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LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Année 2022 Séance n°5

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Le contrat de travail est un contrat à exécution successive. Cela veut dire que ce dernier est
évolutif selon les volontés des parties (employeur/salarié).

Le contrat de travail doit donc évoluer en fonction des nécessités de l’entreprise, du salarié et
dernièrement (COVID) en raison d’imprévus des deux parties au contrat.

Il ne faut pas toutefois, de protéger les intérêts des salariés parce que ces derniers sont en
position de faiblesse par rapport à l’employeur. La loi et la jurisprudence tentent donc de
conjuguer ces intérêts contradictoires. Généralement, lorsque c’est le salarié qui souhaite voir
« évoluer » sa situation professionnelle (retour de congé parental d’éducation, demande de
modification des conditions de son travail) un principe est dégagé par la jurisprudence, c’est
l’obligation de loyauté, obligation inhérente d’ailleurs à tout contrat. N’oublions pas qu’en
vertu du pouvoir de Direction, l’employeur est libre d’accepter ou de refuse la demande du
salarié. Une demande de modification par le salarié ne constitue pas une faute ceci en vertu du
principe de l’exécution successive du contrat de travail Cass.soc.9/01/02 n°99-44.153 F-D.
Mais commettra une faute, le salarié qui face au refus de son employeur, décide de ne pas
tenir du compte et applique les modifications refusées Cas.soc 13/10/99 n°97-41.757 D.

Depuis un arrêt du 10 juillet 1996 (Bull, civ, V, n° 278), la Chambre sociale de la Cour de
cassation distingue les modifications des conditions de travail (modifications mineures), telles
que mutations dans un autre service, modification de l’horaire de travail (hormis pour le
temps partiel), que le salarié doit accepter, faute de quoi l’employeur pourrait le licencier mais
attention toutefois à la motivation de la décision de l’employeur.
La Chambre sociale de la Cour de Cassation a indiqué dans un arrêt en date du 20 novembre
2013 Cass soc n° 12.30.100 le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de
travail, s’il caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, ne constitue pas
à lui seul une faute grave.

Outre les modifications non essentielles il existe des modifications essentielles telle est le cas
des modifications du contrat de travail, relatives à la rémunération, la durée du travail, le lieu
de travail, la qualification professionnelle, que le salarié peut refuser sans être considéré
comme fautif. Dernièrement, la Cour de Cassation a considéré que l’employeur qui modifie
unilatéralement les responsabilités du salarié est en situation de faute. Le salarié pourra
considéré qu’il existe une prose d’acte de rupture du contrat Cass soc 20 novembre 2013
n°1225958.

I. Modification du contrat ou des conditions de travail


La mesure qui affecte un ou plusieurs éléments essentiels ou déterminants du contrat de
travail (éléments dits « contractuels ») du salarié correspond à une modification du contrat qui
nécessite l'accord de l'intéressé selon la procédure particulière
Il faut savoir que les éléments essentiels du contrat de travail ne sont pas définis par la loi. Le
droit de l'Union européenne en donne une énumération qui n’est pas limitative.

La jurisprudence a dégagé principalement deux pôles : le salaire et la durée du travail. Ces


deux éléments sont par nature sont considérés comme déterminants et suppose donc
l’application d’une procédure précise.

A. Modifications en l’absence de clause

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1er le salaire
La rémunération du salarié résulte en principe du contrat de travail, sous réserve du respect,
d'une part, du Smic et, d'autre part, des avantages résultant des accords collectifs et des usages
ou engagements unilatéraux de l'employeur.

La rémunération ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l'accord express du
salarié même de manière minime Cass.soc 19/05/98 n°96-41573 PB et quand bien même si
l’employeur propose un système plus avantageux Cass.soc 28/01/98 n°95-40275 PBR ou si la
modification ne porte que sur la partie variable du salaire Cass.soc 16/02/99 n°96-45.013D.

Attention : Les objectifs fixés unilatéralement par l'employeur et conditionnant le versement


d'une rémunération variable peuvent être modifiés sans l'accord de l'intéressé, s'ils sont
réalisables et ont été communiqués au salarié en début d'exercice Cass.soc 02/03/11 n°08-
44.977 FP-PB

2ème Le temps de travail


Sauf exception, l'employeur ne peut pas modifier, sans l'accord du salarié, la durée du travail
mentionnée au contrat, même si la rémunération du salarié est maintenue Cass.soc 30/03/11
n°09-70.853 F-D.
En revanche, sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et
familiale ou à son droit au repos, l'employeur peut librement fixer une nouvelle répartition des
horaires de travail au sein de la journée Cass. Soc 22/02/00 n°97-44-339 PB ou de la semaine
dès lors qu'il n'en résulte aucune modification de la durée contractuelle du travail ou de
la rémunération contractuelle Cass.soc 09/04/02 n°99-45.155 FS-P.
Ainsi, si les horaires ont été contractualisés ou jugé déterminants par les parties (l'horaire
modifié tenait compte de la situation personnelle du salarié), il faut appliquer une procédure
particulière.

3ème Le lieu de travail


La mutation d'un salarié non soumis à une obligation conventionnelle ou contractuelle de
mobilité (clause de mobilité), ou dont le contrat ne prévoit pas de manière claire et précise que
l'intéressé exécutera son travail exclusivement en un lieu déterminé, n'emporte une
modification du contrat de travail que si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur
géographique différent Cass soc 20/02/19 n°17-24.094 F-D
Par dérogation, un déplacement occasionnel en dehors du secteur géographique où le salarié
travaille habituellement peut lui être imposé s'il est motivé par l'intérêt de l'entreprise, justifié
par des circonstances exceptionnelles et si le salarié est préalablement informé dans un délai
raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible Cass soc
15/03/06 n°04-47.368 F-P ou si les fonctions du salarié impliquent une certaine mobilité (ex.
chef de chantier Cass soc 21/01/03 n°00-43.826 FP-PBRI.

4ème Les fonctions ou l’organisation du travail


L'employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification Cass.soc
02/10/02 n°00.42.003 F-D ou de la nature de ses fonctions Cass.soc 08/10-03 n°01-44.772 F-
D
-Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2001), que la société Self image a engagé Mme
Devriendt le 6 octobre 1997 en qualité d'assistante chargée de dossiers - niveau 2-1
coefficient 275 de la convention collective des bureaux d'études techniques - ; qu'elle lui a
notifié deux avertissements le 18 décembre 1997 et le 20 mai 1998 ; que, le 2 juillet,
l'employeur affectait la salariée à un poste d'assistante comportant des fonctions d'accueil

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tout en maintenant une partie de ses fonctions antérieures, sa rémunération étant inchangée ;
qu'à la suite d'un échange de courriers dans lesquels la société invoquait des manquements,
la salariée, qui en contestait le bien-fondé, refusait le poste auquel elle avait été affectée,
estimant qu'il entraînait une déqualification, et demandait un rappel de salaire pour heures
supplémentaires ; que la société a licencié Mlle Devriendt par courrier du 22 juillet 1998 ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné la société Self image à des dommages-
intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°  que l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut changer les conditions de
travail d'un salarié ; qu'il peut ainsi, sans alors modifier le contrat de travail, lui confier de
nouvelles tâches ou des tâches de nature différente dès l'instant où elles sont du ressort de sa
qualification ; que dès lors, en se bornant à affirmer que l'adjonction d'une nouvelle tâche
dépourvue de responsabilité à la fonction initiale d'assistante chargée de dossiers entraînait
une modification du contrat de travail, sans rechercher si cette tâche était de celles qui
pouvaient être confiées à une assistante chargée de dossier, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2°  que dans l'hypothèse où le salarié refuse la modification du contrat proposée par
l'employeur en raison de son incompétence professionnelle, ce dernier peut décider de le
licencier et il appartient alors au juge d'examiner si les faits invoqués à l'appui de la
modification peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que, dès lors,
en se bornant à constater que le refus par la salariée de la modification de son contrat de
travail ne pouvait fonder un licenciement, sans rechercher si l'incompétence professionnelle
de cette dernière, à l'origine de la proposition comme l'indiquait la lettre de licenciement ne
pouvait fonder le licenciement, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a ainsi
violé l'article L 122-14-3 du Code du travail ;
3°  que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe pas
particulièrement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant seulement alléguer les faits
précis sur lesquels il fonde sa décision ; que dès lors, en exigeant de l'employeur qu'il
rapporte la preuve de la réalité et du sérieux des faits invoqués à l'appui du licenciement, la
cour d'appel a violé l'article L 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que l'adjonction d'une nouvelle tâche d'accueil
dépourvue de responsabilité à la fonction initiale d'assistante chargée de dossiers affectait la
nature même des fonctions de la salariée, a pu décider que l'employeur avait modifié le
contrat de travail de Mlle Devriendt ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté que le licenciement était fondé sur le
refus de la modification du contrat que la salariée était en droit d'opposer, et que les
nouveaux manquements allégués n'étaient pas établis, a décidé que le licenciement était
dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

En revanche, l'employeur peut, sans l'accord du salarié, modifier sa cadence de travail si cela
n'a aucune répercussion sur sa rémunération ou son temps de travail, l'affecter à une tâche
différente de celle qu'il exerçait antérieurement, mais correspondant à sa qualification, si cette
nouvelle affectation ne s'accompagne pas de la perte d'avantages salariaux ou d'une baisse des
responsabilités

B. Modifications en présence de clauses


1er La clause imprécise
Une clause du contrat de travail ne peut pas permettre à l'employeur de modifier
unilatéralement un élément du contrat de travail  tel que la rémunération ou la durée du travail
Est nulle la clause qui autorise par avance l'employeur à modifier la partie variable du salaire
en fonction de l'évolution du marché et des produits de la marque, sans autre précision Cass

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soc 30/05/00 n°97-45.068 FS-PB ou faisant dépendre le calcul de cette partie de la seule
volonté de l'employeur (c’est une clause léonine) Cass.soc 09/05/19 n°17-27.448 FS-PB

2ème Exemple de clause précise : la clause de mobilité


L'employeur peut, en principe, imposer une mutation au salarié dont le contrat de travail
comporte une clause de mobilité à la condition que cette clause définisse de façon précise sa
zone géographique d'application et ne confère pas à l'employeur le pouvoir d'en étendre
unilatéralement la portée.
Le salarié peut refuser sa nouvelle affectation si cette dernière s'accompagne de la
modification de sa rémunération ou de ses horaires.

Un salarié ne pouvant pas accepter par avance un changement d'employeur, la clause de


mobilité par laquelle il s'engage à accepter toute mutation dans une autre société est nulle,
même si cette dernière appartient au même groupe ou à la même UES Cass. Soc 23/09/09
n°07-44-00 FS-PBRn

Une clause par laquelle le salarié prend l'engagement d'accepter tout changement de lieu de
travail nécessité par l'intérêt ou le fonctionnement de l'entreprise dans la limite géographique
du territoire national peut être valable lorsque la nature de ses fonctions implique une telle
mobilité (cas du consultant en informatique.
L'employeur ne peut pas invoquer une clause de mobilité pour obliger le salarié à partager son
temps de travail entre deux établissements de l'entreprise.

L'employeur doit respecter les conditions fixées le cas échéant par la convention collective
pour la mise en oeuvre de la clause de mobilité. À défaut, la mesure est abusive, et le salarié
est en droit de retrouver son poste ou un poste similaire.
L'employeur doit respecter la convention collective subordonnant l'application de la clause
contractuelle à une concertation préalable), à une notification écrite, à l'observation d'un délai
de prévenance ou à l'existence de sérieuses nécessités de service.

II- La procédure

Toute modification du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit (même disciplinaire),
est subordonnée à l'accord clair et non équivoque du ou des salariés concernés.

La procédure à mettre en oeuvre par l'employeur est différente selon que la modification
envisagée repose ou non sur un motif économique.

A. La modification d’ordre économique


Lorsqu'ils reposent sur un motif économique et ne revêtent pas un caractère ponctuel, les
projets de modification doivent faire l'objet d'une consultation du CSE avant toute décision
Mais une telle consultation n’est pas obligatoire, sauf disposition conventionnelle contraire,
en cas de modification individuelle pour motif économique.

1er La proposition faite au salarié


L'employeur doit proposer à chaque salarié concerné la modification envisagée par lettre
recommandée avec avis de réception, en l'informant de ses nouvelles conditions d'emploi et
des éventuelles mesures d'accompagnement, telles que la prise en charge des frais qu'entraîne
la modification, et en lui précisant qu'il dispose d'un délai d'un mois ou de 15 jours en cas de
redressement ou liquidation judiciaires à compter de sa réception pour faire connaître son

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refus.
L'employeur n'a pas à mettre en oeuvre la procédure de licenciement à ce stade : il ne devra le
faire qu'en cas de refus du salarié et en tout état de cause pas avant l'expiration du délai de
réflexion. À défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la
modification.

Cette procédure n’est valable que pour un motif économique article 1223-3 du code du
travail.

Cette procédure est inapplicable même si la modification n'est pas inhérente à la personne du
salarié, ou lorsque l'employeur propose un reclassement au salarié dont le licenciement
économique a été décidé ou en cas de changement d'employeur résultant du transfert d'un
service ou de sa gestion à un tiers, un tel changement constituant une novation du contrat de
travail qui nécessite l'acceptation expresse du salarié.

Seule une réponse expresse et positive, ou le silence gardé par le salarié au-delà du délai de
réflexion imparti, vaut acceptation de la modification proposée par l'employeur. L'acceptation
résultant du silence du salarié lui reste opposable, même si par la suite le motif économique
invoqué est jugé inexistant.

Attention : une acceptation avec réserve, vaut réponse négative. Il en est de même d'un
courrier du salarié faisant valoir le caractère contraire à son contrat de la modification
envisagée

B. La modification pour un autre motif que celui d’ordre économique


Dans les autres cas de modification, et sauf disposition conventionnelle contraire,
l'information du salarié est obligatoire, mais elle n'est soumise à aucune condition de forme.

L'employeur ne peut se dispenser d’informer le salarié par un accord passé avec les
représentants du personnel.
L’employeur doit laisser à l'intéressé un délai suffisant (délai raisonnable) pour faire
connaître son acceptation ou son refus. L'administration préconise le respect d'un délai de 15
jours (Inst. DRT 30-7-1993 réputée abrogée) au risque d’être sanctionné pour précipitation
fautive.
Attention : la modification pour un motif disciplinaire oblige l’employeur à respecter la
procédure disciplinaire.

2ème La sanction
l'employeur qui ne respecte pas la procédure ne peut se prévaloir ni d'une acceptation ni d'un
refus du salarié, et le licenciement prononcé en raison de ce dernier est sans cause réelle ni
sérieuse.

Parce-que le salarié peut accepter ou refuser la proposition de l'employeur de modifier son


contrat de travail. C'est à l'employeur qu'il appartient de tirer les conséquences de sa réponse,
positive ou négative.
l'accord du salarié doit être exprès, c’est à l'employeur d'apporter la preuve de cette
acceptation.
Le silence du salarié ou la poursuite par lui du travail aux nouvelles conditions ne peuvent
suffire à établir qu'il a accepté la modification de son contrat même si le contrat s’est
poursuivi pendant plusieurs mois ou années ou sans qu’il ne proteste.

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3ème Les conséquences du refus du salarié
En cas de refus par le salarié de la modification de son contrat, l'employeur dispose de deux
options.
-poursuivre le contrat aux conditions initiales
-prendre l'initiative d'un licenciement

S'il opte pour le licenciement, la procédure à respecter diffère selon que la modification a été
envisagée pour un motif économique (application de la procédure économique ou personnel.

Attention : Lorsque le salarié revient sur son refus au cours de l'entretien préalable,
l'employeur perd tout motif pour le licencier.
L'employeur qui envisage de licencier au moins 10 salariés ayant refusé une proposition de
modification de leur contrat pour motif économique doit mettre en oeuvre la procédure de
licenciement collectif pour motif économique) et établir, le cas échéant, un plan de
sauvegarde de l'emploi (PSE) c’est-à-dire une mesure visant les entreprises d’au moins 50
salariés, avec un projet de réduction d'effectif d’au moins 10 salariés sur 30 jours

La lettre de licenciement doit à la fois indiquer les raisons ayant conduit l'employeur à décider
la modification et le fait que le licenciement intervient à la suite du refus du salarié de voir
son contrat modifié.
Est donc sans cause réelle et sérieuse le licenciement uniquement motivé par l'abandon de
poste du salarié refusant de se conformer au nouvel horaire ou par son refus d'accepter la
modification du contrat proposée, ce refus ne constituant pas par lui-même un motif de
licenciement.
Si le salarié est toujours en droit de refuser la modification de son contrat, le motif de la
modification peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ces cas sont assez
rares.
Le salarié licencié pour avoir refusé une modification de son contrat de travail peut, s'il réunit
les conditions d'ancienneté requises, prétendre à une indemnité de licenciement.

Si toutefois la modification du contrat est imposée par l’employeur, le salarié peut exiger la
poursuite du contrat aux conditions antérieures.
La modification du contrat de travail imposée au salarié par l'employeur justifie la résiliation
judiciaire du contrat de travail ou une prise d'acte de la rupture à ses torts.

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