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bonne-interpretation

La MAPA : quelles sont les clés d’une bonne


interprétation ?
J.-Ph. BAGUET, CHU de Grenoble

La pression artérielle (PA) est un paramètre biologique éminemment variable. Les variations
sont de deux types : cycliques (à court et long termes) et non cycliques (contraintes physiques
et psychosensorielles, facteurs endogènes ou exogènes). Il est donc très intéressant en
pratique clinique de disposer d’un outil non invasif réalisant de nombreuses mesures sur les 24
heures : la mesure ambulatoire de la PA (MAPA).

Avant de discuter des clés d’une bonne interprétation de cette méthode de mesure de la PA,
rappelons les avantages et les indications de la MAPA.

Les avant ages de la MAPA

• C’est la méthode de mesure non invasive de la PA qui apporte le plus de renseignements,


davantage que l’automesure tensionnelle et a fortiori que la mesure clinique.
• Elle permet de déterminer la PA non seulement durant les 24 heures mais également durant le
jour et la nuit.
• Elle permet de comparer les valeurs de PA diurne et nocturne ; les sujets dont la PA ne chute
pas la nuit d’au moins 10 % par rapport au jour sont appelés non dippers.
• Elle permet de détecter une éventuelle HTA paroxystique. Elle est plus reproductible que la
mesure de PA clinique.C’est une technique bien tolérée.
• Elle a un intérêt pronostique bien démontré (lésions des organes cibles, morbi-mortalité
cardiovasculaire).

Les indicat ions de la MAPA

Elles sont multiples et bien reconnues tant au niveau national (Haute Autorité de Santé)
qu’européen (ESH-ESC) ou nordaméricain (JNC7).
• Éliminer une HTA blouse blanche. Celle-ci est définie par une PA clinique > 140/90 mmHg
mais une PA normale (< 135/85 mmHg) en MAPA de jour ou en automesure. La prévalence de
l’HTA blouse blanche est d’environ 20 %. Elle est plus fréquente chez les sujets âgés et les
femmes, et lorsque l’HTA clinique est de grade I ou II et/ou récente. Elle est associée à une
morbi-mortalité cardiovasculaire faible.
• Rechercher une hypotension orthostatique symptomatique ou des épisodes
hypotensifs. Ceci est particulièrement important chez les sujets âgés pouvant être
symptomatiques avec ou sans traitement antihypertenseur (risque de chute). L’utilisation d’un
capteur de position peut être utile afin de savoir si les mesures ont été réalisées en position
debout (cuisse verticale) ou assis/couché (cuisse horizontale).
• Confirmer une HTA résistante ou réfractaire.
Celleci est définie par la persistance de chiffres tensionnels au-delà de l’objectif thérapeutique
malgré les règles hygiéno-diététiques et un traitement antihypertenseur à doses optimales
comprenant un diurétique thiazidique. Elle représente environ 10 % des HTA traitées
L’existence d’une HTA réfractaire clinique doit être confirmée par une MAPA ou une
automesure.
• Étudier la PA des 24 heures chez une femme enceinte présentant des chiffres de PA
clinique élevés ou suspectée de prééclampsie.
Ceci permet une meilleure prise en charge de l’HTA sur ce terrain spécifique, en ne
méconnaissant pas une HTA (en particulier nocturne), mais également en éliminant une HTA
blouse blanche. Compte tenu de la durée du suivi de la PA au cours d’une grossesse,
l’automesure semble être à privilégier, la MAPA gardant cependant quelques indications.
• Mieux apprécier le niveau tensionnel chez les patients ayant une grande variabilité de
leur PA et dépister des HTA épisodiques, voire
paroxystiques. De nombreux patients, en particulier âgés, ont une grande variabilité de leur
niveau tensionnel. Il est parfois difficile de prendre en charge sur le plan thérapeutique ces
anomalies de la PA : risque de sur-traiter un patient ou à l’inverse de méconnaitre une HTA plus
sévère. Cette variabilité tensionnelle explique en grande partie la pseudo hypertension. Quant à
la détection d’une HTA paroxystique, elle est particulièrement intéressante chez les sujets très
symptomatiques ou lorsqu’un phéochromocytome est suspecté.
• Connaître le niveau tensionnel des patients hypertendus à faible risque cardiovasculaire.
Il est en effet recommandé, chez un sujet n’ayant pas d’autre facteur de risque cardiovasculaire
(ou lésion d’un organe cible ou atteinte cardiovasculaire, cérébrovasculaire ou rénale) qu’une
HTA clinique grade I ou II, de mieux apprécier sa PA par une MAPA ou une automesure. Si l’HTA
est de grade I dans ce contexte, confirmée par une MAPA, il est licite de temporiser plusieurs
mois avec des règles hygiéno-diététiques avant de mettre en route un traitement
antihypertenseur.
• Apprécier le niveau tensionnel des sujets porteurs d’un syndrome d’apnées obstructives
du sommeil
(SAOS). Le SAOS est associé à une prévalence élevée d’HTA. Celle-ci est volontiers nocturne
du fait de la prédominance des apnées la nuit avec parfois inversion du cycle nycthéméral.
D’autres caractéristiques sont la prédominance diastolique de l’HTA et la présence fréquente
d’un statut non dipper. Tous ces éléments sont bien mis en évidence par la MAPA.
• Les autres indications de la MAPA :
– Pathologies associées à une dysautonomie, telles que la maladie de Parkinson et le diabète. –
Insuffisance cardiaque.Une MAPA peut être intéressante soit parce que l’HTA n’est pas
contrôlée, le plus souvent dans le cadre d’une insuffisance cardiaque à fonction systolique
préservée, soit pour mieux appréhender le pronostic chez un insuffisant cardiaque à PA clinique
basse. – Suivi des patients ayant bénéficié d’une transplantation d’organe (rein, coeur, foie, etc.)
chez lesquels on retrouve dans plus des deux tiers des cas une HTA (volontiers secondaire au
traitement immuno-suppresseur), souvent associée à un statut non dipper.
Une entité particulière découverte grâce à la MAPA (et à l’automesure tensionnelle) est l’HTA
masquée. Elle est définie par une PA clinique normale mais une HTA ambulatoire. Son pronostic
est proche de celui de l’HTA avérée mais sa prise en charge reste encore mal définie.

Une ent it é part iculière découvert e grâce à la MAPA est l’HTA masquée.

Quelles sont les clés d’une bonne int erprét at ion ?

Un préalable indispensable avant d’interpréter une MAPA est que les appareils utilisés soient
validés (AFFSAPS) et que la taille du brassard soit adaptée à la circonférence du bras.
De plus, toujours sur le plan technique, la différence entre la mesure MAPA à la pose et celle de
la mesure concomitante avec un appareil électronique validé doit être < 10 mmHg (étalonnage),
la durée de l’enregistrement doit être d’au moins 24 heures et comprendre au moins 48
mesures valides et au maximum deux tranches horaires manquantes, non consécutives (figure
1). En cas de non-validation, il peut être proposé au patient la repose de l’appareil.

Figure 1. MAPA sur


24 heures. Examen
non valide du f ait
d’un manque de
mesures en f in
d’enregist rement
(après 4 heures).

Les périodes de jour


(souvent de 7 h à 22
h) et de nuit (souvent
entre 22 h et 7 h) sont
le plus souvent déterminées lors de la pose, le mieux étant bien sûr de traiter les données a
posteriori à partir des heures exactes d’endormissement et de réveil du patient.
L’intérêt et les éventuelles contraintes liées à la pose de l’appareil doivent être bien expliqués
au patient qui doit remplir un carnet de bord, où sont notées en particulier les activités réalisées
au cours de l’enregistrement, les heures de sommeil et celles de prise de médicaments
antihypertenseurs. L’enregistrement doit avoir lieu un jour d’activité normale, si possible en
dehors d’un week-end ou de congés.
Il faut bien sûr connaitre les valeurs de référence déterminant l’HTA en MAPA : PA des 24
heures ≥130/80 mmHg, PA de jour ≥135/85 mmHg et PA de nuit ≥120/70 mmHg. À partir des
données de PA de jour et de nuit, un statut dipper ou non est retenu : dipping physiologique si
chute de PA la nuit ≥10 % par rapport au jour (extrême dipping si ≥20 %). Certains patients
baissent insuffisamment leur PA la nuit (non dippers), voire l’augmentent par rapport à la
journée. Dans ce dernier cas, il faut bien vérifier la présence d’un sommeil (absence de ce
dernier si travail posté) et la qualité de celuici (nuit blanche ?). La présence d’un non-dipping doit
faire évoquer, entre autres, un SAOS ou une dysautonomie (figure 2).

Figure 2. MAPA sur 24 heures. Absence de variat ions de PA ent re le jour et la nuit
(dysaut onomie ?).

La présence d’un non-dipping doit f aire évoquer, ent re aut res, un SAOS ou une
dysaut onomie (figure 2).

Compte tenu du grand nombre de mesures automatiques faites par la MAPA, une HTA blouse
blanche est à évoquer non seulement du fait d’une PA ambulatoire normale en moyenne alors
que la PA clinique est élevée mais aussi par la présence de valeurs élevées de PA à la pose
et/ou à la dépose de l’appareil (parfois seules celles-ci sont élevées). Ce grand nombre de
mesures permet également à la MAPA de fournir des renseignements intéressants sur la
fréquence cardiaque et ses variations jour-nuit.
Pour les valeurs de PA les plus basses enregistrées, surtout en cas d’hypotension, il est
intéressant de demander au patient les symptômes ressentis durant ces périodes et la position
lors des mesures (hypotension orthostatique ?). Un élément à ne pas oublier est de rappeler au
patient la possibilité de déclenchement par lui-même de mesures supplémentaires en cas de
symptômes (hypotension, HTA paroxystique ?). Pour les valeurs les plus élevées de PA, bien
penser à rechercher sur le tracé si elles sont isolées ou successives. Dans le premier cas, il peut
s’agir d’une HTA paroxystique (contexte à déterminer) pour laquelle on parle volontiers de pic
tensionnel sans que celui-ci ait de définition consensuelle (PA > 50 % de la moyenne de PA ?).

En prat ique

La MAPA est la source d’un grand nombre de données qui doivent être analysées
soigneusement, l’analyse des seules moyennes de PA ne pouvant suffire.

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