Chapitre 21 – Les infractions spécifiques du droit pénal des affaires
Eléments du référentiel
6. Droit pénal des groupements d’affaires
6.1. Infractions générales du droit pénal des affaires
Compétences attendues
- Identifier la responsabilité pénale du CAC
6.2 Les infractions de droit commun applicables aux affaires et les infractions spécifiques du droit pénal des société et groupements d’affaires
Compétences attendues
- Repérer et nommer les éléments constitutifs de chaque infraction.
- Distinguer les infractions de droit commun des infractions spécifiques.
A côté des infractions générales prévues dans le code pénal et étudiées dans le chapitre précédant, le législateur a également prévu des infractions spécifiques au fonctionnement des sociétés, qui sont inscrites directement dans le code de commerce (I.) Par ailleurs, le législateur a prévu également un certain nombre d’infractions liées à la mission du CAC (II.)
I. Les infractions liées au fonctionnement des sociétés
Infractions Abus des biens et du crédit de la société = « abus de biens sociaux »
Cette infraction est prévue par les articles L.241 à L.244 du code de commerce.
L’abus de biens sociaux sanctionne « le fait pour les dirigeants d’une société, de
faire, de mauvaise foi, un usage des biens ou du crédit de la société qu’ils savent
contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou
Elément indirectement ».
légal
Par dirigeants, on entend :
- Les gérants de SARL
- Le président et les DG des SAS
Les dirigeants de droit sont concernés, tout comme les dirigeants de fait. De plus, toute personne ayant apporté son aide au dirigeant peut être soumis aux mêmes peines que lui, en qualité de complice (membres du CS, CAC…).
Par contre, ce délit n’existe pas dans les sociétés à risque illimité.
Elément
matériel
L’élément moral comporte ici deux parties :
- Le dirigeant doit être de mauvaise foi, ce qui signifie qu’il doit avoir conscience
Elément du caractère frauduleux de ses actes (durée, répétition dans le temps…)
moral - Le dirigeant doit également agir à des fins personnelles (ou pour favoriser une
autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé), pour s’enrichir,
augmenter sa notoriété…
Exemples
Ce délit est réprimé par 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende. De plus
des peines complémentaires sont souvent prononcées contre les dirigeants fautifs :
confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction, interdiction de gérer…La
tentative n’est pas punissable.
Remarque : Les sanctions passent à 7 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende
Sanctions lorsque l’infraction a été réalisée à partir de comptes ouverts ou de contrats conclus
prévues avec des organismes étrangers, ou avec l’interposition de personnes physiques ou
morales situées à l’étranger.
D’autre part, l’abus de biens sociaux peut aussi donner lieu à des réparations civiles,
puisque la société à subi un préjudice. L’action sociale ( ut universi, ut singuli, ut
plures) est donc tout à fait envisageable, mais pas en principe l’action individuelle
(seule la personne morale a subi un préjudice).
6 ans, à compter de la présentation des comptes annuels aux associés dans lesquels
Prescription figurent les dépenses indûment mises à la charge de la société. En cas de
dissimulation, le délai court à partir de la découverte des faits.
- Le statut pénal du CAC
- L’abus de biens et du crédit de la société
- La distribution de dividendes fictifs
Présentation ou publication de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle
Le code de commerce, dans les mêmes articles que pour l’abus de biens sociaux,
sanctionne les dirigeants qui, « même en l’absence de toute distribution de
dividendes, de présenter aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour
chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la
situation financière et du patrimoine à l’expiration de cette période en vue de
dissimuler la véritable situation de la société ».
- Les administrateurs, directeurs généraux d’une SA avec CA
- Le gérant de SCA
L’élément moral consiste ici en la volonté de masquer la véritable situation de la
société.
Ce délit est réprimé par cinq ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende, des
peines complémentaires étant également possibles. La tentative n’est pas
punissable.
Une action au civil est également possible :
- Au nom de la société, qui a subi un préjudice du fait de la publication des
comptes (action sociale)
- De manière individuelle (cas d’un actionnaire qui aurait acquis des titres en se
fondant sur les données comptables, d’une banque qui aurait accordé un
emprunt…)
6 ans à compter de la présentation ou de la publication des comptes inexacts.
Savoirs associés
Savoirs associés
- La présentation ou publication de bilan ne donnant pas une image fidèle
- La surévaluation des apports
Distribution de dividendes fictifs
Le code de commerce, dans les mêmes articles que pour l’abus de biens sociaux,
sanctionne « les dirigeants qui opèrent entre les associés ou actionnaires la
répartition de dividendes fictifs, en l’absence d’inventaire ou au moyen
d’inventaires frauduleux ».
- Les membres du directoire et du CS d’une SA avec CS
Le dirigeant doit avoir conscience de distribuer des dividendes fictifs, ce qui peut
être prouvé par le fait qu’il n’a pas réalisé d’inventaire ou a falsifié l’inventaire en
connaissance de cause.
La distribution de dividendes fictifs est un délit réprimé par 5 ans d’emprisonnement
et 375 000 € d’amende. De plus des peines complémentaires sont souvent
prononcées contre les dirigeants fautifs, interdiction de gérer…La tentative n’est pas
punissable.
D’autre part, la distribution de dividendes fictifs peut aussi donner lieu à des
réparations civiles par l’action sociale, ou éventuellement par une action individuelle
(associé qui se plaint de la chute de la valeur de ses titres par exemple).
Evidemment, les associés peuvent être contraints de restituer les sommes perçues
indûment.
6 ans, à compter du jour où les dividendes fictifs ont été mis à disposition des
associés.
- Les infractions remettant en cause le bon déroulement de la mission du CAC
Surévaluation des apports
Lors de la constitution d’une société (ou plus tard sur augmentation de capital), un
apporteur en nature peut avoir intérêt à surévaluer son apport afin d’obtenir un plus
grand nombre de titres sociaux, au préjudice des associés et des tiers.
Dès lors le code de commerce sanctionne « le fait, pour toute personne, de faire
attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ».
(art. L241-3 pour les SARL, art. L242-2 pour les sociétés par actions).
Les sociétés visées sont les SARL, SA, SAS et SCA.
Par « toute personne », il faut entendre l’apporteur lui-même, mais aussi les
dirigeants ou le CAA qui peuvent se rendre complices de cette infraction.
La personne à l’origine de la surévaluation de l’apport en nature doit être de
mauvaise foi, mentir sur l’évaluation afin d’en retirer un avantage
La surévaluation des apports est punie :
- Dans les SARL par 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende
- Dans les sociétés par actions de 5 ans d’emprisonnement et 9 000 € d’amende
La tentative n’est pas punissable.
6 ans à compter de la découverte de la surévaluation.
 II. Les infractions liées à la mission du CAC
Approfondissement – D’autres infractions liées aux sociétés
Dans le cadre général de la mission du commissaire aux comptes le code de commerce (article 820) a été amené à prévoir un certain nombre d’infractions :
Délits Définition Sanctions*
Des infractions liées au CAC lui-même, qui commet des fautes Des infractions à l’exercice de la profession de Des infractions causées par les dirigeants sur le CAC, Il s’agit du fait pour le gérant d’émettre des valeurs mobilières (à l’exception des 6 mois de prison
dans l’exercice de ses fonctions CAC (protection de la profession) l’empêchant d’exercer sa mission Emission de valeurs mobilières
obligations, autorisées sous conditions) 9 000 € d’amende

241 code de
commerce)
SARL (art.
Non établissement des C’est la situation où le gérant ne rédige pas l’inventaire, les comptes annuels et/ou le 9 000 € d’amende
a. Le CAC, auteur ou complice d’infractions documents annuels rapport de gestion
Non présentation des L’infraction concerne le gérant qui ne soumet pas les documents annuels précités aux 9 000 € d’amende
Avant toute chose, le CAC peut toujours poursuivi en tant que complice des infraction commises par les dirigeants, s’il les a facilitées lors de sa mission. documents annuels associés
Dans les SA, les fondateurs ou les dirigeants émettent ou négocient de nouvelles 150 000 € d’amende,
Cependant, le CAC étant un professionnel dont une des qualités est l’honorabilité, le législateur a souhaité sanctionner plus durement certains comportements par des infractions actions alors que : doublée en cas d’appel
spécifiques : Infraction à l’émission/ à la
- Les actions de numéraire n’ont pas été libérées d’au moins la public à l’épargne
négociation d’actions
moitié de leur valeur
Délits Définition Sanctions

SA (art. 242 code de commerce) **

Confirmation d’informations
mensongères
Non-révélation de faits délictueux
au procureur
Violation du secret professionnel
Par ailleurs, pour ces infractions, le CAC s’expose également à voir engager sa responsabilité professionnelle : la compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) pourra
prononcer contre lui un blâme, une exclusion…
b. L’exercice illégal de la mission de CAC
- Ou que les actions d’apport n’ont pas été intégralement libérées
Elément légal : Art. 820-7 du code de commerce Non établissement des L’infraction concerne le président, les administrateurs ou directeurs généraux qui 9 000 € d’amende
Elément matériel : Est puni le fait, pour le CAC, de donner ou de confirmer dans son rapport des fausses 5 ans de prison documents annuels n’établissent pas l’inventaire, les comptes annuels et/ou le rapport de gestion
informations sur la situation de la société. 75 000 € d’amende Non présentation des Il s’agit du fait pour le président ou les administrateurs, de ne pas soumettre à 6 mois de prison
Elément moral : le CAC doit avoir agi sciemment documents annuels l’approbation de l’AG les comptes annuels et le rapport de gestion 9 000 € d’amende
Elément légal : Art. 820-7 du code de commerce Peut être condamné : 2 ans de prison
Elément matériel : Est puni le fait, pour le CAC, de ne pas révéler au procureur les faits délictueux dont il a eu 5 ans de prison - Le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une AG 9 000 € d’amende
connaissance au cours de sa mission 75 000 € d’amende Organisation frauduleuse des
- Le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour
Elément moral : le CAC doit avoir agi en connaissance de cause AG***
voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le
Elément légal : Art. 822-15 du code de commerce/Art.226-13 du code pénal fait d'accorder, garantir ou promettre ces avantages
Elément matériel : Est puni le fait, pour le CAC ou pour ses collaborateurs, de ne pas garder le secret sur les Le président, les administrateurs ou le CAC ne doivent pas donner ou confirmer des 2 ans de prison 18 000 €
faits, actes ou renseignements dont il a eu connaissance au cours de sa mission. 1 an de prison Infraction liée à l’augmentation
indications inexactes dans les rapports présentés à l’AG chargée de décider la d’amende
Elément moral : la personne doit avoir agi en connaissance de cause 15 000 € d’amende de capital
suppression du droit préférentiel de souscription
Remarque : le CAC est libéré du secret professionnel lorsque les circonstances l’exigent – déclenchement de
Infraction liée à la réduction de Il s’agit du fait, pour le président ou les administrateurs, de procéder à une réduction 30 000 € d’amende
l’alerte, révélation de faits délictueux au procureur notamment.
capital du capital social sans respecter l'égalité des actionnaires
*Pour toutes ces infractions, des peines complémentaires sont également applicables
**Ces infractions sont prévues pour les SA avec CA, elles s’appliquent également aux SA avec CS, et -avec quelques adaptations, aux SCA et SAS
*** Les mêmes peines sont prévues également pour les assemblées d’obligataires

Délits Définition Sanctions

Exercice illégal de la profession
Exercice de la profession malgré
une incompatibilité
Elément légal : Art. 820-5 du code de commerce
Elément matériel : Est puni le fait, d’user du titre de CAC ou d’exercer cette profession sans en remplir les
1 an de prison
conditions (sans diplôme, sans inscription à la CNCC) ou le fait pour un CAC de continuer à exercer malgré une
15 000 € d’amende
suspension ou interdiction.
Elément moral : la personne doit avoir agi en connaissance de cause
Elément légal : Art. 820-7 du code de commerce
6 mois de prison 7500
Elément matériel : Est puni le fait, pour le CAC, d’accepter une mission malgré une incompatibilité légale
€ d’amende
(exemple : un CAC accepte une mission dans une société où son frère est le dirigeant)
Sanctions prof.
Elément moral : le CAC doit avoir agi en connaissance de cause

c. Les obstacles à la mission du CAC

Il s’agit ici de délits commis par les dirigeants pour empêcher le CAC d’exercer sa mission normalement.

Délits Définition Sanctions

Non désignation ou convocation du
CAC
Entrave à la mission du CAC
Elément légal : Art. 820-4 du code de commerce
Elément matériel : Il s’agit pour le dirigeant :
- De ne pas nommer un CAC alors que la structure qu’elle dirige répondait aux critères de nomination
2 ans de prison
obligatoires
30 000 € d’amende
- Ou, la structure étant contrôlée par un CAC, de ne pas convoquer celui-ci lors d’une assemblée générale
Elément moral : l’omission du dirigeant constitue l’élément moral, peu importe s’il est réellement
intentionnel ou pas.
Elément légal : Art. 820-4 du code de commerce
Elément matériel : Peut-être punie toute personne appartenant à une entité contrôlée par un CAC (dirigeant, 6 mois de prison 7500
salarié…) et qui fait obstacle aux contrôles ou aux vérifications du CAC. (Exemple : le dirigeant qui refuse de € d’amende
communiquer au CAC des pièces justificatives) Sanctions prof.
Elément moral : La personne doit avoir agi intentionnellement