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Présentation brève :
- Ce texte a d’abord appartenu aux Amours ; il fut publié ensuite, en 1553, sous
le titre « Ode à Cassandre », puis rattaché en 1555 aux Quatre premiers livres
des Odes.
- Il s’agit d’une ode sur le modèle de l’ode pindarique à trois strophes (mais
alors que chez Pindare, poète grec du Vème siècle avant Jésus-Christ la
troisième strophe est plus brève que les deux autres, chez Ronsard, elles sont
toutes trois d’égale longueur), trois sizains d’octosyllabes.
[rappel : une ode =poème composé de trois strophes de même longueur ;
registre lyrique ; célébration d'une personne, un événement, un lieu. ]
Chaque strophe suit le même schéma pour les rimes ( 2 suivies puis 4
embrassées), mais les rimes varient selon les strophes, ce qui donne une vraie
richesse musicale au poème ; de plus, la prédominance des rimes féminines
contribue à créer un climat de douceur autour de cet hommage à la femme.
-notre texte : le poète reprend ici le motif du carpe diem (= cueille le jour »)
d’Horace, poète latin du Ier siècle avant Jésus-Christ ( cf. Odes d’Horace :
« Pendant que nous parlons, voilà que le temps jaloux a fui : cueille le jour, sans
te fier au lendemain » ), invitant celle qu’il aime à profiter de la vie.
Lecture expressive
Mouvements :
-strophe 1 : la beauté de la rose et de la femme
-strophe 2 : l’existence éphémère de la fleur selon la loi de Nature
-strophe 3 : l’exhortation adressée à la femme aimée à profiter de la vie.
Etude linéaire
Premier mouvement =
-le mot « mignonne » au début du premier vers donne à la strophe un élan et
un ton : cet adjectif que l’on pourrait remplacer par « chérie » prend la valeur
d’une apostrophe familière.
La virgule après « mignonne » (dont le e final est élidé dans la lecture du vers
ce qui donne un rythme 2/6 au premier vers) génère une coupe rythmique.
cela suggère que le poème est intégralement adressé à une seule personne.
Cette femme, le poète l’invite à une promenade sentimentale avec la formule
« allons voir si la rose » : l’impératif à la 1pp réunit les deux amants dans une
sorte de geste enveloppant.
Les consonnes liquides (donc le L )accentuées renforcent l’élan de cette
invitation ; un balancement sonore est créé par la variation sur le son [o ]: on
passe du [o ]ouvert de « mignonne » au [o ]nasalisé de « allons » et au [o]
fermé de « rose » ; cette reprise d’un son avec des modulations donne une
tonalité très musicale au texte et accentue l’écho que se font les mots
« mignonne « et « rose »aux deux extrémités du vers : dès le départ, la femme
se trouve comparée à la fleur.
-le vers 2 suggère la personnification de la rose, sujet du verbe « déclore » ;
il laisse aussi supposer avec le CCT « ce matin » qu’une première promenade
des amants a déjà eu lieu, la fleur est déjà connue ce que suggère l’emploi de
l’article défini « la »devant le nom « rose » ; ce deuxième vers annonce le
changement subi par la rose, comme le donne à entendre le plus-que-parfait
« avait déclose »qui renvoie à un moment antérieur.
-l’enjambement aux vers 2/3 produit un allongement du rythme qui rappelle le
l’épanouissement de la rose, qui se défroisse peu à peu, ouvre sa corolle, on
peut d’ailleurs remarquer l’emploi du mot « robe » qui file la personnification
de la rose ; les couleurs représentées par les mots « pourpre « et
« Soleil »confèrent un éclat à toute la strophe qui resplendit de la beauté de la
fleur.
On peut remarquer que Ronsard ne décrit pas un jardin, mais en suggère le
climat et l’atmosphère grâce aux couleurs, mais aussi à la musicalité des rimes :
après les deux rimes féminines suivies en [ose ], des rimes masculines
éclatantes en [eil ] viennent embrasser les rimes féminines en [ée], de plus
aucune coupe n’interrompt ces octosyllabes comme dans une sorte de temps
immobile, arrêté, et paisible, heureux
-l’allitération en [p ]saccade le vers 4 , ce qui renforce l’angoisse contenue
dans l’interrogation implicite : le poète se doute que la rose ne peut que
décliner, que perdre ce qui faisait sa splendeur le matin même ;
on remarque que ce vers 4 marque une limite temporelle, la fin de la journée
initiée au vers 2( le CCT « cette vêprée » qui suit immédiatement le verbe
« perdre «correspond symétriquement au CCT du vers 2 « ce matin »), ce qui
accentue l’impression de rapidité, le temps s’écoule suivant la course du
soleil ;
Deuxième mouvement =
-la strophe 2 commence par un monosyllabe, « las », mot très court qui suffit
pourtant à exprimer le changement radical de ton, le rythme impair de ce
premier vers 1/7suggèrant aussi la dissonance ;
l’impératif « voyez » n’exprime pas un élan comme l’injonction initiale du
poème« allons voir »: ici il s’agit plutôt de prendre la jeune fille à témoin pour
un constat amer ;
la brièveté du temps écoulé se trouve soulignée, par l’assonance en [a ]
(« las »/ »espace » l’espace apparaissant comme une représentation plus
concrète de la durée ;
-la logique est symétrique par rapport au premier sizain où la rose était
comparée à la femme : la femme est ici comparée à la rose, comme le montre
au vers 24 « tandis que votre âge fleuronne » dont le verbe permet le
rapprochement avec la fleur ;
-les deux derniers vers également unis par l’enjambement éclairent la leçon
d’épicurisme en dévoilant le sens de la comparaison : le mot « vieillesse » à la
rime s’oppose à « jeunesse », sa position finale dans le vers souligne encore la
fuite inexorable du temps
Petite synthèse
- le poète exploite les lieux communs que sont le thème de la fuite du temps et
la comparaison femme // rose, toutefois ce texte dégage un charme particulier,
car sa musicalité, son rythme en font une sorte d’incantation contre la mort ;
le carpe diem
- chez les auteurs antiques : Tibulle, Properce, Ovide
- chez les poètes qui ont suivi Ronsard : Malherbe (XVIIème siècle), Raymond
Queneau (XXème siècle « Si tu t’imagines », réécriture mise en musique par
Vladimir Kosma, chantée par Juliette Gréco).