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Chômage : théories explicatives et politiques de l’emploi

I- Les théories explicatives du chômage : les causes du chômage

1.1- La théorie classique ou libérale : le chômage « volontaire »

La théorie néo-classique part de l’analyse du marché du travail

1. offre de travail : arbitrage travail-loisir. Chaque individu doit


déterminer la façon dont il partage son temps entre travail et loisir. Le
travail est une source de revenu mais aussi de pénibilité (« désutilité »), la
pénibilité marginale augmentant avec le nombre d’heures travaillées. Le
loisir à l’inverse ne rapporte aucun revenu mais procure du plaisir ou de
l’utilité, l’utilité marginale du loisir étant décroissante. L’équilibre di
consommateur est atteint quand le taux marginal de substitution (TMS) est
égal au prix relatif du loisir par rapport au travail. Le point d’équilibre
dépend donc des préférences du consommateur (l’utilité que procure une
heure de loisir variant selon les individus) et du coût du loisir, çàd du salaire
horaire. Se reposer une heure a en effet un coût, celui du manque à gagner si
l’individu avait chois de travailler plutôt que de consommer du loisir. Plus le
salaire est élevé, plus ne rien faire est donc coûteux. Quand le salaire
augmente, deux effets se combinent :

 l’effet de substitution : le coût du loisir devient plus élevé : le consommateur en


consommera donc moins, et travaillera plus

 l’effet-revenu : pour obtenir le même revenu, le consommateur peut travailler moins.

On voit que les deux effets évoluent en sens inverse. Les néo-classiques font l’hypothèse que
l’effet-substitution l’emporte sur l’effet-revenu, d’où une courbe d’offre de travail
croissante quand le salaire horaire augmente. En d’autres termes, plus le salaire horaire
est élevé, plus les gens veulent travailler. La population active (celle qui travaille et celle
qui veut travailler) dépend donc du niveau du salaire d’équilibre. A 10 euros de l’heure
(le Smic en France), ils sont 30 millions à vouloir travailler en France. Mais si le salaire
minimum était de 5 euros de l’heure, on peut penser que la population active, donc l’offre de
travail se réduirait à 28 ou 27 millions, deux à trois millions de personnes refusant de travailler
pour un si faible salaire et préférant reprendre des études, garder les enfants au foyer ou
prendre leur retraite. Inversement, un salaire minimum à 12 ou 15 euros créerait un appel
d’air : un ou deux millions d’inactifs renonceraient à l’inactivité pour proposer l’offre de
travail. Il n’y a donc pas en France 30 millions de personnes qui veulent travailler coûte que
coûte, à tout prix, quel que soit le salaire : il y a en France 30 millions de personnes qui
veulent travailler à au moins 10 euros de l’heure. Comme on l’a vu pour le pétrole ou les
ressources naturelles, on raisonne en économiste quand on relit l’offre au prix. Il n’y a pas
une offre (de pétrole ou de travail) qui existe indépendamment du prix : l’offre est
toujours liée au prix. Ici, plus spécifiquement, le volume de la population active dépend
donc du prix du travail, le salaire.

2. demande de travail : elle émane des entreprises. Les entreprises


arbitrent entre capital et travail, en fonction notamment du coût relatif des

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deux facteurs de production. Toutes choses égales par ailleurs, la
demande de travail est d’autant plus forte que le salaire est faible : dans
ce cas l’entreprise substitue du travail au capital. La courbe de demande de
travail est donc décroissante du niveau des salaires. Par exemple, le salaire
minimum relativement élevé en France (smic = 66% du salaire médian)
explique la mécanisation des postes à faible productivité, comme celui des
caissières, des pompistes, des veilleurs de nuit dans les hôtel, des emplois
dans les péages d’autoroute, des concierges dans les immeubles… A
l’inverse, aux EU, la faiblesse du salaire minimum (7,50 USD) fait que ces
emplois sont plus nombreux, car l’intérêt de les mécaniser est faible. On
estime en France qu’un Smic à 7 euros de l’heure créerait un ou deux
millions d’emplois (dans l’hôtellerie, la restauration, les supermarchés…)
L’entreprise embauche en fait tant que la productivité marginale du
travail est supérieure au salaire, ce qui lui permet de réaliser des
bénéfices : à l’équilibre, l’entreprise arrête d’embaucher quand le salaire est
égal à la productivité marginale du travail. En d’autres termes, avec un
Smic à 10 euros, seuls les travailleurs dont la productivité dépasse les 10
euros de l’heure sont embauchés ; ceux dont la productivité est de 8 ou ç
euros se retrouvent au chômage. Le salaire minimum crée donc du
chômage chez ceux dont la productivité est inférieure au niveau du
Smic.

3. équilibre sur le marché : il est atteint au point de rencontre de l’offre et


de la demande de travail. Si les facteurs de production sont mobiles et si le
salaire est flexible (à la hausse et à la baisse), le marché converge vers cet
équilibre.

4. causes du chômage : dès lors, s’il y a chômage, il ne peut être que


« volontaire » : des individus choisissent de ne pas travailler compte tenu
du salaire d’équilibre en vigueur, pas assez élevé pour eux. Certains
choisiront de reprendre des études ou de rester au foyer élever les enfants. Il

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ne s’agit pas alors d’un problème économique, puisque le marché est à
l’équilibre, mais de choix individuels.

Ce n’est que si l’Etat intervient pour fixer par exemple un salaire


minimum au-delà du salaire d’équilibre, qu’il y a déséquilibre du
marché : à ce salaire plus élevé, il y a plus d’offre de travail (des étudiants
ou des mères au foyer reviennent sur le marché du travail) tandis que la
demande diminue, les entreprises substituant du capital au travail. Le
chômage est donc lié à l’interventionnisme de l’Etat, qui peut prendre
différentes formes :

 création d’un salaire minimum : le chômage de masse est apparu en France quand
on est passé du Smic au Smig, le salaire minimum augmentant plus rapidement que la
productivité des travailleurs peu qualifiés.

 charges sociales : les salariés déterminent leur offre du travail en fonction du salaire
net (plus faible que le brut), d’où une offre réduite, alors que les entreprises raisonnent à
partir du coût total pour l’employeur (salaire net+ charges sociales, plus élevé que le brut)),
d’où une demande réduite
 les allocations-chômage : elles diminuent le coût du loisir (ou la rentabilité nette du
travail), et accroissent ainsi le niveau de chômage
 les rigidités du contrat de travail : en rendant les licenciements plus difficiles, le
droit du travail rend également l’embauche plus difficile, les entreprises hésitant à
embaucher du personnel dont elle ne pourra pas se séparer en cas de baisse du carnet de
commandes.

5. Remèdes : pour les néo-classiques, le chômage est donc


essentiellement un problème de coût trop élevé du travail et de marché
du travail trop rigide. Il faut donc que le salaire puisse s’ajuster à la
baisse : cela implique de supprimer le SMIC, ainsi que les allocations-
chômage, ou de réduire le rôle des syndicats. Des articles fameux de
Jacques Rueff ont en effet montré la corrélation étroite entre hausse des
salaires et chômage : quand le salaire augmente plus vite que la
productivité du travail, le chômage apparaît. Ainsi, pour les libéraux, ce
n’est pas un hasard si le chômage apparaît en 1968 : c’est l’époque où le
SMIG est remplacé par le SMIC (hausse de 25% et indexation sur les gains
salariaux de l’ouvrier qualifié), qui progressera rapidement au cours des
années 1970. De même, la forte augmentation à partir de 1975 peut
s’expliquer par la mise en place d’une allocation-chômage généreuse, égale
à 90% de l’ancien salaire. Le chômage a aussi pour cause la rigidité des
contrats : il faut donc assouplir le droit au licenciement et diminuer le coût
des plans sociaux prévus par la loi. Si l’Etat n’intervenait pas, le taux de
chômage « naturel » correspondrait au chômage frictionnel, qui
correspond au temps que met un salarié pour passer d’un emploi à
l’autre. On estime traditionnellement ce taux de chômage naturel à 5%, qui
correspond donc au plein emploi dans nos économies développées.
6. Dilemme chômage-travailleur pauvres : pour les libéraux,
supprimer le chômage est donc simple : il suffit de supprimer le droit du
travail. Bien sûr, apparaîtraient alors des travailleurs pauvres (working
pauvres), càd des travailleurs rémunérés à 5 ou 6 euros de l’heure, pouvant

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difficilement se loger par exemple. C’est d’ailleurs pour éviter cela que le
salaire minimum a été créé. Mais pour les libéraux, créé un salaire minimum
n’est pas la solution : il permettra certes à ceux dont la productivité est assez
forte de trouver du travail mais créera du chômage chez ceux dont la
productivité est inférieure au salaire minimum.

D’un point de vue libéral, le problème du chômage et celui des bas salaires
sont disjoints. On ne peut décréter par la loi le niveau des salaires : un
salaire fixé au dessus du niveau d’équilibre, donc au dessus de la
productivité de certains travailleurs, ne créera que du chômage. Les salaires
n’ont pas augmenté au XXème siècle par la loi, mais bien parce que la
productivité des salariés avait augmenté, à mesure que le capital/tête
augmentait. Si on veut augmenter le salaire des travailleurs pauvres, il faut
le faire par des politiques qui augmentent leur productivité. Cela implique
donc d’augmenter le capital physique à leur disposition (un ouvrier
travaillant sur des machines sera plus productivité qu’un autre, et donc
mieux payé) ou d’accroître leur capital humain (formation). En d’autres
termes, pour réduire le stock de travailleurs pauvres, il faut mener des
politiques favorables à l’accumulation du capital productif, donc à
l’épargne : ce faisant, on arriverait à augmenter les salaires de tous de 3 à
5% par an, comme pendant les Trente glorieuses. Si l’augmentation du
capital par travailleur permet d’augmenter la productivité, donc les salaires,
de tous de 5% par an, les salaires doubleraient en 14 ans sans créer de
chômage. Si on considère que le salaire d’équilibre ne France est de 7 euros
de l’heure, soit environ 1000 euros bruts par mois, alors une telle politique
aboutirait en 14 ans à un salaire d’équilibre de 14 euros, soit 2000 euros
bruts par mois en euros constants, sans chômage.

On caricature souvent les libéraux en leur attribuant la manie de vouloir


baisser les salaires, en les alignant sur le « bol de riz » chinois. C’est un
grave contre-sens. En fait, les politiques libérales à long terme sont des
politiques qui favorisent l’épargne, donc l’accumulation du capital (d’où le
mot capitalisme) d’où la croissance, d’où la hausse des salaires. Une
économie capitaliste génère toujours des hausses de salaires : à
l’inverse, le fait que les salaires stagnent sont sans doute le signe que
l’économie est moins capitaliste, moins libérale. C’est peut-être le cas en
France en 1970, le niveau de vie en France et en Suisse était identique ;
aujourd’hui, les Suisses ont un niveau de vie 50 % supérieur. La France a en
effet développé son Etat-providence pour réduire les inégalités, d’où un
découragement de l’épargne, une moindre accumulation du capital et une
croissance molle, aboutissant à une stagnation des salaires.

Si les libéraux veulent réduire ou supprimer le salaire minimum, c’est


seulement parce que ce salaire minimum dépasse la productivité de
certains travailleurs, ce qui les condamne au chômage.

1.2- La théorie keynésienne du chômage : le chômage involontaire

1. l’analyse du marché du travail keynésien : pour Keynes, les salaires


nominaux sont rigides à la baisse, soit en raison de l’existence de contrats,

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soit en raison de l’illusion nominale dont seraient victimes les salariés : en
cas de baisse de la demande des entreprises liées par exemple à des
anticipations pessimistes, un chômage apparaît qui ne peut être résorbé par
la baisse des salaires. Le chômage est donc involontaire : il résulte d’une
dégradation de la conjoncture qui empêche les entreprises
d’embaucher, et non d’une volonté des salariés de se retirer du marché du
travail faute de rémunération suffisante.

2. Causes du chômage : contrairement au chômage classique qui est un


problème de coût trop élevé, le chômage keynésien est un problème de
demande insuffisante. Il surgit quand la demande effective (çàd anticipée)
des entreprises est trop faible. Plusieurs raisons peuvent expliquer
l’insuffisance de la demande :

 les anticipations sont mimétiques : si une entreprise est pessimiste


quant à l’avenir et stoppe ses embauches et ses investissements, elle
va influencer le comportement des autres entreprises qui à leur tour
deviendront attentistes. Les prophéties pessimistes deviennent auto-
réalisatrices. Seul l’Etat peut donc renverser ces positions
attentistes créatrices de chômage par une politique de relance de la
demande
 les inégalités entre riches et pauvres ou le mauvais partage de la
VA, au profit de l’EBE, au détriment des salaires. Or, ce sont les
pauvres qui consomment (propension à consommer plus forte) et
l’EBE est une ressource majoritairement épargnés. Dès lors trop
d’inégalités ou un « mauvais » partage de la VA peuvent
déprimer la consommation, donc la demande privée C+I donc
la croissance.
 Un mauvais arbitrage de la courbe de Phillips : pour les
keynésiens il existe une courbe de Phillips. Si le gouvernement,
éventuellement sous la pression d’un électorat vieillissant soucieux
de protéger son épargne de l’inflation ou sous la tutelle de traités
européens interdisant la BCE de relancer la croissance par
l’inflation, choit de lutter contre l’inflation, alors ce choix politique
se paiera d’un chômage élevé. Un autre choix politique serait
possible : réformer les traités européens ou ceux de la BCE et
autoriser une inflation de 4 à 5% par an pour réduire le chômage.
Le chômage n’est alors pas une fatalité mais le reflet d’un
mauvais arbitrage sur la courbe de Phillips.

3. Remèdes : la baisse des salaires est difficile compte tenu de leurs


rigidités. Elle n’est de toute façon pas souhaitable, car elle contribue à
déprimer la demande. Baisser le salaire minimum ou les allocations
chômage, ce serait baisser le revenu des plus pauvres (ceux qui ont la
propension à consommer la plus forte) et donc baisser la consommation,
donc la demande, donc la croissance. Il faut donc :

 relancer la demande par des politiques publiques budgétaire et monétaire : la


relance aura des effets bénéfiques sur la croissance grâce au multiplicateur keynésien
1/(1-c) et grâce aux stabilisateurs automatiques (la hausse de G compensant la baisse de
la demande privée C+I)
 relancer l’inflation, la hausse des prix diminuant le salaire réel w/p, ce qui permet de
contourner la rigidité des salaires nominaux. L’inflation revient à baisser le salaire réel, ce
qui réduit l’offre de travail, augmente la demande de travail, et donc réduit le chômage.

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1.3- Les nouvelles théories du marché du travail

1. le salaire d’efficience : les entreprises déterminent un niveau de


salaire supérieur au niveau d’équilibre, ce qui crée du chômage. Trois
raisons peuvent justifier cette politique :

 le salaire n’est pas qu’un coût mais aussi une source de motivation : le salarié est
d’autant plus motivé qu’il est mieux rémunéré. Le lien productivité-salaire est donc
inversé : c’est le salaire qui détermine la productivité et non l’inverse.
 Les coûts de rotation de la main d’œuvre : de faibles salaires entraînent un taux de
démission important (turn over) et donc des coûts de rotation élevés (frais de recrutement
et de formation, coût du licenciement). Pour conserver leurs salariés, les entreprises leur
offre donc un salaire supérieur au salaire d’équilibre.
 L’asymétrie d’information : le salarié connaît sa réelle productivité, que l’entreprise
ignore. Comme la recherche d’informations sur la qualité réelle du candidat à l’embauche
est coûteuse, l’entreprise va proposer un salaire plus élevé pour attirer les meilleurs
candidats, un salarié se déclarant prêt à travailler pour un salaire moindre révélant ses
faibles compétences.

2. la théorie des contrats implicites : les salariés ont une aversion à


l’égard du risque. Le contrat de travail est donc un contrat d’assurance de
revenu . En acceptant un salaire fixe, déconnecté de la conjoncture, les
salariés renoncent à des augmentations de salaire dans les phases hautes du
cycle : tout se passe comme si ils versaient une prime d’assurance à leur
entreprise. Quand le cycle se retourne en revanche, ils conservent leur
salaire, plus élevé que le salaire d’équilibre sur un marché du travail
dégradé : tout se passe comme s’ils encaissaient une indemnité de la part de
l’entreprise-assureur. Dans ce cas, les salaires restent plus élevés que le
salaire d’équilibre, d’où l’existence d’un chômage.

3. La théorie de la dualité du marché du travail : le marché se partage


entre insiders (embauchés en CDI à temps plein) et les outsiders (chômeurs,
emplois précaires). D’un côté les entreprises ont intérêt à cette dualité,
compte tenu de l’incertitude de l’environnement et des carnets de
commandes : le marché des outsiders permet de faire face aux variations de
la conjoncture, tout en conservant des insiders bien rémunérés, donc
motivés (salaire d’efficience). Par ailleurs, les syndicats défendent plus les
salaires des insiders que l’embauche des outsiders :: leur action conduit à
des hausses de salaires au-delà du salaire d’équilibre qui entraînent
l’existence d’un chômage. Enfin, la probabilité pour un outsider de devenir
insider diminue, l’inactivité entraînant une perte de capital humain (pertes
de compétences). On explique ainsi la dualité du marché du travail dans nos
sociétés contemporaines et l’existence d’un chômage persistant de longue
durée.

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II- Les politiques de l’emploi

2.1- Les politiques agissant sur l’offre de travail

1- la gestion de la population active : Il s’agit de réduire l’offre de travail pour, à demande


inchangée, réduire le chômage. Cela passe par l’allongement de la durée des études, les retraites des
seniors du marché du travail (pré-retraite, retraite à 60 ans, dispenses de recherche d’emploi), le retour
des immigrés, l’incitation pour les femmes à s’occuper de leurs enfants. Ces politiques ne donnent sur
le long terme que peu de résultats. En effet :

 on a vu plus haut que sur le long terme croissance de la population active et chômage
étaient déconnectés
 remplacer un chômeur par un retraité entraîne des coûts identiques, qui pèsent sur le
salaire d’équilibre (coût de la cotisation-chômage ou coût de la cotisation-retraite) : on a
simplement substitué un inactif à un actif inoccupé.

La France utilisé largement ces politiques dans les années 1980 ; elle semble y avoir renoncé
aujourd’hui.

2- le partage du travail : il repose sur l’idée que le travail est homogène et divisible à l’infini. Dès lors,
si l’on réduit la durée du travail de 10%, on peut augmenter les emplois de 10%. Les promoteurs
avancent qu’un partage implicite existe sur le marché du travail : 8% de la population travaillent 0h, et
92% travaillent 35h. L’idée serait que par exemple 100% travaillent 32h. Le partage du travail a été
mené timidement en 1982 (passage au 39h) et plus fortement en 1998 (passage aux 35h). Le bilan
est controversé. Ses partisans disent qu’il a permis de créer 500.000 emplois. Mais compte tenu de la
baisse de la durée du travail de 10%, on aurait pu s’attendre à 2 millions de créations d’emplois. Si
cela n’a pas été le cas, c’est que :

 le travail n’est pas homogène et divisible :


 une baisse du temps de travail de 10% ne peut entraîner une hausse des emplois de
10% que si le salaire mensuel baisse aussi de 10%, ce qui n’a pas été le cas (des accords de
modération salariale ont cependant été signés, d’où la stagnation des salaires dans les
années 2000)
 l’Etat a subventionné le passage aux 35h, d’où des prélèvements obligatoires qui soit
pèsent sur le coût du travail, soit pèsent sur la demande des ménages adressée aux
entreprises.

En fait, le partage du travail repose sur l’idée que la quantité de travail disponible dans une économie
est fixe : il n’en est rien bien sûr. Cette quantité varie selon le niveau de croissance du Pib, selon le
niveau des salaires, etc.

2.2- Politiques agissant sur chômage classique (vision libérale)

1. le SMIC : les libéraux constatent que le chômage est apparu quand le


salaire minimum n’a plus été indexé sur les prix mais a fait l’objet de
« coups de pouce » réguliers, à tel point qu’aujourd’hui 15% des salariés
sont payés au SMIC. Supprimer le SMIC n’a jamais été envisagé, le coût
politique de cette mesure étant trop élevé. Il a cependant été envisagé un
SMIC-jeunes, sous le gouvernement Balladur, qui a échoué devant les

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manifestations qu’il a provoquées. Depuis, les gouvernements tentent de
modérer l’augmentation du SMIC en renonçant aux coups de pouce, çàd
aux revalorisations au-delà de ce qu’exige la loi.

2. Les charges sociales : le chômage touchant surtout le travail non


qualifié, il a été imaginé de réduire les charges sociales sur les bas salaires
(réductions Fillon jusqu’à 1,6 Smic), l’Etat compensant le manque à gagner
pour la Sécurité sociale. Depuis Hollande, les entreprises bénéficient d’un
dégrèvement de charges sociales, représentant environ 6% de la masse
salariale d’une entreprise, et pesant au total 20 milliards (= 1 point de Pib
environ). C’est le CICE : crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE)

Ces politiques ont certes permis de réduire le chômage des travailleurs


non qualifiés, mais ont contribué à augmenter celui des travailleurs un
peu plus qualifiés. On a ainsi surtout déformé la structure du chômage
plutôt que réduit son niveau : on subventionne les bas salaires en taxant
plus les hauts salaires.

Les allègements de charges ne sont pas en effet des baisses de


prélèvements obligatoires, mais de simples transferts, puisqu’ils sont
compensés par une hausse des prélèvements de l’Etat, ce qui pénalise la
demande des ménages, donc la demande de travail des entreprises. Une
politique de baisse des charges sociales efficace nécessiterait une baisse des
dépenses publiques du même montant. Or, la France , sans doute sous l’effet
du marché politique, a du mal à réduire ses dépenses publiques.

3. L’assouplissement du contrat de travail/ flexibilité accrue :

 l’autorisation administrative de licenciements a été supprimée


 Sarkozy a créé la rupture conventionnelle.
 Les ordonnances Macron ont plafonné les indemnités
prud’homales en cas de licenciements abusifs.
 Le recours au CDD est facilité.
 La création du statut d’auto-entrepreneur a permis de créer des
dizaines de milliers d’emplois au statut plus précaire (livreurs,
chauffeurs…)

4. L’allocation-chômage : au fur et à mesure que le chômage augmentait,


les conditions d’indemnisation devenaient plus rigoureuses (dégressivité,
durée moindre…)

Bilan :

 Faible pas vers la flexibilité et la libéralisation du marché du travail


 Moins de chômage, surtout chez les non qualifiés
 Plus de travail précaire (temps partiel subi, auto-entrepreneur…)

2.3- Les politiques contre le chômage keynésien

Pour les keynésiens, le chômage est un moins un problème de coût du travail qu’un problème de
demande insuffisante. D’où les politiques de relance menées, en 1975 et en 1982, qui se sont

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cependant soldées par des échecs (voir les critiques libérales à ce propos). De même, la stratégie
d’embauche de fonctionnaires (un million en 1982, un autre million dans la fonction publique
territoriale après les lois de décentralisation) n’a pas résorbé le chômage : les emplois créés sont
financés par des impôts qui pénalisent la création d’emplois privés.

Les politiques keynésiennes reposent parfois sur du néo-protectionnisme, la mondialisation étant


accusée de créer du chômage chez les travailleurs peu qualifiés, et réduisant la force du
multiplicateur en économie ouverte (1/(1-c+m)).

2.4- Politiques actives et politiques passives de l’emploi

On résume parfois les politiques menées depuis l’apparition du chômage de masse en 1974 pa
l’opposition entre politiques passives et politiques actives :

 Les politiques passives n’agissent pas sur l’emploi mais sur le sort des chômeurs :
indemnisation des chômeurs, formation des chômeurs, dispense de recherche d’emploi pour
les plus jeunes (en leur offrant des formations) ou les plus âgés (pré-retraite).
 Les politiques actives visent à créer des emplois et à rendre plus actif le marché du travail :
partage du travail, relance de l’activité, flexibilité, réduction du chômage frictionnel (en
développement la formation pour accroître la mobilité professionnelle ; en facilitant la
mobilité géographique).

2.5- Des pistes non encore explorées

1. la taxation des licenciements : le chômage créant des externalités


négatives, il se produit un hiatus entre l’optimum privé de la firme, et
l’optimum social ou collectif. Pour en tenir compte il conviendrait de taxer
les entreprises qui licencient et d’accorder une ristourne de cotisation aux
entreprises qui n’ont pas licencié depuis plusieurs années (système de
bonus-malus). Taxe Pigou proposée par Jean Tirole (prix Nobel 2014)

2. la flex-sécurité à la danoise : les Danois ont un faible taux de


chômage, ce qui fait que nombreux s’intéressent à la façon dont fonctionne
leur marché du travail. Le système combien flexibilité totale (licenciement
sans préavis possible) et sécurité (forte allocation-chômage, proche de 100
% de l’ancien salaire, avec cependant une forte incitation pour accepter les
nouvelles offres d’emploi). Dès lors, ce système se rapproche du modèle
néo-classique : les entreprises n’hésitent pas à embaucher car elles pourront
licencier dès le moindre ralentissement de la conjoncture : les salariés voient
cependant leur revenu sécurisé. Le marché du travail devient ainsi très
fluide : forte probabilité d’être au chômage mais en même temps faible
durée du chômage et faible impact sur le revenu du salarié.

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