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Le concept de coût de revient semble évident. Mais il se montre bien vite paradoxal. Il est à n’en pas douter une
notion clé de la gestion : chaque évolution des conditions d’exploitation, appelant de nouveaux types de décision,
a produit de nouvelles notions, et partant de nouveaux calculs et de nouvelles présentations des comptes. Pourtant,
s’il a longtemps été recherché, le coût de revient certain, objectif, universel, inopposable n’existe pas…
Pour sortir de ce paradoxe, il convient d'adopter une vision relative du coût de revient1 : le coût pertinent dépend
de la décision, de la situation et de l'intention du gestionnaire. Bien sûr, en adoptant par convention un angle
d'approche défini, il sera néanmoins possible de construire un système d'information comptable, calculant des
coûts utilisables pour un grand nombre de décisions : c’est la comptabilité de gestion. Pour prendre une décision,
les responsables puiseront les informations dans cette comptabilité, mais ne devront retirer que les seuls coûts
pertinents pour leur décision particulière. Qu’ils puisent à la même source permet un langage commun et une
homogénéité des informations.
On ne le dira jamais assez : calculer un coût, c'est déjà en partie décider, tant le coût peut avoir de l'influence
sur la décision une fois prise. Cette remarque prend une importance toute particulière si l'on rappelle qu'il n'y a pas
une seule bonne manière de calculer les coûts. Aussi, avant de prendre une décision, est-il indispensable de choisir
la notion adéquate et de connaître les conventions de construction du système comptable. L'objectif de cet
enseignement sera d'apprendre à établir une comptabilité pour la gestion, mais surtout de tâcher d'apprendre à se
servir des informations qu'elle apporte.
Séance 1 :
Objectif 1 : Passer d’une vision de coût existant au concept relatif de coût pertinent
Objectif 2 : Comprendre ou réviser quelques concepts pour calculer un coût pertinent
Objectif 3 : Saisir le but, la particularité et les différents horizons de la comptabilité de gestion
1
Tout au long de cet enseignement, il conviendra de parler de “coût de revient” plutôt que de “prix de revient”
de façon à rappeler qu'il s'agit d'une évaluation de la consommation des ressources et que son montant dépend
des décisions et de l’organisation de l’entreprise. Le terme de “prix” sera réservé aux transactions avec les
tiers.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Sans doute, sur l’ensemble d’une fabrication suivie pendant un temps suffisamment long,
on peut (à la condition que les variables économiques soient restées provisoirement constantes)
définir un prix de revient global. Mais il est absolument impossible de calculer sérieusement un
prix de revient unitaire. Et cependant, précisément parce que le prix de revient est un mythe,
quelque chose comme un de ces termes métaphysiques qui ont pour chaque philosophe un
contenu personnel, il importe, si l’on veut se comprendre, si l’on veut tirer quelque conséquence
des valeurs qui lui sont attribuées, si l’on veut éviter de parler pour ne rien dire, si l’on veut
renoncer à se tromper les uns les autres, qu’on donne du prix de revient une définition aussi
précise et aussi générale que possible. Il importe que de ce mythe on fasse une réalité. Il faut que
ce Dieu s’incarne.
Qu’est-ce que le prix de revient ? - C’est ce qu’une chose a coûté ; c’est l’ensemble des
dépenses qu’on a faites pour la mettre en état d’être vendue. Or, ces dépenses sont en partie
indiscernables. Je vais au marché ; j’achète 5 kilos de choux pour 10 F et 5 kilos de carottes pour
20 F. Mais je dépense à l’aller et au retour : 3 F d’autobus. Quel est le prix de revient de mes
carottes ? Quel est celui de mes choux ? Dois-je répartir mes frais de transport à raison de 1/3
aux choux et 2/3 aux carottes ? C’est raisonnable, puisqu’après tout mon prix global de 30 F a
été augmenté de 3 F, c’est-à-dire que mes frais totaux ont été accrus de 10 %. Dois-je les
appliquer à égalité aux choux et aux carottes ? C’est raisonnable aussi, puisque j’ai acheté le
même poids des uns et des autres et qu’ainsi ils ont exigé le même transport. Mais si la seule
chose que j’avais le désir d’acheter était un lot de choux, et si j’ai acheté les carottes en plus
parce qu’elles m’ont paru une occasion avantageuse, ne dois-je pas attribuer aux choux le total
de mes dépenses d’autobus ? Après tout, c’est bien sur ce prix total que j’avais compté, au
moment où je partais au marché avec la seule intention d’acheter des choux. Voilà trois façons
également raisonnables de répartir mes frais généraux. Selon la méthode que j’adopterai, les
choux me reviendront à 2,20 F ou 2,30 F ou 2,60 F le kilo et les carottes à 4,40 F ou 4,30 F ou
seulement 4 F. Quel est le prix réel de chaque légume ? Je peux choisir.
Maintenant nous sommes deux : Pierre et moi, à avoir fait les mêmes opérations, en vue de
revendre nos choux et nos carottes, avec un bénéfice de 10 %. Pierre choisit la première méthode
: il offrira ses choux pour 2,40 F et ses carottes pour 4,85 F ; je choisis la dernière, j’offrirai donc
mes choux pour 2,85 F et mes carottes pour 4,40 F. Personne ne voudra ni de mes choux ni des
carottes de Pierre. En fin de compte, nous vendrons tous les deux nos carottes à mon prix et nos
choux au prix de Pierre. Les 10 kilos de choux seront vendus : 24 F et les 10 kilos de carottes :
44 F, au total : 68 F. Nous avons dépensé tous les deux 33 x 2 = 66 F. Nous avons 3 % de
bénéfice. Si nous avions adopté la même méthode, quelle qu’elle fût, nous aurions vendu le tout
avec 10 % de bénéfice.
Pourtant, ni intellectuellement, ni pratiquement, ni moralement, aucune de ces méthodes
n’est supérieure aux autres. Personne ne peut dire qui a raison de Pierre ou de moi. La seule
chose sûre, c’est que nous nous nuisons l’un à l’autre parce que nos méthodes de calcul sont
différentes, tandis que nous ne nous serions pas nui si nous avions adopté la même.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Ce n’est donc pas parce que l’un calcule bien et que l’autre calcule mal son prix de revient
que la concurrence est faussée, c’est parce que le prix de revient n’a aucun sens précis.
La conséquence peut être plus grave ; je suppose (par modestie) que Pierre soit meilleur
acheteur que moi, et qu’il trouve le moyen d’acheter régulièrement ses choux et ses carottes 0,10
F au kilo moins cher que les miennes. Il devrait en être récompensé. Son habileté, son adresse
sont utiles à la collectivité. Il devrait s’enrichir et je devrais faire faillite. Eh bien ! sa méthode le
conduira à offrir ses choux à 2,30 F au lieu de 2,40 F, et ses carottes à 4,75 F au lieu de 4,85 F.
Si le marché est restreint, je vendrai mes carottes et il ne vendra pas les siennes. Il vendra ses
choux : 11,50 F, et je vendrai mes carottes 22 F. Il aura perdu 21,50 F et moi : 10 F seulement.
Ainsi, il aura mieux acheté, son calcul sera aussi raisonnable que le mien et il aura perdu deux
fois plus d’argent. Où est la moralité ? - Où est la récompense du savoir et de l’habileté ?
Il y a plus grave encore. Dans l’exemple que je viens de donner, la quantité de produits mis
sur le marché n’est pas modifiée par nos fantaisies dans le calcul de nos prix de revient. Mais
supposons que j’entreprenne une fabrication nouvelle dans une usine bien alimentée. Je puis
considérer que tous les frais généraux de mon usine sont déjà couverts par mes fabrications
antérieures. Ainsi délestée des charges qu’elle aurait si elle était seule, et même des charges
qu’elle aurait si je la traitais sur le même pied que les autres, ma fabrication nouvelle va
m’apparaître comme très économique. J’estimerai gagner de l’argent, si je la vends avec 10 %
de bénéfice sur mon prix de revient. Mes concurrents (qui n’ont pas les mêmes raisons que moi
de faire supporter ces charges par des fabrications anciennes) constateront que leur prix de
revient est supérieur à mon prix de vente. Et ils seront cependant obligés de vendre à mon prix,
et de se ruiner, non parce qu’ils travaillent mal, non parce que j’ai eu tort d’entreprendre cette
fabrication nouvelle, mais seulement parce que je ne calcule pas mon prix de revient de la même
façon qu’eux.
L’exemple est extrême. Mais il n’est pas rare, dans une usine où l’on fabrique de la série et
en même temps quelques objets spéciaux dérivés de la série, mais exigeant beaucoup plus
d’études, de voir répartir les frais de ces études sur toute la fabrication. Le prix de revient de la
série en est un peu élevé et le prix des objets spéciaux beaucoup réduit. En fin de compte, le prix
de série étant réglé par ceux qui se bornent à fabriquer la série et le prix des “ moutons à cinq
pattes ” par ceux qui les déchargent de leurs frais d’études, ceux-ci, à la vérité, payés beaucoup
moins cher qu’ils ne valent, seront très recherchés. La série, bénéficiaire, diminuera peu à peu
au profit de l’objet spécial vendu à perte. On ira au rebours du progrès et le bénéfice disparaîtra
pour tout le monde.
Ce ne seront là, entre mille, que quelques cas particuliers. En fait, des questions en nombre
immense peuvent se poser sur le prix de revient. Je viens seulement d’indiquer la difficulté de
répartition des frais généraux entre plusieurs fabrications. Mais sur le total même de ces frais, on
discute. Il n’y a pas si longtemps que les industriels sont à peu près unanimes pour inclure
l’amortissement dans le prix de revient de leurs fabrications. D’accord aujourd’hui sur le
principe, ils sont loin de l’être sur l’importance d’un amortissement qui dépend de l’idée
personnelle que l’on se fait des nécessités du renouvellement. Un bâtiment, une machine, bien
entretenus, durent très longtemps. Leur durée a été, pendant longtemps, la base de
l’amortissement. Mais ils se démodent ; les voisins achètent des machines plus modernes qui
produiront plus dans le même temps. Les fabrications évoluent, et réclament de nouveaux
moyens. Dans les convulsions de l’économie moderne, des raisons d’ordre économique,
militaire, social, peuvent justifier des déplacements d’atelier. Après une crise générale, même
les bâtiments et même les terrains d’une usine cessent, à défaut d’exploitation, d’avoir la moindre
valeur. Combien de temps, dès lors, faut-il compter pour amortir une machine et même un
immeuble ? Affaire d’appréciation. Le montant à amortir est-il celui de la dépense faite jadis
pour les installations réduites actuelles ou le chiffre de la dépense éventuelle de renouvellement
? Appréciation encore.
Autre point : selon que l’on se fait l’idée que la rémunération du capital est un droit ou un
résultat, c’est-à-dire selon que l’on estime que la perte commence au moment où le capital est
moins rémunéré que la rente, ou seulement quand, les amortissements normalement faits, le
capital est entamé, voici deux notions de prix de revient dont l’une comprend, et l’autre non, la
rémunération du capital.
Il ne s’agit, là encore, que des frais généraux. Mais les dépenses mêmes qu’il semble le plus
facile d’appliquer directement à la fabrication, posent de graves questions. Je puise mes matières
premières dans un magasin, ou bien on me les fournit en vertu d’un marché de durée. Si les prix
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
sont en hausse, ces matières me reviendront moins cher que celles que j’ajouterais au jour le jour
pour le même usage. Dois-je dans mon prix de revient, compter ces matières au cours d’achat ou
bien au cours du jour, portant la différence entre ces deux cours à un compte de bénéfice d’agio
? On peut en discuter longtemps. Si les matières montent, l’industriel a tendance à répondre : “
Je dois les compter au cours du jour, qui est le cours de renouvellement du magasin ”. Mais si
elles baissent et si le prix de revient sur lequel il base son prix de vente est calculé sur le cours
du jour, le bilan de fin d’année marquera son erreur. On peut pourtant appliquer deux principes
contradictoires. Il faut choisir.
Autre difficulté : le problème général des industries chimiques est celui-ci : d’une réaction sortent
deux ou trois produits. Quel est le prix de revient de chacun d’eux ? Lorsque de la houille je tire
du gaz d’éclairage, du coke et des goudrons, que m’ont coûté le gaz, le coke et le goudron ? La
répartition est, pour une bonne part, arbitraire ; il faut, pour la fixer, se fonder sur des
considérations où interviennent des faits totalement étrangers à l’usine, comme le prix des
succédanés pour les matières les moins importantes. Cela revient à fixer par un acte de foi, le
prix de revient de ces produits.
Tout cela est un peu décourageant ; mais on n’a pas le droit de se décourager. Il faut, coûte
que coûte, sortir de là. Si incertaine qu’elle soit, la notion du prix de revient joue en effet dans
l’industrie un rôle fondamental. Chacun sait qu’un industriel qui ne se préoccupe pas de son prix
de revient se ruine fatalement. On dira que ce qui lui importe, c’est de savoir si son prix de
revient, calculé comme il l’entend, augmente ou diminue. Mais ce n’est pas vrai. Un calcul trop
arbitraire le trompe ; il croit être bénéficiaire des fabrications qui l’appauvrissent. Il ne fait pas
tout l’effort qu’il faudrait sur celles qui l’enrichissent.
En cas de concurrence sur une même transaction, il n’y a d’autre limite à la baisse
alternative des prix pour les deux concurrents, que le sentiment qu’à partir d’un moment donné
on cesse d’être en bénéfice. Le prix de revient marque la limite.
Certes, même connue, cette limite n’est pas absolue. Chacun sait bien
qu’exceptionnellement une affaire peut être traitée au-dessous du prix de revient parce que,
quoiqu’en perte, elle apporte du travail et qu’elle couvre des frais généraux. Chacun sait bien
qu’il y a une marge assez grande entre le prix de revient total et le prix de revient partiel, celui
de la “ fabrication en plus ”. Mais chacun sait aussi qu’à traiter systématiquement au-dessous de
son prix de revient, on va vers la faillite. Le prix de revient est une barrière psychologique,
difficile à franchir, surtout à reculons. Avec sa notion du prix de revient beaucoup plus solide
que la nôtre, l’Amérique pratique des amortissements bien plus larges qui lui permettent d’avoir
un matériel constamment “ up-to-date ”. La plupart d’entre nous peuvent-ils en dire autant ?
Ainsi le coût de revient, dont chaque décideur ressent l'utilité, ne saurait avoir de définition unique : “personne ne
peut savoir ce que c'est”. Pire, les conséquences du choix d'une notion plutôt que d'une autre pourrait engendrer
des conséquences inattendues : décision malheureuse, bilan erroné, ruine collective !
Le coût de revient ne serait-il qu'affaire d'appréciation ?
Une issue au paradoxe précédent consiste à abandonner l'idée qu'un produit, une action ou une organisation ait un
coût objectif, comme un atome possède une masse et une énergie. Suivant la décision à prendre, il y a un coût
approprié : c'est le coût pertinent. A contrario, pour des décisions bien distinctes, les coûts pertinents ont de fortes
chances d'être différents. Selon la formule de J.M. Clark : « il faut différents coûts pour différentes décisions ».
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Non seulement le coût pertinent sera peut-être différent selon els décision, mais également seon le sphases du
processus de décision.
Décider, pour H.A. Simon, est synonyme de gérer et représente l'essentiel du temps des responsables. Une décision
est un processus composé de plusieurs phases, itératives :
Modélisation Anticiper les effets prévisibles des Coût = évaluation chiffrée des
différentes alternatives alternatives
Il est bien entendu évident que le coût n'est jamais le seul paramètre pris en considération dans une décision.
Celle-ci sera également déterminée par des indicateurs physiques, des facteurs psychologiques, sociaux,
“politiques”, éthiques, religieux... Le coût éclaire les situations selon un angle d'analyse particulier, non exhaustif,
mais il n'est jamais totalement absent. Sa place privilégiée dans la décision provient de son caractère simultanément
quantifiable, économique, homogène, global et comparable dans le temps comme dans l'espace.
Le plan comptable général définit le coût comme une somme de charges, c'est-à-dire de consommations de
ressources. On pourrait donc en théorie définir autant de coûts que d'arrangements possibles de charges.
L’expertise du manager consiste à sélectionner quelles charges inclure dans le coût. ON peut pour cela être à la
recherche d’une règle pour nous guider.
On peut faire découler cette règle de la définition du coût d'une décision. Pour Cl. Riveline, « le coût d'une décision
ou d'un événement est, pour un observateur déterminé, l'échéancier des différences entre toutes les dépenses
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
effectives prises en compte par cet observateur si la décision est appliquée ou l'événement réalisé et les dépenses
effectives prises en compte par le même observateur dans un scénario de référence à déterminer ».
Le coût d'une décision ou d'un événement est ainsi défini comme la différence de charges entre deux situations.
Par suite, on inclura dans le coût pertinent l'intégralité des consommations de ressources, et seulement ces
consommations de ressources, supplémentaires entraînées par la décision ou l'événement (autrement dit qui
ne seraient pas supportées sinon). On calculera également le coût du résultat de cette décision : le produit, le
programme, l’existence d’un réseau de distribution... On parlera d’un “objet de coût”. Rattacher à cet objet de
coût, l’intégralité des ressources consommées pour sa production, s’appelle la traçabilité. Il s’agit d’un des plus
importants projets de la comptabilité de gestion.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Selon H. Bouquin, pour prendre une décision, au moins quatre données sont importantes : « Il convient en effet de
savoir sur quel point doit s'appliquer le calcul préparatoire au choix, sur quels enjeux portent les différentes
solutions comparées, à quels frais elles engagent et comment il sera possible de les maîtriser ».
Implications :
Coût qu’est-ce qui est touché ?
Qui maîtrise ?
Inducteur
Quelle est la Mesure du coût Autres
cause ?
possibles
Ne doit être pris en compte que ce qui est affecté par la décision, l'intégralité des dépenses supplémentaires et
seulement celles-ci.
* Pour décider d'un niveau de production lorsque l’infrastructure est en place, on compare la recette et le coût
supplémentaires entraînés par un supplément de production. Il convient donc d'utiliser le coût marginal et non
le coût moyen. Si des investissements ou une réorganisation est nécessaire, on calculera un coût supplémentaire
(coût de tout ce qui doit être utilisé pour produire le nouveau niveau décidé).
Le coût marginal est le coût encouru pour produire et/ou vendre une unité de produit ou de service supplémentaire
par rapport au plan d'action existant. (Pour une définition plus précise, voir le cours d'économie.) Si la production
supplémentaire oblige à engager certains investissements, une vente supérieure au coût moyen (mais inférieure au
coût marginal) peut réduire le résultat de l'entreprise.
* A contrario, les coûts engagés par les décisions précédentes, et sur lesquels la décision ne peut plus influer, ne
seront pas à inclure dans le coût pertinent pour la décision. On parle à leur sujet de coûts “enterrés” (sunk costs)
ou “coûts engagés indifférents”. Ainsi, lorsqu'au cours d'un projet, on se demande s'il convient de le poursuivre ou
de l'arrêter, toutes les dépenses déjà effectuées ou irréversibles, aussi importantes qu'elles soient, sont à ignorer.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
La décision économique porte sur la comparaison entre les bénéfices à attendre et les charges à venir si l'on
continue le projet.
Pour R. Barre, « le coût d'opportunité est le sacrifice en termes réels que subit un sujet économique qui procède à
un choix entre plusieurs actions possibles : quand ce sujet s'engage dans une activité spécifique donnée, par
exemple une production, le coût qu'il supporte consiste en la valeur des occasions qu’il n'a pas saisies, c'est-à-
dire dans la valeur des biens et services qui ne peuvent être créés parce que les ressources utilisées ne sont pas
disponibles pour d'autres emplois ». (cité par H. Bouquin).
Il conviendra de bien spécifier, à chaque fois, ce qui est entendu par coût d’opportunité, car le même concept peut
être abordé sous trois angles différents, conduisant néanmoins à la même conclusion.
Supposons par exemple que l'on engage 1 000 euros pour réaliser un chiffre d'affaires de 1 500 euros avec
le client X. On renonce ainsi à livrer au client Y qui aurait payé 1 600 euros mais aurait fait supporter une
commission d'intermédiaire de 250 euros, soit une recette nette perdue de 1 350 euros.
On vérifiera cependant que les trois regards conduisent à préférer la livraison au client X car celle-ci
rapporte un revenu supérieur de 150 euros. Le coût d’opportunité n’est pourtant pas la valeur de la
différence de gain entre les deux solutions, mais la valeur de la solution alternative contre laquelle nous
évaluons la solution envisagée.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Pour prévoir le montant d'un coût, et pour éventuellement le réduire, il faut connaître sa loi de variation. Autrement
dit, quels sont les facteurs qui déterminent son montant ?
Nous avons vu que le coût peut jouer un rôle d'alerte, de mesure ou d'évaluation des conséquences et ainsi guider
les décisions. Mais pour la gestion, dans une volonté de minimiser les coûts, c'est à sa cause qu'il faut s'attaquer.
On parle alors d'“inducteur de coût”. La comptabilité ne doit pas seulement indiquer le niveau des coûts. Elle
doit avant tout désigner les facteurs qui conditionnent ce niveau.
Le niveau de production n'est pas le seul facteur explicatif du coût total. Autres inducteurs, sur lesquels il est
possible d'agir (non exhaustif) :
• le nombre de lots de fabrication,
• la variété des produits,
• la complexité de leur conception,
• la technologie choisie,
• la qualité exigée,
• la coordination entre les services,
• l'expérience acquise dans cette production...
Pour que la connaissance d'un coût incite un gestionnaire à prendre une décision en vue de le réduire, il faut que
trois conditions soient réunies :
• qu'il sache quelles actions sont susceptibles de réduire le coût (connaissance des inducteurs),
• qu'il ait une capacité d'action sur les inducteurs (le coût est maîtrisable),
• qu'il soit incité à agir (cette réduction améliorera son image auprès de ses supérieurs et/ou son revenu ou encore
tout autre facteur de motivation).
Les coûts maîtrisables pour un responsable sont ceux sur lesquels il peut exercer une influence déterminante. Par
exemple, un ingénieur commercial maîtrise les frais de déplacement s'il détermine l'opportunité de se déplacer et
a le choix des moyens de transport.
Remarque : Un responsable peut considérer un coût comme maîtrisable ou non suivant les représentations du
fonctionnement de l’entreprise. Par exemple, si les coûts de maintenance sont répartis en pourcentage entre les
différents ateliers, un chef d’atelier peut considérer ce coût comme non maîtrisable même si c’est lui qui contrôle
l’utilisation des équipements et décide de recourir au service de maintenance. Une répartition de ces mêmes coûts
en fonction des interventions est susceptible de modifier le comportement du chef d’atelier.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Le but de la comptabilité de gestion est de centralisation tout un ensemble d’informations et de les structurer de
manière à être utile aux managers. C’est la raison pour laquelle ce cours privilégiera l’orientation managériale sur
une orientation plus calculatoire ou comptable. Chaque fois nous nous demanderons : quelles décisions ce coût
éclaire-t-il, quelles sont ses hypothèses, qu’est-ce qu’il met en avant, qu’est-ce qu’il laisse dans l’ombre ?
Cette comptabilité a ainsi une fonction :
1. D’aide à la décision :
Permettre un constat : “les choses vont-elles bien ou mal ?”
Attirer l'attention : “à quels problèmes faut-il s'attaquer ?”
Aider à la résolution de problèmes : “parmi les différentes solutions, laquelle est la meilleure ?”
2. De retour d’information pour favoriser l’apprentissage
3. De contrôle : calculant les coûts et résultat dans un périmètre de responsabilité
4. De base d’informations fiable pour les discussions, négociations, légitimations…
5. De calcul des stocks pour la comptabilité financière.
Si chaque situation requiert une façon propre de calculer les coûts, il semble difficile de construire une comptabilité
qui apporte l'information pertinente simultanément pour toutes les décisions. Ce qui est cependant possible, c'est
d'enregistrer et classer systématiquement les charges de façon à ce que chacun, selon ses besoins, puisse extraire
celles qu'il recherche. La comptabilité peut alors être vue comme une base de données qui alimente les modèles
de décision des gestionnaires. Seulement, il serait trop long et trop coûteux que chaque responsable recalcule tous
les coûts à partir des charges élémentaires. Les coûts sont donc rassemblés dans des comptes de gestion. À la
différence de la comptabilité générale, la comptabilité de gestion n'est régie par aucune loi. Aussi, les
entreprises sont-elles relativement libres d'adopter les conventions qui leur semblent adéquates.
On aura commencé à comprendre qu’elle se situe dans un autre esprit, complémentaire mais bien distinct, que la
comptabilité financière :
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Un des choix essentiels à prendre pour l'utilisation d'un coût est celui de l'étendue de l'attention. Celle-ci sera-t-
elle restreinte au contraire cherchera-t-elle à élargir son champ de vision très ouverts sur l'extérieur et le long
terme ? Ces différents regards ne donnent pas la même image de la situation et seront utilisés dans des cas
différents.
Du fait de l’urgence écologique, ainsi que des préoccupations sociales et environnementales dans la cadre de la
Responsabilité Sociale des Entreprises, l’un des axes majeurs de développement actuel de la comptabilité à usage
des managers est la comptabilité environnementale, ou sociale, ou verte. De grands progrès ont déjà été accomplis
dans le domaine par exemple d’une comptabilité carbone, mais on comprendra qu’il s’agit maintenant d’élargir le
spectre des paramètres ainsi scrutées, afin de définir des objectifs et de développer des processus d’apprentissage.
Pour le Conseil national de la comptabilité, les dépenses environnementales à incluse dans une notion élargie du
coût sont celles « effectuées en vue de prévenir, réduire ou réparer les dommages que l’entreprise a occasionnés
ou pourrait occasionner par ses activités, à l’environnement ».
D’autres nouvelles directions pour la comptabilité de gestion concernent la diversité des perspectives sur
l’entreprise. Par exemple, le regard sur le coût de revient peut prendre l'un des trois angles suivants :
• dans une comptabilité de la chaîne de valeur, le coût de revient du produit comprend l'ensemble des charges
liées à son élaboration, de l'extraction des matières premières jusqu'à la livraison au client. Voici par exemple
les comptes de la chaîne de valeur des boîtes de carton extrudés (hors les étapes d'exploitation forestière, coupe
des arbres, fabrication de la pâte à papier...). Le but est d'insérer les activités de l'entreprise dans l'économie
générale de la filière afin de détecter les enjeux et les possibilités de coordination.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Exemple de chaîne de valeur (par tonne de carton) J.K. Shank & V. Govindarajan (1993)
Segment des Segment des
produits de grande produits
consommation différenciés
Supermarché
Prix de vente (14 400 x 1, 16; 1,89) 16 704 $ 27 216 $
- Prix d'achat - 14 976 - 20 448
= Marge brute du magasin = 1 728 = 6 768
dans une comptabilité en coût complet, l'ensemble des charges supportées par l'entreprise sont réparties entre
les produits. Le coût de revient “complet” du produit est constitué par les charges qui lui sont spécifiquement
liées et par une quote-part de charges communes à plusieurs ou à l'ensemble des produits. On cherche alors à
connaître la profitabilité réelle des produits, “tout compris”.
dans une comptabilité en coûts partiels, seule une partie des charges de l’entreprise est imputée aux
différents produits. Le coût de revient du produit comprend seulement les charges imputées qui lui sont
attribuables. Nous verrons ultérieurement comment les déterminer, mais déjà comprenons les axes
déterminant les cas dans lesquels une charge est imputée ou non.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Ainsi trois axes de partition des coûts sont utilisés dans des contextes décisionnels distincts car ils les analysent
chacun différemment (cf. page suivante). C'est en mettant en évidence les lois de variation de ces différents types
de coût que la comptabilité de gestion aide à la prise de décision.
Fixe
Variable
Produit
Période*
Direct Indirect
D'après M. Lebas
* Le coût de période comprend l'ensemble des charges qui ne seront pas directement causées par
l'élaboration du produit (frais d'administration, financiers, commerciaux...) et qui ne seront donc
pas incluses dans la valeur des produits en stocks.
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
Coût Coût direct • main d’oeuvre payée à la pièce • main d’œuvre mensualisée
• matières premières consommées • dotation aux amortissements d’une
De • emballages machine mono-produit
Produit
• énergie • salaires de l’encadrement
Coût • fournitures • dotation aux amortissements des
indirect • petit outillage machines multi-usages et multi-
produits
• dotation aux amortissements des
bâtiments de production
Période
Coût direct • commissions aux vendeurs • salaire d’un assistant-chef de
produit ne travaillant que pour un
seul produit
M. Lebas (1998)
Exemples de coûts dans les trois partitions
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Séance 1 : Le concept de coût de revient
A retenir :
≈≈≈≈≈≈≈
Il n’existe pas un coût de revient unique et universel. Le coût de revient est une réponse à
la question que l’on se pose selon une préoccupation et une perspective. Pour aider à une
décision ou évaluer un événement, nous raisonnons de façon « différentielle ». Nous
comparons la situation compte tenu de la décision ou de l’événement envisagé avec celle
sans cette décision ou événement (parfois, avec la notion de coût d’opportunité, nous
comparons à la situation venant d’une décision alternative). Nous ne prenons en « compte »
tout et seulement ce qui est affecté par la décision pour la personne qui gère.
Le calcul des coûts n’est qu’une étape. Il s’agit avant tout de les maîtriser. Pour cela on
identifie quelles sont les causes de ces coûts (inducteurs), qui a une action sur eux et
comment inciter ces acteurs à les maîtriser. Selon les préoccupations, on peut développer
différents types de compte : stratégiques, opérationnels, environnementaux, sociaux…
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