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ET HYPERTHYROÏDIE INFRA-CLINIQUE
par Pierre BEL LASSEN 1,2, Aglaia KYRILLI 2, Maria LYTRIVI 2 et Bernard CORVILAIN 2
(Bruxelles)
clinique est définie biologiquement par la présence chez un patient asymptomatique d’une
concentration de TSH infranormale mais avec la persistance de concentrations normales
de T4L et T3L. Que l'hyperthyroïdie infra-clinique doive être ou non traitée reste un sujet
de débat. Les études transversales (cross-sectional studies) et les études longitudinales
basées sur le suivi de populations ont permis de démontrer qu’une hyperthyroïdie infra-
clinique est associée à une augmentation des risques de fibrillation auriculaire et
d'ostéoporose, ainsi qu’à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire et de la
mortalité globale. Cependant, on ne dispose pas d'essais cliniques randomisés permettant
de savoir si le traitement de l'hyperthyroïdie infra-clinique améliore de manière durable ces
différents paramètres. Par conséquent, en l'absence de preuves en faveur ou en défaveur du
traitement de l'hyperthyroïdie infra-clinique, il semble opportun de s’inspirer des
algorithmes qui prennent notamment en compte la concentration de TSH et la présence de
facteurs de risque (âge > 65 ans, ostéoporose, ménopause et présence d’une pathologie
cardiaque).
DÉFINITION
Une hyperthyroïdie infra-clinique (HIC) se définit exclusivement par des critères biolo-
giques sans tenir compte de la présence ou non de signes cliniques d’hyperthyroïdie. Elle
se définit biologiquement par une concentration de TSH infranormale en présence d’une
concentration de T4L et de T3L dans les limites de la normale (1). En fonction de sa
sévérité biologique, l’hyperthyroïdie infra-clinique peut être divisée en deux catégories:
l’HIC de grade I ou la concentration de TSH est abaissée mais encore largement dosable
(classiquement entre 0,1 et 0,39 mU/L) et l’HIC de grade II où la concentration de TSH
est basse ou indétectable (classiquement < 0,1 mU/L) (2). La mesure de TSH se révèle
extrêmement performante pour diagnostiquer une dysfonction thyroïdienne même
minime, car des modifications infimes de l'imprégnation hormonale vont entraîner une
variation relativement importante de la concentration de TSH. Ceci explique que des
modifications de la concentration de T4 libre restant dans l'éventail normal vont entraîner
des augmentations ou des diminutions de la concentration de TSH susceptibles d'être en
dehors des valeurs de référence (3, 4). Par ailleurs, une définition absolue des pathologies
thyroïdiennes infra-cliniques est difficile car chaque individu semble avoir ses propres
normes qui évoluent dans un éventail sensiblement plus étroit que les normes admises
pour une population (5). Du fait de l’absence de symptomatologie importante, la plupart
des patients sont détectés à l’occasion d’un examen de dépistage de la fonction thyroï-
dienne.
Tableau 1. - Causes de concentrations sériques basses de TSH qui ne sont pas dues à une
hyperthyroïdie infra-clinique
En dehors de la situation des grossesses que nous n’aborderons pas ici, les HIC endogènes
sont de deux types : transitoires ou persistantes (Tableau 2).
Les HIC transitoires sont dues principalement aux hyperthyroïdies cliniques en début de
traitement mais surtout aux thyroïdites (subaiguë, silencieuses, du post-partum). Les
étiologies des HIC persistantes sont les mêmes que celles des hyperthyroïdies cliniques : la
Persistante
Exogène
• iatrogène (intentionnelle ou non intentionnelle)
Endogène
• Goitre multinodulaire toxique
• Nodule solitaire toxique (solitaire nodule autonome)
• Maladie de Basedow
Transitoire
• Hyperthyroïdie avérée traitée par antithyroïdiens ou iode radioactif.
• Phases d’hyperthyroïdie transitoire observées dans diverses formes de thyroïdite (thyroïdite
subaiguë, thyroïdite silencieuse, thyroïdite du post-partum,…..).
PRÉVALENCE
La prévalence de l’HIC est très variable d’une étude à l’autre (4). Elle varie de 0,4 à 11 %.
La prévalence dépend principalement du seuil de TSH en dessous duquel le diagnostic est
posé (0,1 ou 0,4 mU/L), de l’âge et du sexe de la population étudiée, et de l’apport iodé. La
prévalence s’accroît avec l’âge et est plus importante dans les régions en carence iodée qui
favorise l’apparition progressive d’un goitre avec des foyers d’autonomie généralement sous
la forme de nodules hypercaptants à la scintigraphie, isolés ou multiples au sein d’un goitre.
d’hhormoness thyroïdieennes
Cooncentrations norm
males
0 1 2 3 4
Production hormonale
par le tissu normal
Production hormonale
par le nodule autonome Taux de TSH
0 1 2 3 4
Nodule autonome
trices du récepteur de la TSH (16). Une fois que le nombre de cellules autonomes atteint
une masse critique, la concentration de TSH diminue, devient infranormale et on voit
apparaître une HIC. L’apparition de l’HIC chez un patient porteur d’un nodule chaud
répond aux mêmes causes physiopathologiques: mutation activatrice du récepteur de la
TSH, développement d’un clone de cellules autonomes qui, après avoir atteint une masse
critique, entraîne une diminution de la concentration de TSH (Figure 1). La taille
médiane d’un nodule autonome entraînant une diminution de la concentration de TSH
est d’environ 3 cm (17). Le rôle de la carence iodée dans la pathogénie des goitres multi-
nodulaires et des nodules autonomes explique largement pourquoi les HIC sont plus
fréquentes dans les régions avec carence iodée et la lenteur de l’évolution, pourquoi ces
HIC sont surtout observées chez les sujets âgés.
a) Cardiovasculaires
• Altérations fonctionnelles et structurelles
Les effets des hormones thyroïdiennes et de l’hyperthyroïdie sur le myocarde et sur le
rythme cardiaque ont été bien démontrés (23). Même en cas d’euthyroïdie, la concentra-
• Fibrillation auriculaire
La première observation de l’association entre la fibrillation auriculaire (FA) et l’HIC
remonte à 1994. Une étude sur des sujets issus de la cohorte de Framingham a montré au
cours d’un suivi de 10 ans un risque de FA majoré par rapport aux témoins euthyroïdiens
avec un risque plus important pour les sujets dont la concentration de TSH était <0.1 mUI/l
(HIC de grade II) (33). Dans une large étude sur 23 638 sujets dont 613 avec une HIC et
725 avec une hyperthyroïdie, il a été montré que le risque de FA était fortement majoré
pour les sujets avec une HIC en comparaison des témoins euthyroïdiens (risque relatif de
5.2). Le risque relatif de FA n’était pas différent de celui observé pour les sujets avec une
hyperthyroïdie clinique (34). Ces résultats ont été confirmés par la suite dans des études
transversales (35) et des études prospectives (36) avec un risque de FA plus important en
fonction du degré de suppression de la TSH (37).
b) Osseuses
Les hormones thyroïdiennes ont un effet d’activation de la résorption osseuse et l’hyper-
thyroïdie est un facteur de risque d’ostéoporose. Concernant l’HIC endogène, les données
de la littérature sont plus conflictuelles. La majorité des études démontrent une diminu-
tion de la densité minérale osseuse chez les femmes ménopausées (42) alors que l’HIC ne
semble pas modifier la densité osseuse chez les hommes ou les femmes non ménopausées
(43, 44). Une méta-analyse récente regroupant 19 études a conclu à une association faible
entre baisse de la densité minérale osseuse et HIC mais uniquement pour les mesures faites
au niveau du col fémoral (45). Concernant le risque de fractures, les données sont égale-
ment conflictuelles. une étude qui incluait des femmes post-ménopausées avec une HIC de
grade 2 (TSH <0.1 mU/L) montrait un risque fortement majoré de fractures de hanche et
vertébrale comparé aux témoins (risque relatif de respectivement 3.6 et 4.5) (46) alors
qu’une autre étude ne montrait d’augmentation du risque fracturaire que dans la popula-
tion masculine (47). Une méta-analyse récente regroupant 13 études prospectives a
confirmé une association entre HIC et un risque majoré de fracture vertébrale (hazard
ratio de 1.5) et de fracture de hanche (hazard ratio de 1.4) avec des associations plus fortes
lorsque la TSH était <0.1 mUI/l et que l’origine iatrogène de l’HIC (prise d’hormones
thyroïdiennes) était exclue (48).
c) Métaboliques
L’hyperthyroïdie clinique entraîne une perte de poids, une diminution du cholestérol
sanguin et pourrait contribuer à l’insulino-résistance (49, 50). Des données récentes
semblent suggérer des effets similaires pour l’HIC. De nombreuses études transversales ont
rapporté des corrélations entre hormones thyroïdiennes et certains paramètres métabo-
liques tels que le poids, la glycémie, la cholestérolémie (51, 52). Dans une des rares études
transversales incluant des patients avec des pathologies thyroïdiennes infra-cliniques, une
corrélation positive a été trouvée entre la TSH et l’indice de masse corporelle (IMC) avec
une différence d’IMC de 1.9 kg/m2 entre le groupe avec le niveau de TSH le plus bas et
celui avec le niveau le plus haut (51). Une fois encore, le degré de suppression plus impor-
tant de la TSH était associé à des effets métaboliques plus importants.
taille, est la captation faible (parfois <30 % à 24h) et hétérogène de l’131I au sein du
goitre, aboutissant à des doses thérapeutiques calculées d’131I élevées pouvant dépasser
les doses d’131I généralement autorisée en ambulatoire (15 mCi ~555 MBq. Pour
augmenter la captation d’iode radioactif et donc diminuer les doses à administrer ou
augmenter leur efficacité, la TSH recombinante (rhTSH) à été utilisée dans différentes
études cliniques à des doses comprises entre 0.1 et 0.9 mg, 24 à 72 h avant le traitement
par 131I. L’administration de rhTSH permet d’au moins doubler la captation à 24h de l’131I
entrainant de manière concomitante une réduction plus importante du volume du
goitre (54-58), associée à l’apparition plus fréquente d’une hypothyroïdie [52 % des cas
après 5 ans contre 13 % dans le groupe 131I seul (59)]. La rhTSH n’étant généralement
pas remboursée dans cette indication, d’autres études ont analysé l’effet d’une augmen-
tation de la concentration de TSH induite par un traitement préalable par antithyroï-
diens de synthèse sur la captation d’131I. Une étude randomisée récente a montré que,
chez des patients avec une HIC due à un GMN, 30 mg/j de thiamazole administré
pendant 6 semaines et arrêté 72 heures avant le traitement par 131I permettait de doubler
la captation d’131I à 24h (de 32 à 63 %) et donc de diminuer la dose thérapeutique
calculée sans nuire à l’efficacité du traitement (60) (Figure 2).
• C
hirurgie. La chirurgie est le traitement de choix en présence d’un goitre multinodu-
laire compressif ou en présence de nodules suspects. La thyroïdectomie sera totale en
présence d’un goitre multinodulaire bilatéral mais la simple lobectomie peut être une
option valable en présence d’un goitre unilatéral ou d’un nodule toxique unique. Les
complications de la thyroïdectomie, et surtout les lésions récurrentielles sont dépen-
dantes de l’expérience de l’équipe chirurgicale. Dans des mains expertes, la thyroïdec-
Fig. 2. - Effet sur la captation moyenne d’131I à 24H (24-h RAIU%) d’un traitement de 42 jours soit
par un régime pauvre en iode (LID) soit par thiamazole (MTZ). *, P < .05; **, P < .001.
tomie totale n’est pas associée à un risque accru de complications permanentes (paralysie
récurrentielle, hypoparathyroïdie) (61, 62). Ce taux est inférieur à 1-2% et diminue avec
l’identification en routine de nerfs récurrents et des parathyroïdes. Ces résultats ne sont
toutefois pas applicables à des équipes moins expérimentées pour lesquelles le nombre
de complications est moins important en cas de chirurgie moins étendue (63, 64).
D’autre part, la place de la lobectomie est conditionnée principalement par le risque de
récidives nodulaires dans le lobe controlatéral, pouvant conduire à des nouvelles inves-
tigations invasives (cytoponction à l’aiguille fine), voire à une réintervention. Bien que
les récidives nodulaires millimétriques après lobectomie sont fréquentes, le taux de
récidives cliniquement significatives est faible et le taux de réinterventions est très bas
selon une étude récente (65). La lobectomie n’exclut pas la nécessité d’une supplémen-
tation hormonale en postopératoire, puisqu’environ 20 % des patients développent une
hypothyroïdie souvent fruste (66). Néanmoins, elle permet un contrôle plus aisé de la
fonction thyroïdienne qu’après thyroïdectomie totale (65).
TSH < 0.1 mU/L TSH ≥ 0.1 mU/L TSH < 0.1 mU/L TSH ≥ 0.1 mU/L
Patients âgés > 65 Patients âgés > 65 Patients âgés > 65 Envisager
ans et femme ans et femme ans, patients avec l’abstention
ménopausée : ménopausée : pathologie thérapeutique vu
traitement par traitement par cardiaque et le taux élevé de
Iode 131. Iode 131. femme rémission
ménopausée : spontanée.
Patients < 65 ans Patients < 65 ans
traitement par
symptomatiques symptomatiques Iode 131. Patients âgés ou
ou avec ou avec avec pathologie
pathologies pathologies Sujets jeunes cardiaque :
cardiaques : cardiaques : symptomatiques, envisager un
traitement par traitement par envisager plutôt traitement par
Iode 131 Iode 131 antithyroïdiens petites doses
antithyroïdiens ou
Sujets < 65 ans Sujets < 65 ans Sujets jeunes par Iode 131
asymptomatique : asymptomatique : asymptomatiques,
traiter ou suivre suivre et traiter si envisager
évolution l’abstention
thérapeutique
• S
i la concentration de TSH est basse, il faut mesurer la concentration des hormones
thyroïdiennes (FT4 et TT3 ou FT3).
• I l faut s’assurer de l’absence de situations pouvant s’associer avec une concentration de
TSH basse sans relations avec la présence d’une HIC, comme la prise de certains
médicaments, une maladie aiguë non thyroïdienne ou une insuffisance hypothalamo-
hypophysaire.
• Il faut s’assurer du caractère persistant de l’HIC en contrôlant la concentration de TSH
après 2-3 mois.
• O
n doit aussi tenir compte de la concentration de TSH. Plus elle est basse, plus l’uti-
lité du traitement est probable. Et, bien sûr, la pierre angulaire de la décision de traiter
est basée sur le risque pour le patient de rester avec une HIC non traitée.
Du fait de l’absence d’études prospectives analysant l’effet de la correction de l’HIC sur
des paramètres importants comme la morbitité cardiovasculaire ou la mortalité totale, les
recommandations proposées par l’American Thyroid Association ou l’European Thyroid
Association sont en partie empiriques.
roïdiens de synthèse sera le premier choix chez les sujets jeunes et chez les patients sans
pathologie cardiovasculaire identifiée. Si on opte pour un traitement définitif avec un
risque faible de récidive, on choisira le traitement par 131I.
• E
n présence d’une HIC sur nodule chaud ou goitre multinodulaire, vu l’absence de
rémission attendue, un traitement au long cours par antithyroïdiens n’a pas sa place. On
optera généralement pour l’131I. Ces patients étant généralement assez âgés, la chirurgie
ne sera envisagée qu’en présence d’un goitre compressif ou de la découverte fortuite, au
cours de la mise au point, d’une lésion nodulaire suspecte au sein de la thyroïde.
1
ervice de Nutrition Clinique, Hôpital Raymond Poincaré,
S
104 Boulevard Raymond Poincaré, 92380 GARCHES,
France.
2
Service d’Endocrinologie, Hôpital Erasme, 808 Route de
Lennik, 1070 Bruxelles, Belgique
ABSTRACT
Subclinical hyperthyroidism is a common clinical entity. Subclinical hyperthyroidism is
defined as a serum TSH below the reference range but a normal T4 and T3 level in an
asymptomatic patient. Whether or not subclinical hyperthyroidism should be treated remains
a matter of debate. Cross-sectional studies and longitudinal population-based studies
demonstrate association between subclinical hyperthyroidism and risk of atrial fibrillation,
osteoporosis and cardiovascular and global mortality. However, there are no randomized
clinical trials answering the question whether long term-health outcomes are improved by the
treatment of subclinical hyperthyroidism. Therefore in the absence of evidence for or against
treatment of subclinical hyperthyroidism, it seems appropriate to follow algorithms that
consider the level of TSH and the presence of risks factors (age > 65 years, osteoporosis, post
menopause and cardiac disease).
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TRENTE-HUITIÈMES
JOURNÉES NICOLAS GUÉRITÉE D’ENDOCRINOLOGIE
ET MALADIES MÉTABOLIQUES
SE TIENDRONT LES
VENDREDI 23 ET SAMEDI 24 NOVEMBRE 2018
au Grand Amphithéâtre de la Faculté de Médecine des Saints-Pères
à Paris (VIe)
NOTES