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IV.

9 – Infections de l’Immunodéprimé

GENERALITES

Elles sont de 3 types :


- Infections communautaires non spécifiques (visibles aussi chez l’IC, mais formes plus sévères
avec récidives plus fréquentes)
- Infections nosocomiales
- Infections opportunistes spécifiques

ID : différentes situations :


- Déficits immunitaires congénitaux : déficit en Ig, DICV, DICS, granulomatose septique
familiale…
- Déficits immunitaires acquis +++

Hypogammaglobulinémie acquise (myélome, syndrome lymphoprolifératif, syndrome


néphrotique…)  infections surtout respiratoires bactéries encapsulées (pneumocoques,
Haemophilus), mais aussi cutanées, urinaires, méningées, bactériennes

Asplénie : après splénectomie ou asplénie fonctionnelle (drépanocytose)  infections invasives


sévères (pneumocoques, Haemophilus), infections parasitaires graves (paludisme, babésiose)

Transplantations (moelle osseuse ou organe solide)


- Infections chez le transplanté d’organe solide
o Infections précoces bactériennes et fongiques dépendantes de l’organe transplanté
(pathogènes provenant du donneur d’origine nosocomiale)
o Infections tardives plutôt liées aux traitements IS (notamment CMV qui exacerbe la
réaction du greffon contre l’hôte GVH)
- Infections chez le greffé de moelle osseuse
o 2 FdR supplémentaires par rapport au transplanté d’organe : neutropénie de longue
durée + irradiation corporelle totale
o Incidence élevé et gravité des pneumopathies : CMV, Aspergillus +++
o Mais aussi bactériennes dont Legionella

Infection par le VIH et SIDA  infections communautaires (surtout respiratoires) plus fréquentes et
plus sévères que chez l’IC et infections opportunistes

- CD4 < 500/mm : candidose orale, tuberculose, maladie de Kaposi, lymphome


- CD4 < 200/mm : pneumocystose, candidose œsophagienne, toxoplasmose cérébrale
- CD4 < 100/mm : cryptosporidiose, cryptococcose, infections à mycobactéries atypiques,
infections à CMV

Autres situations
- Traitements : corticothérapie, IS, CT, RT, anticytokines (ex : anti-TNFalpha)…
- Diabète  infections cutanées à staphylocoques, infections urinaires, candidoses génitales,
« pied diabétique » (infections des parties molles, ostéites)
- Alcoolisme et cirrhose  pneumonies, bactériémies, infections du liquide d’ascite (bactérie
d’origine digestive : entérobactéries +++)
- IRC  péritonites (dialyse péritonéale), bactériémies (hémodialyse) : staphylocoques +++
- Grossesse
INFECTIONS BACTERIENNES

1. Tuberculose

Fréquemment révélatrice d’une infection par le VIH  sérologie VIH systématique chez un patient
tuberculeux
Mortalité importante chez l’ID
- Fréquence des formes extrapulmonaires ou disséminées
- Fréquence des souches résistantes chez le VIH +  importance de tester la sensibilité aux AT
Diagnostic : mise en évidence du bacille tuberculeux (ED, culture)
Traitement curatif (bacilles tuberculeux sensibles) :
- Quadrithérapie (INH + RMP + EMB + PZA) pendant 2 mois puis bithérapie (INH + RMP)
pendant 4 mois, parfois > 10 mois (formes disséminées, ostéoarticulaires ou
neuroméningées)  durée totale : 6 à > 12 mois
- En cas de coprescription d’IP : remplacer la rifampicine par la rifabutine
- Coprescription systématique de vitamine B6 (risque neuropathie sous INH)
- Problème de souches résistantes (surtout chez VIH+) : molécules alternatives, toujours en
milieu spécialisée, durée de traitement prolongée (12 – 18 mois après la négativation
bactériologique)

Interactions avec les ARV : Rifampicine = Inducteur enzymatique  diminution des concentrations
plasmatiques en ARV (diminution de l’efficacité)
- Association CI avec les IP/r
- Préférer une association d’ARV interférant le moins possible : 2 INTI + 1NNTI
- En cas d’utilisation d’IP/r  utiliser la rifabutine (moins inducteur)
o Attention : effet inducteur de la rifabutine sur les IP et effet inhibiteur des IP
(surtout si boostés au ritonavir) sur la rifabutine
o Précautions : diminuer la posologie initiale de rifabutine
- Multiplier les dosages plasmatiques  adaptations posologiques

Prophylaxie secondaire : non recommandée en cas de traitement bien conduit


Prophylaxie primaire
- Prévention de l’exposition : isolement respiratoire des patients présentant une TB
pulmonaire + surveillance des sujets contacts (IDR, test interféron)
- Chimioprophylaxie chez les sujets ID au contact d’un sujet bacillifère (quels que soient les
résultats de l’IDR et le statut vis-à-vis du BCG) à schéma privilégie : INH pendant 9 mois
(attention : nécessité de toujours vérifier l’absence de tuberculose active par l’examen
clinique, radiologique et microbiologique)
- BCG CI chez l’ID : risque de bécégite généralisée +++

2. Autres infections bactériennes

- Infections plus fréquentes et potentiellement plus sévères chez l’ID que chez l’IC
- Pneumopathies : S. pneumoniae (fréquence complications : bactériémie, détresse
respiratoire aiguë, méningite), Haemophilus influenzae, P. aeruginosa, entérobactéries, S.
aureus
- Infections digestives : salmonelles, Campylobacter
- IST : importance chez les sujets VIH+
INFECTIONS A HERPESVIRIDAE

1. Cytomegalovirus

Clinique
- Pneumopathie interstitielle (manifestation fréquente chez le transplanté de moelle ou
d’organe : menace le pronostic vital, favorise le rejet du transplant et les surinfectons
bactériennes ou à levures)
- Rétinite (manifestation la plus fréquente chez le VIH+, les plus souvent pour un taux
CD4 < 50/mm)  traitement d’urgence pour éviter la destruction rétinienne
- Atteinte digestive (oesophagite, gastroduodénite, colite, cholangite)
- Atteinte neurologique (encéphalite, ventriculite, myéloradiculite, névrite, méningite)
- Cytolyse hépatique, glomérulopathie, pancytopénie, mycoardite, encéphalite…

Diagnostic
- Examen histologique : lésions inflammatoires ulcérées, cellules à inclusions virales
intranucléaires, immunohistochimie
- Culture ou surtout PCR (sang, urines, LCR, LBA, biopsie)
- Rq : fond d’œil caractéristique en cas de CD4 < 50/mm suffisant pour poser le diagnostic de
rétinite

Traitement curatif des infections à CMV (traitement d’attaque)


- Ganciclovir IV (EI hématologiques) ou Foscarnet IV (+ NaCl isotonique, EI : rénaux, digestifs,
ulcérations génitales)
o Durée : 2 – 3 semaines
o Alternatives dans la rétinite à CMV
- Valganciclovir PO 3 semaines (possible en 1ère intention dans les rétinites) +++
- Exceptionnellement : Cidofovir IV ; injections intravitréennes de ganciclovir

Prophylaxie secondaire (traitement d’entretien)


- Foscarnet IV, ganciclovir IV ou cidofovir IV
- Valganciclovir p.o. +++ (1ère intention dans les rétinites)
- Exceptionnellement dans les rétinites : injections intravitréennes de ganciclovir tous les 15
jours

Prévention primaire
- Sérologie CMV systématique lors de la PEC initiale d’un ID
- Surveillance chez le transplanté : PCR CMV (ou antigénémie pp65)
- Dépistage chez VIH+ si CD4 < 100/mm : fond d’œil et PCR CMV tous les 1 – 3 mois
- Sérologie annuelle si CD4 < 200/mm chez un patient CMV séronégatif
- Greffon de donneur séronégatif pour le CMV chez un receveur CMV séronégatif
- Traitement prophylactique non recommandé

2. HSV

Clinique : présentation plus sévère que dans la population générale


- Récurrences plus fréquentes et extensives (surtout avec CD4 < 100/mm) 
- Ulcérations buccales, nasales, génitales, périnéales ; ulcérations œsophagiennes ou
trachéales 
- risque de dissémination : pneumonie interstitielle, hépatite 
- Surinfections bactériennes
Traitement curatif 
- Aciclovir IV pendant 8-10 jours
- Eventuellement dans formes modérées : valaciclovir p.o.
- En cas de souche d’HSV résistante à l’aciclovir (++ chez patients VIH+) : foscarnet IV

Prophylaxie secondaire : valaciclovir p.o. (risque de sélectionner des souches d’HSV résistantes à
l’aciclovir estimé à – de 5%)  en cas de lésions herpétiques sévères (herpès génital géant invalidant
chez un patient ayant des CD4 < 100/mm), d’herpès chronique ou fréquemment récidivant (> 4 à 6
épisodes/an)

3. Virus Varicelle Zona (VZV) : varicelle compliquée chez l’ID (état infectieux sévère, éruption
profuse, hémorragique et/ou nécrotique, localisations viscérales multiples, parfois CIVD, atteintes
neurologiques et oculaires), zona plus fréquent parfois généralisé (atteintes viscérales oculaires,
neurologiques, pulmonaires), mortalité importante
 Aciclovir IV pendant 8-10 jours

INFECTIONS PARASITAIRES ET FONGIQUES

1. Pneumocystose pulmonaire

Clinique : pneumopathie interstitielle diffuse, ne répondant pas à une antibiothérapie classique

Diagnostic (patient VIH : CD4 < 200/mm) :


- Rx de thorax : opacités en ailes de papillon, infiltrats interstitiels bilatéraux diffus
- LBA+++ : mise en évidence de kystes de Pneumocystis jiroveci

Traitement curatif de la pneumocystose pulmonaire : cotrimoxazole


(triméthorpime/sulfaméthoxazole) en 1ère intention pendant 3 semaines

Prophylaxie secondaire de la pneumocystose pulmonaire : cotrimoxazole tant que CD4 < 200/mm

2. Toxoplasmose cérébrale

Clinique : abcès cérébral

Diagnostic (patient VIH+ : CD4 < 200/mm)


- TDM ou IRM cérébrale (image ne cocarde)
- Sérologie, mise en évidence directe du toxoplasme par PCR (LCR, sang, LBA…)
- Rétrospectif : efficacité du traitement d’épreuve

Traitement curatif de la toxoplasmose cérébrale 1ère intention : Sulfadiazine + Pyriméthamine +


acide folinique pendant 6 semaines

Prophylaxie secondaire de la toxoplasmose cérébrale (traitement d’entretien) : poursuite du


traitement à ½ dose tant que CD4 < 200/mm

Rq : autres localisations possibles à rétiniennes +++ (choriorétinite toxoplasmique), pulmonaires,


cardiaques voire disséminées +/- associées à l’atteinte cérébrale
 Prophylaxie primaire pneumocystose/toxoplasmose si CD4 < 200/mm = prévention mixte :
Cotrimoxazole
 En l’absence d’Ac anti T. gondii, conseils alimentaires et hygiène
3. Cryptococcose méningée à C. neoformans

Clinique : méningite (patient VIH+ : CD4 < 100/mm)

Diagnostic : LCR clair hyperlymphocytaire hyperprotéinorachique et hypoglycorachique, ED à l’encre


de Chine, culture, Ag capsulaire, mesure de la pression d’ouverture du LCR, imagerie cérébrale

Traitement curatif : amphotéricine B IV + flucytosine p.o. ou IV pendant 15 jours  relais par


fluconazole p.o. pendant 2 mois

Prophylaxie secondaire : fluconazole p.o.

4. Candidoses cutanéomuqueuses

Clinique : principalement situé au niveau du TD haut : candidose oro-pharyngée, œsophagienne


(patient VIH + : CD4 < 400/mm), fréquence +++

Traitement curatif
- Candidose orale :
o Antifongique en bains de bouche = nystatine, miconazole (gel buccal ou cp buccal
muco-adhésif), amphotéricine B
o En cas de formes sévères ou à rechutes fréquentes : fluconazole ou itraconazole
jusqu’à disparition des signes cliniques (environ 7 jours)
- Candidose œsophagienne : fluconazole pendant 14 à 21 jours

5. Aspergillose pulmonaire invasive (API)

Clinique : pneumopathie extensive fébrile nécrosante, résistante aux antibiotiques, chez un patient
neutropénique (greffé pulmonaire, allogreffé de MO +++)  fièvre, toux, dyspnée, douleurs
thoraciques, hémoptysies

Imagerie : lésions nodulaires, épanchement pleural, signe du halo (précoce), signe du croissant
gazeux (tardif)

Traitement (doit être précoce)


- Devant une neutropénie fébrile résistante à une antibiothérapie large spectre
o Traitement empirique : amphotéricine B liposomale ou caspofungine
o Examens mycologiques et radiologiques en urgence pour documenter l’infection et
adapter le traitement
- Traitement documenté (API probable ou prouvée) ou préemptif (API possible) : voriconazole
IV puis relai p.o. après quelques jours, au minimum 6 – 12 semaines

Prophylaxie pulmonaire
- Isolement protecteur du patient (secteur « protégé), alimentation contrôlée….
- Chimioprophylaxie chez les patients à risque (induction de LAM/SMD, allogreffe, GVH) :
posaconazole p.o.
6. Leishmaniose viscérale à L. infantum

Clinique : incubation de plusieurs mois puis phase d’état (fièvre « folle », pâleur cireuse,
hépatosplénomégalie, amaigrissement)

Chez les ID (VIH principalement) : fréquence des formes atypiques (localisations digestives,
cutanéomuqueuses, pleuro-pulmonaires…)

Biologie : pancytopénie (avec anémie arégénérative), hypergammaglobulinémie (↗VS)

Diagnostic : mise en évidence du parasite (formes amastigotes) au MGG, culture sur milieu NNN,
détection de l’ADN par PCR (sérologie peu contributive chez l’ID)

Prélèvements : sang après leucoconcentration, MO ganglion, rate…

Traitement curatif : amphotéricine B liposomale 10 administrations

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