaments entraîne des effets secondaires les récepteurs activés par le glutamate (AMPA ou
chez plus de la moitié des patients, cette propor- NMDA); d’autres agissent sur différents types de
tion grimpe au-delà de 80% si le traitement com- canaux Ca++ activés par le voltage, sur les récep-
bine deux ou trois antiépileptiques. Cela fait teurs GABA ou sur les canaux Cl–. La vue d’en-
20 ans que l’on cherche à améliorer cette situa- semble présentée dans le tableau 1 p montre
tion insatisfaisante par le développement de nou- bien que les mécanismes d’action moléculaires
veaux antiépileptiques. des antiépileptiques classiques et nouveaux sont
Alors, où en est-on aujourd’hui? similaires. Seuls font exception le lévétiracétam
Chez environ 25% des patients, même les nou- qui diminue la libération des neurotransmetteurs
veaux médicaments ne permettent pas de contrô- par blocage de la protéine SV2A, et la lamotrigine
ler les crises épileptiques de façon satisfaisante. qui agit sur les récepteurs Na+ et H. Ces derniers
Seule consolation, bien légère face à ce résultat stabilisent les membranes excitables [2].
particulièrement décevant, l’incidence des effets Toutefois, cette ressemblance entre les méca-
secondaires a diminué. On peut légitimement se nismes d’action n’explique que partiellement le
demander pourquoi les efforts intenses de déve- manque d’efficacité des nouveaux antiépilep-
loppement et de recherche sur de nouvelles subs- tiques contre les épilepsies résistantes aux trai-
tances n’ont pas conduit à une percée dans ce tements classiques. Et même si le traitement par
domaine. lévétiracétam a montré une efficacité relative
Pour éclaircir cette question, voici d’abord un dans certaines formes de crises partielles, dé-
bref aperçu de certains éléments physiopatholo- clenchées avant tout dans le lobe frontal, il n’en
giques qui peuvent être à l’origine d’une crise demeure pas moins qu’une grande partie des
d’épilepsie. Le premier élément comprend les épilepsies partielles – notamment les épilepsies
troubles des canaux ioniques qui sont le plus sou- partielles symptomatiques – continuent à résister
vent congénitaux. On y trouve des affections des au traitement.
canaux Na+ et K+ activés par le voltage, des affec- Cela peut s’expliquer par le fait que les antiépi-
tions des canaux Cl– activés par les récepteurs de leptiques n’exercent pas d’effet sur certains autres
GABA et par le voltage, ainsi que des modifica- mécanismes physiopathologiques importants lors
tions touchant les récepteurs de l’acétylcholine. du déclenchement des crises. On a par exemple
Le deuxième élément comprend les troubles des démontré que la concentration extracellulaire de
protéines de transport neuronales (par ex. une al- K+ était plus élevée dans les foyers épileptiques.
tération du transport de glucose dans les neu- Or différentes données expérimentales montrent
rones suite à un déficit en GLUT-1). Le troisième que cette concentration joue un rôle important
élément est vraisemblablement le plus impor- dans le déclenchement des décharges neuronales
tant: il s’agit des troubles de certains réseaux répétitives et synchronisées.
neuronaux circonscrits, par ex. lors de dysplasies De plus, il est possible que la transformation,
corticales, ou de lésions cérébrales acquises, très l’adaptation ou la désinhibition de certains ré-
localisées. La surexcitabilité peut alors provenir seaux neuronaux puissent induire une tolérance,
d’une augmentation de l’activation des récep- comme elle s’observe parfois pendant un traite-
teurs du glutamate (récepteurs AMPA ou NMDA) ment par antiépileptiques, ou provoquer de nou-
ou d’une diminution de la réponse des récepteurs velles sortes de crises. Ce phénomène est un peu
de GABA. Ce sont précisément les crises répétées plus fréquent avec certains médicaments (par
qui, par l’activation des récepteurs NMDA et par ex. le vigabatrin et les benzodiazépines), mais il
l’augmentation de l’influx de Ca++ qui y est asso- reste en général difficilement prévisible.
ciée, peuvent entraîner des transcriptions anor- Autre cause de résistance au traitement qui ne se
males de certains gènes et ainsi modifier des laisse pas influencer jusqu’ici: la régulation vers
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le haut des protéines de transport des médica- En conclusion, il faut retenir que le patient doit
ments. Ces molécules empêchent les antiépilep- être informé d’emblée des problèmes potentiels
tiques de produire leur effet à l’endroit désiré liés à un traitement antiépileptique. Lorsque l’on
[1, 3]. Et ce sont précisément les gènes codant ces n’arrive pas à supprimer entièrement les crises
molécules de transport qui sont parfois surexpri- par la combinaison de deux ou trois antiépilep-
més dans les foyers épileptogènes. Cela explique tiques, il est très peu probable que l’administra-
la résistance aux traitements par tous les anti- tion d’autres antiépileptiques, classiques ou
épileptiques, comme par exemple celle constatée nouveaux, permette de juguler complètement ces
lors d’épilepsies dues à une déformation du cor- crises. L’avantage essentiel des nouveaux anti-
tex cérébral. épileptiques réside dans la réduction des effets
secondaires induits.

Tableau 1. Les principaux mécanismes d’action des antiépileptiques classiques et nouveaux (modifié selon [2, 3]).

Blocage des Blocage de Augmentation Potentialisation Blocage Autres mécanismes


canaux l’excitation de la concentration sélective des réponses des canaux Ca d’action
Na activés induite par cérébrale ou induites par le GABA-A
par le voltage le glutamate synaptique de GABA
Médicaments
antiépileptiques
classiques
benzodiakzépines
Benzodiazepine – – – + – ?
carbamazépine
Carbamazepin ++ – ? – + (type L) +
éthosuximide
Ethosuximid – – – – ++ (type T) ?
phénobarbital
Phenobarbital – – + + – +
phénytoïne
Phenytoin ++ – ? – ? +
valproate
Valproat ? – + ? + (type T) ++
Nouveaux
médicaments
antiépileptiques
felbamate
Felbamat ++ ++ + + + (type L) +
gabapentine
Gabapentin ? – + – ++ (types N, P/Q) +
lamotrigine
Lamotrigin ++ – + – ++ +
lévétiracétam
Levetiracetam – – ? + + (type N) ++
oxcarbazépine
Oxcarbazepin ++ – ? – + (types N, P) +
prégabaline
Pregabalin – – ? – ++ ?
rufinamide
Rufinamid ++ – – – – +
tiagabine
Tiagabin – – ++ – – +
topiramate
Topiramat ++ ++ + + + (type L) +
vigabatrin
Vigabatrin – – ++ – – +
Zonisamid
zonisamide ++ – ? – ++ +
++ effet principal
+ effets secondaires
– pas d’effet connu
? controversé

Correspondance: Références
Prof. Jürg Lütschg 1 Brandt C, Bethmann K, Gastens AM, Löscher W. The mul- 4 Schmid D, Löscher W. Drug resistance in Epilepsy: Putative
Universitäts-Kinderspital tidrug transporter hypothesis of drug resistance in epilepsy. Neurobiologic and Clinical mechanisms. Epilepsia. 2005;46:
Neurobiology of disease. 2006;24:201–11. 848–77.
beider Basel
2 Pellock JM, Bourgeois BFD, Dodson WE. Pediatric Epilepsy. 5 Stafstrom EC. Epilepsy: a review of selected clinical syndromes
Abt. für Neuropädiatrie New York: Demos; 2008. and advances in basic science. Journal of Cerebral Flood
CH-4005 Basel 3 Peruca E. An Introduction to Antiepileptic Drugs Epilepsia. flow & metabolism. 2006;26:983–1004.
juerg.luetschg@ukbh.ch 2005;Suppl.4:31–7.

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