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Sciences Po Grenoble
Philomène FORMERY
2014-2015
Sciences Po Grenoble
Philomène FORMERY
2014-2015
La digitalisation du recrutement
1 Pour reprendre les termes de Jean-Christophe Anna, consultant pour le cabinet de conseil en stratégie de
recrutement Link Humans : « En matière de sourcing, on est passé d'un mode de pêche passive de
candidats actifs à de la chasse active de candidats passifs. »
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profil et phase communicationnelle, de promotion de la marque employeur), dans
l’évaluation des candidatures et la présélection (selon les compétences, l’expérience,
via des préqualifications), jusque dans la phase finale d’intégration au sein de la
structure. A chaque phase du recrutement, un outil numérique pourra s’appliquer.
Ces transformations technologiques ont donc entraîné un revirement dans la
philosophie appliquée aux pratiques de recrutement actuelles : celles-ci évoluent vers
un modèle de recrutement prédictif où l’entreprise va identifier les profils-clés non
seulement pour les missions actuelles mais également pour les besoins à venir. Le
recruteur va alors s’inscrire dans une gestion proactive : il va piloter l’investissement
en ressources humaines en anticipant les profils pour être capable de trouver le bon
profil au bon moment, ce qui, avec un accès à l’information pour le moins élargi, peut
s’apparenter à chercher une aiguille dans une botte de foin. En conséquence, cette
nouvelle dynamique va transformer la façon dont les candidats se comportent : ils
adoptent également une attitude active en se basant sur des stratégies de personal
branding afin que les entreprises puissent les cibler efficacement dans la masse de
chercheurs d’emploi.
Déjà en 2010, 47 % des recruteurs avaient déclaré avoir intégré ces nouveaux
outils numériques à leurs processus, et 36 % des candidats à leurs pratiques de
recherche. Le recours à la presse écrite en tant que canal de recrutement, quant à lui,
ne concerne plus que 12 % des recrutements en 2014 (RegionsJob, 2015). C’est dans
ce cadre largement numérisé qu’on voit apparaître de nombreuses innovations, des
plateformes qui s’invitent dans ce processus essentiel d’une organisation pour les
rendre plus compétitives et plus efficaces dans leur recherche de profils. Aujourd’hui,
on notera la présence d’outils d’analyse complexes axés sur des tests novateurs.
Pymetrics, par exemple, est une plateforme basée sur des techniques
neuroscientifiques qui propose un certain nombre de jeux interactifs pour définir via un
profilage cognitif des carrières individuelles et par la suite, les mettre en relation avec
les entreprises qui correspondraient à leurs valeurs et rechercheraient des profils de
leur type. Dans un registre similaire, Gild révolutionne le recrutement des ingénieurs
informatiques en se basant des données concrètes pour évaluer les compétences
effectives des candidats. Ces outils s’imposent aujourd’hui comme des assistants
personnalisés, à la fois pour des recruteurs qui cherchent à optimiser leurs processus,
et pour des candidats qui cherchent à construire leur parcours professionnel.
Aujourd’hui, on parlera même de recrutement 3.0, celui-ci se basant sur l’idée
de la réalité augmentée avec l’apparition notable des serious games ou business
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games, ou encore des dispositifs mobiles développés sur la base de la
géolocalisation. Leur utilisation reste marginale et considérée comme particulièrement
nouvelle puisque les serious games ne sont toutefois employés que par 1 % des
utilisateurs (RegionsJob, 2013). Cette « troisième étape » de la digitalisation du
recrutement s’axe ainsi plus encore que la seconde sur une étendue des fonctions RH
vers le web-marketing et la communication intelligente.
On note toujours que dans beaucoup de cas, les recrutements externes se
faisaient via des relations ou des recommandations plus personnelles : le réseau joue
une part très importante des recrutements de cadres en France avec 17 % des
embauches en 2013. Or les modes même de cooptation se numérisent aujourd’hui en
passant par des plateformes de réseautage. Cette évolution pose par ailleurs la
question de la place des cabinets de recrutement sur le marché actuel. Le recours à
des cabinets de recrutement ne concerne aujourd'hui que 32 % des recrutements en
2014 (RegionsJob, 2015) : aujourd'hui, le recrutement est devenu une pratique rapide,
simple et en partie gratuite, ce qui laisse supposer que les entreprises ont une
tendance moins forte à avoir recours à un service externe quand la réalisation d'un
recrutement en interne demande de moins en moins de ressources.
Dans un monde qui se transforme chaque jour via les nouvelles technologies, la
perception de l’autre change. D’après Enlart, Charbonnier (2013), « on est entrés dans
l’ère de la transparence », et c’est précisément ce changement dans la gestion de
l’information qui va affecter les rapports entre les individus. Appliquée au cadre du
recrutement et d’un rapport de force particulier, cette problématique trouve un intérêt
évident.
2 MOOC : (en anglais) « massive open online course », (en français) « cours en ligne ouvert à tous »
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l’information ; le sujet, bien que fascinant, m’a paru peu actualisé et déjà largement
traité.
Le choix de la perspective du recrutement est donc lié à l’actualité du sujet : il
s’agit d’un domaine qui se digitalise de toute part. Le recrutement évolue, avec les
nouvelles technologies de manière plus vaste, moins structurée, via de nombreuses
expérimentations qui vont changer la nature fondamentale du processus. Il s’agit
également d’une approche plus personnelle, centrée sur la numérisation d’une
fonction on ne peut plus humaine.
De trois approches distinctes, j’ai décidé d’éloigner l’approche des dispositifs de
rencontre pour me concentrer à la fois sur l’approche du point du vue du recruteur et
celle du candidat, celles-ci ayant moins souvent été comparées en profondeur par des
articles de recherche. Ce travail s’inscrit dans une période donnée, et propose une
photographie en l’état de la situation actuelle du recrutement vis-à-vis des nouvelles
technologies, pour les recruteurs comme pour les candidats, en France en 2015.
Ainsi, ma réflexion porte sur l’utilisation de pratiques numériques au sein d’une
fonction fondamentalement humaine et l’effet qu’elles produisent sur cette relation.
Elle s’axe ainsi dans une perspective individuelle, de façon à étudier les rapports entre
individus en tant qu’utilisateurs des nouveaux outils numériques et leur ressenti à
propos de ceux-ci. La question qui est posée dans ce travail est donc la suivante :
Quelle est la place des technologies de l’information dans les pratiques de
recrutement, et dans quelle mesure ces changements vont-ils impacter la
relation entre recruteurs et candidats ?
Étude qualitative
Dans un premier temps, j’ai choisi d’observer au travers d’une étude qualitative
les comportements individuels vis-à-vis des pratiques liées aux nouvelles technologies
d’un échantillon de recruteurs et de candidats. J’ai donc commencé par réaliser des
entretiens semi-directifs avec cinq individus, dont trois recruteurs et deux candidats
(l’un des recruteurs interrogés était toutefois une jeune femme ayant quitté son emploi
de chargée de recrutement récemment et actuellement en recherche d’emploi, elle
avait donc un point de vue mixte).
J’ai souhaité élargir mon panel en recherchant des profils différents (différents
secteurs d’activités, tailles d’entreprises). Les profils recueillis ont été les suivants : un
recruteur issu d’un grand groupe français très présent jusque sur la scène
internationale, un recruteur issu d’une ETI (entreprise de taille intermédiaire), un
recruteur issu d’une start-up (ou TPE), une jeune femme en recherche de stage de fin
d’études, et une jeune femme diplômée en 2014 et en recherche d’emploi.
Le guide d’entretien se basait sur 3 thèmes fondamentaux, déclinés selon le
profil (« recruteur » ou « candidat ») :
1) Le processus de candidature ou de recrutement : les moyens utilisés, leur
régularité, les critères choisis
2) L’utilisation des outils numériques : quels outils, leurs résultats et les usages qui
en sont faits
3) La relation au candidat ou au recruteur : perception générale et impact des
pratiques numériques
Pour exposer les résultats de mes recherches, il est essentiel de définir plus
précisément les termes employés au long de ce travail. Ainsi, par « nouvelles
technologies », « outils numériques » ou « technologies de l’information », on
retiendra la définition volontairement large de l’Office Québécois de la Langue
Française : « l’ensemble des technologies issues de la convergence de l’informatique
et des techniques évoluées du multimédia et des télécommunications, qui ont permis
l’émergence de moyens de communication plus efficaces en améliorant le traitement,
la mise en mémoire, la diffusion et l’échange de l’information. » Il s’agira donc plus
simplement de l’ensemble des outils qui ont émergé et continuent d’émerger avec la
« révolution internet »4, et le Web 2.0 qui se fonde, d’après Tim O’Reilly (2005), sur
une mutualisation des données, une ergonomie des interfaces, et des effets de
réseaux : on passe d’une logique d’un auteur s’adressant à des lecteurs à un collectif
d’acteurs, une communication many to many (Quoniam, Lucien, 2009). On distingue
également un principe d’interactivité et de collaboration, dans lequel on a notamment
vu apparaître les médias sociaux. Ainsi, on définira le e-recrutement comme
l’utilisation des nouvelles technologies de l’information dans les processus de
recrutement.
Sourcing et matching
Les jobboards ou sites d’emplois sont apparus aux Etats-Unis dans les années
quatre-vingt-dix, ils se définissent selon Yannick Fondeur (2006) comme le modèle de
site emploi qui permet d’offrir sur internet des listes d’offres mises à jour en temps
4 Le terme de « révolution internet » a d’abord été employé par Xavier Niel et Dominique Roux (2012).
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quasi-réel. Les plateformes les plus populaires d’aujourd’hui s’apparentent à Monster,
Cadremploi, Apec ou RegionsJob. On peut également noter la présence de sites
spécialisés, des plateformes type jobboards qui s’attachent à un secteur ou un type de
contrat spécifique (on peut prendre l’exemple de FashionJobs, un site dédié aux offres
d’emploi dans le secteur de la mode). Le plus souvent, ces médias sont complétés par
la présence d’un site corporate ou d’un site carrière qui diffuse les offres et permet une
candidature directement adressée à l’entreprise. On ajoutera à cette catégorie les
agrégateurs d’offres d’emploi (tels que Indeed) qui permettent d’effectuer une
recherche centralisée étendue à tous les sites émetteurs (jobboards ou sites des
entreprises). Les CV sont par la suite intégrés dans une candidathèque, une base de
données qui permet aux recruteurs de rechercher activement un profil.
La marque employeur
Cette première sous-partie propose d’étudier les pratiques des recruteurs et des
candidats afin de les comparer d’un point de vue opérationnel. Afin d’analyser
l’utilisation faite des outils numériques par les recruteurs comme par les candidats, il
faut d’abord bien présenter la différenciation qui existe entre les pratiques des
recruteurs et celles des candidats (1), pour pouvoir expliquer les raisons du choix des
usages qui sont faits des outils dans une logique d’adaptation au public ciblé, par
recruteurs et candidats (2). L’analyse se focalise ensuite sur la pratique de
centralisation des données liées au recrutement, outil central au processus, (3) pour
conclure sur l’apport d’une ouverture à de nouvelles opportunités en contraste avec
l’idée de fermeture qui s’engage lorsqu’on parle de gestion informatique des profils
candidats (4).
Tableau n°1
Utilisation des différents outils proposés par les candidats et les recruteurs
(en % d’interrogés qui ont déclaré avoir une utilisation fréquente voire systématique)
Recruteurs Candidats
6 Notons tout de même que 55,1 % des personnes en recherche de contrat interrogées recherchaient un
stage, donnée qui relativise les moyens sélectionnés en comparaison des personnes en recherche d’emploi.
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La place nouvelle des réseaux sociaux dans les stratégies des acteurs
L’utilisation des jobboards par les recruteurs n’a rien d’étonnant. En effet, selon
l’enquête Internet et Recrutement (OpenSourcing, 2014), les sites d’emplois sont le
premier moyen de sélection de profils pour les recruteurs. Le site de l’entreprise se
positionnerait quant à lui en quatrième position, à la fois pour les recruteurs et pour les
candidats. Parmi les interrogés, 71,1 % ont une plateforme de recrutement intégrée au
site de l’entreprise.
En revanche, on remarque que les candidats sont moitié moins nombreux à
avoir un usage fréquent des jobboards, et semblent ainsi largement privilégier les
réseaux et les offres plus spécifiques. Enfin, chez les recruteurs comme chez les
candidats, les sites spécialisés semblent être le média privilégié : cette donnée
s’explique par une forme de pré-sélection observée sur ces plateformes qui réduisent
les critères de recherche dans un environnement numérique où l’information
surabondante nécessite un tri approfondi. Le recours à des sites spécialisés constitue
ainsi un gain de temps du côté du recruteur qui s’assure plus facilement d’avoir accès
à un profil qui correspond à son secteur d’activité, et pour le candidat, qui va pouvoir
cibler directement les entreprises du secteur qui lui convient le mieux. Cet outil forme
une sorte de filtre qui simplifie le processus de recherche comme celui de recrutement,
mais en limitant toutefois l’élargissement des possibilités qu’on peut constater lorsque
les recherches se font sur des plateformes à visée plus large.
D’autre part, il est important de constater les différences qui existent non
seulement entre les outils utilisés mais entre les usages qui peuvent en être faits.
Tableau n°2
Usages des outils numériques par les candidats et les recruteurs
(en % d’interrogés qui ont déclaré avoir une utilisation fréquente voire systématique)
Recruteurs Candidats
Après un état des lieux des pratiques globales des recruteurs et des candidats
vis-à-vis de l’emploi des nouvelles technologies dans leurs pratiques, on peut se poser
la question de la raison qui pousse à utiliser ces médias.
Pour Amélie, chargée de recrutement dans une ETI grenobloise, l’utilisation des
outils numériques par l’entreprise dans le cadre d’un recrutement est essentielle
puisque « l’entreprise doit aller chercher les gens susceptibles de candidater là où ils
sont. Et aujourd’hui, les gens (…) ils sont sur internet (…) parce que tout le monde est
toujours connecté ». Il s’agit donc pour elle d’un outil d’adaptation au public ciblé.
Amélie évoque à ce titre, dans le cadre de sa recherche d’emploi, l’adaptation des
entreprises aux applications mobiles dont elle est une utilisatrice quotidienne.
Pour Marie R., intégrer les nouvelles technologies dans ses pratiques de
recrutement est essentiel : « un cabinet de recrutement qui ne s’adapte pas à son
environnement et qui n’utilise pas les nouvelles technologies, il risque de vieillir et il
risque de tomber dans l’oubli ». Elle ajoute qu’il est pour elle nécessaire de « parler le
langage des jeunes » pour maintenir ce « lien virtuel » avec les étudiants qu’elle cible
au sein de son activité.
D’après l’enquête Edhec et JobTeaser (2013), en combinant les canaux
numériques existants (réseaux sociaux, mobiles), on atteint 53 % de la population
étudiante et nouvellement diplômée (et ces chiffres sont en augmentation), ce qui
justifie l'emploi de ces nouveaux outils numériques pour s'adapter à la cible. Bien sûr,
ces outils n'excluent pas (encore) les méthodes traditionnelles, mais les complètent
largement.
De même, les nouveaux outils mis à la disposition des recruteurs vont par
exemple permettre à l’entreprise à laquelle appartient Amélie et aux recruteurs de faire
passer des tests informatisés et standardisés afin d’évaluer, pour le cas des profils
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internationaux, leur niveau de langue. Notons que le recours à un « test », qu’il soit de
langue, psychotechnique, de personnalité ou d’évaluation des compétences lors du
recrutement est très fréquent, puisqu’il concernerait un recrutement effectif sur deux
(Apec, 2014), et que 42,2 % des recruteurs interrogés ont, dans le cadre de leur
processus, recours à des tests de recrutement informatisés dont ils sont par ailleurs
majoritairement satisfaits (avec seulement 9 % des interrogés se déclarant insatisfaits
par ces méthodes).
Une revue des outils mis à la disposition des acteurs du marché du travail nous
permet de mettre en perspective l’évolution de certaines techniques traditionnelles
vers un environnement numérique qui facilite l’échange et la coordination. Toutefois,
un élément véritablement nouveau qui vient changer les pratiques des entreprises est
l’émergence des réseaux sociaux, ces communautés virtuelles sur lesquelles les
entreprises tentent ou parviennent à s’introduire pour se frayer un chemin au plus
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proche des candidats potentiels afin d’optimiser les techniques qui leurs permettent de
trouver le candidat idéal.
7La notion de bricolage pour intégrer le numériques aux stratégies de recrutement est développée par
Girard, 2012.
8Un lip dub est un clip promotionnel chantant où les acteurs font du playback sur une chanson et l’intègrent
à une bande sonore pré-existante.
9 On mettra de côté ici les stratégies de promotion de marque qui seront traitées en seconde partie du
travail.
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I. 2. 1. Un outil de veille
Juliette constitue grâce à l’aide des réseaux sociaux et des pages Recrutement
des entreprises qu’elle cible de véritables stratégies pour se faire remarquer : « si elle
voit mon nom plusieurs fois et qu’un jour elle reçoit mon CV, peut-être qu’elle fera le
lien. » C’est un ensemble de « petites choses » (un suivi, la participation à des
sondages) qui forment une stratégie candidat pour se faire connaître en démontrant
l’intérêt pour ses « entreprises-cibles ». Elle adapte les outils dont elle dispose aux
stratégies de communication et de recrutement des entreprises, à leurs valeurs, et
opère une veille sur de multiples réseaux (Facebook, Twitter, LinkedIn) qui va lui
permettre de se tenir informée de l’actualité de l’entreprise et maximiser ses chances
de prouver au recruteur sa motivation. Pour elle, « l’idée, c’est de rentrer dans le jeu
aussi. »
Louise mentionne son utilisation de groupes Facebook ou de sa page LinkedIn
pour « surveiller » les offres publiées sur les réseaux. Elle évoque également son
réflexe d’aller liker les pages Facebook des entreprises afin d’observer le
fonctionnement de celles-ci vis-à-vis des candidatures reçues, pour s’informer du
processus et des critères suivis par les recruteurs. En somme, les réseaux sociaux se
placent plus souvent dans une logique de chasse des profils pénuriques et de
communication sur la structure des ressources humaines pour se donner une visibilité
que dans une optique stricte de recrutement. En 2014, 29 % des professionnels des
RH ont déjà recruté une personne trouvée sur les réseaux sociaux (RegionsJob,
2015), ce qui positionne ces méthodes en tant que canaux complémentaires de
recrutement.
Les réseaux sociaux viennent approfondir une logique de réseau très présente
Les réseaux sociaux font émerger des plateformes d’échange entre acteurs
Bien que cette technique soit encore en cours de développement en France, les
entreprises ont su puiser dans ces plateformes d’échange pour établir des espaces
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d’échange, de dialogue avec les candidats, créant un véritable dynamisme relationnel.
C’est ce qu’on appellera le recrutement social, basé sur l’échange, la mise en place de
plateformes de questions-réponses (comme c’est le cas avec le site de la SNCF), et
une transparence vis-à-vis des processus de candidature. Via des plateformes
numériques, des évènements promotionnels ou la mise à contribution du candidat (qui
manifeste son intérêt en followant, en se connectant à l’entreprise), les recruteurs
créent de grands espaces de dialogue, plus ou moins spontanés, qui vont permettre
d’attirer et de s’ouvrir à tous les profils. Ces outils font partie d’une stratégie de
communication qui va optimiser et privilégier la prise de contact directe en repérant les
candidats et en opérant une veille sur les réseaux.
Pour Louise, la première étape dans sa recherche d’emploi passe par la mise à
jour des profils sur les réseaux sociaux professionnels (« Première chose qu’on fait
généralement, c’est mettre à jour tous les profils LinkedIn et compagnie. »). Juliette,
elle aussi, travaille régulièrement sa présence sur les réseaux professionnels, et
passe beaucoup de temps à aller consulter des profils similaires au sien pour élargir
son réseau.
Seuls 21,7 % des candidats interrogés considèrent que leur utilisation
numérique ne les valorise pas auprès des recruteurs, et pourtant pratiquement la
moitié des interrogés (47,8 %) ne se considère pas comme « suffisamment présente
sur les réseaux et plateformes de recrutement ». Les candidats semblent ainsi
particulièrement conscients de ces dynamiques et de la nécessité de se positionner
activement sur les réseaux sociaux de façon à mettre toutes les chances de leur côté
pour favoriser un « repérage » au sein de communautés virtuelles très larges.
Les outils à la disposition des acteurs sont donc nombreux et leurs usages
multiples, puisque des outils comme les réseaux sociaux font émerger un potentiel
d’innovation particulièrement présent. Cette analyse des réseaux sociaux comme
nouveaux dispositifs de recrutement nous amène à une dynamique nouvelle qui vient
s’installer, chez le recruteur comme chez le candidat, au coeur même des processus
de recrutement. L’apparition de l’e-réputation vient alors alimenter les dynamiques de
réseau et les stratégies de recrutement des entreprises comme les stratégies
promotionnelles des candidats.
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Partie 2
Les nouvelles dynamiques liées à
l’e-réputation
L’entreprise est soumise à une évaluation des candidats via une vitrine numérique
11 GlassDoor est une communauté professionnelle qui permet à la fois aux entreprises de promouvoir un
profil employeur, et aux salariés ou candidats d’évaluer leur satisfaction professionnelle vis-à-vis de
l’entreprise : www.glassdoor.fr
12Meilleures-Entreprises.com regroupe des classements selon divers critères (Happy At Work, Happy
Trainee) : www.meilleures-entreprises.com
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Figure n°1
Dans la même optique, le groupe
Publication du 31 mai 2015 SNCF se démarque avec une page
Facebook intitulée SNCF Recrutement
qui répertorie, décrit et permet de
visualiser et de mettre en scène le
quotidien et l’importance des différents
métiers opérationnels de la SNCF via
des vidéos de présentation pour plonger
les candidats dans la réalité des emplois
qui font l’objet d’offres de recrutement
Source : page Facebook SNCF Recrutement (ce qu’on appelle aussi des job stories).
13Bys, Christophe. 2015. “Recrutement : Les Réseaux Sociaux, Meilleurs Amis Des DRH.” Usine-Digitale.fr.
Consulté le 1er juillet 2015.
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2. L’enjeu pour le candidat
Le candidat, pour se faire valoir, peut développer des stratégies basées sur le
blogging ou le microblogging (pour lequel l’interface la plus connue est Twitter), afin de
se faire connaître tout en maîtrisant le contenu qui va être publié par les entreprises. Il
a également à sa disposition des outils d’alertes généralement gratuits (HyperAlerts,
Twilerts ou Google Alerts) qui permettent d’opérer une veille automatisée de la
présence des entreprises sur les réseaux pour constituer une véritable stratégie
candidat. C’est une communication dans les deux sens qui s’impose ainsi, où
l’entreprise va communiquer au candidat pour qu’il puisse répondre en se
promouvant : il s’agit d’un véritable enjeu double qui s’inscrit dans une logique de
réponse. C’est pourquoi il est important pour le candidat de maîtriser les différents
outils dont il dispose pour répondre efficacement aux moyens déployés par les
entreprises.
Le candidat sera ainsi soumis à la même enquête, collecte d’informations qu’il
réalise sur le recruteur (1), bien qu’il soit généralement sensibilisé à ces
problématiques nouvelles (2). Une large palette d’outils s’offre ainsi au candidat, dès
lors qu’il maitrise les enjeux numériques, pour établir une stratégie de personal
branding, de promotion personnelle via les nouvelles technologies (3).
Selon l’enquête Sourcing des cadres réalisée sur l’année 2014 par l’Apec, lors
de deux recrutements sur dix, on a pu observer une recherche d’informations
supplémentaires via les moteurs de recherche ou les réseaux numériques de la part
du recruteur. L’enquête de RegionsJob de 2013 qui fait l’état des lieux du recrutement
sur les réseaux sociaux révèle que 48 % des recruteurs se renseignent sur les
candidats via une « googlisation » et l’effet n’est pas neutre puisqu’un tiers des
interrogés déclare avoir déjà utilisé ces informations pour écarter un candidat ou au
contraire, pour prendre la décision de le recruter.
Pour 53,3 % des recruteurs interrogés, l’attention portée au profil du candidat
est un moyen de mieux évaluer sa personnalité. Pour Juliette, s’il est évident que le
Le candidat d’aujourd’hui, qu’il soit actif ou passif (déclaré ou non), opère une
veille permanente pour se tenir à l’écoute du marché quelle que soit sa situation. C’est
pourquoi il doit développer des stratégies de promotion de sa marque personnelle, par
exemple en s’investissant dans des hubs, des groupes des discussion ou de débat
portant sur des sujets spécifiques, des secteurs d’activités en particulier, etc. pour se
faire repérer et éventuellement tisser des liens et approfondir son réseau avec des
recruteurs. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’obtenir l’information, ce qui est de plus
en plus simple et automatisé, il s’agit de savoir la traiter, la mettre en avant. Le « bon
candidat » doit savoir être un bon communicant pour se faire valoir, la communication
se faisant compétence nécessaire à bon nombre de postes. D’autant plus que le
Marie, qui gère les ressources humaines pour un cabinet de recrutement pour
étudiants, définit le rôle du recruteur comme le Cerbère, ou encore le « gardien de
l’ambiance ». Selon les termes de Amélie, le recruteur évalue « le savoir-être » du
candidat. Mais la relation entre recruteur et candidat s’inscrit avant tout dans une
optique de recherche d'une forme de cohésion et d'adéquation entre l'entreprise et le
candidat, entre les valeurs du candidat et de l'entreprise, les compétences et tâches
confiées. Le but de cette interaction est d'atteindre un objectif commun, puisque le
recruteur recherche un collaborateur efficace et qui pourra intégrer une équipe sans
problème, et le candidat cherche à intégrer une équipe et mettre ses compétences au
service d’un groupe. Les deux intervenants prennent une forme de risque : l'entreprise
cherche un candidat qui lui correspond, tandis que le candidat cherche un poste qui lui
correspond, et tous deux risquent de se tromper.
Ainsi, pour mettre la relation entre recruteur et candidat à l’épreuve des
nouvelles technologies, on distingue une forte logique émergente de maitrise de
l’information dans un cadre de transparence qui fait évoluer les enjeux des acteurs (1),
et qui va venir modifier la dynamique relationnelle qui confronte ces deux acteurs (2).
Les nouvelles technologies vont révolutionner la façon dont est gérée (ou non)
l’information. Ainsi, dans un monde connecté, entreprises, recruteurs et candidats vont
voir la maitrise de l’information leur échapper (1), et cette transparence nouvelle
14Contenay, Anne-Julie. 2011. « La Caissière de Cora Sauvée Par Le Web. » Europe 1. Consulté le 6 juin
2015.
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C’est par ailleurs cette perte de la maitrise de l’information qui va enclencher de
nouveaux mécanismes, voulus ou non, de transparence. Et que l’entreprise le
souhaite ou non, les informations qui concernent ses pratiques RH vont être exposées
sur le Web via de nombreuses plateformes entièrement libres, ce qui présente
évidemment un risque. Alors cette transparence pourrait-elle donner un avantage à
l’un des acteurs, recruteur ou candidat ?
Pour 53,8 % des interrogés, les outils numériques rendent la relation entre
recruteur et candidat plus transparente. Toutefois, on peut s’interroger sur les effets de
la transparence de cette relation. En cherchant à promouvoir sa marque employeur,
l’entreprise va améliorer l’expérience candidat, c’est-à-dire le ressenti du candidat vis-
à-vis de sa candidature au sein d’une entreprise, et se rendre plus humaine, quelle
que soit la conclusion de l’interaction entre le recruteur et le candidat. Mais qu’en est-il
vraiment ? Quelle est la perception de chacun ?
Pour Louise, si elle doute d’un changement fondamental dans sa perception de
l’entretien, elle remarque tout de même que cette transparence peut aider le candidat,
qui saura plus aisément se « donner une contenance, une posture ».
Amélie, elle aussi, parle de « premier réflexe » d’aller consulter les profils de
son interlocuteur. Pourtant, elle considère qu’il y a un risque de perte de « crédibilité »
dans sa relation au candidat, comme dans celle qu’elle peut avoir au recruteur. Cette
notion de crédibilité ou de confiance marque l’importance notable de l’information
comme composante de la relation ; mal gérée, mal interprétée, elle peut engendrer
des conséquences particulièrement nocives pour tous les partis concernés.
À l’évidence, la question qui se pose face à une telle perte de contrôle, un tel
effacement des frontières conventionnelles, est celle de la redéfinition de la rupture qui
existe ou doit exister entre l’individu dans son optique individuelle, personnelle et sa
place au sein d’un groupe, en tant que membre du monde professionnel. L’individu, en
portant cette double-casquette et en utilisant des outils identiques pour une promotion
personnelle comme pour une promotion de la structure à laquelle il appartient, voit
émerger une problématique nouvelle : celle de la limite qui oppose ces deux aspects
de sa présence numérique.
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III. 1. 3. À la frontière du personnel et du professionnel, du formel et
de l’informel
Un sondage réalisé par Clémentine Jobs révèle que plus de 8 répondants sur
10 avouent se connecter aux réseaux sociaux à des fins personnelles et/ou
professionnelles sur leur lieu de travail15. Ce phénomène est renforcé par l’apparition
du bring your own device qui permet aux employés de s’équiper de leur matériel
personnel, configuré à leur souhait, sur leur lieu de travail afin d’opérer
quotidiennement. Ces nouvelles problématiques numériques semblent jeter un flou sur
la distinction entre personnel et professionnel. Pour Jean-Denis Garo, directeur
communication et marketing du groupe Aastra Technologies, spécialisé dans la
communication d’entreprise, les réseaux sociaux vont poser ce problème de frontière
entre l’individu et le collaborateur : « un collaborateur qui parle sur Twitter, le fait-il en
son nom ou au nom de sa société ? Peut-on tout dire ou pas ? »16
Antoine B. perçoit une « humanisation » du recruteur via cette transparence,
mais aussi une « démystification » de la figure du Cerbère dont parlait Marie ; pour lui,
les nouvelles technologies vont mettre en perspective cette « frontière entre personnel
et professionnel », en prenant l’exemple des réseaux sociaux qui confondent les deux
aspects de la vie d’un individu. Et ce phénomène ne se limite pas à quelques
recruteurs : 44,5 % des recruteur et 52,1 % des candidats ont déclaré ressentir une
forme de « brouillage » de la frontière entre personnel et professionnel.
Il évoque notamment le problème de l’aspect formel d’une communication qui
passera par des média généralement informels (type messages texte) : le recruteur
sort d’un cadre délimité et régulé par des normes et des codes formels pour s’adresser
au candidat d’une nouvelle manière, en passant par des média dédiés à une utilisation
personnelle ; tandis qu’avant l’arrivée de ces nouvelles technologies, il existait des
moyens typiquement formels de candidater ou de contacter le recruteur.
15Tripard, Judith. 2015. “« La Majorité Des Recrutements de Cadres Se Font Par Réseaux Actuellement ».”
Cabinet de Recrutement Paris, Digital, Web, Informatique et Big Data.
16 Laugier, Edouard. 2012. “Le DRH Du XXI Ème Siècle.” Le Nouvel Economiste. Consulté le 12 mai 2015.
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recrutement s’inscrit dans la constitution d’une dynamique entièrement nouvelle dans
la relation même entre recruteurs et candidats.
36,9 % des interrogés considèrent que la relation est rendue plus personnalisée
par l’utilisation des outils numériques. Cette personnalisation s’explique par une sorte
de « mise à l’honneur » de l’individu en tant que personne à part entière : le recruteur
est un individu qui va être contacté sur son profil ou sa messagerie personnelle, et non
pas en tant que chargé de recrutement quelconque. Son profil, son parcours, sa
position sont connus du candidat, ce qui le place dans la même optique d’exposition
que le candidat, créant ainsi une relation horizontale, globalement plus équilibrée.
L'apparition d'applications mobiles comme Kudoz, Freeler ou encore Let's Meet
de Viadéo, basées sur le modèle de Tinder17, en dit long sur cette forme de
personnalisation ultra-rapide qui va produire un matching. La démarche est également
différente puisque recruteur et candidat s'exposent dans une démarche active et se
trouvent mutuellement sans risquer de ne pas intéresser leur interlocuteur dans une
démarche unilatérale. L'idée est donc d'aller plus loin que le simple ajout à un réseau
social (personnel ou professionnel) puisque le processus de matching est suivi d'une
rencontre, ce qui n'est pas toujours une évidence en ce qui concerne les ajouts aux
réseaux.
17Tinder est une application consacrée aux rencontres entre individus qui fonctionne avec la présentation
d'un match, un profil correspondant, que l'interlocuteur va accepter ou refuser en « swipant », en glissant
simplement d'un côté ou de l'autre de l’écran.
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Tableau n°3
Récapitulatif des différents effets produits par l’action de consulter le profil du recruteur en tant que
candidat (en % d’interrogés)
Toutefois, seulement 13 % des répondants ont déclaré que ça leur donnait une
impression d’égalité avec le recruteur : cette humanisation et cette préparation
n’enlèvent donc pas pour autant le sentiment selon lequel le recruteur est l’être
supérieur qui a pour rôle de juger à son gré. On remarquera alors que si la perception
du recruteur et de l’entretien changent pour plus de la moitié des interrogés, on ne
distingue pas pour autant un changement dans l’attitude lors de la rencontre et vis-à-
vis de l’interlocuteur : le candidat mieux préparé reste dans son optique de
candidature et ne change pas pour autant l’image qu’il voudra renvoyer.
Une étude quantitative auprès de DRH présentée par l’ANDRH en 2011 révèle
que 86 % des professionnels des ressources humaines perçoivent les réseaux sociaux
comme « une nouvelle forme de lien social ».
Du point de vue du recruteur, le rapport de force change indéniablement.
Antoine B. explique qu’avec l’arrivée des nouvelles technologies et des plateformes de
promotion de la marque employeur (mentionnées précédemment), « l’entreprise a tout
intérêt à soigner beaucoup plus encore qu’avant son image (…) on a intérêt à être très
exigeants par rapport à ça et être vigilants » : le recruteur aurait donc perdu une part
de sa liberté, et doit s’en tenir à des règles de correction comparables à celles qu’on
peut imaginer pour le candidat.
Juliette perçoit également, du point de vue du candidat, ce changement dans le
rapport de force : « Avant les outils numériques, y avait une relation d’infériorité parce
qu’on se disait « le recruteur sait tout de moi et je ne sais rien de lui. » » Pour elle, il y
a un rééquilibrage du rapport de force dès lors que le candidat est aussi informé que
le recruteur et dispose des mêmes « armes ».
Ainsi, le recruteur et le candidat se retrouvent face aux mêmes problématiques :
chacun va disposer d’informations sur son interlocuteur, et tenter de donner la
meilleure image à la personne qui se trouve en face de lui.
Pour Antoine B., les nouvelles technologies viennent « casser certains codes
traditionnels » dans la relation entre le recruteur et le candidat. Désormais, le candidat
peut très simplement et de sa propre initiative prendre contact avec un recruteur,
l’ajouter à ses cercles sur un réseau, lui envoyer un message privé ou un InMail18
librement. Le changement s’opère lorsque les deux parties peuvent entrer en contact
et opérer une veille via les mêmes outils, et la prise de contact n’est plus uniquement
le fait du recruteur suite à une chasse ou au dépôt d’une candidature classique.
Recruteurs et candidats s’ouvrent plus aisément et vont aller se confronter à leur
interlocuteur en toute simplicité. Il s’agit d’une forme d’interaction nouvelle du point de
vue du recrutement puisqu’elle place un plan d’égalité d’accès au marché des offres
18 InMail est le nom du service de messagerie privée inclut dans la plateforme professionnelle LinkedIn.
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candidats et recruteurs pour qu’ils puissent s’informer et se promouvoir de la même
manière.
Une sorte de perception double s’impose ainsi : le recruteur qui voit son rapport
au candidat changer devra apprendre à gérer cette proximité nouvelle et
« déroutante » (d’après Antoine B.) mais elle va également permettre de mieux gérer
les membres d’une équipe ; ce changement de dynamique dans la proximité entre
recruteur et candidat semble être une arme à double-tranchant.
Figure n°2
Pour le candidat, il faudra distinguer deux
éléments. D’une part, la proximité à l’entreprise Proximité des candidats à
l’entreprise et au recruteur
semble être renforcée par les outils numériques (en %)
(pour 43,5 % des candidats interrogés), sans 50
La définition des profils est un enjeu clé du recrutement. Bien que difficile à
mesurer, certains témoignages et certaines pratiques semblent évoquer une
inadéquation partielle entre le profil du candidat et le profil recherché par une
entreprise. Dans un recrutement sur deux (Apec, 2014), le candidat n’avait pas
l’expérience souhaitée par l’entreprise, ce phénomène étant renforcé par la jeunesse
Ces conclusions nous poussent enfin à regarder vers l’avenir des nouvelles
technologies dans les pratiques de recrutement des entreprises. De plus en plus
d’entreprises semblent entrer dans la « boucle » innovatrice qui se situe autour du
recrutement, et de nouveaux outils issus des nouvelles technologies émergent
régulièrement, que ce soit dans les laboratoires d’innovation de L’Oréal dans la Silicon
Valley ou bien dans de petites start-ups russes, pour transformer ou actualiser la
dynamique du recrutement.
D’après ces informations, on peut imaginer deux voies pour l’avenir du
recrutement : une première qui s’appuierait sur une numérisation encore plus
standardisée via le Big Data, la sélection automatisée des profils afin de réduire la
La question qui se pose est la suivante : le meilleur candidat est-il celui qui
arbore le meilleur CV ? Face à un manque de finesse des critères de sélection ou de
recherche d’annonces, ce sont parfois les critères des recruteurs qui vont évoluer. En
effet, dès lors qu’on arrive à un détachement des compétences « classiques » et du
CV comme base du recrutement, plusieurs outils décisionnels ont émergé, visant à
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assister les recruteurs dans une sélection basée sur la personnalité ou sur les valeurs
des candidats. On citera par exemple takewinc.com (où les recruteurs peuvent évaluer
le taux de compatibilité entre leurs offres et les candidats via un questionnaire de
personnalité et de motivation). Cette idée de recrutement sans CV s’étend et bouscule
les codes du recrutement en passant par des vidéos, des projets ou challenges19, des
épreuves basées sur des jeux télévisés ou même sur des jeux vidéos, afin de révéler
chez les candidats leurs compétences mais aussi leur personnalité ou leur capacité à
innover.
L’entreprise SAIL Plein Air Inc.20 a récemment décidé de ne plus demander aux
candidats de CV mais de « raconter leur meilleure histoire » afin de définir leur profil et
de leur proposer un poste. Le recrutement semble évoluer vers la quasi-disparition des
critères fermés pour s’axer vers une approche plus personnelle, voire émotionnelle du
candidat pour des postes où les compétences ont tendance à s’uniformiser. Ainsi, la
fin du clonage et du formatage des candidatures pourrait faciliter le sourcing, et ce tout
en prenant soin de favoriser l'égalité des chances.
Dès lors qu’on s’attache aux nouvelles technologies, on peut imaginer toutes
sortes d’utilisations des outils comme la géolocalisation. Par exemple, Isabelle
Fitamant, ancienne diplômée de Grenoble Ecole de Management, a créé une
application dénommée GeoGEM qui permet de localiser sur smartphone les membres
du réseau d’alumni de l’école afin de faciliter la prise de contact et les rencontres,
autour d’évènements comme des salons professionnels ou des afterworks. Ce
dispositif s’ajoute à l’annuaire et la CVthèque opérées par l’association des Alumni et
vient compléter la large gamme d’outils qui permettent aux diplômés de l’école de
tisser des relations professionnelles (Pasquiou, 2015).
Si on s’attache à l’évolution des entreprises françaises dans un futur proche, il
faudra parler de M-recrutement, le recrutement mobile étant probablement le prochain
pas vers une adaptation au public ciblé lors du recrutement. D’après une récente
étude menée par JobAroundMe, 55 % des 158 entreprises et directions des RH
françaises interrogées ont déclaré leur intention de passer au M-Recrutement dans le
19On citera par exemple l’idée de « Hackathon » (utilisée par Bouygues Telecom en décembre 2014) pour
recruter des développeurs en se basant sur leurs compétences et leur capacité d’innovation dans une mise
en situation concrète.
20 Voir le site de SAIL Carrières pour plus d’informations : http://carrieres.sail.ca
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courant de l’année 2015 : les entreprises ne cessent d’adapter leurs pratiques
numériques au public ciblé, dans un contexte où on assiste à une augmentation du
nombre de personnes disposant de Smartphones et de connexions web afin d’être
connectés quelle que soit leur situation. D’après l’enquête menée par l’Edhec et
JobTeaser (2013), 94 % des étudiants et jeunes diplômés interrogés seraient
intéressés pour consulter via une application mobile les offres disponibles et 93 %
pour avoir des notifications lors de la publication de nouvelles offres : la demande est
donc bien présente chez les candidats. Bien que ces pratiques soient encore
réservées à des grands groupes qui réalisent des volumes conséquents de
recrutement, l’enquête sur les méthodes de recrutement de RégionsJob (2015) indique
de 71 % des recruteurs qui ont à leur disposition une application mobile dédiée au
recrutement sont satisfaits des résultats obtenus, malgré une utilisation marginale (en
majorité, moins de 10 % du volume total de recrutement effectué).
L'étude RégionsJob fait notamment l'état des lieux du recrutement sur internet
en notant les profils les plus recherchés via ces nouvelles techniques, à savoir les
métiers de commerciaux, ou ceux de type ingénieur liés à l'informatique. Ingénieurs et
commerciaux paraissent ainsi être des métiers centraux pour le recrutement, ce qui
s'explique par un positionnement ancré dans des thématiques actuelles du
numérisation (e-commerce, webmarketing) en maîtrisant des compétences techniques
très valorisées. On peut ainsi supposer que certains métiers sont plus susceptibles
d’être recrutés via ces nouvelles méthodes de communication et de recrutement, et il
serait intéressant d’évaluer la véracité de cette hypothèse en distinguant les profils qui
s’y appliquent. Cette approche rejoint dans un sens celle qui s’attache aux secteurs,
puisqu’on peut ainsi imaginer que les métiers proches de certains secteurs ou les
métiers « manuels » ne font pas l’objet des mêmes techniques d’attraction qui sont
déployées pour recruter des profils marketing, communication ou ressources
humaines.
Un aspect du sujet que j’ai choisi de ne pas traiter est celui du budget consacré
à ces techniques innovantes appliquées au recrutement. Si on remarque
généralement que des groupes tels que L’Oréal, le groupe SNCF et autres entreprises
majeures prennent le risque d’expérimenter et d’approfondir les possibilités offertes
par les nouvelles technologies, on peut se demander quelle sera l’utilisation faite par
les très petites entreprises (TPE) qui ne peuvent consacrer un budget conséquent ou
une partie du personnel dédiée à ces pratiques, notamment dans le cas de ce qu’on
appellerait des start-up qui se voient tout de même confrontées à un besoin fort de
communiquer pour attirer l'attention des investisseurs.
Il faut garder à l’esprit que certains ménages ne disposent pas de ces
technologies, ou d’une maîtrise suffisante à se faire valoir efficacement, et qu’il existe
ce qu’on appelle une « fracture numérique » qui touche ces populations et les place à
l’écart d’une insertion sur le marché du travail largement numérisée. De même, cette
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fracture s’impose aux entreprises de moindre taille qui ne disposent parfois pas de
moyens suffisants à la mise en place de sites internet ou à l’emploi de personnel dédié
à la recherche et plus encore au tri nécessaire des candidatures reçues.
Figure n°3
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’enjeux des nouvelles technologies
pour le recrutement
Figure n°4
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’apports et de contraintes des
nouvelles technologies pour le recrutement
Enquête qualitative
Il faudra soulever que les personnes interrogées étaient jeunes (entre 20 et 30
ans pour 4 d’entre eux, entre 30 et 40 ans pour le dernier) et donc particulièrement
affectés par ces problématiques ancrées dans le monde actuel. On notera également
que l’un des recruteurs, Antoine B., occupe un poste de « RH manager » et non de
chargé de recrutement, malgré sa connaissance approfondie et réfléchie d’un point de
vue stratégique des enjeux mentionnés, chez L’Oréal. Le groupe L’Oréal axe sa
stratégie d’attractivité et de recrutement sur les nouvelles technologies, et réalise un
quart de ses recrutements via les réseaux sociaux en 2014 alors qu’aucun ne passait
par ce biais 2 ans auparavant.
Un autre recruteur, Marie R., est co-fondatrice en charge du recrutement d’une
start-up grenobloise qui se spécialise dans le recrutement de stagiaire, d’alternants ou
d’étudiants dans le cadre de missions éphémères ; sa cible est donc très jeune, et ses
moyens financiers limités, ce qui la rapproche de ces problématiques.
Enquête quantitative
Chez les candidats interrogés, on constate
une large majorité de femmes et d’individus
de moins de 25 ans, ce qui s’explique par
une diffusion du questionnaire
majoritairement en ligne sur des réseaux
sociaux et via l’annuaire des diplômés de
différentes écoles grenobloises.
Aussi, les répondants ont majoritairement un
niveau Master, ce qui correspond aux
attentes lors du lancement de l’enquête. Ils
recherchent des contrats divers, ce qui
permet de représenter au mieux les
différents profils qu’on peut imaginer.
20
10
entreprises, soit entre 10 et 249
0
salariés), catégorie qui représente 28 %
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Candidats • Recruteurs
Pour des raisons d'éthique et par souci d'anonymat, les noms et prénoms des
personnes interrogées ont été modifiés.
Juliette C.
Juliette a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons
rencontrées à l’IEP. Elle est très active sur les réseaux professionnels et est à la
recherche d’un stage dans le cadre de ses études, je l’ai donc contactée pour avoir un
aperçu de ses pratiques de recherche de stage. Elle était très intéressée par le sujet.
Elle est venue chez moi le jeudi 12 mars, l’entretien s’est déroulé dans le salon, dans
une atmosphère détendue.
21 InMail est le nom donné aux messages privés entre membres de la communauté LinkedIn.
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Avant les outils numériques, y avait une relation d’infériorité parce qu’on se disait « le
recruteur sait tout de moi et je ne sais rien de lui. »
Philomène - Donc une forme de transparence ?
Juliette - Voilà. Et en entretien, c’est des choses sur lesquelles on peut rebondir. A
titre d’exemple, j’ai un ami qui avait un entretien pour un stage dans une grande
entreprise du CAC40 et qui avait donc le nom du RH, qui a pu taper ça sur LinkedIn, qui
a vu la personne et lors de son entretien a rebondi : « ah mais vous avez fait telle école,
moi j’avais postulé mais du coup j’ai préféré aller dans telle école » donc d’un côté il a
montré voilà une relation de contact avec le RH, qui ensuite a parlé de lui, ce qui est
assez étonnant. Et de l’autre, il a vraiment montré que l’école qu’il avait c’était un vrai
choix, et pas un « sous-choix » puisqu’il aurait pu faire la même école que le recruteur
en face de lui, et tout de suite marquer sa différence. Donc d’un côté voilà ça fait un peu
de la transparence, on a moins l’impression que le recruteur est omniscient, il sait tout
de nous, c’est le grand méchant qui est là pour vraiment nous mettre des barrières, mais
au contraire plus un plan de convivialité. Les deux profils sont transparents, on va
pouvoir se répondre et montrer vraiment sa particularité et montrer vraiment sa vraie
valeur ajoutée.
Philomène - Ok. (Pause) Donc pour toi, le recruteur, c’est « quelqu’un de
normal » ?
Juliette - Bah c’est pas quelqu’un de normal parce que c’est quand même
quelqu’un qui va être là de juger ou pas.
Philomène - Donc ça te fait quand même un peu « peur » ?
Juliette - Oui, mais moins, je trouve que c’est quand même, euh, vraiment moins
un barrière. La barrière c’est qui est-ce que je vais avoir en face de moi ? Est-ce que la
personne je vais la trouver sympathique ? Qu’est-ce qu’elle a fait avant ? Mais un truc
tout bête, mais si on voit que cette personne, elle a l’habitude de voyager dans un
certain pays et qu’on a la chance d’y aller, je pense que c’est une chose encore en
entretien, on peut rebondir, on peut parler des choses voilà, se détendre parce que c’est
des choses qu’on connait, qui rentrent pas dans le cadre professionnel, et ça peut
laisser aussi une bonne image au recruteur à mon sens. Se dire : « ah bah elle a
sympathique, on a parlé de ça… »
Je pense aussi que ce qui est bien c’est que le… le pouvoir… la force en fait, l’équilibre,
il tend même à aller du côté de la personne qui va avoir l’entretien, parce qu’elle
préparer à l’avance en fait, elle va se dire « bon, lui il a fait ça, je vais pouvoir parler sur
ça, lui poser des questions sur ça » sur son parcours en disant « ah mais j’ai vu que tu
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avais commencé par ça, que tu es passé par ça dans l’entreprise, pourquoi ? » et
justement c’est parce que t’aimes bien l’entreprise et justement, il va se préparer à poser
plus de questions au recruteur que stricto sensu les missions de stage qui sont parfois
austères, et voilà, c’est lui qui pose les questions, ce sera le RH qui va parler, donc en
soi bah voilà, la position de force est totalement inversée.
Philomène - (Pause) Et donc, à ton avis, comment est-ce que le recruteur perçoit
le candidat ? Si tu devais te mettre à la place du recruteur…
Juliette - Alors je pense que c’est… Enfin voilà, le recruteur c’est un être humain,
je pense que voilà, déjà en voyant le CV, on va apprendre des choses : la photo, les
expériences, tu pars avec quand même un idées, avec aussi les réseaux sociaux, par
exemple aller sur la page Facebook, ça c’est des choses facilement… Sur Facebook,
aller voir des photos, les centres d’intérêt, donc le RH quand même il peut se faire une
idée beaucoup plus globale que professionnelle, sur le candidat. Et du coup il va plus
rentrer dans des considérations personnelles que professionnelles, à se dire « ah mais il
aime ça, ah mais en fait c’est un « beauf » entre guillemets ». Parce que ça c’est des
choses que j’ai pu entendre en fait, les stagiaires qui étaient avec moi justement en RH
et qui disaient « ah non mais lui du coup on a vu son CV qui était très bien, on est allés
voir sur Facebook, on s’est rendus compte que c’était un beauf », voilà je reprends les
termes. Et du coup ça allait pas du tout aller avec l’entreprise, on avait trop peur que,
par rapport à l’équipe où il devait être intégré, ça passe pas du tout.
Philomène - Ça peut permettre d’évaluer la personnalité, les valeurs aussi…
Juliette - Voilà, je pense que c’est même mieux qu’un entretien voilà de
personnalité, c’est pas vos qualités et vos défauts, des questions qu’on voit et qu’on
revoit. Là s’il passe directement bah les gens sur les réseaux sociaux, une page
Facebook, une photo, voilà, euh, un peu particulière, on sait rapidement les centres
d’intérêt, les groupes… Tout est indiqué et je pense qu’on sait toujours plus de la
personne comme ça que… par la procédure classique.
Philomène - C’est un autre cadre en fait. On n’est pas les mêmes personnes en
entretien que sur Facebook.
Juliette - Oui, voilà. Certainement pas…
Philomène - C’est un peu à double-tranchant, parce qu’on va pas non plus être la
personne sur les réseaux sociaux que dans la vie professionnelle…
Juliette - Après, je me mets à la place des recruteurs, c’est vrai que quand tu veux
recruter quelqu’un c’est pour faire partie d’une équipe, et c’est pas seulement un « pion
opérationnel » donc si tu veux que ça se passe bien, t’as aussi tout le côté personnalité.
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Et la personnalité, même si je veux bien qu’on ait une personnalité différente en privé et
au niveau professionnel, mais y a quand même des traits de caractère, des choses…
Oui donc la personnalité c’est quand même important je pense, après c’est pas moi qui
vais critiquer les RH qui vont enquêter sur Facebook parce que quand tu recrutes
quelqu’un, je pense que c’est normal. Et au contraire, tout le monde est responsabilisé
sur le fait que les RH voient les pages Facebook et les choses comme ça, et si ils se
laissent aller à… C’est au contraire encore une fois qu’ils se sont pas adaptés aux outils
technologiques.
Philomène - (Pause) Et pour toi, quand il reçoit une candidature, que va faire le
recruteur ?
Juliette - Bah regarder le CV, après je sais pas si la lettre de motivation a
réellement une importance, et c’est plus est-ce que le candidat montre vraiment que
c’est cette entreprise-là précise et pas seulement la mission. Après, bon, regarder un
peu sur oui, la… l’e-réputation, voilà. Et ensuite je pense qu’après c’est plus un côté
opérationnel, si le profil correspond pour le futur manager, enfin après c’est à mon sens.
Philomène - Et tu penses que tu l’évalues bien ce comportement ou est-ce que tu
devines complètement ?
Juliette - Alors c’est un peu… Voilà je dis des choses mais pour moi c’est des
pistes et j’en ai aucune certitude, et je pense que ça dépend aussi beaucoup de
l’entreprise. Y a ceux qui vont pas regarder que les compétences et tout ça, et ceux plus
dans l’optique, voilà, opérationnel. Ceux qui se mettent dans le moule, et ceux qui vont
faire attention vraiment à tous les extras, la personnalité, ce qu’on regarderait plus pour
l’intégrer, au-delà, dans une équipe.
Philomène - (Longue pause) Est-ce que tu as d’autres choses à ajouter sur le sujet
?
Juliette - Non mais je pense que c’est vraiment l’enjeu un peu du recrutement,
c’est vraiment un enjeu par rapport au numérique, et le bon candidat, c’est celui a
compris les enjeux et qui va faire attention à le laisser paraître. Il va comprendre que
vraiment le recrutement se passe autant sur les compétences que l’utilisation de ça, et
le candidat qui va se faire repérer, c’est celui qui va oser envoyer un message via un
réseau social professionnel, qui va se présenter spontanément et ça casse un peu aussi
le côté impersonnel des plateformes de recrutement puisqu’on va directement
s’adresser au manager, se présenter et devenir autre chose qu’un simple CV dans une
pile, et vraiment montrer sa différence.
J’ai contacté Louise via l’annuaire des anciens diplômés de Sciences Po Grenoble.
Diplômée du master Communication politique et institutionnelle en 2014, elle vient tout
juste de trouver un contrat de 3 mois après avoir passé 6 mois à la recherche d’un
emploi, je l’ai donc contactée pour avoir un aperçu de ses pratiques de recherche. Nous
sommes entrées en contact fin mars et l’entretien s’est déroulé sur Skype le 27 mars
2015.
Philomène - Est-ce que tu peux me décrire brièvement ton profil dans le cadre de
ta recherche d’emploi ?
Louise - Bah mon profil du coup c’était, ben, diplômée de Sciences Po Grenoble,
master Communication politique et institutionnelle, avec ça on avait un double diplôme
avec l’Institut de la Comm’ et des Médias, euh… Quoi d’autre, ben mon parcours j’suis
partie 6 mois à Singapour, à l’Université nationale de Singapour, dans un parcours
comm’ aussi. Et après ce que je cherchais, ben c’était un peu difficile à dire en fait, je
savais pas exactement ce que je cherchais justement. Euh… Moi j’ai fait mon stage de
fin d’études dans une agence de relations presse, donc qui s’appelle ASAP
Communication et qui fait partie d’une des, d’un des plus gros systèmes d’agence de RP
de Paris, et donc c’était une agence qui s’occupait de marques de mode, et il se trouve
que le stage a été hyper enrichissant, m’a appris beaucoup de choses mais je me suis
dit « non non, c’est mort, je travaillerai jamais là dedans », bon parce que euh… Bah
parce que plein de choses qui m’ont pas forcément plu, et du coup le seul truc que
j’écartais vraiment de mes recherches, c’était le poste d’attachée de presse junior en
agence. Et après… Bon après j’étais quand même assez ouverte quant au reste puisque
je sais pas vraiment en quoi ça consiste un poste de chargée de communication interne,
ou externe, ou… Enfin y a pas mal d’autres choses qui sont proposées tu vois donc euh,
je restais assez flexible en me disant que de toute façon, ce serait certainement un outil
de découverte quoi, un petit tremplin. Et puis, bon bah voilà finalement, tu vois j’ai été
engagée donc j’ai commencé la semaine, au début de la semaine, et finalement ben
c’est dans une agence de relations presse, donc… C’est… C’était un petit peu
compliqué comme décision, après c’est une offre qui s’est présentée comme ça sans
que je m’y attende, l’agence est très différente de celle dans laquelle j’ai travaillé avant,
c’est une toute petite agence en fait, une petite structure avec des budgets euh… Donc
qui n’ont strictement rien à voir. Et du coup voilà, je me remets dedans pour un CDD de
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3 mois, puis ensuite si ça me plait bien finalement et que ça se passe bien, on verra,
mais bon.
Philomène - Ok. Du coup, je voudrais te parler un peu de ton processus de
recherche. Donc tout simplement, quel moyen tu vas utiliser pour te faire connaître de
l’entreprise ?
Louise - Bah alors déjà, euh… Première chose qu’on fait généralement, c’est
mettre à jour tous les profils LinkedIn et compagnie. Après au fur et à mesure des tes
démarches, au début tu vas te dire, t’as genre un ou deux sites sur lesquels on passait
des offres d’emploi, moi je regardais assez régulièrement JobTeaser. Et au début, au
début, tu voilà donc je regardais JobTeaser, FashionJobs, enfin j’avais 5 ou 6 sites
comme ça sur lesquels je pouvais aller chercher des offres d’emploi. Euh… Donc au
début, je postulais aux offres que je trouvais, parce que bon bah y en avait quelques
unes, ensuite… Sur pas mal de certains de ces sites justement, ben tu peux te créer un
profil, avec un CV, le type de travail que tu recherches, tes attentes, niveau salariales,
ce genre de choses. Et… Donc voilà, après y a aussi pas mal d’autres sites spécialisés
comme, moi je les ai découverts en fait au fil de mes recherches, y a pas mal d’autres
sites qui voilà, qui fonctionnent comme des petites agences de recrutement en fait… de
jeunes diplômés. Et qui sont en relation avec de grandes entreprises, donc j’ai envoyé
des CVs dessus. Et puis après c’est comment est-ce que je postulais, enfin c’était aussi
toutes les idées d’entreprise que j’avais, y avait… Soit j’entendais parler d’une
entreprise qui allait faire un truc et du coup je me disais « ben ils vont peut-être
embaucher », soit je me disais « ben tiens cette entreprise elle me plait vachement », je
vais aller voir et si y a une offre c’est cool et sinon je postulerai, ce sera une candidature
spontanée quoi. Donc euh voilà, c’était les deux, un petit peu mes idées et puis un petit
peu les sites internet, et puis aussi pas mal les groupes Facebook. Mmh… J’étais dans
quelques groupes Facebook donc je surveillais aussi les offres qu’il y avait dessus.
Philomène - Mmh. (Pause) Est-ce que à chaque fois ton processus de candidature
était le même ou est-ce que tu avais des stratégies en fonction des entreprises pour te
faire connaître ?
Louise - Non, pas particulièrement, après quand tu fais une première recherche
sur le site d’une entreprise et qu’y a rien et que malgré tout, l’entreprise te plaît,
généralement hein pour les très grosses entreprises y a un système d’alerte. Ils mettent
en place un système d’alertes. Donc je l’utilisais quand l’entreprise me plaisait mais bon,
voilà quoi enfin… Système d’alerte, si tu veux le poste qui te fait envie va pas se créer
en deux semaines, quoi. Ouais, voilà.
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Philomène - D’accord. (Pause) Qu’est-ce qui fait que tu choisis une entreprise
plutôt qu’une autre ? C’est quoi tes « critères » ?
Louise - Quand je postulais ? Alors mmh… Au début j’avais des critères très
« glamour », puis j’ai vite arrêté ! (Rires) Donc voilà, au début, si tu veux tu vois des
offres et tu te dis « ah mais ça c’est génial ! Oh ça cette entreprise, jamais de la vie,
voyons, j’suis un peu une petite sainte », et ben euh… Bon après, en fait, ça a
fonctionné par vagues. Donc les deux ou trois premières semaines, j’ai fait la difficile :
« je postule qu’à ce que je veux, et puis quoi encore ? Je vais pas non plus postuler à
des trucs qui me font déprimer et tout. » Ensuite, je me suis dit que j’allais postuler à
tout et n’importe quoi. Ensuite, j’ai fait par domaines… Par exemple, je me suis dit que je
voudrais beaucoup dans le monde du cinéma, ça m’intéresse parce que j’ai envie de
savoir comment ça se passe de l’autre côté, j’ai envie de participer à l’envers du décor, à
la promotion, aux machins, aux trucs… Donc j’ai postulé dans tout ce qui se rapprochait
de près ou de loin d’une boite cinématographique. Et après… Après voilà donc je
fonctionnais selon le domaine que j’avais envie d’intégrer, et aussi selon… (Pause)
Donc je fonctionnais au fonction d’un milieu que j’avais d’intégrer et aussi en fonction
des offres que je trouvais, finalement à la fin je faisais plus du tout attention, si tu veux, à
l’entreprise quoi, c’était soit le poste avait l’air intéressant, un minimum formateur et il
valait le coup, et écoute peu importe l’entreprise parce que au bout d’un moment, bah, tu
prends bien conscience que c’est ton premier emploi et que t’es pas particulièrement
destiné à rester là-bas, tu vois, c’est plus un tremplin qu’autre chose. Donc oui, ben, j’ai
postulé, tu vois là j’avais un entretien dans un truc qui me fait absolument pas rêver
mais c’était une start-up qui proposait un mobilier d’hôpital dit innovant donc sur le
papier, rien pour me faire rêver… Après les missions ben voilà, c’est travailler dans une
start-up, le développement de quelque chose, y a de fortes chances d’être embauchée
après, tu travailles un petit peu avec le patron, donc c’est quand même hyper
intéressant et… Du coup, il m’est aussi arrivé de refuser de… De refuser des choses
parce que les missions proposées ne m’intéressaient pas du tout. Donc par exemple, j’ai
eu une proposition de la Marine pour travailler un an à Toulon dans une antenne, et en
fait, le descriptif des missions me faisait limite froid dans le dos, et puis n’apportait pas
grand chose, donc j’ai dit non.
Philomène - D’accord. Donc plus centré sur les missions que sur les entreprises
finalement ?
Louise - Oui. A la fin, plus centré sur les missions que l’entreprise.
J’ai contacté Amélie, qui avait travaillé avec une connaissance au sein d’une
entreprise grenobloise de e-commerce axée sur la mode et développée à l’international.
Diplômée de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Grenoble, elle a travaillé
en tant que chargée de recrutement dans cette structure pendant 9 mois et est
actuellement à la recherche d’un emploi, je l’ai donc contactée pour parler de son
expérience en tant que recruteur dans une grande entreprise, mais aussi pour avoir un
aperçu de ses pratiques de recherche. Nous sommes entrées en contact mi-mars et
l’entretien s’est déroulé sur Skype le 26 mars 2015.
Antoine B. a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons
rencontrés à l’IEP dans le cadre du forum des métiers. Il est actuellement responsable
RH au sein du groupe L’Oréal. Il est très actif sur les réseaux professionnels et a eu des
expériences en tant que recruteur avant de s’axer vers les Ressources humaines en
général, je l’ai donc contacté pour en savoir plus sur les pratiques de recrutement du
point de vue d’une des entreprises les plus innovantes en matière de recrutement en
France. Nous avons fixé la date du 3 avril pour nous rencontrer dans un café du centre
de Grenoble.
23« Le numérique, premier canal de recrutement de L’Oréal », Emmanuelle Delsol, L’Usine digitale,
novembre 2014
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Antoine - Oui, voilà, tout à fait, c’est… C’est bête mais on a eu par exemple, notre
directrice de recrutement, Frédérique Scavennec, la directrice recrutement monde, qui a
eu un, bah ils avaient fait un article sur elle par exemple, « LE talent connecté » ils
l’avaient appelée, un article sur tout ça, où l’appelaient « femme du numérique », un
« talent à part », etc. (Pause) Et puis bah sur LinkedIn en ce moment, on fait des photos
avec le recruteur, c’est marrant ça, y a le recruteur et la personne recrutée, ils font une
photo ensemble et on dit voilà comme un peu à la The Kooples. Enfin par rapport à
L’Oréal vous pourrez trouver quand même beaucoup de choses en faisant des
recherches.
Marie R.
Marie R. a accepté de répondre à mon enquête après que nous nous soyons déjà
rencontrées en septembre dans le cadre d’un partenariat associatif. Elle est très
intéressée par le sujet, puisqu’elle a co-fondé une start-up grenobloise qui fonctionne
sur le modèle d’un cabinet de recrutement spécialisée dans les stages, alternances et
missions éphémères des étudiants et qui est très présente sur le web. Elle m’a reçue
dans les locaux de NeoJobs jeudi 12 mars à 10 heures, autour d’un café, dans l’espace
de détente qui se situe dans leurs locaux. Il y avait d’autres personnes dans la pièce, un
léger fond musical, l’ambiance était détendue.
24 NeoJobs étant un cabinet de recrutement, Marie parle ici du processus de recrutement pour le cabinet.
Elle évoque par la suite la procédure de recrutement dans le cadre d’un recrutement au service d’un client.
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vraiment correspondre à ce que tu recherches », et effectivement là il la prend en
entretien pour voir pour la suite.
Philomène - Mmh.
Marie - Donc on essaie vraiment de bousculer les codes et euh… les pensées que
peuvent… les idées préconçues que peuvent avoir nos entreprises, et de leur proposer
des profils complètement différents.
Philomène - D’accord. (Pause) Donc le second thème que je voulais aborder c’est
l’utilisation des outils numériques dans le recrutement, donc tu m’as déjà dit un petit peu
ce que vous utilisiez donc notamment sur les jobboards et sur le site internet, est-ce que
tu vois d’autres outils, d’autres réseaux, d’autres outils numériques (quand je dis outils
numériques ça peut être n’importe quoi) ?
Marie - Euh… On utilise les réseaux sociaux beaucoup, c’est là en fait que l’on
diffuse nos offres quand il y en a une nouvelle. On utilise aussi les newsletters… Euh…
On utilise les mails classiques, et là on avait envie, enfin c’est quelque chose qu’on a
dans les cartons mais qui pour l’instant va rester dans les cartons puisque… pour
l’instant on n’a pas les capacités financières pour le faire, mais ce serait de créer une
application NeoJobs et qu’en gros tu puisses gérer ton profil, voir les dernières offres, et
que par exemple, quand on a… Parce que…25 Je t’ai parlé des offres qu’on a pour les
entreprises donc on a la présélection et la sélection, et si l’entreprise choisit la sélection,
nous on accompagne l’entreprise et l’étudiant tout au long des missions. C’est à dire
qu’on fait un point toutes les semaines pour savoir comment ça se passe avec l’étudiant,
comment ça se passe euh… avec l’entreprise, et de jouer le rôle de médiateur si jamais
y a un souci. Et on s’était dit que d’avoir une application ça nous permettrait d’au lieu
d’envoyer un email avec un fichier Excel à remplir, chose qu’on fait actuellement, ce
serait d’avoir une application qui t’affiche une petite notification et qui dise « que pensez-
vous de votre étudiant » ou « vous nous avez pas dit comment ça se passe », enfin bon
voilà ce genre de choses.
Philomène - D’accord.
Marie - Donc ça c’est une application qu’on aurait bien avoir, et qu’on garde en
tête.
Philomène - Ok. Euh… Et est-ce que tu saurais m’expliquer pourquoi vous utilisez
les technologies numériques ?
Marie - Euh… Parce que c’est plus simple. De toute façon aujourd’hui, vous êtes
une génération qui… Parce que enfin je dis, ta génération finalement elle n’est pas très
25 Durant ce passage, il y a eu du mouvement dans la pièce, ce qui a fait perdre le fil de ses idées à Marie.
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loin de la mienne non plus, euh… Mais vous êtes une génération qui est très connectée,
donc pour capter un maximum d’étudiants, on est obligés de se mettre au numérique.
On peut plus se faire envoyer… Tu vois même moi je sais même pas comment ça
fonctionnait avant… Si les entreprises envoyaient un courriel et que… Enfin un courrier
pardon, et que, l’école affichait dans son hall le message, je sais pas du tout comment
ça fonctionne. Euh… Et en fait c’est naturellement en plus Hugo et moi on est deux
geeks. On aime bien ce qui se fait, on aime bien les gadgets, on aime bien les
technologies, et on sait que de toute manière un cabinet de recrutement qui ne s’adapte
pas à son environnement et qui n’utilise pas les nouvelles technologies, il risque de
vieillir et il risque de tomber dans l’oubli. Sachant en plus que nous on est vraiment un
cabinet de recrutement d’étudiants, enfin de jeunes en fait, et si on ne parle pas entre
guillemets le « langage des jeunes », euh… On aura… Personne nous suivra. On avait
besoin de garder ce lien, un lien virtuel, on a besoin de ça pour être connectés avec nos
étudiants.
Philomène - Mmh. D’accord, donc ce serait surtout lié au fait que vous ciblez
beaucoup les étudiants.
Marie - Oui.
Philomène - Ok. (Pause) Pour quels usages est-ce que vous allez utiliser les
nouvelles technologies ? Ce que je veux dire par là c’est est-ce que c’est simplement
pour consulter les CV, diffuser des offres, ou est-ce que tu peux penser à d’autres
utilisations ?
Marie - Euh… (Longue pause) D’autres utilisations ? Bah peut-être pour le
recrutement décalé, enfin d’imaginer des nouvelles façons de recruter dans les écoles…
Donc pour les entreprises qui seront un peu vieillissantes on va dire, de rajeunir leur
phase de recrutement… Mais sinon euh… Je vois tellement d’autre…
Philomène - On a mentionné la base de données de CV…
Marie - ça nous arrive de faire passer des entretiens par Skype aussi, bon je suis
pas très fan mais… Enfin on voit tout de suite en fait que les gens font autre chose.
Donc euh… Moi ça m’énerve un peu quand euh… Quand on est au téléphone avec la
personne et qu’elle regarde Facebook.
Philomène - (Rires)
Marie - Mais va falloir qu’on prépare les étudiants là-dessus aussi parce que… Bah
parce que ils peuvent avoir un entretien Skype…
Philomène - Oui, c’est sûr. Je ne sais pas si tu connais ça mais j’ai entendu parler
d’une entreprise qui faisait passer des entretiens via une vidéo, c’est à dire avec
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personne en face donc l’étudiant se retrouvait face à une vidéo qui lui posait des
questions et il était enregistré.
Marie - (Soupir) Alors moi j’aime pas du tout ça, je trouve que… ‘fin tu comprends
que pour nous le numérique est important d’une certaine manière mais c’est plus un
moyen qu’une fin, et pour nous, si on a créé un cabinet de recrutement, parce que ce
que je ne t’ai pas dit c’est que avant, on avait eu l’idée… ça c’est vraiment au tout début,
c’était de faire vraiment une plateforme web, en fait c’était un jobboard qu’on voulait
faire à la base, donc où les annonces étaient posées etc. Sauf que on s’est rendu
compte que pour nous le lien humain est super important, que le virtuel on en a, on en
fait toute la journée, on fait que ça et que finalement, bah par le virtuel tu ne connais pas
la personne. Pour nous, ce lien humain est très très important, que ce soit avec les
clients ou que ce soit avec nos étudiants. Donc c’est pour ça qu’on a décidé de, euh…
de faire autrement et de dire bah nous on revient à ce qui se faisait, on est un peu
vintage, j’aime bien dire qu’on est vintage, parce que on revient au cabinet classique en
utilisant le numérique, finalement.
Philomène - Comme une sorte d’amélioration du cabinet classique en s’adaptant…
Marie - Exactement.
Philomène - (Pause) Oui du coup, les nouvelles technologiques si je résume un
peu ça vous permet de… d’aller plus vite parce que c’est plus simple et de mieux
communiquer avec votre « clientèle » entre guillemets, et est-ce que ça vous sert aussi
pour communiquer, pour vous faire connaître ?
Marie - Oui. Oui ça c’est… Ça marche pas mal, je pense qu’il y a des améliorations
à faire parce que on utilise beaucoup les réseaux sociaux. On est sur Facebook, Twitter,
YouTube, Google+, LinkedIn, Viadéo, Pinterest, Instagram… (Pause) C’est déjà pas
mal.
Philomène - Oui en effet !
Marie - Et si tu veux, sur ces 8 là, y en a 4 que j’utilise beaucoup, enfin je dis « je »
parce que je me charge du community management, euh… Et c’est par là qu’on fait pas
mal de communication effectivement pour se faire voir…
Philomène - Donc elle est pratiquement que numérique votre communication en
fait ?
Marie - Oui. Très très numérique. Très peu physique, elle est physique quand on va
dans les écoles ou quand on fait… Là on va préparer la rentrée, l’année dernière on
avait fait le thème « Game of Jobs » avec notre poussin en… (Rires) Et cette année je
sais pas encore, faut que je réfléchisse et je vais avoir une étudiante qui va venir me
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donner un coup de main là pour la communication, on va voir ensemble ce qu’on peut
imaginer comme façon de… pour la rentrée quel thème on va utiliser. Donc voilà. Sinon
effectivement c’est très très très numérique.
Philomène - D’accord. (Pause26) Donc mon troisième thème ça va être la relation
au candidat, alors c’est un peu vaste mais c’est vrai que je pense que ça va t’intéresser
aussi. Euh, donc, pour toi, le recruteur, c’est qui ?
Marie - Oulah. (Rires) Ouais. Le recruteur en fait pour moi c’est un… C’est une…
C’est pas un juge, c’est pas un médiateur, mais c’est quelqu’un qui doit normalement,
enfin, c’est… Enfin je vais généraliser ça à la RH. Pour moi le rôle de RH, c’est vraiment
quelqu’un qui doit comprendre comment ça se passe dans une entreprise, savoir est-ce
que si prend telle personne, est-ce que ça va aller dans l’entreprise, etc. Nous c’est
quelque chose qui nous fait… On sait que c’est important qu’y ait une bonne ambiance
dans l’entreprise, et c’est important que le recrutement se fasse correctement. Donc
alors le recruteur d’une part, ça doit être le gardien de l’ambiance en fait. (Pause) C’est
celui qui va vraiment s’assurer que la personne qui sera recrutée correspond non
seulement au besoin de l’entreprise, mais aussi correspond, enfin a une personnalité qui
pourra s’adapter aux autres personnalités dans l’entreprise.
Au-delà de ça, le recruteur ça peut être aussi le « méchant flic » et le « bon flic ». Mais
ça généralement, c’est aussi, c’est pas tellement… Enfin y en a qui font le méchant flic,
c’est pour tester l’étudiant pour voir jusqu’à quel point il peut tenir bon… Et voilà, c’est
vraiment, pour moi c’est quelqu’un qui va… Comme je te l’ai expliqué c’est le gardien de
l’ambiance et ça va être aussi la personne qui va vérifier que la personne qu’il choisit
soit la bonne pour l’entreprise.
Philomène - D’accord. (Pause) Un peu plus complexe : à ton avis, comment est-ce
que le candidat te perçoit en tant que recruteur, ou perçoit le recruteur ?
Marie - Alors c’est pas du tout compliqué, euh, pourquoi ? Parce que ils sont très
très stressés. Ce qui est assez drôle, c’est que en fait, on fait peur aux étudiants. Les
recruteurs font peur, mais ça se comprend en même temps parce que tu te dis que tu
joues, pas ta carrière professionnelle, c’est un peu exagéré parce que c’est pour des
stages, mais en gros que si t’as pas ton stage, certains ne valident pas leur master, etc.
donc c’est quand même une étape importante. Surtout si l’offre de stage en question te
convient tout à fait et que c’est celle-là que tu veux et pas une autre. Voilà. Donc en fait
on fait très peur et moi je pensais que le fait qu’on soit plus ou moins du même âge,
puisque Hugo et moi on a 25 ans tous les deux donc on est assez jeunes… Enfin,
26 Des collègues de Marie sont entrés dans la pièce et nous ont salué.
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relativement jeunes. Et en tout cas quand nous on recrute pour nous, on tutoie nos… on
tutoie les étudiants qui viennent. C’est histoire de les mettre à l’aise, puis de voir aussi
comment ils réagissent et puis, puis voir. Et… Mais malgré ça, malgré le fait qu’on
essaie de les mettre à l’aise, tu vois on fait passer la plupart des entretiens, pour nous
en tout cas, on les fait passer par exemple ici, dans un espace de détente
normalement27. Mais ils sont toujours stressés. Et c’est ça en fait, c’est le stress de
réussir à convaincre quelqu’un de… enfin de convaincre le recruteur de le prendre.
Philomène - Oui. Et du coup… En gros, le candidat verrait le recruteur comme une
épreuve un peu ?
Marie - C’est une épreuve si tu veux on est un peu… On fait un peu le Cerbère
quoi. C’est… Enfin c’est pas qu’on le fait mais c’est qu’on a l’image, je pense qu’on a
l’image du Cerbère. Parce que effectivement c’est… On est la première porte que
l’étudiant doit passer pour pouvoir intégrer l’entreprise, donc oui on est le Cerbère de
l’entreprise.
Philomène - Ok. Alors toujours dans ce même thème, selon toi comment il se
comporte le candidat ? Tu m’as dit comment toi tu allais vers le candidat, à ton avis
comment lui il va se comporter dans cette démarche ?
Marie - Il va toujours essayer de… pas de se mettre en avant, parce qu’on a
beaucoup d’étudiants qui disent « on » quand ils parlent d’une tâche qui a été réalisée,
justement ils ont… on a… on a des étudiants qui sont incapables de faire la distinction
entre eux et par exemple… leur… Tout bêtement t’as un travail d’équipe, au lieu de dire
« pendant ce travail de groupe, j’ai réalisé l’affiche de communication » par exemple, ça
va être « eh bien, on a réalisé euh, une affiche » enfin voilà. T’en as quand même plein
qui n’arrivent pas à se mettre en valeur, euh… Et pourtant qui sont très compétents, très
ancrés dans le monde de l’entreprise, donc qui… En fait on a soit l’étudiant qui ne sait
pas se mettre en valeur et qui du coup et très stressé et il arrive pas à se vendre, soit on
a l’étudiant qui se vend très bien, voire trop bien, et qui derrière c’est du flan en fait.
Mais ça on arrive à le voir… Nous on arrive à le constater parce que, si tu veux on fait
attention au langage corporel, donc euh… le PNL28. C’est euh… Voir comment les
candidats se comportent, comment… Enfin voilà, si, est-ce qu’ils regardent le recruteur
dans les yeux, est-ce qu’il touche son visage, parce que généralement quand tu touches
27 L’environnement décrit et constitué d’une table basse, d’un canapé de salon et de 3 fauteuils.
28 La programmation neuro-linguistique (PNL) est une nouvelle approche du comportement et du psychisme
humain, synthèse pragmatique de différentes théories et courants de pensées. Elle se situe au carrefour de
la psychologie, des neurosciences, de l’anthropologie, de la cybernétique et de l’intelligence artificielle.
Source : Institut de formation PNL
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ton visage c’est que t’es… t’es mal à l’aise ou… Enfin après c’est des extrapolations
aussi, le PNL c’est même pas une science, c’est pas exact mais bon… C’est mieux de
voir comme ça…
Philomène - Ok. Donc, pour conclure assez généralement, est-ce que tu penses
que les nouvelles technologies ont affecté le recrutement en entreprise ?
Marie - Effectivement, c’est une vaste question, oui… Euh, pour moi la différence
est assez simple, elle a influencé c’est certain mais pas encore complètement intégré je
pense. Euh… Dans les grandes entreprises maintenant tu as, ils ont sur leur site
internet, tu as un formulaire, tu le remplis et voilà tu postules, alors qu’avant tu te
déplaçais pour… les candidats se déplaçaient pour déposer leurs CV, ou l’envoyaient
par la poste d’ailleurs. Et ça, ce qui… aujourd'hui quand le candidat le fait, c’est un point
positif parce que tu te fais remarquer, c’est pas comme tout le monde. Au-delà de ça,
euh… Les entreprises essaient de s’adapter mais elles ont encore du mal à le faire.
Philomène - Mmh.
Marie - Parce que ça va venir, ouais elles utilisent… Elles utilisent les jobboards,
elles savent un petit peu mais ce qu’il se passe c’est qu’aujourd’hui c’est pas une
question de nouvelles technologies le problème, c’est une question que les écoles
proposent tellement de formations que les entreprises sont perdues et elles savent plus
à qui s’adresser. Surtout que, on fait partie, que ce soit ta génération, la mienne, ou celle
qui vient après la tienne, euh, c’est que les étudiants ne sont plus, enfin on n’est plus
des générations d’experts donc tu vas en avoir quelques uns qui vont être très
spécialistes mais on va être très généralistes. On veut toucher à tout, on veut tout faire,
voilà. On reste dans le général mais on se spécialise pas, et ça c’est vrai que ça
perturbe énormément les entreprises.
Philomène - Oui…
Marie - Parce qu’elles savent plus sur quel pied danser. On te met un poste, par
exemple de communication, puis finalement t’as des étudiants qui n’ont pas fait de
comm’, enfin qui n’ont pas fait une spécialisation en comm’, qui postulent quand même
par exemple. Et… Parce qu’ils sont bons, et parce qu’ils ont eu l’occasion au cours de
leurs études de faire un peu de communication, ça leur a plu, enfin voilà.
Philomène - En effet. (Pause) Ben moi j’ai abordé tous les thèmes dont je voulais
parler, mais est-ce que tu as quelque chose à ajouter, des idées qui te seraient venues,
des questions, des expériences marquantes dans le sujet ?
Marie - Non je pense que c’est tout bon pour moi.
Philomène - Ok… Eh bien merci pour tout, c’était très instructif.
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Introduction 5
L’impact de la révolution technologique sur la gestion des ressources humaines 5
La digitalisation du recrutement 6
Actualité et intérêt du sujet 9
Choix et problématisation du sujet 11
Démarche et méthodologie employées 13
Définition des termes du sujet 15
Partie I
La place des outils numériques dans le recrutement 19
1. Les outils de sourcing évoluent vers le numérique 19
I. 1. 1. Recruteurs et candidats : une utilisation différenciée 19
Tableau n°1 20
La prééminence des sites d’emploi comme dispositifs traditionnels 21
Différents outils, différents usages 22
Tableau n°2 22
I. 1. 2. Le « réflexe numérique » : s’adapter au public ciblé 22
Une logique d’adaptation indispensable aux entreprises 23
I. 1. 3. La centralisation des données liées au recrutement 24
Une optimisation notable du processus… 24
… qui dénature la relation au candidat 24
Une utilisation marginale 25
I. 1. 4. Le numérique crée de nouvelles opportunités 26
De nouvelles garanties tout au long du processus 26
Des ouvertures à relativiser 27
Partie 2
Les nouvelles dynamiques liées à l’e-réputation 34
Page 138 sur 141
1. Un enjeu à maîtriser pour le recruteur et son entreprise 34
II. 1. 1. L’e-réputation de l’entreprise comme critère de choix 36
La mise en scène des pratiques des entreprises 36
L’entreprise est soumise à une évaluation des candidats via une vitrine numérique36
Le recruteur est le premier ambassadeur de la marque employeur 37
Figure n°1 38
En faisant sa promotion, l’entreprise améliore l’expérience candidat 38
II. 1. 2. Le recruteur soumis à la même évaluation que l’entreprise 39
II. 1. 3. La maîtrise des enjeux numériques : une nouvelle compétence
indispensable 39
2. L’enjeu pour le candidat 41
II. 2. 1. Les candidats sont soumis à la même enquête que les recruteurs
41
II. 2. 2. Les candidats font l’objet d’une sensibilisation à ces problématiques
42
II. 2. 3. Le personal branding : une large palette d’outils pour se promouvoir
43
Partie 3
La relation recruteur-candidat à l’épreuve des nouvelles technologies 46
1. Maîtrise de l’information et dynamiques de transparence 46
III. 1. 1. La perte de la maîtrise de l’information 47
III. 1. 2. Les effets de la transparence sur la relation 48
III. 1. 3. À la frontière du personnel et du professionnel, du formel et de
l’informel 49
2. Les changements dans la dynamique relationnelle 50
III. 2. 1. L’évolution de la perception de la relation 51
Tableau n°3 52
Le candidat, mieux préparé, va humaniser le recruteur 52
La transparence n’amène pas l’égalité dans la relation 53
III. 2. 2. Un nouveau rapport de force 54
De nouveaux « codes » d’interaction 54
III. 2. 3. Le facteur proximité 55
La fin d’une relation longue distance ? 55
Le recruteur s’adapte à une nouvelle proximité 55
Le candidat : proximité à l’entreprise et au recruteur 56
Figure n°2 56
Page 139 sur 141
III. 2. 4. La redéfinition des profils 56
Conclusion 59
Le recrutement soumis à la révolution technologique 59
Les perspectives d’avenir du recrutement 60
Pistes d’approfondissement du sujet 63
Références 66
Annexes 70
Annexe n°1 : Codage des données qualitatives 70
Figure n°3 70
Codage (atlas.ti) des résultats recueillis en termes d’enjeux des nouvelles
technologies pour le recrutement 70
Figure n°4 70
Annexe n°2 : Profil des répondants 71
Résumé de l’enquête quantitative 73
Retranscriptions d’entretien 82
Résumé 141
Mots-clés
e-recrutement, nouvelles technologies, IT, ressources humaines, RH, recruteur,
candidat