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CHAPITRE 2

LE MONOPOLE NATUREL

2.1 Structure des coûts et monopole naturel


2.2 La tarification du monopole naturel
2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel
2.4 La politique de (dé)réglementation
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 2

2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• L’analyse du chapitre 1 a considéré que le nombre de firme était déterminé


indépendamment de la structure des coûts
• En fait, il a toujours été supposé que
• la structure des coûts était compatible avec plusieurs entreprises sur le marché
• Il n’y avait pas de risque d’entrée de concurrents

• La théorie du monopole naturel revient sur la première hypothèse

• Celle des marchés contestables (au sens de « disputables ») revient sur la


seconde hypothèse
• Elle est souvent présentée en lien avec la théorie du monopole naturel car les
deux se complètent pour donner un éclairage sur les politiques de
réglementation adoptées aujourd’hui dans certaines industries
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Définition:
• On dit qu’on est en présence d’un monopole naturel lorsque la structure
des coûts de production et la taille du marché ne permettent que le
maintien d’une seule et unique entreprise sur le marché
• L’idée est que, indépendamment de toute considération de fixation du prix, une
entreprise seule parviendra à satisfaire la même demande à moindre coût

• Le monopole naturel ne se décrète pas!


• Selon la définition qui précède, c’est le jeu du marché qui conduit naturellement à
ce qu’une entreprise unique s’impose.
• C’est pour cela que le monopole est dit « naturel » par opposition à un monopole qui
serait imposé par les pouvoirs publics sur la base d’autres arguments (service et
biens publics)
• L’émergence de ce monopole naturel ne nécessite pas un avantage
technologique de l’entreprise unique qui restera sur le marché
• Au sens où les entreprises initialement en concurrence sont supposées avoir accès à
la même technologie
• Elles disposent donc a priori de la même fonction de coût
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Un exemple bien connu en histoire des faits économiques est celui de la


Standard Oil aux USA à la fin du XIXième début XXième siècle
• Fondée en 1870 par Rockefeller dans l’Ohio, cette compagnie a été une
des premières à se lancer dans l’exploitation pétrolière
• Le pétrole servait à l’époque au chauffage et à l’éclairage
• Ce pétrole extrait dans la région des grands lacs devait être acheminé vers les
grands centres de consommation (la cote est, notamment New York)
• Le transport se faisait par train

• La Standard Oil avait négocié des tarifs de gros pour le transport


• En termes d’organisation il est moins couteux d’avoir un train complet chargé de
la même marchandise
• Évite d’avoir ensuite à redispatcher chaque wagon en fonction de sa marchandise, voir le
contenu de wagons différents
• Elle s’engageait notamment auprès de la Lake Shore Railroad (filiale de la New
York Central Railroad) à transporter 60 wagons par jours de pétrole, à charge
pour la Standard Oil d’en assurer le chargement et le déchargement
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• La Standard Oil acquis ainsi rapidement le monopole de toute la filière


pétrolière aux Etats-Unis
• Ce pouvoir important a conduit le Département de la Justice de Etats-
Unis à la poursuivre au titre du Sherman Act (cf Chapitre 1)
• Le vote de ce dernier avait été en partie motivé par le cas de la Standard Oil

• Le procès qui se déroula en 1914 conduisit au démantèlement de la


Standard Oil en 34 sociétés, définies essentiellement sur une base
géographique
• Certaines de ces sociétés existent toujours, voire ont refusionné
• Exxon Mobil pour New York qui a notamment repris Esso (pour l’acronyme SO de Standard
Oil) qui avait le marché du New Jersey
• Chevron pour la Californie

• Il ne s’en suivit toutefois pas une baisse significative des prix, ce qui
laisse à penser aujourd’hui que le monopole de la Standard Oil était un
monopole naturel basé sur des économies d’échelle
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• L’émergence d’un monopole naturel est associée à une structure


particulière des coûts dite de sous-additivité
• Une fonction de coût C(Q) est sous additive sur le domaine de
production [Qmin , Qmax] si et seulement si

pour toute répartition d’une production de niveau Q [Qmin , Qmax]


sur N entités assurant respectivement les niveaux de production
q1 à qN tels que q1+…+qN=Q

on a C(Q)<C(q1)+…+C(qN)

• Cette structure de coût définit en fait formellement le concept de monopole


naturel
• Elle correspond bien à l’idée qu’à même fonction de coût C(Q) un seul
producteur produit à moindre coût la même quantité Q que plusieurs
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Une condition suffisante mais non nécessaire pour qu’il y ait sous additivité
est que le coût moyen de production soit décroissant
• En effet, par définition du coût moyen CM (Q) on peut écrire

C q1  ...  q N   CM q1  ...  q N   q1  ...  q N 

 CM q1    q N   q1  ...  CM q1    q N   q N


 
 CM  q1  CM  q N 

C q1  ...  q N   C  q1   ...  C  q N 


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2.1 Structure des coûts et monopole naturel


• Une condition suffisante mais non nécessaire pour qu’il y ait décroissance
du coût moyen en deçà d’une certaine quantité est qu’il existe un coût fixe
important et un coût variable croissant convexe (ou linéaire)
• En effet, la fonction de coût s’écrit alors

C
 q   cf
  cv
 q  avec cv ' 0 cv  0
coût total coût fixe coût variable
C(q)

• D’où finalement

Cmg q   cv' q  Est donné par la pente



  de la courbe de coût
coût marginal

cf cv q 
CM q    Est donné par la q
 q q pente du rayon
coût moyen
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Dans le cas particulier d’un coût marginal constant, le coût moyen est
partout décroissant et la sous additivité est vérifiée pour tout niveau de la
demande
• Le coût variable est alors proportionnel à la production et le rapport de
proportionnalité est le coût marginal (on a cv(q)=c×q )
• Cette configuration est considérée comme assez courante dans les
industries de réseaux, c’est-à-dire pour lesquelles on ne peut fournir la
première unité du bien ou du service qu’après avoir mis en place une
infrastructure
• De transport de voyageurs ou marchandises (réseau ferré)
• De transport d’énergie (réseau électrique, réseau de gaz)
• De transport d’eau (réseau d’eau)
• De transport d’information (réseau de télécommunication, réseau postal)

• Le coût fixe est alors le coût de mise en place et d’entretien du réseau, le coût
variable est associé au coûts d’exploitation proportionnel au niveau de production
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Le monopole naturel n’est toutefois pas définitif!

• Les technologies évoluent et, avec elles, la structure des coûts


• Cette évolution a été forte par exemple dans les télécommunications
• On est passé de la téléphonie fixe avec un réseau lourd et couteux (câbles et fibres optiques) à
la téléphonie mobile pour laquelle le réseau est moins lourd et couteux (antennes)

• La demande aussi évolue


• Sauf à être dans la configuration particulière d’un coût fixe important est d’un
coût marginal constant, la sous additivité n’est pas nécessairement vérifiée pour
tout niveau de la demande
• La structure de coût souvent retenue est celle d’un coût moyen décroissant puis
croissant
• Il n’y a alors de monopole naturel que pour des niveaux bas de la demande
• On s’attend donc à ce que pour des marchés « nouveaux » la configuration soit d’abord
celle du monopole naturel puis que le développement de la demande permette l’arrivée de
nouveaux entrants et la concurrence
• On peut penser que la téléphonie mobile est au moins en partie conforme à ce schéma
(développement dans les années 1990 d’un marché qui est aujourd’hui mature)
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel


• Illustration
Coût moyen et
coût marginal

production
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Les monopoles naturels sont souvent des monopoles multi-produits (ils


produisent plusieurs biens ou services à la fois)
• On peut l’expliquer par une propriété proche de celle d’additivité des
coûts mais spécifique aux activités multi-produits
• Ce sont les économies d’envergure ou encore économies de gamme
(scope economies en anglais):
Une fonction de coût multi-produits avec N produits C(q1 ,…, qN)
exhibe des économies d’envergure pour les niveaux de
production q1 ,…, qN strictement positifs de ces différents biens
si et seulement si il est moins couteux de produire
simultanément toutes ces quantités qu’avec toute autre partition
des activités de production
• Il faut bien distinguer
1) la partition des activités (produire q1 et q2 d’un coté, q3 et q4 de l’autre etc) qui
correspond aux économies d’envergure de…
2) … la fragmentation de la production (répartir la production de q1 entre plusieurs
entreprises) qui correspond elle à la sous-additivité
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2.1 Structure des coûts et monopole naturel

• Le lien entre monopole naturel et économies d’envergure est plus


complexe que celui entre monopole naturel et sous-additivité
• Toutefois, un cas trivial est celui où les activités partagent un même coût
fixe et se caractérisent par des coûts marginaux constants
• Exemples:
• Transport ferré de marchandises et transport ferré de voyageurs
• Courrier normal et courrier express
• Plus récemment, téléphonie + accès internet + télévision (offre ADSL)

• La structure de coût exhibe alors, quelques soient les niveaux de production, des
économies d’envergure car elle s’écrit

C q1 ,, q N   cf   cn  q n    
N
  cf   cn1  qn1      cf   cnJ  qnJ 
n 1  n11   n J J 
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le monopole naturel conduit à une situation atypique:

• En général, le monopole est réprouvé car il conduit à fixer des prix supérieurs et
des quantités inférieures à ceux correspondant à l’optimum collectif…
• L’analyse effectuée au chapitre 1 est illustrative de cette tendance: chercher à éviter une
concentration du marché pour limiter l’exercice d’un pouvoir de marché

• …mais ici le monopole permet de produire plus efficacement car à moindre coût
• « Casser » un monopole naturel peut s’avérer contreproductif car cela empêche de tirer
parti d’une sous additivité des coûts ou d’économies d’envergure
• En outre, il aura une tendance naturelle à se reformer puisqu’il repose sur une plus
grande efficacité coût

• C’est ce qui explique que les pouvoirs publics cherchent à réglementer,


sans les interdire, les monopoles naturels
• La question de la réglementation porte notamment sur la tarification que doit
pratiquer le monopole naturel
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Faut-il:

• Imposer une tarification au coût marginal?


• Permet de rétablir l’efficience Paretienne du niveau de production (intersection entre
demande inverse et coût marginal)
• Mais au risque que la production se fasse à perte
• => nécessité de subventionner le monopole naturel en faisant porter une charge
supplémentaire sur la collectivité (le coût social des fonds publics)
• Imposer une tarification au coût moyen?
• Permet par essence de rendre l’activité de production juste rentable
• Mais au prix d’un niveau de production sous optimal et d’un exercice partiel du pouvoir
de marché, même si ces phénomènes sont de moindre amplitude qu’en l’absence de
réglementation
• Imposer une tarification différente du coût marginal et du coût moyen, voire
éventuellement de la tarification libre du monopole?
• Susceptible de donner un « bon » compromis entre la nécessité de limiter le pouvoir de
marché et la nécessité de limiter le montant de fonds publics mobilisés
• Mais sur quelle base trouver ce compromis => la règle de Ramsey-Boiteux
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Dans ce qui suit, on raisonne sur un monopole naturel dû à un coût fixe


accompagné d’un coût marginal constant (donc, coût moyen partout
décroissant)
• Permet d’illustrer et comparer facilement les deux modes de tarification du
monopole réglementé et du monopole non réglementé

Prix, CM et Cmg

Production q
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2.2 La tarification du monopole naturel

• La limite importante de la tarification au coût marginal (ou générant une perte)


est la nécessité de verser une subvention au monopole ainsi règlementé
• Or, un Euro de subvention revient la plupart du temps à plus de un Euro de
charge pour la collectivité
• Cela résulte de ce que la plupart des impôts et taxes sont distortifs

• On dit d’un impôt (ou tout prélèvement obligatoire) qu’il est distortif si la base d’imposition
agrégée peut s’ajuster en fonction du taux d’imposition
• Exemples:
• Confrontés à la TVA, chaque consommateur réduit sa consommation, Cet ajustement individuel se
traduit au niveau macroéconomique par une baisse de la consommation agrégée
• Confrontés aux charges patronales, les employeurs peuvent réduire leur demande de travail. Cet
ajustement individuel se traduit au niveau macroéconomique par une baisse globale de l’emploi

• A contrario, un impôt (ou un prélèvement obligatoire) est non distortif si la base


d’imposition agrégée ne s’ajuste pas au taux d’imposition
• Les impôts sur les ressources naturelles (notamment les impôts fonciers) sont généralement non
distortifs: on peut individuellement réduire sa base en vendant le bien à un autre individu mais la
quantité globale reste inchangée (il faudrait détruire la ressource pour que cela arrive)
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2.2 La tarification du monopole naturel


• La distortion implique une perte sèche en termes de surplus total sur le marché
du bien imposé
• Illustration dans le cas de la TVA (première ressource fiscale en France avec environ 50
de ces recettes) sur le marché d’un bien en CP&P
• Pour un prix p0 affiché par les producteurs, tout se passe pour les consommateurs « comme si » le
prix était en réalité de p0 (1+t) où t est le taux de TVA => la courbe de demande effective pivote vers
le bas à partir de l’abscisse à l’origine par rapport à la courbe de demande initiale (en pointillés)
• Le surplus se détermine toutefois toujours à l’aide de la demande initiale (donne le CAPmg)

prix

quantité
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le coût social des fonds publics est évalué dans une fourchette de 10% à 30%

• Un Euro de subvention au monopole naturel ferait ainsi peser une charge nette de 10 à
30 centimes d’Euros sur la collectivité

• Il faut bien souligner que ce qui est inclus dans le coût social des fonds publics
est uniquement la perte nette de surplus sur le marché du bien taxé pour
collecter la subvention
• Le coût social des fonds publics n’inclut donc pas le coût « administratif » lié au
coût supplémentaire de fonctionnement de l’administration fiscale
• Salaires des fonctionnaires pour collecter la TVA, pour contrôler les fraudes…

• Il n’inclut pas non plus le coût « administratif » subit par les entreprises pour
remplir les demandes de remboursement de TVA
• Salaires des personnels dédiés…
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Comment déterminer le « bon » milieu entre nécessité de limiter le pouvoir


de marché et nécessité de limiter la mobilisation de fonds publics?

• Fonction de coût du monopole naturel: C q   cf  c q

• Fonction de demande inverse des consommateurs: D


1
q 
Q
D’où le consentement à payer des consommateurs: CAP Q    D1 q dq
0
• Coût social des fonds publics: 
• Surplus total sur le marché du bien produit par le monopole naturel:

W Q   CAP Q   cf  c Q    cf  c Q  D 1 Q  Q  B


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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le surplus total peut se réécrire sous la forme:

W Q   CAP Q   D 1 Q  Q  1   D 1 Q  Q  cf  c Q 

• Sachant que
- La dérivée d’une fonction réciproque est l’inverse de la dérivée de la fonction
- La demande inverse donne le prix
La maximisation du surplus total par rapport à la quantité Q donne

pc  1 C’est la règle de


 Ramsey-Boiteux de
p 1   Q p premier rang

Taux de marge consenti au Facteur lié au Inverse de l’élasticité prix de la


monopoleur coût social des demande adressée au monopoleur
fonds publics
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le taux de marge consenti est donc toujours défini à partir de l’inverse de


l’élasticité prix de la demande
• La règle de Ramsey-Boiteux impose donc juste une correction par rapport au taux de
marge pratiqué par un monopole non régulé
• Le coefficient de correction ne dépend que du coût social des fonds publics

Il est donné par
1 
• Le coefficient de correction est compris entre zéro et un pour toute valeur λ≥0 du coût
social des fonds publics
• Cas d’un coût social des fonds publics tendant vers zéro:
• le coefficient de correction tend vers zéro
• => le régulateur ne consent aucune marge au monopole et lui impose donc une tarification au
coût marginal (p=c)
• Le monopole ne couvre donc pas ses coûts, ses pertes sont intégralement compensées par une
subvention publique car cela n’est pas socialement couteux
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Cas d’un coût social des fonds publics tendant vers l’infini:
• le coefficient de correction tend vers un

• => le régulateur laisse donc le monopoleur pratiquer une tarification libre (égalisant la recette
marginale au coût marginal)

• Mais ATTENTION: comme le montre l’expression B de l’objectif, on applique le coût social des
fonds publics non plus à une perte mais à un profit.

• Ceci correspond au fait qu’on taxe l’intégralité du profit du monopoleur pour le substituer à des
recettes fiscales distortives!
• très proche dans l’idée du double dividende tiré des taxes environnementales

• En pratique, cela peut correspondre à une entreprise dont le seul actionnaire serait l’Etat (qui
percevrait ainsi la totalité du profit) mais qui serait gérée comme une entreprise privée

• On a ainsi la justification théorique de monopoles publics se comportant comme des


acteurs privés!
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Synthèse:

• Plus le coût social des fonds publics est faible, plus la tarification se rapproche
d’une tarification au coût marginal
• Plus le coût social des fonds publics est fort, plus la tarification se rapproche
d’une tarification identique à celle du monopole non règlementé

Prix, CM et Cmg

Production q
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le graphique de la diapositive précédente suggère qu’il existe une valeur


intermédiaire du coût social des fonds publics pour laquelle le régulateur
imposera une tarification au coût moyen
• Une façon de trouver cette valeur intermédiaire consiste à déterminer ce qu’on
appelle l’optimum de second rang
• L’optimum de premier rang est celui obtenu jusqu’ici en maximisant le surplus collectif

• L’optimum de second rang revient à imposer à ce programme de maximisation du


surplus collectif la contrainte d’équilibre budgétaire du monopoleur
• Par construction, il n’y a alors aucun transfert de fonds, des pouvoirs publics vers le monopoleur
aussi bien que du monopoleur vers les pouvoirs publics
• On ne prend donc plus en compte de coût social des fonds publics

• En revanche on introduit explicitement la contrainte d’équilibre budgétaire du monopoleur


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2.2 La tarification du monopole naturel


• L’optimum de second rang résout le problème de maximisation du surplus des
consommateurs net des coûts de production

Max CAP Q   cf  c Q  Recettes de


vente
coûts de
production
Q

• Sous la contrainte d’équilibre budgétaire D


1
Q  Q  cf  c Q
• Le Lagrangien du problème s’écrit

Max CAP Q   cf  c Q    cf  c Q  D Q Q 


1
Q ,  
• L’expression à maximiser est la même que l’expression B à maximiser pour l’optimum de
premier rang mais ici le multiplicateur est endogène et non pas exogène comme le coût
social λ des fonds publics
• La condition du premier ordre (règle de Ramsey Boiteux) pour la quantité Q optimale est
la même mais avec le multiplicateur μ en lieu et place du coût social λ des fonds publics.
• Q et μ sont déterminés en résolvant le système formé de cette condition et de la
contrainte budgétaire.
• La valeur obtenue pour μ est celle pour laquelle le coût social des fonds publics
conduirait juste à une tarification au coût moyen.
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le principe de tarification à la Ramsey-Boiteux peut être étendu au cas du


monopole naturel multi-produit
• Cette extension permet d’aborder la question des subventions croisées entre
produits/types de clientèle,
• On considère un monopole multi-produits produisant N outputs (q1, ..., qN) à un coût
C(q1, ..., qN) exhibant des économies d’envergure et/ou vérifiant la sous-additivité
D n q n 
1
• On note la demande inverse en bien n sous la forme

CAPn Qn    Dn q dq


Qn
1
• Le CAP associé sur le marché du bien n s’écrit quant à lui
0
• L’objectif du régulateur est de maximiser la somme des CAP des
consommateurs sur les N marchés, nette du coût de production jointe et du coût
social des fonds publics:

W Q1 ,, Q N    CAPn Qn   C Q1 ,, Q N     C Q1 ,, Q N    Dn1 Qn Qn 

N N

n 1  n 1 

Gain brut de l’échange Montant de subvention nécessaire pour


compenser les pertes du monopole
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Le surplus total peut se réécrire sous la forme:

W Q1 ,, Q N    CAPn Qn   D Qn Qn  1      Dn1 Qn Qn  C Q1 ,, Q N 

N N
1
 n 1 
n
n 1

• La quantité optimale de bien n est caractérisée par la maximisation de ce


surplus total par rapport à la quantité Qn
Après arrangements, la condition caractérisant la quantité optimale pour
chaque bien n s’écrit

p n   C Q1 ,, Q N   Qn  1
 Règle étendue de
pn 1    Qn p n Ramsey-Boiteux

Taux de marge (par rapport au Facteur lié au Inverse de l’élasticité prix de la demande
coût marginal du bien n) consenti coût social des en bien n adressée au monopoleur
au monopoleur sur le bien n fonds publics
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2.2 La tarification du monopole naturel

• Selon cette règle étendue de Ramsey Boiteux, le taux de marge consenti au


monopoleur sur chaque bien dépend
• Du coût social des fonds publics λ, identique pour tous les biens et de la même manière
que dans le cas du monopole monoproduit
• De l’inverse de l’élasticité prix de la demande du bien n en question
• Ceteris Paribus, (donc notamment à même Cmg, par exemple un coût marginal
fixe C) Plus l’élasticité prix de la demande est faible, plus le taux de marge
consenti est fort et inversement,
• => les consommateurs des biens à plus faible élasticité prix pâtissent d’un exercice plus
prononcé du pouvoir de marché
• Ils contribuent donc plus à couvrir le coût total de production, notamment pour sa partie
fixe, En ce sens, on dit que les consommateurs à faible élasticité prix de la
demande subventionnent ceux à forte élasticité prix
• Dans une approche de second rang, ce sont bien les premiers qui payent plus pour juste
assurer la profitabilité de la production (couvrir le coût total)
• Exemple type de subvention croisée:
La demande en horaires de pointe subventionne celle en heure creuse dans de
nombreuses industries de réseaux (cf tarif de l’électricité, tarif de la SNCF)
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 30

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• La section précédente laisse à penser qu’une tarification de second rang à


la Ramsey-Boiteux (tarification au coût moyen) ne peut qu’être imposée
par le régulateur
• Question:
• Existe-t-il des mécanismes économiques susceptibles de faire émerger
« naturellement » cette tarification comme tarification d’équilibre?

• La théorie des marchés contestables identifie des conditions conduisant à


une réponse positive.
• Pour cela elle élargit la conception d’équilibre en tenant compte des conditions
d’entrée et sortie de concurrents potentiels
• Sous l’hypothèse d’absence de coûts irrécouvrables à l’entrée comme à la sortie, la
structure de marché devient endogène et n’explique plus la performance
• Une tarification au coût moyen, voire au coût marginal, peut alors émerger à l’équilibre
même en présence d’un faible nombre d’offreurs
• => le nombre d’offreurs n’est alors plus un indicateur pertinent du degré de
concurrence sur le marché!
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 31

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• La théorie des marchés contestables (TMC) a été développée par Baumol


Panzar et Willig en 1982
• Le concept de coût irrécouvrable y joue un rôle clé
• Un coût irrécouvrable est un coût subit à l’entrée d’une branche,
indépendant du niveau et de la durée de la production et que l’on ne peut
pas recouvrir en sortant de la branche
• Ses origines, liées au caractère non redéployable des actifs, sont notamment:
• La nature spécifique des actifs nécessaires au démarrage de l’activité (machines ne
servant à produire que ce type de bien, dépenses de formation ne servant qu’à cette
activité…) => impossibilité de revente des actifs en cas de sortie
• L’asymétrie d’information sur la qualité de ces actifs => décote à la revente même sur les
actifs de bonne qualité en cas de sortie
• A distinguer d’un coût fixe qui dépend lui de la durée de l’activité (coût fixe
d’entretien des équipements par exemple)… même si en pratique les deux
concepts sont souvent confondus…
• L’investissement dans un actif non spécifique et peu sujet à asymétrie d’information
(immeuble de bureau, local commercial, par exemple) induit un coût fixe mais pas
irrécouvrable
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 32

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• En présence d’un coût irrécouvrable, un concurrent potentiel ne serait pas incité


à entrer temporairement pour se saisir du marché et capter à son avantage le
profit le temps que la ou les firme(s) en place réagisse(nt) en baissant leurs prix.
• A l’inverse, l’absence de coût irrécouvrable met la ou les firme(s) en place sous
la menace permanente d’un « raid » de concurrents potentiels cherchant à se
saisir même temporairement du marché.
• La ou les firme(s) en place doivent en permanence se prémunir contre cette menace

• Elle(s) doi(ven)t donc pratiquer une tarification qui tient compte de cette menace

• La seule solution est de réduire les incitations au « raid » en réduisant le montant du


profit à saisir, voir en l’annulant si la menace est très efficace.
• La menace d’entrée conduit ainsi à une réduction du taux de marge à son minimum (pour couvrir
les coûts) dès lors que les concurrents potentiels ont accès à la même technologie et que les
firmes en place ne disposent pas d’un avantage technologique
• Le taux de marge n’est pas à son minimum (garantissant de couvrir les coûts) mais seulement
réduit si les firmes en place disposent d’un avantage technologique (gains de coûts et d’efficacité
dans la production due à l’expérience)

• Un marché est donc dit contestable s’il n’y a pas de coût


irrécouvrable à l’entrée et à la sortie pour les concurrents potentiels
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 33

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel


• Quelques définitions préalables à l’analyse de la TMC:

• On considère un marché avec N firmes en place produisant respectivement les


quantités q1 à qN, sous la même fonction de coût C(q), faisant face à la même
demande D(p) où p est le prix auquel elles vendent toutes
• La configuration de marché est dite réalisable si: N

• Le marché est soldé, c’est-à-dire que l’offre couvre juste la demande q n  D p 


n 1

• Les firmes en place exercent de manière profitable p q n  C q n   0 n  1,, N 


• La configuration de marché est dite soutenable si en outre:
• Aucun concurrent potentiel disposant de la même technologie (même fonction de coût)
ne peut entrer de manière profitable en tarifant moins cher et sans excès d’offre

 pe  p  qe  D pe  pe qe  C qe   0 Le prix p des firmes en


place est supposé ne
pas bouger car elles
Prix de l’entrant Quantité offerte par Profit de l’entrant n’ont pas le temps de
l’entrant Demande adressée à réagir
Prix des firmes l’entrant compte tenu
en place de sa tarification
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 34

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• Pour illustrer la TMC on considérera la structure de coûts suivante


• Le coût moyen de chaque firme en place est décroissant (par définition) en deçà
du seuil de rentabilité de CP&P noté qseuil
• Ce même coût moyen est constant et donc égal au coût marginal pour un
niveau de production allant de qseuil à un niveau qmax au moins égal à son
double (qmax ≥ 2 qseuil )
• Il est finalement croissant au-delà de qmax
Coût moyen et
CAPmg

Niveau de
production
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 35

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• Cas 1:
• La demande est suffisamment forte pour qu’une tarification au coût moyen (profit
nul) induise des rendements d’échelle localement décroissants
• On montre que l’unique configuration réalisable et soutenable correspond à N firmes se
répartissant la demande à part égale, N étant donné par la partie entière du niveau de
production égalisant coût moyen minimal et demande inverse
• Chaque firme opère alors au coût moyen minimal et tarifie à ce coût qui est aussi le
coût marginal => L’équilibre est Pareto efficient même si N est faible (oligopole)
• Cette configuration correspondrait à l’approche SCP avec libre entrée

Coût moyen et
CAPmg

Niveau de
production
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 36

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• Cas 2:
• La demande est juste suffisante pour qu’une tarification au coût moyen (profit nul)
induise des rendements d’échelle localement constants
• On montre que l’unique configuration réalisable et soutenable correspond à une unique
firme (monopole)…
• … qui opère alors au coût moyen minimal et tarifie à ce coût qui est aussi le coût
marginal => L’équilibre est Pareto efficient alors même qu’on a un monopole

Coût moyen et
CAPmg

Niveau de
production
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 37

2.3 Théorie des marchés contestables et monopole naturel

• Cas 3:
• La demande est suffisamment faible pour qu’une tarification au coût moyen (profit
nul) induise des rendements d’échelle localement croissants
• On montre que l’unique configuration réalisable et soutenable correspond à une unique
firme (monopole)…
• qui opère alors au coût moyen et tarifie à ce coût (qui est toutefois supérieur au coût
marginal) => L’équilibre correspond à la tarification de second rang de Ramsey-
Boiteux

Coût moyen et
CAPmg

Niveau de production
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 38

2.4 La politique de (dé)réglementation

• La théorie des marchés contestables sous-tend l’idée qu’en l’absence de


coûts irrécouvrables associés à l’entrée puis la sortie d’un secteur
fortement concentré, la réglementation (tarifaire notamment) est inutile
• La portée de la théorie dépend en large partie de la validation empirique
de l’absence de coûts irrécouvrables
• Les études sectorielles ont porté sur des industries de réseau à forte
concentration comme les transports, les télécommunications, l’énergie
• Le transport aérien apparaissait a priori comme le secteur où les actifs étaient le plus
facilement redéployables
• Un avion peut être rapidement redéployé d’une ligne à une autre en fonction des perspectives
de rentabilité
• Il n’est pas nécessaire pour une compagnie de disposer d’infrastructures lourdes dans chaque
ville desservie (un hub concentrant toutes les activités d’entretien suffit)
• Il n’en reste pas moins qu’un avion ne se revend pas forcément facilement
• Si la sortie est motivée par une mauvaise conjoncture sectorielle, toutes les compagnies sont
affectées et donc peu enclines à accroître leur flotte
• Même si la sortie est due à des difficultés spécifiques à la compagnie, un type donné d’appareil
peut n’intéresser qu’un nombre limité de clients (appareils d’un même fabricant pour limiter les
coûts d’entretien et les coûts de formation du personnel)
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 39

2.4 La politique de (dé)réglementation

• Il apparaît finalement que l’hypothèse d’absence de coûts irrécouvrables


est peu réaliste
• Dans les industries de réseau, ces coûts irrécouvrables sont toutefois
largement imputables au réseau lui même
• D’où l’idée de séparer les activités d’un secteur sujettes à des coûts
irrécouvrables de celles qui ne le sont pas
• La mise en place et l’entretien de l’infrastructure de réseau (activité « amont »)
sont sujets à de tels coûts, il faut donc les réglementer,
• Cette activité reste souvent à la charge de l’opérateur historique avec pour contrainte de
permettre l’accès des autres opérateurs à des prix d’accès réglementés,

• Le réseau correspond alors à ce qu’on appelle une ressource essentielle, c’est-à-dire une
ressource indispensable pour l’activité mais difficile à répliquer à un coût raisonnable
• Le coût « raisonnable » est un coût qui reste inférieur au gain retiré en termes de hausse du
surplus des consommateurs grâce à la concurrence accrue

• L’exploitation du réseau (activité « aval ») ne l’est pas, ou à un degré nettement


moindre, la menace que fait peser la concurrence potentielle suffit à garantir des
prix proches de la tarification de concurrence pure et parfaite
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 40

2.4 La politique de (dé)réglementation

• Afin de déterminer la tarification adéquate pour la ressource essentielle il


est nécessaire de pouvoir en identifier facilement le coût
• => Nécessaire d’avoir une comptabilité séparée des activités amont et aval pour
l’opérateur historique
• Le traitement équitable des concurrents requiert en outre une relative
indépendance du gestionnaire du réseau
• Les pouvoirs publics imposent en général que l’activité amont soit au minimum
assurée par une filiale de l’opérateur historique et non directement par lui même
• Une autorité indépendante des opérateurs et des pouvoirs publics est créée afin
de contrôler
• L’effectivité de la libre entrée et sortie en aval
• La qualité du réseau et la réalisation des investissements nécessaires pour répondre aux
évolutions de la demande

• Ce principe guide aujourd’hui largement la nouvelle réglementation des


industries de réseau voulue par les autorités européennes de la
concurrence
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 41

2.4 La politique de (dé)réglementation


• Exemples:

• Transport ferroviaire
• En amont, Réseau Ferré de France (RFF) avait été crée en 1997 pour gérer et
entretenir le réseau dont il était propriétaire, la SNCF étant l’opérateur historique
• RFF était juridiquement indépendant de la SNCF jusqu’à être réintégré récemment (en janvier
2015) dans le giron de la SNCF sous le nom de «SNCF Réseau» à coté de «SNCF Mobilités»
• Toutefois, même quand ils étaient séparés, la SNCF restait le prestataire de référence de RFF (le
personnel de maintenance était essentiellement un personnel SNCF – plus exactement «SNCF
Infra» - travaillant pour RFF dans le cadre de cette prestation; il a été intégré à «SNCF Réseau»)

• En aval, les autorités européennes de la concurrence souhaitent parallèlement


renforcer la concurrence entre transporteurs
• Déjà en vigueur pour les marchandises, en cours de mise en place pour les voyageurs
• Elles souhaitent pour cela que les créneaux horaires des différentes lignes voyageurs soient
mis aux enchères entre opérateurs (comme il le sont pour les compagnies aériennes dans les
aéroports)
• Cette solution est plus propice à la concurrence que la mise aux enchères d’une ligne dans sa
globalité car elle permet de cibler les périodes de pointes où les taux de marges sont plus
élevés

• L’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et Routières (ARAFER) est


l’autorité indépendante créée en 2009 pour contrôler le secteur
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 42

2.4 La politique de (dé)réglementation


• Télécommunications
• En amont, le réseau de téléphonie fixe, dont la boucle locale (du bas de
l’immeuble à l’appartement) reste géré par l’opérateur historique France Télécom
• C’est le cas dans la plupart des pays ayant mis en place de type de politique réglementaire
• S’explique par l’importance des effectifs de salariés de l’opérateur historique qui étaient à
l’origine dévolus à la maintenance du réseau (et la faiblesse relative des effectifs dévolus à la
fourniture du service en lui-même)
• Cette activité amont est toutefois de plus en plus soumise à la concurrence des réseaux de
téléphonie mobile
• Les opérateurs de téléphonie mobile (propriétaires des quatre licence) ont en
revanche obligation de développer leur propre réseau
• La duplication de ce réseau n’est pas considérée comme rédhibitoire mais génératrice d’une
plus grande qualité de service (moindre congestion)
• Ces opérateurs sont aussi souvent les concurrents directs de France Télécom
pour la téléphonie fixe
• L’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes
(ARCEP) est l’autorité indépendante créée en 1997 pour contrôler le secteur
• Elle contrôle la tarification de l’accès à la boucle aux concurrents de France Télécom pour la
téléphonie fixe, la couverture du territoire national et la qualité des réseaux pour la téléphonie mobile…
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 43

2.4 La politique de (dé)réglementation

• Pour d’autres secteurs, la réglementation s’appuie sur des mécanismes


différents
• Les industries de réseaux ayant une dimension plus locale que nationale
fonctionnent souvent (en France) sur la délégation
• On parle plus précisément de « délégation de service public »
• Chaque marché est alloué par appel d’offre
• Un appel d’offre stipule un cahier des charges (critères minimaux techniques à remplir)
• Le répondant proposant le prix le plus faible pour ce cahier des charges se voit octroyer
le marché => limite en théorie le pouvoir de marché

• A défaut de se faire sur le marché, la concurrence se fait alors pour le marché

• L’hétérogénéité des cahiers des charges d’un marché local à l’autre fait qu’une firme peut
gagner un marché et perdre en même temps un autre
• => plusieurs firmes peuvent se partager le marché
• Ces firmes sont en outre en concurrence avec le système de la régie (production, fourniture et
gestion du service effectué directement par la collectivité locale) => Constitue une autre limite
au pouvoir de marché,
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 44

2.4 La politique de (dé)réglementation


• Remarque:

• Ce système est parfois pointé du doigt comme ne limitant pas de fait le pouvoir
de marché
• Cette critique est
particulièrement vive
dans le cas de l’eau en
France

Prix moyen de l’eau


domestique en France en
2008
Source : SOeS-SSP, Enquête
Eau 2008.
http://www.statistiques.developp
ement-
durable.gouv.fr/lessentiel/ar/306
/1168/prix-leau-domestique.html
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 45

2.4 La politique de (dé)réglementation

• La situation relative des régions n’a guère évolué entre 2008, 2013 et 2016
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 46

2.4 La politique de (dé)réglementation

Source:
https://www.eaufrance.fr
/le-prix-de-leau

• Il y a plusieurs explications possibles à l’apparente inefficience dans la limitation


du pouvoir de marché
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 47

2.4 La politique de (dé)réglementation

• 1) La densité du réseau, l’origine de l’eau, le niveau de traitement de l’eau


potable ou des eaux usées expliquent en partie ces différences
• Selon l’endroit, il faut prendre l’eau dans des nappes sous terraines ou en surface
(fleuve). L’eau est naturellement filtrée dans le premier cas, donc moins chère à traiter.
Prix du m3 d'eau domestique selon l'origine et le niveau de traitement de
potabilisation de l'eau en 2008 (En euros/m3)

Niveau de traitement de potabilisation

Traitement
Origine de l'eau Traitement Traitement complet Traitements Autres Total
simple A1 complet A2 avec affinage mixtes traitements*
A3

Souterraine 1,48 1,59 1,70 1,50 1,24 1,50

Superficielle 1,06 1,88 1,76 1,66 1,73 1,78

Mixte ou mélangée 1,47 1,61 1,73 1,52 1,43 1,60

Origine non renseignée 1,84 2,13 2,04 1,76 1,81 1,81


Total 1,48 1,72 1,74 1,53 1,49
"Economie industrielle", Chapitre 2, © Marc Baudry 48

2.4 La politique de (dé)réglementation

• 1) La densité du réseau, l’origine de l’eau, le niveau de traitement de l’eau


potable ou des eaux usées expliquent en partie ces différences
• Selon l’endroit, il faut prendre l’eau dans des nappes sous terraines ou en surface
(fleuve). L’eau est naturellement filtrée dans le premier cas, donc moins chère à traiter.
• Le traitement des eaux de surfaces, souvent plus polluées, nécessite des techniques et
des compétences en ingénierie plus pointues
• les firmes spécialisées peuvent plus facilement investir dans ces compétences et techniques
(elles amortissent cet investissement sur plusieurs marchés) que les régies
• => elles se voient affecter les marchés les plus difficiles techniquement, donc aussi plus
couteux.
• Il faut donc comparer les prix ceteris paribus (en neutralisant des différences de terrain)

• 2) Les contrats conclus par appel d’offre ont une durée limitée
• Les quelques firmes spécialistes se retrouvent ainsi régulièrement en concurrence pour
les mêmes marchés
• C’est un contexte propice à la collusion tacite entre firmes
• Coopérer implicitement entre elles pour fixer une tarification de monopole émerge comme un
équilibre de Nash dans un jeu répété à horizon infini avec un taux d’actualisation suffisamment
faible

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