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Je me suis souvent demandé quelle était la réelle place de l’humain, non pas dans la
société mais au sein de l’existence même. Pour quelle raison sommes-nous dotés
d’une conscience et d’une capacité d’évolution différente que le reste du règne
animal, alors que celles-ci ne servent qu’à nous ? Avons-nous un autre but que celui
de perpétuer l’existence de notre espèce ?
Personnellement, j’en suis arrivé à la conclusion que nous n’avons pas plus, si pas
moins, de sens ou d’importance que toute autre espèce considérée comme moins
évoluée. Nous sommes là pour nous reproduire, pour continuer d’exister. Nous
sommes là pour être là. Comme le reste des organismes vivants. Et cette existence
n’a aucune raison d’être. Elle est, tout simplement. Et si jamais elle a une raison, elle
nous dépasse, elle ne nous est pas accessible.
Et ce sont ces mêmes facultés intellectuelles qui ont permis notre survie. Elles ont
également, à mon sens, créé un concept encore plus absurde que l’existence en soi.
Elles ont fait place aux dogmes, aux conventions, aux classes sociales, aux
pressions sociales, au jugement, à la discrimination, etc.... Rien de tout cela n’existe
en dehors de notre sphère sociale humaine, et de nos esprits, et c’est pour ça qu’au
sens large, rien de tout cela n’existe du tout. Tout ce que nous connaissons de notre
nature, nos réflexions, nos désirs a été en quelque sorte conditionné.
Notre seule valeur, c’est notre conscience. Mais sommes-nous conscients, lorsqu’on
souhaite accorder un sens à la vie ? Alors que notre force, en tant qu’humain, est
d’avoir le pouvoir de percevoir, et d’accepter.
Mon opinion rejoint celle de Sartre et de Beauvoir quand ils disent que la nature
humaine n’existe pas, et que l’homme est ce qu’il fait de lui.
Seulement Sartre dit : “que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le
monde, et qu’il se définit après.”
Et c’est la signification de “L’existence précède l’essence.”
Mais cela n’est valable, pour moi, que dans notre société et au sein de l’humanité.
Que plus largement, ce par quoi on se définit n’est rien de plus que notre existence
même. Et sans doute notre contribution à l’équilibre de l’écosystème terrien, mais je
ne pense pas que ce soit encore d’actualité.
Il ajoute : “L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable,
c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait.”
Encore une fois, je pense que quoi que l’homme puisse faire de lui au sein de
l’humanité ;
s’il n’est d’abord rien, au sein de l’existence, il restera ensuite : rien.
Ce qui voudrait dire que, si on envisageait l’existentialisme d’un point de vue
beaucoup plus reculé que le point de vue sociétal, ou plutôt de mon point de vue, il
n’y a tout simplement pas d’essence. Hormis celle que l’on accorde à nos propres
inventions.
Cependant ce qui m’intéresse dans l’existentialisme, c’est que c’est une philosophie
qui se détache des déterminismes sociaux, que je considère comme dénués de
sens. Il était donc important pour moi mettre en avant le point de vue qu’expose
Simone de Beauvoir dans son œuvre “le deuxième sexe” car il constitue le
prolongement de cette pensée plus large qu’est l’existentialisme, qu’il met en avant
l’absurde de certaines conventions humaines et fait une distinction entre le réel et le
conditionnement de notre “nature”.
Voici donc les principes de l’existentialisme donné par Jean-Paul Sartre sur lesquels
Simone de Beauvoir va s’appuyer pour développer sa pensée :
Il n’y a pas de dieu créateur, donc l’homme n’a pas de fonction prédéfinie par son
créateur. Il n’a pas de raison d’exister. Il n’a pas d’essence et devient donc lui-même
l’auteur de son essence.
L’homme est donc totalement libre car il n’est soumis à aucune lois ni valeurs. C’est
ce pour quoi il est également délaissé, car il ne trouve rien en lui, ni hors de lui, qui
serait porteur de sens.
“Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre,
parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait.”
Par “responsable”, Sartre entend que l’humain est le seul maître de ses choix et de
ses actes. Qu’il n’a pas “d’excuses” extérieures, si ce n’est sa propre volonté.
D’ailleurs, l’existentialiste ne croit pas qu’un sentiment tel que la passion puisse
mener à la perte de son libre arbitre, et que des actes incontrôlés puissent en
résulter.
Par conséquent, il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la
concevoir et que tout est question de choix.
Quand l’existentialiste dit que la vie n’a pas de sens, cela signifie en réalité que le
sens de la vie n’est pas à rechercher dans un “arrière-monde”. C’est nous qui
possédons le sens de notre vie. Nous ne sommes pas condamnés à être ce que
notre environnement a fait de nous.
Simone de Beauvoir développe :
Si c’est l’humain lui-même qui définit sa propre essence, c’est qu’il n’existe pas plus
d’essence humaine, que d’essence féminine, ou masculine. La féminité comme la
masculinité, ça n’existe pas.
Le concept de féminité va totalement à l’encontre de l’existentialisme qui pense que
nous seuls déterminons notre essence.
Beauvoir rejette l’idée qu’il existe une essence féminine et une essence masculine
éternelles dont la femme et l’homme serait les représentants incarnés, et proclame
qu’il ne s’agit que de constructions culturelles ne renvoyant à aucune réalité
consistante puisque la seule nature de l’homme est la liberté, et le rejet de toute
détermination.
Il s’agit d’une vision féministe anti-essentialiste. L’essentialisme étant une
philosophie pour laquelle les essences précèdent toute existence et par conséquent,
attribue aux choses des propriétés naturelles et immuables.
Le féminisme existentialiste refuse de considérer que les rôles sociaux attribués aux
femmes et aux hommes découleraient d’une essence primitive éternelle. C’est la
critique de la naturalisation des rôles sociaux.
Dénoncer la naturalisation des rôles sociaux, c’est dénoncer le fait que parce qu’il
existe des différences biologiques entre les deux sexes, ces différences biologiques
devraient se traduire dans des différences de fonctions. Or, pour Simone de
Beauvoir, ce lien entre attributs naturels et fonctions sociales n’a pas lieu d’être. Car
ça reviendrait à dire que les êtres humains possèdent bel et bien une essence,
autrement dit, qu’ils ne seraient pas libres de choisir leur essence. Contrairement
aux animaux, les humains ont la capacité de dévier de leur trajectoire naturelle, de
construire leur identité à l’encontre de ce que la nature a prévu pour eux. Et c’est la
civilisation. C’est le projet historique de l’humanité que de s’émanciper des
contraintes de la nature et encore une fois, de définir sa propre essence. Et ce projet
devrait, d’après Simone de Beauvoir, tendre vers une désanimalisation de notre
condition, parce que notre animalité est toujours vectrice d’une infériorisation du rôle
des femmes. Car d’un point de vue biologique, le rôle de l’homme est productif, et
celui de la femme est reproductif. C’est cette différence originelle qui serait la source
de l’infériorisation du statut des femmes. La nature animale de l’homme le pousse à
être indépendant, tant dis que celle de la femme la pousse à être dépendante. Elle
est dépendante de lui du point de vue de la survie, et se trouve forcée d’avoir un rôle
passif, quand l’homme a un rôle actif, parce qu’elle est destinée à procréer.
“Le malheur de la femme, c’est d’avoir été biologiquement vouée à répéter la vie.”
Seulement la civilisation n’est pas le prolongement de la biologie, mais son
dépassement. Et suite à son progrès, les attributs féminins et masculins aujourd’hui,
n’ont plus de signification du point de vue de la survie de l’espèce.
Sources:
Le Deuxieme Sexe
Simone de Beauvoir
Le mythe de Sysiphe
Albert Camus
De « On ne naît pas femme » à « On n’est pas femme ». De Simone de Beauvoir à Monique Wittig
Natacha Chetcuti