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Sommaire
Supports : étape 2 : étudier une comédie latine
• Sébastien Cote, Histoire 2de, Nathan, 2010. en œuvre intégrale
• Plaute, La Marmite, traduction Florence Dupont, Actes Sud, Séance 3 : Lecture de la scène d’exposition de La Marmite :
coll. « Babel », 2001. l’entrée dans un rituel
• Molière, L’Avare, 1668. Séance 4 : La comédie latine, ou la quête du plaisir
• Molière, Les Fourberies de Scapin, 1671. Séance 5 : Étude de la scène 10 : Euclion, comédien d’un
• Molière, Le Médecin volant. spectacle total
• Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730.
étape 3 : la comédie latine, matériau de la comédie
étape 1 : Comprendre les caractéristiques classique
de la comédie antique Séance 6 : Le ressort du mariage, quelle place et quelle
Séance 1 : La place de la comédie dans la cité grecque fonction dans le genre comique ?
et dans la société romaine Séance 7 : D’Euclion à Harpagon, la construction du type
Séance 2 : La comédie antique, le genre de tous les excès ?
étape 4 : Prolongement et bilan
Séance 8 : Proposition d’exploitation d’une lecture cursive :
Le Médecin volant de Molière
Séance 9 : Sujet d’évaluation de fin de séquence
les + numériques
Dans cette séquence, vous pourrez exploiter Présentation
les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur
le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Cette séquence s’inscrit dans l’étude du théâtre en classe de
Rendez-vous sur http://www.nrp-lycee.com. 2de. Elle vise, en particulier, à mettre en perspective la comédie
Fiche sur le théâtre dans la Grèce antique classique dans l’évolution du genre en la confrontant à l’une de
(+ iconographie) ses sources fondatrices, la comédie latine. On cherchera à faire
Tableau comparatif théâtre antique / théâtre classique percevoir aux élèves la construction du genre en fonction de la
les personnages typiques de la comédie grecque /
société dans laquelle il s’insère, en centrant notre attention sur la
comédie classique
Zoom sur les types de comique
naissance du théâtre dans l’Antiquité. On a choisi une comédie de
Fiche de langue sur la ponctuation Plaute dans une traduction qui rend la pièce accessible aux élèves,
28 NRP lyCée
et qui s’efforce de restituer par des notes nombreuses le fonction-
DécouvrirJANVIer
le théâtre FÉVrIer
grec avec la2012
compagnie nement du jeu théâtral dans une comédie au second siècle avant
Démodocos
notre ère.
* Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés La séquence s’articule autour du théâtre de Plaute mais fait
numériques (abonnés Papier + numérique une place par l’étude d’extraits à trois œuvres de Molière pour
ou 100 % numérique). que les élèves puissent cerner les particularités de la comédie à
l’âge classique, comme le demande le programme. On suggère de
travailler ensuite cet objet d’étude en proposant l’analyse d’une cette caractérisation du genre à travers les types du comique et
tragédie classique. le rapport au public. Dans une troisième étape, le texte source
Le parcours commence par un travail en interdisciplinarité est confronté à ses héritiers à travers des extraits de Molière ou
avec le collègue d’histoire dans le but de cerner les liens entre le de Marivaux afin de le faire apparaître comme un matériau mode-
genre comique et la société grecque. L’étude d’un corpus com- lable. La lecture cursive du Médecin volant permet d’aborder la
posé d’extraits courts d’Aristophane et de Plaute pose un premier farce et de mieux comprendre comment s’effectue la transition
jalon dans l’étude du genre comique : son rapport au corps qui vers la comédie de mœurs.
provoque un rire « bas ». Ensuite, l’étude de La Marmite poursuit
Le théâtre romain, comme le théâtre grec, a une fonction Le corps dans la comédie antique
sociale. Il permet au peuple – toutes classes sociales confondues –
« Scatologie et sexualité », « Le corps dans la comédie antique »
de se rassembler face à des spectacles, devant lesquels il exprime
ou « La prédominance des manifestations corporelles dans la
très fortement ses émotions afin de s’affirmer comme membre
comédie antique » pourraient être des titres permettant de souli-
d’une communauté culturelle. Dès avant l’Empire, le théâtre a pour
gner l’enjeu du corpus.
fonction de transformer en Romains des individus qui ne le sont
La réplique présentée dans le premier extrait insiste longue-
pas véritablement. On relève la répétition du mot « consensus »
ment sur les problèmes de digestion du personnage, qui fait réfé-
dans la préface de la traductrice. Ces spectacles sont très codifiés et
rence aux excréments de manière directe à travers un vocabulaire
ces codes très voyants : on voit ainsi lors du prologue le Lare, divi-
familier, « fiente », « chier ». Le second extrait rappelle un des res-
nité du foyer, raconter toute la pièce, divulguer certaines péripé-
sorts de l’intrigue – ressort récurrent dans ce type de comédie –,
ties. L’intérêt du spectacle n’est pas dans la découverte de l’intrigue
mais dans le « jeu » de connivence avec le public. La comédie latine à savoir le viol de la jeune fille qui lie les deux protagonistes et
doit le faire rire, l’impressionner par la danse et le chant afin qu’il se que va effacer le mariage qui signe le dénouement de la pièce.
reconnaisse comme public et participe activement. L’acte sexuel est décrit comme une pulsion physique dénuée de
sentiments puisqu’il est désigné par les mots « égarement » et
« ivresse ». Ces deux extraits illustrent la perception de la metteur
en scène qui décrit ce théâtre comme « totalement incorrect ».
Nous pouvons proposer plusieurs hypothèses pour com- Enfin, la comédie correspond à un temps où l’ordre social est
prendre ce rapport au langage et au corps. Ce théâtre est tourné mis entre parenthèses ; elle permet à la population de trouver un
vers le rire et s’appuie sur un comique lié au corps, relayé par des exutoire qu’elle exprime dans le rire, dans la moquerie vis-à-vis de
gestes, et fondé sur l’exagération. On a dit qu’il s’agit d’un théâtre personnages qui ne contrôlent plus leur corps.
chanté, dansé, reposant sur des mimiques expressives, ce que
relaie le langage en s’intéressant au corps. Ce rire « bas » doit pou-
voir réunir les spectateurs qui assistent à ces spectacles populaires ➔➔Travail de recherche personnelle
très nombreux, les conditions de la représentation ne permettant
Une édition moderne de l’œuvre d’Aristophane Lysistrata a
pas un comique plus élaboré, il s’agit de faire fonctionner ce qui
choisi d’y accoler le sous-titre « ou la grève du sexe ». Lisez le résumé
rassemble l’ensemble d’une société : le corps.
pour en comprendre la raison. Pourquoi aurait-on pu compléter le
corpus proposé dans cette séance par un extrait de cette pièce ?
➔➔Travail préparatoire
1. Quelles sont les informations données par cette scène d’ex-
position ? Classez-les.
2. Entraînement au commentaire composé : en vous appuyant
sur les séances 1 et 2, quelles sont les hypothèses de lecture que
l’on peut poser pour étudier cette scène d’exposition ?
➔➔Éléments de réponse
Les fonctions de la scène d’exposition
Cette scène d’exposition remplit sa fonction informative. Elle
est structurée selon la présentation de l’espace que fait le Lare qui
s’installe au centre même du décor, entre les deux maisons dont il
présente les habitants. Le lieu est constamment rappelé avec insis-
tance par le geste et le déictique « ici », selon une insistance didac-
tique qui finit par être comique : il répète ainsi trois fois « cette
maison ». L’époque n’est pas marquée par un ancrage historique
mais elle renvoie aux mœurs des spectateurs qui se reconnaissent
dans l’existence du Lare, « divinité de la maison romaine qui pro-
tège la lignée », ainsi que dans l’évocation des fêtes rituelles : « la
célébration des fêtes de Cérès ». Les personnages sont inscrits
dans une généalogie : on relève le champ lexical de la famille,
« fils », « père », « grand-père », « fille ». Deux thématiques semblent
pouvoir se développer : celle de l’argent est annoncée par le res-
sort du trésor gardé par le Lare, et celle du mariage est mise en
place autour de la fille d’Euclion, le lien étant tissé par la question
de la dot. Cette scène d’exposition donne d’emblée les éléments Masque de satyre, détail d’une fresque de la villa des Mystères
du canevas de la pièce et résout plus de questions qu’elle n’en à Pompéi.
d’Euclion et Mégadore et de deux sorties, l’une vers la ville, l’autre Étude de la scène 10 : Euclion,
Séance 5
vers la campagne dans un premier temps, puis de deux portes de
temple à partir de la scène 8. C’est donc un décor qui permet aux comédien d’un spectacle total
spectateurs de « reconnaître » la comédie tant ses décors se res-
semblent et non de créer une illusion théâtrale. Support : Plaute, La Marmite, scène 10, jusqu’à l’intervention
Toutefois, ce décor, s’il est rudimentaire, offre des actions de Lyconide.
comiques pour les personnages qui se rencontrent alors qu’ils ne Objectifs :
le souhaitaient pas (scène 3), sont expulsés brutalement de la mai- – Lecture analytique.
son (1, 4, 5, 6), s’espionnent (8, 9). L’espace public – ou religieux – – Réflexion sur le jeu théâtral.
est donc conçu comme une possibilité de cachettes ou de pièges. Durée : 1 heure.
Enfin, le décor offre des jeux comiques fondés sur la relation
extérieur/intérieur. Ainsi, la pièce commence par une action qui
fait sourire par les bruits qu’elle produit avant même qu’on la voie, ➔➔Questions
de l’intérieur proviennent les cris de la servante Staphyla qui est
chassée par son maître vers l’extérieur. De plus, dans les scènes 1 1. Étudiez les différents types de comique.
et 2, on observe le même jeu de la part d’Euclion qui rentre à l’inté- 2. Cherchez l’histoire et le sens du mot « histrion » et montrez
rieur juste pour vérifier que sa marmite est à l’abri avant de revenir que le personnage d’Euclion est un histrion.
participer à l’action à l’extérieur. 3. Quelle est la place du public dans cette scène ?
Le lieu est donc un ressort comique puisqu’il provoque la
mise en présence des personnages sans qu’ils la recherchent, et
les oblige à entrer en conflit pour rester maître de cet espace. Il
➔➔Éléments de réponse
insuffle du dynamisme à la pièce car il contraint les personnages Un spectacle comique
à des va-et-vient rapides pour veiller sur l’intérieur tout en jouant
à l’extérieur. Le comique qui inaugure cette scène est fondé sur l’excès du
désespoir que ressent Euclion, qui se rend ridicule tant il exagère
L’accessoire, marque du personnage et enjeu sa peine. Cet excès se lit dans l’accumulation initiale « Fini, fichu,
de la pièce (groupe 3) foutu », dans la contradiction « Où courir ? où ne pas courir ? », et
Le Lare présente la généalogie d’Euclion comme marquée par l’hyperbole « À quoi bon vivre ? », ainsi que le champ lexical de la
le rapport à l’argent et l’avarice. C’est donc en lien avec cet acces- mort : « deuil », « larmes », « misère ».
soire qu’est fixée la première caractéristique du personnage. La Puis le comique joue sur le caractère avare et méfiant du per-
première action d’Euclion consiste à veiller sur cet or, qu’il va pas- sonnage qui se met à soupçonner les spectateurs, à les accuser
ser tout son temps à protéger de tentatives de vols fantasmées ou – « il y a pas mal de voleurs parmi vous » –, et rappelle sa condi-
réelles. La marmite est donc un ressort important de l’action. tion de ladre dans des définitions pleines de dérision : « j’étais mon
Elle est un objet dont on parle et même à qui l’on parle : « Mon banquier frauduleux, jamais je ne me payais ce que je devais ».
Dieu, ma chère marmite tu en as des ennemis / Toi et l’or que je t’ai Plaute joue aussi du comique de situation puisque le public
confié. / Maintenant le mieux que j’aie à faire est de t’emporter / auquel s’adresse Euclion sait où est la marmite.
Ma chère marmite au temple de la Bonne Foi » (p. 78). Ce dialogue
Euclion, un histrion
en fait un actant de la pièce, c’est même le seul personnage pour
lequel Euclion semble avoir de l’affection. Le mot « histrion » est d’origine étrusque, et désigne un des
Par ailleurs, la marmite joue un rôle dramatique car c’est acteurs, plus précisément des mimes, qui jouaient, accompagnés à
par elle que les deux actions se mêlent et que l’on parvient au la flûte, les ludi scaenici en Étrurie puis à Rome. En effet, si l’on prête
dénouement. En effet, lorsque l’esclave Strobile s’en empare, elle attention au travail de la traductrice Florence Dupont qui a ajouté
va ensuite servir de monnaie d’échange entre Lyconide et Euclion, des notes de mise en scène en rapport avec la civilisation romaine,
le premier espérant pouvoir épouser Phaedria et laver son viol par on constate que cette scène est dansée et chantée. Euclion offre
un mariage. donc un spectacle total puisqu’il ne se contente pas de jouer la
comédie. Par ailleurs, cette scène permet aussi d’exploiter le sens
moderne du mot « histrion » considéré comme « celui qui en fait
➔➔Écriture bilan trop, qui cherche à attirer vers lui toutes les attentions ». On a noté
le vocabulaire hyperbolique associé à ce personnage « Je suis fini,
Travail d’écriture donné en prolongement à la maison : les fichu, perdu », ainsi que les fréquentes exclamations qui en font
élèves pourront rédiger trois paragraphes argumentés pour un personnage qui semble « surjouer ». En plus du chant et de la
répondre au sujet suivant : « Quel est le rôle de l’objet au théâtre ? danse dont le texte ne rend pas compte, on note les indications de
N’est-il qu’un accessoire ? », deux de ces paragraphes seront illus- mouvement « où courir ? où ne pas courir ? », et les allées et venues
trés par une référence à La Marmite de Plaute, le troisième sera dans le public : « que dis-tu toi ? », puis : « pourquoi riez-vous ? ».
libre – autres pièces connues, lectures cursives de la séance, ou C’est surtout dans ces sollicitations du public qu’Euclion mérite la
soutien du manuel. dénomination de « histrion ».
➔➔Travail préparatoire
Dans un dictionnaire des œuvres, lisez les notices consacrées
à cinq comédies classiques et montrez que chacune d’elles repose
sur le schéma du mariage contrarié. Montrez que ce schéma est
toujours à l’œuvre dans deux comédies du xviiie siècle.
➔➔Éléments de réponse Autour de ces unions arrangées vont se nouer des conflits entre
les générations : on relève les oppositions entre les affirmations
Le mariage, reflet des mœurs romaines du père et celles de la fille « cela sera », « cela ne sera pas », « je ne
La conception du mariage qui est développée dans la pièce l’épouserai point », auquel répond « vous l’épouserez dès ce soir ».
Cette dichotomie n’est pas présente dans la comédie latine où il
trouve un écho dans la société romaine qui assiste au spectacle.
n’y a pas d’opposition mariage d’intérêt/mariage d’amour. De la
La proposition que fait Mégadore à son voisin est scandaleuse
même façon, le mariage est à l’origine de l’intrigue au xviiie siècle
puisque cela revient à priver Phaedria de son honneur en faisant
puisque cet extrait ouvre la pièce de Marivaux Le Jeu de l’amour et
d’elle l’objet de son mari. Ce pacte honteux est de nature à faire
du hasard. On observe également la tension entre les intérêts de
réagir fortement le public tant il le jugera inacceptable. Dans
la famille et le sentiment. Cependant, on voit que le mariage est
la scène 7, Mégadore se livre ensuite à une satire des règles du
aussi l’occasion d’une réflexion sur le sentiment, l’identité et même
mariage de l’époque, ses propos misogynes sont là pour faire sou-
la situation de la femme. Les nombreuses questions montrent
rire les spectateurs des mœurs de leur époque.
l’insatisfaction de Sylvia face à ce mariage qu’on lui impose, le
Le mariage, mobile de l’action vocabulaire de l’apparence – « contrefont », « paraissaient »,
« a l’air », « ment » – manifeste sa méfiance vis-à-vis des conven-
Par ailleurs, le thème du mariage permet d’installer dans la tions sociales. Enfin, les oppositions « douce », « prévenante » /
pièce un lien entre les personnages. Mégadore et Euclion signent « sombre », « brutal » montrent que le questionnement sur le mari
un pacte autour de ce mariage sans dot. Auparavant, Mégadore est lui suggère d’autres questions sur l’identité dans une société où les
poursuivi par sa sœur sur ce thème car elle se préoccupe de la ques- époux ne se choisissent pas. Marivaux donne la parole à la jeune
tion de la filiation dans leur famille. Enfin, le mariage permettrait au fille qui analyse ses sentiments alors que la jeune Phaedria n’exis-
jeune Lyconide de réparer le viol dont il s’est rendu coupable, et à tait que comme un objet d’échange, et ne s’exprimait pas.
Phaedria de trouver un père pour son enfant. Le mariage mobilise
donc de nombreux personnages dans cette pièce.
➔➔Éléments de réponse menace d’« assommer », chasse La Flèche, et ces actions peuvent
donner lieu à un jeu expressif de la part des comédiens.
Molière imite Plaute La scène de la fouille crée un comique de mots et de gestes.
La lecture des trois scènes montre une grande proximité Elle se fonde sur un interrogatoire sous la forme de stichomy-
entre elles. Molière se conforme à l’idéal classique et « imite » les thies. Harpagon obsédé par le vol évoque une troisième et une
anciens. On note qu’il a puisé dans deux scènes très éloignées quatrième mains et La Flèche entre dans son jeu en disant : « Les
de La Marmite pour écrire la scène 3 de l’acte I. Ainsi, les paroles voilà. »
et le jeu de deux personnages de valets – la servante d’Euclion Qu’appelle-t-on un personnage type au théâtre ?
Staphyla, et le valet de Lyconide Strobile – sont attribués au valet
de Cléante, La Flèche, qui gagne ainsi en importance. Molière s’est Harpagon se définit dans son rapport à l’argent. Sa parole
soucié de tirer profit des procédés comiques qu’il copie de façon se préoccupe de son bien : « profit », « je possède », « voleur »,
littérale – « la troisième main » – dont il reprend les idées : volonté « voler ». Ses propos traduisent sa hantise de se voir dérober son
d’Harpagon d’éloigner le valet de son trésor tout en veillant à ce bien. Son action est également tout entière tendue par la protec-
qu’il n’ait rien pris – et dont il imite le caractère – avarice, paranoïa tion de son argent : il fouille, il interroge. La confrontation avec la
et agressivité d’Harpagon. scène 4 corrobore cette perception du personnage puisqu’on voit
que le double mariage qu’il envisage pour ses enfants est motivé
Le comique dans la comédie classique par des raisons d’épargne : sa fille doit se marier avec un riche
Il s’agit d’un comique qui repose principalement sur le carac- vieillard prêt à l’épouser sans dot – ce qui va devenir une sorte de
tère d’Harpagon. La Flèche dit qu’il a « le diable au corps », expres- « slogan » dans la bouche d’Harpagon – et son fils est aussi promis
sion qui témoigne bien de l’obsession d’Harpagon. Le comique à une riche veuve. Cette monomanie résume l’existence du per-
naît de ses réactions disproportionnées : il ne sait qu’ordonner de sonnage, et a des conséquences sur la cellule familiale et sur son
façon violente « hors d’ici, détale », il a recours à l’insulte – « filou », rapport à autrui en général.
« gibier de potence », « pendard » –, sa parole est hyperbolique. Il Molière a modifié le personnage d’Euclion de Plaute, car ce
va jusqu’à établir une équivalence entre le regard et le vol à travers dernier n’est avare que « par hasard », parce qu’il a trouvé la mar-
les métaphores « assiéger » et « dévorer », ce qui montre que toute mite, qu’il va s’ingénier à protéger. Il fait d’Harpagon un person-
présence est vécue par lui comme une menace. nage très riche, qui consacre sa vie à l’usure, au prêt. Il ne s’agit
Les gestes créent également du comique. Deux mouvements pas d’une amplification du personnage, car Euclion a aussi une
contradictoires rendent cette scène dynamique : Harpagon chasse parole et des gestes exagérément tournés vers son bien, mais d’un
La Flèche qui refuse de sortir pour ne pas désobéir à son maître approfondissement : l’avarice est sa vérité profonde. La comédie
Cléante, puis Harpagon empêche La Flèche de sortir pour pou- ne cherche plus seulement à divertir et entend éduquer le specta-
voir le fouiller. Les gestes sont aussi comiques puisque Harpagon teur en lui présentant certains défauts de son époque pour qu’il y
réfléchisse : c’est la naissance de la comédie de mœurs.
Propositions pour
Séance 8 ➔➔Exposés des élèves pour faire
l’exploitation d’une lecture cursive : apparaître l’évolution du genre
Le Médecin volant de Molière – Les comédies de Ménandre.
– La farce au Moyen Âge (référence possible : La Farce de maître
Support : Molière, Le Médecin volant. Pathelin).
Objectifs : – La commedia dell’arte.
– Comprendre la place de la farce dans l’évolution du genre – Étude d’un document iconographique : « Farceurs français et
comique. italiens du Théâtre-Royal » (1670).
– Réactiver les connaissances sur la comédie latine et les
mettre en perspective.
Durée : 1 heure. ➔➔Le Médecin volant :
Molière héritier de Plaute
La pièce de Molière aura été lue dans son intégralité. La ques-
tion de lecture proposée est : comment classeriez-vous cette On reprendra les réponses des élèves au travail préparatoire
œuvre dans la généalogie du genre qui conduit de Plaute à la pour en faire la synthèse.
comédie de Molière ? S’agit-il d’une farce ou d’une comédie ?
corpus
séance 1
Enfin, la comédie romaine est un spectacle rituel qui s’insère de la troupe. La comédie doit être un spectacle consensuel,
dans un des rituels religieux principaux de la civilisation tout Rome est là, et ce consensus est obtenu par le rire, qui
romaine : les jeux. Les dieux sont spectateurs au théâtre, lui aussi est rituel. C’est pourquoi tous les personnages sont
aux côtés des hommes, ce qui rend indispensable le succès potentiellement ridicules.
d’une performance. Il faudra, sinon, recommencer jusqu’à Florence Dupont, « Redécouvrir Plaute et la comédie romaine »,
satisfaire les dieux. D’où l’importance des applaudissements in Plaute, La Marmite, Actes Sud, coll. « Babel », 2001.
à la fin de la pièce, qui sanctionnent la réussite du poète et
séance 2
• Texte 1 comme la loi t’y oblige. J’avoue avoir violé ta fille pendant les
Quand j’aurai mangé, par où pourra bien passer à l’avenir fêtes nocturnes de Cérès, sous l’effet de l’ivresse. C’est une
la fiente ? […] qui pourrait donc me quérir un médecin, et erreur de jeunesse.
lequel ? Lequel parmi les spécialistes du fondement connaît à Plaute, La Marmite, Actes Sud, coll. « Babel », 2001, p. 105.
fond son métier ? […] Qu’on appelle donc Antisthènes coûte
que coûte ; il a assez gémi pour savoir ce que veut un homme • Texte 3
qui a envie de chier. On découvre soudain chez Plaute un théâtre exhibition-
Aristophane, L’Assemblée des femmes, niste, brutal, impudique, totalement incorrect […] ici tout
trad. par Marc-Jean Alfonsi, Flammarion, GF, 1966. est donné à voir et à entendre, les propos les moins délicats,
les désirs les plus inavouables, les pensées les plus secrètes
• Texte 2 et les plus noires.
Si dans un moment d’égarement j’ai mal agi à ton égard ou à
Brigitte Jaques-Wajeman, « Décharge publique »,
l’égard de ta fille pardonne-moi, et donne-la-moi en mariage in Plaute, La Marmite, Actes Sud, coll. « Babel », 2001.
séance 6
• Texte 1 • Texte 2
Élise Silvia
Au seigneur Anselme ? Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent
affaire à l’homme raisonnable, qu’à l’aimable homme : en
Harpagon
un mot, je ne lui demande qu’un bon caractère, et cela est
Oui, un homme mûr, prudent et sage, qui n’a pas plus de
plus difficile à trouver qu’on ne pense ; on loue beaucoup le
cinquante ans, et dont on vante les grands biens.
sien, mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne
Élise se contrefont-ils pas ? Surtout quand ils ont de l’esprit, n’en
(Elle fait une révérence.) Je ne veux point me marier, mon ai-je pas vu moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meil-
père, s’il vous plaît. leures gens du monde ? C’est la douceur, la raison, l’enjoue-
ment même, il n’y a pas jusqu’à leur physionomie qui ne
Harpagon soit garante de toutes les bonnes qualités qu’on leur trouve.
(Il contrefait la révérence.) Et moi, ma petite fille ma mie, je Monsieur un tel a l’air d’un galant homme, d’un homme bien
veux que vous vous mariiez, s’il vous plaît. raisonnable, disait-on tous les jours d’Ergaste : aussi l’est-il,
Élise répondait-on, je l’ai répondu moi-même, sa physionomie ne
Je vous demande pardon, mon père. vous ment pas d’un mot ; oui, fiez-vous-y à cette physiono-
mie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d’heure
Harpagon après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche
Je vous demande pardon, ma fille. qui devient l’effroi de toute une maison. Ergaste s’est marié,
Élise sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent
Je suis très humble servante au seigneur Anselme ; mais avec encore que ce visage-là, pendant qu’il promène partout ail-
votre permission, je ne l’épouserai point. leurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et
qui n’est qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui.
Harpagon
Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, Acte I, scène 1.
Je suis votre très humble valet ; mais, avec votre permission,
vous l’épouserez dès ce soir.
Élise
Dès ce soir ?
Harpagon
Dès ce soir.
Élise
Cela ne sera pas, mon père.
Harpagon
Cela sera, ma fille.
Élise
Non.
Molière, L’Avare, Acte I, scène 4.
séance 9
• Texte 1 maîtres nageurs attachent à un flotteur d’osier les enfants
Strobile, seul qui apprennent à nager pour qu’ils ne se fatiguent pas et
Bien tenir son rôle d’esclave, comme je le fais, consiste à nagent plus facilement en remuant seulement les bras. L’es-
exécuter les ordres du patron sans traînasser ni regimber clave est comme le flotteur en osier de son maître amoureux,
car l’esclave qui désire être pour Monsieur le serviteur idéal il le maintient à la surface et lui évite de sombrer comme
doit mordre d’abord pour son maître et il mordra pour lui une pierre. Que l’esclave apprenne à déchiffrer la volonté du
après. S’il dort, qu’il dorme en rêvant qu’il est esclave. Appli- maître, qu’au premier coup d’œil il interprète un froncement
cation : si, comme c’est mon cas, un esclave sert un maître de sourcils. Les désirs de Monsieur sont des ordres. Hop ! à
amoureux et s’il voit son maître fou d’amour, à mon avis, cheval et Monsieur sera bien servi plus vite que le vent.
son devoir d’esclave est de le ramener au bon sens et non
Plaute, La Marmite, scène 8 © Actes Sud, coll. « Babel », 2001.
pas de le caresser dans le sens du poil. Je m’explique : les
séance 9
• Texte 2 dire la vérité, il y en avait trop peu pour asseoir un bon juge-
Sabine, Gorgibus, Sganarelle ment, qu’on la fasse encore pisser.
Sabine Sabine
Je vous trouve à propos, mon oncle, pour vous apprendre J’ai bien eu de la peine à la faire pisser.
une bonne nouvelle. Je vous amène le plus habile médecin du
Sganarelle
monde, un homme qui vient des pays étrangers, qui sait les
Que cela ? voilà bien de quoi ! Faites-la pisser copieusement,
plus beaux secrets, et qui sans doute guérira ma cousine. On
copieusement. Si tous les malades pissent de la sorte, je veux
me l’a indiqué par bonheur, et je vous l’amène. Il est si savant
être médecin toute ma vie.
que je voudrais de bon cœur être malade, afin qu’il me guérît.
Molière, Le Médecin volant, scène 4.
Gorgibus
Où est-il donc ? • Texte 3
Sabine Scapin, Silvestre, Octave
Le voilà qui me suit ; tenez, le voilà. Scapin
Gorgibus Qu’est-ce, seigneur Octave, qu’avez-vous ? Qu’y a-t-il ? Quel
Très-humble serviteur à Monsieur le médecin ! Je vous en- désordre est-ce là ? Je vous vois tout troublé.
voie quérir pour voir ma fille, qui est malade ; je mets toute Octave
mon espérance en vous. Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu, je suis désespéré, je
Sganarelle suis le plus infortuné de tous les hommes.
Hippocrate dit, et Galien par vives raisons persuade qu’une Scapin
personne ne se porte pas bien quand elle est malade. Vous Comment ?
avez raison de mettre votre espérance en moi ; car je suis le Octave
plus grand, le plus habile, le plus docte médecin qui soit dans N’as-tu rien appris de ce qui me regarde ?
la faculté végétale, sensitive et minérale.
Scapin
Gorgibus Non.
J’en suis fort ravi. Scapin
Sganarelle Non.
Ne vous imaginez pas que je sois un médecin ordinaire, un Octave
médecin du commun. Tous les autres médecins ne sont, à Mon père arrive avec le seigneur Géronte, et ils me veulent
mon égard, que des avortons de médecine. J’ai des talents marier.
particuliers, j’ai des secrets. Salamalec, salamalec. « Rodrigue,
as-tu du cœur ? » Signor, si ; segnor, non. Per omnia saecula Scapin
saeculorum. Mais encore voyons un peu. Hé bien ! qu’y a-t-il là de si funeste ?
Sabine Octave
Hé ! ce n’est pas lui qui est malade, c’est sa fille. Hélas ! tu ne sais pas la cause de mon inquiétude.
Scapin
Sganarelle Non ; mais il ne tiendra qu’à vous que je la sache bientôt ; et
Il n’importe, le sang du père et de la fille ne sont qu’une je suis homme consolatif, homme à m’intéresser aux affaires
même chose ; et par l’altération de celui du père, je puis des jeunes gens.
connaître la maladie de la fille. Monsieur Gorgibus, y aurait-
il moyen de voir de l’urine de l’égrotante ? Octave
Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger
Gorgibus quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, je
Oui-da ; Sabine, vite allez quérir de l’urine de ma fille. Mon- croirais t’être redevable de plus que de la vie.
sieur le médecin, j’ai grand’peur qu’elle ne meure.
Scapin
Sganarelle À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient im-
Ah ! qu’elle s’en garde bien ! il ne faut pas qu’elle s’amuse possibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du
à se laisser mourir sans l’ordonnance du médecin. Voilà de Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces
l’urine qui marque grande chaleur, grande inflammation gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le
dans les intestins, elle n’est pas tant mauvaise pourtant. vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire,
Gorgibus sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile
Hé quoi ? Monsieur, vous l’avalez ? ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire
que moi dans ce noble métier mais, ma foi ! le mérite est trop
Sganarelle maltraité aujourd’hui, et j’ai renoncé à toutes choses depuis
Ne vous étonnez pas de cela ; les médecins, d’ordinaire, se certain chagrin d’une affaire qui m’arriva. (…)
contentent de la regarder ; mais moi, qui suis un médecin
Molière, Les Fourberies de Scapin, Acte 1, scène 2.
hors du commun, je l’avale, parce qu’avec le goût je discerne
bien mieux la cause et les suites de la maladie. Mais, à vous