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Mécanismes et notions
élémentaires de la physiopathologie
des épilepsies
Introduction structurels avant que la première crise d’épilepsie
spontanée ne se produise.
Une crise d’épilepsie résulte d’une synchronisa- Néanmoins, certaines études suggèrent que
tion transitoire anormale des neurones perturbant l’épileptogenèse pourrait également se rencontrer
les réseaux de communication habituels de ces dans certaines épilepsies génétiques, du fait d’une
neurones [1]. Différents réseaux peuvent être programmation développementale aberrante des
impliqués dans la genèse, la propagation ou la circuits neuronaux pendant la maturation [5].
terminaison des crises, touchant tout à la fois des
●● Pour comprendre
structures corticales mais aussi sous-corticales. Dans les épilepsies acquises, les termes épilepto-
genèse et période latente sont parfois utilisés de
façon interchangeable pour désigner la période de
Définitions remaniement des réseaux neuronaux consécutifs
à la lésion acquise conduisant à l’apparition d’une
L’ictogenèse désigne le processus de transition d’un crise d’épilepsie spontanée. Néanmoins, certains
état intercritique à une crise [2], traditionnelle auteurs défendent le concept d’épileptogenèse
immédiate consécutive à une lésion cérébrale
ment médié par un déséquilibre de la balance
et ne requérant pas de période latente pour le
inhibition (GABA)/excitation (glutamate). développement de crises d’épilepsie [6].
●● Pour comprendre
Le principal neurotransmetteur excitateur est le
glutamate qui joue sur trois grands types de Modèles animaux
récepteurs : ionotropes (AMPA/kaïnite et NMDA) et
métabotropes (liés à une protéine G : GlumR1-8). Les modèles animaux jouent un rôle essentiel
Le principal neurotransmetteur inhibiteur est le dans l’étude de l’épileptogenèse, la découverte et
GABA qui joue sur un récepteur ionotrope (GABAA)
le développement des nouvelles molécules anti-
et sur un récepteur métabotrope (GABAB).
épileptiques [7]. Ces modèles constituent des
Le terme épileptogenèse désigne générale- préparations simplifiées mais complètes permet-
ment le développement d’une épilepsie acquise tant d’étudier les effets d’un traitement dans des
en rapport avec une lésion cérébrale identifiable conditions contrôlées de laboratoire. Se pose,
[3,4]. L’épileptogenèse se réfère à un processus bien entendu, le problème de la transposition à
dynamique qui modifie progressivement l’exci- l’homme des données recueillies sur des modèles
tabilité neuronale, établit des interconnexions animaux « simplifiés » et donc de la validité de
critiques et, potentiellement, des changements ces modèles.
Deux grands types de modèles animaux exis- • le modèle de l’électrochoc (MES) : crises tonico
tent : cloniques induites par l’application d’une
• les modèles induits qui reproduisent artificielle- stimulation électrique de 60 à 80 mA sur les
ment un type d’épilepsie chez un animal au cornées ou les oreilles des animaux ;
départ sain ; • le modèle du pentylenetetrazol (PTZ) : crises
• les modèles spontanés basés sur la sélection de généralisées de type tonicocloniques, absences
races génétiquement épileptiques ou le développe ou myoclonies induites par l’injection d’un
ment de lignées épileptiques. antagoniste GABAergique ;
Tous les modèles, induits ou spontanés • le modèle de l’embrasement chez le rat : crises
peuvent être des modèles de crises d’épilepsie focales déclenchées par des stimulations élec-
(tableau 2.1) ou des modèles d’épilepsie chro- triques liminaires quotidiennes dans les struc-
nique (tableau 2.2). tures limbiques sur une période de deux à
En pratique, les modèles animaux les plus quatre semaines conduisant à l’apparition ulté-
fréquemment utilisés sont : rieure de crises spontanées.
●● Pour comprendre que ces croyances sont fausses et qu’il peut exis-
• L’apoptose (ou mort cellulaire programmée) est ter, aussi bien chez l’animal que chez l’homme,
le processus par lequel des cellules déclenchent une neurogenèse à l’âge adulte, dans certaines
leur autodestruction en réponse à un signal. régions spécifiques (zone sous-ventriculaire et
• La gliose est une prolifération du tissu de gyrus denté de l’hippocampe).
soutien du système nerveux central s’observant en
réaction à des lésions du système nerveux central.
• La barrière hémato-encéphalique (BHE) est la Gliose
zone d’échange entre les substances contenues
dans le sang et les cellules du système nerveux La gliose astrocytaire est observée dans les stades
central. Elle est constituée par l’endothélium tardifs de l’épileptogenèse. Là encore, son rôle
continu des capillaires sanguins et les prolonge- reste débattu : joue-t-elle un rôle délétère via la
ments astrocytaires jointifs autour de la mem- libération de substances excitatrices (glutamate)
brane du capillaire. La perméabilité est facilitée ou protecteur via le relargage de substances inhi-
par la liposolubilité et la petite taille des subs-
bitrices (adénosine) [14] ? Des données récentes
tances, à laquelle s’ajoutent des transports actifs.
plaideraient plutôt pour un rôle délétère avec un
rôle des astrocytes dans la propagation voire la
Prolifération cellulaire anormale genèse de l’activité épileptique [15].
La mort neuronale est considérée comme un facteur
causal possible de l’épileptogenèse. Ce fait a long- Plasticité neuronale
temps été débattu et il apparaît désormais que des
crises brèves et isolées ne peuvent tuer les neurones La plasticité cérébrale est la capacité qu’a le cerveau
contrairement aux crises répétées et prolongées à s’adapter aux sollicitations ou modifications de
(état de mal) [9]. Dans ce cas, l’input synaptique lié l’environnement. Cette plasticité cérébrale repose
à la mort des neurones pourrait induire un signal essentiellement sur les neurones (prolifération
critique pour le bourgeonnement dendritique et la neuronale anormale, sprouting) et sur la commu-
réorganisation synaptique des circuits neuronaux, nication entre les neurones (synapses).
point de départ de l’épileptogenèse. Des travaux
récents suggèrent que des crises répétées pourraient ●● Pour comprendre
induire une nécrose neuronale et une apoptose La plasticité axonale, c’est-à-dire la capacité des
axones à générer de nouvelles collatérales récur-
médiée par l’activation spécifique de certains fac-
rentes (phénomène de la prolifération axonale
teurs anti/pro-apoptotiques Bcl-2 [10]. ou « sprouting ») est connue de longue date
Le rôle de la neurogenèse reste lui aussi dans l’épilepsie du lobe temporal avec sclérose
débattu : si des crises aiguës induisent une pro- hippocampique. Ce sprouting axonal peut être
lifération de nouvelles cellules neuronales au sein induit précocement par des lésions cérébrales ou
de l’hippocampe, cela ne semble plus le cas plus être la conséquence des crises et semble jouer un
tardivement, avec même une tendance à une rôle actif d’entretien de l’épileptogenèse.
réduction de la neurogenèse hippocampique en De très nombreuses modifications synaptiques
phase chronique d’épileptogenèse [11]. Des don- structurelles et fonctionnelles ont été décrites dans
nées contradictoires ont été rapportées sur le rôle les suites de lésions cérébrales aiguës allant dans le
pro ou anti-épileptogenèse de la néoneurogenèse sens d’un déséquilibre des systèmes inhibiteurs
[12,13] ne permettant pas, à ce jour, de trancher et excitateurs en faveur des systèmes excitateurs :
vers l’une ou l’autre des hypothèses. • altération ou modification du nombre des
récepteurs GABA (modification de l’expression
●● Pour comprendre
On a longtemps cru que le pool de neurones de leurs différentes sous-unités) ou glutamater-
était déterminé à la naissance et ne faisait que giques AMPA et NMDA [16, 17] ;
diminuer avec le temps, diminution compensée • internalisation des récepteurs GABA (d’où
par une synaptogenèse accrue. On sait désormais perte d’efficacité) [18] ;
Chapitre 2. Mécanismes et notions élémentaires de la physiopathologie des épilepsies 11
• modification des protéines d’adhésion (dont avoir des conséquences cognitives délétères et pou-
les intégrines ++) potentialisant la transmission vant promouvoir l’épileptogenèse (fig. 2.1) [20].
glutamatergique, induisant des modifications
axonales et une réorganisation de la matrice
extracellulaire [19]. Inflammation
La neuroinflammation peut être définie comme
Plasticité dendritique la biosynthèse et le relargage de molécules ayant
des propriétés anti-inflammatoires par les cellules
Les épines dendritiques reçoivent majoritairement cérébrales incluant la microglie et les astrocytes
les inputs excitateurs des neurones corticaux et activés, les neurones, les cellules endothéliales, les
jouent donc un rôle clé dans la plasticité synaptique cellules de la barrière hémato-encéphalique (BHE)
et dans l’apprentissage (rôle clé dans la mémoire et et les macrophages [21]. Différents facteurs de
la potentiation à long terme). Il a été démontré que l’inflammation sont libérés par ces cellules lors
les crises d’épilepsie pouvaient altérer directement des crises d’épilepsie dont : l’interleukine-1, le
les propriétés structurelles (perte des épines dendri- TNF-alpha (tumour necrosis factor), la cyclooxy
tiques) et fonctionnelles de ces épines dendritiques genase-2, les facteurs du complément, le COX2,
concourant à un état d’hyperexcitabilité pouvant les chimiokines (ou chémokines). Ces molécules
favorisent l’activation des voies inflammatoires initiale puis la répétition des crises vont induire
dans les neurones, les cellules gliales et la barrière l’altération de l’expression de très nombreux gènes
hémato-encéphalique mais elles peuvent égale- codant pour la mort ou la survie cellulaire, l’inflam-
ment affecter directement l’excitabilité neuronale mation, la réponse immune, la plasticité neuronale
par des effets post-transcriptionnels rapides sur les ou encore les phénomènes d’adhésion, etc. On
récepteurs et les canaux ioniques (fig. 2.2). ignore encore si ces modifications d’expression
Il semblerait que ces facteurs de l’inflammation sont la cause ou la conséquence des crises.
puissent concourir à générer des crises, ainsi qu’à Grâce à la technique du transcriptome, l’altéra-
participer au développement de l’épileptogenèse tion de nombreux facteurs et voies de signalisation
et de la pharmacorésistance dans les modèles ani- a pu être démontrée dont voici quelques exemples :
maux [22, 23]. À ce titre, ils pourraient constituer • les neurotrophines, et en particulier le BDNF.
des cibles thérapeutiques alternatives et innovantes Le BDNF appartient à la famille des neurotro-
si leur effet délétère est confirmé chez l’homme. phines (NGF, BDNF, NT-3, NT-4/5) qui sont
impliquées dans le développement et la matu-
Mécanismes moléculaires ration du système nerveux central, régulant
la survie, la différentiation et la maintenance
Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent des neurones [24]. De nombreux résultats
les phénomènes d’épileptogenèse demeurent mal suggèrent que le BDNF est impliqué dans
connus mais il est clair que la lésion cérébrale l’épileptogenèse : surexpression dans la plupart
Figure 2.2. Facteurs de l’inflammation libérés dans le cerveau épileptique (d’après [21]).
Dessin : Cyrille Martinet
Chapitre 2. Mécanismes et notions élémentaires de la physiopathologie des épilepsies 13
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