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Imposés par le FMI, les programmes d’ajustement structurels accompagnent les prêts
accordés aux pays endettés (prêts conditionnés). Ils se sont diffusés, dès le milieu des années
1980, à la quasi-totalité des PED. Les PAS ont pour mission de réduire les déficits budgétaires
(par la baisse des dépenses publiques) et commerciaux (par la diminution de la demande
intérieure). Les experts du FMI préconisent une libéralisation, une déréglementation des
marchés. Les privatisations sont les bienvenues puisqu’elles sont censées améliorer les
performances économiques de l’industrie. Les PAS impliquent un accroissement du poids des
mécanismes du marché. Celui-ci, grâce à une régulation par les prix, doit provoquer une
réaffectation des ressources et rétablir les grands équilibres macro économiques. En outre, les
PED sont « conviés » de développer une stratégie fondée sur la promotion aux exportations,
stratégie reposant sur les avantages comparatifs naturels. La loi des proportions des facteurs
selon laquelle une économie se spécialise en fonction de ses dotations relatives en facteurs de
production doit être respectée. Les PAS ont donc pour mission de rembourser le service de la
dette mais aussi de créer de l’homogène dans ces économies perturbées. Il s’agit de les
remodeler, de les rendre compatibles aux normes de production présentes dans les économies
dites développées.
Au regard de ce qui précède, on serait tenté d’appréhender la globalisation dans son
acception la plus immédiate, c’est-à-dire comme une « économie globale » caractérisée par
une norme de production et de consommation unique. La globalisation traduirait l’existence
d’un modèle unique, global ayant pour vocation à se diffuser à l’ensemble des pays de la
planète. Au sein de ce nouvel espace, purement économique, l’homogène l’emporterait sur
l’hétérogène grâce au processus de libéralisation, de déréglementation et de privatisation.
Nous serions dans un monde lisse, sans friction que nous retrouvons dans les sphères
économique et financière au travers des notions de liquidité, de fluidité, de mobilité, de
réactivité et de polyvalence des facteurs de production. Le mode de coordination dominant,
voire exclusif, serait alors le marché. Il y aurait uniformisation des comportements, des
institutions, des règles et des trajectoires. Les pays de la triade convergeraient vers un modèle
unique et un futur identique [Crochet, 1997, p.41]. La globalisation serait le stade ultime de la
convergence [Ohmae, 1990]. L’extérieur de la triade, désormais homogénéisé, serait inséré à
la triade et ce, grâce au marché qui est, par définition, le mode de coordination le plus
efficace.
Sous développement, en voie de développement puis en développement sont autant de
qualificatifs qui désignent les pays à la marge de la triade. Dans le discours de la
globalisation, ces pays sont tout simplement en retard par rapport aux pays développés.
L’augmentation du poids des mécanismes de marché permet à ces pays de rattraper leur retard
et espérer atteindre la lumière, faire partie du club des pays éclairés, les pays dits développés.
Une telle approche de la globalisation ne conduirait pas à l’intégration mais à
l’assimilation, c’est-à-dire à la perte de son identité. L’homme serait « globalisé » dans le sens
où il serait unidimensionnel dans ses comportements de consommateur ou de producteur.
L’homme serait individu et deviendrait, enfin, parfaitement substituable ! L’ordre serait alors
rétabli puisque tous les individus auraient la même fonction objectif, une fonction de
maximisation de leur utilité ! Le processus de globalisation mène alors à une société
totalitaire.
Toutefois, la recherche de l’homogène engendre son contraire, c’est-à-dire un
accroissement des disparités socioéconomiques. Celles-ci résultent d’une part de
l’incompatibilité de nombre d’économies avec les institutions et règles du marché et, d’autre
part, d’une réaction cutanée des hommes à ce processus d’homogénéisation. Le fait que la
recherche de l’homogène engendre une montée de l’hétérogène est, selon nous, un signe
d’espoir, annonçant l’avènement d’un discours alternatif à la globalisation où l’homme ne
serait pas réduit à un simple individu. Il retrouverait ses prérogatives d’auteur.
A cela s’ajoute la volonté de la part des grandes institutions internationales (FMI,
OCDE, Union européenne,…) d’élargir la taille des marchés dont ont besoin les entreprises et
plus spécifiquement les FMN. Cela passe par la création ou l’élargissement d’espaces
supranationaux tels que l’ASEAN, l’ALENA, l’Union européenne, le Mercosur, puis plus
tard le CETA,…
Le terrain de jeu des FMN s’élargit suite à la création et à l’élargissement progressif
des espaces supranationaux. Nous sommes donc désormais dans le cadre d’un système
d’économie mondiale élargi que nous appelons l’économie globale en formation. Si certains
pays en développement se trouvent « insérés » dans l’économie globale, nombre d’entre eux
en demeurent exclus. A cela vient se greffer deux problématiques :
- Un risque de bouleversement systémique avec la montée en puissance de la Chine
- La montée des inégalités sociales et territoriales, y compris au sein des pays dits
développés.
Le processus de libéralisation des marchés que connaissent les PED depuis le début
des années 1980 et de façon plus progressive les pays dits développés entraîne de profondes
transformations structurelles des systèmes socioéconomiques (1.2.1.) et une montée sans
précédent de l’incertitude et de la concurrence (1.2.2).
Nouvelles relations
firmes/territoires
Dès le début des années 1980, on assiste à une accélération de la libéralisation des
échanges. L’objectif est de créer un monde lisse, sans relief, sans entraves. Selon les tenants
de ce discours, un tel monde permet de développer les échanges de marchandises et ainsi de
maximiser son bien-être. Il y a socialisation par l’échange et, par conséquent, pacification. Le
recours au commerce international permet d’accroître la division du travail et ainsi de créer
davantage de richesses. En outre, une spécialisation internationale fondée sur les avantages
comparatifs et reposant sur la loi des proportions des facteurs engendre, selon le théorème
d’Heckscher-Ohlin-Samuelson (H.O.S), un monde homogène où les inégalités entre
économies s’estompent… Le processus de libéralisation, en réduisant régulièrement les
entraves au commerce international, va dans le sens de l’abondance et de la paix sociale.
Ce mouvement de libéralisation des échanges n’est pas nouveau. Il date du lendemain
de la seconde guerre mondiale, mouvement qui fut largement amorcé par les grandes
organisations internationales et le GATT. Toutefois, dès le début des années 1980, on note
une accélération du processus de libéralisation. Ce mouvement est d’autant plus marqué que
simultanément les coûts de transport (maritime, aérien et routier) diminuent sensiblement.
Cette réduction des coûts de transport est à mettre au compte d’innovations technologiques
mais aussi et surtout de l’acuité de la concurrence dans ce secteur d’activité. Les nouvelles
technologies de l’information ont permis de mettre en relation acheteurs et vendeurs aux
quatre coins du monde. La diminution des barrières tarifaires et des coûts de transport
contribue à accroître la concurrence et à développer le commerce international. Toutefois, s’il
est vrai que les barrières tarifaires ont considérablement diminué sous l’action des différents
« round » du GATT puis de l’OMC, les barrières non tarifaires (B.N.T.), quant à elles,
demeurent et même s’accroissent1. Les B.N.T et notamment celles correspondant à du
protectionnisme furtif car difficilement détectables, (normes techniques ou sanitaires, labels,
tracasseries administratives) [Sandretto, 1994], correspondent, en fait, à des entraves qui
engendrent des coûts de transaction pouvant limiter le développement des échanges. L’essor
des échanges internationaux de services facilite l’extension du protectionnisme furtif
(difficulté de contrôler les échanges immatériels). « Si le protectionnisme devient furtif, c’est
en partie parce que le commerce international lui-même le devient de plus en plus avec le
développement des échanges de services, qui pour la circonstance, sont particulièrement bien
nommés puisqu’on les qualifie aussi d’«invisibles» [Crozet et al, 2001, p.170]. Le
protectionnisme, sous toutes ses formes, est considéré dans le discours néoclassique, comme
étant synonyme de guerre.
Le processus de libéralisation concerne également la dimension productive. L’objectif
est de redonner au capital sa liberté, sa liberté de mise en valeur. La citation d’un chef
d’entreprise (Président du groupe industriel ABB en 1995) est suffisamment édifiante : « Je
définirais la globalisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps
qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en
ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de
conventions sociales ». Ce mouvement est censé créer davantage de flexibilité dans les choix
de localisation des firmes. Dans la période de l’économie mondiale, les pays d’accueil
imposaient un code des investissements où nombre de contraintes de performance étaient
imposées aux filiales des FMN. En fait, ces contraintes n’avaient pas pour but de freiner
l’arrivée des investisseurs étrangers mais plutôt de sélectionner ceux qui étaient disposés à
accepter ces « contraintes ». Ces dernières s’inséraient dans une politique industrielle et
technologique du pays d’accueil. L’idée était la suivante : puisque les FMN souhaitent
1
Il est possible de distinguer des BNT dites « dures » et des BNT « douces ». Les premières comprennent,
entre autres, les contingentements et les Restrictions Volontaires aux Exportations (RVE). Les BNT
« douces » renferment les normes techniques, sanitaires, etc. Ces normes justifiées dans un souci de sécurité
et de protection de la santé, ne servent souvent que d’alibi pour assurer une protection à certaines entreprises
ou secteurs d’activités. Les actions antidumping et anti-subvention, engagées par les Etats, constituent
également une forme de protectionnisme. Pour de plus amples informations, voir [Crozet et al, 2001]
s’implanter sur notre territoire, alors faisons en sorte qu’elles créent des effets d’entraînement
sur notre système productif national. En outre, ces contraintes dissuadaient certaines firmes à
s’implanter ce qui assurait aux firmes en place l’existence d’un marché captif.
Depuis le début des années 1980, on assiste à un assouplissement du code des
investissements. Pour nombre de PED, les contraintes de performances ont purement et
simplement disparu. Leur disparition résulte d’une croyance des plus discutables selon
laquelle en offrant un monde sans entraves, les investisseurs pourront, enfin, s’implanter sur
des marchés qui étaient, jusque là, protégés et, par conséquent, marginalisés. Aujourd’hui, le
processus de libéralisation nous mène progressivement vers un espace « offshore » où tout est
permis. La complaisance est un comportement qui tend à devenir dominant. Dans les années
1960, la constitution de zones franches industrielles, principalement dans les PED, avait pour
mission d’attirer les investisseurs étrangers. Ces enclaves avaient un statut
d’extraterritorialité. Les filiales de FMN, qui s’y implantaient, bénéficiaient d’avantages
correspondant à une déréglementation par rapport à la réglementation en vigueur dans le reste
du pays. Depuis le début des années 1980, ces avantages (exonération de l’impôt sur les
bénéfices, possibilité de rapatrier la totalité des profits vers la maison mère, interdiction des
syndicats, code du travail laxiste) ont tendance à se diffuser à l’ensemble de l’économie du
pays d’accueil. L’exception tend à devenir la règle.
Toute entrave est préjudiciable aux performances économiques des entreprises. Le
processus de libéralisation des investissements s’est renforcé sous l’action de la montée des
régionalismes. En effet, dans un tel projet de création d’un espace régional, il est toujours
question de libre circulation des marchandises et des facteurs de production. En outre, si un
pays dispose d’une réglementation contrôlant les investissements directs étrangers extra
régionaux, il peut se trouver délaissé par les investisseurs étrangers au profit des autres
membres de l’espace régional qui, eux, n’ont pas de réglementation. Pour contourner cet
obstacle, l’investisseur étranger peut créer une unité de production dans un pays membre puis
écouler une partie de ses marchandises dans le marché convoité initialement. Face à ce risque
d’éviction, la France qui possédait, dans les années 1960, une réglementation en matière
d’investissement direct étranger, a du l’abandonner. Depuis 1996, les IDE en France sont
soumis à un régime de simple autorisation administrative, sauf dans certains domaines jugés
sensibles (armement, santé, sécurité publique et recherche) où existe une autorisation
préalable.
C’est probablement dans la dimension financière que le processus de libéralisation est
le plus avancé. On constate, depuis le début des années 1980, une très grande mobilité des
capitaux au sein de l’économie globale et plus précisément suite au processus de
désintermédiation et de déréglementation :
La désintermédiation2 signifie que les opérateurs internationaux ont
directement recours aux marchés financiers (finance directe). Ils ne passent
donc plus par les intermédiaires financiers et bancaires (finance indirecte) pour
effectuer leurs opérations de placement et d’emprunt. Cependant, les banques
demeurent, le plus souvent, un point de passage obligé pour accéder au marché
des titres, la souscription d’actions de sociétés privatisées s’effectuant à leurs
guichets. La désintermédiation et c’est un point sur lequel nous reviendrons
ultérieurement, se traduit par un transfert de responsabilité [Clerc, 1988,
p.152]. Dans le cas de la finance indirecte, les institutions financières sont
chargées de redistribuer l’épargne et assument le risque du prêt alors qu’avec
2
Ce processus est parfois qualifié de "titrisation" car l'épargne ainsi placée prend la forme de titres de
placement qui sont négociables sur le marché financier.
la désintermédiation, ce sont les épargnants eux-mêmes qui prennent en charge
le risque (variation de la valeur des titres sur le marché).
La déréglementation. Les autorités monétaires des principaux pays
industrialisés ont aboli les réglementations ou assoupli le cadre réglementaire
de manière à faciliter la circulation internationale du capital (libéralisation des
mouvements de capitaux), l’objectif étant de rendre au marché ses vertus
régulatrices (réduction des coûts de transaction et meilleure allocation des
ressources). Ce processus accroît la mobilité géographique des capitaux ainsi
que la mobilité (au sens de la substituabilité) entre les instruments financiers
[Plihon, 1995, p.11-12].
Pour les tenants du discours néo-libéral, la globalisation financière permet une
meilleure allocation des ressources, facilitant ainsi le financement de l’investissement par la
mobilisation de l’épargne mondiale. Compte tenu de l’innovation financière et de
l’augmentation de la concurrence entre les prêteurs, il y aurait une diminution des taux
d’intérêt, baisse propice au développement de l’investissement productif. Enfin, elle offre une
plus grande variété de placements permettant de mieux répartir les risques.
La globalisation financière est donc un processus menant à l’intégration des marchés
financiers et à la levée progressive de tous les contrôles freinant la libre circulation du capital
entre les pays industrialisés. La multiplication des transactions financières internationales est
liée à l’apport des nouvelles technologies. La technologie supprime les distances et comprime
le temps (forte augmentation de la vitesse de circulation du capital). L’organisation des
différents marchés en réseaux permet de mettre en relation des acteurs des quatre coins du
monde pratiquement en temps réel. L’utilisation des télécommunications et de l’informatique
conduit à l’interconnexion des marchés et permet d’exécuter instantanément, à distance, 24
heures sur 24, des opérations de plus en plus complexes. Désormais, l’espace financier n’est
plus tributaire de limites géographiques et temporelles. Il constitue un tout grâce à son unité
de lieu (interconnexions des différentes places financières) et de temps (fonctionnement en
temps continu).
Le processus de désintermédiation et de déréglementation a permis aux organisations
financières non bancaires (fonds de pension, sociétés d’investissements collectifs et
compagnies d’assurances) d’occuper progressivement le devant de la scène en accédant
directement au marché en tant que prêteurs [Chesnais, 1997, p.51]. Comme nous le verrons
plus tard, ces investisseurs institutionnels détiendront une relation de pouvoir très importante
sur la stratégie des firmes dans lesquelles ils détiennent des titres financiers (actions).
La constitution de la monnaie unique européenne, l’euro, s’inscrit dans cet objectif
d’homogénéisation, autrement dit de globalisation. On attend de l’euro une plus grande
stabilité des changes et une plus grande fiabilité dans le calcul économique. En supprimant les
opérations de changes entre Etats-membres, il est possible de réduire les coûts de transaction.
La monnaie unique est justifiée par rapport au marché. C’est parce que le marché est
imparfait, imperfections résultant de multiples monnaies nationales et de taux de changes, que
fut créer l’euro.