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DROIT COMMERCIAL

Licence 3
Premier semestre

Dr. KONE Mamadou


Maître-assistant

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INTRODUCTION

La vocation de présentation générale de cette introduction nous conduira, dans un


premier temps, à tenter de définir le Droit commercial et d’en saisir l’objet (section I).
Ensuite, le particularisme des sources de la matière impose que celles-ci soient
présentées (section II).

Section I : Notion et objet du Droit commercial

Le dynamisme du Droit commercial rend malaisée sa définition, laquelle évolue avec


le temps et divise les auteurs (§1). Par ailleurs, cette discipline fait face, dans la
doctrine contemporaine, à la concurrence d’appellations nouvelles (§2).

§1 : La difficulté à définir le Droit commercial.

La définition du droit commercial ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine.

La première indication certaine, c’est que le mot « droit » est à prendre ici au sens
objectif du terme. Le droit commercial est en effet une branche du droit qui est
traditionnellement rattachée au droit privé. Il forme avec le droit civil et le droit social,
les principales spécialités du droit privé.

Quant à l’adjectif « commercial », il qualifie ce qui est relatif au commerce. Mais de


quel commerce s’agit-il ? Ce n’est pas le commerce au sens du langage courant.
Le commerce que régit le Droit commercial est bien plus large. Il désigne aussi bien
la distribution des produits que leur fabrication, l’industrie, le négoce, certaines
activités de prestation de service telles que la banque, les assurances, le transport,
etc. Nous y reviendront à l’occasion de l’étude des actes de commerce par nature.

La question de l’objet précis du droit commercial a longtemps divisé la doctrine. Ce


droit régit-il avant tout des personnes ou des opérations juridiques ? Deux thèses se
sont affrontées: la thèse objective et la thèse subjective. La première, due aux
auteurs classiques1 évoluant dans le sillage de PARDESSUS, considéraient le Droit
commercial comme le droit « des actes de commerce ». Pour eux, cette discipline
est avant tout un ensemble de règles régissant une catégorie d’opérations, celles de
nature commerciale. En d’autres termes, l’application du droit commercial serait
conditionnée, non par la profession de l'intéressé, mais par la nature de l'acte.

Cette approche a été contestée par une doctrine plus récente ayant pour chef de file
Georges Ripert. Selon cette seconde doctrine dite subjective, le droit commercial
serait plutôt un droit applicable à une catégorie de personnes en raison de leur
profession commerciale. Plutôt que de mettre l’accent sur l’acte de commerce, il
faudrait plutôt axer l’étude du droit commercial sur la profession commerciale, l’acte
de commerce n’étant rien d’autre que l’acte accompli par un commerçant2.

1
Lyon-Caen et Renault, Traité de droit commercial, 3e éd. 1921, t. I, n° 89 s. ; Thaller et Percerou, Traité
élémentaire de droit commercial, t. I., p. 6. ; Hamel (J.), Lagarde (G.) et Jauffret (A.), Droit commercial, t. I ; V°
1, op. cit., 2e éd., n° 144 ; Mestre (J.) et Tian-Pancrazy (M.E.), Droit commercial, LGDJ, 25e éd., 2001, n°28.
2
Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité élémentaire de droit commercial, 3e éd., L.G.D.J., 1954. Les dernières
éditions de ce traité dues à MM. Germain (M.) et Vogel (L.) conservent cette approche subjective.

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Aujourd’hui, le débat entre les partisans de la thèse objective et ceux de la thèse
subjective semble apaisé3. Ce serait même « une controverse stérile » pour
reprendre les termes du Professeur Antoine Pirovano4.

De nos jours, tous les auteurs, quelle que soit leur position, reconnaissent l’influence,
aussi minime soit-elle, de l’une et l’autre thèse en droit positif5. Cette formule
empruntée au Pr. Jacques Mestre, résume bien l’état du droit positif : « Le droit
commercial est la branche du droit privé relative aux opérations juridiques
accomplies par les commerçants, soit entre eux, soit avec leurs clients. Ces
opérations, se rapportant à l’exercice du commerce, sont elles-mêmes qualifiées
d’actes de commerce. Ainsi le droit commercial est-il à la fois le droit des
commerçants et celui des actes de commerce »6.

L’attention de la doctrine contemporaine est surtout portée sur la question de


l’existence même du Droit commercial. En effet, cette discipline conquérante, a
envahi la sphère traditionnelle du Droit civil. Ses règles, parfois plus avantageuses,
ont été étendues aux non-commerçants (ex. baux à usage professionnel, procédures
collectives, registre du commerce). Ses techniques plus modernes et sophistiquées
ont été étendues aux opérations non-commerciales (ex. technique du gage sans
dépossession, bref délai de prescription, liberté de preuve). Enfin, un nombre
croissant de dispositifs légaux en matière d’activité professionnelle, ignorent la
distinction entre commerçants et non-commerçants, entre acte de commerce et acte
civil (ex : droit de la concurrence, statut d’entreprenant, règles de protection des
consommateurs). C’est la raison pour laquelle une partie de la doctrine n’hésitent
pas à proclamer « la mort » du droit commercial et à lui préférer des appellations
nouvelles.

§2 : L’émergence d’appellations nouvelles.

De nouvelles appellations concurrentes au droit commercial émergent en doctrine.


Elles sont variables selon les auteurs. Certains parlent de « Droit des affaires »,
d’autres de « Droit de l’entreprise », d’autres encore « Droit économique » ou de
« Droit professionnel ».

Il s’agit de notions essentiellement doctrinales qui n’ont pas de contenu unanime. On


pourrait dire qu’il ya autant de définitions que d’auteurs. Ce qu’elles ont en commun
c’est l’idée du dépassement du Droit commercial entendu comme discipline
s’appliquant aux seuls commerçants et (ou) aux seuls actes de commerce7.

Parmi ces notions, celle de Droit des affaires semble avoir plus de succès en
pratique. On comprend ainsi qu’elle ait été retenue par les rédacteurs du traité
OHADA. En effet, l’intitulé même de ce Traité y fait référence (« Traité relatif à
3
Chartier (Y.), Droit des affaires, t. I, L’entreprise commerciale, 4e éd. PUF, 1993, n° 7.
4
Pirovano (A.), Introduction critique au droit commercial contemporain : RTD com., 1985, p. 218.
5
Chartier (Y.), Droit des affaires, op. cit., 4e éd., n° 7 ; Dekeuwer-Défossez (F.) et Blary-Clément (E.), Droit
commercial, op. cit., 6e éd., n° 2 ; Reinhard (Y.), Droit commercial, Acte de commerce, commerçants, fonds de
commerce, 5e éd. Litec. 1998, n° 6.
6
J. Mestre, Pancrazy, Droit commercial, 26e éd, p. 1.
7
V. KONE (M.), Le nouveau droit commercial dans l’espace OHADA : comparaisons avec le droit français, éd.
LGDJ 2003.

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l’harmonisation du droit des affaires »), ainsi que la dénomination de l’organisation
créée (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique).

Mieux encore, le Traité tente d’appréhender le contenu de la notion de Droit des


affaires. Selon son article 2, « pour l’application du présent traité, entre dans le
domaine du droit des affaires : l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés
et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés
et aux voies d’exécutions, au régime du redressement des entreprises et de la
liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au
droit de la vente et des transports et toute autre matière que le Conseil des ministres
déciderait à l’unanimité d’y inclure, conformément à l’objet du présent traité et aux
dispositions de l’article 8 ».

Il serait cependant erroné de conclure à la consécration, par l’O.H.A.D.A. d’une


véritable définition du Droit des affaires. L’article 2 du Traité se contente d’énumérer
les matières devant faire l’objet d’harmonisation dans le cadre de l’OHADA. Qui plus
est, cette énumération n’est pas exhaustive, dans la mesure où le Conseil des
ministres peut décider d’y inclure de nouvelles matières. Enfin, certaines matières qui
relèvent indiscutablement du droit des affaires, sont pourtant exclues du champ de
compétence de l’OHADA (ex. droit bancaire, droit des assurances, droit de la
concurrence).

La notion de droit des affaires reste donc une notion essentiellement doctrinale,
« aux contours incertains et à l’objet imprécis ». Ses définitions doctrinales sont
variables d’un auteur à un autre. Nous nous limiterons à en présenter quelques unes.

Ainsi, les Prs. Hamel, Lagarde et Jauffret, définissent le droit des affaires comme le
droit du « monde des affaires », cette dernière expression englobant « toute
l’ancienne activité de commerce, s’étendant de plus en plus aux opérations
immobilières, annexant certaines formes perfectionnées des industries extractives,
s’imposant comme modèle aux agriculteurs » et tendant à conquérir les particuliers.

L’école de Rennes, avec notamment les Prs Jean Paillusseau et Claude Champaud,
a développé une doctrine dite « de l’entreprise » selon laquelle le droit des affaires
serait une technique de gestion et d’organisation au service de l’entreprise.

Les Prs Mercadal et Macqueron quant à eux, présentent le droit des affaires comme
« l’ensemble des règles relatives aux activités économiques telles qu’elles se
présentent aujourd’hui ».

SECTION II. SOURCES DU DROIT COMMERCIAL

Les sources du droit commercial connaissent, de nos jours, un profond


bouleversement. A l’origine, contenu, pour l’essentiel, dans le Code de commerce et
les lois héritées de la colonisation, le droit commercial ivoirien tire aujourd’hui sa
principale source de traités internationaux. Les sources traditionnelles ne sont pas
pour autant totalement abandonnées. Par ailleurs, les sources non-étatiques ont
toujours occupé une place de choix dans une discipline qui, à une époque certes
reculée, n’a reposée que sur des règles coutumières. Nous verrons les sources
étatiques (§1), puis les sources non étatiques (§2).

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§1 : Les sources étatiques.

Par source étatique, nous désignons les sources du droit commercial qui sont
produites par les organes étatiques. Il s’agit principalement des sources tirées des
traités internationaux (A), des lois et décrets (B) et de la jurisprudence (C).

A. Les sources tirées des traités internationaux : exemple de l’OHADA

Le Droit commercial (ou des affaires) est particulièrement touché par le phénomène
d’internationalisation de ses sources. Ses principales branches sont désormais, au
moins en partie, régies par des textes à caractère international.

Il en est ainsi du droit commercial général, du droit des sociétés, du droit des
entreprises en difficultés, du droit comptable, du droit des transports, qui font l’objet
d’actes uniformes de l’OHADA.

Le droit de la concurrence, le droit bancaire et le droit des instruments de paiements


font également l’objet d’une uniformisation avancée au sein de l’UEMOA.

Le droit des assurances est uniformisé par le traité CIMA.

L'accord de BANGUI du 02 MARS 1977 institue une Organisation Africaine de la


Propriété Intellectuelle unifie le droit en cette matière.

Dans le présent cours, nous nous limiterons au traité à vocation générale, à savoir le
traité OHADA. Ce traité a été signé à Port Louis le 17 octobre 1993 et a été révisé à
Québec le 17 octobre 2008. Il crée une Organisation Internationale appelée OHADA8
dont la mission consiste à uniformiser le Droit des affaires applicable dans les Etats
membres. Ses principaux organes sont : le Conseil des ministres, le Secrétariat
permanent dont le siège est à Yaoundé, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
(CCJA) dont le siège est à Abidjan, l’Ecole Régionale Supérieur de Magistrature
(ERSUMA) qui est à Porto Novo au Benin.

Dans le système normatif de l’OHADA, on peut distinguer quatre types de normes :


le traité, les actes uniformes, les règlements et les décisions.

1. Le traité

C’est l’accord signé entre les Etats parties. La ratification de ce traité a été effectuée
par l’Etat de Côte d’Ivoire par le décret n° 95-674 du 7 septembre 1995 et il est entré
en vigueur le 18 novembre 1995.

Le traité représente l’acte fondamental de l’OHADA. C’est le traité qui pose le


principe de l’harmonisation du Droit des affaires des Etats signataires, définit les
modalités et les outils juridiques de cette harmonisation, crée les différents organes
(Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, Conseil des Ministres,
Secrétariat Permanent, CCJA, ERSUMA) et détermine leurs compétences et leur
8
Sur les aspects institutionnels, v. not. Pougoué (P.G.), Présentation générale et procédure en OHADA, éd.
PUA, 1998.

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mode de fonctionnement (v. Comprendre l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des affaires, Mouloul Alhousseini, sur Ohada.com).

2. Les actes uniformes,

Selon l’article 5 du Traité, l’acte uniforme est l’acte pris pour l’adoption des règles
communes. Ces règles communes sont celles ayant pour objet l’uniformisation du
Droit des affaires dans les Etats parties.

La procédure d’élaboration des actes uniforme peut être schématiquement présentée


comme suit. Le projet d’acte uniforme, élaboré par le Secrétariat Permanent, est
transmis aux Etats membres pour observations, suite à quoi l’avis de la CCJA est
recueilli. Après ces consultations, un projet définitif est élaboré par le S P. L’acte
uniforme est finalement adopté en Conseil des ministres, à l’unanimité.

Aux termes de l’article 10 du Traité, ces actes uniformes « sont directement


applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition
contraire de droit interne antérieure ou postérieure ».

De ce texte, la jurisprudence9 et la doctrine dégagent un certain nombre de


règles relativement à la valeur juridique de l’acte uniforme:

- Principe de supranationalité : application directe des actes uniformes dans


l’ordre juridique interne des Etats (pas besoin de ratification ni même de
publication au JO national) et leur supériorité aux lois nationales.

- Primauté des actes uniformes sur les dispositions nationales contraires.

- Effet abrogatoire : l’acte uniforme emporte abrogation automatique des


dispositions nationales qui lui sont contraires. A contrario, les dispositions
nationales non-contraires demeurent en principe en vigueur. Interdiction, en
principe, au législateur national d’adopter des textes contraires aux actes
uniformes.

A ce jour, plusieurs actes uniformes sont entrés en vigueur dont l’un va retenir notre
attention en particulier, car il contient l’essentiel des règles contenues dans ce cours.
Il s’agit de l’acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) révisé du 15
décembre 2010. Cet acte uniforme vient modifier un 1er acte uniforme qui était entrée
en vigueur le 1er janvier 1998.

L’AUDCG est applicable à tout commerçant personne physique ou morale, y compris


les sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou une personne morale de droit
public est associé, ainsi qu’aux GIE. Aux commerçants, il faut ajouter les personnes
ayant opté pour le statut d’entreprenant.

9
Sur ce point l’avis CCJA du 30 avril 2001 répondant à une question de l’Etat de côte d’Ivoire, et l’arrêt Epoux
Karnib (Les articles 180 et 181 du Code de procédure civil ivoirien, contraires à l’article 32 de l’acte uniforme
relatif aux vois d’exécution, ne peut recevoir application).

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L’application de l’AUDCG à ces personnes suppose que leur établissement ou le
siège social soit situé sur le territoire d’un Etat partie au Traité.

En outre, les commerçants (personnes physiques ou morale), les entreprenants et


les GIE demeurent soumis aux lois non-contraires à l’AUDCG qui sont applicables
dans l’Etat partie où se situe son établissement ou son siège social.

3. Les règlements.

Les règlements sont prévus par l’article 4 du Traité. Selon ce texte, « des règlements
pour l’application du présent traité seront pris chaque fois que de besoin par le
conseil des ministres à la majorité absolue ». De ce texte, il peut être déduit trois
critères permettant de préciser la notion de règlement dans le système juridique de
l’OHADA :
- A l’instar de l’acte uniforme, le règlement est adopté par le Conseil des
ministres.
- A la différence l’acte uniforme, le règlement est adopté à la majorité absolue.
- Contrairement aux actes uniformes qui ont pour objet l’adoption des règles
communes, les règlements sont pris « pour l’application du traité ». Cette
formule n’est pas très précise. Il semble cependant raisonnable d’en écarter
tout ce qui relève de l’adoption des règles communes au sens l’article 1 er du
Traité, cette compétence étant réservée à l’acte uniforme (article 5).

Plusieurs règlements ont déjà été adoptés. Exemple, règlement de procédure de la


CCJA, Règlement d’arbitrage de la CCJA.

4. Les décisions.

Les décisions sont également prévues à l’article 4 du Traité modifié et semble


répondre aux même critères que le règlement (adoption par le Conseil des Ministre à
la majorité absolue).

Bien que fournissant désormais une partie significative du droit commercial en


vigueur dans les Etats, l’OHADA ne supprime pas les sources nationales.

B. Les lois et décrets nationaux

L’entrée en vigueur des textes de l’OHADA, n’implique pas l’abrogation de


l’ensemble des lois et règlements nationaux en matière commerciale.
Ces sources traditionnelles du droit commercial demeurent en vigueur dans les
conditions ci-après précisées.

► En premier lieu, le droit OHADA malgré son ampleur, ne couvre pas l’ensemble du
droit commercial. Certaines branches de cette discipline sont encore épargnées par
le processus d’harmonisation en cours dans l’OHADA. Ce sont par exemple le droit
des effets de commerce, le droit bancaire, etc. Ces matières, si elles ne font l’objet
d’harmonisation dans le cadre d’un autre traité (ex. CIMA) demeurent soumis aux
textes nationaux.

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► En second lieu, même dans les domaines qui ont fait l’objet d’harmonisation, les
lois et décrets nationaux ne sont abrogés que dans la mesure où ils sont contraires
aux actes uniformes. A contrario, s’ils sont jugés non-contraires, ces textes
demeurent en vigueur. Toutefois, l’appréciation du caractère contraire ou non à l’acte
uniforme n’est pas toujours évidente à déterminer10.

► En troisième lieu, le droit OHADA prévoit la non-abrogation des textes particuliers


régissant certaines formes d’entreprises (article 916 AUSCGIE). Ces textes,
considérés comme des dérogations aux règles communes prévues par les actes
uniformes, restent en vigueur dans les Etats respectifs11. Ex. lois sur les sociétés
d’état et les sociétés à participation financière publiques.

C. La jurisprudence.

La jurisprudence peut être définie comme une solution suggérée par un ensemble de
décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions sur une question
de droit donnée.

Son utilité comme source du droit commercial est indéniable étant donnée la
multitude de textes qui doivent être appliqués et parfois interprétés.

La jurisprudence commerciale est tirée non seulement des arrêts de la CCJA, mais
également des décisions des juridictions nationales.

a) Les arrêts de la CCJA

La CCJA est l’organe juridictionnel suprême du système OHADA. Elle est chargée
de contrôler l’application du traité et du droit dérivé. L’article 14 alinéa 1 er du traité le
précise en ces termes : « La CCJA assure dans les Etats parties l’interprétation et
l’application commune du traité, des règlements pris pour son application et des
actes uniformes ».

A ce titre, la CCJA intervient, en tant qu’organe juridictionnel, selon deux modalités.


En premier lieu, elle se présente comme une Cour de cassation commune à
l’ensemble des Etats membres, puisque l’article 14 alinéa 3 lui attribue la
compétence pour connaître des pourvois en cassation contre les arrêts d’appel et les
jugements non susceptibles d’appel, rendues dans les Etats membres, lorsqu’est
soulevée une question relative à l’application des actes uniformes ou d’un règlement
(à l’exception des sanctions pénales).

Le traité opère ainsi un transfert de compétence des juridictions suprêmes nationales


vers la CCJA. Ce procédé est censé assurer une unification de l’interprétation des
actes uniformes, assurant une complète unité du droit sur les matières harmonisées.

En second lieu, la CCJA tranche les différends entre les Etats parties au sujet de
l’interprétation et de l’application du traité et des règlements pris pour son
application. Mais il faut au préalable une tentative de résolution amiable qui soit

10
V. l’avis CCJA du 30 avril 2001 précité.
11
V. KONE M, « Les sociétés particulières et le droit uniforme de l’OHADA », Annales africaines, nouvelle
série, Dakar, n° spécial 2014, p. 68 à 86 .

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restée infructueuse. Le mode de saisine n’est expressément prévu, ni par le Traité, ni
par le règlement de procédure de la CCJA. Toutefois, on peut penser, par analogie
avec ce qui est prévu pour les demandes d’avis consultatifs, que la Cour pourra être
saisie par voie de requête écrite.

b) Les décisions des juridictions nationales.

Les juridictions nationales des Etats parties connaissant, au niveau de la première


instance et en appel, du contentieux relatif à l’application des actes uniformes (Art. 3
du Traité). En Côte d’Ivoire, celle compétence revient au niveau de la première
instance, aux TPI et leur sections détachées, aux tribunaux de commerce, et en
appel aux Cour d’Appel.

Saisies d’un tel contentieux, elles ont la possibilité de solliciter l’avis de la CCJA par
voie de question préjudicielle.

Au niveau de la cassation, le transfert de compétence n’est que partiel puisque la


Cour Suprême nationale reste compétente pour les questions de Droit des affaires
qui n’ont pas fait l’objet d’harmonisation dans le cadre de l’OHADA.

§2 : Les sources non-étatiques

A. Les usages.

L’usage désigne une pratique professionnelle ancienne et constante qui, dans l’esprit
de ceux qui l’observent, correspond à une obligation.

On distingue classiquement deux types d’usages : les usages conventionnels et les


usages de droit. Les usages conventionnels tirent leur autorité de la volonté des
parties. Ils correspondent à des règles habituellement suivies pour la conclusion ou
l’exécution de tel ou tel contrat. C’est une sorte de présomption de la volonté des
parties.

Conséquence de sa valeur conventionnelle :


- Il lie les parties dont on peut raisonnablement penser qu’ils s’y sont
implicitement référés (professionnels du même secteur d’activité ou d’activités
connexes, partenaires ayant une relation commerciale établie).
- s’applique dans le silence du contrat ; les parties peuvent l’écarter de façon
expresse.
- la preuve de cet usage doit être rapportée par celui qui s’en prévaut.
- peut déroger à une loi supplétive, mais pas à une loi impérative,
- appréciation souveraine des juges du fond

L’AUDCG y fait référence dans le titre traitant de la vente commerciale. Article 239
al. 1er « Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les
pratiques qui se sont établies dans leur relations commerciales. »

Usages de droit : un usage qui a sa valeur juridique propre, indépendante de la


volonté des parties. Sa reconnaissance relève du pouvoir du juge. L’usage est ici
une norme objective, une règle de droit qui se suffit à elle même.

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Les usages de droit sont moins fréquents. On peut citer comme exemple :
- présomption de solidarité passive en matière commerciale, par opposition à l’article
1202 C. civ.
- capitalisation des intérêts du compte courant bancaire par dérogation à la
prohibition civiliste de l’anatocisme formulé par l’article 1154 c. civ.,
- mise en demeure par tout moyen dans le recouvrement d’une créance
commerciale, par dérogation au formalisme du droit civil.

B. La doctrine.

La doctrine est l’opinion des juristes (enseignants, chercheurs, magistrats, avocats


etc..) sur une question de droit donnée. Elle est rendue accessible à travers les
traités, les manuels, les thèses, les articles, communications aux colloques et autres
écrits publiés.

La doctrine n’est pas une source en tant que telle du droit positif. Elle sert de source
d’inspiration au législateur pour adopter les textes et aux juges pour rendre leurs
décisions. Elle joue également un rôle important d’interprétation et d’analyse des
textes et de la jurisprudence. Elle a par ailleurs une valeur pédagogique indéniable.

S’agissant du droit OHADA, la doctrine est très abondante (v. Bibliographie).

Le Droit commercial couvre un domaine extrêmement vaste. Dans le présent cours


seront étudiés successivement :

- les statuts du commerçant et de l’entreprenant (titre I),


- les biens de l’entreprise commerciale (titre II),
- l’entreprise commerciale et la concurrence (titre III).

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Bibliographie indicative.

Droit OHADA

- OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, Code vert OHADA, Edition
Juriscope, 2018.

- OHADA, Traité, Actes uniformes, Règlements de procédure et d'arbitrage,


Jurisprudence annotée, Code Bleu OHADA, Editions Juriafrica, 2018.

- Akuété Pedro Santos et Jean Yado Toé, OHADA, Droit commercial général, éditions
Bruylant, 2002

- J. NGUEBOU TOUKAM, Le droit commercial général dans l'Acte uniforme OHADA,


Editions PUA, 1998 ;

Droit français :

- Chartier (Y.), Droit des Affaires, éd. PUF, collection Thémis Droit, t. I, l’Entreprise
commerciale, 3e éd., 1993.

- De Juglart (M.) et Ippolito ( B.), Traité de droit commercial, tome I, 4e éd., par Du
Pontavice (E.) et Dupichot (J.), Montchrestien 1988.

- Dekeuwer-Défossez (F.), Droit commercial, Activités commerciales, Commerçants,


Fonds de commerce, Concurrence, Consommation, 7e éd., avec la collaboration de
Blary-Clément (E.), Montchrestien, 2001.

- Didier (P.), Droit commercial, éd. PUF, 4 tomes, 1999.

- Guyon (Y.), Droit des affaires, Economica, tome I, Droit commercial général et
sociétés, 11e éd., 2001,

- Mestre (J.) et Tian-Pancrazy (M.-E.), Droit commercial, 25e éd., LGDJ, 2001.

- Legeais (D.), Droit commercial et des affaires, 13e éd. Armand Colin, 2000.

- Mercadal (B.) et Macqueron (P.), Droit des affaires, éd. Francis Lefebvre, 2000.

- Pédamon (M.), Droit commercial. Commerçants et fonds de commerce, Concurrence


et contrats du commerce, Précis Dalloz, 2e éd. 2000.

- Reinhard (Y), Droit commercial, Actes de commerce, Commerçants, Fonds de


commerce, 5e éd. Litec, 1998.

- Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité de droit commercial, tome I, 17e éd., par Germain et
Vogel, LGDJ, 1998.

- Viandier (A.) et Vallansan (J.), Actes de commerce, Commerçants, Activité


commerciale, 2e éd. PUF, 1992.

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TITRE I : STATUTS DU COMMERÇANT ET DE L’ENTREPRENANT

Dans son approche subjective, qui est de nos jours, la moins contestable, le Droit
commercial repose sur la notion de commerçant. En effet, la loi attribue la qualité de
commerçant à certains professionnels et les soumets à un régime juridique
spécifique.

L’étude du statut du commerçant implique donc la détermination des professionnels


ayant la qualité de commerçant (chapitre 1er) puis la présentation des règles
auxquelles ils sont assujettis (chapitre 2).

A côté du commerçant est apparu, avec la réforme de l’AUDCG opérée en 2010, un


personnage nouveau appelé « entreprenant » dont il convient de présenter le statut
juridique (chapitre 3e).

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CHAP. I : DETERMINATION DES PROFESSIONS COMERCIALES

La détermination des professions commerciale oblige à définir, dans un premier


temps, la notion de commerçant (section I). Mais, cette seule définition est
insuffisante pour appréhender cette notion dans sa plénitude. En effet, la frontière
avec les professions voisines comporte tellement d’incertitude et de complexité qu’il
n’est pas inopportun de revenir sur la distinction des commerçants avec ces
professions (section II).

Section I : La notion de commerçant.

L’article 2 AUDCG., définit le commerçant comme « celui qui fait de


l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession ». De cette
définition se dégagent deux critères, à savoir l’accomplissement d’actes de
commerce par nature (§1) et l’exercice d’une profession (§2). A ces deux critères, il
convient d’ajouter un troisième d’origine jurisprudentielle qui consiste en l’exploitation
à titre indépendant (§3).

§1. L’accomplissement d’actes de commerce par nature.

La définition du commerçant issue de l’AUDCG révisé, vise expressément l’acte de


commerce par nature. Il en découle que les autres types d’acte de commerce ne
permettent pas de conférer la qualité de commerçant. Ainsi, comme on le verra, les
actes de commerce par la forme sont commerciaux « entre toutes mains », en raison
de leur seule forme. Leur accomplissement, même répété, ne saurait conférer la
qualité de commerçant. Par exemple, ce n’est pas parce qu’on signe des lettres de
change ou des billets à ordre qu’on acquiert, par ce seul fait, la qualité de
commerçant.

Quant aux actes de commerce par accessoire, leur caractère commercial résulte de
la qualité de commerçant de leur auteur12. Ils ne peuvent donc pas, en eux-mêmes,
conférer la qualité de commerçant.

Interrogeons nous à présent sur la notion d’acte de commerce par nature. Que
renferme-t-elle ? L’une des innovations majeures de la réforme de 2010 est que
l’AUDCG fournit désormais une définition générique de l’acte de commerce par
nature (A). Cependant, le législateur, conscient des imperfections de cette définition,
conserve la méthode énumérative traditionnelle. Une liste d’acte de commerce par
nature est fournie à l’article 3 AUDCG, même si elle n’est qu’indicative (B).

A. Définition générique de l’acte de commerce par nature

Aux termes de l’article 3 AUDCG, « l’acte de commerce par nature est celui par
lequel une personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou
achète ou par lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer
un profit pécuniaire ». De cette définition se dégagent deux types de critères, les uns
tenant à la nature de l’acte (1) et les autres à l’intention de son auteur (2).

12
Du moins pour ce qui concerne l’accessoire subjectif.

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1.Critères tenant à la nature de l’acte :

Au regard de sa nature, deux critères alternatifs sont retenus par l’article 3 précité.
L’acte de commerce par nature est soit un acte d’entremise dans la circulation des
biens (a), soit un acte de prestation de service (b).

a.L’acte d’entremise dans la circulation des biens.

Selon l’article 3 précité, est un acte de commerce par nature, l’acte par lequel une
personne « s’entremet dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ». Que
faut-il entendre par cette expression ?

Dans le silence du législateur et en l’absence de jurisprudences établie, on peut


suggérer un rapprochement avec la thèse de la circulation des richesses défendue
au siècle dernier par Edmond Thaller. Cet auteur soutenait que l’acte de commerce
était l’acte par lequel une personne s’entremettait dans la circulation des biens,
entre la phase de production et celle de consommation. En d’autres mots, selon
cette doctrine, est un acte de commerce, tout acte qui contribue à la transmission ou
à la distribution des richesses, à l’exclusion d’une part, des opérations originaires de
création de la richesse par extraction ou production naturelle, et d’autre part, les
opérations finales d’achat en vue de la consommation.

Toutefois, à la différence de la thèse thallerienne, l’acte d’entremise tel que définit


par l’AUDCG englobe la phase de production (activités extractives), dès lors que
cette production est destinée à la vente.

En conséquence de ce qui précède, on peut soutenir que celui qui achète un bien en
vue de le vendre accomplit un acte de commerce par nature, quelque soit la nature
mobilière ou immobilière du bien (solution, par ailleurs, confirmée par la liste
indicative des actes de commerce). Il devrait logiquement en être de même de celui
qui produit un bien destiné à la vente. Toutefois, la question se pose de savoir si tous
les types de production sont concernés, car la production peut être industrielle,
agricole ou encore artisanale. Or, on sait que traditionnellement, les activités
artisanales et agricoles sont exclues du domaine de la commercialité. Sans doute la
production doit-elle s’entendre ici, à l’exclusion des productions artisanales et
agricoles qui sont de nature civile.

Autre indication importante, l’acte d’entremise n’inclut pas la phase de


consommation. Le consommateur n’accomplit pas un acte de commerce et n’a pas
la qualité de commerçant. En revanche, celui qui vend le bien au consommateur
accomplit un acte d’entremise.

b. La prestation de service

Est commercial par nature l’acte par lequel une personne fournit des prestations de
services. Que faut-il entendre par prestation de services ? Selon le Vocabulaire
Juridique, de l’Association Henry Capitant, la prestation de service est « un terme
générique englobant, à l’exclusion de la fourniture de produits (en pleine propriété),
celle de tout avantage appréciable en argent (ouvrage, travaux, gestion, conseil etc.)
en vertu des contrats les plus divers (mandat, entreprise, contrat de travail, bail,

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assurance, prêt à usage etc.) ». En d’autres mots, il s’agit de la fourniture de services
les plus variés : services de télécommunication, de prestation d’assurance, services
bancaires, de construction, de réparation, etc.

On peut relever l’extrême largesse de ce critère, puisque pris à la lettre, il aurait pour
conséquence d’attribuer la qualité de commerçant à certains professionnels qui ne
l’ont pas de façon traditionnelle. Ex. l’avocat, le médecin, le réparateur fournissent
des prestations de service contre rémunération. Leur activité est-elle pour autant de
nature commerciale ? La réponse est évidemment négative.

La nature de l’acte n’est pas le seul critère pour identifier l’acte de commerce par
nature. Outre ce critère, il faut également s’intéresser à l’intention de son auteur.

2.Critère tenant à l’intention de l’auteur

L’auteur de l’acte doit agir « avec l’intention d’en tirer un profit pécuniaire ». Il importe
de relever qu’avant la réforme de 2010 qui introduit la formule ci-dessus, l’intention
spéculative était déjà exigée par la jurisprudence, pour la majorité des actes de
commerce. Ainsi avait-il été jugé, s’agissant de l’achat pour revendre, qu’une
association, constituée en vue favoriser le développement du tourisme, ne fait pas
actes de commerce, quand elle livre au public des poteaux et plaques routières, si
elle se borne à les céder aux services nationaux et communaux aux prix d’acquisition
augmenté seulement des frais occasionnés par son intervention13. De même, il a été
décidé qu’un marché « n’est commercial que s’il est fait en vue de la réalisation d’un
bénéfice, caractère commun à tous les actes de commerces », pour en déduire que
l’achat d’orge fait par une société, l’achat de café effectué par le gouvernement
général d’Algérie, étant réalisés dans le but d’assurer le ravitaillement de l’Algérie et
sans recherche de bénéfice, ne sont pas des actes de commerce14.

Avec la nouvelle formulation, l’exigence d’une intention lucrative est désormais


législativement consacrée pour l’ensemble des actes de commerce par nature. A
contrario, celui qui agit dans une intention désintéressée n’accomplit pas un acte de
commerce par nature. Ex. œuvres caritatives des associations et institutions
religieuses.

La référence expresse à l’intention et non au résultat de l’activité permet de soutenir


qu’il importe peu que l’activité s’avère, en fin de compte, peu profitable. Si par
exemple le commerce d’un marchand enregistre des pertes, il ne peut se fonder sur
ce fait pour dénier sa qualité de commerçant. Ce qui compte c’est qu’il ait eu une
intention lucrative au moment ou il entreprenait l’activité.

Les limites de la définition générale conduisent à accorder un intérêt à l’énumération


des actes de commerce.

B. Enumération indicative d’actes de commerce par nature

L’article 3 AUDCG procède à une énumération d’actes de commerce par nature. Il


faut d’emblée préciser qu’il s’agit d’une énumération non-exhaustive, puisqu’elle est
13
Trib. Com. Seine, 12 mars 1912 : D.P. 1912, II, 207.
14
Alger, 19 novembre 1952 et Trib. Com. Alger 14 décembre 1953 : D. 1954, 541, note Chauveau.

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précédée de l’adverbe « notamment ». Par conséquent, des opérations autres que
celles énumérées dans l’AUDCG pourront être qualifiées d’acte de commerce pourvu
qu’elle s’inscrive dans la définition générique ci-dessus. Dans le même ordre d’idée,
on peut soutenir que l’acte uniforme ne remet pas en cause la qualification d’acte de
commerce anciennement retenue par les textes et la jurisprudence pour certaines
opérations non-citées par l’AUDCG, dès lors que ces opérations s’inscrivent dans la
définition générique ci-dessus.

Une autre précision doit être faite relativement à cette énumération. L’AUDCG cite,
au nombre des actes de commerce par nature, les actes effectués par les sociétés
commerciales et les contrats entre commerçants pour le besoins de leur commerce.
Cette position du législateur semble curieuse, étant donné que, fondamentalement,
l’acte de commerce par nature est celui dont l’accomplissement à titre de profession,
permet de conférer la qualité de commerçant à son auteur. C’est l’acte qui est
commercial en raison de la nature des activités exercées. Or ici, il s’agit plutôt
d’actes dont la commercialité découle de la qualité de commerçant de leur auteur. Il
semble qu’il y’ait eu ici, une confusion de la part du législateur, avec la catégorie des
actes de commerce par accessoire.

Les principales activités commerciales peuvent être classées en trois grandes


familles. Les activités de négoce et de distribution (I), les activités de production (II)
et les activités de prestation de service (III).

I. Les activités de négoce et distribution

Ce sont les activités des marchands et des négociants qui consistent à acheter des
biens en vue de les revendre dans l’intention de réaliser un profit.

C’est l’activité commerciale par excellence. C’est pourquoi l’énumération de l’article 3


AUDCG commence par « l’achat de biens, meubles ou immeubles en vue de leur
revente ».

Cette formule reprend une solution qui était déjà contenue dans de Code de
commerce. On doit cependant relever qu’elle comporte une innovation majeure :
l’extension aux immeubles. En effet, sous l’empire du Code de commerce, seul
l’achat des biens meubles pour les revendre était de nature commerciale.
Désormais, celui qui achète des biens immeubles pour les revendre accomplit
également un acte de commerce. Cette évolution du droit uniforme, inspirée du droit
français, est par ailleurs confortée par le droit national ivoirien qui confère la qualité
d’acte de commerce par nature aux opérations de vente d’immeuble à construire et
de promotion immobilières (loi n° 99-478 du 2 aout 1999).

Le caractère commercial de l’achat pour revendre suppose réunies les trois


conditions suivantes :

1) Achat préalable

Il faut qu’il y ait achat. Si le bien vendu n’a pas été préalablement acheté, il n’ya pas
d’acte de commerce au titre de l’achat pour revendre. Ainsi en est-il de celui qui vend
des produits tirés de son exploitation agricole. En principe, l’activité agricole n’est pas

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commerciale même s’il ya vente des récoltes. Il en est de même de l’activité
d’élevage (v. infra).

L’achat peut porter sur un bien meuble ou un bien immeuble.

2) Intention de revente

Le bien doit être acquis avec l’intention de le revendre. Par conséquent, n’est pas
commercial l’acquisition d’un bien pour son usage personnel ou professionnel, sauf
application de la théorie de l’accessoire (v. infra). La solution est identique même si
le bien, acquis pour un usage personnel, est par la suite revendu pour une raison
d’opportunité (double emploi, absence d’utilité, besoin de renouvellement etc.).

Ce qui compte, ce n’est pas la revente effective, mais l’intention de revente. Par
conséquent, si par faute de compétitivité, un commerçant a du mal à écouler son
stock, son activité n’en demeure pas moins commerciale.

Peu importe que la revente soit faite au détail ou en gros, à des consommateurs ou à
d’autres professionnels.

3) Recherche de profit

Il faut que la revente soit faite dans un but de profit. Si, au contraire, il n’ya aucune
intention de profit, l’acte n’est pas commercial. Ex. les associations, les syndicats, les
coopératives qui achètent des biens pour les revendre à leur membres sans intention
de profit n’accomplissent pas d’acte de commerce.

II. Les activités de production

1. Les opérations de manufacture

Cette expression désigne en réalité les activités industrielles. Celles qui consistent à
fabriquer ou à transformer des produits à partir de matières premières achetées ou
extraites du sol. Classiquement transformés ou fabriqués dans des usines ou des
fabriques, les produits sont destinés à la commercialisation sous forme de produits
finis ou semi-finis. Ex. fabrication de tissus, de pièces automobile ou câbles
électriques etc.

L’activité de manufacture était déjà désignée par le Code de commerce au titre des
actes de commerce par nature, mais ce code exigeait qu’elle soit faite dans le cadre
d’une entreprise. L’AUDCG parle désormais « d’opérations de manufacture ». Ce
changement terminologique semble cependant d’incidence mineure étant donné que
l’opération de manufacture est rarement une opération isolée.

Plus fondamentale est la question de la distinction entre l’activité de manufacture et


l’artisanat. Selon un arrêt de la Cour de cassation, l’entreprise de manufacture est
caractérisée par « la spéculation sur le travail d’autrui »15 tandis que l’artisan vit du
produit de son propre travail et de celui de sa famille. De plus, l’activité artisanale est

15
Req., 20 oct. 1908, DP, 1909.1. 246.

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essentiellement manuelle, alors que l’activité industrielle se fait essentiellement dans
des usines ou des fabriques.

2. Les industries extractives ;

L’activité extractive désigne celle qui a pour objet d’extraire du sol des matières
destinées à être commercialisées.

Avant l’OHADA, seule l’exploitation des mines était de nature commerciale, les
autres activités extractives demeurant civiles. L’AUDCG innove de ce point de vue
en citant, parmi les actes de commerce par nature « l’exploitation industrielle des
mines, carrières et de tout gisement de ressources naturelles ». Il en résulte que
toutes les activités extractives sont désormais commerciales, qu’il s’agisse de celles
qui sont expressément citées (mines, carrières) ou de toute autre, dès lors qu’elle
consiste en l’exploitation d’une ressource naturelle extraite du sol. Ex. salines,
l’extraction d’eau minérale etc.

Toutefois, l’acte uniforme pose une condition à la commercialité des activités


extractives : elles doivent être exploitées de façon industrielle. Cette précision vise à
écarter les exploitations artisanales.

3. L’activité d’édition

L’activité d’édition n’est citée ni par l’acte uniforme ni par le Code de commerce.
Cependant, la jurisprudence antérieure au droit OHADA admettait le caractère
commercial de cette activité. Cette solution ne nous semble pas caduque puisqu’elle
n’a rien de contraire au droit uniforme dès lorsqu’elle répond à la définition générique
de l’acte de commerce par nature.

4. Les spectacles publics

Cette appellation désigne la production de spectacles ouverts au public contre


rémunération. Exemple : théâtre, cinéma, concerts ou autres prestations musicales.

Les spectacles publics ne sont pas cités par l’AUDCG autre titre des actes de
commerce par nature. Toutefois, ils le sont dans le Code de commerce (art. 632 al.
7) et la solution ne nous semble pas caduque.

Cette commercialité s’explique, selon la doctrine, par l’idée que l’entrepreneur de


spectacle public a une fonction d’intermédiaire entre les auteurs, les acteurs et le
public, et qu’il contribue ainsi à certaine circulation des richesses. C’est pour cette
raison que n’est pas un acte de commerce, le spectacle monté et assuré par l’auteur
lui-même.

Trois conditions sont indispensables au caractère commercial des spectacles


publics :
- Les spectacles doivent être donnés habituellement ;
- Les spectacles doivent être publics ;
- Les spectacles doivent êtres donnés dans un but de spéculation. En
conséquence, les associations qui organisent des spectacles dans un but

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éducatif ou de divertissement et sans recherche de bénéfice, n’accomplissent
pas d’acte de commerce.

III. Les activités de prestation de services

1. Les activités du secteur de la finance

a. Les opérations de banque ;

Les opérations de banque sont très variées. Elles portent principalement sur la
monnaie, la réception de fonds du public, l’octroi de crédit, les opérations de
placement, celles sur les valeurs mobilières et les métaux précieux, les opérations
d’affacturage et de crédit-bail etc.

Les opérations de banque sont des actes de commerce par nature. Elles sont citées
comme tels part l’art. 3 AUDCG.

De même, les banques sont des sociétés commerciales.

b. Les opérations de change ;

L’opération de change est celle qui consiste, moyennant rémunération, à échanger


une monnaie contre une autre. Ex. fournir une devise étrangère contre du franc CFA.

Traditionnellement rattachée aux opérations bancaires, l’opération de change est un


acte de commerce par nature et cité comme tel par l’article 3 AUDCG.

c. Les opérations de bourse ;

Ce sont des transactions effectuées sur un marché spécialisé dans les opérations
d’achat et de vente de valeurs mobilières (actions, obligations, valeurs mobilières
composées etc.). Dans l’espace UEMOA, il existe une Bourse Régionale des Valeurs
Mobilière (BRVM) sur laquelle s’échangent ces titres.

Les opérations de bourse, qui consistent pour l’essentiel à vendre ou acheter des
valeurs mobilières pour le compte de tiers, sont des actes de commerce par nature
(art. 3 AUDCG). Elles sont réalisées professionnellement par des sociétés de gestion
et d’intermédiation qui ont la qualité de commerçant.

d. Les opérations d’assurance

Le contrat d'assurance peut être définit comme un contrat par lequel un organisme
appelé "assureur", s'engage envers une ou plusieurs personnes déterminées
appelées "assurées", à couvrir, moyennant le paiement d'une somme prime
d'assurance, une catégorie de risques déterminés.

L’AUDCG cite les opérations d’assurance comme des actes de commerce.


Contrairement au Code de commerce, il ne fait aucune différence entre les
assurances maritimes et terrestres.

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Il semble cependant que les assurances mutuelles demeurent civiles.

2. Les activités d’intermédiaire

a. Les intermédiaires de commerce

Aux termes de l’article 169 AUDCG, « l’intermédiaire de commerce est une personne
physique ou morale qui a le pouvoir d’agir ou entend agir, habituellement et
professionnellement, pour le compte d’une autre personne, commerçante ou non,
afin de conclure avec un tiers, un acte juridique à caractère commercial ».

Trois types d’intermédiaires de commerce sont prévus par l’AUDCG. Ce sont le


commissionnaire, le courtier et l’agent commercial.

Le commissionnaire est un professionnel qui moyennant une commission, se


charge de conclure une acte juridique en son nom, mais pour le compte d’un
commettant qui lui en a donné mandat. Ex. commissionnaire en douane.

Quant au courtier, c’est celui qui fait habituellement profession de mettre en rapport
des personnes en vue de faciliter ou de faire aboutir la conclusion de contrats entre
ces personnes. En côte d’ivoire, le courtage est particulièrement développé dans le
domaine des assurances. La profession de courtier d’assurance est réglementée par
le code CIMA.

L’agent commercial désigne un mandataire professionnel qui a pour mission, de


façon permanent, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente,
d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de
producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans
être liés envers eux par un contrat de travail.

Les intermédiaires de commerce sont commerçants (art. 170 AUDCG).

b. Les opérations de transit

Le transitaire, également appelé commissionnaire en douane, est un professionnel


chargé d’accomplir, pour le compte de son client, auprès des autorités douanières,
l’ensemble des formalités liées à l’entrée ou à la sortie de marchandises.

C’est un intermédiaire qui agit en son nom, mais pour le compte d’un client. A ce
titre, il se rattache à la catégorie des commissionnaires.

Les opérations de transit sont des opérations commerciales (art. 3 AUDCG).

c. Les autres activités d’intermédiaire

A leur sujet, l’AUDCG cite comme acte de commerce par nature « les opérations
d’intermédiaire pour l’achat, la souscription, la vente ou la location d’immeubles, de
fonds de commerce, d’actions ou de parts de société commerciale ou immobilière ».

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Cette catégorie regroupe les intermédiaires en matière immobilière comme les
agents immobiliers, les démarcheurs, qui font de l’intermédiation pour l’achat, la
vente ou la location de biens immobiliers.

Elle englobe également tous ceux qui font de l’intermédiation pour l’achat, la vente
ou la location de fonds de commerce, de parts ou d’actions de sociétés
commerciales (agents ou cabinet d’affaires).

3. Les autres activités de prestation de service

a. Les opérations de location de meubles

Il s’agit de la location de biens meubles tels que les voitures, les engins de chantier,
les chaises, les bâches, assiettes etc.

La location de biens meubles est un acte de commerce par nature (art. 3 AUDCG).
En revanche, celle des biens immeubles n’est pas un acte de commerce par nature.
Par conséquent, si le propriétaire d’un immeuble en loue les appartements, il
n’accomplit pas un acte de commerce par nature.

b. Les opérations de transport

On peut définir le transport comme une opération par laquelle une personne
dénommée transporteur, se charge de déplacer une personne ou un bien d’un
endroit à un autre contre rémunération.

L’opération de transport est un acte de commerce (art. 3 AUDCG), qu’il s’agisse de


transport de personnes ou de marchandises.

Peu importe le mode de transport utilisé (transport terrestre, maritime ou aérien).

c. Les opérations de télécommunication

La télécommunication désigne la transmission, l’émission ou la réception


d'informations par fil, radioélectricité, optique, ou d'autres systèmes
électromagnétiques.

Les opérations de télécommunication n’étaient pas citées dans le Code de


commerce. Leur développement à imposé au législateur une décision à leur sujet.

Ces opérations sont commerciales par nature (art. 3 AUDCG). Le moyen de


communication utilisé importe peu (téléphone, internet, etc.). Ex, les opérateurs de
téléphonie mobile ou de téléphone fixe accomplissent une activité commerciale.

§2. L’exercice d’une profession.

Pour qu’on puisse parler de commerçant, il faut que celui qui accomplit l’acte de
commerce en fasse sa profession. Cette exigence implique l’idée d’activité, de
répétition et donc d’habitude. Par conséquent, celui qui accomplit un acte de
commerce isolé peut difficilement être qualifié de commerçant.

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Cependant la jurisprudence se montre traditionnellement souple dans la
reconnaissance de l’habitude.

La notion de profession suggère également, selon la doctrine dominante, l’idée que


celui qui accomplit l’acte cherche à en tirer des moyens de subsistance. Le
professionnel, par opposition à l’amateur ou au philanthrope est « celui qui entend
obtenir d’une activité déterminée des ressources lui permettant d’assurer sa
subsistance ou en tout cas l’y aidant » nous dit le Professeur Yves Chartier16. Il est
indifférent qu’en réalité il n’obtienne que peu de profit de ses activités, voire même
n’en retire pas du tout ; ce qui compte c’est l’intention.

Il importe peu d’autre part que la personne qui exerce cette activité commerciale ait
par ailleurs une activité civile. Encore faut-il réserver ici le cas où la première ne
serait que l’accessoire de la seconde. Dans cette éventualité, la théorie de
l’accessoire civil devrait conduire à considérer l’activité secondaire comme civile.
C’est ainsi par exemple que le cultivateur qui transforme ses propres produits avant
de les vendre n’est pas commerçant tant que l’activité de transformation est
accessoire à celle de production agricole.

§3. L’exploitation à titre indépendant.

L’exigence d’indépendance n’est expressément formulée ni par l’acte uniforme ni par


le Code de commerce. Toutefois, elle découle implicitement de la définition précitée.
Le commerçant est celui qui exploite une activité à ses risques et périls. N’est pas
commerçant celui qui accomplit, même de façon habituelle, des actes de commerce
pour le compte d’autrui, sous réserve du cas des professions d’intermédiaires.

Ainsi, les salariés même si leurs activité quotidienne consiste à accomplir des actes
de commerce pour le compte de leur employeur, ne sont pas commerçants. Seul leur
employeur peut avoir cette qualité.

Il en est de même des mandataires du commerçant qui agissent en son nom et


pour son compte, sauf si cette activité de mandataire est qualifiée de commerciale
par la loi (ex. agent commercial).

Il en est de même de certains gérants. A cet égard, une distinction s’impose étant
donné que la notion de gérant recouvre des réalités diverses :

a. Le locataire-gérant d’un fonds de commerce a la qualité de commerçant, car il


exploite le fonds loué en toute indépendance et à ses risques et périls.

b. A l’inverse, le gérant (au sens du langage courant) peut être un simple salarié. Il
peut arriver par exemple que le propriétaire d’un fonds de commerce recrute un
employé pour gérer un ou plusieurs de ses magasins. Ce salarié ne devient pas pour
autant commerçant.

c. Les gérants de SARL, les administrateurs, PDG, DG ou AG de SA ne sont pas


commerçants. Seule la société qu’ils dirigent à cette qualité.
16
Chartier Y., Droit des affaires t. I, L’entreprise commerciale, PUF, 4e éd. n° 61.

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Il y a cependant une exception : le gérant associé d’une SNC et le commandité d’une
SCS ont la qualité de commerçant par détermination de la loi.

Si les dirigeants sociaux ne sont pas en principe commerçants, il faut cependant


observer que certaines règles des professions commerciales leur sont applicables,
bien souvent dans un but de moralisation. Ainsi, sont-ils soumis à l’article 10 AUDCG
qui prévoit les cas de déchéance et d’interdiction d’exercer une activité commerciale
(ce texte interdit, dans les cas qu’il prévoit, l’exercice d’une activité commerciale
« directement ou par personne interposée »).

Section II : Distinction des commerçants avec les professions voisines.

Les professions indépendantes non-commerciales peuvent être regroupées en trois


grandes catégories : les artisans, les professions libérales et les agriculteurs. On
verra d’abord le contenu de la distinction (§1) puis sa portée (§2).

§1 : Contenu de la distinction

A. Commerçant et artisan

L’activité artisanale englobe habituellement des entreprises qui ont une activité de
production, de transformation, de réparation, ou prestation de services. Il existe une
grande variété de professions artisanales et il est difficile de trouver un critère
général qui leur soit commun (mécanicien, coiffeur, tisserand, potier etc…).

La loi relative à l’artisanat (loi n°2014-338 du 5 juin 2014) définit le secteur de


l’artisanat comme « toute activité dont le mode de production, principalement
manuel, peut inclure l’utilisation de machines et d’outillages mécaniques, électriques,
électromécaniques, et appartenant à l’une des branches relevant de la nomenclature
des métiers telle que déterminée par la présente loi ».

L’artisan n’a pas la qualité de commerçant. En côte d’ivoire, les artisans, réunis au
sein de la Chambre des métiers, ont une organisation professionnelle distincte de
celle des commerçants.

Dans de nombreuses circonstances, il n’est pas aisé de distinguer l’artisan du petit


commerçant (par exemple, dans le commerce de l’alimentation) ou du petit industriel.
En plus, il est fréquent qu’un même professionnel soit à la fois artisan et
commerçant.

En droit privé, on s’accorde sur deux critères fondamentaux :


1. L’activité artisanale est essentiellement manuelle, par opposition par exemple à
l’activité industrielle qui est de nature commerciale. Cela n’exclut pas l’usage de
machines, mais implique le caractère subsidiaire, le rôle parcellaire de leur emploi.

2. L’activité artisanale suppose la participation personnelle de l’exploitant, ce qui


suppose une entreprise de taille modeste. Selon un arrêt de la Cour de cassation,
l’artisan vit du produit de son propre travail et de celui de sa famille tandis que

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l’entreprise de manufacture est caractérisée par « la spéculation sur le travail
d’autrui »17.

Il peut arriver que l’artisan, dans l’exercice de son activité, accomplisse des
opérations qui relèvent des actes de commerce. Exemple, la coiffeuse qui
accessoirement à son activité, vend également des mèches à ses clientes. La nature
civile de la profession artisanale a pour conséquence, en principe, de conférer le
caractère civil aux opérations commerciales accomplies par l’artisan, qui sont
nécessaires et accessoires à son activité artisanale. Il s’agit là d’une application de la
théorie de l’accessoire civil. A cet effet, la Cour de cassation invite les juges du fond
à rechercher « si l’ampleur des actes de commerce faits par l’artisan excède le cadre
d’une activité artisanale normale »18.

En revanche, lorsque l’activité commerciale n’est pas l’accessoire nécessaire de la


profession artisanale, l’artisan est également commerçant.

B. Commerçant et profession libérale

Les professions libérales sont nombreuses et variées. Exemple : médecins,


dentistes, architectes, officiers publics ou ministériels (notaire, avoué, huissier de
justice, commissaire-priseur), avocats, administrateurs judicaires, géomètres
experts, architecte, conseils juridiques, experts comptables, commissaires aux
comptes etc.

Ceux qui exercent une profession libérale pratiquent une science, un art ; ils
fournissent avant tout leur compétence intellectuelle, leurs connaissances. Bien
qu’étant rémunérés, ils sont réputés désintéressés ; leur rémunération n’est pas un
bénéfice, mais des honoraires.

Par nature, leur activité n’est pas commerciale. C’est pourquoi les membres de
professions libérales ne sont pas commerçants.

Toutefois, certains membres de professions libérales peuvent être conduit, dans le


cadre de leur activité, à accomplir de façon habituelle des actes qui en eux-mêmes,
sont des actes de commerce. Exemple, le dentiste qui accessoirement a son activité
vend des prothèses dentaires.

La jurisprudence considère que de tels actes ne remettent pas en cause le caractère


civil de l’activité, ces actes étant civils en vertu de la théorie de l’accessoire. Dans
une affaire relative à un chirurgien-dentiste qui achetait des prothèses dentaires qu’il
revendait à ses clients, la Cour de cassation a décidé qu’il ne suffisait pas, pour lui
dénier la qualité de membre d’une profession libérale et le considérer comme
commerçant « de constater qu’il achète certaines matière premières pour les utiliser,
même avec bénéfice, dans la pratique de son art, si de telles opérations ne sont
réalisée qu’à titre d’accessoire nécessaire à la profession »19. La même solution a

17
Req., 20 oct. 1908, DP, 1909.1. 246.
18
Cass. com. 6 février 1962 : Gaz. pal. 1962, I, 393 ; RTD com. 1962, p. 633, obs. Jauffret ; cass. com. 18
février 1980 : RTD com. 1980, p. 759, obs. Jauffret.
19
Cass. soc. 27 octobre 1938 : Gaz. pal. 1938, II, 877.

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été appliquée à un médecin qui, en l’absence de pharmacien dans sa localité,
vendait des médicaments à ses patients.

Si au contraire, les actes de commerce accomplis par un membre d’une profession


libérale n’ont pas, au regard de celle-ci, un caractère à la fois nécessaire et
accessoire, il pourra lors être considéré également comme commerçant s’il accomplit
de tels actes à titre de profession habituelle. Il aura donc une double qualité. Un tel
professionnel s’expose aux sanctions prévues par la loi en cas d’incompatibilité, la
plupart des professions libérales étant incompatibles avec l’exercice d’une activité
commerciale.

C : Commerçant et agriculteur

L’agriculteur désigne ici l’exploitant agricole. Exemple : exploitant d’une plantation de


palmiers à huile, d’un champ de café, de cacao ou de noix de cajou. Outre
l’agriculteur au sens étroit, relèvent également de la catégorie des agriculteurs au
sens du droit privé, des professions voisines telles que les éleveurs, les fleuristes, les
pisciculteurs.

L’agriculteur n’est pas commerçant. L’explication repose, pour une part significative,
sur des considérations historiques.

L’agriculteur peut être conduit à accomplir des opérations de nature commerciale. La


jurisprudence, ici également, applique la théorie de l’accessoire civil tant que cette
activité secondaire reste l’accessoire de la principale.

En revanche, lorsque la seconde activité n’est pas l’accessoire de l’activité agricole,


l’agriculteur devient également commerçant. Ainsi a-t-il été décidé, en France, que
l’agriculteur qui exerce également une activité de transformation de produits
agricoles, devient commerçant si l’activité de transformation prend une ampleur telle
qu’elle le conduit à transformer, dans une proportion significative, la production de
des exploitations voisines20. De même, l’agriculteur qui achète pour revendre la
production des exploitations voisines, devient commerçant lorsque l’activité d’achat
pour revendre a une trop grande importance par rapport à sa production personnelle.

La question s’est également posée au sujet de l’élevage. Afin de faire le départ entre
l’élevage au sens classique (qui est civile) et les nouvelles formes d’élevage intensif
(qui est commercial), la Cour de cassation a eu recours au critère de la source des
aliments utilisés pour l’engraissement des animaux. Selon la haute juridiction, dès
lors qu’un éleveur achetait régulièrement la plus grande partie des aliments
nécessaires à l’engraissement des animaux, il devait être considéré comme
commerçant21.

§2. Portée de la distinction

Si les professions commerciales doivent être distinguées de professions civiles, il


convient de ne pas exagérer cette distinction. L’évolution du droit tend à rapprocher

20
Cass. com. 5 février 1979 : Bull civ. IV, n° 46, p. 37.
21
v. not. Cass. com. 8 mai 1978: Bull. civ. 1979, IV, n° 133, p. 112; RTD com. 1979, p. 87 obs. Derrupé; Cass.
com. 10 juillet 1985 : Bull. civ. 1985, IV, n° 210, p. 174.

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ces deux catégories de professions. En effet, les règles des commerçants font l’objet
d’une extension progressive aux professions non-commerciales (A). De plus, un
nombre croissant de règles sont communes à l’ensemble des professionnels (B).

A) Extension du statut des commerçants aux non-commerçants.

- Extension droit des baux commerciaux à l’ensemble des professionnels. On


parle désormais de bail à usage professionnel.

- Extension du droit des procédures collectives à l’ensemble des professions y


compris celles de nature civile.

- Extension de l’obligation de tenue de livres comptables à l’ensemble des


entreprises.

- Lorsque la profession civile est exercée sous forme de société commerciale,


elle est, au moins en partie, assujettie aux règles du droit commercial.

B) Règles communes à l’ensemble des professionnels

- Le statut d’entreprenant est ouvert à l’ensemble des professionnels


- Les règles du droit de la concurrence s’appliquent à l’ensemble des
entreprises
- Les obligations liées à la protection des consommateurs concernent tous les
professionnels

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CHAP. 2 : LA CONDTION JURIDIQUE DU COMMERÇANT

SECTION I : L’ACCES AUX PROFESSIONS COMMERCIALES.

L’accès aux professions commerciales en Côte d’Ivoire est gouverné, au moins en


théorie, par le principe de la liberté d’entreprendre (§1). Toutefois, ce principe
comporte de nombreuses exceptions et atténuations (§2).

§ 1 : Principe de la liberté d’entreprendre.

La liberté d’entreprendre est une composante d’une liberté publique plus large que
l’on appelle liberté de commerce et d’industrie. Elle consiste en la liberté, pour toute
personne d’entreprendre, à son compte, l’activité économique de son choix, à
condition de respecter la réglementation en vigueur. Il s’agit avant tout d’une liberté
d’établissement ou d’installation par opposition à la liberté d’exercice et d’exploitation
qui est l’autre composante de la liberté de commerce et d’industrie.

On s’accorde à faire remonter l’origine de cette liberté à une loi fiscale des 2 et 17
mars 1791, connue sous le nom de « décret d’Allardes ». Ce texte, mettant fin aux
corporations, disposait en son article 7, « … il sera libre à toute personne de faire tel
négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon …».

En droit ivoirien, un fondement peut être trouvé dans l’article 13 de la Constitution


ivoirienne, selon lequel « Le droit de tout citoyen à la libre entreprise est garanti dans
les limites prévues par la loi. »

Sa reconnaissance expresse par la constitution confère à cette liberté une valeur


constitutionnelle. Toutefois, il est reconnu au législateur le pouvoir d’y apporter des
limites.

§2 : Exceptions et atténuations au principe de la liberté d’entreprendre.

Le principe de la liberté d’entreprendre supporte des exceptions et atténuations qui


consistent en un certain nombre de restrictions auxquelles est soumis l’accès aux
professions commerciales. Il existe ainsi des conditions générales d’accès aux
professions commerciales, auxquelles il faut ajouter des restrictions spécifiques à
certaines professions dites réglementées telles que la profession bancaire, les
assurances, l’exploitation des débits de boisson, la vente de produits
pharmaceutiques, etc.

La vocation générale du présent cours nous oblige à nous limiter aux restrictions à
caractère général lesquelles peuvent être regroupées en deux rubriques. Il ya d’une
part, les conditions de capacité (A), et les conditions de compatibilité et de moralité
(B).

A : Conditions de capacité

Le candidat à l’exercice d’une profession commerciale doit avoir la capacité


commerciale (1). De plus, s’agissant du commerçant marié, son activité ne doit pas
être contraire à l’intérêt de la famille (2).

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1. La capacité commerciale.

L’exigence de la capacité est posée à l’article 6 AUDCG qui dispose que « nul ne
peut accomplir des actes de commerce à titre de profession habituelle s’il n’est
juridiquement capable d’exercer le commerce ». Cette restriction vise le mineur (1) et
le majeur incapable (2).

a) Le mineur.

Selon l’article 7 al. 1er AUDCG, « Le mineur, sauf s’il est émancipé, ne peut avoir la
qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce ». On peut déduire de ce
texte deux idées majeures.

La première est que le mineur non-émancipé ne peut pas accomplir d’actes de


commerce. Les actes de commerce accomplis par le mineur non- émancipé sont
nuls d’une nullité relative.

Le droit commercial rejoint en cela le droit civil, car la loi n° 70-483 du 3 aout 1970
relative à la minorité dispose que le mineur non-émancipé est incapable de
contracter.

La deuxième idée liée à la première, c’est que mineur non-émancipé ne peut avoir la
qualité de commerçant. Cela signifie qu’il ne peut pas s’établir pour exercer de façon
régulière une profession commerciale.

On en déduit également que même s’il exerce de façon irrégulière une activité
commerciale, les règles de la commercialité ne peuvent lui être appliquées, car
l’incapacité vise à protéger le mineur.

Ne pouvant avoir la qualité de commerçant, le mineur non-émancipé ne peut être


associé d’une SNC ou commandité d’une SCS.

L’article 7 al. 1er AUDCG précité soulève cependant une interrogation. En effet, ce
texte vise « le mineur, sauf s’il est émancipé ». Peut-on, par une analyse à contrario,
soutenir que la seule émancipation suffit à conférer la capacité commerciale au
mineur ? La question se pose d’autant plus que dans le droit ivoirien antérieur à
l’OHADA, 114 de la loi n° 70-483 du 3 aout 1970 relative à la minorité soumettait le
commerce du mineur émancipé à une série de conditions : le mineur devait être âgé
d’au moins 18 ans révolus et obtenir une autorisation spéciale de celui ses père ou
mère qui exerce la puissance paternelle ou du conseil de famille, laquelle
autorisation devait être inscrite au registre du commerce. Cette solution est-elle
désormais caduque ?

Le raisonnement à contrario doit, nous semble-t-il, être utilisé avec précaution si l’on
tient compte de la superposition du droit uniforme aux droits nationaux. Ainsi qu’il a
été préalablement souligné, le droit national non-contraire demeure en vigueur.
L’article 114 précité est-il contraire à l’article 7 al. 1er AUDCG ? La CCJA ne s’est pas
encore prononcée sur la question. Il semble cependant que si l’acte uniforme n’est
pas contre le commerce du mineur émancipé, il serait exagéré d’en déduire qu’il lui

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accorde une véritable capacité commerciale. Ce qui est interdit c’est le commerce du
mineur non-émancipé. Dès lors, les règles nationales ayant pour objet de restreindre
le commerce du mineur émancipé ne nous semblent pas contraire au droit uniforme.
En conséquence, les dispositions de l’article 114 de la loi n° 70-483 du 3 aout 1970
relative à la minorité devraient demeure en vigueur.

b) Les majeurs incapables.

Il s’agit du majeur qui a fait l’objet d’une mesure d’interdiction judicaire de la part du
tribunal compétent conformément aux dispositions des articles 489 et suivants du C.
civ. Cette mesure concerne l’adulte qui est dans un état habituel d’imbécilité, de
fureur ou de démence.

Sont également incapables les adultes qui, sans être interdits à proprement parler,
sont soumis à l’assistance d’un conseil de famille dans les conditions prévues par
l’article 499 C. civ.

Tous les actes passés postérieurement à l’interdiction par l’interdit ou sans


l’assistance du conseil de famille seront nul de droit. A fortiori ne peut-il pas exercer
une activité commerciale.

2. La conformité à l’intérêt de la famille.

En droit ivoirien, la capacité civile de la femme mariée est expressément reconnue


par les textes. L’article 61 de la loi n° 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage,
modifié par la loi n° 83-800 du 2 août 1983 dispose expressément que « La femme
mariée a la pleine capacité de droit. L’exercice de cette capacité n’est limitée que par
la loi ».

Par conséquent, la femme marié, tout comme l’homme marié, peut exercer une
activité commerciale et acquérir la qualité de commerçant. Cette liberté
professionnelle ressort clairement de l’article 67 de la loi sur le mariage tel modifié
par une loi de 2012 qui dispose : « chacun des époux a le droit d’exercer la
profession de son choix … ».

Ce texte assorti toutefois cette liberté d’une réserve en ces termes « … à moins qu’il
ne soit judiciairement établit que l’exercice de cette profession est contraire à l’intérêt
de la famille ». Cette nouvelle formulation de l’article 67 met fin à l’inégalité qui
existait antérieurement (loi de 1983) selon laquelle, seul l’époux pouvait agir en
justice pour faire déclarer l’activité de son épouse contraire à l’intérêt de la famille
(TPI Abidjan 12 juillet 1985 : RID 1986, p. 93). Désormais, cette action est ouverte
aux deux époux. L’un ou l’autre des époux peut saisir le juge pour faire déclarer
l’activité de l’autre contraire à l’intérêt de la famille.

La loi est cependant imprécise s’agissant des effets de la décision judicaire déclarant
l’activité de l’épouse ou de l’époux contraire à l’intérêt de la famille.

Toujours s’agissant de personnes mariées, l’article 7 AUDCG dispose : « Le conjoint


d’un commerçant n’aura la qualité de commerçant que s’il accomplit les actes visés
aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession habituelle et séparément de ceux

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de son époux ». En d’autres termes, si une personne se contente d’aider son
conjoint commerçant, il n’a pas, par ce seul fait, la qualité de commerçant. Pour
acquérir cette qualité, il faut que l’époux accomplisse des actes de commerce à titre
de profession habituelle et séparément de ceux de son époux.

La question se pose cependant de savoir ce qu’il faut entendre par l’expression


« séparément de ceux de son époux ». Cette formule signifie-t-elle l’exploitation d’un
commerce séparé ou l’accomplissement d’actes séparés ? Que décider lorsque deux
conjoints exploitent ensemble un fonds de commerce, chacun accomplissant des
actes de commerce ? Il semble que les deux doivent bénéficier de la qualité de
commerçant. En pratique, la situation est proche de la société créée de fait.

Outre les conditions de capacité et de pouvoir, l’accès aux professions commerciales


est subordonné à des conditions compatibilité et de moralité.

B : Les conditions compatibilité et de moralité

1) Les conditions de compatibilité

L’exercice régulier d’une activité commerciale suppose que le candidat ne relève pas
d’un statut déclaré incompatible avec le commerce. Le principe est posé à l’article 8
al. 1er AUDCG selon lequel nul ne peut exercer une activité commerciale lorsqu’il est
soumis à un statut particulier établissant une incompatibilité.

On estime que l’esprit de spéculation inhérent au commerce risque de nuire à la


dignité et ou au besoin de neutralité qu’incarnent certaines professions.

Toutefois, l’incompatibilité suppose l’existence d’un texte qui la prévoit expressément


(article 8 al. 2 AUDCG).

L’article 9 AUDCG énumère un certain nombre de professions ou fonctions


incompatibles avec l’exercice d’une activité commerciale :
- fonctionnaire et personnel des collectivités publiques et des entreprises à
participation publique ;
- les officiers ministériels et auxiliaires de justice : avocat, huissier, commissaire
priseur, agent de change, notaire, greffier, administrateurs et liquidateur judicaires ;
- expert comptables agréé, comptable agréé, commissaires aux comptes et aux
apports, conseil juridique, courtier maritime ;
- plus généralement toute profession dont l’exercice fait l’objet d’une réglementation
interdisant le cumul de cette activité avec l’exercice d’une profession commerciale.

Il faut comprendre que cette liste n’est pas exhaustive et des textes nationaux
peuvent parfaitement prévoir des cas d’incompatibilité.

Celui qui exerce une activité commerciale en violation d’une règle d’incompatibilité
devient commerçant et ne saurait échapper aux règles de la commercialité lesquelles
peuvent être invoquées en son encontre. Par contre, il ne peut se prévaloir de sa
qualité de commerçant.

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S’agissant de la validité de ses actes, l’article 8 al. 4 fait une distinction entre les tiers
de bonne foi et les autres. L’acte fait en situation d’incompatibilité est valable à
l’égard des tiers de bonne foi qui peuvent, si bon leur semble, s’en prévaloir. En
revanche, cet acte ne peut être invoqué par la personne en situation
d’incompatibilité.

Cette solution pose la question du sort du cocontractant. Faut-il l’assimiler à un tiers


ou faut-il limiter cette notion aux personnes étrangères à l’acte ? A notre avis, le mot
tiers doit être pris ici dans un sens large et englober le cocontractant.

2) Les conditions de moralité

Ces règles ont pour but d’éliminer du commerce les personnes indignes, ainsi que
celles dont le défaut de moralité est établit.

La loi prévoit ainsi des interdictions sont de deux sortes : les interdictions générales
prononcées par une juridiction civile ou répressive et les interdictions spéciales
limitées à une profession, qui sont bien souvent prononcées par une juridiction
professionnelle.

a. Au titre des interdictions générales, l’article 10 al. 4 AUDCG prévoit que sont
frappées de déchéance les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive
à une peine privative de liberté pour un crime de droit commun, ou à une peine d’au
moins trois mois d’emprisonnement non-assorti de sursis, pour un délit contre les
biens, ou pour une infraction en matière économique ou financière.

Son également interdits les personnes qui ont fait l’objet d’une interdiction générale
définitive ou temporaire, prononcée par une juridiction de l’un des Etats parties ; que
cette interdiction ait été prononcée comme peine principale ou peine
complémentaire.

L’interdiction générale s’oppose à l’exercice de toute activité commerciale. L’interdit


ne peut faire le commerce ni pour lui-même, ni par personne interposée. On
s’accorde également à penser qu’il ne peut le faire comme mandataire, par exemple
en qualité de gérant ou d’administrateur d’une société.

S’agissant du champ d’application territorial de l’interdiction, il semble que


l’interdiction prononcée dans un Etat membre produit effet dans l’ensemble des Etats
membres. Une personne interdite au Sénégal ne peut dès lors aller s’installer au
Bénin pour exercer une activité commerciale.

b. L’interdiction spéciale est visée à l’article 10 al. 3 AUDCG qui concerne les
personnes ayant fait l’objet d’une interdiction prononcée par une juridiction
professionnelle ; ce texte précise que dans ce cas, l’interdiction ne s’applique qu’à
l’activité commerciale considérée.

L’interdiction peut être levée par la juridiction qui l’a prononcée, mais la requête n’est
recevable qu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du jour du prononcé de
l’interdiction.

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Cette possibilité de réhabilitation ne distingue pas entre interdiction générale ou
spéciale, ni entre déchéance et interdiction au sens étroit.

L’interdit qui poursuit une activité commerciale de façon irrégulière est commerçant
et les règles du droit commercial peuvent être invoquées à son encontre. Par contre,
il ne peut se prévaloir de sa qualité de commerçant. Il s’expose également à des
sanctions pénales.

S’agissant de la validité des actes, l’article 12 AUDCG dispose qu’ils sont


inopposables aux tiers de bonne foi. Ils sont cependant opposables à l’interdit.

Section II : Les obligations des commerçants.

Les obligations auxquelles sont assujettis les commerçants sont de nature diverses.
Certaines sont spécifiques à certaines catégories de commerçants, tandis que
d’autres sont générales à l’ensemble des commerçants. Ne sont envisagées ici que
les secondes. Il s’agit principalement de l’immatriculation au RCCM ( §1), et des
obligations comptables et financières (§2).

§1 : L’immatriculation RCCM

Le RCCM, dans sa version instituée par l’AUDCG, a diverse fonctions (art. 34 et 35


AUDCG). La fonction traditionnelle est de recevoir l’immatriculation des personnes
physiques commerçantes et des sociétés commerciales, auxquels il faut désormais
ajouter les GIE et toutes les personnes et entités cités à l’article 35 AUDCG.

Il permet ainsi la constitution d’une base de données qui aide à l’identification des
entreprises commerciales, de leur activité et de leurs dirigeants, de leurs résultats,
ainsi qu’à l’information du public.

Le RCCM reçoit également les inscriptions et les mentions constant les modifications
intervenues depuis l’immatriculation dans l’état et la capacité juridique des personnes
physiques et morales immatriculées (changement de dénomination, de nom
commercial ou d’enseigne, changement dans l’état civil, modification d’activité, ou
des statuts de la société, dissolution, cessation d’activité etc.…). Certaines décisions
y sont mentionnées d’office par le greffier (décisions intervenues dans le cadre des
procédures collectives d’apurement du passif, les décisions prononçant des
sanctions patrimoniales contre les dirigeants des personnes morales, les décisions
de réhabilitation à la suite de déchéance ou d’interdiction).

Enfin, la grande innovation du droit OHADA est que le RCCM reçoit également
l’inscription des sûretés mobilières (nantissement du fonds de commerce, des parts
sociales ou des actions, privilège du vendeur du fonds de commerce, réserve de
propriété, contrat de crédit-bail etc…).

L’organisation générale du RCCM distingue trois niveaux :


- Au niveau local, ya le RCCM au sens étroit, qui est tenu, en Côte d’Ivoire, au greffe
du Tribunal de commerce ou des TPI et de leur section détachées, sous la
surveillance du Président ou d’un juge délégué à cet effet.

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- Au niveau de chaque Etat, il est prévu un Fichier national qui centralise, les
renseignements consignés dans les registres locaux. En côte d’ivoire ce fichier doit
être tenu à la Cour d’Appel d’Abidjan.
- Au niveau régional, il ya un Fichier Régional, tenu à la CCJA, qui centralise les
renseignements consignés dans chaque registre national, sur l’ensemble de l’espace
OHADA.

Afin de bénéficier des effets de l’immatriculation (B), le commerçant doit introduire


une demande suivant la procédure décrite dans les articles 25 et suivants de
l’AUDCG (A).

A. La demande d’immatriculation

Le requérant remplit un formulaire de demande d’immatriculation qu’il dépose au


greffe de la juridiction du lieu d’exploitation du commerce. La demande indique les
informations relatives à l’identification du commerçant personne physique ou morale,
la nature et le lieu d’exercice de l’activité, la forme de l’exploitation. Le requérant
signe sa demande à laquelle il joint les pièces justificatives requises (extrait d’acte de
naissance, casier judiciaire, statuts de société, contrats de GIE …).

Après vérification, le greffier procède à l’immatriculation et attribue un numéro RCCM


que le commerçant devra faire figurer sur ses documents commerciaux.

Les établissements secondaires (c’est-à-dire les établissements permanents distincts


de l’établissement principal et dirigés par l’assujetti, son préposé ou une personne
ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers) et les succursales
(établissement commercial ou industriel ou de prestation de service appartenant à
une société ou à une personne physique, et doté d’une certaine autonomie de
gestion. - article 116 AUSCGIE) sont également assujettis à l’obligation
d’immatriculation suivant une procédure identique.

B. Les effets de l’immatriculation

L’immatriculation au RCCM crée à l’égard de toute personne physique la


présomption de qualité de commerçant. En principe, elle permet au commerçant de
bénéficier de la plénitude des avantages inhérents à son statut.

Le commerçant non-immatriculé au RCCM est tout de même commerçant, sauf qu’il


ne pourra se prévaloir de cette qualité à l’égard des tiers et de l’Administration.

Exemple : la preuve d’un acte de commerce peut être faite, à son encontre, par tout
moyen.

Concernant l’inscription des faits et actes modificatifs, l’effet principal de l’inscription


est l’opposabilité. Autrement exprimé, les personnes assujetties à l’immatriculation
au RCCM ne peuvent, dans leur activité, opposer aux tiers ou aux administrations,
des faits qui auraient dû être publiés au RCCM et qui ne l’ont pas été.
Lorsque la personne assujettie cesse son activité commerciale, elle doit demander
sa radiation au RCCM dans un délai d’un mois.

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§2: Les obligations financières et comptables du commerçant

Le commerçant, personne physique ou morale, doit tenir un certain nombre de livres


de commerce prévus et réglementés par l’AUDCG et l’AUDCIF.

A. Les obligations comptables

1) Les livres à ternir

a) Les livres obligatoires.

- Au titre des livres obligatoires, le commerçant doit d’abord tenir un livre journal
enregistrant, au fur et à mesure, ses opérations commerciales.

- Outre le journal, le commerçant doit tenir également un grand livre constitué par
l’ensemble des comptes de l’entreprise où sont inscrits ou reportés, par compte, les
différents mouvements de l’exercice.

- Le troisième livre obligatoire est le livre d’inventaire. Chaque année, à la clôture


de l’exercice, le commerçant doit faire l’inventaire de son entreprise, c'est-à-dire
recenser l’ensemble des éléments actif et passif en vue de l’établissement d’un
tableau descriptif et estimatif. Sur le livre d’inventaire sont transcrits le bilan et le
compte de résultat de l’exercice ainsi que le résumé de l’opération d’inventaire.

- la balance générale des comptes est un état récapitulatif faisant apparaitre, pour
chaque compte, le solde débiteur ou créditeur.

- Le commerçant doit enfin établir, à la clôture de chaque exercice, des états


financiers de synthèse. Sous l’appellation d’états financiers de synthèse, le
législateur regroupe :
le bilan : décrivant séparément les éléments d’actifs constituant le patrimoine de
l’entreprise et les éléments du passif. (En bref, l’état de ce que possède et doit
l’entreprise)
le compte de résultat : récapitulant les produits et les charges faisant apparaître,
par différence, le bénéfice net ou la perte nette de l’exercice.
le tableau financier des ressources et des emplois (TAFIRE) : retraçant les flux
de ressources et les flux d’emplois de l’exercice.
l’état annexé : complétant et précisant l’information donnée par les autres états
financiers annuels.

Par dérogation à ce qui précède, l’article 21 AU Compt. autorise les entreprises


relevant du système minimal de trésorerie, à tenir une simple comptabilité de
trésorerie (consiste à enregistrer uniquement les encaissements et les
décaissements).

b) Les livres facultatifs.

Outre les livres obligatoires, l’acte uniforme prévoit la possibilité, pour le


commerçant, de tenir des livres facultatifs destinés à faciliter l’établissement du livre
journal et du grand livre. Il peut ainsi tenir un livre de caisse qui enregistre tous les

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paiements effectués ou reçus, un livre brouillard ou main courante (qui enregistre,
séance tenante, toutes les opérations qui sont ensuite transcrite au grand livre), un
livre des effets (qui enregistre les effets de commerce à payer ou à recevoir avec leur
échéance respective)…

2) Les règles de tenue

Tous les livres obligatoires sont tenus sans blanc ni altération d’aucune sorte. Cela
signifie notamment, qu’ils ne doivent pas être raturés ou déchirés. Toute correction
d’erreur s’effectue exclusivement par inscription en négatif des éléments erronés ;
l’enregistrement exact est ensuite opéré (article 20 al 2 AU Compt).

Par ailleurs, le livre journal et le livre d’inventaire doivent mentionner le numéro


d’immatriculation au RCCM du commerçant concerné.

Ils doivent également être cotés et paraphés à l’avance par le président de la


juridiction compétente ou le juge désigné par lui. La cote, c’est-à-dire le numérotage
des feuillets, prévient la suppression et l’intercalation. Le paraphe ou la signature du
greffier rend la substitution difficile.

En droit ivoirien la juridiction compétente devrait être le Tribunal de commerce, les


TPI ou les sections détachées, selon le lieu d’exploitation du commerce.

3) La valeur probante des livres de commerce.

Lorsque les livres obligatoires sont régulièrement tenus la loi leur accorde une
certaine valeur probante qui est variable en fonction des circonstances.

Dans les rapports entre commerçants, le juge peut admettre les livres de
commerce comme moyen de preuve (art. 5 al.4 AUDCG). C'est-à-dire que chacun
des commerçants peut invoquer ses livres de commerce. Il appartiendra alors au
juge de forger sa conviction à partir des livres produits.

Dans les rapports entre commerçant et non commerçant, les livres peuvent
toujours être utilisés comme moyen de preuve contre celui qui les tient, c'est-à-dire le
commerçant. On considère que les mentions des livres de commerce constituent un
aveu de sa part.

Toutefois celui qui compte utiliser les livres contre un commerçant ne peut retenir
uniquement les mentions qui lui sont favorables. Les mentions des livres de
commerce sont en effet indivisibles.

En revanche, le commerçant ne peut invoquer ses livres contre le non commerçant.


L’article 1329 C. civ. dispose en effet que « les registre des marchands ne font point,
contre les personnes non marchandes, preuves de fournitures qui y sont portées ».

Enfin, dans le cours d’une contestation, le juge peut ordonner la représentation des
livres de commerce afin d’en extraire ce qui concerne le litige.

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Lorsque les livres sont irrégulièrement tenus, ils ne peuvent être invoqués par les
commerçants leur auteur à son profit.

Les livres mal tenu exposent également le commerçant à des sanctions pénales (loi
n° 64-292 relatives aux obligations des commerçants, article 4).

B. Obligations financières du commerçant

1) Obligation d’ouverture d’un compte bancaire

Cette obligation résulte du règlement relatif aux systèmes de paiement dans l’espace
UEMOA. L’article 9 de ce texte dispose que tout commerçant au sens de l’AUDCG
est tenu d’ouvrir un compte auprès des services financiers de la poste, ou d’une
banque établie dans un Etat membre.

Le même texte fait obligation au commerçant d’indiquer sur ses factures et autres
documents par lesquels il réclame paiement, la domiciliation et le numéro de son
compte bancaire.

A défaut de fournir ces indications, il ne peut bénéficier d’intérêts moratoires sur la


créance dont il réclame paiement, nonobstant toute mise en demeure, sommation,
clause contractuelle ou disposition contraire.

2) Interdiction de refuser les paiements par monnaie scripturale

Dans les relations entre commerçant agissant dans l’exercice de leur commerce,
ceux-ci ont obligation d’accepter les paiements effectués par virement bancaire, au-
delà d’un montant de référence fixé par ministre en charge des finances.

Cette obligation est cependant écartée s’il est proposé un autre moyen scriptural de
paiement approprié. Ex. lettre de change, billet à ordre, chèque.

Le champ d’application de cette obligation doit être précisé:


- elle se limite aux relations entre commerçants. Donc, exclusion des relations
entre non-commerçants, ainsi que des relations entre commerçants et non-
commerçants.
- ceux-ci doivent agir dans l’exercice de leur commerce. A contrario, lorsque
l’acte est étranger à l’exercice du commerce, l’obligation n’est pas applicable.

Par ailleurs, dans les relations entre les commerçants et leurs clients, les premiers
ne peuvent, au-delà d’un montant de référence, refuser les paiements effectués par
chèque pré-barré ou non, à moins qu’il y ait un autre moyen scriptural de paiement
approprié.

Cette double obligation a pour finalité de promouvoir l’usage des moyens de


paiement scripturaux et de limiter la manipulation d’espèces.

S III. Les actes des commerçants : les actes de commerce.

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Affirmer que les actes de commerce sont les actes de commerçants est
incontestablement réducteur. Tous les actes des commerçants ne sont pas des
actes de commerce (actes de la vie privée) et inversement, les non-commerçants
peuvent accomplir des actes de commerce (acte de commerce par la forme). Il
demeure cependant qu’en pratique, la grande majorité des actes de commerce sont
le fait des commerçants.

L’étude des actes de commerce nous conduira à examiner leur typologie (§1), puis
leur régime juridique (§2).

§1 : Typologie des actes de commerce

On distingue traditionnellement les actes de commerce en trois catégories. Les actes


de commerce par nature, les actes de commerce par la forme et les actes de
commerce par accessoire.

A. Acte de commerce par nature

Selon De Juglart et Ippolito, ce sont les actes dont le caractère commercial résulte
de la nature ou de l’objet de l’acte. Leur accomplissement à titre de profession
confère la qualité de commerçant à l’auteur de l’acte.

Les actes de commerce par nature ont été étudiés dans le chapitre précédent.

B. Acte de commerce par la forme

L’acte de commerce par la forme est un acte qui est commercial en raison de sa
seule forme et quelque soit sont objet, son but ou son auteur.

Sont cités au titre des actes de commerce par la forme les effets de commerce et les
sociétés commerciales par la forme. S’agissant des effets de commerce, l’article 4
AUDCG, cite la lettre de change, le billet à ordre et le warrant. Ces opérations sont
donc désormais commerciales par la forme.

Concernant les sociétés, sont commerciales en raison de forme, la SNC, la SCS, la


SARL et la SA, SAS. Il en résulte qu’à part la société en participation et les sociétés
crées de fait, toutes les sociétés prévues par l’acte uniforme relatif aux sociétés
commerciales sont désormais commerciales par la forme. La distinction que l’on
faisait entre société de personnes et sociétés de capitaux au regard de la
commercialité par la forme22 est donc désormais révolue.

C. Acte de commerce par accessoire

Bien que s’appuyant sur des textes, la théorie des actes de commerce par
accessoire est une construction d’origine essentiellement jurisprudentielle. L’idée,
puisant ses racines dans la règle « accessorium sequitur principale », est qu’un acte
de nature civile peut devenir commercial parce que accessoire à une activité ou une

22
On considérait que les sociétés de capitaux étaient commerciales en raison de leur forme et les sociétés de
personnes en fonction de leur objet, la S.A.R.L. étant, sur ce point, rangée du côté des sociétés de capitaux. – V
Hémard (J.), Terré (F.) et Mabilat (L.), Sociétés commerciales, t. I, op. cit., n°68.

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opération commerciale. Réciproquement un acte normalement commercial peut être
civil car accompli accessoirement à une activité civile.

1 L’accessoire commercial

a) Exposé de la théorie

La théorie de l’acte de commerce par accessoire repose sur l’idée qu’un acte de
nature civile devient commercial parce qu’accompli par un commerçant dans le cadre
de son activité professionnelle ou par une société commerciale.

Les juges ont construit cette théorie à partir de l’ancien article 632 al.10 C. com. 23 qui
réputait acte de commerce « toutes obligations entre négociants, marchands, et
banquiers ».

En droit OHADA, la théorie de l’acte de commerce par accessoire peut trouver racine
dans l’article 3 al. 4 AUDCG qui qualifie d’acte de commerce « les contrats entre
commerçant pour les besoins de leur commerce ». Il y a également l’alinéa dernier
du même article qui qualifie d’acte de commerce « les actes effectués par les
sociétés commerciales ».

b) Les conditions d’application :

- Il faut que l’auteur de l’acte, à l’égard duquel la commercialité par accessoire est
invoquée, ait la qualité de commerçant.

- Il faut que l’acte se rattache à l’exercice de l’activité de ce commerçant. En d’autre


termes, il faut que l’acte ait été accomplit pour les besoins de son commerce ou se
soit réalisé à l’occasion de ce commerce.

- Il faut que l’acte ne soit pas commercial par nature ou par la forme.

c) Champ d’application.

La théorie s’applique à l’évidence aux contrats puisque ce sont eux qui sont visés par
l’article 3 AUDCG précité.

Elle s’applique également aux quasi-contrats (répétition de l’indu, gestion d’affaire,


enrichissement sans cause) en vertu des solutions jurisprudentielles antérieures au
Droit OHADA.

La théorie de l’accessoire s’applique également, pour les mêmes raisons, aux délits
(fautes volontaire) et aux quasi-délits (fautes involontaires). Ainsi, des faits de
concurrence déloyale peuvent être qualifiés d’acte de commerce s’ils sont accomplis
par un commerçant à l’occasion de son commerce

On voit à quel point la notion d’acte de commerce déborde celle d’acte juridique pour
concerner également des faits juridiques !

23
Actuellement l’article 110-9 nouv. C. com.

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2. L’accessoire civil.

L’accessoire civil est la réciproque de l’accessoire commercial. Ici, l’acte est


normalement commercial, mais devient civil parce que accessoire à une activité
civile. Trois conditions doivent être réunies.
- Il faut que l’activité principale soit civile.
- il faut que l’acte commercial soit nécessairement lié à cette activité civile.
- il faut que l’acte ait un caractère accessoire par rapport à l’activité principale civile.

Les applications de cette théorie sont nombreuses dans les diverses professions
civiles. Ainsi, le chirurgien dentiste qui, accessoirement à son activité principale,
achète des prothèses dentaires pour les revendre à ses patients, n’accomplit pas un
acte de commerce dès lorsque les achats pour revendre sont un accessoire
nécessaire de l’activité principale. Idem pour l’agriculteur qui transforme ses produits
agricoles avant de les commercialiser.

§2 : Régime juridique des actes de commerce

Nous procéderons, dans un premier temps, à l’exposé du régime juridique des actes
de commerce (A), avant d’évoquer son application aux actes mixtes (B).

A. Exposé du régime des actes de commerce

1. Règes de preuve et de procédure.

a) La liberté de preuve des actes de commerce.

Aux termes de l’article 5 AUDCG, « les actes de commerce se prouvent par tout
moyen, même par voie électronique, à l’égard des commerçants ». Ce texte pose la
règle de la liberté de preuve en matière commerciale.

Les conditions d’application de cette règle sont au nombre de deux et elles sont
cumulatives :

- Il faut que l’acte à prouver soit de nature commerciale. A cet égard, aucune
distinction n’est faite selon que l’acte soit commercial par nature, par la forme ou par
accessoire.

- Il faut que la personne contre qui la preuve est faite ait la qualité de commerçant.
Le droit OHADA s’inspire en cela d’une ancienne jurisprudence française24,
confirmée par la loi du 12 juillet 198025.

Inversement, lorsque c’est le commerçant qui entend faire la preuve contre le non-
commerçant, un commencement de preuve par écrit est nécessaire (art. 5 al 2
AUDCG).

24
Cass. civ. 12 avr. 1976: RTD com. 484, Obs. Jauffret; 27 avr. 1977 : D. 1977, jur. 413, note Gautry.
25
Loi n°80/525 du 12 juillet 1980 : J.O. 13 juillet 1980, p. 1755. ; Sur cette réforme, v. not. Derruppé (J.) : RTD
com. 1980, p. 757

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Lorsque ces conditions sont réunies, la preuve peut être faite par tout moyen, y
compris par voie électronique.

L’expression « tout moyen » implique qu’un commencement de preuve par écrit n’est
pas nécessaire. Des témoignages peuvent être retenus, aussi bien que des
correspondances (fax, courrier, e-mail), des factures et les livres de commerce
régulièrement tenus.

La jurisprudence française semble déduire de cette règle la possibilité de prouver par


tout moyen contre les mentions d’un écrit26.

b) La mise en demeure.

Contrairement à la solution de droit civil selon laquelle la mise en demeure ne peut


résulter que d’un exploit d’huissier, on admet traditionnellement qu’en droit
commercial, toute manifestation de volonté du créancier réclamant le paiement vaut
mise en demeure27.

2. Règles de fond.

a) La prescription quinquennale des actes de commerce.

Selon l’article 16 AUDCG « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre
commerçants, ou entre commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq
ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ». Ce texte, qui
pose le principe de la prescription quinquennale des actes de commerce, appelle les
observations suivantes.

En premier lieu, l’acte uniforme retient un délai de prescription de cinq ans au lieu de
dix sous l’empire du Code de commerce.

En second lieu, l’article 16 précité vise non seulement les obligations entre
commerçants, mais également celles entre commerçants et non-commerçants. Il en
résulte que les actes mixtes sont désormais soumis à la prescription quinquennale.
Une telle extension soulève des interrogations quand au champ d’application de la
règle, car elle peut être interprétée de deux façons :
- dans une acception littérale, on peut soutenir que les actes mixtes sont soumis à la
prescription quinquennale qu’il s’agisse d’une obligation du commerçant à l’égard du
non-commerçant ou l’inverse.
- on peut également, en se fondant sur la règle de la distributivité caractéristique de
l’acte mixte, soutenir la restriction du champ d’application de la prescription
quinquennale aux seules obligations du commerçant à l’égard du non-commerçant ;
car seules ces obligations sont de nature commerciale et par conséquent
mériteraient qu’on leur applique le régime des actes de commerce.
La jurisprudence française, confrontée à une difficulté similaire, avait tranché en
faveur de la première interprétation28.

26
Cass. soc. 16 juillet 1987 : Bull. civ. V, n° 495, p. 314.
27
Cf. en droit français, Cass. com. 30 juin1980 : D. 1982, 53, note Parléani.
28
Cass. civ., 2 fév. 1994: TD com. 1994, p. 473, Obs. Derruppé; Civ. 1ère, 29 av. 1997: Bull. cass. 1997, 1, n°
134, D.S. 1997, jur. 327, note Chartier ; 30 sept. 1997 : D.S. 1997, I.R., 215.

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En troisième lieu, l’obligation doit être née à l’occasion d’un commerce. A contrario,
échappe à la prescription quinquennale, l’obligation sans rapport avec une activité
commerciale (sauf règles applicables à entreprenant).

Enfin, si un texte particulier prévoit une prescription plus courte, elle l’emporte sur la
prescription quinquennale. Exemple, en matière de vente commerciale, le délai
prescription est, en principe, de deux ans (article 301 al. 2e AUDCG).

b) La présomption de solidarité.

Alors qu’en matière civile la solidarité ne se présume pas (article 1202 c. civ.), une
règle coutumière, consacrée par une jurisprudence constante depuis un arrêt de la
chambre des requêtes du 20 octobre 1920, fait présumer la solidarité en matière
commerciale29.

La règle de la présomption de solidarité est formulée dans cet arrêt de la Cour de


cassation française selon lequel « …à défaut de convention ou de circonstance
particulières relevées par les juges du fond, la solidarité est de règle en matière
commerciale »30. Par conséquent, les parties pour lesquelles l’acte est commercial
sont présumées solidaires pour l’exécution des obligations qui leur incombent.

B. Application aux actes mixtes

1. Notion d’acte mixte

L’acte mixte est l’acte qui est commercial pour une partie et civil pour une autre.

Contrairement à une croyance infondée, ce n’est pas un type particulier d’acte qui
serait intermédiaire entre l’acte civil et l’acte de commerce.

Exemple d’acte mixte : si, pour son usage personnel, un étudiant achète un
ordinateur chez son revendeur habituel, l’acte est mixte, car le revendeur accomplit
un acte de commerce, mais le même acte est civil pour l’étudiant.

2. Le régime des actes mixtes

L’acte mixte est tantôt soumis à un régime dualiste (a), tantôt à un régime unique (b).

a) Régime dualiste.

Dans le régime dualiste, l’acte mixte est soumis à deux régimes ; c’est-à-dire que les
règles civiles et commerciales sont appliquées de façon distributive. On applique les
règles du droit commercial à la partie pour laquelle l’acte est commercial et les règles
de droit civil à la partie pour laquelle l’acte est civil. Par exemple, en matière de
preuve, le mode retenu sera variable selon la personne contre qui la preuve est faite.
Lorsque la preuve est faite par le non-commerçant contre le commerçant, elle est
faite selon les règles du droit commercial (preuve par tout moyen). Inversement,
29
Req. 20 octobre 1920 : D. 1920, I, 161, note Matter, S. 1922, I, 201, note Hamel
30
Cass. com. 23 avril 1966 : Bull. civ. III, n° 196.

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lorsque le commerçant entend faire la preuve contre le non-commerçant, il doit
observer les règles du droit civil (nécessité d’un commencement de preuve par écrit).

En matière de mise en demeure, le régime et également dualiste. Le commerçant qui


entend mettre en demeure un non-commerçant doit le faire selon les règles du droit
civil alors que le non-commerçant peut mettre en demeure un commerçant selon les
modes simplifiés du droit commercial.

La règle de la présomption de solidarité est soumise au même principe distributif. La


solidarité ne se présume pas entre codébiteurs civils d’un commerçant. Mais un non-
commerçant peut invoquer la règle de la présomption de solidarité à l’encontre de
ses codébiteurs commerçants.

b) Régime unique

Le régime unique se rencontre surtout en matière de prescription. Ainsi qu’il a été


préalablement souligné, les actes mixtes sont soumis au régime des courtes
prescriptions du droit commercial. Si l’on s’en tient à la solution retenue par la
jurisprudence française (v. supra), cette prescription abrégée peut être invoquée par
le commerçant contre le non-commerçant et inversement.

S. IV : Le traitement du contentieux des commerçants

Anciennement attaché au principe de l’unité juridictionnelle, la côte d’ivoire a dû, de


en raison de la complexification croissante du droit et sous la pression de
l’accroissement du volume du contentieux, progressivement évoluer vers un système
de pluralisme juridictionnel. C’est ainsi qu’ont été instituées en 2012, les juridictions
de commerce qui sont une éclatante manifestation de la renaissance du
particularisme du droit commercial.

La création des juridictions spéciales au contentieux commercial est, à l’origine,


l’œuvre d’une Décision n°01/PR du 11 janvier 2012 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce. Ce texte a été rapidement repris dans
une loi organique n°2014-424 du 14 juillet 2014 désormais abrogé et remplacé par la
loi organique n°2016-1110 du 8 décembre 2016 portant création, organisation et
fonctionnement des juridictions de commerce.

Ce texte institue des juridictions commerciales de premier degré dénommées


tribunaux de commerce (§1) et au second degré, des Cours d’Appel de commerce
(§2).

§1 : Les tribunaux de commerce

A ce jour, un seul tribunal de commerce a été créé. Il s’agit de celui d’Abidjan, dont la
compétence territoriale couvre le ressort territorial des TPI d’Abidjan-Plateau et de
Yopougon.

A l’intérieur du pays, le contentieux commercial continue d’être traité par les TPI et
leurs sections détachées.

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Nous examinerons successivement l’organisation des tribunaux de commerce (A),
puis leur compétence ainsi que leurs règles de procédure (B)

A : organisation des tribunaux de commerce

Les tribunaux de commerce sont des juridictions autonomes de premier degré. Il ne


s’agit donc pas, à la différence des tribunaux du travail, de chambres spécialisées du
TPI.

Leur composition rappelle la technique d’échevinage à laquelle il est fait recours


concernant les tribunaux du travail. Le tribunal de commerce comporte 2 types de
juges : juges professionnels et des juges consulaires. Les seconds qui ne sont pas
des magistrats de carrière, sont désignés selon une procédure définie aux articles 35
à 40 de la loi organique précitée.

Le tribunal est composé d’un président ayant au moins rang de président de TPI, de
juges ayant rang de vice-président de TPI ou de juge d’instance et de juges
consulaires.

Les jugements sont rendus par des juges délibérant en nombre impair, le nombre
des juges professionnels ne pouvant être supérieur au nombre des juges consulaire.
La composition est de 3 juges au moins, à raison d’un juge professionnel président et
de 2 juges consulaires, assesseurs.

Le procureur de la république près le TPI du ressort exerce les fonctions de ministère


public.

B : Compétence et procédure

Les tribunaux de commerce connaissent :


- des contestations relatives aux engagements et transactions entre
commerçants au sens de l’AUDCG ;
- aux contestations entre associés d’une société commerciale ou d’un GIE,
- aux contestations entre toutes personnes relatives aux actes de
commerce au sens de l’AUDCG ; toutefois, dans les actes mixtes, la partie
non-commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ;
- des procédures collectives d’apurement du passif ;
- plus généralement, des contestations relatives aux actes de commerce
accomplis par les commerçants à l’occasion de leur commerce et de
l’ensemble de leurs contestations commerciales comportant même un objet
civil ;
- des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les
tribunaux de commerce.

Leur jugement est susceptible d’appel lorsque l’intérêt du litige est supérieur à
25 000 000 de FCFA ou est indéterminé. En revanche, lorsque l’intérêt du litige est
inférieur à ce seuil, le tribunal de commerce décide en premier et dernier ressort.

La procédure est la même que devant les juridictions de droit commun (art. 2 al. 2 loi
2016, « sans préjudice des dispositions de la présente loi, les juridictions de

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commerce sont soumises à la loi portant organisation judicaire et celle portant code
de procédure civile, commerciales et administrative »). Les spécificités suivantes
peuvent cependant être relevées.

Avant de saisir le tribunal de commerce, les parties sont tenue de tenter de régler
leur litige à l’amiable. L’article 5 de la loi précitée l’exige de façon expresse.
Contrairement à la version initiale, ce n’est plus le tribunal qui est obligé de tenter de
concilier les parties. Cette conciliation a lieu avant même que le tribunal ne soit saisi,
entre les parties elles-mêmes, ou avec l'intervention d'un tiers dans le cadre d'une
médiation ou d'une conciliation.

Cette exigence est contrôlée par le tribunal. En effet, au jour fixé pour l'audience, si
les parties comparaissent ou sont régulièrement représentées, le tribunal de
commerce s'assure qu’elles ont entrepris les diligences en vue de parvenir à une
résolution amiable de leur litige.

Lorsqu’il constate que les parties n’ont entrepris aucune tentative de conciliation, le
tribunal déclare leur action irrecevable.

En cas d’échec de la tentative de conciliation, si l'affaire est en état d'être jugée, le


tribunal délibère, dans les meilleurs délais sur rapport d'un de ses membres. Ce délai
ne peut excéder quinze jours. Si l'affaire n'est pas en état d'être jugée, le tribunal la
renvoie à une prochaine audience et confie à l'un de ses membres le soin de
l'instruire en qualité de juge rapporteur.

§2 : Juridictions de second degré : la cour d’appel de commerce.

Lorsqu’il est fait appel d’un jugement du tribunal de commerce, il y est statué par une
Cour d’appel de commerce.

A ce jour, une seule Cour d’Appel de commerce a été créée. Il s’agit de celle
d’Abidjan (décret n° 2017-501 du 2 aout 2017) dont la compétence territoriale
correspond à celle du Tribunal de commerce d’Abidjan.

La composition de cette Cour est fixée à l’article 23 de la loi de 2016 précitée (un
premier président, des présidents de chambre, des conseillers, des conseillers
consulaires). Outre les magistrats de carrière, y siège également des conseillers
consulaires nommés dans les mêmes conditions que les juges consulaires des
tribunaux de commerce.

A quelques nuances près, les règles édictées pour la procédure devant le tribunal de
commerce sont celles qui s’appliquent aux instances d’appel.

L’appelant doit, dans un délai de 15 jours à compter de la signification, verser une


provision au titre des frais, sauf s’il justifie avoir obtenu l’assistance judicaire.

Le défaut de versement de cette provision entraîne la déchéance de l’appel. Le 1er


président de la CA pourra alors être saisi à l’effet de délivrer une ordonnance de
constat de déchéance.

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Les pourvois en cassation contre les arrêts des Cours d’appel de commerce sont
portés devant la Cour suprême ou la CCJA selon le cas.

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CHAPITRE III : L’ENTREPRENANT

La notion d’entreprenant est l’une des grandes innovations de la réforme de


l’AUDCG opérée en 2010. Avant cette réforme, cette notion était inconnue en droit
ivoirien.

L’AUDCG est complété par un décret n°2017-409 du 21 juin 2017 portant modalités
d’acquisition et de perte du statut d’entreprenant.

L’étude du statut de l’entreprenant impose que l’on définisse dans un premier temps,
la notion d’entreprenant (S.I) avant de préciser sa condition juridique (S.II).

Section I : Définition de l’entreprenant.

La définition de l’entreprenant est fournie à l’article 30 AUDCG. De l’analyse de ce


texte, il résulte que le statut d’entreprenant est réservé à des professionnels
réunissant certaines conditions (§1) et qu’il n’est acquis qu’à l’issue d’une formalité
déclarative (§2).

§1 : Conditions d’acquisition du statut d’entreprenant

La possibilité de bénéficier du statut d’entreprenant suppose la réunion de trois


conditions portant respectivement sur :
- la forme de l’exploitation,
- la nature de l’activité,
- la taille de l’exploitation,

A : Condition tenant à la forme de l’exploitation : entreprise individuelle.

Il ressort de l’article 30 AUDCG que l’entreprenant est avant tout un entrepreneur


individuel. Plus exactement, seul un entrepreneur individuel peut opter pour le statut
d’entreprenant.

A contrario, la personne qui exploite son entreprise sous une forme autre que
l’entreprise individuelle (société par exemple) ne peut bénéficier de la qualité
d’entreprenant. Il en est de même des sociétés, personnes morale et groupements
qui servent de cadre juridique à l’exercice d’une activité professionnelle.

La notion d’entrepreneur individuel n’est pas définie par l’AUDCG. Toutefois, on peut
observer qu’elle désigne habituellement une personne physique qui exploite une
entreprise à son nom et pour son compte. L’entreprise individuelle se caractérise par
l’absence de personnalité juridique et de patrimoine distincts de ceux de l’exploitant
(contrairement par exemple à la société).

B : Condition tenant à la nature de l’activité : une activité professionnelle civile,


commerciale, artisanale ou agricole

L’entreprenant exerce une activité professionnelle qui peut être civile, commerciale,
artisanale ou agricole.

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Une première interrogation consiste à se demander ce que désigne la notion
d’activité professionnelle. Là encore, l’acte uniforme garde le silence. Une certitude
cependant, c’est qu’il ne peut s’agir, que d’une activité exercée de façon
indépendante, par opposition à l’activité professionnelle salariée. C’est ce que traduit
l’exigence de la qualité d’entrepreneur individuel.

La notion de professionnel a fait l’objet de définitions variées dans la doctrine


française. On peut utilement se référer à celle proposée Calais-Auloy et Steinmetz
selon laquelle l’activité professionnelle est une activité habituelle et organisée de
production, de distribution et de prestation de services31.

En revanche, dès lorsqu’il ya activité professionnelle indépendante, aucune


restriction n’est faite selon la nature de cette activité. Elle peut être civile,
commerciale, artisanale ou agricole. Par conséquent, des commerçants, des
agriculteurs, des artisans ou des membres de profession libérale devraient pouvoir
opter pour le statut d’entreprenant, sauf éventuelle indication contraire dans leur
statut particulier. Ainsi, la notion d’entreprenant marque une étape supplémentaire
dans le processus de rapprochement des professions civiles et commerciales.

Lorsque cette option est le fait d’un commerçant, il y a alors cumul des qualités de
commerçant et d’entreprenant. Ce cumul occasionne un risque de conflit de normes
que l’acte uniforme tente de résoudre en disposant, à son article 64 al 2 que
« l’entreprenant ne peut être en même temps immatriculé au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier. Il n'a pas le même statut que les personnes immatriculées au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ». Il faut donc comprendre que le
commerçant qui acquiert de statut d’entreprenant, échappe, au moins partiellement,
au statut du commerçant.

C : Condition relative à la taille de l’activité

Le statut d’entreprenant est réservé à des entreprises de taille modeste. Selon


l’article 30 al. 2 AUDCG, « L’entreprenant conserve son statut si le chiffre d’affaires
annuel généré par son activité pendant deux exercices successifs n’excède pas les
seuils fixés dans l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des
comptabilités des entreprises au titre du système minimal de trésorerie ».
Ces seuils, fixés à l’article 13 AUDCIF (du 26 janvier 2017) sont les suivants :
• 60.000.000 FCFA pour les entreprises de négoce,
• 40.000.000 FCFA pour les entreprises artisanales et assimilées,
• 30.000.000 FCFA pour les entreprises de services.

L’article 30 al. 2 ci-dessus vise l’entrepreneur individuel qui totalise au moins deux
ans d’exploitation de son entreprise. Dans ce cas, le maintien de son statut
d’entreprenant ou la validité de sa candidature à ce statut dépendra du montant de
son chiffre d’affaire pendant les deux derniers exercices.

Cependant, cette solution pose la question de savoir si l’entrepreneur individuel qui


n’a pas totalisé deux années d’exploitation, peut prétendre à la qualité de
d’entreprenant.
31
Calais-Auloy et Steinmetz, Droit de la consommation, Précis Dalloz, n° 3.

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A notre avis la réponse devrait être affirmative, car les seuils fixés à l’article 30 al. 2
sont une condition de maintien et non une condition d’acquisition de la qualité
d’entreprenant. Par conséquent, si le candidat au statut d’entreprenant n’a pas
encore deux ans d’exercice, la référence à son chiffre d’affaire devrait être sans
objet. C’est seulement au terme des deux ans d’exercice que l’observation de son
chiffre d’affaire permettra de dire si l’entreprenant conserve ou non son statut.

§2 : Accomplissement d’une formalité déclarative

A supposer réunies les conditions de fond ci-dessus, la qualité d’entreprenant n’est


acquise qu’à l’issue d’une déclaration (A), laquelle produit certains effets juridiques
(B).

A. La déclaration.

1. L’organe destinataire de la déclaration

Aux termes de l’article 61 AUDCG, la déclaration est faite au Greffe de la juridiction


compétente dans le ressort duquel l’activité est exercée.

En droit ivoirien, la juridiction compétente devrait être le Tribunal de commerce (pour


les entreprises exploitées dans le ressort du Tribunal de commerce d’Abidjan) et les
TPI ou leurs sections détachées pour le reste du pays.

3. La procédure de déclaration

La déclaration est faite au moyen d’un formulaire fourni à cet effet par le greffe du
tribunal.

A l’appui de sa demande, le déclarant est tenu de produire les pièces justificatives


suivantes:
1) Un extrait d’acte de naissance ou tout document administratif justifiant son
identité ;
2) Le cas échéant, un extrait de son acte de mariage ;
3) Une déclaration sur l’honneur, signée du demandeur et attestant :
- s’il est commerçant, qu’il n’est frappé d’aucune interdiction prévue par
l’article 10 nouveau AUDGC.
- S’il n’est pas commerçant, qu’il n’a fait l’objet d’aucune interdiction
d’exercer en relation avec sa profession et qu’il n’a fait l’objet d’aucune
condamnation pour des infractions prévues à l’article 10 nouveau AUDCG.
Cette déclaration est complétée, dans un délai de 75 jours à compter de la
date de déclaration, par un extrait de son casier judicaire.
4) Un certificat de résidence ;
5) Le cas échéant, une autorisation préalable d’exercer l’activité du déclarant.

La demande est signée par le déclarant ou son mandataire qui doit, à la fois, justifier
de son identité et, sauf s'il est avocat, professionnel agréé, huissier, notaire ou
syndic, être muni d'une procuration signée du déclarant ou du demandeur.

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En cas de changement d’activité ou de lieu d’exercice, ou encore en cas de
cessation d’activité, l’entreprenant doit en faire la déclaration.

Toutes les déclarations de l’entreprenant sont faites sans frais.

Par ailleurs, l’acte uniforme interdit qu’une même personne soit déclarée comme
entreprenant à plusieurs registres ou sous plusieurs numéros à un même registre.

3. Les suites de la déclaration.

Le greffier exerce sur la déclaration un contrôle identique à celui applicable à la


demande d’immatriculation au RCCM. Ce contrôle porte sur la régularité formelle de
la déclaration.

Si le dossier est complet et conforme, le greffier délivre un accusé d’enregistrement


qui mentionne la date, la désignation de la formalité accomplie et le numéro de
déclaration d’activité.

B. Les effets de la déclaration :

1. Présomption de la qualité d’entreprenant

Aux termes de l’article 65 AUDCG, la personne qui satisfait aux obligations


déclaratives ci-dessus est présumée avoir la qualité d’entreprenant.

Rien n’est indiqué sur le type de présomption dont il s’agit. Toutefois, par analogie
avec celle découlant de l’immatriculation au RCCM pour ce qui concerne le
commerçant, il est permis de penser qu’il s’agit d’une présomption simple. Si cette
solution est admise, alors il sera possible pour des tiers d’apporter la preuve qu’une
personne déclarée n’a pas, en réalité, la qualité d’entreprenant. Ex : si cette
personne le réunit pas ou plus la condition afférente au chiffre d’affaires.

2. Démarrage de l’activité (en tant qu’entreprenant).

Contrairement au commerçant qui peut commencer son activité avant d’être


immatriculé au RCCM, l’entreprenant ne peut commencer son activité (en tant
qu’entreprenant) qu’après réception de son numéro de déclaration d’activité.
Toutefois, il est prévu que ce numéro soit délivré dans des conditions de célérité
telles que cette règle ne soit pas un handicape pour l’entrepreneur.

L’entreprenant doit mentionner son numéro de déclaration sur ses factures, bon de
commande, tarifs et documents ou correspondance professionnels suivi de
l’indication du RCCM qui a reçu sa déclaration et de la mention « Entreprenant
dispensé d’immatriculation ».

Section II : Condition juridique de l’entreprenant : une transposition partielle


des règles de la commercialité

La condition juridique de l’entreprenant présente de grandes similitudes avec celle du


commerçant. Cette similitude n’est pas le fruit du hasard. Le législateur, en

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définissant le régime juridique de cette nouvelle catégorie de professionnels, a sans
doute eu pour référence celui des commerçants. Par conséquent, la condition
juridique du commerçant peut être étudiée en distinguant les similitudes avec les
commerçants (§1) des points de différenciation avec ces derniers (§2).

§1 : Les similitudes avec les commerçants

Le législateur transpose à l’entreprenant un certain nombre de règles relevant du


statut des commerçants. Il en est ainsi de la liberté de preuve (A), de la prescription
quinquennale (B), des règles relatives aux baux à usage professionnel (C).

A. Liberté de preuve

Aux termes de l’article 65 AUDCG, l’entreprenant bénéficie des dispositions de


l’article 5 AUDCG relatives à la preuve. Il découle de ce texte une transposition du
principe de la liberté de preuve aux opérations de l’entreprenant dont les modalités
demandent à être précisées. Faute d’indication dans l’acte uniforme, il est possible
d’effectuer les suggestions suivantes :

1. L’article 65 AUDCG emporte transposition à l’entreprenant des moyens de preuve


simplifiés du droit commercial : la preuve peut être faite par tout moyen, y compris
par voie électronique.

2. Par analogie avec la solution en vigueur concernant le commerçant, cette preuve


par tout moyen ne peut être admise qu’à l’encontre de l’entreprenant. Inversement,
l’entreprenant qui entend prouver par tout moyen contre un non-entreprenant doit
disposer d’un commencement de preuve par écrit, sauf naturellement si le non-
entreprenant est commerçant.

3. Quant au type d’acte pouvant bénéficier de cette règle, l’article 5 vise les actes de
commerce. Mais cette exigence ne saurait être transposée à l’entreprenant, puisque
ce dernier n’accomplit pas nécessairement des actes de commerce. Sans doute faut-
il considérer la liberté de preuve s’applique aux actes de l’entreprenant accomplis
dans l’exercice de son activité.

B. La prescription quinquennale

Aux termes de l’article 33 AUDCG, « Les obligations nées à l’occasion de leurs


activités entre entreprenants, ou entre entreprenants et non-entreprenants, se
prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus
courtes ».

Sont visées par ce texte, non seulement les obligations entre entreprenants, mais
également celles entre entreprenants et non-entreprenants. Cette seconde catégorie
devrait englober les particuliers, les commerçants et les autres professionnels.
Il faut que l’obligation soit née à l’occasion de l’activité de l’entreprenant. Par
conséquent, les obligations étrangères à cette activité sont exclues du champ de la
prescription quinquennale.

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Enfin, si un texte spécial prévoit une prescription plus courte, ce texte l’emporte sur
l’article 33 précité.

C. Le bénéfice du régime des baux à usages professionnel

L’article 65 précité prévoit également l’application, à l’entreprenant, des articles 101 à


134 de l’AUDCG relatives au bail à usage professionnel.

Cependant, cette application souffre d’une nuance de taille. En effet, sauf convention
contraire entre le bailleur et l’entreprenant, ce preneur ne bénéficie ni du droit au
renouvellement du bail, ni du droit à la fixation judicaire du loyer du bail renouvelé
(art. 134 al. 2 AUDCG). L’application de ces deux règles est donc subordonnée à un
accord express des parties.

§2 : Les points de différenciation avec les commerçants

A. Dispense d’immatriculation au RCCM

La dispense d’immatriculation de l’entreprenant est expressément prévue à l’article


30 al. 6 AUDCG qui prévoit, en lieu et place, une obligation de déclaration.

L’article 64 al. 2 AUDCG confirme cette solution en disposant « L’entreprenant ne


peut être en même temps immatriculé au registre du commerce et du crédit
mobilier ». De ce texte, on peut déduire que, même si son activité est de nature
commerciale, l’entreprenant n’est pas concerné par l’obligation d’immatriculation au
RCCM.

Cette solution pose la question du sort des commerçants déjà immatriculés au


RCCM, qui optent pour le statut d’entreprenant. Doivent-ils demander leur radiation
au RCCM ? La réponse devrait être affirmative.

B. Des obligations comptables aménagées

Les obligations comptables de l’entreprenant son prévues à l’article 31 et suivant


AUDCG. L’article 31 AUDCG fait obligation à l’entreprenant d’établir, au jour le jour,
un livre mentionnant chronologiquement l’origine et le montant de ses
ressources en distinguant les règlements en espèces des autres modes de
règlement d’une part, la destination et le montant de ses emplois d’autre part.
Ledit livre doit être conservé pendant cinq ans au moins.

Les entreprenants qui exercent des activités de vente de marchandises, d’objets, de


fournitures et denrées ou de fourniture de logement, doivent en outre, tenir un
registre, récapitulé par année, présentant le détail des achats et précisant leur
mode de règlement et les références des pièces justificatives, lesquelles doivent
être conservées.

Les obligations comptables prévues aux articles 31 et 32 AUDCG soulèvent la


question de savoir si l’entreprenant ayant la qualité de commerçant est dispensé des
obligations comptable liées à cette qualité. Il semble que la réponse affirmative
s’impose, puisque l’article 64 al. 2 AUDCG prévoit l’inapplication à l’entreprenant du

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statut des personnes immatriculées au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.
Au demeurant, le statut d’entreprenant à été créée dans un but d’allègement au
bénéfice des petites entreprises notamment commerciales. Il serait paradoxal que ce
régime comporte plus de contraintes que le statut de commerçant lui-même. Les
obligations comptables ci-dessus doivent donc être considérées comme un régime
simplifié, dérogatoire aux obligations comptables des commerçants.

C. Les mesures incitatives

Outre les règles ci-dessus, l’article 30 al. dernier AUDCG prévoit la possibilité pour
chaque Etat de fixer des mesures incitatives pour le statut d’entreprenant,
notamment en matière fiscale et de cotisations sociales. Le but est de créer un
régime allégé de nature à inciter les nombreuses entreprises du secteur informel à
se mettre en conformité avec la loi.

Page 52 sur 87
TITRE III : LES BIENS DE L’ENTREPRISE COMMERCIALE : LE FONDS DE
COMMERCE.

L’entreprise commerciale peut comprendre divers types de biens (ex. matériel,


mobilier, véhicules, marchandises, brevets, marques, etc).

Toutefois, celui le plus caractéristique de cette entreprise, c’est le fonds de


commerce. Cela tient principalement à deux raisons :
- seul un commerçant peut avoir un fonds de commerce. Les entreprises dites
civiles (artisans, agriculteurs, professions libérales) n’ont pas de fonds de commerce.
- dans de nombreux cas (mais pas toujours), le fonds de commerce regroupe
l’essentiel des biens que le commerçant affecte à son entreprise, à l’exclusion des
biens de nature immobilière.

L’étude du fonds de commerce nous conduira, dans un premier temps, à présenter


les notions fondamentales relatives à ce bien (chap. 1er) et, dans un second temps,
à examiner les principaux contrats portant sur le fonds de commerce (chap. II).

Page 53 sur 87
CHAPITRE I : NOTIONS FONDAMENTALES RELATIVES AU FONDS DE
COMMERCE.

La première préoccupation relativement à ce bien consiste à s’interroger sur sa


définition. L’article 135 AUDCG y apporte une réponse. Selon ce texte, « le fonds de
commerce est constitué par un ensemble de moyens qui permettent au commerçant
d’attirer et de conserver une clientèle ».

Cette définition, complétée par d’autres dispositions de l’AUDCG, permettent de


préciser le contenu et la nature juridique du fonds de commerce (S. I). Ce chapitre
est également le lieu d’apporter des indications générales sur l’existence et les
formes d’exploitation du fonds de commerce (S. II).

Section I : Contenu et nature juridique du fonds de commerce.

§1 : Le contenu fonds de commerce.

Il résulte de l’article 135 précité que le fonds de commerce est un ensemble de


moyens. La lecture des articles suivants révèle qu’il ya des éléments obligatoires (A)
et des éléments facultatifs (B).

A Les éléments obligatoires.

Aux termes de l’article 136 AUDCG, « le fonds de commerce comprend


nécessairement la clientèle et l’enseigne ou la clientèle et le nom commercial, sans
préjudice du cumul de la clientèle avec l’enseigne et le nom commercial ». De ce
texte, on peut déduire trois scénarios possibles s’agissant la composition des
éléments obligatoires du fonds de commerce. Il peut s’agir :
- la clientèle + enseigne
- la clientèle + nom commercial
- la clientèle + enseigne + nom commercial
Analysons à présent chacun de ces éléments.

1. La clientèle

L’AUDCG fait de la clientèle l’élément indispensable de tout fonds de commerce.


Il reprend, en cela, une solution acquise de longue date en jurisprudence32.

Cependant, aucune définition de la clientèle n’est fournie par l’acte uniforme. La


doctrine, quant à elle, n’a pas de position unanime33. De façon générale, elle est
présentée comme l’ensemble des personnes qui s’approvisionnent auprès d’un
commerçant ou qui ont recours à ses services.

On peut relever que l’acte uniforme ne fait pas état de l’achalandage. Ce mot,
contenu dans la loi du 17 mars 1909, avait été interprété par certains auteurs
comme désignant autre chose que la clientèle. Selon ces auteurs, l’achalandage
serait composé des clients de passage attirés par la commodité ou la proximité de

32
Req. 23 oct. 1934: S. 1934, I, 392; Req. 15 fév. 1937, op. cit.
33
v. P. Colomb, « La clientèle du fonds de commerce », RTD com. 1979, 1

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l’établissement34. Ils se distingueraient des véritables clients qui seraient attachés à
l’un des signes distinctifs du fonds de commerce.

Cependant, cette distinction entre clientèle et achalandage n’avait pas été retenue
par la jurisprudence35. Le législateur africain, en abandonnant l’expression
« clientèle et achalandage », a probablement voulu s’aligner sur cette position36.

2. Le nom commercial.

Le nom commercial n’est pas non plus définit par l’acte uniforme.
Pour la doctrine, il désigne la dénomination sous laquelle l’entreprise commerciale
est exploitée et connue du public.

Le nom commercial peut être le nom patronymique ou le prénom du commerçant, un


pseudonyme, des initiales, un nom de fantaisie.

Il peut y avoir coïncidence entre le nom patronymique du propriétaire du fonds et le


nom commercial. Il faut cependant se garder de toute confusion, car chacun d’eux a
une fonction et un régime juridique bien distincts, tant au regard de leur transmission
que le leur protection.

Le choix d’un nom commercial par un commerçant doit être fait avec soin. Deux
précisions à cet égard :
- un choix de dénomination entraînant un risque de confusion avec un commerce
existant, de nature à provoquer un détournement de clientèle expose le
commerçant à des poursuites pour concurrence déloyale.
- Le choix du nom commercial ne peut être effectué en violation du droit des
marques. Il faut donc s’assurer que la dénomination choisie ne fait pas l’objet
d’une marque déposée.

En ce qui concerne les sociétés, on parle de dénomination sociale. C’est l’appellation


sous laquelle est désignée la société, et qui doit être mentionnée dans les statuts.

3. L’enseigne

Selon la doctrine, l’enseigne, est un signe distinctif qui désigne une entreprise dans
sa localisation géographique. C’est un signe extérieur souvent apposé sur la façade
d’un immeuble, qui permet d’individualiser un établissement, une boutique. Il peut
s’agir d’un emblème, d’une dénomination de pure fantaisie ou qui évoque
l’emplacement d’un commerce (Hôtel de la gare, buvette du Parc).
L’enseigne peut être identique au nom commercial.
Les précautions indiquées ci-dessus pour le choix du nom commercial sont valables
pour l’enseigne.

34
Lyon-Caen (CH.) et Renault (L.), Traité de droit commercial, 5e éd., avec le concours de Amiaud, L.G.D.J.,
1921-1936, t. III, n° 239, note 1 ; Cendrier (G.), Le fonds de commerce, Traité général théorique et pratique
avec formulaire, 6e éd., par Martin (R.) et Maus (R.), Dalloz, 1934, n° 88.
35
Cass. com. 27 fév. 1973,1ère espèce : D. 1974, 284., v. aussi, Cass. com. 31 mai 1988 : Bull. civ. IV,
n° 180, p. 126, RTD com. 1988, 609, obs. Derruppé.
36
Nguebou (J.), Le droit commercial général dans l’acte uniforme OHADA, op. cit., p. 40.

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L’enseigne est protégée par l’action en concurrence déloyale. Cette action suppose
que l’enseigne soit distinctive, que le demandeur justifie d’une antériorité d’usage, et
qu’il établisse un risque de détournement de sa clientèle.

B. Les éléments facultatifs

L’article 137 AUDCG énumère une série d’éléments qui peuvent être inclus dans le
fonds de commerce. Il s’agit d’une part, d’éléments incorporels (1) et d’autre part,
des éléments corporels (2).

1. Les éléments incorporels.

Ce sont : le droit au bail, les licences d’exploitation, les brevets d’invention, marque
de fabrique et de commerce, dessins et modèles, et « tout autre droit de propriété
intellectuelle nécessaire à l’exploitation »,

a. Le droit au bail

Le droit au bail c’est le droit reconnu aux locataires des immeubles ou locaux à
usage professionnel d’obtenir le renouvellement de leur bail dans les conditions
prévues aux articles 123 et suivants AUDCG.

Il convient de ne pas le confondre avec le bail lui-même qui est le contrat de location
conclut entre le bailleur et le locataire.

L’importance du droit au bail est indiscutable, car l’essentiel de la valeur de certains


commerces repose sur leur localisation. Il suffit, pour s’en convaincre, de penser à
certains commerces de quartier dont l’essentiel de la valeur repose sur leur
localisation.

Le bail commercial n’est pas pour autant un élément obligatoire du fonds de


commerce. Il peut être cédé séparément ou avec le fonds de commerce.

b. Les licences d’exploitation

L’exercice de nombreuses professions commerciales est subordonné à la délivrance


licence d’exploitation. Exemple débit de boisson, vente de produits pharmaceutiques
etc.

Ces licences d’exploitation peuvent avoir une valeur considérable. Ils peuvent être
cédés seuls ou en tant qu’élément du fonds de commerce.

Toutefois, il convient de faire la différence entre les licences à caractère personnel et


les autres. Les premières, qui sont accordées en considération de la personne du
demandeur, qui supposent par exemple une capacité spéciale, ne peuvent pas être
cédées et par conséquent n’entrent pas dans le fonds de commerce.

c. Les droits de propriété industrielle

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Les droits de propriété industrielle obtenus conformément aux textes de l’OAPI
peuvent entrer dans la composition du fonds de commerce. A cet égard, l’acte
uniforme cite expressément les brevets d’invention, les marques de fabrique et de
commerce, les desseins et modèles. Il n’ya donc pas de toute sur leur appartenance
possible au fonds de commerce.

Le brevet d’invention est un titre délivré à l’auteur d’une invention et qui lui confère
un monopole de l’exploitation pendant une certaine durée.

Quant aux marques de fabrique, ce sont des signes susceptibles de représentation


graphique servant à distinguer les produits d’une entreprise. Le dépôt des ces signes
à l’OAPI confère au déposant un droit d’usage exclusif.

Quant aux desseins et modèles, ce sont des créations de forme, de trait ou de


couleur sur lesquelles le créateur peut obtenir un monopole temporaire d’exploitation,
à condition qu’elles présentent un caractère d’originalité.

Au delà des DPI expressément cité par l’AUDCG, l’article 137 al. dernier utilise une
formule de généralisation « et tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaire à
l’exploitation » qui autorise à penser que cette liste n’est pas exhaustive. En
conséquence, le fonds de commerce peut comporter d’autres DPI, à condition qu’ils
soient nécessaires à l’exploitation du fonds de commerce. On pense ainsi aux droits
de propriété littéraire et artistique, aux créations informatiques, aux logiciels, aux
secrets de fabrique, aux obtentions végétales, etc.

2. Les éléments corporels.

Ce sont les installations, les aménagements et agencements, le matériel, le mobilier


et les marchandises en stock

a. Le matériel et le mobilier.

Il s’agit des biens meubles corporels destinés à l’exploitation : outils de travail,


machines, véhicules, matériel informatique, photocopieuse, meubles meublant.

Ces éléments sont, en principe, susceptibles de faire partie du fonds de commerce.

Toutefois, il en va différemment lorsque ces biens ne sont pas la propriété du


commerçant. Il en est ainsi lorsqu’ils ont été acquis par voie de leasing (crédit-bail).
Dans ce cas, tant que l’option n’est pas levée, le matériel est la propriété de la
société de crédit-bail qui le loue au commerçant.

Il en est également ainsi lorsque le contrat d’acquisition de ce matériel comporte une


clause de réserve de propriété et que le prix n’est pas intégralement payé.

b. Les installations, les aménagements et agencements.

Il s’agit de l’ensemble des installations et aménagements du local commercial,


pourvu qu’ils aient une nature mobilière (vitrines, comptoirs, étagères etc.).

Page 57 sur 87
Ces éléments sont soumis au même régime juridique que les matériels et outillage,
c’est-à-dire l’ensemble des meubles corporels qui permettent l’exploitation du fonds
de commerce37.

Leur appartenance au fonds de commerce pourrait soulever une difficulté. Si le


commerçant est propriétaire de l’immeuble où le fonds est exploité, ils pourraient
devenir des immeubles par destination en vertu de l’article 524 C. civ. Or, le fonds de
commerce ne comporte que des biens meubles.

La question s’était déjà posée sous l’empire de la loi de 1909. La doctrine était
divisée. Certains soutenaient le rattachement du matériel même immeuble par
destination, au fonds de commerce38. Mais la majorité des auteurs était pour la mise
à l’écart des immeubles par destination39. La jurisprudence avait finalement tranché
en faveur de la seconde solution40. L’acte uniforme ayant repris la solution
traditionnelle de l’exclusion des immeubles du fonds de commerce, cette
jurisprudence devrait être maintenue41.

b. Les marchandises en stock

Il s’agit des stocks de matières premières ou de produits destinés à la vente. En sont


exclus les biens immeubles même si l’activité de l’entreprise consiste à vendre des
maisons ou des terrains. La notion de marchandise désigne traditionnellement des
biens meubles et de toute façon, le fonds de commerce ne comporte que des biens
de nature mobilière.

Les marchandises ont cela de particulier qu’elles ont vocation à être renouvelées.
Elles sont soumises à une rotation qui les distingue du matériel caractérisé par une
relative stabilité.

§2 : La nature juridique du fonds de commerce

Définir la nature juridique du fonds de commerce, c’est se demander si la réunion de


l’ensemble des éléments constitutifs d’un fonds conduit à la création d’un bien
nouveau, distinct de la simple juxtaposition desdits éléments. Cette question a donné
lieu à un important débat doctrinal sous l’empire des textes antérieurs et l’Acte
uniforme ne modifie pas de façon fondamentale les données du problème. L’analyse
la plus satisfaisante repose sur la double idée selon laquelle le fonds de commerce
est une universalité de fait (A.) et un bien meuble incorporel (B.).

37
Derruppé (J.), Rep. Dalloz, dr. com. V° Fonds de commerce, n° 70 ; Pédamon (M.), Droit commercial, op. cit.,
n° 243.
38
Wahl, notes sous S.1913, II, 281 et S. 1920, I, 33 ; Demontès et Jauffret, Code de commerce et lois
commerciales annotés, t. I, 1936, n° 52.
39
Escarra (J.) et Rault (J.), Principes de droit commercial, t. I, op. cit., n° 432 ; Cohen (A.), Traité théorique et
pratique du fonds de commerce, 2e éd. Sirey, 1948, n° 52 ; Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité de droit commercial,
t. I, 17e éd. par Germain et Vogel, n° 559.
40
Cass. Req. 20 janv. 1913: S. 1920, I, 33, note Wahl, Gaz. pal. 1913, I, 213, concl. Feuilloley ; Cass. Req. 28
juillet 1937 : Gaz. pal. 1937, II, 639 2e espèce ; Amiens, 2 avril 1930 : D.P., 1932, II, 95 ; Paris, 5 juill. et 28
nov. 1935 : D.P., 1936, II, 30, note Lalou.
41
V. dans le même sens Nguebou (J.), Droit commercial général dans l’acte uniforme O.H.A.D.A.,
op. cit., p.45.

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A. Le fonds de commerce, une universalité de fait.

Une partie de la doctrine avait voulu voir dans le fonds de commerce une universalité
de droit, c'est-à-dire un patrimoine d’affectation. Il serait « un ensemble de biens et
de dettes formant un tout, dont les éléments actifs et passifs seraient
inséparablement liés »42. Dans ce sens, il comprendrait, non seulement les éléments
énumérés par loi, mais aussi l’ensemble des créances et des dettes attachées à
l’exploitation commerciale43.

Force est de constater que cette thèse n’a pas reçu consécration dans l’acte
uniforme.

Une autre théorie présente le fonds de commerce comme une universalité de fait.
Cette thèse, défendue par Escarra et Rault, présente le fonds de commerce comme
« un ensemble de biens distincts et autonomes, mais formant une entité juridique
complexe qui, en tant que telle, est considéré comme un bien unique ».

L’universalité de fait présente trois caractéristiques :


- C’est un ensemble de biens : c-a-d qu’il ne comporte que les éléments actifs, par
opposition à l’universalité de droit qui comporte également les éléments passifs.

- Cet ensemble de biens forme un tout pouvant faire l’objet, dans sa globalité,
d’opérations juridiques. Ce n’est pas que la somme des éléments constitutifs. On
verra ainsi qu’il a une nature juridique différente des éléments qui le composent.
C’est un meuble incorporel alors qu’il peut comprendre des meubles corporels. Ainsi,
les actes juridiques dont fait l’objet le fonds ne nécessitent pas, pour leur
accomplissement, l’emploi des formes applicable à chacun des éléments qui le
composent.

- Caractérisée par la fongibilité de ses éléments constitutifs ; ceux-ci peuvent être


remplacés, augmentés voire, pour certains, supprimés sans qu’il ne soit porté
atteinte à l’intégrité de l’universalité dans son ensemble.

L’acte uniforme n’emploie pas expressément le terme d’universalité de fait, mais


l’option pour cette thèse est manifeste et découle de la définition fournie à l’article
135 AUDCG : « Le fonds de commerce est constitué par un ensemble de moyens
qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une clientèle. Il regroupe
différents éléments mobiliers corporels et incorporels ».

L’expression « ensemble de moyens » prête à équivoque, mais il ne fait aucun doute


que le législateur a voulu dire « ensemble de biens ». En témoignent la seconde
phrase qui vise les éléments mobiliers corporels et incorporels, ainsi que
l’énumération des éléments obligatoires et facultatifs du fonds de commerce.

B. Le fonds de commerce, un meuble incorporel

1. Le fonds de commerce est un bien meuble.

42
Cornu (G.), Vocabulaire Juridique, association H. Capitant.
43
Grunsweig (S.F.), Le fond de commerce et son passif propre, LGDJ, 1938 ; Crémieu (L.), Le fonds de
commerce, universalité juridique, Rev. des fonds de commerce, 1935, p. 311.

Page 59 sur 87
Le fonds de commerce est un bien de nature mobilière. C’est la position traditionnelle
du droit ivoirien héritée du droit français44. La Cour d’appel d’Abidjan l’a clairement
rappelé dans un arrêt du 29 mars 199445.

Cette position, bien que n’étant pas expressément affirmée par l’acte uniforme, peut
être déduite de la définition du fonds de commerce figurant à l’article 135 AUDCG et
surtout de son contenu exclusivement mobilier.

C’est la conséquence de l’exclusion traditionnelle des immeubles du droit


commercial précédemment évoquée, laquelle démontre l’insuffisance de la notion de
fonds de commerce à rendre compte de la valeur réelle de l’entreprise commerciale.
L’observation est particulièrement frappante lorsque le commerçant est propriétaire
du local dans lequel le fonds est exploité. Dans ce cas, l’absence de droit au bail et
l’exclusion du mobilier qui devient immeuble par destination conduit à donner au
fonds une valeur qui peut être très insignifiante par rapport à la valeur réelle de
l’entreprise.

2. bien de nature incorporelle

Affirmer que le fonds de commerce est un meuble impose de dire si ce meuble est
corporel ou incorporel. Il s’agit selon la doctrine majoritaire d’un meuble incorporel.

A ce titre, certains auteurs l’assimilent à un droit de clientèle. Selon MM. Ripert et


Roblot, « le fonds de commerce est une propriété incorporelle consistant dans un
droit à la clientèle qui est attachée au fonds par les éléments servant à son
exploitation »46.

Cette thèse se fonde sur l’idée d’une certaine hiérarchie entre les éléments
constitutifs du fonds de commerce. La clientèle serait l’élément principal dont les
autres éléments (dénomination, enseigne, droit au bail, marque, brevets d’invention
etc.) seraient en quelque sorte, les accessoires47. Le commerçant organise de façon
originale les éléments de son fonds afin d’attirer une clientèle. Ce faisant, il serait
l’auteur d’une véritable création immatérielle. Cette création étant protégée par la loi,
notamment à travers l’action en concurrence déloyale, il en résulterait que le
commerçant serait titulaire d’une propriété incorporelle comparable à un brevet
d’invention. Cette propriété serait un droit de clientèle puisque l’enjeu de la protection
dont bénéficie le commerçant réside dans la clientèle qu’il a pu créer grâce à une
organisation originale des éléments de son fonds48.

Section II : Existence et exploitation du fonds de commerce

44
V. not. Chartier (Y.), Droit des affaires t. I, L’entreprise commerciale, n° 213
45
CCA 29 mars 1994 : rev. iv. Sc. Jur. 1995, n° 5. p. 139
46
Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité de droit commercial, 17e éd. par Germain (M.) et Vogel (L.), n° 540.
47
Le Floch (P.), thèse, op. cit., n° 121.
48
Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité de droit commercial, t. I, 17e éd. op. cit., n° 540 ; De Juglart (M.) et Ippolito
(B.), Traité de droit commercial, t. I., op. cit., n° 160 ; V. Pour une conception très voisine, Travaux du 60 e
congrès des notaires de France, notamment M. Thibierge qui, dans son rapport de conclusion, écrit « la clientèle
apparaît comme le but … comme une quantité, comme une résultante … mais jamais comme un élément
autonome du fonds de commerce », et aussi Rapport de M. Malauzat.

Page 60 sur 87
§1 : L’existence du fonds de commerce.

La question est de savoir à partir de quand on peut dire qu’un fonds de commerce
existe ou cesse d’exister. Cette question invite à étudier la naissance du fonds de
commerce (A.) et sa disparition (B).

A. Naissance

On peut devenir propriétaire d’un fonds de commerce en l’acquérant, soit à titre


onéreux, soit à titre gratuit.

Il est aussi possible de le créer. Cette création est généralement consciente, mais la
volonté n’est pas l’unique condition. Ce qui compte c’est que se trouvent réunis, à
partir d’un noyau de clientèle, les éléments permettant de la fixer et de la développer.
Ainsi, la création d’un fonds de commerce est-elle une question de fait, de même que
la date de cette création. Elle est, en tout état de cause, indépendante de celle de
l’ouverture du commerce et de celle de l’immatriculation au RCCM.

La date de création du fonds de commerce est étroitement liée à celle de la


naissance de la clientèle. A partir de quand peut-on considérer qu’une clientèle est
constituée ? La question a longtemps divisé la doctrine. Certains auteurs soutiennent
que la sollicitation de clientèle devrait suffire à remplir la condition de clientèle
nécessaire à l’existence du fonds de commerce49. Pour d’autres, un premier client
devrait avoir été servi. Le fonds existera, écrit le Pr. Jauffret, « dès que la première
pratique sera adressée à l’exploitant »50. Pour une autre partie de la doctrine, un
embryon de clientèle devrait s’être formé. M. Cohen écrivait ainsi que « pour que la
clientèle puisse être juridiquement retenue comme une valeur patrimoniale actuelle,
encore faut-il qu’elle trouve son fondement dans un commencement de réalisation,
qu’elle puise sa justification dans les affaires déjà traitées. Alors seulement elle
acquière suffisamment de réalité pour pouvoir être érigée en un élément, voire en
l’élément essentiel du fonds de commerce »51.

La jurisprudence française s’en tient à cette dernière solution puisque depuis 1962,
elle exige que la clientèle soit réelle et certaine, et qu’une clientèle potentielle ne
suffit pas à révéler l’existence d’un fonds de commerce52. Mais l’interprétation du
caractère réel et certain de la clientèle est aussi l’objet de discordes53.

B. Disparition

A partir de quand le fonds cesse-t-il d’exister ? La règle en la matière est que le


fonds dure aussi longtemps que la clientèle et l’enseigne ou le nom commercial qui

49
Colomer (A.), Les régimes matrimoniaux et le droit commercial, t. I, Le fonds de commerce et les régimes
matrimoniaux, éd. Rép. Not. Def., 1977, p. 88 ; Derruppé (J.), Fonds de commerce et clientèle, in : Mélange A.
Jauffret, p. 234 et s., et note sous Cass. com. 27 fév. 1973 : D. 1974, p. 284 ; Hémard (J.), note sous Trib. Civ.
Lille, 14 déc. 1949 : JCP éd. G. 1950, II, 5337 et note sous Bordeaux, 18 oct. 1948 : JCP 1949, II, 4706 ;
50
Jauffret (A.), Obs. RTD com, 1950, p. 206.
51
Cohen (A.), Note sous Cass. civ., 30 janvier 195 : JCP 1954, II, 8118. ; Buisson, Le statut légal du fonds de
commerce, n° 10.
52
Cass. com. 15 fév. 1962 : Bull. civ. III, n° 71, p. 59 ; Cass. com. 13 mars 1962 : Bull. cass. 1962, III,
n° 158 ; Cass. com. 27 fév. 1973 : JCP 1973, II, 17403, note A.S., D. 1974, 283, note Derrupé.
53
Collomb (P.), La clientèle du fonds de commerce : RTD com., 1979, p. 1 et s.

Page 61 sur 87
lui ont donné naissance. Il disparaît avec la clientèle ou avec celui des éléments
constitutifs sans lequel celle-ci ne peut subsister.

En pratique, cette disparition peut intervenir en cas de cessation d’activité ou en cas


de modification consistante de celle-ci.

Notons toutefois que la cessation d’exploitation n’entraîne pas nécessairement une


disparition immédiate du fonds. Autrement les commerçants ne prendraient de
vacances qu’à condition de prévoir un remplacement. Selon une formule empruntée
à Jean Derrupé, « Le fonds de commerce ne disparaît que si la cessation
d’exploitation se prolonge suffisamment pour entraîner une disparition de la clientèle
qui aura pris d’autres habitudes »54.

Toute la difficulté est donc de déterminer le temps de fermeture au bout duquel la


clientèle est considérée comme ayant disparu, de sorte qu’une éventuelle
réouverture donnera naissance à un nouveau fonds de commerce. C’est là une
question de fait dont l’appréciation relève des juges du fond.

La disparition par modification de l’exploitation participe du même esprit. Il doit y


avoir un changement suffisamment profond pour que la clientèle ne puise pas être
considérée comme étant la même. Exemple, si nous considérons un commerce de
quartier, le transfert de l’exploitation dans une autre ville aura probablement pour
conséquence la disparition de l’ancien fonds et la naissance d’un nouveau. Mais la
solution ne sera pas la même s’il s’agit par exemple d’un fonds de commerce ayant
une clientèle s’étendant à l’échelle nationale.

§2 : Exploitation du fonds de commerce.

Il ne sera question ici que de l’exploitation directe (par le propriétaire), l’exploitation


indirecte (location-gérance) devant être abordée dans le prochain chapitre.

A. Exploitant personne physique / société commerciale

Le fonds de commerce peut être exploité sous la forme d’entreprise individuelle ou


sous la forme de société. Dans le premier cas, l’exploitant est une personne
physique et le fonds de commerce est un élément de son patrimoine. Cette forme
d’exploitation est de loin la plus répandue surtout au sein des petites entreprises,
bien que la société unipersonnelle soit désormais admise en droit ivoirien.

Lorsque le fonds est exploité sous forme de société, le commerçant, c’est la société
entant que personne morale. C’est elle qui engage sont patrimoine. Le ou les
associés ne sont que titulaires des parts sociales ou des actions.

Dans certaines formes sociales (SARL, SAS, SA) leur responsabilité est limitée à
leurs apports, de sorte que leur patrimoine personnel n’est, en principe, pas engagé
par l’activité sociale. On observera cependant que dans le cas de la SNC et la SCS,
les associés et les commandités ont la qualité de commerçant et sont indéfiniment et
solidairement tenu des dettes sociales.

54
Derrupé (.J.), RTD Com. 1989, 646 et jpdce citée.

Page 62 sur 87
B. Unité / pluralité d’établissements

S’agissant de l’emplacement physique, l’exploitation du fonds peut donner lieu à des


formules variables. Le fonds peut être à établissement unique. C’est généralement le
cas des petits commerces de détail. Il peut aussi y avoir un établissement principal et
un ou plusieurs établissements secondaires.

Succursale

Le fonds peut aussi donner lieu à l’ouverture de succursales. La succursale selon


l’article 116 AUSCGIE est un établissement commercial ou industriel ou de
prestation de services, appartenant à une société ou une personne physique et
dotée d’une certaine autonomie de gestion.

Indépendamment des règles relatives aux établissements secondaires qui leur sont
également applicables (obligation d’immatriculation au RCCM), les succursales font
l’objet de dispositions particulières (v. article 116 et s. AUSCGIE). Il convient de citer
en particulier l’obligation mise à la charge des personnes étrangères, d’apporter leur
succursales à une société de droit de l’un des Etats parties, deux ans au plus tard
après leur création, sauf dispense ministérielle (Art. 120 AUSCGIE.).

Bureau de représentation ou de liaison

Le bureau de représentation ou de liaison est un établissement appartenant à une


société et chargé de faire le lien entre cette dernière et le marché de l'Etat partie
dans lequel il se situe. Il n'est pas doté d'une autonomie de gestion et n'exerce
qu'une activité préparatoire ou auxiliaire par rapport à celle de la société qui l'a
créée.

Le bureau de représentation ou de liaison doit être immatriculé au RCCM.

Si son activité justifie qu’il soit transformé en succursale, une demande rectificative
au RCCM est formulée dans un délai de 30 jours à compter du changement de
situation.

A défaut, le bureau de représentation sera radié du RCCM après décision du tribunal


de commerce statuant sur requête à la demande du greffier ou de tout intéressé. La
décision de radiation est publiée par le greffe dans un JAL.

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CHAP. II : LES PRINCIPAUX CONTRATS PORTANT
SUR LE FONDS DE COMMERCE.

Le fonds de commerce, en tant que bien, peut faire l’objet d’opérations juridiques.
Trois opérations font l’objet d’une réglementation spécifique de la part du législateur.
Ce sont la location-gérance (S. I), la cession (S. II) et le nantissement (S. III).

Section I : La location-gérance du fonds de commerce.

La location-gérance est un mode d’exploitation du fonds de commerce dont la


particularité est d’opérer une séparation entre la propriété et l’exploitation du fonds.
Selon l’article 138 al. 3 AUDCG, “La location-gérance est une convention par laquelle
le propriétaire d’un fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède
la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale, locataire-
gérant, qui l’exploite à ses risques et périls.”

L’utilité de ce contrat est indiscutable dans la mesure où les commerçants,


propriétaires d’un fonds, dans l’impossibilité matérielle ou juridique de l’exploiter
personnellement peuvent en conserver la propriété et en concéder l’exploitation à un
tiers.

La réglementation du contrat de location-gérance a pour objet essentiel de clarifier


les relations entre le loueur et le locataire-gérant, mais aussi d’assurer la protection
des tiers. Comment se forme ce contrat (§1) ? Quels en sont les effets (§2) ?

§1 La formation du contrat de location-gérance.

La conclusion du contrat est subordonnée à des conditions de fond et forme.

A – Les conditions de fond

1) Conditions relatives au locataire-gérant

Le contrat de location-gérance confère au locataire-gérant la qualité de commerçant.


Il faut, dès lors, qu’il remplisse toutes les conditions requises pour acquérir cette
qualité de façon régulière. Ainsi, il doit avoir la capacité commerciale, n’être sous le
coup d’aucune interdiction ou déchéance et ne pas relever d’un statut déclaré
incompatible avec l’exercice d’une activité commerciale.

2) Conditions relatives au bailleur (ou loueur)

S’agissant du loueur, l’article 141 AUDCG pose deux conditions.

1. Les personnes interdites ou déchues de l’exercice d’une profession commerciale


ne peuvent consentir une location-gérance.

2. Le loueur, personne physique ou morale, doit avoir exploité pendant deux ans au
moins, en qualité de commerçant, le fond qu’il veut mettre en location-gérance.

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Ce délai peut être réduit sans pouvoir être inférieur à un an, par la juridiction
compétente (le TC), notamment lorsque la personne physique ou morale justifie
qu’elle est dans l’impossibilité d’exploiter le fonds personnellement ou par
l’intermédiaire de ses préposés.

Par ailleurs, ce délai n’est pas applicable à certaines personnes énumérées à l’article
143 AUDCG. Il s’agit de l’Etat et des collectivités publiques, des incapables, des
héritiers, des mandataires de justice, etc.).

L’article 138 AUDCG interdit expressément à l’entreprenant d’être partie à un contrat


de location-gérance. Ce qui signifie que l’entreprenant ne peut être ni locataire-
gérant ni bailleur. En d’autres termes, celui qui a pris un fonds de commerce en
location-gérance ne peut pas bénéficier du statut d’entreprenant. De même, s’il est
propriétaire d’un fonds de commerce, l’entreprenant ne peut le donner en location
gérance.

B- Conditions de forme

1) Exigence d’un écrit

L’exigence d’un écrit découle implicitement de l’article 138 AUDCG qui prévoit des
mentions obligatoires du contrat de location-gérance. Ces mentions sont les
suivantes :
- le contrat doit décrire les éléments corporels et incorporels du fonds de
commerce mis en location-gérance et en fixer le loyer.
- Il résulte de l’article 138 al. 3 AUDCG que le loyer dans le contrat de location-
gérance doit comporter deux éléments : un loyer pour la jouissance des
locaux et un loyer pour la jouissance des éléments corporels et
incorporels du fonds de commerce. Ces deux éléments, selon le même
article, « sont obligatoirement déterminés de façon séparée dans le contrat
de location-gérance… ».

Les règles de publicité renvoient également à l’obligation d’établir un écrit,


puisqu’une copie du contrat de location-gérance est exigée parmi les pièces requises
pour l’immatriculation du locataire-gérant au RCCM : article 45 – 6°) AUDCG.

2) Publicité

a) Publicité d’un extrait dans un JAL

Le contrat de location-gérance doit être publié sous forme d’extrait dans un JAL
paraissant au lieu où le fonds de commerce est inscrit au RCCM.

Cette publication est faite dans les 15 jours du contrat, par la partie la plus diligente,
au frais de locataire-gérant.

b) Indication de la qualité de LG à l’entête des documents commerciaux

Page 65 sur 87
Le LG est tenu d’indiquer en tête de ses documents commerciaux (bons de
commande, factures, et autres documents à caractère économique et financier), sa
qualité de locataire-gérant ainsi que son numéro d’immatriculation au RCCM.

Le non-respect de cette obligation est pénalement sanctionné, la peine étant fixée


par chaque Etat. En CI, la loi n° 72-513 du 27 juillet 1972 prévoit en répression, une
amende de 2000 F. à 72000 F. et (ou) un emprisonnement de 10 jrs à 2 mois.

3) Inscription modificative au RCCM

Le propriétaire du fonds, s’il est commerçant, est tenu de faire modifier son
inscription par la mention de la mise en location-gérance de son fonds.

De son côté, le locataire-gérant est tenu à se faire immatriculer au RCCM et de


mentionner son numéro d’immatriculation sur ses documents commerciaux. Le
locataire-gérant a la qualité de commerçant et est de ce fait soumis à toutes les
formalités qui en découlent, en particulier immatriculation au RCCM.

En fin de contrat, les parties devront procéder aux mêmes mesures de publicité.

§2. Les effets du contrat de location-gérance

A. Obligations des parties

Par ce contrat, le locataire-gérant s’engage à exploiter le fonds à ses risques et


périls, c’est-à-dire en toute indépendance. Le bailleur doit donc mettre le fonds à la
disposition du locataire-gérant et ne pas troubler sa jouissance, notamment en
exploitant un commerce concurrent55.

Comme tout locataire, il doit verser un loyer dont la fixation est laissée à la libre
détermination des parties. Ce loyer doit cependant comporter deux éléments
distincts indiqués de façon séparés dans le contrat.

Le locataire-gérant doit exploiter le fonds en bon père de famille. Il ne doit pas le


laisser disparaitre ou le modifier sans l’accord préalable du bailleur.

A l’expiration du contrat de location-gérance, le locataire-gérant doit restituer le fond.


Il n’a pas droit au renouvellement du contrat comme en matière de bail à usage
professionnel. Par conséquent, en cas de non-renouvellement, il ne peut prétendre à
une indemnité d’éviction.

L’hypothèse du développement d’une branche d’activité nouvelle peut soulever


quelques difficultés. En la matière, le juge français a admis que dans les cas où cette
activité nouvelle exploitée avec l’accord du loueur peut être considérée comme un
fonds distinct, elle demeurera la propriété du locataire-gérant.

B. Protection des créanciers

55
CA Colmar, 11 mai 1926, Gaz. Pal. 1926, 2, 303

Page 66 sur 87
Lorsque le fonds de commerce change de mains en raison d’une mise en location-
gérance ou de la cessation de celle-ci, les créanciers de l’exploitant peuvent avoir
des raisons de s’inquiéter du recouvrement de leur créance. Afin d’assurer leur
protection, le législateur prévoit 3 mécanismes.

1) L’action en déclaration d’exigibilité des créances à terme

A la conclusion du contrat de location-gérance, les créanciers à terme du propriétaire


peuvent demander au tribunal compétent de déclarer leurs créances immédiatement
exigibles.

L’action est introduite par tout intéressé, dans le délai de trois mois à compter de la
publication du contrat de location-gérance, sous peine de forclusion.

Le juge saisi ne peut prononcer cette déclaration que s’il estime que la location-
gérance met en péril le recouvrement de la créance en question.

2) Solidarité légale

Le législateur institue une solidarité légale du propriétaire du fonds avec le locataire-


gérant jusqu’à la publication du contrat (CAA, 27 déc. 2005). En d’autres termes,
jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le bailleur est solidairement
responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion
de l’exploitation du fonds de commerce.

La justification de cette règle tient au fait qu’avant la publication du contrat de


location-gérance, les tiers qui traitent avec le locataire-gérant peuvent ne pas
connaître sa véritable qualité.

On peut alors se demander si cette solidarité joue lorsque le tiers avait connaissance
de la qualité de locataire-gérant de son cocontractant. Pas de solution
jurisprudentielle connue à ce jour. Deux solutions envisageables :
- soit, ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas (art. 145 AUDCG ne fait
pas de distinction);
- soit on considère que le créancier de mauvaise foi ne mérite pas la protection.

3) Déchéance du terme à la cessation du contrat de location-gérance

A la cessation du contrat de location-gérance, que cette cessation soit à terme ou


anticipée, il se produit de plein droit une déchéance du terme sans demande
préalable pour toutes les dettes afférentes à l’exploitation du fonds et contractées par
le locataire-gérant pendant la gérance du fonds de commerce. Ce dernier doit donc
payer ses créanciers même si des délais lui avaient été accordés.

Section II : La cession du fonds de commerce.

Le fonds de commerce étant un bien important dans le patrimoine du commerçant,


sa cession (vente, apport en société…) peut être dangereuse pour le propriétaire lui-
même, pour ses créanciers et pour l’acquéreur qui n’est pas à l’abri d’une tromperie
sur la consistance ou la valeur du fonds.

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Les règles du droit commun de la vente sont insuffisantes pour éviter ces différents
écueils. C’est pourquoi le législateur a prévu un régime spécifique. Ainsi, la vente du
fonds de commerce est-elle soumise à trois corps de règles.
- en premier lieu, il y a le droit commun de la vente tel que prévu par le code
civil ;
- en second lieu, les dispositions des articles 147 à 168 AUDCG.;
- enfin, les dispositions spécifiques régissant certaines activités commerciales
telles que le commerce des armes, de pharmacie, de débit de boisson, qui
relèvent également de la compétence du législateur national de chaque Etat.

Le régime de la cession du fonds de commercer résulte de la coordination des ces


trois corps de règles. On peut y dissocier les conditions de formation de la cession
(§1) des effets produits par cette cession (§2).

§1– Les conditions de la cession du fonds de commerce.

Elles sont relatives au fond et à la forme.

A- Les conditions de fond

1) Conditions tenant à l’objet de la vente

Il faut relever d’emblée qu’on ne peut parler de cession de fonds de commerce que
lorsque l’opération porte au moins sur les éléments obligatoires, à savoir la clientèle
et l’enseigne ou (et) le nom commercial.

L’article 148 AUDCG dispose en effet que « la cession de fonds de commerce porte
nécessairement sur les articles énumérés à l’article 136 du présent acte uniforme ».

A cet objet obligatoire, les parties peuvent adjoindre d’autres éléments corporels ou
incorporels comme le droit au bail, les installations et aménagements, le matériel et
mobilier…

En cas de cession ne comportant pas l’ensemble des éléments obligatoires du fonds


de commerce, il n’ya pas cession de fonds de commerce et le régime légale n’est
pas applicable.

2) Conditions tenant aux parties

La vente du fonds de commerce suppose réunies les conditions de validité de tout


contrat, à savoir :
- capacité des parties,
- leur consentement doit exister et être exempte de vice,
- l’objet doit exister et être licite,
- la cause doit exister et être licite,

S’agissant de la première condition, la capacité commerciale est requise des parties,


la cession du fonds de commerce étant un acte de commerce.

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B- Les conditions de forme

1) Exigence d’un écrit.

La cession du fonds de commerce doit être constatée par un écrit qui peut être un
acte sous seing privé ou un acte authentique.

Cet écrit doit contenir des mentions obligatoires énumérées à l’article 150 AUDCG
(11 mentions obligatoires). Ces mentions sont les suivantes:
1°) pour les personnes physiques, l'état civil complet du vendeur et de l'acheteur, et,
pour les personnes morales, leur nom, leur dénomination sociale, leur forme
juridique, l’adresse de leur siège ;
2°) les activités du vendeur et de l'acheteur ;
3°) leurs numéros d'immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;
4°) s'il y a lieu, l'origine du fonds au regard du titulaire qui a précédé le vendeur ;
5°) l'état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds ;
6°) le chiffre d'affaires réalisé au cours de chacune des trois dernières années
d'exploitation, ou depuis son acquisition si le fonds n'a pas été exploité depuis plus
de trois ans ;
7°) les résultats commerciaux réalisés pendant la même période ;
8°) le bail annexé à l’acte avec l’indication, dans l’acte, de sa date, de sa durée, du
nom et de l'adresse du bailleur et du cédant s'il y a lieu ;
9°) le prix convenu ;
10°) la situation et les éléments du fonds vendu ;
11°) le nom et l'adresse du notaire ou de l'établissement bancaire désigné en qualité
de séquestre si la vente a lieu par acte sous seing privé.

L’omission ou l’inexactitude de l’une de ces mentions peut entraîner la nullité de


l’opération. Il faut cependant que l’acquéreur la demande (l’action en nullité est
ouverte au seul acquéreur) et prouve que l’inexactitude ou l’omission a
substantiellement affecté la consistance du fonds cédé et qu’il en est résulté un
préjudice. Par cette condition, on comprend aisément qu’il s’agit d’une nullité relative
qui ne peut être invoquée que par l’acquéreur.

La demande en nullité doit être faite dans un délai d’un an à compter de la date de
l’acte.

2) Publicité

a) Publicité au JAL

Dans un délai de 15 jours à compter de sa date, l’acte de vente doit être publié à la
diligence de l’acquéreur sous forme d’avis dans un JAL paraissant dans le lieu où le
vendeur est inscrit au RCCM.

b) Inscription au RCCM

Le vendeur et l’acquéreur doivent, chacun ce qui le concerne, procéder à une


inscription modificative au RCCM. Ainsi, si le vendeur cesse toute activité

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commerciale, il doit procéder à sa radiation. Si l’acquéreur devient commerçant, il
doit se faire immatriculer au RCCM.

Par ailleurs, l’acte de vente, en copie certifiée conforme, doit être déposé par une
des parties au RCCM.

§2 - Les effets de la cession du fonds de commerce

La cession du fonds de commerce produit les effets d’une vente. La propriété du


fonds est transférée à l’acquéreur qui s’oblige à en payer le prix. Cependant, la
cession ne doit pas préjudicier aux intérêts des tiers.

A- Les effets entre les parties

1. Les obligations de l’acquéreur

Aux termes de l’article 157 AUDCG, l’acquéreur doit payer le prix au jour et lieu fixés
dans l’acte de vente, entre les mains du notaire ou d’un établissement bancaire
désigné d’un commun accord.

Ce dernier doit conserver les fonds en qualité de séquestre pendant un délai de 30


jours à compter de la parution de la vente dans un JAL. Si au terme de ce délai,
aucune opposition n’a été notifiée au séquestre, celui-ci tient le prix de vente à la
disposition du vendeur. Si au contraire, une ou des oppositions ont été notifiées, le
prix de vente n’est disponible pour le vendeur que sur justification de la mainlevée de
toutes les oppositions.

Lorsque les parties décident, dans un acte séparé, d’un autre prix ou de dissimuler
une partie du prix, on parle de contre-lettre. Aux termes de l’article 158 AUDCG, la
contre-lettre est nulle. Cette nullité n’affecte pas l’acte de cession au prix apparent.
Le vendeur ne pourra pas réclamer en justice la partie dissimulée du prix.

2. Les obligations du vendeur

a. Obligation de délivrance

L’obligation première du vendeur est de mettre le fonds cédé à la disposition de


l’acheteur à la date prévue dans l’acte de cession : c’est l’obligation de délivrance.

Toutefois, si le paiement a été prévu au comptant, sauf convention contraire, le


vendeur n’est tenu de délivrer le fonds qu’à la date du complet paiement du prix.

Il faut relever que la délivrance est distincte du transfert de propriété qui s’opère dans
les conditions prévues à l’article 166 AUS. Selon ce texte, pour produire son effet
translatif et être opposable aux tiers, la vente doit être inscrite au RCCM à la
demande de l’acquéreur dans le respect des conditions prévues à l’AUDCG

b. Obligation de garantie

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Comme tout vendeur, celui du fonds de commerce est tenu à une triple garantie :
garantie du fait personnel, garantie d’éviction, garantie des vices cachés.

- Garantie du fait personnel. Le vendeur ne doit rien faire qui puisse troubler
l’acquéreur dans l’exercice des droits qu’il a acquis du fait de la cession. Ainsi
par exemple, il ne saurait détourner la clientèle du fonds. En cédant son
fonds, le vendeur contracte l’obligation de ne pas se rétablir de manière à
conserver en partie ou en totalité la clientèle attachée au fonds cédé.

Il ne peut cependant lui être interdit de se rétablir. Lorsque les parties


prévoient une clause de non-rétablissement, celle-ci doit être limitée dans le
temps ou dans l’espace pour être valable.

- Garantie d’éviction : le vendeur doit également garantie contre les troubles


de droit pouvant provenir d’un tiers qui revendiquerait, par exemple, la
propriété du fonds.

- Garantie des vices cachés. Si l’acquéreur découvre des charges qui


n’étaient pas déclarées dans l’acte de vente, ou encore si le fonds est affecté
de vices cachés, il peut demander la résolution de la vente. Il faut cependant
une condition : la diminution de jouissance qu’il subit du fait de cette éviction
partielle, de ces charges ou de ces vices cachés doit être telle qu’il n’aurait
pas acheté le fonds s’il en avait eu connaissance.

3) Les garanties de paiement du vendeur

Le vendeur impayé bénéficie de deux garanties spéciales : le privilège du vendeur et


l’action résolutoire.

a) Le privilège du vendeur.

Lorsque la vente est effectuée avec un paiement au moins partiellement à terme, la


loi accorde au vendeur un privilège dont la fonction est de garantir le paiement du
reliquat du prix : c’est le privilège du vendeur du fonds de commerce (art. 166
AUDCG).

Ce privilège ne produit effet que lorsqu’il est inscrit au RCCM. Il protège le vendeur
contre tous les nantissements qui pourraient être consentis par l’acquéreur et contre
les aliénations du fonds. En effet, le vendeur titulaire ce privilège bénéficie d’un droit
de préférence pendant cinq ans à compter de son inscription au RCCM sauf
réinscription. Il y a lieu d’observer que ce privilège est indivisible en ce qu’il grève
tous les éléments du fonds sans distinction (contra, voir article 1 er al 1 à 4 loi du 17
mars 1909).

b) L’action résolutoire

En cas de non-paiement, le vendeur peut obtenir la résolution de la cession


conformément au droit commun.

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L’action résolutoire doit être notifiée par acte extra-judicaire (exploit d’huissier) ou par
tout moyen prouvant par écrit la notification (lettre au porteur contre décharge, lettre
RAR), aux créanciers inscrits sur le fonds. Cette notification est faite au domicile élu
par eux dans leur inscription.

Le vendeur doit également procéder à une prénotation de son action conformément


aux règles prévues dans l’AUS56.

Le tribunal compétent pour connaître de cette action est celui du lieu


d’immatriculation du vendeur du fonds.

Toute convention de résolution amiable d’une vente du fonds de commerce est


inopposable aux créanciers de l’acquéreur du fonds qui ont pris une inscription sur le
fonds.

Une fois la résolution obtenue, celle-ci doit être publiée au RCCM.

B– Les effets de la vente du fonds de commerce à l’égard des tiers

Le fonds de commerce étant également un moyen de crédit, les tiers créanciers sont
intéressés à sa cession. La publicité à laquelle donne lieu la vente du fonds est
d’ailleurs en grande partie destinée à les informer.

La protection des créanciers est assurée par 2 mécanismes : le droit d’opposition et


le droit de surenchère.

1) Le droit d’opposition

Le droit d’opposition appartient à tout créancier, que la créance soit exigible ou à


terme.

a) Forme de l’opposition

L’opposition doit être formée dans un délai de trente jours à compter de la parution
de la publicité de la vente dans un journal d’annonces légales. Elle doit être notifiée
par acte d’huissier ou par tout moyen permettant d’en établir la réception effective :
- au notaire ou à l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre,
- à l’acquéreur,
- au greffe du tribunal qui procède à son inscription au RCCM.

L’acte d’opposition doit comporter certaines mentions définies par l’AUDCG (identité
de l’opposant, montant de la créance, sa cause, élection de domicile dans le ressort
de la juridiction du RCCM). Faute de respecter ces règles de forme, l’opposition est
nulle.

56
Aux termes de l’article 75 AUS, toute demande tendant à la résolution amiable, judiciaire ou de plein
droit de la vente du fonds de commerce doit faire l'objet d'une prénotation au RCCM à l'initiative du
vendeur. Cette prénotation est autorisée par le Président de la juridiction du lieu où la vente a été
inscrite, par décision sur requête, à charge de lui en référer. La prénotation faite, la validité des
inscriptions ultérieures est subordonnée à la décision à intervenir sur la résolution de la vente.

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b) Effet de l’opposition

L’opposition produit un effet conservatoire et rend le prix indisponible.


Il appartient alors au créancier opposant de saisir la juridiction compétente afin
d’obtenir le paiement de ce qui lui est dû.

Le vendeur peut obtenir la mainlevée des oppositions, soit par voie judiciaire, soit par
voie amiable. La mainlevée judicaire est prononcée par la juridiction compétente
statuant à bref délai, si le vendeur offre un cautionnement ou une garantie
équivalente au montant de la créance objet de l’opposition. Quant à la mainlevée
amiable, elle est du ressort du créancier opposant qui doit la notifier dans les mêmes
formes que l’opposition elle-même.

Si l’opposant ne saisit pas la juridiction compétente dans un délai d’un mois à


compter de la notification, son opposition « est nulle de plein droit et de nul effet ».
Tout intéressé pourra alors saisir la juridiction compétente statuant à bref délai afin
de faire constater cette nullité et ordonner la mainlevée de l’opposition. L’auteur de
l’opposition abusive pourra être condamné au paiement de dommages et intérêts.

2) Le droit de surenchère

Le créancier opposant, privilégié ou nanti, dispose du droit de surenchère.


Concrètement, l’exercice de ce droit se traduit, pour le créancier, par la demande de
mise du fonds en vente aux enchères publiques en offrant de se porter enchérisseur
pour le prix de la vente augmenté du sixième. Ce droit existe même lorsque la vente
initiale est une vente forcée (vente sur saisie).

Ce droit s’exerce dans un délai d’un mois à compter de la publication de la vente au


JAL ou de l’adjudication dans le cas d’une vente judiciaire. Dans ce délai, le
surenchérisseur doit consigner au greffe de la juridiction compétente le montant du
prix augmenté du sixième. La nouvelle vente se fait dans les conditions définies aux
articles 164 et 165 AUDCG.

Section III : Le nantissement du fonds de commerce.

Le nantissement du fonds de commerce consiste en un gage sans dépossession


portant sur le fonds de commerce ; c'est-à-dire que le commerçant affecte, son fonds
de commerce en garantie d’une dette tout en en conservant la possession.

Le nantissement du fonds de commerce est le plus souvent une garantie


volontairement offerte par le commerçant à son créancier. Il s’agit alors d’un
nantissement conventionnel (§1). Mais il est également prévu la possibilité, pour le
juge, d’autoriser un créancier du commerçant à prendre un nantissement sur le fonds
de commerce de ce dernier. C’est le nantissement judiciaire (§2).

§1 : Le nantissement conventionnel.

A. Conditions du nantissement

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Le fonds de commerce est un bien composite et les éléments qui le composent ne
sont pas tous compris dans le nantissement. Le nantissement du fonds pose donc la
question de son contenu (1). Par ailleurs, l’opération doit être réalisée selon
certaines formes (2).

1. Le contenu du nantissement.

Il résulte de l’article 162 AUS qu’il faut distinguer trois catégories d’éléments. Les
éléments obligatoires, les éléments facultatifs et les éléments exclus.

a) Eléments obligatoires.

Sont obligatoirement compris dans le nantissement du fonds de commerce la


clientèle et l’enseigne ou le nom commercial (art. 162). Nous avons déjà expliqué en
quoi consistent ces éléments. Tout nantissement du fonds de commerce porte
nécessairement sur ces éléments s’ils existent.

b) Eléments facultatifs.

Le nantissement du fonds de commerce peut également porter sur d’autres éléments


incorporels du fonds de commerce tels que le droit au bail, les licences d’exploitation,
les brevets d’invention, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et
modèles ou tout autre DPI (droit de propriété intellectuel), ainsi que sur le matériel.

Mais cette extension doit faire l’objet d’une clause spéciale désignant les biens
engagés et d’une mention particulière au RCCM.

Cette clause n’a d’effet que si le nantissement est inscrit au RCCM.

c) Eléments exclus.

Sont exclus du nantissement du fonds de commerce « les droits réels immobiliers


conférés ou constatés par des baux ou des conventions soumises à inscription au
livre foncier ». Cette formule désigne les droits réels immobiliers détenus par le
propriétaire du fonds de commerce, portant sur un bien affecté à l’exploitation dudit
fonds, qu’il s’agisse du droit de propriété ou de droits découlant d’un bail
emphytéotique. Ces droits ne sont jamais inclus dans le fonds de commerce. Cette
solution s’explique par l’exclusion traditionnelle des immeubles du fonds de
commerce.

Il convient de préciser que lorsque le nantissement porte sur un fonds de commerce


et ses succursales, celles-ci doivent être désignées par l’indication précise de leur
siège.

2. Les conditions de forme

Le nantissement du fonds de commerce doit être constaté par écrit. Cet écrit peut
être un acte authentique ou un acte sous seing privé dûment enregistré.

Cet écrit doit comporter les mentions suivantes :

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- les noms, prénoms et domicile des parties ;
- le numéro d’immatriculation des parties au RCCM ;
- la désignation précise et le siège du fonds et éventuellement de ses
succursales ;
- les éléments du fonds nanti ;
- le montant de la créance garantie ;
- les conditions d’exigibilité de la dette et des intérêts ;
- l’élection de domicile du créancier dans le ressort de la juridiction où est tenu
le RCCM

Faute de contenir ces mentions, le nantissement est nul. On en déduit que le


nantissement verbal d’un fonds de commerce est nul.

3. La publicité du nantissement.

Le nantissement du fonds de commerce doit être inscrit au registre du commerce et


du crédit mobilier.

Il s’agit d’une condition d’opposabilité aux tiers (art.165 AUS).

Si le fonds nanti comprend plusieurs succursales, l’inscription doit être prise au lieu
de l’immatriculation principale et aux lieux des immatriculations secondaires.

Outre l’inscription au RCCM, lorsque le nantissement porte sur des droits de


propriété intellectuelle ainsi que sur le matériel, il doit être satisfait à la publicité
prévue par les dispositions relatives à la propriété intellectuelle et aux règles sur le
nantissement du matériel.

A l’issue de l’inscription au RCCM, le créancier doit notifier au bailleur de l’immeuble


dans lequel le fonds est exploité, le bordereau d’inscription. A défaut, il ne peut se
prévaloir du défaut de signification d’une demande de résiliation du bail.

B. Les effets du nantissement

Le nantissement ne produit effet qu’à compter de son inscription au RCCM. A


compter de cette date, le créancier nanti conserve ses droits pendant 5 ans. Si au
terme de cette date l’inscription n’est pas renouvelée, le nantissement cesse de
produire effet et est radié d’office par le greffier.

Quels sont les droits du créancier nanti ?

1. Avant l’échéance de la créance, le créancier dispose d’un droit à l’information et


d’un droit de surenchère.

Le droit à l’information consiste en ce que tous les évènements susceptibles


d’affecter le fonds de commerce et de mettre en péril le recouvrement de la créance
doivent être portés à la connaissance du créancier nanti.

Le législateur de l’OHADA envisage le cas particulier du déplacement du fonds.


Dans ce cas, le propriétaire doit, 15 jours au moins à l’avance, notifier au créanciers

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inscrits, par acte extrajudiciaire, son intention de déplace le fonds, en indiquant le
nouvel emplacement qu’il entend lui fixer. Si le créancier nanti refuse de consentir au
déplacement, il peut dans les 15 jours de la notification demander la déchéance du
terme s’il y a diminution de sa sûreté. Au contraire en cas de consentement, il
conserve sa sûreté, mais à condition de faire mentionner son accord dans un délai
de 15 jours en marge de l’inscription initiale. Le déplacement du fonds opéré sans
notification régulière entraîne la déchéance du terme.

Par ailleurs, toute demande de résiliation du bail de l’immeuble dans lequel est
exploité le fonds doit être notifiée au créancier nanti. La décision judicaire de
résiliation ne peut intervenir, ni la résiliation amiable produire effet, que deux mois
après cette notification.

Le créancier nanti a un droit de surenchère en cas de vente du fonds de commerce,


c'est-à-dire qu’il peut faire opposition à la vente et former une surenchère du sixième
du prix de la vente. Il doit pour se faire consigner dans les mains du greffe de la
juridiction compétente, le prix de la vente augmenté du sixième.

2) A l’échéance de la créance, le créancier bénéficie d’un droit de suite et de


réalisation, ainsi que d’un droit de préférence.

Concernant le droit de réalisation, il signifie que le créancier muni d’u titre exécutoire
peut faire ordonner la vente du fonds 8 jours après une sommation de payer restée
infructueuse.

Le droit de suite traduit l’idée que le créancier nanti peut faire saisir le fonds en
quelques mains qu’il se trouve afin de procéder à sa réalisation.

Le créancier nanti dispose d’un droit de préférence, c’est-à-dire qu’en cas de vente
du fonds de commerce, il est payé par préférence aux créanciers chirographaires.
L’ordre des paiements suite à la réalisation d’un bien meuble est indiqué à l’article
226 AUS.

§2 Le nantissement judicaire.

Le juge dispose de la faculté d’autoriser un créancier du commerçant à prendre un


nantissement sur le fonds de commerce de ce dernier lorsque le recouvrement d’une
créance est en péril.

Ce nantissement porte sur les mêmes éléments que le nantissement conventionnel.


Il ne produit effet qu’à compter de son inscription au RCCM.

La décision judicaire autorisant le nantissement doit comporter les mêmes mentions


que celles exigées pour le nantissement conventionnel.

Après la décision autorisant le nantissement judicaire, le créancier procède à une


inscription provisoire. L’inscription définitive intervient après la décision de validation
qui a acquis l’autorité de la chose jugée.

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Le nantissement judicaire procure au créancier nanti les mêmes droits que le
nantissement conventionnel.

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TITRE III : LENTREPRISE ET LA CONCURRENCE

L’entreprise, quelle soit commerciale ou de nature civile, évolue dans un


environnement concurrentiel. Cette concurrence doit être réglementée, afin d’éviter
les excès préjudiciables au marché, aux concurrents et aux consommateurs.

Pourtant, pendant longtemps, le législateur s’est abstenu de légiférer en la matière.


C’est la jurisprudence qui a dû prendre les devants pour sanctionner, sur le
fondement de l’article 1382 C. civ., les agissements déloyaux des concurrents. Les
acquis de cette jurisprudence sont aujourd’hui repris dans une annexe du traité de
l’OAPI qui constitue, pour l’essentiel, le siège de la matière pour ce qui concerne la
répression de la concurrence déloyale.

C’est n’est qu’à une date récente que la protection du marché, la liberté de la
concurrence et la lutte contre le pouvoir de monopole ont intégré les préoccupations
du législateur, s’inspirant en cela du droit français lui-même inspiré du droit antitrust
américain. Une série de textes vont ainsi être adoptés, d’abord à l’échelle nationale 57
puis en droit communautaire58. Ces différents textes vont non seulement interdire
certaines pratiques jugées anticoncurrentielles, mais ils vont également introduire les
notions de pratiques restrictives de concurrence et de transparence tarifaire.

C’est cet ensemble qui constitue le droit ivoirien de la concurrence. Ce droit présente
aujourd’hui un visage composé des trois principales facettes :
- Il ya des règles destinées à la protection de l’entreprise contre les pratiques
déloyales de ses concurrents. C’est la concurrence déloyale.
- il ya des règles dont le but est la protection du marché, la liberté de la concurrence
et la lutte contre le pouvoir de monopole. C’est les pratiques anticoncurrentielles.
- enfin il ya enfin ce qu’il convenu d’appeler les pratiques restrictives et la
transparence tarifaire.

Le volume horaire du cours nous oblige à nous limiter à la première facette de ce


droit de la concurrence, à savoir la concurrence déloyale.

CHAP. UNIQUE : LA CONCURRENCE DELOYALE

En vertu du principe de la liberté de commerce, chaque entreprise peut tenter


d’attirer la clientèle, y compris celle de ses concurrents. Ce seul fait n’est pas
illicite59. Toutefois, tous les procédés ne sont pas permis. Il faut que les agissements
concurrentiels restent loyaux. En cas d’agissement déloyaux, la victime peut obtenir
réparation du préjudice qui en découle. C’est l’action en concurrence déloyale.

57
En droit national, la réglementation de la concurrence a d’abord été le fait d’une loi n°78-633 du 28
juillet 1978 relative à la concurrence et les prix (JO du 17 octobre 1978). Une refonte du dispositif est
intervenue par une loi du 27 décembre 1991. Cette loi est aujourd’hui abrogée et remplacée par une
ordonnance du 20 septembre 2013 (ord. n° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence).
58
A l’échelle communautaire, 3 règlements ont été adoptés en 2002 sur la base des articles 88, 89, 90
Traité UEMOA. Ce sont les Règlement 02/2002 du 23 mai 2002 qui pour objet les pratiques
anticoncurrentielles, et 03/2002 du 23 mai 2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et
abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA.
59
Cass. Req. 9 avril 1900 : DP 1900, I, 240.

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La théorie de la concurrence déloyale est, à l’origine, une construction
jurisprudentielle. Les juges français, en l’absence de texte général, ont fondé cette
action sur les articles 1382 et 1383 du Code civil60, l’agissement déloyal étant
constitutif d’une faute civile.

Aujourd’hui, cette jurisprudence est amplement reprise, par l’Accord de Bangui du 2


mars 1977 révisé en 199961, instituant une Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle (OAPI). L’annexe VIII ce cet accord intitulé « De la protection contre la
concurrence déloyale » constitue désormais le siège principal de la matière en droit
ivoirien62. A ce texte, il faut ajouter l’Ordonnance du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence dont les articles 23 et 24 sont consacrés aux pratiques de concurrence
déloyale.

La concurrence déloyale doit être distinguée de notions voisine telles que la


concurrence interdite, la contrefaçon, et pratiques anticoncurrentielles.

- Ce qu’il est convenu d’appeler la concurrence interdite vise des situations où c’est
l’exercice même d’une activité qui est interdit à l’entreprise en vertu d’une disposition
légale (ex. activités qui sont le monopole de l’Etat) ou contractuelle (clause de non-
concurrence ou clause de non rétablissement). Pour employer les termes du doyen
Roubier, alors que l’auteur de la concurrence interdite « agit sans droit », celui de la
concurrence déloyale fait « un usage excessif de sa liberté ».

- La concurrence déloyale se distingue également de la contrefaçon qui est une


atteinte au monopole que l’entreprise tient d’un droit de propriété industrielle 63 (ex.
brevet d’invention, marque de fabrique).

- Enfin la concurrence déloyale doit être distinguée des pratiques anticoncurrentielles


(abus de position dominante, ententes anticoncurrentielles) dont l’objectif n’est pas
de réparer un préjudice, mais de garantir la liberté de la concurrence.

L’étude de la concurrence déloyale impose, dans un premier temps, d’aborder la


notion de concurrence déloyale (S. I) et dans un second temps, sa répression (S. II).

Section I : La notion de concurrence déloyale

A l’origine, faute de textes, c’est la jurisprudence qui a progressivement déterminé


les agissements constitutifs de concurrence déloyale. L’accord de Bangui reprend,
en grande partie, les acquis de cette jurisprudence qu’il complète par une formule de
généralisation. On verra donc dans un premier temps, l’énumération des
agissements constitutifs de concurrence déloyale (§1) avant d’aborder la formule de
généralisation (§2).

60
Cass. civ. 18 avril 1958 : D. 1959, 87, note Derrida ; Cass. com., 18 juillet 1971 : DS, 1971, 691.
61
Accord de Bangui du 2 mars 1977, révisé le 24 février 1999, ratifié par la Côte d’Ivoire par ordonnance
n° 2000–388 du 24 mai 2000.
62
« L’Accord et ses Annexes sont applicables dans leur totalité à chaque Etat qui le ratifie ou qui y
adhère» (article 4 du l’accord révisé), ce qui est le cas de la Côte d’ivoire.
63
Durande S., Les rapports entre contrefaçon et concurrence déloyale : D. 1984, p. 187.

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§1 : L’énumération des actes de la concurrence déloyale

Les agissements constitutifs de concurrence déloyale sont énumérés aux articles 2 à


6 de l’annexe VIII précité. Mais cette énumération n’est pas exhaustive ainsi qu’en
témoigne la formule de généralisation employée à l’article 1 er 1) a) de l’Annexe
précité.

A. La confusion ou imitation

Elle est définie à l’article 2 de l’annexe VIII, comme « tout acte ou pratique qui, dans
l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, crée ou est de nature à créer une
confusion avec l’entreprise d’autrui ou ses activités, en particulier avec les produits
ou services offerts par cette entreprise ». Telle qu’elle est définie par ce texte, la
confusion, suppose réunies les deux conditions suivantes :

1- un risque de confusion. L’acte doit créer ou être de nature à créer une


confusion avec l’entreprise d’autrui ou ses activités. L’élément intentionnel de
l’auteur, à savoir la volonté d’imiter ou se crée un risque de confusion n’est pas
nécessaire64.

Le risque de confusion peut exister soit avec l’entreprise concurrente, soit avec ses
activités, soit avec ses produits (imitation des produits d’autrui ou de leur emballage)
ou ses services (imitation des services d’autrui).

Selon l’Annexe VIII, l’imitation peut porter notamment sur :


- une marque, enregistrée ou non,
- un nom commercial,
- un signe distinctif d’entreprise autre qu’une marque ou un nom commercial,
- l’aspect extérieur d’un produit (l’emballage, la forme, la couleur ou d’autres
caractéristiques non fonctionnelles du produit),
- la présentation de produits ou de services (publicité),
- une personne célèbre ou un personnage de fiction connu.

Il ne s’agit là que d’exemples indicatifs qui n’ont aucun caractère exhaustif. Ce qui
compte c’est qu’elle soit de nature à créer la confusion dans l’esprit de la clientèle
sur les deux entreprises, leurs produits ou leurs services. Il appartient aux tribunaux
d’apprécier le risque de confusion en fonction notamment de l’originalité du signe
employé, et du risque de concurrence résultant des conditions de cet emploi.

2)- l’acte ou la pratique en cause doit être en rapport avec l’exercice d’activités
industrielles ou commerciales. Cette précision vise à écarter les actes ou pratiques
sans rapport avec la vie professionnelle. Cependant, doit-elle être prise au sens
étroit (limitation aux activités de nature commerciale) ou faut il inclure les activités
professionnelles non commerciales ? Une réponse négative s’impose puisque
l’article 8 de l’annexe VIII inclut expressément les activités libérales.

B. Le dénigrement.

64
Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, t. I, 17e éd. n°702, p. 526 et s.

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Le dénigrement est définit comme « toute allégation fausse ou abusive dans
l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, qui discrédite ou est de nature à
discréditer l’entreprise d’autrui ou ses activités, en particulier des produits ou
services offerts par cette entreprise »65. Le dénigrement ainsi définit suppose :

- une allégation fausse ou abusive (à ne pas confondre avec la critique objective).


L’allégation fausse est celle qui est inexacte.

Qu’en est-il de l’allégation abusive ? Ex. dans un arrêt du 27 janvier 2016, la Cour
d’appel de Paris a validé une décision de première instance condamnant une société
qui informait ses partenaires commerciaux que son concurrent avait été condamné
pour concurrence déloyale. Pour la Cour d’appel, « caractérise un acte de
dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de jeter le discrédit sur une
entreprise concurrente en répandant des informations malveillantes sur les produits
ou la personne d’un concurrent pour en tirer un profit ». Le seul fait de relayer des
informations malveillantes sur un concurrent dans le but de lui nuire permet de
caractériser la concurrence déloyale par dénigrement, peu importe que l’information
soit inexacte ou réelle, de notoriété publique ou non.

- L’allégation doit être en rapport avec l’exercice d’activités industrielles ou


commerciales. (voir observation ci-dessus).

- L’allégation doit discréditer ou être de nature à discréditer l’entreprise d’autrui. Cela


suppose que l’entreprise visée soit identifiée ou identifiable et que l’allégation ait un
caractère péjoratif.

- L’allégation peut viser entreprise elle-même, ses produits, ses services. A ce titre,
l’article 5 précité ajoute que le dénigrement peut porter sur les éléments suivants :
a) procédé de fabrication d’un produit ;
b) aptitude d’un produit ou d’un service à un emploi particulier ;
c) qualité, quantité ou autre caractéristique d’un produit ou d’un service ;
d) conditions auxquelles un produit ou un service est offert ou fourni ;
e) prix d’un produit ou d’un service ou son mode de calcul.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

- Le dénigrement suppose traditionnellement la diffusion publique de l’allégation 66.


L’article 5 précité indique, à cet égard, que le dénigrement peut résulter de la
publicité ou de la promotion.

C. L’atteinte à l’image ou à la réputation d’autrui

L’atteinte à l’image et à la réputation d’autrui est très proche du dénigrement. Elle est
définie comme « tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou
commerciales, porte atteinte ou est de nature à porter atteinte à l’image ou à la
réputation de l’entreprise d’autrui, que cet acte ou cette pratique crée ou non une
confusion ».

65
L’article 5 de l’annexe VIII
66
Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, t. I, 17e éd. n°700, p. 522 et s.

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La différence avec le dénigrement est qu’il n’est pas nécessaire que l’agissement
discrédite ou soit de nature à discréditer l’entreprise concurrente. Il suffit qu’il porte
atteinte ou soit de nature à porter atteinte à l’image ou à la réputation d’une autre
l’entreprise.

L’atteinte à l’image ou à la réputation d’autrui peut résulter, notamment de


l’affaiblissement de l’image ou de la réputation attachée à :
a) une marque, enregistrée ou non ;
b) un nom commercial ;
c) un signe distinctif d’entreprise autre qu’une marque ou un nom commercial ;
d) l’aspect extérieur d’un produit ;
e) la présentation de produits ou de services ;
f) une personne célèbre ou un personnage de fiction connu.

D. Concurrence déloyale portant sur l’information confidentielle

Sont visés ici, les agissements entraînant « la divulgation, l’acquisition ou l’utilisation


par des tiers, d’une information confidentielle, sans le consentement de la personne
légalement habilitée à disposer de cette information (détenteur légitime) et d’une
manière contraire aux usages commerciaux honnêtes ». Ce texte laisse apparaître
trois conditions pour qu’il y ait concurrence déloyale :

1- il faut qu’il y ait information confidentielle ;


Que faut-il entendre par information confidentielle ? La réponse nous est fournie par
l’article 6 - 3) de l’annexe VIII, aux termes duquel l’information est considérée comme
confidentielle lorsqu’elle réunit les trois conditions suivantes :
- elle n’est pas, dans sa globalité ou dans la configuration et l’assemblage exact de
ses éléments, généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui
s’occupent normalement du type d’information en question ou ne leur est pas
aisément accessible ;
- elle a une valeur commerciale parce qu’elle est confidentielle ;
- elle a fait l’objet, de la part de son détenteur légitime, de dispositions raisonnables,
compte tenu des circonstances, pour la garder confidentielle ».

2- il faut que cette information confidentielle ait été divulguée, acquise ou utilisée par
des tiers sans le consentement de la personne habilité à disposer de cette
information ;

3- il faut que la divulgation, l’acquisition ou l’utilisation ait été faite d’une manière
contraire aux usages honnêtes.

L’Annexe VIII cite, de façon illustrative, des exemples d’actes pouvant être à l’origine
de la divulgation. Ce sont :
- l’espionnage industriel ou commercial ;
- la rupture de contrat ;
- l’abus de confiance ;
- l’incitation à commettre l’un des actes visés aux alinéas a) à c) ;
- l’acquisition d’une information confidentielle par un tiers qui savait que cette
acquisition impliquait un des actes visés aux alinéas i) à iv) ou dont l’ignorance à cet
égard résultait d’une négligence grave.

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Constitue également un acte de concurrence déloyale portant sur l’information
confidentielle « tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou
commerciales, constitue ou entraîne :
a) l’exploitation déloyale dans le commerce de données confidentielles résultant
d’essais ou d’autres données confidentielles, dont l’établissement nécessite un effort
considérable et qui ont été communiquées à une autorité compétente aux fins de
l’obtention de l’autorisation de commercialiser des produits pharmaceutiques ou des
produits chimiques pour l’agriculture comportant des entités chimique nouvelles ; ou
b) la divulgation de telles données, sauf si elle est nécessaire pour protéger le public
ou à moins que des mesures ne soient prises pour garantir que les données sont
protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce. »

E. La désorganisation

La désorganisation est définie à l’article 7 de l’annexe VIII. Ce texte indique que


«Constitue un acte de concurrence déloyale, tout acte ou pratique qui, dans
l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, est de nature à désorganiser
l’entreprise concurrente, son marché ou le marché de la profession concernée ». De
cette définition ressort clairement la distinction entre les deux types de
désorganisations : désorganisation d’une entreprise concurrente, désorganisation du
marché.

Le premier type de désorganisation vise une entreprise concurrente en particulier.


Elle se traduit par des agissements tels que la suppression de la publicité, le
détournement de commandes, la désorganisation du réseau de vente, le
débauchage systématique du personnel, l’incitation du personnel à la grève.

La désorganisation du marché vise une profession donnée, c’est-à-dire un ensemble


d’opérateurs fabricant ou commercialisant des produits identiques ou similaires. Elle
peut se manifester par des agissements tels que la vente à perte, ou à des prix
anormalement bas, les pratiques para-commerciales, ou de prix d’appel qui bien
souvent traduisent le non respect des règles relatives à l’exercice de l’activité
concernée. Il faut noter que certaines de ces pratiques peuvent être punissables sur
un fondement autre que la concurrence déloyale.

F. La tromperie à l’égard du public.

Cet agissement est visé à l’article 4 de l’annexe VIII. Selon ce texte, « Constitue un
acte de concurrence déloyale tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités
industrielles ou commerciales, induit ou est de nature à induire le public en erreur au
sujet d’une entreprise ou de ses activités, en particulier des produits ou services
offerts par cette entreprise ».

L’entreprise peut induire le public en erreur par divers moyens. Ceux visés à l’article
4 précités sont la publicité et la promotion, mais on peut se demander si les autres
procédés doivent être exclus.

La tromperie peut porter sur:


- le procédé de fabrication d’un produit ;

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- l’aptitude d’un produit ou d’un service à un emploi particulier ;
- la qualité, quantité ou autre caractéristique d’un produit ou d’un service ;
- l’origine géographique d’un produit ou d’un service ;
- les conditions auxquelles un produit ou un service est offert ou fourni ;
- le prix d’un produit ou d’un service ou son mode de calcul.

G. Le parasitisme

Le parasitisme n’est pas expressément cité à l’annexe VIII. Une partie de la doctrine
française l’assimile à la concurrence déloyale, tandis que d’autres auteurs l’en
distinguent nettement.

Il s’agit d’une pratique sanctionnée par la jurisprudence française dans des


conditions similaires à la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1382 du
C civ.

La doctrine définit le parasitisme comme « le fait, pour un tiers, de vivre dans le


sillage d’un autre, en profitant des efforts qu’il a réalisé et de la réputation de son
nom et de ses produits »67.

Ce qui fait l’originalité du parasitisme au regard de la concurrence déloyale


classique, c’est que le commerçant cherche à profiter indument de la notoriété d’un
autre alors même que celui exerce une activité différente et n’est donc pas
directement son concurrent.

§2. La formule de généralisation

Selon son article 1er 1) a) de l’annexe précité, « Outre les actes et pratiques visés
aux articles 2 à 6, constitue un acte de concurrence déloyale tout acte ou pratique
qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, est contraire aux
usages honnêtes ».

On peut observer d’emblée qu’il ne s’agit pas d’une définition à proprement parler,
puisqu’elle semble venir en complément de l’énumération des agissements déloyaux
cités aux articles 2 à 6 de l’Annexe. C’est une formule d’extension qui permet au
juge de réprimer des agissements ne figurant pas dans l’énumération.

Toutefois, elle fait ressortir les deux critères caractéristiques de l’acte de concurrence
déloyale. C’est un acte ou une pratique en lien avec l’exercice d’activités industrielles
ou commerciales (1) et qui est contraire aux usages honnêtes (2).

A. Un acte ou une pratique en lien avec l’exercice d’activités industrielles ou


commerciales

L’acte de concurrence déloyale n’est pas nécessairement un acte au sens juridique


du terme. La précision est d’importance, car l’appellation « acte de concurrence
déloyale », aurait pu légitimement laisser penser qu’il s’agit avant tout d’un acte
juridique. La formule « acte ou pratique » permet d’écarter cette interprétation, qui de
toute façon n’a jamais été retenue par la jurisprudence. Selon cette dernière, l’acte
67
Saint-Gall, Concurrence parasitaire ou agissement parasitaire : RIPIA, 1957, p. 19.

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de concurrence déloyale n’est pas nécessairement un acte juridique. Il peut
également consister en de simples pratiques n’impliquant pas l’accomplissement
d’actes juridiques.

Par la formule « dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales », l’annexe


VIII vise semble-t-il à écarter les actes étrangers à la vie professionnelle. Par
exemple, le dénigrement du voisin ou du collègue par jalousie ou son imitation par
envie, n’est pas un agissement constitutif de concurrence déloyale, puisqu’il n’est
pas accompli « dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales ».

Cependant, l’expression « activités industrielles ou commerciales » suscite des


interrogations. Doit-elle être prise au sens étroit et ne désigner que les activités de
nature commerciale (l’activité industrielle étant de nature commercial) ? Dans
l’affirmative, les agissements accomplis dans l’exercice d’une activité non-
commerciale (activité artisanale, agricole, libérale) seraient exclus. L’article 8 de
l’Annexe VIII donne la réponse en précisant que « activités industrielles ou
commerciales » s’entend également d’activités libérales.

B. Acte ou pratiques contraire aux usages honnêtes.

Le critère déterminant du caractère déloyal d’un agissement serait sa contrariété aux


usages honnêtes.

L’OAPI semble s’inspirer, en cela, de la Convention d'Union de Paris sur la


protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 selon laquelle, « constitue un
acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages
honnêtes en matière industrielle ou commerciale ».

Mais que faut-il entendre par « contraire aux usages honnêtes en matière industrielle
ou commerciale » ? En l’absence de solution jurisprudentielle certaine en droit positif,
on peut citer un arrêt de la Cour d'appel de Rouen qui semble décider qu’il s’agit
d’actes ne correspondent pas à « un exercice sain et honnête du commerce » (CA
Rouen, 20 janvier 1992, PIBD 1992, III, p. 323).

Section 2 : La répression de la concurrence déloyale

§1 : L’action en concurrence déloyale

L’action en concurrence déloyale est traditionnellement fondée sur l’article 1382 C.


civ. Même si l’accord de Bangui lui sert désormais de fondement légal, ce texte ne
rompt avec la logique initiale fondé sur la réparation du préjudice subit par la victime
des procédés déloyaux. L’article 1er 1) de l’annexe VIII le rappelle de façon
éloquente en ces termes « Toute personne physique ou morale lésée ou susceptible
d’être lésée par un acte de concurrence déloyale dispose de recours légaux devant
un tribunal d’un Etat membre et peut obtenir des injonctions, des dommages-intérêts
et toute autre réparation prévue par le droit civil »

Le demandeur à l’action en concurrence déloyale doit donc démontrer une faute, un


préjudice et un lien de causalité.

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La faute résulte de la constatation d’un agissement constitutif de la concurrence
déloyale. Il est à préciser que malgré l’équivoque qu’entretien à cet égard l’adjectif
« déloyal », la concurrence déloyale ne nécessite ni d’établir des manœuvre
dolosives, ni la mauvaise foi de ses auteurs, ni même leur intention de nuire.

S’agissant du préjudice, la jurisprudence se montre relativement souple. Un simple


rapport de concurrence entre les parties suffit à caractériser le préjudice. Il n’est pas
besoin que la clientèle de la victime ait été effectivement détournée. Mieux encore,
dans de nombreux cas (parasitisme, dénigrement, ) l’existence d’un rapport de
concurrence n’est même pas nécessaire. Ce qui ne signifie pas l’absence totale de
préjudice. Dans le cas du parasitisme par exemple, le préjudice réside dans la
banalisation, la dévalorisation d’un nom commercial, d’une marque ou d’un produit,
affaiblissant ainsi la situation économique de l’entreprise par la confusion qu’elle
crée.

Toutefois l’évaluation du préjudice n’est pas faciles établir dans des termes chiffrés.

Le lien de causalité est également difficile à caractériser. Si le chiffre d’affaire d’un


commerçant ou d’un ensemble de commerçants est en baisse, il est difficile de
rattacher cette baisse à l’action d’un concurrent qui a des agissements déloyaux
alors que d’autres facteurs peuvent être en cause (crise économique, évolution des
gouts de la clientèle, manque de compétitivité etc.…).

La jurisprudence fait preuve de souplesse en la matière.

§2 : Les sanctions de la concurrence déloyale

A. Sanction civiles

La première sanction est naturellement l’allocation de dommages et intérêts.

Les juges peuvent également prescrire des injonctions afin de mettre fin aux
agissements déloyaux. Ex. ordonner le retrait du marché de certains produits, d’une
publicité etc. Eventuellement, ces injonctions pourront être assorties d’astreintes afin
d’obliger le récalcitrant à exécuter rapidement la décision de justice.

La publication de la décision peut également être ordonnée par le juge. Le cas


échéant, cette publication est faite aux frais de l’auteur des agissements.

B. Sanction pénales

La concurrence déloyale est également sanctionnée pénalement. L’infraction est


prévue à l’article 321 du Code pénal. Ce texte punit le fait de « détourner la clientèle
d'autrui en matière civile, commerciale ou industrielle :
1°) en usant de titres, signes distinctifs, marques ou dénominations professionnelles
inexactes ou fallacieuses pour faire croire à des qualités ou capacités particulières ;
2°) en recourant à des mesures propres à faire naître une confusion avec les
marchandises, procédés ou produits, activités ou affaires d'autrui ;

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3°) en dénigrant les marchandises, les procédés, les activités ou les affaires d'autrui
ou en donnant sur les siens des indications inexactes ou fallacieuses afin d'en tirer
avantage au détriment de ses concurrents ».

La peine consiste en un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de


100.000 à 1.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement. Le
maximum de la peine est porté au double si le détournement de clientèle est réalisé :
1°) en accordant ou offrant à des employés, mandataires ou auxiliaires d'autrui des
avantages qui ne devaient pas leur revenir, afin de les amener à surprendre ou
révéler un secret de fabrication, d'organisation ou d'exploitation ;
2°) en divulguant ou en exploitant de tels secrets appris ou surpris dans les
conditions visées au paragraphe précédent.

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