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Morale, éthique et déontologie dans la communication

Pierre Bonfils
Dans LEGICOM 1996/1 (N° 11), pages 4 à 12
Éditions Victoires éditions
ISSN 1244-9288
DOI 10.3917/legi.011.0004
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LÉGICOM N° 11 / 1996

MORALE, ÉTHIQUE
ET DÉONTOLOGIE
DANS LA COMMUNICATION

par Pierre BONFILS

« Quand la morale se dégrade dans les faits,


elle fleurit dans les colloques ».
(M.C. L'Expansion, 30 mai-12 juin 1996, n° 526, page 127.)

D
ANS le domaine de la communication, comme dans de très nombreux
autres domaines et secteurs d'activités professionnelles, nous avons
assisté au cours des dernières années à l'émergence, ou dans certains
cas au retour, d'un très fort courant moral, éthique et déontologique.

Résumé Cette émergence et ce retour, sur l'origine et la finalité desquels il faudra bien
s'interroger pour s'assurer qu'il ne s'agit pas que d'une mode, sait-on jamais,
La volonté de transparence
et de clarification a été très
n'ont pas été le produit du hasard, mais plutôt celui de la nécessité. Ils ont, du
sensible depuis la fin des reste, accompagné un courant législatif puisé aux mêmes sources d'inspiration
années 80. Ce souci s'est et qui les explique dans une large partie. La vague législative de la période
traduit par des réformes postérieure à 1988, qui correspond très précisément d'ailleurs à la législature de
législatives, visant notam- l'époque (1988-1993), en est elle-même très imprégnée. La morale, l'éthique et
ment à clarifier le finance- la déontologie apparaissent alors sous les traits de la transparence et de la clarté
ment de la vie politique,
quand ce n'est pas ceux de la clarification des procédures et des comportements.
mais cette volonté s'est
aussi inscrite dans des
La clarification implique, très modestement, que la clarté n'était pas la vertu
démarches d'entreprises ou cardinale du comportement des opérateurs d'un secteur donné ou, intrinsè-
d'organisations profession- quement, du secteur lui-même. La transparence, au contraire, implique une
nelles qui ont établi des clarté de tous les instants et devient dès lors une ligne de conduite qui s'impose
codes et chartes déontolo- à tous.
giques régulant dans un
même esprit "éthique",
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C'est ainsi que le législateur procède, à cette époque-là, à une énième réforme
tant les relations à l'inté-
du code des marchés publics, laquelle succède à d'autres plus ou moins
rieur de l'entreprise que les
rapports avec les parte- ambitieuses et en précède et annonce elle-même de nouvelles ultérieurement. Il
naires extérieurs. s'agit d'abord de la loi du 4 janvier 1992 sur la réforme des procédures
publiques en matière de passation de marchés publics.

Ce n'est pas la première. Ce ne sera pas la dernière. Un nouveau rapport


(Rapport sur la réforme du code des marchés publics) récemment déposé à titre
de rapport d'étape par M. Alfred Trassy-Paillogues vient en effet de le montrer.
La prochaine refonte du code des marchés publics préfigure la nouvelle légis-
lation applicable. On n'en sort décidément pas...

Dans le même ordre d'idées, c'est le financement politique qui traduit l'inspi-
ration et la quête de clarté et de transparence du législateur, lequel se propose
une nouvelle fois, après la première législation du 11 mars 1988 sur la trans-
parence financière de la vie politique, de remettre de l'ordre dans un secteur qui
n'a pas toujours brillé par la clarté et la transparence.
À la fin des années 80 on
observe une invasion de Cette nouvelle refonte du code des marchés publics et la création originale d'un
l'éthique dans les préoccu- cadre légal en matière de financement politique et électoral se doublent, avec
pations du législateur. la loi du 15 janvier 1990, d'une nouvelle législation sur la limitation des

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dépenses électorales et la clarification – une fois de plus – du financement des


activités politiques. Cette dernière loi en annonce une autre, importante, dans ce
même secteur, celle du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption
et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Les années 1990, en particulier la législature 1988-1993, sont donc marquées du L'entreprise est, elle aussi,
sceau de la transparence et de la clarté et son corollaire thérapeutique de “clari- touchée par la vague
fication” dans des univers professionnels qui en manquaient singulièrement. Ces “éthique”.
mêmes notions sont elles-mêmes issues des concepts plus forts de morale,
d'éthique et de déontologie.

Nous allons les réexaminer et observer leur généralisation au cours de ces


dernières années dans une première partie (I), avant d'évoquer leur adaptation au
monde de la communication dans une seconde partie (II), notamment, chez les
différents opérateurs de ce secteur : les directeurs de communication (en tant
qu'émetteurs de messages), les entreprises et les supports, sans omettre de
rappeler le rôle de l'organe de régulation et d'autocontrôle de la publicité en
charge de l'éthique des messages publicitaires. Cette démarche s'accompagne de
celles promues dans des domaines à mille lieues de ceux ci-avant rappelés et
dont la soudaine exigence pose décidément la question de savoir s'il ne s'agit
pas, en définitive, d'une mode. Si tel est alors le cas, on prendra soin de réfléchir,
en conclusion, aux lendemains d'un tel courant et de ses véritables suites. Le cas
échéant, on exprimera les inquiétudes qui apparaissent sous de telles volontés
généreuses et purificatrices.

I. – LA HIÉRARCHIE DES CONCEPTS DE MORALE/MORALITÉ,


DE DÉONTOLOGIE ET D'ÉTHIQUE OU COMMENT LA
MORALE REPREND SES ESPRITS DANS UN MONDE QUI EN
SEMBLAIT TERRIBLEMENT DÉPOURVU
En prélude à une séduisante analyse sur la morale et le droit des sociétés, un
universitaire et avocat à la cour, Jean-François Barbiéri, s'intéressait aux trois
concepts de morale, éthique et déontologie et en proposait une lecture combinée
tout à fait intéressante1.

Si la perspective était celle du droit des affaires, on découvrira que cette analyse
est parfaitement transposable au domaine de la communication. C'est d'abord et
avant tout le contrecoup du retour de l'économie dans la décennie 1980-1990.
Après l'euphorie des années 1981-1982 et le retour, dès 1983, à l'analyse lucide
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et réaliste du poids et du pouvoir de l'économie ou de l'économique – situation
inattendue sous des gouvernements de gauche – les Français donnent le
sentiment de la réconciliation avec le secteur des entreprises. En tout cas, l'éco-
nomie et l'économique deviennent l'objet de grandes émissions de radio et de
TV et seraient presque en passe de faire de l'ombre aux traditionnelles émissions
de variétés.

La situation ne manque pas de surprendre dans un pays où l'économie ne fut


jamais le principal centre d'intérêt des citoyens, pourtant l'un des plus avancés
au monde dans le domaine de l'économie et des performances.

A – LA MORALE
Elle serait l'ensemble des valeurs supérieures qui conduisent chacun à diffé-
rencier le bien du mal et qui devraient fonder les conduites humaines, tout au
moins pour les individus conscients de leurs devoirs et responsables de leurs
actes. Dans cette perspective, la morale demeure plus globalement la règle
La morale est immanente
morale qui se rapporte à tout comportement humain. En ce sens, elle présente au comportement humain,
une immanence et une constante de comportement, ce qui n'est peut-être pas le contrairement à la déonto-
cas de l'éthique et de la déontologie qui présentent des caractéristiques beaucoup logie, fruit d'une réflexion
plus immédiates et moins élevées. professionnelle.

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B – L'ÉTHIQUE
Même si le mot, d'étymologie grecque, est plus ancien, en fait, son utilisation
dans le registre qui nous intéresse aujourd'hui est plus récente que la morale.
Jean-François Barbiéri, dans son article précité, n'y voit du reste, pour le
commun des mortels, qu'un « apport d'un peu d'ésotérisme ».

L'éthique exprimerait les pratiques et coutumes, fruits de l'histoire et de la


culture d'une société humaine. En tout cas, l'éthique serait moins noble et, si
elle utilise les mêmes fondements du bien et du mal, elle correspondrait à une
appréciation de ces deux concepts dans des conditions données. Autrement dit,
l'éthique ne serait alors qu'une version modeste, restreinte ou relative de la
morale. Elle ne serait que l'application de certains principes moraux en un
temps et dans des circonstances données.

Dans un article paru dans Le Nouvel Économiste2 consacré à l'éthique Alain


Etchégoyen exprimait son inquiétude face à la multiplication d'affiches, de
déclarations, de chartes, de codes ou autres supports à usage public concernant
l'éthique « Avec la mode éthique, le traitement des questions morales s'est, pour
la plupart du temps, borné à des opérations de communication »3.

Un colloque, précisément intitulé “Éthique et responsabilité dans votre entre-


prise”, n'eut pas trop de deux journées pour déployer ces thèmes majeurs et alla
même jusqu'à accrocher le “chaland” par cette invite des plus markétique :
« Sachez rédiger votre Charte d'Éthique grâce à notre atelier ». Trois heures y
suffirent... On croit rêver !

C – LA DÉONTOLOGIE...
Elle serait, quant à elle, la traduction éminemment professionnelle et corpora-
tiste, dans le cadre des activités d'entreprises, de règles codifiées et de sanctions
disciplinaires.

La déontologie peut se dé- Des observateurs y voient du reste le retour d'un fort courant corporatiste en
finir comme la traduction France. Ces codes de déontologie visent en effet la considération des profes-
professionnelle de règles sions qui s'en dotent ou s'en sont dotées. La confraternité oblige à serrer les
codifiées et de sanctions
rangs devant de possibles adversaires ou concurrents. Ces codes-là traduisent
disciplinaires.
un certain retour du corporatisme auquel on assiste.
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La déontologie émane di- Des éditeurs se sont penchés sur les questions d'éthique et de droit. Leurs
rectement d'organisations réflexions rejoignaient celles directement attachées au monde de l'entreprise.
professionnelles et non du Deux siècles après l'interdiction des corporations, la déontologie professionnelle
juge ou du législateur.
est une composante de l'éthique et du droit. L'éthique est devenue une exigence
sociale contemporaine. Traduit-elle une crise des valeurs ? Les organisations
professionnelles sont-elles devenues l'indispensable relais du juge et du légis-
lateur ? La déontologie professionnelle apporte-t-elle un supplément d'âme, un
complément d'ordre, un rattrapage démocratique ? Sert-elle d'alibi à l'autopro-
tection corporatiste et conforte-t-elle le désir d'échapper à la loi ?

Des trois concepts très rapidement analysés, c'est la déontologie qui serait
aujourd'hui la plus encline à devenir un effet de mode au regard de la période
récente. De la sorte, on peut se poser la question de savoir quels seront les
lendemains de ces différents codes de déontologie et autres chartes d'entreprise,
ou de secteurs professionnels, plus ou moins récemment conçus et sur la
longévité desquels on pourra réfléchir.

Le secteur de la communication s'est intéressé à l'éthique et à la déontologie,


que ce soit au plan professionnel, ou que ce soit au niveau des entreprises elles-
mêmes. C'est ce que nous allons aborder maintenant dans une seconde partie

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en nous intéressant à la déontologie des directeurs de communication, telle que


conçue par l'association “Entreprises & Médias”, et à la charte d'éthique d'une
entreprise significative du secteur de la communication qui appartient justement
à Entreprises & Médias et, pour terminer, au code de déontologie d'une
profession du secteur de la communication, celle de l'affichage publicitaire.

Nous pourrons aussi nous interroger sur le rôle et l'influence du Bureau de


vérification de la publicité dans le domaine de la publicité et, plus généra-
lement, de la communication.

II. – TROIS EXEMPLES D'ADAPTATION DE L'ÉTHIQUE ET DE


LA DÉONTOLOGIE AU MONDE DE LA COMMUNICATION

A – LE CODE DE DÉONTOLOGIE D'ENTREPRISES & MÉDIAS


En juin 1992, l'association des directeurs de communication, Entreprises & L'association des directeurs
Médias, a conçu un code de déontologie pour ses membres (actuellement en de communication a mis
cours d'actualisation). Nous allons en revoir les fondements principaux (1) et au point en 1992 un code
de déontologie actuelle-
leur traduction dans un code de déontologie à caractère global (2). ment en cours de réactua-
lisation.
1. Les origines
Dans la compétition où s'affrontent les entreprises, leur image est devenue un
atout indispensable. Pour gérer les facteurs de plus en plus complexes qui
composent cette image, et pour établir des relations de confiance avec
l'ensemble de ses publics, l'entreprise a maintenant recours à des spécialistes de
la communication. La communication d'une entreprise ou d'une institution est
une fonction dont la reconnaissance stratégique est récente. C 'est ainsi qu'est
née la nécessité de formuler et de proposer à la profession les éléments fonda-
mentaux d'une déontologie dont la nécessité s'impose aujourd'hui à tous.

La fonction de la communication en entreprise est aujourd'hui un métier


nouveau qui a pour mission d'informer sur les orientations et les décisions de
l'entreprise, de les expliquer et de les faire comprendre. Les entreprises ont donc
été conduites à élaborer de véritables stratégies destinées à exploiter leur capital
image pour accompagner leur développement économique. Elles ont dû adapter
leur politique de recrutement, la motivation de leurs collaborateurs, leurs
relations avec les consommateurs, les leaders d'opinion et, plus généralement,
les médias.
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L'exposé des motifs qui conduit à la rédaction du code de déontologie des direc-
teurs de communication passe par l'affirmation selon laquelle le capital image
de l'entreprise est un actif à part entière, somme de multiples composantes, et
domaine privilégié de l'expression du directeur de la communication qui intègre
tous les modes de communication avec l'ensemble des publics de l'entreprise,
internes et externes.

Le directeur de la communication conçoit, élabore et propose la stratégie de


communication entre tous ceux qui contribuent à façonner l'image de l'entreprise.

Chaque entreprise adapte la fonction de directeur de la communication à ses


données propres et en confie l'exercice à des spécialistes de mieux en mieux
formés à cette fin, rattachés à la direction générale ou à la présidence des
sociétés. Entreprise & Médias explique ce rattachement de haut niveau par la
nécessité d'avoir une vision globale de l'entreprise et de pouvoir mobiliser les
circuits d'information et de décision dans les délais les plus courts possibles.

Le directeur de la communication jouit d'une visibilité exceptionnelle tant sur


l'entreprise que sur l'extérieur et bénéficie de modes de fonctionnement excep-

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tionnels et atypiques au regard des autres grandes fonctions de l'entreprise. Les


exemples récents de communication de crise l'ont montré et rappelé l'impérieuse
exigence de transparence dans l'action des entreprises.

2. Le code de déontologie des directeurs de communication


d'Entreprises & Médias
Les devoirs éthiques du Il est pour l'essentiel assis sur la définition des fonctions du directeur de la
directeur de communica- communication et sur les conditions d'exercice de la fonction. Le code énonce
tion sont l'impartialité, l'in-
à cet égard différents devoirs professionnels (a) et principes éthiques et déonto-
tégrité, l'indépendance et
la solidarité avec l'entre- logiques (b).
prise qui l'emploie.
a) Les devoirs professionnels mis en exergue sont le professionalisme,
l'ouverture, la responsabilité, la rigueur et la crédibilité, c'est-à-dire des
standards minimaux qu'une entreprise est en droit d'attendre de son directeur de
la communication, ce qui paraît aller de soi considérant les fonctions exercées
et leur importance vers l'extérieur.

b) Au rang des principes éthiques et déontologiques apparaissent l'impartialité,


l'intégrité, l'indépendance et la solidarité, ce qui paraît également aller de soi.

— L'impartialité conduit le directeur de la communication à se refuser à user


de modes de pression économiques, ce qui signifie le refus d'insertions ou, à
l'inverse, le recours aux insertions pour influencer les médias.

— L'intégrité vise aussi bien l'entreprise, les collaborateurs et les partenaires et


consiste pour le directeur de la communication à ne pas user, à des fins person-
nelles, d'informations détenues du fait de sa position. L'énoncé des principes
d'intégrité serait dès lors applicable à n'importe quel directeur ou membre d'un
comité de direction. Spécifiquement, le directeur de la communication s'interdit
personnellement d'avoir une responsabilité directe dans une agence de commu-
nication, de publicité ou de presse et d'y détenir une quelconque participation
financière.

— L'indépendance s'applique aux choix des conseils et fournisseurs, selon des


critères strictement professionnels. Le directeur de la communication doit
susciter une émulation permanente entre les prestataires et mettre en œuvre une
compétition régulière entre eux, à partir de cahiers des charges précis.
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— La solidarité implique pour le directeur de la communication d'adhérer étroi-
tement à la stratégie de l'entreprise et à son management et d'en être solidaire.
Le directeur de la communication s'interdit dans ce cadre de faire valoir ses
engagements personnels, politiques ou confessionnels.

Ces devoirs s'appliquent Au-delà des principes directeurs minimaux qui doivent guider le directeur de la
tant en interne, dans les communication, la partie strictement éthique et déontologique du code d'Entre-
relations avec les collabo-
prises & Médias est limitée par rapport aux principes que l'entreprise est en
rateurs de la même entre-
prise que dans les rapports
droit d'attendre de son directeur de la communication. Sur l'éthique et la déonto-
avec les partenaires exté- logie, on observe que le code hésite entre l'éthique et la déontologie et qu'il
rieurs ou même les concur- n'évoque de toutes manières ni la morale ni la moralité et qu'il s'inscrit dans
rents. cette perspective en retrait de cette notion de morale/moralité, ce qui semblerait
corroborer l'analyse ci-avant mentionnée selon laquelle l'éthique et, plus encore,
la déontologie ne seraient que des versions allégées de la morale générique.

On pourrait faire, dans une certaine mesure, une analyse assez proche du code
d'éthique du Groupe Lagardère. C'est un “code de groupe”. Ce n'est pas un code
global de corporation, comme celui d'Entreprises & Médias. Mais il s'adresse à
différentes entreprises et différents métiers, certains très éloignés les uns des autres.

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B – LE CODE D'ÉTHIQUE DU GROUPE LAGARDÈRE

Il contient des principes et des règles.

Dans sa lettre de préface et de présentation, le président, Jean-Luc Lagardère,


écrit que : « l'appartenance à un groupe coté en Bourse, exerçant des activités
stratégiques, réalisant la moitié de son chiffre d'affaires hors de ses frontières,
nécessite une codification des droits et des devoirs de ses membres.
Notre comportement quotidien doit être empreint d'une vigilance stricte, d'une
discrétion parfaite et d'une intégrité sans faille ».

C'est un code d'éthique du quotidien qui s'inspire de quatre principes de base Les grands groupes se
destinés à guider et à circonscrire l'activité professionnelle du groupe : la dotent aussi de chartes
rigueur, la transparence, la confidentialité et l'intérêt de l'entreprise. Dans la éthiques visant à codifier
les droits et devoirs de
présentation du code, il est encore précisé qu'il s'agit d'un regroupement en un chacun de leurs membres
seul document des différents principes et règles qui existaient déjà dans les dans un même esprit.
différentes composantes du groupe.
— La rigueur est celle du respect des délégations et limitations de pouvoirs,
sans dépassement de prérogatives.
— La transparence s'entend du respect des règles en vigueur dans la société et
en parfait accord avec sa hiérarchie. La confidentialité exige une parfaite
séparation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, dans le respect
d'une vigilance extrême dans la circulation et la diffusion de l'information.
— L'intérêt du groupe doit toujours prévaloir sur celui des tiers et des personnes
concernés.

Très modestement, ce code se veut de simple utilisation et un guide de compor-


tement.

Pour rester dans les limites du présent article, on se bornera à commenter celles L'éthique de la communica-
de ses dispositions qui relèvent de la communication car bon nombre d'autres tion d'entreprise s'attache
dispositions du code d'éthique du groupe concernent des secteurs particuliè- avant tout à assurer la
confidentialité des informa-
rement sensibles. On imagine aisément que l'éthique qui est exigée de cadres tions.
du secteur de l'armement ou de la commercialisation de missiles est très spéci-
fique et très éloignée, par exemple, de l'éthique des secteurs de la presse et de
la communication ou de l'audiovisuel.

Les dispositions relatives à la communication sont pour l'essentiel contenues


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dans le chapitre “Confidentialité des informations” et concernent non seulement
l'utilisation mais encore la divulgation d'informations confidentielles concernant
le groupe ou toute société du groupe. L'une et l'autre sont généralement
contraires à l'éthique et peuvent même être, dans certains cas, contraires à la loi.

Le code d'éthique prévoit une procédure spécifique pour l'autorisation de


diffusion d'informations à l'extérieur du groupe.

Doivent être considérées comme confidentielles les informations non encore


divulguées à l'extérieur du groupe par des communiqués officiels et à titre non
limitatif :
— les éléments qui relèvent de la propriété intellectuelle, industrielle ou artistique ;
— les projets à l'étude et les négociations en cours ;
— les plans stratégiques ou financiers ;
— les prévisions de résultat ;
— les plans commerciaux et marketing associés aux produits ;
— les dossiers du personnel ;
— les renseignements, résultats découlant des travaux de l'entreprise ;
— les informations, écrites ou orales, communiquées aux instances représenta-
tives du personnel.

N° 11 – JANVIER, FÉVRIER, MARS 1996 – 9


LÉGICOM N° 11 / 1996

La circulation de l'information est en principe limitée aux seules personnes qui


sont habilitées par leurs fonctions à les connaître. Et encore, même dans ce cadre
limitatif, la circulation de l'information est limitée aux seuls responsables autorisés.

La direction de la commu- Lorsque des informations peuvent et doivent être diffusées à l'extérieur sur le
nication joue à l'égard de groupe, en particulier des informations financières susceptibles d'affecter le
la diffusion de l'information
marché des titres cotés du groupe, un certain nombre de règles sont à observer,
un rôle de surveillance.
notamment la règle générique suivante :
« Les communiqués extérieurs et particulièrement de presse doivent être préala-
blement visés par les responsables adéquats. »

C'est notamment le cas des communiqués sur des événements dont l'importance
est significative pour le groupe. Ils doivent être visés par la direction de la
communication du groupe.

À la différence de nombreux codes d'éthique d'entreprise, trop récents pour


n'être pas le résultat d'une mode, ou trop récents parce qu'ils répondaient à des
événements qui avaient défrayé la chronique, celui ci-dessus analysé est très
particulier en raison de la diversité des métiers exercés dans ce groupe, allant
de l'armement à l'audiovisuel, et qui emploie des dizaines de milliers de colla-
borateurs.
Il ne doit pas sa naissance à tel ou tel événement qui aurait rendu sa conception
salutaire ou nécessaire. Encore une fois, il n'est que le regroupement de diffé-
rents principes et règles qui, historiquement, existaient déjà dans chaque entité
du groupe, à la différence d'autres et très récents codes d'éthique nés de la crise
ou de la survenance d'événements politico-judiciaires.

Un autre code – professionnel celui-là – doit être évoqué, c'est celui de la


Chambre syndicale française de l'affichage qui présente un particularisme à
l'aune des particularismes de cette profession.

C – LE CODE DE PRATIQUES LOYALES DES AFFICHEURS


Le code publié en 1982
par la Chambre syndicale Il a été publié en 1982 par la CSFA (Chambre syndicale française de l'affi-
française de l'affichage se chage). La jurisprudence commerciale ne le limite pas aux seuls membres de
veut le reflet de pratiques la CSFA mais lui a conféré une valeur suprasyndicale en lui reconnaissant à
loyales. différentes reprises le statut d'usage professionnel, à observer par tous les opéra-
teurs de cette profession, quelle que soit leur appartenance syndicale.
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À l'inverse de codes beaucoup plus récents, celui-ci n'a pas de prétentions morales
et éthiques. Il ne se veut que le reflet de pratiques loyales. S'il devait être conçu
aujourd'hui, peut-être franchirait-il le pas en se piquant d'éthique et de déonto-
logie... Ce ne fut pas nécessaire. En tout cas, ce n'est pas à l'ordre du jour.
Il ne s'intéresse pas au contenu des messages affichés, d'autres textes légaux et
réglementaires s'en chargeant d'abondance (code du commerce, code pénal,
code de la consommation, jurisprudence illimitée...).
Son seul but est de ne viser que le comportement des afficheurs au moment,
simplement, où ils louent ou vont louer (1) un ou des emplacement(s) d'affi-
chage publicitaire. Une fois ces emplacements loués, ce code de pratiques
loyales s'applique aussi à l'exploitation technique de l'emplacement (2).

1. Lors de la location des emplacements d'affichage


Le code ne régit que les
relations entre profession- L'essentiel du code consiste à ne pas permettre aux afficheurs de se livrer à des
nels et non le contenu des actes de démarchage abusifs. La règle générale fixée par le code est que tout
messages affichés.
afficheur doit s'abstenir de démarcher un propriétaire dont la propriété est déjà
occupée par un autre afficheur déjà en place.

Cette pratique, très antérieure à l'adoption de la loi du 29 décembre 1979, a

10 – JANVIER, FÉVRIER, MARS 1996 – N° 11


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retrouvé une seconde jeunesse avec cette loi qui s'inscrit dans la sphère de la
protection du cadre de vie et vise, notamment, à ne pas surcharger de dispo-
sitifs publicitaires les propriétés susceptibles de les accueillir en nombre néces-
sairement limité.

Cette disposition prévoit que l'afficheur intéressé s'adresse à l'afficheur déjà en


place et lui demande la portée et l'étendue de son titre plutôt que de questionner
le propriétaire dans des conditions imprécises et susceptibles de créer des
litiges. Les exemples de litiges entre afficheurs sont, en effet, nombreux dans
ce domaine.

2. Lors de l'exploitation de l'emplacement


La seconde règle contenue dans le code de pratiques loyales a pour objet d'in-
terdire que les afficheurs ne se livrent entre eux à des actes de concurrence
déloyale.

Est à ce titre visé le masquage entre afficheurs que le code de pratiques loyales
prohibe très nettement en disposant que le masquage s'entend de tout dispositif
partiellement ou totalement masqué par un précédent dispositif installé avant
(géographiquement) mais après (chronologiquement), à une distance de
vingt (20) fois la plus grande dimension du dispositif masqué, en général
quatre-vingts (80) mètres auparavant.
En dehors de ces deux règles, qui constituent l'essentiel du code de pratiques
loyales des afficheurs, le code ne contient qu'un contrat type de location, ainsi
que les règles de solution des litiges entre afficheurs.

Au-delà de ces trois codes d'éthique, l'un s'appliquant à une profession (les
directeurs de communication), le second à un groupe (Lagardère Groupe), le
troisième à une corporation (celle des afficheurs), il convient de signaler et de
rappeler le rôle du Bureau de vérification de la publicité qui entend, par une
démarche autodisciplinaire et interprofessionnelle, promouvoir une expression
publicitaire, saine, loyale et véridique. Il diffuse, à cette fin, des recommanda-
tions interprofessionnelles de bonne pratique dont il assure la bonne exécution
et le suivi par tous les partenaires. Prises en considération par le pouvoir
judiciaire, elles sont devenues des valeurs de référence que la jurisprudence cite
régulièrement à l'appui des décisions rendues.
© Victoires éditions | Téléchargé le 19/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.0.27.130)

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Ainsi s'est créé au fil du temps une démarche éthique professionnelle visant à
la protection des consommateurs, au respect d'une saine concurrence et au
développement d'une publicité qui séduise sans tricher dans le respect de
chacun. Cette démarche publicitaire, à la fois promue et entretenue par le
Bureau de vérification de la publicité, s'est globalisée au plan européen dans
d'autres secteurs que le monde publicitaire.
Le Parlement européen sou-
Le Parlement européen s'est prononcé, le 15 juin 1995, en faveur d'un « code de haite parvenir à l'édification
conduite des médias en Europe » destiné à garantir l'indépendance de l'information d'un code de conduite des
médias en Europe.
et des journalistes, dans une résolution adoptée en session plénière à Strasbourg. Le
Parlement européen souhaite également que les gouvernements des États membres
« renforcent ou mettent à jour leur législation en matière de concentration des
médias afin d'éviter les positions dominantes et de garantir le respect des règles de
concurrence en tenant compte de tous les phénomènes de concentration ».

Dans le secteur publicitaire, à l'approche de l'entrée du projet de loi Sapin, à


l'automne de 1992, un député de la Manche, non-inscrit, M. Jean-Marie Daillet,
avait déposé une proposition de loi relative à la déontologie, la transparence et
l'organisation de la profession publicitaire, refusant par avance qu'une
profession voie son sort traité dans le cadre d'un texte légal sur la corruption
du secteur public.

N° 11 – JANVIER, FÉVRIER, MARS 1996 – 11


LÉGICOM N° 11 / 1996

Il proposait donc une large réflexion sur le secteur de la publicité et appelait de


ses vœux la création d'un Conseil national de la publicité, réunissant des annon-
ceurs, des médias, des consommateurs et des publicitaires. Ce Conseil serait
chargé de l'élaboration d'un code de déontologie de la profession publicitaire.
Ce fut sans lendemain. La loi Sapin, quant à elle, fut adoptée et appliquée.

CONCLUSION
Au cours de ces dernières années, le débat sur l'éthique et la déontologie a
envahi les colonnes, les écrans et les estrades des colloques. La communication,
publicitaire ou de presse, est devenue un enjeu majeur des grands groupes
industriels qui se sont intéressés à ces divers secteurs. Les médias de presse ont
été l'objet de toutes les convoitises.

Dans un article remarqué intitulé “Pour une éthique globale des médias” (Le
Monde, 31 mai 1995), Bernard Spitz, chargé de mission auprès du président de
Canal Plus, évoquait le « carré magique » de l'espace médiatique comprenant :
le divertissement, l'information, la technologie et la propriété capitalistique.
Toute réflexion sur la morale, l'éthique et la déontologie dans la communication
ne saurait s'exonérer d'une référence au carré magique de Bernard Spitz.

Le divertissement et l'information reposent, par les thèmes qu'ils véhiculent lors


de leur expression, sur l'éthique et la déontologie. Puis ce fut la technologie qui
conduisit à raisonner en termes d'éthique et de déontologie au regard des
nouvelles techniques de communication. Ce fut, enfin, la propriété capitalistique
des supports de messages ou concepteurs de messages qui ont également conduit
à réfléchir en termes d'éthique ou de déontologie, dès lors que l'émission des
messages n'était plus empreinte de l'objectivité nécessaire et attendue.

Le débat continue. S'il advenait que les chartes et codes de déontologie n'aient
été qu'une mode, on s'en apercevra assez vite et les errements d'hier réapparaî-
tront demain.

Pierre BONFILS
Directeur juridique de la SA Giraudy

NOTES
1. BARBERI (J.-F.), “Morale et droit des sociétés”, Les 3. Lire dans le même sens, COMBE (Pierre) et
Petites Affiches, n° 68, 7 juin 1995, p. 13-18. Cet DESCHAMPS (Philippe) Éthique en toc, le management
© Victoires éditions | Téléchargé le 19/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.0.27.130)

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article reprenait l'ntervention de l'auteur lors du des valeurs en entreprise, Les Presses du mana-
colloque “Morale et droit des affaires” à Toulouse, le gement, dont le bandeau annonçait « La morale, une
12 mai 1995. idée neuve... ». Un des analystes de ce livre ouvrait
son commentaire par les mots : « Quand la morale se
2. Le Nouvel Économiste, n° 963, 16 septembre 1994. dégrade dans les faits, elle fleurit dans les colloques »
L'enquête portait sur “Dix propositions pour réhabi- M.C., L'Expansion, 30 mai au 12 juin 1996, n° 526,
liter l'éthique dans l'entreprise ”. p. 127.

À LIRE

COMBE (Pierre) et Deschamps (Philippe), Éthique en IGALENS (J.), Droit des affaires, éthique et déontologie,
toc, Les Presses du management, 1996. L'Hermès, 1994.

LAMARQUE (Patrick), Les désordes du sens, alerte sur MINC (Alain), La morale et l'argent, R.J.C., 1991.
les médias, les entreprises, la vie publique, ESF ETCHÉGOYEN (Alain), La valse des éthiques, Jeanne
Éditeur, 1993. Bourin, 1991.

BIBLIOGRAPHIE
Médiaspouvoirs, n° 36, 4e trimestre 1994, « OPA sur BARBIÉRI (Jean-François), “Morale et droit des
les médias » et, notamment, Soria (Carlos), “Éthique sociétés”, Les Petites Affiches, n° 68, 7 juin 1995.
de l'information”, même numéro p. 142-149.
SPITZ (Bernard), “Pour une éthique globale des “Dix propositions pour réhabiliter l'éthique dans
médias”, Le Monde du 31 mai 1995. l'entreprise”, Le Nouvel Économiste, n° 963, 16 sep-
tembre 1994.
Le Parlement européen en faveur d'un « code de
conduite des médias », Newsletter du 16 juin 1995. “ Communiquer pour entreprendre, directeur de la
La Gazette du Palais, n° spécial, “La publicité, droit communication : un métier, une déontologie”, Entre-
et déontologie”, 26-27 mai 1993. prises & Médias, juin 1992.

12 – JANVIER, FÉVRIER, MARS 1996 – N° 11

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