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Séquence de

seconde:
la poésie du 16e
s au 18e s.

Louise LABÉ, Sonnets,


sonnet 22
Introduction
• Dans les 24 sonnets, l’ante-pénultième
• Au terme quasiment de toute une initiation amoureuse
• Ici, enchaînement d’apostrophes à des divinités intimes (tutoyées) Soleil, sa
sœur (la lune) (en premier quatrain), doublé d’une succession
d’associations mythologiques soleil/lune, Mars/Vénus, Mercure/Jupiter…
• puis discours à la 3e personne (v.4-10) sur l’harmonie planétaire.
• Jusqu’au renversement du dernier tercet: ceux qui sont pris en exemple
sont finalement (second tercet) dévalués car leur sort, plus enviable que
celui de notre poétesse, et leur harmonie exemplaire ne tiennent … qu’à
une belle chance, celle d’avoir leur alter ego tout près. Finalement dans
l’analogie est ruinée, le sort de notre poétesse n’étant en rien comparable
à celui des planètes. = une comparaison en vain ?
Premier mouvement: la prise à
partie des planètes
• Soleil/ terre (« luisant soleil » /
« t’Amie ») le « soleil » est surdéterminé
(jusqu’au pléonasme) mais la terre?
Téthys? est désignée par une simple
périphrase
• 2e vocatif: « et toi, sa sœur » (= la lune)
qu’Endemyon embrasse. La lune n’est
désignée que par ses expansions du
nom, d’abord l’apposition « sa sœur » et
la relative « qu’Endemyon embrasse » =
elle n’existe qu’en fonction des autres
qui la déterminent
Second mouvement: les modèles
d’harmonie
• Sur tout le second quatrain: Mars/Vénus
• Mercure/ Jupiter avec le mouvement du premier qui se répand
dans les enjambements (dieu voyageur jusque dans les vers)
• Effet–miroir dans les reprises de termes: « de Ciel en Ciel », « de
lieu en lieu »
• Comparatifs de supériorité « plus gais et chaleureux »,
• hyperbole « mainte place »
• Harmonie dans les assonances en [v] « voit, Vénus, aventureux,
voilà, divin » puis en [s] (Ciel en Ciel, se glace, place, ses)
• Plénitude atteinte au vers 10 « qui les esprits divins ensemble
lie » puisque la mise en commun se retrouve dans le pluriel
(« les esprits divins »), dans l’adv. « ensemble » et dans le verbe
« lier » = insistance sur la communauté
Troisième mouvement: la volta
• L’harmonie n’est que factice;
• Loin de prouver que les humains devraient prendre modèle sur les deux, le poème
prend finalement comme référence le sort humain et rend dès lors l’accomplissement
divin improbable. Le modèle est devenu un contre-modèle.
• Vers 11. hypothèse qui vient tout déranger « Mais s’ils avaient… » (adversatif « mais » +
système conditionnel)
• Reprise ironique de « harmonie » v.9 on y croit, v.12 on n’y croit déjà plus
• Ironie aussi de l’adj. « irrévocable » après les vocatifs du début du sonnet
• Tous les termes mélioratifs du début (« bienheureux », « amoureux », « chaleureux »,
« puissante », « aiment ») supplantés par « erreur », « vain » et le jeu de mot sur
« travailleraient » (œuvrer mais aussi torturer)
• Sonorités désagréables : allitération de la fricative [r] au dernier tercet (« harmonie »,
« ordre », « irrévocable », « tournerait », « erreur », variable », « travaillerait »)
• Déséquilibre du nouveau duo: « moi » sans binôme
• Dans ce tercet, aucune occurrence de « voir » alors que le mot apparait dans chacune
des trois strophes précédentes (« voir », « voit », « voilà ») = couple séparé. Ce couple-là
n’existe que désuni.
Conclusion
• On passe tout le poème à envier une harmonie factice et improbable.
• Le lecteur en fin de tercet plutôt amené à trouver son modèle en la
pauvre poétesse malmenée par son amour.
• Aux deux vers finaux on comprend que « l’erreur » (= l’errance) et le
vide, la vanité, l’immensité les plus terrifiants sont ceux de l’absence
de l’être aimé, plus que la voûte céleste des planètes.
Ouverture
• Paradoxalement c’est à la fin du sonnet et dans les souffrances
intérieures, que le plus vaste espace se dessine.
• Préfiguration de « l’espace du dedans », abyssal, d’un Henri
MICHAUX.
Ouverture de conclusion bis
Marceline DESBORDES-VALMORE,
« Les séparés », Poésies inédites (1860)

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.


Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes,
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
N'écris pas !
Ouverture de conclusion ter
Pablo NERUDA, Vingt Poèmes d'amour et une chanson désespérée, poème 20, trad. Claude Couffon et Christian
Rinderknecht © Éditions Gallimard, 1998.
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit. Comme pour la rapprocher mon regard la cherche.
Mon cœur la cherche, et elle n'est pas avec moi.
Écrire, par exemple : « La nuit est étoilée
et grelottent, bleus, les astres au lointain. » La même nuit qui fait blanchir les mêmes arbres.
Nous autres, ceux d'alors, déjà ne sommes plus les
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante. mêmes.
Je puis écrire les vers les plus tristes cette nuit. Déjà je ne l'aime plus, c'est vrai, mais combien l'ai-je
Je l'ai aimée, et parfois elle aussi m'aima. aimée.
Ma voix recherchait le vent pour toucher son oreille.
Dans les nuits comme celle-ci je l'ai tenue dans mes
bras. À un autre. Elle sera à un autre. Comme avant mes
Je l'ai embrassée tant de fois sous le ciel infini. baisers.
Sa voix, son corps clair. Ses yeux infinis.
Elle m'aima, parfois moi aussi je l'ai aimée.
Comment ne pas avoir aimé ses grands yeux fixes. Déjà je ne l'aime plus, c'est vrai, mais peut-être que
je l'aime.
Je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit. L'amour est si court, et l'oubli est si long.
Songer que je ne l'ai pas. Sentir que je l'ai perdue.
Parce qu'en des nuits comme celle-ci je l'ai tenue
Entendre la nuit immense, plus immense sans elle. dans mes bras,
Et le vers tombe sur l'âme comme la rosée sur mon âme n'est pas satisfaite, l'ayant perdue.
l'herbe.
Bien que celle-ci soit l'ultime douleur qu'elle
Qu'importe que mon amour n'ait pu la garder. m'inflige,
La nuit est étoilée et elle n'est pas avec moi. et ceux-ci soient les ultimes vers que je lui écris.
C'est tout. Au loin quelqu'un chante. Au loin.
Mon âme n'est pas satisfaite, l'ayant perdue.

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