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38 Ibid, p.134.
39Jean Libis, op. cil., p.68
40 Frédéric Monneyron, op. cil., p.17.
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traces d'androgynie puisqu'il procrée seul. Le récit mythologique égyptien avance ainsi
dans la chaîne de la conception, marquant deux phases dans le processus gestatoire du
monde. Celle des premiers dieux informes, en l'occurrence Noun et Ptah, inscrite dans
une période de désordre et de chaos de l'univers. Mais lorsque le chaos s'ordonne et
s'organise, les dieux se personnifient soit en homme, Atoun, soit en femme, Neith qui
« créent encore à partir d'eux-mêmes, sans partenaire, d'autres dieux et les hornmes 41 ».
On voit ici naître des entités intermédiaires à la limite du divin et de l'humain, pourvues
de pouvoirs démiurgiques qui semblent découler de leurs caractères androgynes. Aussi le
titre de Père des pères et Mère des mères était-il attribué à Ptah mais aussi à Neith,
Khnoun, Amoun et Atoun, que les Égyptiens reconnaissaient comme androgynes. Mircea
Eliade cite une incantation qui leur est dédiée pendant les cérémonies rituelles attestant de
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cet état de fait: «Mâle comme l'eau, Femme comme le sol arable ». On trouve la même
conception d'un démiurge androgyne dans la mythologie perse. M. Eliade rapporte le récit
de Zervan, «un des dieux iraniens primordiaux, le dieu du temps illimité »43. Son
androgynie se reflète par ailleurs dans la gémellité de ses deux fils, Orzud et Ahriman.
Mais c'est la mythologie grecque qui foisonne de dieux androgynes. Hermaphrodite
est incontestablement le plus illustratif, même si son apparition est tardive. li survivra à la
chute de la civilisation grecque pour réapparaître sous une autre forme androgyne dans
Les métamorphoses d'Ovide. Évoquant ce mythe, Marie Delcourt n'en estime pas moins
qu' «Hermaphrodite est un exemple privilégié de mythe pur, né de la pensée de l'homme
cherchant à tâtons sa place dans le monde et projetant la représentation la plus capable à la
fois de rendre compte de ses origines et de symboliser quelques-unes de ses
. . 44
aSpIratlûns ».
Hermaphrodite tire son nom d' Hermès et d'Aphrodite, dont il est le descendant. li
présente un visage à la double apparence masculine et féminine. Mais le mythe ne se
limite pas à cet aspect extérieur du corps pour appuyer la double identité sexuelle du
personnage. Il raconte en fait le récit d'une genèse androgyne qui commence sur un
fond de dépit amoureux. C'est au bord d'un lac, à la faveur d'une rencontre au départ
fortuite avec la nymphe Salmacis que va se jouer le destin d'Hermaphrodite. Éblouie
par sa beauté, la naïade lui fait des avances, l'invitant à partager sa couche. Après avoir
essuyé un refus du jeune dieu qui s'éloigne vers l'étang, elle se dissimule derrière un
buisson pour le regarder se dénuder et se jeter dans le lac. Enflammée par le désir, ne
pouvant retenir ses transports, elle s'élance dans l'eau après s'être dévêtue et finit par
l'envelopper de tout son corps dans une puissante étreinte en s'adressant ainsi aux
dieux: « 0 dieux, ordonnez que jamais cet enfant ne puisse se détacher de moi, ni moi
de lui 45 ». Le vœu de la nymphe finit par être exaucé car « leurs corps à tous deux sont
mêlés dans une intime union et n'ont plus à deux qu'un aspect unique [... ] ce ne sont
plus deux êtres, et pourtant il participe d'une double nature; et sans que l'on puisse dire
que c'est une femme ni un enfant, l'aspect n'est celui ni de l'un ni de l'autre, en même
temps qu'il est celui des deux 46 ».
S'il est le dieu androgyne par excellence, Hermaphrodite est cependant loin
d'être le seul à présenter des caractères bisexués. Héra engendrera seule Hephaïstos et
Typhée. Quant à Dyonisos, « son image est attestée par les peintures de vases et plus
tard par les sculptures de l'époque hellénistique comme celle d'un dieu double
bisexué 47 ». Le nombre des divinités bisexuelles est considérable. On les
rencontre « aussi bien dans les religions complexes et évoluées - par exemple chez les
anciens Germains, dans le Proche-Orient antique, en Iran, dans l'Inde etc. - que chez
les peuples de cultures archaïques, en Afrique, en Amérique, en Mélanésie, en Australie
et en Polynésie 48 ». L'auteur d'Images et Symboles estime de ce fait que « l'androgyne
49 Ibid., p. 216.
50 Carl Gustav Jung, L'âme et la vie, Paris, Éditions Suchet/Chastel, 1980, p.63.
5IC.G. Jung, op. cil., p.63.
52 Ibid.
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53/bid., p. 77.
54Jean Libis, op, cil., p.16.
55Gilbert Durand, L'imagination symbolique, Paris, Presses Universitaires de France, 1968, p.2ü
56Mircea Eliade, Le sacré et le profane, op. cil., p.58.