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Session 2019
PROPOSITION DE CORRIGÉ
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QUESTION DE CORPUS
Comment la folie de Néron, Caligula et Bérenger 1er se manifeste-t-elle dans ces scènes ?
3) La confusion rêve-réalité
Ramener l’inaccessible à des dimensions humaines est un signe d’une confusion entre le rêve
et la réalité, que l’on retrouve chez Néron lorsqu’il se retire seul loin de Junie et l’imagine :
« Je croyais lui parler ». Pour Caligula les événements sont flous : « Je crois me souvenir, il
est vrai, qu’il y a quelques jours, une femme que j’aimais est morte. » Pour le Roi, la vie qui
s’échappe et la fiction se confondent : « Je ne fais que de la littérature.»
4) Le bouleversement desnormes
Néron s’étonne que Junie ne consente pas à l’aimer (« regarde les honneurs comme une
ignominie ») alors qu’il est capable de l’enlever pour l’obliger à y consentir. Et il renverse la
norme en se passant de sommeil : « Mes yeux sans se fermer ont attendu le jour. » Caligula
décide lui aussi de ne plus dormir : « Si je dors, qui me donnera la lune ? » Le Roi enfin
refuse l’abandon du corps et de la conscience dans le sommeil éternel de la mort : « Aide-moi
soleil, chasse l’ombre, empêche la nuit. »
COMMENTAIRE DE TEXTE
Commentaire de Le Roi se meurt, Eugène Ionesco, 1962.
I – Un roi
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A) Le personnage principal
Le roi est le personnage premier du royaume, c’est aussi ici le personnage principal : annoncé
par le titre, il n’apparaît pas seul mais entouré d’un médecin, de deux femmes, d’une
infirmière, et d’un garde. Le médecin s’adresse à lui (« Alors, Sire, qu’est-ce que vous
attendez ? »), mais les autres personnages en scène qui s’expriment parlent de lui à la 3ème
personne comme on parle d’un roi à qui on ne s’adresse pas directement.
II – Un mourant
A) La perte du corps
Le roi sent son corps lui échapper, les pieds d’abord (« Mes pieds commencent à refroidir »),
puis les yeux (« leur lumière défaillante », « que je voie »). Le champ lexical s’étend à la
« peau », au « corps » tout entier.
B) La perte de l’esprit
Mais il perd aussi peu à peu raison et esprit, et la folie le gagne dans cette même
transformation : il invoque le soleil, qu’il tutoie : « O soleil, aide-moi soleil », qu’il implore,
et supplie : « Dessèche et tue le monde entier ». Il va jusqu’à souhaiter la mort des autres,
pourvu que lui seul survive : « le monde entier », « que tous meurent pourvu que je vive
éternellement ». Ses ordres deviennent démesurés et irréalisables, il sent que son pouvoir lui
échappe aussi.
III – L’indicible
A) Une métamorphose
Le roi passe progressivement d’un état à un autre : d’abord par le corps car il s’agit d’une
métamorphose en cours dont on perçoit la dynamique inéluctable : « mes pieds commencent à
refroidir ». Puis c’est l’esprit qui le voit glisser progressivement de l’autre côté puisqu’après
avoir imploré sa cour («Qu’on ne les empêche pas de pleurer »), ce sont les morts qu’il
supplie et questionne : « Aidez-moi à franchir la porte que vous avez franchie », « Qui vous a
soutenus ? Qui vous a entraînés, vous a poussés ? »
A) Dès l’origine
Le théâtre grec antique d’où vient le théâtre occidental présente des personnages hors de la
norme admise, parce qu’ils sont issus de lignées liées aux dieux et que leur destin y est lié :
ainsi en est-il d’Œdipe de Sophocle dans la pièce Oedipus rex. Les personnages sont illustres
et présentent des actions qui doivent chez le spectateur déclencher, selon Aristote, terreur et
pitié par le phénomène de la catharsis : ils se doivent donc d’être hors de la norme.
B) La situation l’exige
Ensuite, la règle des trois unités,inspirée d’Aristote et remise au goût du jour par Nicolas
Boileau au XVIIIe siècle, oblige à concentrer l’action en un lieu et un seul jour, si bien que les
personnages sont amenés à vivre de manière extrême beaucoup de choses en peu de temps et
en un seul lieu : ainsi en est-il d’Hamlet de Shakespeare ou d’Antigone d’Anouilh, pièces où
les personnages existent de manière anormalement intense. Et la situation exceptionnelle
réclame un personnage qui le soit aussi : ainsi Phèdre de Racine qui est victime de la
malédiction de Vénus et se retrouve encombrée d’une passion gênante pour son beau-fils.
C) Un caractère dominant
Le personnage de théâtre ressent des émotions qui sont humaines, et ainsi restent attendues,
cohérentes, et connues : par exemple, dans la pièce Britannicusde Racine, Néron ressent de
l’amour pour une jeune fille, et en souffre d’autant plus qu’elle lui est indifférente, situation
doublement ordinaire. Dans la même pièce, Agrippine souffre de l’abandon d’une mère par
son fils ingrat et qu’elle sent lui échapper. Junie a peur de Néron qu’elle finit par réussir à fuir.
Ces émotions, chacun peut les comprendre et les ressentir.
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B) Quand c’est la situation qui le fait paraître exceptionnel
Si certaines situations incitent les personnages de théâtre à sortir des normes, ils sont banals
sans elles et restent donc dans le quotidien sans être extraordinaires : c’est le cas d’Edmond
Rostand, qu’Alexis Michalik présente dans sa pièce Edmond comme un auteur en recherche
de sujet, dont l’existence est bouleversée par la rencontre de l’inspiration (sous les traits de
Jeanne) et la création d’un personnage emblématique (Cyrano) ; dans la pièce d’Ibsen Un
ennemi du peuple, c’est aussi la situation qui fait sortir de la norme des personnages a priori
ordinaires en leur faisant réaliser des actions dont ils ne se seraient pas crus capables.
Enfin, le contexte peut être hors normes sans que le personnage de théâtre ne sorte de
l’ordinaire, c’est le cas dans une pièce comme Tristessesd’Anne-Cécile Vandalem où les
personnages vivent dans un contexte très particulier : ils sont sur une île dont les habitants
sont morts. Mais eux-mêmes accomplissent un quotidien aussi réaliste que peut l’être celui
d’un polar nordique.C’est aussi le cas quand le contexte est celui du conte, qui se base sur le
merveilleux, comme Cendrillon, définie par Charles Perrault, et reprise par Pommerat dans
une version théâtrale.
A) Selon le spectateur
Le spectateur, se sentant plus ou moins concerné, rendra le personnage plus ou moins hors
normes : par exemple, le Dom Juan de Molière peut être jugé extraordinaire, exceptionnel ou
redoutable par certains spectateurs, mais pour d’autres l’émotion sera moins extrême et ils ne
le trouveront pas si atypique.L’auteur peut contribuer à cette désacralisation : la version
d’Horvath, qui place Dom Juan après la 1ère guerre mondiale, incite le spectateur à davantage
de proximité avec le personnage mythique, qui apparaît affaibli, plus humain.
Le personnage de théâtre peut aussi être transformé par le metteur en scène : Arlequin, dans la
mise en scène du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux par Philippe Calvario, est incarné
par un Guillaume Sentou virevoltant, souple et léger, conception qui a fluctué au fil des
siècles et des metteurs en scène qui décident ou non de le rendre plus ou moins hors de la
norme posée par le Prince ; chez Calvario où le Prince est dément, la norme change.
La norme, l’habituel, peut être objet de jeu : dans le Théâtre de l’absurde, le quotidien et
l’attendu deviennent le cadre d’une norme explorée jusqu’à l’insensé, par exemple avec
Knock de Jules Romains ou La cantatrice chauve de Ionesco où elle est parodiée, ou encore
En attendant Godot de Beckett où elle est utilisée pour mieux être décalée.
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ECRITURE D’INVENTION
Un metteur en scène du Roi se meurt dialogue avec l’acteur auquel il a confié le rôle
pincipal.
- Il s’agit d’une scène de théâtre : il faut donc respecter la disposition sur la page avec la mise
en évidence des noms des personnages et les prises de parole au présent, sans oublier la
ponctuation expressive du théâtre ;
- C’est une scène ambivalente, car elle se joue entre fiction et réalité : ce ne sont pas vraiment
des gens qui discutent, mais des personnages qui jouent des gens qui discutent. On se trouve
donc dans une expérience théâtrale à la lisière entre réel et jeu sur le réel, qui peut évoquer le
dialogue de Louis Jouvet en metteur en scène de Dom Juan de Molière, et Claudia jouant le
personnage d’Elvire dans la pièce Elvire Jouvet 40 qui reprend les cours sous forme de pièce
de théâtre (un film de Benoît Jacquot, une pièce de Brigitte Jaques Wajeman en ont été tirés) ;
- Les personnages ne sont pas forcément d’accord, mais le metteur en scène a de l’ascendant
sur le comédien : il tente de faire passer sa vision des choses, ce que le comédien réussit plus
ou moins bien, ce qui peut être l’occasion de critiques, de conseils ;
- Il faut citer le texte donné dans le corpus : c’est le matériau sur lequel les deux personnages
travaillent : le metteur en scène peut demander au comédien de redire une phrase, ou
d’expliciter le ton et l’attitude à adopter pour prononcer certains mots ;
- Il est pertinent que vos personnages citent aussi d’autres mises en scène étudiées, afin de
proposer des idées pour s’inscrire dans une continuité ou une rupture à partir de ce qui a déjà
été fait : utilisez ici votre culture personnelle, et vos cours sur le sujet ;
- Avant tout, n’oubliez pas que pour le sujet d’invention il est nécessaire de faire preuve
d’inventivité, mais surtout de culture et de style : les personnages doivent être bien
différenciés, montrer par leurs allusions et leurs références que le théâtre est leur passion et
leur profession, qu’ils en vivent et qu’ils sont en train de travailler par le partage de leurs
réflexions respectives.
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