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 36-020-A-20

Physiologie de la douleur : mécanismes


centraux et contrôles
A. Mouraux, L. Plaghki, D. Le Bars

Depuis 2003, date de notre dernière revue sur la physiologie de la douleur, des progrès phénoménaux
ont été réalisés, notamment dans les domaines de la biologie moléculaire et de la neuro-imagerie fonc-
tionnelle (électroencéphalogramme, tomographie par émission de positons et imagerie par résonance
magnétique). Nous avons tenté de synthétiser ces nouvelles acquisitions sans oublier pour autant les
fondements de la physiologie, pour en extraire les données les plus solides. En effet, cette richesse
s’accompagne d’un paradoxe : la traduction en moyens thérapeutiques de ces nouvelles connaissances,
souvent acquises avec des modèles animaux, reste décevante. Dans la première partie, nous abordons
les moyens d’exploration du système de la douleur chez l’homme et chez l’animal. Dans la seconde,
nous présentons les mécanismes périphériques du système nociceptif. Dans la troisième, nous étudions
la profonde transformation que subissent ces mécanismes lors de l’inflammation. Dans la quatrième
sont abordés les mécanismes spinaux en condition physiologique et inflammatoire. Les apports récents
de la neuro-imagerie ont nécessité le développement d’un cinquième chapitre consacré aux mécanismes
cérébraux impliqués dans la douleur. La spécificité d’un réseau de structures cérébrales impliqué dans
la perception de douleur est évaluée. Un sixième chapitre est consacré aux mécanismes de contrôle de
l’activité spinale nociceptive avec une attention particulière pour le paradigme de modulation condition-
nant de la douleur. Les trois premiers chapitres sont développés dans l’article 36-020-A-10 de ce même
ouvrage et les quatrième, cinquième et sixième chapitres le sont dans le présent.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Physiologie de la douleur ; Mécanismes périphériques ; Mécanismes centraux ;


Systèmes intrinsèques de contrôle de la douleur ; Physiopathologie de la douleur

Plan  Mécanismes spinaux impliqués


■ Mécanismes spinaux impliqués dans la nociception 1 dans la nociception [1–3]

Projections spinales des fibres périphériques 1


Particularités du système trigéminal 2 Projections spinales des fibres périphériques
Libération des neuromédiateurs dans la moelle 2 La majorité des fibres afférentes primaires atteignent le sys-
Neurones spinaux impliqués dans la transmission tème nerveux central par les racines rachidiennes postérieures
de l’information nociceptive 4 ou leurs équivalents au niveau des nerfs crâniens (Fig. 1A). Leur
Sommation spatiale et temporelle des informations 5 corps cellulaire se trouve dans le ganglion rachidien correspon-
Convergence des informations 5 dant (ou le ganglion de Gasser pour le système trigéminal). La
Interactions entre informations spécifiques (codage spécifique substance grise médullaire est subdivisée en dix couches : les cinq
versus codage combinatoire) 6 premières correspondent à la corne postérieure, les couches VI-VII
Rôle des cellules gliales 7 à la zone intermédiaire, les couches VIII-IX à la corne antérieure
Activités réflexes 7 et la couche X à la zone périépendymaire. Les fibres A␤ se divisent
■ Mécanismes cérébraux impliqués dans la nociception 8 en deux contingents : le premier emprunte les cordons postérieurs
Relais bulbaires 9 vers les noyaux correspondants situés dans la partie caudale du
Relais pontiques et mésencéphaliques 11 bulbe et le second bifurque pour entrer sur plusieurs segments ros-
Relais diencéphaliques 11 traux et caudaux dans la substance grise médullaire et se terminer
Relais corticaux 12 dans les couches III-V et – mais dans une bien moindre mesure – II
■ Mécanismes de contrôle de l’activité des neurones et VI. Les fibres A␦ ne se projettent que localement vers les couches
spinaux impliqués dans la nociception 15 I, V et, dans une moindre mesure, II de la corne postérieure. Les
Contrôles segmentaires 15 fibres non myélinisées C, après avoir cheminé sur quelques seg-
Contrôles d’origine supraspinale 16 ments dans le tractus de Lissauer, se projettent essentiellement
Contrôle de la douleur et contrôle de la thermorégulation 16 vers les couches I et II lorsqu’elles sont d’origine cutanée mais aussi
Contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs 16 V-VII et X lorsqu’elles sont d’origine viscérale (Fig. 1A) (pointillés).

On constate une convergence anatomique des afférences nocicep-
Conclusion 20
tives cutanées, musculaires et viscérales dans les couches I et V.

EMC - Anesthésie-Réanimation 1
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Cordons Fibres Aβ Fibres C


postérieurs
1 2

I
II
III
IV V
Fibres Aβ VI X
Fibres Aδ VII
Fibres C
VIII
IX

A B

Fibres Aβ Fibres C Figure 1. Schéma des projections centrales des fibres afférentes d’origine cuta-
née.
A. Distribution sagittale.
B. Distribution rostrocaudale.
C. Convergence spatiale des fibres vers la corne postérieure.

Les fibres A␤ forment deux collatérales primaires dans la moelle, par le calcium cytosolique des terminaisons des fibres afférentes
l’une monte et l’autre descend le long de quelques segments. primaires. Les neuropeptides sont très nombreux – substance P
De ces deux collatérales partent, dans les cinq à six segments (sP), somatostatine, peptide lié au gène de la calcitonine (calcitonin
adjacents qui suivent leur entrée dans la moelle, des collaté- gene-related peptide [CGRP]), cholécystokinine (CCK), neurokinine
rales secondaires (Fig. 1B) (gauche). Les collatérales primaires des A, etc. – et jouent le rôle de neuromodulateurs, c’est-à-dire de sub-
fibres afférentes A␦ et C cheminent sur environ quatre segments stances endogènes qui, sans avoir d’effets propres, modulent les
adjacents de moelle dans le tractus de Lissauer en émettant des effets excitateurs ou inhibiteurs des neurotransmetteurs (acides
collatérales secondaires (Fig. 1B) (droite). Lorsque l’on considère aminés excitateurs et inhibiteurs).
la distribution des afférences vers un segment médullaire donné,
on constate d’énormes possibilités de convergences d’influences Canaux calciques
excitatrices ou inhibitrices issues d’afférences adjacentes (Fig. 1C).
La libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs est
déterminée par la concentration du calcium présynaptique, elle-
Particularités du système trigéminal [4] même sous la dépendance de courants calciques qui parcourent
des canaux spécifiques. Les canaux calciques dépendants du vol-
La sensibilité de la face et des cavités buccale et nasale est assu- tage à haut seuil L-, N- et P/Q- sont présents dans la corne
rée pour l’essentiel par les trois branches du nerf trijumeau (V) qui postérieure de la moelle, les deux derniers étant très abondants
se regroupent dans le ganglion de Gasser, ce dernier renfermant sur les fibres afférentes primaires. Les canaux L- sont sensibles à
les corps cellulaires des fibres afférentes. Dans le tronc cérébral, les certains agonistes et antagonistes dérivés de la dihydropyridine
fibres se séparent en un contingent qui emprunte la racine ascen- (nifédipine) ; les canaux N- sont bloqués par la ␻-conotoxine ; les
dante pour se rendre au noyau principal, et un contingent qui canaux P/Q- sont bloqués par la ␻-agatoxine.
emprunte une racine descendante pour émettre des collatérales
vers le noyau spinal auquel il est accolé. Le noyau principal consti-
tue le maillon essentiel de la transmission des messages tactiles Récepteurs présynaptiques
orofaciaux et le noyau spinal celui des informations thermiques La concentration de calcium cytosolique présynaptique est
et nociceptives. On les assimile du reste aux noyaux des cordons régulée par un certain nombre de médiateurs qui vont favoriser
postérieurs et à la corne postérieure qui jouent un rôle équivalent ou inhiber la libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs
pour le tronc et les membres. par des récepteurs spécifiques. Les premiers comptent l’adénosine
triphosphate (ATP) (P2X-r), la sérotonine (5-HT3 -r) et les pros-
taglandines (EP-r). Les seconds comptent le GABA (GABAB -r),
Libération des neuromédiateurs la noradrénaline (␣2 -r), la sérotonine (5-HT1A -r, 5-HT1B -r) et les
dans la moelle (Fig. 2) opioïdes (␮-r » ␦-r > ␬-r).

Deux groupes principaux de substances sont responsables de


la transmission des messages nociceptifs périphériques vers les
Acides aminés excitateurs
neurones spinaux : des acides aminés excitateurs qui sont les neu- Les récepteurs du glutamate et de l’aspartate sont répartis
rotransmetteurs à proprement parler et des neuropeptides. Leur en trois familles (Fig. 3). Les deux premières comprennent un
libération, par exocytose des vésicules synaptiques, est déclenchée canal ionique qui règle l’entrée des cations dans la cellule.

2 EMC - Anesthésie-Réanimation

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Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles  36-020-A-20

Afférence Récepteurs périphériques


pré-synaptique
Potentiels
d’action
Glutamine Astrocyte
1
Ca2+
GABA N-r, P/Q-r Glutamate
-
Glutamine
8
GABAB-r
Ca2+
Glutamate
EP-r Na+
Ca2+
NO
NMDA-r
sP BDNF Glutamate 5

9 6 7 4 3 2
PKC PKC PKA
NK1-r NK1-r TrkB-r NMDA-r mGlu-r AMPA-r
Na+ Na+
Ca2+
Arginine
Internalisation

NO synthétase Ca2+
mV Contribution des récepteurs
AMPA, NMDA, NK1
NO Citrulline COX-2 au PPSE
Neurone
post-synaptique
Acide
PGE arachidonique ms
Figure 2. Libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs par les terminaisons centrales des fibres afférentes primaires. La survenue de potentiels
d’action au niveau des membranes des terminaisons provoque l’ouverture de canaux calciques dépendants du voltage (1). L’augmentation de la concentration
calcique déclenche la libération d’un certain nombre de médiateurs dont le glutamate. Ce dernier va interagir avec trois types de récepteurs post-synaptiques,
de droite à gauche : récepteur ionotropiques amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxalone (AMPA)/kaïnate (AMPA-r) qui ouvre un canal sodique (2) ; récepteur
métabotropique (mGlu-r) qui sensibilise le récepteur AMPA/kaïnate par une protéine-kinase A et le récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) par une protéine-
kinase C (PKC) (3) ; récepteur NMDA qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique (4). En outre, le glutamate libéré dans la fente synaptique se fixe
sur des récepteurs présynaptiques pour favoriser sa propre libération ou être capturé par des transporteurs actifs situés sur les membranes de la terminaison
et des astrocytes qui l’entourent (5). Les peptides, notamment la substance P (sP), sont également libérés (6). Le complexe ligand-récepteur sP/NK1,
s’internalise rapidement pour être recyclé ultérieurement. Sous l’influence du nerve growth factor, le brain-derivated neurotrophic factor (BDNF) est surexprimé
par les phénomènes inflammatoires périphériques (7). Il se lie au récepteur à forte affinité TrkB pour phosphoryler le récepteur NMDA par l’intermédiaire d’une
PKC. L’ensemble de ces phénomènes, déterminés avant tout par la concentration de calcium présynaptique, se trouve sous la dépendance de nombreux
mécanismes qui vont favoriser ou inhiber la libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs. Ils ne sont représentés ici que par le récepteur GABAB (8)
afin de ne pas surcharger la figure. Enfin, le calcium cytosolique de l’élément post-synaptique active la production d’oxyde nitrique et de cyclo-oxygénase 2
(COX-2). De concert avec les récepteurs NMDA présynaptiques, prostaglandines (PGE) et oxyde nitrique (NO) favorisent l’entrée de calcium dans l’élément
présynaptique (9). Cartouche : contributions relatives des récepteurs au potentiel post-synaptique excitateur (PPSE).

On distingue, selon leurs ligands, les récepteurs AMPA/kaïnate kinase C (PKC) puis phosphorylation du récepteur NMDA, ou
(AMPA = amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxalone) et les récep- production d’adénosine monophosphate (AMP) cyclique, activa-
teurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Les troisièmes sont des tion d’une protéine-kinase A puis phosphorylation du récepteur
récepteurs métabotropiques. AMPA/kaïnate. Au total, ces récepteurs métabotropiques sont à
Au repos le récepteur NMDA est bloqué par un ion magnésium l’origine d’une augmentation de calcium cytosolique et d’une
qui n’est évincé du canal que lorsque la membrane du neurone amplification des effets des récepteurs ionotropiques du gluta-
est suffisamment dépolarisée et que deux molécules de glutamate mate.
et deux molécules de glycine le stimulent. C’est ce qui se pro- Ces seconds messagers intracellulaires entraînent la production
duit à la suite de l’application d’un stimulus nociceptif intense ou d’oxyde nitrique et de cyclo-oxygénase 2 (COX-2), cette dernière,
prolongé qui permet une entrée massive de Ca++ , dépolarisation constitutive dans la moelle, provoquant la synthèse de prosta-
favorisant la production d’oxyde nitrique (NO) qui va diffuser vers glandines. Après diffusion vers l’élément présynaptique, oxyde
les terminaisons nerveuses présynaptiques, potentialisant ainsi la nitrique et prostaglandines y favorisent l’entrée de calcium. Il
libération de sP et de glutamate, ce qui amplifie le phénomène de s’agit là typiquement de rétrocontrôles positifs qui, de concert
rétroaction positive. avec les récepteurs NMDA présynaptiques, forment un nouveau
On attribue au récepteur NMDA un rôle essentiel dans cercle vicieux par lequel le glutamate favorise sa propre libération.
l’hyperalgésie d’origine centrale et dans l’évolution de la dou- Le paracétamol est capable de rompre ce cercle vicieux en inhibant
leur vers la chronicité, d’autant que sa stimulation provoque des au niveau central la synthèse de prostaglandines et de NO.
modifications à long terme de l’excitabilité des neurones spinaux. Le processus d’inactivation du glutamate est simple : libéré dans
Il existe plusieurs sous-familles de récepteurs métabotropiques la fente synaptique, il est capturé par des transporteurs actifs situés
liés à une protéine G. Certains (mGluR1, mGluR5) sont locali- sur les membranes de la terminaison de la fibre afférente et des
sés sur les membranes pré- et post-synaptiques et sont couplés astrocytes qui l’entourent. Il y est transformé en glutamine qui
à une chaîne de réactions excitatrices intracellulaires : soit est libérée et recapturée par les fibres afférentes, elles-mêmes la
activation d’une phospholipase C, activation d’une protéine- retransformant en glutamate (partie droite de la Fig. 2).

EMC - Anesthésie-Réanimation 3
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NMDA-r mGlu-r AMPA-r


K+ AC K+
Glutamate

Glycine
DAG PIP2
Adénylate
Mg2+ cyclase

PO4 PKC PLC + α β + + PKA


2 Protéine G PO4
Src 1
ADP ATP GTP GDP ATP AMPc ATP ADP
3
Na+ IP3 Na+
Ca2+
GTP
NO
Arginine
GMPc 4 Ca2+
Guanylate Citrulline
cyclase
NO synthétase

Noyau Cytosol Réticulum endoplasmique


Figure 3. Libération des neuromédiateurs et neuromodulateurs par les terminaisons centrales des fibres afférentes primaires : focus sur les récepteurs
glutamatergiques. Le glutamate se lie avec trois types de récepteurs, de droite à gauche : le récepteur ionotropique amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxalone
(AMPA)/kaïnate (AMPA-r) qui ouvre un canal sodique ; le récepteur métabotropique (mGlu-r) qui active une protéine G, et le récepteur ionotropique N-
méthyl-D-aspartate (NMDA-r) qui ouvre un canal anionique, préférentiellement calcique. La fonction de la protéine G du récepteur métabotropique est
double. D’une part, elle active une adénylate cyclase (1), elle-même activant une protéine-kinase A (PKA) qui, en fin de compte, sensibilise le récepteur
AMPA-r en le phosphorylant. D’autre part, elle active (de droite à gauche) une phospholipase C (PLC), responsable de la formation de diacylglycérol (DAG)
(2) et d’inositol triphosphate (IP3 ) (3) à partir du phosphatidylinositol biphosphate (PIP2 ). Le DAG active une protéine-kinase C (PKC), responsable de la
phosphorylation du récepteur NMDA. L’IP3 mobilise les réserves calciques intracellulaires contenues dans le réticulum endoplasmique. La forte concentration
de calcium intracellulaire active la NO-synthétase, source d’une production de NO intracellulaire à partir de l’arginine (4). Le NO augmente localement le
taux de guanosine monophosphate cyclique (GMPc) par l’activation de la guanylate cyclase. Il est en outre très diffusible et peut atteindre des éléments
présynaptiques, des cellules gliales ou le noyau du neurone. Il y contribue à modifier l’expression de certains gènes. Au repos, le récepteur NMDA est bloqué
par un ion Mg++ . La liaison sur le récepteur de deux molécules de glutamate et deux molécules de son coagoniste, la glycine, évince le magnésium du canal.
Ce dernier, voltage-dépendant, s’ouvre si le potentiel de membrane du neurone a atteint un niveau suffisant. GDP : guanosine diphosphate ; GTP : guanosine
triphosphate ; AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate.

Peptides petite taille et ils ne sont activés que par les fibres nociceptives
A␦ et/ou C peptidergiques. Ces neurones projettent vers les aires
Le rôle de neuromédiateur de la substance P (sP) au niveau des
parabrachiales du tronc cérébral.
terminaisons centrales des fibres afférentes primaires fines a fait
Les neurones nociceptifs non spécifiques sont encore appelés
long feu, comme en témoignent les échecs retentissants des essais
neurones à convergence ou neurones à large gamme dynamique
cliniques de ses antagonistes en tant qu’analgésiques. Il est vrai-
(wide dynamic range [WDR]). Ils sont principalement localisés
semblable cependant qu’elle module la transmission synaptique
dans la couche V de Rexed, mais aussi dans les couches plus
au travers d’une protéine-kinase C en phosphorylant les récep-
superficielles. Leur champ récepteur cutané présente un gra-
teurs NMDA. Mais comme le complexe ligand-récepteur sP/NK1
dient de sensibilité : dans la partie centrale, tout stimulus,
s’internalise très rapidement, on ne peut être surpris par la fuga-
nociceptif ou non, active le neurone ; dans une zone plus
cité de ses effets. Il est frappant à cet égard de noter que les souris
périphérique, seules les stimulations nociceptives mettant en
transgéniques n’exprimant pas la sP ou son récepteur NK1 sont à
jeu des fibres A␦ ou C déclenchent une activité neuronale
l’origine de résultats confus et contradictoires pour ce qui est de
(Fig. 4). Ils présentent également un champ récepteur inhibi-
la nociception mais en revanche convergents et homogènes en ce
teur (zone corporelle déclenchant une inhibition de leur activité
qui concerne l’abolition de l’inflammation neurogène. Le rôle de
neuronale).
la sP périphérique est donc, quant à lui, bien confirmé.
Compte tenu du recouvrement des champs excitateurs,
l’organisation spatiale de la convergence joue probablement
un rôle essentiel dans l’élaboration du message issu de cette
Neurones spinaux impliqués classe de neurones [6–8] . En effet, appliqué sur un territoire
dans la transmission de l’information donné, un stimulus non nociceptif n’active qu’un nombre res-
treint de neurones, ceux dont le centre du champ excitateur
nociceptive est situé sur ce territoire (Fig. 5A). En revanche, un stimu-
Deux catégories principales de neurones répondant aux lus nociceptif appliqué sur le même territoire activera non
stimulus nociceptifs se dégagent de l’ensemble des études élec- seulement ces mêmes neurones, mais également les marges de
trophysiologiques consacrées à la corne postérieure : les premiers beaucoup d’autres (Fig. 5B). Ce n’est donc pas seulement en simple
sont spécifiquement activés par ces stimulus, les seconds y terme d’activité neuronale qu’il faut raisonner pour tenter de
répondent de façon préférentielle mais non exclusive. Leurs comprendre le rôle de ces neurones, mais aussi en termes de
champs récepteurs excitateurs sont restreints et bien localisés. populations neuronales et d’interactions dynamiques s’exerçant
Les neurones nociceptifs spécifiques sont essentiellement loca- entre elles, non seulement excitatrices mais également inhibitrices
lisés dans la couche I de la moelle. Leur champ récepteur est de (Fig. 5C).

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Champ cutané
Champs excitateurs Champ inhibiteur

CE Cl
200 Hz

30 s
41°C 43°C 46°C 48°C

Champ
viscéral

(−)
(+)
(+)
(+)

Champ
musculaire
Fibres Aβ et Aδ
Fibres Aβ
Fibres Aδ et C

Figure 4. Organisation schématique des influences périphériques s’exerçant sur les neurones à convergence [5] . Leur champ périphérique est complexe. Il
comprend toujours une partie cutanée, elle-même composée d’un champ excitateur (CE) dont le centre (zone bleue) est activé par des stimulus nociceptifs
et non nociceptifs et la périphérie (zone plus claire) n’est activée que par des stimulations intenses, et très souvent d’un champ inhibiteur (CI, zone blanche)
qui n’est activé que par des stimulus non nociceptifs, surtout s’ils sont appliqués de façon répétitive et rapide (frottements, vibrations, etc.). Il comprend
aussi fréquemment une partie viscérale et parfois musculaire qui ne sont activées que par des stimulus à caractère nociceptif. On constate ainsi une singulière
convergence d’informations sur un même neurone. Un enregistrement de l’activité d’un neurone à convergence de la moelle lombaire de rat est représenté
dans le cartouche. Il montre des réponses à des stimulus appliqués au centre du champ excitateur. L’application de chaleur radiante évoque des réponses
croissantes (en rouge) quand la température augmente. Cependant, une stimulation non nociceptive répétée rapidement active de façon importante le
neurone (en bleu).

Sommation spatiale et temporelle lorsqu’un stimulus nociceptif bref (électrique par exemple) est
répété à fréquence rapide (> 0,3 Hz), la réponse neuronale aug-
des informations mente d’un stimulus au suivant et se poursuit pendant quelques
Concevoir ce système en termes de réseaux dynamiques devient instants à l’arrêt de la stimulation. L’origine de ce phénomène,
incontournable lorsque l’on tient compte du fait que la taille des appelé wind-up (= remonter, une montre par exemple) [11] est à
champs excitateurs de ces neurones est susceptible d’être modi- rechercher dans le fait que les potentiels post-synaptiques géné-
fiée. La convergence anatomique des influx d’origine périphérique rés par l’activation des fibres C sont lents et que, par conséquent,
sur un même neurone est ample. Un stimulus nociceptif active l’arrivée d’une nouvelle volée afférente produit son effet avant
non seulement un groupe de neurones qui émettent des poten- que la membrane du neurone ne soit entièrement revenue à son
tiels d’action, mais aussi de façon sous-liminaire une frange de potentiel de repos. Ainsi, la succession de volées afférentes se
neurones [10] . Au cours de processus pathologiques, cette frange de traduit par une dépolarisation de plus en plus importante. Par
neurones quiescents peut devenir suffisamment dépolarisée pour analogie avec la potentialisation à long terme (long term potentia-
émettre des potentiels d’action et ainsi, amplifier le transfert de tion [LTP]) observée dans l’hippocampe, à laquelle on attribue un
l’information. rôle important dans la mémoire, et compte tenu du rôle des récep-
Une sensibilisation des mécanismes excitateurs ou un déficit teurs NMDA dans le wind-up, certains ont attribué à ce mécanisme
des mécanismes inhibiteurs se traduit ainsi à la fois par une un rôle potentiel dans la douleur chronique.
augmentation de l’activité et de la taille de la population de
neurones concernés par le foyer douloureux. Cette information
élaborée dans la moelle est ensuite transmise au cerveau, où elle est
Convergence des informations
décodée sous la forme d’une hyperalgésie. L’hyperalgésie secon- Une autre propriété importante des neurones à convergence
daire pourrait ainsi s’expliquer aussi par une augmentation de la (qu’ils partagent avec certains neurones nociceptifs spécifiques)
convergence des influx périphériques vers les neurones de la corne réside dans leur capacité d’être activés par des stimulus noci-
postérieure résultant de l’hyperexcitabilité neuronale. Ce méca- ceptifs d’origine cutanée et viscérale (Fig. 4) [12, 13] . On parle de
nisme (sensibilisation centrale) épaulerait alors les mécanismes convergence viscérosomatique. Certains sont également activés
périphériques de recrutement supplémentaire de fibres adjacentes par des stimulus nociceptifs d’origine musculaire [14] . Ces conver-
au foyer primaire. En outre, le déficit des mécanismes inhibiteurs gences permettent d’expliquer le phénomène de douleur projetée
pourrait se traduire par le déclenchement d’une activité neuro- (irradiation douloureuse vers le membre supérieur gauche dans
nale par des stimulus anodins. Cette information, élaborée dans l’angine de poitrine, douleur testiculaire de la colique néphré-
la moelle, puis transmise au cerveau, pourrait alors y être décodée tique, douleur scapulaire droite de la lithiase vésiculaire, etc.). On
sous la forme d’une allodynie. peut souligner à cet égard la faculté des neurones à convergence
Des phénomènes de sommation temporelle complètent ces de saisir la globalité des informations issues de l’interface avec les
phénomènes de sommation spatiale. Sur le plan expérimental, milieux extérieur (la peau) et intérieur (les viscères, les muscles).

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36-020-A-20  Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles

Cerveau Cerveau

2
1 1
4 3

A
Cerveau Cerveau

2
1 1
4 3

B
Cerveau Cerveau
2
1
4 3

22
1
1 44 1 33

C
Figure 5. Organisation spatiale des champs cutanés des neurones à convergence [9] .
Colonne de gauche : champ cutané individuel ; colonne de droite :
recouvrement de champs cutanés.
A. Conditions physiologiques. Colonne de gauche : un stimulus nociceptif appliqué sur une quelconque partie du champ excitateur (représenté en bleu)
active le neurone mais le centre (foncé) est également sensible aux stimulus non nociceptifs (conditions expérimentales standards : enregistrement d’un seul
neurone 1). Colonne de droite : en réalité, les champs excitateurs se recouvrent les uns les autres de telle sorte qu’un stimulus nociceptif active non seulement
le centre d’un certain nombre de champs récepteurs (représenté ici par le neurone 1) mais également les marges de beaucoup d’autres (représentées ici par
les neurones 2, 3, 4). Appliqué sur une surface donnée (ici au centre du champ 1), un stimulus nociceptif active donc de nombreux neurones à convergence
(ici quatre neurones) alors qu’un stimulus non nociceptif en active beaucoup moins (ici un seul neurone).
B. Surface excitatrice potentielle. Colonne de gauche : la surface potentielle du champ récepteur d’un neurone est plus étendue que celle observée dans des
conditions physiologiques. Il suffit de dépolariser légèrement sa membrane (par exemple, par l’application d’un acide aminé excitateur), pour constater un
agrandissement du champ récepteur excitateur (pointillés blancs). C’est ce qui arrive dans des conditions inflammatoires. Colonne de droite : si l’on considère
les quatre neurones évoqués en A, on constate qu’un stimulus non nociceptif appliqué au centre du champ bleu (1) active également les neurones rouge
(2), jaune (3) et violet (4). La population neuronale est sensibilisée par l’extension de ses champs périphériques.
C. Influence des champs inhibiteurs. Colonne de gauche : à la périphérie de leur champ excitateur, les neurones présentent un champ inhibiteur (zone blanche).
Colonne de droite : les champs inhibiteurs d’une population de neurones adjacents se chevauchent considérablement. Ainsi la stimulation mécanique du
centre du champ du neurone rouge (2), mais inhibent les neurones jaune (3) et violet (4). La stimulation tactile d’une grande surface concerne non seulement
les centres de champs excitateurs pour produire un signal potentiellement nociceptif mais aussi des champs inhibiteurs dont il résulte une atténuation de la
réponse globale.

Dans le premier cas, ces informations englobent l’ensemble du chimique) et d’évoquer des sensations spécifiques (chaud, froid,
spectre somesthésique ; dans le second, elles semblent concerner pression, douleur, etc.), la théorie du codage spécifique (ou label-
avant tout la nociception. L’ensemble de ces informations consti- led lines) a longtemps prévalu dans la littérature. Des études
tue une activité somesthésique de base, dont le rôle fonctionnel microneurographiques [15] ont semblé confirmer cette théorie
pourrait être d’informer le cerveau qu’aucune perturbation par- en montrant que la stimulation sélective de fibres nerveuses
ticulière de l’organisme n’est générée par le milieu extérieur ou périphériques isolées pouvait évoquer une sensation somatique
intérieur. Il est ainsi possible que ces neurones jouent un rôle spécifique. Cependant, ce concept pris dans sa forme élémen-
essentiel dans l’élaboration du schéma corporel, peut-être en taire est en flagrante contradiction avec de multiples observations
« habillant » le schéma postural. expérimentales et cliniques. Par exemple, le même stimulus phy-
sique peut dans certaines circonstances évoquer des sensations
Interactions entre informations spécifiques opposées. Ainsi, un stimulus froid modéré appliqué sur la peau
peut dans certaines neuropathies évoquer une sensation d’intense
(codage spécifique versus codage brûlure. De même, un bloc de conduction ischémique des fibres
combinatoire) myélinisées transforme un stimulus froid encodé par des fibres C
en une intense sensation de brûlure [16] . L’application de stimulus
Après la découverte de neurones afférents capables de coder
modérément froid et chaud sur des régions cutanées juxtaposées
différentes modalités de stimulation (thermique, mécanique et

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Figure 6. Interactions entre informations spécifiques.


Périphérie Corne dorsale Cerveau Sensation
A. Schéma de la connectivité dans la corne postérieure qui
C-chaud Chaud permet d’expliquer, par le principe du codage combinatoire,
l’allodynie thermique observée dans de nombreuses situations
expérimentales et cliniques (adapté de [19] ).
B. Dans une situation normale (a), les neurones de trans-
Aδ-froid Froid mission localisés dans la couche I de la corne postérieure ne
reçoivent pas directement d’information des fibres afférentes
A␤, activées par un léger frottement (mécanorécepteurs low-
threshold mechanoreceptors [LTM]), qui se terminent dans des
C-froid Brûlant couches plus profondes (couches III-V). Cependant, il existe
des connexions avec les couches superficielles qui sont norma-
A lement masquées par un réseau d’interneurones inhibiteurs.
(a) (b) Après une lésion nerveuse (b), la voie polysynaptique inhibi-
Fibre-C Fibre-Aδ Fibre-C Fibre-Aβ Fibre-C Fibre-Aδ Fibre-C Fibre-Aβ trice est dévoilée et permet aux afférences A␤ d’activer des
neurones dans les couches les plus superficielles de la corne
postérieure. Cette connectivité permet d’expliquer l’allodynie
tactile observée dans la plupart des lésions nerveuses (adapté
de [18] ).
I

IIo

IIi

III-V Vers le Vers le


cerveau cerveau

Excitateur Inhibiteur
B

peut évoquer une sensation de grande chaleur, voire de brûlure notamment en tamponnant le potassium extracellulaire ; ils par-
(illusion de la grille de Thunberg) [17] . ticipent également à un système de transmission extraneuronal
Ces observations n’impliquent pas de rejeter le codage spé- (vagues calciques franchissant les gap-junctions). Bien que discrète
cifique, mais de l’utiliser et de le compléter avec le concept au repos, la glie module les activités neuronales. C’est ainsi que
de codage combinatoire [18, 19] . L’exemple suivant (Fig. 6A), ins- s’est développée la notion de synapse tripartite (neurones pré- et
piré des travaux de Craig et Bushnell [17] , permet d’interpréter post-synaptiques + glie) qui, appliquée au niveau de la première
ces observations, en apparence paradoxale, en faisant appel à synapse qui relie les fibres afférentes primaires nociceptives et
ce concept de codage combinatoire ou, en d’autres termes, aux les neurones nociceptifs de la corne postérieure, pourrait parti-
interactions entre les volées afférentes de sous-populations de ciper au phénomène de sensibilisation centrale de la douleur [22] .
thermorécepteurs : les fibres C au froid, les fibres C au chaud et Il faut cependant remarquer que cette notion s’appuie essentiel-
les fibres A␦ au froid. La voie afférente pour le froid douloureux lement sur des travaux effectués sur des cellules embryonnaires.
(C-froid) est normalement inhibée par une activation concomi- Chez l’adulte, la morphologie des astrocytes est très complexe,
tante de la voie A␦-froid. Cette inhibition s’exerce au niveau tortueuse, sinueuse, effectuant des centaines ou des milliers de
supraspinal. L’activité dans la voie A␦-froid peut être supprimée contacts avec divers neurones. Il est probable que les vagues cal-
par l’activation simultanée de la voie C-chaud dans une région ciques sont alors confinées à des microdomaines [23] .
cutanée adjacente. Cette inhibition s’opère au niveau spinal. Par Enfin, l’activation de la glie déclenche une nouvelle forme
conséquent, une grille thermique, un bloc de conduction isché- de potentialisation à long terme, la LTP gliogénique [24] . La LTP
mique des fibres A␦-froid ou une désinhibition centrale de cette conventionnelle, à laquelle on attribue un rôle important dans
voie par suite d’une neuropathie, permettent aux fibres C-froid, la mémoire et l’apprentissage, ne survient que lorsque les acti-
normalement sous contrôle inhibiteur tonique, d’évoquer une vations pré- et post-synaptiques coïncident dans le temps. Sa
sensation de froid brûlant (allodynie au froid). nature homosynaptique est fondamentalement différente de la
L’allodynie tactile dynamique, un symptôme fréquemment rap- nouvelle forme de LTP, hétérosynaptique. Cette dernière résulte
porté dans le syndrome de douleur neuropathique, est un autre de la libération de nombreux messagers extracellulaires (par
exemple pour illustrer le principe du codage sensoriel combina- exemple ATP, brain-derivated neurotrophic factor [BDNF], glutamate,
toire (Fig. 6B). sP, CGRP, prostaglandines, 5-hydroxytryptamine [5-HT], interleu-
kine 1 [IL-1], interleukine 6 [IL-6], tumor necrosis factor-α [TNF-␣])
qui s’enrichissent lors des processus inflammatoires de protéines
Rôle des cellules gliales [20, 21] (Fig. 7) du système du complément et des motifs moléculaires associés
Les cellules gliales, qui sont aussi nombreuses dans le système aux dégâts cellulaires (DAMP), sans compter les mastocytes et les
nerveux central que les neurones, ne jouent pas seulement un rôle lymphocytes T. Cette forme de LTP gliogénique pourrait expliquer
trophique et de soutien. Appartenant à la lignée des macrophages, certains types de douleurs diffuses.
la microglie est essentielle aux défenses immunitaires : son passage
à l’état actif provoque sa prolifération et la libération de facteurs Activités réflexes
cytotoxiques et pro-inflammatoires. Les astrocytes forment un
réseau quasi syncytial (gap-junctions) capable de capturer certains Les réflexes extéroceptifs comprennent toutes les activités
médiateurs (par exemple glutamate) et d’en sécréter ; ils sont de motrices déclenchées par des messages afférents (Fig. 8A). C’est
surcroît pourvus de récepteurs membranaires à divers neuromé- ainsi que, chez le chien, un réflexe de retrait d’une patte posté-
diateurs. C’est ainsi qu’ils régulent l’environnement des neurones, rieure ne peut être obtenu que par des stimulations nociceptives

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des coussinets plantaires de cette même patte. Le mouvement teuse. D’une façon générale, les réflexes nociceptifs de retrait
réflexe protecteur résulte de la contraction d’un ensemble de sont organisés de façon modulaire : qu’ils soient fléchisseurs,
muscles fléchisseurs et du relâchement d’un ensemble cor- extenseurs ou autres (supinateurs, pronateurs, etc.), les muscles
respondant de muscles extenseurs. En outre, l’activation des d’un membre se contractent lors de la stimulation nocicep-
muscles extenseurs (antigravitaires) et l’inhibition des muscles tive d’une région bien déterminée de la peau. Chaque muscle
fléchisseurs, observées en station verticale, sont renforcées par possède ainsi un champ récepteur cutané nociceptif organisé
le transfert du poids d’une jambe sur celle qui devient por- de telle façon qu’il se soustrait au stimulus nociceptif par le
mouvement qu’il déclenche. Cette organisation est loin d’être
innée : la représentation est d’abord diffuse, comportant de
nombreuses relations inopportunes (source de mouvements
Mastocytes Lymphocytes Astrocytes
désordonnés), puis se construit progressivement au cours du
développement [25] .
Les stimulus nociceptifs sont également capables de déclencher
des réflexes végétatifs (Fig. 8B). Les neurones nociceptifs spéci-
fiques de la couche I activent les neurones préganglionnaires
situés dans la colonne intermédiolatérale de la substance grise, ces
derniers commandant les neurones post-ganglionnaires sympa-
thiques (chaîne paravertébrale et ganglions cervicaux supérieurs,
Microglie stellaires, cœliaques, et mésentériques).

Macrophages Afférence
pré-synaptique  Mécanismes cérébraux
impliqués dans la nociception
F ate P α
ATP BDN Glutam sP CGR PG 5-HT IL-1 IL-6 TNF
C’est dans le thalamus que se trouvent les relais majeurs des
informations sensorielles vers le cortex cérébral. Les messages qui
Neurone post-synaptique
génèrent les sensations tactiles et proprioceptives relaient dans
les noyaux des cordons postérieurs puis, via le lemnisque médian
Figure 7. Rôle de la glie. Dans sa forme activée, la glie libère de nom- – d’où le nom de système lemniscal –, dans le thalamus latéral
breux messagers extracellulaires (par exemple adénosine triphosphate (noyaux ventro-postéro-latéral [VPL] et ventro-postéro-médian
[ATP], brain-derivated neurotrophic factor [BDNF], glutamate, substance [VPM] pour le corps et la sphère trigéminale, respectivement)
P [sP], calcitonin gene-related peptide [CGRP], prostaglandine [PG], 5- pour se projeter de façon somatotopique vers le cortex somesthé-
hydroxytryptamine [5-HT], interleukine 1 [IL-1], interleukine 6 [IL-6], sique primaire S1 (Fig. 9A). Il s’agit d’un système très rapide de
tumor necrosis factor-α [TNF-␣], etc.) qui diffusent sur de longues distances communication : l’information concernant la localisation sur le
dans le milieu extracellulaire et s’enrichissent lors des processus inflamma- corps (somatotopie), l’intensité et la durée du stimulus atteignent
toires de protéines du système du complément et des motifs moléculaires le cortex cérébral après deux relais seulement. L’organisation
associés aux dégâts cellulaires (DAMP), sans compter les mastocytes et les somatotopique est conservée tout au long de ce système, de telle
lymphocytes T. sorte que les informations précises concernant chaque région du

Stimulus
nociceptif

Cerveau
Stimulus
nociceptif

Cerveau

- +

Motoneurones

Neurone
post-ganglionaire Neurone
Activité réflexe adrénergique pré-ganglionaire
électromyographique A B
Figure 8. Activités réflexes. Les messages nociceptifs véhiculés par des fibres A␦ et C empruntent les racines postérieures après avoir cheminé dans les nerfs.
Ils vont activer des neurones de la corne postérieure dont le rôle est de transférer ces informations d’une part vers l’encéphale (trait plein), et d’autre part
vers des neurones médullaires (tirets) pour participer à des réflexes somatiques (A) et végétatifs (B).
A. Réflexes somatiques. L’activation des motoneurones par les neurones de la corne postérieure s’effectue par une voie polysynaptique. Cette activation
déclenche une activité dans un groupe de muscles capable de provoquer un mouvement qui éloigne la région stimulée du stimulus nociceptif. Ce mouvement
résulte en réalité d’un mécanisme plus complexe associant des phénomènes excitateurs et inhibiteurs, ces derniers concernant notamment les muscles
antagonistes (non représentés).
B. Cercle vicieux de Livingston. L’activation des neurones de la corne postérieure par les stimulus nociceptifs est également capable de déclencher des réflexes
végétatifs organisés au niveau spinal. Ils activent alors les neurones préganglionnaires situés dans la colonne intermédiolatérale de la substance grise qui vont
activer les neurones post-ganglionnaires des ganglions sympathiques. La libération de noradrénaline ainsi libérée à la périphérie sensibilise les nocicepteurs,
ce qui provoque une augmentation supplémentaire des influx nociceptifs vers la corne postérieure et une aggravation de la douleur.

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corps sont envoyées vers une aire corticale bien définie, chacune Relais bulbaires
représentée en fonction de son importance sur l’homonculus
(partie supérieure droite de la figure). En volume, c’est la formation réticulée bulbaire qui reçoit la
Des observations anatomocliniques classiques ont établi que la majorité des projections issues du quadrant antérolatéral. De
majeure partie des messages nociceptifs croise la ligne médiane fait, elle contient de nombreux neurones activés par stimulation
au niveau de la commissure grise antérieure après avoir été nociceptive – notamment dans les noyaux gigantocellulaire, para-
relayée par les neurones de la corne postérieure, puis emprunte gigantocellulaire et réticulaire latéral –, mais qui le sont également
les voies ascendantes antérolatérales (Fig. 10). En particulier, par d’autres modalités sensorielles. Cependant, le subnucleus reti-
la lésion de la partie superficielle du quadrant antérolaté- cularis dorsalis (dorsal reticular nucleus), situé dans la partie caudale
ral provoque une analgésie controlatérale de longue durée. du bulbe, pourrait jouer un rôle spécifique dans la douleur [26–28] .
Il est cependant vraisemblable que d’autres faisceaux médul- Ses neurones sont activés de façon quasi exclusive par les stimulus
laires ascendants suppléent le contingent antérolatéral, du moins nociceptifs quelle que soit leur nature et la partie du corps concer-
dans certains cas. Quoi qu’il en soit, les messages nociceptifs née. L’information somatotopique y est perdue, mais l’intensité
atteignent le thalamus directement – voies spinothalamiques – des stimulus y est fidèlement encodée. Les neurones de ce noyau
ou indirectement, après relais dans la formation réticulée – voies se projettent massivement vers le thalamus médian et constituent
spino-réticulo-thalamiques – (Fig. 9B). Les relais bulbaires et pon- par conséquent le maillon intermédiaire des voies spino-réticulo-
tomésencéphaliques sont cependant des structures largement thalamiques. Ils émettent également des axones vers tous les
impliquées, elles aussi, dans les processus de traitement de segments de la moelle ; ils jouent ainsi un rôle important dans
l’information nociceptive (Fig. 9C). L’organisation de ces pro- des mécanismes spino-bulbo-spinaux de régulation. Leur position
jections est bien différente de celle du système lemniscal : elle stratégique, quasiment à la jonction entre la moelle et le cerveau,
implique de nombreuses structures, de telle sorte que globale- leur confère le rôle d’un centre de distribution de l’information
ment c’est le cerveau dans son ensemble, depuis le bulbe jusqu’au nociceptive vers les régions rostrales et caudales du système ner-
cortex cérébral, qui est informé de la survenue d’un événement veux central. Cette fonction est contrôlée par des régions bien
nociceptif. délimitées des cortex frontal, pariétal et insulaire.

Télencéphale

Cortex
Structures somesthésique
limbiques

Diencéphale Thalamus Thalamus


Télencéphale médian latéral

Cortex
somesthésique Mésencéphale

Pont
Diencéphale Thalamus
latéral
Bulbe
n

Formation
édia

Mésencéphale Stimulus
nociceptif réticulée
ue m
Lemnisq

Pont

Quadrant
Bulbe antérolatéral

Frottement, Noyaux
toucher des cordons
léger postérieurs
Neurone Neurone Motoneurone
post-ganglionaire pré-ganglionaire
Cordons adrénergique
postérieurs

Muscle

A B
Figure 9. Voies somesthésiques ascendantes.
A. Système lemniscal.
B. Voies spinoréticulaire et spinothalamique (système extralemniscal cheminant dans le quadrant antérolatéral).

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Figure 9. (suite) Voies somesthésiques ascendantes.


C. Autres voies se terminant dans le tronc cérébral. CVLM : caudal ventrolateral
medulla ; Gi : noyau gigantocellulaire ; NTS : noyau du tractus solitaire ; PB : noyau
parabrachial ; RVLM : rostral ventrolateral medulla ; RVM : rostral ventro-medial
Télencéphale
medulla ; SGPA : substance grise périaqueducale.

Amygdale
(centralis)
Hypothalamus
Diencéphale

PB
Mésencéphale SGPA

Pont

RVLM
Gi
Bulbe
RVM
Stimulus
nociceptif CVLM
NTS Messages nocipetifs
n'empruntant pas les
voies spinothalamique et
spino-réticulo-thalamique

Quadrant
antérolatéral

Neurone Neurone Motoneurone


post-ganglionaire pré-ganglionaire
adrénergique

Muscle

A B C D
Figure 10. Schémas des lésions médullaires ayant permis de jeter les bases de l’organisation des voies de la douleur dès le début du siècle. XXe
A. Hémisection. Perte ipsilatérale des sensibilités tactiles et proprioceptives ; perte controlatérale des sensations douloureuses et thermiques (syndrome de
Brown-Séquard).
B. Syringomyélie. Perte segmentaire des sensations douloureuses et thermiques.
C. Syndrome cordonal postérieur. Altération des sensibilités tactiles et proprioceptives.
D. Cordotomie antérolatérale. Perte controlatérale des sensations douloureuses et thermiques.

Les informations nociceptives parviennent également au bulbe Au total, le bulbe est le siège d’un intime enchevêtrement
ventrolatéral qui commande les neurones préganglionnaires sym- des systèmes nociceptifs et végétatifs (Fig. 11), ce qui suggère
pathiques et au noyau du faisceau solitaire, principales sources l’apparentement de la nociception à un système homéostatique
de régulation du système parasympathique via les noyaux plus vaste. Ainsi la pression artérielle est-elle non seulement sous
ambigu et moteur dorsal du nerf vague [27, 29, 30] . Elles par- l’influence des barorécepteurs et des chémorécepteurs mais aussi
viennent aussi indirectement au bulbe rostral ventromédian du système sensoriel. En outre, elle s’y trouve – ainsi que la ther-
(rostral ventromedial medulla [RVM]) qui redistribue l’information morégulation – dépendante des états mentaux et émotionnels par
nociceptive vers quelques cibles privilégiées, notamment la l’intermédiaire de l’amygdale. Mentionnons enfin l’implication
moelle. probable des cordons postérieurs dans la transmission des

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Figure 11. Rapports anatomiques et fonc-


tionnels entre systèmes nociceptif et végétatif.
Les messages nociceptifs qui n’empruntent pas
les voies spinothalamique et spino-réticulo-
thalamique activent de façon directe ou indirecte
Télencéphale de nombreux centres cérébraux (voies ascen-
Influences dantes représentées à droite en noir). Ces derniers
émotionnelles sont impliqués, également de façon directe
cognitives ou indirecte (connexions anatomiques en vert),
dans les régulations végétatives, notamment les
contrôles cardiovasculaires dont le principal effec-
teur est le bulbe ventrolatéral qui commande les
Diencéphale neurones préganglionnaires sympathiques (voies
Amygdale Amygdale
Hypothalamus descendantes activatrices issues de la rostral ven-
(centralis) (centralis)
trolateral medulla [RVLM] non représentées). Ainsi
CRH la pression artérielle est-elle non seulement sous
l’influence des barorécepteurs et des chémoré-
cepteurs mais aussi du système sensoriel. En outre,
PB PB c’est par l’intermédiaire de l’amygdale qu’elle se
SGPA trouve également sous la dépendance des états
Mésencéphale
ACTH mentaux et émotionnels. On note le pivot de
redistribution de l’information nociceptive que
constituent la substance grise périaqueducale
(SGPA) et le bulbe rostral ventromédian (rostral
ventromedial medulla [RVM]) dont le rôle ne se
restreint donc pas au seul contrôle des activités
Pont neuronales de la corne postérieure de la moelle
(voies descendantes inhibitrices dans le faisceau
postérolatéral en rouge). Les régulations para-
Cortisol sympathiques centrées sur le noyau du faisceau
solitaire (NTS) ne sont pas représentées (affé-
RVLM
Bulbe rences issues des nerfs facial, glossopharyngien
Gi
et vague – VII, IX et X – et efférences vers les
RVM noyaux ambigus et moteur dorsal du vague).
L’aire parabrachiale (PB) et l’amygdale contrôlent
CVLM en outre certaines activités hypothalamiques,
Adrénaline
Noradrénaline notamment l’axe hypothalamohypophysaire cor-
Stimulus ticotrope (représenté à gauche). On comprend au
nociceptif NTS
travers de ce schéma l’intimité des rapports entre
stress et douleur. CRH : hormone corticotrope ;
Gi : noyau gigantocellulaire ; VLM : bulbe ven-
trolatéral (ventrolateral medulla), rostral (RVLM) et
Funiculus Messages nociceptifs caudal (CVLM).
postérolatéral n'empruntant pas les voies
spinothalamiques et
Corne dorsale spino-réticulo-thalamiques

Neurones
pré-ganglionaires

Motoneurones
Activations sympathiques

informations nociceptives viscérales, notamment au travers du Relais diencéphaliques [35, 36]


noyau gracilis [31] .
L’organisation thalamique peut se schématiser en deux compo-
santes, fondées sur l’organisation des voies afférentes.
Relais pontiques et mésencéphaliques • Les neurones issus de la corne postérieure (faisceau néo-spino-
thalamique, selon l’ancienne nomenclature) se projettent sur
L’aire parabrachiale latérale reçoit directement les informations le thalamus latéral dans lequel une certaine somatotopie est
issues des couches I de la moelle via le funicule postérolaté- conservée. On admet classiquement que la composante senso-
ral [32, 33] . On y enregistre des neurones nociceptifs dont les champs rielle discriminative de la douleur s’exprime grâce aux neurones
sont de taille variable mais sans organisation somatotopique. Ils des noyaux VPL pour le corps et VPM pour la sphère trigémi-
projettent vers le noyau central de l’amygdale et le noyau ven- nale.
tromédian de l’hypothalamus. On leur attribue un rôle important • Les neurones issus des couches VII et VIII de la corne antérieure
dans les processus végétatifs, émotionnels et endocriniens liés à la (faisceau paléo-spino-thalamique, selon l’ancienne nomencla-
douleur [34] , d’autant qu’ils reçoivent des projections du noyau du ture) se terminent dans les régions médianes du thalamus,
faisceau solitaire. Enfin, la substance grise périaqueducale (SGPA) essentiellement dans les noyaux intralaminaires. Il existe
redistribue l’information nociceptive vers quelques cibles privilé- cependant un certain recouvrement entre ces deux populations
giées, notamment la RVM. puisque certains neurones projettent à la fois sur les parties

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latérale et médiane du thalamus. Un contingent particulier Les latences des ondes N1, N2 et P2 sont déterminées par
issu de la couche I se projette vers le nucleus submedius (Sm) la distance de conduction périphérique. Lorsque le stimulus est
et la partie postérieure du noyau ventromédian (VMpo). On appliqué au niveau de la main, les latences des pics N2 et P2
admet classiquement que cette composante permet d’exprimer sont 200–250 et 350–400 ms, respectivement. Ces latences sont
la composante affective et motivationnelle de la douleur. compatibles avec la vitesse de conduction de fibres A␦, mais
Les propriétés des neurones enregistrés dans ces noyaux sont incompatibles avec celle de nocicepteurs C.
comparables à celles des neurones des noyaux ventromédian et On peut enregistrer les potentiels cérébraux évoqués par stimu-
parafasciculaire qui, eux, ne reçoivent pas de fibres afférentes lation sélective des fibres C en utilisant des méthodes permettant
directes depuis la moelle mais indirectes via la formation réticu- d’éviter l’activation concomitante des fibres A␦ ou en bloquant
lée (voies spino-réticulo-thalamiques) [37] . Comme leurs champs leur transmission [49] . Lorsque la volée afférente des fibres C n’est
récepteurs périphériques sont diffus, il semble bien difficile de pas précédée d’une volée afférente A␦, elle évoque une réponse
leur attribuer un rôle dans l’élaboration de la composante sen- cérébrale ultratardive apparaissant comme un complexe dipha-
sorielle discriminative de la douleur. En revanche, en raison de sique négatif-positif dont les latences (750–1150 ms depuis la
leurs projections vers des aires corticales motrices, prémotrices et main) sont compatibles avec la vitesse de conduction des fibres
fronto-orbitaires, ils pourraient intervenir dans l’élaboration des amyéliniques. La morphologie et la topographie de ces ondes
réactions motrices et émotionnelles liées à la douleur. ultratardives ressemblent à celles générées par la stimulation des
Mentionnons pour être complet l’existence de voies spinohy- fibres A␦ (Fig. 13), ce qui suggère la similitude de leurs sources.
pothalamiques.
Neuro-imagerie fonctionnelle et stimulation
Relais corticaux [38–40] nociceptive
Le développement de techniques non invasives en neuro- Par comparaison avec l’EEG et les potentiels évoqués, la
imagerie fonctionnelle comme l’imagerie par résonance magné- neuro-imagerie fonctionnelle offre l’avantage d’une meilleure
tique fonctionnelle (IRMf), la tomographie par émission résolution spatiale et, par conséquent, d’une moindre incertitude
de positons (TEP), la magnétoencéphalographie (MEG) et quant au repérage des régions cérébrales qui génèrent la réponse.
l’électroencéphalographie (EEG) est à l’origine d’études explorant En revanche, ces approches non invasives ont le désavantage
les bases neuronales de la perception de douleur. L’application d’une faible résolution temporelle ; en outre elles sont fondées
d’un stimulus nociceptif sur la peau évoque une activité neuronale sur une mesure indirecte de l’activité neuronale en relation avec
dans un réseau de structures corticales incluant les cortex soma- le couplage neurovasculaire.
tosensoriels primaire (S1) et secondaire (S2), l’insula et la portion La TEP est une technique fondée sur la mesure de la concentra-
antérieure du cortex cingulaire (CCA). L’amplitude des réponses tion de traceurs radioactifs à faible durée de vie dans un volume
évoquées dans ce réseau est positivement corrélée avec l’intensité donné du corps (le voxel) après injection dans la circulation san-
de la douleur ressentie par le sujet. De ce fait, il a été proposé guine. Un usage commun consiste à marquer des molécules d’eau
d’utiliser ces réponses corticales comme biomarqueur de la dou- afin d’obtenir une information concernant la variation régionale
leur [41–43] . Cette proposition ouvre des perspectives intéressantes du flux sanguin cérébral (rFSC). La variation transitoire et cir-
pour tester de nouveaux traitements antalgiques ou pour évaluer conscrite du rFSC résulte d’une interaction complexe entre la
la douleur chez des patients incapables de communiquer, tels ceux population de neurones activés par le stimulus et les cellules gliales
qui présentent des troubles de la conscience. Nous examinons de et vasculaires environnantes.
manière critique ces possibilités en prenant en considération la L’IRMf repose sur la variation du signal blood-oxygen-level
signification fonctionnelle de l’activité cérébrale en relation avec dependent contrast imaging (BOLD) dans le volume cérébral,
le ressenti concomitant de douleur. activé par un stimulus. Le signal BOLD dépend du rap-
port entre l’hémoglobine oxygénée et désoxygénée. L’influx
Représentation corticale de la douleur d’oxyhémoglobine résultant de l’accroissement du rFSC pro-
duit par le couplage neurovasculaire dépasse l’accroissement de
extéroceptive transitoire l’extraction d’oxygène liée aux besoins métaboliques de base.
Afin d’activer les nocicepteurs de manière sélective, la majo- Le principal effet d’une activation neuronale est l’accroissement
rité des investigateurs a choisi des sources intenses de radiation régional du rapport oxyhémoglobine/désoxyhémoglobine.
thermique pour stimuler. La transmission thermique par conduc- La majorité des études TEP et IRMf consacrées à la douleur a
tion est généralement écartée car elle nécessite un contact avec montré que des stimulations nociceptives ou perçues comme dou-
la peau, ce qui active concomitamment les mécanorécepteurs à loureuses provoquaient une augmentation significative du rFSC
faible seuil [44, 45] . dans un grand nombre de régions cérébrales incluant l’insula,
Dans un enregistrement EEG ou MEG, les réponses évoquées S1, S2, le CCA, le cortex préfrontal dorsolatéral, le thalamus, le
par un stimulus nociceptif sont noyées dans le bruit de fond. C’est mésencéphale et le cervelet (Fig. 14).
pourquoi on répète ce stimulus puis on segmente l’enregistrement
continu en séquences temporellement calées sur le stimulus qu’on « Matrice douleur » comme biomarqueur
moyenne en une seule forme d’onde. Pour générer l’activité syn-
chrone d’une population de neurones, Carmon et al. [46] ont
de la perception de douleur
introduit le laser CO2 (longueur d’onde 10,6 ␮m dans le loin- On ne peut identifier une aire corticale circonscrite, exclusi-
tain infrarouge). La rampe d’échauffement très raide (>1000 ◦ C/s) vement consacrée au traitement de l’information nociceptive.
peut activer les terminaisons libres des nocicepteurs localisés dans C’est pourquoi on a proposé que la perception de douleur émerge
l’épiderme en une dizaine de millisecondes et générer une volée de l’activation simultanée de plusieurs structures cérébrales, for-
afférente synchrone. mant un réseau désigné « matrice douleur ». Si l’on s’en tient aux
Les potentiels cérébraux évoqués par stimulations laser (PEL) aires corticales citées, cette matrice comprend S1, S2, l’insula et
enregistrés sur le scalp consistent typiquement en une onde bipha- le CCA [40, 51] . Comme l’amplitude des réponses cérébrales y est
sique négative-positive, maximale au niveau du vertex, appelée fortement corrélée avec l’intensité de la douleur perçue, il est ten-
le complexe N2-P2 [38] (Fig. 12C, 13A). Des méthodes avan- tant de leur accorder l’encodage de l’intensité de la douleur. On
cées d’analyse du signal permettent d’estimer la localisation des a même proposé que l’amplitude des réponses dans la « matrice
sources électriques à l’origine du complexe N2-P2 : elles résultent douleur » constituait un « biomarqueur de la douleur » [42, 52] .
d’une activation combinée de neurones localisés bilatéralement Bien plus, comme il est possible de moduler différentielle-
dans l’insula et S2 ainsi que dans le CCA [38] . Ce complexe N2-P2 ment l’amplitude des réponses dans différentes sous-régions de
est souvent précédé par une déflexion négative plus précoce, appe- la « matrice douleur », certains ont conclu que ces dernières pou-
lée onde N1 [47] . Contrairement au N2-P2, la localisation de cette vaient traiter différents aspects de l’expérience douloureuse [53] .
onde au niveau du scalp varie en fonction de la région stimulée, C’est ainsi que l’hypnose a été utilisée pour manipuler les aspects
ce qui suggère qu’elle est issue de S1. sensoridiscriminatifs et affectivomotivationnel de la douleur.

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Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles  36-020-A-20

1 2

C3
4 μV C4
+

Cz

15 μV
G D Cz
+

C
Cz
– Cz
15 μV

0 500 1000 1500 0 500 1000 1500


A Temps (ms) Temps (ms)
D
Figure 12. Le quadrant antérolatéral transmet les messages nociceptifs qui génèrent les potentiels évoqués somesthésiques (PES). PES nociceptifs et
non nociceptifs enregistrés chez un patient présentant une hypoesthésie thermique et à la piqûre de l’hémicorps gauche après résection chirurgicale d’un
neurinome au niveau C1-C2 de la moelle.
A. Localisation antérolatérale de la lésion (flèche) sur l’imagerie par résonance magnétique sagittale et axiale effectuée deux semaines après l’intervention
chirurgicale.
B à D. 1. Stimulation à droite ; 2. stimulation à gauche. La stimulation électrique transcutanée du nerf médian (B) droit ou gauche évoque des PES à latence
courte normaux et symétriques, ce qui démontre que les voies lemniscales ont été préservées. En revanche, la stimulation par laser infrarouge (C) ou par piqûre
(D) de la main droite évoque des PES nociceptifs normaux mais pas de la main gauche, ce qui est la conséquence d’une lésion de la voie spinothalamique
droite [48] .

L’augmentation de la douleur par suggestion hypnotique active indiscernables dans le cortex cingulaire, l’insula et S2 (Fig. 14).
sélectivement les aires somatosensorielles ; en revanche, c’est En revanche, l’amplitude de ces réponses cérébrales est signifi-
le CCA qui est activé préférentiellement si c’est l’augmentation cativement corrélée avec l’évaluation subjective de la saillance
du caractère désagréable de la douleur qui est suggérée [54, 55] . des stimulus, quelle que soit leur modalité sensorielle. Les stimu-
Les premiers auteurs avaient été prudents quant à la signi- lus nociceptifs n’évoquent aucune réponse spécifique alors que
fication fonctionnelle des réponses cérébrales évoquées par l’activation de la « matrice douleur » est déclenchée par un stimu-
stimulation nociceptive [46, 56] . La notion de « matrice douleur » lus saillant [58] . Elle pourrait donc participer au déclenchement
est en réalité fondée sur un raisonnement fréquemment utilisé de réponses à la survenue d’événements inopinés (réorientations
en neuro-imagerie fonctionnelle, connu sous le nom d’inférence de l’attention, réactions d’éveil, activation végétative, réponses
inverse. Montrer qu’un état mental donné (c’est-à-dire la percep- affectives, etc.). Ces réponses cérébrales ne sont pas des biomar-
tion de douleur) est associé à l’activation d’une structure cérébrale queurs objectifs de la douleur aiguë.
(c’est-à-dire la « matrice douleur ») conduit à la conclusion que cet
état mental résulte de l’activation de cette structure. Cependant,
Représentation corticale de la douleur tonique
la validité de ce raisonnement dépend de l’exclusivité de la rela-
tion entre l’état mental considéré et la structure cérébrale activée. Les études en IRMf suggèrent que douleur tonique et douleur
Si la « matrice douleur » est activée par d’autres états mentaux, phasique produisent des patterns d’activation bien différents. C’est
elle ne reflète pas des processus cognitifs exclusivement dédiés à ainsi que l’on observe essentiellement des réponses robustes dans
l’expérience de la douleur ; il devient même possible, voire pro- les aires somatosensorielles (S1 et S2) évoquées par une douleur
bable, qu’elle soit sans rapport direct avec elle [48] . De fait, plusieurs phasique mécanique qui ne sont pas reproduites par une douleur
arguments invitent à penser que la « matrice douleur » n’est pas le tonique par pincement ; cette dernière en revanche provoque une
reflet exclusif d’une activité corticale faisant émerger la perception activation robuste du CCA et des aires corticales frontales sans
de douleur. guère activer les aires somatosensorielles [59] .
Dans une série d’études utilisant EEG et IRMf, les réponses
cérébrales évoquées par stimulation nociceptive laser ont été Enregistrer l’activité cérébrale chez des patients
comparées à celles évoquées par des stimulations somatosen-
sorielles non nociceptives, auditives et visuelles [50, 57] . Tous les
avec troubles de la conscience pour évaluer
stimulus étaient présentés dans un ordre aléatoire, espacés par la douleur
des intervalles imprévisibles. Que les stimulus soient nociceptifs, En dépit des preuves montrant que l’essentiel des réponses
somatosensoriels, auditifs ou visuels, ils évoquent des réponses cérébrales évoquées par stimulation nociceptive perçue comme

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N1 N2 P2
N1 - main droite Nociceptif (laser)
Somatosensoriel non nociceptif
Auditif
Visuel

min max G D +2
T3-Fz

Puissance du signal ICs a modal (z)



10 µV
+ +1
Cz-ref 3

nAm/cm3
N1 - main gauche 0
0

30 µV –1
Activité multimodale

Activité somatosensorielle –2
–2 –1 0 +1 +2
Activité nociceptive A B Score de saillance (z) C
Figure 13. Les potentiels cérébraux évoqués par stimulation nociceptive sont-ils spécifiques de la douleur ?
A. Séparation aveugle des sources (blind source separation) de potentiels cérébraux évoqués (PCE) par de brèves impulsions laser infrarouge appliquées sur le
dos de la main droite (grande moyenne de neuf sujets sains). Le signal moyenné consiste essentiellement en une onde négative-positive (N2-P2) maximale
au niveau du vertex (Cz-ref). Ce complexe est précédé d’une onde négative plus précoce (N1), maximale au niveau des régions centrales et temporales
controlatérales à la main stimulée (T3-Fz). Un algorithme de séparation aveugle de sources a été utilisé pour vérifier l’indépendance des sources des PCE
somatosensoriels nociceptifs et non nociceptifs, auditifs et visuels. La majeure partie des PCE nociceptifs est expliquée par une activité multimodale qui
contribue également aux composantes précoces des PCE non nociceptifs. En outre, cette analyse a montré qu’une activité spécifique, somatosensorielle,
auditive ou visuelle (non représentée sur la figure) contribue aux composantes précoces de chaque PCE. En résumé, aucune spécificité de l’activité nociceptive
n’a pu être mise en évidence. On en conclut qu’en réalité les PCE nociceptifs ne reflètent pas une activité corticale spécifique pour la nociception (adapté
de [50] ).
B. L’analyse des sources du signal précoce N1 dans les PCE nociceptifs généré par stimulation du dos de la main droite ou gauche suggère une contribution
significative du cortex somatosensoriel primaire (adapté de [47] ).
C. Les sujets ont évalué, à l’aide d’une échelle visuelle analogique (0–10), la capacité des différentes modalités de stimulation à capter leur attention. Ensuite,
l’amplitude des réponses ainsi que les scores de saillance ont été exprimés, pour chaque sujet, en scores z (en prenant la moyenne et la déviation standard
des valeurs obtenues pour chaque modalité). Ainsi, les réponses de chaque sujet pour une modalité donnée sont représentées par rapport à la moyenne des
réponses de ce sujet à travers les différentes modalités. L’ampleur de ces activités multimodales (axe y) est corrélée significativement avec le score subjectif
du caractère saillant du stimulus incitant (axe x), indépendamment de sa modalité (adapté de [50] ).

(a) (b) (c) (d) (e)


(f)
(g)
G D (h)

h
g
f
e
d
Multimodal Somatosensoriel spécifique Nociceptive spécifique c
b
a

2.3 5.0 2.3 5.0 2.3 5.0

Figure 14. Réponses en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) blood-oxygen-level dependent contrast imaging (BOLD) évoquées par
stimulation nociceptive chez des sujets sains. Le sujet reçoit de brèves stimulations nociceptives (impulsion laser infrarouge) ou non nociceptives (stimulation
électrique transcutanée de faible intensité) appliquées sur le pied ou des stimulations auditives ou visuelles. Illustration au moyen de trois couleurs des régions
cérébrales qui expriment un signal BOLD significatif évoqué par stimulation nociceptive. Cet ensemble de régions cérébrales est parfois dénommé la « matrice
douleur » : il inclut les cortex somatosensoriels primaire (S1) et secondaire (S2), l’insula et le cortex cingulaire antérieur (CCA). Dans ces régions, des aires
multimodales répondant également aux trois autres types de stimulus non nociceptifs sont illustrées en jaune : elles incluent la majorité des composantes de
la « matrice douleur » telles que S2, l’insula et le CCA. Les régions qui répondent à la fois à des stimulations nociceptives et non nociceptives sont colorées
en bleu : elles incluent la partie médiale de S1. Les voxels épars qui ne répondent qu’aux stimulations nociceptives sont montrés en rouge.

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Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles  36-020-A-20

douloureuse ne reflète pas une activité spécifique, leur enregistre- Cette éventualité est prévenue chez l’organisme sain par la sti-
ment pourrait s’avérer un outil utile pour évaluer la souffrance mulation concomitante de nombreux champs inhibiteurs dont
chez des patients incapables de communiquer. Utilisant la TEP, l’action concourt à une atténuation de la réponse globale de la
Laureys et al. [60] ont examiné l’activité cérébrale de patients dans population (Fig. 5C).
un état végétatif, évoquée par stimulation électrique transcutanée Au total, l’organisation spatiale de la convergence des
du nerf médian avec une intensité qui provoque une perception influences excitatrices et inhibitrices joue probablement un rôle
douloureuse chez des sujets sains. Contrairement à ces derniers, essentiel dans l’élaboration physiologique des messages issus de
ils n’ont observé chez les patients une activation significative ces neurones. On conçoit que des processus pathologiques soient
qu’au niveau du mésencéphale, du thalamus et S1 controlatéral. capables de désorganiser complètement cet équilibre, notamment
Ce manque d’activité dans des structures corticales autres que S1 lorsqu’ils entraînent un déficit des contrôles inhibiteurs. Un tel
pourrait suggérer que le stimulus douloureux ne provoque pas déficit se traduit par le déclenchement d’une importante activité
de percept conscient chez ces patients. Dans une étude ultérieure neuronale par des stimulus anodins et, in fine, des phénomènes
chez des patients dans un état de conscience minimal, les stimulus d’allodynie, notamment par exemple sous sa forme dynamique
électriques ont évoqué un pattern d’activités cérébrales similaire déclenchée par le frôlement d’un morceau de coton, un symptôme
à ceux de sujets sains, incluant le thalamus, S1, S2, l’insula et caractéristique de certaines neuropathies.
le CCA, les patients dans un état végétatif permanent montrant Quels que soient les mécanismes précis qui régissent
une réduction significative d’activité dans ces régions [61] . Ces l’organisation des inhibitions segmentaires, ces dernières per-
résultats, comme d’autres réalisés en IRMf [62] , sont compatibles mettent d’expliquer les effets hypoalgésiques déclenchés par des
avec la possibilité de différencier par l’imagerie cérébrale fonction- méthodes physiques de stimulation – frottements, stimulation
nelle des groupes de patients dont les troubles de la conscience électrique, etc. – d’une surface corporelle voisine du foyer dou-
s’accompagnent de capacités différentes de ressentir la douleur. loureux. À son insu, tout un chacun sait utiliser ces mécanismes
lorsqu’il se frotte la peau avec énergie pour soulager la douleur
déclenchée par une piqûre. Ces méthodes font partie de l’arsenal
 Mécanismes de contrôle thérapeutique des médecines populaires traditionnelles.
de l’activité des neurones spinaux L’interaction entre les activités afférentes des fibres de gros et
de fin diamètre est connue de longue date, mais ce sont Mel-
impliqués dans la nociception zack et Wall [63] qui en ont proposé la formulation argumentée
la plus claire dans leur théorie du portillon (gate control theory of
La transmission spinale des messages nociceptifs est sous la pain). Selon cette théorie, la transmission des messages nociceptifs
dépendance d’influences excitatrices mais également inhibitrices. est réglée par un effet de balance entre les influences excita-
Ces phénomènes de modulation sont classés selon l’origine des trices et inhibitrices, et la douleur ne survient que lorsqu’il y a
mécanismes d’inhibition qui leur donnent naissance : il s’agit des rupture d’équilibre en faveur des messages excitateurs (soit par
contrôles segmentaires et des contrôles d’origine supraspinale. Ce excès de nociception, soit par déficit des contrôles inhibiteurs).
sont les mieux connus, mais cela ne signifie pas pour autant que À la manière d’un portillon, les cellules de la substance gélati-
ce soient les seuls, ni que seul l’étage spinal soit concerné. neuse réguleraient l’accès au cerveau du flot global d’informations
issu de la moelle. La mise en jeu des afférences de gros dia-
Contrôles segmentaires mètre augmenterait l’activité de ces interneurones, fermant ainsi
le portillon, tandis que l’activation des fibres fines les dépri-
Considérer la corne postérieure de la moelle comme un merait, déclenchant alors l’ouverture du portillon. Pour décrire
simple connecteur entre la périphérie et le cerveau serait mécon- complètement cette théorie, il faut ajouter que l’ensemble de ces
naître les mécanismes physiologiques d’intégration et de contrôle mécanismes était supposé soumis à des contrôles d’origine supras-
qui modifient profondément le message nociceptif initialement pinale, ces derniers étant déclenchés par l’activation des fibres de
encodé à la périphérie. Le système de la douleur ne se singu- gros diamètre.
larise pas en cela des autres systèmes sensoriels : d’importants Plusieurs points de cette théorie n’ont pas été confirmés sur le
mécanismes d’intégration régis par des phénomènes excitateurs plan expérimental, ce qui a conduit Wall à modifier le schéma
mais aussi inhibiteurs s’exercent concomitamment dès les pre- initial [9] . En dépit de nombreuses controverses que nous ne
miers relais. Il serait très préjudiciable à la compréhension des détaillerons pas ici, il faut bien reconnaître que cette théorie a
mécanismes sous-jacents de penser systématiquement « dou- suscité de nombreux essais thérapeutiques de neurostimulation
leur » lorsqu’on observe une excitation neuronale et « analgésie » à visée antalgique car elle apportait une base scientifique à des
lorsqu’on observe une inhibition. pratiques empiriques. Elle permettait d’expliquer les effets hypo-
L’activation des afférences cutanées de grand diamètre res- algésiques lors de stimulations électriques à haute fréquence et
ponsables des sensations tactiles, peut déprimer les réponses de faible intensité de nerfs périphériques (transcutaneous electrical
neurones spinaux aux stimulus nociceptifs. Il est généralement nerve stimulation [TENS]) [64] . Cependant, les observations cli-
admis que ces phénomènes sont déclenchés par l’activation des niques ne collent pas avec les observations expérimentales. Ainsi,
seules fibres A␤, mais c’est bien de l’activation de fibres A␦ que les effets analgésiques de la TENS s’installent lentement mais
résultent les inhibitions les plus puissantes. Ces effets, essentiel- peuvent durer bien au-delà de la période de stimulation. En
lement métamériques, dérivent directement des propriétés des revanche, les effets inhibiteurs observés expérimentalement sont
champs récepteurs des neurones de la corne postérieure dont immédiats et ne persistent pas au-delà de la période de stimula-
une partie est bien excitatrice, mais une autre inhibitrice (Fig. 4). tion ; en outre la stimulation doit dépasser le seuil d’activation
Appliquées sur cette dernière, des stimulations naturelles non des fibres A␦.
nociceptives mais répétitives inhibent les réponses déclenchées On peut obtenir des effets analgésiques extrasegmentaires plus
par stimulation de la partie excitatrice du champ récepteur. intenses lorsque l’on applique ce que l’on désigne parfois sous
Cette zone inhibitrice doit être considérée comme une le terme de TENS non conventionnelle (acupuncture-like TENS),
composante du champ récepteur global du neurone. Si l’on rai- caractérisée par une stimulation de basse fréquence et de forte
sonne ici encore en termes de population neuronale, il faudra intensité provoquant une contraction musculaire et mettant
tenir compte du recouvrement mutuel des champs excitateurs et également en jeu des mécanismes supraspinaux. Ces données sug-
inhibiteurs des neurones pour concevoir le rôle de l’organisation gèrent que différents mécanismes de contrôle sont impliqués dans
spatiale de la convergence dans l’élaboration de leurs messages [5] . les effets de la TENS, selon sa nature. Notons enfin, et cela est sans
L’organisation de ces champs (Fig. 5) permet en particulier doute essentiel, que l’indication clinique la plus fréquente de la
d’expliquer pourquoi l’application de stimulations non nocicep- TENS conventionnelle est la douleur neuropathique.
tives sur une grande surface corporelle n’active pas un grand La théorie du portillon médullaire a également suscité les tech-
nombre de neurones à convergence pour générer un faux mes- niques de stimulation médullaire (cordonale postérieure). L’idée
sage nociceptif, du moins dans des conditions physiologiques. de départ était de stimuler les cordons postérieurs pour activer

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36-020-A-20  Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles

antidromiquement les fibres A␤ qui inhibent les neurones des qu’on leur attribue car ils sont impliqués dans d’autres fonctions
cornes postérieures sous-jacentes. En réalité la stimulation médul- essentielles :
laire active également d’autres groupes de fibres qui agissent tant • le contrôle des fonctions motrices ;
sur les cornes postérieures qu’intermédiaires [65, 66] . • les états de vigilance ;
Il est probable que ces contrôles s’exercent par l’intermédiaire • le contrôle de la pression artérielle ;
d’acides aminés inhibiteurs comme la glycine ou l’acide ␥- • la thermorégulation [70] .
aminobutyrique (GABA) notamment parce que l’administration En fait, la RVM ne se projette pas seulement vers la corne pos-
intrathécale de leurs antagonistes (strychnine, bicuculline) à doses térieure de la moelle, mais aussi vers les motoneurones et les
subconvulsivantes provoque des phénomènes d’allodynie. La neurones sympathiques préganglionnaires de la colonne inter-
bicuculline agit sur les récepteurs GABAA mais l’administration médiolatérale. En réalité un même neurone de la RVM émet des
intrathécale d’un agoniste correspondant (muscimol) ne modi- collatérales vers différents niveaux rostrocaudaux de la moelle et,
fie pas le seuil nociceptif – ce n’est pas le cas des agonistes GABAB à un niveau donné, vers l’ensemble de la substance grise – posté-
(baclofène) dont les effets, quoique modestes, suggèrent un méca- rieure, intermédiaire et antérieure –.
nisme d’action sur la transmission nociceptive proprement dite –. Les neurones sympathiques préganglionnaires contrôlent les
Par ailleurs, les couches superficielles de la corne posté- fonctions cardiovasculaires et la thermorégulation, sous la double
rieure sont particulièrement riches en récepteurs opioïdes dont dépendance de la RVM et de la région rostrale ventrolatérale du
bon nombre sont situés sur les terminaisons des fibres affé- bulbe (rostral ventrolateral medulla [RVLM]), et non pas seulement
rentes primaires. Certains interneurones de ces mêmes couches de la seconde comme on le croit souvent. L’implication de la RVM
contiennent des ligands endogènes des récepteurs opioïdes, dans la thermorégulation a fait l’objet d’une intense recherche sur
notamment ceux qui sont dérivés de la proenképhaline A et de la la base de plusieurs modèles animaux dont la vasomotricité de la
prodynorphine (enképhalines, dynorphine). Si leur signification queue et de la face plantaire des pattes du rat. Cette dernière est
fonctionnelle reste encore obscure, leur efficacité potentielle est activée lorsque l’animal se refroidit, un phénomène déclenché par
démontrée sans ambiguïté puisque l’un des mécanismes respon- l’activation des neurones sympathiques de la colonne intermédio-
sables de l’analgésie morphinique résulte de la dépression directe latérale, eux-mêmes contrôlés par des neurones prémoteurs de la
de la transmission des messages nociceptifs dès l’étage médullaire. RVM [73] .
Dans des conditions stables de thermoneutralité, on observe
chez le rat des fluctuations cycliques de la vasomotricité des pattes
Contrôles d’origine supraspinale et de la queue [74] (Fig. 16A). Ces variations sont corrélées avec les
activités des neurones de la RVM [71] (Fig. 16B). L’ordre chronolo-
Les contrôles d’origine supraspinale sont principalement exer- gique des variations est le suivant : température centrale → cellule
cés depuis le tronc cérébral. Les contrôles d’origine thalamique, on → cellule off ∼ pression artérielle → fréquence cardiaque →
hypothalamique et corticale sont moins bien connus. La stimu- température cutanée → température centrale. Ces variations ont
lation de la SGPA ou de la RVM est capable de rendre l’animal d’importantes conséquences sur les temps de réaction déclenchés
insensible à la douleur sans affecter, semble-t-il, les autres fonc- par chaleur radiante dans les tests nociceptifs qui sont inverse-
tions sensorielles. Cette analgésie pourrait résulter de l’activation ment proportionnels aux variations de température cutanée, ce
de voies inhibitrices descendantes qui bloquent la transmission qui les rend covariants avec la pression artérielle, mais légèrement
spinale des messages nociceptifs, en libérant la sérotonine et les décalés [71, 75] (Fig. 16C).
opioïdes endogènes dans les couches superficielles de la corne pos- La morphine déclenche bien le blocage de l’activité des cel-
térieure. De très nombreux travaux ont été consacrés à ce système. lules on et une forte activation des cellules off [67–69] . Mais ces
Les axones des neurones issus de la RVM cheminent dans les funi- effets sont accompagnés d’une activation sympathique caractéri-
culus postérolatéraux de la moelle. Deux catégories principales de sée par la vasoconstriction de la queue et des pattes postérieures,
neurones, dites on et off, ont été mises en évidence dans la RVM : l’augmentation de la température centrale et l’amortissement de
• ils sont respectivement activés ou inhibés par une stimulation la variabilité des paramètres cardiovasculaires [72] . Ces effets sont
nociceptive ; renversés par la naloxone et contrecarrés par le blocage fonc-
• leurs activités spontanées, irrégulières, sont en opposition de tionnel de la RVM. Les effets de la morphine sur certains tests
phase. nociceptifs ne peuvent donc être (ou pas seulement) interprétés
Ces deux types neuronaux appartiendraient à une boucle de en termes d’analgésie. On est contraint de conclure que la théo-
rétroaction positive spino-bulbo-spinale (Fig. 15). Les cellules rie du contrôle bulbospinal de la nociception (Fig. 15) doit être
on, supposées excitatrices sur les neurones spinaux, faciliteraient reconsidérée, et que les cellules on et off doivent être réétudiées
directement le système de transmission des messages nociceptifs ; dans un cadre plus vaste incluant le système nerveux végétatif. À
les cellules off, supposées inhibitrices sur les neurones spinaux, l’instar de toutes les fonctions essentielles, la douleur n’échappe
faciliteraient la transmission par un mécanisme de désinhibition. pas aux règles qui régissent l’homéostasie.
Ces mécanismes sont les pivots de certaines théories de la dou-
leur [67–69] . Cette hypothèse a semblé confortée par le fait que la
morphine bloque l’activité des cellules on et active les cellules off :
la morphine serait analgésique en bloquant le double mécanisme Contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs
de rétroaction positive spino-bulbo-spinale.
Ce schéma très général doit être complété. On sait que la sti- Chez l’animal
mulation de nombreuses autres régions du tronc cérébral est La description de l’organisation segmentaire de l’information
capable d’inhiber la transmission spinale des messages nociceptifs nociceptive est très insuffisante pour rendre compte de l’ensemble
(quelques exemples : noyau réticulaire latéral, noyau du tractus des phénomènes qui envahissent la moelle avant d’atteindre
solitaire, groupe catécholaminergique A5, locus coeruleus, aire le cerveau pour déclencher la douleur. On constate, en effet,
parabrachiale, aire prétectale, hypothalamus latéral, noyau rouge, qu’un stimulus nociceptif met également en jeu des contrôles
substance noire, etc.). À cet égard, mentionnons plus particuliè- inhibiteurs descendants bulbospinaux, qui vont profondément
rement les voies agissant au niveau spinal par l’intermédiaire de modifier l’activité des neurones de la corne postérieure médul-
récepteurs adrénergiques ␣2 . laire et trigéminale pris dans leur globalité. Ces phénomènes ont
été dénommés contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN) [76] .
Les CIDN sont sous-tendus par une boucle complexe faisant
Contrôle de la douleur et contrôle intervenir des structures supraspinales (Fig. 17). À l’inverse des
de la thermorégulation inhibitions segmentaires, ils ne sont pas observés chez l’animal
dont la moelle a été préalablement sectionnée, au niveau cervi-
Ce schéma très général doit être confronté à des données cal par exemple. Les parties les plus caudales du tronc cérébral,
physiologiques intercurrentes. En effet, les neurones de la RVM notamment le subnucleus reticularis dorsalis, sont impliquées
pourraient jouer un rôle beaucoup moins spécifique que celui dans ce phénomène.

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Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles  36-020-A-20

Douleur

Mésencéphale
SGPA

Bulbe
+ –

RVM on off

Réflexe (tail-flick)
5 mV
On-cell Funiculus
1s postérolatéral
(a) (b)

Corne
postérieure
Off-cell + –

Stimulus nociceptif Réflexe


A B
Figure 15. Contrôle par la région rostroventrale du bulbe (RVM) de la transmission spinale des messages nociceptifs. Théorie proposée par Howard Fields
et al. [68–70] .
A. Cette hypothèse repose sur l’existence dans la RVM du rat de neurones activés (on) ou inhibés (off) juste avant la réponse à un stimulus nociceptif (indiqué
par une barre horizontale) (adapté de [71] ).
B. Ces deux types neuronaux sont supposés assurer une boucle de rétroaction positive : les cellules on activeraient (a) et les cellules off inhiberaient les
neurones de la corne postérieure (b). Ainsi la transmission spinale des messages nociceptifs serait-elle facilitée par un double mécanisme de rétroaction
positive : facilitation (a) et désinhibition (b). Comme la morphine inhibe les cellules on et active les cellules off, l’analgésie résulterait du blocage de ce
mécanisme de rétroaction. Cette interprétation doit être relativisée car ces neurones de la RVM sont des neurones sympathiques prémoteurs qui régulent la
vasomotricité des extrémités du rat [71, 72] . SGPA : substance grise périaqueducale.

Au total, un foyer nociceptif active un sous-ensemble seg- Chez l’Homme


mentaire de neurones à convergence de la moelle et inhibe Une seconde implication du modèle synthétisé sur la
le reste de la population. Ce mécanisme améliore le rapport Figure 17 est l’existence de phénomènes interactifs entre des
signal/bruit en augmentant le contraste entre les activités du foyer messages nociceptifs issus de territoires corporels éloignés et,
segmentaire de neurones activés et le silence de la population partant, d’interactions entre douleurs d’origine topographique
résiduelle (Fig. 18). Tout se passe comme dans une assem- distincte [76] . On sait qu’un stimulus douloureux est capable de
blée bruyante au sein de laquelle un intervenant ne se fera diminuer, voire de masquer la douleur issue d’un foyer situé
entendre qu’après avoir obtenu le silence. Les CIDN permettent sur une autre partie du corps. Ce phénomène est connu depuis
d’obtenir un tel silence parmi les neurones spinaux. Inverse- l’Antiquité comme en témoigne l’aphorisme d’Hippocrate selon
ment, le brouhaha ou le chahut ne permettent pas de faire taire lequel « De deux souffrances survenant en même temps, mais sur
l’intervenant, mais brouillent suffisamment son message pour des points différents, la plus forte fait taire la plus faible ». C’est
ne plus l’entendre. C’est ce que fait la morphine : les CIDN sur la base de cette observation clinique simple, redécouverte de
sont extrêmement sensibles à l’administration de faibles doses de façon cyclique à différentes époques, parfois spontanément mise à
morphine. profit par les patients, qu’ont été développées, au sein des méde-
La puissance des CIDN dépend du volume global d’information cines populaires ou à la marge de la « médecine officielle », de
nociceptive adressé par la moelle au système nerveux central. nombreuses méthodes thérapeutiques à visée antalgique que l’on
Qu’en est-il lorsque la taille du foyer nociceptif augmente ? peut regrouper sous le terme anglo-saxon de contre-irritation ou
L’application d’un stimulus nociceptif sur une surface corporelle contre-stimulation [80, 81] .
croissante provoque deux effets opposés sur les neurones : pour L’existence des CIDN permet d’expliquer certaines observa-
des surfaces restreintes, inférieures à deux fois environ celles tions a priori paradoxales. On traitait autrefois certaines douleurs
de leur champ cutané excitateur, la fonction de transfert est cancéreuses bien latéralisées par une cordotomie antérolatérale
accélératrice, mais au-delà, les réponses sont progressivement controlatérale. Parmi les échecs de cette intervention figurent
contrecarrées [77] . Ces observations permettent d’expliquer le fait des cas où l’analgésie provoquée par la cordotomie s’accompagne
que chez l’homme, une stimulation thermique nociceptive appli- de l’apparition soudaine d’un foyer douloureux jusque-là ignoré,
quée sur une surface croissante ne provoque une augmentation sans doute parce qu’il était occulté par la présence du foyer prin-
de la sensation douloureuse que dans une plage restreinte de cipal maintenant soulagé [82] .
surfaces (≤ 15 cm2 ) ; au-delà, on constate une saturation des phé- L’enregistrement d’un réflexe nociceptif offre l’opportunité de
nomènes de sommation spatiale [78] . D’une façon plus générale, vérifier scientifiquement chez l’Homme l’impact médullaire d’une
ces observations pourraient constituer le reflet expérimental de stimulation hétérotopique. Les stimulations nociceptives hétéro-
la difficulté clinique à établir un parallèle entre l’étendue appa- topiques (somatiques ou viscérales) inhibent un réflexe de flexion
rente d’une lésion et l’intensité de la douleur ressentie par le évoqué par stimulation du nerf sural, le réflexe RIII [76] . L’étude
patient [79] . de ces phénomènes chez des patients atteints de lésions du

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36-020-A-20  Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles

Activation Figure 16. Vasomotricité cyclique d’un rat en


Inhibition Activation
sympathique sympathique thermoneutralité et ses conséquences sur le temps
sympathique
de réaction d’un réflexe déclenché par la cha-
leur radiante. Schéma illustrant la chronologie des
A événements et le décalage des variables avec les
(a)
Consigne périodes d’activation (fond bleu) et d’inhibition
Température supérieure (fond rouge) du système sympathique. Les parties
centrale non hachurées correspondent aux périodes dont
(a’) le déroulement est stéréotypé. Les parties hachu-
Consigne
inférieure rées correspondent aux périodes dont la durée
~ 5 min ~ 5 min est plus variable. Les températures de consigne
sont indiquées par des points rouges (activation)
Pression et bleus (inhibition). L’activité des cellules on est
(b)
artérielle prise comme référence temporelle car elle est la
Fréquence première variable à réagir dans un cycle.
cardiaque (b’) A. Régulation de la température centrale par la
vasomotricité périphérique. Lorsqu’une certaine
température est atteinte (a), on constate une
baisse de pression artérielle et de fréquence car-
(c’) diaque (b), associée à une vasodilatation cutanée,
tant au niveau de la queue que des pattes posté-
rieures, ce qui entraîne une augmentation de la
Température température cutanée en 2 à 3 minutes (c). Il en
cutanée résulte une augmentation de la déperdition ther-
(c)
mique conduisant à la baisse de la température
~ 2-3 min ~ 2-3 min centrale au bout de cinq minutes environ (d).
B. Implication des cellules on et off. Lorsque la
température centrale de consigne est atteinte, on
(d) observe également une activation des cellules on
(a) suivie de l’inhibition des cellules off (b). Le sys-
Température
tème sympathique est activé lorsque la chute de
centrale
température centrale atteint un niveau suffisant
(d’) (A.a’), ce qui produit les variations inverses (par-
tie droite de la figure) : augmentation de pression
~ 5 min ~ 5 min artérielle et de fréquence cardiaque (A.b’), vaso-
constriction cutanée (A.c’), augmentation de la
température centrale (A.d’). Ces variations sont
B accompagnées de la diminution de l’activité des
(a) cellules on (B.a’) et de l’augmentation de l’activité
des cellules off (B.b’).
C. Conséquences de ces variations sur la tail flick
Cellules (a’)
« on » latency (TFL). Cette dernière peut être calculée
en utilisant le modèle qui prend en compte la
puissance de la source de chaleur rayonnante, la
température cutanée initiale, la température cen-
trale et le niveau de stimulation sur la queue [75] .
(b) En première approximation, les variations de TFL
(b’) sont inversement proportionnelles aux variations
Cellules de température cutanée, ce qui les rend cova-
« off » riants avec la pression artérielle, mais légèrement
décalées [74] .

Temps de
réaction

système nerveux central a permis d’établir qu’ils impliquent une Utilisation des contrôles inhibiteurs diffus
boucle spino-bulbo-spinale dont la partie ascendante est consti- nociceptifs en clinique
tuée par le faisceau spinoréticulaire. De plus, chez l’Homme Une stimulation nociceptive appliquée sur une partie du corps
comme chez l’animal, il existe au moins un relais opioïdergique réduit la sensibilité à la douleur issue d’une région éloignée par
dans cette boucle. Chez des patients souffrant de neuropathies activation de mécanismes rétroactifs inhibiteurs. Ce paradigme est
provoquées par un traumatisme, l’allodynie déclenchée de façon désigné sous le label de modulation conditionnante de la douleur
statique (pression légère) inhibe la sensation et le réflexe RIII (MCD) [84] . L’efficacité de la MCD serait prédictive d’une variété
déclenchés par stimulation du nerf sural alors que, déclenchée de traitements antalgiques. L’atténuation de ce phénomène a été
de façon dynamique (effleurement), l’allodynie n’affecte que la associée avec le développement de syndromes douloureux chro-
sensation [83] . Les CIDN ne sont pas déclenchés par l’allodynie niques et pourrait donc révéler des dysfonctionnements dans les
dynamique. systèmes de contrôles descendants.

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Figure 17. Schéma de la boucle anatomique


des contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs
(CIDN). Les CIDN sont déclenchés par la mise
en jeu des fibres périphériques de petit calibre
(A␦ et C). Les voies ascendantes et descendantes
Télencéphale Douleur de la boucle sont localisées respectivement dans
le quadrant antérolatéral et dans les faisceaux
Douleur postérolatéraux (dorsolateral funiculus [DLF]). Les
structures cérébrales participant aux CIDN sont
Diencéphale localisées dans le subnucleus reticularis dorsalis
(SRD) situé dans la partie caudale du bulbe. Un
foyer douloureux A active les neurones de la
corne postérieure (1) qui envoient leurs messages
Mésencéphale via le quadrant antérolatéral vers les centres
supérieurs (2), notamment le SRD. Ce signal
déclenche les CIDN (3), contrôles descendants
qui cheminent dans les DLF pour inhiber les neu-
Pont rones à convergence sous-jacents, notamment
au niveau 4 activés par le stimulus B. Si A et
A B sont deux foyers douloureux, les sensations
résultantes dépendront de la pondération des
Stimulus
informations nociceptives initiales.
nociceptif
conditionnant
SRD Bulbe

2
CIDN
B 3

Stimulus
conditionné
DLF DLF

Fibres Aδ et C
1

Quadrant
antérolatéral

Racine
dorsale

Quadrant
antérolatéral

Quelle que soit la méthode utilisée, elle doit nécessairement chroniques tels que la fibromyalgie, le côlon irritable, la cystite
incorporer un stimulus nociceptif conditionnant tonique (par interstitielle, le syndrome temporomandibulaire, les céphalées de
exemple bain d’eau glacée ou très chaude, tourniquet ischémique, tension et la migraine [88–91] . Quoique les déterminants neurophy-
etc.) qui active le mécanisme rétroactif inhibiteur et un stimu- siologiques de la MCD soient non élucidés, les CIDN semblent y
lus nociceptif test phasique (par exemple piqûre, stimulus laser, jouer un rôle prépondérant.
stimulus électrique, etc.) qui évalue l’effet du stimulus condition- La réponse des sujets pourrait être influencée par des facteurs
nant. La réduction de la perception de l’intensité du stimulus test cognitifs et attentionnels qui orienteraient son attention vers le
mesure l’efficacité de la MCD. stimulus conditionnant et donc éloignerait son attention du sti-
Une augmentation ou absence de réduction dans la perception mulus test. L’interprétation de ces tests dans un contexte clinique
de l’intensité du stimulus test est interprétée comme un état de soulève une série de questions de fond du fait de leur grande
facilitation du système nociceptif. Cet état de facilitation consti- variabilité [92] et d’autres éléments tels que l’influence négative
tuerait un facteur de risque pour le développement de syndromes de la morphine, surtout à petite dose, sur le mécanisme des
douloureux chroniques [85] . L’inefficacité de la MCD a été associée CIDN [93] . Ces facteurs de variance rendent la valeur prédictive de
avec la sévérité de la douleur postopératoire et une consommation ce paradigme problématique et font que les caractéristiques cli-
accrue d’antalgiques durant cette période [86, 87] . On constate une nimétriques (sensibilité, spécificité, etc.) de ces tests restent mal
réduction de la MCD dans de nombreux syndromes douloureux définies.

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A B C D E
Figure 18. Interprétation hypothétique de l’activité globale de l’ensemble des neurones de la corne postérieure de la moelle et du noyau caudalis du
système trigéminal.
A. Au repos, cette activité n’est pas négligeable dans son ensemble, de telle sorte qu’une information somesthésique de base est envoyée vers le cerveau.
B. Un foyer nociceptif active les neurones de la corne postérieure qui à leur tour envoient un message excitateur vers les centres cérébraux.
C à E. Ce dernier déclenche les contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs qui inhibent les neurones spinaux qui n’étaient pas concernés directement par le
stimulus nociceptif initial et, par conséquent, annule le bruit de fond que constituait l’activité somesthésique de base pour rendre le foyer nociceptif plus
saillant (C). Dans cette hypothèse, la douleur est soulagée par augmentation du bruit de fond (D) et/ou par diminution du signal excitateur (E).

 Conclusion [9] Wall PD. The gate control theory of pain mechanisms: a re-examination
and re-statement. Brain 1978;101:1–18.
[10] Wall PD. The presence of ineffective synapses and the circum-
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sont autant de pistes prometteuses pour une meilleure compré- [11] Herrero JF, Laird JM, Lopez-Garcia JA. Wind-up of spinal cord neu-
hension des réseaux de signalisation cellulaires et la découverte rones and pain sensation: much ado about something? Prog Neurobiol
de nouveaux médiateurs impliqués dans la physiopathologie de la 2000;61:169–203.
nociception et tout particulièrement dans le domaine de la dou- [12] Foreman RD, Garrett KM, Blair RW. Mechanisms of cardiac pain.
leur chronique. Les techniques de génotypage en combinaison Compr Physiol 2015;5:929–60.
avec des profilages cliniques performants comme les machines [13] Gebhart GF, Bielefeldt K. Physiology of visceral pain. Compr Physiol
à vecteurs de support (support vector machine) et des modèles 2016;6:1609–33.
expérimentaux valides vont probablement contribuer à mettre [14] Arendt-Nielsen L, Svensson P. Referred muscle pain: basic and clinical
en œuvre les moyens thérapeutiques les plus adéquats pour un findings. Clin J Pain 2001;17:11–9.
patient donné. Par conséquent, il en va de la responsabilité des [15] Torebjörk HE, Ochoa JL. Specific sensations evoked by activity
cliniciens et chercheurs d’examiner les patients avec le plus grand in single identified sensory units in man. Acta Physiol Scand
soin et de rapporter minutieusement leurs observations. 1980;110:445–7.
Cependant, même envisagée sous un angle biologique, il res- [16] Mackenzie RA, Burke D, Skuse NF, Lethlean AK. Fibre function and
perception during cutaneous nerve block. J Neurol Neurosurg Psychia-
tera essentiel de toujours considérer la douleur dans un contexte
try 1975;38:865–73.
plus vaste qui englobe un ensemble de sous-systèmes – immu- [17] Craig AD, Bushnell MC. The thermal grill illusion: unmasking the
nitaire, moteur, végétatif, sensoriel, émotionnel, motivationnel, burn of cold pain. Science 1994;265:252–5.
etc. – qu’une approche réductionniste ne peut étudier globale- [18] Prescott SA, Ma Q, De Koninck Y. Normal and abnormal coding of
ment. L’ampleur de ce contexte doit rester présente à l’esprit de somatosensory stimuli causing pain. Nat Neurosci 2014;17:183–91.
quiconque porte son regard sur un patient douloureux. [19] Ma Q. Population coding of somatic sensations. Neurosci Bull
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A. Mouraux.
L. Plaghki.
Institut des neurosciences, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique.
D. Le Bars (daniel.le bars@upmc.fr).
Sorbonne Universités, Université Paris VI, 75005 Paris, France.
Institut national de la santé et de la recherche médicale UMRS-1130, Neurosciences Paris-Seine, Centre national de la recherche scientifique UMR-8246, Paris,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mouraux A, Plaghki L, Le Bars D. Physiologie de la douleur : mécanismes centraux et contrôles.
EMC - Anesthésie-Réanimation 2018;15(3):1-22 [Article 36-020-A-20].

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