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UNIVERSITÉ DE GRENOBLE

Sciences Po Grenoble

Philomène FORMERY

« L’impact des nouvelles technologies sur


les pratiques de recrutement des
entreprises et la relation recruteur-
candidat »

2014-2015

Management des organisations

Sous la direction de Mme Anne Bartel-Radic



UNIVERSITÉ DE GRENOBLE

Sciences Po Grenoble

Philomène FORMERY

« L’impact des nouvelles technologies sur


les pratiques de recrutement des
entreprises et la relation recruteur-
candidat »

2014-2015

Management des organisations

Sous la direction de Mme Anne Bartel-Radic


Introduction 5
Partie I

La place des outils numériques dans le recrutement 19
1. Les outils de sourcing évoluent vers le numérique 19
I. 1. 1. Recruteurs et candidats : une utilisation différenciée 19
I. 1. 2. Le « réflexe numérique » : s’adapter au public ciblé 22
I. 1. 3. La centralisation des données liées au recrutement 24
I. 1. 4. Le numérique crée de nouvelles opportunités 26
2. Les réseaux sociaux : des usages multiples 28
I. 2. 1. Un outil de veille 29
I. 2. 2. Un outil de recrutement social 31
Partie 2 

Les nouvelles dynamiques liées à l’e-réputation 34
1. Un enjeu à maîtriser pour le recruteur et son entreprise 34
II. 1. 1. L’e-réputation de l’entreprise comme critère de choix 36
II. 1. 2. Le recruteur soumis à la même évaluation que l’entreprise 39
II. 1. 3. La maîtrise des enjeux numériques : une nouvelle compétence indispensable 39
2. L’enjeu pour le candidat 41
II. 2. 1. Les candidats sont soumis à la même enquête que les recruteurs 41
II. 2. 2. Les candidats font l’objet d’une sensibilisation à ces problématiques 42
II. 2. 3. Le personal branding : une large palette d’outils pour se promouvoir 43
Partie 3 

La relation recruteur-candidat à l’épreuve des nouvelles technologies 46
1. Maîtrise de l’information et dynamiques de transparence 46
III. 1. 1. La perte de la maîtrise de l’information 47
III. 1. 2. Les effets de la transparence sur la relation 48
III. 1. 3. À la frontière du personnel et du professionnel, du formel et de l’informel49
2. Les changements dans la dynamique relationnelle 50
III. 2. 1. L’évolution de la perception de la relation 51
III. 2. 2. Un nouveau rapport de force 54
III. 2. 3. Le facteur proximité 55
III. 2. 4. La redéfinition des profils 56
Conclusion 59
Références 66
Annexes 70
Résumé 141
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Introduction
L’impact de la révolution technologique sur la gestion des ressources
humaines

La gestion des ressources humaines en ligne (ou e-GRH, à ne pas confondre


avec les SIRH, systèmes d’information de gestion des ressources humaines) regroupe
différentes techniques touchant à des aspects divers de la gestion des ressources
humaines (en particulier le recrutement, la formation, la communication interne et le
management du self-service). Bondarouk et Ruël (2009) définissent l’e-GRH comme
un terme regroupant tous les mécanismes et interactions entre la gestion des
ressources humaines (GRH) et les technologies de l’information visant à créer de la
valeur dans les organisations.
Bon nombre d’outils ont émergé depuis le début des années 2000 avec l’arrivée
des nouvelles technologies au sein des différentes fonctions des ressources humaines
(RH), pour n’en citer que quelques uns : la messagerie électronique, les Intranet, la
Gestion Electronique des Documents, mais également l’idée de self-service (avec la
saisie directe d’informations personnelles). Le Web, à ses débuts, a numérisé l’activité
des gestionnaires RH ; pour peu à peu opérer une transition vers un allègement du
travail à faible valeur ajoutée, une communication directe et personnalisée, et une
rationalisation de la qualité de l’information, faisant de l’e-GRH un véritable moyen
d’augmenter la valeur de la fonction RH (Parry, 2011).
C’est par ailleurs cette automatisation qui a transformé la fonction
d’« administration du personnel » à très faible teneur stratégique (tâches
transactionnelles, travail de saisie) en une fonction de « gestion des ressources
humaines » à forte valeur ajoutée, stratégique et centrale, puisque les professionnels
des RH ont ainsi vu leur rôle prendre de l’importance et gagner une véritable
dimension stratégique, voire s’étendre à de nouveaux domaines, tels que la promotion
de la marque employeur ou la capacité d’innovation.
D’après Enlart, Charbonnier (2013), on peut distinguer trois changements
majeurs induits par l’introduction des nouvelles technologies dans l’entreprise. D’une
part, on accède à une information plus personnalisée, poreuse, plus transparente qui
transforme nos perceptions du réel. D’autre part, la gestion de cette information se fait
en flux quasi instantanés. Enfin, l’individu acquiert une triple fonction : producteur,
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transmetteur et consommateur. Cette transformation du rôle des individus appelle à se
poser la question plus spécifique du cas du recrutement, plateforme de contact
majeure entre entreprise et travailleur où l’interaction humaine individuelle occupe une
place centrale.

La digitalisation du recrutement

La digitalisation du recrutement est un phénomène qui débute notamment avec


l’apparition des sites d’emploi (jobboards), ces nouveaux instruments de sourcing
numérique. Dès lors, c’est le commencement ce qu’on appelle le e-recrutement, qui
débuterait dès 1998 (Travers, 2013). À ce stade, le recrutement via les nouvelles
technologies n’est donc qu’une simple transmission d’information à sens unique : le
candidat comme le recruteur s’envoient une information et la traitent individuellement.
Toutefois, avec le développement du Web 2.0, basé sur l’interactivité et les
réseaux communautaires, on a vu apparaître des médias sociaux et s’accroître les
interactions observables sur internet. C’est avec ce phénomène qu’intervient la notion
de recrutement 2.0, qui débuterait en 2007 avec un ralentissement de l’activité
économique (Travers, 2013) ; cette nouvelle forme de recrutement se base sur
l’interconnexion, le partage et l’échange, donc sur l’abolition des barrières entre
émetteur et récepteur de l’information. L’entreprise ne va plus simplement utiliser les
outils de sourcing classiques, mais véritablement changer de paradigme en passant
d’une approche de « pêche » passive à une sorte de « chasse » active1, ne venant
plus seulement « piocher » un candidat en recherche active, mais également se
promouvoir auprès de candidats passifs qui ne sont pas toujours en recherche de
poste. L’entreprise part ainsi à la rencontre des candidats potentiels de façon à
interagir, à converser pour tenter de susciter l’intérêt de candidats, même lorsque
ceux-ci ne sont pas à l’écoute du marché. En 2013, une société sur cinq d'au moins
dix personnes utilise les médias sociaux (Vacher, 2014). Bien qu’ils ne représentent
que 2 % des embauches en 2013 (Apec, 2013), les réseaux sociaux font partie
intégrante des stratégies des entreprises qui évoluent dans le contexte actuel,
s’imposant ainsi comme un média promotionnel qui assiste le sourcing des candidats.
La digitalisation des outils de recrutement s’installe donc progressivement à
chaque étape du processus : dans une première phase de sourcing (recherche de

1 Pour reprendre les termes de Jean-Christophe Anna, consultant pour le cabinet de conseil en stratégie de
recrutement Link Humans : « En matière de sourcing, on est passé d'un mode de pêche passive de
candidats actifs à de la chasse active de candidats passifs. »
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profil et phase communicationnelle, de promotion de la marque employeur), dans
l’évaluation des candidatures et la présélection (selon les compétences, l’expérience,
via des préqualifications), jusque dans la phase finale d’intégration au sein de la
structure. A chaque phase du recrutement, un outil numérique pourra s’appliquer.
Ces transformations technologiques ont donc entraîné un revirement dans la
philosophie appliquée aux pratiques de recrutement actuelles : celles-ci évoluent vers
un modèle de recrutement prédictif où l’entreprise va identifier les profils-clés non
seulement pour les missions actuelles mais également pour les besoins à venir. Le
recruteur va alors s’inscrire dans une gestion proactive : il va piloter l’investissement
en ressources humaines en anticipant les profils pour être capable de trouver le bon
profil au bon moment, ce qui, avec un accès à l’information pour le moins élargi, peut
s’apparenter à chercher une aiguille dans une botte de foin. En conséquence, cette
nouvelle dynamique va transformer la façon dont les candidats se comportent : ils
adoptent également une attitude active en se basant sur des stratégies de personal
branding afin que les entreprises puissent les cibler efficacement dans la masse de
chercheurs d’emploi.
Déjà en 2010, 47 % des recruteurs avaient déclaré avoir intégré ces nouveaux
outils numériques à leurs processus, et 36 % des candidats à leurs pratiques de
recherche. Le recours à la presse écrite en tant que canal de recrutement, quant à lui,
ne concerne plus que 12 % des recrutements en 2014 (RegionsJob, 2015). C’est dans
ce cadre largement numérisé qu’on voit apparaître de nombreuses innovations, des
plateformes qui s’invitent dans ce processus essentiel d’une organisation pour les
rendre plus compétitives et plus efficaces dans leur recherche de profils. Aujourd’hui,
on notera la présence d’outils d’analyse complexes axés sur des tests novateurs.
Pymetrics, par exemple, est une plateforme basée sur des techniques
neuroscientifiques qui propose un certain nombre de jeux interactifs pour définir via un
profilage cognitif des carrières individuelles et par la suite, les mettre en relation avec
les entreprises qui correspondraient à leurs valeurs et rechercheraient des profils de
leur type. Dans un registre similaire, Gild révolutionne le recrutement des ingénieurs
informatiques en se basant des données concrètes pour évaluer les compétences
effectives des candidats. Ces outils s’imposent aujourd’hui comme des assistants
personnalisés, à la fois pour des recruteurs qui cherchent à optimiser leurs processus,
et pour des candidats qui cherchent à construire leur parcours professionnel.
Aujourd’hui, on parlera même de recrutement 3.0, celui-ci se basant sur l’idée
de la réalité augmentée avec l’apparition notable des serious games ou business
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games, ou encore des dispositifs mobiles développés sur la base de la
géolocalisation. Leur utilisation reste marginale et considérée comme particulièrement
nouvelle puisque les serious games ne sont toutefois employés que par 1 % des
utilisateurs (RegionsJob, 2013). Cette « troisième étape » de la digitalisation du
recrutement s’axe ainsi plus encore que la seconde sur une étendue des fonctions RH
vers le web-marketing et la communication intelligente.
On note toujours que dans beaucoup de cas, les recrutements externes se
faisaient via des relations ou des recommandations plus personnelles : le réseau joue
une part très importante des recrutements de cadres en France avec 17 % des
embauches en 2013. Or les modes même de cooptation se numérisent aujourd’hui en
passant par des plateformes de réseautage. Cette évolution pose par ailleurs la
question de la place des cabinets de recrutement sur le marché actuel. Le recours à
des cabinets de recrutement ne concerne aujourd'hui que 32 % des recrutements en
2014 (RegionsJob, 2015) : aujourd'hui, le recrutement est devenu une pratique rapide,
simple et en partie gratuite, ce qui laisse supposer que les entreprises ont une
tendance moins forte à avoir recours à un service externe quand la réalisation d'un
recrutement en interne demande de moins en moins de ressources.

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Actualité et intérêt du sujet

Un contexte favorable à l’émergence de ces techniques nouvelles

Dans un contexte de crise économique qui provoque une baisse depuis


quelques années du volume de recrutements, les outils numériques vont jouer un rôle
clé dans une logique de recentrage sur la qualité des candidatures plutôt que sur leur
quantité : les entreprises cherchent à attirer les talents les plus prisés et non pas
seulement le maximum de candidatures. De plus, le marché du travail actuel est fait
d’une cohabitation entre plusieurs générations qui n’ont pas évidemment le même
rapport au numérique : baby-boomers, génération X, Y ou encore Z vont devoir trouver
un moyen de communiquer via les mêmes réseaux, ou encore chercher à s’adapter
aux plus jeunes qui évoluent dans l’instantanéité et l’information pléthorique depuis
leur enfance.

Une population active connectée

En 2012, 78 % des personnes âgées de quinze ans ou plus et résidant en


France métropolitaine déclarent avoir un accès à internet à leur domicile (Insee,
2012). C’est donc dans une logique d’adaptation à une population active largement
connectée et sensibilisée à la maîtrise du Web que dès 2008, 60 % des dépenses de
communication RH des entreprises se sont dédiées au Web (Benchmark Group,
2008), non seulement pour diffuser des annonces mais aussi pour promouvoir une
marque employeur de plus en plus prisée. Les nouvelles technologies prennent ainsi
une ampleur de masse dans les stratégies de communication de recrutement comme
dans les pratiques de recrutement en elles-mêmes.
D’après une enquête de juin 2013 réalisée par l’Edhec et Jobteaser, 79 % des
étudiants ou jeunes diplômés des grandes écoles seraient présents sur les réseaux
professionnels, contre seulement 53 % des interrogés deux ans auparavant. On
constate donc bien une numérisation accrue des techniques de recherche d’emploi du
moins chez les jeunes, étudiants ou non. De même, une enquête de RegionsJob nous
apprend que 59 % des entreprises auraient utilisé, au cours de l’année 2014, un
nouvel outil numérique. Et pour cause : ces outils sont nombreux : jobboards, réseaux
sociaux, et ce en restant largement dans un portefeuille de services nouveaux, élargis
et le plus souvent gratuits, au moins partiellement. Ceux-ci deviennent ainsi, pour les

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recruteurs, de véritables « terrains de chasses » de profils jeunes qui permettent aux
recruteurs de se constituer une base ressource, même s’ils se positionnent encore
pour bon nombre d’entre eux comme des éléments complémentaires et non
substituables aux moyens de recrutement précédemment existants. En effet, en 2013,
un poste cadre sur deux était pourvu grâce à la diffusion d’offres d’emploi, qui reste
pour 61 % des recruteurs l’outil le plus pertinent pour recruter (Apec, 2013). L’offre
d’emploi reste ainsi la méthode « traditionnelle » (bien que numérisée) la plus prisée.

Un gain de temps et d’argent non négligeable

Le e-recrutement a pour particularité qu’il se base sur des pratiques rentables


(puisque le prix d’une campagne a été évalué à en moyenne trois fois moins cher
qu’en passant par la presse), sinon gratuites, pour transmettre une information. Il se
définit également aussi par un gain de temps important amené par l’immédiateté du
transfert d’information via les nouvelles technologies. L’entreprise peut ainsi obtenir
une réponse rapide pour chaque annonce ; sachant qu’une offre d’emploi génère en
moyenne quarante-cinq candidatures (Apec, 2014). Il s’agit donc d'un avantage
stratégique pour les entreprises comme pour les candidats.

Une nouvelle perception de l’autre

Dans un monde qui se transforme chaque jour via les nouvelles technologies, la
perception de l’autre change. D’après Enlart, Charbonnier (2013), « on est entrés dans
l’ère de la transparence », et c’est précisément ce changement dans la gestion de
l’information qui va affecter les rapports entre les individus. Appliquée au cadre du
recrutement et d’un rapport de force particulier, cette problématique trouve un intérêt
évident. 


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Choix et problématisation du sujet

Ma démarche de réflexion s’est d’abord fondée sur la volonté de mettre en lien


deux aspects des sciences de gestion : la gestion des ressources humaines et les
changements induits par les nouvelles technologies, le numérique dans cette fonction
humaine avant tout.
De nombreux travaux de recherche portent sur le sujet, ceux-ci m’ont permis de
distinguer un certain nombre d’aspects. D’abord, j’ai voulu écarter la dimension des
tâches quotidiennes administratives et répétitives (gestion de la paie, suivi des
données, application des dispositions légales) développée par Kessler et al. (2010)
pour me concentrer vers des problématiques plus actuelles et sur une réflexion plus
personnelle.
Ensuite, les nouvelles technologies ont un impact sur la communication interne,
puisqu’ils changent les moyens de communiquer, de collaborer au sein d’un groupe de
travail, via l’apparition d’une communication just-in-time, de problématiques de team-
building et de cohésion d’équipe, ou encore d’une « culture du partage » qui
développe le travail collaboratif ; toutefois les possibilités de recherche concernant
cette dimension m’ont paru trop axées sur les dispositifs, ce qui aurait nécessité une
focalisation sur une perspective réduite.
D’autre part, la formation est un domaine largement impacté par l’apparition de
ces nouveaux outils, avec la mise en place du e-learning, de nouvelles techniques
d’apprentissage qui ouvrent de nouvelles opportunités plus accessibles, interactives et
moins coûteuses (on notera pour exemple la mise en place par Orange en novembre
2014 d’un MOOC2 intitulé « Devenir web conseillé(ère) »). Toutefois, le traitement d’un
tel aspect comprend de nombreuses problématiques et angles d’approche différents
(nouvelles façons d’apprendre, modèles psychologiques) encore insuffisamment
étudiés, qui devraient faire l’objet de travaux beaucoup plus approfondis.
Enfin, l’impact majeur des nouvelles technologies sur la fonction Ressources
Humaines est un sujet très présent dans la communauté des chercheurs, dans la
perspective de l’apport stratégique et de l’abandon des tâches répétitives de ces
travailleurs. En effet, les nouvelles technologies ont un effet inéluctable sur la création
d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines, amenant ses tenants vers une
fonction à plus forte valeur ajoutée amenée par l’automatisation du traitement de

2 MOOC : (en anglais) « massive open online course », (en français) « cours en ligne ouvert à tous »
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l’information ; le sujet, bien que fascinant, m’a paru peu actualisé et déjà largement
traité.
Le choix de la perspective du recrutement est donc lié à l’actualité du sujet : il
s’agit d’un domaine qui se digitalise de toute part. Le recrutement évolue, avec les
nouvelles technologies de manière plus vaste, moins structurée, via de nombreuses
expérimentations qui vont changer la nature fondamentale du processus. Il s’agit
également d’une approche plus personnelle, centrée sur la numérisation d’une
fonction on ne peut plus humaine.
De trois approches distinctes, j’ai décidé d’éloigner l’approche des dispositifs de
rencontre pour me concentrer à la fois sur l’approche du point du vue du recruteur et
celle du candidat, celles-ci ayant moins souvent été comparées en profondeur par des
articles de recherche. Ce travail s’inscrit dans une période donnée, et propose une
photographie en l’état de la situation actuelle du recrutement vis-à-vis des nouvelles
technologies, pour les recruteurs comme pour les candidats, en France en 2015.
Ainsi, ma réflexion porte sur l’utilisation de pratiques numériques au sein d’une
fonction fondamentalement humaine et l’effet qu’elles produisent sur cette relation.
Elle s’axe ainsi dans une perspective individuelle, de façon à étudier les rapports entre
individus en tant qu’utilisateurs des nouveaux outils numériques et leur ressenti à
propos de ceux-ci. La question qui est posée dans ce travail est donc la suivante :
Quelle est la place des technologies de l’information dans les pratiques de
recrutement, et dans quelle mesure ces changements vont-ils impacter la
relation entre recruteurs et candidats ?


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Démarche et méthodologie employées

Ma démarche de recherche part d'un raisonnement inductif visant à observer


les changements induits par les nouvelles technologies au sein des processus de
recrutement pour analyser les découvertes sur le sujet et approfondir la connaissance
de ce phénomène encore en développement. Elle s’est fondée sur l’idée de confronter
l’approche candidat et l’approche recruteur ; j’ai choisi, pour cela, d’adopter une
analyse interprétativiste de façon à comprendre et à analyser les informations
recueillies du point de vue des comportements individuels.

Étude qualitative

Dans un premier temps, j’ai choisi d’observer au travers d’une étude qualitative
les comportements individuels vis-à-vis des pratiques liées aux nouvelles technologies
d’un échantillon de recruteurs et de candidats. J’ai donc commencé par réaliser des
entretiens semi-directifs avec cinq individus, dont trois recruteurs et deux candidats
(l’un des recruteurs interrogés était toutefois une jeune femme ayant quitté son emploi
de chargée de recrutement récemment et actuellement en recherche d’emploi, elle
avait donc un point de vue mixte).
J’ai souhaité élargir mon panel en recherchant des profils différents (différents
secteurs d’activités, tailles d’entreprises). Les profils recueillis ont été les suivants : un
recruteur issu d’un grand groupe français très présent jusque sur la scène
internationale, un recruteur issu d’une ETI (entreprise de taille intermédiaire), un
recruteur issu d’une start-up (ou TPE), une jeune femme en recherche de stage de fin
d’études, et une jeune femme diplômée en 2014 et en recherche d’emploi.
Le guide d’entretien se basait sur 3 thèmes fondamentaux, déclinés selon le
profil (« recruteur » ou « candidat ») :
1) Le processus de candidature ou de recrutement : les moyens utilisés, leur
régularité, les critères choisis
2) L’utilisation des outils numériques : quels outils, leurs résultats et les usages qui
en sont faits
3) La relation au candidat ou au recruteur : perception générale et impact des
pratiques numériques

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Étude quantitative

Par la suite, j’ai employé ces témoignages afin de constituer un questionnaire


pour approfondir mon travail et obtenir des résultats plus fiables, sans doute moins
biaisés. Encore une fois, un questionnaire était réservé à des jeunes en recherche
d’emploi ou de stage (69 réponses recueillies) et l’autre à des personnes en charge
des ressources humaines ou du recrutement dans une entreprise (44 répondants). Le
questionnaire a été diffusé sur les réseaux sociaux de manière très large, en passant
par des réseaux personnels comme professionnels, plus particulièrement sur des
groupes spécialisés (soit de recherche d’emploi, soit de discussion de l’actualité
relative aux ressources humaines).
Là encore, le questionnaire s’est axé sur 3 grands axes :
1) L’utilisation des outils numériques
2) La perception de ces outils
3) L’influence des nouvelles technologies sur la relation entre recruteur et candidat
On notera tout de même que le questionnaire était administré en ligne et a ainsi
pu toucher des populations plutôt jeunes et dont les pratiques sont déjà très
numériques3. Aussi, du fait d’un échantillon relativement faible et d’une démarche
large, le questionnaire ne demandait pas aux interrogés de précisions concernant leur
secteur d’activité.


3 Le profil des répondants figure en annexe n°2.


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Définition des termes du sujet

La notion de « nouvelles technologies »

Pour exposer les résultats de mes recherches, il est essentiel de définir plus
précisément les termes employés au long de ce travail. Ainsi, par « nouvelles
technologies », « outils numériques » ou « technologies de l’information », on
retiendra la définition volontairement large de l’Office Québécois de la Langue
Française : « l’ensemble des technologies issues de la convergence de l’informatique
et des techniques évoluées du multimédia et des télécommunications, qui ont permis
l’émergence de moyens de communication plus efficaces en améliorant le traitement,
la mise en mémoire, la diffusion et l’échange de l’information. » Il s’agira donc plus
simplement de l’ensemble des outils qui ont émergé et continuent d’émerger avec la
« révolution internet »4, et le Web 2.0 qui se fonde, d’après Tim O’Reilly (2005), sur
une mutualisation des données, une ergonomie des interfaces, et des effets de
réseaux : on passe d’une logique d’un auteur s’adressant à des lecteurs à un collectif
d’acteurs, une communication many to many (Quoniam, Lucien, 2009). On distingue
également un principe d’interactivité et de collaboration, dans lequel on a notamment
vu apparaître les médias sociaux. Ainsi, on définira le e-recrutement comme
l’utilisation des nouvelles technologies de l’information dans les processus de
recrutement.

Sourcing et matching

Le sourcing définit les moyens de recherche, d’identification et d’évaluation soit


des fournisseurs, soit des candidats (ici, les candidats). Le matching désigne la
correspondance entre deux entités, ici l’individu et l’employeur (au sens du groupe) ou
le recruteur.

Les sites d’emplois

Les jobboards ou sites d’emplois sont apparus aux Etats-Unis dans les années
quatre-vingt-dix, ils se définissent selon Yannick Fondeur (2006) comme le modèle de
site emploi qui permet d’offrir sur internet des listes d’offres mises à jour en temps

4 Le terme de « révolution internet » a d’abord été employé par Xavier Niel et Dominique Roux (2012).
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quasi-réel. Les plateformes les plus populaires d’aujourd’hui s’apparentent à Monster,
Cadremploi, Apec ou RegionsJob. On peut également noter la présence de sites
spécialisés, des plateformes type jobboards qui s’attachent à un secteur ou un type de
contrat spécifique (on peut prendre l’exemple de FashionJobs, un site dédié aux offres
d’emploi dans le secteur de la mode). Le plus souvent, ces médias sont complétés par
la présence d’un site corporate ou d’un site carrière qui diffuse les offres et permet une
candidature directement adressée à l’entreprise. On ajoutera à cette catégorie les
agrégateurs d’offres d’emploi (tels que Indeed) qui permettent d’effectuer une
recherche centralisée étendue à tous les sites émetteurs (jobboards ou sites des
entreprises). Les CV sont par la suite intégrés dans une candidathèque, une base de
données qui permet aux recruteurs de rechercher activement un profil.

Les réseaux sociaux

Concernant les réseaux sociaux du Web 2.0, on distinguera plusieurs notions.


D’une part, celle de réseaux sociaux professionnels tels que LinkedIn ou Viadéo qui
comptent plus de huit millions d’utilisateurs chacun en juin 2014 en France où ils sont
les plus utilisés, entourés par de très nombreuses plateformes ciblées (par secteur,
localisation géographique, classe d’âge, contrat). Ceux-ci permettent une mise en
relation entre candidats et recruteurs via la création de profils et de pages
promotionnelles, des systèmes de recommandation, de sourcing, qui permettent aux
recruteurs comme aux candidats d’opérer une veille sur leur situation professionnelle.
D’autre part, on étudiera la notion de réseaux sociaux personnels, tels que Facebook
(avec vingt-cinq millions d’utilisateurs en France en 2012) ou Twitter, très largement
fréquentés, avec 70 % des chercheurs d’emploi consultant les réseaux sociaux
quotidiennement en Europe (StepStone, 2013), qui s’ouvrent peu à peu vers une
dimension qui dépasse les simples utilisations personnelles pour s’ouvrir au monde
professionnel, mais qui permettent aux entreprises d’atteindre plus personnellement
les candidats et aux candidats de se promouvoir en tant qu’individus « employables ».

L’e-réputation et l’identité numérique

On définira également la notion d’e-réputation, qui se décline selon les


ouvrages en e-visibilité, identité numérique : elle recoupe ainsi toute la logique de
promotion de de la marque, de l’entreprise ou de la personne (pour les individus, on
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parlera de personal branding pour décrire les stratégies de promotion individuelle) en
utilisant internet comme une « caisse de résonance » (Enlart, Charbonnier, 2013) pour
s’appuyer sur l’opinion des internautes.

La marque employeur

La notion de marque employeur ou d’image employeur s’applique comme une


sous-catégorie de l’e-réputation plus précisément aux entreprises qui utilisent les
nouveaux moyens de communication pour maîtriser et améliorer leur image en tant
qu’employeur, que groupe de travail. Elle désigne l’image que l’entreprise renvoie vis-
à-vis de sa gestion des employés effectifs ou potentiels, en formant un portrait des
pratiques RH de l’entreprise, combinant ainsi communication interne et externe pour
faire savoir au public ce qui se déroule en interne, en laissant la parole aux
collaborateurs. La marque employeur réunit quatre dimensions : l’attractivité, la
réputation, l’engagement des salariés, et la différenciation, que l’entreprise va partager
avec son écosystème pour promouvoir la marque en tant qu’employeur (Duroni, 2011).

Les serious / business games

La promotion de la marque employeur regroupe de nombreux outils dont ceux


qu’on appellera serious games ou business games, qu’on pourrait définir comme des
logiciels qui combinent une intention « sérieuse » — de type pédagogique, informative,
communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement — avec des ressorts
ludiques5. Pour en citer quelques exemples, on pourra mentionner le jeu America’s
Army, conçu pour améliorer l’image de l’US Army et inciter à rejoindre ses rangs ; ou
encore le jeu Brandstrom conçu par L’Oréal et utilisé depuis 1992 pour promouvoir la
marque et attirer des talents.

5 Définition proposée par Julian Alvarez (2006).


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Ce travail vise à démontrer l’ampleur de l’impact des nouvelles technologies sur
les pratiques de recrutement et sur la dynamique relationnelle qui lie candidats et
recruteurs. Cet état des lieux permet ainsi d’évaluer le potentiel d’évolution et de
distinguer plusieurs voies pour l’avenir du recrutement dans le cadre d’un
approfondissement des pratiques numériques.

L’enquête empirique réalisée permet de soulever trois aspects fondamentaux


des pratiques de recrutement parmi lesquels on observe des changements notables
induits par l’introduction des nouvelles technologies. Ainsi, on abordera d’abord la
place générale des outils numériques dans les pratiques de recrutement (I), avant de
pouvoir s’attacher aux dynamiques nouvelles formées par l’apparition de l’e-réputation
(II) et enfin, d’analyser les effets concrets produits par ces nouveaux enjeux sur la
relation entre recruteur et candidat (III).

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Partie I

La place des outils numériques
dans le recrutement
Afin de répondre à la question de l’impact des nouvelles technologies sur les
pratiques de recrutement et de recherche d’emploi, il faut s’attacher à faire un état des
lieux de la place que peuvent prendre ces nouvelles techniques et les usages qui en
sont faits. Pour ce faire, on étudiera d’abord les outils qui sont à la disposition des
acteurs et l’utilisation qui en est faite (1) pour recentrer l’analyse sur un élément
nouveau dans le paysage des ressources humaines : les réseaux sociaux et les
usages plus spécifiques qui en seront faits dans le cadre du recrutement (2).

1. Les outils de sourcing évoluent vers le numérique

Cette première sous-partie propose d’étudier les pratiques des recruteurs et des
candidats afin de les comparer d’un point de vue opérationnel. Afin d’analyser
l’utilisation faite des outils numériques par les recruteurs comme par les candidats, il
faut d’abord bien présenter la différenciation qui existe entre les pratiques des
recruteurs et celles des candidats (1), pour pouvoir expliquer les raisons du choix des
usages qui sont faits des outils dans une logique d’adaptation au public ciblé, par
recruteurs et candidats (2). L’analyse se focalise ensuite sur la pratique de
centralisation des données liées au recrutement, outil central au processus, (3) pour
conclure sur l’apport d’une ouverture à de nouvelles opportunités en contraste avec
l’idée de fermeture qui s’engage lorsqu’on parle de gestion informatique des profils
candidats (4).

I. 1. 1. Recruteurs et candidats : une utilisation différenciée

L’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014) démontre le décalage


existant entre les supports utilisés par les candidats et ceux utilisés par les recruteurs :
Cadremploi, par exemple, monopolise 61 % des candidats interrogés face à seulement
33 % des recruteurs. Ces statistiques permettent de comprendre l’importance de la
stratégie de l’entreprise en termes de choix d’adaptation à leur cible. Un décalage
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s’opère également dans les attentes des candidats et des recruteurs : quand 67 % des
recruteurs déclarent utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de leur processus de
recrutement, 48 % des candidats déclarent ne pas les utiliser à cet effet en précisant
que, pour la majorité d’entre eux, « les recruteurs n’y sont pas » (OpenSourcing,
2014).
Or, les outils autrefois réservés aux recruteurs sont aujourd’hui disponibles
même pour les candidats. On constatera tout de même une différence importante :
quand 57,8 % des recruteurs interrogés ont déclaré disposer d’un compte payant sur
un réseau professionnel, seuls 4,3 % des candidats en disposent6. Le budget
consacré au recrutement et celui à la recherche d’emploi n’est bien évidemment pas le
même, et les candidats peuvent se baser sur la stratégie de l’entreprise en termes de
promotion de la marque pour opérer leur stratégie ; toujours reste-t-il que les
entreprises disposent de moyens de promouvoir leur marque et de sourcer bien plus
élaborés que ceux dont les candidats disposent pour leur personal branding et leurs
méthodes de recherche d’emploi.

Tableau n°1
Utilisation des différents outils proposés par les candidats et les recruteurs 

(en % d’interrogés qui ont déclaré avoir une utilisation fréquente voire systématique)

Recruteurs Candidats

Réseaux professionnels (LinkedIn, 55,6 % 46,2 %


Viadéo)
Réseaux personnels (Facebook, Twitter, 28,8 % 50,7 %
Pinterest...)

Jobboards 62,2 % 30,4 %

Sites spécialisés 73,4 % 81,2 %

Moteurs de recherche 44,4 % -

Vivier de candidats, CVthèques 73,3 % -

Outils de sourcing automatisés 24,4 % -

Source : enquête personnelle

6 Notons tout de même que 55,1 % des personnes en recherche de contrat interrogées recherchaient un
stage, donnée qui relativise les moyens sélectionnés en comparaison des personnes en recherche d’emploi.
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La place nouvelle des réseaux sociaux dans les stratégies des acteurs

Chez les recruteurs, on notera la popularité des réseaux professionnels par


rapport aux réseaux personnels, tandis qu’on remarquera peu de différences entre les
deux médias chez les candidats dans le cadre de leur recherche d’emploi. On
rappellera sur ce point que l’arrivée des entreprises et des recruteurs sur les réseaux
personnels avec l’apparition des pages « recrutement » qui promeuvent la marque
employeur sur des réseaux sociaux est très récente et beaucoup d’entreprises n’ont
pas encore adopté ce mode de fonctionnement. Ainsi, il paraît logique que l’utilisation
des réseaux personnels ne soit pas encore un réflexe pour les recruteurs.

La prééminence des sites d’emploi comme dispositifs traditionnels

L’utilisation des jobboards par les recruteurs n’a rien d’étonnant. En effet, selon
l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014), les sites d’emplois sont le
premier moyen de sélection de profils pour les recruteurs. Le site de l’entreprise se
positionnerait quant à lui en quatrième position, à la fois pour les recruteurs et pour les
candidats. Parmi les interrogés, 71,1 % ont une plateforme de recrutement intégrée au
site de l’entreprise.
En revanche, on remarque que les candidats sont moitié moins nombreux à
avoir un usage fréquent des jobboards, et semblent ainsi largement privilégier les
réseaux et les offres plus spécifiques. Enfin, chez les recruteurs comme chez les
candidats, les sites spécialisés semblent être le média privilégié : cette donnée
s’explique par une forme de pré-sélection observée sur ces plateformes qui réduisent
les critères de recherche dans un environnement numérique où l’information
surabondante nécessite un tri approfondi. Le recours à des sites spécialisés constitue
ainsi un gain de temps du côté du recruteur qui s’assure plus facilement d’avoir accès
à un profil qui correspond à son secteur d’activité, et pour le candidat, qui va pouvoir
cibler directement les entreprises du secteur qui lui convient le mieux. Cet outil forme
une sorte de filtre qui simplifie le processus de recherche comme celui de recrutement,
mais en limitant toutefois l’élargissement des possibilités qu’on peut constater lorsque
les recherches se font sur des plateformes à visée plus large.
D’autre part, il est important de constater les différences qui existent non
seulement entre les outils utilisés mais entre les usages qui peuvent en être faits.

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Différents outils, différents usages

Tableau n°2
Usages des outils numériques par les candidats et les recruteurs 

(en % d’interrogés qui ont déclaré avoir une utilisation fréquente voire systématique)

Recruteurs Candidats

Se faire connaître (des candidats/ 80 % 42,5 %


recruteurs)

Diffuser/consulter des annonces 91,1 % 95,7 %

Diffuser/consulter des CV 84,4 % 64,7 %

Source : enquête personnelle

La diffusion et la consultation d’annonces semble toujours être l’usage principal


des individus dans le cadre d’un recrutement, il s’agit de l’usage le plus ancien et le
plus classique, puisque la diffusion des CV et la promotion de l’image personnelle ou
employeur ne sont apparus que plus tard.
Hormis ces usages « classiques », on constate également que 68,2 % des
recruteurs utilisent ces outils pour promouvoir leur marque employeur souvent, voire
toujours. Les candidats sont également nombreux (57,4 %) à se servir de ces outils
pour se constituer un réseau, et pour plus de la moitié (53,6 %), il s’agit aussi d’un
moyen de se tenir informé en s’inscrivant à des alertes ou newsletters.

Après un état des lieux des pratiques globales des recruteurs et des candidats
vis-à-vis de l’emploi des nouvelles technologies dans leurs pratiques, on peut se poser
la question de la raison qui pousse à utiliser ces médias.

I. 1. 2. Le « réflexe numérique » : s’adapter au public ciblé

75,4 % des personnes en recherche d’emploi ont déclaré avoir un « réflexe


numérique » dans le cadre de leur démarche. Cette information n’a rien d’étonnant
quand on considère que l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014)
révèle que 64 % des candidats consultent quotidiennement les sites d’emploi dans
leur recherche d’emploi. Il s’agit également selon l’enquête sur les méthodes du
recrutement menée par RegionsJob (2015) du premier canal de recrutement utilisé par

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les recruteurs, et reste également le plus efficace d’entre tous, selon les recruteurs et
les candidats.
On remarque également que 79,7 % des personnes en recherche d’emploi ont
déclaré avoir déjà postulé directement via un réseau ou un site spécialisé. Parmi eux,
plus de la moitié (54,6 %) considèrent cette méthode comme efficace, 76,8 %
valorisent son aspect pratique, 66,6 % valorisent sa rapidité et 65,2 % valorisent sa
simplicité. En effet, les sites d’emploi constituent une ressource fiable, basique et
simplifiée par l’arrivée des nouvelles technologies. Ainsi, cette méthode de
candidature et de recherche d’emploi est une passerelle numérique facile d’accès qui
se base sur une méthode « traditionnelle » : la consultation d’annonces et le dépôt de
candidatures.

Une logique d’adaptation indispensable aux entreprises

Pour Amélie, chargée de recrutement dans une ETI grenobloise, l’utilisation des
outils numériques par l’entreprise dans le cadre d’un recrutement est essentielle
puisque « l’entreprise doit aller chercher les gens susceptibles de candidater là où ils
sont. Et aujourd’hui, les gens (…) ils sont sur internet (…) parce que tout le monde est
toujours connecté ». Il s’agit donc pour elle d’un outil d’adaptation au public ciblé.
Amélie évoque à ce titre, dans le cadre de sa recherche d’emploi, l’adaptation des
entreprises aux applications mobiles dont elle est une utilisatrice quotidienne.
Pour Marie R., intégrer les nouvelles technologies dans ses pratiques de
recrutement est essentiel : « un cabinet de recrutement qui ne s’adapte pas à son
environnement et qui n’utilise pas les nouvelles technologies, il risque de vieillir et il
risque de tomber dans l’oubli ». Elle ajoute qu’il est pour elle nécessaire de « parler le
langage des jeunes » pour maintenir ce « lien virtuel » avec les étudiants qu’elle cible
au sein de son activité.
D’après l’enquête Edhec et JobTeaser (2013), en combinant les canaux
numériques existants (réseaux sociaux, mobiles), on atteint 53 % de la population
étudiante et nouvellement diplômée (et ces chiffres sont en augmentation), ce qui
justifie l'emploi de ces nouveaux outils numériques pour s'adapter à la cible. Bien sûr,
ces outils n'excluent pas (encore) les méthodes traditionnelles, mais les complètent
largement.

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On notera que pour le moment, sur les réseaux professionnels, l’inscrit-type est
un cadre de moins de 35 ans, qui détient un bac +2 (ou supérieur) et vit en région
parisienne (Harris Interactive, 2013).

Par-delà les outils de sourcing classiques, on peut recentrer la réflexion de la


place des outils numériques dans la relation humaine sur un outil clé du recrutement
qui vient exposer la problématique humaine : la centralisation des données autour de
viviers de candidats, sous forme de catégorisation systématique informatisée visant à
standardiser et à répertorier les candidatures automatiquement.

I. 1. 3. La centralisation des données liées au recrutement

Une optimisation notable du processus…

Parmi les recruteurs interrogés, 55,6 % disposent d’une base de données


informatique répertoriant les candidats. Ce nouvel outil, largement employé aujourd’hui
dans le cadre du recrutement, permet, d’après Antoine B., « d’optimiser (…), d’aller
plus vite dans le traitement des candidatures. » La centralisation des données est
d’abord un outil permettant une meilleure collaboration entre différents centres
opérationnels, mais surtout un répertoire synthétique qui permet au recruteur
d’accéder à un bref exposé d’une hypothétique évaluation précédente du candidat ou
d’un travail de recherche réalisé auparavant. Selon l’enquête sur les méthodes de
recrutement menée par RegionsJob (2015), 76 % des entreprises conserveraient les
CV non retenus pour leurs futures embauches ; il n’est d’ailleurs pas rare de recevoir
en réponse à une candidature non retenue un message avertissant de la retenue du
profil du candidat pour un éventuel recrutement futur en meilleure adéquation. Le
terme d’optimisation est adéquat, puisque le but fondamental de l’outil est de limiter
toute répétition dans les tâches opérées par différents recruteurs (au sein d’un même
groupe).

… qui dénature la relation au candidat

Lorsqu’on étudie le rapport observable entre le fait de disposer et d’utiliser une


base de données informatique ou un vivier de candidats, on remarque d’abord que 64
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% des recruteurs interrogés disposant d’une base de données perçoivent la relation de
transparence au candidat comme plus forte, alors que seulement 36,8 % de ceux qui
n’en disposent pas ont évoqué la même idée. Le même phénomène semble
s’appliquer à la sensation de proximité aux candidats, puisque 64,7 % des recruteurs
qui ont déclaré se sentir plus proches des candidats avec l’arrivée des nouvelles
technologies disposaient de cet outil. En revanche, l’utilisation d’un vivier de candidats
ou de CVthèques a tendance à réduire l’impression d’avoir une relation plus
personnalisée au candidat puisque seulement 38,5 % de ceux qui utilisent toujours cet
outil déclarent ne pas voir une personnalisation contre seulement 15,4 % déclarant le
contraire.

Une utilisation marginale

Quant aux sites de banques de données de CV en ligne (qui permettent aux


candidats de publier leur CV et aux recruteurs de les consulter, tels que DoYouBuzz,
MonCV.com, Easy-CV.com), ils constituent une ressource utilisée en termes
d’inscription et de consultation mais ne semblent pas produire de résultats concrets,
puisque seulement 5 % des recruteurs affirment avoir débusqué un profil intéressant
via ce type de plateforme.
On notera toutefois que selon l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing,
2014), 34 % des recruteurs déclarent manquer de temps pour les utiliser, et 41 %
seulement les considèrent faciles d’utilisation. Et pour cause, certaines plateformes
sont infiniment complexes et approfondies. Malgré l’aspect pratique et facilitateur de
ce type d’outils, les CVthèques ont aussi pour inconvénient d’automatiser et de
standardiser un lien humain particulier. Rappelons également que certaines
considérations éthiques (comme la protection des données personnelles) sont à
garder à l’esprit quand à la centralisation de ces données menant à une sélection
automatisée des profils, qui pourrait nuire à la neutralité sur le marché du travail, alors
que certains sites et services de CVthèques peuvent proposer un service payant de
valorisation des candidatures (sans parler des personnes qui ne bénéficient pas d’un
accès à Internet). Si la loi autorise les outils de tri des candidatures automatisés, on
devrait pourtant voir un contrôle des algorithmes opéré, mais celui-ci est
techniquement et légalement complexe (du fait du secret industriel), ce qui limite la
possibilité de lutter contre les pratiques discriminatoires que ces outils rendent
possibles. Le cadre juridique concernant la lutte contre la discrimination et la
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protection de la vie privée (puisque les informations que le candidat transmet doivent
obligatoirement être déclarées à la CNIL et ne peuvent être conservées ou utilisées
que pendant un an) a d’ailleurs été renforcé ces dernières années pour répondre à
cette problématique.

Ces dernières considérations nous amènent alors, après une mise en


perspective des outils et de leur utilisation, à un nouvel aspect de la place des
nouvelles technologies dans le recrutement : l’apparition de nouvelles opportunités via
les outils numériques, pour les recruteurs comme pour les candidats, qui vont ouvrir le
marché du travail.

I. 1. 4. Le numérique crée de nouvelles opportunités

68,1% des candidats interrogés perçoivent les outils numériques comme un


moyen d’élargir leurs possibilités en termes de recherche d’emploi. Louise décrit par
exemple qu’elle a, à deux reprises, été contactée pour des postes axés sur les
ressources humaines, alors qu’elle est diplômée et n’a d’expérience que dans le
domaine de la communication, et qu’elle déclare n’avoir jamais fait « quelque chose
qui s’en approche de près ou de loin. »
Pour 77,8 % des recruteurs, ils permettent d’élargir et de « diversifier la cible
candidat ». Cette idée s’applique également en ce qui concerne la recherche de profils
plus variés, ceux que Amélie définit comme pénuriques : dans son cas, les entretiens
via visioconférence étaient « indispensables » étant donné qu’elle se chargeait de
recruter des profils internationaux, des personnes souvent localisées en Suède ou
dans d’autres pays d’Europe, pour qui les coûts de déplacement auraient été peu
soutenables (d’autant que Amélie explique que son entreprise ne dispose que d’un
budget très limité pour le recrutement et qu’ils privilégiaient toujours les moyens
gratuits).

De nouvelles garanties tout au long du processus

De même, les nouveaux outils mis à la disposition des recruteurs vont par
exemple permettre à l’entreprise à laquelle appartient Amélie et aux recruteurs de faire
passer des tests informatisés et standardisés afin d’évaluer, pour le cas des profils
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internationaux, leur niveau de langue. Notons que le recours à un « test », qu’il soit de
langue, psychotechnique, de personnalité ou d’évaluation des compétences lors du
recrutement est très fréquent, puisqu’il concernerait un recrutement effectif sur deux
(Apec, 2014), et que 42,2 % des recruteurs interrogés ont, dans le cadre de leur
processus, recours à des tests de recrutement informatisés dont ils sont par ailleurs
majoritairement satisfaits (avec seulement 9 % des interrogés se déclarant insatisfaits
par ces méthodes).

Des ouvertures à relativiser

Cependant, il ne remplace pas entièrement les opportunités de recrutement qui


peuvent exister en « réel », puisque le « ressenti » n’est selon elle pas le même. Elle
décrira même comme « quelqu’un de courageux » une personne dont le recrutement
ne serait passé que par les nouvelles technologies et non par un véritable contact
humain.
Un des problèmes qu’évoque Antoine B., dans le cadre de L’Oréal, est la
transformation du recrutement en un « univers beaucoup plus concurrentiel » amené
par cette transparence nouvelle où « les gens sont exposés, facilement trouvables » et
par l’effritement des barrières conventionnelles qui existaient jusqu’alors (tant du point
de vue de l’internationalisation du recrutement que de la transparence induits par ces
outils). Il compare la transparence des réseaux sociaux et l’aisance du contact à de
« l’infidélité » pour l’entreprise, pour illustrer l’idée que la concurrence pour les profils
ne se fait plus seulement aujourd’hui sur les candidats déclarés, qui se rendent
disponibles, mais aussi sur les candidats passifs non déclarés qui peuvent être en
poste et n’opèrent donc pas de recherche active. Une opinion que semblent partager
les recruteurs puisque 75,5 % des recruteurs interrogés déclarent considérer que la
concurrence en termes de recrutement est renforcée par ces nouveaux outils
numériques.

Une revue des outils mis à la disposition des acteurs du marché du travail nous
permet de mettre en perspective l’évolution de certaines techniques traditionnelles
vers un environnement numérique qui facilite l’échange et la coordination. Toutefois,
un élément véritablement nouveau qui vient changer les pratiques des entreprises est
l’émergence des réseaux sociaux, ces communautés virtuelles sur lesquelles les
entreprises tentent ou parviennent à s’introduire pour se frayer un chemin au plus
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proche des candidats potentiels afin d’optimiser les techniques qui leurs permettent de
trouver le candidat idéal.

2. Les réseaux sociaux : des usages multiples

Selon Éric Barilland, directeur de l’image employeur et campus manager du


groupe Orange, « sur les réseaux, les candidatures sont mieux ciblées et davantage
en adéquation avec les postes proposés. » Les réseaux semblent ainsi être devenus
des lieux de recrutement additionnels à part entière. Selon un sondage Odoxa réalisé
pour RTL et Facebook, les réseaux sociaux seraient même jugés plus efficaces encore
que les services officiels comme Pôle emploi ou l’Apec. De même, un tiers des
employeurs pensent que les sites internet vont prendre le dessus sur les petites
annonces dans l'avenir, les services officiels et même les cabinets de recrutement ;
sans pour autant renier les méthodes plus traditionnelles qui ont largement cours mais
en intégrant les réseaux sociaux à leur fonctionnement (Gaveau, 2015).
Pourtant, lorsque les réseaux sociaux ont commencé à intégrer les stratégies de
gestion des ressources humaines, leur usage n’a pas été immédiatement évident.
C’est en s’adaptant au comportement des candidats que les gestionnaires ont vu
apparaître des opportunités d’innovation, et en « bricolant »7, en improvisant selon le
contenu, selon les buzz, les tendances qui apparaissaient et disparaissaient. Les
réseaux ont cette particularité d’être particulièrement changeants, ce qui va supposer
pour le recruteur une nouvelle dynamique, celle de l’adaptation permanente,
contrairement aux candidats qui emploient les techniques moins ancrées, plus
adaptables et évolutives. Antoine B. parle des innovations en matière de visibilité et de
recrutement chez L’Oréal comme un travail d’adaptation aux différents buzz, en citant
notamment la mode du lip dub8 : « on essaie de suivre les tendances ». Alors quels
usages les entreprises et les candidats peuvent-elles faire des réseaux sociaux afin
d’améliorer, d’optimiser leur recrutement ?9

7La notion de bricolage pour intégrer le numériques aux stratégies de recrutement est développée par
Girard, 2012.
8Un lip dub est un clip promotionnel chantant où les acteurs font du playback sur une chanson et l’intègrent
à une bande sonore pré-existante.
9 On mettra de côté ici les stratégies de promotion de marque qui seront traitées en seconde partie du
travail.
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I. 2. 1. Un outil de veille

Les réseaux sociaux ont pris de l’ampleur en tant qu’outil de recrutement :


d’après l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014), 52 % des candidats
déclarent utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de leur recherche d’emploi.
Presque la moitié des candidats déclarent faire une utilisation quotidienne des réseaux
dans cette perspective. Cette utilisation s’est tellement répandue que, en 2015, 

220 000 offres d'emploi seraient partagées chaque mois sur Twitter, soit un relais de
15 à 20 % des offres publiées sur internet (Randstad France & Linkfluence, 2015).

Moyen d’information, source d’influence

De plus, l’enquête Identité numérique de RegionsJob (2013) dévoile que 49 %


des interrogés utilisent les réseaux sociaux (professionnels ou personnels) afin de
s’informer sur les entreprises avant de postuler, et ces informations vont avoir un
impact non négligeable sur la perception de l’entreprise, voire même sur la décision
de candidature.
Lors de l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014), 28 % des
candidats ont affirmé opérer une veille sur l’actualité de l’entreprise. L’attention portée
à l’activité de l’entreprise fait désormais partie intégrante du processus de candidature
des personnes en recherche de contrat. Ainsi, il est difficile d’ignorer la place des
nouvelles technologies et plus particulièrement des réseaux, personnels ou
professionnels, sur lesquels les entreprises s’engagent de plus en plus : le candidat
espère alors maximiser ses chances en s’appuyant sur une connaissance approfondie
des pratiques de l’entreprise qu’il va puiser sur les réseaux et médias sociaux en les
intégrant à son utilisation quotidienne d’internet.
On remarque ainsi que « l’usage des réseaux sociaux ne se limite pas au cadre
d’une recherche d’emploi. Leur utilisation s’adapte à chaque étape d’un parcours
professionnel. »10 : les réseaux sociaux sont une source d’information quasi-
permanente qui permet aux candidats d’opérer une veille sur les pratiques ou les
projets, RH ou non, des entreprises qu’ils ciblent. Ces outils de veille sont également
une opportunité pour l’entreprise de reprendre partiellement le contrôle sur
l’information qui est produite à son sujet en cartographiant la présence de la marque

10 Travers, Camille. 2013. « Du e-recrutement au recrutement 2.0. » Levallois-Perret: Groupe Studyrama.


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employeur sur internet. Plusieurs plateformes de social media monitoring (plateformes
qui permettent à leurs utilisateurs d’évaluer et de gérer au quotidien leur présence
numérique, dont beaucoup sont gratuites) regroupent et gèrent les différents médias
sociaux utilisés dans le cadre d’une promotion de la marque, en produisant des
données quantitatives afin d’analyser les contenus et leurs effets. Ces méthodes
s’étendent ainsi à l’impact produit sur les candidats, comme à une veille
concurrentielle qui permettra à l’entreprise de mieux cerner son écosystème.

Une veille stratégique et active

Juliette constitue grâce à l’aide des réseaux sociaux et des pages Recrutement
des entreprises qu’elle cible de véritables stratégies pour se faire remarquer : « si elle
voit mon nom plusieurs fois et qu’un jour elle reçoit mon CV, peut-être qu’elle fera le
lien. » C’est un ensemble de « petites choses » (un suivi, la participation à des
sondages) qui forment une stratégie candidat pour se faire connaître en démontrant
l’intérêt pour ses « entreprises-cibles ». Elle adapte les outils dont elle dispose aux
stratégies de communication et de recrutement des entreprises, à leurs valeurs, et
opère une veille sur de multiples réseaux (Facebook, Twitter, LinkedIn) qui va lui
permettre de se tenir informée de l’actualité de l’entreprise et maximiser ses chances
de prouver au recruteur sa motivation. Pour elle, « l’idée, c’est de rentrer dans le jeu
aussi. »
Louise mentionne son utilisation de groupes Facebook ou de sa page LinkedIn
pour « surveiller » les offres publiées sur les réseaux. Elle évoque également son
réflexe d’aller liker les pages Facebook des entreprises afin d’observer le
fonctionnement de celles-ci vis-à-vis des candidatures reçues, pour s’informer du
processus et des critères suivis par les recruteurs. En somme, les réseaux sociaux se
placent plus souvent dans une logique de chasse des profils pénuriques et de
communication sur la structure des ressources humaines pour se donner une visibilité
que dans une optique stricte de recrutement. En 2014, 29 % des professionnels des
RH ont déjà recruté une personne trouvée sur les réseaux sociaux (RegionsJob,
2015), ce qui positionne ces méthodes en tant que canaux complémentaires de
recrutement.

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Un potentiel d’interaction encore en développement

Toutefois, il s’agit encore d’une utilisation en développement puisque l’enquête


réalisée par l’Edhec et JobTeaser (2013) nous révèle que 42 % des étudiants et
jeunes diplômés ne sont pas « fan » de pages d’entreprise sur Facebook en raison de
la dimension personnelle et non professionnelle du réseau. De plus, les réseaux
sociaux sont encore peu utilisés pour entreprendre une véritable interaction entre
candidats et recruteurs : cette interaction paraît ainsi plus être un usage
potentiellement développable des réseaux sociaux. D'après l'enquête Identité
numérique de RegionsJob (2013), 92 % des interrogés interagissent rarement ou
jamais avec les pages d'entreprises dédiées au recrutement sur les réseaux sociaux.
Ces données expliquent partiellement pourquoi seules 15 % des entreprises
consacrent plus de 5 % de leur budget RH aux réseaux sociaux et 29 % y consacrent
du personnel spécifiquement (StepStone, 2013).

Mais l’usage des réseaux sociaux ne s’arrête pas à la veille et à la collecte


active d’informations sur les entreprises ou sur les candidats, puisque ces outils
s’apparentent également à un véritable média de recrutement social qui passe par des
dynamiques de réseau importantes.

I. 2. 2. Un outil de recrutement social

L’efficacité des réseaux en termes de recrutement effectif

Les réseaux sociaux se situent à la quatrième place des canaux de recrutement


les plus utilisés avec 53 % des recruteurs déclarant les utiliser dans ce cadre
(RegionsJob, 2015). Pourtant, si les réseaux professionnels sont effectivement un outil
puissant, on peut se poser la question de leur efficacité en termes de recrutements
effectifs, et celle-ci reste à relativiser. L’enquête Edhec et JobTeaser (2013) utilise le
ratio entre la recherche et le fait de trouver un emploi selon les outils utilisés et relève
ainsi que, pour le moment, les méthodes « traditionnelles » (qui passent plutôt par
l’entourage, les relations personnelles, le réseau de l’école ou son intranet) sont plus
efficaces que les outils « nouveaux » tels que les jobboards, réseaux professionnels
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ou réseaux personnels. Ainsi, c'est plutôt « l'effet réseau » qui semble être le plus
efficace chez les jeunes français.
De manière générale, la cooptation est un canal de recrutement très important
en France : juste après les réseaux sociaux, la cooptation est le cinquième canal de
recrutement le plus utilisé par les recruteurs (RegionsJob, 2015). Toutefois, ce réseau
se numérise, voire même aura tendance à s’élargir à mesure que les communautés
virtuelles de réseautage se développent.

Les réseaux sociaux viennent approfondir une logique de réseau très présente

Les réseaux sociaux numériques sont ainsi un moyen d'approfondir cette


logique de réseau en étendant hors du cercle familial ou du réseau de l'école. Ils se
placent en tant que facteur d'échange plus ou moins formel et permettent aux
entreprises de s'ouvrir aux candidats avec plus de transparence, et en engageant une
véritable conversation. Olivier Fécherolle, le directeur général et stratégie de Viadéo,
l’un des deux grands réseaux professionnels utilisés par les Français, explique
d’ailleurs qu’initialement, la plateforme était « un outil de réseautage entre
professionnels. Ce sont des recruteurs qui sont venus nous voir parce qu’ils étaient
intéressés par ses potentialités. »
L'étude Randstad France et Linkfluence (2015) révèle que le relais des offres
d'emplois sur les réseaux sociaux est essentiellement effectué par les collaborateurs
(pour 6 tweets sur 10 contre 4 effectués par des comptes spécifiques à la promotion
de la marque employeur), puisqu'ils proviennent majoritairement de compte
personnels d'employés, ce qui place les employés comme les ambassadeurs de la
marque employeur auprès de leur réseau personnel. En somme, la fluidification de la
circulation de l’information va renforcer les logiques de cooptation. Même s’il se
présente sous des formes moins spontanées qu’auparavant, puisqu’il se travaille
quotidiennement tant par la promotion d’une image que par la provocation d’échanges
avec d’autres professionnels, le réseau gagne une dimension d’autant plus
fondamentale dans le recrutement avec la présence des réseaux numériques.

Les réseaux sociaux font émerger des plateformes d’échange entre acteurs

Bien que cette technique soit encore en cours de développement en France, les
entreprises ont su puiser dans ces plateformes d’échange pour établir des espaces
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d’échange, de dialogue avec les candidats, créant un véritable dynamisme relationnel.
C’est ce qu’on appellera le recrutement social, basé sur l’échange, la mise en place de
plateformes de questions-réponses (comme c’est le cas avec le site de la SNCF), et
une transparence vis-à-vis des processus de candidature. Via des plateformes
numériques, des évènements promotionnels ou la mise à contribution du candidat (qui
manifeste son intérêt en followant, en se connectant à l’entreprise), les recruteurs
créent de grands espaces de dialogue, plus ou moins spontanés, qui vont permettre
d’attirer et de s’ouvrir à tous les profils. Ces outils font partie d’une stratégie de
communication qui va optimiser et privilégier la prise de contact directe en repérant les
candidats et en opérant une veille sur les réseaux.

Les candidats sont d’autant plus conscients de leur présence numérique

Pour Louise, la première étape dans sa recherche d’emploi passe par la mise à
jour des profils sur les réseaux sociaux professionnels (« Première chose qu’on fait
généralement, c’est mettre à jour tous les profils LinkedIn et compagnie. »). Juliette,
elle aussi, travaille régulièrement sa présence sur les réseaux professionnels, et
passe beaucoup de temps à aller consulter des profils similaires au sien pour élargir
son réseau.
Seuls 21,7 % des candidats interrogés considèrent que leur utilisation
numérique ne les valorise pas auprès des recruteurs, et pourtant pratiquement la
moitié des interrogés (47,8 %) ne se considère pas comme « suffisamment présente
sur les réseaux et plateformes de recrutement ». Les candidats semblent ainsi
particulièrement conscients de ces dynamiques et de la nécessité de se positionner
activement sur les réseaux sociaux de façon à mettre toutes les chances de leur côté
pour favoriser un « repérage » au sein de communautés virtuelles très larges.

Les outils à la disposition des acteurs sont donc nombreux et leurs usages
multiples, puisque des outils comme les réseaux sociaux font émerger un potentiel
d’innovation particulièrement présent. Cette analyse des réseaux sociaux comme
nouveaux dispositifs de recrutement nous amène à une dynamique nouvelle qui vient
s’installer, chez le recruteur comme chez le candidat, au coeur même des processus
de recrutement. L’apparition de l’e-réputation vient alors alimenter les dynamiques de
réseau et les stratégies de recrutement des entreprises comme les stratégies
promotionnelles des candidats. 

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Partie 2 

Les nouvelles dynamiques liées à
l’e-réputation

En France, on décompte vingt-neuf millions de Français actifs (INSEE, 2013)


dont huit millions sont présents sur les réseaux sociaux professionnels. Ceux-ci sont
devenus de véritables espaces d'échange et de veille, de promotion et de réseautage.
Ils permettent une visibilité, une simplicité d'utilisation et se positionnent en outils
« incontournables », en plus de permettre des échanges professionnels facilités
(Harris Interactive, 2013), se positionnant ainsi comme des leviers de cooptation
importants. Certains parleront même de « confiance » nouvelle : les réseaux sociaux
vont produire une forme de crédibilité inédite via un système de validation et de
recommandation qui renouvelle la capacité des recruteurs à se fier aux candidats.
On constate d’ailleurs que 79,7 % des personnes en recherche d’emploi
interrogées déclarent faire attention à leur e-réputation. Et pour cause, puisque la
présence sur les réseaux sociaux suppose de « gérer son image en
permanence » (d’après Antoine B.).
Afin de décrire les changements dans la dynamique du recrutement imputés par
l’apparition de l’e-réputation, on s’attachera à l’enjeu qu’elle représente pour le
recruteur et son entreprise (1) pour poursuivre sur l’approche du point de vue du
candidat (2).

1. Un enjeu à maîtriser pour le recruteur et son entreprise

L’envoi d’une candidature en quelques clics permet au candidat de faire valoir


sa présence sur le marché de l’emploi, mais limite également les chances pour
l’entreprise de recevoir une candidature de qualité, puisque celles-ci peuvent être
dissimulées par une abondance des candidatures qui vient compliquer le travail du
recruteur. La gestion d’un « bon » recrutement dans un environnement où la
compétition est féroce et l’information pléthorique est devenu un véritable enjeu pour
faire valoir la compétitivité d’une entreprise.

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C’est face à cet enjeu que le concept de marque employeur est apparu en
quelque sorte malgré lui, puisque des communautés d'échanges sur l'employeur
émergent spontanément. L’information qui provient de l’interne ne va pas pouvoir être
contenue et sortira du cadre de l’entreprise pour se faire une place sur la sphère
communautaire virtuelle. Alors même si on peut la travailler et exploiter les possibilités
qu’elle offre, on ne crée pas une marque employeur puisqu’elle se développe
spontanément, pour constituer une véritable opportunité d’un point de vue marketing.
Ce nouvel outil va mener à des créations de postes spécifiques, à l’apparition d’une
fonction marketing RH (HR Community manager, responsable marque employeur,
chargés de relations écoles, etc.) conçue s'adapter aux pratiques individuelles des
candidats et répondre à la demande d’informations sur les pratiques RH.
C’est également à partir de l’émergence de ces nouveaux enjeux qu’on va
pouvoir distinguer le recruteur qui répond à un besoin lorsqu’il apparaît à un moment
en particulier, du sourceur qui va construire avec les candidats (et candidats
potentiels) une relation qui s’inscrit dans la durée, en alimentant des communautés et
viviers de candidats sur lesquels le recruteur va, par la suite, pouvoir s’appuyer pour
répondre au besoin spécifique. Le sourceur opère ainsi une gestion proactive du
recrutement qui va faciliter la tâche même du recrutement en limitant le nombre de
candidatures incohérentes, en inadéquation avec les critères requis. Cette relation
nouvelle, c’est ce que Jean-Christophe Anna, consultant pour le cabinet de conseil en
stratégie de recrutement Link Humans, appelle le sourcing conversationnel, qui vise à
séduire et attirer via l’échange, le dialogue avec les candidats sur des thématiques,
des valeurs, des techniques. Cette relation repose ainsi sur l’authenticité, sur l’humain
et sur un engagement plus important et dans la durée, qui va permettre au
recrutement de s’axer plus sur du qualitatif que sur du quantitatif.
Ainsi, l’e-réputation aura trois effets majeurs en termes de changements de
dynamique dans le recrutement : d’une part, l’identité numérique de l’entreprise
devient un véritable critère de choix (1), d’autre part, c’est le recruteur qui sera soumis
à la même évaluation que l’entreprise en termes d’e-réputation (2). Ces changements
pour l’entreprise et pour le recruteur nous amèneront à considérer la maitrise des
enjeux numériques comme une nouvelle compétence indispensable au candidat afin
de constituer sa stratégie de candidature (3).

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II. 1. 1. L’e-réputation de l’entreprise comme critère de choix

La mise en scène des pratiques des entreprises

Aujourd’hui, « le travail cherche et cherchera de plus en plus à se mettre en


scène » (Enlart, Charbonnier, 2013). Les tactiques déployées par les entreprises pour
opérer cette forme de mise en scène sont généralement simples, parlantes, avec des
messages imagés, contenant peu de texte, mais souvent des vidéos et des images
afin de capter immédiatement l’attention et de rendre le contenu plus vivant. Xavier
Pacini, le responsable du développement des dirigeants chez Renault, confirme : « les
photos et les films ont un effet démultiplicateur qui participe à accroître notre
notoriété. »
Mais en quoi consiste le contenu de ces publications marketing ? C’est ce
qu’Olivier Jaskulke (2014), responsable sourcing et digitalisation du groupe Orange,
appelle « plonger, grâce au numérique, un peu plus dans l’entreprise, ses métiers, son
quotidien ». En effet, en 2014, près des deux tiers des entreprises disposeraient d’un
espace RH ou carrière intégré au site de l’entreprise (RegionsJob, 2015), qui sert ainsi
de vitrine de présentation de l’entreprise, ses métiers mais aussi les valeurs qu’elle
promeut. Toutefois, ces pratiques présentent un aspect particulier puisqu’il est difficile
de mesurer le retour sur investissement réalisé, celui-ci étant plus qualitatif que
quantitatif, ce qui nuance la notion de performance des tactiques déployées en termes
d’e-réputation.

L’entreprise est soumise à une évaluation des candidats via une vitrine numérique

53,6 % des personnes en recherche d’emploi déclarent faire attention à la


présence de l’entreprise sur les réseaux sociaux et professionnels, et 72,5 % d’entre
eux ont déjà « suivi » une entreprise sur ces plateformes. D’ailleurs, pour Louise, une
entreprise qui n’a pas de site internet qui fonctionne correctement va lui donner
d’emblée une impression négative. D’autre part, 64,5 % des recruteurs interrogés font
attention à l’e-réputation de leur entreprise, ce qui révèle une certaine conscience de
la part des employeurs de l’importance de la promotion de leur image de marque.
Pourtant, toute l’information qui circule sur les médias sociaux n’est pas gérée,
contrôlée par l’entreprise.

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Le recruteur est devenu l'ambassadeur de la marque employeur, sur les
communautés virtuelles qu'il fréquente comme en réalité. Selon Antoine B., l’apparition
de nouvelles façons d’évaluer l’entreprise va changer la donne : lorsqu’il mentionne ce
qu’il appelle de la « gestion d’image d’entreprise », soit des plateformes comme
GlassDoor11, Meilleures-Entreprises12, qui visent à évaluer la cote de popularité de
cette marque employeur. Il mentionne également des outils moins directs comme
Universum Global qui réunit au sein d’un classement annuel les cent employeurs
idéaux par pays ou dans le monde ; il s’agit là d’un outil moins « contrôlé » par les
employés du groupe L’Oréal, mais qui reste un moyen de gagner en crédibilité.
L’influence de ces plateformes est toutefois à relativiser puisqu’on constate que seuls
21,4 % des recruteurs interrogés évoluent dans une entreprise présente sur les
communautés d’avis sur les entreprises, et que 7,2 % des candidats ont fait
l’expérience d’y contribuer.

Le recruteur est le premier ambassadeur de la marque employeur



Pour Antoine B., le recruteur « a un rôle de valorisation de l’image employeur
énorme » puisque c’est à travers lui que le candidat va « se projeter », il porte les
valeurs de l’entreprise. Le groupe qui l’encadre, L’Oréal, a d’ailleurs lancé un système
de pages dénommé L’Oréal Live qui permet de suivre l’activité des employés, qui met
en avant des selfies entre collaborateurs, des « phrases cultes » typiques des
employés de L’Oréal. Ils opèrent ainsi une véritable promotion de leur marque
employeur en reflétant une ambiance de travail, une culture d’entreprise et en se
rendant transparents sur les méthodes de recrutement employées.
Dans un Tweet du 5 mai 2015, le compte L’Oréal Live (@LorealLive) a par
exemple déclaré : « Digital, communication, finance, RH, marketing etc, découvrez
notre processus de recrutement sur notre chat live! #LOrealStages2015 » afin de se
rapprocher des candidats en leur expliquant le processus de fonctionnement et les
critères de sélection propres au groupe.

11 GlassDoor est une communauté professionnelle qui permet à la fois aux entreprises de promouvoir un
profil employeur, et aux salariés ou candidats d’évaluer leur satisfaction professionnelle vis-à-vis de
l’entreprise : www.glassdoor.fr
12Meilleures-Entreprises.com regroupe des classements selon divers critères (Happy At Work, Happy
Trainee) : www.meilleures-entreprises.com
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Figure n°1
Dans la même optique, le groupe
Publication du 31 mai 2015 SNCF se démarque avec une page
Facebook intitulée SNCF Recrutement
qui répertorie, décrit et permet de
visualiser et de mettre en scène le
quotidien et l’importance des différents
métiers opérationnels de la SNCF via
des vidéos de présentation pour plonger
les candidats dans la réalité des emplois
qui font l’objet d’offres de recrutement
Source : page Facebook SNCF Recrutement (ce qu’on appelle aussi des job stories).

En faisant sa promotion, l’entreprise améliore l’expérience candidat

On voit ainsi se développer une meilleure expérience candidat : celui-ci n'est


plus laissé dans le flou concernant ce à quoi il peut s'attendre, il connait le processus,
les techniques et les critères de l'entreprise, ce qui va lui permettre de se vendre plus
efficacement ou pour le moins de mieux appréhender les raisons qui poussent le
recruteur à refuser sa candidature.
Juliette voit la visibilité et la réputation de l’entreprise sur les réseaux comme un
élément « non négligeable » parmi ses critères de choix d’employeur. Puisqu’elle
recherche un stage de fin d’études, elle évoque notamment la promotion des
stagiaires dans l’entreprise via les réseaux - elle va d’ailleurs mentionner L’Oréal et la
campagne de selfies entre recruteur et stagiaire qui a mené à la publication de plus de
8500 photos (Delsol, 2014). Sans compter que l’absence d’une entreprise sur les
réseaux l’empêche de mener à bien sa stratégie de personal branding, pour elle,
l’entreprise qui ne sait pas se promouvoir sur les réseaux numériques va limiter son
pouvoir d’attraction et donner l’image d’une entreprise qui a « un train de retard ».

Par-delà le travail de promotion de la marque employeur du groupe, de


l’entreprise, la logique d’e-réputation s’étend au niveau personnel. En effet, afin de
compléter une première vague de recherche, l’enquête portera plus spécifiquement
sur le recruteur.

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II. 1. 2. Le recruteur soumis à la même évaluation que l’entreprise

89,8% des personnes en recherche d’emploi déclarent faire attention au profil


de leur recruteur. Il ne s’agit donc pas d’une pratique marginale : le candidat sait
utiliser les outils mis à sa disposition afin de se préparer au mieux à l’épreuve du
processus de recrutement qui l’attend. Cette enquête sur l’interlocuteur constitue un
des piliers de la stratégie des candidats, puisqu’il s’agit le plus souvent du deuxième
volet de recherches réalisées, après l’opération de veille sur les réseaux et sur le Web
: après s’être informé sur l’entreprise, le candidat s’attache à l’individu qui va
représenter la structure.
Pour Juliette, il s’agit de son « premier réflexe » : elle va consulter les profils
auxquels elle a accès et tenter d’avoir une idée plus précise de qui est son
interlocuteur dans le cadre de sa candidature. Louise décrit également son processus
d’« enquête » dès lors qu’elle obtient le nom de son interlocuteur : entrée dans des
moteurs de recherche, consultation des pages personnelles (Facebook, Twitter, voire
même Instagram) ou professionnelles (LinkedIn) pour « se donner un maximum ».
Pour elle, « déjà mettre une tête sur un nom, (…) c’est très éclairant », d’autant que ce
peut être une opportunité de découvrir les centres d’intérêts communs qu’elle pourrait
potentiellement partager avec le recruteur afin d’engager la discussion de manière
plus conviviale ou de se rapprocher d’un recruteur qui se montre trop distant.

On constate que le candidat saura déployer tous les moyens à sa disposition


pour réellement travailler sa candidature. Le développement de telles stratégies par le
candidat amène à se poser la question de la maitrise des outils numériques en tant
que véritable compétence. En effet, la prise en main de telles techniques n’est-elle pas
aujourd’hui indispensable au candidat pour se faire valoir ?

II. 1. 3. La maîtrise des enjeux numériques : une nouvelle


compétence indispensable

Laurent Lefouet, directeur général Europe d’Anaplan, une start-up américaine


qui fournit des solutions de planification cloud pour les entreprises, souligne que « un
avis publié sur un forum professionnel peut servir de fil rouge lors d’un entretien. Une
personne qui arrive face à moi à ce niveau du processus possède les compétences.
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C’est surtout sa capacité à défendre une opinion sans agressivité qui m’intéresse. »13
L’enquête menée par RegionsJob en 2013 évoque plusieurs critères basés sur le profil
numérique et les informations disponibles qui vont jouer en faveur du candidat
(comme les recommandations, des activités externes pertinentes ou une personnalité
recherchée) ou en sa défaveur (informations fausses, mauvaise orthographe, retours
négatifs, mauvaise gestion de la vie privée ou absence d’information).
Près de la moitié (46,7 %) des recruteurs interrogés font attention à la présence
des candidats sur les réseaux professionnels. Chez L’Oréal, la « sensibilité digitale »
est devenue un véritable critère de recrutement : une information qui n’étonne pas
dans une entreprise qui effectue 90 % de ses recrutements via LinkedIn (Delsol,
2014). Et ils ne sont pas seuls : 62,2 % des recruteurs interrogés considèrent comme
très importante la maîtrise des outils numériques. Antoine B. en témoigne en
expliquant qu’il s’agit d’un must-have aujourd’hui, puisque la personne qui ne sait pas
gérer son réseau via les nouvelles technologies va lui paraître « bizarre » et lui
évoquer un individu qui n’a pas su cerner les enjeux actuels du recrutement,
s’exposant ainsi à une forme de discrimination.
Avec cela, on voit apparaître de nouveaux critères chez les recruteurs, de
nouveaux modes d’évaluation des candidats qui vont au-delà de la maitrise des
sciences : on va s’interroger sur la capacité du candidat à s’intégrer à une équipe en
travaillant en collaboration efficace avec ses collègues, sur sa curiosité, sa réflexion et
ses valeurs, puisque l’entreprise se définit de plus en plus par un système de valeurs.

Le recrutement semble ainsi, en s’appuyant sur l’e-réputation, s’orienter vers


une sélection basée sur des critères nouveaux. Le candidat aujourd’hui doit maitriser
sa réputation en ligne et les outils numériques, il doit promouvoir son système de
valeur et savoir répondre à des problématiques plus larges que la simple maitrise d’un
logiciel ou connaissance d’un domaine. Il est alors intéressant de se positionner dans
la logique du candidat afin de comprendre où résident ces nouveaux enjeux et
comment celui-ci pourra ou saura se positionner.

13Bys, Christophe. 2015. “Recrutement  : Les Réseaux Sociaux, Meilleurs Amis Des DRH.” Usine-Digitale.fr.
Consulté le 1er juillet 2015.
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2. L’enjeu pour le candidat

Le candidat, pour se faire valoir, peut développer des stratégies basées sur le
blogging ou le microblogging (pour lequel l’interface la plus connue est Twitter), afin de
se faire connaître tout en maîtrisant le contenu qui va être publié par les entreprises. Il
a également à sa disposition des outils d’alertes généralement gratuits (HyperAlerts,
Twilerts ou Google Alerts) qui permettent d’opérer une veille automatisée de la
présence des entreprises sur les réseaux pour constituer une véritable stratégie
candidat. C’est une communication dans les deux sens qui s’impose ainsi, où
l’entreprise va communiquer au candidat pour qu’il puisse répondre en se
promouvant : il s’agit d’un véritable enjeu double qui s’inscrit dans une logique de
réponse. C’est pourquoi il est important pour le candidat de maîtriser les différents
outils dont il dispose pour répondre efficacement aux moyens déployés par les
entreprises.
Le candidat sera ainsi soumis à la même enquête, collecte d’informations qu’il
réalise sur le recruteur (1), bien qu’il soit généralement sensibilisé à ces
problématiques nouvelles (2). Une large palette d’outils s’offre ainsi au candidat, dès
lors qu’il maitrise les enjeux numériques, pour établir une stratégie de personal
branding, de promotion personnelle via les nouvelles technologies (3).

II. 2. 1. Les candidats sont soumis à la même enquête que les


recruteurs

Selon l’enquête Sourcing des cadres réalisée sur l’année 2014 par l’Apec, lors
de deux recrutements sur dix, on a pu observer une recherche d’informations
supplémentaires via les moteurs de recherche ou les réseaux numériques de la part
du recruteur. L’enquête de RegionsJob de 2013 qui fait l’état des lieux du recrutement
sur les réseaux sociaux révèle que 48 % des recruteurs se renseignent sur les
candidats via une « googlisation » et l’effet n’est pas neutre puisqu’un tiers des
interrogés déclare avoir déjà utilisé ces informations pour écarter un candidat ou au
contraire, pour prendre la décision de le recruter.
Pour 53,3 % des recruteurs interrogés, l’attention portée au profil du candidat
est un moyen de mieux évaluer sa personnalité. Pour Juliette, s’il est évident que le

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recruteur aura le réflexe de consulter l’identité numérique du candidat, il ne s’agit pas
d’un handicap puisqu’au contraire, « il peut se faire une idée beaucoup plus globale
que professionnelle sur le candidat ». Elle considère cette transparence comme un
nouvel outil pour évaluer l’adéquation de la personnalité du candidat avec le poste ou
l’entreprise : « je pense que c’est même mieux qu’un entretien de personnalité ».
La transparence qui vient s’installer entre recruteur et candidat peut également
être un outil au service du candidat pour se valoriser : Juliette décrit une situation dans
laquelle le candidat a pu mener son enquête sur le recruteur qui le recevait, lui
permettant ainsi de rebondir sur des intérêts communs, quitte à sortir du domaine
strictement professionnel pour révéler sa personnalité, faisant ainsi de l’entretien une
véritable conversation entre deux individus : « on a moins l’impression que le recruteur
est omniscient, il sait tout de nous, c’est le grand méchant qui est là pour vraiment
nous mettre des barrières, mais au contraire plus un plan de convivialité. »

Ainsi, le candidat est soumis à une enquête approfondie de la part du recruteur,


mais ne perçoit pas forcément cet élément comme négatif, bien qu’il puisse l’être dans
certains cas, puisqu’il s’agit également d’un moyen de se mettre en valeur. Il est
important de noter que la problématique de transparence qui s’impose au candidat
avec les nouvelles technologies fait l’objet d’une vaste sensibilisation auprès des
candidats, contrairement aux recruteurs qui ressentent un besoin moins important de
maitriser leur e-réputation.

II. 2. 2. Les candidats font l’objet d’une sensibilisation à ces


problématiques

Les candidats semblent largement sensibilisés à ce type de problématiques


puisque 97,1 % des interrogés ont déclaré considérer comme importante la maîtrise
des outils numériques dans le cadre d’une recherche d’emploi. Il s’agit même pour
certain d’une opportunité pour se faire valoir puisque 33 % des personnes interrogées
dans le cadre de l’enquête Identité numérique de RégionsJob (2013) ont déclaré
mettre en ligne du contenu visant à mettre en valeur leur parcours professionnel ou
leur expertise sur internet. Pour Juliette, l’e-réputation est un enjeu à maîtriser et peut
faire la différence lors de sa recherche de stage, puisque la maîtrise de son identité
numérique constitue une preuve de capacité d’adaptation aux enjeux actuels : « une
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page LinkedIn mal complétée, le RH va forcément le voir tout de suite. » Pour elle, il
s’agit de maitriser les enjeux actuels, mais aussi de s’adapter au monde qui nous
entoure. Elle évoque une sensibilisation et une responsabilisation quant à la gestion
de sa réputation personnelle sur les réseaux : « le bon candidat, c’est celui a compris
les enjeux et qui va faire attention à le laisser paraître. »
Lorsque je l’ai interrogée sur l’attention qu’elle portait à son e-réputation, Louise
a surtout mentionné la logique de gestion de la confidentialité de ses profils : elle
s’inquiète de savoir si les photos qu’elle publie sur Instagram sont « répréhensibles »
ou non, si des individus hors de ses réseaux ont la possibilité de consulter ses profils
et si oui, à quels informations ils peuvent avoir accès (« mur » Facebook, photos
publiées, etc.) Elle fait partie des 76 % des individus qui ferment l’accès à leur profil
Facebook au grand public (RegionsJob, 2013). Et pour cause, puisque 53,3 % des
recruteurs interrogés déclarent attacher de l’importance aux profils de leurs candidats
sur les réseaux.

S’ils peuvent potentiellement instrumentaliser l’enquête menée par les


recruteurs à leur sujet, les candidats disposent également d’une palette d’outils
particulièrement large afin de se mettre en avant et d’engager l’attention du recruteur,
dès lors qu’ils maitrisent cette problématique de promotion individuelle.

II. 2. 3. Le personal branding : une large palette d’outils pour se


promouvoir

Le candidat d’aujourd’hui, qu’il soit actif ou passif (déclaré ou non), opère une
veille permanente pour se tenir à l’écoute du marché quelle que soit sa situation. C’est
pourquoi il doit développer des stratégies de promotion de sa marque personnelle, par
exemple en s’investissant dans des hubs, des groupes des discussion ou de débat
portant sur des sujets spécifiques, des secteurs d’activités en particulier, etc. pour se
faire repérer et éventuellement tisser des liens et approfondir son réseau avec des
recruteurs. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’obtenir l’information, ce qui est de plus
en plus simple et automatisé, il s’agit de savoir la traiter, la mettre en avant. Le « bon
candidat » doit savoir être un bon communicant pour se faire valoir, la communication
se faisant compétence nécessaire à bon nombre de postes. D’autant plus que le

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candidat démontre ainsi sa capacité à être un bon ambassadeur de marque et
promeut sa valeur en tant que recrue « utile » auprès du recruteur.
Le candidat dispose également de moyens d’élargir son réseau en étant présent
sur les réseaux numériques ; plutôt qu’une présence ponctuelle à des forums
professionnels ou évènements scolaires, le candidat pourra travailler régulièrement et
activement ses cercles pour tenter d’approfondir les opportunités qui lui sont offertes
par son réseau initial. De plus, les réseaux numériques, plus ouverts et plus vastes,
permettent de sortir dans une logique relativement discriminatoire fondée uniquement
sur les relations personnelles : il est plus facile de se constituer un réseau via ces
nouveaux moyens lorsqu’il est initialement faible chez le candidat que ça ne l’était
auparavant. C’est donc le « capital relationnel », idée soulevée par Girard (2012),
centrée autour des relations dont dispose un individu pour se promouvoir, qui va se
faire plus visible et plus présent en tant qu’atout pour le candidat.
Certaines plateformes de social media monitoring (comme Kloud, Kred ou
encore Digimind) se sont développées dans le but d’évaluer la présence sur les
réseaux sociaux et la publication de contenu de qualité en proposant d'optimiser
l'utilisation de ces outils dans une optique de personal branding. Mais l’engagement du
candidat en ligne n’a pas seulement un aspect quantitatif, puisqu’il marque également
sa participation à une sorte de « course à l’originalité » où chacun voudra se
démarquer à tout prix, en se plaçant comme le profil atypique qui sort du lot. En effet,
les nouvelles technologies constituent un outil primordial pour exprimer sa
personnalité, sa créativité et son originalité. Une étude menée par CV-originaux.fr
(Ruel, 2014) relève que 41 % des CV originaux passaient par le web. La possibilité de
se démarquer ou de « faire le buzz » est une opportunité rêvée pour un candidat qui
cherche à impressionner un recruteur en utilisant les particularités de l'entreprise pour
montrer son attachement et sa volonté de s’engager véritablement.
Les candidats disposent de ressources de plus en plus variées pour « sortir du
lot » et mettre en valeur leur marque personnelle ainsi que leurs compétences : CV
vidéos, sites de présentation du parcours professionnel (par exemple
www.mycvfactory.com qui propose de créer un CV à l’image du candidat, ou encore
DoYouBuzz, resumeup.com, etc.), plateformes personnelles pour présenter son profil
de manière interactive et vivante… Le site d’emploi monster.fr a par exemple lancé un
hashtag (#RecrutezMoi) pour mettre à l’honneur des candidats, leur parcours et leur
expérience, en diffusant les Tweets dans l’heure de midi sur un écran géant de
l’Esplanade de la Défense. Certains cabinets tel que MaJobbox proposent même des
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services pour assister les candidats dans la mise en place de techniques de mise en
valeur via les nouveaux outils graphiques exploitables sur le Web. Il faudra cependant
savoir faire le tri parmi une multitude d'outils pour mieux cerner les plateformes sur
lesquelles les recruteurs vont se trouver, puisqu'une promotion active de sa marque
personnelle peut être extrêmement chronophage.

Recruteurs et candidats se voient donc confrontés à une logique nouvelle, celle


de la gestion d’une identité numérique qu’il faudra apprendre à maitriser de façon à
promouvoir une marque employeur ou tout simplement un profil candidat. Cette
dynamique vient s’insérer au coeur de la relation entre recruteur et candidat,
puisqu’elle ouvre de nouvelles portes d’interaction et modifie du fait d’une
transparence nouvelle un rapport de force établi auparavant en faveur du recruteur. La
question qui se pose ainsi est celle du changement observé dans cette relation
personnelle, humaine à la suite de l’utilisation de ces nouveaux outils mis à la
disposition de chacun. 


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Partie 3 

La relation recruteur-candidat à
l’épreuve des nouvelles
technologies

Marie, qui gère les ressources humaines pour un cabinet de recrutement pour
étudiants, définit le rôle du recruteur comme le Cerbère, ou encore le « gardien de
l’ambiance ». Selon les termes de Amélie, le recruteur évalue « le savoir-être » du
candidat. Mais la relation entre recruteur et candidat s’inscrit avant tout dans une
optique de recherche d'une forme de cohésion et d'adéquation entre l'entreprise et le
candidat, entre les valeurs du candidat et de l'entreprise, les compétences et tâches
confiées. Le but de cette interaction est d'atteindre un objectif commun, puisque le
recruteur recherche un collaborateur efficace et qui pourra intégrer une équipe sans
problème, et le candidat cherche à intégrer une équipe et mettre ses compétences au
service d’un groupe. Les deux intervenants prennent une forme de risque : l'entreprise
cherche un candidat qui lui correspond, tandis que le candidat cherche un poste qui lui
correspond, et tous deux risquent de se tromper.
Ainsi, pour mettre la relation entre recruteur et candidat à l’épreuve des
nouvelles technologies, on distingue une forte logique émergente de maitrise de
l’information dans un cadre de transparence qui fait évoluer les enjeux des acteurs (1),
et qui va venir modifier la dynamique relationnelle qui confronte ces deux acteurs (2).

1. Maîtrise de l’information et dynamiques de


transparence

Les nouvelles technologies vont révolutionner la façon dont est gérée (ou non)
l’information. Ainsi, dans un monde connecté, entreprises, recruteurs et candidats vont
voir la maitrise de l’information leur échapper (1), et cette transparence nouvelle

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produit des effets sur le lien entre ces entités (2), qui se perçoit notamment dans la
rupture de barrières conventionnelles auparavant établies entre personnel et
professionnel, entre formel et informel (3).

III. 1. 1. La perte de la maîtrise de l’information

Pour Fondeur (2006), internet fait converger le marché de l’emploi vers le


modèle de la coordination marchande, avec une transparence, l’absence
d’intermédiaires et une réactivité immédiate. Pourtant, ce qu’il juge problématique
avec cette accessibilité étendue à l’information, c’est qu’il ne s’agit que d’une
transparence de surface : l’information pléthorique devient beaucoup plus difficile à
traiter. Le travail consiste, selon ses termes à distinguer le « signal » (les informations
pertinentes) du « bruit » (les informations superflues). Cette information « bruitée » va
donc exiger du recruteur un effort de traitement épuisant parmi une « jungle » de
candidatures qui ne seront pas toujours cohérentes.
Pour les recruteurs, l’abondance de l’information provoque une abondance de
candidatures qu’il faudra trier : l’exercice de tri n’étant pas (encore) automatisé, le
recruteur prend en charge une large quantité de travail afin de limiter l’impact du
« bruit », de cette information superflue qui vient perturber les mécanismes classiques
de sélection.
Pour Amélie, ancienne chargée de recrutement actuellement en recherche
d’emploi, la perte de la maîtrise de l’information, à la fois pour le recruteur et pour le
candidat constitue un « problème », voire même dans « danger » pour les recruteurs
qui « ne peuvent pas non plus se permettre de tout mettre sur internet ».
Cette perte de maîtrise va laisser place à la désinformation, en délitant vie
personnelle et professionnelle, vie privée et vie publique, risquant ainsi de porter
préjudice à l’entreprise, au recruteur ou au candidat. L’entreprise ne maîtrise pas
toujours les communautés formelles ou informelles qui vont toucher à son image :
c’est le risque de bad buzz que l’entreprise prend en s’exposant aux communautés
virtuelles (on citera l’exemple de l’hypermarché Cora de Mondelange en 2011, qui a
généré un tollé sur les réseaux visant sa politique RH suite à un licenciement)14.

14Contenay, Anne-Julie. 2011. « La Caissière de Cora Sauvée Par Le Web. » Europe 1. Consulté le 6 juin
2015.
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C’est par ailleurs cette perte de la maitrise de l’information qui va enclencher de
nouveaux mécanismes, voulus ou non, de transparence. Et que l’entreprise le
souhaite ou non, les informations qui concernent ses pratiques RH vont être exposées
sur le Web via de nombreuses plateformes entièrement libres, ce qui présente
évidemment un risque. Alors cette transparence pourrait-elle donner un avantage à
l’un des acteurs, recruteur ou candidat ?

III. 1. 2. Les effets de la transparence sur la relation

Pour 53,8 % des interrogés, les outils numériques rendent la relation entre
recruteur et candidat plus transparente. Toutefois, on peut s’interroger sur les effets de
la transparence de cette relation. En cherchant à promouvoir sa marque employeur,
l’entreprise va améliorer l’expérience candidat, c’est-à-dire le ressenti du candidat vis-
à-vis de sa candidature au sein d’une entreprise, et se rendre plus humaine, quelle
que soit la conclusion de l’interaction entre le recruteur et le candidat. Mais qu’en est-il
vraiment ? Quelle est la perception de chacun ?
Pour Louise, si elle doute d’un changement fondamental dans sa perception de
l’entretien, elle remarque tout de même que cette transparence peut aider le candidat,
qui saura plus aisément se « donner une contenance, une posture ».
Amélie, elle aussi, parle de « premier réflexe » d’aller consulter les profils de
son interlocuteur. Pourtant, elle considère qu’il y a un risque de perte de « crédibilité »
dans sa relation au candidat, comme dans celle qu’elle peut avoir au recruteur. Cette
notion de crédibilité ou de confiance marque l’importance notable de l’information
comme composante de la relation ; mal gérée, mal interprétée, elle peut engendrer
des conséquences particulièrement nocives pour tous les partis concernés.

À l’évidence, la question qui se pose face à une telle perte de contrôle, un tel
effacement des frontières conventionnelles, est celle de la redéfinition de la rupture qui
existe ou doit exister entre l’individu dans son optique individuelle, personnelle et sa
place au sein d’un groupe, en tant que membre du monde professionnel. L’individu, en
portant cette double-casquette et en utilisant des outils identiques pour une promotion
personnelle comme pour une promotion de la structure à laquelle il appartient, voit
émerger une problématique nouvelle : celle de la limite qui oppose ces deux aspects
de sa présence numérique.
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III. 1. 3. À la frontière du personnel et du professionnel, du formel et
de l’informel

Un sondage réalisé par Clémentine Jobs révèle que plus de 8 répondants sur
10 avouent se connecter aux réseaux sociaux à des fins personnelles et/ou
professionnelles sur leur lieu de travail15. Ce phénomène est renforcé par l’apparition
du bring your own device qui permet aux employés de s’équiper de leur matériel
personnel, configuré à leur souhait, sur leur lieu de travail afin d’opérer
quotidiennement. Ces nouvelles problématiques numériques semblent jeter un flou sur
la distinction entre personnel et professionnel. Pour Jean-Denis Garo, directeur
communication et marketing du groupe Aastra Technologies, spécialisé dans la
communication d’entreprise, les réseaux sociaux vont poser ce problème de frontière
entre l’individu et le collaborateur : « un collaborateur qui parle sur Twitter, le fait-il en
son nom ou au nom de sa société ? Peut-on tout dire ou pas ? »16
Antoine B. perçoit une « humanisation » du recruteur via cette transparence,
mais aussi une « démystification » de la figure du Cerbère dont parlait Marie ; pour lui,
les nouvelles technologies vont mettre en perspective cette « frontière entre personnel
et professionnel », en prenant l’exemple des réseaux sociaux qui confondent les deux
aspects de la vie d’un individu. Et ce phénomène ne se limite pas à quelques
recruteurs : 44,5 % des recruteur et 52,1 % des candidats ont déclaré ressentir une
forme de « brouillage » de la frontière entre personnel et professionnel.
Il évoque notamment le problème de l’aspect formel d’une communication qui
passera par des média généralement informels (type messages texte) : le recruteur
sort d’un cadre délimité et régulé par des normes et des codes formels pour s’adresser
au candidat d’une nouvelle manière, en passant par des média dédiés à une utilisation
personnelle ; tandis qu’avant l’arrivée de ces nouvelles technologies, il existait des
moyens typiquement formels de candidater ou de contacter le recruteur.

Les nouvelles technologies vont ainsi obliger recruteurs et candidats, mis à


l’épreuve d’une transparence qui s’impose à eux de jour en jour, à adopter de
nouveaux codes d’interaction. Cette transformation des codes spécifiques aux

15Tripard, Judith. 2015. “«  La Majorité Des Recrutements de Cadres Se Font Par Réseaux Actuellement  ».”
Cabinet de Recrutement Paris, Digital, Web, Informatique et Big Data.
16 Laugier, Edouard. 2012. “Le DRH Du XXI Ème Siècle.” Le Nouvel Economiste. Consulté le 12 mai 2015.
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recrutement s’inscrit dans la constitution d’une dynamique entièrement nouvelle dans
la relation même entre recruteurs et candidats.

2. Les changements dans la dynamique relationnelle

Pour 64,2 % des personnes interrogées (toutes catégories confondues), les


outils numériques vont influencer la relation entre le recruteur et le candidat. Lorsqu’on
les interroge sur la qualité de cette influence, 36,4 % des interrogés considèrent
qu’elle est négative contre seulement 23,3 % de l’opinion inverse. On remarque donc
une impression globalement négative de la part des deux catégories, qui nous amène
à approfondir les différents effets possibles, négatifs ou positifs.
Aussi, si 37,8 % des recruteurs interrogés ont évoqué un changement de
perception du candidat suite à la consultation du profil, ils n’ont pas pour autant
déclaré que l’attention au profil affecte leur attitude au cours de l’entretien. Ce constat
peut s’expliquer par la volonté de maintenir une certaine neutralité vis-à-vis de la
position relativement distante et impartiale que le recruteur se doit d’adopter avec le
candidat.
Toujours est-il que la relation entre recruteur et candidat prend de nouvelles
dimensions avec l’arrivée de ces nouveaux outils : elle devient instantanée, plus
ouverte, plus personnalisable (si ce n’est personnalisée). Elle est désormais marquée
par une rapidité du transfert d’information qui va amener un impératif de réactivité, de
la part des candidats comme des recruteurs.
Ainsi, on va constater d’une part une évolution dans la perception de cette
relation entre candidats et recruteurs (1) qui va amener un nouveau rapport de force
entre les acteurs (2), et une nouvelle forme de proximité entre ces deux entités (3).
Ces changements, en rendant la relation recruteur-candidat plus humaine, plus
personnelle, moins standardisée vont aboutir à une redéfinition des profils (4).

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III. 2. 1. L’évolution de la perception de la relation

Une relation de plus en plus personnalisée

36,9 % des interrogés considèrent que la relation est rendue plus personnalisée
par l’utilisation des outils numériques. Cette personnalisation s’explique par une sorte
de « mise à l’honneur » de l’individu en tant que personne à part entière : le recruteur
est un individu qui va être contacté sur son profil ou sa messagerie personnelle, et non
pas en tant que chargé de recrutement quelconque. Son profil, son parcours, sa
position sont connus du candidat, ce qui le place dans la même optique d’exposition
que le candidat, créant ainsi une relation horizontale, globalement plus équilibrée.
L'apparition d'applications mobiles comme Kudoz, Freeler ou encore Let's Meet
de Viadéo, basées sur le modèle de Tinder17, en dit long sur cette forme de
personnalisation ultra-rapide qui va produire un matching. La démarche est également
différente puisque recruteur et candidat s'exposent dans une démarche active et se
trouvent mutuellement sans risquer de ne pas intéresser leur interlocuteur dans une
démarche unilatérale. L'idée est donc d'aller plus loin que le simple ajout à un réseau
social (personnel ou professionnel) puisque le processus de matching est suivi d'une
rencontre, ce qui n'est pas toujours une évidence en ce qui concerne les ajouts aux
réseaux.

On peut constater les changements dans la perception des acteurs en prenant


l’exemple des effets produits par l’action de consulter le profil du recruteur, en se
plaçant du point du vue du candidat.

17Tinder est une application consacrée aux rencontres entre individus qui fonctionne avec la présentation
d'un match, un profil correspondant, que l'interlocuteur va accepter ou refuser en « swipant », en glissant
simplement d'un côté ou de l'autre de l’écran.
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Tableau n°3
Récapitulatif des différents effets produits par l’action de consulter le profil du recruteur en tant que
candidat (en % d’interrogés)

Pas d’accord Neutre D’accord

Effet rassurant 13 % 39,1 % 47,8 %


Effet effrayant 36,2 % 50,7 % 13 %
Meilleure préparation 11,6 % 10,1 % 78,3 %
Pistes de discussion 13 % 23,2 % 63,8 %
Humanisation de l’interlocuteur 31,9 % 14,5 % 53,6 %

Egalisation de la relation 56,5 % 30,4 % 13 %


Changement dans la perception 23,2 % 20,3 % 56,5 %

Changement dans l’attitude 34,8 % 33,3 % 31,9 %

Source : enquête personnelle

Un effet globalement rassurant

Lorsqu’on étudie les réactions que produit le fait de consulter le profil de


l’interlocuteur chez les candidats, on constate que quasiment la moitié des répondants
se voient rassurés par l’apport de ces nouvelles informations, tandis que seulement 13
% perçoivent cet acte comme effrayant. Ainsi, cette transparence nouvelle constitue
pour le candidat une chance de préparer plus sereinement son entretien, en brisant
l’idée d’intimidation propre à la rencontre d’un recruteur omniscient pour ramener la
relation du candidat à son recruteur à une forme d’équilibre. Notons que l’effet
rassurant mentionné ici peut s’avérer conséquent, puisque le candidat « rassuré »
saura se présenter de manière plus détendue et par conséquent plus authentique, en
se comportant plus simplement. En admettant que l’entretien de recrutement n’est pas
une épreuve de force pour laquelle la pression serait un élément essentiel, on peut
considérer qu’il s’agit donc d’une opportunité d’améliorer la façon de recruter en
faisant preuve de transparence face au candidat.

Le candidat, mieux préparé, va humaniser le recruteur

Pour 78,3 % des candidats, cette prise d’information est un moyen de se


préparer pour l’entretien, ce qui explique l’effet rassurant qu’elle peut produire. Cette

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préparation s’explique d’abord par la découverte de pistes de discussion, mais aussi
sans doute par l’idée selon laquelle le candidat a tendance à placer le recruteur sur
une sorte de piédestal en lui accordant énormément d’importance et en considérant
qu’il s’agit d’un individu « supérieur » puisqu’il détient le pouvoir de décision vis-à-vis
du candidat.
Le fait de s’apercevoir que le recruteur peut être un stagiaire, un jeune diplômé,
originaire d’une école familière va avoir pour effet de faire du recruteur une personne
« comme les autres ». Pour 53,6 % des interrogés, elle va « humaniser » le recruteur,
ce qui reflète cette idée de relativisation de la place du recruteur dans l’entreprise ou
de manière plus générale.

La transparence n’amène pas l’égalité dans la relation

Toutefois, seulement 13 % des répondants ont déclaré que ça leur donnait une
impression d’égalité avec le recruteur : cette humanisation et cette préparation
n’enlèvent donc pas pour autant le sentiment selon lequel le recruteur est l’être
supérieur qui a pour rôle de juger à son gré. On remarquera alors que si la perception
du recruteur et de l’entretien changent pour plus de la moitié des interrogés, on ne
distingue pas pour autant un changement dans l’attitude lors de la rencontre et vis-à-
vis de l’interlocuteur : le candidat mieux préparé reste dans son optique de
candidature et ne change pas pour autant l’image qu’il voudra renvoyer.

La perception du candidat semble ainsi évoluer vis-à-vis du recruteur lorsqu’il


dispose des nouveaux outils offerts par les nouvelles technologies : on constate une
relation perçue comme plus personnalisée, plus humaine, qui améliore l’expérience
candidat en lui donnant les moyens de mieux préparer sa candidature. Les
changements constatés dans la perception de la relation vont mener à une
transformation dans le rapport de force, qui penchait auparavant plus largement en
faveur du recruteur.

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III. 2. 2. Un nouveau rapport de force

Une étude quantitative auprès de DRH présentée par l’ANDRH en 2011 révèle
que 86 % des professionnels des ressources humaines perçoivent les réseaux sociaux
comme « une nouvelle forme de lien social ».
Du point de vue du recruteur, le rapport de force change indéniablement.
Antoine B. explique qu’avec l’arrivée des nouvelles technologies et des plateformes de
promotion de la marque employeur (mentionnées précédemment), « l’entreprise a tout
intérêt à soigner beaucoup plus encore qu’avant son image (…) on a intérêt à être très
exigeants par rapport à ça et être vigilants » : le recruteur aurait donc perdu une part
de sa liberté, et doit s’en tenir à des règles de correction comparables à celles qu’on
peut imaginer pour le candidat.
Juliette perçoit également, du point de vue du candidat, ce changement dans le
rapport de force : « Avant les outils numériques, y avait une relation d’infériorité parce
qu’on se disait « le recruteur sait tout de moi et je ne sais rien de lui. » » Pour elle, il y
a un rééquilibrage du rapport de force dès lors que le candidat est aussi informé que
le recruteur et dispose des mêmes « armes ».
Ainsi, le recruteur et le candidat se retrouvent face aux mêmes problématiques :
chacun va disposer d’informations sur son interlocuteur, et tenter de donner la
meilleure image à la personne qui se trouve en face de lui.

De nouveaux « codes » d’interaction

Pour Antoine B., les nouvelles technologies viennent « casser certains codes
traditionnels » dans la relation entre le recruteur et le candidat. Désormais, le candidat
peut très simplement et de sa propre initiative prendre contact avec un recruteur,
l’ajouter à ses cercles sur un réseau, lui envoyer un message privé ou un InMail18
librement. Le changement s’opère lorsque les deux parties peuvent entrer en contact
et opérer une veille via les mêmes outils, et la prise de contact n’est plus uniquement
le fait du recruteur suite à une chasse ou au dépôt d’une candidature classique.
Recruteurs et candidats s’ouvrent plus aisément et vont aller se confronter à leur
interlocuteur en toute simplicité. Il s’agit d’une forme d’interaction nouvelle du point de
vue du recrutement puisqu’elle place un plan d’égalité d’accès au marché des offres

18 InMail est le nom du service de messagerie privée inclut dans la plateforme professionnelle LinkedIn.
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candidats et recruteurs pour qu’ils puissent s’informer et se promouvoir de la même
manière.

La transformation du rapport de force s’observe notamment dans la logique de


proximité entre les deux acteurs, puisque la numérisation de cette relation humaine
pose la question du ressenti d’une relation « longue distance » et pourtant si proche.

III. 2. 3. Le facteur proximité

La fin d’une relation longue distance ?

40 % des recruteurs interrogés considèrent que les outils numériques renforcent


leur proximité avec les candidats, contre seulement 11,1 % de l’avis contraire. Antoine
B. voit lui aussi dans les nouvelles technologies un changement quant à la proximité
vis-à-vis du candidat. Pour lui, l’entretien est une « relation longue distance »
initialement, alors que les nouvelles technologies vont venir opérer un rapprochement
dans cette relation. Cette nouvelle proximité, bien que parfois difficile à gérer, a ses
avantages, puisqu’il a eu l’occasion de travailler avec des collaborateurs situés en
Australie et qu’il s’agit pour lui d’un facilitateur indéniable en termes de collaboration,
même s’il faut savoir « se méfier du retour du bâton. »

Le recruteur s’adapte à une nouvelle proximité

Une sorte de perception double s’impose ainsi : le recruteur qui voit son rapport
au candidat changer devra apprendre à gérer cette proximité nouvelle et
« déroutante » (d’après Antoine B.) mais elle va également permettre de mieux gérer
les membres d’une équipe ; ce changement de dynamique dans la proximité entre
recruteur et candidat semble être une arme à double-tranchant.

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Le candidat : proximité à l’entreprise et au recruteur

Figure n°2
Pour le candidat, il faudra distinguer deux
éléments. D’une part, la proximité à l’entreprise Proximité des candidats à
l’entreprise et au recruteur 

semble être renforcée par les outils numériques (en %)
(pour 43,5 % des candidats interrogés), sans 50

doute grâce au développement de stratégies de 37,5


promotion de la marque employeur qui laissent
25
suffisamment d’informations au candidat pour se
faire une opinion. Pourtant, la proximité au 12,5

recruteur d’autre part n’est que faiblement 0


Moins proche Neutre Plus proche
renforcée par l’usage des nouvelles technologies
avec 31,8 % de personnes en recherche Au recruteur À l'entreprise
d’emploi ayant déclaré se sentir plus proches du
Source : enquête personnelle
recruteur contre 26,1 % de l’avis contraire. On
notera une certaine neutralité quant à cette proximité, visible sur le graphique ci-
dessus, qui nous permet de mettre en perspective les cas particuliers, selon la
stratégie adoptée par l’entreprise, sa réputation, ou l’attrait initial du candidat.

Plus humaine, plus personnalisée, plus proche : la relation entre recruteurs et


candidats semble prendre une toute autre dimension avec l’arrivée des nouvelles
technologies. Et ces changements vont induire une dé-standardisation des techniques
de recrutement comme des attentes et critères des recruteurs et des candidats. Dans
une logique de personnalisation et d’ouverture amenée par les nouvelles technologies,
on constate alors une forme de redéfinition des profils.

III. 2. 4. La redéfinition des profils

La définition des profils est un enjeu clé du recrutement. Bien que difficile à
mesurer, certains témoignages et certaines pratiques semblent évoquer une
inadéquation partielle entre le profil du candidat et le profil recherché par une
entreprise. Dans un recrutement sur deux (Apec, 2014), le candidat n’avait pas
l’expérience souhaitée par l’entreprise, ce phénomène étant renforcé par la jeunesse

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du candidat : ces statistiques ouvrent à une réflexion sur les profils recherchés sur les
entreprises et nous permettent de nous interroger sur l’adéquation de l’offre-type aux
profils variés des candidats.
Un des problèmes mentionnés par Louise est le suivant : elle sort de cinq ans
d’études dans le domaine de la Communication et n’a qu’une expérience limitée aux
Relations Presse qui lui a laissé une impression négative et recherche ainsi un
nouveau type de poste, sans pour autant savoir exactement lequel. Or, lors des
inscriptions auxquelles elle a procédé sur diverses plateformes, elle a constaté qu’on
lui demandait une description détaillée du poste qu’elle recherche ou qui lui
conviendrait le mieux. Elle ne sait tout simplement pas comment définir ce qu’elle
recherche et peine à dénicher un titre de poste précis qui s’appliquerait à sa
recherche. Le problème des usages traditionnels des plateformes numériques qui
mettent en contact recruteurs et candidats est donc celui de la définition des profils,
qui ne se standardise pas aussi simplement qu’on pourrait le penser.
Amélie évoque d’ailleurs la même idée en évoquant la nécessité de réaliser un
« tri », du point de vue du recrutement, puisqu’une grande partie de son travail
consistait à contrôler et trier en permanence les réponses aux offres reçues, d’autant
qu’il s’agissait de critères précis pour lesquels la sélection était difficile.
Toutefois, l’introduction des nouvelles technologies dans les pratiques de
recrutement semble changer la donne. En effet, aujourd’hui, certaines entreprises
comme par exemple le groupe L’Oréal ont opté, au vu de ces faiblesses du
recrutement numérisé, pour une méthode de candidature innovante : les candidats ne
postulent pas à un poste précis mais à un domaine de compétence, pour définir par la
suite en fonction du profil particulier de l’individu un poste qui lui conviendrait,
répondrait à ses attentes et à ses ambitions. On remarque que le recrutement,
confronté à la standardisation et à une forme d’« informatisation » des données
envoyées et reçues, semble évoluer vers des pratiques moins cadrées, plus ouvertes
et là aussi, plus humaines.
Et c’est justement par les nouvelles technologies que cette personnalisation du
recrutement pourrait passer : certains groupes ont déjà commencé à penser la
redéfinition des postes et du recrutement de profils via, par exemple, des serious
games ou business games qui ne reposent pas seulement sur l’attractivité des
candidats mais aussi sur l’idée d’une assistance dans le recherche pour assurer une
cohésion entre les attentes du candidat et celles du recruteur.

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Antoine B., manager RH au sein du groupe L’Oréal, évoque la création d’un jeu
d’entreprise dénommé Reveal, destiné à analyser d’après la personnalité des
candidats leur affinité métier, en triant par « univers métier » (commerce, recherche,
marketing ou finance) les candidats pour qu’ils répondent à des questionnaires et
découvrent ainsi un profil métier d’une part, et un pourcentage d’affinités, de
correspondance aux valeurs de l’entreprise d’autre part.
Mais d’autres méthodes encore se développent sur l’idée d’un tri automatisé
des profils par des systèmes informatiques. On observe par exemple la réalisation
d’un matching entre candidats et entreprises en fonction non seulement du profil
scolaire et du parcours professionnel, mais aussi de la personnalité et des valeurs qui
candidat en cohésion avec celles de l’entreprise. Celles-ci sont parfois centrales
comme dans certains grands groupes qui l’intègrent même à leurs critères de
recrutement. 


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Conclusion
Le recrutement soumis à la révolution technologique

Ce travail nous a ainsi permis d’éclairer les disparités de pratiques des


entreprises et des candidats via les nouvelles technologies, et plus particulièrement de
faire un état des lieux des potentialités des réseaux sociaux en tant que dispositif
émergent dans le cadre du recrutement. Les réseaux sociaux vont par ailleurs faire
apparaître l’idée d’e-réputation, d’identité numérique qui va se positionner comme
enjeu majeur chez les entreprises, les recruteurs et les candidats en les plaçant ainsi,
non seulement sur les mêmes plateformes, mais aussi dans une logique commune de
promotion. Enfin, l’apparition de ces nouveaux outils aux utilisations variées et de
cette dynamique d’e-réputation vient bouleverser la relation entre recruteur et candidat
pour y apporter une perspective numérique entièrement nouvelle, facteur de difficultés
de maitrise d’une information fluide dont l’asymétrie se dissipe, mais aussi
d’humanisation d’une relation pourtant largement numérisée.
Cette information vient ainsi apporter une meilleure interconnaissance dans le
rapport entre ces deux acteurs, qui vient profiter à la fois à un recruteur avide de
mieux connaître son interlocuteur et potentiel collaborateur, et à un candidat qui
cherche à se mettre en avant et à promouvoir son identité propre. Toutefois, ces
nouvelles dynamiques supposent une gestion de la présence numérique de chaque
entité particulièrement poussée et parfois chronophage. Ainsi, les outils numériques de
ces dernières décennies se placent à la fois comme une façon de gagner du temps en
automatisant, afin de recentrer la fonction RH vers moins de tâches administratives et
une gestion plus stratégique, cependant il faudra savoir consacrer de nouvelles
ressources à une maitrise des outils disponibles afin de se positionner sur les bonnes
communautés et d’exploiter au mieux ces outils inscrits dans une instantanéité et une
fluidité inédites.

On constate que les nouvelles pratiques numériques donnent lieu à une


information plus présente, plus importante, pour les candidats comme pour les
entreprises. Bien que l’information ait un rôle central dans la dynamique qui modèle le
marché du travail et le recrutement, il ne s’agit pas seulement de son abondance, mais
aussi sa qualité et des façons de la traiter. Ainsi, le sourcing de candidats est devenu
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plus simple pour les recruteurs du fait des multiples outils (jobboards, réseaux
sociaux) mis à leur disposition, ce qui a transformé le travail du recruteur (Mihelich,
2014).
Les « candidats », qu’ils soient réellement en candidature ou non, en recherche
d’emploi ou non, peuvent ainsi développer de nouvelles stratégies face aux outils qui
leurs sont désormais accessibles. Ils peuvent exposer leur parcours professionnel,
gérer leur image personnelle, et se faire valoir quelle que soit leur position sur le
marché. Ainsi, les individus qui ne se placent pas dans une recherche active, les
« passifs », peuvent eux aussi faire concurrence aux candidats « actifs ».
Les candidats disposent également de plus d’information pour évaluer la
situation du marché du travail et des secteurs particuliers sur lesquels ils se placent,
d’autant plus que cette information est devenue largement gratuite, ou du moins, les
coûts en sont largement réduits : la prise d’information comme la candidature sont
devenues plus accessibles.
Toutefois, face à une démultiplication des offres, les candidats doivent se placer
dans une logique de rationalisation et de « tri », tout comme leurs recruteurs, afin
d’obtenir une meilleur lisibilité des opportunités qui s’offrent à eux. Ces nouveaux
outils amènent ainsi de nouveaux codes à maitriser : le candidat en recherche
d’emploi devra apprendre à gérer ses recherches et connaitre le fonctionnement de
chaque outil afin d’en faire un usage « utile ». Il devra se méfier des informations
fournies et apprendre au fil de sa recherche à développer de nouveaux critères de
choix.

Les perspectives d’avenir du recrutement

Ces conclusions nous poussent enfin à regarder vers l’avenir des nouvelles
technologies dans les pratiques de recrutement des entreprises. De plus en plus
d’entreprises semblent entrer dans la « boucle » innovatrice qui se situe autour du
recrutement, et de nouveaux outils issus des nouvelles technologies émergent
régulièrement, que ce soit dans les laboratoires d’innovation de L’Oréal dans la Silicon
Valley ou bien dans de petites start-ups russes, pour transformer ou actualiser la
dynamique du recrutement.
D’après ces informations, on peut imaginer deux voies pour l’avenir du
recrutement : une première qui s’appuierait sur une numérisation encore plus
standardisée via le Big Data, la sélection automatisée des profils afin de réduire la

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charge de travail mais aussi la possibilité de se tromper ; la seconde reposerait sur
une idée d’humanisation en redéfinissant de manière plus personnelle et spécifique
aux profils les postes, en dé-standardisant au contraire. On peut imaginer que selon
les secteurs ou métiers concernés, les voies choisies seront différentes, puisque la
généralisation de certaines compétences touchent probablement certains segments du
marché du travail plus clairement.

Le matching et l’automatisation de l’évaluation de la cohérence des profils

Pour d’autres entreprises qui souhaitent conserver leurs critères de sélection,


c’est le matching qui va prendre de l’importance, et l’utilisation de données brutes,
concrètes pour analyser la cohérence d’un candidat avec un poste ou une entreprise.
Encore plus loin que le recrutement 2.0, on voit apparaitre des techniques visant à
optimiser l’investissement qu’on fait vis-à-vis du futur collaborateur. Le Big Data
notamment constitue une structuration des données tangibles que le recruteur
rassemble sur le candidat (échanges, tests, standardisation) afin d’automatiser la
sélection des profils et de se décharger à la fois de la gestion des offres d’emploi et du
traitement des candidatures : il permet d’anticiper et d’ordonner l’information
pléthorique reçue par les recruteurs. Ce type d’outils permettrait une identification bien
plus rapide d’un candidat-cible via le contenu qu’il aura partagé sur des plateformes
publiques (l’exemple le plus applicable à cette idée étant celui du développeur
informatique qui publie son travail et permet une évaluation de ses compétences),
automatiquement, de façon à ne pas se baser majoritairement sur le réseautage et la
cooptation afin de recruter, mais sur les compétences avérées des candidats. Le
recrutement par compétences qui se base sur la simulation et des tests pointus (du
type des concours de programmation) aurait déjà été utilisé par 12 % des entreprises,
mais majoritairement à un rythme peu soutenu (RégionsJob, 2015).

De nouveaux critères : vers un recrutement « affinitaire » ?

La question qui se pose est la suivante : le meilleur candidat est-il celui qui
arbore le meilleur CV ? Face à un manque de finesse des critères de sélection ou de
recherche d’annonces, ce sont parfois les critères des recruteurs qui vont évoluer. En
effet, dès lors qu’on arrive à un détachement des compétences « classiques » et du
CV comme base du recrutement, plusieurs outils décisionnels ont émergé, visant à
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assister les recruteurs dans une sélection basée sur la personnalité ou sur les valeurs
des candidats. On citera par exemple takewinc.com (où les recruteurs peuvent évaluer
le taux de compatibilité entre leurs offres et les candidats via un questionnaire de
personnalité et de motivation). Cette idée de recrutement sans CV s’étend et bouscule
les codes du recrutement en passant par des vidéos, des projets ou challenges19, des
épreuves basées sur des jeux télévisés ou même sur des jeux vidéos, afin de révéler
chez les candidats leurs compétences mais aussi leur personnalité ou leur capacité à
innover.
L’entreprise SAIL Plein Air Inc.20 a récemment décidé de ne plus demander aux
candidats de CV mais de « raconter leur meilleure histoire » afin de définir leur profil et
de leur proposer un poste. Le recrutement semble évoluer vers la quasi-disparition des
critères fermés pour s’axer vers une approche plus personnelle, voire émotionnelle du
candidat pour des postes où les compétences ont tendance à s’uniformiser. Ainsi, la
fin du clonage et du formatage des candidatures pourrait faciliter le sourcing, et ce tout
en prenant soin de favoriser l'égalité des chances.

Le futur proche du recrutement : géolocalisation et recrutement mobile

Dès lors qu’on s’attache aux nouvelles technologies, on peut imaginer toutes
sortes d’utilisations des outils comme la géolocalisation. Par exemple, Isabelle
Fitamant, ancienne diplômée de Grenoble Ecole de Management, a créé une
application dénommée GeoGEM qui permet de localiser sur smartphone les membres
du réseau d’alumni de l’école afin de faciliter la prise de contact et les rencontres,
autour d’évènements comme des salons professionnels ou des afterworks. Ce
dispositif s’ajoute à l’annuaire et la CVthèque opérées par l’association des Alumni et
vient compléter la large gamme d’outils qui permettent aux diplômés de l’école de
tisser des relations professionnelles (Pasquiou, 2015).
Si on s’attache à l’évolution des entreprises françaises dans un futur proche, il
faudra parler de M-recrutement, le recrutement mobile étant probablement le prochain
pas vers une adaptation au public ciblé lors du recrutement. D’après une récente
étude menée par JobAroundMe, 55 % des 158 entreprises et directions des RH
françaises interrogées ont déclaré leur intention de passer au M-Recrutement dans le

19On citera par exemple l’idée de « Hackathon » (utilisée par Bouygues Telecom en décembre 2014) pour
recruter des développeurs en se basant sur leurs compétences et leur capacité d’innovation dans une mise
en situation concrète.
20 Voir le site de SAIL Carrières pour plus d’informations : http://carrieres.sail.ca
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courant de l’année 2015 : les entreprises ne cessent d’adapter leurs pratiques
numériques au public ciblé, dans un contexte où on assiste à une augmentation du
nombre de personnes disposant de Smartphones et de connexions web afin d’être
connectés quelle que soit leur situation. D’après l’enquête menée par l’Edhec et
JobTeaser (2013), 94 % des étudiants et jeunes diplômés interrogés seraient
intéressés pour consulter via une application mobile les offres disponibles et 93 %
pour avoir des notifications lors de la publication de nouvelles offres : la demande est
donc bien présente chez les candidats. Bien que ces pratiques soient encore
réservées à des grands groupes qui réalisent des volumes conséquents de
recrutement, l’enquête sur les méthodes de recrutement de RégionsJob (2015) indique
de 71 % des recruteurs qui ont à leur disposition une application mobile dédiée au
recrutement sont satisfaits des résultats obtenus, malgré une utilisation marginale (en
majorité, moins de 10 % du volume total de recrutement effectué).

Pistes d’approfondissement du sujet

Afin de compléter ce travail, d’autres approches et démarches de recherche


pourraient venir répondre à des interrogations soulevées au cours de l’enquête. Je
souhaite ainsi proposer ici 3 approches complémentaires qui pourraient aider à
comprendre plus amplement les phénomènes observés : une approche par secteurs
d’activité, par type de métiers, et par type d’entreprise.

Une approche sectorielle

Certaines études (Randstad France et Linkfluence, 2015) montrent que le


tertiaire est aujourd'hui le secteur le plus concerné par le recrutement via les nouvelles
technologies. Il serait ainsi intéressant de poursuivre l’étude de l’impact des nouvelles
technologies sur le recrutement en prenant en compte le secteur plus particulièrement.
Par exemple, on pourrait poser l’hypothèse du secteur du Bâtiment et des Travaux
Publics (BTP) comme étant moins enclin à utiliser les nouvelles technologies dans une
optique véritablement humaine mais sans doute plus, si numérisation il y a, dans un
simple but d’automatisation du traitement de l’information, d’autant qu’il s’agit d’un
secteur où la gestion du personnel est régulièrement déléguée à des organismes
intermédiaires. Il serait intéressant d’étudier cette question dans des environnements

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où les ressources humaines sont une fonction « mineure », qui ne prend pas la même
place qu’on lui trouve dans le tertiaire.

Une approche par métiers

L'étude RégionsJob fait notamment l'état des lieux du recrutement sur internet
en notant les profils les plus recherchés via ces nouvelles techniques, à savoir les
métiers de commerciaux, ou ceux de type ingénieur liés à l'informatique. Ingénieurs et
commerciaux paraissent ainsi être des métiers centraux pour le recrutement, ce qui
s'explique par un positionnement ancré dans des thématiques actuelles du
numérisation (e-commerce, webmarketing) en maîtrisant des compétences techniques
très valorisées. On peut ainsi supposer que certains métiers sont plus susceptibles
d’être recrutés via ces nouvelles méthodes de communication et de recrutement, et il
serait intéressant d’évaluer la véracité de cette hypothèse en distinguant les profils qui
s’y appliquent. Cette approche rejoint dans un sens celle qui s’attache aux secteurs,
puisqu’on peut ainsi imaginer que les métiers proches de certains secteurs ou les
métiers « manuels » ne font pas l’objet des mêmes techniques d’attraction qui sont
déployées pour recruter des profils marketing, communication ou ressources
humaines.

L’impact de la taille de l’entreprise

Un aspect du sujet que j’ai choisi de ne pas traiter est celui du budget consacré
à ces techniques innovantes appliquées au recrutement. Si on remarque
généralement que des groupes tels que L’Oréal, le groupe SNCF et autres entreprises
majeures prennent le risque d’expérimenter et d’approfondir les possibilités offertes
par les nouvelles technologies, on peut se demander quelle sera l’utilisation faite par
les très petites entreprises (TPE) qui ne peuvent consacrer un budget conséquent ou
une partie du personnel dédiée à ces pratiques, notamment dans le cas de ce qu’on
appellerait des start-up qui se voient tout de même confrontées à un besoin fort de
communiquer pour attirer l'attention des investisseurs.
Il faut garder à l’esprit que certains ménages ne disposent pas de ces
technologies, ou d’une maîtrise suffisante à se faire valoir efficacement, et qu’il existe
ce qu’on appelle une « fracture numérique » qui touche ces populations et les place à
l’écart d’une insertion sur le marché du travail largement numérisée. De même, cette
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fracture s’impose aux entreprises de moindre taille qui ne disposent parfois pas de
moyens suffisants à la mise en place de sites internet ou à l’emploi de personnel dédié
à la recherche et plus encore au tri nécessaire des candidatures reçues.


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Annexes
Annexe n°1 : Codage des données qualitatives

Figure n°3
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’enjeux des nouvelles technologies
pour le recrutement

Figure n°4
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’apports et de contraintes des
nouvelles technologies pour le recrutement


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Annexe n°2 : Profil des répondants

Enquête qualitative
Il faudra soulever que les personnes interrogées étaient jeunes (entre 20 et 30
ans pour 4 d’entre eux, entre 30 et 40 ans pour le dernier) et donc particulièrement
affectés par ces problématiques ancrées dans le monde actuel. On notera également
que l’un des recruteurs, Antoine B., occupe un poste de « RH manager » et non de
chargé de recrutement, malgré sa connaissance approfondie et réfléchie d’un point de
vue stratégique des enjeux mentionnés, chez L’Oréal. Le groupe L’Oréal axe sa
stratégie d’attractivité et de recrutement sur les nouvelles technologies, et réalise un
quart de ses recrutements via les réseaux sociaux en 2014 alors qu’aucun ne passait
par ce biais 2 ans auparavant.
Un autre recruteur, Marie R., est co-fondatrice en charge du recrutement d’une
start-up grenobloise qui se spécialise dans le recrutement de stagiaire, d’alternants ou
d’étudiants dans le cadre de missions éphémères ; sa cible est donc très jeune, et ses
moyens financiers limités, ce qui la rapproche de ces problématiques.

Enquête quantitative
Chez les candidats interrogés, on constate
une large majorité de femmes et d’individus
de moins de 25 ans, ce qui s’explique par
une diffusion du questionnaire
majoritairement en ligne sur des réseaux
sociaux et via l’annuaire des diplômés de
différentes écoles grenobloises.
Aussi, les répondants ont majoritairement un
niveau Master, ce qui correspond aux
attentes lors du lancement de l’enquête. Ils
recherchent des contrats divers, ce qui
permet de représenter au mieux les
différents profils qu’on peut imaginer.

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Dans le cas des recruteurs, les profils sont les Âge des recruteurs Sexe

suivants : quasiment la moitié des interrogés


45-55
se situent entre 25 et 35 ans, tandis que seuls 35-45 18-25
Hommes
4 % d’entre eux se situent entre 45 et 55 ans,
et qu’aucun répondant n’est plus âgé. On Femmes

note ainsi une forte proportion de « jeunes » 25-35

qui sont plus susceptibles de maîtriser les


enjeux numériques que leurs aînés. Les deux tiers des répondants sont des femmes, ce
qui s’explique supposément par une présence féminine statistiquement forte dans le
domaine des ressources humaines.
Aussi, on constate que les recruteurs
Type d’entreprise d’appartenance (%) interrogés appartiennent en majorité à
40
des PME (Petites et moyennes
30

20

10
entreprises, soit entre 10 et 249
0
salariés), catégorie qui représente 28 %
E

il
ET

ris

se
TP

PM

on
p
re

des salariés. D’autre part, 18 % des


nt

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ee

ne
nd

i
ab

interrogés sont issus d’une grande


ra

C
G

entreprise, au nombre de 243 en France


en 2011, catégorie qui emploie à elle seule 30 % des salariés français.

Enfin, on constate que 45 % des Poste occupé


interrogés occupaient un poste de 50

chargé de recrutement, ce qui 37,5

révèle une maîtrise accrue des 25


processus spécifiques au
12,5
recrutement dans l’organisme, en
comparaison avec des fonctions de 0
re

tre
an

en
i

eR

R
ia

Au
m
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type Responsable RH qui relèvent


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de tâches plus variées. 



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C

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Résumé de l’enquête quantitative

Candidats • Recruteurs


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Retranscriptions d’entretien

Pour des raisons d'éthique et par souci d'anonymat, les noms et prénoms des
personnes interrogées ont été modifiés.

Juliette C.

Juliette a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons
rencontrées à l’IEP. Elle est très active sur les réseaux professionnels et est à la
recherche d’un stage dans le cadre de ses études, je l’ai donc contactée pour avoir un
aperçu de ses pratiques de recherche de stage. Elle était très intéressée par le sujet.
Elle est venue chez moi le jeudi 12 mars, l’entretien s’est déroulé dans le salon, dans
une atmosphère détendue.

Philomène - Est-ce que tu peux me décrire ton profil et ce que tu recherches


actuellement ?
Juliette - Actuellement, je cherche un cherche un stage de six mois dans le
domaine du luxe et de la mode, dans le cadre de mes études. Donc voilà je suis
intéressée par le marketing surtout, et puis j’ai déjà eu des expériences dans ce
domaine…
Philomène - Ok. Alors, ce dont je voudrais d’abord te parler c’est de ton processus
de recherche, la façon dont tu vas faire ta recherche, tout simplement, dont tu vas
candidater. Alors c’est quoi les moyens que tu utilises pour te faire connaître des
entreprises ?
Juliette - Mmh… Déjà j’essaie de vraiment être présente sur les réseaux sociaux
professionnels, dont de mettre à jour le plus régulièrement possible ma page LinkedIn,
Viadéo, et comme on a toujours, euh, des profils similaires aux nôtres, j’hésite pas voilà
à aller voir le profil de ces personnes, quitte à aller parfois les inond… les ajouter dans
les cercles pour leur montrer, voilà, mon profil. Je sais que si y a une personne qui a une
notification « telle personne a visité votre profil », elle ira plus facilement aller visiter le
miens, bah se dire « qui est cette personne qui a visité, est-ce que je la connais ? » et
donc euh, repérer mon profil ou pas. 

Après voilà y a aussi tout ce qui est bah, les sites des entreprises avec les offres où là

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voilà je peux postuler directement, si toutefois y a de bonnes choses. Aussi une bonne
chose qui nous donne un plus sur les réseaux sociaux, mais non professionnels, c’est-à-
dire Facebook etc., les entreprises commencent à avoir des pages Recrutement de plus
en plus actives et… Une des stratégies voilà déjà, je like souvent les posts qui
m’intéressant de l’entreprise, en me disant que la personne derrière qui est en charge,
c’est souvent une RH et donc si elle voit mon nom plusieurs fois et qu’un jour elle reçoit
mon CV, peut-être qu’elle fera le lien. C’est tout des petits trucs voilà, puis c’est quand
même une stratégie aussi, après en entretien on peut déjà savoir ce qu’il se passe dans
l’entreprise au niveau RH donc voilà c’est se faire connaître et aussi penser plus loin,
dès l’entretien.
Philomène - D’accord. (Pause) Et comment est-ce que tu procèdes généralement
quand tu veux postuler, par exemple à un stage, quel va être ton réflexe ? Par exemple,
tu as trouvé une entreprise à laquelle tu veux postuler, par quelles étapes tu vas
passer ?
Juliette - Euh, j’vais directement sur le site des entreprises dans les plateformes de
recrutement, regarder les annonces et tout de suite voilà en fonction, euh, de ce que
voulais, si y a pas d’annonce dans ce que je vais rechercher, après je vais… taper sur
Google, faire une recherche par rapport au type de poste que j’aimerais avoir dans cette
entreprise type, voir si y a déjà des annonces qui ont été mises en place ou non. Euh…
Si par exemple cette entreprise n’a jamais fait un stage dans tel domaine, je vais tout de
suite m’orienter vers d’autres types de stage ou d’autres entreprises du même secteur.
On va dire que j’ai toujours plusieurs entreprises-cibles en même temps, je me suis
jamais concentrée sur une seule entreprise.
Philomène - Ok. (Pause) Est-ce que tu vas avoir tendance à changer de stratégie
selon l’entreprise ?
Juliette - Non, je vais pas faire la même chose pour tout le monde, un truc tout
bête mais par exemple la lettre de motivation, je vais vraiment passer un bon moment
pour le style d’écriture, les termes employés, je vais faire un vrai travail de recherche sur
le site, les réseaux sociaux, les termes vraiment au coeur de l’esprit de l’entreprise. Bon
voilà des fois ça peut passer simplement par une recherche sur, euh, la partie Valeurs
d’une entreprise, mais je pense que c’est avec des petites recherches comme ça qu’on
va apprendre beaucoup. Après voilà par exemple, sur Twitter, on peut vraiment être au
courant de l’actualité en simultané de l’entreprise, ou voilà dans la lettre de motivation
pas hésiter à mettre que « tel projet innovant qu’ils sont en train de mettre en place
m’intéresse particulièrement », montrer que je vais suivre l’entreprise. Donc oui après je
Page 83 sur 141
vais pas faire des candidatures, toutes dans le même lot pour un même poste, tous
dans le même lot, non je vais vraiment cibler en fonction de l’entreprise. Après voilà y a
des entreprises qui vont préférer, euh, qu’on postule directement sur LinkedIn, d’autres
sur les plateformes ou sur leur site, ça se voit assez rapidement en fonction de la
présenta… enfin de la mise en forme de… de l’offre de stage.
Philomène - Mmh. (Pause) Qu’est-ce qui va faire que tu vas choisir une entreprise
plutôt qu’une autre ? C’est quoi tes critères de choix ?
Juliette - Euh… Au-delà de la visibilité, la réputation de l’entreprise, bon c’est
quand même assez important et non négligeable, y a l’impression que ça renvoyait au
niveau de, bah, surtout en fait au niveau des stages, de la place du stagiaire dans
l’entreprise où est-ce que c’est le stagiaire considéré comme un employé voilà, bien
intégré dans le processus, on va faire des choses pour l’intégrer, ou on se rend compte
rapidement que bah les stagiaires on n’en parle nulle part, c’est des… des choses sur
des missions vraiment éphémères, qui n’ont pas d’intérêt à être intégrés. Et bah je prend
l’exemple voilà de L’Oréal, parce que c’est vrai que c’est une entreprise que je suis
particulièrement, donc sur leur page recrutement on voit qu’au niveau des stagiaires ils
font des selfies entre recruteur et stagiaire, y a des challenges pour recruter, y a des
journées spéciales, donc ça c’est des choses qui donnent envie de s’intégrer dans son
entreprise parce qu’on sait qu’une fois en stagiaire, on aura un statut, euh, pas
particulier mais voilà on sera vraiment intégrés dans l’entreprise et valorisés.
Philomène - Ok. (Pause) Donc est-ce que tu penses que ces critères sont
influencés par la présence des nouvelles technologies ? Même si en fait toi tu te bases
essentiellement sur ce qu’ils font sur les réseaux en fait…
Juliette - Totalement. Parce que l’entreprise qui aura pas de page, fin pas de site
recrutement, pas de compte LinkedIn, pas de compte Twitter actif, des choses comme
ça, donc vraiment on voit qu’ils pas sont vraiment actifs, qu’ils savent pas combiner les
nouvelles technologiques et le recrutement, c’est pas forcément l’entreprise où j’ai envie
de postuler et d’aller. Parce que je me dis, y a quand même un train de retard et…
Philomène - D’accord, donc c’est un critère de choix aussi.
Juliette - Oui oui, ça peut vraiment faire le choix. Surtout que ma stratégie c’est un
peu quand même de vérifier ce qui se passe au niveau des nouvelles technologies donc
si l’entreprise ne se sert pas des réseaux sociaux, trucs comme ça, j’ai pas les mêmes
armes et c’est pas vraiment…
Philomène - Donc pour toi, l’e-réputation de l’entreprise, c’est plutôt important ?

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Juliette - Bah tu vois par exemple Mazars, je connaissais pas du tout l’entreprise,
ou alors vraiment dans les grandes lignes etc. et ils sont très actifs au niveau des
réseaux sociaux où ils ont des dessins animés en fait de recrutement, avec des petits
monstres, c’est sympa. Et c’est comme ça que j’ai découvert cette entreprise, où
vraiment ils détaillent, on va intégrer tel stagiaire, avec des témoignages de stagiaires,
des vidéos, on a vraiment tout le processus qui est bien expliqué et c’est le genre
d’entreprise qui… Enfin qui… Enfin j’ai commencé à m’intéresser à ce qu’ils faisaient
grâce à leur e-réputation mais pas tellement sur leur corps de métier en soi, mais plus
sur… Comment ils géraient le recrutement.
Philomène - (Pause) Donc mon deuxième thème, ça va vraiment être sur
l’utilisation des outils numériques. Donc toi, tu m’as dit que tu les utilisais, est-ce que tu
pourrais m’expliquer pourquoi ?
Juliette - D’un côté déjà parce que c’est simple, rapide, facile. C’est quelque chose
qui voilà, même si on n’a pas forcément de grosses compétences, de grosses
connaissances, c’est facile à gérer. Et aussi parce que c’est clair que dans quelques
interviews, enfin voilà, les entreprises font de plus en plus attention à l’utilisation des
espaces numériques des candidats, où voilà on vous répète qu’une page LinkedIn mal
complétée, le RH va forcément le voir tout de suite et ça peut engendre des faveurs…
Ou enfin pas forcément des faveurs mais une page LinkedIn bien remplie, ça va
forcément voilà, y a un tout un tas d’informations, et que le candidat maîtrise tous ces
nouveaux enjeux parce que… Dire « non moi mon CV j’ai pas envie de le mettre en
ligne, j’ai pas envie d’utiliser ces nouveaux outils », je pense que c’est pas avoir envie
de s’adapter…
Philomène - C’est une façon de se mettre en valeur en fait ?
Juliette - Oui, voilà. C’est montrer aussi qu’on maîtrise de nouveaux enjeux,
qu’on… Parce que voilà si une entreprise, elle va être amenée à recruter des stagiaires
etc., ça aidera à avoir une vision plus neuve des nouvelles choses, pas seulement
auprès… enfin dans les entreprises mais pas seulement rentrer voilà dans le moule de
l’entreprise pour être opérationnel, mais aussi apporter d’autres visions plus
stratégiques.
Philomène - (Pause) Tu m’as déjà dit que tu utilisais les outils numériques pour
publier et tenir à jour ton CV, j’imagine, répondre aux annonces… Est-ce que tu vois
d’autres usages de ces nouvelles technologies ? (Pause) Par exemple, les candidatures
spontanées, ce genre de choses peut-être ?

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Juliette - Bah pour l’instant j’ai pas envoyé de candidature spontanée parce que
j’en ai pas eu l’utilité mais si je devais le faire je pense que je passerais vraiment par
LinkedIn en fait. Euh… Envoyer un InMail21 à la bonne personne ou voilà voir qu’on a
des personnes en contact dans ses cercles, qui vont avoir le poste qui m’intéresse dans
la société qui m’intéresse, pas hésiter à envoyer un InMail, à demander si voilà ils
cherchent, bah, des stagiaires, si oui quel profil, comment candidater, tout ça. Aussi, les
comptes entreprises en fait donnent beaucoup d’informations sur les RH… Et bah là
encore vraiment dans une optique vraiment stratégique du recrutement, se tenir à jour
de ce qui valorise à présent en entretien, lors d’un recrutement. Et effectivement ça
passe vraiment par ces plateformes-là et pas ailleurs.

Et aussi on voit… Enfin j’ai été amenée à participer plusieurs fois voilà à des sondages,
des questions, pour donner mon avis, là c’était plus sur Twitter, sur les pages Twitter
recrutement, et dire voilà, si y a un RH qui est amené à les lire, enfin vraiment m’intégrer
un peu dans le processus de recrutement.
Philomène - J’ai pas entendu parler de ce genre de sondages sur Twitter, tu peux
m’en dire plus ?
Juliette - Ah c’était des sondages un peu voilà tous bêtes : un article sur les
nouvelles techniques de RH, tu vois par exemple à L’Oréal « les selfies entre recruteurs,
qu’en pensez-vous », voilà etc. C’était plus une technique un peu de community
management mais après… L’idée c’est de rentrer dans le jeu aussi.
Philomène - Oui, pour comprendre aussi comment les gens perçoivent ce qui se
fait.
Juliette - Voilà, exactement.
Philomène - Une autre chose dont j’aimerais te parler, ça va être ta relation au
recruteur. Donc pour toi, le recruteur, c’est qui ?
Juliette - Alors, justement je crois que le gros apport des outils numériques par
rapport au recrutement, c’est que quand le RH te contacte, on a son nom, prénom et
mon premier réflexe ça va être de taper son nom sur LinkedIn, sur Google, sur
Facebook, pour voir qui je vais avoir en face de moi, et voir l’école, par exemple si je
vois que la personne a fait vraiment une très haute école, si je suis en position
d’infériorité, ou au contraire ça va me rassurer si je me dis « ah mais en fait, cette
personne a fait telle école, c’est pas… Il a un parcours tout à fait normal, j’ai pas à avoir
honte du mien. » Ça va vraiment me rassurer, et je crois que c’est le cas de beaucoup.

21 InMail est le nom donné aux messages privés entre membres de la communauté LinkedIn.
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Avant les outils numériques, y avait une relation d’infériorité parce qu’on se disait « le
recruteur sait tout de moi et je ne sais rien de lui. »
Philomène - Donc une forme de transparence ?
Juliette - Voilà. Et en entretien, c’est des choses sur lesquelles on peut rebondir. A
titre d’exemple, j’ai un ami qui avait un entretien pour un stage dans une grande
entreprise du CAC40 et qui avait donc le nom du RH, qui a pu taper ça sur LinkedIn, qui
a vu la personne et lors de son entretien a rebondi : « ah mais vous avez fait telle école,
moi j’avais postulé mais du coup j’ai préféré aller dans telle école » donc d’un côté il a
montré voilà une relation de contact avec le RH, qui ensuite a parlé de lui, ce qui est
assez étonnant. Et de l’autre, il a vraiment montré que l’école qu’il avait c’était un vrai
choix, et pas un « sous-choix » puisqu’il aurait pu faire la même école que le recruteur
en face de lui, et tout de suite marquer sa différence. Donc d’un côté voilà ça fait un peu
de la transparence, on a moins l’impression que le recruteur est omniscient, il sait tout
de nous, c’est le grand méchant qui est là pour vraiment nous mettre des barrières, mais
au contraire plus un plan de convivialité. Les deux profils sont transparents, on va
pouvoir se répondre et montrer vraiment sa particularité et montrer vraiment sa vraie
valeur ajoutée.
Philomène - Ok. (Pause) Donc pour toi, le recruteur, c’est « quelqu’un de
normal » ?
Juliette - Bah c’est pas quelqu’un de normal parce que c’est quand même
quelqu’un qui va être là de juger ou pas.
Philomène - Donc ça te fait quand même un peu « peur » ?
Juliette - Oui, mais moins, je trouve que c’est quand même, euh, vraiment moins
un barrière. La barrière c’est qui est-ce que je vais avoir en face de moi ? Est-ce que la
personne je vais la trouver sympathique ? Qu’est-ce qu’elle a fait avant ? Mais un truc
tout bête, mais si on voit que cette personne, elle a l’habitude de voyager dans un
certain pays et qu’on a la chance d’y aller, je pense que c’est une chose encore en
entretien, on peut rebondir, on peut parler des choses voilà, se détendre parce que c’est
des choses qu’on connait, qui rentrent pas dans le cadre professionnel, et ça peut
laisser aussi une bonne image au recruteur à mon sens. Se dire : « ah bah elle a
sympathique, on a parlé de ça… »

Je pense aussi que ce qui est bien c’est que le… le pouvoir… la force en fait, l’équilibre,
il tend même à aller du côté de la personne qui va avoir l’entretien, parce qu’elle
préparer à l’avance en fait, elle va se dire « bon, lui il a fait ça, je vais pouvoir parler sur
ça, lui poser des questions sur ça » sur son parcours en disant « ah mais j’ai vu que tu
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avais commencé par ça, que tu es passé par ça dans l’entreprise, pourquoi ? » et
justement c’est parce que t’aimes bien l’entreprise et justement, il va se préparer à poser
plus de questions au recruteur que stricto sensu les missions de stage qui sont parfois
austères, et voilà, c’est lui qui pose les questions, ce sera le RH qui va parler, donc en
soi bah voilà, la position de force est totalement inversée.
Philomène - (Pause) Et donc, à ton avis, comment est-ce que le recruteur perçoit
le candidat ? Si tu devais te mettre à la place du recruteur…
Juliette - Alors je pense que c’est… Enfin voilà, le recruteur c’est un être humain,
je pense que voilà, déjà en voyant le CV, on va apprendre des choses : la photo, les
expériences, tu pars avec quand même un idées, avec aussi les réseaux sociaux, par
exemple aller sur la page Facebook, ça c’est des choses facilement… Sur Facebook,
aller voir des photos, les centres d’intérêt, donc le RH quand même il peut se faire une
idée beaucoup plus globale que professionnelle, sur le candidat. Et du coup il va plus
rentrer dans des considérations personnelles que professionnelles, à se dire « ah mais il
aime ça, ah mais en fait c’est un « beauf » entre guillemets ». Parce que ça c’est des
choses que j’ai pu entendre en fait, les stagiaires qui étaient avec moi justement en RH
et qui disaient « ah non mais lui du coup on a vu son CV qui était très bien, on est allés
voir sur Facebook, on s’est rendus compte que c’était un beauf », voilà je reprends les
termes. Et du coup ça allait pas du tout aller avec l’entreprise, on avait trop peur que,
par rapport à l’équipe où il devait être intégré, ça passe pas du tout.
Philomène - Ça peut permettre d’évaluer la personnalité, les valeurs aussi…
Juliette - Voilà, je pense que c’est même mieux qu’un entretien voilà de
personnalité, c’est pas vos qualités et vos défauts, des questions qu’on voit et qu’on
revoit. Là s’il passe directement bah les gens sur les réseaux sociaux, une page
Facebook, une photo, voilà, euh, un peu particulière, on sait rapidement les centres
d’intérêt, les groupes… Tout est indiqué et je pense qu’on sait toujours plus de la
personne comme ça que… par la procédure classique.
Philomène - C’est un autre cadre en fait. On n’est pas les mêmes personnes en
entretien que sur Facebook.
Juliette - Oui, voilà. Certainement pas…
Philomène - C’est un peu à double-tranchant, parce qu’on va pas non plus être la
personne sur les réseaux sociaux que dans la vie professionnelle…
Juliette - Après, je me mets à la place des recruteurs, c’est vrai que quand tu veux
recruter quelqu’un c’est pour faire partie d’une équipe, et c’est pas seulement un « pion
opérationnel » donc si tu veux que ça se passe bien, t’as aussi tout le côté personnalité.
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Et la personnalité, même si je veux bien qu’on ait une personnalité différente en privé et
au niveau professionnel, mais y a quand même des traits de caractère, des choses…
Oui donc la personnalité c’est quand même important je pense, après c’est pas moi qui
vais critiquer les RH qui vont enquêter sur Facebook parce que quand tu recrutes
quelqu’un, je pense que c’est normal. Et au contraire, tout le monde est responsabilisé
sur le fait que les RH voient les pages Facebook et les choses comme ça, et si ils se
laissent aller à… C’est au contraire encore une fois qu’ils se sont pas adaptés aux outils
technologiques.
Philomène - (Pause) Et pour toi, quand il reçoit une candidature, que va faire le
recruteur ?
Juliette - Bah regarder le CV, après je sais pas si la lettre de motivation a
réellement une importance, et c’est plus est-ce que le candidat montre vraiment que
c’est cette entreprise-là précise et pas seulement la mission. Après, bon, regarder un
peu sur oui, la… l’e-réputation, voilà. Et ensuite je pense qu’après c’est plus un côté
opérationnel, si le profil correspond pour le futur manager, enfin après c’est à mon sens.
Philomène - Et tu penses que tu l’évalues bien ce comportement ou est-ce que tu
devines complètement ?
Juliette - Alors c’est un peu… Voilà je dis des choses mais pour moi c’est des
pistes et j’en ai aucune certitude, et je pense que ça dépend aussi beaucoup de
l’entreprise. Y a ceux qui vont pas regarder que les compétences et tout ça, et ceux plus
dans l’optique, voilà, opérationnel. Ceux qui se mettent dans le moule, et ceux qui vont
faire attention vraiment à tous les extras, la personnalité, ce qu’on regarderait plus pour
l’intégrer, au-delà, dans une équipe.
Philomène - (Longue pause) Est-ce que tu as d’autres choses à ajouter sur le sujet
?
Juliette - Non mais je pense que c’est vraiment l’enjeu un peu du recrutement,
c’est vraiment un enjeu par rapport au numérique, et le bon candidat, c’est celui a
compris les enjeux et qui va faire attention à le laisser paraître. Il va comprendre que
vraiment le recrutement se passe autant sur les compétences que l’utilisation de ça, et
le candidat qui va se faire repérer, c’est celui qui va oser envoyer un message via un
réseau social professionnel, qui va se présenter spontanément et ça casse un peu aussi
le côté impersonnel des plateformes de recrutement puisqu’on va directement
s’adresser au manager, se présenter et devenir autre chose qu’un simple CV dans une
pile, et vraiment montrer sa différence.


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Et ça, c’est un… Même si pour l’instant, c’est pas encore totalement répandu, avoir peu
de personnes qui font ça, je pense que c’est un moyen de se démarquer.
Philomène - D’accord. Tu m’avais mentionné une expérience avec un outil
d’entretien vidéo ?
Juliette - Alors (rires), dans le cadre d’un job d’été, j’ai envoyé mon CV, lettre de
motivation, normal et j’ai reçu deux jours plus tard un mail me disant qu’on m’invitait à
faire un entretien vidéo. (Pause) Donc, quand j’ai lu l’objet du mail, pour moi c’était un
entretien Skype, parce que voilà j’étais pas sur Paris, l’endroit où était le job, mais non
en fait il s’agissait d’un entretien vidéo purement, via une plateforme… Euh… Donc j’ai
pu faire cet entretien via la plateforme, donc j’avais quand même une date limite, deux
jours maximum pour faire cet entretien vidéo, en me prévenant que ça prendrait environ
30 minutes, que je devais être en tenue d’un entretien même si c’était derrière la
caméra, et dans un endroit calme et neutre. Voilà… Donc quand même une certaine
règle, j’ai pu aller sur la plateforme. Donc mon expérience rapidement : donc la
plateforme était très bien faite, j’ai pas eu de souci, c’était très intuitif, voilà la plateforme
je pense qu’y a pas tellement de points à améliorer parce que pour faire un entretien
vidéo, c’était vraiment bien… Mais j’ai vraiment pas apprécié… Et justement j’ai fait cet
entretien vraiment pas motivée et si l’entreprise m’appelle en disant « non ça n’a pas
marché », je ne serais pas déçue, parce que j’ai vraiment pas envie de passer par ce
système. J’ai trouvé ça totalement impersonnel. Mon regard était fuyant, je savais pas
où regarder, j’avais personne en face de moi, j’avais ma tête en gros plan et c’est très
perturbant de se regarder parler en fait. Surtout… Voilà… Et c’était bizarre parce qu’on a
quand même la question, on a 30 secondes pour réfléchir et c’est trop, enfin en entretien
on n’a pas 30 secondes pour réfléchir, faut répondre du tac au tac. Et 60 secondes pour
répondre, c’est 60 secondes c’est rapide et c’est à la fois long. C’est-à-dire que quand
on a personne sur qui rebondir, on peut pas savoir si la personne est plus ou moins
réceptive à ce qu’on dit, sur quoi appuyer… Puis voilà y a vraiment un manque de
contact, et c’est ça l’intérêt dans un recrutement, parce que soit c’est vraiment ce que je
t’ai dit, la différence entre l’entreprise et s’intégrer dans une équipe, donc voilà là on va
avoir du relationnel, et le pion, qu’on va pouvoir faire passer par une vidéo, voilà, donc je
sais sur quoi… sur quoi en fait on est sélectionnés. On avait une question de langue,
donc ça après ça peut prendre son sens, une question simple, rien à avoir, juste pour
évaluer le niveau de langue, dans ce cas c’est totalement normal et je comprendrais.
Mais ça, à la rigueur, avoir ce genre de plateforme vidéo avec des questions d’anglais,
ça peut être un entretien complémentaire. Mais que ce soit vraiment intégré dans la
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plateforme d’entretien en entier, c’était… Et je sais pas, j’étais pas à l’aise, et justement
c’est très rédhibitoire vis-à-vis de l’entreprise, donc bien sûr je peux comprendre que
c’est des gains d’argent, de temps, et de voilà, c’est plus facile mais bon. C’est pas… En
tout cas c’était une expérience que j’espère ne pas avoir à refaire. Parce que c’est pas
dans des professions comme ça que je me vois… 

Voilà donc après en soi l’entreprise qui gère cette plateforme, c’est très bien fait, y a des
tests audio pour vraiment voir si tout marche ou pas, c’est bien, c’est indiqué… Voilà.
Mais après quand on est dedans, je pense que justement ce genre de chose peut
vraiment être utilisé pour des entretiens complémentaires en langue, parce que ça c’est
un truc tout bête, mais on a des entretiens… Enfin des compétences avec « anglais
courant », bilingue obligatoire, et j’suis pas sûre que faire une partie de l’entretien de
personnalité en anglais, c’est forcément pertinent, parce que on va demander un anglais
opérationnel plutôt que des connaissances. Donc là justement, c’est des situations liées
à ces plateformes, alors que la personnalité, avec 30 secondes pour réagir… Donc moi
j’ai pris des notes parce que j’savais pas quoi faire, je me suis dis « j’ai trente secondes,
je fais quoi ? J’attends, je me coiffe ? » (rires)
Philomène - Oui ça ressemble plus à examen qu’autre chose…
Juliette - C’est ça oui en plus ça met en position d’examen et là, typiquement, ça
fait le recruteur tout-puissant, omniscient et je m’imaginais la personne qui va être
derrière son ordinateur, qui va se moquer parce que j’ai butté sur un mot, parce que j’ai
mal fait un accord, parce que j’étais pas… Ça déshumanise, c’est être un robot et là
voilà je sais qui était en face de moi, je sais pas si la personne elle est agréable, je peux
pas rebondir, parce que bah voilà en fonction du recruteur, on va se dire, selon s’il nous
regarde bien, s’il baisse la tête, on va abréger, si il nous regarde avec l’air « dîtes-moi-
en plus », on va continuer… Là, rien. En soi, les questions c’est questions qui étaient
rien de bizarre, de particulier, mais bon. En soixante secondes…

Surtout qu’un entretien c’est une conversation, c’est pas une question, une réponse.
(Rires)

Encore l’entretien Skype, y a pas de souci, c’est des choses voilà, on a une personne en
face. Mais là… C’est… Ça donne une mauvaise image de l’entreprise parce que on sert
à quoi ? On a des questions, on est évalués sur quoi ? Enfin on peut pas évaluer
vraiment quelqu’un sur « est-ce qu’il a bien blablaté ? » Voilà, le seul moment où j’ai
trouvé ça pertinent, c’était la question d’anglais. C’était pour un travail d’hôtesse
d’accueil et on nous demandait une phrase : « un client vous appelle, comment lui dire
que la ligne est occupée ? » et voilà dire qu’on se met dans une situation en anglais. 

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Donc après voilà j’ai reçu un mail, « merci d’avoir rempli, votre entretien vidéo a été
envoyé », et j’avais un peu envie qu’ils envoient pas en fait, parce que… (rires) Et après
je me dis, même si voilà je suis la première à dire « il faut gérer les outils numériques
pour le recrutement », etc. bah on peut gérer son outil numérique avec un ordinateur
dans un cyber-café, là c’était quand même un endroit neutre, silencieux, connexion
internet stable, pendant 20 minutes avec haut-débit, webcam, micro, etc. Ça demande
quand même un équipement, bon bien sûr on peut prendre l’ordinateur de quelqu’un en
général mais quand on a un temps limité comme ça de deux jours… 

Puis voilà après je devais être un peu ridicule parce que j’avais le haut, plutôt bien
habillée, coiffée, maquillée, et en bas j’étais en pyjama, on va pas se mentir ! Et rien que
pour des choses comme ça, bah j’étais pas en condition, j’étais pas en entretien, parce
que j’étais pas en tenue bien prête… D’un côté je suis à la maison, ma bouteille d’eau
d’un côté et mes bonbons de l’autre, voilà effectivement, ma couverture à 30 cm et je
suis censée faire un entretien. Là j’ai eu trop de mal, ça va trop loin dans la
virtualisation, et j’ai pas envie d’être dans l’entreprise. Puis vu la calamité que j’ai pu
rendre, ce qui est normal… Au contraire, parce que si on me dit que je suis prise, j’ose
pas imaginer ce que c’est là-bas.
Philomène - Donc pour toi, les nouvelles technologies, c’est plutôt un moyen de
personnaliser le recrutement, et du coup ça va à l’encontre de ce que tu penses ?
Juliette - Exactement, voilà, tout à fait. Justement je suis la première à dire « voilà,
c’est bien, parce que la position s’équilibre, on a un échange », mais là, c’est l’autre
tranchant. C’est pas parce que c’est numérique que c’est innovant… Enfin si c’est
innovant mais pas ce que j’attends, c’est innover pour innover. Parce que maintenant les
RH c’est beaucoup plus de challenges, de concours, de choses qui changent vraiment
de l’entretien classique, des lettres de motivation, mais pour passer à ça…
Philomène - Je vois… Eh bien je pense qu’on a fait le tour, si tu n’as plus rien à
ajouter. (Pause) Merci pour ton aide. 


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Louise D.

J’ai contacté Louise via l’annuaire des anciens diplômés de Sciences Po Grenoble.
Diplômée du master Communication politique et institutionnelle en 2014, elle vient tout
juste de trouver un contrat de 3 mois après avoir passé 6 mois à la recherche d’un
emploi, je l’ai donc contactée pour avoir un aperçu de ses pratiques de recherche. Nous
sommes entrées en contact fin mars et l’entretien s’est déroulé sur Skype le 27 mars
2015.

Philomène - Est-ce que tu peux me décrire brièvement ton profil dans le cadre de
ta recherche d’emploi ?
Louise - Bah mon profil du coup c’était, ben, diplômée de Sciences Po Grenoble,
master Communication politique et institutionnelle, avec ça on avait un double diplôme
avec l’Institut de la Comm’ et des Médias, euh… Quoi d’autre, ben mon parcours j’suis
partie 6 mois à Singapour, à l’Université nationale de Singapour, dans un parcours
comm’ aussi. Et après ce que je cherchais, ben c’était un peu difficile à dire en fait, je
savais pas exactement ce que je cherchais justement. Euh… Moi j’ai fait mon stage de
fin d’études dans une agence de relations presse, donc qui s’appelle ASAP
Communication et qui fait partie d’une des, d’un des plus gros systèmes d’agence de RP
de Paris, et donc c’était une agence qui s’occupait de marques de mode, et il se trouve
que le stage a été hyper enrichissant, m’a appris beaucoup de choses mais je me suis
dit « non non, c’est mort, je travaillerai jamais là dedans », bon parce que euh… Bah
parce que plein de choses qui m’ont pas forcément plu, et du coup le seul truc que
j’écartais vraiment de mes recherches, c’était le poste d’attachée de presse junior en
agence. Et après… Bon après j’étais quand même assez ouverte quant au reste puisque
je sais pas vraiment en quoi ça consiste un poste de chargée de communication interne,
ou externe, ou… Enfin y a pas mal d’autres choses qui sont proposées tu vois donc euh,
je restais assez flexible en me disant que de toute façon, ce serait certainement un outil
de découverte quoi, un petit tremplin. Et puis, bon bah voilà finalement, tu vois j’ai été
engagée donc j’ai commencé la semaine, au début de la semaine, et finalement ben
c’est dans une agence de relations presse, donc… C’est… C’était un petit peu
compliqué comme décision, après c’est une offre qui s’est présentée comme ça sans
que je m’y attende, l’agence est très différente de celle dans laquelle j’ai travaillé avant,
c’est une toute petite agence en fait, une petite structure avec des budgets euh… Donc
qui n’ont strictement rien à voir. Et du coup voilà, je me remets dedans pour un CDD de
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3 mois, puis ensuite si ça me plait bien finalement et que ça se passe bien, on verra,
mais bon.
Philomène - Ok. Du coup, je voudrais te parler un peu de ton processus de
recherche. Donc tout simplement, quel moyen tu vas utiliser pour te faire connaître de
l’entreprise ?
Louise - Bah alors déjà, euh… Première chose qu’on fait généralement, c’est
mettre à jour tous les profils LinkedIn et compagnie. Après au fur et à mesure des tes
démarches, au début tu vas te dire, t’as genre un ou deux sites sur lesquels on passait
des offres d’emploi, moi je regardais assez régulièrement JobTeaser. Et au début, au
début, tu voilà donc je regardais JobTeaser, FashionJobs, enfin j’avais 5 ou 6 sites
comme ça sur lesquels je pouvais aller chercher des offres d’emploi. Euh… Donc au
début, je postulais aux offres que je trouvais, parce que bon bah y en avait quelques
unes, ensuite… Sur pas mal de certains de ces sites justement, ben tu peux te créer un
profil, avec un CV, le type de travail que tu recherches, tes attentes, niveau salariales,
ce genre de choses. Et… Donc voilà, après y a aussi pas mal d’autres sites spécialisés
comme, moi je les ai découverts en fait au fil de mes recherches, y a pas mal d’autres
sites qui voilà, qui fonctionnent comme des petites agences de recrutement en fait… de
jeunes diplômés. Et qui sont en relation avec de grandes entreprises, donc j’ai envoyé
des CVs dessus. Et puis après c’est comment est-ce que je postulais, enfin c’était aussi
toutes les idées d’entreprise que j’avais, y avait… Soit j’entendais parler d’une
entreprise qui allait faire un truc et du coup je me disais « ben ils vont peut-être
embaucher », soit je me disais « ben tiens cette entreprise elle me plait vachement », je
vais aller voir et si y a une offre c’est cool et sinon je postulerai, ce sera une candidature
spontanée quoi. Donc euh voilà, c’était les deux, un petit peu mes idées et puis un petit
peu les sites internet, et puis aussi pas mal les groupes Facebook. Mmh… J’étais dans
quelques groupes Facebook donc je surveillais aussi les offres qu’il y avait dessus.
Philomène - Mmh. (Pause) Est-ce que à chaque fois ton processus de candidature
était le même ou est-ce que tu avais des stratégies en fonction des entreprises pour te
faire connaître ?
Louise - Non, pas particulièrement, après quand tu fais une première recherche
sur le site d’une entreprise et qu’y a rien et que malgré tout, l’entreprise te plaît,
généralement hein pour les très grosses entreprises y a un système d’alerte. Ils mettent
en place un système d’alertes. Donc je l’utilisais quand l’entreprise me plaisait mais bon,
voilà quoi enfin… Système d’alerte, si tu veux le poste qui te fait envie va pas se créer
en deux semaines, quoi. Ouais, voilà.
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Philomène - D’accord. (Pause) Qu’est-ce qui fait que tu choisis une entreprise
plutôt qu’une autre ? C’est quoi tes « critères » ?
Louise - Quand je postulais ? Alors mmh… Au début j’avais des critères très
« glamour », puis j’ai vite arrêté ! (Rires) Donc voilà, au début, si tu veux tu vois des
offres et tu te dis « ah mais ça c’est génial ! Oh ça cette entreprise, jamais de la vie,
voyons, j’suis un peu une petite sainte », et ben euh… Bon après, en fait, ça a
fonctionné par vagues. Donc les deux ou trois premières semaines, j’ai fait la difficile :
« je postule qu’à ce que je veux, et puis quoi encore ? Je vais pas non plus postuler à
des trucs qui me font déprimer et tout. » Ensuite, je me suis dit que j’allais postuler à
tout et n’importe quoi. Ensuite, j’ai fait par domaines… Par exemple, je me suis dit que je
voudrais beaucoup dans le monde du cinéma, ça m’intéresse parce que j’ai envie de
savoir comment ça se passe de l’autre côté, j’ai envie de participer à l’envers du décor, à
la promotion, aux machins, aux trucs… Donc j’ai postulé dans tout ce qui se rapprochait
de près ou de loin d’une boite cinématographique. Et après… Après voilà donc je
fonctionnais selon le domaine que j’avais envie d’intégrer, et aussi selon… (Pause)
Donc je fonctionnais au fonction d’un milieu que j’avais d’intégrer et aussi en fonction
des offres que je trouvais, finalement à la fin je faisais plus du tout attention, si tu veux, à
l’entreprise quoi, c’était soit le poste avait l’air intéressant, un minimum formateur et il
valait le coup, et écoute peu importe l’entreprise parce que au bout d’un moment, bah, tu
prends bien conscience que c’est ton premier emploi et que t’es pas particulièrement
destiné à rester là-bas, tu vois, c’est plus un tremplin qu’autre chose. Donc oui, ben, j’ai
postulé, tu vois là j’avais un entretien dans un truc qui me fait absolument pas rêver
mais c’était une start-up qui proposait un mobilier d’hôpital dit innovant donc sur le
papier, rien pour me faire rêver… Après les missions ben voilà, c’est travailler dans une
start-up, le développement de quelque chose, y a de fortes chances d’être embauchée
après, tu travailles un petit peu avec le patron, donc c’est quand même hyper
intéressant et… Du coup, il m’est aussi arrivé de refuser de… De refuser des choses
parce que les missions proposées ne m’intéressaient pas du tout. Donc par exemple, j’ai
eu une proposition de la Marine pour travailler un an à Toulon dans une antenne, et en
fait, le descriptif des missions me faisait limite froid dans le dos, et puis n’apportait pas
grand chose, donc j’ai dit non.
Philomène - D’accord. Donc plus centré sur les missions que sur les entreprises
finalement ?
Louise - Oui. A la fin, plus centré sur les missions que l’entreprise.

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Philomène - Ok. (Pause) Et est-ce que tu vois dans ces critères une influence des
nouvelles technologies ? C’est-à-dire, par exemple, est-ce que tu vas te baser sur le
site, des outils numériques pour juger un peu d’une entreprise ?
Louise - Alors il est certain qu’une entreprise qui n’a pas de site internet qui
fonctionne correctement ou un site internet qui est très dysfonctionnel, tout de suite je
vais me dire « si c’est une grosse entreprise, c’est quand même assez moyen », bon
après quant à t’influencer dans ta démarche, non, pas particulièrement tu vois. C’est…
Peut y en avoir des raisons finalement pour lesquelles, pour lesquelles c’est pas top.
Mais… Après est-ce que par nouvelles technologies, tu veux aussi dire médias
sociaux ?
Philomène - Oui oui, c’est au sens très large du terme.
Louise - Donc moi je suis pas… Enfin si, je suis sur twitter mais sans y être, j’y suis
jamais quoi donc ça m’a pas particulièrement aidé. Comme je te dis donc Facebook, j’ai
suivi les deux premiers mois, je consultais les offres hyper régulièrement, je passais
mes journées donc sur les sites sur lesquels j’étais. C’était quand même beaucoup de
stages, tu vois. Et à la fin, j’ai postulé à certains stages, quand ils étaient payés au-
dessus du minimum légal, mais bon, enfin en l’occurrence c’était pas souvent le cas puis
c’est vrai que dans la communication, c’est pas un cas de figure qui se présente très
très souvent. Mmh… Après, j’ai de la chance aussi d’avoir des copains qui ont un assez
large réseau, dans le sens où j’ai 2 amis qui ont intégré l’ESCP cette année, donc du
coup c’est que chaque fois qu’ils voyaient une offre un petit peu intéressante dans leur
réseau, ils me la faisaient partager. Et… Et voilà, et oui après, après sur LinkedIn. Sur
LinkedIn aussi, souvent tu reçois des messages, bon bah voilà, « telle entreprise
recherche des gens comme vous », donc y a aussi pas mal d’offres qui sont postées sur
le site. Et ça je l’ai découvert vers la fin, donc pas tout de suite quoi. Voilà.
Philomène - (Pause) Et ton job actuel, ça s’est fait comment ?
Louise - Ça s’est fait par relations. J’avais fait mon premier stage là-bas, j’avais fait
un premier stage en relations presse quand j’avais vingt ans dans cette agence, il se
trouve que c’est du piston, un piston un petit peu amélioré, une connaissance de la
famille. Donc on s’est revues, ben moi j’étais à Paris un week-end pour un mariage. On
s’est revues, et… Elle m’a expliqué qu’elle cherchait à remplacer une attachée de
presse junior dans son entreprise. Moi je lui ai expliqué que j’avais était un petit peu
rebutée par ma dernière expérience, puis bon elle a pris le temps de bien m’expliquer
chacun de ses budgets, comment est-ce que ça fonctionnait, comment est-ce que eux
dans l’agence fonctionnaient entre eux, enfin les sujets qui… Donc elle a vraiment pris le
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temps de m’expliquer tout ce que je voulais savoir sur l’agence, comment ça fonctionnait
et c’est vrai, c’est vrai je m’en rends compte dans le travail que je fais, ça n’a rien à voir
avec le travail que j’ai pu faire dans mon autre agence. Donc… Donc voilà bah écoute,
j’ai pas mal réfléchi parce que bon, malgré tout, c’est ce que je disais que je voulais pas
faire et puis bon il se trouve que c’est un contrat de 3 mois donc pour c’est tout bénéfice
finalement. Peut-être que je vais… C’était ce premier stage qui m’avait fait aimer les RP,
donc je me suis dit ben peut-être que finalement je vais recommencer à apprécier. Et si
c’est pas le cas, ben c’est pas grave, ça m’aura fait une expérience, c’est sympa, puis
bon je travaille quoi, je fais quelque chose de mes journées. Et puis voilà ! Si dans un
mois, je m’aperçois que ça me plait vraiment pas, je continuerai à postuler à d’autres
offres.
Philomène - En effet… Alors pour se centrer cette fois sur les outils numériques
(au sens large toujours : les jobboards, les sites spécialisés, les réseaux sociaux), toi tu
m’as dit que tu étais sur LinkedIn, certains sites, un peu sur Twitter, est-ce qu’il y a
d’autres réseaux ou sites sur lesquels tu es inscrite ? Ou est-ce que tu vois d’autres
outils que tu utilises ?
Louise - Alors attends je réfléchis… (Pause) Bah c’est vrai que moi, tu vois, j’ai fait
toutes mes recherches via internet et j’avais l’impression d’être déjà assez présente
puisque donc je me suis inscrite aux alertes de pas mal de sites, je me suis créée des
profils sur des jobboards. Après, là où c’est pas hyper facile, c’est que souvent on te
demande une description assez détaillée de ce dans quoi tu te verrais. Et moi,
typiquement, je sais pas dans quoi je me vois. J’en ai aucune idée. Donc euh… Me
demander d’entrée de mettre un titre de poste pour lequel je vais être contactée, c’est
compliqué pour moi. (Pause) Après j’étais inscrite, j’ai fini par m’inscrire à Pôle Emploi,
enfin non je me suis pas inscrite à Pôle Emploi, je me suis inscrite sur le site internet.
Pour bénéficier de leurs offres… Qui en toute objectivité étaient nulles à chier. Et… Et
voilà quoi. Non non, c’est, tu vois c’était tout numérique mais pourtant pas une énorme
diversité de…
Philomène - D’accord. (Pause) Tu m’avais quand même parlé de sites plus
spécialisés que d’autres ?
Louise - Oui alors par exemple, sur le site FashionJobs, enfin c’est… De fait, des…
Du boulot en relation avec le monde de la mode, enfin généralement voilà, une marque
de mode, ce genre de choses. Après… Moi je m’étais inscrite sur un truc… Un truc qui
s’appelle « L’Ouvre-boîte » en fait je savais pas trop ce que c’était mais si tu veux y a
plein de petites start-ups, et ce qui me fait dire que ça va pas forcément marcher, c’est
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qu’y en a plein… Le concept en fait c’est qu’ils sont une passerelle entre les diplômés et
les entreprises, donc ils font plein de partenariats avec des entreprises et tout. Donc si
tu veux moi j’ai trouvé une première start-up comme ça, j’ai fait « Waouh, super, génial !
» puis je me suis inscrite, puis j’en ai trouvé une autre, puis une autre et puis une
autre… Puis en fait tu peux pas y croire parce que y en a plein. Je pense que voilà, la
crise a vraiment eu son impact sur la création de… de sociétés. Donc voilà après y a
certaines de ces sociétés qui sont plus spécialisées que d’autres, dans le ton sont… Oui
elles sont peut-être plus en relation avec des start-ups ou alors avec un certain côté de
l’industrie. Après… Après voilà, c’était globalement assez généraliste, tu vois. A part
quand tu t’inscris sur un site vraiment pour une newsletter, y a pas de… C’est assez
global. Bah y a des sites qui proposent plus de grandes entreprises que d’autres, moi de
base j’aurais bien aimé travailler dans une grosse grosse entreprise, donc si tu veux j’ai
passé beaucoup de temps sur, ben, JobTeaser voilà qui typiquement avait des
partenariats avec des mastodontes quoi de l’industrie. Euh… Puis voilà. (Pause) Après
j’étais aussi inscrite sur Civiweb, pour les VIE. Mais bon, là, y a quand même pas masse
d’offres qui sont postées. Voilà, c’est tout.
Philomène - Ok… Ensuite, ma question elle porte sur les usages que tu fais de ces
outils. Tu m’as dit que tu faisais de la réponse aux annonces, de l’envoi de candidatures
spontanées, l’inscription à des newsletters ou à des alertes, et est-ce que tu vois autre
chose ? (Pause) Par exemple, suivre des entreprises sur Facebook ou sur LinkedIn, ce
genre de choses…
Louise - Hmm… Non, pas vraiment. En fait, si je candidatais à un truc qui me
plaisait dans une entreprise, tout de suite j’allais liker sur Facebook, pour observer un
petit peu comment ça se passait. Sur LinkedIn, je t’avoue que ça m’agace énormément
en fait de recevoir cent cinquante mille notifications en fait à chaque fois qu’une
entreprise a posté quelque chose, qui est absolument fabuleux (rires). Donc non, je suis
pas ces discussions… Et comme je te dis là j’étais… Je recevais mes petites messages
régulièrement, voilà j’ai programmé le truc pour qu’il m’envoie un message tous les 3
jours. En me disant, telle, telle ou telle personne cherche des gens comme vous, puis
ensuite une fois que t’arrives sur le site, ben t’as un déroulé en fait d’entreprises, puis tu
peux un peu changer la fonction que tu cherches, donc voilà.
Philomène - Ok. Alors la troisième partie de mon questionnaire porte sur la relation
entre le recruteur et le candidat. Donc je sais pas si tu as fait beaucoup d’entretiens,
mais j’imagine que tu as été en contact avec pas mal de gens… Alors pour toi, le
candidat, c’est qui ?
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Louise - (Pause) Comment ça ?
Philomène - Dans ta perception de la relation au recruteur. Comment est-ce que tu
la vois cette relation que tu as en tant que candidat au recruteur ?
Louise - (Pause) Euh… Bah ça dépend en fait. Ça dépend dans quel genre
d’entretien est-ce que tu mets les pieds déjà. Donc moi j’ai eu une majorité d’entretiens
téléphoniques. Et euh… Deux entretiens de visu. Donc… Dans un entretien
téléphonique déjà, je marche un petit peu sur des oeufs parce que tu vois pas la
personne. C’est plus facile de déborder, tu vois. D’avoir des tics de langage… Moi un de
mes entretiens par exemple, c’était une offre de la Marine à laquelle j’avais postulé, et si
tu veux j’ai commencé à véritablement m’organiser dans ma démarche de recherche, à
faire des fichiers, des documents, des machins, que… Qu’au mois de janvier, mais avant
ça j’étais un peu bordélique. Et voilà, cette fille me contacte pour une offre à laquelle j’ai
répondu, mais j’sais pas, trois semaines avant, donc elle me prend un peu au dépourvu.
« Oui, je peux vous parler ? », « oui bon d’accord », et là l’entretien débute, t’es
absolument pas préparée, tu te souviens plus de ce qu’y a écrit dans ton annonce,
euh… Elle te pose des questions hyper spécifiques. Bon. Déjà ça part mal quoi. Donc
voilà, quand j’ai eu ce premier entretien, je me suis vraiment sentie comme… Bah… La
petite fille prise en faute parce qu’elle était pas capable de répondre aux questions de la
maîtresse, avec cette fille c’est vrai qui était un petit peu psychorigide, j’essayais de faire
des petites blagues pour détendre l’atmosphère, haha on rigole, oui non ça la faisait pas
du tout rire… Donc non. Je me suis fait avoir une fois. Je me suis pas fait avoir deux
fois. Ce qui fait qu’après, je préparais en prévision, j’avais donc un tableau Excel avec
donc toutes les candidatures que je faisais, et donc numérotées, et j’avais un fichier
Word lié avec tous mes numéros, avec l’annonce à laquelle j’ai postulé, et la lettre de
motivation que j’avais envoyée. Comme ça, j’étais prête à ce que quand on m’appelle, je
disais « oui, bien sûr, je vous rappelle dans deux heures, j’suis occupée, en
déplacement », voilà et puis j’avais le temps de tout ressortir pour me préparer. Donc
après une fois que t’es préparée, le rapport au recruteur, il est pas le même, t’es, tu te
sens plus en confiance, bon tu sais pas trop sur quel terrain il va t’emmener ceci dit,
déjà beaucoup plus en confiance. Et puis… Bah moi je dirais que, enfin dans ma
perception des choses, j’essayais de me positionner à leur niveau. Faire que ce soit pas
un entretien questions-réponses mais plus une discussion. Voilà, euh… Leur donner
l’impression que bah non, c’était pas eux forcément qui menaient la danse, donc que
moi aussi j’allais répondre et les emmener là où je voulais un petit peu aller aussi. Donc
euh voilà, ça c’était plus sur la forme, le sentiment… Bon alors après est-ce que ça a
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marché, est-ce que ça a pas marché… Voilà. Mais… Ah oui, ça dépend si tu passes en
entretien avec la boîte elle-même ou d’abord avec une boîte de recrutement. Moi j’ai
passé… deux entretiens téléphoniques avec des boîtes de recrutement, euh… Là par
contre, tu te positionnes comme, ben tu te positionnes pas du tout en fait, t’es dans le
noir, tu sais pas quelle est la personne de l’autre côté, qu’est-ce qu’elle recherche,
pourquoi, parce qu’en plus, on t’appelle on te dit « bon… En fait j’ai une entreprise avec
qui ça va peut-être marcher, ah non mais je te dis pas laquelle et je te dis pas pourquoi.
D’abord, je t’appelle, on fait l’entretien et ensuite on parle. » Donc typiquement,
t’avances un petit peu à l’aveugle, tu sais pas si y a des trucs à dire, mettre en avant,
donc là ben c’est impossible de se positionner quoi, en plus la personne tu la vois pas,
enfin bon.
Philomène - (Pause) Juste une question, est-ce que ça t’est déjà arrivé, quand tu
avais le nom de la personne à qui tu allais parler, de faire une petite enquête sur elle ?
Louise - Ah, oui. Très souvent. Très souvent, en fait c’était surtout pour mes envois
de CV, par exemple pour les VIE les personnes à contacter, elles ont toujours des noms
extraordinaires, mais du tout tu sais pas si c’est un homme ou une femme, donc pour
pas faire d’erreur, j’allais souvent faire ma petite enquête sur LinkedIn. Et oui, après,
quand j’avais un entretien avec… Quand j’avais le nom de la personne avec qui j’avais
un entretien, je la googlais, j’allais faire un tour sur son Facebook, sur son Twitter, sur
son LinkedIn… Sur son Instagram (rires), voilà j’essayais vraiment de me donner un
maximum, mais après c’est vrai que ça m’est pas arrivé très souvent d’avoir le nom des
personnes avec qui j’allais m’entretenir.
Philomène - Et est-ce que tu penses que ça changeait ta relation à la personne, le
fait d’avoir fait tout ça ?
Louise - Disons que… Je sais, moi mettre une, déjà mettre une tête sur un nom, je
trouve que c’est très éclairant. Et puis ben, si les profils sont pas trop fermés, que
t’arrives à voir comment s’exprime la personne, quelles sont, je sais pas, ses centres
d’intérêt, peut-être qu’il partage des liens, tu vois. Sur… Par exemple, moi j’avais
postulé pour une start-up qui s’appelle « La Relève » et donc pareil tu vois, dans le
genre qui met les étudiants ou les diplômés en lien avec les entreprises, donc j’ai eu un
premier entretien avec une fille de la boîte en fait qui cherchait sa remplaçante, et le
deuxième entretien, je l’ai eu avec le directeur. Donc le directeur, je l’ai vu son
Facebook, son profil était pas fermé, et là voilà j’ai vu qu’il avait posté par exemple, un
lien avec « les 10 erreurs en langage à ne pas commettre en entretien » donc bah c’est
un peu du pain béni, quoi. Donc… Bon, mais je pense que d’une manière générale, ça
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se passe comme ça. Je sais pas si ça change fondamentalement ta manière de voir
l’entretien mais, je sais pas, je trouve que ça t’aide en fait à te donner une contenance,
une posture, j’saurais pas trop mettre les mots dessus en fait mais… Oui, enfin c’est un
peu débile tu vois mais ça fait très jugement au premier regard, mais par exemple, le
mec faisait très jeune premier d’école de commerce, ce qu’il était à mon avis, j’allais
faire très très attention à, si la discussion dérivait dessus, j’allais faire évidemment très
attention à ce que je racontais : « oui oui, bien sûr, c’est fantastique, l’entreprenariat, les
écoles de commerce, c’est fantastique, je serais certainement rentrée dedans si j’avais
pas eu Sciences Po » enfin oui, voilà, pas le contraire quoi.
Philomène - (Rires) Oui en effet. Et selon toi, sur quoi va se baser le recruteur,
comment est-ce qu’il va se comporter ?
Louise - Euh, alors, ça dépend des recruteurs, et je pense qu’il y en a qui sont plus
académiques que d’autres. Après tu vois, c’est drôle parce que là je suis chez une amie
qui fait une école dans les ressources humaines, et donc j’ai rencontré pas mal de ses
amis qui sont dans les ressources humaines, et c’est vrai qu’ils ont tous un truc, une
façon un petit peu différente d’appréhender la chose, enfin soit parce qu’ils ont le choix,
soit parce qu’ils travaillent dans des entreprises et que la ligne de conduite est telle que,
voilà. Donc en fonction ou quoi, ça dépend, je pense que quand t’as une, quand tu
travailles pour une petite structure, comme une start-up, t’as pas de service RH, c’est le
patron et du coup t’as beaucoup plus de latitude pour choisir ton client donc je pense
que ça se joue pas forcément sur ton CV mais sur l’attitude que va avoir le candidat
pendant l’entretien, sa capacité à rebondir aux questions, et aussi son, son caractère
parce que des fois on te teste un peu, on essaie de voir, tu vois enfin, de toute façon y a
plusieurs choses qui se passent mais tu sens bien si y a un petit lien ou pas en général,
ou si la personne d’emblée t’apprécie pas trop. Donc, je pense que dans les petites
structures, voilà, ça marche beaucoup à l’impression qu’est laissée par le candidat plus
que son CV. Après, dans des grandes entreprises, le CV prédomine et ensuite, on voit
comment ça se passe à l’entretien. Le CV prédomine, par exemple, si chez Hermès, on
te dit « on cherche un CDD de 4 mois comme chargée de communication mais on veut
qu’elle ait 5 ans d’expérience », si tu n’as pas 5 ans d’expérience, tu ne seras jamais
rappelé. Tu peux toujours essayer pour te donner bonne conscience, te dire que peut-
être oui… Non. Enfin peut-être qu’ils le font hein mais moi en tout cas jamais. Donc
voilà.
Philomène - Ok. Et à ton avis, le recruteur il va aller regarder ton profil comme toi
tu le fais pour lui ?
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Louise - Oui oui oui bien sûr. Euh, enfin, bien sûr… Ça dépend s’il est jeune ou
pas hein mais. Moi je pense que c’est plutôt logique, donc après comme je t’ai dit,
Twitter ben j’en ai pas, euh… Mes photos Instagram, euh, ah je sais même pas s’il est
fermé mon compte Instagram. Je pense pas que ce soit des photos hyper
répréhensibles. Bon… Mon compte Facebook par contre, la dernière fois que j’ai vérifié,
j’avais… Ah mince, est-ce qu’il est fermé ? Il est fermé, mais pas en totalité. Mais par
exemple, tu vois, on peut pas voir plus que mes photos de profil. Donc généralement
une photo de profil, ça reste assez correct. Ils ont certainement pas accès à mon mur, et
certainement pas accès aux photos ajoutées par les autres.
Philomène - Donc toi tu fais attention à ton « e-réputation ».
Louise - Oh oui bah il va de soi que… Il va de soi que… C’est même pas la peine
de… (Pause)
Philomène - Oui (rires). (Pause) Ben moi j’ai abordé tous les thèmes dont je
voulais parler, mais est-ce que tu as quelque chose à ajouter, des idées qui te seraient
venues, des questions, des expériences marquantes dans le sujet ?
Louise - Non… Enfin pas vraiment… Enfin je pense que ça aide de multiplier les
petits points d’accroche sur le net, si tu veux. Donc, les alertes, les inscriptions, ça aide,
ça c’est sûr parce que ça multiplie de toute façon tes chances de, d’être rappelé un jour.
Mais ça reste quand même hyper aléatoire quoi. Par exemple, à deux reprises, j’ai eu
des entretiens pour faire des RH alors que dans mon CV, y a rien qui indique que je
puisse faire des RH. Enfin, j’ai jamais fait quelque chose qui s’en approche de près ou
de loin. Alors après j’suis pas contre l’idée hein, pourquoi pas, ça avait l’air sympa dans
la description du poste, donc j’ai passé mon entretien, bon, y en a un que j’ai eu mais
que j’ai pas pu prendre parce que c’était un stage au ras des pâquerettes, et un autre,
oui celui de la Marine où j’ai passé l’entretien et ça s’est très mal passé. Mais voilà, enfin
des fois tu te dis, mais… Pourquoi ? (Rires) Donc ben voilà ben écoute, je pense que
j’ai pas grand chose…
Philomène - Ok, ben en tout cas merci beaucoup pour ton aide.

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Amélie C.

J’ai contacté Amélie, qui avait travaillé avec une connaissance au sein d’une
entreprise grenobloise de e-commerce axée sur la mode et développée à l’international.
Diplômée de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Grenoble, elle a travaillé
en tant que chargée de recrutement dans cette structure pendant 9 mois et est
actuellement à la recherche d’un emploi, je l’ai donc contactée pour parler de son
expérience en tant que recruteur dans une grande entreprise, mais aussi pour avoir un
aperçu de ses pratiques de recherche. Nous sommes entrées en contact mi-mars et
l’entretien s’est déroulé sur Skype le 26 mars 2015.

Philomène - Est-ce que tu peux me décrire brièvement l’activité de l’entreprise


dans laquelle tu étais ?
Amélie - Alors l’entreprise a été créée en 2006, et c’est une équipe d’ingénieurs qui
ont eu l’idée, bah, de vendre des chaussures sur internet, ils ont eu l’idée d’une
entreprise américaine qui vend des chaussures sur internet. Donc en fait ils ont copié ce
qui se faisait et… Ils l’ont mis en place en France, et puis depuis donc ils distribuent des
chaussures mais aussi des vêtements et des sacs. Du coup ils sont présents maintenant
dans une vingtaine de pays en Europe, tout le monde est basé à Grenoble donc ça veut
dire que toutes les équipes marketing, tout le monde est basé à Grenoble, même les
conseillers clientèle par exemple, euh, pour qui on a recruté des gens natifs des pays, et
tout le monde est basé à Grenoble. Voilà, et après tout ce qui est entrepôts logistiques,
actuellement ils sous-traitent à un prestataire basé à Saint-Quentin-Fallavier, au bout du
péage de Lyon, à l’entrée de Lyon. 

Voilà, ensuite donc que dire d’autre… Ils se développent énormément, donc sur internet,
en fait ils ont… Au début c’était vraiment uniquement que de la chaussure, et j’ai plus en
tête les dates, à partir de 2012, 2013, ils ont mis en place le textile et la maroquinerie. Et
c’est aussi à partir de ces dates qu’ils ont développé leur propre marque, donc en fait là
c’est des ventes, des marques qui sont exclusivement à eux, et qui sont développées en
interne, enfin on va dire au niveau du style et du modélisme des chaussures, des
vêtements mais qui sont, c’est des pièces qui sont sélectionnées par des acheteuses et
on estampille le nom des marques.

Après au niveau international, ils ont commencé à se développer début 2009 avec
l’ouverture du premier pays qui a été l’Italie et du Royaume-Uni, et ensuite il y a eu
l’année d’après l’Espagne et l’Allemagne, et en 2011, y a 7 nouveaux pays qui se sont
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ouverts, et il me semble que le dernier c’est la République Tchèque il y a deux ans.

Voilà, et puis donc là ils sont tous sur leur stratégie internet mais, je sais si t’as vu, ils
ont également ouvert un magasin à Grenoble.
Philomène - Oui j’ai vu ça.
Amélie - Donc là ils essaient, ils font des tests on va dire, de développer des
magasins physiques.
Philomène - D’accord. (Pause) Du coup, je voudrais te parler un peu de votre
processus de recrutement et des moyens qui étaient utilisés. Donc dans ton expérience,
qu’est-ce que vous utilisiez pour communiquer, rechercher des profils, les sélectionner ?
Amélie - Alors nous en fait, dès qu’un besoin était identifié, on va dire que la
première action était de diffuser des offres, on passait uniquement par du gratuit, donc
on va dire en premier lieu, on publiait les annonces sur le site internet de l’entreprise, ça
c’est un outil que avec notre admin à nous on pouvait diffuser les annonces sur le site.
Ensuite on envoyait bien évidemment les demandes à Pôle Emploi pour que eux ils
publient l’annonce, et ensuite nous on faisait avec nos petites mains toute la diffusion
des offres sur l’APEC, Indeed, euh… Et puis ensuite différents sites gratuits donc des
fois en fait on arrivait avec des sites comme FashionWeb ou Monster à avoir soit des
sites de diffusion soit du gratuit comme DirectEmploi et là on arrivait à diffuser nos
annonces. Mais tout le temps que avec du gratuit, c’est-à-dire que pour les profils très
spécifiques, du genre conseillers clientèle Danemark ou Suède, on avait du mal à
recruter quoi. Et en gros là on passe avec des annonces, avec Facebook. Y a eu
Facebook aussi avec l’application WorkFour, on passe sur Facebook des annonces.

Voilà et puis après à propos des chargés de clientèle pays, on passait avec Pôle Emploi
international, sachant que en fait la correspondante qu’on envoyait, elle, elle diffusait à
son correspondant dans le pays ciblé et d’où parfois on avait plus la boucle du tout,
donc c’était hyper difficile parce qu’on savait qui la voyait, comment elle était vue, et ça
posait des problèmes c’est-à-dire que tu vois nos chargées de clientèle Allemagne et
Suède, elles ont vu les annonces qui étaient mises sur Pôle Emploi et c’était n’importe
quoi. Donc euh voilà c’était mis voilà mais… Forcément ils avaient un millier d’annonces
donc forcément c’est pas attirant et puis forcément on avait assez peu de CV.

Donc voilà et après on passait aussi avec des associations par exemple pour la Suède,
c’était par les associations de Suédois en France ou des trucs du genre. Voilà enfin…
C’était jamais vraiment… Et pour le Danemark on était avec la maison du Danemark qui
est un truc culturel à Paris, et en fait on s’attendait à ce qu’ils affichent notre annonce
dans leurs locaux et en fait, on a recruté la fille du directeur.
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Philomène - D’accord. (Pause) Et sur quels critères est-ce que vous basiez votre
sélection ?
Amélie - Alors, moi je partageais… Je vais baser ma réponse sur ce que moi je
faisais, moi je recrutais les stagiaires donc pour tous les services et les chargés de
pays. Donc au niveau des stagiaires, c’était la motivation principalement, les autres
stages qui pouvaient correspondre, euh… Si la personne avait déjà fait des stages, ça
pouvait faire, correspondre aux missions qu’on allait proposer. Et du coup donc les
stagiaires, c’était vraiment la motivation, en fonction des dates de stage, nous on allait
avoir des gens pour longtemps donc des stages de 4 à 6 mois en général donc souvent
des stages de fin d’études. Donc voilà, beaucoup basé sur la motivation et recruter aussi
des stagiaires internationaux, donc des Espagnols, des Italiens, des… Danois, etc. 

Et après au niveau des critères de sélection pour les conseillères clientèles, pour celles
qui travaillaient pour les pays, donc on voulait absolument quelqu’un de natif du pays,
donc c’est-à-dire que même quelqu’un qui avait passé 15 ans au Danemark, ben en fait
quand on faisait les tests de langue, ça correspondait pas, c’est-à-dire que bah y avait
quand même des fautes etc. et c’était vraiment pour la population du pays donc il faut
que la langue soit parfaite. Donc voilà, ensuite le deuxième critère c’était, bah, est-ce
que la personne veut venir sur Grenoble, oui ou non. Donc ça c’est toujours aussi des
cas quand on… Voilà hein Grenoble, c’est pas Paris, c’est pas aussi attractif, donc voilà
le critère c’était la mobilité, donc on a beaucoup de gens qui nous proposaient par
exemple de faire du home-office ou voilà, mais nous c’est pas possible, la volonté était
vraiment d’avoir toutes les… toutes les personnes et tous les collaborateurs à Grenoble,
tout le temps quoi.

Et au niveau des autres critères, après bien sûr la motivation, est-ce que la personne
s’est renseignée, euh… Après j’avoue sur des profils comme le Danemark ou la Suède,
on a dix candidats potables, même pas, des fois on avait un CV par semaine donc…
Donc après on faisait aussi avec ce qu’on avait quoi (rires), c’est triste à dire mais…
Mais c’était ça. Et puis y a beaucoup de… Le taux de… On va dire que le recrutement
est, au niveau des profils de chargés de clientèle internationaux, amène beaucoup
d’échecs, c’est-à-dire que bah une personne qui va… On va dire que… Voilà, le succès
n’est pas garanti à chaque fois, y a beaucoup de gens qui partent au bout de quelques
temps, quelques semaines ils se disent « bah en fait, ça va pas le faire ». (Pause)

Après nous au niveau des entretiens, on faisait tout le temps un entretien, premier
entretien téléphonique, donc on contacte déjà la personne pour ses disponibilités, en fait
pour valider tous les critères dont nous on avait besoin, c’est-à-dire ses disponibilités, sa
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mobilité, euh… Sa langue ou pas, voilà, sa motivation et après on faisait des entretiens
et l’entretien se déroulait toujours avec la chargée de recrutement (soit moi, soit ma
collègue), et le manager. Voilà. Donc ça, moi, au niveau des profils que j’avais, la
décision finale s’arrêtait là. Après pour d’autres profils, cadres, et dans d’autres services,
dont ma collègue avait en charge le recrutement, là après, la personne, on faisait une
short list de personnes et c’était le PDG qui voyait ces personnes en entretien, et c’est
lui qui avait la décision finale.
Philomène - Ok. (Pause) Je voudrais juste rebondir sur quelques petites choses :
tu m’as parlé des chargés de pays, et j’imagine que c’était pas des gens qui venaient
vers vous, ou si vous vous preniez contact avec eux ?
Amélie - Un petit peu les deux, on va dire, enfin c’était candidature spontanée, y en
avait zéro. Voilà. Après, bah, en diffusant les offres, forcément ça attire les gens donc
voilà, dans les offres, les gens répondaient aux offres, et y en a beaucoup qui
correspondaient pas non plus, y en a ils se disaient bilingues alors que pas du tout, enfin
voilà donc là c’est quand même un gros tri à effectuer et beaucoup de contrôle pour,
bah, avoir en entretien que les personnes qui sont susceptibles d’être embauchées
derrière, en fonction de nos critères. Donc oui, voilà. Après, c’est vrai que c’était quand
même très pénurique au niveau des profils. Mais après, au niveau des profils en fait en
gros, c’était : soit des femmes qui s’étaient mariées avec un Français, qui habitaient à
Grenoble et qui voulaient chercher un petit travail, donc euh, une cinquantaine d’années
on va dire, quarante, cinquante ans ; ou soit c’étaient des jeunes qui venaient de finir
leurs études, qui avaient appris le français parce que voilà le fait qu’ils maîtrisent le
français, tous les outils, la langue pour le travail c’est le français, donc il fallait que la
personne maîtrise aussi le français, c’est quand même aussi important. Et là on pouvait
beaucoup, on a beaucoup recruté des jeunes qui sortaient d’études, qui avaient appris
le français et qui voulaient habiter et travailler en France. Après c’était beaucoup des
profils donc on voulait des profils assez littéraires parce que bah il faut une bonne
maitrise de la langue, bonne maitrise de l’écrit, de l’oral, de la communication.
Philomène - Mmh. (Pause) Du coup, est-ce que les entretiens étaient toujours
physiques ou est-ce que vous avez dû en faire par d’autres moyens ?
Amélie - Alors pour ceux qui étaient sur la région grenobloise, c’était physique,
après celles qui habitaient à Stockholm, on faisait des entretiens Skype. Donc c’est vrai
que pour certains recrutements, on a recruté des personnes en CDI, que avec des
entretiens Skype.
Philomène - Et tu l’as fait toi personnellement ?
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Amélie - Ouais. Ouais ouais, plusieurs fois pour des stagiaires beaucoup, et pour
des chargés de recrutement, j’en ai recruté une par Skype ouais. Mais c’est pas facile
hein parce qu’on a moins le ressenti de la personne, voilà c’est plus difficile, la situation
de stress n’est pas la même, voilà on est quand même aussi super dépendants de l’outil
informatique, donc des fois ça marche pas, et ça m’est arrivé avec la manager du
service client international de faire un entretien avec notre téléphone portable sur Skype
parce que l’ordinateur marchait plus. Donc voilà c’était que des aléas comme ça tout le
temps.
Philomène - Et en dehors de la difficulté technique, tu trouves que c’est un bon
outil ou pas ?
Amélie - Ben, nous on va dire que c’était un très bon outil parce que pour nous
c’était indispensable de faire des entretiens sur Skype, quand on recrute quelqu’un en
Suède, eh ben on peut pas se permettre de la faire venir… Euh à moins qu’elle soit en
vacances en France à ce moment-là en fait c’est super délicat de la faire venir, euh… Si
derrière en plus y a pas de recrutement donc c’est vrai que pour nous Skype, c’est un
très gros moyen de recrutement pour les profils internationaux. Après, euh… Bah Skype
ça veut dire que bah la personne à côté, elle peut être aidée, elle a son CV, elle a ses
notes etc., chose qu’on n’a pas forcément en entretien de recrutement, quoique ça se
fait de plus en plus d’avoir des petites notes à côté de soi et son CV. Mais voilà on n’est
pas dans les mêmes conditions de recrutement, on n’a pas le recruteur en face, euh…
Donc c’est un autre stress, on va dire, pour le candidat… Parce que bah on n’a pas le
même ressenti parce que faut pas oublier que d’un côté on est recruteur, donc nous on
veut avoir le bon candidat, mais de l’autre côté la personne cherche un travail et elle
veut avoir le bon manager et la bonne entreprise. Donc en fait, c’est vraiment une
relation de gagnant-gagnant pour trouver un emploi. Et c’est vrai que c’est un petit peu
plus difficile avec un entretien Skype. Pour moi, quelqu’un qui pense à venir habiter et
travailler à Grenoble, quand t’habites en Suède, que via des échanges Skype, téléphone
et e-mail, c’est quelqu’un de courageux quoi.
Philomène - (Pause) Tu m’avais aussi parlé d’une évaluation de la langue des
personnes recherchées, et ça ça se faisait comment en fait ?
Amélie - Alors ouais du coup nous non, on n’était pas polyglottes avec ma collègue
donc on parlait pas Suédois, etc. du coup ce qu’on faisait, c’était un… Donc au niveau
de l’entretien, si tu veux je te parle du déroulé de l’entretien typique, en gros on avait la
personne, la chargée de recrutement parlait de l’entreprise, donc présentait l’entreprise
etc. ensuite le manager présentait le poste, euh… Après ça on écoutait la personne,
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donc la personne se présentait elle sur son parcours et son projet professionnel,
pourquoi aujourd'hui elle avait envie d’intégrer l’entreprise. Et puis ensuite c’était un
échange de questions, voilà, questions-réponses entre le manager, la chargée de RH et
le candidat. Après ça, euh… On passait des tests, on avait un test oral qui se déroulait
en français, donc ça permet d’évaluer le niveau de langue de la personne, bon on a déjà
fait un entretien avant mais… Un test en fait où la manager, donc c’est en face à face,
fait semblant d’être au téléphone, donc la manager simule un appel téléphonique avec le
candidat, et se fait passer pour la cliente. Et en fait, là on évalue pas les bonnes
réponses, comme quoi tu vas donner 30% de réduction pour qu’elle soit satisfaite, etc.
on n’évalue pas du tout ça, on évalue plus bah si la personne est agréable au téléphone,
si elle répond bien, si elle va toujours dans le sens du client pour l’aider, si voilà y a plein
de petites choses qu’on regarde, pour voir si la personne est agréable au téléphone
pour les clients. 

Voilà, et ensuite on avait une autre partie de test. C’était un test écrit, et en fait on avait
3 descriptions de fiches produits, donc en fait on avait une photo donc d’une botte, avec
en-dessous la description qui est faite sur le site internet du produit. Donc c’est quand
même des mots assez spécifiques, c’est là où on cherche quand même des gens natifs,
c’est que ça va être « cette botte sera vraiment de tous les styles etc. » donc en
français, et la personne devait traduire dans sa langue. Voilà, et on avait également 2 e-
mails où on avait une situation, bah Monsieur X a perdu son colis, euh… « Expliquez-lui
comment on va faire » et en trois points il fallait qu’elle écrive un email dans sa langue
du pays. Et après nous, les traductions on les envoyait aux personnes qui travaillaient
pour nous au sein du service client pour qu’ils les corrigent. 

Voilà, et après une autre dimension, là je m’écarte, du profil de chargé de clientèle, mais
c’est valable pour les stagiaires et pour tous les autres personnes de l’entreprise, c’est
de passer des tests de logique, donc là c’était 9 questions… Ou 7 questions… Nan, 7
questions de problèmes de logique mathématique, parce qu’ils sont très à cheval sur
l’analytique, les chiffres et les données dans l’entreprise.
Philomène - Et juste une question, tu m’as parlé du test oral mais pour les autres,
c’était format papier ou informatique ?
Amélie - Ils faisaient sur l’ordinateur, sur Word en fait, on leur donnait sur Word les
fiches produits et ils devaient écrire la description en dessous.
Philomène - Même chose pour les tests de logique ?
Amélie - Euh… De logique, c’était sur papier. Et après en fonction de chaque
poste, on va dire qu’y a des postes avec des tests différents, y en a qui avaient des tests
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Excel, celles à la communication, elles avaient des tests, rédiger un compte-rendu de,
d’évènement ou des choses comme ça.
Philomène - (Pause) Euh… Donc je voudrais passer à un second thème, qui va
être l’utilisation des outils numériques. Alors est-ce que tu saurais m’expliquer pourquoi,
selon toi, les entreprises utilisent des outils numériques pour recruter ?
Amélie - Eh bah… Parce que bah… Avant on mettait les offres d’emploi dans les
journaux, maintenant les gens lisent plus déjà, voilà donc en fait il faut aller…
L’entreprise doit aller chercher les gens susceptibles de candidater là où ils sont. Et
aujourd’hui, les gens ils sont où ? Ils sont sur internet. Du coup bah, voilà c’est vrai que
avant, donc maintenant on diffuse sur internet, même le Pôle Emploi etc. est présent sur
internet, donc maintenant tout se fait sur internet, parce que tout le monde est toujours
connecté. On est toujours connectés et c’est vrai que voilà, même une entreprise, les
entreprises maintenant utilisent même Facebook, qui y a quelques années était vraiment
plus de l’ordre du privé, et bah maintenant même Facebook arrive sur l’ordre du
professionnel aussi, car les entreprises diffusent leurs offres sur ce réseau social.
Philomène - Donc s’adapter aux gens qu’on vise essentiellement…
Amélie - Oui et puis bah déjà maintenant avec les annonces sur internet, tu peux
avoir des annonces sur les téléphones mobiles. Moi là maintenant j’suis en train de
rechercher du travail, moi j’suis connectée tout le temps, à la limite que avec mon
téléphone, où j’suis en veille grâce à mon téléphone parce que voilà j’ai téléchargé
l’application Indeed, j’ai téléchargé l’application Monster, j’ai l’application Pôle Emploi,
l’application APEC. Voilà, tous ces jobboards, toutes ces entreprises aussi, ont
développé des… Des nouvelles façons d’aller chercher les gens parce que maintenant
les gens ils sont plus tout le temps sur leurs téléph… Maintenant ils sont plus tout le
temps sur l’ordinateur, ils sont tout le temps sur leur téléphone. Donc voilà il faut aller
chercher les gens là où ils sont et voilà, c’est de l’accessibilité de l’information et euh…
C’est vrai que c’est hyper pratique, enfin c’est hyper pratique. Moi j’ai pas encore
postulé avec mon téléphone mais ça permet dans un premier temps déjà de faire de la
veille, donc c’est-à-dire que même si j’suis pas chez moi etc. bah… Une fois par jour je
vais regarder les nouvelles annonces qui ont été mises sur Indeed, sur l’APEC… Sur
Pôle Emploi et Monster, quoi. Voilà donc maintenant alors ça s’appelle le… Avant c’était
le e-recrutement et maintenant c’est le m-recrutement, pour mobile. Comme le e-
commerce et le m-commerce. Voilà c’est vrai que bah on fait en fonction des tendances
et c’est… Ça joue aussi pour le recrutement.

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Philomène - (Pause) Donc j’avais une autre question… Pour quels usages est-ce
que vous utilisiez les nouvelles technologies ? Tu m’as parlé de diffusion d’annonces,
pas beaucoup de réception de candidatures spontanées, est-ce qu’il y avait autre
chose ?
Amélie - Alors, nous c’est vrai que… C’est vrai comme je te dis les moyens étaient
très limités. Donc moi, par exemple, j’avais mon compte Viadéo personnel mais, par
exemple j’avais pas un compte Viadéo, on avait un compte LinkedIn c’est tout et c’est
grâce à ce compte LinkedIn qu’on pouvait faire un peu du sourcing. Donc là c’est de
taper un peu des mots-clés et de faire un peu du sourcing, même via Google au final
on… Voilà Google c’est le centre maintenant de tout métier, j’ai l’impression… Tout le
temps une réponse à tout (rires). Du coup c’est vrai que c’est hyper pratique, c’est que
on va taper bah voilà, quand on cherche des associations de Suédois en France, si on
n’a pas Google, on n’a rien. Enfin… C’est d’une rapidité, enfin voilà. Enfin je dis pas ça
on n’a rien parce qu’en cherchant, on trouve toujours quelque chose mais ça prendrait
cent fois plus de temps. Donc c’est vraiment un gain de temps. Après avec Indeed, qui
est un agrégateur gratuit en fait, Indeed, c’est pas un jobboard classique en fait, il
intègre dans sa plateforme toutes les annonces qui sont diffusées par les autres
jobboards. Et il recentre l’information. Et là ça c’est gratuit, et là avec ça on pouvait
aussi, les gens qui diffusent leur CV sur Indeed on pouvait y accéder et puis les
contacter via Indeed. Et là on a tout fait, moi j’ai recruté des gens parce que c’est
justement nous qui les avons contactés. Et après avec l’APEC aussi, on avait un
partenariat et avec l’APEC, c’est une grande base de données aussi où on faisait du
sourcing et on pouvait aller chercher des profils, même des gens qui étaient en poste,
on allait bah leur proposer, on allait voir leurs projets, est-ce qu’ils voulaient évoluer, est-
ce qu’ils voulaient changer… Et voilà. 

C’est vrai que ça va dans les deux sens : c’est pour diffuser mais c’est aussi pour
sourcer.
Philomène - (Pause) C’est vrai que même pour trouver les organismes
intermédiaires… En fait, vous les contactiez comment, vous cherchiez sur internet ?
Amélie - Voilà en fait on cherchait sur internet et en fait beaucoup n’avaient pas
forcément de numéro de téléphone, donc c’était pas email mais j’avoue que les retours
étaient quand même assez faibles. Mais après voilà, on allait voir voilà, c’était vraiment
de la débrouillardise à 100% et c’est vrai que quand on essaie de se débrouiller, on peut
avec internet, ça aide beaucoup quoi, l’outil informatique est indispensable.

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Philomène - (Pause) Alors… Un troisième thème que je voudrais aborder, ce serait
de la relation au candidat. Tout simplement : pour toi, le recruteur c’est qui ?
Amélie - Alors pour moi, le recruteur, c’est une personne qui est là pour euh… Déjà
son coeur de métier c’est de trouver quelqu’un qui va correspondre au profil de poste, et
au poste qui est proposé. Donc en fait, c’est la personne qui va être là pour, pas
trancher parce que pour moi c’est beaucoup plus le manager qui aura le dernier mot,
mais pour vraiment avoir l’oeil sur la personnalité du candidat, pour vraiment creuser
plus profondément que le manager va faire. Le manager il est là pour évaluer les
compétences strictes de la personne, son savoir-faire… Nan son savoir, et le recruteur
est là pour évaluer son savoir-être. Et voilà, pour moi le recruteur bah c’est vrai que c’est
lui a l’oeil on va dire expert sur ta personnalité, mais pas forcément sur les compétences
propres au métier. Après y a de nombreux recruteurs qui sont, qui connaissent
parfaitement les métiers sur lesquels ils travaillent, et ce qui est indispensable pour un
recruteur, c’est de connaître les métiers euh… qui sont proposés au candidats. Surtout
quand y a pas le manager à côté. Nous on faisait avec le manager tout le temps, mais
même avec le manager à côté, bah de connaître le métier ça permet de renchérir,
d’informer, voilà, de… De connaître aussi, ce dont on parle, et ça c’est très important.
Philomène - D’accord… (Pause) Et à ton avis, comment est-ce que le candidat te
perçoit en tant que recruteur ?
Amélie - Alors je pense qu’y a beaucoup d’a priori, sur le recruteur. Comme quoi
bah c’est… En fait c’est la personne qui va te dire oui ou qui va te dire non. Et c’est ça
qui est un petit peu difficile en tant que candidat. Moi c’est vrai que là je passe des
entretiens de recrutement, mais j’ai plus l’habitude d’être de l’autre côté de la table
(rires). Et c’est vrai que c’est très déstabilisant : c’est pas parce que t’es un bon
recruteur que t’es un bon candidat, et que t’es fort en entretien de recrutement. Parce
que en fait ton entretien de recrutement, il va vachement dépendre, en tant que candidat
je parle, de la personne qu’il y a en face, et de l’atmosphère qu’il renvoie, c’est-à-dire
dans l’environnement dans lequel il te plonge. Si directement, la personne va te plonger
dans un environnement stressant etc., bah ça va pas être agréable, tu vas pas bien te
sentir etc. et au final, ça voudra peut-être rien dire, ça voudra même dire que au final,
t’as quand même réussi ton entretien etc. Mais, le recruteur, c’est lui qui va… amener
l’environnement de l’entretien. Je sais pas trop comment expliquer en fait. L’atmosphère
en tout cas. Et nous c’est vrai qu’on était pas du tout dans une optique de mettre mal à
l’aise la personne, de le piéger, de… D’être méchants. Nous on était beaucoup trop
gentils même des fois. Voilà mais c’est vrai que c’est quand même… C’est quand même
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très agréable et voilà, les gens étaient souvent surpris, c’est vrai que nous, on était
quand même des gentils recruteurs (rires). Et c’est pas tout le temps le cas de tout le
monde, moi la dernière fois, j’ai eu un entretien, le gars… Au bout de 5 minutes, il me
traitait de peste.
Philomène - Ah oui…
Amélie - Mais euh en rigolant mais ça m’a pas fait rire du tout.
Philomène - En effet…
Amélie - Voilà. Il m’a dit, en fait, moi j’habite à Méribel là dans une station de ski, et
donc je lui expliquais mes stages etc. et j’en avais fait un à Courchevel et il dit « ah oui,
en fait vous faites partie des petites pestes qui doublent à toute vitesse sur la piste »…
Et en fait, ça m’a coupé court direct à mon entretien, après j’étais plus du tout dedans,
j’étais… Ça m’a pas du tout mis dans l’ambiance quoi. (Pause) Voilà en fait, le recruteur
il donne le ton un peu de… de comment va se passer l’entretien. Donc bon.
Philomène - (Pause) Du coup, est-ce que tu as le sentiment, toi, que les outils
numériques qu’on utilise aujourd’hui ont changé cette relation entre recruteur et candidat
?
Amélie - Bah. Moi, ça va être assez difficile de me positionner dans la mesure où
j’ai toujours connu ce type de recrutement, du recrutement avec les nouvelles
technologies. Mais après, euh, après je pense que c’est altéré dans la mesure où
aujourd’hui, si on veut se renseigner sur une personne, on n’a même pas besoin, avant
même de la voir en entretien, on peut se faire une idée sur elle, si on est curieux, on va
mettre son nom dans Google, voilà, c’est ça, c’est aussi les problèmes de ces nouvelles
technologies, c’est que ça peut beaucoup altérer l’image qu’on renvoie de soi. Voilà,
nous, j’avoue clairement, on n’avait pas le temps d’aller fouiller sur Google pour savoir
s’il avait des photos Facebook, on s’en fout vraiment. Euh… Après si la personne nous
semble un peu bizarre en entretien, j’avoue que de temps en temps on tapait le nom
dans Google, mais voilà, rien de bien méchant, pas d’enquête en amont, on va dire.
Philomène - T’as dit que pour toi c’était un « problème ». Et donc tu vois ça
comme problématique l’accès à ces informations ?
Amélie - Bah je dirais pas problème, mais je dirais informations supplémentaires
qui sont pas maîtrisées par la personne. C’est-à-dire que quand t’es en entretien, tu
maîtrises l’information que tu donnes à la personne en face, parce que ce que tu dis, tu
l’as, on espère, préparé, ce que tu dis, voilà, c’est ce que tu penses de toi ou quoi, le
problème c’est que si le recruteur, il va chercher des informations, il aura les
informations et il déduira tout de suite quelque chose derrière. Voilà, lui il va se faire une
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idée, par rapport à ce qu’il voit, ce qu’il entend, sur internet, qui est pas forcément la
bonne. Donc en fait, c’est que, l’information qui est présente sur toi sur internet n’est pas
maîtrisée, et puis tu sais pas ce que l’autre en pense derrière, c’est ça le problème.
Philomène - (Pause) D’accord, et vous donc, vous faisiez pas tellement de
recherches sur l’e-réputation des gens ?
Amélie - Non. On avait pas le temps (rires). Non, non, on n’avait pas le temps,
après moi en fait, j’étais stagiaire aussi, euh… On intégrait beaucoup de stagiaires, et
voilà les stagiaires après je savais qu’ils allaient être mes amis, enfin… Après le truc,
c’est que non j’étais allée voir deux ou trois fois, mais c’est juste par curiosité, c’est pas
pour juger quoi. C’est juste pour voir la tête qu’il avait vraiment et voilà quoi. Parce que
je savais que la semaine d’après, j’allais le voir et on allait boire des coups ensemble.
Philomène - (Rires) Effectivement. Et est-ce que ça t’es déjà arrivé, quand tu avais
toi des entretiens, d’aller voir le profil d’un recruteur ?
Amélie - Ah ouais par contre, je le fais tout le temps ça. (Rires) Oui, oui. Euh…
Même là, enfin ce matin j’avais un entretien téléphonique, là, le gars m’a dit son nom,
mon premier réflexe était d’aller voir sur internet. Voilà. C’est vrai que du point de vue du
candidat, on va quand même tout de suite voir. Et c’est là aussi qu’est le danger, c’est
que en tant que recruteur, tu peux pas non plus te permettre de tout mettre sur internet,
enfin c’est hyper délicat quoi. Parce que aussi bien la personne que… Tu peux avoir des
informations sur la personne mais la personne peut avoir des informations sur toi aussi.
Et c’est là où est toute la subtilité du truc quoi.
Philomène - Et le fait de perdre cette maîtrise de l’information, ça change un peu la
dynamique…
Amélie - Ouais ouais, voilà ça peut changer complètement un entretien. Vraiment,
enfin… Après la personne, tu restes quand même un recruteur en face d’elle, donc c’est-
à-dire que t’as quand même un pseudo, je mets des guillemets, pouvoir ou supériorité
par rapport à elle parce qu’elle est dépendante de toi. Mais, elle peut… Donc elle va pas
dire « ah ouais j’ai vu des photos du toi sur Facebook, gna-gna-gna » tu vois, mais
euh… Mais elle, au fond, elle sait qui t’es. (Rires) J’sais pas comment le dire. Voilà, donc
j’pense que tu peux être moins impressionnant, mais après tout le monde ne veut pas
forcément être impressionnant en tant que recruteur, c’est pas forcément le but, mais…
Et tu peux aussi perdre de la crédibilité, voilà c’est ça, face au candidat. Ça marche
aussi bien pour le candidat que pour le recruteur.
Philomène - Du coup pour toi, dans l’ensemble, c’est plutôt négatif en fait ?

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Amélie - Bah, je dirais pas que c’est négatif mais que ça change. Que ça change la
donne, en fait. Non parce que, après euh… D’avoir des informations sur son recruteur,
c’est pas forcément négatif. Moi, voilà, la dernière fois y a un gars qui m’a écrit, je suis
allée voir sur son profil LinkedIn et Viadéo et j’ai vu qu’il avait fait l’IAE de Grenoble,
comme moi, donc ça peut être un point d’entrée de discussion, ça peut dire « ah bah
vous connaissez peut-être monsieur Machin, c’est mon prof aussi », enfin voilà ça peut
être aussi des leviers pour… pour arriver à communiquer et puis pour enclencher des
conversations et puis se trouver des points de ressemblance avec la personne. Donc
non, moi je pense pas que c’est négatif, mais je pense que ça change la façon de
recruter les gens.
Philomène - Ok. (Pause) Et comment est-ce que tu vois l’avenir des nouvelles
technologies par rapport au recrutement ?
Amélie - Bah, c’est difficile à dire parce qu’on sait pas qu’est-ce qui va encore être
inventé, parce que ça change à une vitesse incroyable, mais après en termes de
thématiques, je pense que ce sera des recrutements avec une information qui sera
encore plus facilement accessible, plus… Voilà aujourd'hui on peut se créer des alertes
email quand sur un jobboard y a une nouvelle offre qui correspond à nos critères de
recherche, pourquoi pas dans dix ans que ça sera un SMS qui nous soit directement
envoyé aussi, enfin ça doit probablement être faisable aujourd'hui je pense… Enfin
voilà, après ça… C’est difficile de voir. Mais entre le e-recrutement et le m-
recrutement… Je pense que ça va encore évoluer mais ça a beaucoup changé la donne
ces dernières années, ça c’est sûr.
Philomène - Effectivement. (Pause) Ben moi j’ai abordé tous les thèmes dont je
voulais parler, mais est-ce que tu as quelque chose à ajouter, des idées qui te seraient
venues, des questions, des expériences marquantes dans le sujet ?
Amélie - (Pause) Non, pas vraiment… Non c’est bon.
Philomène - Ok. (Pause) Eh bien merci pour ton aide, ça m’a donné énormément
d’informations.


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Antoine B.

Antoine B. a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons
rencontrés à l’IEP dans le cadre du forum des métiers. Il est actuellement responsable
RH au sein du groupe L’Oréal. Il est très actif sur les réseaux professionnels et a eu des
expériences en tant que recruteur avant de s’axer vers les Ressources humaines en
général, je l’ai donc contacté pour en savoir plus sur les pratiques de recrutement du
point de vue d’une des entreprises les plus innovantes en matière de recrutement en
France. Nous avons fixé la date du 3 avril pour nous rencontrer dans un café du centre
de Grenoble.

Philomène - Est-ce que vous pourriez me décrire brièvement l’activité de votre


division au sein de L’Oréal ?
Antoine - Donc j’suis dans une branche, une des quatre ou cinq grandes branches
de L’Oréal qui s’appelle Cosmetic Active, pour le moment c’est le nom qui existe. Pour
rendre les choses plus claires, parce que le nom il est pas très clair, c’est, ça signifie,
c’est la branche en fait pharma’, on va dire c’est la branche dermo-cosmétique de
L’Oréal, on a 5 marques qui sont Roget Gallet, SkinCeuticals, Sanoflore, Vichy, La
Roche-Posay et on avait Inéov et on l’a plus depuis quelques semaines. Donc c’est la
branche vraiment en fait, nos clients, nous, ça va être les pharmaciens, nos contacts ça
va être les dermatologues, les médecins, donc vraiment sur l’environnement pharma’,
médical. Donc ça c’est, on a une activité du coup bah… De vente de cosmétiques par
tout un tas de moyens.
Philomène - Donc quels sont les moyens que vous utilisez pour vous faire
connaître des candidats, sélectionner, recruter de manière générale ?
Antoine - D’accord, alors moi je suis pas recruteur en tant que tel mais dans mes
missions, j’ai du recrutement. Faut savoir que l’image L’Oréal elle est assez centralisée,
c’est-à-dire qu’elle est gérée, non pas par moi en direct, enfin pas en direct, je reviendrai
sur l’indirect mais pas par moi en direct dans le sens où on a une direction du
recrutement France, composé peut-être d’une quinzaine de personnes, et en fait qui a
pour rôle pour les métiers en tout cas Business, là je te parle des métiers business c’est-
à-dire communication, finance, marketing, commerce, euh, RH, qui a pour rôle de
valoriser L’Oréal auprès des jeunes, auprès des campus… Auprès des campus en
particulier, mais c’est une direction on va dire opérationnelle, c’est une direction de
recrutement opérationnel dans le sens où ils font des actions, ils mettent en oeuvre des
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actions où ils font des interventions dans les amphithéâtres, enfin ils font du concret et
ils sont en contact direct on va dire avec les étudiants en particulier. Parce qu’après on a
aussi une direction internationale du recrutement qui est la partie très corporate du
recrutement et là, y a un travail sur l’image employeur au niveau mondial de L’Oréal qui
vise à faire en sorte d’attirer, alors là, tous niveaux hein, des gens qui font des MBA, des
personnes qui sont… des gens en poste, ils travaillent vraiment l’image employeur. Et
qui travaillent partenariat notamment par exemple avec LinkedIn, donc y a un énorme
partenariat entre L’Oréal et LinkedIn, depuis quelques années déjà, qui vise à valoriser,
déjà d’une part valoriser l’entreprise auprès des personnes qui sont sur LinkedIn et
d’autre part se servir aussi de cet outil pour pouvoir trouver des candidats. Mais alors,
mais voilà donc en fait y a 3 niveaux : donc vraiment le niveau très corporate et le
niveau on va dire gestion de l’image employeur globale, y a le niveau campus,
recrutement, attractivité des jeunes en France, sur le côté business, et le troisième
niveau c’est le mien, c’est les personnes RH généralistes, RH opérationnel qui vont faire
du recrutement et qui vont quand même indirectement être amenées à travailler l’image
de l’entreprise parce qu’on reçoit les gens, faut aussi bien les recevoir, faut aussi leur
donner envie de nous rejoindre. Nous on s’appuie sur ce qui est mis en place par le
corporate ou par ceux qui gèrent les campus, ça nous aide, c’est grâce à eux aussi que
moi à titre personnel, je peux davantage convaincre des candidats de nous rejoindre.
Philomène - Et ça va se baser sur quels outils précisément ?
Antoine - Alors LinkedIn c’est vraiment parce qu’on a un partenariat très fort avec
eux, on a Meilleures Entreprises par exemple qui est de la gestion d’image d’entreprise,
GlassDoor, on a un énorme partenariat avec cet outil qui est encore un peu moins connu
peut-être, enfin aux Etats-Unis ça cartonne… C’est vraiment un outil qui vraiment je
pense, qui va vraiment se développer en France, être un must-have… En fait vous avez
plusieurs choses, vous avez des enquêtes de salaires, les entretiens comment ça se
passe, les entreprises et les offres, donc par exemple L’Oréal, on va voir et on regarde
les études de salaires, les avis avec les gens qui disent en quoi ça a des avantages, des
inconvénients. Donc voilà les Happy Few, Meilleures Entreprises, c’est un ancien de
L’Oréal d’ailleurs qui a lancé ça, c’était un collègue, Laurent, qui a lancé ça, ce site qui
marche très bien en France, c’est un peu on va dire un équivalent mais américain et
donc on travaille beaucoup avec eux parce que bah c’est valoriser tout ça. Après on a
des, on a aussi en termes d’image employeur, des outils qui sont pas forcément des
outils qu’on paie mais qui nous aident énormément, c’est Universum, donc par exemple
les enquêtes de satisfaction qui nous mettent dans les bons classements, ça va
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vraiment, on va s’aider énormément de ces outils pour promouvoir l’image employeur.
Après, qu’est-ce qu’ils vont utiliser aussi, alors euh… Alors les gros partenariats, bah y a
le site corporate, de toute façon c’est forcément quelque chose qu’on va, alors on va le
refondre un petit peu aussi dans les prochains mois, c’est forcément un moyen, un outil
très puissant de promouvoir notre image employeur. En outils, euh je sais pas si c’est un
outil mais les forums, on est très très présents alors ciblés hein, de toute façon ciblés
sur certains campus mais, ça c’est vrai… Les business games, ça c’est aussi quelque
chose, on a été la première entreprise à créer les business games y a quinze ans, avec
un jeu qui s’appelle « Brandstorm », qui est un jeu de simulation marketing, où on fait
travailler des étudiants sur des cas marketing… Donc ça, c’est un outil très pratique
aussi qui va nous aider à attirer les personnes, mais c’est vrai que l’accent il a été mis
on le voit de plus en plus sur le digital, enfin moi, enfin je sais pas quels sont les budgets
par exemple pour LinkedIn mais c’est des partenariats qui sont très très importants, ils
nous offrent une… Une tribune qui est importante, on met en place des systèmes,
qu’est-ce qu’on avait fait, on avait fait, qu’est-ce qu’on avait fait récemment ? Des sortes
de comm’ virale qu’on utilisait sur LinkedIn par rapport au nombre de followers j’crois,
j’sais plus comment, enfin y a tout un tas de petites animations que on a, on a quelqu’un
qui, c’est intéressant ça, qui s’appelle Zvi Goldfarb, qui vient de chez Viadéo, qui a été
recruté chez nous et qui est en charge, je vais vous donner son titre mais que de ça en
fait, c’est son rôle, il fait que ça, il est « strategic digital initiative », ouais en fait, lui son
but c’est de créer des idées en terme digital pour attirer les talents, donc plus sur la
partie RH, donc c’est vraiment son rôle. Il était chez Viadéo, il était chef de produit, et
donc il est vraiment là-dessus donc lui il promouvoit, il promeut l’image employeur et
donc y a tout un tas d’initiatives. Alors, on utilise YouTube, on a une chaîne L’Oréal
YouTube où on valorise les métiers par exemple, Instagram on a un compte Instagram,
L’Oréal Carrières, où on va, L’Oréal Live ça s’appelle, l’idée c’est de promouvoir les
métiers en fait, on fait parler des jeunes sur différents métiers, c’est des scènes de vie
où ils expliquent ce qu’ils font, des réunions, les futurs locaux, les… Voilà, sur Twitter
évidemment, on y est énormément aussi, après… L’image employeur ça passe aussi,
alors après la frontière chez nous elle est compliquée, parce que y a la frontière entre la,
les produits et l’entreprise elle est très flex. On communiquait beaucoup sur les produits
pendant un temps et moins sur le groupe parce que le groupe était caché un peu
derrière les produits, mais c’est vrai que maintenant, de plus en plus on fait le lien, de
plus en plus on valorise L’Oréal comme une entreprise, par des labels, sur l’éthique, sur
toutes sortes, on a des chartes éthiques, des chartes diversité, toutes sortes de choses,
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toutes sortes de labels qui nous permettent aussi de valoriser l’entreprise, et au travers
des produits aussi, au travers de nos innovations, on donne envie aussi dans le sens où
y a une application par exemple qui s’appelle « Make-Up Genius », une application qui a
vraiment cartonné énormément, qui a eu plein de prix, Marie-Claire, voilà, et qui est une,
une application créée chez L’Oréal Paris, qui nous vient d’un labo, parce qu’on a des
labos d’innovation digitale aux Etats-Unis, à la Silicon Valley où on expérimente tout un
tas de, d’innovations digitales, mais c’est vrai que ça aussi, c’est vrai que faut peut-être
le dire mais L’Oréal a la chance de pouvoir dans sa communication… C’est pas comme
à Areva. Ou c’est pas comme Total, Total c’est un meilleur exemple, c’est-à-dire que eux
ils peuvent difficilement valoriser leurs produits, parce que au contraire ça va desservir
l’image de marque, alors que nous, ce qui est pas mal c’est qu’on peut davantage
s’appuyer sur le rêve, des égéries, des… Et ça ça sert notre image employeur, ça c’est
un point qui est intéressant. Et on est très digitaux là-dessus. On a créé un poste, y a
plus d’un an, de Chief Digital Officer, je sais plus quel est l’intitulé exact, je crois que
c’est ça, CDO, qui est rattaché directement au PDG, on a une personne rattachée
directement au PDG monde qui est en charge de toute la stratégie digitale du groupe. Et
c’est vrai, on met ééééénormément l’accent là-dessus, moi je le vois comme sur des
marques, comme, comme La Roche-Posay, y a des projets pour le moment qui sont
confidentiels mais sur lesquels on travaille de plus en plus pour valoriser, voilà, le e-
commerce hein ça c’est évident, on se lance aussi parce qu’on veut pas se faire
rattraper par Amazon, par même nos clients pharmaciens qui eux montent leur site de e-
commerce. On a vraiment depuis quelques années, voilà, on a mis l’accent sur le digital
de façon globale. Dans le groupe de toute façon, on nous encourage, comme dans nos
recrutements, on nous encourage à passer par les réseaux sociaux, on nous encourage,
voilà, on a une page Facebook très active, des pages de marques, on essaie de se
glisser de toute façon dans tous les outils modernes pour valoriser l’entreprise, valoriser
les marques.
Philomène - (Pause) J’avais une question sur les critères de sélection, donc quels
vont être les critères de sélection ?
Antoine - C’est pas facile, après faudra que je les aie bien en tête, mais on en a
officiellement sept. Euh… Le réseau, développer son réseau, être en mesure de
développer son réseau au sein de l’entreprise mais aussi vis-à-vis de l’extérieur. On a la
ges-, ce qu’on appelle la gestion de la complexité, c’est la capacité à passer d’un projet
à l’autre en même temps, être flexible, faire, défaire, mieux refaire, enfin voilà bon
gestion de la complexité, dans une structure qui est assez matricielle, faut arriver à
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gérer les différents interlocuteurs, être évolutionnel. Donc deuxième point. On a l’esprit
d’ent-, euh… D’entreprendre, l’entreprenariat, voilà c’est une capacité à prendre des
initiatives. On a l’innovation, la créativité. On a la générosité, qui est une valeur un peu
aussi, un peu éthique, « Agis, dirige avec générosité » ça s’appelle. C’est vraiment la
capacité à… Voilà, à avoir une approche collective, à pas non plus être trop
individualiste, et avec des valeurs, et pas sans foi ni loi, et pas la fin justifie les moyens,
ça c’est quelque chose qui fait partie des critères qu’on va regarder. On a la sensibilité
aux produits, la sensibilité beauté, la sensibilité métier, c’est que de par notre type de
business, ça fait partie des critères de recrutement, quel que soit le job. On cherche des
gens qui ont une affinité produit très forte. Mmh… J’en ai cité combien ?
Philomène - Six.
Antoine - (Pause) Lequel il me manque, il m’en manque un dernier. L’orientation
résultat. Comment ils l’appellent, c’est euh… « Obtiens des résultats avec intégrité », y
a la notion éthique aussi d’intégrité, mais la notion business de résultat. Donc là c’est
vraiment être quelqu’un qui est dans l’action aussi, et qui va être capable de vraiment,
enfin, avoir une démarche orientée penser toujours lorsqu’il fait quelque chose au
résultat qu’il va produire, et générer de l’intérêt, générer de la valeur ajoutée. Puis après
on va chercher, ça c’est hors critères, mais quelqu’un qu’on dit « poète et paysan »,
c’est-à-dire quelqu’un qui va être aussi bien capable de mettre les mains dans le
cambouis, ça c’est important, de faire les faire des choses très terre à terre et en même
temps quelqu’un qui va prendre du recul, qui va se détacher, qui va avoir une vision
globale des choses.
Philomène - (Pause) Et est-ce que ces critères sont influencés par la présence des
nouvelles technologies chez L’Oréal ?
Antoine - C’est-à-dire par exemple ?
Philomène - C’est-à-dire, la stratégie du candidat par exemple, aimer les pages,
suivre sur LinkedIn ou Twitter, est-ce que vous allez faire attention à ça au moment du
recrutement ?
Antoine - Ah, quand je recrute quelqu’un, est-ce que je vais regarder si il like des
pages ou quoi ? Nous on va plutôt se servir des gens actifs sur les réseaux et d’aller les
chercher sur les réseaux pour les récupérer chez nous derrière, que l’inverse. On va pas
forcément une fois qu’on les a reçus, aller vérifier si, alors on va, dans nos critères
regarder s’ils sont à l’aise avec les outils, d’autant plus qu’on est une entreprise qui met
l’accent énormément sur le digital en ce moment. Donc ça c’est du coup il faut une
affinité digitale, c’est clair, il faut quelqu’un qui soit à l’aise avec les outils, on, voilà,
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maintenant on a tous des iPhones dans la boîte, on a des iPads, des machins donc voilà
c’est digitalisé donc il nous faut des gens, et particulièrement pour le marketing. Ça ça
va être même des critères, ça devient des critères de recrutement, c’est-à-dire que faut
que la personne ait une vraie sensibilité digitale, sinon il a peu de chances d’être pris
même. Y a certains métiers dans lesquels on va chercher la fibre digitale. Après, on a
des métiers digitaux, purement. On en a plusieurs centaines de personnes qui font que
du digital. Alors là, c’est un énorme critère de recrutement.
Philomène - (Pause) D’accord. Donc en dehors de la promotion de l’image
employeur, pour quels usages est-ce que vous allez utiliser les nouvelles technologies,
concernant le recrutement ? (Pause) Par exemple, est-ce que vous allez consulter des
CVthèques, ce genre de choses, diffuser des annonces…
Antoine - Oui oui, ça bien sûr, forcément, bah ça c’est, ça fait une dizaine d’années
hein, ça c’est très classique, les, ça peut être sur Monster, sur l’APEC, éventuellement,
sur des sites spécialisés comme FashionJobs par exemple, ça évidemment on a notre
site corporate où on a un outil de recrutement en ligne où on va aller poster des
annonces, on va poster des offres sur LinkedIn, on va poster des offres sur Twitter… Ça
je le lierais même à une stratégie de recrutement digital, j’essaie de voir quelques
exemples il peut y avoir qui sont l’utilisation des outils, mais autrement que…
Philomène - (Pause) Par exemple, ça peut être aussi des bases de données
internes…
Antoine - Ah ouais mais ça on a, au niveau mondial, on a une base de données
internationale, on la partage avec toutes les filiales du monde et toutes les marques, je
suis capable d’aller voir si Madame Michu a postulé à la division luxe il y a deux ans et
quelle réponse on lui avait faite, ça oui. Ça de toute façon forcément, y a des outils de
bases de données qui sont importants, et on incite les gens à postuler en ligne et pas
par papier. On incite les personnes à dématérialiser leurs candidatures, sur les campus
c’est clair qu’on évite le papier, après…
Philomène - (Pause) Et vous en recevez encore beaucoup en papier ?
Antoine - Bah de moins en moins mais on en a encore hein, moi j’en reçois encore
régulièrement. Après, c’est une façon peut-être de se démarquer hein, certains se disent
que ben rester sur quelque chose qui est originel, finalement ça devient original. Ouais.
Philomène - (Pause) Ok… Un autre thème que je voudrais aborder c’est la relation
au candidat. Donc, pour vous, le recruteur c’est qui ? (Pause) Quel est son rôle, sa
place ?

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Antoine - Bah son rôle c’est, ah, bah son rôle il a plusieurs rôles, il a un rôle de
valorisation de l’image employeur énorme. C’est l’une des premières portes que l’on va
avoir donc c’est une façade, c’est à travers lui que on va peut-être se projeter et
vouloir… Vouloir voilà, donc il faut être très convaincant, faut vraiment porter les valeurs
de l’entreprise, le plus justement possible, donc y a un vrai rôle de l’image employeur. Y
a un rôle du « chasseur », d’entrepreneur, c’est parce que le marché est compliqué, on
se bat tous pour les mêmes candidats, va falloir être malin, va falloir anticiper, va falloir
innover, va falloir… Ouais, c’est vraiment oser, ça c’est extrêmement important. Après
son rôle, c’est aussi son analyse, son intuition, cette capacité à flairer, c’est une sorte de
truffier quelque part, d’arriver à détecter les futurs talents et arriver à les projeter surtout,
c’est ça toute la subtilité, c’est que on n’est pas là tant pour repérer quelqu’un qui fera
bien quelque chose à un instant t, on est là aussi pour se dire que il collera bien à la
culture, et en même temps il fera d’autres choses dans 5 ans ou 10 ans, c’est cette
capacité aussi de ça. Et cette capacité aussi à placer les gens au bon endroit, c’est de
se dire, le recruteur il voit quelqu’un comme ça, on pourrait se dire j’sais pas un
architecte ou quoi, il se dit « oh bah tiens, ça a rien à voir avec les métiers a priori »,
sauf que là on va peut-être avoir du flair et se dire « bah non mais je le verrais bien
faire… faire du design à la division », donc c’est cette capacité à avoir une vision
globale, et arriver à placer les bonnes personnes au bons endroits. Je réfléchis à quel
rôle il peut avoir… Non là comme ça je vois pas…
Philomène - (Pause) Et du point de vue candidat, à votre avis, le candidat
comment il vous perçoit en tant que recruteur ?
Antoine - Ah, comment il perçoit le recruteur, pas le manager hein, le RH. Bah y a
peut-être de la méfiance, parce qu’il sait pas trop à quelle sauce il va être mangé,
généralement ils savent pas trop quel genre de question on va leur poser, avec la peur
d’être, d’être analysé. Qu’est-ce qui est possible aussi ? Ouais donc ça peut être une
forme de… crainte, il peut, il peut, parfois ça peut, il peut prendre aussi à la légère parce
qu’il s’imagine que là où ce sera plus compliqué, ce sera une fois qu’il verra les
managers donc il peut sous-estimer, dans ces cas-là ça peut leur faire tout drôle aussi.
Sous-estimer mais aussi ouais, ou faire peur, ou intimider, c’est vraiment, ça peut être,
moi j’ai vu je pense les deux, mais y a de la, enfin une forme de paranoïa quand même
je pense. Genre « qu’est-ce qu’il va encore me demander le RH, qu’est-ce qu’il va
dire ? », encore une sorte de mythe, « ouais, il va étudier ma psychologie ». Ouais il y a
encore un peu de ça quand même… Comment on peut être perçus ? Euh… (Pause)

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Non, voilà, en gros, je pense que ça c’est un peu la perception du candidat vis-à-vis d’un
recruteur.
Philomène - (Pause) Et est-ce que vous pensez personnellement que les
nouvelles technologies changent cette relation au candidat ?
Antoine - Ah ouais, après y a un truc tout bête, c’est par exemple, moi c’est, depuis
3-4 ans, les gens m’écrivent des SMS, par exemple c’est marrant, ça, ça, ça, c’est, en
fait un entretien c’est une relation longue distance quand même à la base, c’est une
relation longue distance mais les technologies nous rapprochent dans la relation, c’est
un truc particulier donc ça arrive après à du formalisme dans ce qui peut paraitre
complètement informel. Le SMS typiquement, c’est un très bon exemple, c’est-à-dire
que, moi j’ai vu, entre quand j’étais en stage de fin d’études y a 5 ans et demi et où ça
ne faisait pas du tout, et peu à peu j’ai vu les choses se faire de plus en plus. C’était
intéressant parce que ça peut être déroutant hein, on peut être dérouté… Après c’est
genre écrire un SMS en mettant « cordialement », enfin c’est marrant. Ça change
beaucoup de choses hein, euh, le côté manuscrit alors, avant on nous apprenait
toujours qu’il fallait faire sa lettre de motivation de façon manuscrite, ça devient de plus
en plus… Bah disons, ouais, la difficulté que ça crée c’est que bah ça permet de faire
les choses beaucoup plus vite, j’ai pas, j’ai pas, j’ai pas pris cet exemple tout à l’heure
mais on était l’une des premières entreprises à participer à un forum virtuel. Aussi,
c’était, à l’origine, c’est l’INSA de Lyon qui avait mis ça en place, moi je connaissais très
bien le, c’était Sébastien, c’était un étudiant de l’INSA qui avait créé ça, qui était
président de l’association, et, y a 5 ans, et du coup on était les, enfin on faisait partie, on
avait tenté ça. Donc c’est à la fois, voilà on fait des, je l’ai pas cité mais on fait, on fait
des FaceTime22 ou j’sais pas quoi, enfin on fait tout ça. L’entretien à distance, machin,
vidéo… Mais euh, donc ça facilite la vie, ça voilà, mais en même temps, ça casse
certains codes aussi, ça casse certains, ça casse des codes un peu traditionnels de
l’entretien, qui a un côté un peu, un petit côté j’l’ai dit un peu, formel, la cravate, des
petites choses comme ça, et là du coup avec les nouvelles technologies ben on se dit
parfois « oula, ça va un peu loin »… Et puis c’est aussi, les nouvelles technologies
quand on va, surtout pour les sites de notation d’entreprise, ça va être très dangereux
pour l’entreprise, l’entreprise a tout intérêt à soigner beaucoup plus encore qu’avant son
image, parce qu’avant on, on ne comportait mal avec un candidat, bah à la limite il en
parlait à ses collègues, bah ça se passait bien. Maintenant, il l’écrit sur GlassDoor, il
l’écrit sur Meilleures Entreprise, y a des classements Happy machin, Universum, euh…

22 FaceTime est le service de chat vidéo proposé par Apple.


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Ça, enfin ça, on n’a plus le même, on a intérêt à être très exigeants par rapport à ça et à
être vigilants. Donc ça ça change aussi hein. Après, ça change aussi dans le sens où,
ouais, le fait d’avoir des bases de données et de se dire que y a 3 ans, la personne elle
avait postulé, elle s’était fait rejeter parce qu’elle a pas été, je dis n’importe quoi, elle a
été très désagréable en entretien ou quoi, enfin ça nous permet quand même
d’optimiser aussi, d’aller plus vite dans le traitement des candidatures, enfin, bon… Pour
un recruteur, c’est quand même, c’est quand même super de gérer la relation à
distance, justement quelqu’un qui est en Australie, bah on va faire un entretien à
distance, ça facilite quand même, c’est un grand facilitateur et c’est, ça optimise les
choses, ça c’est, c’est évident. Mais faut s’en méfier ouais, faut se méfier du retour du
bâton…
Philomène - (Pause) Donc est-ce que vous voyez d’autres aspects que j’aurais
pas abordé qui font que les nouvelles technologies ont changé la façon dont on recrute,
peut-être la dynamique du recrutement ?
Antoine - (Pause) Qu’on recrute ou qu’on perd… Parce que les gens, si tu veux
j’vais prendre un peu bizarre mais avec les réseaux Meetic, Adopte un mec, tout ça, on
a peut-être favorisé l’adultère. Et en fait, le problème avec les réseaux sociaux, c’est
que ça crée un… C’est un peu pareil mais pour les deux, c’est-à-dire que on peut
beaucoup plus facilement se faire piquer des gens, y a, la concurrence elle est
beaucoup plus féroce parce que les gens sont exposés, sont facilement trouvables, c’est
beaucoup plus facile pour une entreprise concurrente d’aller chercher le meilleur, le
directeur marketing, y a plus à faire tout ce travail de… Faire appel à des cabinets de
chasse de tête qui vont essayer de retrouver les organigrammes, appeler untel, là
enfin… Ça casse beaucoup de barrières et du tout, l’univers est beaucoup plus
concurrentiel, ça c’est un vrai, ça c’est un vrai sujet, ça je pense. Et beaucoup plus
internationalisé aussi, du coup je vous parlais de barrières, ça casse les barrières, c’est
vrai que on va beaucoup plus facilement après aller chercher un Chinois, un Brésilien…
Nous on fait de la, on a des chasseurs, moi dans ma division, on a des chasseurs qui
chassent pour le monde entier même, mais alors qu’ils sont basés à Paris, ils sont pas…
C’est, c’est, ça ouvre beaucoup plus de portes et du coup ça crée une, c’est un, ça crée
une, un climat concurrentiel qui est beaucoup plus développé je trouve hein, c’est
vraiment, ça c’est sur les réseaux sociaux. Après, qu’est-ce qu’on pourrait dire sur les
réseaux sociaux ? Parce que ces nouvelles technologies c’est vraiment je pense, digital,
réseaux sociaux…

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Philomène - (Pause) Par exemple sur des choses comme le fait de consulter les
profils par exemple, d’aller voir « qui sont les gens » ?
Antoine - Ah ça. Ça j’en parle pas trop parce que c’est pas non plus, moi je vais
pas m’amuser à chaque fois sur Facebook aller regarder si le mec il est fêtard ou…
Après, ça peut être dangereux pour un candidat dans le sens où s’il a fait une, si il
s’étale sur internet, sur les forums, on le voit, parce que googliser ça, ça arrive, ça,
googliser un candidat, ça arrive, tout comme nous je vous rassure hein ils nous
googlisent hein. Ça déshu-, d’ailleurs ça humanise le recruteur, on le disait tout à l’heure
mais ça le rend plus humain, parce que du coup moi à chaque fois je peux avoir
quelqu’un qui va aller regarder mon LinkedIn, ça c’est sûr, je suis sûr qu’il m’a regardé,
donc ça démystifie. Mais euh… Bah c’est sûr, qu’il, bah il faut être plus vigilant. En fait,
ça, ça, y a un truc aussi, c’est que ça suppose, ça, déjà ça met en perspective la
frontière entre le perso et le pro. Parce que du coup, sur les réseaux sociaux, c’est à la
fois du pro et du perso, donc euh la frontière est mince. Et ça suppose peut-être de
gérer son image en permanence. C’est bête mais quelqu’un qui a 18 ans aujourd’hui,
qui pour le moment s’en fiche complètement, qui gère plein de profils, machin, qui fait
n’importe quoi ou quoi, le problème c’est que dans 3-4 ans il va monter son petit profil
LinkedIn ou quoi, et il pourra pas forcément évacuer toute l’image, tous les petits
cailloux qu’il a généré derrière lui, et euh… Je pense que même pour le candidat, c’est,
c’est effectivement dangereux pour lui, faut qu’il veille aujourd’hui, du coup, à gérer lui-
même aussi son image. Les entreprises oui mais eux aussi. Et à gérer son image peut-
être pas au dernier moment, quoi. Donc il faut savoir aussi se rendre visible, c’est un
peu des must-have aussi, c’est, c’est un peu… Quelqu’un qui sera pas sur LinkedIn, on
va se dire, aujourd’hui, dis donc il gère pas son réseaux, il gère, il a pas compris les
nouvelles technologies… Ça peut être de plus en plus discriminant aussi, parce que
c’est quand même bizarre. Moi je m’interroge, si j’ai des candidats qui sont pas sur
LinkedIn, qui sont en Bac+5 ou quoi, je me dis c’est quand même bizarre, il a pas
compris grand-chose. (Pause) Je cherche ce qui pourrait… (Pause)

C’est vrai que pour le recruteur, c’est vrai que le fait, ça le « met à nu » entre guillemets,
mais le démystifier et tout c’est vrai hein, j’suis sûre qu’il y en a qui essaient sur
Facebook ou quoi et s’ils voient le recruteur, faisant la bringue ou quoi, bah c’est vrai
que la maitrise de l’image du coup de façon plus générale, c’est une maitrise, ça
suppose une maitrise de l’image très forte quoi, mais dans tout. Et du coup, on le voit
dans les 2 sens. Après oui, ça crée plus d’infidélité, donc en parallèle, ça c’est vrai.
Parce qu’ils sont sollicités beaucoup facilement, on est tous sur les mêmes gens, je vois
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avec LVMH, je pense que à chaque fois, on… On cherche à attirer les mêmes
personnes, on a repéré le Brésilien jeune, homme qui veut faire du marketing, voilà
c’est, ça c’est fou quoi.
Philomène - (Pause) Ça brise des barrières mais c’est à double-tranchant, quoi.
Antoine - C’est ça, mais exactement ! C’est plus simple, mais pas plus simple,
c’est-à-dire que c’est plus simple de trouver les gens, c’est ce que je disais tout à
l’heure, mais c’est bien de les trouver mais en même temps, tout le monde du coup peut
les trouver donc… Finalement… C’est une autre forme de complexité que à l’époque où
il fallait aller les chercher physiquement ou quoi. Mais après avec le digital, par contre
moi je trouve que ça diversifie, ça c’est un vrai, ça c’est un vrai truc à noter, c’est que ça
diversifie la cible candidat. Je suis persuadé qu’on va arriver à chopper les gens qu’on
serait jamais allé chercher. Moi j’ai réussi à recruter des gens, je me souviens j’avais un
exemple, d’un ingénieur quand je travaillais à l’usine, que j’étais allé chercher via
internet, que je n’aurais jamais réussi à avoir auparavant, parce que lui-même se posait
même pas la question de L’Oréal, tout ça. C’est intéressant. Voilà, c’est qu’il pensait pas
vraiment que ça pourrait être pour lui, et, et le digital nous aide aussi à élargir la cible,
diversifier nos profils. Ça, je, ça j’y crois c’est vrai. Ça nous fait économiser des coûts
aussi peut-être. Les chasseurs de tête, ça on n’en a pas parlé, parce que, mais je pense
qu’il y a, les chasseurs de tête ils ont tout intérêt à se renouveler, parce que, avoir une
licence LinkedIn, c’est un peu se substituer maintenant à une certaine époque à des
cabinets de recrutement ou quoi, hein. La dernière fois, pour exemple, la dernière fois
j’ai quelqu’un du corporate qui m’a fait une pres’ sur LinkedIn, pour le recrutement. Et il
me dit, il me faisait un ratio, lui son point de comparaison c’est de me dire « bah voilà
Antoine ça te coûte tant pour une licence LinkedIn, versus tant si tu passais par un… »,
on se compare comme ça, donc ça change beaucoup. Là on parle du recruteur au sens
corporate ou moi, mais je pense que pour les consultants, ça change aussi des choses
quand même, je pense que ils… Les entreprises commencent à avoir des outils qui, qui
sont proposés par ces réseaux sociaux, qui font de l’ombre aux cabinets hein. Ouais il
va falloir jouer sur autre chose, ou des entreprises qui essaient de se différencier, moi
j’en ai plein qui me sollicitent alors c’est les CV vidéo, et voilà « j’suis le premier à faire
un CV vidéo, on vous fait toute une présélection, vous vous embêtez pas et on va les
faire parler, ils vont s’enregistrer sur des questions et après nous on va sélectionner, on
va vous les envoyer ». Après ils essaient de trouver tout un tas de trucs pour se
démarquer, pour se différencier quoi. Mais c’est vrai que… (Pause) Euh… Qu’est-ce
qu’il y avait d’autre ? Je vois pas a priori… D’autres choses…
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Philomène - (Pause) Par exemple est-ce que ça va affecter votre évaluation de la
personnalité du candidat ?
Antoine - Ah oui, euh… On va quoi, mieux le connaître ? Ah bah c’est sûr, j’suis
persuadé que c’est quelque chose qui a de l’avenir, ils créent plein de trucs, ils sont en
train de développer dans la Big Data, dans la gestion des données candidat, de
l’agrégation de données pour savoir déterminer le profil du candidat… Y a un site sur
lequel, je sais, L’Oréal s’est penché, comment ils, une start-up, j’sais plus comment elle
s’appelle, qui travaille sur l’exploitation de bases de données. Pour pouvoir aller
vraiment derrière pour définir des profils de candidats, et ils offrent ce service aux
entreprises. Avec le matching, des espèces d’affinités ?
Philomène - Oui, j’avais vu des choses comme Yupeek qui trouve des affinités
avec les entreprises, ou des outils de tests cognitifs aussi.
Antoine - Ah mais ça ouais on l’utilise nous aussi, c’est quoi c’est l’équivalent de
Tinder mais pour les entreprises, c’est Kudoz, c’est ça, c’est l’affinité non, c’est quoi…
(Antoine consulte les applications sur son téléphone) Et ça c’est plus une expérience
candidat peut-être Yupeek… Ah mais on est chez Yupeek, je viens de voir dans les gros
logos y avait L’Oréal donc on travaille avec eux aussi. Après effectivement, ceux qui
travaillent le plus avec les outils digitaux, c’est quand je vous ai décrit les 3 types de
profils recruteurs, c’est certainement pas moi, c’est plus le corporate et le campus, la
Direction du recrutement France, ça c’est évident, c’est leur, c’est leur quotidien hein,
eux ils sont… Ah ouais bah tu vois, L’Oréal sur Yupeek. Je vais regarder ce qu’ils
marquent dessus… Du coup ça permet de se créer un profil en fait, tu vois L’Oréal Live,
machin où ils mettent des témoignages… Et ça crée une échelle d’affinités. Mais alors
nous on avait fait ça aussi à l’époque, j’en ai pas parlé là parce que c’est plus d’actualité
mais je pense en parler, parce qu’on était très innovants là-dessus, c’était y a 5 ans, on
avait créé un jeu d’entreprise, qui s’appelle « Reveal », qui révèle la personnalité des
candidats et leur affinité métier. Où on avait fait tout un business game où ça nous
immerge dans l’entreprise avec quatre ou cinq univers, un univers commerce,
recherche, marketing, finance, et en fait les gens font des tests de personnalité, font
des… Et ça crée, on l’avait fait avec un cabinet, je sais plus comment il s’appelait, et en
fait ils avaient étudié parfaitement la culture L’Oréal au travers de questions, et en fait
euh, tout au long de l’expérience candidat, la personne, le candidat il faisait répondre à
des questionnaires et ça lui créait un pourcentage d’affinités à l’entreprise L’Oréal à la
fin : 99%, 60%, ça créait un pourcentage d’affinités, ça lui créait son profil métier même,
on l’aidait aussi à voilà. C’était un truc qui, pour l’époque en tout cas, était très innovant,
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on avait investi beaucoup en termes d’image employeur sur cet outil digital. Et chacun
pouvait faire ça de chez lui, quoi, et commencer, arrêter quand il le voulait, reprendre le
jeu, le business game. Tout ça, ça, ça rejoint un peu l’idée que vous dites, vous pouvez
en parler ça parce que c’est vrai que c’est assez innovant, ouais, Reveal. Après on teste
plein de trucs quoi, c’est vrai qu’on a une référante, un, bon maintenant c’est un garçon,
un référent digital dans l’équipe recrutement campus dont je vous parlais aussi, de toute
façon on est très très portés là-dessus, là il faut aller se mettre là où c’est un peu
innovant, là où c’est un peu sympa, voilà… On avait fait des, à l’époque, les, comment
ça s’appelait ça les vidéos, très très à la mode dans les grandes écoles de commerce,
les lipdub ? Lipdub. Donc à l’époque quand c’est sorti, paf, L’Oréal avait lancé son
lipdub et faisait des concours lipdub machin, enfin de toute façon voilà on essaie de
suivre les tendances, on a des gens qui sont dédiés à ça aussi. Pour essayer de… Bah
d’être, d’être, d’être présents là où, là où on nous attend et parfois précurseurs comme
je disais, le premier jeu d’entreprise à avoir été créé, c’est chez, ça a été avec L’Oréal,
bon voilà, on essaie de… Même, je vais regarder, y avait un, on avait un forum du Digital
RH, recrutement digital ou j’sais pas quoi, L’Oréal était partenaire, c’était y a quelques,
c’était le premier forum Digital, recrutement, et L’Oréal était présent, dans les
partenaires. Et je vais essayer de retrouver le site, c’était intéressant… (Antoine
consulte son téléphone) Là c’est intéressant, c’est un article sur « Le numérique, 1er
canal de recrutement de L’Oréal »23, c’est vrai que maintenant on a… TalentConnect par
exemple, organisé par LinkedIn à Londres en novembre. Je sais pas si c’était 2014 ou
2013… Je l’ai, et, L’Oréal a raconté ses expérimentations de recrutement numérique, en
disant que voilà, ils parlaient des 500 000 followers LinkedIn, oui, ou on demandait de
faire des selfies professionnels, on avait essayé d’innover bah voilà par c’est Zvi, ce
fameux Zvi, qui avait par exemple mis en place, il s’est dit bah tiens, et ça avait bien
marché ça, les nouveaux usages… Je sais qu’il y a beaucoup d’expérimentations par
rapport à ça, y a l’entretien d’embauche connecté, « l’industriel propose aux candidats
qui postulent de télécharger une application qui leur donne accès à des renseignements
personnalisés, comme la date et l’heure de rendez-vous, l’itinéraire à emprunter… Cette
application communique avec des autocollants connectés installés au siège. » Voilà, des
trucs comme ça, et dès que le candidat approche du lieu, il est dirigé vers le bon endroit,
il reçoit des messages textes ou vidéos… Ça c’est voilà.
Philomène - C’est des petites choses, mais qui peuvent…

23« Le numérique, premier canal de recrutement de L’Oréal », Emmanuelle Delsol, L’Usine digitale,
novembre 2014
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Antoine - Oui, voilà, tout à fait, c’est… C’est bête mais on a eu par exemple, notre
directrice de recrutement, Frédérique Scavennec, la directrice recrutement monde, qui a
eu un, bah ils avaient fait un article sur elle par exemple, « LE talent connecté » ils
l’avaient appelée, un article sur tout ça, où l’appelaient « femme du numérique », un
« talent à part », etc. (Pause) Et puis bah sur LinkedIn en ce moment, on fait des photos
avec le recruteur, c’est marrant ça, y a le recruteur et la personne recrutée, ils font une
photo ensemble et on dit voilà comme un peu à la The Kooples. Enfin par rapport à
L’Oréal vous pourrez trouver quand même beaucoup de choses en faisant des
recherches.

Marie R.

Marie R. a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons déjà
rencontrées en septembre dans le cadre d’un partenariat associatif. Elle est très
intéressée par le sujet, puisqu’elle a co-fondé une start-up grenobloise qui fonctionne
sur le modèle d’un cabinet de recrutement spécialisée dans les stages, alternances et
missions éphémères des étudiants et qui est très présente sur le web. Elle m’a reçue
dans les locaux de NeoJobs jeudi 12 mars à 10 heures, autour d’un café, dans l’espace
de détente qui se situe dans leurs locaux. Il y avait d’autres personnes dans la pièce, un
léger fond musical, l’ambiance était détendue.

Philomène - Du coup est-ce que tu peux commencer par me décrire l’activité de


NeoJobs ?
Marie - Ok. Alors NeoJobs… Je te fais un petit peu l’historique comme ça tu
comprendras un peu tout. NeoJobs, l’idée elle vient d’Hugo, donc mon associé, qui est
parti en fait en Allemagne faire un stage de six mois de fin d’études et ce qu’il s’est
passé c’est qu’il a découvert un contrat qui s’appelle le contrat Hiwi et c’est un contrat
qui permet aux étudiants de faire un certain nombre d’heures au sein d’une même
entreprise et ce pendant leurs études, donc c’est un job étudiant mais qui est qualifié si
tu veux. Et euh… Et qui est vraiment très flexible. Donc Hugo trouvait que l’idée était
très intéressante et du coup il est venu à Grenoble faire le master à GEM, le master
Entrepreneur, pour euh… Pour développer cette idée là. C’est là où s’est rencontrés…
Et on a décidé donc de créer NeoJobs qui aujourd’hui est un cabinet de recrutement
d’étudiants pour les entreprises donc particulièrement les PME et les TPE, hein, parce

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que ce sont les entreprises qui généralement ont même pas de service RH et donc ils
ont besoin d’un coup de main. Et euh… Nous on les aide à trouver des étudiants pour
tout ce qui est stage, alternance ou mission éphémère donc on retrouve ce dont je t’ai
parlé tout à l’heure, l’idée de job étudiant qualifié. 

Euh… Au-delà de ça, on aide aussi les écoles à organiser des ateliers, des ateliers un
peu… qui servent… qui permettent aux étudiants de réaliser ce que recherchent leurs
recruteurs et de vraiment de se mettre dans la peau du recruteur, donc par exemple le
CV généralement, un recruteur met à peu près 6 secondes, donc c’est le temps d’une
vidéo Vine, pour voir un CV. Donc euh quand il en voit une dizaine passer, finalement
soit il réalise que c’est tout le temps la même chose, soit… bah… ça l’intéresse pas et le
CV va à la poubelle.
Philomène - Mmh…
Marie - Nous on essaie d’aider les étudiants là-dessus à le réaliser.
Philomène - A se mettre en valeur…
Marie - Tout à fait, exactement. À apprendre à se mettre en valeur, donc soit au
niveau des CV, lettres de motivation ou encore d’entretiens.
Philomène - D’accord.
Marie - Pour les aider, parce que généralement, quand tu fais un entretien, tu vas
avoir tendance à te raccrocher à ton CV et à dire « j’ai fait telle formation, j’ai telle
expérience, j’ai… » voilà, enfin tu répètes ton CV et l’objectif c’est vraiment de… de faire
comprendre au recruteur qui tu es et ce que tu peux apporter à l’entreprise, sachant que
généralement le CV il l’a lu donc il sait euh… Il sait que t’as fait telle école, que t’as fait
telle expérience, mais il a envie d’en savoir un peu plus.

Voilà donc ça c’est ce qu’on fait, et là on est en train de développer autre chose, on va
développer deux autres choses : le coaching étudiant pour aider justement, c’est un
coaching vraiment personnalisé. En gros, ce qu’on fait dans les écoles c’est un groupe
de 15 personnes donc là on le fait vraiment individualisé et personnalisé pour que
l’étudiant il soit suivi et accompagné dans son… dans sa préparation pour les stages.
Philomène - Mmh.
Marie - Donc il y a cette offre-là, et là on va en développer une autre, qui est de
proposer un recrutement décalé. Je sais pas si t’avais entendu parler de la Banque
Populaire, ils avaient organisé un recrutement un peu particulier, euh… Les étudiants
devaient faire une vidéo, pour se présenter, et en fait ceux qui étaient sélectionnés par
rapport à cette vidéo ils avaient un autre entretien, oui enfin ils avaient un entretien, et
c’était un entretien à la The Voice, c’est à dire que les recruteurs étaient retournés et dès
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qu’ils étaient intéressés ils pouvaient se retourner. Donc nous c’est vraiment des choses
un peu comme ça, un peu ludiques, un peu rigolotes pour un peu casser cette idée de…
De vieille structure euh… Très dans un état de pensée un peu trop strict, et de faire un
petit peu de… De rigoler un petit peu dans le recrutement.
Philomène - Ok (rires). (Pause) Du coup, je voudrais d’abord te parler de ton
processus de recrutement en fait, donc euh… Déjà quel moyen est-ce que tu utilises
pour communiquer, rechercher et sélectionner des profils ?
Marie - Alors euh… Nous là on en a 3 au total, le premier c’est notre réservoir de
talents parce qu’on a un site internet qui nous permet de récupérer… Enfin les étudiants
déposent leur CV et donc nous ça nous permet de faire déjà donc de choisir dans notre
réservoir de talents des étudiants qui peuvent correspondre à une offre. Donc ça c’est
vraiment en back-office, on a quelque chose qui fait un peu le tri de CV directement, qui
nous propose des CV. 

Euh.. Au-delà de ça, on a des partenariats avec les écoles, donc euh… On va chercher
les étudiants dans les écoles quand euh… Par exemple, je sais pas, on a une offre en
ingénierie aéronautique, on va chercher les écoles qui sont spécialisées en
aéronautique, qui ont cette formation-là. Pour vraiment trouver la personne qui
correspond au besoin du client. 

Et le troisième ce sont les sites de… les jobboards en fait, donc de poser une annonce
tout simplement et puis euh… Et puis voilà de récolter les candidats comme ça.
Philomène - D’accord. Euh… Donc le réservoir de talents, c’est une sorte de base
de données d’étudiants ?
Marie - Oui. Tout à fait. En fait la différence par rapport euh, par exemple à
LinkedIn ou Viadéo, effectivement t’as ton CV, ton CV là il est visible par tout le monde.
Alors que nous ce qu’il se passe c’est que on veut pas faire de vente de données, ça
nous intéresse pas, euh… Donc pour nous c’est pas nos valeurs, c’est pas ce qu’on
pense. Et le CV n’est visible que par l’étudiant et que par nous.
Philomène - D’accord.
Marie - Donc euh… Vraiment là on essaie d’être le plus transparent possible
envers l’étudiant. Et euh… Enfin bon voilà, pour nous, c’est pas… C’est pas éthique.
Philomène - D’accord. Du coup, est-ce que le processus de recrutement est
identique à chaque fois ? Vous passez toujours par la même méthode ou … ?
Marie - Alors, euh… Pour l’instant oui mais c’est vrai que c’est quelque chose nous
qu’on veut changer. On est quand même assez classiques finalement. Ça va être une
étude du CV, avec après généralement bah c’est, soit on fait passer un entretien
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téléphonique et puis en fonction de ce qui a été dit au téléphone on fait un passer un
entretien physique, soit euh… Soit on passe directement par un entretien physique.
Philomène - D’accord.
Marie - Donc ça c’est le cas simplement pour nous24, sachant que pour nos clients,
avant une étude de CV, il y a en fonction du forfait qu’ils choisissent en fait, puisqu’on a
deux forfaits : soit on leur fait de la présélection et dans ces cas-là, c’est que par
téléphone, donc on fait passer des entretiens téléphoniques aux étudiants ; soit ils
décident de… qu’on leur trouve une personne, qu’on leur présente qu’une personne, et
dans ces cas-là, on fait passer des entretiens téléphoniques puis physiques, donc aux
étudiants qui ont été sélectionnés.
Philomène - D’accord. (Pause) Et sur quels critères est-ce que vous basez votre
sélection ?
Marie - Alors, euh… Nous quand on choisit quelqu’un, on fait vraiment attention,
alors que ce soit pour nous ou que ce soit pour nos clients, on fait… Quand c’est pour
nos clients, on va vraiment creuser le besoin donc on va vraiment chercher à
comprendre quelle est l’entreprise, vraiment chercher à comprendre euh… qui est… qui
est la personne qu’on a en face de nous, on va vraiment faire attention à sa
personnalité, pour s’assurer que l’étudiant qui va rejoindre l’entreprise se sente bien là-
bas et que il y n’ait pas un « clash » de personnalité. Pour nous c’est super important.
Donc, les critères ça va être des critères sur les compétences, forcément, parce que un
étudiant à qui on demande bah que… qu’il est… qu’il est nécessaire que par exemple il
maîtrise la suite Adobe, si dans son CV ça y est pas, euh… ça joue un peu. Mais ça
nous est arrivé par exemple en comm’ de faire passer à des entretiens à des étudiants
qui n’avaient pas ces compétences-là. Et finalement, on s’est… on s’est pas du tout
trompés. On essaie aussi de… on essaie aussi de proposer à nos clients des étudiants,
des profils qui sont atypiques, parce que on a parfois des entreprises qui disent « oui
mais moi je veux que des étudiants de telle et telle école » euh… Enfin des grandes
écoles de commerce, nous on dit « mais attendez… » ‘fin on présente quand même des
étudiants qui sont euh… Là notamment j’ai un client qui m’a fait le coup y a pas
longtemps, qui m’a dit « oui je veux les profils que des 15 meilleures écoles de
commerce »… Super. Et je lui dis « bah ok mais moi j’ai trouvé cette étudiante, voilà son
école elle est classée 21ème ou quelque chose comme ça mais je pense qu’elle peut

24 NeoJobs étant un cabinet de recrutement, Marie parle ici du processus de recrutement pour le cabinet.
Elle évoque par la suite la procédure de recrutement dans le cadre d’un recrutement au service d’un client.
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vraiment correspondre à ce que tu recherches », et effectivement là il la prend en
entretien pour voir pour la suite.
Philomène - Mmh.
Marie - Donc on essaie vraiment de bousculer les codes et euh… les pensées que
peuvent… les idées préconçues que peuvent avoir nos entreprises, et de leur proposer
des profils complètement différents.
Philomène - D’accord. (Pause) Donc le second thème que je voulais aborder c’est
l’utilisation des outils numériques dans le recrutement, donc tu m’as déjà dit un petit peu
ce que vous utilisiez donc notamment sur les jobboards et sur le site internet, est-ce que
tu vois d’autres outils, d’autres réseaux, d’autres outils numériques (quand je dis outils
numériques ça peut être n’importe quoi) ?
Marie - Euh… On utilise les réseaux sociaux beaucoup, c’est là en fait que l’on
diffuse nos offres quand il y en a une nouvelle. On utilise aussi les newsletters… Euh…
On utilise les mails classiques, et là on avait envie, enfin c’est quelque chose qu’on a
dans les cartons mais qui pour l’instant va rester dans les cartons puisque… pour
l’instant on n’a pas les capacités financières pour le faire, mais ce serait de créer une
application NeoJobs et qu’en gros tu puisses gérer ton profil, voir les dernières offres, et
que par exemple, quand on a… Parce que…25 Je t’ai parlé des offres qu’on a pour les
entreprises donc on a la présélection et la sélection, et si l’entreprise choisit la sélection,
nous on accompagne l’entreprise et l’étudiant tout au long des missions. C’est à dire
qu’on fait un point toutes les semaines pour savoir comment ça se passe avec l’étudiant,
comment ça se passe euh… avec l’entreprise, et de jouer le rôle de médiateur si jamais
y a un souci. Et on s’était dit que d’avoir une application ça nous permettrait d’au lieu
d’envoyer un email avec un fichier Excel à remplir, chose qu’on fait actuellement, ce
serait d’avoir une application qui t’affiche une petite notification et qui dise « que pensez-
vous de votre étudiant » ou « vous nous avez pas dit comment ça se passe », enfin bon
voilà ce genre de choses.
Philomène - D’accord.
Marie - Donc ça c’est une application qu’on aurait bien avoir, et qu’on garde en
tête.
Philomène - Ok. Euh… Et est-ce que tu saurais m’expliquer pourquoi vous utilisez
les technologies numériques ?
Marie - Euh… Parce que c’est plus simple. De toute façon aujourd’hui, vous êtes
une génération qui… Parce que enfin je dis, ta génération finalement elle n’est pas très

25 Durant ce passage, il y a eu du mouvement dans la pièce, ce qui a fait perdre le fil de ses idées à Marie.
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loin de la mienne non plus, euh… Mais vous êtes une génération qui est très connectée,
donc pour capter un maximum d’étudiants, on est obligés de se mettre au numérique.
On peut plus se faire envoyer… Tu vois même moi je sais même pas comment ça
fonctionnait avant… Si les entreprises envoyaient un courriel et que… Enfin un courrier
pardon, et que, l’école affichait dans son hall le message, je sais pas du tout comment
ça fonctionne. Euh… Et en fait c’est naturellement en plus Hugo et moi on est deux
geeks. On aime bien ce qui se fait, on aime bien les gadgets, on aime bien les
technologies, et on sait que de toute manière un cabinet de recrutement qui ne s’adapte
pas à son environnement et qui n’utilise pas les nouvelles technologies, il risque de
vieillir et il risque de tomber dans l’oubli. Sachant en plus que nous on est vraiment un
cabinet de recrutement d’étudiants, enfin de jeunes en fait, et si on ne parle pas entre
guillemets le « langage des jeunes », euh… On aura… Personne nous suivra. On avait
besoin de garder ce lien, un lien virtuel, on a besoin de ça pour être connectés avec nos
étudiants.
Philomène - Mmh. D’accord, donc ce serait surtout lié au fait que vous ciblez
beaucoup les étudiants.
Marie - Oui.
Philomène - Ok. (Pause) Pour quels usages est-ce que vous allez utiliser les
nouvelles technologies ? Ce que je veux dire par là c’est est-ce que c’est simplement
pour consulter les CV, diffuser des offres, ou est-ce que tu peux penser à d’autres
utilisations ?

Marie - Euh… (Longue pause) D’autres utilisations ? Bah peut-être pour le
recrutement décalé, enfin d’imaginer des nouvelles façons de recruter dans les écoles…
Donc pour les entreprises qui seront un peu vieillissantes on va dire, de rajeunir leur
phase de recrutement… Mais sinon euh… Je vois tellement d’autre…
Philomène - On a mentionné la base de données de CV…
Marie - ça nous arrive de faire passer des entretiens par Skype aussi, bon je suis
pas très fan mais… Enfin on voit tout de suite en fait que les gens font autre chose.
Donc euh… Moi ça m’énerve un peu quand euh… Quand on est au téléphone avec la
personne et qu’elle regarde Facebook.
Philomène - (Rires)
Marie - Mais va falloir qu’on prépare les étudiants là-dessus aussi parce que… Bah
parce que ils peuvent avoir un entretien Skype…
Philomène - Oui, c’est sûr. Je ne sais pas si tu connais ça mais j’ai entendu parler
d’une entreprise qui faisait passer des entretiens via une vidéo, c’est à dire avec
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personne en face donc l’étudiant se retrouvait face à une vidéo qui lui posait des
questions et il était enregistré.
Marie - (Soupir) Alors moi j’aime pas du tout ça, je trouve que… ‘fin tu comprends
que pour nous le numérique est important d’une certaine manière mais c’est plus un
moyen qu’une fin, et pour nous, si on a créé un cabinet de recrutement, parce que ce
que je ne t’ai pas dit c’est que avant, on avait eu l’idée… ça c’est vraiment au tout début,
c’était de faire vraiment une plateforme web, en fait c’était un jobboard qu’on voulait
faire à la base, donc où les annonces étaient posées etc. Sauf que on s’est rendu
compte que pour nous le lien humain est super important, que le virtuel on en a, on en
fait toute la journée, on fait que ça et que finalement, bah par le virtuel tu ne connais pas
la personne. Pour nous, ce lien humain est très très important, que ce soit avec les
clients ou que ce soit avec nos étudiants. Donc c’est pour ça qu’on a décidé de, euh…
de faire autrement et de dire bah nous on revient à ce qui se faisait, on est un peu
vintage, j’aime bien dire qu’on est vintage, parce que on revient au cabinet classique en
utilisant le numérique, finalement.
Philomène - Comme une sorte d’amélioration du cabinet classique en s’adaptant…
Marie - Exactement.
Philomène - (Pause) Oui du coup, les nouvelles technologiques si je résume un
peu ça vous permet de… d’aller plus vite parce que c’est plus simple et de mieux
communiquer avec votre « clientèle » entre guillemets, et est-ce que ça vous sert aussi
pour communiquer, pour vous faire connaître ?
Marie - Oui. Oui ça c’est… Ça marche pas mal, je pense qu’il y a des améliorations
à faire parce que on utilise beaucoup les réseaux sociaux. On est sur Facebook, Twitter,
YouTube, Google+, LinkedIn, Viadéo, Pinterest, Instagram… (Pause) C’est déjà pas
mal.
Philomène - Oui en effet !
Marie - Et si tu veux, sur ces 8 là, y en a 4 que j’utilise beaucoup, enfin je dis « je »
parce que je me charge du community management, euh… Et c’est par là qu’on fait pas
mal de communication effectivement pour se faire voir…
Philomène - Donc elle est pratiquement que numérique votre communication en
fait ?
Marie - Oui. Très très numérique. Très peu physique, elle est physique quand on va
dans les écoles ou quand on fait… Là on va préparer la rentrée, l’année dernière on
avait fait le thème « Game of Jobs » avec notre poussin en… (Rires) Et cette année je
sais pas encore, faut que je réfléchisse et je vais avoir une étudiante qui va venir me
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donner un coup de main là pour la communication, on va voir ensemble ce qu’on peut
imaginer comme façon de… pour la rentrée quel thème on va utiliser. Donc voilà. Sinon
effectivement c’est très très très numérique.
Philomène - D’accord. (Pause26) Donc mon troisième thème ça va être la relation
au candidat, alors c’est un peu vaste mais c’est vrai que je pense que ça va t’intéresser
aussi. Euh, donc, pour toi, le recruteur, c’est qui ?
Marie - Oulah. (Rires) Ouais. Le recruteur en fait pour moi c’est un… C’est une…
C’est pas un juge, c’est pas un médiateur, mais c’est quelqu’un qui doit normalement,
enfin, c’est… Enfin je vais généraliser ça à la RH. Pour moi le rôle de RH, c’est vraiment
quelqu’un qui doit comprendre comment ça se passe dans une entreprise, savoir est-ce
que si prend telle personne, est-ce que ça va aller dans l’entreprise, etc. Nous c’est
quelque chose qui nous fait… On sait que c’est important qu’y ait une bonne ambiance
dans l’entreprise, et c’est important que le recrutement se fasse correctement. Donc
alors le recruteur d’une part, ça doit être le gardien de l’ambiance en fait. (Pause) C’est
celui qui va vraiment s’assurer que la personne qui sera recrutée correspond non
seulement au besoin de l’entreprise, mais aussi correspond, enfin a une personnalité qui
pourra s’adapter aux autres personnalités dans l’entreprise.

Au-delà de ça, le recruteur ça peut être aussi le « méchant flic » et le « bon flic ». Mais
ça généralement, c’est aussi, c’est pas tellement… Enfin y en a qui font le méchant flic,
c’est pour tester l’étudiant pour voir jusqu’à quel point il peut tenir bon… Et voilà, c’est
vraiment, pour moi c’est quelqu’un qui va… Comme je te l’ai expliqué c’est le gardien de
l’ambiance et ça va être aussi la personne qui va vérifier que la personne qu’il choisit
soit la bonne pour l’entreprise.
Philomène - D’accord. (Pause) Un peu plus complexe : à ton avis, comment est-ce
que le candidat te perçoit en tant que recruteur, ou perçoit le recruteur ?
Marie - Alors c’est pas du tout compliqué, euh, pourquoi ? Parce que ils sont très
très stressés. Ce qui est assez drôle, c’est que en fait, on fait peur aux étudiants. Les
recruteurs font peur, mais ça se comprend en même temps parce que tu te dis que tu
joues, pas ta carrière professionnelle, c’est un peu exagéré parce que c’est pour des
stages, mais en gros que si t’as pas ton stage, certains ne valident pas leur master, etc.
donc c’est quand même une étape importante. Surtout si l’offre de stage en question te
convient tout à fait et que c’est celle-là que tu veux et pas une autre. Voilà. Donc en fait
on fait très peur et moi je pensais que le fait qu’on soit plus ou moins du même âge,
puisque Hugo et moi on a 25 ans tous les deux donc on est assez jeunes… Enfin,

26 Des collègues de Marie sont entrés dans la pièce et nous ont salué.
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relativement jeunes. Et en tout cas quand nous on recrute pour nous, on tutoie nos… on
tutoie les étudiants qui viennent. C’est histoire de les mettre à l’aise, puis de voir aussi
comment ils réagissent et puis, puis voir. Et… Mais malgré ça, malgré le fait qu’on
essaie de les mettre à l’aise, tu vois on fait passer la plupart des entretiens, pour nous
en tout cas, on les fait passer par exemple ici, dans un espace de détente
normalement27. Mais ils sont toujours stressés. Et c’est ça en fait, c’est le stress de
réussir à convaincre quelqu’un de… enfin de convaincre le recruteur de le prendre.
Philomène - Oui. Et du coup… En gros, le candidat verrait le recruteur comme une
épreuve un peu ?
Marie - C’est une épreuve si tu veux on est un peu… On fait un peu le Cerbère
quoi. C’est… Enfin c’est pas qu’on le fait mais c’est qu’on a l’image, je pense qu’on a
l’image du Cerbère. Parce que effectivement c’est… On est la première porte que
l’étudiant doit passer pour pouvoir intégrer l’entreprise, donc oui on est le Cerbère de
l’entreprise.
Philomène - Ok. Alors toujours dans ce même thème, selon toi comment il se
comporte le candidat ? Tu m’as dit comment toi tu allais vers le candidat, à ton avis
comment lui il va se comporter dans cette démarche ?
Marie - Il va toujours essayer de… pas de se mettre en avant, parce qu’on a
beaucoup d’étudiants qui disent « on » quand ils parlent d’une tâche qui a été réalisée,
justement ils ont… on a… on a des étudiants qui sont incapables de faire la distinction
entre eux et par exemple… leur… Tout bêtement t’as un travail d’équipe, au lieu de dire
« pendant ce travail de groupe, j’ai réalisé l’affiche de communication » par exemple, ça
va être « eh bien, on a réalisé euh, une affiche » enfin voilà. T’en as quand même plein
qui n’arrivent pas à se mettre en valeur, euh… Et pourtant qui sont très compétents, très
ancrés dans le monde de l’entreprise, donc qui… En fait on a soit l’étudiant qui ne sait
pas se mettre en valeur et qui du coup et très stressé et il arrive pas à se vendre, soit on
a l’étudiant qui se vend très bien, voire trop bien, et qui derrière c’est du flan en fait.
Mais ça on arrive à le voir… Nous on arrive à le constater parce que, si tu veux on fait
attention au langage corporel, donc euh… le PNL28. C’est euh… Voir comment les
candidats se comportent, comment… Enfin voilà, si, est-ce qu’ils regardent le recruteur
dans les yeux, est-ce qu’il touche son visage, parce que généralement quand tu touches

27 L’environnement décrit et constitué d’une table basse, d’un canapé de salon et de 3 fauteuils.
28 La programmation neuro-linguistique (PNL) est une nouvelle approche du comportement et du psychisme
humain, synthèse pragmatique de différentes théories et courants de pensées. Elle se situe au carrefour de
la psychologie, des neurosciences, de l’anthropologie, de la cybernétique et de l’intelligence artificielle.

Source : Institut de formation PNL
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ton visage c’est que t’es… t’es mal à l’aise ou… Enfin après c’est des extrapolations
aussi, le PNL c’est même pas une science, c’est pas exact mais bon… C’est mieux de
voir comme ça…
Philomène - Ok. Donc, pour conclure assez généralement, est-ce que tu penses
que les nouvelles technologies ont affecté le recrutement en entreprise ?
Marie - Effectivement, c’est une vaste question, oui… Euh, pour moi la différence
est assez simple, elle a influencé c’est certain mais pas encore complètement intégré je
pense. Euh… Dans les grandes entreprises maintenant tu as, ils ont sur leur site
internet, tu as un formulaire, tu le remplis et voilà tu postules, alors qu’avant tu te
déplaçais pour… les candidats se déplaçaient pour déposer leurs CV, ou l’envoyaient
par la poste d’ailleurs. Et ça, ce qui… aujourd'hui quand le candidat le fait, c’est un point
positif parce que tu te fais remarquer, c’est pas comme tout le monde. Au-delà de ça,
euh… Les entreprises essaient de s’adapter mais elles ont encore du mal à le faire.
Philomène - Mmh.
Marie - Parce que ça va venir, ouais elles utilisent… Elles utilisent les jobboards,
elles savent un petit peu mais ce qu’il se passe c’est qu’aujourd’hui c’est pas une
question de nouvelles technologies le problème, c’est une question que les écoles
proposent tellement de formations que les entreprises sont perdues et elles savent plus
à qui s’adresser. Surtout que, on fait partie, que ce soit ta génération, la mienne, ou celle
qui vient après la tienne, euh, c’est que les étudiants ne sont plus, enfin on n’est plus
des générations d’experts donc tu vas en avoir quelques uns qui vont être très
spécialistes mais on va être très généralistes. On veut toucher à tout, on veut tout faire,
voilà. On reste dans le général mais on se spécialise pas, et ça c’est vrai que ça
perturbe énormément les entreprises.
Philomène - Oui…
Marie - Parce qu’elles savent plus sur quel pied danser. On te met un poste, par
exemple de communication, puis finalement t’as des étudiants qui n’ont pas fait de
comm’, enfin qui n’ont pas fait une spécialisation en comm’, qui postulent quand même
par exemple. Et… Parce qu’ils sont bons, et parce qu’ils ont eu l’occasion au cours de
leurs études de faire un peu de communication, ça leur a plu, enfin voilà.
Philomène - En effet. (Pause) Ben moi j’ai abordé tous les thèmes dont je voulais
parler, mais est-ce que tu as quelque chose à ajouter, des idées qui te seraient venues,
des questions, des expériences marquantes dans le sujet ?
Marie - Non je pense que c’est tout bon pour moi.
Philomène - Ok… Eh bien merci pour tout, c’était très instructif.

Page 137 sur 141
Introduction 5
L’impact de la révolution technologique sur la gestion des ressources humaines 5
La digitalisation du recrutement 6
Actualité et intérêt du sujet 9
Choix et problématisation du sujet 11
Démarche et méthodologie employées 13
Définition des termes du sujet 15

Partie I

La place des outils numériques dans le recrutement 19
1. Les outils de sourcing évoluent vers le numérique 19
I. 1. 1. Recruteurs et candidats : une utilisation différenciée 19
Tableau n°1 20
La prééminence des sites d’emploi comme dispositifs traditionnels 21
Différents outils, différents usages 22
Tableau n°2 22
I. 1. 2. Le « réflexe numérique » : s’adapter au public ciblé 22
Une logique d’adaptation indispensable aux entreprises 23
I. 1. 3. La centralisation des données liées au recrutement 24
Une optimisation notable du processus… 24
… qui dénature la relation au candidat 24
Une utilisation marginale 25
I. 1. 4. Le numérique crée de nouvelles opportunités 26
De nouvelles garanties tout au long du processus 26
Des ouvertures à relativiser 27

2. Les réseaux sociaux : des usages multiples 28


I. 2. 1. Un outil de veille 29
Moyen d’information, source d’influence 29
Une veille stratégique et active 30
Un potentiel d’interaction encore en développement 31
I. 2. 2. Un outil de recrutement social 31
L’efficacité des réseaux en termes de recrutement effectif 31
Les réseaux sociaux viennent approfondir une logique de réseau très présente 32
Les réseaux sociaux font émerger des plateformes d’échange entre acteurs 32
Les candidats sont d’autant plus conscients de leur présence numérique 33

Partie 2 

Les nouvelles dynamiques liées à l’e-réputation 34
Page 138 sur 141
1. Un enjeu à maîtriser pour le recruteur et son entreprise 34
II. 1. 1. L’e-réputation de l’entreprise comme critère de choix 36
La mise en scène des pratiques des entreprises 36
L’entreprise est soumise à une évaluation des candidats via une vitrine numérique36
Le recruteur est le premier ambassadeur de la marque employeur 37

Figure n°1 38
En faisant sa promotion, l’entreprise améliore l’expérience candidat 38
II. 1. 2. Le recruteur soumis à la même évaluation que l’entreprise 39
II. 1. 3. La maîtrise des enjeux numériques : une nouvelle compétence
indispensable 39
2. L’enjeu pour le candidat 41
II. 2. 1. Les candidats sont soumis à la même enquête que les recruteurs
41
II. 2. 2. Les candidats font l’objet d’une sensibilisation à ces problématiques
42
II. 2. 3. Le personal branding : une large palette d’outils pour se promouvoir
43
Partie 3 

La relation recruteur-candidat à l’épreuve des nouvelles technologies 46
1. Maîtrise de l’information et dynamiques de transparence 46
III. 1. 1. La perte de la maîtrise de l’information 47
III. 1. 2. Les effets de la transparence sur la relation 48
III. 1. 3. À la frontière du personnel et du professionnel, du formel et de
l’informel 49
2. Les changements dans la dynamique relationnelle 50
III. 2. 1. L’évolution de la perception de la relation 51
Tableau n°3 52
Le candidat, mieux préparé, va humaniser le recruteur 52
La transparence n’amène pas l’égalité dans la relation 53
III. 2. 2. Un nouveau rapport de force 54
De nouveaux « codes » d’interaction 54
III. 2. 3. Le facteur proximité 55
La fin d’une relation longue distance ? 55
Le recruteur s’adapte à une nouvelle proximité 55
Le candidat : proximité à l’entreprise et au recruteur 56

Figure n°2 56
Page 139 sur 141
III. 2. 4. La redéfinition des profils 56
Conclusion 59
Le recrutement soumis à la révolution technologique 59
Les perspectives d’avenir du recrutement 60
Pistes d’approfondissement du sujet 63

Références 66
Annexes 70
Annexe n°1 : Codage des données qualitatives 70
Figure n°3 70
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’enjeux des nouvelles
technologies pour le recrutement 70
Figure n°4 70
Annexe n°2 : Profil des répondants 71
Résumé de l’enquête quantitative 73
Retranscriptions d’entretien 82
Résumé 141

Page 140 sur 141


Résumé
Ce travail vise à éclairer les disparités de pratiques des entreprises et des
candidats via les nouvelles technologies, et plus particulièrement de faire un état des
lieux des potentialités des réseaux sociaux en tant que dispositif émergent dans le
cadre du recrutement. Les réseaux sociaux vont par ailleurs faire apparaître l’idée d’e-
réputation, d’identité numérique qui va se positionner comme enjeu majeur chez les
entreprises, les recruteurs et les candidats en les plaçant ainsi, non seulement sur les
mêmes plateformes, mais aussi dans une logique commune de promotion. Enfin,
l’apparition de ces nouveaux outils aux utilisations variées et de cette dynamique d’e-
réputation vient bouleverser la relation entre recruteur et candidat pour y apporter une
perspective numérique entièrement nouvelle, facteur de difficultés de maitrise d’une
information fluide dont l’asymétrie se dissipe, mais aussi d’humanisation d’une relation
pourtant largement numérisée.

Mots-clés
e-recrutement, nouvelles technologies, IT, ressources humaines, RH, recruteur,
candidat

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