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Euripide écrit Médée, l’histoire d’une femme délaissé par son époux pour la fille d’un roi, Créon,

qui condamnera Médée et


ses fils à l’exil. Pour se venger, elle enverra ses enfants porter des cadeaux empoisonnés à la nouvelle femme de Jason, causant sa
mort. Elle finira par tuer ses fils, pour achever de broyer le cœur de Jason. L’extrait est constitué des vers 1002 à 1080, c’est-à-dire de
la scène XVII de la pièce. C’est une tirade de Médée, répondant à la seule réplique du Gouverneur, qui vient de lui annoncer que ses
enfants étaient graciés de l’exil. La duplicité de ce passage se fait dans le personnage de Médée, tiraillée entre son envie de
vengeance incontrôlée et sa tendresse à l’égard des derniers moments passés avec ses fils.
En quoi Médée est-elle une héroïne tragique ?
Dans un premier temps, nous traiterons le départ du gouverneur et la réaction d’une mère face à un destin tragique privé de ses
enfants (v.1024-1049). Ensuite, l’héroïne sera en proie à un renversement de sentiments, contrôlée dorénavant par l’unique désir de
vengeance.

La première phrase du gouverneur fait référence à Jason, pour rappeler à Médée que lui aussi s’apprêtait à perdre ses
enfants, et qu’elle doit maintenant accepter de les perdre elle-aussi, à cause « d’un coup du sort ». Cette expression est d’ailleurs
sémantiquement liée à un destin inévitable, qu’on peut dire tragique. Effectivement, Médée a conscience qu’elle ne peut éviter son
destin. Elle commence son discours avec une concession qui traduit une certaine forme d’abandon « Ainsi ferai-je. ».
Ensuite, son désespoir maternel est marqué par des apostrophes exclamatives et la répétition de « mes enfants ». Elle les
désigne avec un « vous » juxtaposé qui semble faire opposition au « et moi » (v,1025). Cela marque l’exclusion de Médée, par
rapport au reste de sa famille. Dans ce paragraphe, nous sommes face à un réseau sémantique exprimant le tragique de la situation, à
l’aide de diverses expressions traduisant douleur, malheur, et déchirement de la part de l’héroïne : « m’abandonnant à mon
malheur...étrangère...en exil...pauvre malheureuse...déchirée de douleurs...cruelles épreuves...redoubler mon propre malheur...adieu ».
Médée énumère les étapes importantes de la présence d’une mère, pour accentuer son caractère pathétique.
Au vers 1029, un parallélisme anaphorique met en avant « en vain », c’est à dire une vocation à l’échec et à la perte. Dans
le texte, c’est l’éducation de ses enfants qu’elle a réalisé en vain, mais si l’on revient à son histoire, elle a tout sacrifié en vain. Pour
rappel, Médée a trahi son père et tué son frère pour Jason. La tragédie de ce passage se tient donc sur le fait que Médée a fait
beaucoup de sacrifice, a beaucoup donné, pour rien.
Les apostrophes lyriques continuent jusqu’à la fin du paragraphe. On retrouve des « Ah ! », des exclamations et des
interrogations. Cette retranscription expressive de ses émotions ajoute de l’intensité dans son discours, autant pour un lecteur qu’un
spectateur. De plus, lorsqu’elle les désignent par ses « petits » et « desseins » en utilisant des déterminants possessifs, on comprend
qu’elle se rattache à eux le plus possible, elle les a enfanté, et elle ne n’accepte pas qu’on puisse les lui retirer. L’amour maternel est à
son paroxysme, rendant Médée proche du public.
Cependant, c’est à la fin de ce passage que des idées plus sombres commencent à émerger de son esprit de mère brisée.
Dans la phrase interrogative au vers 1032, elle se demande si elle serait prête à souffrir plus elle-même pour faire souffrir Jason.
C’est en réalité l’apparition de l’idée de vengeance cruelle que Médée est en train de concevoir, c’est-à-dire l’idée d’ôter la vie à ses
enfants, afin que Jason ne puisse pas les avoir auprès de lui non plus.

Médée semble désormais en proie à des sentiments non pas basés sur l’amour maternel et la tristesse, mais sur le désir
incontrôlé de représailles. Cette seconde partie début avec deux phrases interrogatives et des phrases exclamatives. Elle se
questionne. Elle est tout à coup soumise à des sentiments qu’elle ne connaît pas, ou qu’en tout cas elle ne contrôle pas. Après avoir
été bouleversée par la séparation avec ses enfants, elle est bouleversée car ne veut pas laisser « ses adversaires impunis ». Au vers
1051, lorsqu’elle cite sa « lâcheté », elle confie être tiraillé entre assouvir sa vengeance ou ne pas en avoir la force. Elle se veut
héroïne, mais se désole ne ne pas en avoir la force. Les phrases affirmatives « Il faut oser. » et « Ma main ne faiblira pas » contrastent
avec les phrases interrogatives. Médée alterne entre douter et être sûre d’elle-même. C’est ce qui fait la complexité de son
personnage.
Le paragraphe du vers 1056 à 1058 est une lutte envers elle-même. Nous sommes face à une juxtaposition de négations, où
elle s’adresse à son propre cœur, c’est-à-dire à elle-même « Laisse-les, malheureux ! ». Elle tente de résister à ses démons (utilisation
répétée du « Non », démons qui se résument, à ce moment précis, à son dessein de meurtre envers ses propres enfants. La phrase
affirmative « Même s’ils vivent loin de nous, ils seront ta joie. » est un retour sur le droit chemin, elle retrouve la raison. On pourrait
dire que la mère lutte contre la femme.
Cependant, la femme vengeance s’empresse de reprendre de l’importance juste après. Et cette vengeance est également un
acte tragique. Médée le dit : « l’acte est inévitable. ». Son but est de faire souffrir encore plus Jason et sa nouvelle famille qu’elle
souffre déjà. Elle est donc prête et décidé de dire adieu à ses enfants. Des au-revoirs d’ailleurs placés sous le signe de l’amour
maternel, avec des apostrophes expressives et tout un réseau sémantique lié à la tendresse « douce étreinte, tendre peau, suave haleine
de mes enfants ». Médée semblent vouloir mémoriser cette étreinte, car elle sait très bien ce qu’elle va accomplir. La répétition de
l’impératif « Partez, partez ! » indique que Médée les fait vite partir ca c’est un moment dure pour elle. Nous voilà tiraillés face à son
personnage, devrions-nous ressentir de la pitié ou du dégoût pour cette femme pleine de haine ? Telle est la complexité de ce
personnage tragique, qui elle-même ne se voit plus lutter à « ses maux » (v.1077/1078).
Les deux derniers vers agissent en sorte de moralité. Médée utilise dorénavant du présent de vérité générale « l’emporte…
cause ». Cette conclusion peut facilement être considérée comme une fin tragique ; Médée, après tous les débats et questions qu’elle
a affronté dans son propre esprit, succombe à la passion, et accepte son destin.

Conclusion : héroine tragique : tiraillement d’une mère entre son amour pour ses enfants et son envie de renvoyer le mal qu’on lui a
fait subir.
Ressenti du lecteur : pitié
→ destin, place importante dans ce passage, =>> dimension tragique

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